Christo & Jeanne Claude | Mémoire

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CHRISTO

&

JEANNE-CLAUDE




4 / Chisto et Jeanne-Claude


Sommaire 6-7 Biographie 8 Pratique et Travaux 9 9 11 17 17 18 18 21

L’inspiration Le financement des projets Le travail Les matériaux utilisés Le respect des lieux Les ouvrages et documentaires Le bouleversement de notre réel habituel L’implication des habitants

22 Analyse d’un travail 23 23 24 24 25 26 26 26 27

Le Pont-Neuf emballé Durée de l’installation Le Pont-Neuf, un monument historique Les problèmes d’autorisation L’objet recouvert Les jeux de lumière La massivité d’un pont / la légèreté d’un tissus Un objet non-fini Un emballage éphémère

28 Réflexion

30 31 36

Réutiliser le quotidien pour faire réagir Un art destructif Le graffiti, une peinture illégale pour véhiculer des idées

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«

Je croyais apprendre à vivre, j’apprenais à mourir. Christo

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»


Biographie 1935

1972

13 Juin : Naissance de Christo Javacheff à Gabrovo en Bulgarie.

Le rideau dans la vallée (valley curtain), colorado de 1970 à 1972 D’une largeur de 381-417 mètres, d’une hauteur de 56-111 mètres, 18 500 m² de tissus de nylon polyamide utilisé, 49 500 kilos d’amarres d’acier et 800 tonnes de béton.

1952-1956 Il fait ses études à l’académie des beauxarts de Sofia. Arrivée à Pragues.

1956

1976

Etudes à l’académie des beaux-arts de Vienne.

La barrière qui court (Running Fence), Californie de 1972 à 1976, d’une hauteur de 5,5 mètres et courant sur 40 kilomètres.

1957

1983

Arrivée à Paris : Débute ses empaquetages avec des objets. Rencontre de Jeanne-Claude, sa future femme.

Les îles encerclées (Surrounded Islands), Floride de 1980 à 1983, 557 400 m² de toile rose de polypropylène tissée.

1958 Arrivée à New York où il y fait une installation : Store Front.

1964 Fontaine empaquetée et Tour médiévale empaquetée. Mastaba de 1240 barils de pétrole, et deux tonnes de foin en meule.

1968

1991 Les parasols (The Umbrellas), Japon et États-Unis de 1984 à 1991.

1985 Le Pont-Neuf empaqueté (Le Pont-Neuf Wrapped), Paris de 1975 à 1985.

1992 Au dessus de la rivère (Over the River), projet en cours.

2005

La côte empaquetée (Wrapped Coast), Little Bay, cent mètres carrés (tissus antiérosion et soixante kilomètres de corde.), Sydney, Australie.

Les portes (The Gates), Central Park, New York City de 1980 à 2005.

1969

2009

Empaquetage du Reichstag (Wrapped Reichstag) à Berlin.

Décès de Jeanne-Claude.

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Pratique & Travaux

«

Ci-dessus, Christo et Jeanne-Claude Running Rence Dessins préparatoires.

d’une certaine manière le tissus a une existence comparable à notre peau, ou aux feuilles d’un arbre. Les feuilles de l’arbre tombent, et notre peau peut se rompre. Christo

»

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L’inspiration Christo est un artiste contemporain qui se rapproche d’artiste comme César, Duchamp, Niki de Saint Phalle, Rotella, puisqu’il combine l’industrie et l’art et s’inscrit dans le courant du Nouveau Réalisme. Ses travaux sont le reflet des progrès techniques du XXe siècle et de l’âge industriel avec l’âge post-industriel, intégrés dans la nature ou des lieux historiques forts. Il emballe, encercle, introduit ses installations in situe pour une durée de vie limitée (quelques semaines) et les retirent par la suite.

Le financement des projets Christo finance ses gigantesques projets par la vente des croquis préparatoires qu’il fait de chaque œuvre. Ainsi, les expositions organisées attirent collectionneurs et foule venus nombreux pour assister à l’évènement. Sans gêner la vie quotidienne, les Christos font de « l’interactivité verbale avec le public » tout en cherchant à souligner la variété des beautés étonnantes, subtiles et dramatiques des différents lieux traversés. Christo et Jeanne-Claude Over the River Projet en cours.

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Christo et Jeanne-Claude Wrapped Coast.

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Christo et Jeanne-Claude Valley Curtain 1972.


Christo et Jeanne-Claude Running Rence 1976.

Le travail Wrapped Coast ou La Côte Empaquetée, est une zone de falaises surnommée Little Bay à quinze kilomètres du centre de Sydney. Cette installation recouvrait deux kilomètres en longueur et a nécessité 100 000 m² de tissus anti-érosion ainsi que 60 km de corde polypropylène pour le maintient de l’empaquetage. Wrapped Coast, très impressionnante par son envergure, nous apprend à mieux observer notre environnement. En effet, les Christos camouflent dans le but de nous interroger sur le contenu de ce qui est empaqueté.

la route 325 sur une distance 417 m à une hauteur de 110 mètres. Les câbles, qui le maintenaient en place, avaient une portée de 417 m, pesaient 50 tonnes et étaient fixés à 800 tonnes de fondations de béton : un travail gigantesque pour une préparation de 28 mois. Pendant sa période d’exposition, il n’a gêné nullement la circulation des usagers de la route 325 ainsi que des promeneurs puisque l’ouverture suffisante pour permettre leurs passages. Ce projet a débuté en 1970 et s’est enfin réalisé le 10 août 1972 grâce à un groupe de 35 ouvriers et 64 intérimaires dont beaucoup d’étudiants en art, de collégiens. Ainsi, l’artiste souhaite que ses œuvres soient temporaires car pour lui cela donne plus d’énergie aux projets et intensifie nos réactions. Cependant, dès que Christo a effectué un projet quelque part, son nom reste à tout jamais dans les mémoires par le travail gigantesque effectué et la dimension sociale de ses œuvres. Par cette installation, les Christos opposent comme pour Wrapped Coast, le tissus, un matériau délicat fragile issu des progrès technologiques, à la massivité de la roche. Valley Curtain nous rappelle certaines structures fonctionnelles crée par l’homme (murs, liChristo et Jeanne-Claude Ocean Front 1974.

