Une expérience urbaine : guide sur l'écriture exposée

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Une expérience urbaine guide sur l’écriture exposée



Je suis de plus en plus convaincu que le monde veut me dire quelque chose, m’adresser des messages, des avis, des signaux... Il y a des jours où tout ce que je vois me semble chargé de significations : ce sont des messages que j’aurais du mal à communiquer à d’autres, à définir, à traduire en mots, mais qui pour cette raison même me paraissent décisifs. Indices ou présages qui nous concernent ensemble, le monde et moi-même : à mon sujet, il ne s’agit pas de ces événements extérieurs dont est tissée une existence, mais de ce qui survient à l’intérieur, au plus profond ; et au sujet du monde, non de quelque fait particulier, mais de la façon d’être du tout, en général. On comprendra ma difficulté à en parler, sinon par allusions. Si par une nuit d’hiver, un voyageur Italo Calvino



11  Introduction 21 I. Supports de l’écriture L'autocollant L’enseigne lumineuse Le mythe du support 37 II. Le paysage linguistique  La réalité multilingue Lourdes, ville de signes multilingues 49 III. L’espace public La contrainte dans l’espace public, espace réorganisé de l’écriture Double espace : l’espace et sa métaphore 65 IV. La vitesse, le temps, le mouvement 77 V. Lecture dans l’espace 91 Conclusion 99 Bibliographie, sitographie,  annexes & remerciements



Introduction



L’espace public est l’endroit où se diffuse l’information par le biais de l’écriture, ce que nous appelons l’écriture exposée, présente dans un espace public ou semi-public. Alors qu’à des époques plus anciennes l’écriture n’est accessible qu’à certaines classes sociales, son successeur moderne impose une idéologie ouverte et égalitaire qui communique avec la foule de façon ordinaire, mais ne peut pas faire un lecteur. Aujourd’hui, face à la profusion d’informations qui envahit notre vie quotidienne par sa force brute et primitive, nous nous sentons tel Robinson qui cherche à construire son espace vital. Par conséquent, nous avons pu développer un ensemble de capacités visant à traiter l’information, afin de construire une frontière entre notre monde intime et l’abondance impitoyable de celle-ci. Dans cette bataille d’endurance, la solution qui semble la plus simple est d’ignorer le vertige dans lequel nous entraînent ces mots, ces lettres, ces couleurs. Parfois, par curiosité ou par ennui, nous nous arrêtons et décidons de passer du temps à lire ces écritures assommantes présentes dans l’espace qui nous entoure, et oublions notre méfiance habituelle face à la saturation d’informations. Nous pouvons alors constater que l’écriture dans l’espace transmet un message qui dépasse son propre 13


champ sémantique. Que pouvons-nous lire lorsque nous nous confrontons à cette forme d’écriture particulière, parfois très chaotique ? Comment comprenons-nous cette lecture différente de celle qu’abrite notre bibliothèque paisible et intime ? Possédant une définition complexe, le verbe « lire » est étroitement lié à d’autres verbes : observer, comprendre, réfléchir et interpréter. Ne devrions-nous pas considérer ces actions corrélatives comme différents processus de lecture lorsque nous parlons de celui-ci ? Du texte aux choses indicibles, la richesse des matériaux de lecture à disposition n’est-elle pas une preuve de la richesse sémantique du verbe « lire » ? « Je me serre contre ma fenêtre. J’essaie de lire sous moi. J’essaie de découvrir des feux, des signes. » [a] Comme son nom l’indique, Comment lire un livre : le guide classique pour une lecture intelligente, est un guide qui enseigne une méthodologie de lecture. Dans ce livre, l’auteur Mortimer J. Adler annonce avec confiance que cette méthode de lecture peut s’appliquer à tous les matériaux lisibles. « …Les règles de la lecture, si on les suit et les pratique, nous développerons de telle compétence qui pourront s’appliquer aux les matériaux imprimées en générale, et à toutes types de médium de lecture : les journaux, les magazines, les pamphlets, les articles, les feuilles volantes, et même les publicitaires.» [b] Savoir lire n’est plus considéré comme une activité coopérative inexplicable entre le cerveau et l’œil, mais comme une technique qui peut être maîtrisée grâce à une bonne méthodologie et des exercices rigoureux. Est-ce que la méthode de cet auteur peut nous amener vers une lecture de la publicité convenable ? 14


Cette méthodologie peut-elle s’appliquer correctement lors d’une lecture dans l’espace public ? Si on s’intéresse au sens fermé de la lecture de Mortimer J. Adler dans Comment lire un livre, la lecture du livre et celle de l’écriture exposée seront en effet similaires. Avant de valider cette théorie, nous aurons besoin d’interpréter le message que l’écriture nous transmet à travers le langage. Comprendre au préalable le langage est indispensable afin de pouvoir déchiffrer la signification littérale du message. Pourtant, quel que soit le type de lecture, cela n’est qu’un premier pas vers l’aventure. Face à l’ambiguïté du langage, nous restons malgré tout impuissants. Dans une lecture conventionnelle pour saisir avec plus de précision le sens du texte, nous devons placer à plusieurs reprises des paragraphes de part et d’autre du livre et constater la relation qui existe entre tous ceux-ci. Pendant la lecture, nous nous devons de créer des liens logiques entre chaque paragraphe en analysant chacun d’entre eux. Le lecteur doit traiter puis appréhender le livre comme un ensemble afin de permettre à son regard de pouvoir évoluer dans cet espace textuel et lui permettre de se poser et de s’interroger. Cela confirme que le processus de lecture conventionnelle n’est pas linéaire comme nous aurions pu le penser. Le texte est appréhendé de telle manière que son interprétation amène une décomposition et une réorganisation de sa structure originale. Cette lecture unilinéaire, vivante et active, cet effort de mesurer et d’établir la relation qui existe entre les choses est aussi exigée pour la lecture dans l’espace. Bien qu’il y ait certaines ressemblances méthodologiques lorsque nous lisons une publicité et la Déclaration d’indépendance américaine [c], les lectures présentent cependant quelques différences. Il faut d’abord savoir que l’écriture n’est pas seulement l’élaboration d’un texte, mais aussi 15


d’une morphologie (aspect graphique et figuratif, dispositif), capable de s’introduire dans l’espace, l’environnement, la condition et l’expérience de lecture, etc.Vue ainsi, la lecture dans l’espace est plus dynamique par rapport à la lecture d’un livre. Le sens de l’écriture n’est pas immuable, il va changer au fur et à mesure de son environnement, de sa disposition dans l’espace et notre angle de vue. La relation entre les écritures dispose d’une dimension spatiale. En effet, lorsque nous comparons et regardons ces écritures qui coexistent dans le même espace comme un ensemble, nous constatons que quels que soit l’image et le texte, il présente une existence désordonnée et antinarrative. Nous pouvons aussi nous rendre compte que parmi toutes ces écritures issues de nombreux langages beaucoup nous sont étrangères. Pour interpréter correctement la signification d’une écriture si riche et complexe, il est évidemment insuffisant de ne l’aborder que par la voie du sens textuel. Lire dans l’espace est une expérience intuitive. À côté de la lecture, il faut aussi un regard. Si nous devons donner une comparaison directe entre la lecture d’un livre et celle d’une écriture exposée, nous dirions que la lecture dans l’espace est comme la lecture d’un livre en s’intéressant à la condition physique de celui-ci. Nous intégrons le livre dans la lecture en tant qu’objet; nous savons que nous pouvons lire dans un livre non seulement le texte imprimé, encré sur la page, mais aussi l’espace entre les lignes.

