CAMPAGNE DE 1908-1909 EN CHAOUIA - 1910

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Revue d'histoire rédigée à l'État-major de l'armée, Section historique

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France. Etat-major des armées. Service historique. Revue d'histoire rédigée à l'État-major de l'armée, Section historique. 1901-1914. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF. Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 : - La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. - La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service. CLIQUER ICI POUR ACCÉDER AUX TARIFS ET À LA LICENCE 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit : - des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable du titulaire des droits. - des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter reutilisationcommerciale@bnf.fr.


REVUE D'HISTOIRE RÉDIGÉE A L'ÊTAT-MAJQR DE L'ARMÉE (SECTION HISTORIQUE.)

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1?

Septembre

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CAMMGN^E 1908-1909 Sous le commandement du général d'AMADE

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CHAPITRE XL Combat du 29 mars. — Fondation du poste du Boucheron.

Pendant les journées qui suivirent, la pluie, tombant en abondance, rendit impossibles les mouvements de gros effectifs. Les troupes en profitèrent pour se reposer et effectuer la relève périodique des compagnies laissées dans les garnisons. Entre temps, des renforts avaient débarqué. Un escadron du 6e chasseurs d'Afrique et la moitié du nouveau goum algérien avaient déjà rallié le 16 à Dar-OuldPatima.

(1) Revue

d'Histoire, n05 114 à 116, juin à août 1910.

Rw. Hist.

23 •


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Restaient' :; Un bataillon du 4e zouaves ; Un bataillon du 3° tirailleurs ; Un bataillon du 4e tirailleurs ; La deuxième moitié du goum ; Une batterie montée; Quatre sections de mitrailleuses de cavalerie.

.Toutes ces troupes étaient prêtes à faire campagne, sauf les mitrailleuses de cavalerie qu'il parut utile de laisser à Casablanca pour compléter l'instruction du personnel et le dressage des chevaux. Par ordre du 25 mars, le général répartit, comme il suit,, les forces dont il disposait : I. — COLONNE DU LITTORAL (colonel MOINIER). Infanterie, 6e régiment de marche (1) (bataillons des 4e et 1er zouayes, colonel Branlière) ; 2e régiment de marche (2) (deux bataillons du 2a tirailleurs, colonel Diou); 3e régiment de marche (3; (deux bataillons du 4e tirailleurs, commandant Delavau). Cavalerie (commandant BERTRAND). Deux escadrons du 3e chasseurs d'Afrique; Un peloton du 3e spahis (4) ; Demi-goum algérien.

Artillerie (commandant. MASSJENEX). Batterie de montagne (S) ; Sept compagnies) le' bataillon du 1er zouaves ayant une compagnie à Casablanca. (2) Six compagnies, deux compagnies à Casablanca. (3j Six compagnies, le bataillon ancien laissant deux compagnies à Fedhala et à Bou-Znika. (4) Les trois autres pelotons à Mediouna et Ber-Rechid. (o) Deux sections, une. section à Ber-Rechid. (T)


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LA GAWPA&NE: Dïï i908-i'9O9 EN GBfAOUIA.

17» batterie montée du 13e 18» batterie montée du 12?

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régiment; régiment. Génie.

Une section et état-major (capitaine MATHIEU).

Ambulance. Ambulance mobile de colonne (médecin-major POUHAIN).

E. — COLONNE DU TIRS (colonel BOUTEGOURDJI Infanterie. 1er régiment de marche (1) (un bataillon du 1er tirailleurs, un Bataillon du'1er étranger, lieutenant-Colonel Pàssard); 3e régiment de'.marche (2) (un bataillon de quatre compagnies du 2e étranger, lieutenant-colonel Brulardt);: 4e régiment de.marche (3) (deux bataillons du 3e tirailleurs, lieutenaat-colonel Taupin). Cavalerie (commandant HÀILLOT). Deux escadrons des 5* et 6e chasseurs "d'Afrique ; Deux pelotons du 1er spahis (4); Demirgoum; algérien.

Artillerie (capitaine AUBRÏ). 18e batterie montée du 13e régiment ;. 17e batterie montée du 12e régiment. GénieUne section.

Ambulance. Ambulance mobile de colonne (médecin^major GAUTHIER).

(1) Six

compagnies, chaque bataillon a une compagnie: à Casa-

blanca, (2) Les quatre autres compagnies du 2° étranger à Mediouna et BerRechid. (3) Six compagnies, le bataillon ancien laissant deux compagnies à Fedhala et Bou-Znika. ' (4) Les deux autres à Fedhala et Bou-Znika..


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1Î7.

A chacun des régiments de marche était affectée, en plus, une section de mitrailleuses d'infanterie. Le 26, les nouveaux groupements se constituèrent; la colonne du Littoral à Mediouna, celle du Tirs à BerRechid. Ces deux colonnes se réunirent, le lendemain 27,

sur l'Oued Aïata, à l'emplacement du bivouac du 7 mars. Une fraction des M'dakra, les Atamna, sur le territoire desquels se trouvaient précisément nos bivouacs, vint v faire sa soumission. Mais le reste de la tribu semblait irréductible ; confiants dans l'abri qu'offraient les montagnes boisées de leur arrière-pays, les M'dakra faisaient la sourde oreille à toutes les propositions d'entente et paraissaient avoir oublié la leçon du 8 mars. La mehalla d'Amor-Sokfani, très affaiblie en hommes et en chevaux, mais encore en possession de ses trois canons, était campée à Aïu-Kessibia, sur l'Oued elAteuch. Au delà, jusqu'à l'Oued Dalia (1), s'échelonnaient les douars hostiles de la tribu, mélangés au\contingents des Aït-Ouira. Enfin, les M'dakra fondaient grand espoir sui? l'appui du puissant caïd des Zaïan, Hammou-Akka. On annonçait déjà que son fils, à la tête de forts contingents berbères, se trouvait chez les Achach, voisins et complices des M'dakra. Les rebelles espéraient être ravitaillés en munitions par MoulayHafid, qui, à la vérité, ne leur envoya que quelques mulets porteurs de cartouches. Le centre de la résistance et de la révolte paraissait donc bien reporté chez les M'dakra ; il était indispensable de refouler ceux-ci dans leurs montagnes, et d'empêcher qu'ils ne vinssent troubler de nouveau la tranquillité des douars réinstallés dans la plaine. Mais Faction intermittente de nos colonnes mobiles étant (1) Cours supérieur de l'Oued Neffiflkb.


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jusqu'ici insuffisante pour amener la soumission, ie général jugea nécessaire de laisser sur le territoire hostile un détachement permanent, dont l'action serait vraisemblablement plus efficace pour réaliser la pacifirestée

cation souhaitée. C'est dans ce but qu'il mit de nouveau ses troupes en

mouvement vers la région des M'dakra. Il avait plu dans la matinée du 27 ; on attendit donc un jour que le sol eût repris quelque consistance, et les colonnes n'entamèrent la marche que le 29. La colonne du Tirs reçut comme objectif la ferme de Bou-Azza-ben-Sliman, la colonne du Littoral, le point dénommé la Gara des M'dakra (1). Arrivées sur la transversale jalonnée par ces deux points, les deux colonnes devaient s'arrêter et attendre de nouveaux ordres. Une réserve générale était constituée sous les ordres du colonel Diou ; elle comprenait deux bataillons, fournis à. raison d'un bataillon par chacune des colonnes, et la batterie de montagne. Eutre 10 et 11 heures, les colonnes atteignirent les emplacements indiqués et s'établirent en position de halte gardée. La colonne du Tirs n'avait éprouvé aucune résistance ; la cavalerie d'avant-garde du Littoral avait essuyé le feu de quelques cavaliers ennemis. Le général fit connaître aux commandants des deux colonnes que les troupes stationneraient environ deux heures sur les points occupés. Pendant ce temps, il étudierait remplacement où pourrait être établi le-détachement permanent et déterminerait sa composition. Yers 11 heures, le goum et un peloton de chasseurs du Littoral, postés en couverture, engagèrent avec l'ennemi un combat à pied assez vif, mais de courte durée. Le commandant de la colonne du Tirs, s'en étant

(1) Voir croquis n° 13.


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aperçu, ordonna au commandant Haillot de traverser la vallée, et de gravir les pentes du plateau vers le marabout de Sidi-Aceïla, pour surveiller de là les avenues du M'quarto. La cavalerie du Tirs exécuta cet ordre; mais ses pointes, n'ayant pas de vues à hauteur du marabout, s'avancèrent sur le plateau, suivies des pelotons compacts qui dépassèrent le marabout de 500 mètres environ : le goum à gauche, les chasseurs au centre, les spahis à droite. De la crête, où elle était parvenue, la cavalerie distinguait de nombreux Marocains à 2,3003,000 mètres. A partir de d heure, l'ennemi commença à se rapprocher et son feu s'accentua. De plus en plus pressée, la cavalerie se maintenait en position par le combat à pied, cherchant par de continuels mouvements d'échelons à donner aux Marocains l'illusion du nombre et à contrarier leurs efforts. A l'extrême droite, le peloton Sylvestre est surpris par le feu de nombreux fantassins qui surgissent inopinément des cultures. Le lieutenant et deux cavaliers sont tués. Pour sauver leurs corps, le lieutenant du Boucheron se lance à la charge avec un demi-peloton de spahis, pendant que l'autre demi-peloton le soutient par son feu. Mais son cheval est tué, un autre ;qu'on lui amène est blessé et s'abat. Le deuxième demi-peloton, voyant son officier en danger, charge à son tour. Le maréchal des logis Gornice cherche à remettre en selle son lieutenant. Par malheur la selle tourne et pendant qu'on resserre les sangles, l'héroïque officier tombe frappé à bout portant de deux coups de feu ; deux spahis sont tués à ses côtés, un autre esf blessé mortellement. Le maréchal des logis Gornice rallie les survivants et, rejoignant le peloton Sylvestre, reprend le combat à pied près du marabout de Sidi-Aceïla. Pendant ce rapide épisode, le commandant Haillot


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avait dû se reporter, avec sa réserve, à gauche, où le noum était vivement pressé. Ne croyant pas possible, sans d'inutiles sacrifices, de reprendre les corps restés

faibles dont il les forces de l'ennemi, possession avec en disposait encore, il se contentait de se maintenir sur la ligne occupée, quand parurent les têtes de colonnes d'infanterie et d'artillerie. A 1 heure, le général avait donné l'ordre aux deux colonnes de reprendre leur marche dans la direction de Sidi-Aceïla. La colonne du Littoral laisserait en flancgarde de gauche les troupes employées déjà au service de sûreté, en les renforçant de deux nouvelles ^compagnies d'infanterie et d'une batterie d'artillerie (bataillon du 4e tirailleurs, batterie du 12e d'artillerie). La colonne du Littoral commençait son mouvement à 1 h. 10, se dirigeant sur le marabout par le vallon de l'Oued Aceïla ; la colonne du Tirs, formant échelon en arrière à droite, convergeait vers le même point; la réserve générale du colonel Diou suivait la colonne du Littoral. A 2 h. 40, arrivé à hauteur de la couverture de cavalerie et liant son effort au sien, le colonel Moinier déployait deux bataillons à droite et à gauche de ses deux compagnies d'avant-garde, et dirigeait l'ensemble droit sur. le marabout. Son artillerie ouvrait le feu contre les Marocains paraissant à la crête du plateau. La colonne du Tirs ne tarde pas à prendre part à l'action, un bataillon en première ligne, deux autres échelonnés vers la droite. Le général lui prescrit de se souder à la colonne du Littoral, derrière le centre de laquelle est dirigée la réserve générale. Dans cet ordre, l'infanterie marche sans arrêt vers 1 Est, refoulant cavaliers et fantassins ennemis qui se replient de proche en proche. La résistance s'accentue cependant à gauche ; vers 3 h. 45, la cavalerie, qui couvrait le flanc gauche, est attaquée par de nombreux cava-


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liers marocains. Appuyée par le feu d'une compagnie du 4e tirailleurs, elle les refoule par une charge en fourrageurs et les poursuit de ses feux nourris. Vers 4 heures, la première ligne atteint la crête Est du plateau de Sidi-Aceïla. Au delà, jusqu'à l'Oued Fekkak, le terrain est coupé de ravins rocheux aux pentes escarpées d'où l'artillerie ne peut déloger les tirailleurs ennemis. L'infanterie y pourvoit, et les rejette jusqu'aux bords mêmes de la rivière, les groupes les plus compacts se trouvant devant la colonne du Littoral. Le général prescrivit de pas traverser l'Oued Fekkak, et de poursuivre seulement par le feu. Pendant ce temps, la flanc-garde de la colonne du Littoral avait tenu en échec une attaque de l'ennemi sur sa gauche. A ce moment, le mouvement offensif avait atteint le théâtre même de l'engagement du 8 mars. Vers 5 h. 30, le général donna l'ordre de regagner les emplacements du bivouac ; la colonne du Tirs s'installa à Sidi-Aceïla, celle du Littoral dans la vallée, à 2 kilomètres en aval. Des cavaliers venus du Sud, vraisemblablement des Achach, avaient tenté de contrarier ces mouvements, mais ils avaient été facilement contenus par les échelons du Tirs. La journée nous coûtait 8 morts, dont les 2 lieutenants de cavalerie, et 12 blessés. Le lendemain, la colonne du Tirs reçut l'ordre de revenir bivouaquer à Dar-bou-Azza-ben-Sliman; celle du Littoral à la Gara et au-dessous, dans la vallée de l'Oued Aceïla ; les éléments désignés pour entrer dans la composition du détachement régional s'établirent sur le futur emplacement du poste. L'ennemi, M'dakra et Achach, chercha mollement à contrarier ces mouvements ; il fut tenu à distance par les arrière-gardes et le feu de l'artillerie. Dès lors, il fut procédé activement aux travaux d'orga-


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nisation et de mise en état de défense du poste. L'ennemi les contrarier. ne chercha pas à Les morts et les blessés du 29 avaient été évacués le

lendemain sur Mediouna sous la protection d'un fort détachement (un bataillon d'infanterie, deux pelotons de spahis et une section d'artillerie). Ce détachement, s'arrêtait à l'Oued Aïata et en ramenait le lendemain un convoi d'un millier de chameaux apportant trois jours de vivres aux colonnes et, pour le détachement régional, un premier assortiment de matériel, d'outillage, de munitions et de vivres qui avait été tenu prêt à Casa-

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blanca.

Pour faciliter l'envoi rapide du complément de matériel nécessaire à la création du nouveau poste, le général choisit Ber-Rechid comme base de ravitaillement de ses colonnes. Les ressources de Casablanca et de Mediouna furent exclusivement employées au ravitaillement du poste, au moyen d'un convoi éventuel de 600 chameaux, toujours en mouvement. Le détachement régional'des M'dakra (D. R. M.) était placé sous le commandement du colonel Branlière et dénommé Poste du Boucheron., en l'honneur du lieutenant glorieusementtombé le 29 mars. Un ouvrage annexe de ce poste, formant antenne défensive en avant de lui, reçut, dans une pensée analogue, la dénomination de Fort Sylvestre (1). ' Le 4 avril, les membres de la mission envoyée par le Gouvernement, M. Regnault et le générai Lyautey, accompagnés de l'intendant Blanchenay, visitèrent les bivouacs du poste du Boucheron.

Pour la composition de ses effectifs et l'organisation de ses délenses, voir le chapitre consacré aux postes régionaux. (1)


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N° HT.

CHAPITRE XII. Combat de nuit de Settat (8 avril). Combat de Temacin (12 avril). Fondation du poste de Settat.

Le ,2 avril, Bou-Azzaoui, avec un millier de cavaliers des Oulad-Bou-Ziri, des Oulad-Sidi-ben-Daoud et surtout de la mehalla hafidienne, s'était présenté devant Settat. Le caïd des M'zamza demanda du secours ,: il lui fut répondu que les colonnes ne pouvaient se porter sur son territoire qu'après quelques jours, et qu'il eût à se défendre lui-même en attendant. .Bou-Azzaoui revenait de nouveau à Settat le 4 avril. Le caïd s'en était enfui et avait cherché refuge à BerRechid. Le lendemain, l'agitateur se portait à.Zaouïet-elMekki, où il avait convoqué les kebar de plusieurs fractions encore hésitantes. Il comptait, parait-il, avec leur aide, enlever Ber-Rechid qulon lui avait dit occupé par une faible garnison, pour de là se porter sur Casablanca. Le peu d 'enthousiasme rencontré chez ses anciens alliés le fit renoncer à ce projet, et il se replia le même jour vers Settat. Ces agissements ne tendaient à rien moins qu'à remettre en cause les résultats acquis depuis trois mois. Il n'y pouvait être obvié que par l'exercice à Settat, comme au Boucheron, d'une action permanente prolongeant celle du poste de Ber-Rechid. Mais cette création n'avait pas encore reçu l'approbation du Gouvernement, et l'autorisation d'occuper Settat n'avait pas été accordée. Le 6 avril, le général porta ses troupes à Ber-Recliid, et le lendemain à Settat ; le caïd des M'zamza y rentra avec elles. Les bivouacs furent pris au Sud de la ville. Dans la soirée, le service des renseignements faisait


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connaître que la mehalla hafidienne se proposait d'attaquer le camp dans la nuit. De fait, à 3 h. 30 du matin, les troupes étaient réveil-

par des coups de feu et les appels aux armes des sentinelles garde-faces. L'attaque se produisit d'abord bruit, du Tirs quelques bivouac instants, le sains ; en sur sans commandements à haute voix, sans hésitation., (chacun fut à son poste : fantassins dans les tranchées, cavaliers et conducteurs à la tête de leurs chevaux. Le plus grand silence régnait dans les camps.; au dehors, les Marocains tiraient en poussant de grands cris : « Djehad! Djehad! Allah! Allah! ». Partout l'attaque fut reçue, à courte distance, par .des salves qui arrêtèrent rapidement son élan. Les actes de sang-froid et de présence d'esprit furent nitiltiples. Le chef d'un petit poste (sergent Lang,, du 1er étranger), ayant entendu des bruits suspects, avait fait replier ses hommes dans le plus grand silence à 50 mètres en arrière de leurs tentes. Quand les Marocains, croyant surprendre le poste, se précipitèrent sur les tentes., Lang ouvrit un feu par salves qui produisit un effet meurtrier lées

et

décisif.

Un peu plus tard, la colonne du Littoral était à son tour attaquée ; elle ripostait avec le même succès. Au jour, l'artillerie ouvrait le feu, de l'intérieur même

bivouacs, sur les groupes demeurés aux alentours de la ville. L'ennemi s'enfuyait dans toutes les directions, notamment vers le Sud et l'Ouest. La colonne du Littoral comptait trois blessés, dont le capitaine Loubet, mortellement frappé. Sous le feu de l'artillerie, les Marocains ne s'étaient éloignés que de quelques kilomètres.. Il était indispensable de les rejeter plus loin, tant pour assurer la sécurité de nos bivouacs, que pour souligner l'échec de l'attaque de nuit. D'autre part, il fallait conserver la liberté des communications avec Ber-Rechid. des


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Le général envoya, dans ce dernier but, deux compagnies d'infanterie occuper les positions dominantes à l'Est et à l'Ouest de l'entrée de la vallée de Settat. Un escadron de chasseurs d'Afrique et la moitié du goum étaient de plus envoyés à la rencontre de M. le général Lyautev qui avait manifesté l'intention de se rendre, ce jour-là. de Ber-Rechid à Settat. Laissant des détachements suffisants pour garder les camps, les deux colonnes furent mises en marche, vers 7 heures, dans la direction de Talaouït (Sud), la colonne du Tirs par le fond de la vallée, la colonne du Littoral par les hauteurs de l'Ouest. Les colonnes progressèrent vers le Sud jusqu'à 1 heure, sans rencontrer aucune résistance sérieuse. Les rassemblements ennemis, groupés, tantôt vers le Sud, tantôt vers l'Ouest, ne se laissèrent pas aborder à distance décisive. Le retour à Settat s'accomplit sans incident. Une section, d'artillerie, restée à Settat, avait eu l'occasion d'envoyer quelques obus sur un fort parti de cavalerie marchant du Sud au Nord aux abords de la ville. La compagnie, détachée pour tenir les hauteurs Ouest de l'entrée du défilé de Settat, avait été harcelée pendant sa marche. M. le général Lyautey arrivant à Settat avait même envoyé vers cette unité l'escadron de son escorte qui, du reste, ne trouvait pas l'occasion

d'intervenir.

Le bruit s'était répandu, parmi les indigènes, que l'ennemi renouvellerait ses attaques dans la nuit du 8 au 9. En présence de cette situation, le général résolut de prolonger son séjour à Settat pour surveiller les mouvements de la mehalla. En outre, par ordre donné dans la soirée du 8, il constituait un détachement chargé d'opérer spécialement dans la région des M'zamza. Pour bien marquer son caractère provisoire et pour se con-


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former aux ordres du Gouvernement, exclusifs de toute idée d'occupation, ce détachement reçut le nom de Colonne mobile des M'zamza (G. M. M.) que le poste régional de Settat conserva depuis.

La C. M. M., placée sous le commandement du lieutenant-colonel Brulard, reçut la composition suivante : État-niajur. Un officier d'état-major ; Un officier du service des renseignements.

Infanterie. Bataillon Szarvas du 2e étranger ; Bataillon Godchot du 3° tirailleurs ; Section de mitrailleuses du 2e étranger. Cavalerie. Escadron du 6e chasseurs d'Afrique ; Peloton Khaled du 1er spahis; Section de mitrailleuses Besaucèle.

Artillerie. Batterie montée Pujos ; Une section de 37 millimètres de la marine. Génie. Une section.

Santé. Une section d'ambulance.

Subsistance. Un service de subsistance.

Sur ces entrefaites, était parvenue l'autorisation du Ministre de la Guerre d'organiser les troupes en trois brigades, sous le commandement des colonels Bouteë'onrd, Moinier et Branlière. Ce dernier reçut la 3e brigade, formée par la garnison du Boucheron; les deux autres brigades étaient constituées provisoirement de la manière suivante :


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BRIGADE (colonel BOOTEGOURD).

InfanterieTrois compagnies du lor zouaves (commandant Glosin)-; Demi-bataillon du 3e tirailleurs ) r. _ Taupm; \ Lieutenant-colonel r ' du, , tirailleurs ) Demi-bataillon 4? ,„ .. „ Deux sections de mitrailleuses.

.-,,.,,

Cavalerie. Un escadron du 3e chasseurs d'Afrique ; Un peloton du 1er spahis.

Artillerie. Une batterie montée ; Une batterie de montagne (deux sections). 2=

BRIGADE (colonel MOINIER)'. 1

Infanterie., Deux bataillons du 2e tirailleurs (lieutenant»colonel Diou); Cavalerie, Un escadron du 3e chasseurs d'Afrique ; Goum algérien. Une batterie montée;

Artillerie.

En outre était arrivé à Settat, venant de Dakar, un bataillon de tirailleurs sénégalais (commandant Peltier); il fut momentanément rattaché à la 2e brigade. On apprit bientôt que la mehalla hafidiste s'était repliée de Talaouït sur Temacin ; néanmoins des partis ennemis, signalés par nos reconnaissances, rôdaient encore dans les environs. Les indigènes soumis se montraient inquiets. Il était évident que nous étions surveillés et que le départ du gros de nos forces serait le signal d'une nouvelle offensive de l'ennemi. Les colonnes avaient à dissiper ce danger avant de quitter Settat. Elles furent mises en mouvement le 12 au matin dans


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direction du Sud (1), en trois groupes : lro brigade, 2e brigade, C. M. M. La cavalerie couvrait l'ensemble dû dispositif. Des détachements, montant environ au quart de l'effectif, étaient laissés à la garde des camps et de la ville de Settat. A midi 25, la cavalerie signalait de nombreux groupes ennemis dans la région au Sud de la Kasbahben-BaMouli; se conformant à la consigne reçue, elle: démasquait le front de l'infanterie et se consacrait à las sécurité des flancs. La lre brigade, à gauche, déployait sur un large front son bataillon d'avant^garde. La 2e' brigade s'engageait à' droite, le général conservant la G. M. M. en réserve d«rrière le centre. A 2 heures, la première ligne d?infanterie occupait? un front de 4 kilomètres-; la 2e brigade s'était formée en échelons vers l'Ouest pour soutenir'une attaque de cavalerie. Puis, la marche en avant reprenait sur tout le front, l'infanterie s'avançant sans arrêt, Fartillerie la suivant de très près, par bonds échelonnés» L'ennemi n'accusait quelque résistance que devant le centre : des groupes.de fantassins se repliaient vers le Sud, tandis que les cavaliers obliquaient sur les deux'ailes; Cependant, vers 4 heures, des rassemblements plus importants paraissant se maintenir dans l'Ouest, le général ordonnait un mouvement des conversion de ce côté. A peine celui-ci était-il' entamé, que les hauteurs en avant de la lre brigade se couvraient d'ennemis. Se rendant alors compte que les mouvements à; l'Est et à l'Ouest n'étaient: que feintes et que le vrai point que l'ennemi: voulait couvrir était Temaein, le général fit reprendre la marche vers le Sud. La réserve était appelée à combler le vide que le mouvement de conver]a

ti) Voir croquis n° 14


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sion, commencé et interrompu, avait ouvert sur le front entre les brigades de tête. A 6 heures, on découvrait Témacin au fond d'un vallon qui se prolongeait au Sud par un ravin escarpé. Le camp de la mehalla était complètement levé : quelques cavaliers se; retiraient vers le Sud-Est, des fantassins vers Mechra-ech-Chaïr ; au loin, une épaisse poussière, s'élevant du ravin, décelait le passage d'une importante colonne. L'artillerie exécuta un tir de poursuite de ce côté. Temacin n'est qu'une kasbah en ruines, auprès de laquelle naissent des sources abondantes qui permettent l'entretien de belles plantations. La nuit tombait, et les troupes avaient parcouru 33 kilomètres ; l'ennemi avait disparu, la région au Sud de Settat était dégagée ; afin de se maintenir dans les limites de ses prescriptions formelles, le général ordonna le retour qui s'effectua sans incident. Le manque de cartes précises ne nous avait pas permis de déterminer l'exacte situation géographique du point extrême où nous étions parvenus. En réalité, Temacin ne se trouve qu'à quelques kilomètres de rOum-er-Rebia. Les débris de la mehalla, que nous venions de refouler, avaient gagné précipitamment la rive gauche, abandonnant sur la berge opposée une grande partie des munitions, qui y resta jusqu'au lendemain. Pour ces groupes en fuite, la nuit se passa sans que les tentes fussent dressées, les cavaliers couchés à la tête de leurs chevaux. Dès l'aube, Moulay-Hafid, après avoir remis un peu d'ordre dans son armée, décida le renvoi à Marrakech de 8 canons-bouche, ne conservant avec lui que 4 pièces modernes. Ainsi allégé, il remonta l'oued par la rive gauche pour le passer au gué de Kuidlat, sur le territoire des Beni-Meskin. Le général donna repos aux troupes les 13, 14 et 1b'Le 16, il se rendit à la kasbah des Oulad-Saïd sans


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rencontrer de résistance, et le 17 à Talaouït par Kheniisset. Des Oulad-Saïd à Khemisset, les

troupes traversèrent plus populeux cultivé riche, le le mieux et très pays un de ceux qu'elles avaient parcourus jusqu'alors. Les habitants venaient au-devant d'elles avec confiance, offrant leurs denrées et réclamant en échange des « douros » français. Au delà de Khemisset, en pays des Oulad-bou-. Ziri, la contrée était également bien cultivée, mais à peu près déserte. Cependant, des cavaliers marocains ayant ouvert le feu contre le goum, quelques habitants s'unirent à nous pour les repousser. De Talaouït, au-dessus d'une ligne de brumes, émergeait vers le Sud une longue chaîne de pics neigeux, le Grand-Atlas. Le général rentrait le 18 à Settat; il y recevait, le

jour, de Paris l'autorisation d'y maintenir un détachement régional. Déjà, Settat renaissait à la vie. Le marché, exclusivement approvisionné, les premiers jours, par les douars voisins, reprenait de l'importance ; les produits du pays affluaient d'un rayon plus étendu; du poisson était apporté de la mer et de l'Oum-er-Rebia. Les boutiques, que l'avisé caïd de Settat possédait autour du Souk sur la route principale traversant la ville, se louaient au taux mensuel de 30 et S0 francs. Avec la sécurité, Settat ne devait pas tarder à recouvrer sa prospérité d'autremême

.

fois .

CHAPITRE XIII. Opérations autour de Kasbah-ben-Ahmed. Le mauvais temps empêcha le général de avant le 22 avril.

quitter Settat

Il partit ce jour-là pour Kasbah-ben-Ahmed en Itev. UlsC.

24


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K« M]

empruntant un itinéraire passant à l'Est de la rouie ordinaire, de manière à éviter les profonds ravins qui entament-le plateau près de sa chute dans le Tirs. Lu colonne comprenait les troupes de la lre brigade, à laquelle était rattaché le bataillon sénégalais, celles de la 2e brigade et un détachement de la C. M. M. sous les ordres du commandant Godchot. Les troupes bivouaquèrent le 22 à Ras-el-Aïn, tête de l'Oued Tamdrost (1). Le 23, les lre et 2e brigades se rendirent à Kasbah-ben-Ahmed, pendant que le détachement Godchot effectuait une reconnaissance dans la région Nord du gîte de la veille. Ce détachement devait revenir à Ras-el-Aïn à midi, pour y opérer -sa jonction avec un deuxième bataillon sénégalais, récemment débarqué, qui escortait un convoi de ravitaillement. L'ensemble rallierait Kasbah-ben-Ahmed le 24.. La région n'avait pas encore été parcourue par nos troupes.. L'accueil des habitants fut néanmoins amical; aucune trace d'ennemis, à part quelques éclaireurs que la cavalerie signalait au loin, vers le Nord-Est. L'agglomération dénommée Kasbah-ben-Ahmed est située à la tête de la vallée de l'Oued el-Ahmeur. Nulle part la dévastation qui sévit avant notre arrivée daus la Chaïoua ne s'était exercée avec plus d'intensité. La kasbah n'offrait qu'un monceau de décombres et un fouillis de ruines, sans portes, sans fenêtres, sans toitures. Dans la partie la plus élevée-s'étendaient de vastes espaces clos de murs, parsemés de silos (2), où une (1) Voir carte d'ensemble'de la Gliaouïa (n° 18). (2) Les « silos » marocains sont des excavations en forme de jarres de 5 mètres de profondeur environ, creusées en grand nombre dans le voi-inage des kasbahs et des sanctuaires. Les Marocains y emmagasinent leurs grains. Il en existe aussi une certaine quantité eu pleine campagne où rien ne vient les déceler ; ils furent cause de nombreux

accidents.


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faible garnison pouvait garder les bagages de

la colonne sécurité. Le général fit relever ces emplacetoute en ments et les répartit entre les différentes unités pour être utilisés en cas de besoin. Le 24 au matin, les lre et 2e brigades furent mises en mouvement pour effectuer une reconnaissance dans la direction de l'Est. Cette région est occupée par les Achach, fraction importante des M'zab, et, comme telle, relevant de la juridiction du caïd Larbi-ben-Cherki. Jusqu'ici,, à part quelques soumissions sans importance, les Achach s'étaient montrés aussi acharnés contre nous que leurs voisins M'dakra et Ou lad-Ali. Leur fanatisme était encore excité par le passage aux confins de leur territoire de Moulay-Hafid, alors en route vers Fez. Les troupes marchaient en colonne de route : en tète le goum et la cavalerie, puis la lre brigade, l'ambulance et la 2e brigade. A 7 h. 30, le général était informé que les douars établis dans la direction delà marche levaient leurs campements et s'enfuyaient vers le Nord-Est en allumant de grands feux. A 8 heures, le goum rencontrait quelque résistance près de la Kasbah-el-Maarif (1); d'après les dires des indigènes, des rassemblements importants se seraient trouvés derrière une crête située plus à l'Est. (Sokhat-elYoudi). Mais, sous la menace d'une section d'artillerie postée sur un mamelon à l'Ouest de la kasbah, les coureurs ennemis rompaient le combat devant nos goumiers et se

retiraient vers l'Est. L'infanterie de l'avant-garde déployait deux compagnies qui, leur front démasqué par le goum, s'avançaient presque sans coup férir jusqu'à la berge Ouest du ravin profond creusé, près de Dar-hen-Cherki, par l'Oued Bost-el-Arab.

(1)

Voir croquis n° 15.