Valley Curtain ou Le Rideau dans la Vallée témoigne de la variété du travail des Christos à savoir qu’ils ne travaillent pas qu’avec l’empaquetage. Ce rideau de 18 500 m² en tissus de nylon orange se dressait entre deux vallées à 11 km au nord de Rifle, sur

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Christo et Jeanne-Claude Installation du projet Running rence.

Christo et Jeanne-Claude The Gates.

mites, rideaux...). Ce rideau colossal n’est pas resté bien longtemps installé. En effet, il était nécessaire de le démonter le 11 août en raison de rafales de vents de 100 km/h.

Ocean Front ou Le Rivage de l’Océan a été installé pendant une durée très courte de huit jours étant donné que le travail de montage était titanesque. Cette toile blanche de 13 934 m² a recouvert la surface de l’eau de la baie de King’s Beach à Rhode Island. Les Christo laissent ici opérer la nature sur leur travail puisque le tissus semble se plisser et devenir transparent au contact des vagues. Running Rence ou La Barrière qui Court a nécessité quarante-deux mois d’effort car ce projet posait problème au niveau de l’influence sur l’environnement. Le 10 septembre 1976, au nord de San Fransisco, dans les comtés de Sonoma et de Marin, les Christos faisaient serpenter la barrière sur quarante kilomètres de long sans gêner le passage des voitures, du bétail ou de la faune et mesurait cinq mètres de haut. Ce projet fait penser à la grande muraille de Chine et c’est un hasard que cela coïncide avec le jour de la mort de Mao Tsé-Toung (dictateur Chinois) : ce qui a involontairement accru l’impact de l’œuvre. Son ossature semble dévoiler le relief des vallées, redessiner leurs contours en les mettant en valeur puisqu’elle serpente en respectant le paysage. L’irrégularité du tissus accroche la lumière et donne un effet de mouvement, une « instabilité » à la barrière. L’environnement et le monde de l’homme sont ici en étroite cohabita-

tion. D’autre part, cette barrière artificielle reliant la terre à la mer et au ciel semble également être une métaphore du caractère arbitraire des frontières politiques et géopolitiques.

Wrapped Walk Ways ou Les Allées Recouvertes est la pose d’environ 13 870 m² de tissus de nylon couleur safran sur 10 670 m² de chemins et d’allées piétonnières. Il a fallut deux jours pour mettre en place ces gigantesques allées artificielles. Les promeneurs n’étaient en aucun cas perturbés par cette installation puisqu’elle tranformait juste leur espace quotidien mais ne les empêchaient pas de s’y promener. Ce tissus orangé réagit avec la surface inférieure du chemin suite aux plis dévoilés par le lumière. Même si le chemin en est Christo et Jeanne-Claude Surrounded Island 1983.

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masqué, on observe sa structure, son relief et ainsi on en devine ce qui est recouvert.

The Gates ou Les Portes est un projet qui a été installé en 2005 à Central Park à New York. Le 3 janvier, des ouvriers ont disposé 15 000 socles de métal, 5000 tonnes au total soit les deux tiers de l’acier utilisé pour construire la tour Eiffel. Le 7 février, la météo le permettant (un élément capital dans leurs installations), 600 manutentionnaires ont élevé les 7500 poriques de vinyle, haut d’environ cinq mètres. Le 12 février, grâce au temps clément, les toiles de nylon ont pu être déployées. C’était une série de cadre en tubes d’aciers espacés de 2,70 les uns des autres sur lesquels flottaient au vent des rideaux de toile orangés. Chaque poteau de portiques était rectangulaire et représentait la grille des blocs d’immeubles qui entourent Central Park. C’était pour être en harmonie avec le dessin sinueux des chemins du parc, que les Christo ont choisi de suspendre une toile suffisamment longue et souple qui puisse onduler au vent. À l’horizontale, ces rideaux

permettaient un lien entre les différentes portes et donnaient l’impression d’observer une rivière lumineuse. Lorsque le soleil brillait derrière les toiles, elles étaient d’un jaune doré. Les parties à l’ombre devenant presque rouges. » Là encore, le lieu n’a pas été choisi par hasard : les rideaux flottant au vent évoquent le sens du mouvement organique et semble contraster avec le quadrillage géométrique des blocs de Manhattan.

Surrounded Island ou Les Iles Encerclées est une installation effectuée sur onze îles entourées de 60 ha de tissus flottant. Ce gigantesque projet en symbiose avec son environnement est d’une étonnante beauté. Ici les Christos entreprenaient de border de toile 11 îlots artificiels qui servait surtout de décharges à ordures. En conséquence, 40 tonnes de déchets ont été retirés aux frais des artistes avant l’installation du projet. À partir d’avril 1981, une équipe d’avocats, d’ingénieurs de la marine, un entrepreneur, un spécialiste de la biologie marine, un ornithologue et un expert en

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mammifères se mettent au travail d’arrache pied pour réaliser ce projet. Ainsi, l’installation de ce tissus rose permettait de changer radicalement la perception du paysage et d’en améliorer son aspect. Ces îles étaient accessibles de différentes manières, à partir des routes, depuis le rivage, sur l’eau ou même d’avion. La couleur rose du tissus s’harmonisait avec la végétation tropicale, pleine de vie, des onze îles et de la couleur turquoise, intense, que prend la mer à Miami. Cette couleur rose n’est pas choisie par accident elle évoque la crème glacée et peut même être la couleur représentative de la région pour certains : couleur du loisir, du soleil, de l’insouciance ; couleur de l’artifice et de l’euphorie, elle met en place aussi une marque d’humour et d’affection. Les reflets du soleil sur le tissus rose accentuaient sa prégnance visuelle et son impact vu du ciel. Les îles étaient ainsi montrées du doigt puisque habituellement elles semblent oubliées. C’est une remise en question du paysage paradisiaque que les européens admirent tant.