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Notes a. Saint-Exupéry, Terre hommes, 1939, p. 216. Source : http://www.cnrtl. fr/definition/lire b. Mortimer J. Adler, Charles Van Doren, How to read a book, New York : A Touchstone book, 1972, p. 4-5.

Texte original : «... the rules of reading that, if followed and practiced, develop such skill can be applied also to printed material in general, to any type of reading matters - to newspapers, magazines, pamphlets, articles, tracts, even advertisement.»

Traduction « Les mots individuels dans le célèbre deuxième paragraphe comme inaliénable, le droit, la liberté, le bonheur, le consentement, le pouvoir juste, tout ceux-ci nous demandent une attention spécifique, un déchiffrement et une réflexion sur le moindre de détail. Si on aborde ce texte avec une lecture correcte, qui a pour objet d’un compréhension sans aucun embrouillement, les deux premiers paragraphes de la Déclaration pourrais exiger des jours, des semaines, ou même des années. »

c. Ibid., p. 42. « Indeed, individual words in the famous second paragraph words like inalienable, rights, liberty, happiness, consent, just powers - are worth dwelling over, puzzling about, considering at length. Properly read, for full comprehension, those first two paragraphs of the Declaration might require days, or weeks, or even years. »

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I

Supports de l’écriture



Aujourd’hui, certains d’entre nous ont déjà perdu leurs convictions en ce qui concerne le langage à partir du moment où nous nous sommes rendus compte qu’il est peu honnête. Les messages résident dans la propagande, la biographie d’homme de pouvoir ou les idéologies répandues et dominantes, tout cela emballé avec un langage soigneux peut alors parfois réconforter notre incrédulité. Néanmoins, nous semblons moins réceptifs au support qui véhicule ce langage écrit. Des roches d’ardoise, obélisques égyptiens en granit, lamelles de bambou en Chine, parchemins médiévaux jusqu’aux divers matériaux utilisés dans l’écriture exposée actuelle, les supports ont conféré à l’action d’écriture un volume physique lui permettant d’être conservée, transportée et exposée. L’action d’écriture est transformée de telle manière à ce qu’elle concorde au choix de son support. Supposons que nous soyons confronté à une inscription de loi datant de l’empire romain dans un musée. Peu importe comment cette écriture ancienne attire les passants un millier d’années auparavant, ce que nous posons sur elle aujourd’hui n’est qu’un simple regard. Nous regardons ses lettres brisées par le temps, son impressionnant corps volumineux dessinant une ombre projetée par la lumière intense du musée. 23


Aujourd’hui très peu de personnes possède encore tous ses codes de lecture, nous ne pouvons plus comprendre sa signification littérale de la même manière que ses anciens spectateurs. Lorsque son langage mourut, son sens sémantique aussi. Au travers de son support dur et serein, l’écriture nous expose une signification symbolique. Il nous en reste une impression d’un empire puissant, démocratique et civilisé. Cette pierre est une manifestation du pouvoir de l’empire.

L’autocollant L’autocollant, de petit format et de diverses formes (carré, triangle, rectangle, ronde, etc), fait partie de l’écriture urbaine. Ce papier collant est un des supports modernes. Sa matière est résistante malgré tout limitée. Une fois collé il ne peut pas être retiré sans laisser des traces de colle et risquer de s’abîmer. C’est pourquoi nous pouvons voir sur certains tuyaux des marques de colle entassés. Ces traces sont comme les vignes et le lierre s’agrippant sur un arbre avec toute leur force et leur énergie. Son format petit, sa matière peu coûteuse, son caractère résistant permettent à cette écriture de se multiplier dans l’espace urbain de manière envahissante. Seulement deux actions sont effectuées avec cet élément : le décoller de son support orignal puis le coller sur un autre support. L’autocollant est un type d’écriture exposée qui n’est certainement pas vu d’un bon œil auprès du service propreté urbaine. Ils sont souvent posés hâtivement sur les murs d’un bâtiment, les gouttières, au bord de la route, sur les vitrine de l’arrêt de bus, la palissade d’un chantier, les panneaux routiers, etc. À proprement parler, tout coin urbain sans propriétés spécifique est terre fertile pour les autocollants. Nous ne prêtons aucune attention à ces 24


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Fig.1.1 La personnage de gauche (musulman) : nous sommes 1.5 milliard de musulmans dans le monde ! la personnage du milieu (chrétien) : nous sommes 2 milliards de chrétien dans le monde ! la personnage de droite ( juif ) : 6 millions de morts ! Signé par adolf.

Fig.1.2

who knows ? / not me / we never lost

control / you’re face to face with the man who sold the world

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écritures et nous nous arrêtons rarement pour les lire, mais les autocollants choisissent leurs lecteurs. Leurs tailles dépassant rarement 15×15cm, il semble que ce soit pour éviter d’attirer l’attention de ceux qui se promènent sur le grand boulevard. Cependant, ils lancent toujours furtivement des signes aux personnes qui marchent sous les auvents, sur les trottoirs et le long des murs. { Fig.1.1, 1.2 ci-contre } Certains autocollants ont une inclinaison politique : manifestation, protestation, ou un slogan contestataire. Nous pouvons y trouver aussi inscrit des publicités de bon marché et des images détournées. Parfois, sur les autocollants, nous pouvons trouver une adresse de page facebook. Mais dans la plupart des cas, l’auteur reste anonyme, nous n’avons alors pas de moyen d’y répondre autrement que par notre réaction face au message. L’affichage de cette écriture fait rarement l’objet d’une stratégie. Elle n’est pas exigeante au niveau de son placement, elle ne demande qu’une lisse surface. Les gens qui affichent des autocollants ne cachent guère leur pression de s’enfuir de la scène d’affichage, car ils sont conscients de leur illégitimité. En restant dans l’ombre, ils laissent cette écriture en petit format énoncer pour eux et confronter le monde, avec un point de vue orphelin, sans l’auteur. Ce support se veut être un genre manifestation sans réelle intention de réunir ses spectateurs ou provoquer un révolte de par sa provenance anonyme.

L’enseigne lumineuse Souvent l’écriture lumineuse porte des messages commerciaux. Quand la nuit tombe, l’écriture sur plaque lumineuse prend la place de « l’écriture diurne ». La lumière éclaircit l’écriture dans la nuit sombre. 27


Fig.2 Enseigne lumineuse dans une rue commerciale

Cette lumière fictive, surnaturelle, donne au message un caractère inaccessible. La rue est vide du monde qui vient la peupler en journée, les magasins sont fermés, nous ne pouvons plus entrer et vérifier le sens des mots qui y sont écrits. L’écriture baigne dans une lumière artificielle et insaisissable, l’éloignant du statut de sculpture qu’on aurait pu lui attribuer sans cela. Elle devient veilleuse de la réticence de sa parole. Elle s’expose et nous écarte de toute sorte de communication. Contrairement aux autocollants qui s’agitent dans les coins urbains avec leur caractère anonyme, les enseignes qui diffusent cette lumière de quiétude, digne et froide dispose d’une prolongation de garantie d’autorité de la journée même pendant la nuit noire, d’une omniprésence d’un monde dominant qui ne veut pas être négligé dans les ténèbres. Ce monde lumineux provoque la persistance de sa visibilité et une déclaration de son appropriation de la nuit, une possession du bien et de la légitimité de celle-ci. { Fig.2 } Intéressons nous au panneau lumineux, suspendu sur grue au-dessus du chantier de construction { Fig.3 p.28 }. 28