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Au delà se montrait une contrée très mouvementée, coupée de crêtes rocheuses rayonnant en divers sens. A gauche (Nord), un plateau moins accidenté et couvert de moissons s'étendait jusqu'à la coupure devinée de l'Oued Zamren, au-dessus de laquelle moutonnaient les montagnes boisées de l'arrière pays des Achach. Arrivées près du ravin de Dar-ben-Cherki, les compagnies de tête de la lre brigade essuyèrent une fusillade assez vive partant de la kasbah et des pentes de la rive droite (Est); néanmoins, elles franchirent le ravin,occupèrent la première^crête à l'Est et se préparèrent à attaquer une deuxième arête plus élevée, Sokhat-beni-Maati, d'où les tireurs marocains, habilement dissimulés dans les rochers, dirigeaient un feu continu. A gauche, le général fit envoyer deux compagnies de la 2e brigade à l'appui du peloton du goum arrêté devant un mamelon près de Dar-ben-Cherki. L'artillerie de la 2e brigade, doublant la batterie montée de la llc, concourait avec la batterie de montagne à préparer l'attaque de Sokhat-beni-Maati. Cette arête fut enlevée à Il h. 15; de son côté, la flanc-garde chassait l'ennemi du mouvement de terrain qu'il occupait. A midi, le combat cessait complètement sur tout le front. Mais, en accédant au sommet de Sokhat-beni-Maati, le général se rendit compte que la région au delà devenait beaucoup plus praticable. Il prescrivit en conséquence à la lre brigade de pousser jusqu'à l'Oued Zamren. Le mouvement ne rencontra au début aucune résistance, mais, en approchant du ravin d'un affluent du Zamren, les compagnies de tête furent arrêtées par des feux partant de groupes de rochers où se tenaient habilement dissimulés quelques Marocains. Sur la menace d'un mouvement tournant exécuté par une compagnie de zouaves, ces ennemis disparaissaient à leur tour. A gauche (Nord), des cavaliers marocains avaient réoccupé Dar-ben-Cherki, et, bien que le drapeau


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blanc y fût arboré, ils continuaient à tirer sur nos troupes. Le général fit canonner et évacuer la kasbah, puis y fit ouvrir une large brèche à la mélinite. Vers 1 heure on ne voyait plus que des troupeaux et des files de cavaliers fuyant dans les ravins de la rive droite du Zamren. La batterie de la lre brigade les

accompagna de ses feux.

h. 15, le général donnait l'ordre de cesser la poursuite,et de rentrer à Kasbah-ben-Ahmed. A hauteur de Dar-ben-Cherki, une cinquantaine de juifs et de juives demandèrent à marcher sous la protection de nos troupes. C'était un exode semblable à celui du 6 février à Settat. Dénués de toutes ressources, à peine vêtus, ces infortunés grelottaient sous la pluie battante. Le général fit monter les femmes et les enfants en bas-âge sur les voitures d'ambulance. A quelques kilomètres de Kasbahben-Ahmed, ces malheureux nous quittaient pour accepter l'hospitalité que leur offraient leurs frères israélites, déjà recueillis par un douar voisin. Nos pertes étaient de cinq blessés, dont deuxgoumiers. Durant cette longue poursuite dans un terrain propice aux embuscades, le 3U goum algérien avait manoeuvré avec une audace et une opiniâtreté égales à celles de ses prédécesseurs. Outre ses blessés, il avait une vingtaine de chevaux hors de combat, bien qu'il combattit en ordre très dispersé. Nous avons dit plus haut que Moulay-ïïafid se trouvait à la fin d'avril sur les confins des Achach ; il ne sera pas inutile de revenir en quelques mots sur son exode. Immobilisé dès les premiers jours du mois sur la rive gauche de l'Oum-er-Rebia, il songeait, parait-il, à se replier vers le Glaoui, au Sud de Marrakech. La route de Fez lui semblait en effet interdite de par la présence de nos troupes à Settat et l'hostilité des gens du Tadla. Mais la situation n'était guère plus favorable au Sud de l'Oum-er-Rebia; les Segharna et les Zemran A

1


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étaient hostiles, les Rehmana venaient d'abandonner sa cause et les Doukkala de piller les caïds qu'il avait dernièrement investis. Cédant aux conseils de ses deux lieutenants, Si-Aïssa et Ël-Glaoui, le prétendant se décida enfin à se porter vers le Nord-Est dans l'espoir d'opérer sa jonction avec le Zaïani, Hammou-Àkka, qui occupait la région des Achach à l'aide de contingents importants, et de là gagner Fez, dont la population encore indécise se rallierait à à lui en cas de succès. Dès ce moment, ses allées et venues n'ont plus aucunement le caractère d'opérations militaires. Son armée. réduite à un effectif dérisoire, valait moins encore par la qualité des soldats, dont le moral avait été fortement abattu. Allégé de sa mehalla et de ses bandes, MoulayHafid devenait plus mobile, moins dangereux pour nos colonnes, mais plus insaisissable en même temps. Il se tenait d'ailleurs avec prudence hors des limites de la Chaotiïa. Ainsi, ce fut en fugitif, à la merci de quelque chef de tribu, que réussit à se faufiler, entre le Tadla hostile et la Chaouïa occupée par nos troupes, cet usurpateur que les journaux d'Europe représentaient comme un principe légitime et une force. 11 lui eût été impossible de se rendre dans ce qu'on appelait « sa capitale», Marrakech, et c'est en risquant mille dangers qu'il se dirigeait,sur Fez. L'impuissance et l'inaction d'Abd-elAziz et l'illusion de l'Europe lui créaient seules quelque importance. Il n'en avait aucune au point d;e vue de l'exercice du pouvoir souverain, pas plus que vis-à-vis de nos forces. Celles-ci, désormais, ne rencontreraient devant elles que la résistance décousue et ébranlée des derniers contingents encore insoumis. A la suite du combat du 12 avril, Moulay-ïïafid reconnut la nécessité de s'éloigner. L'Oum-er-Rebia passé, il se dirigea vers le Nord, assignant le point de Si-Bajaj comme rendez-vous aux mehallas d'Hammou-Akka et


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d'Amor-Soktani. Sur son passage, les tribus s'écartaient et manifestaient des sentiments au moins indifférents. Le marabout de Bou-Djad ne se prononçait nettement ni dans un sens, ni dans l'autre, mais, en sous-main, il semblait détourner Hammou-Akka de toute démarche hostile contre nous. Parvenu vers Si-Hajaj, d'où, si ses combinaisons s'étaient réalisées, il aurait pu se porter aisément vers Rabat, le prétendant n'y trouva ni la mehalla d'Hammou-Akka, resté dans ses montagnes à la suite des pourparlers esquissés plus haut, ni celle d'Amor-Soktani, qui achevait de se désorganiser chez les M'dakra. D'autre part, les Français approchaient de Kasbah-benAlnned ; Moulay-Hafid fit un brusque crochet vers l'Est, et se rendit, à Aïn-Maza par Miat-Biar-ou-Bir, pour de là gagner Fez à travers les montagnes des Zaïan, sous la conduite du fils d'Hammou-Akka. Du 24 au 27, les troupes séjournèrent à la Kasbahben-Ahmed ; la journée du 24 portait ses fruits : plus de la moitié de la tribu des Achach vint faire sa soumission . Le 28, le général effectua une reconnaissance dans le massif du M'quarto, pour préciser les connaissances topo-

graphiques incomplètes que nous avions sur cette montagne et les régions avoisinantes, .pour confirmer aussi, par le passage de nos troupes sur le territoire des Achach, les résultats obtenus le 24. Les troupes de la 2e brigade, suivies de l'ambulance, escaladèrent les pentes escarpées du M'quarto et redescendirent par la face Ouest, pendant que la lre brigade s'établissait en surveillance aux sources de Setti-Meryem. Aucun accident ne survint ni aux voitures, ni aux animaux. Cette expérience confirmait la possibilité de faire passer des colonnes légères avec artillerie montée dans les terrains, réputés inaccessibles, de l'Est de la Chaonïa.- Elle allait être répétée, sur une plus grande


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échelle, le mois suivant, dans les montagnes des M'dakra. Quelques rares ennemis avaient ouvert le feu sur l'àvant-garde, au moment où elle gravissait le M'quarto.

Au retour, des groupes un peu plus nombreux cherchaient à inquiéter la marche ; mais les indigènes des douars récemment soumis prenaient les armes et, dans les rangs de notre cavalerie, contribuaient à repousser les agresseurs. Nous avions un tirailleur sénégalais tué

et un goumier blessé. Au cours de cette reconnaissance, le général s'était arrêté à la Kasbah des Maarif et des Issouf. Le cheikh, Larbi-ben-Zeroual, vint le saluer à la porte, mais il hésitait à lui offrir de pénétrer dans sa kasbah. Le général y entra néanmoins avec le caïd du M'zab, qui suivait nos troupes. Dans la cour de la kasbah, appuyées à un mur, se trouvaient deux immenses portes blindées. Larbi-ben-Cherki reconnut sans peine les portes de sa propre forteresse, enlevées le 18 février dans le pillage définitif de la Kasbah-ben-Ahmed. Le cheikh des Issouf parut un peu décontenancé par cette découverte. Il lui fut enjoint de faire rapporter les portes le lendemain, ce qui fut ponctuellement exécuté. Huit petits ânes, habile-


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ment bâtés pour soutenir sur leur dos chacun des vantaux de l'énorme porte, la réintégrèrent à la Kasbah-

ben-Ahmed. Le 1er mai, deux nouvelles reconnaissances étaient effectuées. La lre brigade parcourait sans incidents la zone à l'Est de Kasbah-ben-Ahmed. La 2e brigade se rendait au Boucheron, où le drapeau du 4e tirailleurs, conservé

jusqu'ici par le colonel Moinier, fut remis au bataillon

régiment, avec le cérémonial ordinaire. En passant à Sidi-Abd-el-Krim, le général avait constaté la violation de la sépulture du légionnaire Pfeiffer, tué le 8 mars et enterré près du marabout. Le cadavre avait été exhumé et en partie brûlé. Le squelette incomplet gisait à quelques mètres de la de ce

fosse. Au retour de la colonne, deux indigènes, inculpés de cette profanation, après enquête du caïd Larbi, furent remis à nos troupes. L'un d'eux avoua avoir participé

l'attentat, à l'instigation de quelques M'dakra et Achach encore dissidents. Le général décerna immédiatement contre lui un ordre d'informer et le fit conduire à Casablanca. Condamné à mort par le conseil de guerre, il fut passé par les armes sur le lieu même où le crime avait été perpétré. Par ordre du 29 avril, le général organisait le poste de Kasbah-ben-Ahmed, sous le commandement du lieutenant-colonel Halna du Fretay. Ce poste recevait le nom de Détachement régional des Achach (D. R. A.) ; sa garnison comprenait : à

Demi-bataillon du 4° tirailleurs (commandant Beulé) ; Une compagnie du 2° étranger ; Une compagnie du 1er bataillon sénégalais; L'escadron du 1er chasseurs d'Afrique avec sa section de mitrailleuses ; Un peloton du in' spahis ;


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Une section d'artillerie montée ; Demi-compagnie du génie.

La composition des brigades mobiles était en même temps revisée ; elles comprenaient : 1,B

brigade (colonel BOUTEGOCRD).

Bataillon du 1er zouaves (trois compagnies, commandant Gloxin); Un bataillon du 3° tirailleurs (commandant Vuillemin) ; 2° bataillon sénégalais (commandant Savy); Deux sections de mitrailleuses; Un escadron du 3° chasseurs d'Afrique; Une batterie montée (capitaine Pujos) ; Une batterie de montagne (deux sections, capitaine Duc). 2e brigade (colonel MOINIER). 2° régiment de marche (deux bataillons du 2e tirailleurs) ; Demi-bataillon du 2° étranger (bataillon Corbière) ; Une section de mitrailleuses ; Un escadron du 3° chasseurs d'Afrique;

Le goum (capitaine Bussj) ; Une batterie montée (capitaine Seguin).

En outre étaient réunis sous la dénomination d'Éléments non embrigadés (N. E.), marchant,et stationnant avec la 2e brigade, les éléments suivants : Quartier général. Demi-compagnie du génie et poste optique; Section de munitions ; Ambulance; Services administratifs ; . Trésorerie et postes ; Annexe du dépôt de remonte mobile.

Ce fractionnement des régiments de marche et même

des bataillons entre les différents postes ou groupes mobiles avait ses inconvénients au point de vue de l'administration et du commandement des chefs de corps,


Ko

1(7.

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du général, il présentait les avantages suivants : d'utiliser, en chaque point, les aptitudes différentes des diverses subdivisions d'armes ; de faciliter à chaque corps les permutations entre les fractions mobiles et les fractions sédentaires ; de mélanger les troupes plus récemment débarquées avec celles ayant acquis l'entraînement et l'expérience d'un plus long séjour. Les officiers supérieurs, dont les unités: se trouvaient ainsi disloquées, étaient utilisés pour le commandement des groupes provisoires, fixes ou mobiles, constitués à la demande des opérations. Le 4 mai, la 2e briga,de avec le détachement de sortie de Settat se rendit de nouveau au M'quarto pour l'érection d'un signal géodésique. La colonne arriva au pied de la montagne sans' incidents, un épais brouillard ayant dissimulé sa marche ; mais, pendant l'exécution du travail, de nombreux groupes de cavaliers et de piétons se rassemblèrent et prirent bientôt l'offensive. A 10 h. 30, sa mission achevée, le colonel Moinier donna l'ordre du retour et prit ses dispositions pour que, le mouvement s'exécutât par échelons successifs. A plusieurs reprises, un feu violent d'artillerie fut nécessaire pour dégager les fractions laissées; à l'arrière-garde., En entendant cette canonnade, le général fit prendre les armes à la llli brigade, et se porta, de sa personne, de la Kasbah-ben-Ahmed dans là direction du M'quarto. Mais l'ennemi s'était déjà dispersé, rendant inutile l'intervention de ce renfort. Les troupes reprirent leur bivouac autour de la kasbah ; les pertes de là colonne Moinier s'élevaient à trois mais, aux yeux

blessés.


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N° 117,

CHAPITRE XIV. Dernières opérations contre les M'dakra. — Combats des et 16 mai.

11

Pendant que les troupes des colonnes mobiles aidaient au déblaiement des ruines de Kasbah-benAhmed et à l'installation du poste, le général se disposait à en finir avec les M'dakra, en allant briser leur résistance jusqu'au fond de leurs montagnes. La création du poste du Boucheron n'avait pas en effet donné encore tous les résultats espérés. Dès le départ des colonnes, des partis hostiles s'étaient répandus dans la plaine, en arrière du poste. Le 7 avril, un convoi, qu'escortait un peloton d'infanterie, était cerné par les M'dakra et obligé de se réfugier dans une gotta, à quelques kilomètres du camp. Un convoi libre de. 7 chameaux était enlevé le même jour; le 8, c'était le tour d'un autre convoi de 11 chameaux. Dans la nuit du 7 au 8, le poste de la Gara était attaqué par une quinzaine d'hommes, et, dans la journée qui suivait, de nombreux cavaliers Zaïan et M'dakra prononçaient contre le camp une reconnaissance enveloppante. Le 21, le maréchal des logis Rumeau était tué au cours d'une reconnaissance ; le 28. le jour même où le général explorait les environs du M'quarto, le détachement de sortie du poste rencontrait encore de nombreux ennemis sur le plateau de Sidi-Aceïla. Ainsi, les échecs répétés n'avaient pas brisé la résistance de cette indomptable tribu. Cette résistance était entretenue, il est vrai, par des encouragements venus du dehors, et notamment par la présence de la mehalla d'Amor-Soktani, la coopération des Zaïan et les agissements de certains Européens. Après les défaites du 8 et du 29 mars, Amor-Soldani,


N.

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découragé, inclinait à cesser la résistance. Il n'avait plus avec lui que 200 fantassins et une soixantaine de cavaliers; un de ses canons, démonté, avait dû être jeté dans un ravin. Il écrivit à Moulay-Hafid qu'il n'avait plus rien à faire en pays M'dakra et qu'il sollicitait l'autorisation de se rendre à Marrakech ou dans toute autre région. Comme il a été exposé plus haut, le prétendant crut pouvoir encore tirer parti des débris de sa mehalla; il lui envoya quelques munitions et projeta de la réunir à Si-Hajaj, avec les forces du Zaïani et celles qu'il amenait du Sud. En réalité, l'arrivée des Français à Kasbah-benAhmed interdit à Amor-Soktani tout mouvement au delà du Zamren ; il resta donc en son camp de Kessibia, sur l'Oued el-Ateuch, où ses forces se réduisaient journellement par les défections. Au commencement d'avril, l'attitude des Zaïan nous était franchement hostile. Hammou-Akka, avec une troupe d'au moins 1,500 cavaliers, paraissait s'être établi chez les Oulad-M'hammed (1). De là, il écrivait aux tribus Chaouïa, les menaçant de les razzier si elles se soumettaient aux Français. Sur ses instances, MoulayHafid passait l'Oum-er-Rebia et se rapprochait des M'dakra. Cette attitude se modifia vers le milieu du mois, sur les démarches, dit-on, du marabout de Bou-Djad à l'ordre duquel le Zaïani était affilié. La députation M'dakra envoyée le 16 à Kasbah-Zeriouïl, pour arrêter avec les Zaïan les bases d'une action commune, ne les y trouva plus. La veille, Hammou-Akka s'était retiré vers le Nord, jusqu'au point d'El-Guelta, situé à environ 30 kilomètres de Zeriouïl. En vain, Ahmar-ould-Man-

(1) Réunion

de plusieurs fractions des Achach.


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N° H7

sour, l'un des chefs M'dakra les plus ardents à la résistance, se rendit-il auprès du Zaïani pour le faire revenir sur sa résolution. Les négociants européens de Casablanca comptaient parmi les indigènes, et spécialement parmi les M'dakra

de nombreux associés. Tous ne les encourageaient pas à la soumission. Certains, hostiles à notre action qui s'exerçait cependant, par le rétablissement de l'ordre, pour le plus grand profit de tous, saisissaient tous prétextes pour entraver cette action et nous combattre dans l'esprit des indigènes. Les bruits et les rumeurs, qui se propagent en pays marocain avec une extrême rapidité, étaient une des armes par lesquelles ces fâcheuses influences soutenaient la lutte. Fausses nouvelles de départ prochain des troupes françaises-, d'intervention


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toujours imminente des puissances européennes, calomnies de toutes sortes à l'égard de nos soldats, rien n'était négligé pour ruiner notre influence naissante.

Pendant le séjour du général sur l'Oued Aceïla, un notable M'dakra, associé d'une maison de commerce européenne, El-IIadj-bel-Hadj, s'était présenté pour faire agréer sa soumission et surtout dans le but de sauvegarder ses biens. Mais, à peine rentré dans sa tribu, il s'était empressé d'exciter contre nous ses compatriotes. Le colonel Branlière faisait occuper sa propriété par un

peloton d'infanterie. Le 8 mai, le général quitta Kasbah-ben-Ahmed pour aller établir ses deux brigades au bivouac, l'une à SidiDaoud, l'autre à Sidi-Abd-el-Krim. La marche s'était effectuée par la vallée de l'Oued el-Àhmeur et le couloir

l'Est de Si-Nader-ou-Nouïder. Pendant la dernière pause, une excessive température, s'ajoutant aux effets de la lourdeur de l'atmosphère dans cette piste encaissée, affecta terriblement les hommes. Deux succombèrent à ces coups de chaleur (un Sénégalais et un Algérien), malgré les soins immédiats qui leur furent prodigués ; douze autres entrèrent à l'ambulance. Le lendemain, les brigades arrivaient au Boucheron et s'établissaient, en amont du camp, sur la rive droite de l'Oued Aceïla. Les renseignements recueillis par le service des Affaires indigènes du Boucheron avaient précisé les emplacements des campements M'dakra les plus voisins du camp. Des douars importants étaient demeurés sur le plateau de Berigb.it, à environ 10 kilomètres au delà de l'Oued Zamren, et on pouvait les apercevoir des hauteurs mêmes qui dominaient le Boucheron. Une reconnaissance du D. R. M., exécutée le 2 mai, avait permis de vérifier les passages de l'Oued Zamren et l'état des pistes qui accédaient à Berigh.it, à leur origine au à

moins.


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Elle avait également confirmé les appréciations qu'avait fait surgir le premier aspect du pays à l'Est de l'Oued Zamren, au sujet des difficultés de parcours . Avant le départ de Kasbah-ben-Ahmed, la composition des brigades avait été légèrement modifiée : à chacune étaient attribuées une section d'artillerie de montagne et une section du génie. Le goum et le détachement de sortie de Settat passaient aux éléments non

embrigadés. Les opérations envisagées devant présenter le caractère de sortie et de reconnaissance émanant du camp du Boucheron, il fut décidé que les T. R. n'accompagneraient pas immédiatement les troupes. Celles-ci marcheraient seulement avec leurs trains de combat sans sacs, et avec paquetage allégé ; elles porteraient, outre les vivres du jour, deux jours de vivres de réserve, les ustensiles pour la préparation du café et les effets (capuchon ou couverture) pour passer éventuellement la nuit au bivouac sans tentes. Les animaux auraient un jour d'orge ou d'avoine. Une section du T. R., portant un jour de vivres et d'avoine, serait tenue prête au camp pour rejoindre les brigades aux jour et lieu qui seraient fixés. Avec le même échelon marcherait un ravitaillement en munitions. Ces dispositions, tout en augmentant la mobilité des colonnes, permettaient de constituer, à la suite de chaque brigade, un détachement léger d'ambulance comprenant : Deux voitures légères pour transport de blessés (prélevées sur l'ambulance mobile) ; Huit arabas aménagées (prélevées sur la section des T. R. qui devait rester vide au camp). Cet organe sanitaire, doté d'un petit personnel médical, n'était qu'un « organe-transport » destiné à prolonger et seconder le train de combat des unités


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combattantes. Il devait fonctionner entre les troupes et l'ambulance. Enfin, pour parer dans la limite du possible à des difficultés encore imprévues, mais vraisemblables en ces terrains escarpés, le général fit affluer au camp du Boucheron les cacolets et les litières encore disponibles à l'arrière. Ces dispositions prises, les troupes furent mises en mouvement vers le Nord-Est, dans la nuit du 10 au 11 mai, de manière à se trouver à S h. 30 du matin sur la berge Ouest (gauche) de l'Oued Zamren. Elles marchaient en deux colonnes : à gauche les lre

brigades et le groupe non embrigadé* à droite brigade (1). Des détachements suffisants étaient laissés à la garde du camp et des bivouacs. A la nuit brumeuse succéda un matin couvert, d'où résulta une température favorable. D'après les renseignements très sommaires que le D. R. M. avait pu rassembler, deux pistes, orientées de l'Est à l'Ouest, descendaient par de profonds ravins dans la vallée de l'Oued Zamren, coupaient ensuite plusieurs rides de terrain, traversaient l'Oued el-Ateuch et franchissaient encore de nombreuses rides aux arêtes aiguës avant d'atteindre la vallée de l'Oued Dalia. Vers 6 heures, les deux colonnes atteignaient les positions indiquées. L'intervalle qui les séparait ne dépassait pas 2 kilomètres, mais le terrain coupé par de profonds ravins rendait les communications difficiles et lentes. A la colonne de gauche, le goum avait été poussé en tête dès les premières lueurs du jour; il garnissait rapidement la crête de la rive gauche (Ouest). Sur l'autre rive, on entendait nettement les appels et les cris des Marocains. Des vedettes ennemies quittaient leurs postes et 2e la 3e

(1) Uoe Hcv.

partie du goum lui était affectée. lllst.

23

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et s'éloignaient rapidement dans la direction de l'Est. Quelques coups de feu étaient tirés sur nos éclai-

reurs.

A 6 h. 15, le général ordonnait à la lre et à la 3e bri-

gade de franchir l'Oued et de s'établir sur la première crête au delà, en se soudant entre elles et détachant de fortes flanc-gardes respectivement à gauche et à droite. La 2e brigade restait provisoirement sur la rive gauche

avec lesE. N. E.. Au Nord (gauche), le goum enlevait la rive droite du Zamren, sous le feu de quelques partisans ennemis ; la lre brigade passait ensuite, occupait la première crête, et poussait une compagnie sur une deuxième arête qui masquait les vues vers l'Est et le Sud-Est. Elle découvrait, à 3 kilomètres environ, quelques douars dispersés dans la montagne et que les occupants étaient en train

d'évacuer. Au Sud (droite), la 3e brigade passait également sous la protection de son artillerie, A 7 h. 30, ordre était donné à la 2e brigade de franchir l'Oued à son tour; l'ambulance restait sur la rive gauche sous la protection des éléments non embrigadés. Le colonel Moinier devait égrener en arrière de lui, de crête en crête, une ligne continue de flanc-gardes pour se couvrir à gauche. Il devait également pousser une fraction vers l'extrême droite de la lre brigade pour assurer la liaison, non encore réalisée, avec la 3e. A 8 h,. 1S, le colonel Boutegourd recevait l'ordre d'occuper Sokhrat-Abbou, après sa jonction avec la 3e brigade. Sokhrat-Abbou est un pie rocheux caractéristique qui domine la rive droite de l'Oued el-Ateneh. Mais il apparut bientôt que, sur la piste de gauche au moins, l'artillerie montée ne pouvait dépasser la deuxième crête, vis-à-vis SokhratrAbbou. Au delà, en descendant vers l'Oued el-Ateuch, ce n'étaient que pentes schisteuses, couvertes de thuyas et de lentisques,


117.

LA CAMPAGNE :DE '1908-1909 EN CHAOUÏA.

'387

et extrêmement escarpées. Les hommes et les animaux marchaient à la file indienne, par d'étroits sentiers.

La batterie de la lre brigade, bientôt rejointe par celle de la 2e, resta sur cette position jusqu'à la fin de l'action. Schéma du -cham/p de boetmlle du

11

mai.

Elles pouvaient découvrir de là les tireurs habilement embusqués derrière les roches et les broussailles de Sokhrat-Abbou, les combattants du Nord accourant à la bataille, et, très au loin, fuyant vers le Sud-Est, de nombreux douars que la distance ne permettait pas

d'atteindre.


38S

LA CAMPAGNE DE 1908-1909 EN CHAOUÏA.

N° 117.

Averti de l'arrêt de l'artillerie montée, le général envoya l'ordre à la 2e brigade de mettre sa section de montagne à la disposition de la lre. A 10 heures, les Sénégalais occupaient le sommet de Sokhrat-Abbou, et luttaient contre de nombreux tireurs embusqués au Nord de la montagne. Relevés plus tard par le gros de leur brigade, ils progressaient vers l'Est, sous la protection de l'artillerie de montagne, et tentaient même de couper la retraite aux ennemis fuyant devant la 3e brigade, à hauteur du marabout de Sidi-Kamel. La 3e brigade, non sans difficultés pour les voitures, réussissait cependant à progresser dans un couloir, complètement masqué aux vues de Sokhrat-Abbou. Sans nouvelles de la colonne de gauche, les difficultés du terrain ayant absolument empêché la liaison de s'établir, elle suspendit son mouvement à 9 heures. Dès 10 h. 30, le général lui avait expédié Tordre de franchir à son tour l'Oued el-Ateuch et de s'établir en position de surveillance vers l'Est, en laissant sur sa droite un cordon de flanc-gardes. Le colonel Branlière reçut cet ordre à 11 h. 10 ; il reprit aussitôt son mouvement offensif et franchit l'Oued, non sans s'être heurté, à hauteur de Sidi-Kamel, à une vive résistance de la part de tirailleurs logés dans une haute falaise., A 1 h. 30, l'ordre de suspendre le mouvement, donné dès 11 h. 40 à la colonne de gauche, le touchait à son tour. Le retour sur la rive gauche du Zamren s'effectua par échelons sous la protection des flanc-gardes et de l'artillerie, chaque échelon ne quittant une crête que lorsque l'échelon précédent était installé sur la crête en arrière. L'ennemi ne chercha pas à gêner nos mouvements. Les troupes revinrent à leur position de manoeuvre initiale, où elles passèrent la nuit. En somme, et en dépit des facilités que leur offrait le pays, les M'dakra n'avaient fait que protéger, sans


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LA CAMPAGNE DE 1908-1909 EN CHAOUÏA.

389

aucune ardeur offensive, la retraite des douars établis dans l'Oued el-Ateuch et sur le plateau de Berighit. La journée avait fait reconnaître que la piste suivie par la 3e brigade était la seule qui permit à l'artillerie montée d'accéder au coeur du pays. Nos pertes étaient de neuf blessés. Le lendemain, les troupes remontèrent la rive gauche de l'Oued Zamren jusqu'au M'quarto. Après une grand'halte à Aïn-Setti-Meryem, elles regagnèrent le camp du Boucheron, essuyant seulement quelques coups de feu. Dans les journées du 13 et du 14, un petit poste d'une compagnie, essaimée du D. R. M., fut établi au mamelon des Quatre Oliviers, d'où la colonne Branlière était partie le 11 mai. Ce poste commandait la piste principale venant de Berighit. Il fut dénommé fort Youlas, en mémoire d'un tirailleur mort des suites des blessures reçues le 11. Le service des renseignements avait appris que les douars refoulés le 11 n'avaient pas poussé plus loin que l'Oued Dalia. Le général décida en conséquence de reprendre l'opération le 16, en profitant de la connaissance acquise du terrain et des pistes, et en prenant un point de départ plus rapproché. Le 1S au soir, par une marche de nuit, il porta les trois brigades aux abords du fort Youlas (1). Les bivouacs s'installèrent sans lumière et sans bruit, et ordre était donné de masquer les feux pour la préparation du café le lendemain. Les dispositions pour l'opération du lendemain étaient, en substance, les suivantes : mai une recon« Les trois brigades exécuteront le 16 naissance vers l'Est. Axe de marche : piste de SidiKamel, plateau de Berighit.

(1) Voir croquis n° 16.


390;

LA CAMPAGNE: DE 1908-1909: EN: CBA0:BIA.,

N*'t17.

brigade passera l'Oued Zamren à S heures et n'aura comme objectif que de: progresser le plus vite possible en mettant en première; ligne, dès le début, la «.

La

2e

moitié, de son effectif.

La

brigade progressera, sur le; flanc: droit ; la 3e, sur le flanc gauche. « Les deux brigades, de flanc égrèneront des flancgardes sur les crêtes Coupant leur ligne de marche ; elles laisseront chacune une compagnie; de réserve; générale sur l'axe de marche. «: Aussitôt après la traversée de; l'Oued Zamren, eues laisseront également,, à l'extérieur et barrant la vallée;de l'Oued,, une flanc-garde: qui pourra être; constituée par rame pointe de cavalerie. « Une compagnie: sera désignée pour' être adjointe à chaque batterie de 73.. « L'ambulance demeurera au bivouac de la 2e brigade. Les mulets; de: transport de réserve marcheront avec la 2e brigade. Les détachements sanitaires légers des brigades accompagneront celles-ci le plus loin possible,. et, en cas; de difficultés; de route;, seront arrêtés ; seuls, les melets; de litière; et de caeolets suivront alors; les combattants ». Dès le; début de; la marche, le: colonel Boutegourd rendait compte que sa batterie; montée; ne; pouvait le suivre;: elle rejoignait en conséquence la piste axiale;, et marchait: avec; la 2e brigade.. Peu après, la colonne de droite, ralentie par les difficultés du sol, annonçait un fort retard ; il en: était de même de la colonne de gauche, qui avait: pris, la piste de Sokhrat-AbboiU. Le général ordonna au colonel Moinier d'attendre: à. Berighit que les deux flanc-gardes mobiles fussent parvenues à sa hauteur.. Mais, en arrivant à Berighit (1), le goum qui précédait «

1re

(1) De Berighit, on découvre, dans tous les sens, um immense bon-


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LA CAMPAGNE DE 1908-1909 EN CHAOUÏA.

391

la 2e brigade est accueilli par une vive fusillade venant de l'Est. Au delà, on aperçoit des douars dont les tentes sont encore dressées. Le colonel Moinier demande l'autorisation de reprendre sa marche. Le général l'approuve. Dès lors, l'action se précipite : canonnée par l'artillerie de montagne, la position de l'ennemi est emportée par les goumiers et les tirailleurs de la compagnie Derigoin, placée en tète de la 2e brigade. Plus loin, les deux pelotons de droite du goum tombent sur un gros douar, surpris en pleins préparatifs de fuite. Un combat rapproché s'engage, qui tourne vite à l'avantage des goumiers. Les défenseurs du douar sont refoulés; les caravanes à peine formées s'enfuient en désordre ; parmi les tentes encore dressées, le sol est jonché d'objets mobiliers, de vêtements, de ballots disposés pour être chargés à dos de mulets. Les troupeaux, les chiens, la volaille fuient dans toutes les directions. Rallié par ses deux pelotons de gauche, le goum traverse les douars évacués et garnit à droite et à gauche les hauteurs qui les commandent. La compagnie Derigoin pousse encore plus loin la poursuite et aborde à 9 h. 30 un col encadré par des mamelons rocheux, à 1,300 mètres au delà des douars évacués. Mais des Marocains garnissent ces hauteurs ; leurs feux plongeants et croisés tuent en quelques intants deux hommes et en blessent huit. La compagnie se maintient cependant jusqu'à ce que la batterie montée de la 2e brigade vienne déloger zon. Vers le Sud et l'Est, le pays entrevu n'offre qu'un chaos de mamelons boisés, séparés par des thalwegs desséchés. Impossible de discerner dans cette confusion les lignes principales du terrain; cependant l'altitude va légèrement croissant vers le Sud, et au loin, dans l'Est, émergent faiblement les sommets aux formes étranges du DjebelSebbara et du Djebel-Kaloua. Les boisements consistent en thuyas et chênes verts ; quelques chênes-lièges se dressent sur les points les plus élevés.


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l'adversaire. En arrière, la section de montagne poursuivait de ses feux les douars en fuite; la batterie montée de la lro brigade canonnait une colonne de fuyards se dirigeant vers le Nord. A 9 h. 30, le général arrivait, de sa personne, sur le théâtre de l'engagement. De nouveaux douars étaient signalés à l'Est. Mais les difficultés du terrain allaient croissant, la chaleur était très forte, l'eau manquait; les deux brigades de flanc restaient loin en arrière. Le général fit arrêter la poursuite et ordonner le rassemblement. A droite, la lre brigade, afin de marcher plus vite au canon, avait abandonné sa direction primitive, pour regagner la piste principale. Elle rejoignait la 2e brigade à 10 h. 4S. A gauche, le colonel Branlière avait de même reconnu rapidement l'impossibilité de se faire suivre par sa batterie et le détachement léger de transport. Il les avait dirigés sur Berighit par la piste centrale, sous l'escorte d'une compagnie. Après avoir subi une vive attaque sur sa gauche, où elle laissa une flanc-garde d'une compagnie, la 3e brigade avait atteint à 9 heures le plateau de Berighit. Elle continua aussitôt vers l'Oued Dalia, surprenant dans sa marche de nombreux douars. A 10 h. 10, elle prenait pied sur la rive droite. Du côté de la colonne du centre, les goumiers avaient rassemblé les troupeaux capturés et recueilli une partie des objets abandonnés. Le reste fut livré aux flammes. A la 3e brigade, les restes des douars furent également incendiés; les animaux, dont la conduite eût ralenti le mouvement des troupes, furent abattus sur place ou abandonnés. A 10 h. 48, le général formait un convoi de blessés, avec escorte prélevée sur la lfC brigade. A 11 heures était donné l'ordre de retour : les trois brigades, dispo-


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393

sées comme pour l'opération du matin, se replieraient sur Berighit où elles feraient la grand'halte. Le mouvement s'effectua sans difficultés pour les lre et et 2e brigades. Il n'en fut pas de même à la 3e, où l'ennemi, marquant un vigoureux retour offensif, rendit fort délicate la retraite des fractions qui avaient traversé l'Oued Dalia. Après Berighit, la marche s'accomplit sans incident, avec une seconde halte à l'Oued el-Ateuch, où l'eau fournie par les sources voisines de Kessibia permit d'abreuver bêtes et gens. Nos pertes s'élevaient à 3 tués et 23 blessés ; celles de l'ennemi étaient considérables. Plusieurs notables M'dakra avaient péri, entre autres un nommé Mohammedben-Larbi, protégé d'une importante maison européenne de Casablanca. Dans les tentes de sa fraction, on retrouva la selle du lieutenant Ricard, tué le 2 février à

Dar-Kseïbat. Le 17, les colonnes rentraient au Boucheron. En route, le général passa ses troupes en revue à l'occasion de la décoration du capitaine Huot, chef du service des renseignements, en l'honneur aussi du goum algérien qui allait bientôt se rembarquer. Les prises faites dans la journée du 16 étaient vendues aux enchères quelques jours après au camp du Boucheron, selon le mode prescrit par les règlements. (A suivre.)