allemand chargé de souvenirs douloureux (incendié à l’instigation des nazis en 1933). Modelé par les transformations, il a presque été entièrement détruit en 1945 et restauré dans les années 60. Il a fallu 100 000 mètres carrés de polypropylène, recouvert par une couche d’aluminium, et 15 km de corde bleue déployée par 90 alpinistes. Le travail a commencé le 17 juin 1995 et s’est terminé le 24 juin. La toile synthétique blanche a recouvert tout le bâtiment pendant quatorze jours et mettait en évidence la forme globale de celui-ci. Avec la surface de tissus très importante, le bâtiment paraissait respirer suite au vent s’engouffrant dans les plis. La lumière venait frapper l’édifice de manière à souligner sa forme et ainsi montrer une nouvelle facette du Reichstag. C’est en 1971 que Christo esquisse des premiers dessins du Reichstag emballé. Mais le projet sera freiné, notemment par le chancelier Helmunt Kohl.

Wrapped Reichstag ou Le Reichstag Empaquetté à Berlin masquait un édifice

Le Pont-Neuf Wrapped ou Le Pont-Neuf Empaquetté est le plus vieux de Paris et aucun autre pont n’est autant chargé d’importance historique et culturelle. Il a été peint par de nombreux artistes comme

Christo et Jeanne-Claude The umbrellas 1991.

Christo et Jeanne-Claude The Gates2005.

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Ci -dessus, Christo et Jeanne-Claude Wrapped Trees 1998.

Turner, Renoir, Picasso entre autres. Quand Christo proposa d’emballer le pont, une forte controverse s’installa. En effet, certains pensaient que ça l’abimerait, blesserait les passants ou même désacraliserait ce témoin du passé. Obtenir les autorisations représente un combat acharné pour Christo et Jeanne-Claude pendant plus de dix ans. Mais quand enfin le projet se réalise, c’est un énorme succès et attire d’innombrables visiteurs curieux. L’empaquetage du Pont-Neuf a nécessité 40 000 m² de toile de polyamide tissée dorée et a recouvert le pont, les trottoirs et les caniveaux, les lampadaires, la partie verticale de la berge à la pointe de l’île de la cité ainsi que l’esplanade du Vert-Galant. Les Christos de part ce tissus fin, rendaient la pierre du pont légère à la manière d’une maquette en carton. Le jour, la toile dorée mettait en évidence ses plis par la lumière du soleil et semblait briller. La nuit, les lampadaires dès leurs allumages, laissaient

apparaître leurs jeux de transparence. Empaqueté, ce pont perd toute son histoire et son ancienneté pour devenir une architecture moderne et presque aérodynamique.

The Umbrellas ou Les Parasols ont recouvert pendant trois semaines les sols du Japon et des Etats-Unis. Ceux situés en Ibaraki étaient de couleur bleu et en Californie les parapluies étaient de couleur jaune. Ces parasols s’étendaient à perte de vue sur plusieurs kilomètres et paraissaient fleurir les paysages Japonnais et américains. Encore une fois, Christo incorpore des objets industriels dans la nature. Il nous démontre là que le parasol, un objet produit en série et qui n’a pas une grande utilité, peut embellir et donc protéger de part son étendue un paysage. Over the river ou Au Dessus de la Rivière devrait voir le jour avant l’été 2014. Amorcée en 1992, cette installation recouvrira la

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Christo et Jeanne-Claude Wrapped Reichstag.

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rivière Arkansas dans l’état du Colorado, de 10 km de toile argentée. Le tissu formera ainsi une sorte de toit temporaire sous lequel pourront circuler librement les embarcations. Alors qu’ils étaient sur le projet à Berlin en 1995, Christo et Jeanne-Claude commençaient déjà à repérer les lieux. Le plus difficile était de trouver un lieux dont les rives étaient assez hautes pour pouvoir accrocher les cables qui soutiendront le tissus. Le projet est très long à mettre en place car il reste conscient qu’il emprunte « des espaces utilisés par des millions de personnes et que chaque espace dans ce monde appartient à quelqu’un ! » À ce jour, le permis pour le projet n’a toujours pas été obtenu.

Les matériaux utilisés En général, dans la plus part de leurs projets, les Christos utilisent des plastiques (nylon, polypropylène...) qui servent à recouvrir ou entourer la structure. Les cordes ou les métaux quant à eux soutiennent le

tout pour ainsi créer l’empaquetage. Suite à la vente des croquis préparatoires de Christo, les projets sont alors financés et réalisés après les accords des différents lieux où ils vont être implantés. Ces travaux sont accessibles au public et peuvent être facilement pris en photo à la manière d’un monument historique. Ici, il n’y a plus la dimension inaccessible, intouchable de l’art puisque les passant la piétine, la touche, etc.

Le respect des lieux Il y a un grand respect des monuments ou lieux historiques que les Christos emballent puisqu’ils garde le nom d’origine de ceux-ci dans leur langue natale. Dans tout les travaux de Christo, on identifie le monument ou l’endroit sur lequel il intervient malgré l’empaquetage, grâce au titre qui le mentionne. En titrant leurs travaux de cette manière (Ex : Le Pont-Neuf Wrapped), ils semblent vouloir garder une trace des traditions et de l’histoire du lieu.

Christo et Jeanne-Claude dessin préparatoire de Wrapped trees.

Christo et Jeanne-Claude lors de l'attribution de l'Ellis Islande Family Heritage Awards.