Sur ce panneau, nous pouvons voir le nom du constructeur de loin, écrit en police moderne et simple. La plaque disperse une lumière subtilement bleue et claire, l’environnement de la ville s’oubliant momentanément dans le noir de la nuit, nous pourrions le confondre avec la lumière du clair de lune. Ce « porte-parole » plastique de la lune a une position si haute dans le ciel, son visage est si solennel et incontestable, que nous pourrions dire que ce représentant terrestre s’approprie la lune de Borges sans nous rendre suspicieux. « Il est tant de solitude en cet or. La lune des nuits ce n’est pas la lune que vit le premier Adam. Les longs siècles de la veille humaine l’ont rassasiée de vieux pleurs. Regarde. C’est ton miroir. » [a]

Le mythe du support Dans la société contemporaine, nous nous confrontons parfois à un désaccord face au support et à la signification symbolique de sa matérialité. Les publicités affichées au bord de l’autoroute, ont-elles gagné le pouvoir de l’obélisque en raison de leur taille imposante et de leur image lissante sans texture palpable ? Lorsque nous remontons dans le temps, nous observons que l’envie de confier une subsistance éternelle à l’écriture à un support solide et impressionnant est une envie fixe tout au long de l’histoire. Alors que le volume monumental des anciens temps donnait une impression solennelle et inviolable, aujourd’hui l’écriture exposée est matérialisée de façon volumineuse mais montre une grande accessibilité 29


Fig.3

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par son contenu, désireuse de communiquer avec le grand public. Que retirer de ce changement entre l’inaccessibilité d’antan à l’accessibilité contemporaine ? N’est-ce pas une dérivation amenée par le rôle du support d’écriture, qui dénote le paradoxe de celui-ci à grande échelle ? { Fig.4 }

Fig.4 Publicité de grande échelle à la quartier historique de Paris Image Google Images

Les inscriptions ont pu survivre pendant des milliers d’années grâce à la matérialité de leur support. Cependant, il ne faut pas confondre cette résistance matérielle et le symbole éternel assigné à celui-ci. Les supports contemporains s’approprient astucieusement la signification immortelle de leur prédécesseur, mais différent aux supports antiques, nous ne voyons qu’une intention d’exploiter cette force. Bien que le panneau routier permette à la publicité d’être agrandie dans une échelle impressionnante, aucune publicité ne sera conservée dans cette fenêtre blanche, elle sera remplacée par une autre peu après. Ce changement constant de contenus n’ébranle guère le panneau vide qui ne se satisfera jamais en dévorant toutes ces publicités qu’on lui 31


Fig.5.1, 5.2 De haut en bas, Theodoros Angelopoulos, Le regard d’Ulysse, 1995

donne. Ce gourmand aura toujours faim de plus, lui même reproduisant constamment le mythe de l’éternité par sa stature imposante et la métaphore qu’il emprunte à son prédécesseur. Il se tient là jour après jour, nous fixe comme la déesse de la chasse, qui nous cible avec ses flèches brutales. L’éternité se ravit par le biais de son image. Ces panneaux énormes deviennent l’espace du champ de bataille où se battent les légendes éternelles et l’instantanément mortel de façon incessante, avant que leur frontière ne se brouillent. Jusqu’à présent nous savons que le support de l’écriture est un objet et un moyen de matérialiser l’écriture. 32


À travers cette matérialisation, nous pouvons reconnaitre les différentes stratégies réalisées par l’auteur. La matérialisation appropriée de l’écriture créé d’une certaine façon le mythe de celle-ci. Ce mythe est en réalité celui d’un objet dont le texte n’est que le titre. Dans un film de Angelopoulos Le regard d’Ulysse, le réalisateur a filmé le démontage de la statue de pierre géante de Lénine, ce monument avait été édifié à sa gloire, symbole idéologique, prête à être expédiée de la péninsule balkanique { Fig.5.1,5.2 ci-contre }. Jusqu’à cette scène d’Angelopoulos, le mythe de l’objet est décomposé. Tout ce qui est solide fond dans l’air.

Notes a. Jorge Luis Borges, La lune, Source: http:// arbrealettres. wordpress.com/2015 /02/10/la-lune-jorge-luisborges/

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II

Le paysage linguistique



Revenons à l’inscription antique au musée. Nous pouvons rapidement nous rendre compte que ce monument, bien qu’il soit dans le même espace physique que nous, ne concorde pas avec le contexte de l’instant où nous la regardons. Nous sommes clairement témoins d’une frontière immatérielle entre les écritures anciennes et les écritures modernes que nous rencontrons au musée. Nous décelons ici, l’interstice entre les écritures des différents langages. Une écriture en langue étrangère est une brèche dans l’environnement, elle devient un signe en raison de sa forme singulière, de la langue inconnue qu’elle représente. Quand nous la décrivons, nous commençons par identifier le lieu où elle se trouve, puis effectuons ensuite une courte description de l’environnement, de sa taille, de sa couleur... Les gens peuvent ressentir la frontière entre l’écriture étrangère et la leur : nous la regardons, nous pouvons la décrire, mais nous ne pouvons pas dire de quoi il s’agit. L’écriture dans une langue étrangère nous révèle une réalité qui s’adresse spécifiquement aux locuteurs de cette langue et là, dans l’absolu, nous sommes incapables de savoir si cette langue inconnue évoque la même réalité que ce que notre langue décrit. 39


Fig.6.1 - 6.3 De haut en bas Le panneau signalétique trilingue et bilingue de l’aéroport cdg Images Google Images (Fig.6.3), ent Design (Fig.6.1-6.2)

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La réalité multilingue Dans certaines circonstances, l’incertitude qui naît face à une langue étrangère peut néanmoins s’atténuer. Nous pouvons facilement trouver des écritures multilingues dans des lieux de transit (arrêt de métro, autoroute et aéroport, etc), qui sont aussi des lieux pédagogiques, car ils nous permettent de vivre la réalité multilingue. Prenons l’aéroport comme exemple { Fig.6.1-6.3 ci-contre }. Sur les panneaux signalétiques de l’aéroport Charles de Gaulle, nous pouvons voir que le français, langue du pays est mis en blanc, au premier plan des panneaux ; les autres langues, considérées comme langues étrangères, s’affichent à la suite du français, en jaune. Les mots sont alignés au même niveau, la taille de l’écriture de chaque mot des différentes langues est parfaitement proportionnée et cohérente dans l’espace du panneau malgré leurs diverses gabarits grammaticaux. Cette mise-en-page égalitaire et ordonnée dans l’espace, au niveau de proportion des mots, nous aide à établir un lien logique entre chaque langue. Sur les panneaux, nous arrivons à constater que les mots écrits en langues différentes, possèdent la même signification. Puisque les langues sont traduites et équivalentes, elles sont interchangeables et cohabitent sans divergence. Si notre langue maternelle nous invite à aller tout droit pour prendre nos bagages, n’avons-nous pas raison de croire que les langues qui nous sont inconnues et qui coexistent sur le même panneau, veulent dire la même chose ? Nous transposons la confiance que nous avons dans notre langue maternelle aux autres langues inconnues. Nous comprenons l’écrit des autres langues par la voie de la nôtre. La signalétique de l’aéroport Charles De Gaulle, nous révèle un contexte homogène, la discordance 41


entre les langues est harmonisée. Le mystère de l’écriture étrangère est levé, les réalités des langues sont unies en une seule réalité. Notre identité créée par le langage est momentanément suspendue. Dans cet aéroport français, le français n’a plus vraiment la priorité sur les autres langues. Dans ce lieu de transit, la mise en place d’une écriture dynamique et harmonieuse brouille les frontières, et la France semble se fondre dans le vaste monde.