ZURICH LE PASSAGE DE LA LIMMAT (3-4 vendémiaire an VIII 25-26 septembre 1799)

INTRODUCTION. Le 16 prairial an VIII (4 juin 1799), Masséna, après avoir résisté victorieusement sur le Zùrichberg au choc de toutes les forces ennemies, se décidait cependant k évacuer Zurich. Passant la Limmat, il établissait son centre sur l'Albis, sa gauche derrière l'Aare (1) inférieure et le Rhin, sa droite sur le front Sihlbrûgg, Rossberg, Gersau, Meiringen. Le gros de l'armée de l'Archiduc Charles occupait la rive droite de la Limmat et de l'Aare inférieure ; son aile gauche s'étendait sur la ligne de la Reuss et des lacs du Saint-Gothard au lac de Zurich. Jusque vers la fin de thermidor, il y eut une sorte de trêve dans les opérations. Les négociations entamées par les alliés aboutirent à l'adoption d'un nouveau plan : l'Archiduc devait se porter sur le Bas-Rhin pour rejoindre l'armée de l'Empire tandis que toutes les troupes russes se réuniraient en Suisse, sous le commandement de Souvorov. Les hostilités recommencèrent le 27 thermidor (14 août), avant que les alliés aient pu mettre à exécution leurs nouvelles dispositions. Lecourbe, qui commandait la droite de Masséna, reprit le Saint-Gothard, le canton d'Uri et la rive droite du lac des Quatre-Cantons. Cette offensive devait se poursuivre le 12 fructidor (29 août) par une attaque générale sur la Limmat, mais le projet de passage de cette rivière fut éventé par l'ennemi, qui eut le temps de grouper des forces pour s'y opposer.

L'orthographe des noms de lieux: est celle de la carte suisse au 1/100,000°. (I)


N° 117.

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ZURICH.

Dans les derniers jours d'août, l'Archiduc quitta la Suisse et prit la direction de l'Allemagne ; il fut remplacé sur ses positions par les Russes de Korsakov. Ceux-ci avaient, à leur gauche, derrière la Linth, le corps autrichien de Hotze, qui détachait lui-même dans les Grisons, à Sargans et Wallenstadt, la division de Linken. Souvorov avait abandonné l'Italie vers le milieu de septembre pour venir rejoindre Korsakov en. Suisse. IL comptait être le 26 à S.elnvyz et s?y réunir à Linken. Hotze devait s'avancer le même jour sur Einsieldeln, pendant que Korsakov attaquerait les forces, françaises sur l'Albis. Masséna, qui, depuis l'échec du 12 fructidor, avait fait préparer très minutieusement le passage de la Limmat et de la Linth, mit son projet à exécution le 3 vendémiaire an VIII (23 septembre)>

I Préparatifs du passage de la Limmat (1).

La tentative de passage de la Limmat, effectuée dans la nuit du 12 au 13 fructidor, avait échoué par suite de l'insuffisance de la préparation technique, et aussi à cause du choix défectueux du point où la rivière devait être franchie. Cet insuccès n'avait point découragé Masséna. Il formait toujours, le projet de se porter, sur la ligne de communication des Russes, en passant le cours d'eau en aval de Zurich, et confiait à un professionnel, réputé pour son habileté, le chef de brigade d'artillerie Dedon, le soin de réunir et de mettre en oeuvre le matériel de pontage et les embarcations nécessaires (2). A la suite de reconnaissances minutieuses, Masséna fit choix du point de Dietikon qui, au double point de vue

(1) Extrait de l'ouvrage, actuellement, à l'impression : Du Saint-, G.ôthard.'à Zurich, par le capitaine Hennequin, de la Section historique

de;l'état-major de l'armée. (2) Précis de la Guerre en Suisse, 1799,. Papiers ' par Edouard Gachot, p. 193. -

de,

Maiès, publiés


396

ZURICH.

UT.

tactique et technique, semblait le plus favorable à l'établissement d'un pont. A l'Est de cette localité, la Limmat décrit un vaste demi-cercle de deux kilomètres environ de diamètre et dont la convexité est tournée vers le Sud. Cette boucle de la rivière enserre un plateau de faible élévation (20 mètres au-dessus du niveau de la Limmat) couvert de cultures (1); des bois en garnissent les pentes du côté du Sud (2). Au pied de ce mouvement de terrain, jusqu'à la rive droite du cours d'eau, s'étend une plaine d'une largeur moyenne de 300 mètres, dont la partie voisine de la rivière est couverte de bosquets assez touffus (3). La Limmat a, dans cette partie, une largeur de 70 à 90 mètres ; les berges y sont basses et les sinuosités qu'elle y décrit modèrent l'impétuosité ordinaire de son cours. Il avait été reconnu que l'ancrage sur le fond était facile. Quelques postes russes, fournis par un bataillon de grenadiers et un régiment de Cosaques, campés sur le plateau au Nord des pentes boisées, se trouvaient dans la plaine. Leurs sentinelles ou vedettes, chargées de surveiller le bord opposé, s'abritaient dans les bosquets bordant la rive droite (4). Il n'était pas téméraire de penser que, jetée sur la rive droite au moyen de barques, appuyée efficacement

(1) Ce plateau est désigné sous le nom de Holzzelg sur la feuille de Zurich au 1/25,000°. (2) Bois du Hard, qui paraît aujourd'hui plus étendu qu'il ne l'était à l'époque des événements. (3) Voir la carte annexée au présent fascicule. (i) Miliutin, Geschicte des Krieges Russlands mit Frankreich unler der Regierung Kaiser PauVs im Jahre 1799, traduit du russe par Chr. Schmitt, lieutenant au 2° régiment d'infanterie bavaroise, t. IV, p. 61.

I


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LE PASSAGE DE LA LIMMAT.

397

par le tir de pièces de position placées sur les pentes au Nord de Nieder-Urdorf et par les feux convergents de

pièces légères mises en batterie sur le pourtour de la boucle, une avant-garde française parviendrait à repousser devant elle les premiers postes russes et à prendre possession des bois du Hard. En escomptant une résistance opiniâtre des troupes qui occuperaient cette sorte de tête de pont, Masséna pouvait entreprendre la construction d'un pont de bateaux au point choisi pour le passage du gros de ses forces. Ce point se trouvait à peu de distance en aval de l'embouchure du Schàflibach, ruisseau venant de Nieder-Urdorf dans la direction Sud-Nord. Il présentait bien quelques inconvénients. On n'y trouvait aucune île protectrice pour couvrir le matériel et le personnel employés au transport des bateaux sur la rive et à leur lancement sur la Limmat. Il n'y avait aucun ruisseau confluent, aucun bras qui pût servir à rassembler le matériel (1) et à effectuer à l'abri l'embarquement des troupes d'avant-garde. On pouvait trouver plus de facilités à cet égard à quelque distance en amont ou en aval de Dietikon, mais alors il aurait fallu renoncer à la puissante protection d'artillerie que procurait le plateau d'Urdorf. Il était donc nécessaire, pour effectuer le passage à Dietikon, d'amener les barques sur des voitures, de les décharger à quelque distance du rivage, de les pousser à bras et de les lancer à l'eau; de plus l'embarquement des troupes chargées de protéger la construction du pont devait, dans ces conditions, s'opérer à la vue et sous le feu des postes ennemis de la plaine. torrent de 3 à 4 mètres de large, ne pouvait servir à cet usage : il était d'ailleurs à sec le jour du passage,—Voir Dedon, Relation détaillée du passage de la Limmat, p. 83 et 84, (1) Le Schàflibach,

note 1.


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ZURICH..

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qui savent combien sont embarrassants les convois des équipages de pont et combien ils sont difficiles à mouvoir par terre, se représentent, d'après ces données, combien il eût été dangereux de les amener jusqu'au bord de l'eau pour y être déchargés ; qu'ils se figurent la confusion quelaprécipitation si naturelle en pareil cas, jointe au feu de l'ennemi, aurait pu mettre dans des attelages si nombreux, composés en plus grande partie de chevaux de réquisition et de gens du pays. Qu'ils réfléchissent que, quelque ordre et quelque activité qu'on y eût mis, on n'eût pu décharger simultanément, sur le point de passage,, qu'un petit nombre de bateaux destinés au transport de ravant-garde, et que, conséquemment, il eût fallu que ceux qui eussent été les premiers déchargés attendissent les autres, ou, ce qui eût été encore pis, que les troupes passassent partiellement et par faibles portions; qu'on estime ensuite le temps pendant lequel la rive eût été embarrassée de chariots, de chevaux, de charretiers, avant que les troupes eussent pu s'embarquer, et l'on conviendra facilement que ces embarras et ces retards eussent donné à rennemi tout le temps nécessaire pour mettre hors de service, par son feu, une grande partie de nos barques et de leurs agrès et pour faire avancer ses réserves et faire ses dispositions de défense et que, conséquemment, quels que fussent la valeur des troupes et le sang-froid des chefs, le succès d'une telle opération peut paraître au moins douteux (1) ». On verra par la. suite quels furent les moyens employés pour obvier à ces inconvénients. D'autres difficultés, résultant de la topo« Que les militaires, écrit Dedon,

(1) Dedon, loc. cit., p. 58 et 59. — Comme le fait judicieusement

remarquer l'auteur, le passage eût été plus facile à effectuer .sur un fleuve très large. Dans ce cas, l'éloignement des deux rives aurait permis d'exécuter les premiers mouvements hors des vues de l'ennepu., ou tout au moins hors de la portée efficace de ses coups. La Limmat n'avait


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LE PASSAGE DE LA LIMMAT.

399

graphie générale du pays, rendaient la tâche de Dedon particulièrement malaisée. Depuis que le centre de l'armée du Danube avait pris position sur la rive gauche de la Limmat, la petite ville de Brugg', située près du confluent des rivières de l'Aare, de la Reuss et de la Limmat, était devenue le point de rassemblement de toutes les barques. Les ponts de Baden et de KlosterWettingen, sur la Limmat, avaient été détruits (1); par suite, la route directe entre Brugg et Dietikon se trouvait interrompue. Pour faire arriver les embarcations à cette dernière localité on était obligé de les amener à Bremgarten sur la Reuss, par une route en assez bon état, puis de les transporter à Dietikon par un chemin très étroit, raviné par les pluies d'un été fort humide, et qui, traversant une région accidentée, se trouvait souvent encaissé. De plus, le passage du pont et la traversée de la ville de Bremgarten, par des rues étroites ea pentes raides et à tournants brusques, présentaient de réelles difficultés pour des voitures aussi longues et aussi lourdes que des baquets à bateaux. Il eût suffi d'un accident à une seule voiture pour immobiliser tout le reste de la colonne pendant un temps assez long. Grâce à sa prudence et à son énergie, Dedon surmonta tous ces obstacles. Le général en chef disposait, au commencement de la campagne, d'un seul équipage de pont de trente bateaux d'artillerie munis de tous les agrès qu'il avait fait venir

au point de passage que 90 mètres de largeur; la nuit, on entendait parler d'une rive à l'autre et, « à cette distance, il n'y a pas un coup de canon ni de fusil de perdus ». (1) La route qui, à partir de Baden, remonte la rive gauche de la Limmat et vient rejoindre l'aucienne route passant à Kloster-Wettingen, n'existait pas à cette époque. 11 y avait seulement un mauvais chemin qui fut amélioré à la fin de 1799 sur l'ordre du Directoire helvétique (Archives fédérales de Berne, Vol. 3160).


400

ZURICH.

117.

du Bas-Rhin en Helvétie. Il ne pouvait songer à se procurer d'autres équipages. Strasbourg,qui fournissait le matériel de pontage, se trouvait sur le territoire d'une armée indépendante de l'armée du Danube, et si même le commandant en chef de celle-ci avait consenti à céder son matériel, il eût été encore impossible de le faire arriver à temps sur la Limmat. Dans la journée du 30 thermidor (17 août), les Autrichiens avaient détruit quatre bateaux qui entraient dans la composition d'un pont volant établi à Klein-Dôttingen. Il en restait donc 26, dont 10 étaient immobilisés à Windisch sur la Reuss, où ils formaient un pont qui remplaçait le bac de la localité. L'utilité de ce pont était manifeste : il permettait aux troupes de se porter rapidement, soit sur la Limmat vers Baden, soit sur la basse Aare dans la direction de Stilli. On ne pouvait d'ailleurs lever ce pont, exposé aux vues de la rive droite, sans que l'ennemi s'en aperçût et ne conçût quelques soupçons. On disposait donc, en tout, de 16 bateaux pour l'établissement du pont de Dietikon. Lors de la tentative du 12 au 13 fructidor, ceux-ci avaient été amenés à Windisch, puis, quand on avait dû renoncer à effectuer le passage de la Limmat dans cette région, on les avait ramenés à Rottenschwyl, à deux lieues en amont de Bremgarten. Ils servirent à l'établissement d'un pont sans utilité réelle, puisque Masséna n'avait point l'intention de se retirer derrière la Reuss. Ce passage n'avait d'autre but que de tromper l'ennemi et de faire naître chez nos adversaires l'idée que le commandant en chef de l'armée du Danube envisageait l'éventualité

d'une retraite. Les ressources en embarcations prises sur place et pouvant servir au passage des troupes d'avant-garde, étaient assez médiocres. Il y avait à Brugg une douzaine de bateaux, provenant du lac de Zurich, qui avaient été utilisés aux transports des munitions lors de la


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LE PASSAGE DE LA LIMMAT.

retraite de Masséna sur la rive gauche de la Limmat. Dedon mit tous ses soins à réparer les avaries qu'ils avaient subies dans de nombreux transports (1). Il fit également amener sur ce point une dizaine de petits pontons de bois, « très légers mais très frêles », de la forme des « wedelins (2) » ou bateaux à trois planches fort employés sur le Rhin, ainsi qu'un assez grand nombre d'autres bateaux provenant de l'Aare et du lac de Lucerne ; mais ceux-ci étaient beaucoup trop grands et trop larges pour être voitures et, comme on ne pouvait par suite les transporter à Dietikon, il avait été décidé qu'ils serviraient aux fausses attaques que l'on projetait de faire au confluent de la Limmat et de l'Aare. On estimait à 2,000 hommes la force des troupes ennemies qui gardaient la boucle de Dietikon sur la rive droite, et, de l'avis de Dedon, on ne pouvait mener à bien l'entreprise projetée que si l'on parvenait à jeter en un seul transport 600 hommes sur cette rive. Pour compléter son matériel d'embarquement dont la contenance ne répondait point à ce desideratum, il envoya des

(1) « La plupart des bateaux des lacs et rivières de la Suisse, écrit Dedon, sont construits en bois de pin ou de sapin et fort mal assem-

blés ; la façon en est très grossière. L'abondance et le bas prix de ces bois dans le pays sont cause qu'il est bien moins coûteux aux bateliers de les renouveler souvent, que de supporter les frais de la main-d'oeuvre qui serait nécessaire pour en rendre la construction durable ». (2) Corruption du nom allemand" Weidling ». Ces pontons de bois faisaient antérieurement partie d'un équipage appartenant à la ville de Zurich. Quoique assez peu résistants, ils rendirent de grands services aux passages de la Limmat et du Rhin et furent utilisés pour embarquer les tètes d'avaut-garde. Dedon estimait que ces pontons de bois, renforcés et perfectionnés dans leur forme, pouvaient remplacer avec avantage les pontons de cuivre qui faisaient alors partie des équipages de pont français. Ils coûtaient trois fois moins, et, étant plus légers, pouvaient être transportés sur des voitures «agricoles». (Dedon, p. 63, note 2). Rer. Hiit.

26


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officiers sur les lacs de Zug et de Neuchâtel, afin d'y ramasser quelques bateaux de pêcheurs. Ceux du lac de Zug ayant été réservés pour la division de Soult qui devait passer la Linth le jour où Masséna franchirait la Limmat, Dedon ne put recueillir qu'un nombre de bateaux assez restreint. Quoi qu'il en soit, il disposait à la fin de fructidor de 37 barques de toute espèce, dont les plus grandes pouvaient contenir 40 à 45 hommes et les plus petites 20. Quant aux voitures ou haquets nécessaires au transport de ces bateaux, il n'en existait à l'armée qu'une trentaine fort délabrés par suite des transports de toute nature qu'ils avaient dû effectuer après l'évacuation du camp retranché de Zurich. Sur ces 30 véhicules, réparés tant bien que mal, 6 avaient été affectés à la division Soult, de sorte que Dedon disposait, en définitive, de 24 voitures pour transporter les 16 bateaux d'artillerie qui devaient former le pont et les 37 barques destinées au, passage de l'avant-garde, Il fallait par suite effectuer plusieurs voyages pour amener ce matériel à pied d'oeuvre. Les chevaux d'artillerie de la division Ménard (1) conduisirent les barques en deux convois, de Brugg à Bremgarten, où ils furent relevés par ceux de la division Lorge qui les amenèrent à Dietikon (2). « Ces convois arrivaient, sans être aperçus de la rive droite,

(1) Le général Ménard avait remplacé Hardy à la tête de la 6° division. (2) «Lorsque le passage fut résolu, l'artillerie de la 5e division (5e et 6e compagnies du 2° d'artillerie légère et 6 pièces de position, commandées alors par le chef d'escadron Foy) fut renforcée par la 4e compagnie du 7° régiment d'artillerie légère et par 8 pièces de 12. Mais, pendant plusieurs jours, presque tous les chevaux furent occupés à transporter les 37 bateaux destinés au passage des premières troupesune partie fut même employée, la veille de l'action, à amener l'équipage de pont de Bremgarten sur la Reuss, à Dietikon » (Girod de l'Ain, Vie militaire du général Foy, p. 29, note2).


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jusque derrière un bouquet de gros sapins situé sur une éminence(l) à la droitedu village où ils restaient jusqu'à la nuit. On les conduisait alors plus près du village, et les barques étaient déchargées derrière des haies à l'abri d'un petit camp que nous y avions à 1,000 mètres (500 toises environ) du point de passage, et les haquets étaient aussitôt renvoyés à Brugg pour un. convoi subséquent (2) ». Vers la fin de fructidor, toutes les barques étaient rassemblées à l'Est de Dietikon; seul, l'équipage de pont de Rottenschwyl restait encore en place : il ne devait être transporté à pied d'oeuvfe que la veille du jour fixé pour le passage. Pendant que l'on dissimulait avec le plus grand soin les préparatifs de ce côté, on manifestait ostensiblement une grande activité à Brugg et aux environs où le général en chef voulait attirer l'attention de l'ennemi. Tous les ouvriers y étaient en mouvement; on équipait, en forme de ponts volants, deux des plus grands bateaux du lac de Lucerne, on construisait à la hâte de grands radeaux, on réquisitionnait des rames, des agrès, on acheminait même sur Brugg les pontonniers qui devaient établir le pont de Dietikon; enfin, on ne négligeait rien pour donner le change à l'ennemi. On verra plus loin que cette feinte devait avoir un plein succès. Le passage de la Limmat aurait pu être tenté le premier jour de l'anYIII (23 septembre), si la 3e division eût été elle-même prête à franchir la Linth. Les deux opérations ne pouvaient avoir chance de réussite que si elles étaient exécutées simultanément. (1) Ce bouquet de sapins existe, encore aujourd'hui; il sous le nom de « Gûggenbùhl » sur la carte au 1/25,000e. (2) Dedon, loc. cit., p. 67. —Par suite du mauvais état

est désigné

de la route, la plupart des barques éprouvèrent des avaries au cours du transport. On eut le temps de les radouber à Dietikon avant de les mettre à l'eau.


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Bien que Soult eût fait travailler avec la plus grande activité à la construction de ses attirails de pont, il n'avait pas encore achevé ses préparatifs pour cette date. Le 6e jour complémentaire an VII (22 septembre), il annonçait à Masséna qu'il serait prêt à agir le 3 vendémiaire au matin (25 septembre) (1). Dans le même temps, celui-ci recevait la nouvelle de l'arrivée d'un corps russe à Bellinzona (2). Le général en chef décidait aussitôt que le mouvement offensif de toute l'armée aurait lieu le 3, à la pointe du jour, et écrivait au Directoire la lettre suivante : a J'ai l'honneur de vous prévenir que, le 3 vendémiaire, je passerai la Limmat à Dietikon où je serai en personne, tandis que le général Soult passera la Linth entre les lacs de Wallenstadt et de Zurich et que le général Ménard fera une fausse attaque sur le point de Brugg; celui-ci a même les moyens de faire un passage, mais il ne l'exécutera que secondairement à celui de Dietikon. Le général Lecourbe doit en même temps marcher sur Reichenau et menacer Coire. ligne sur laquelle l'armée doit ou « L'étendue de la observer, ou arrêter, ou attirer l'ennemi, est si grande que je ne peux réunir sur Dietikon, point principal du passage, qu'environ 14,000 hommes, sur la Linth aux ordres du général Soult que 7,000, sur Brugg que 4,000 et devant Zurich, pour arrêter tout ce qui pourrait en sortir pendant mon passage, que 6,000 (3). « La marche du prince Charles sur le Rhin, les proba-

(1) Soult à Masséna, Wollerau, 21 et 22 septembre 1799. (2) Le corps de Rosenberg avait quitté Taverne le 19 et était arrivé

à Bellinzona le même jour; le gros du corps de Souvorov n'y arriva que le 21. Le 22, il était à Giornico ; il devait attaquer le Saint-Golhard le 24. (3) Voir page 407 le chiffre des forces opposées aux Russes de Korsakov par Masséna.


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bilités d'un passage qu'il veut tenter entre Neuf'-Biïsach et lluningue pour me faire abandonner la Suisse devant me rendre très circonspect dans mes mouvements, celui que je fais se bornera pour le moment à la reprise de Zurich et à l'occupation de la ligne qui pourra me laisser le plus de troupes disponibles. Je vous observe encore que, si les mouvements du prince Charles sur le Rhin français me forçaient à marcher sur cette partie avant mon opération, cela arrêterait nécessairement mon passage de la Limmat. « Le mouvement que j'ai fait faire par ma droite a produit l'effet que je m'en étais promis. Le général Lecourbe me prévient que ses émissaires lui donnent avis de l'arrivée de Souvorov à Bellinzona avec un corps de 15,000 à 18,000 hommes. Des affidés sont en course pour savoir si ce rapport est vrai. Mais j'étais déjà instruit qu'un corps de troupes ennemies détachées de l'armée d'Italie avait déjà marché sur ma droite (1) ». Au moment où Masséna fermait cette lettre, il recevait du général Suchet, chef de l'état-major de l'armée d'Italie, la confirmation de la marche d'un corps russe

(1) Masséna au Directoire, Lenzbourg, 6° jour complémentaire an VII (22 septembre 1799). — On a cru devoir reproduire in extenso dans le

texte la lettre ci-dessus qui, dans sa concision, montre clairement la manoeuvre qui allait être exécutée et indique l'opinion que se faisait Masséna de sa position militaire, par rapport à celles des forces alliées. On remarquera qu'il ignorait le nouveau plan des alliés. Il s'imaginait que l'Archiduc allait se porter sur lluningue et Neuf-Brisach, alors qu'il était à Mannheim depuis le 18 septembre. D'après lui, le mouvement des Russes vers la Suisse était déterminé par les opérations offensives de sa droite (Turreau et Lecourbe). Il convient d'ajouter que Masséna ne dut pas être surpris outre mesure par l'apparition de Souvorov à Bellinzona, puisque toutes les diversions exécutées dans la région du Saint-Gothard après la bataille de Novi avaient pour but d'attirer une partie des forces ennemies de ce côté et, partant, de dégager l'armée française d'Italie.


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sur la Suisse. D'après Suchet, la direction de ce corps paraissait être «. sur les Grisons par le lac de Côme et le Splûgen (1) ». Le 1er vendémiaire, à 5 heures du soir (23 septembre), le général en chef prescrivait à Dedon de lever le pont de Rottenschwyl et de transporter les bateaux et leurs agrès à Dietikon. Cet officier envoyait aussitôt, par courrier, l'ordre de faire descendre le pont à Bremgarten et se portait lui-même sur ce point, où il réunissait tous les chevaux que pouvait lui prêter la 5e division. Dans la soirée du 2, toutes les embarcations et tous les attirails étaient chargés sur les haquets et voitures sans « accident grave » jusqu'à destination. Le 3, à la pointe du jour, tout le matériel se trouvait à pied d'oeuvre (2).

II Force et emplacements des troupes adverses en position sur la Limmat et à Zurich, le 2 vendémiaire au soir.

a) Français.

—En exécution des ordres donnés les

1er

et 2 vendémiaire, les forces françaises (3), qui allaient

(1) Suchet à Masséna, Cornegliano, 27 fructidor an VII (13 sep-

tembre 1799). (2) Dedon, loc. cit., p. 69 et 70, note 1.— Le convoi était composé des haquets portant une nacelle et seize bateaux d'arsenal et d'une soixantaine de voitures agricoles du pays, la plupart attelées de boeufs, portant les différents agrès. A la suite de chaque section de deux bateaux, marchaient les voitures portant tous les objets nécessaires pour lesponter (Dedon, loc. cit., p. 78, note 1). (3) La 3e division (Soult) était sur la rive droite de la Linth, entre les lacs de Wallenstadt et de Zurich, la 2° (Lecourbe) sur la haute Reuss, la lrc (Turreau) dans le Haut-Valais, les 7e et 8° dans le Frickthal et à Bàle.


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opérer contre les Russes de Korsakov, étaient composées et situées comme il suit : Quartier général de Masséna à Lenzbourg. 4e division MORTIER (brigades Drouet et Brunet) : 7,000 hommes environ répartis sur le front Albisrieden, Utliberg, Albis, Ober-Albis. Avant-postes sur la ligne Alstetten, Friesenberg et le long de la Sihl jusqu'à Sihlbrùgg. 5e division LORGE [brigades Gazan, Bontemps et Quétard (1)]

:

16,000 hommes environ groupés dans la région Spreitenbach, Dietikon, Nieder-Urdorf, avec des postes de surveillance sur la Limmat de Sehlieren à Killvrangen. 6° division MÉNARD (réduite à la brigade Heudelet) : 5,000 hommes environ dans la zone Rûfenach, Brugg, Hausen avec détachements à Leuggern et à Baden, postes de surveillance le long de l'Aare et de la Limmat depuis Klein-Dôttingen jus-

qu'au pont détruit de Kloster-Wettingen. Réserve KLEIN (cavalerie et grenadiers commandés par le général

Humbert): 6,000 hommes environ groupés à Sehlieren. — Des pièces de position étaient en batterie : sur les pentes au Sud de Nieder-Urdorf, battant la rive gauche de la Limmat dans la boucle de Dietikon; aux environs de Killvv'angen, tenant sous leurs feux la route de Wûrenlos à Oetwile; sur les pentes en aval de Baden en face de Rieden, battant la route qui passe dans cette localité ; aux abords de Tûrgi, ayant des vues sur la plaine de Kirchdorf et de Vogelsang ; sur les hauteurs au Sud de Rein, battant le terrain de la rive droite au confluent de la Limmat dans l'Aare (2).

(1) Cette brigade était tirée de la 6° division, réduite à la brigade

Heudelet, qui avait elle-même été renforcée par quelques troupes venues de la 7e division. (2) Situation établie d'après les ordres donnés par Masséna pendant les journées qui précédèrent la bataille. — Effectif des troupes pris dans le « Tableau général des forces de l'Armée du Danube à l'époque du 1er vendémiaire an VIII ». — Positions des batteries indiquées d'après un Rapport de la reconnaissance du cours de la Limmat, faite en fructidor an VII par le bureau topographique de l'Armée du Danube.


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b) Russes.

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Ils étaient ainsi répartis :

Quartier général de Korsakov à Zurich, avec un bataillon de garnison, les parcs, les bagages et les ambulances. Division GORTSCHAKOV : Général-major Essen, 2,000 hommes environ entre le lac de Zurich et la Sihl, à hauteur de Wollishofen. Général-majorTou'tschkov,6,000 hommes environ dans le Sihlfeld, de chaque côté de la route d'Alstetten ; 700 hommes (1 bataillon de grenadiers Sacken) dans Zurich. Dragons de Schepelev, 530 hommes à Wipkingen. Avant-postes depuis le lac de Zurich à hauteur de Mônchhof jusqu'à Hôngg, en passant par Leimbach et le pied de l'Utliberg. Division DOURASOV : Aile gauche, général-major Markov, 3,000 hommes répartis en cordon depuis Hôngg jusqu'à Baden. Aile droite, général-major Pouschtsehin, 4,800 hommes échelonnés de Baden jusqu'au Khin en passant par le confluent de la Limmat dans l'Aare. Avant-postes tout le long de la rive gauche de la Limmat et de l'Aare. Quelques batteries tenaient sous leurs feux les points de ces rivières où le passage semblait le plus facile. Réserve aux ordres du général SACKEN; Général-major ïitov, 1,300 hommes (2 bataillons) à Rapperswil. Général-lieutenant Koslov, 4,400 hommes (6 bataillons) à Seebach (1).

Le gros de la cavalerie et de l'artillerie, 3,200 hommes sous les ordres du général-major Goudovitsch, avait été laissé sur le Rhin à Dorflingen, Schaffhouse, Eglisau.

(1) Miliutin, t. IV, p. 57 et note 64, p. 245, 246 et 247. Les bataillons de la réserve reçurent l'ordre de venir renforcer les Autrichiens de Hotze sur la Linth. Ils quittèrent Seebach le 24 septembre, à 9 heures du soir, mais furent rappelés en cours de route, et arrivèrent à Zurich le 25 dans la soirée, où ils prirent encore une certaine part à la bataille. Cf. Rapport du 30 septembre 1799, de Wickham, ministre plénipo-


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Il ressort de ce tableau que Korsakov ne pouvait opposer que 22,000 hommes environ aux 34,000 hommes que Masséna allait faire agir, sous son commandement personnel, à Zurich et sur la Limmat.

III Instructions données aux généraux de division.

Masséna avait adressé aux généraux de division, les 1er et 2 vendémiaire, ses instructions pour la journée du 3. Il était prescrit : Au général Chabran commandant la gauche de l'armée du Danube (1), de pousser de fortes reconnaissances, le 3 au matin, en avant du camp de Bâle sur la rive droite du Rhin et lés débouchés de la Forêt Noire, dans le but de faire diversion de ce côté (2). Au général Ménard, commandant la 6e division, de continuer à faire des .préparatifs et à manifester une

tentiaire anglais en Suisse, à lord Grenville, publié par Zeller Werdmûller dans un opuscule intitulé Aus zeitgenôssischen Aufzekhnungen und Briefen. Ce ministre, qui était logé dans une maison de campagne Dommée Beckenhof, autour de laquelle se livra un violent combat le 25 au soir, relate, dans la lettre précitée, divers épisodes de la bataille de Zurich. David Hess, le propriétaire de Beckenhof, a lui-même laissé des mémoires très intéressants publiés par Job. Gaspar Schvreizei' sous le litre : Ein Charakterbild aus devi Zeitalter der franzôsischen Révolution, où il est fait mention des mémorables événements qui se déroulèrent à Zurich les 25 et 26 septembre. (1) Les 7e et 8e divisions furent placées sous les ordres du général Chabran, commandant la 7°. Le général Klein quitta la 7° le 2 vendémiaire et vint prendre le commandement de la Réserve. A partir du 10 vendémiaire, les 7° et 8e divisions ne formèrent plus qu'une division portant le n° 7. (2) Bulletin historique de'la 7° division, du 1er au 10 vendémiaire (23 septembre au 2 octobre 1799).


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grande activité à Brugg et environs, de façon à fixer l'attention de l'ennemi sur ce point. Le 3 au matin, son artillerie devait ouvrir un feu violent sur toute fraction ennemie qui s'approcherait de la rive droite : ses troupes avaient ordre de se porter au confluent de la Limmat et de l'Aare, et d'opérer comme si vraiment elles voulaient tenter le passage. Des mouvements de barques contribueraient à fortifier l'ennemi dans cette opinion. Il était recommandé à Ménard de bien faire surveiller les points de Baden et de Koblenz, pendant qu'il occuperait l'adversaire aux environs de Vogelsang. Il rendrait compte « de tout » au général en chef à Dietikon, et se tiendrait prêt à passer sur la rive droite au premier ordre, qui ne lui serait adressé qu'au moment où la division Lorge serait déjà en possession des hauteurs de Regensdorf et de Dollikon. La brigade Quétard, de la 6e division, rattachée à la 5e, se porterait sur Otelfingen, après avoir franchi la Limmat à Dietikon, établirait sa liaison avec Ménard, qui viendrait occuper Ehrendingen après son passage de la rivière. La 6e division, alors reconstituée, enverrait des détachements sur Regensberg et Tegerfel-

den(l).

La division Lorge, renforcée par la brigade Quétard de la division Ménard, franchirait la Limmat à Dietikon, le 3 vendémiaire, à la pointe du jour. La bri-

(1) Masséna à Ménard, 1er vendémiaire an VIII (23 septembre) (Archives du prince d'Essling). — Masséna écrivait dans cette lettre : « Je cher général, de continuer tous vos préparatifs vous charge , mon et, tout en y laissant beaucoup de mystère, de laisser pénétrer que ce sera à Brugg que la Limmat se passera et que, pour mieux tromper l'ennemi, on fait filer des troupes sur Dietikon pour les faire revenir dans la nuit. Ce sont des ruses dont on a tiré souvent un grand parti. Au reçu de la présente, ayez l'air d'assembler vos officiers, de les consulter, parlez avec eux de grandes dispositions pour le passage de la rivière avec toutes les forces disponibles de l'armée ».