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Christo aime beaucoup recouvrir des espaces urbains ou des lieux de passage qui sont énormément fréquentés par la population. Il s’approprie alors l’espace chargé de vie, d’histoire et de sens pour en interroger d’avantage la population qui y est habitué. C’est sa manière à lui d’impliquer la société dans la réalisation de son art. Son travail souligne également la question de la permanence en art puisque ces gigantesques sculptures massives sont finalement éphémères. En effet, un projet nécessite quelque fois plusieurs années de préparation pour ne rester que quelques semaines exposé à la vue de tous. En opérant ainsi, les Christos font appel à la mémoire grâce à la dimension presque titanesque et impressionnante de l’oeuvre. Sa démarche est unique dans l’histoire de l’art car Christo va incorporer des éléments issus de notre quotidien signifié par le plastique, la corde, pour venir perturber l’espace ou l’environnement. Son art est à la fois d’une sophistication et d’une simplicité, facilement compréhensible par le public.

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Les Ouvrages & documentaires Christo est un artiste contemporain qui intéresse beaucoup par sa façon tout à fait unique de penser. La quantité impressionnante de documentaires et d’écrits réalisés sur lui en témoigne. Christo ne cesse d’inspirer les auteurs tels que Masahiko Yanogi avec Christo and Jeanne-Claude : 75, ou encore Matthias Koddenberg avec Christo and Jeanne-Claude : Life = Works = Projects. De nombreux films ont également été réalisés sur lui notamment Chisto in Paris de David et Albert Maysles et The Gates d’Antonio Ferrera et Albert Maysles, réalisé plus récemment pendant la mise en place du projet en 2005.

Le bouleversement de notre réel habituel Ces travaux sont des incursions raffinées dans notre monde, c’est à dire le monde « réel », tel que nous avons l’habitude de le percevoir. Les Christos nous plongent dans


Albert Mayles Christo in Paris.

Albert Mayles Islands.

Albert Mayles Christo’s Valley Curtain.

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Christo et Jeanne-Claude Wrapped Reichstag.

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leurs façon de penser en symbolisant l’empaquetage comme une forme de renouveau, une reconstruction. Elle est visible à travers le temps par les villes qui se détruisent et se refont incessamment. Ainsi, il utilise des matériaux que nous croisons dans notre quotidien, de notre « réel » à tous, pour en bouleverser nos habitudes. Christo ne fait pas que masquer ; il change notre perception des choses par ce renouveau et nous fais réfléchir sur le contenu de ce qui est empaqueté, que nous n’observons plus par habitude. En conséquence, ils mettent en valeur le monde « réel » et du même coup, attirent notre attention pendant que nous accomplissons notre routine. Dans leurs travaux, le monde réel est masqué temporairement mais pendant cette courte durée, Christo nous donne


Christo et Jeanne-Claude Wrapped Coast.

à voir un autre réel : La nouveauté par le bouleversement du quotidien. Le travail de Christo est l’association paradoxale de l’art et de la technologie. Dans le but d’ouvrir les yeux au monde, il lui rappelait que les emballages avaient un contenu. En effet, le ton de son travail est très sérieux et nous incite à mieux observer notre quotidien. Il est aussi émouvant car il rappelle des moments de notre histoire, de notre quotidien (les corps qui sont drappés dans des suaires, les momies qui sont recouvertes de bandelettes, nous qui sommes recouverts de nos vêtements). Pour chaque cas, c’est cacher la nature profonde des choses due à une intimité, un respect. Ainsi, il protège ce qu’il cache aux yeux du monde, à la manière d’un cocon. Pour les travaux de l’artiste, nous avons à faire à un deuil éphémère du site camouflé suivi d’une renaissance dès le démontage du projet. Il y a donc au départ une fascination par ce qui évoque le négatif (le lieu empaqueté ou recouvert), puis ensuite une ré-observation par la remise à la normale (le lieu remis à son état naturel). Chisto fait aussi appel à notre mémoire puisque ses œuvres impressionnantes, nous rappelle les constructions mythiques et légendaires notamment avec les pyramides. Cette di-

mension spectaculaire donnée par nos références, imprime les œuvres de Christo dans nos mémoires comme un symbole légendaire. La principale raison d’être de son travail est tout simplement d’exister.

L’implication des habitants Les projets de Christo intriguent le public, les médias. En 1995, Le Reichstag de Berlin enveloppé d’un tissu argenté, attira plus de 5 millions de visiteurs. À ses début, les médias n’aimaient pas beaucoup Christo notemment Pierre Restany auquel on l’associe, prétextant que ses travaux n’étaient pas le l’art. Par la suite, ils sont devenu ses puissants alliés faisant ainsi connaître son travail extraordinnaire. Mais ses projets ne sont pas toujours bien reçus. En effet, ils ne peuvent exister sans l’autorisation du lieu et comme le dit Christo : « Les gens ne le savent pas, mais il n’y a pas un seul mètre carré sur cette planète qui n’appartient pas à quelqu’un.» Pour le Reichstag, l’autorisation a été difficile à obtenir puisque lors du vote au parlement, le chancelier Kohl affirmait son refus catégorique face au projet. Mais grâce à la détermination de Christo, il a finalement été accepté.

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Analyse d’un Travail Le Pont-Neuf

«

Nous disons toujours que chacun de nos projets est un de nos enfants. Christo

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»


Le pont-neuf construit entre 1578 et 1607, est le tout premier pont construit sans aucune maison, comme il fut le cas jusqu’à ce moment là. C’est la toute première fois que les parisiens pouvaient traverser la Seine sans être gêné par la moindre construction.

Le Pont-Neuf emballé Aujourd’hui, il est le plus long pont de Paris. Emballé le 22 septembre 1985 à Paris, il a nécessité plus de 300 ouvriers suspendus au dessus de l’eau comme des hommes-araignées, 40 000 m² de toile polyamide tisée d’apparence soyeuse, 13 000 m de cordes, 12,1 tonnes de chaînes d’acier qui encercle la base de chaque pilier à 1 m sous l’eau, pour réaliser une des installations les plus impressionnantes des Christos.