Lourdes, ville de signes multilingues Prenons Lourdes comme autre exemple multilingue. En raison de son histoire célèbre, la ville attire chaque année des milliers de pèlerins du monde entier. Le centre-ville de Lourdes est un espace envahit par une variété d’écritures dont la plupart sont des enseignes commerciales. Nous y trouvons rarement des chaînes internationales. Les écritures datant d’époques différentes ont toutes des morphologies particulières. Bien que nombre d’écritures ne soient pas en français, nous pouvons deviner, approximativement, ce que celles-ci signifient à travers les indices que les autres écritures dans l’espace nous dévoilent. Pourtant, il n’en reste pas moins que face à l’abondance des écritures, les indices ne sont pas suffisamment convaincant et le sens hypothétique induit n’est pas toujours limpide. Parfois une petite ligne de texte français nous éclaire sur le sens d’une écriture inconnue, mais que faire avec des mots isolés, qui restent une simple image graphique pour nous ? Ce déséquilibre entre l’écriture et sa traduction nous condamne au silence des mots. Le doute demeure, cheminant le long de la faille des langages. Sur l’enseigne de ce restaurant asiatique à Lourdes { Fig.7.1-7.2 ci-contre }, deux écritures, française et chinoise 42


Fig.7.1, 7.2 De haut en bas Lourdes, langues Êtrangères sur des panneaux

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Fig.8

se côtoient. En français, il est écrit « restaurant phi-long » « Spécialités : vietnamiennes - thaïlandaises - chinoises ». Pour souligner, auprès des touristes français et étrangers, l’authenticité de son établissement, ils ont ajouté quatre caractères chinois de chaque côté de l’enseigne disposés dans un carré, bien que comportant un caractère obsolète, ceux-ci signifient « restaurant chinois ». { Fig.8 } Nous pouvons cependant deviner l’identité vietnamienne de ce restaurant à travers son nom, phi-long. L’ordre dans lequel sont présentés les spécialités culinaire ( spécialités vietnamienne au premier plan ), et la tenue traditionnelle vietnamienne portée par la femme de l’enseigne du dessus. Pourquoi ce restaurant qui se présente vietnamien utilise-t-il des caractères chinois et non vietnamien ? La taille réduite des caractères chinois par rapport à l’écriture française les rend moins lisible. Pour les chinois, l’utilisation d’un caractère obsolète libère l’écriture de son aspect habituel et quotidien et donne à cette écriture un caractère exotique et étrange, et d’un point de vue 44


sémantique, suspect. Pour tous les autres, ces caractères muets sont des signes graphiques qui visent à crédibiliser l’identification asiatique du restaurant. Les huit caractères chinois sur ce panneau sont donc devenus des signes adressés à tous les touristes. Si nous nous référons au fait que le vietnamien a été latinisé depuis plus un siècle, nous pouvons alors comprendre que le vietnamien moderne ne peut pas autant se faire remarquer que le chinois dans la ville de Lourdes où l’écriture est basée sur le latin. Sur cette enseigne, nous ne trouvons aucun détail sur une quelconque provenance chinoise, nous ne trouvons qu’une déclaration sur la présence de celui-ci. Ce que nous apercevons a pour intention de convertir le langage chinois en signe en négligeant sons sens sémantique. Ce signe devient une fissure dans l’environnement, dont l’existence est aussi l’intention de ces huit caractères chinois. L’enseigne de ce restaurant nous dévoile une partie du multilinguisme présent à Lourdes. Ici, à contrario de la signalétique aéroportuaire où les diverses langues sont placées au même niveau, les différents langages servent de signe visuel afin d’identifier les différentes communautés, ceci dans un but commercial visant à s’attaquer à la nostalgie des touristes. Lourdes, haut lieu de pèlerinage pour les chrétiens du monde entier, emplie par le multilinguisme, constitue une représentation de l’ampleur du territoire chrétien sur la planète. Religion aux ambitions universelles, s’appuyant sur la base de l’usage du latin, le christianisme s’est déployé à travers sa division dans de nombreuse langues vernaculaires.

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III

L’espace public



La contrainte dans l’espace public, espace réorganisé de l’écriture L’écriture dans l’espace est restreinte par des réglementations et catégorisée selon les emplacements d’affichages prévus. Voici certaines règles données par le Guide pratique: la réglementation de la publicité extérieure, sur le site du Ministère de la Transition écologique et solidaire, pour l’affichage libre : La surface minimum attribuée dans chaque commune à l’affichage d’opinion et la publicité relative aux activités des associations sans but lucratif est fixée par l’article r.581-2 : a. 4m2 pour les communes de moins de 2 000 habitants ; b.  4 × 2 m2 supplémentaires par tranche de 2 000 habitants au-delà de 2 000 habitants, pour les communes de 2 000 à 10 000 habitants ; c. 12 × 5m2 par tranche de 10 000 habitants au delà de 10 000 habitants pour les autres communes.  En théorie, l’écriture doit être organisée dans l’espace. De l’écriture formelle, comme la signalétique, jusqu’aux petites annonces assemblées et regroupées sur des endroits spécifiques, l’emplacement de l’écriture est préprogrammé. Dans la rue, le menu d’un restaurant est toujours tourné 51


Fig.9

Fig.10 Lourdes, écriture anonyme sur un mur public (Sas la vérité) Bonjour à vous / S'il vous Plait urgent / je recherche mon épouse / avec Nôtre bébé, age 12 mois / merci vôtre aide présieuse / Pour Renseignement /  Tel : 06-82-15-23-42 / mersi vôtre compréhention / Sur Nôtre Famille qui à besoin de votre aide /  Trouver bébé et la maman

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en direction de la foule. Les devantures et vitrines deviennent des dispositifs, grilles typographiques sur lesquelles l’écriture se déploie de manière organisée. { Fig.9 ci-contre } Toutes les écritures non-conformes sont décrétées comme illégales. Ces principes régulent les débordements de l’écriture dans l’espace public et lui confère aussi sa légitimité et fait fois de sa véracité. Son caractère ambigu est écartée lorsqu’elle accède à un statut légitime. { Fig.10 ci-contre }