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gade Gazan passerait la première en barques, culbuterait tout ce qu'elle rencontrerait devant elle sur l'autre rive et viendrait prendre pied sur le plateau de KlosterFahr (1). Les troupes de la brigade Bontemps suivraient celles de Gazan et viendraient prolonger leur gauche vers Oetwil. Les deux brigades marcheraient ensuite sur les hauteurs de Regensdorf et Dollikon : celle de gauche ferait occuper Qtelfingen en force. Pendant que seraient exécutées ces opérations, Dedon lancerait le pont sur la Limmat; il devait se concerter à cet effet avec le général Lorge. Dès que le pont serait construit, le reste de la 5e division, la brigade Quétard, l'artillerie légère, la cavalerie et enfin la réserve commandée par le général Klein passeraient successivement sur la rive droite. La réserve devait se placer, à la pointe du jour, en bataille derrière la gauche de Mortier, établie elle-même entre Albisrieden et Alstetten, arrêter, de concert avec elle, tout ce qui tenterait .de sortir de Zurich, puis venir appuyer la division Lorge sur la rive droite. « Donnez vos ordres de détail clairs et précis, ajoutait Masséna, pour qu'il n'y ait pas cette confusion qui existe ordinairement dans les passages de rivière, que les officiers et soldats connaissent leurs postes et que les embarquements se fassent avec le plus grand silence (2) ». La division Mortier (4e) avait pour mission générale d'arrêter tout ce qui pouvait sortir de Zurich. La brigade de droite devait, à cet effet, mettre la main sur Wollishofen et détacher de fortes reconnaissances d'in-

(1) Dans les documents français, on désigne sous ce nom le plateau que contourne la boucle de. la Limmat entre Dietikon et KIoster-Fahr. Quand on a gravi les pentes du Hard, en accédant sur le plateau, on voit Weiningen devant soi dans la direction du Nord; on aperçoit à l'Est les toits du couvent de Fahr, qui se trouve au bord de la Limmat, et à l'Ouest les maisons de Geroldswil et Oetwil. (2) Masséna à Lorge, Lenzbourg, 2 vendémiaire (24 septembre).


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fanterie et de cavalerie qui remonteraient le lac jusqu'à Horgen, pour surveiller les mouvements de la flottille ennemie (1). Celle de gauche prendrait position entre Albisrieden et Alstetten, hors de la portée du canon de Zurich : elle serait appuyée, comme il a été dit, par la réserve de Klein. Mortier devait placer ses obusiers sur un « point avantageux », d'où il serait possible de bombarder les faubourgs de Zurich. Si l'ennemi évacuait la ville, la brigade de droite irait prendre position en avant de la porte de Rapperswil, celle de gauche viendrait occuper les hauteurs à l'Est de Zurich, où elle attendrait de nouveaux ordres. Tous les renseignements devaient être envoyés au général en chef à Dietikon (2). Soult, qui commandait la 3e division, était avisé (1) La flotte de Williams croisait sur le lac. Dans une lettre datée de Stàfa, le 24 septembre, 7 heures soir, celui-ci annonçait à Korsakov qu'il prendrait part à son attaque projetée pour le 26 de la façon suivante : « A l'instant où le général Hotze passera, avec une colonne, le Lintbfluss et qu'il avancera sur le village de Lachen, je débarquerai le régiment de Stain que j'aurai sur des bateaux de transport et la fiottillp, entre Pfâffikon et Freienbach. Du bord que ce débarquement sera effectué, j'ai l'ordre d'aller avec la flottille et tout le régiment de Roveréa, que j'ai sous mes ordres ainsi que [avec] les bateaux de transport vers Zurich pour y recevoir les ordres de Votre Excellence, embarquer les troupes russes et seconder votre attaque. En conséquence, j'ai l'honneur de vous expédier M. le comte de Fulconis, officier de la marine, pour prendre vos ordres, en vous priant de me l'expédier le plus tôt possible; En cas que Votre Excellence voulût faire une descente vers Horgen, la meilleure place pour embarquer les troupes est à Meilen. Je supplie Votre Excellence de compter sur mon zèle et sur tous mes sentiments. — P. S. Le comte de Fulconis rendra compte verbalement à Votre Excellence des dispositions que je fais pour rn'assurer de la petite île » ['Lettre écrite (en françnis) par le lieutenant-colonel anglais Williams commandant la flottille (Archives du prince d'Essling)].— On voit que la précaution prise par Masséna de faire surveiller la rive gauche du lue de Zurich n'était pas inutile, (2) Masséna à. Mortier, Lenzbourg, 2 vendémiaire (24 septembre 1799).


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depuis le 25 fructidor de la mission qui lui était assignée dans l'ensemble des opérations. Il devait tenter le passage de la Linth entre les deux lacs de Zurich et de Wallenstadt. Si cette tentative était couronnée de succès, il diviserait sa troupe en deux parties, dont l'une se porterait sur Rapperswil et l'autre sur Lichtensteig. Il aurait soin de se couvrir à droite en faisant garder Weesen, qui ne serait évacuée par ses troupes que quand celles de Molitor y auraient pénétré (1). Une instruction complémentaire du 1er vendémiaire prescrivait à Soult de détacher sur Zurich un parti de cavalerie, soutenu par de l'infanterie, dès que sa gauche aurait occupé Rapperswil (2). Lecourbe avait ordre de se porter, le 3 vendémiaire, avec la majeure partie de ses forces, sur Disentis et Ilanz et de se rendre maître des deux ponts sur le Rhin à Reiçhenau. De là, il pousserait des troupes sur Splugen, s'il croyait pouvoir le faire sans les compromettre. Sa droite viendrait occuper Airolo. Tous les passages permettant de passer d'Italie dans les Grisons seraient ainsi gardés. Une fois maître de Reiçhenau, Lecourbe menacerait Goire et enverrait quelques détachements sur Ragafz par le Kunkels-Pass. La brigade Molitor, portée à Glaris, devait menacer Weesen avec son gros, pendant qu'elle détacherait un parti sur Flims par le Sernfthal, qui se relierait à Reiçhenau avec le gros des troupes de Lecourbe. Dans le cas où Soult parviendrait passer la Linth, Molitor occuperait Weesen et y resterait, à moins d'un ordre exprès du général en chef ou du général Soult. Les mouvements de cette brigade étant subordonnés à ceux de la division Soult, il était recommandé à Molitor de se. tenir en liaison constante avec le

(1) Mémoires de Soult, t. II, p. 226 et suiv. (2) Masséna à Soult, Lenzbourg, lor vendémiaire (23 septembre).


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général commandant, la 3e division et de lui adresser tous les renseignements concernant ses opérations. Ceux-ci seraient transmis par Soult à Mortier, qui les enverrait lui-même à Masséna à Dietikon (1). IV Passage de la Limmat et combats de la matinée du 3 vendémiaire (25 septembre).

On sait que les bateaux destinés au passage de l'avantgarde avaient été déposés derrière des couverts à quelque distance de la rivière. Lorge mit un bataillon de la 57e(2) et quatre compagnies de la 37e demi-brigade à la disposition de Dedon, pour assurer le transport de ces embarcations à la rive. Le 24 au soir, quand la nuit fut venue, celui-ci réunit ce personnel et les pontonniers disponibles (3) au lieu de dépôt et fit transporter en silence, à bras d'hommes (4), toutes les nacelles sur le bord de la rivière où elles furent « pour ainsi dire rangées en bataille ». Dedon en forma trois divisions ; la première, en

amont, formée des barques les plus petites et les plus légères devait passer rapidement les premières troupes ; la seconde,au centre, était composée des bateaux les plus

(1) Mémoires de Soult, t. II, p. 226 et 227 ; Masséna à Soult, Lenzbourg, 1er vendémiaire (23 septembre). (2) Un bataillon de la 97e, d'après Dedon. Il y a là une erreur ; la 97e

n'était pas à l'armée du Danube. (3) Le détachement des pontonniers, qui accompagnait le convoi des haquets venant de Bremgarten, n'était pas encore arrivé à Dietikon. (4) Quelques-unes de ces barques exigèrent jusqu'à 100 hommes pour leur portage, et pour les plus légères il en fallut 20. « La moitié de ce nombre aurait suffi, écrit Dedon, si on eût pu y employer des hommes rompus à cet exercice et habitués à manoeuvrer des bateaux ».


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lourds et les moins maniables ; la troisième, en aval, comprenait les embarcations de capacité moyenne et devait aborder dans une lie formée par un petit bras où* les Russes avaient des postes qui battaient à revers le point d'attaque. Les pontonniers étaient répartis e ntre ces trois divisions : chacun d'eux connaissait le bateau auquel il était affecté. Us avaient ordre de rester couchés, les rames à la main, derrière leurs embarcations respectives, jusqu'à ce qu'on eût donné le signal, du passage. Les travaux de portage étant terminés avant minuit, lés troupes des 37e et 57e demi-brigades s'en retournèrent à leur camp pour y prendre les armes, et furent remplacées auprès de Dedon par la lre légion helvétique, commandée pour aider les pontonniers dans la construction du pont. Cet officier reçut également quelques pelotons de sapeurs munis d'outils de pionniers, qui furent répartis sur les différents points d'embarquement pour y construire des rampes devant faciliter le lancement des barques. Le chef d'escadron Foy, commandant l'artillerie de la division Lorge, avait été chargé de disposer ses pièces de façon à protéger efficacement les premières troupes embarquées et transportées sur la rive droite. Il disposait à cet effet des 5e et 6e compagnies du 2e d'artillerie légère, de la 4e compagnie du 7e (1) et de dix pièces de position (2). Dans la journée du 2 vendémiaire (24 septembre), Foy reconnut les positions d'artillerie et donna à ses officiers les instructions les plus précises concernant les mises en batterie qui devaient s'exécuter la nuit dans le plus grand silence.

(1) Cette compagnie avait été détachée de la 6e division (Ménard). (2) La 5e division en avait cédé quatre à la 6e ; lorsque le passage fut résolu, elle reçut un renfort de huit pièces, cédées sans doute par les divisions de droite.


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Au premier coup de fusil qui partirait de Dietikon, quatre pièces de la 5e compagnie, qui se trouvaient par moitié à Alstetten et à Sehlieren, avaient ordre de se porter le plus près possible de la Limmat, deux vis-à-vis le couvent de Fahr, et deux en face de Unter-Engstringen. Elles se déplaceraient le long de la rivière et tireraient à mitraille sur les postes et à boulet sur les troupes ennemies qu'elles verraient réunies. Ces pièces seraient attelées et les canonniers prêts à monter à cheval à minuit; elles se trouveraient à 2 heures aux emplacements indiqués. Leur but était de faire diversion et d'attirer l'attention de leur côté. Vers 3 heures, à un signal donné, six autres pièces (quatre de la 6e compagnie, deux de la 5e), qui se trouvaient à Dietikon traverseraient le village, viendraient se placer en bataille, entre l'église et la Limmat, et s'avanceraient sur le bord de la rivière. Au moment du passage elles tireraient à mitraille sur le petit bois bordant le rentrant de la rive droite dans le coude de la rivière. Dès que les premières troupes seraient passées, ces six pièces prendraient une position en aval de façon à battre la petite plaine située au delà des bosquets, ainsi que le bois du Hard. Enfin huit pièces (six de la 4e compagnie et deux de la 6e) se porteraient, à 1 h. 30 du matin, de NiederUrdorf sur la courbe de la Limmat, pour y former deux batteries de quatre pièces aux abords de l'endroit où l'on devait établir le pont. Il était recommandé au commandant de la batterie de gauche qui devait prendre position entre Dietikon et le Schàflibach de ne point gêner dans leurs mouvements les haquets à bateaux. Ces deux batteries tireraient également à mitraille sur le petit bois, au moment du passage des troupes d'avantgarde. Dès que celui-ci serait effectué, ces huit pièces viendraient se rassembler à la droite des six bouches à feu de position placées sur les pentes au Nord de Nieder-


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Urdorf et y attendraient de nouveaux ordres (1). Quatre pièces de 12 en batterie aux abords de Killwangen canonneraient éventuellement la route de Wurenlos à Zurich et en interdiraient l'accès à l'ennemi. II était défendu aux canonniers de faire aucun feu qui pût révéler leur présence. En résumé, l'exécution de ces ordres devait aboutir à la formation de quatre batteries : la première de quatre pièces en face de Nieder-Enstringen et Kloster-Fahr, chargée d'attirer l'attention de l'ennemi de ce côté, la seconde et la troisième de quatre pièces également, placées respectivement sur chaque rive du Schàflibach au coude même de la rivière, et dont le feu à mitraille sur le petit bois devait protéger les troupes pendant leur passage, enfin la quatrième, de six pièces établies au Nord de Dietikon, le long de la Limmat, qui avait même mission que les deux précédentes, et devait en outre changer de position après le passage, pour venir battre la plaine au Nord du bois. Les mouvements de l'artillerie s'exécutèrent dans un ordre parfait, et dans un tel silence qu'ils ne furent point entendus non seulement des postes russes, mais encore des troupes françaises placées en bataille sur la rive gauche. Celles-ci s'étaient rassemblées pendant la nuit aux points qui leur étaient assignés. L'avant-garde, commandée par Gazan et composée des trois compagnies de carabiniers de la 10e légère, d'un bataillon de la même demi-brigade, et de quatre compagnies de la 37e de ligne, se trouvait, avant le lever du jour, en bataille à cinquante pas du rivage. Les brigades Bontemps et Quétard étaient réunies respective-

(1) Ordre du chef d'escadron Foy aux citoyens Clavey, Poitte, Forgeot, Leclere, des 5e et 6e compagnies du 2e et de la 4e compagnie du 7e (Girod de l'Ain, loc. cit., pièce justificative n° 8, p. 303 et suiv.). 27 Her. llist.


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ment à proximité de Nieder-Urdorf et Dietikon; la réserve de Klein tenait la plaine vers Sehlieren, face à Zurich, achevai sur la grande route de Baden à Zurich, prête à appuyer la gauche de Mortier, si l'ennemi tentait de sortir de la ville. Toutes les dispositions avaient été faites avec infiniment d'ordre et de précision, chacun était à-son-poste, les troupes d'avanf-garde attendaient impatiemment l'ordre de s'embarquer (1). Celui-ci fut donné entre 4 et 5 heures du matin par Gazan qui, accompagné de Dedon, s'était porté au point où se trouvaient (2) les barques légères; Aussitôt qu'elles furent lancées à l'eau, une: compagnie de la 10e légère montait à bord dé l'escadrille qui, pilotée par des pontonniers, se dirigeait vers la rive droite. Quelques nacelles surchargées de troupes s'engravèrent sur un bas-fond (3). Le bruit fait pour lés renflouer donna l'éveil aux postes russes et bientôt une fusillade éclata à la lisière du petit; bois situé dans l'anse. Il était alors 4-h. 45. L'artillerie de Foy entrait aussitôt en action et couvrait: le bois de mitraille ; des pelotons d'infanterie répartis entre les batteries appuyaient leur action par un feu de mousqueterie. De toutes parts retentissaient les cris de « Enavant ! En avant ! » D'autres fractions de l'avant-garde s'embarquaient sur les 2e et 3e divisions de l'escadrille, et bientôt 600 hommes de la lre légère, commandés parle chef de bataillon Maransin (4), étaient jetés sur l'autre rive. 1

(1) Bulletin historique mensuel du 1er au 30 vendémiaire an VIII. (2) Les bateaux les plus légers furent lancés à l'eau à l'embouchure du Schàflibach. Cette première escadrille: était composée de 8 ou 9 petits

pontons de Zurich pouvant contenir chacun 20 hommes armés (Dedon, loc. cit., p. 83 et 84, note 1). (3) D'après Gachot (La Campagne d'Helvéiie, p. 216), ces barques furent arrêtées par des troncs de saules qui formaient écueil. (4) Le 4 brumaire an VIII, Masséna avait adressé à Maransin la lettre suivante : « Après l'amour de la Patrie, la gloire est. là première passion du


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L'embarquement et le transport n'avaient pas duré plus de trois minutes (1). Assaillis par un ouragan de fer, les faibles postes russes n'avaient pas attendu que les premières troupes françaises fussent débarquées pour se replier sur le plateau de Hard. Dès qu'ils eurent pris pied sur la rive droite, les hommes de la lre légère, traversant rapidement le rideau boisé qui borde la rivière, puis la clairière du Glanzenberg, vinrent occuper la lisière Nord du bois de Hard. L'artillerie cessait son feu en entendant battre la charge, et la batterie de gauche occupait aussitôt en aval une position qui lui permettait d'avoir des vues sur le terrain découvert situé entre le bois et les hauteurs de Weiningen. Les barques vides, ramenées aussitôt à la rive gauche, opéraient rapidement de nouveaux transports. Dedon, voyant le succès des premières troupes débarquées et estimant que l'infanterie jetée .sur la rive droite pouvait soldat; vous avez servi avec dévouement votre Patrie, citoyen, lorsque bravant tous les dangers, la mort même, vous avez fait dans les affaires où vous vous êtes trouvé, depuis le 3 jusqu'au 18 vendémiaire, des prodiges de valeur; vous lui avez payé votre dette* Je dois acquitter la sienne en vous annonçant que vos chefs vous ont distingué aii milieu de vos braves camarades et qu'ils ont apprécié vos travaux. Je me plais à croire, citoyen, que vous recevrez ce témoignage de la satisfaction de votre général en chef avec autant d'intérêt qu'il met d'empressement à vous le donner. « Salut et fraternité, « MASSÉNA. »

(Le lieutenant Grasset, de la Section historique, a publié la biographie du général Maransin dans un opuscule intitulé. : Un guerrier gascon, Maransin, Bagnères, Imprimerie Bérot). (1) Miliutin et les auteurs français et suisses, notamment le docteur Hartmann, dans son livre si bien informé : Der Aniheil derRussen am Feldzug von 1799, ont écrit qu'un épais brouillard favorisait- le passage des Français. Ni Dedon, ni Masséna ne font mention de cette circonstance de temps dans leurs comptes rendus.'


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désormais s'y maintenir grâce aux renforts continuels qu'il lui faisait passer, donnait l'ordre de faire avancer l'équipage de pont. Le capitaine de pontonniers, qui en avait le commandement, débouchait aussitôt de Dietikon, amenait son convoi au grand trot sur la rive et, dès 5 heures du matin, faisait commencer les travaux, bien que l'équipage fût encore exposé au feu du canon russe (1). L'avant-garde, renforcée sans interruption par les hommes que les pontonniers transportaient d'une rive à l'autre avec une extrême célérité, se portait sur le plateau de Fahr à l'attaque du bataillon de grenadiers de Treublut qui s'y était déployé après avoir recueilli ses postes. Ce bataillon était appuyé par deux pièces (2). Au bruit du combat, quatre autres pièces et quelques compagnies russes venues d'Oetwil et de Wurenlos accouraient pour soutenir les grenadiers. Menacés d'être enveloppés par nos troupes dont la supériorité numérique s'accroissait sans cesse, les Russes, défenseurs du plateau, lâchaient (1) Dedon, loc. cit., p. 86. — Comme il a déjà été dit, le bois du Hard

paraît aujourd'hui beaucoup plus étendu qu'il ne l'était en 1799; du plateau de Kloster-Fahr, il est actuellement impossible d'avoir des vues sur la boucle de Dietikon, dans la partie qui avoisine l'embouchure du Sehâflihach. (2) D'après plusieurs auteurs, il y aurait eu deux bataillons et sept pièces en position sur le plateau. Miliutin, qui a eu entre les mains les documents russes contemporains des événements, ne fait mention que du seul bataillon de Treublut et de deux pièces (licornes). D'après lui, ces éléments n'auraient été renforcés par quatre pièces et quelques compagnies qu'au cours du combat. Il est probable que celles-ci participèrent à la débâcle des grenadiers. On peut conjecturer également que les Cosaques de Misinov, qui se trouvaient dans la région, furent engagés sur le plateau, mais on ne peut faire pareille supposition pour les dragons de Schepelev stationnés à Wipkingen. Leur éloignement du lieu de combat ne leur peimettait point d'y accourir en l'espace d'une heure. Ils se portèrent vraisemblablement sur Hôngg et Ober-Engstringen où ils durent prendre contact avee Tavant-garde de Gazan.


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pied après une résistance énergique, laissant entre nos mains un grand nombre de prisonniers, dont le général Markov grièvement blessé et plusieurs autres officiers. L'attaque n'avait pas duré plus d'une heure, de sorte qu'à 6 heures les troupes de Gazan étaient en possession du plateau de Kloster-Fahr. Entre temps, les pontonniers, employés à la construction du pont, aidés par la légion helvétique, avaient poursuivi leurs travaux avec « un ordre et une précision » qui faisaient l'admiration du commandant en chef, et les sapeurs passés avec les premières troupes ouvraient à travers bois un chemin praticable à l'artillerie et à la cavalerie. A. 7 h. 30, ces travaux étaient terminés; 8,000 hommes des brigades Gazan et Bontemps se trouvaient déjà sur la rive opposée. L'artillerie légère, la cavalerie, la brigade Quétard défilaient rapidement sur le pont et, à 9 heures, toute la division Lorge était sur la rive droite de la Limmat. Conformément aux ordres donnés par Masséna, la brigade Gazan, bientôt appuyée par la cavalerie et l'artillerie légère et soutenue par une partie de la brigade Quétard qu'amenait Oudinot, le chef d'état-major de Masséna, devait se porter sur Hôngg par Unter-Engstringen; la brigade Bontemps avait ordre d'occuper Regensdorf et Dôllikon de façon à couper la communication directe de Dourasov avec Korsakov et à surveiller les débouchés de la Glattpar où le général en chef russe pouvait recevoir quelques renforts venus du Rhin. 11 était en outre prescrit à deux bataillons de la brigade Qué-^ tard de prendre position à Wùrenlos, de manière à couvrir la gauche de Bontemps contre les troupes ennemies qui se trouvaient vers Baden et Wettingen; quelques fractions laissées au pont de Dietikon étaient chargées d'assurer la protection immédiate du passage. Les troupes russes placées le long de la Limmat se trouvaient désormais coupées en deux tronçons. Masséna,


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dont l'attention était alors attirée du côté de Zurich, sur la rive gauche où Mortier se trouvait aux prises avec Gortschakov, confiait à Oudinot le soin de rejeter sur cette ville le tronçon de gauche, pendant que Ménard immobilisait par une feinte habile tout le tronçon de droite. Dès 5 heures du matin, celui-ci avait fait ouvrir un feu très vif à ses batteries de position sur les pièces ennemies placées sur les pentes du Siggenthal et ordonné à la brigade Heudelet, la seule qui lui restât, de se déployer sur un rang, partie dans la plaine de Stilli (1), partie vers Yogelsang. Cette disposition devait faire naître chez Dourasov une idée exagérée des forces françaises qui lui étaient opposées. Les grandes barques rassemblées à Brugg furent amenées au confluent de la Limmat, et le général commandant la 6e division fît faire ostensiblement des préparatifs de passage. Dourasov, à l'annonce que les Français s'acheminaient sur Yogelsang où il se trouvait un gué, s'était porté en face de ce point et y avait appelé un bataillon et trois compagnies des postes les plus proches. Les trois batteries russes, établies aux environs de Nieder-Siggingen, ayant été réduites au silence par le feu supérieur des batteries françaises, et les postes placés le long de la rive droite se trouvant dès lors soumis à un tir d'artillerie auquel Dourasov ne pouvait plus répondre, celui-ci dégarnit les bords de la rivière et attira à lui les troupes de Puschtschin, qui se trouvaient entre Baden et Coblenz (2) (soit quatre bataillons, dix (1) Localité indiquée par Hartmann, loc. cit., p. 55. Aucun document français contemporain des événements ne donne de précision sur le lieu où se trouvait déployée la brigade Heudelet. Miliutin rapporte (loc. cit., t. IV, p. 65) que Durasov fut avisé de la présence d'un millier de Français à proximité de Vogelsang. 11 est très probable que la brigade Heudelet occupa un grand front de chaque côté du confluent de la Limmat et que, de plus, elle détacha des postes de liaison vers Baden. (2) L'adjudant général Mares, l'homme de confiance de Masséna,


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escadrons et deux régiments de Cosaques). La menace d'un débarquement français sur la rive droite qui, d'après les préparatifs de Ménard, paraissait imminent, motivait, aux yeux de Dourasov, cet appel de forces dans la région Freudenau-Kirchdorf. Le général'russe, hypnotisé par les feintes habiles de Ménard (1) et ignorant ce qui se passait à sa gauche, restait immobile sur ses positions pendant toute la journée, fort surpris de ce que Markov ne lui envoyât point de ses nouvelles et ne vint point à son secours (2). Il n'apparaît pas que le commandant de l'aile droite russe ait tenté de se renseigner et d'établir une liaison avec l'aile gauche. S'il eût poussé quelques reconnaissances vers l'Est, celles-ci lui eussent certainement fait connaître la présence des troupes de Quétard et de Bontemps dans la région Wùrenlos-Dôllikon-Regensdorf. Il se fût expliqué dès lors le silence de Markov et eût soupçonné le danger qui menaçait Korsakov au Nord de Zurich. (A suivre.)

L. II.

envoyé en mission à la division Ménard, écrivait de Rein dans la matinée du 3 vendémiaire : « J'arrive, mon cher général, chez le général Ménard. L'ennemi paraît toujours croire que c'est à Btùgg que l'attaque principale doit avoir lieu, do moins que cette attaque doit être faite avec beaucoup de troupes, et l'ennemi se tient toujours en force.... Il me semble, mon cher général, que l'ennemi vous la donne belle, il parait ne vouloir point abandonner ses positions de droite, et vous allez décidément couper l'armée ennemie en deux parties que vous battrez séparément comme vous le voudrez. Le corps qui est entre Brugg et Coblenz n'a point d'autre moyen de retraite qu'un pont sur le Rhin à Rieten (Rielheim sans doute). Les,troupes qui sont entre vous et le rideau de Baden ne bougent pas » (Archives du prince d'Essling). (1) Voir Miliutin, loc. cit., t. IV, p. 65 et 66. (2) Quelques démonstrations, faites par .la 7° division en-face de ce point, y retinrent également l'attention de Nauendorf.


LA.

MANOEUVRE DE PULTUSK

CHAPITRE VIII. Okunin et Pomichowo. 1.

Bennigsen bat en retraite sur Ostrolenka, jrais revient à Pnltusk. — II. Positions des armées russes jusqu'au 22 septembre ; rivalité de Bennigsen et de Buxho-wden ; nomination du feld-marêchal Kamensky au poste de commandant on chef. — III. Facilités de terrain dont bénéficient les Russes. — IV. Dispositions remarquables prises par Davout, isolé sur la rive droite de la Vistule; le 3e corps manque de cavalerie. — V. Le mouvement de retraite de Bennigsen est perçu au quartier général de Murât; effets que produit cette nouvelle. — VI. Passage de la Narew à Okunin par la brigade Gauthier. — VII. Combat, de Pomichowo, le décembre. — VIII. Le pont d'Okunin ne sera terminé que le 22 décembre ; occupation de l'Ile située à l'embouchure de l'Ukra. — IX. Pénurie de subsistances ; l'armée serre sur la Vistule. — X. Renseignements que Murât possède sur l'ennemi.

il

I.— Ainsi qu'il a été exposé au cours du chapitre VII, dès les derniers jours de novembre, Bennigsen était résolu à abandonner le cours de la Vistule sans le défendre ; cette mesure ne lui sembla bientôt plus assez prudente, et il se décida presque ausitôt à se retirer sur Ostrolenka, où Buxhowden était attendu,

mais pas avant le 14 décembre (1). Le 1er de ce mois, en effet, le commandant de la lre armée russe répondit à l'Estocq, qui lui avait demandé à se retirer sur Angerburg, « qu'il était très facile à l'ennemi de jeter des ponts en divers endroits, et que,

(1) Voir Revue d'Histoire,'n°-116, p. £31 et suiv.


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par suite, les forces alliées étaient dans l'obligation de se concentrer, quand même il devrait en résulter pour elles une perte de terrain que la jonction avec Buxhowden permettrait dans la suite de regagner facilement ». De même Barclay, qui, en conformité avec le plan initial, avait poussé son avant-garde jusqu'à Plock, sur la Vistule, fut invité le 1er décembre par Bennigsen à se retirer sur Plonsk, en laissant seulement sur les rives du fleuve quelques centaines de Cosaques (1). Enfin, l'Estocq reçut lui aussi des ordres de retraite, qu'il transmit de suite à Diericke et aux commandants des brigades d'avant-postes de Ja Vistule. Persuadé, d'après les lettres qu'il avait échangées avec le commandant en chef, de l'imminence du mouvement sur Ostrolenka, le général prussien avait déjà tout prévu pour une réunion de tous ses détachements à Soldau. L'ordre définitif de retraite lui parvint le 3 décembre à Thorn; la marche commença de suite en sept colonnes sur Gollup; quatre détachements de cavalerie restaient le long de la Vistule pour en surveiller le cours. Quant à la réserve du général de Diericke, elle se porta le 4 décembre de Soldau sur Neidemburg(2). Les divisions russes, de leur côté, furent acheminées sur Rozan, et de là sur Ostrolenka. Le quartier général quitta Pultusk le 2 décembre et se transporta, lui aussi, à Ostrolenka. Mais le 6, voici qu'un coup de théâtre se produisit: Bennigsen envoya à toutes les colonnes russes et prussiennes l'ordre de faire demi-tour et de regagner leurs précédents emplacements (3). Pour expliquer ce brusque changement de disposi(1) Archives royales de Prusse, E. 11, 32. (2) Journal der Operationen des l'Eslocqschcn Korps (Archives royales de Prusse, E. Il, 61). (3) Archives royales de Prutse, E. II, 'Ai. •— Cf. Hôpf'ner, loc. cit., t. III, p. 69 et Lettow, loc. cit., t. III, p. 75.


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tions, le commandant en chef donne dans ses Mémoires une explication qui pourrait bien avoir été, au moins en partie, arrangée après coup. « Dans l'espérance, écrit-il, que les Français ne seraient pas encore instruits de l'approche du général Buxhowden avec son corps, et qu'ils me poursuivraient avec cette chaleur qu'ils mettent ordinairement dans leurs opérations, je pris le parti de me replier sur les renforts qu'amenait ledit général. A cet effet, je fis diriger la marche des différents détachements de leurs quartiers de cantonnement, le 20 novembre/2 décembre, sur Rozan et de là sur Ostrolenka, où j'espérais que le général Buxhowden pourrait me joindre, au moins avec une partie de son corps ; je comptais attirer l'ennemi dans les plaines qui s'y trouvent, et où le corps prussien, sous les ordres du général l'Estocq, devait se rendre de ,mème. Mais le stratagème ne réussit pas. Je reçus le 24 novembre/6 décembre le rapport que l'ennemi ne poussait pas plus loin et qu'il se contentait de fortifier le pont de Praga par des ouvrages auxquels il faisait travailler un certain nombre d'habitants Je pris donc la résolution de retourner sur-le. champ à Pultusk (1) ». Quoi qu'il en soit, le 8 décembre, les colonnes alliées avaient repris à peu près leurs anciens emplacements, à cette différence, qu'aucune fraction ne fut portée au delà du Bug et de l'Ukra. On se contenta d'envoyer de temps en temps des détachements sur la rivegauche de cette dernière rivière, mais leur mission était bien plutôt de réunir des subsistances dont l'armée russe continuait à manquer gravement. Du 8 au 22 décembre, les quatre divisions de Bennigsen restèrent inactives dans le quadrilatère compris entre la Narew, le Bug et l'Ukra. Pendant cinq jours au moins, jusqu'au 13, elles n'eu-

(1) Cazalas, loc. cit., t. I, p. *Î5.


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rent en face d'elles, entre la Vistule et la Narew, qu'un seul corps français. Il est vrai que c'était celui de Davout, qui avait montré, deux mois auparavant, qu'il n'était point embarrassé de tenir tête à 60,000 hommes. Mais, par contre, la situation du 3e corps, communiquant difficilement avec Varsovie par quelques bateaux et combattant avec la Vistule à dos contre un adversaire trois fois plus nombreux, n'eût pas semblé très favorable. Il est difficile de dire si Bennigsen a été parfaitement informé de la position de son adversaire ; eût-il été au courant de la situation, que son attitude d'ensemble, pendant cette période de la campagne, permet de douter qu'il ait eu assez de décision pour profiter de sa supériorité numérique, et tomber avec toutes ses forces sur les

trois divisions de Davout (1). Les dispositions du commandant des forces alliées semblent au contraire plutôt dictées par des préoccupations défensives ; elle paraissent exprimer principalement le souci de pouvoir, en deux jours, concentrer toute la première armée russe vers Pultusk, où une dizaine de bataillons étaient placés en réserve générale. Le commandement de l'aile droite avait été retiré à Sedmoradski et confié au lieutenant général Ostermann, qui surveillait les passages de la Narew, de Czarnowo à Dembé. De l'aveu même de Bennigsen, la mission de ce dernier était de défendre cet obstacle et d'arrêter l'ennemi le temps nécessaire à la réunion des autres divisions à Pultusk (2). Barclay de Tolly fut envoyé à Nowemiasto pour remplir le même rôle de couverture sur l'Ukra, se reliant à gauche aux postes d'Ostermann et à droite, à très grande distance, aux coureurs de l'Estocq, qui avait

(1) Cf. Lettow, loc. cit., t. III, p. 120. (2) Cazalas, loc. cit., t. I, p. 76 ; Plotho, loc.

cit., p. 13.


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battu en retraite de Gollup dans la direction de Strassburg-Lauterburg. La 4e division (Gallitzin) était maintenue vers Pultusk et la 6e (Sedmoradski), entre Pultusk et Nasielsk, avec un détachement commandé par Baggowut vers Zegrze, surveillant le confluent du Bug et de la Narew (<). II. — Voici donc quelles furent, du 18 au 22 décembre, les positions occupées par les divisions de Bennigsen : le quartier général du commandant de l'armée et la division Gallitzin à peu près entière, soit 15 bataillons, 20 escadrons, 5 batteries et demie et 2 régiments de cosaques étaient à Pultusk. La division Sedmoradski avait 15 bataillons, 5 batteries etl régiment de cosaques à 15 kilomètres au Sud-Ouest de Pultusk, sur la route de Nasielsk, et un détachement de 3 bataillons, 15 escadrons et une batterie à Zegrze, sur le Bug, commandé par le général Baggowut. Dans le triangle Nasielsk, Czarnowo, Dembé, on trouvait le gros de la division Ostermann, forte de 16 bataillons, 10 escadrons, 4 batteries et demie, tandis que la division Sacken était coupée en deux : la masse principale, comprenant 15 bataillons, 20 escadrons, 6 batteries et 2 régiments de cosaques, était vers Lopaczyn, sous les ordres du commandant de la division, et un fort détachement de 6 bataillons se tenait à Smolschowo sous le général Titow II. Enfin sur l'Ukra, on rencontrait, de Sochoczin à Kolozomb, l'avant-garde de Barclay de Tolly, composée de 5 bataillons de la 4e division et de 10 escadrons et une demi-batterie de la 2e division, et à Borkowo, celle de Dorochow, forte de

(1) Cazalas, loc. cit., p. 76 ; Hôpfner, loc. cit., t. III, p. loc. cit., t. III, p. 121.