Durée de l’installation Cette installation monumentale restera pendant quinze jours au yeux des Parisiens et touristes et sera démonté le 7 octobre 1985. Chisto et Jeanne-Claude / 23


Le Pont-Neuf un monument historique

Problèmes d’autorisation de l’oeuvre in situe

Commencé sous Henri III et achevé en juillet 1606 sous Henri IV, le pont-neuf a subit de multiple transformations de 1578 à 1890 parfois même extravagantes : les additions de boutiques sur le pont du temps de Soufflot, les constructions et démolitions répétées du bâtiment rococo qui abritait la pompe à eau de la Samaritaine. C’est la toute première fois que les parisiens pouvaient traverser la Seine sans être gêné par la moindre construction. Aujourd’hui, il est le plus long pont de Paris. Emballé le 22 septembre 1985 à Paris, il a nécessité plus de 300 ouvriers suspendus au dessus de l’eau comme des hommes-araignées, 40 000 m² de toile polyamide tisée d’apparence soyeuse, 13 000 m de cordes, 12,1 tonnes de chaînes d’acier qui encercle la base de chaque pilier à 1 m sous l’eau, pour réaliser une des installations les plus impressionnantes des Christos. Cette installation monumentale restera pendant quinze jours au yeux des Parisiens et touristes et sera démonté le 7 octobre 1985. Outre les caractéristiques historiques et symboliques du Pont-Neuf, il symbolisait pour Christo le passage du monde communiste au monde libre et à la liberté d’expression artistique qu’il avait découverte à Paris en 1958.

Comme tous les travaux de Christo, le Pont-Neuf était confronté à problèmes de droits d’auteurs de part son importance historique, et impliquait des questionnements : Christo ne va t-il pas détériorer notre passé ? Cette installation va t-elle abimer le Pont-Neuf ? Il aura fallu 10 ans de négociations et de détermination à Christo et Jeanne-Claude pour que leur projet voit le jour. Le film Christo à Paris réalisé en 1990 par D. et A. Maysles, D. Dickson et S. Froenke, met en évidence le « combat » acharné et interminable entre la ville de Paris et l’artiste pour obtenir la permission d’emballer le Pont-Neuf. Christo est déterminé, « Il veut tout et ce il veut l’obtient : il veut planter des parasols aux USA, colorer les îles décharges du Bahamas, réinventer le Reichtag, restructurer le Pont-Neuf, refaire son monde. » Le documentaire suit les 10 ans de négociations, de problèmes éthiques, esthétiques mais surtout politique, et Christo qui décide de ne pas renoncer. Après les refus du maire de Paris, Jacques Chirac, il sillonait les rues, son projet sous

De nos jours, ce projet reste encore dans nos mémoires et est encore très controversé. Malgré l’éphémérité de ses oeuvres, des clichés et des timbres ont été réalisé suite à l’évènement. Des cartes et un cachet commémoratif furent édités, en utilisant des reproductions de travaux préparatoire de Christo et Jeanne-Claude. Deux mois avant les travaux, Christo n’avait toujours pas obtenu l’autorisation de la ville de Paris. Jacques Chirac, maire de la ville à cette époque, exposait son refus face au projet mais l’installation a finalement été approuvé grâce au soutien du présidant, François Mittérand.

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les bras, dans le but d’obtenir l’avis de son futur public. Il s’adresse à tous, les passants, les habitants, les commerçants, les ouvriers, les joueurs de boules, arpente les boulevards, entre dans les cafés. Certains essaient de comprendre et s’interrogent sur l’éphémérité dans l’art d’autres regardent ailleurs. Le film montre les entretiens répétés avec Michel Bébré, Jacques Chirac, jusqu’à l’acceptation du projet qui semblait ne pas aboutir. Il se déroule à la manière d’une enquête policière avec du suspens et la dimension poétique dans sa réalisation. En effet, il est important de ne pas oublier l’effort des 300 ouvriers à l’élaboration de ce projet qui sans eux n’aurait jamais abouti. Ce pont réinventé par Christo sera alors pris d’assaut par les touristes, habitants, curieux d’observer cette installation inhabituelle et qui « tout à coup échangent des opinions, se sourient, s’étonnent, se disputent : communiquent enfin ».

L’objet recouvert Dans cette installation monumentale du Pont-Neuf, Christo et Jeanne-Claude abordent des thèmes comme la technologie, les progrès, appliqués à un site « naturel ». Il s’interroge sur l’objet en lui même, l’objet empaqueté, et du même coup modifie l’espace physique d’un site. Ces travaux mettent aussi en évidence la notion de liberté : avec autorisation, il réinvente le monument empaqueté à sa manière. Par le biais de l’installlation in situe, Christo souhaite contester la notion traditionnelle de l’immortalité dans l’art.

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Les jeux de lumière Le Pont-Neuf emballé ou Pont-Neuf Wrapped est une installation sur le PontNeuf à Paris qui consiste à recouvrir de 40 000 m² de polyester les pierres du pont, vieux de cinq siècles. La grande toile de tissus plissée est mise en relief par les jeux de lumières qui pénètrent en profondeur dans la toile et semble lui donner une nouvelle vie.

La massivité d’un pont / la légèreté d’un tissus Ce matériaux très aérien et qui ondule au vent, déleste la massivité du pont, le rend presque immatériel. Christo nous fais oublier pendant une courte période le passé imposant, chargé d’histoire et riche du pont, pour nous en donner une vision plus dépouillée. Ainsi, le Pont-Neuf parait plus léger presque immatériel et semble pouvoir flotter sur l’eau.