Fig.11 Signalétique dans le métro parisien Image Index Grafik

L’espace contraint l’écriture, mais l’écriture modèle aussi l’espace. In situ, selon les besoins, l’espace peut susciter des écritures spécifiques. La signalétique du métro par exemple est engendrée par la fonctionnalité de l’espace. { Fig.11 } Dans un espace public comme celui-ci où défile une grande population aux heures de pointe, la signalétique a pour but de gérer cette population, en orientant correctement chaque individu vers sa destination dans les plus courts délais. Avec des polices intelligibles, un emplacement rigoureusement sélectionné et des couleurs contrastées avec leur environnement, la signalétique nous aide à écarter notre 53


confusion face à cet environnement spatial saturé en balisant la circulation au sein de l’espace. La signalétique organise l’espace. Dans un sens, l’espace n’est plus réel, car nous le voyons ici d’une façon subjective : lorsque nous parcourons cet espace, nous sommes d’abord guidés par la signalétique. Ici, impossible de visualiser tous les cheminements qui coexistent au nôtre dans cet espace souterrain semblable à un labyrinthe. La signalétique transforme l’espace en une scène ordonnée, organisée où les acteurs se succèdent, l’air pressé, assurés dans leur rôle. L’interprétation à sens unique de cette écriture les rassemble et les sépare. Chaque rencontre avec l’écriture peut signifier un changement d’orientation. Les acteurs réagissent mécaniquement après leur lecture de l’espace et cherchent avec avidité la prochaine cible à lire à chaque croisement. Leurs déplacements sont rythmés par cette écriture performative. Ceux qui parcourent toujours le même chemin, prennent toujours la même ligne de métro, ils connaissent par cœur leurs routines spatiales, ils n’ont plus forcément besoin de lire, la présence invisible de l’écriture est incarnée dans leurs pas. La signalétique peut nous présenter notre quotidien sans dérivation. Le langage dans la signalétique ne contient plus aucune métaphore, il devient un guide et nous devons nous soumettre aux injonctions de celui-ci, il nous encadre par ses directives dans l’espace. Nous suivons aveuglement ce que nous lisons, notre notion du temps est rythmé par les étapes de lecture et nous recouvrons la vue en sortant de cet espace souterrain.

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Double espace, l’espace et sa métaphore Dans son livre Une histoire de la lecture, Alberto Manguel écrit : « Pour Socrate, le texte lu n’était jamais que mots dans lequel signes et sens se chevauchaient avec une précision stupéfiante. Interprétation, exégèse, glose, commentaire, association, réfutation, significations symboliques et allégoriques, tout venait non du texte, mais du lecteur, le texte telle une image peinte, disait seulement la lune d’Athènes, c’était le lecteur qui la meublait d’une face ronde éburnéenne, d’un ciel profond et sombre ». [a] Ici, l’auteur nous apporte une notion intéressante de l’écriture, car elle écarte l’ambiguïté du langage : c’est le lecteur qui recompose mentalement ce qu’il lit. Est-ce que nous pouvons créer une lecture allégorique dans l’espace ? Il suivit la jeune fille et son père, qui revinrent sur le plateau de la Merlasse. Depuis qu’il était sorti du Panorama, il éprouvait une sensation singulière de dépaysement. C’était comme si, tout un coup, on l’avait transporté d’une ville dans une autre, à des siècles de distance. Il quittait la solitude, la paix endormie de l’ancien Lourdes, augmentée encore par la lumière morte du velum, pour tomber brusquent dans le Lourdes nouveau, éclatant de lumière, bruyant de foule. [b] Nous pouvons percevoir l’écriture de deux manières différentes dans la ville de Lourdes. La rue de la Grotte, une des principales rues commerciales, peut se dévoiler sous deux visages. Pendant la période de pèlerinage, la rue est animée, joyeuse, enflammée par la foule. Le reste de l’année, elle dévoile un autre visage : désertée, calme, elle n’est plus qu’un lieu, où se chevauchent des supports d’écritures et produits manufacturés dans la profondeur de l’espace 55


{ Fig.12 ci-contre }. Nous sommes confrontés à un moment mystérieux, figé et serein comme un vestige de sa période de vivacité. Dans la rue vidée, on a le sentiment de se retrouver comme face à une installation artistique composée d’écritures. Celles-ci même qui constituent le quotidien pendant la période de pèlerinage. Hors de ce temps vivant et actif, dans son silence, elles se transforment en une allégorie de celui-ci. C’est alors ainsi que l’on peut dire que la rue lourdaise dévoile deux visages, deux lectures de l’écriture définies par un espace qui se dédouble: l’un est l’espace réel, l’autre est l’espace métaphorique dans lequel l’écriture nous transporte. Les écriteaux posés devant des magasins clos nous indiquent une fermeture éphémère. Elle est la prophétie qui prédit que l’activité future de la rue. Zola décrit dans son livre Lourdes la foule endimanchée pendant le pèlerinage : « Le ciel était d’un bleu, pur, le soleil embrasait la ville ; et il y avait dans l’air une gaieté de fête, cette joie vive des grandes foires qui mettent au plein jour la vie de tout un peuple. » [c] La littérature immortalise alors ici ce moment, que nous pourrons toujours revivre. L’écriture exposée dans la rue de la Grotte, comme le récit de Zola, est témoin de ces festivités religieuses en son absence, en bloquant son activité périodique dans le temps. Deux espaces, réel et métaphorique, se font écho et se révèlent à travers le silence de l’écriture. La réalité de l’un nourrit l’existence de l’autre, la présence d’un espace définit l’absence de l’autre. La notion de cet espace dédoublé se retrouve aussi lors de la confrontation de l’espace réel et de l’espace virtuel. Lorsque nous lisons un roman, dont l’action se déroule dans un pays inconnu, les lieux décrits, à travers le récit de l’auteur sont imagés par le lecteur. Ces lecteurs qui n’ont jamais 56


Fig.12

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Fig.13.1, 13.2 De gauche à droite Deux hôtels à Lourdes : l’Hôtel de Nice et l’Hôtel Belge et Madrid

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voyagé dans ces endroits, imaginent le continent américain, l’Espagne, ou la France. Nous alors visualisons ces territoires inconnus, inaccessibles à travers les mots qui les narrent. L’hôtel, confortable logis temporaire, est un lieu intermédiaire, qui d’une certaine manière arborent un parti pris local qui nous est parfois inconnu. Lorsque nous sommes à l’hôtel, nous vivons un moment de transit, où on était toujours plus loin, ailleurs et nulle part. L’hôtel est un lieu qui nous enferme dans une bulle transparente, isolé dans le temps et dans l’espace. En tant que voyageur, nous pouvons y perdre notre identité et nos repères. À Lourdes, de nombreux hôtels portent des noms de villes : Hôtel de Nice, Hôtel de Florida, Hôtel de Paris … { Fig.13.1, 13.2 ci-contre } Dans un hôtel qui porte le nom d’une ville géographiquement éloignée, au point d’en devenir inaccessible, ne percevons-nous pas parfois l’existence d’un interstice entre la réalité de ce bâtiment et son environnement immédiat ? La projection mentale dans un espace géographique sont aussi présentes dans l’affectation des noms de rues, par exemple dans les rues de Shanghai et celles de Taipei. Dans ces deux villes, les rues portent le nom de provinces ou de villes du territoire chinois. Ces noms sont choisis selon la position géographique que les villes occupent au sein du pays. Cette projection n’est pas une représentation exacte de la Chine, elle reproduit tout de même l’organisation spatiale du pays : d’une certaine manière, les noms de rues peuvent aider les gens qui connaissent un minimum la géographie de la Chine à s’orienter dans la ville. L’introduction de la carte chinoise dans l’espace urbain est donc accentuée par cette pratique mentale et corporelle de l’espace.

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Cette organisation urbaine nous suggère une carte mentale de la Chine. La ville essaye de compresser la Chine en son sein à travers des noms topologiques. Les cartes de Shanghai ou de Taipei deviennent des cartes immatérielles, elles seront déformées par ses références géographiques. Les rues de la ville se déploient à travers un autre espace géographique et imaginaire.

Notes a. Alberto Manguel., Une histoire de la lecture, Arles : Actes Sud, 1998, p. 79. b. Émile Zola., Lourdes, Pau : MonHélio, 2007, p. 323. c. Émile Zola., op. cit., p. 167.