82;

Letto"W,


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bataillon, 1 escadron et une demi-batterie de la 4e division et 2 bataillons et 10 escadrons de la 2° division (1). Ces emplacements ne se distinguent guère de ceux qui avaient été occupés le 8 décembre, au moment où les divisions furent ramenées entre l'Ukra et la Narew, que par un peu plus d'émiettement. D'autre part, si ces dispositions pouvaient se justifier alors que seul le corps de Davout avait passé la Vistule, et que le pont de Praga n'était pas encore rétabli, elles paraissent moins convenables à par tir du moment où une partieimportante de l'armée française se trouve réunie sur le flanc gauche deBennigsen, prête à franchir la Narew, dès que la construction du pont serait terminée. Il n'y a pas moins de quarante kilomètres de Sochoczin à Pultusk et à peu près autant, de Sochoczin à Czarnowo ; de pareilles distances ne se prêtaient pas, semble-t-il, à une concentration rapide dés forces alliées au point où la Grande Armée eût prononcé une offensive en masse sur le flanc des positions russes. Si Bennigsen était résolu à n'opérer qu'avec le concours de Buxhowden, il eût agi plus prudemment en restant sur la rive gauche de la Narew. La suite des opérations ne devait pas tarder à montrer qu'il était imprudent de s'installer en position d'attente entre la Narew et l'Ukra, ayant sur son flanc gauche un adversaire libre de ses mouvements et aussi imbu de l'esprit d'offensive que l'étaient les vainqueurs dTéna. Aux inconvénients d'une attitude passive allait d'ailleurs s'ajouter un des plus grands maux dont puisse souffrir une armée; des rivalités étaient près d'éclater dans le haut commandement russe. Buxhowden se considérait comme lésé parce que le Tzar avait confié le plus important des deux groupes, celui qui avait été placé en première ligne, à un général plus jeune, qui 1

(1) Plotho, loc. cit., p. M ; Hô,.fner, loc. cit., t.

111,

p. 82.


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n'était même pas sujet russe, et ses sentiments à l'égard de ce dernier étaient tels que Danilewski ne craint pas de qualifier d'hostilité la nature des relations qui s'établirent entre les deux chefs. Arrivé le 15 décembre à WysockiMazowiecki, à 100 kilomètres à vol d'oiseau à l'Est de Pultusk, Buxhowden y installa son quartier général, échelonnant ses divisions entre ce point et Ostrolenka. Dans cette position, ses avant-gardes étaient à quatre journées de marche du Bug, ce qui ne s'accordait guère avec les instructions données par Alexandre au commandant de sa deuxième armée, qui devait « former la réserve de Bennigsen, tout en mettant ses mouvements en harmonie avec les siens (1) ». Il était évident qu'en restant ainsi en dehors de la zone des opérations, Buxhowden condamnait les divisions de première "ligne à soutenir seules l'attaque des Français, attaque qui eût pu se produire quinze jours plus tôt, si la Grande Armée eût été pourvue d'un équipage de pont lui permettant de passer de suite la Vistule et la Narew. Pour remédier aux inconvénients du manque d'entente entre les deux généraux en chef, le Tzar avait envoyé en Pologne son aide de camp, le comte Tolstoï, qui devait « établir une conformité de vues entre les deux quartiers généraux » ; ce dernier était chargé en outre d'adresser au souverain des rapports directs sur ce qui se passerait, et d'être en quelque sorte « l'oeil du monarque » à l'armée. Le rôle elfectif du général Tolstoï se borna à se rendre, à l'instigation de Bennigsen, au quartier général de Wysocki-Mazowiecki, et à convenir avec Buxhowden de certaines mesures ayant pour but de relever les détachements de la lre armée qui surveillaient le cours du

(1) Plotho, loc. cit., p. 10; Hôpfner, loc. cit., t. III, p, 78; Lettow, loc. cit., t. III, p. 122; Cazalas, Mémoires du général Bennigsen, 1.1, p. 75.


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Bug en amont de Sierock ; il insista également pour que les divisions de la 2° armée fussent rapprochées de Pultusk. Mais une décision d'Alexandre devait mettre un terme à ces tergiversations : un rescrit impérial du 22 novembre donnait le commandement supérieur de toutes les forces au feld-maréchal Kamensky (1). Ce choix ne paraissait pas avoir été dicté par des considérations exclusivement militaires. Certes, le vieux maréchal avait de longs et brillants états de services; il avait été nommé colonel pendant la guerre de Sept Ans ; sous Catherine II, il avait commandé avec distinction des corps détachés au cours de la guerre contre les Turcs ; mais son grand âge, —il avait plus de 69. ans— ses infir-? mités et les maladies dont il était atteint le privaient de l'activité indispensable à un commandant en chef. La véritable raison de sa nomination était d'ordre politique : il appartenait au parti national-russe, et était désigné par l'opinion publique pour le commandement suprême, notamment à Moscou, où l'on voyait, en lui un élève et un continuateur de Souvorov (2). Par contre, il était complètement usé et se souciait peu de recommencer à faire la guerre ; deux jours après son arrivée à Pultusk, il écrivait à Alexandre ces lignes singulières : « Je suis trop vieux pour l'armée; je n'y vois plus; je ne peux presque plus monter à cheval, et n'ai plus la vigueur qu'il faudrait. C'est à peine si je puis lire la carte et je ne connais point le pays. Je ne peux plus continuer plus longtemps et me vois forcé de demander mon rappel. Je signe encore, mais sans savoir ce dont il est question (3) ». (1) Cazalas; loc. cit., t. I, p. 78; Hôpfner, loc. cit., t. III, p. 83; Lettow, loc. cit., t. III, p. 123. (2) Hopfner, loc. cit., t. III, p. 83 et 8&; Cazalas, loc. cit., t. I, p. 79 ; Lettow, loc. cit., t. III, p. 124. (3) Lettow, loc. cit., t. III, p. 123.


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147.

Le feld-maréchal Kamensky, après avoir mis un mois pour venir de Saint-Pétersbourg, atteignit Pultusk le 19 décembre, au moment même où Napoléon entrait à Varsovie. La prise de commandement du nouveau général en chef russe fut le signal de réjouissances et d'illuminations; si l'on en croit le 45e bulletin, celles du château de Sierock furent aperçues des tours de la capitale polonaise (1).

III. — Pendant près de deux semaines, du 8 au 22 dé-

cembre, on peut dire que toute l'activité, tous les efforts du corps de Davout furent concentrés sur cet objet : jeter un pont sur la Narew (2). D'une exécution assez difficile, eu égard à l'importance des obstacles matériels, cette entreprise apparaissait comme encore plus délicate, du fait de la situation militaire où se trouvait le 3° corps. Sous le rapport du terrain, tout favorisait les Russes. La rive droite de la Vistule, dans les environs de son confluent avec la Narew, c'est-à-dire vers Kamion,est extrêmement escarpée ; le capitaine Saint-Elme, envoyé en reconnaissance par Murât le 10 décembre, rend compte « qu'elle est coupée à pic. Les sommités du bord, écrit cet officier, sont dentelées et couvertes de sapins très épais, ce qui forme de distance en distance des gorges dont on ne peut juger la profondeur, vu l'épaisseur du bois. Le fleuve à cet endroit est plus étroit et coule avec rapidité. La rive gauche au contraire présente un rivage commode et absolument t. I, p. 80; Plotho, loc. cit., p. 17; 45e Bulletin de la Grande Armée, Paluki, 27 décembre 1806 (Correspondance, (1) Cazalas, loc. cit.,

n°HSH). qu'aura de plus pressé le maréchal Davout, ce sera d'établir un pont sur la Narew » [Napoléon à Murât, Posen, 9 décembre 1806 (2) « Ce

(Correspondance, n° 11422)].


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plat jusqu'à l'eau (1) ». Ces caractères restent les mêmes sur la rive gauche de la Narew; le commandant du génie Rogniat, chargé de suivre le cours de la rivière, fit connaître que la rive droite était très escarpée, d'un accès difficile et commandant beaucoup larive gauche (2). Cet officier poussa, le 4 décembre, jusqu'à Dembé et Sierock, avec la compagnie d'élite du 13e chasseurs, et il reconnut que la Narew, qui avait en moyenne 60 toises de largeur, n'était point guéable. Les Russes avaient jeté trois ponts de bateaux, l'un à Sierock, l'autre à Zegrz, le troisième à Dembé. Ces trois ponts avaient été repliés le 2 décembre lors de la retraite sur Ostrolenka, les bateaux avaient été coulés ou transportés sur la rive droite. « Depuis Sierock jusqu'à Dembé, écrit Rogniat, la rivière baigne presque sans interruption une côte escarpée et boisée dont le sommet se termine en plateau. La rive gauche est constamment basse et souvent couverte de bois marécageux, particulièrement depuis Zegrz jusqu'à Dembé... La position de l'ennemi me paraît inattaquable de front (3) ». Milhaud émet une appréciation analogue dans un rapport du 6 décembre : « La position de l'ennemi est très favorable à cause du rideau qu'il occupe et des bois qui couvrent ce rideau et qui nous empêchent de bien reconnaître ses mouvements (4) ». La ligne de la Narew, déjà très forte par elle-même, avait été renforcée au moyen de l'artillerie. A Zegrz, les premières patrouilles de Murât aperçurent au sommet du (i) Rapport du capitaine Saint-Elme à Murât, Kazun, 10 décembre 1806. (2) Le chef de bataillon du génie Rogniat à Murât, Varsovie, 4

dé-

cembre 1806. (3) Le môme au même, deuxième lettre du môme jour, Varsovie, 4 décembre 1806. (4) Milhaud à Murât, Jablonna, 6 décembre 1806. Ile Y. Hlsl.

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village une batterie qui les salua de quelques coups de canon. D'autres batteries avaient été établies à Sierock et à Dembé, où, dans les premiers jours du mois, les Russes avaient accumulé jusqu'à cinquante hommes par maison (1). Davout avait en outre été averti que le point de jonction des divisions Ostermann-Tolstoï et Sedmoradski paraissait être à Sierock, où toutes deux avaient leurs quartiers généraux le 3 décembre. Les rapports qu'il avait reçus l'induisaient à penser que Bennigsen devait avoir sa gauche à Modlin sur le Bug, et sa droite à Willenberg, sur la route de Koenigsberg à Pultusk. Cette hypothèse n'était d'ailleurs pas éloignée de la réalité, ainsi qu'il suit de ce qui a été dit plus haut des emplacements occupés par les Russes jusqu'au 22 décembre (2). IV. — Par un hasard particulièrement favorable, les premières troupes du 3e corps avaient commencé à débarquer sur la rive droite de la Vistule, dans le triangle formé par le fleuve, la Narew et la frontière neutre de la Galicie autrichienne, précisément le jour même où Bennigsen ordonnait la retraite de toutes ses forces sur Ostrolenka. Dès que le 17e régiment d'infanterie, avec deux pièces de 4, eut pris possession de Praga, le passage commença, fort lent à cause du défaut de matériel (3). Le 3, le 13e régiment de chasseurs, de la brigade Milhaud, suivit avec l'artillerie légère. De suite, Milhaud jeta une ligne de postes sur tout le cours de la Narew. Il envoya un escadron du 13e chasseurs à Nieporent avec des détachements à Rynia et Zagroby, (i) Milhaud à Murât, Jablonna, 7 décembre 1806, 5 h. 30 soir; Rogniat à Murât, Varsovie, 4 décembre 1806. (2) Davout ?i Berthier, Varsovie, 4 décembre 1806. (3) Journal des opérations du 3° corps.


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tandis que le reste du régiment se plaçait à Jablonna, faisant occuper Wieliszewo, Dembé, Gora et Nowydwor (1). Dès lors, l'infanterie était couverte-; elle pouvait continuer à passer. La brigade Gauthier (25e et 85e de ligne) franchit le neuve du 4 au 6 ; en l'absence du général Gudin, qui s'était démis le bras, c'était le brave Gauthier que Davout avait chargé de prendre.pied au delà de la Narew. Cette brigade se dirigea de suite sur Okunin et Nowydwor, où elle borda la rivière, tandis que les régiments de la division Morand allaient vers la droite relever la cavalerie de Milhaud à Nieporent. Le général Brouard s'établit sur ce point avec le 17e de ligne, laissant des petits postes sur la Narew, de Sierock à Zagroby. Le reste de la lro division, c'est-à-dire le 30e de ligne et la brigade d'Honnières, formait échelon en arrière. Ces fortes réserves eussent été utiles également dans le cas où l'ennemi,- violant la neutralité du territoire autrichien, serait venu prendre le 3e corps en flanc vers Radzymin. Davout a prévu cette éventualité ; il a pris ses mesures pour en être averti, malgré que sa cavalerie légère, qui borde encore la rive gauche de la Vistule vis-à-vis Kamion, lui fasse gravement défaut. Aussi, a-t-il pris sur lui de prescrire au 1er chasseurs de passer à Utrata et, s'il ne le peut, de revenir franchir le fleuve à Varsovie. Quant au 12e chasseurs, qui revient de Czentoschau, il reçoit l'ordre de passer aussi à Varsovie (2). La situation de Davout, isolé sur la rive droite, sans pont à Praga, et exposé à des attaques de front et sur son flanc droit, le justifie d'insister pour avoir de la cava-

(1) Belliard à Berthier, Varsovie, 4 décembre 1806. (2) Journal des opérations du 3e corps ; Davout à Murât, Jablonna, 11 décembre 1806, 3 h. 30 matin.


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lerie légère. En attendant la sienne, il supplie Murât de faire passer temporairement sous ses ordres la brigade Milhaud. « Je me bornerai à citer à Votre Altesse un seul exemple, écrit-il au grand-duc de Berg, pour lui prouver combien il y a d'inconvénients à ce qu'il en soit autrement : Vous m'ordonnez dé diriger demain des reconnaissances sur Plousk, Nowemiasto, Nasielsk. Pour forcer l'ennemi à évacuer Dembé qu'il paraissait occuper encore en force à 5 heures du soir, je voulais, en même temps que le général Morand chercherait à jeter du monde sur ce point, faire faire, par celui où est le général Gauthier, une forte reconnaissance sur les derrières de l'ennemi ; je ne le pourrai pas si le général Milhaud dissémine sa cavalerie sur d'autres points ». Si Davout était en droit d'exiger quelques escadrons de plus, il apparaît que toutes les mesures prises par lui sur la rive droite de la Vistule étaient parfaitement comprises. Bien que les éléments mis en jeu appartinssent à des divisions différentes, la prise du dispositif se fit avec beaucoup de sûreté et de méthode. Quant à la division Friant, étant seule à garder Varsovie, elle resta immobilisée sur ce point jusqu'au 10, où elle put enfin passer la Vistule, Murât, sur la demande de Davout, ayant donné l'ordre au 5e corps de placer une de ses divisions à Praga (1). V. — Dès les premières reconnaissances, Davout eut lieu de s'étonner qu'on vit si peu de monde sur la rive droite de la Narew. A partir du 3 décembre, on n'entend plus parler dans les rapports que de groupes de trois ou quatre Cosaques et de patrouilles de quatre ou cinq

hommes. «Les ennemis ne paraissent pas très nombreux (1) Davout à Murât, Jablonna, 10 décembre 1806, soir. — La division Gazan ne passa le fleuve que le 14.


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à Sierock; nous n'avons aperçu ce matin que quelques Cosaques et quelques hommes d'infanterie, écrit Rogniat». Bien plus, on apprend que, de Wieliszewo, « les ennemis sont partis le 2 avec précipitation pour se porter sur la rive droite (1) ». Le lendemain, un rapport daté de Nowydwor, et adressé à Milhaud, affirme que, depuis le matin, le passage des Russes ne discontinue pas sur la rive droite de la Narew et qu'ils se dirigent tous sur Dembé; l'officier qui est à Nowydwor a vu filer plus de 1,500 chevaux (2). Le 6, Milhaud rend compte que l'ennemi se montre toujours sur la ligne de la Narew, mais que ses postes sont moins nombreux, qu'on aperçoit moins d'infanterie et d'artillerie (3). Le 7, nouveau rapport de Milhaud, qui ne voit plus d'artillerie russe à Dembé ; « l'ennemi n'est plus à Modlin, il a évacué tous les magasins et emmené avec lui la farine et les bestiaux (4) ». Devant Augereau, qui occupe Wrocklaweck, les Russes ont quitté, dans la'nuit du 4, la ligne qu'ils occupaient sur la rive de la Vistule. Le colonel Sicard, premier aide de camp du maréchal, a passé le fleuve, le 6 au matin, avec deux compagnies d'infanterie et une quinzaine de chasseurs à cheval, pour s'assurer de la retraite de l'ennemi; il a constaté que celui-ci avait rappelé tous ses postes et entendu dire que les Russes se retiraient sur Sierock et les Prussiens sur Osterode (5). d'élite du 13e chasseurs, à Rogniat à Murât, Arczikow,

(1) Colombcl, capitaine de la compagnie

i

Murât, Arczikow, décembre 1806 ; 4 décembre 1806. (2) Milhaud à Murât, Jablonna, 5 décembre 1806, 8 heures soir. (3) Milhaud à Murât, Jablonna, 6 décembre 1806; Murât a. Napoléon, Varsovie, 6 décembre 1806, minuit. (i) Milhaud à Murât, Jablonna, 7 décembre 1806, 10 heures matin ; Le même au même, S h. 30 soir. (5) Augereau à. Murât, Kowal, S décembre 1806; Le même au même, Gaulow, 9 décembre 1806.


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Désireux d'être fixé, Murât prescrivit à Milhaud d'envoyer une reconnaissance par la rive droite de la Narew sur Modlin et Zackroczyn. Le 7 décembre, le capitaine Cottin et le lieutenant Monniot furent chargés de cette mission avec une trentaine de chasseurs du 13e, soutenus par vingt-cinq hommes d'infanterie qui s'établirent en repli à Modlin; les cavaliers se fractionnèrent en deux groupes ; l'un poussa sur Zackroczyn où il ne trouva que quelques Cosaques, l'autre sur Pomichowo où, sur l'Ukra, il se heurta aux fusils ennemis. Milhaud critiqua avec raison les officiers de s'être contentés de ces résultats et de n'avoir pu préciser dans leur rapport « si l'ennemi avait de l'infanterie derrière l'Ukra, s'il avait entièrement abandonné la rive droite de la Vistule, et quelles armes et quelles forces on avait vu passer à Zackroczyn et à Modlin en remontant la Narew (1) ». Malgré les renseignements incomplets fournis par la reconnaissance Monniot, Murât n'a pas tardé à se confirmer de plus en plus dans l'hypothèse de la retraite des Russes. Le 9, il mande à son beau-frère que, au dire de deux déserteurs, conduits le jour même au quartier général, l'ennemi n'a laissé 5,000 à 6,000 hommes sur la Narew que pour protéger l'évacuation de ses bagages, de son artillerie et de ses magasins. Le grand-duc a fait faire la veille une démonstration des plus bruyantes par 200 hommes vis-à-vis de Sierock; des barques ont été mises à l'eau et on a simulé une tentative de passage ; l'ennemi n'a tiré ni un coup de fusil, ni un coup de canon (2). Il est donc certain que, malgré la difficulté de pousser des reconnaissances au delà de la rivière, on s'est à Murât, Jablonna, 7 décembre 1806, 9 heures soir; Le capitaine Cottin à Milhaud, Nowydwor, 7 décembre 1806. (2) Murât à Napoléon, Varsovie, 9 décembre 1806, minuit. (1) Milhaud


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rendu compte assez vite, au quartier général de Murât, du mouvement entamé par les Russes vers leurs frontières. Ce fait a eu deux conséquences, l'une immédiate : il a déterminé Murât à faire tenter dès le 9 décembre par le 3e corps le passage de la Narew, alors que la 3e division de ce corps d'armée n'avait pas encore entièrement franchi la Vistule à Varsovie. L'autre effet de ces renseignements a été plus considérable : il a, comme on le verra dans la suite, amené Napoléon à modifier ses projets d'ensemble, en ce qui concerne les opérations sur la rive droite de la Vistule, en lui donnant cette persuasion, dont il aura quelque peine à revenir, que les Russes vont évacuer Pultusk sans combattre (1). VI. — Le prince Murât avait été, le 8, reconnaître de sa personne les rives de la Narew. En rentrant à Varsovie dans la soirée, il trouva Le Marois qui venait prendre le gouvernement de la capitale polonaise, et qui lui apportait la lettre de l'Empereur, datée du 5 à midi, où il était ordonné de faire passer la Vistule au corps dé Davout tout entier et de placer le 5e corps « à Varsovie et même à Praga ». C'est là un exemple de la sûreté du jugement de Napoléon qui, à quatre jours

(1) « J'apprends avec plaisir, par votre lettre du 10 à minuit, que l'ennemi a tout à fait évacué la rive gauche de la Narew » [Napoléon à Murât, Posen, 14 décembre 1806 (Correspondance, n° 11462)]. —

Rien n'est mieux de nature que cette lettre à prouver l'inconvénient de commander des opérations à trop grande distance. Au moment où Napoléon écrivait ces lignes, tous les rapports de Morand, de Milhaud, de Gauthier, ne permettaient plus aucun doute sur le retour inopiné des Russes vers leurs anciens emplacements entre l'Ukra et la Narew. Déjà, le 10 décembre, Davout n'écrivait-il pas à Murât : « Depuis quelques jours, non seulement les Russes ont fait halte (dans leur mouvement rétrograde), mais ils se renforcent continuellement » (Davout à Murât, Jablonna, 10 décembre 1806, soir).


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de courrier du théâtre des opérations, et malgré la précarité des renseignements qu'il a reçus, saisit mieux les exigences de la situation militaire que le commandement établi sur place (1). Malheureusement, tant que le pont de Praga n'aurait pas été reconstruit, on ne devait pas arriver à passer plus de trois régiments d'infanterie par jour. Le 8 décembre, Murât écrit à Napoléon : « Votre Majesté nous croit beaucoup plus avancés que nous ne le sommes ». Il s'excuse, invoquant les difficultés extrêmes du transbordement : « Malgré tous nos efforts, nous n'avons pu faire passer encore que huit régiments ; six sont déjà sur le Bug (la Narew), les deux autres occupés aux travaux de Praga » ; et plus loin : « Je n'ai pu, jusqu'à ce moment, faire passer, de toute ma cavalerie, que le 13e régiment de chasseurs ; j'ai pensé qu'il valait mieux faire passer de l'infanterie et du canon (2) ». A dire vrai, les rapports du 8 décembre commençaient bien à donner l'impression que les Russes revenaient vers la Vistule ; le bruit courait qu'ils avaient maintenant 80,000 hommes de réunis. On avait vu des colonnes paraissant comprendre de l'artillerie refluer vers l'Ouest, de Zegrz sur Dembé, et Murât, rien moins que rassuré, écrivait à son beau-frère : « Sire, à quoi doit-on attribuer ce mouvement sur nous (3) ? » Mais le lendemain, le grand-duc de Berg parait revenu de cette impression; il semble s'être persuadé que les troupes qui avaient réapparu sur la Narew n'étaient que des arrièregardes ; par suite, il annonce que l'on a dû, le jour même, faire une première tentative de passage à Modlin (4). (1) Napoléon à Murât, Posen, 5 décembre 1806, midi {Correspondance, n° 11388). (2) Murât à Napoléon, Varsovie, 8 décembre, minuit et 9 décembre,

minuit. (3) Murât à Nnpoléon, Varsovie, 8 décembre, minuit. (4) Murât à Napoléon, Varsovie, 9 décembre, minuit.


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Cet essai, mal préparé, dut d'ailleurs être abandonné ; au dire de Milhaud,les deux rives étaient très glacées ce jour-là, et il eût été impossible de faire débarquer la moindre cavalerie. D'ailleurs, la position de Modlin était tout à l'avantage des Russes ; les maisons y étaient dominées par un bois, et l'infanterie n'eût pu parvenir à se retrancher dans les maisons (1). Par contre, le même jour, les généraux Gauthier et Milhaud tombèrent d'accord sur les avantages que présenterait, au point de vue du terrain, un passage tenté à Okunin; la rive droite, par exception, était en cet endroit dominée par la gauche, et l'artillerie pouvait s'y employer pour protéger le débarquement de l'infanterie. La supériorité de la position d'Okunin provenait de l'existence, au confluent de l'Ukra, d'une sorte de delta,

produit par des alluvions, qui avaient rejeté la rivière à une certaine distance de ces redoutables escarpements, dont la description remplit tous les rapports. Immédiatement à l'Ouest du confluent de l'Ukra, on rencontrait une grande presqu'île en partie boisée et dont le contour méridional était convexe vers le Sud, ce qui donnait à un agresseur venant de cette direction, une ligne enveloppante très avantageuse. L'inconvénient de l'emplacement reconnu était qu'il ne conduisait qu'à la rive gauche de l'Ukra; pour aller à Pultusk, on avait donc encore à forcer le passage de cette rivière. Mais, outre que cette dernière n'était pas très large, le delta bas et marécageux de l'Ukra ne se limitait pas à la rive droite ; il se prolongeait également sur l'autre ; et une lie, qui se trouvait exactement au confluent des deux cours d'eau, présentait des facilités assez commodes pour

(1) Milhaud à Murât, Nowydwor, 9 décembre 1806. — Ces renseignements sont donnés par un général de cavalerie ; ils dénotent une entente complète et une pratique consommée des détails de la guerre.


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prendre pied d'Okunin sur la rive opposée du côté de Czarnowo (1). Le passage de la Narew, le 10 décembre, peut être considéré comme un modèle du genre. Au même moment, pour tenir l'ennemi dans l'incertitude, outre la tentative principale d'Okunin, de fausses attaques furent simulées à Gora par la brigade Gauthier, à Dembé, à Zagroby et sur tous les points de la Narew jusqu'à Sierok par la division Morand; enfin, une tentative secondaire, dirigée sur Modlin, fut ordonnée à Nowydwor. Les Russes, ainsi qu'il a été exposé plus haut, n'occupaient en nombre que la région située à l'Est de l'Ukra, et -n'avaient à l'Ouest de cette rivière que de faibles détachements ; il suit de là que les fausses attaques de Davout trouvèrent devant elles des forces importantes, tandis que, des deux tentatives effectives, l'une, celle d'Okunin, ne rencontra aucune résistance et réussit complètement ; l'autre, celle de Modlin, n'échoua momentanément que parce que., semblet-il, elle se heurta à une forte reconnaissance de l'adversaire '(2). A Okunin, le général Gauthier avait fait réunir la veille douze nacelles; pendant la nuit, vinrent se rassembler au Sud du village trois compagnies de voltigeurs des -85« et 25e régiments, six compagnies du 2e bataillon du 85e, un 'bataillon du 25° et une pièce de 8. Le second bataillon du 25e fut placé en réserve derrière Gora. A 5 b.. 30 -du matin, c'est-à-dire en pleine obscurité, 90 voltigeurs du 85° s'embarquèrent sur les douze nacelles, avec ordre de mettre pied à terre sur la rive (1) Milhaud à Murât, Nowydwor, 9 décembre 1806; Journal des opérations du 3° corps, (2) Milhaud à Murât, Nowydwor, 10 décembre 1806, 9 heures matin ; Davout à Murât, Jablonna,-10 décembre 1806, soir; Journal des opérations du 3° corps.


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droite, de se former à cent pas du rivage, de ne pas tirer et d'attendre, ce qui fut exécuté point par point. La seconde compagnie de voltigeurs du 85e, la première du 25e, et les six compagnies du 2e bataillon du 85e passèrent également avant le jour et par les mêmes moyens, sans avoir éveillé l'attention de l'adversaire. A 7 heures, toutes les fausses attaques se dessinèrent le long de la rivière par une vive fusillade à laquelle répondit le canon russe. Le seul point de la Narew qui était silencieux était la grande presqu'île broussailleuse et demi-boisée, où 1,200 Français venaient de débarquer sur la rive droite (1). Mais il restait à s'y établir, à se donner un peu d'air et à se saisir de quelques points d'appui; sans perdre un instant, Gauthier, laissant en repli en face d'Okunin les fractions du 85e, se porta avec le bataillon du 25e sur le village de Pomichowo, situé sur l'Ukra à3,~000 mètres au Nord du point d'atterrissement, et l'occupa. Nos voltigeurs n'eurent de la journée d'autres coups de fusil â tirer que ceux qu'ils envoyèrent à une troupe de 200 à 300 Cosaques, qui semblaient revenir de Modlin et allèrent passer l'Ukra plus au Nord, vers Pomichowko (2). En même temps, les troupes restées vis-à-vis d'Okunin s'employaient sans tarder à construire des abatis pour protéger les points de passage. Le colonel du génie Touzard, le chef de bataillon Breuille et les sapeurs du 3e corps tracèrent de suite une tête de pont où com(1) Journal des opérations du 3° corps ; Davout à Murât, Jablonna, 10 décembre, 10 heures matin ; Murât à Napoléon, Varsovie, 10 décembre, 11 heures soir. (2) Journal des opérations du 3e corps; Milhaud à Murât, Nowydwor, 10 décembre 1800, 9 heures matin. de Pomichowko, qui — Le hameau n'était sans doute a l'origine qu'un écart du village de Pomichowo, est

situé sur la Narew, à environ 2 kilomètres en amont de ce dernier.


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mencèrent à travailler les troupes d'infanterie aidées des habitants. Au bout de 24 heures, ces ouvrages se trouvaient déjà en état d'être défendus. Le 11, à 3 heures du matin, Davout rendait compte en ces termes de la situation : « Le général Gauthier est très bien établi en avant d'Okunin où il a passé la Narew, couvert par de forts abatis. On travaille dans la nuit, et, demain au soir, il faudrait 20,000 hommes pour attaquer le général Gauthier. (1) ». .. A Gora, à Sierock et à Zagroby, aucune tentative sérieuse de passage n'eut lieu, et l'on se contenta d'une fusillade ; le général Morand ne pouvait faire mieux, n'ayant que quelques mauvaises nacelles, tandis que « l'ennemi, du haut de sa position, le foudroyait (2) ». En revanche Modlin fut le théâtre d'une échauffourée assez vive, qui n'eut d'ailleurs aucune conséquence importante. Davout, ainsi qu'il a été dit, avait décidé de faire en ce point une seconde tentative de passage, sans cependant y affecter, à beaucoup près, autant de monde qu'à la principale. Seul, le chef de bataillon Fournier en avait été chargé avec un bataillon du 85e et une partie du 13e chasseurs. Malheureusement, les bateliers du pays s'étaient enfuis.et l'on ne disposait, comme moyens de passage, que d'un bac et de deux petites nacelles. Le transbordement fut lent et difficile à cause des glaçons qui faisaient dériver le bac, et c'est à peine si l'on put transporter au delà de la rivière un piquet de cavalerie et une soixantaine — d'autres disent une centaine — d'hommes d'infanterie (3). Le village de Modlin n'était défendu au début que par (1) Davout à Murât, Jablonna, 11 décembre 1806, 3 h. 30 matin; Journal des opérations du 3° corps. (2) Murât à Napoléon, Varsovie, 11 décembre 1806, 10 heures soir. (3) Milhaud à Murât, Nowydwor, 10 décembre 1806, 9 heures matin; Murât à Napoléon, Varsovie, 10 décembre, 1 heure après-midi.


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de la cavalerie ennemie, cosaques et hussards, qui en furent facilement débusqués. Comme ceux-ci se retiraient sur les bois voisins, les chasseurs français les poursuivirent. C'est alors que les cavaliers du 13e furent ramenés assez vivement par des forces adverses débouchant des bois, au nombre, selon Davout, de 200 hommes d'infanterie et 400 de cavalerie ; l'ennemi occupa de nouveau le village de Modlin et força nos faibles détachements à se rembarquer et à gagner une île située au confluent même de la Vistule, où ceux-ci trouvèrent le couvert qu'ils cherchaient. Les tirailleurs russes, embusqués dans les maisons, dirigeaient un feu très vif sur tout ce qui se

présentait sur la rivière, principalement sur la cavalerie. Aussi Milhaud fit-il remonter à force de bras lé bac jusqu'à Okunin, qui était.déjà occupé par la brigade Gauthier. Le commandant Fournier se servit de ce bac pour faire passer la Narew à son détachement et rejoindre le 25e de ligne à Pomichowko. Dans l'après-midi, le général Gauthier envoya une partie de son monde à Modlin par la rive droite, pour en chasser les Russes, mais ceux-ci avaient abandonné le village et avaient été repasser l'Ukra au-dessus de Pomichowko (1). Il semble que la présence d'éléments importants d'infanterie russe à Modlin ne puisse s'expliquer qu'en se rapportant à une reconnaissance dont Bennigsen et Plotho font mention tous deux, et qui fut confiée au colonel Roussanow, avec son régiment des hussards d'Alexandryia et une partie du 4e régiment de chasseurs (à pied). Les relations allemandes et russes correspondent assez bien pour les détails de l'affaire avec les termes des rapports de Milhaud et de Davout; seules, les dates diffèrent. Bennigsen place l'échauffourée de

(1) Journal des opérations du 3° corps; Davout à Murât, Jablonna, 10 décembre, soir.


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Modlin au 7 décembre, ce qui est certainement erroné, Plotho au 11 décembre. Les trois récits s'accordent à reconnaître que le détachement français dut se replier sur la rive gauche, mais que les Russes, de leur côté, furent contraints de repasser l'Ukra (1).

VII. — Davout, prévoyant une attaque de l'ennemi pour le 11 décembre, avait tracé avec le plus grand soin à Gauthier la conduite à suivre. A 150 pas en arrière de la première ligne de tranchées, il avait fait creuser un retranchement d'une étendue suffisante pour couvrir le tiers de la brigade formée en colonne d'attaque et, en arrière de ce second ...ouvrage, un réduit formé de deux redoutes pouvant recevoir le troisième tiers maintenu en réserve. En cas d'attaque de la position, les troupes abritées derrière le deuxième retranchement devaient déboucher au pas de course à droite et à gauche, culbuter les fractions adverses qui auraient été sur le point d'aborder la première ligne, et se porter de suite au parapet pour en relever les défenseurs, qui, à leur tour, iraient se reformer dans les redoutes du réduit. La réserve, de son côté, se porterait au second retranchement, prête à appuyer la première ligne. Gauthier était en.outre averti qu'il serait soutenu, le cas échéant, par la brigade Petit (12e de ligne et 1er bataillon du 21e), et que plusieurs bouches à feu se trouvaient sur la rive gauche, prêtes à être transbordées. Davout promettait

(1) Cazalas, loc.

cit., t. I, p. 76 ; Plotho, loc. cit., p. 13. — Hôpfner

parle également de la reconnaissance du colonel Roussanow, mais il semble bien qu'il ait confondu l'échauffourée de Modlin et le combat de Pomichowo ; l'historien allemand écrit en effet que Roussanow a contraint l'infanterie française à rentrer dans ses retranchements vis-àvis d'Okunin, tandis que Bennigsen rapporte qu'il l'a forcée à se rembarquer à Modlin.