Un objet non fini Christo grâce au tissus couleur dorée, dessine les formes du pont en le masquant pour nous interroger sur le contenu de l’objet emballé. Ainsi sa couleur, homogénéise les formes du pont, sa structure, comme si Christo voulait nous faire croire à une ébauche et de part sa couleur, une maquette en carton. Le Pont-Neuf empaqueté semble alors à un état de préfabrication, à une ébauche avant sa fabrication, à une idée. En conséquence, on revient à l’essence même du Pont et la base de toute chose. De plus, la nuit, le pont change totalement de visage et nous révèle une autre facette de son apparence intérieure. En effet, la toile recouvre intégralement le pont ainsi que les lampadaires. Elle est suffisamment fine pour permettre d’éclairer le pont d’une lumière diffuse qui nous plonge dans une ambiance mystérieuse, irréelle. De nuit, la toile nous révèle donc la structure du pont comme si Christo voulait nous dévoiler partiellement, à la manière d’une devinette, les différentes facettes et mystères du Pont-Neuf.

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Un emballage éphémère Le jour, le tissus plissé fait en un matériaux léger et fragile semble alors éphémère et nous inscrit dans une forme d’attente : le papier cadeau implique un intérêt, on se questionne sur son contenu, on est impatient. Le polyester ocre jaune recouvrant le Pont-Neuf, semble être le reflet des progrès technologiques tel qu’imaginé par Christo et Jeanne-Claude. Cette toile transparente selon les différents moments de la journée, nous rappelle les immeubles qui en cours de construction sont cachés temporairement au public par des bâches plastiques presque opaques. Nos villes sont aujourd’hui en perpétuel renouvellement puisqu’elle sont sans arrêts remodelées par des reconstructions, des bâtiments plus modernes. De ce fait, on ne fait même plus attention aux bâtiments ancrés dans notre passé à cause de nos habitudes, de notre quoditien. Nous sommes ignorant

de notre passé, et Christo semble vouloir nous le dévoiler. Ce travail a une part de mystère car Christo montre en cachant, il met en évidence un lieu historique. Le pont ainsi recouvert, semble ne pas s’incruster dans le paysage, il est en rupture avec le lieu dans lequel il est implanté. Christo ici en recouvrant le Pont-Neuf, nous apprend à redécouvrir un édifice que par habitude nous avions extirpé de notre paysage. Ainsi, l’artiste lui donne une nouvelle vie, car après plusieurs jours emballés, il a captivé nos regards, s’est incrusté dans nos mémoires. Le pont-neuf est aussi un lieu de circulation important. Dès sa construction, les parisiens pouvaient pour la première fois traverser la Seine sans être gêné par la moindre construction. Ainsi, Christo impose son œuvre au public en l’implantant dans un lieu fréquenté par des passages quotidien. Les habitants sont alors obligés de regarder et dans un sens participent à l’élaboration de son projet en prenant des clichés. De plus, par l’art in situe, il rend son travail accessible à tous type de public.

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Réflexion

Une œuvre éphémère vautelle une oeuvre pérenne ?

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Notre travail parle de liberté. Les Christos

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Une célèbre scène de Pulp Fiction peinte sur un mur par Banksy, ou John Travolta et Samuel L Jackson tiennent des bananes au lieu d’armes à feux.


L’éphémérité dans l’art est une question que se posent beaucoup d’artistes contemporains aujourd’hui. Partagés entre l’œuvre pérenne et durable, ils préfèrent la notion de travail éphémère. En effet, elle a peut être plus de force auprès de son public qu’une œuvre minutieuse du mouvement néo-classique par exemple. Dans cette tendance en art, la norme était d’achever son œuvre et ainsi faire de l’esthétique comptait avant tout sur l’efficacité du message, qui n’était souvent, mis de côté. L’œuvre classique se contente d’aller dans une direction imposée, obéit à la norme, et du même coup évacue presque complètement la notion de personnalité de l’artiste : Elle s’introduit dans un « déjà vu » et ne se démarque pas par son originalité. Les artistes contemporains vont justement dépasser ces limites prohibées auparavant. Mais en quoi les artistes traitant de la notion d’éphémérité captive, implante dans les mémoires ses œuvres qui sont pourtant vouées à disparaître ?

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Philippe Allard et de Justin Duchesneau Le Pont Arc-en-ciel.

Réutiliser le quotidien pour faire réagir Issue de la sculpture monumentale et in situ, la démarche de Philippe Allard et de Justin Duchesneau tient principalement de l’installation appellée « performance » car elle ne dure pas. Elle s’inspire de l’Arte povera qui consiste à récupérer des matériaux et objets qui sont disponibles en grande quantité, démarche qui s’apparente à celle de Christo et Jeanne-Claude. Artistes à la conscience écologique développée, Philippe Allard et Justin Duchesneau s’intéressent aux retombées des activités humaines sur l’environnement et à la représentation visuelle qui peut en découler. Les deux artistes étudient « la société de consommation qui rejette l’usure et craint le passage du temps ainsi que les conséquences engendrées par les habitudes de consommation ». C’est pourquoi leurs projets artistiques sont souvent liés à des causes environnementales et leur

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médium de prédilection, un produit dont l’utilité est matière à questionnements. Cette installation qui jonchait dans un bassin teinté en noir pour l’occasion, se constituait de barils de multiple couleurs représentant celles de l’arc-en-ciel. Cette œuvre est à la fois visuelle mais aussi sonore puisque « Le bruit créé par le contact de l’eau et de la tôle rappelle le monde industriel, sa cadence et son efficacité mais l’utilisation des barils, sur une mer noire, évoque notre dépendance aux combustibles fossiles et les désastres environnementaux qui en résultent ». Elle a un message fort car bien qu’éphémère, cette installation est une dénonciation environnementale sur l’instant. Elle nous interpellent et nous fais réfléchir sur les sources d’énergies tels que le charbon ou le pétrole (les combustibles fossiles) qui ne sont pas renouvelables et paradoxalement qui sont sans cesse utilisées plus vite que le temps nécessaire pour recréer les réserves. Son implication forte aux problèmes de la société intrigue ; elle reste