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IV

La vitesse, le temps, le mouvement



Aujourd’hui, notre lecture de l’espace se réduit à la vitesse urbaine et à l’abondance des informations saturant un espace donné et circonscrit. L’expérience de la lecture est en fait abstraite, les mots clés sont des couleurs, des formes, des mots et des signes fragmentés. C’est une lecture incomplète. Cette expérience est loin d’être immersive bien que nous la vivons quotidiennement et de façon le plus souvent inconsciente. Qu’est ce que nous pouvons dégager de cette lecture quotidienne, fragmentant ou morcelant nos expériences perceptives de l’espace ? La Chine est connue par son développement économique au 21e siècle. Au cours de « la fête des célibataires », une journée d’achat sur l’internet proche du concept du « Black Friday », 25,3 milliards de dollars de transactions ont été atteint. [a] La réussite de ce triomphe commercial n’est pas uniquement dû aux commerçants mais plutôt au milliard de consommateurs chinois. La vie quotidienne s’est inévitablement ébranlée dû à un développement national axé sur l’économie de production. Sous ce contexte singulier, l’écriture exposée dans ce pays, censurée, s’adresse à la masse ; elle reflète la façon dont la communication se fait en Chine.

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L’écran exposé, écran led, est un support présent dans l’espace public chinois. À l’aéroport Baiyun, un des aéroports internationaux de la Chine, nous pouvons trouver des chariots avec pads nommé « 候机宝 » (traduit littéralement « le chouchou d’attente ») { Fig.14 ci-contre }. Ce chariot est beaucoup utilisé à l’aéroport. Il se déverrouille en scannant sa carte d’embarquement. Avec sa fonction multimédia, il a pour objet de faire passer le temps en attendant son vol. On ne se satisfait plus d’une simple écriture figée. Les informations sont compressées en quantité et accessibles dans un temps limité. Lors d’animations, et donc de mouvements, qui lui sont ici liée se déploie alors une phase de vitesse dans l’écriture qui ne lui est pas habituelle. L’abondance et la vitesse de l’écriture nous guident pendant ce temps de transit. Sur le pad, nous pouvons trouver toutes les informations des vols, des publicités, des actualités mais aussi des musiques et films pré-installées. Le déplacement dans l’aéroport afin de chercher les informations nécessaires n’est plus indispensable puisque toutes les informations sont accessible sur le chariot. La lecture physique et active dans l’espace est remplacée par une lecture immobile et passive. Est-ce que cette écriture animée soulage réellement notre ennui dans un lieu de transit ? La vitesse et la facilité d’accès aux informations prolongent cependant la perception du temps d’attente en essayant de remplir celle-ci par un moment vide et sans réel intérêt. Dans le métro chinois, nous pouvons trouver également une forme d’écriture qui lui est spécifique : la publicité dynamique { Fig.15 ci-contre }. Elle est installée pour les passagers du métro. Les gens dans le métro à grande vitesse peuvent regarder par la fenêtre distinctement les publicités pouvant durer plusieurs minutes. 68


Fig.14

Fig.15

Le principe du mouvement de la publicité est le même que celui du dessin animé : la persistance visuelle. La publicité dynamique que nous voyons est faite de centaines de tubes led d’une hauteur d’un mètre. Chaque tube compose l’écran led en y apportant un faisceau de pixels. Ces tubes led s’installent dans certaines sections des deux côtés du tunnel où le métro roule à une vitesse stable, cela produit une séquence image sans perte de visibilité et lisibilité. La distance entre chaque tube est calculée en fonction de la vitesse du métro. Ces éléments lumineux sont programmés par un terminal informatique. Ainsi les spectateurs 69


dans le métro peuvent voir des publicités télévisées. À l’aéroport Baiyun, nous pouvons trouver un assemblage compressé de l’écriture, mais ici nous pouvons observer au contraire un déploiement dans l’espace de celle-ci. Ce déploiement exploité par la vitesse élimine la compression de l’écriture et illusionne les passagers, pris entre la mobilité du métro et la soit-disant fixité des publicités. Cependant, sans la vitesse, ces écrans led seraient des pixels sans signification. À travers sa propre décomposition, l’écriture arrive à surmonter la contrainte du temps qui défile afin de nous offrir une lecture convenable. Puisque les tubes led sont placés dans le tunnel, endroit suspendu et difficile d’atteinte hors du statut de voyageur, le trompe l’œil créé par la vitesse est quasiment indéchiffrable. Hors de la voiture du métro, les publicités inaccessible, hantent l’espace telles des fantômes. La fenêtre nous isole de ce que nous regardons vraiment. Ce sentiment d’isolement est aussi une description de la nature de notre regard. Il n’y a pas de dialogue entre le spectateur et l’image. Notre regard chemine dans une mise en abyme : ce que nous voyons est un produit de notre propre vision. Le mouvement et la vitesse sont aussi utilisés dans l’écriture commerciale. Dans celle-ci, nous pouvons trouver des conditions d’achat rédigées avec des polices délibérément réduites, dans des typographie serrées et arborant un langage empli de formalités insipides, que nous ne prenons en général pas tous le temps de lire à cause de la favorisation de leur difficulté de lecture. Nous nous imposons souvent un court moment pour lire les publicités et tout ces éléments influence notre notion du temps de lecture et notre impatience. Ce type d’écriture, affichée en se soumettant à l’exigence des lois, a en effet pour objet de dissuader sa lecture. Ce paradoxe reflète une stratégie sophistiquée du commerce. 70


Fig.16 Ici, sous l’énorme « 50% » se trouve une ligne presque illisible : «*sur les articles signalés en magasin. »

Pour convenir à la vitesse des piétons, afin d’être un maximum lisible, c’est le « 50% de réduction ! » qui est placé en caractères extra-bold au centre des affiches commerciales à grande échelle { Fig.16 }. Leur but est sans aucun doute de susciter l’intérêt des passants. Pourtant, quand nous nous approchons, nous trouvons une ligne en dessous de cette police grande et chaleureuse « offre limitée aux produits sélectionnés ». La taille et l’épaisseur réduites de ce cette police est en désaccord avec l’ambiance créée par « 50% de réduction ! ». Ce sont les deux faces du commerce. Les stratégies commerciales engendrent une lecture manipulée par sa propre vitesse. Elle nous guide, nous dit ce que nous devons lire en priorité et comment le lire. Notre perception des choses doit être réfléchie. Les fameux mots de Flaubert : « Pour qu’une chose soit intéressante, il suffit de la regarder longtemps. » [b] Cela dit lorsque nous sommes dans l’espace urbain, il semble que cette réflexion de Flaubert ne soit pas vraiment applicable. Lorsque nous lisons des descriptions souvent très détaillées de Flaubert ou de Balzac sur les vêtements d’un de leurs personnages par exemple, on pourrait s’attendre à des descriptions 71


relatives à une observation poussée de leurs auteurs. Pourtant, ce sont des détails issus de la mémoire perceptive, forcément fragmentés. La plupart des lectures se font sur un mode privé, intime. Lors de notre cheminement de piéton il peut nous arriver lors d’une attente à un feu rouge par exemple, de lire le gros titre d’un journal tenu dans les mains de notre voisin. « Syrie: un nouveau conflit armé ! Le cabinet a annoncé... » ; En dehors du titre, le reste peut être caché par la pliure du journal. Il peut également y avoir un aperçu du visage d’un politicien et d’une photo des forces armées. Face à cette phrase inachevée des mémoires en rapport aux peu d’informations présentes peuvent surgir et des opinions peuvent commencer à naître dans notre esprit. Mais le feu vert s’étant allumé, nous devons avancer. Si nous nous repensons à ces quelques secondes d’arrêt, la phrase inachevée devient floue, sa signification n’est plus concluant. Cette image mentale commencerait alors à se réorganiser dans notre mémoire, le visage du politicien deviendrait de plus en plus précis, poussant la phrase hors de la page du journal. L’image des force armées se transposerait en séquence temps, une séquence d’images et de rêveries. L’écriture peut être divisée par des unités de temps et peut donc se transformer en millions de faces. Une expérience instantanée ne peut pas être reproduite, notre confusion en face de l’inachèvement de la lecture ne sera pas éclaircie. La partie que nous captons en une seconde va se détériorer dans la seconde suivante. Cette courte rencontre avec l’écriture se produit tous les jours. Ces écritures apparaissent de manière inattendue et disparaissent rapidement. Elles laissent des traces dans notre mémoire, qui s’effaceront avec le temps. L’écriture reste