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enfin à Gauthier de l'assister de sa personne : « Rappelez à la 3° division, lui écrivait-il, qu'à la mémorable journée du 14 octobre, elle soutint seule les efforts de l'ennemi assez de temps pour donner au reste de l'armée celui de déboucher. J'espère que, dans cette circonstance, elle saura défendre la tête de pont du. Bug (de la Narew) avec la même énergie. Prévenez-la que je suis déterminé à m'y ensevelir avec elle, avant que de permettre à l'ennemi de s'y établir ». Dans la bouche du redoutable chef du 3e corps, on savait que ce n'étaient pas là de vaines paroles (t). Le lendemain, les prévisions de Davout se réalisèrent en partie. Le 13e chasseurs, qui venait de faire une reconnaissance sur la rive gauche de l'Ukra jusqu'au nord de Czarnowo, et qui avait repassé la rivière à gué, signala l'approche de l'ennemi. Gauthier fit rentrer les grand'gardes d'infanterie et de cavalerie ; il fit occuper Pomichowko par un bataillon du 85e, avec deux autres bataillons en échelons entre ce village et les retranchements de la tête de pont, ces derniers éléments appuyés par une pièce d'artillerie. Dès 7 heures, le canon se faisait entendre ; à la pointe du jour, les Russes attaquèrent Pomichowo et, ne pouvant enlever ce point d'appui, le débordèrent à droite et à gauche, le long de la rivière et du côté de Koszewo, où deux colonnes, venant de Pomichowko et appuyées par de l'artillerie et des nuées de Cosaques, cherchèrent à couper les bataillons du 85e des retranchements (2). Ce

régiment battit en retraite en bon ordre et par échelons jusqu'aux tranchées, contre lesquelles tous les efforts des

(1) Journal des opérations du 3° corps. (2) Murât à Napoléon, Varsovie, 13 décembre, 2

h. 30 matin ; Davout à Murât, Jablonna, 12 décembre 1806; Belliard à Berthier, Varsovie, 11 décembre 1806, 11 heures soir.


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Russes furent impuissants. Le feu se ralentit alors, et Gauthier s'étant aperçu que les Russes, la torche à la main, se mettaient en devoir d'incendier Pomichowo, poussa de nouveau sur le village avec le 25e régiment appuyé par deux pièces d'artillerie et le 13e chasseurs. L'ennemi évacua alors le village et alla repasser l'Ukra à Pomichowko, sous la protection des batteries qu'il'y avait établies. Davout était sur place depuis le matin, et avait été rejoint par Murât. Vers 3 heures du soir, l'ennemi était en pleine retraite et, le feu ayant cessé, le grand-duc de Berg repartit pour Varsovie où il rentra à 7 heures du soir; le rapport que Belliard adressa à Berthier évalua à 12 le nombre des bouches à feu que les Russes avaient mises en batterie, et qui avaient tiré pendant toute l'action (1). Si chaude qu'ait été l'attaque, il avait suffi de quatre bataillons du 3e corps pour la repousser. Les Russes, cette fois encore, n'avaient donc fait qu'une tentative, et non un effort véritable, pour chasser leurs adversaires de la rive droite de la Narew. Dans ces conditions, Murât jugeait, avec raison, leur position sur l'Ukra assez aventurée, en présence d'un ennemi,qui avait d'ores et déjà fait tomber leur principale défense naturelle. Aussi, à Okunin, s'attendait-il à voir les Russes revenir à la charge le 12 avec 50,000 hommes ; ils eussent d'ailleurs eu affaire à forte partie, car on avait beaucoup renforcé les ouvrages de la tète de pont. « Les retranchements qui ont été faits, écrit Davout, sont très respectables, et sont garnis d'une artillerie suffisante pour les défendre ». D'autre part, la 3e division du 3° corps tout entière était à Okunin ; en arrière, six régiments occupaient Nieporent, « et sont placés de manière

(1) Belliard à Berthier, 11 décembre 1806, 11 heures des opérations du 3° corps.

soir; Journal


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à pouvoir manoeuvrer », écrit Belliard (1). La situation était donc beaucoup plus forte que la veille, et Murât ne paraissait pas exagérer en disant: l'ennemi « n'a qu'à se présenter; il sera certainement bien reçu (2) ». Le 12, contre toute attente, la journée-se passa tranquillement à la tête de pont d'Okunin. A Pomichowo, les Russes firent une nouvelle tentative avec environ 400 hommes et 4 pièces de canon, toujours, semble^t-il,dans le but d'incendier les maisons. Quelques compagnies de la brigade Gauthier sortirent des retranchements et délogèrent l'ennemi, à qui ils firent prisonniers un officier et plusieurs hommes. Et ce fut tout. Le commandant en chef russe ne devait pas prescrire d'effort plus sérieux pour chasser le 3e corps de Pomichowo. Il restait maintenant à Davout à vaincre une autre difficulté d'un ordre différent, mais singulièrement plus ardue : il s'agissait de jeter un pont à Okunin (3).

VIII. — Au cours de sa lettre datée du 13 décembre, 2 heures du matin, Murât affirme à Napoléon que, dans la journée, le pont d'Okunin sera praticable à l'infanterie; cette assertion, très importante pour les projets de l'Empereur, se trouva infirmée dès la nuit même, où les glaçons emportèrent les chevalets, et il devint vite évident qu'on ne ferait rien de stable sans que des bateaux fussent envoyés de Varsovie (4). Un convoi de 13 barques fut alors formé dans cette ville et amené sous escorte (1) Davout à Murât, Jablonna, 12 décembre 1806 ; Belliard à Berthier,

Il

11 décembre 1806, heures soir. (2) Murât à Napoléon, Varsovie, 11 décembre, 10 heures soir. (3) Murât à Napoléon, Varsovie, 13 décembre, 2 h. 30 matin; Davout

à Murât, Jablonna, 12 décembre 1806; Journal des opérations du 3° corps. (4) Murât à Napoléon, Varsovie 13 décembre, 2 h. 30 matin ; Davout à Murât, Jablonna, 13 décembre 1806. 29 Rev. Hlat. ,


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à Okunin, où il arriva le 14 au soir. Mais le général Hanicque, commandant l'artillerie du 3e corps, se rendit compte de suite qu'il lui manquait encore nombre d'agrès, cordages, poutrelles, madriers, crocs (d). En attendant mieux, il organisa deux grands ponts volants, permettant de faire passer 7,000 à 8,000 hommes par jour, et, comme le pays ne pouvait fournir ce qui lui manquait, il se rendit lui-même à Varsovie d'où il repartit le 17, emportant le matériel qu'il avait pu trouver. Au même moment, Sénarmont, qui était chargé de jeter un pont à Kazun pour le 7e corps, était, lui aussi, à Varsovie à l'effet d'y réunir des cordages et des agrès. Malgré tous les efforts imaginables, le pont d'Okunin ne fut terminé, c'est-à-dire praticable à la cavalerie et à l'artillerie, que le 22 décembre (2). Dans l'intervalle, un progrès important avait été accompli : Davout avait fait occuper une île située à l'embouchure même de l'Ukra, immédiatement à l'Est de la presqu'île où était la tête de pont. Cette île triangulaire et en partie boisée n'était plus séparée de la rive droite de l'Ukra que par un bras d'une trentaine de mètres. En descendant de Czarnowo dans cette île, des tirailleurs russes venaient fréquemment gêner les travailleurs des ouvrages de l'autre rive ; le 16 au matin, Davout fit jeter 200 hommes dans l'île, malgré une fusillade et une canonnade assez nourries ; quelques retranchements commencés aussitôt permirent au détachement de s'y accrocher (3). Le lendemain, l'ennemi parut se (1) Murât à Napoléon, Varsovie, 14 décembre 1806, 9 heures soir; Davout à Murât, Jablonna, 15 décembre 1806 ; Rapport du général Hanicque sur la situation du pont d'Okunin, .15 décembre 1806. (2) Davout à Murât, Jablonna, 16 décembre 1806;,Augereau à Murât, Kazan, 16 décembre 1806 ; Journal des opérations du 3° corps. (3) Davout à Murât, Jablonna, 16 décembre 1806; Journal des opérations du 3e corps.


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rendre compte à quel point l'occupation de cette île lui portait préjudice, car la brigade Gauthier dut livrer un véritable combat pour s'y maintenir. Les 200 hommes qui défendaient les tranchées furent attaqués par environ 600 Russes, qui les ramenèrent jusqu'à la pointe de nos ouvrages. Le général Gauthier fit alors passer trois compagnies de voltigeurs et 400 hommes du 85e, sous le commandement du colonel Duplin, qui, grâce à ce renfort et à l'appui de trois pièces d'artillerie, put repousser les assaillants jusqu'à leur point de débarquement et les rejeter sur la rive droite. L'obscurité ne permit pas de détruire les moyens de passage de l'ennemi (1). Le 20 décembre, sur l'ordre de Davout, la brigade Petit, par une opération de nuit, se rendit maîtresse de toute l'étendue de l'île. La division russe Ostermann, qui occupait les hauteurs de Czarnowo, n'était plus séparée des troupes françaises que par un bras de rivière d'une trentaine de mètres-|2.Y. *

IX. — Grâce à cette série de coups de main heureux et d'opérations de nuit, Davout était donc arrivé à supprimer presque complètement le double obstacle de la Narew et de l'Ukra. Il ne restait plus qu'à achever la construction du pont de bateaux d'Okunin, qui seul pouvait permettre le passage de la cavalerie. La situation matérielle du 3e corps, comme d'ailleurs de toute l'armée de Murât, était extrêmement pénible par suite du manque de subsistances. Milhaud, qui pourtant ne se plaignait pas volontiers, faisait observer que le 13e chasseurs était épuisé. A cheval du matin au soir, il ne trouvait en

(1) Gauthier à Davout, camp d'Okunin, 17 décembre 1806 ; Davout à Murât, Jablonna, 17 décembre 1806. (2) Journal des opérations du 3e corps.


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rentrant à son bivouac de Pomichowo ni bois, ni feu, ni pain, ni avoine (1). Davout adressait à Murât des réclamations réitérées, et sur un ton qui décelait une certaine irritation : « Il n'est point dans mon caractère de forger des embarras et de faire des contes, écrivait-il au grandduc de Berg, et lorsque je fais connaître à Votre Altesse que chaque jour la misère des troupes augmente, cela n'est que trop vrai.. (2) ». Il signalait l'urgence d'un . . envoi d'eau-de-vie pour réconforter les travailleurs d'Okunin et combattre la dysenterie causée par l'ingestion de la viande de porc, seul aliment que les hommes, ne recevant pas de distributions, eussent trouvé dans le pays. Murât demandait aide à Napoléon et lui faisait « un tableau déchirant » de l'état de l'armée : « Les paysans fuient parce qu'ils n'ont rien pour vivre, ni rien à donner au soldat (3) ». Les généraux Lannes, de Beaumont, Girard, étaient tombés malades ; Murât lui-même, le 18, était terrassé par une fièvre violente (4). L'ordonnateur Mathieu-Faviers, à bout de ressources, rendait compte que, si des rentrées considérables ne se faisaient pas à Varsovie d'ici quelques jours, tant en farine qu'en grains et en fourrages, il était à craindre que le service ne manquât complètement (5). La situation ne devait s'améliorer que plus tard, après que les mesures prescrites par Daru, à savoir l'envoi de grains, de farines et de bétail sur pied de Silésie, et une réquisition générale de denrées et de bestiaux dans toute l'étendue de la Pologne occupée (1) Milhaud à Murât, Pomichowo, 17 décembre 1806, 3

h. 30

après-midi. (2) Davout à Murât, Jablonna, 17 décembre 1806. (3) Murât à Napoléon, Varsovie, 1S décembre 1806. (4) Murât à Napoléon, Varsovie, 17 et 18 décembre 1806. (5) Observations de l'ordonnateur en chef Mathieu-Faviers sur les subsistances, Varsovie, 18 décembre 1806.


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par l'armée, auraient produit leur effet dans le courant de janvier (1). Au point de vue purement militaire, la position des corps de Murât devenait chaque jour plus menaçante pour le flanc gauche de l'armée russe. Non seulement, ainsi qu'il a été exposé au chapitre VI, le grand duc de Berg, sur ordre de Napoléon, en date du 1er décembre, 1 heure après-midi, avait appelé les deux divisions de Lannes à Blonie et à Ozarow (2), et celles d'Augereau à Gombin et Sochaczew (3), mais le 5, une nouvelle lettre de l'Empereur avait déterminé un second mouvement en avant des 5e et 7e corps. La division Heudelet alla border la Vistule de Kazun à Secymin, et la division Desjardins de Secymin à Kamion à l'embouchure de la Bzura, la brigade mixte Durosnel restant en observation le long du fleuve de Kazun à Wrocklawek ; le quartier général du 7e corps s'installa à Kazun ; ces mouvements furent terminés le 9 décembre. (4). De même, les divisions de Lannes se rapprochèrent également du 3e corps, Suchet entra à Varsovie le 10, et Gazan, dès que le pont fut praticable, passa la Vistule et s'installa à Praga, comme Davout l'avait demandé (5). Depuis plusieurs jours, Augereau ne pensait qu'à franchir la Vistule ; déjà à Wrocklawek, où le fleuve (1) Cf. Les Services de Varrière à la Grande Armée, p. 454. (2) Murât à Napoléon, Varsovie, 4 .décembre, minuit; Etat des emplacements du 5e corps d'armée; Journal des opérations du S° corps

d'armée. (3) Augereau à Murât, Kowal, 5 décembre, minuit (Registre d'Augereau) ; Le même au même, Saniki, 8 décembre 1806 ; Le même à Desjardins, Heudelet, Durosnel, Saniki, 8 décembre 1806 ; Notes sur les marches et opérations du 7° corps. (4) Augereau a Murât, Gawlo, 9 décembre 1806; Ibid. même jour, à Desjardins et Heudelet ; Notes sur les marches et opérations du 7° corps. (5) État des emplacements du 5° corps d'armée.


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n'est pas très large, il avait réuni 14 bateaux pouvant porter chacun 50 hommes. N'ayant plus aucun poste prussien en face de lui, il avait demandé à Murât à passer sur la rive droite, se faisant fort de réussir en une nuit (1). Arrivé à Kazun, il chargea un officier du génie de faire remonter les 14 bateaux de Wrocklawek vis-à-vis Zakroczym, car il n'y avait à Kazun que quelques nacelles et un mauvais bac, et, dès le 11, il fit passer la Vistule aux deux compagnies de carabiniers et de voltigeurs du 16e léger, qui s'établirent sans coup férir dans la ferme d'Utrata, à quelques centaines de mètres de Zakroczym ; le lendemain, ces deux compagnies furent suivies du reste du bataillon qui occupa Zakroczym. Le 16, les 2e et 3e bataillons du 16e léger devaient aller également renforcer le poste de la rive droite. Le colonel du génie Lacoste, chargé de faire construire une tête de pont à Utrata, obtint que le 14e de ligne y fût encore transporté pour l'exécution des travaux; les troupes de la rive droite auxquelles s'étaient joints un escadron du 7e chasseurs et deux pièces de 4 furent placées sous le commandement du général Lapîsse (2). Le 13, le colonel Sicard, premier aide de camp d'Augereau, prit le commandement du 16e léger et poussa une reconnaissance sur la rive droite, à une dizaine de kilomètres, jusqu'à Kroczewo ; de là il se rabattit sur la droite jusqu'à Modlin où il communiqua avec les postes de Davout. A partir de ce moment, chaque matin, des patrouilles furent envoyées à deux lieues en avant sur la rive droite, mais elles ne rencontraient jamais que

(1) Augereau à. Murât, kowal, S décembre 1806; Le même au même, Maloczyce, 10 décembre 1806t (2) Augereau à Murât, Maloczyce, 11 décembre 1806; Le même à Desjardins, 12 décembre 1806 ; Notes sur les marches et opérations du 7e corps.


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quelques Cosaques ou hussards russes qui fuyaient à leur approche. Le 14e de ligne resta groupé à Utrata ; le 16e léger s'étendit de Zakroczym jusqu'à Modlin, disposition qui eût paru peu justifiée, n'eût été la nécessité de le faire vivre (1). Enfin, le 14, une dernière et importante modification eut lieu à la situation de l'armée sur la Narew; dès que le pont de Varsovie eut été rétabli, la brigade Lassalle franchit la Vistule et se porta sur Biallolenka, d'où elle surveilla la frontière de Galicie ; la division Klein suivit immédiatement et s'établit autour de Praga, àTorgowek, Brudno, Zombki, et au Sud jusqu'à Falencia. Les autres divisions de la réserve restèrent sur la rive gauche; en cas d'attaque des Russes, elles n'eussent fait qu'encombrer sur l'autre rive, où elles n'eussent sans doute pas trouvé la place de se déployer (2). X. — Quand Murât, à diverses reprises, exprime à Napoléon son étonnement de voir les Russes rester entre la Narew et l'Ukra, sa surprise ne laisse pas que de paraître fondée. Ceux-ci, en effet, avaient sur leur flanc gauche deux corps d'armée, une division et deux brigades de cavalerie. De plus, un troisième corps d'armée et trois autres divisions de cavalerie étaient prêts à se joindre aux éléments ayant précédemment passé la Vistule. Enfin, l'ennemi avait déjà pris pied solidement sur la rive droite de la Narew à Okuni et à Utrata, et par le premier de ces deux points il était pour ainsi dire sur la rive droite de l'Ukra. Avec une menace aussi directe sur un de ses flancs, une armée a perdu toute

(1) Augereau à Murât, Maloczyce, 13 décembre 1806. (2) Relliard k Berthier, Varsovie, 15 décembre 1806 ; emplacements du 5e corps.

État des


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liberté de manoeuvrer; l'ennemi au contraire peut tout tenter contre elle. Les rapports de Milhaud, de Gauthier et de Morand, du 10 au 20 décembre, donnent d'ailleurs l'impression que l'adversaire est dans l'indécision; tantôt il paraît se renforcer sur Sierock ou Zegrz ; il y construit des batteries; il semble qu'il pense à passer la Narew; tantôt au contraire il montre moins de troupes, on n'aperçoit plus d'artillerie ni d'infanterie, les feux de bivouacs sont plus clairsemés; Milhaud rend compte qu' « on voit souvent filer de fortes colonnes de cavaliers entre Plonsk, Nowemiasto et Nasielsk, qui vont et viennent (1) ». Une seule chose est certaine : dès le 13 décembre, Buxhowden et Bennigsen ont fait leur jonction; on sait aussi que la mésintelligence règne entre les chefs russes et que le maréchal Kamensky a pris le commandement; celui-ci imite Souvorov; il fait haranguer ses bataillons par les popes et leur fait promettre de grandes récompenses dans le ciel (2). Quant à l'importance exacte des effectifs ennemis stationnés au bord de la Narew, les reconnaissances ne fournissent aucune donnée précise à cet égard. Davout croit tout d'abord que ces rassemblements sont peu nombreux, et il projette le 14 de lancer d'Okunin un gros détachement sur Dembé pour faciliter le passage de la division Morand (3). Mais, trois jours après, il se convainc au contraire que l'ennemi est en (1) Milhaud à Murât, Nowydwor, 10 décembre, 9 heures matin ; Le même à Davout, Pomichowo, 14 décembre et 13 décembre, 9 heures matin; Milhaud à Davout, Pomichowo, 16 décembre, 8 heures soir, et 16 décembre, 9 heures soir ; Morand à Davout, Nieporcul, 1S décembre matin; Gauthier à Davout, Okunin, 17 décembre; Rap-

port de Morand du 17 au 18 décembre. (2) Murât à Napoléon, Varsovie, 13 décembre, II heures soir et 14 décembre, 9 heures soir. (3) Davout à Murât, lablonna, 14 décembre 1806.


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nombre derrière la Narew. Le lendemain 18, Milhaud signale que l'ennemi s'est renforcé à Czarnowo, où « la position est belle de sa nature (1) ». Si les rapports des reconnaissances n'ont pu préciser le dispositif de la concentration russe, les dépèches des émissaires polonais sont au contraire trop affirmatives et se trompent souvent. Voici cependant ce qui paraît ressortir de leurs assertions contradictoires : le quartier général de Bennigsen, puis celui de Kamensky sont à Pultusk; l'année de Bennigsen est en entier dans le quadrilatère compris entre l'Ukra et la Narew; celle de Buxhowden a rejoint la première dans cette même zone après avoir laissé une partie assez notable de ses forces à Popowo, à l'Est de la Narew supérieure. Les armées combinées tiennent fortement Sierock, Czarnowo et ont des postes solides retranchés sur l'Ukra. La force totale attribuée à l'armée russe varie entre 80,000 et 150,000 hommes (2). . Après avoir conçu du 10 au 13 quelques inquiétudes au sujet d'une offensive russe au Sud de la Narew, Murât s'était rassuré, à mesure que ses troupes se concentraient et se couvraient de retranchements. Néanmoins, ses lettres témoignent d'une impatience toujours croissante de voir l'Empereur venir prendre le comman-

(1) Davout à Murât, Jablonna, 17 décembre 1806; Milhaud à Davout, Pomichowo, 16 décembre 1806, 8 heures soir. (2) Môller, Varsovie, 18 décembre 1806, rapports des déserteurs prussiens; Rapport du nommé Monnes Sehlem, 18 décembre; Rapport Viarchowski, 18 décembre; Extrait d'une lettre d'un officier russe, 17 décembre; Rapport Joseph Kosinski, 17 décembre; Rapport Joachim Moszynski, 17 décembre ; Rapport non signé daté de Jablonna, 16 décembre; Rapport de Praga, 16 décembre; Rapport Môller du 16 décembre ; Rapport Moszynski du 13 décembre ; Deux rapports envoyés par Hazzi, 15 décembre; Rapport de Praga, 15 décembre ; Rapport Môller du 15 décembre, etc., etc.


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dément effectif de l'armée. Le retard apporté au lancement du pont d'Okunin dispensa d'ailleurs pendant trois semaines le grand-duc de Berg de toute initiative personnelle; il n'eut qu'à attendre son chef, à exécuter ses ordres, et à le renseigner sur ce qui se passait au contact de l'ennemi (1). (A suivre.)

G. L.

(1) Murât à Napoléon, Varsovie, 11 décembre, 10 heures soir, et 13 décembre, 2 h. 30 matin. — « Arrivez bien vite, nous vous désirons bien ardemment », écrit de sa main Murât à son beau-frère à la fin de sa lettre du 13 décembre, 11 heures soir.


CAMPAGNE DE 1813 LES PRÉLIMINAIRES

DEUXIEME PARTIE Le commandement du. prince Eugène.

CHAPITRE. IL LES

DÉBRIS DE LA GRANDE ARMEE. MESURES DE RÉORGANISATION.

Tandis que s'organisaient les forces actives avec lesquelles le prince Eugène espérait reprendre les opérations, les débris des anciens corps poursuivaient leurs mouvements vers les places d'affectation qui leur étaient successivement indiquées ; leurs éléments disponibles se resserraient pour former un petit nombre de compagnies et de bataillons; tous les cadres dont ils pouvaient disposer s'acheminaient dans la direction du Rhin. Ce travail était des plus ardus; il s'accomplissait sur des instructions que l'Empereur, mal éclairé, plein d'illusions au début, puis désabusé peu à peu, modifiait au jour le jour, et qu'au quartier général de la Grande Armée on travaillait à accommoder aux besoins de la situation. Les cinq ou six jours nécessaires aux courriers entre Paris et Posen, la rapidité de conception de Napo-


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léon, qui, dans une même journée, multipliait, les ordres sur un même sujet, les modifiant au fur et à mesure et les lançant, dans son impatience, sans interruption les uns à la suite des autres, n'étaient point faits pour faciliter un labeur si compliqué par lui-même, et que les variations dans les directives, inévitables dans de telles conditions, ne pouvaient que compliquer encore. On se souvient qu'en quittant la Vistule, les anciens corps d'armée avaient reçu les destinations suivantes : 1er, 2e et 3e corps, Custrin ; 4e et 9e corps, Posen (1). Ces destinations furent modifiées successivement : ordre fut d'abord donné au 2e corps de quitter Custrin pour Stettin, les 1er et 3e restant à Custrin; le 4e fut envoyé à Glogau ; l'occupation de ces places par les anciens corps était destinée à libérer de ce service les troupes de la division Lagrange, pour la grouper entre Berlin et Custrin (2). Le 23 janvier, de nouvelles dispositions de l'Empereur firent diriger définitivement le 1er corps sur Stettin, et maintenir le 2e à Custrin (3). Quant au 3e, il devait être fondu avec le 2e, qui gardait son numéro (4) ; le 9e, dont la suppression avait été décidée dès la fin de décembre, versa, à Posen, ses éléments dans le 4e corps (5). Sur ces cinq corps d'armée, il n'en restait

(1) Campagne de 1813, Les Préliminaires, t. I, chap. II et VI, p. 123 et 362 (Revue d'Histoire, novembre 1909 et mai 1910). (2) Le général Monthion au duc de Gastiglione, Posen, 22 janvier. (3) Le Major général au prince d'Eekmûhl, au duc de Casliglione,

aux généraux Sorbier, Dumas, Haxo, Dufresse, Posen, 23 janvier. (i) Dès le 8 janvier, le duc de Rellune avait été désigné pour commander les Sie et 3° corps (Le Major général au duc de Bellune, Blbing, 8 janvier) ; cet ordre ne lui parvint que beaucoup plus tard, lorsque ces deux corps atteignirent l'Oder. (5) Le 9e corps était de beaucoup le plus faible et sa réunion, décidée depuis Wilna et confirmée par l'Empereur, le 30 décembre (L'Empereur au Ministre de la Guerre, Paris, 30 décembre 1812, Correspon-


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donc plus, officiellement, à la fin de janvier, que trois : le 1er, sous le prince d'Eckinlihl, le 2e, sous le duc de Bellune, et le 4e, sous le général Marchand (1), constituant les garnisons de Stettin, de Custrin, de Spandau et de Glogau (2). Le travail de réorganisation de ces corps et d'utilisation de leurs éléments disponibles parait comprendre, de la part de l'Empereur, deux phases distinctes, suivant qu'on étudie ses instructions antérieures ou postérieures au 5 février. Jusqu'à cette date, ses illusions primitives, tout en diminuant à chaque courrier, persistent en partie, et les ordres qu'il donne, dans la double préoccupation de

dance, n° 19410), avait été retardée, pour pouvoir être exécutée avec ordre, jusqu'à l'arrivée à Posen \Câmpagne de 1813, Les Préliminaires, t. I, chap. II, p. 130 (Revue d'Histoire, novembre 1909, p. 216)]. — Les soldats des régiments de la 12° division furent incorporés dans les régiments des 13e et 14e divisions; leurs cadres quittèrent Posen le 22 janvier pour Mayence, où ils arrivèrent le 6 février. Quant aux hommes des régiments d'infanterie saxons de Low et de Rechten, ils furent dirigés sur Dresde par ordre du Vice-Roi ; enfin les cadres des troupes de Rade et de Berg qui faisaient partie du 9e corps furent dirigés sur ces grands-duchés, emmenant avec eux tout ce qui restait à l'armée de ces troupes (Le général Monthion au Ministre de la Guerre, Posen, 20 janvier). L'incorporation des hommes restant de la 12e division aux 13e et 14e divisions fut réglée de la manière suivante : Le Le Le Le Le

70 hommes. 92 — 17 — 4 — 12 — 38 —

10" léger Yersa au 18e léger 8» 29e — — — de 84e de ligne.. 51e ligne — S5° — — 92«- — 44»

Le426«.

— -—

— 38» — 106e

— — TOTAL versé au

corps

233 hommes.

(1) Le Major général au général Marchand et au comte Daru, Posen, 17 janvier; Le prince Eugène à l'Empereur, même date. (2) Le Ministre de la Guerre au prince Eugène, Paris, 29 janvier.


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reformer avec les anciens corps des unités solides, et d'en tirer le plus de cadres possible, soit pour les formations nouvelles, soit pour l'encadrement des levées successivement décrétées, sont inapplicables dans beaucoup de leurs détails. Enfin, le S février, sur un rapport du Vice-Roi, en date du 31 janvier, if est enfin éclairé, et modifie définitivement ses instructions antérieures, pour les mettre en harmonie avec la situation réelle. Après avoir, de prime abord, posé cette règle très simple que l'on garderait à l'armée autant de cadres de compagnies que l'on aurait de centaines d'hommes, et autant de cadres de bataillons que l'on aurait de 300 à 600 hommes sous les armes (1), prescription qui resta la base de tout ce qui fut exécuté sur place, il avait décidé que les régiments d'infanterie de la Grande Armée, qui comptaient cinq bataillons à l'armée, auraient leurs cadres réduits à quatre et il exprimait ainsi ses projets : « Le 1er bataillon restera à l'armée. Il recevra et comprendra dans son effectif tout ce qu'il y aura de disponible dans les cinq bataillons, tout ce qui sortirait des hôpitaux, ainsi que tous les hommes des oes bataillons qui formaient les garnisons des vaisseaux, et qui, dans quelques lieux qu'ils se trouvent, à Metz, Mayence ou Berlin, doivent recevoir l'ordre de rejoindre leurs 1ers bataillons à l'armée. Les cadres des 2es bataillons recevront l'ordre de se rendre à Erfurt, où ils recevront 700 conscrits chacun, qui leur seront envoyés de France équipés et armés ; ce qui les complétera (2). Les cadres des 3es et 4es bataillons se rendront aux dépôts, où ils seront com(1) L'Empereur au Major général, Paris, 9 et 11 janvier (Correspondance, n°s 19437 et 19439). (2) « Les détachements seront composés d'hommes bien portants, bien habillés, équipés et armés, étant depuis au moins un mois sous les armes et ayant brûlé quelques cartouches au blanc et à la cible » (Le Ministre de la Guerre à l'Empereur, Paris, 26 janvier).


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piétés avec ce qui restera aux dépôts de la levée des 100,000 hommes (1), de sorte que, dans le courant d'avril, ces deux bataillons de chaque régiment pourront se mettre en marche et former le corps de réserve. Enfin, les 6es bataillons appelés bis, qu'on réorganise actuellement dans l'intérieur, serviront à recevoir la conscription de 1814 et feront le service de l'intérieur pendant 1813 (2) ». En conséquence de ces dispositions, les dépôts des vingt-huit régiments français des trois premiers corps de la Grande Armée devaient diriger chacun un détachement de 700 hommes sur Erfurt (-3),

(1) Les levées et appels, prévus successivement depuis le 1er septem-

bre 1812, étaient les suivants : 1" septembre 1812 : Sénatus-consulte. autorisant la levée de 120,000 hommes de la conscription de 1813. 22 septembre 1812 : Décret impérial -appelant à l'activité les 120,000 hommes de la conscription de 1813, et en assignant 17,000 autres au complément des cohortes. 11 janvier 1813 : Sénatus-consulte autorisant la levée de 330,000 hommes, savoir : 1° 100,000 hommes formant les cent cohortes du lor ban delà garde nationale; 2° 100,000 hommes des conscriptions de 1809, 1810, 1811, 1812, pris parmis ceux qui n'auraient pas été appelés à faire partie de l'armée active (dénommée usuellement levée des 100,000 hommes ou des quatre classes) ; 3° 1S0,000 hommes de la conscription de 1814. (2) L'Empereur au Ministre de la Guerre, Fontainebleau, 23 janvier (Correspondance, n° 19482). (3) Les 28 détachements de 700 hommes à expédier sur Erfurt devaient exécuter leur mouvement dans les conditions suivantes : DÉPÔTS DÉSIGKÉS.

30e et 33e de ligne M0 de ligne...

Hi"

do ligne 88° de ligne 18-et B7« de ligne 26e léger 24»

léger

LIEUX ET DATES DU DÉPART.

Mayonce

Worms Spire Coblence Slrasbourg.. Mr.U

Metz

10 février. 10 —

11

10 8 8 9

— —

— —' —

DATE D'ARRIVEE A EUFUKT,

19 février. 23 — 23 — 24 — 28 — 1er mars. 2 —


N" 117.

LA CAMPAGNE DE 1813.

464

où le général Doucet, regardé par l'Empereur comme particulièrement apte à ce genre de travail, était envoyé avec la mission d'organiser les vingt-huit 2eB bataillons

ainsi formés ; ceux-ci, une fois en état, devaient rester cantonnés aux environs d'Erfurt et de Leipsig, en attendant de nouveaux ordres (1). D'après la citation précédente, l'Empereur s'attendait donc à ce qu'on pourrait aisément former, sur la Vis-

DÉPOTS DÉSIGKÉS.

Juliers...!.

21° de ligne (i) 11" léger U) 56e de.ligne (i) 4" de ligne 12e de

ligne

72°deligne

léger 48° de ligne... 2° de ligne 408° de ligoe 37° de ligne 33° léger

Wesel Grave Nancy

'..'

7e

17»deligne

25e de ligne 93» de 1b»

ligne

léger..

4u° de ligne 19e de ligne.. 13e

léger

LIEUX ET DATES DU DÉPABT.

<

Mézières.... Bruxelles...

Huniugue. Anvers

Besançon... Anvers

Besancon...

Givet." Lille '. Landrecies; Besancon /. .

.10 9

Douai Ostende

A EHFUKT.

— —

4 mars. 5 —

— — — — — — — — — — — — — — — —

6 8

8—5 9

7

7 9 8 8 8 9 8

7 8

.12 Paris.!..... Arras

DATE D'ARB|VEE

8 8 10 10

— — — 8 —

9 — 10 — 10 — 11

11

12 13 13

14 15 15 16 17

— — — — — — —

— — —

(1) Voir la noie suivante (Le Ministre de la Guerre à l'Empereur, Paris, 26 janvier).

(1) 16 bataillons du 1er corps, 6 du 2e, 6 du 3e. Le général Doucet devait être rendu à Erfurt le 1er février, et le Vice-Roi recevait l'ordre

d'y envoyer, pour l'aider dans sa tâche, un général de division du 1er corps, commandant en chef les 28 bataillons, deux généraux de brigade du 1er corps, un du 2e et un du 3e ; ces généraux auraient à se partager le commandement des bataillons de ces corps respectifs (L'Empereur au Ministre de la Guerre, Fontainebleau, 23 janvier, Correspondance, n° 19482). Dans la suite, ce fut le maréchal Davout qui reçut l'ordre d'aller à Magdebourg pour surveiller de haut toute cette organisation. Les mouvements des détachements de 700 hommes dirigés sur


No

H7.