dans les esprits contrairement aux œuvres pérennes qui pour certaines deviennent des objets commerciaux, touristiques, et non plus préoccupé de notre monde actuel. L’œuvre éphémère interagit directement avec le public et l’implique dans un questionnement. Cette installation nous interpelle « par sa prestance, son ingéniosité, et sa beauté qui s’intègre parfaitement bien à l’ambiance de l’Esplanade mais aussi par la reflexion qu’elle suscite » déclare la directrice générale de la place des Arts et intégratrice de concours d’art éphémère. En effet, cette intéraction est due à l’implantation dans les lieux publics sans le consentement de ses habitants. Ce type d’installation est imposé au quotidien et puisque nous la croisons régulièrement, elle reste dans nos mémoires. En utilisant donc des objets issus de notre environnement habituel, les artistes implique le spectateur dans la société et le fait réfléchir sur des thèmes sérieux (l’environnement, la question du développement durable...). Marcel Duchamps en réalisant ses « Ready made », nous fait comprendre que l’art n’est pas forcement synonyme du temps passé sur l’oeuvre, mais peut-être uniquement une réutilisation de l’existant qu’il va seulement signer de son nom. Dans le but de redonner une valeur presque sacré à ses œuvres.

Un art destructif L’art conceptuel contrairement à certaines œuvres gardées dans les musées qui se conservent fort bien, et un art qui implique une attention de chaque jours. Marcel Duchamps Fountain 1917.

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Giovani Anselmo Structure qui mange.

L’œuvre n’est pas figée, elle évolue dans le temps ce qui apporte une certaine fascination. Contrairement à l’installation arc-enciel, la salade de Giovani Anselmo intitulée Structure qui mange, est évolutive et donc suit le cours du temps irréversiblement. Habituellement les artistes font tout pour conserver leurs œuvres dans le meilleur état et le plus longtemps possible. Ici, posée contre un bloc de granit reposant au sol, la salade est maintenue contre celuici par un plus petit bloc de cette même pierre ainsi que d’une corde enserrant le tout. Reposant par une triviale tension entre les pierres, la salade, végétal fragile par excellence, est condamnée à se faner. La métamorphose de la salade entrainera inévitablement la chute du bloc de granit. Ainsi, le minéral en porte-à-faux au dessus du vide, voit sa stabilité et donc son destin dépendre entièrement de salade, dans une logique inverse de l’ordre « naturel » des éléments. La terre déposée au pied de cette étrange sculpture, nous rappelle non seulement l’origine matricielle de toute végétation terrestre ainsi que le précepte biblique qui veut que toute vie, issue de la terre, y retournera au moment de sa mort. De plus, on ne peut qu’être frappé par l’aspect funéraire de l’œuvre : les deux pierres évoquent une pierre tombale et, la salade, une offrande « brut » voir « pauvre » comme le revendique les artistes de l’Arte Povera. Dans une signification similaire, le monolithe de granit suspendu au dessus

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du sol et tenu par des câbles en pleine nature, malgré une banale apparence évoque la signification universelle relative au cycle géologique de la matière, à la vie et à la mort. Dans l’art éphémère, la question de la vie et de la mort symbolisé par la durabilité de l’œuvre est continuellement présente. Julian Beever est un artiste britannique vivant en Belgique qui connaît la célébrité par ses œuvres en « trompe l’oeil » dessinées à la craie sur les trottoirs anglais, français, allemands, australien et belges. Il ne se contente pas de simples dessins mais donne dans l’anamorphose, des images


À gauche, Julian Beever la bouteille de Coca Cola en trompe l’oeil.

Ci-dessous, Giovani Anselmo monolithe de granit suspendu au dessus du sol.

déformées, qui sous un certain angle donne l’impression d’une image en trois dimensions. Ainsi, il crée des scènes surréalistes comme la bouteille de coca cola géante qui nous piège par une illusion de la réalité dans lesquelles par la suite, l’artiste se met en scène. En effet, ces dessins reproduisent parfaitement la lumière, les plis des vêtements, et on hésite entre voir un mirage ou alors la réalité de par la précision frappante du dessin. Cette notion est également visible dans les installations de l’artiste de Land art Andy Goldsworthy. En effet, l’artiste travaille avec des matériaux naturels tels que la neige, la glace, les feuilles d’arbres, les tiges, les galets, les fleurs, matériaux fragiles par excellence ou dans une situation quelconque qui ne leur est pas favorable, et sont voués à évoluer ou à disparaître avec les saisons et les aléas climatiques. Dans ce type d’art, il y a toujours une dualité entre une infériorité et une supériorité et cette infériorité est « avalée » par le force qui est au dessus d’elle. Les stalagtites de glace d’Andy Goldsworthy, démontrent parfaitement cette opposition et la fatalité

réservé à la glace : la sculpture de glace va fondre à cause du soleil et va se transformer en eau. Le landartiste a souvent des soucis techniques ce qui le rapproche de son public, on comprend la difficulté du travail : « 17e tentative. Stalactites de glace, j’ai froid, pointes épaisses plongées dans la neige puis l’eau, ça caille, maintenus jusqu’à ce qu’ils tiennent ensemble, ça pèle. Utilisation occasionnelle de bâtons fourchus comme soutien jusqu’à la prise, gla gla gla. Concentration tendue pour les enlev... Fuck. Chier. Tout cassé. Tout recommencer. Doigts gelés. Envie d’un grog, envie d’un feu. Sculpture de merde, métier de merde, pays de merde, vie de merde ! » Le temps passé sur la sculpture, les efforts répétés dus à son effondrement, le froid, la patience, entrent en paradoxe avec l’éphémérité de l’installation qui est voué à être détruite par les forces de la nature. Et c’est justement cette dimension de fatalité, l’éphémérité de la vie qui apporte autant d’émotion et identifie le public au travail de l’artiste.