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enfermée dans la réticence de sa parole. Elle nous envoie des signes sapés par notre vitesse de marche ou de conduite. Parfois, nous avons juste le temps d’apercevoir sa couleur et sa forme singulière. Parfois, nous ne lisons qu’un ou deux mots au coin d’une affiche dont le contenu reste énigmatique. Dans ces lectures inachevées, l’écriture nous implique avec incertitude et ambiguïté sa métaphore. N’est-ce pas sa signification évasive qui cultive et nourris notre perception subjective ? Nous falsifions les messages instantanés dans notre esprit, les recoupons, les recolorions. Une production mentale qui finit par se déformer devient le seul témoin de notre expérience quotidienne. Cette expérience reste omniprésente mais malgré tout éphémère comme la marée, qui nous berce de sa douce vague. Ce que nous lisons pendant quelques secondes va perdre sa crédibilité après un certain temps. Ces secondes seront étalées sur dix minutes, vingt minutes ou plus par notre imagination. Ces écritures présentes dans l’instant vont nous conduire vers le blanc indicible d’un rêve doux et léger, destiné à être oublié une fois éveillé.

Notes a.

Source: http://www.lefigaro.fr/

b. http://flaubert.univrouen.fr/correspondance/ conard/outils/1845.htm

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V

Lecture dans l’espace



Nous savons que l’écriture est programmée par l’espace, et d’une certaine manière nous pouvons aussi dire que notre lecture est orientée par la planification de l’écriture exposé et son emplacement dans l’espace public. Cette orientation est un préjugé que nous donne l’espace. Ne devrions alors nous pas y développer une lecture plus ouverte et attentive ? Les écritures exposées nous adressent une lecture fragmentée de l’espace. Est-ce qu’un dialogue explicite peut être constitué à partir de leur base semblant anti-narrative ? Est-ce que celles-ci peuvent définir un portrait de l’espace ? Directory est un petit poème de Robert Fitterman [a] composé avec des noms de marques commerciales que nous pouvons rencontrer quotidiennement : Street Level J. Crew

N101

Macy’s

N104

Payless ShoeSource

R114

Kate Spade

E112

Coach

E152

H&M

E116 (15)

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L’auteur prélève ces signes visible dans l’espace public quotidien en se servant des noms de marques et les restitue en un récit lisible. Fitterman met alors en avant la culture de consommation dispersée dans l’espace urbain en composant de telle façon, se réappropriant une entité qui s’éloigne de ce que l’on pourrait considérer comme poétique. Dans cette œuvre readymade, ces signes fragments de l’écriture exposée se transforment en mot-clés dans cette narration poétique.

Fig.17 Photo documentaire sur la disposition de l’affiche 5 doigts à la main de John Heartfield, Image Google Images

Une multitude de dispositifs d’écriture qui saturent l’espace peut suggérer aux lecteurs une signification différente. Prenons pour exemple la photographie documentaire de l’affiche 5 doigts à la main, avec 5 tu terrasses l’ennemi, alors votez le 5 pour le Parti Communiste ! de John Heartfield. { Fig.17 } Cette séquence ne nous intéresse pas simplement de par sa connotation poétique mais aussi par 80


Fig.18.1, 18.2 De haut en bas Différentes lectures d’une écriture produites par plusieurs positionnements du spectateur dans l’espace.

Fig.19 Panneau de petites annonces dans une boulangerie

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le questionnement que nous apporte son appui significatif renforcé par une accumulation des copies. Cette grande main ouvrière sur fond blanc se transforme en un signe fort accentué par sa simplicité, sa répétition et construit les bases d’un contexte symbolique et immersif. La répétition engendre une performance de l’écriture figée. Cette répétition théâtrale et vertigineuse de la main arrive alors à donner autant de force et d’émotion que le pourraient les traits d’un visage. Ici on peut voir une parole répétitive qui s’adresse à nous avec huit fois plus de force que seule afin d’amener notre regard à se perdre dans cette mise en abyme. L’expérience de lecture dans l’espace est aussi liée avec une pratique corporelle. Imaginons-nous au pied d’un bâtiment couvert d’une écriture gigantesque. Si près de celle-ci, nous sommes obligés de lever les yeux à nous en tordre le cou, nos yeux se plissant par le soleil. Nous pouvons alors vite devenir impatients car notre compréhension se perd à travers une vue hasardeuse et une reconnaissance globale des caractères. Cette lecture devient si désagréable, les lettres se déforment et les images s’entremêlent, qu’elle nous oblige à nous déplacer pour trouver la position de lecture idéale. Nous devons alors reculer afin de pouvoir lire l’écriture dans son ensemble. Chaque pas en arrière démêle les lettres déformées par le manque préalable de perspective. Nous nous déplaçons donc jusqu’au moment où l’écriture sera correctement exposée devant nous. Dans cette position spécifique, nous saisirons seulement alors l’écriture dans son ensemble sans effort de perception. { Fig.18.1, 18.2 p.79 } Lorsque nous lisons dans un espace où l’écriture est relativement compactée, comme sur un panneau de petites annonces { Fig.19 p.79 }, l’espace transfigure, sous les yeux du lecteur, un microcosme qui s’expose dans le moindre 82


Fig.21 Image  Arthur Billaud

Fig.20.1, 20.2 De haut en bas L’enseigne et lettre peinte aux différentes heures de la journée.

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Fig.21

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détail. Notre regard erre entre ces petits volumes de papier et s’arrête lors de chaque interpellation, la présence d’une couleur, d’une annonce particulièrement petite ou grande, d’une forme calligraphique charismatique ou d’un mot qui attise notre curiosité. Mais que lisons et cherchons nous vraiment devant ce petit territoire du monde de l’écriture ? Nous nous perdons dans nos pensées devant l’entassement et les chevauchements d’informations, formes, textes, notre esprit erre dans les méandres de sa portée graphique, notre regard se déplace entre chaque signe qu’elle nous adresse, sans jamais construire réellement de lecture continuelle. Notre regard ne dépasse pas les confins du panneau, ce petit territoire de l’écriture devient comme un champ de signes clignotants. Et lorsque nous décidons de nous en éloigner, lorsque nous nous retournons à nouveau, ces écritures deviendront avec la distance silencieuses, ne pouvant plus mobiliser nos yeux, nous ne verrons plus alors que quelques taches de couleur ainsi que des espaces et formes grisés. Nous pouvons constater que l’image de l’écriture n’est pas statique, elle va changer à mesure de notre déplacement. En reculant, avançant et en regardant aux alentours, nous pouvons découvrir une autre richesse dans la composition de l’écriture spatiale : les ombres projetées d’une écriture à l’autre, les superpositions et les décalages de hauteur produits par les différentes échelles comparable à ceux des arbres dans une forêt. Une perception si douce de ses produits baignés dans la lumière de l’aube, si forte en plein jour et s’adoussicant à nouveau lors du crépuscule naissant { Fig.20.1, 20.2 p.81 }. Pendant la nuit, certaines d’entre elles sont éclairées par des néons, leur support et environnement s’oubliant dans le noir de nuit, l’écriture 85