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tule, avec les débris disponibles et les traînards, rejoignant peu à peu, un 1er bataillon par régiment. Il avait prescrit d'organiser, avec ces 1ers bataillons, une division provisoire pour chacun des 1er, 2e, 3e.et 4e corps (1). Ces divisions allaient être affectées aux places de Stettin, de Custrin, de Spandau et de Glogau ; un peu plus tard,

Erfurt et autres points pour former les 2es bataillons, et la destination de ces derniers étaient réglés comme suit : A Erfurt, devaient se trouver : Avant le 1er mars, les bataillons des 30e, 33e, 61e, IIIe, 8S", 18e et 57e de ligne : 7 bataillons, qu'un général du lep corps, après les avoir pourvus de chaussures et d'effets à Leipzig, devait mener à Wittenbérg du 1er au 5 mars ; ûu 1er au 8 mars, les bataillons des 24e et 26e légers, des 4e et 72e de ligne : 4 bataillons, qu'un général de brigade du 2e corps devait conduire à Spandau ; Du 8 au 12 mars, les bataillons des '12e, 48e, 108e et 33e de ligne : 4 bataillons, qu'un général de brigade du 1er corps devait mener à Dessau ; Du 12 au 17 mars, les bataillons des 15e et 13° légers, des 17e et 23° de ligne : 4 bataillons, qui devaient marcher sur Weymar pour s'y organiser, et de là se porter sur Wittenbérg. A Cassel, au lieu d'Erfurt, devaient se former les bataillons des 11e légers, 21e et 56e de ligne, dont les détachements de conscrits se trouvaient à Juliers, Wesel et Grave ; de là, on les dirigerait sur Spandau. A Leipzig, devait se faire la réunion des bataillons des 2e, 36e, 46e et 19e de ligne, attendus au plus tard le 16 mars; de Leipzig, un général du 2° corps devait les conduire à Spandau. La division du 1er corps ainsi réunie à Wittenbérg se porterait ensuite sur Berlin et Stettin ; les bataillons du 2e corps rejoindraient de même leurs régiments respectifs à Spandau et à Custrin (L'Empereur au prince Eugène, Paris, 21) janvier, Correspondance, n" 19524 ; Le Ministre de la Guerre au prince Eugène, Paris, 27 janvier; Instructions du général Monthion, Posen, 4 février). (1) « Le Vice-Roi doit placer les bataillons du 1er corps à Stettin, ceux des 2e et 3e à Custrin et à Spandau, ceux du 4e corps à Glogau, afin que ces régiments restent toujours ensemble, que les 2es bataillons Bev. Hist.

30


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après que les 2es bataillons les auraient rejointes, elles devaient reformer les anciens corps d'armée. Les détachements de 700 hommes, destinés à constituer ces 2es bataillons, devaient se mettre en route dans la première quinzaine de février et atteindre Erfurt du 19 février au 17 mars. De ces dispositions découlaient les prévisions suivantes (1) : A la fin de mars, le 1er corps, réorganisé à deux divisions (au lieu de cinq qu'il comptait précédemment) serait composé de 16,000 à 20,000 hommes sous les armes; chacune de ses divisions aurait neuf régiments à deux bataillons, groupés en trois brigades. Le 2e corps aurait, dans le courant de mars, deux divisions, provenant des 2e et 3e corps, l'une à Custrin, l'autre à Spandau ; indépendamment des Illyriens et des Suisses, elles devaient compter 15,000 hommes au moins. Le maréchal Yictor, commandant ce corps, devait aussi réunir sous son commandement le corps prussien du général de Bùlow. Quant aux régiments français du 4e corps, qui se recrutaient au delà des Alpes, tous leurs cadres devaient être renvoyés en Italie, sauf ceux des 1ers bataillons, retenus à Glogau, et ceux des 2es bataillons ; ces derniers devaient se former à Augsbourg dans

puissent les rejoindre et insensiblement les derniers. Cela aura aussi l'avantage que tous les malades, les éclopés, et les égarés sauront où est leur corps et sur quel point ils doivent se diriger. On saura aussi comment diriger les compagnies des bes bataillons qui proviennent des garnisons des vaisseaux » (L'Empereur au Ministre de la Guerre, Fontainebleau, S janvier, Correspondance, n° 19502). Le 3e corps était supprimé comme numéro ; mais ses débris devaient former une division qui serait la 2e du 2e corps, et affectée spécialement à Spandau (Instructions du général Monthion, Posen, 4 février). (1) Le général Monthion au duc de Castiglione, au prince d'Eckmûhl, au duc de Bellune, au général de Bûlo-w, etc., Posen, 4 février.


Ko

117.

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les mêmes conditions que ceux des 1er, 2e, et 3e corps à Erfurt : des détachements de 700 conscrits allaient être, à cet effet, acheminés d'Italie sur Augsbourg, où un général de brigade du 4e corps serait chargé de la même mission que le général Doucet (1 ) ; d'Augsbourg, une fois organisés, les 2es bataillons du 4é corps

iraient à Glogau, pour y former une ou deux divisions, selon que le Vice-Roi le jugerait convenable. Telles étaient les prévisions; la réalité les contraria singulièrement. On a vu que l'Empereur avait, avant toute chose, prescrit de garder, sur la Vistule et sur l'Oder, les cadres nécessaires à autant de compagnies et de bataillons qu'on pourrait réunir de centaines et de cinq ou six

centaines d'hommes : dans son esprit, cela devait correspondre à l'effectif d'un bataillon par régiment. Or on en était loin. Le 31 janvier, le prince Eugène, dans un rapport détaillé, rendait compte en ces termes de la situation : « Comme les plus forts régiments étaient à 200 et 230 hommes, et les plus faibles à 80', il en est résulté qu'on n'a gardé par régiment qu'une ou deux compagnies. Tout le reste des cadres était en route pour Mayence. Il ne faut pas dissimuler à Votre Majesté que les régiments des quatre premiers corps avaient éprouvé de telles pertes que presque aucun n'aurait pu faire le cadre de deux bataillons d'officiers, et le cadre seulement d'un bataillon de sous-officiers et caporaux (2) ». Le 4 février, il insistait encore auprès de Napoléon sur la nécessité de ne pas s'illusionner : « Les divisions des

(1) L'Empereur au prince Eugène, Fontainebleau, 27 janvier (Correspondance, n° 19523),.. (2) Le prince Eugène à l'Empereur,, Posen, 31 janvier (Arch, nat., AFiv 1651 ; cité par Du Casse,, loc. cit., t. VIII, p.. 295). .


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nouveaux corps d'armée ne peuvent pas être formées telles que le désirerait Votre Majesté, puisqu'il ne reste plus à l'armée les cadres entiers des premiers bataillons, et qu'au lieu de cela, il ne reste, par régiment, qu'une ou deux compagnies. Je dois, à ce sujet, représenter à Votre Majesté que les régiments sont bien loin de pouvoir fournir les cadres de deux bataillons. La moitié de ceux du 4e corps, dont je connais particulièrement le détail, ne peuvent compléter le cadre d'un bataillon par corps, et ceux qui arrivent à le compléter n'enverront à leurs dépôts que deux ou trois officiers impotents et pas un seul sous-officier ni caporal.... Il ne faut donc point abuser Votre Majesté. Elle ne doit point compter trouver, dans ces régiments qui ont fait la campagne, d'autres ressources que les cadres d'un bataillon, tout compris (!)». A l'armée, le Major général, par lettres des 4, 11 et 16 janvier, avait transmis aux commandants des corps d'armée les premiers ordres de l'Empereur, tout en spécifiant que ceux-ci ne constituaient que des indications générales, modifiables suivant les événements. Le 1er février, le général Monthion rendait compte de son côté au maréchal Berthier, rentré en France, de l'impossibilité où l'on se trouvait de remplir les vues de Napoléon sur la constitution d'un bataillon par régiment, non seulement en hommes, mais aussi en cadres (2); après avoir en effet groupé tous les hommes valides de chaque régiment, et retenu les cadres nécessaires pour les quelques compagnies ainsi formées, on avait dirigé tout le reste sur Erfurt (3) ; Je 1er Corps avait ainsi renvoyé (1) Le même au même, Posen, 4 février (Arch. nat., AFivlôtil; Du Casse, ibid., p. 324).. (2) Le général Monthion au Major général, Posen, 1er février. (3) Le prince Eugène au général Doucet, au duc de Bellune, au prince d'Ecknruhl, Posen, 30 janvier. — Les cadres des 1", 2e, 4° et


'

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117.

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623officiers et 1,173 sous-officiers et soldats; le 2ecorps, 343 officiers et 918 sous-officiers et soldats ; le 3e corps, 189 officiers et 646 sous-officiers et soldats; la 12e division (9e corps), 40 officiers et 42 sous-officiers et soldats (1) ; le 4e corps, 449 officiers et 1,177 sous-officiers et soldats, dont 102 et 562 de la Garde royale italienne (2). Se fiant à ces chiffres, l'Empereur, informé que les 1ers bataillons n'avaient pu être réunis sur place qu'à raison d'une ou de deux compagnies, résolut aussitôt de reformer à Erfurt les citiq ou les quatre compagnies

5e divisions du 1" corps devaient atteindre Erfurt du 2 au 7 février ; ceux de la 5e division devaient, passer par Nordhausen et Langen-

salza. Les cadres du 2e corps devaient se porter sur Erfurt en trois colonnes, et atteindre Nordhausen respectivement les 9, 10 et 11 février. Ceux du 3e corps devaient arriver le 10 à Nordhausen. (1) Ces chiffres sont extraits d'états adressés à l'Empereur, le 10 février, par le duc de Bellune pour le 2° corps, par le général Monthion pour les autres corps et la 12° division du 9e corps (A.rch. nat., AFjv 1113). (2) Les cadres du 4° corps quittèrent l'armée en deux fois; une première colonne, partie pour l'Italie de Marienwerder, comprenait : Sous-officiers

Garde royale italienne 13» division 12« 1S«

— —

,

Officiers.

et soldats.

102 42 45

562 30 49

30

40

Une seconde colonne, dirigée sur Augsbourg au début de février pour l'organisation des 2mcs bataillons, était forte de : Sous-ofQciers Officiers. 13=

H° 1S«

division

— —

et soldats.

70 69

44B

91

183

148

(Situation adressée par le général baron de Laplane, Glogau, 30 janvier; le général'Monthion au Ministre de la Guerre, 7 février).


470

LA CAMPAGNE DE 1843.

417.

manquant à ces 1ers bataillons. Il suffisait pour cela d'arrêter à Erfurt, en sus des cadres destinés aux 2CS bataillons, ceux nécessaires à ces cinq ou quatre compagnies. L'ordre en fut aussitôt donné au général Doucet. Quant à la troupe, les dépôts n'auraient qu'à mettre en route, en sus des 700 conscrits destinés aux 2es bataillons, 500 autres conscrits (1). Les compagnies complémentaires des 1ers bataillons ainsi formées, rejoindraient ensuite leurs compagnies de tête dans les places de l'Oder (2). Mais ces nouvelles dispositions rencontrèrent aussitôt les plus sérieuses difficultés. En premier lieu, on s'aperçut que les cadres dont on avait besoin à Erfurt avaient déjà dû dépasser cette place et devaient être arrivés à Mayence ; en toute hâte, on prévint le duc de Valmy, commandant à Mayence, d'avoir à faire rétrograder sur Erfurt autant de cadres qu'il était nécessaire pour former les compagnies vacantes des 1ers bataillons. C'était se payer de mots. Car les chiffres relativement élevés, cités plus haut pour les cadres renvoyés sur Mayence, étaient loin de représenter leur effectif réellement utilisable. Ils comprenaient une proportion énorme de blessés, de malades, de gens incapables de servir ; on avait gardé à l'armée presque tout ce qui était en état de combattre. C'est ainsi qu'au 1er corps, sur 45 officiers et 291 hommes de troupe de la lre division dirigés sur Erfurt, 30 officiers et 63 hommes de troupe n'étaient aptes à aucun service ; à la 2e division, sur 101 officiers et 200 hommes, il y en avait 24 et 65 blessés ou éclopés ; quand ils arrivèrent à Erfurt, le général Doucet ne trouva dans ces deux

l°ïs bataillons du 11° léger, 21e et 26° de ligne, devaient se former à Cassel, comme les 2CS bataillons de ces mêmes régi(1) Les

ments. (2) Le Ministre de la Guerre au prince Eugène, Paris, 7 février.


117.

LA CAMPAGNE DE '4843.

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divisions que 31 officiers et 23 sous-officiers utilisables (1). Ces exemples suffisent à montrer l'impossibilité où se trouvait ce général de réaliser les vues de Napoléon. Au bout de peu de jours, l'Empereur est fixé sur ce point (2) ; il restreint alors son projet et décide qu'on.ne formera les 1ers bataillons à Erfurt que pour les régiments qui présenteraient des cadres suffisants (3). Mais la question des cadres n'est pas la seule difficulté; il s'agit de la formation même des nouveaux détachements de 500 hommes : les conscrits arrivent lentement, avec de forts déchets ; les dépôts ne pourront faire partir d'abord que des détachements de 300 hommes, que suivront ensuite deux détachements successifs de 100 hommes aussitôt qu'on aura pu les réunir; à la mi-février, plusieurs régiments sont même dans l'impossibilité de mettre en route le moindre détachement. En conséquence, les premières instructions sont modifiées de la manière suivante : les 1200 (700 500) hommes à diriger en détachements successifs sur les régiments de

+

(1) État des cadres des

2CS

bataillons à Erfurt, le 4 février oi-FiciEiis.

soos" OÏTJCIEHS.

léger 17° do ligne

8

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15e lé^er \ 2» division (i). 33e de liane '.'.'.'.'.'.'.'. I[ 48e i.o. •—

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division. ..) I ^

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TOTAUX

6

:

OBSEKVAlïOKS.

(1) Le régiment

espagnol ipsephNapoléon eut une organisation spéciale sur laquelle on re"™<ta plus

, tard.

(Rapport du général Doucet au Major général, Erfurt, 4 février). (2) L'Empereur au Ministre de la Guerre, Paris, 16 février (Correspondance, n° 19568). (3) Le Ministre de la Guerre au prince Eugène, Paris, 2J février.


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LA CAMPAGNE DE 1813.

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la Grande Armée seront incorporés d'abord aux 2es bataillons, qui seront complétés, avant toute chose, à 840 hommes. On formera ensuite autant de compagnies du 1er bataillon qu'on aura de fois 140 hommes disponibles, et on les enverra, l'une après l'autre, dans les places de l'Oder (1). Enfin, le 23 février, le duc de Feltre, sur une lettre du Vice-Roi du 14 février, se décide à démontrer à l'Empereur l'impossibilité de compléter non seulement les cadres des 1ers bataillons à quatre compagnies, mais même les cadres des 2CS bataillons ; il lui propose d'abandonner purement et simplement la

reconstitution des 1ers bataillons, et de contremander le mouvement prescrit pour les détachements de 500 hommes (2). L'Empereur se rallie à cette proposition : on se contentera de poursuivre la formation à Erfurt, Cassel et Augsbourg, des 2es bataillons, prescrite antérieurement. On a pu suivre ici, sur ce cas particulier, les modifications incessantes imposées à la pensée de l'Empereur dans ses plans de réorganisation; c'est au jour le jour qu'il est renseigné ; chaque courrier détruit une illusion ; chaque jour il doit abandonner quelqu'une de ses conceptions premières ; il s'y résigne sans opiniâtreté, se pliant aux nécessités, et imaginant aussitôt d'autres mesures pour obtenir quand même le résultat auquel il tend sans relâche. C'est ainsi qu'on peut assister parallèlement aux transformations successives qu'il fait subir à l'organisation des régiments de l'armée d'Allemagne. Ses premières instructions avaient prévu leur reconstitution à quatre bataillons : le l01', sur place, avec

(1) Le Ministre de la Guerre au duc de Padoue, Paris, 16 février. (2) Le Ministre de la Guerre à l'Empereur, Paris, 23 février; le môme au prince Eugène, Paris, 28 février.


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les débris; le 2e, à Erfurt, avec 700 conscrits de la classe 1813 ; les 3e et 4e, aux dépôts, au moyen de l'excédent de cadres attendus d'Allemagne, et de la levée des quatre classes. Quant aux conscrits de 1814, à appeler un peu plus tard, ils devaient entrer dans les 6es bataillons bis, dont la formation avait été ordonnée récemment, et qui prendraient le n° 6 (1). Puis, le 9 février, en présence des difficultés signalées, l'Empereur renonce à avoir quatre bataillons à l'armée ; il se contentera de trois ; les 1er et 2e, formés comme il vient d'être dit, le 4e, qui sera tiré du.6e bis actuel et se mettra en mouvement en mars; tout ce qui restera alors au dépôt comme cadres provenant des anciens 3% 4e et 6e bataillons formera le nouveau 3e bataillon, qui, composé des conscrits de 1814, sera affecté à la défense des côtes. Le 5e bataillon restera bataillon de dépôt. Delà sorte, les vingt-huit régiments français des trois premiers corps seront reformés à cinq bataillons, dont trois à l'armée (2). Enfin, troisième phase, abandon du projet de formation des compagnies vacantes des 1er6 bataillons, qui resteront provisoirement à une ou deux compagnies (3). Bien qu'il ne soit pas question d'exposer ici l'ensemble des mesures de réorganisation de la Grande Armée (4), on a voulu indiquer, par ces quelques détails, l'immensité du labeur entrepris par l'Empereur, par ses ministres, par les bureaux, la complication de ce labeur, avec les modifications incessantes apportées à chaque mesure

(1) L'Empereur au Ministre de la Guerre, Fontainebleau, 23 janvier (Corresjjondance, n° 19482). (2) Le môme au même, Paris, 19 février (Correspondance, n° 19559); Le Ministre de la Guerre à l'Empereur, Paris, J3 février. (3) Le Ministre de la Guerre au prince Eugène, Paris, 28 février. (4) Cette question fera l'objet d'une étude spéciale, actuellement en

préparation à la Section historique.


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arrêtée, avec les échanges, à cinq ou six journées de poste, d'ordres et de comptes rendus qui souvent se contrariaient. Si l'on songe qu'un travail du même genre se poursuivait pour chaque subdivision d'arme, pour chaque branche de l'administration, que pas une décision ne pouvait être prise sans être précédée de la confection de situations détaillées dont les éléments arrivaient heure par heure, et qui comptèrent jusqu'à cent colonnes, que souvent l'Empereur demandait, sous vingt-quatre heures, les états les plus compliqués présentant les renseignements les plus inattendus, on se fera une idée encore bien affaiblie du formidable effort accompli, sous l'impulsion de ce prodigieux cerveau, par les bons serviteurs qui y consumaient leurs jours et leurs nuits, et que le bref éloge attendu avec angoisse des lèvres du maître ne venait pas toujours récompenser. .... Mais, à cette époque héroïque, si la lassitude commençait à gagner la nation dans ses classes les plus aisées et l'armée dans ses rangs les plus élevés, l'esprit du devoir n'avait pas faibli et soutenait toujours tant d'exécutants modestes dans leur travail obscur, comme il enflammait leur courage sur les champs de bataille. Utilisant tout ce qu'ils avaient conservé d'hommes valides, tout ce qui sortait peu à peu des hôpitaux ou rejoignait par des raisons diverses, incorporant les ressources amenées par les dernières colonnes de renforts qui arrivaient encore à Berlin, à Magdebourg, à Mayence (1), les anciens corps poursuivaient, pendant (1) Dès le début de janvier, on avait arrêté au Rhin tous les détachements de renfort en mouvement des dépôts sur la Grande Armée, qui se trouvaient encore en deçà de ce fleuve (Le Ministre de la Guerre aux Commandants des divisions militaires, Paris, 6 janvier). -


417.

LA CAMPAGNE DE 4813.

47S

leur marche vers leurs garnisons de l'Oder, leur réorganisation provisoire. Us reçurent à ce moment l'appoint

des compagnies des vaisseaux. On se souvient (1) que l'Empereur avait fait débarquer les compagnies des 5es bataillons laissées à la garde des navires dans les principaux ports, et que les deux premières formations de marche composées avec ces éléments — le régiment de l'Escaut, et le bataillon du Texel — avaient atteint, le premier Spandau le 28 décembre, le second Berlin le 10 janvier. Cette troupe produisait la plus mauvaise impression. La plupart des officiers étaient de vieux militaires, infirmes et servant à regret, les autres se montraient insouciants et apathiques. Les hommes, vieux soldats, vigoureux et capables d'un bon service, étaient les plus mauvais sujets des régiments qui les avaient fournis ; leur régime à bord, sous des chefs peu appropriés à ce commandement, avait favorisé parmi eux le relâchement de la discipline; leur tenue, comme leur instruction, laissait à désirer (2). Aussi les commandants de places faisaientils tous leurs efforts pour ne pas voir constituer leurs garnisons au moyen d'une telle troupe « plus dangereuse qu'utile dans une place où l'on aurait besoin de l'employer » ; le régiment de l'Escaut venait de relever à Spandau deux bataillons de la 30e division (Heudelet) (3), et le bataillon du Texel avait été mis en marche sur Glogau. Ce fut alors que l'Empereur décida de dissoudre ces unités de marche,; et d'en verser les compagnies dans

(1) Campagne de 1813, les Préliminaires, t. I, chap. II, p. 148. (2) Rapport au duc de Castiglione, Berlin, 7 janvier; Rapport du gouverneur de Custrin, Custrin, 20 janvier. (3) Il s'agit de bataillons qui n'avaient pu atteindre à temps Danzig et Kônigsberg avec le gros de cette division (Gampagne de 1813, les

Préliminaires, t. I, chap. II, p. 151).


476

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les corps d'armée aux régiments desquels ils comptaient (1); après cette incorporation, leurs cadres devaient être renvoyés en France (2) ; d'autres compagnies de pareille provenance, portant le n° 2 de ces mêmes 5es bataillons, arrivées à Mayence, furent formées également en bataillons de marche, et dirigées sur le corps d'avant-garde et sur le 4e corps (3). Après ces incorporations, et les remaniements divers faits dans leur organisation, on trouve les anciens corps (1) Note de l'Empereur au Ministre de la Guerre, du 25 janvier. — Les compagnies de vaisseaux remises à la disposition de l'armée de terre formaient un to.tal de 100 officiers et 5,290 hommes (dont 790 aux hôpitaux). Le Ministre proposa à l'Empereur la formation de nouveaux bataillons de marche, correspondant aux corps de la Grande Armée, savoir : environ 680 hommes au 1er corps, 470 au 2e corps, 1,000 au 3e corps, 640 au 4° corps, 1.310 aux 30e, 31°, 34e et 3o° divisions, 2.180 provenant des régiments n'ayant rien à la Grande Armée (Le Ministre de la Guerre à l'Empereur, Paris, 26 janvier). (2) L'Empereur au Ministre de la .Guerre, Paris, 30 janvier; le prince Eugène au duc de Castiglione, Posen, 31 janvier. (3) Dissolution du régiment de marche de l'Escaut : tout ce qui appartient aux 5eB bataillons des régiments des 1er et 3e corps sera versé dans leurs bataillons respectifs. La compagnie du 28e sera versée au 4°, celle du 55e au 18e, celle du 65e restera à Custrin. Dissolution du bataillon du Texel: les compagnies du 123e et du 124e seront versées à leurs régiments; celle du 125e attendra à Custrin l'arrivée du 134e (corps de l'Elbe); celle du 126° sera versée aux 123°, 124°, etc., qui ont reçu les débris du 126°. Le duc de Yalmy a ordre de diriger : sur Custrin, pour de là rejoindre leurs régiments respectifs à la Grande Armée, les 2es compagnies des 5e 5 bataillons des 4e et.46e, qui sont à Mayence; sur Glogau, au 4e corps, un bataillon de marche, dit du 4° corps, formé des semblables compagnies des 9e, 35°, 53e et 106°, aussi à Mayence (mouvementexécuté le 12 février); sur Spandau, sous les dénominations de « bataillons de marche de la 31e division », de semblables compagnies des 3e, 5°, 16°, 24e, 59e, 79e, 81e, 105°, 112e, pour rejoindre leurs bataillons respectifs aux 30e, 31e, ou 35e divisions. On dirigeait aussi sur Bamberg un bataillon de marche du corps d'observation d'Italie, composé des compagnies des 7°, 10e, 13e, 20e, 42e, ;


117.

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477

d'armée, vers le milieu de février, dans la situation suivante. Le 1er corps avait été le plus favorisé sous le rapport des effectifs ; mais il était loin d'être en bon état au point de vue sanitaire. En dehors des.nombreux éas de congélation que l'on soignait encore, près d'une centaine d'officiers, dont trois généraux, avaient pris la fièvre maligne. Le corps avait été affaibli par la nécessité de laisser à Thorn la 4e division. Le prince d'Eckmùhl était néanmoins parvenu à former, sur les lre, 2e, 3e et 5e divisions, trois bataillons, forts le 20 janvier, au départ de Thorn, de 62 officiers et 1,583 hommes d'infanterie ; ils avaient avec eux une batterie mobile de dix pièces de 6, servie par 4 officiers; 14 sous-officiers et 71 soldats. Ils avait marche d'abord sur Posen; là, Davout apprit, le 29 janvier, qu'au lieu de Custrin, il devait gagner Stettin, et dut modifier son itinéraire en conséquence, de manière à être rendu le 7 février à destination (1). Le 2e corps, primitivement destiné à Stettin, puis affecté à Custrin, arriva dans cette dernière place le 21 janvier. Le duc de Bellune y prit le commandement du 2e et du 3e corps, et s'occupa sur-le-champ du travail de séparation des cadres, et de la constitution des bataillons provisoires à l'aide des hommes disponibles. Il parvint à organiser trois faibles bataillons, comprenant 54 officiers et 1,883 sous-officiers et soldats, sous les ordres du major en second Dury, du 37e régiment. L'un de ces bataillons occupa Custrin, les deux

52e, 67e, 101e, 102° (tirées du régiment de marche de Toulon) : il devait arriver à destination le 2 mars (Le Ministre de la Guerre au prince Eugène, Paris, 6 février). (1) Itinéraire du 1er corps de Posen à Custrin : Zirke, Schwerin, Landsberg, Soldau, Kônigsberg, Schwedt.


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LA CAMPAGNE DE 1813.

N» -M7.

autres furent cantonnés en arrière, aux environs de Seelow (1). Le 3e corps, arrivé à Custrin le 24 janvier, n'avait pu former que deux bataillons, à l'effectif de 43 officiers et 989 hommes, sous le commandement du major Favanges, du 24e léger. Le 1er bataillon fut cantonné à Seelow avec les deux premiers bataillons du 2e corps; le 2e bataillon fut placé à Custrin pour en renforcer la garnison insuffisante. Mais le S février, en vertu de nouvelles instructions du Vice-Roi en date du 3 février, le duc de Bellune réunit dans Custrin les trois bataillons du 2e corps et mit en marche sur Spandau les deux bataillons du 3e. Les compagnies des vaisseaux vinrent alors renforcer ces éléments, ainsi qu'on l'a vu pour le 1er corps (2). Enfin, le duc de Bellune était avisé deux

(1) Les deux premiers bataillons, cantonnés en arrière de Seelow, étaient composés d'hommes hors d'état de rendre aucun service, pour le moment du moins, et le duc de Bellune demandait qu'on leur assignât de bons cantonnements où ils pussent se refaire, à Spandau, par exemple (Le duc de Bellune au Major général, Custrin, 28 jan-

vier). (2) Détachements provenant des garnisons des vaisseaux à incorporer dans les 2e et 3e corps : COMPAGNIES.

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N» -117.

LA CAMPAGNE CE ^S-l3.

479

jours plus tard de la réunion définitive du 3e corps au 2e, formé à deux divisions de sept régiments chacune, chaque régiment à deux bataillons, indépendamment des Illyriens et des Suisses (1). Le 4e corps, d'abord acheminé de Posen sur Glogau, quitta ses cantonnements autour de cette dernière place, à la fin de janvier, pour aller s'établir dans les cercles de Liegnitz, de Steinau et de Liiben (2). Ses régiments avaient été réduits à un bataillon ; ceux de la Garde

royale à deux compagnies ; les cadres mêmes de ces formations provisoires étaient incomplets (3). Il fut rejoint le 4 février par un détachement. de troupes badoises venant de Berlin, fort de 1,060 hommes, qui s'installa à Liegnitz. Ce corps était commandé provisoirement par le général Marchand (4) qui, ayant reçu le 30 janvier l'ordre de réduire chaque division à un bataillon, organisa trois bataillons, à l'effectif total de 62 officiers et 1,770 hommes de troupe (5). Ce corps était, comme les autres, dans une situation médiocre. A Glogau, les entrées à l'hôpital s'élevèrent à cent par jour ; la solde était due pour plus de six mois de 1812; on ne pouvait, faute de fonds, pourvoir à l'habillement ni à l'équipement. L'état d'esprit laissait à désirer, et des soldats murmuraient (6). En vertu des ordres du 3 février, le

(1) Le Major général au duc de Bellune, Posen, 4 février. (2) La 13e division à Liegnitz et environs, la 14° division à environs, la 11e division à Lûben et environs.

Steinau et

Les hôpitaux de Glogau contenaient 288 fusils qui furent distribués, et chaque homme était pourvu de 15 cartouches (Le général Guilleminot au Major général, Glogau, 29 janvier). (3) Le général Guilleminot au Major général, Glogau, 26 janvier. (4) Le général Marchand, qui avait commandé la division Loison de ïilsit à Danzig, arriva, le 25 janvier, au 4e corps, pour en prendre le

commandement. (5) Le général Marchand au Major général, Glogau, 30 janvier. (6) Renseignement porté sur la situation du 4° corps au 18 février.


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ne forma plus, comme les autres, qu'une division, affectée à la défense de Glogau ; il fut renforcé également p au les détachements provenant des compagnies des vaisseaux du régiment de marche de l'Escaut, du bataillon du Texel et du régiment de marche de 4e corps

Toulon (1).

En résumé, après l'incorporation des compagnies des vaisseaux, le 1er corps allait occuper Stettin avec trois bataillons et 2,190 hommes, le 2e corps, Custrin avec trois bataillons et 2.31b* hommes, le 3e corps, Spandau avec deux bataillons et 1,400 hommes, le 4e corps, Glo-

(1) Le 4e corps reçut ainsi un premier détachement du bataillon de marche du Texel et, le 14 mars, un second détachement de 11 officiers ' et 518 hommes des 9e, 35e, 53e, 106e de ligne, faisant partie du régiment dé marche de Toulon envoyé de Mayence. Le bataillon de marche du Texel comprenait quatre compagnies des o0B bataillons des 123°, 124°, 125e et 126e de ligne : 423e de ligne, 1 compagnie du 5e bataillon 424" 1 — — — 425° — 4 — — 426° — 1 — — TOTAUX

Officiers.

Hommes.

3 3

432 85 64 97

8

348

4

4

Ces compagnies, comme celles du régiment de l'Escaut, avaient reçu les plus mauvais sujets des régiments, et laissaient également à désirer

sous le rapport de l'instruction et de la discipline. Ce bataillon fut dissous comme l'avait été le régiment de l'Escaut. Les soldats des 123° et 124e, qui auraient dû être versés au 2e corps dont faisaient partie les deux régiments, ne purent l'être par suite du manque de cadres, et on les versa dans les bataillons de ces mêmes corps qui faisaient partie de la 12e demi-brigade, à la 31e division; il en fut de même de la compagnie du 125°. Enfiu, par suite de la suppression du 126e, ce qui restait de ce régiment à. la 12e division d'infanterie ayant été incorporé au 406° au 4e corps, la compagnie des vaisseaux du 126° fut dirigée sur Glogau pour avoir le'même sort (L'Empereur au Ministre de la Guerre, Paris, 30 janvier, Correspondance, n° 19523; Le prince Eugène au due de Castiglione, Posen, 31 janvier).


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gau avec trois bataillons, plus 1,100 Badois, formant un total de 3,000 hommes (1).

Le resserrement des cadres ne s'était pas seulement effectué dans ces quatre premiers corps d'armée. L'Empereur l'avait aussi prescrit pour les divisions Loison, ïïeudelet et Durutte, sur les mêmes bases (2). Mais, à la division Loison, il n'existait, le 7 janvier, que 30 officiers et 437 hommes (3). On se contenta d'en former un bataillon, en versant tous les existants dans le 3e bataillon du 113e de ligne, formé à quatre compagnies seulement (4). Quant à la division Durutte, le Major général avait donné ordre, le 16 janvier, que l'on envoyât en France les cadres des 4es bataillons du 36e léger, des 131e, 132° et 133e de ligne, en faisant passer les hommes disponibles de ces bataillons dans les autres (S). Les cadres renvoyés par la division Durutte quittèrent Varsovie le 27 janvier, pour arriver à Mayence le 16 mars (6). Dans ce qui précède, on ne s'est pas occupé des régi(1) Le prince Eugène à l'Empereur, Posen, 1er février (Àrch. nat., AFiv 1651; Du Casse, loc. cit., t. VIII, p. 309). (2) Le Ministre de la Guerre au Major général, Paris, 12 et 13 janvier. (3) Les 3es bataillons des .3°. et 105° de ligne, destinés à cette division, avaient élé retenus par Davout et ensuite versés à la division

Gîrard (lre du corps d'observation). (4) Le général Monthion au prince Eugène, Posen, 10 janvier. (5) Les 36e léger, 131e et 134° de ligne, qui avaient leurs 2e, 3e et 4e bataillons à la division Durutte, ne présentaient que 1,000 à î,200 hommes par régiment; le 133e de ligne, qui avait quatre bataillons à l'armée, avait un effectif total de 1,600 présents. Le 35e léger, n'ayant, que deux bataillons à l'armée (1er et 2e), avec un effectif total de 4,100 hommes, l'ut laissé tel quel (Le Major général au général Reynier, Posen, 16 janvier). (6) Les cadres de la 36e division comprenaient 75 officiers, 306 sousofiieiers et soldats (Arch. nat., AFiv 1115). Rev.

Ilisl.