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Andy Goldsworthy Icicle Star, joined with saliva Structure de glace

Andy Goldsworthy Pebbles Broken & Scraped

Cette forme d’art est vouée à n’être que temporaire : premièrement puisqu’elle est crée sur un endroit public et donc est la propriété de l’état, et deuxièmement, le médium employé est diluable à l’eau et s’efface alors très facilement, et pour la landartistes, des matériaux naturels qui se décomposent. L’artiste d’une manière volontaire a voulu donner un caractère éphémère à son œuvre pour qu’elle soit prise comme une capture d’un moment. Il interagit directement avec les promeneurs car en effet, l’art dans la rue rapproche artiste et public par un sentiment de proximité. Cette notion de contact avec l’artiste n’était pas présente dans une œuvre sur toile du 17e siècle par exemple. L’artiste était considéré comme intouchable puisque souvent il côtoyait le pouvoir et donc était inaccessible pour le peuple. Avec l’arrivée de la modernité dans l’art, le peintre se rapproche du peuple comme par exemple pour le réalisme puisqu’il va directement

sur place pour prélever des scènes de la vie quotidienne. Le street art intervient totalement dans la rue, du commencement du dessin jusqu’à sa phase finale. Mais contrairement à des artistes comme Julian Beever ou Christo qui obtiennent la permission des différentes lieux, le street art intervient de nuit et reste anonyme car il est illégal et « provocateur ».

Andy Goldsworthy River of Earth L’oeuvre «in situe» est réalisée en argile. Une fois sèche, elle se craquèle pour donner cette surface irrégulière et ainsi se fond parfaitement avec son environnement. Chisto et Jeanne-Claude / 35


Bansky Deux policiers s’échangeant un baiser.

Bansky La cabine téléphonique.

Le graffiti, une peinture illégale pour véhiculer des idées La peinture éphémère appelée graffitis ou tag est également un bon vecteur pour faire passer des idées fortes souvent politiques, et de société et fait connaître des artistes comme Jef Aérosol, Jérôme Mesnager, Miss.Tic, Banksy, Obey Giant, Invader, etc. C’est un langage visuel imposé qui est directement dédié aux passants, aux habitants, et qui les invitent également à réfléchir, à se poser des questions. Banksy, est d’un des graffer les plus connu aujourd’hui ayant marqué à la bombe de nombreuses surfaces à travers le monde. Connu pour ses travaux qui dénonce un antimilitariste, anticapitaliste et anti-establishment qui les rend efficaces parce que toujours teintés d’humour, il peint des scènes visant à provoquer. Ces scènes peuvent représenter deux policier de londres s’échangeant

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un baiser, un enfant fouillant un militaire, une scène de pulp fiction détournée par le remplacement des armes en bananes, etc. Par conséquent, Banksy révèle au public des faits de violences par l’humour. C’est un graffer ouvert au monde qui l’entoure et donne une dimension importante à ces travaux par la notion d’inégalité qu’ils dégagent. En effet, les graffers exercent leur métier d’artistes illégalement puisqu’ils interviennent directement dans les lieux publics et donc appartenant à l’état. Par conséquent, ces travaux sont voués à disparaître car sont sans cesse nettoyés par les services d’entretiens qui n’ont qu’une seule volonté : remmetre en état un lieu public. On peut alors mettre en parallèle la situation de censure qu’exerçait l’état communiste sur les idées qui allaient à l’encontre de ce régime totalitaire. L’expression était autorisé seulement si les partisans allaient dans le sens des pensées communistes et dans le cas contraire, étaient envoyés au goulag. Les travaux des graffers sont donc bien enlevés aux yeux des spectateurs non


seulement pour cause de détérioration mais surtout pour les idées dénonciatrices qu’ils dégagent. Le cabine téléphonique de banksy est une installation qui représente une cabine londonienne déformée et transpercée par une hache. Toujours dans un esprit de dénonciation, le graffer semble dénoncer la société par ce symbole fort qu’est la cabine représentant le

pouvoir de l’Angleterre visible sur l’écusson de celle-ci. Cet art éphémère apporte une nouvelle dimension à l’art : il est risqué, rapide, dans l’action et donc spontané, et surtout est destiné à être effacé par les autorités. Le risque serait donc un bon moyen de véhiculer des idées fortes puisqu’il donne une importance au travail réalisé.

Une jeune fille serrant dans ses bras un missile, travail fait en pochoir sur un mur.

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Ci-dessus, Henry Huet Mère implorant la mort de son fils.

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Les photographes de guerres prennent des clichés de la réalité au péril des fois de leur vie. Mais les photos prises sont alors rares et suscite de l’émotion car le photographe était dans le feu de l’action. Elles montrent des personnes en détresse, alarmées d’avoir perdu un proche, des personnes dénudées dans leur intimité, des soldats perdus, épuisés, abattus, des enfants allongés au sol. Henri Huet, fameux photographe de guerre, est connu pour ces nombreux clichés de la guerre du Vietnam. Dans une de ces photographies présentant une mère qui semble implorer la mort de son fils, on ressent la détresse de cette femme que nous ne connaissons pas mais à qui nous nous identifions et compatissons. Ces prises de la réalité même figées, nous

transmet encore une émotion intense. Les gens veulent des images choquantes, ils sont curieux, car nous vivons dans une société où la violence est notre quotidien. Et ils paraissent alors comme des spectateurs face à ces scènes horribles, ils admirent une forme d’art qui capture un moment éphémère, unique, véhiculant un sentiment de compassion. Le photographe semble vouloir nous faire entrer dans l’intimité de la vie quotidienne de ces personnes. Cette capture nous révèle des faits que nous aurions jamais pu imaginer car nous en avions pas connaissance. Faire réfléchir le spectateur en lui faisant éprouver de l’émotion, par le biais d’un quotidien qui lui échappe, ajoute une dimension à cette trace du passé, ce moment éphémère, qui sans le photographe n’aurait jamais existé.



BTS COMMUNICATION VISUELLE ARTS VISUELS APPLIQUÉS MÉMOIRE 2012 Milène HAYS

Over the river (au-dessus la rivière) Christo et Jeanne-Claude Installation Projet Paris


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