semblant alors flotter dans le noir révélant sa composition si singulière { Fig.21 p.82}. La détérioration de notre perspective la transforme en aplat négligeant notre notion tridimensionnelle. En se déplaçant, les diverses compositions des écritures urbaines s’inspirent différentes morphologies de l’espace urbain. D’une certaine manière, les lecteurs peuvent aussi apporter un simple regard à leur environnement fait d’écritures et qui peuvent se donner à voir de façon confuse, déformée, dépendant de la position de chaque lecteur dans l’espace. Le regard mobile et instinctif n’a pas pour objet de lire l’écriture. Les lecteurs cherchent activement dans leurs lectures l’espace parfois fastidieux et incommode, et par delà sa fonction première, une sorte d’imaginaire, hors de son environnement immédiat. Ces écritures se donnent à lire alors comme une tâche sur le mur, telle la tâche de Virginia Woolf pleine de mystère et d’ambiguïté [b].

Notes a.

Source: www. pomoculture. org/2013/05/18/ re-thinking-non-retinalliterature-citation-radicalmimesis-andphenomenologies-ofreading-in-conceptualwriting-1/

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b. La Marque sur le mur, nouvelle de Virginia Woolf






Conclusion



Nous marchons dans une rue de la banlieue, nous voyons une nouvelle affiche publicitaire d’un parfum Lancôme. Sur cette affiche, l’actrice qui pose a un visage brillant et une tenue délicate, son allure est relâchée et souriante, son regard sincère se pose sur nous. Nous apercevons que tout ceci est incompatible avec la tranquillité de l’espace isolé de la banlieue. Mais la dernière fois que nous avons vu cette affiche, c’était dans une zone commerciale. Elle était si harmonieusement placée dans l’environnement qu’aucun d’entre nous ne s’était demandé pourquoi elle était là. Plusieurs fois, nous avons vu le même mendiant à l’entrée de la station de métro, mais nous n’avons jamais pris le temps de lire le carton devant lui, enveloppé par des scotchs pour qu’il puisse être résistant et exposé sur une longue durée. Sur ce carton, il avait écrit : « j’ai faim, s’il vous plaît ». Des fois nous pouvons même trouver un carton où on peut voir écrit un petit roman de leur vie. Mais le contenu de son écriture ne nous intéresse pas. Habit déchiré, visage obscur et marginal, leur regard épuisé parfois empreint de ruse, ces caractéristiques physiques écrivent elle-même sur le carton : Faim, s’il vous plaît, passer quelques jours sans manger,  pour mes enfants, réfugié libyen . Pourtant, peu importe le but de son écriture faux ou sincère,

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dans celle-ci, sur le modeste carton brut et scotché, nous pouvons édifier un parallèle avec les mots égalité et partage. Nous constatons que l’écriture exposée renseigne sur les diverses activités possibles et sur notre environnement, notre localisation dans l’espace. L’écriture exposée est un microcosme dans la société. Certaines écritures utilisent des matériaux coûteux, sont plus visible, grande, garnie que d’autres. Certaines écritures ont un objet direct et propre, tandis que certaines manquent de stratégie. Certaines ont un caractère remarquable et singulier, tandis que certaines sont répandues et universelles. C’est pourquoi l’écriture représente les différentes positions sociales puisque sa distribution dans l’espace public reflète leur pouvoir. Les différentes morphologies de l’écriture exposée sont comparable à un visage humain ayant un caractère propre, ayant différentes expressions qui renvoient aux différentes ambiances spatiales. Les expériences quotidiennes et les interrogations sur les écritures exposées dans l’espace urbain sont les prémisses de cet article. Que lisons-nous aujourd’hui dans l’espace public ? Comment l’écriture exposée brosse le portrait de notre environnement ? Quelle métaphore, mythe, vision de la société se dégagent des écritures quotidiennes banales ? En tant que designer, nous apprenons à lire et à analyser l’écriture exposée afin d’être capable de proposer une lecture active de l’espace urbain et une écriture qui accorde de la place au contexte social et historique de l’espace. Dans le livre de Mortimer J. Adler, il écrit : « On peut déterminer qu’un lecteur est meilleur qu’un autre en proportion de sa capacité à exercer un plus grand nombre d’activité et d’efforts pendant sa lecture. Il sera meilleur s’il en demande plus à lui-même et au texte devant lui.» [a]

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Notes a.

Texte original : « One reader is better than another in proportion as he is capable of a greater range of activity in reading and exerts more effort. He is better if he demands more of himself and of the text before him. » Mortimer J. Adler., Charles Van Doren., op. cit., p. 5.

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Bibliographie, sitographie & annexes



Bibliographie, sitographie Italo Calvino., Si par une nuit d’hiver, un voyageur, Paris : Seuil, 1981. Mortimer J. Adler., Charles Van Doren., How to read a book, New York : A Touchstone book, 1972. Émile Zola., Lourdes, Pau : MonHélio, 2007. Alberto Manguel., Une histoire de la lecture, Arles : Actes Sud, 1998. Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, Guide pratique, La règlementation de la publicité extérieure., 2014 http://www.cnrtl.fr/ http://arbrealettres.wordpress.com/ http://www.entdesign.net/ http://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/ http://www.lefigaro.fr/ http://flaubert.univ-rouen.fr/ http://www.pomoculture.org/

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Annexes Fraenkel Béatrice. «Les écritures exposées». Linx, n°31, 1994, Écritures, p.99-110. Corbier Mireille. «L’écriture dans l’espace public romain». L’Urbs : espace urbain et histoire (Ie siècle av. J.-C. - IIIe siècle ap. J.-C.). Actes du colloque international de Rome (8-12 mai 1985) Rome: École Française de Rome, 1987. p. 27-60. (Publications de l’École française de Rome, 98); Roland Barthes., L’empire des signes, Paris : Seuil, 2007. http://www.scriptopolis.fr/ https://fr.wikipedia.org/ http://www.persee.fr/

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Remerciements Laurent Agut, Alexandre Canova, Isabelle Haumont, Corinne Melin, Jean-Marc Saint-Paul et GrĂŠgoire Tasset. pour leurs conseils et leurs soutiens.


Plusieurs éléments de ce mémoire on été inspirés au cours d’un projet à Lourdes se déroulant en fin d’année 2017 : Drop projet. Ce projet était axé sur l’identification contemporaine de la ville de Lourdes. Je m’en suis servie comme d’un laboratoire de recherches ouvert autour du signe, de l’écriture exposée ainsi que de l’identification urbaine afin d’étudier ceux-ci de façon générale pour pouvoir l’ouvrir vers d’autres lieux et environnements. Police de caractère utilisée dans ce document : Bembo

dnsep option art, mention Design graphique multimédia École supérieure d’art des Pyrénées — Pau Tarbes pôle Signe et espace public Chen Pengpeng Imprimé à Pau, ésap, mars






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