31


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ments étrangers, qui avaient fait partie des corps de la Grande Armée (1 ). Le 4 février, l'Empereur avait prescrit à leur sujet les mesures générales suivantes (2). Avec les ressources supposées disponibles, le Yice-Roi devait former au 3e corps un bataillon portugais de 400 hommes, et au 2° corps un ou deux bataillons suisses. Tout le reste — cadres et troupe des régiments espagnols, portugais, suisses, illyrien, croates — devait être envoyé à Erfurt au général Doucet, qui en tirerait autant de bataillons que possible. Le projet de Napoléon était, à ce moment, de former une division composée des ,123e, 124e, 127e, 128° et 129e régiments (3), des

(!) Ces régiments étaient affectés : Le lel portugais au oe corps, 10e division; Le 2e portugais au 3e corps, 11e division ; Le 3e portugais au 2e corps, 6e division ; Les 1er, 2e, 3e, A" suisses au 2e corps, 9" division.; Le 1er provisoire croate au 4e corps, 13e division ; Le 3e provisoire croate au 2° corps, 9B division ; Le régiment d'Ulyrie au 3e corps, 10° division ; !Les 2e et 3e bataillons au 1er corps, 2e division ; Les 1er et 4e bataillons au 4° corps, 14e division ; Le régiment de Mecklembourg au 1er corps, 5° division ; Le 2e régiment d'infanterie de Bade au 1er corps, l 10 division. (2) L'Empereur au Ministre de la Guerre, Paris, 4 février (A. H. G. — N. P. dans la Correspondance). (3) Napoléon avait prescrit de verser tout ce qui restait de ces cinq régiments dans leurs 3es ou Als bataillons, qu'il supposait présents à la 31e division (Lagrange), et de renvoyer à Erfurt tous les cadres des bataillons qui avaient appartenu à la Grande Armée ; il comptait de la sorte former à Erfurt douze bataillons, au moyen des conscrits tirés de leurs dépôts de France. Mais seuls les 123e et 124e de ligne avaient leur 3e bataillon à la 31e di"ision, et il n'en restait plus rien à la Grande Armée. Quant au 127e, il ne comptait plus que 32 hommes, qu'on avait réunis à son 3° bataillon dans la division Gérard. Enfin, les


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Suisses, des 35e et 36e légers, des 31e, 32e et 33e de ligne, et des régiments illyrien et croates. Ce projet se trouva inapplicable en ce qui concernait les régiments étrangers. Certains de ceux-ci, les Espagnols et les Portugais notamment, avaient donné des mécomptes, aussi l'Empereur décidà-t-il de ne plus recruter de ces soldats et de se contenter de former, avec ce qu'en conservaient les dépôts, deux bataillons, l'un de guerre, l'autre de dépôt (1). Ce qui revenait de Russie était réduit à peu de chose : il ne subsistait du régiment espagnol qu'une compagnie de 160 hommes, résidu des quatre bataillons attachés aux 1er et 4e corps; affectée au 4e corps, elle reçut l'ordre du prince Eugène de gagner Erfurt, mais resta bloquée dans Glogau ; les cadres disponibles du régiment, 5 officiers et 10 sous-officiers, étaient partis de Glogau le 4 février pour Mayence ; on les envoya de là à Coblence, où l'on organisa un 2e bataillon avec 750 hommes envoyés du dépôt (2). Les trois régiments portugais réunirent en tout et envoyèrent à Erfurt 37 officiers et 216 hommes de

et 129e avaient leur 3e bataillon au 2e corps; quant aux cadres, ils avaient été renvoyés sur Mayence. Les dépôts de ces cinq régiments disposaient à ce moment de 3,030 anciens soldats, il leur manquait encore 6,055 hommes pour former les douze bataillons à 840 hommes. Le Ministre proposait de les prendre dans les 17e, 29e, 30°, 31e et 32e divisions militaires, où une levée de 9,510 hommes, d'abord prescrite, avait été suspendue (L'Empereur au Ministre de la Guerre, Paris, 4 février; Le Ministre à l'Empereur, Paris, 9 février). Ces douze bataillons, dans la composition de l'armée arrêtée plus tard, formèrent la 41e division à Erfurt. (1) L'Empereur au Ministre de la Guerre, Paris, 8 février (Corres128e

pondance, h° 19549). (2) Le Ministre de la Guerre au prince Eugène, Paris, 10 février; le prince Eugène au Ministre de la Guerre, Meseritz, 16 février ; le Ministre de la Guerre à l'Empereur, Paris, 5 mars.


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"

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troupe (1). Au dépôt de Grenoble, sur 680 présents il y avait 60 hommes disponibles. Le reste était bon pour la retraite ou la réforme ou se trouvait aux hôpitaux (2). Les Suisses, qui avaient rallié à Marienburg 11, 70, 87 et 83 hommes pour leurs quatre régiments (3), avaient suivi le 2e corps dans sa marche sur Custrin. Après renvoi de leurs cadres, il resta à l'armée S officiers et 1S3 hommes, dont on forma deux compagnies ; on joignit à celles-ci la compagnie suisse qui arrivait avec la 18e demi-brigade (division Grenier); le 2e corps garda donc à Custrin trois compagnies suisses, comprenant 234 soldats (4) ; on était loia des deux bataillons prévus par l'Empereur. Les deux régiments croates avaient formé deux compagnies, fortes ensemble de 7 officiers et 314 hommes ; un détachement de marche de 1,000 hommes étant arrivé de Vérone, on l'utilisa pour organiser deux bataillons provisoires, rattachés au 4e corps à Glogau ; les cadres en excédent (40 officiers et 87 sous-officiers) furent dirigés de Glogau sur Mayence et sur Yérone (S). Enfin, du régiment d'Illyrie, il n'existait plus à la Grande Armée qu'une compagnie de 47 hommes ; les cadres (28 officiers et 64 hommes) avaient été mis en route sur Mayence (6); on réunit cette compagnie à deux (1) Le général Monthion au prince Eugène, Posen, 11 février; ordre

du prince "Eugène, Bythin, 12 février; le prince Eugène au Ministre de la Guerre, Meseritz, 16 février. (2) Le Ministre de la Guerre à l'Empereur, 26 février. (3) Campagne de 1813, Les Préliminaires, t. 1, chap. II, p. 123. (4) Le prince Eugène au Ministre de la Guerre, Meseritz, 16 février. (5) Le général Monthion au prince Eugène, Posen, 11 février ; le Ministre de la Guerre au prince Eugène, Paris, 19 février; le prince Eugène au Ministre de la Guerre, Mt-seritz, 16 février. (6) Le général Monthion au prince Eugène, Posen, 11 février.


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autres compagnies, fortes de 600 hommes, qui faisaient parlie de la division Grenier, et on plaçale bataillon ainsi formé à la division du 2e corps à Custrin (1) ; 700 conscrits envoyés du dépôt d'illyrie, formèrent, avec les cadres ci-dessus, un 2e bataillon qui se réunit à Coblence (2). Quant aux débris du 2e régiment de Rade et du régiment de Mecklembourg-Schwerin et de Strélitz, ils étaient retournés dans ces duchés. Telles étaient, dans leur ensemble, les mesures prises aux anciens corps de la Grande Armée, pour satisfaire au double désir de l'Empereur : organiser, avec les débris rassemblés, le plus de forces actives possible; tirer de ces débris le plus de cadres possible pour contribuer en arrière aux nouvelles formations ; la pénurie des cadres se faisait en effet cruellement sentir en France : « C'est de cadrés que nous manquons », répétait l'Empereur à chaque courrier (3) ; « rien ne manque, ni hommes, ni argent, ni bonne volonté, mais il nous faut des cadres » ; « des généraux, des officiers, des cadres, voilà ce dont nous avons besoin ; je ne puis donc que vous réitérer l'ordre positif de renvoyer tous les généraux, adjudants-commandants et officiers d'étatmajor inutiles ; de renvoyer tous les cadres inutiles, soit d'infanterie, soit de cavalerie, tous les cadres du train (1) Le prince Eugène au Ministre de la Guerre, Meseritz, 16 et 17 février. — Il existait à la 15e demi-brigade de la 36° division (Charpentier), un bataillon de Suisses du 1er régiment et dTllyriens. Ce bataillon fut dissous à Custrin le 16 février, et ses éléments, réunis aux compagnies de marche constituées à Custrin et à Spandau, entrèrent dans les divisions du 2e corps à Custrin. (2) Le Ministre de la Guerre à l'Empereur, Paris, 24 février; rapport du général Arrighi, Erfurt, 13 mars. (3) L'Empereur au Major général, au prince Eugène, au Ministre de la Guerre, janvier-février (Correspondance, passim).


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d'artillerie (1) » ; « il y a en ce moment 1,500 hommes à chaque dépôt de la Grande Armée, habillés, équipés et en bon état ; tout cela a besoin d'officiers et de sousofficiers (2) ». Quelque mauvais que fussent aussi les renseignements envoyés par le prince Eugène, le duc de Valmy et d'autres encore sur l'état d'esprit des éléments survivants que tous représentaient comme d'un exemple dangereux pour les conscrits, Napoléon ne désespérait nullement de les bien utiliser : « Après six semaines de séjour en France, écrivait-il (3), tout cela reprendra son énergie ordinaire », et il multipliait ses ordres pour leur renvoi immédiat. Mais, pour les raisons qu'on a données, les mécomptes furent nombreux de ce côté, et les ressources tirées de l'armée d'Espagne ne suffirent pas à suppléer à la pénurie des cadres rentrés de Russie ; il fallut recourir aux expédients les plus divers : fournées de Saint-Cyriens, de caporaux nommés sous-lieutenants, de vieux officiers rappelés à l'activité. La question de l'encadrement devait être un des points faibles de la nouvelle organisation. Quoi qu'il en fût, dès le 3 février, le général Doucet était parvenu tant bien que mal à mettre sur pied à Erfurt les cadres de quatorze 2es bataillons (4). La

(1) L'Empereur au Major général, Paris, 11 janvier (Correspondance, n» 19439). (2) L'Empereur au prince Eugène, Fontainebleau, 23 janvier (Ibid., n<> 19491). (3) Le même au même, Fontainebleau, 22 janvier (N. P.). (4) Le général Doucet au Major général, Erfurt, 16 février : Régiments.

24" léger

»

2° de ligne 4e —

9.8"

"...

Officiers:

Troupe.

15 44 23 49 44

38 32 84

49 3U


487

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447.

moyenne des officiers, qui variait entre quinze et vingt, et celle des cadres inférieurs, qui oscillait entre quarante et cinquante, était à peine suffisante, et la preuve était bien faite, dès ce moment, que la formation, escomptée par l'Empereur, d'un cadre pour les 1ers bataillons, était impossible (1); on a vu que le Ministre avait fait abandonner alors cette mesure ; la pénurie était si grande que, malgré les ordres formels donnés de Paris, on dut retenir à Erfurt une partie des cadres de conduite des détachements de 700 hommes. Quant aux conscrits composant ces détachements, si l'on avait prévu qu'ils devraient n'être mis en route qu'au bout d'un mois de présence, bien pourvus de tout, et exercés au tir, la rapidité avec laquelle les dépôts avaient dû les expédier, avait fait perdre de vue en partie ces recommandations; beaucoup d'effets, souliers principalement, soit qu'ils fussent de mauvaise qualité, soit qu'on les ait distribués déjà usagés, Leipzig, Erfurt l'arrivée à plus rien à à valaient ou ne où d'ailleurs on manqua d'argent pour en acheter

Régiments.

19° de lignée 37«

46°

57° 61° 72°

93° 414° 25°

— — — —

_ —

..

Officiers.

Troupe.

49 20 44 8

62 88 84i

17.

21:

14

21

34

17

34

10

26:

48

16

— (1) A la date du 25 février, le général Arrighi, dans une lettre au Ministre de la Guerre, le félicitait de la mesure prise de ne former que des 2es bataillons à Erfurt. Il n'y avait en effet dans cette ville que les cadres de 4 compagnies du 7e de ligne, des 61e et IIIe de ligne, cadres incomplets du reste et que l'on serait obligé d'utiliser pour compléter les 2es bataillons (Le général Arrighi au Ministre de la Guerre, Erfurt, 23 février).


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488

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d'autres (1), et l'on se trouva à court de poudre et de cartouches (2). Tous ces 2es bataillons étaient destinés à former, groupés deux par deux, des régiments provisoires. On étudiera, plus tard, quand il sera question des forces rassemblées sur l'Elbe, la manière dont ces bataillons furent répartis, pour former les nouveaux 1er et 2e corps, et utilisés dans la suite des opérations. (A suivre.)

F. R.

titre d'exemple, on donne ici l'extrait suivant d'une lettre du duc de Padoue au Ministre, relatif au cadre du 2e bataillon du 85e de ligne : « Son cadre en sous-officiers est le plus faible de tous ; il n'en a que 6 dont 2 adjudants, ce qui m'a déterminé à garder 6 sergents et 6 caporaux sur ceux qui ont amené les conscrits, malgré les ordres du (1) A

Ministre. Cela devenait impossible pour le 85e, et les 12 sous-officiers pris à son dépôt sont plus qu'insuffisants pour l'organisation de ce bataillon. Je prie Votre Excellence d'avoir égard à cette pénurie extraordinaire et de lui faire donner au moins 12 sergents et 24 caporaux. .. Le repos prescrit aux hommes venant de France à Erfurt et à Leipzig est nécessaire pour remplacer les effets et les souliers usés pendant la route, mais il nous faut pour cela de l'argent pour acheter le nécessaire, faute de quoi les mesures prescrites par l'Empereur seraient sans effet » (Le général Arrighi au Ministre de la Guerre, Erfurt, 25 février). (2) « L'espèce d'hommes envoyés en Allemagne est belle, mais l'instruction peu avancée» ; pour distribuer à chaque homme partantd'Erfurt 80 cartouches, ainsi que le prescrivit le prince d'Eckmûhl, le général Arrighi fut obligé de prendre sur l'approvisionnement de siège de la place, approvisionnement déjà insuffisant. Chaque homme n'avait reçu, en franchissant le Rhin, que trois paquets de cartouches nu lieu de cinq (Le général Arrighi au Ministre, Erfurt, '2o février). En mars, le duc de Bellune demandait de la poudre pour ses exercices à feu, n ces exercices étant trop essentiels pour être négligés » (Le duc de Bellune au Ministre de la Guerre, Leipzig, 3 mars).


LA GUERRE DE 1870-1871 LA DÉFENSE NATIONALE EN PROVINCE

Mesures générales d'organisation.

CHAPITRE XI. Services administratifs (suite). §

4. — Habillement. Équipement. Campement.

Il n'a pas été possible d'établir exactement les ressources en habillement, équipement et campement qui, vers le 18 septembre 1870, restaient disponibles dans les départements non envahis. Il semble qu'au début, les approvisionnements des dépôts des corps aient été suffisants pour qu'on puisse disposer encore d'un important matériel, après avoir subvenu aux besoins des premières troupes de l'armée régulière mise sur pied. A ce moment, cependant, les effets d'équipement et de campement et certains effets d'habillement, tels que les capotes et les manteaux, commençaient à faire défaut (1). L'administration de la Guerre disposait, pour la confection des effets, des ateliers régimentaires des corps de Rapport établi par le Général commandant la 13e division militaire, en exécution de la circulaire du 26 octobre 1870, Bayonne, 11 novembre. (1)


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troupe et de cinq ateliers civils organisés avant la guerre à Marseille, Lyon, Toulouse, Rennes et: Lille. Les ateliers régimentaires reçurent un développement considérable. On y versa tous les gardes nationaux mobiles et mobilisés exerçant les professions de tailleurs et de cordonniers,; susceptibles de rendre des services. Au cas où les locaux militaires qui leur étaient affectés deviendraient insuffisants, les généraux commandant les divisions de l'intérieur devaient demander à l'autorité civile d'en mettre de plus spacieux à leur disposition ; au besoin, ils pouvaient les requérir (1). Malgré les obstacles et les retards occasionnés par les changements forcés de garnison des dépôts, les ateliers régimentaires habillèrent et équipèrent 450,000 hommes du 15 octobre 1870 au 31 janvier 1871. A la fin de la campagne, ils pouvaient confectionner, par mois, au moins 150,000 effets d'habillement et 100,000 paires de souliers et bottes. Les ateliers civils de la Guerre produisaient 400,000 effets d'habillement par mois, mais ils n'étaient pas organisés pour la fabrication de la chaussure militaire. II fallut donc, pour se procurer ces derniers effets, s'adresser à des ateliers civils privés. Or, la mobilisation des gardes nationales mobile et mobilisée avait enlevé à ces ateliers la majeure partie de leurs ouvriers, que l'on ne pouvait, comme pour l'habillement, remplacer par des femmes. Dans ces conditions, l'administration de la Guerre ne parvint pas à obtenir plus de 150,000 paires de chaussures par mois (2). (1) Le Ministre de la Guerre aux Généraux commandant les divisions de l'intérieur et aux Intendants militaires des divisions de l'intérieur, Tours, 3 décembre. (2) Rapport sur les opérations du service de l'habillement et du campement du 14 septembre 1870 au 31 janvier 1871. —Toutefois, en février 1871, l'administration pensait, en offrant des marchés à long


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On n'avait d'ailleurs pas hésité à faire partout un

large appel, au concours de la main-d'oeuvre privée oour la confection des effets de toutes sortes (1). Dès le début de la guerre, des industriels avaient reçu d'importantes commandes ; d'autres leur furent encore confiées plus tard (2). Des achats urgents furent effectués en Angleterre (3). Les approvisionnements de la marine

terme à Marseille, Toulon et Nantes, obtenir, en cas de continuation des hostilités, 200,000 à 300,000 paires de chaussures par mois. (1) Le Général commandant la 10e division militaire au Ministre de la Guerre, Montpellier, 10 novembre ; Le Général commandant la 16° division militaire au Ministre de la Guerre, Rennes, 11 décembre; Situation des principaux effets existant au magasin d'habillement de Rennes à la date du 25 décembre. (2) En ce qui concerne particulièrement la Commission d'achat des effets d'habillement, d'équipement et de campement, instituée à la délégation du ministère de la Guerre à k fin de décembre, le Ministre signalait, le A janvier 1871, à son président, qu'il pouvait procéder à l'achat de 3 millions de mëtres> de drap, de plus de 300,000 capotes» collets à capuchon ou manteaux, de 700,000 vestes ou vareuses, de 1,200,000 pantalons divers, de 3 millions de paires de souliers, d'un million de petits bidons avec courroies, de 1,200,000 chaussettes de laine, d'autant de chemises de coton, de 600,000 chemises de flanelle, etc.

Pendant la période comprise entre le 3 janvier et le 8 février 1871, la Commission passa avec; divers industriels 230 marchés pour des fournitures d'effets d'habillement et d'objets d'équipement et de campement (Relevés des marchés passés par la Commission d'achat). (3) Note sur les marchés passés pendant la guerre pour le service dé l'habillement et du campement, Paris, 10 mai 1872. D'après un état, — sans- date, les achats effectués en Angleterre s'élevaient à 197,015 mètres: de drap, 100,000 capotes, 100,000 pantalons, 300,000 paires de souliers, 20,000 paires de bottes, 100,000 guêtres en cuir, 60,000 chemises,

87,600 cravates, 100,000 couvertures, 100,000 petits bidons, 20,000 collections d'ustensiles. Le drap, les effets et les chaussures devaient être livrés en quatre lots pendant les mois de décembre; 1870 et janvier 1871. Le reste du matériel devait être fourni en une ou deux fois dans le. courant de décembre, D'après le Rapport sur les opérations du service de l'habillement et


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furent également mis à contribution et ses ateliers travaillèrent pour le compte de la Guerre (1).

Pour se procurer le matériel de toute sorte qui manquait aux troupes, on eut d'ailleurs recours à tous les

expédients possibles. Le 6 octobre, le Ministre de l'Intérieur ordonnait aux préfets de requérir immédiatement, pour servir à l'équipement des régiments de la garde nationale mobile, tous les ceinturons, gibernes, porte-sabres et havresacs détenus par les sapeurs-pompiers des communes. Ces objets, qui seraient remplacés ultérieurement, devaient être expédiés sans retard sur Bourges, Tours, Châteauroux, Lille, Poitiers, Lyon ou Clermont. Mais les versements qui furent faits en exécution de cette décision

du campement du 14 septembre 1870 au 31 janvier 1871, les marchés passés en Angleterre pour la chaussure auraient porté sur 400,000 paires de souliers au lieu de 300>000. Si la guerre avail continué, l'administration pensait s'adresser en Autriche et en Espagne. Dans chacun de ces pays, elle pouvait se procurer, à partir du 15 mars 1871, 200,000 paires de souliers. Des offres avaient été faites également par les fournisseurs de l'armée hollandaise pour livrer chaque mois 100,000 paires de bottines et de bottes de cavalerie (Rapport sur les opérations du service de lîhabillement, etc.). (1) Le Ministre de la Guerre au Ministre de la Marine, Bordeaux, 15 décembre ; L'Intendant de la 9e division militaire au Ministre de la Guerre, Marseille, 18 janvier 1871 ; Le Préfet maritime de Cherbourg au Ministre de la Marine, Cherbourg, 1er février 1871. — Le montant du matériel fourni par la Marine à la Guerre s'éleva à 1,871,534 fr. 27, dont 1,533,712 fr. 65 provenant des arsenaux ; le reste fut livré par l'industrie privée. Parmi les effets et objets fournis on relève notamment : 29,485 paletots en molleton, 26,366 pantalons pour la garde nationale mobile, 38,476 cartouchières, 29,869 havresacs, 128,595 marmites, 30,927 tentes-abris, 2,112 tentes à 16 hommes, etc. (Archives de la Marine, Guerre de 1870. Cessions à la Guerre. Objets d'habillement et de campement).


jq.

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n'eurent pas l'importance qu'on avait cru pouvoir escompter (1). Un peu plus tard, le 29 octobre, les préfets furent invités de nouveau à requérir dans leurs départements les havresacs encore en état d'être utilisés, possédés par d'anciens militaires retirés dans leurs foyers (2), Dans le courant du mois de janvier 1871 enfin, le Ministre fil reverser dans les magasins de l'administration les effets militaires susceptibles d'être remis en service, laissés dans les hôpitaux civils ou militaires et dans les ambulances privées. Les particuliers détenteurs d'effets de cette nature furent invités à les remettre à la gendarmerie, et, de leur côté, les compagnies de chemins de fer durent faire rechercher dans les gares ceux qui avaient été abandonnés par des militaires de pas-

sage (3).

Le montant des marchés passés en province par le service de l'habillement et du campement s'éleva à 160 millions. Dès que les négociations pour la signature de la paix parurent devoir aboutir, le Ministre prescrivit, le 9 février 1871, de résilier tous les marchés en cours, qui n'avaient pas été exécutés dans les délais stipulés ; les réductions de dépenses que l'on obtint de la sorte

l'Intérieur aux Préfets des départements, D. T., Tours, 6 octobre ; l'Intendant en chef de l'armée de la Loire au Directeur de la 6e direction à la délégation du ministère de la Guerre, à (1) Le Ministre de

Tours, Tours, 10 octobre. (2) Le Ministre de la Guerre aux Préfets des départements, Bordeaux, 31 décembre. Ces havresacs furent décomptés au prix de l'effet neuf (14 francs) diminué d'un tiers pour les havresacs en bon état et de moitié pour les autres. (3) Le Ministre de la Guerre aux Intendants des divisions militaires,

Bordeaux, 8 janvier 1871.


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enlevèrent à 48 millions (1). Le 12 février, il avisait le président de la Commission d'achat pour l'habillement, l'équipement et le campement, d'avoir à cesser toute acquisition (2), et, le lendemain, il prévenait son collègue de la Marine qu'il y avait lieu d'arrêter, jusqu'à nouvel ordre, les confections d'effets de toute nature, qui s'exécutaient dans les arsenaux ou les ateliers pour le compte de l'administration de la Guerre (3). A ce moment-là d'ailleurs, 600,000 hommes avaient été habillés et équipés par les soins de l'administration de la Guerre (4), et, bien que pour certains effets les quantités disponibles fussent encore inférieures aux besoins, les approvisionnements, déposés soit dans les

(1) Marchés passés pendant la guerre pour le service de l'habillement et du campement, Paris, 10 mai 1872. (2) Le Ministre de la Guerre au Président de la Commission d'achat des effets d'habillement et de campement, Bordeaux, 12 février 1871. (3) Le Ministre de la- Guerre au Ministre de la Marine, Bordeaux, 13 février 4871, (4) De Freycinet, loc. cit., p. 37. — D'après cet ouvrage, il fut distribué « pendant la période du 15 octobre 1870 au 31 janvier 1871 : Couvertures, 779,200; capotes, 677,400; ceintures de flanelle, 1,157,300; pantalons, 957,200; tuniques, vareuses, 714,500; gilets de laine, tricots, 608,000 ; chemises, 1,805,000 ; paires de souliers, 1,813,700; caleçons, 732,100; peaux de moutons, 385,000; havresacs, Si l'on rapproche les chiffres des effets d'équipement du 697,000 nombre d'hommes réellement équipés par les soins de l'administration de la Guerre, lequel a été d'environ. 600,000, on voit que chaque homme a reçu en moyenne : une capote, une tunique, un pantalon et demi, un gilet de laine, un caleçon, un havresac, deux couvertures ou peaux de mouton, deux ceintures de flanelle, trois chemises et trois paires de souliers ». Le 7 janvier 1871, le Ministre de la Guerre donnait des instructions pour que tous les hommes mobilisés fussent pourvus de trois chemises, afin de pouvoir en porter deux ensemble, pour mieux se garantir du froid (Le Ministre de la Guerre aux Intendants des corps d'armée, des divisions militaires et des camps, Bordeaux, 7 janvier 1871).


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magasins de l'intendance, soit dans ceux des dépôts des corps, permettaient de pourvoir encore plus de 300,000 hommes des effets qui leur étaient nécessaires (1).

En principe, il appartenait au ministère de l'Intérieur d'assurer l'habillement des gardes nationaux mobiles et (1) Rapport présenté par la Sô.us-Gommissio.n du service de l'habitlement et du campement [(Rapport sur le matériel), J. O.,,3 juin 1871, p. 1214]. D'après ce document, la situation des approvisionnements en effets d'habillement et de campement était la suivante à la fin de la

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des effet,

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Pantalons Bonnets de police ou képis Couvertures

/

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,-(«)

82,800 (*,)

.-422,-480'

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67,600 34,000

467,<500

433,800

,4.,403,.000

.535,4.00

467,800

:

664,000 375,000 441,000 | 56,400, 208,600 508,400 j 52,000 43,200 406,000 | 234,000 1

4,403,000 1,039,000

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467,400»

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208,600 560,400 43,200 647,000

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(s)4,218,000

'(1) En comprenant la commande normale -de 1871, l'administration de

la Guerre pouvait disposera bref délai de 3 millions:d-e mètres.de drap, suffisants pour .habiller 6 00,000ihouunes. (2) Dont 210,000 pour mobilisés et 199,100 pour l'infanterie. (3) Dont 33(i,o:00 .pour mobilisés et 700 'seulement pour -hommes montés, (4) Dont 7,500 pour hommes montés. Le petit nombre de pantalons de .cheval -disponibles s'explique parle manque de basane. (5) D'après un .autre document (Rapport sur les opérations du service-.del'habillement et du campement du 14 septembre 1870 au 31 janvier 1871) on ne pouvait compter, jusqu'à la lin de mars 1871, que sur 800,000 paires dersouliers. Ou certain nombre de marchés, figurant sur l'étal général des ressources, avaient en effet été résiliés ou devaient l'être à brève échéance pour inexécution ou mauvaise livraison. On a vu plus haut les mesures que comptait prendre l'administration pour se procurer des souliers à l'étranger, si la guerre devait se prolonger.

Les chiffres des colonnes. 2 et .5 concordent avec ceux fournis par un autre document donnant la situation du matériel existant en magasin au 10 février 1871.


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mobilisés et des francs-tireurs, et l'administration de la Guerre ne devait plus avoir qu'à les entretenir, lorsqu'ils étaient mis à sa disposition. Les intendants militaires entraient donc en concurrence avec les préfets les sous-préfets et les communes, pour assurer la livraison des effets nécessaires aux différentes catégories d'hommes qu'ils devaient mettre sur pied. A la suite du décret du 14 octobre, qui constituait l'armée auxiliaire et qui prescrivait que toutes les forces de la Défense nationale seraient soumises au môme traitement, une circulaire du 20 octobre ordonna que l'autorité militaire serait seule chargée d'organiser les bataillons de la garde nationale mobile et les corps de francstireurs et de pourvoir à leurs besoins. Les préfets devaient cesser dépasser des marchés pour l'habillement et l'équipement de ces formations et se borner à surveiller l'exécution de ceux conclus précédemment (1). Quant à la garde nationale mobilisée, le Département de l'Intérieur continuait de satisfaire à ses besoins; mais, lorsque ses unités étaient remises à la Guerre, l'administration militaire veillait à leur faire délivrer tous les effets dont elles n'avaient pu être fournies par les soins des préfets (2). .

l'Intérieur et de la Guerre aux Généraux commandant les divisions militaires et les départements, aux Intendants des divisions militaires et aux Préfets, Tours, 20 octobre. Plusieurs chefs de corps de la garde nationale mobile crurent bon, par la suite, d'envoyer îi Tours des officiers pour réclamer, auprès de la délégation du ministère de la Guerre, les effets qui manquaient à leurs régiments. Une circulaire du 14 novembre interdit cette manière de faire et prescrivit qu'à l'avenir les corps de la mobile se borneraient à adresser tous les cinq jours au Ministre, par la voie hiérarchique, (1) Le Ministre de

le relevé de leurs besoins (Le Ministre de la Guerre aux Généraux commandant les divisions militaires, Tours, 14 novembre). (2) Le Ministre de la Guerre aux Généraux et Intendants, Bordeaux, 3 février 1871. *


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Malgré tous les efforts qui furent faits de nombreuses , unités, appartenant tant à l'armée régulière qu'à l'armée auxiliaire, durent rejoindre les formations de campagne, sans être complètement équipées (1). Pour remédier à cet inconvénient, et pour satisfaire aussi aux demandes de remplacement présentées par les corps d'armée eh ligne, l'on réunit, vers la fin de novembre, à Tours, la totalité des effets d'habillement, d'équipement et de campement, existant dans les magasins des corps ou préparés pour la garde nationale mobile, en ne réservant que ce qui était immédiatement indispensable. Pour constituer cet approvisionnement, l'on enleva même, dans les dépôts, aux jeunes soldats de la classe 1870, qui n'étaient pas encore mobilisables, les capotes qui avaient pu leur être distribuées (2). Mais l'intendance eut de g-randes difficultés à faire parvenir ensuite aux troupes en campagne les objets qui leur faisaient défaut. Celles-ci, en effet, changeaient fréquemment d'emplacement ; souvent même, les nécessités du moment les faisaient attacher, provisoirement ou définitivement, à un autre corps d'armée que celui qu'elles devaient primitivement rejoindre. Aussi, lorsqu'ils n'étaient pas pris par un autre corps, les objets qui n'avaient pas trouvé leurs destinataires restaient sur wagons et encombraient indéfiniment les voies ferrées (3). (1) Le Général commandant supérieur de l'Ouest au Ministre de la Guerre, Le Mans, S novembre. Les documents qui seront cités ultérieurement à l'appui des opérations des armées de province contiendront de nombreux détails à ce sujet. Les effets, qui faisaient particulièrement défaut, étaient les havresacs, les gamelles, le matériel de campement pour préparer les aliments, et les couvertures. (2) Le Ministre de l'Intérieur et de la Guerre aux Intendants des

divisions militaires et aux Préfets, Tours, 22 novembre. (3) Le 8 décembre, il y avait à la gare de Blois 38 wagons et à la 32 Rev. Ilist.


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Ainsi qu'on a pu le constater d'ailleurs pour les vivres, l'éducation militaire \ des cadres et des troupes n'était pas assez développée et la discipline n'était pas assez forte pour que l'on pût d'autre part éviter des gaspillages et des pertes d'effets, particulièrement pendant les retraites, où tous les liens, tactiques étaient rompus (1). CHAPITRE XII. Service de santé. § 1er.

— Organisation des formations sanitaires.

Il n'a pas été possible de déterminer la proportion du personnel du corps de santé de l'armée de terre qui restait disponible en province au 13 septembre 1870 (2).

On ignore, en effet, le nombre de médecins et de pharmaciens qui, au commencement de la campagne, avaient été maintenus dans les"places de l'intérieur et en

gare de Mer, 7 wagons de chaussures, d'équipement, d'outils, etc. (Situation des wagons contenant des subsistances, de l'équipement et des munitions, Blois, 8 décembre, 3 heures du soir; Ihid., Mer, 8 décembre, 4 heures du soir). (1) De Freycinet, loc. cit., p. 341-343; Rapport de l'Intendant du 18e corps. (2) D'après YAnnuaire militaire pour l'année 4870 (p. 852), le cadre du corps de santé de l'armée de terre comprenait au 31 janvier 1870 : 1° 1,147 médecins : 7 médecins inspecteurs, 40 médecins principaux de lre classe et 40.de 2e classe, 260 médecins-majors de lre classe et 300 de 2° classe, 400 médecins aides-majors de lr 0 classe et 100 de 2e classe ; 2° 139 pharmaciens : 1 pharmacien inspecteur, S pharmaciens principaux de lre classe et 3 de 2e classe, 36 pharmaciens-majors de 1™ classe et 42 de 2e classe, 53 pharmaciens aides-majors de lro classe et 13 de 2e classe.


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Algérie, et combien d'entre eux furent appelés plus tard à un service actif. Quant aux officiers du corps de santé, qui firent partie des formations de campagne au début de la guerre, les documents retrouvés n'ont pas permis de préciser les conditions exactes dans lesquelles ils furent neutralisés par les Allemands. Le personnel hospitalier de l'armée de Chàlons fut, tout d'abord, maintenu à Sedan, pour assurer aux blessés les soins nécessaires avant que l'on pût les évacuer. La plus grande partie fut renvoyée à Mézières vers le 15 septembre, puis, de là, dirigée sur Tours, à l'exception cependant de quelques médecins et officiers d'administration, qui furent mis à la disposition de l'intendant de la 3e division militaire pour le service des hôpitaux de sa division et pour celui des évacuations. Le reste du personnel hospitalier, qui avait été maintenu à Sedan, fut neutralisé peu après, et arriva à Lille vers le 15 septembre (1). En ce qui concerne les officiers du corps de santé, qui L'intendant général Robert, chargé du service de l'évacuation des blessés de l'armée de Sedan, au Ministre de la Guerre, Gharleville, (1)

12 septembre.; Ordre d'évacuation de la place de Mézières, Charleville,

septembre; L'intendant général Robert à l'Intendant de la 3° division militaire à Lille, Lille, 16 septembre ; Le Général commandant la 2edivision militaire au Ministre de la Guerre, à Tours et à Paris, D. T., Rouen, 16 septembre, 4 h. 45 soir, etc. — Il serait resté à Sedan, après la capitulation, 191 médecins de l'armée de terre et 19 de la marine. On a vu plus haut que, le 16 septembre, 5 médecins et S officiers d'administration furent envoyés dans la 3° division militaire. Le même jour arrivèrent à Rouen 40 officiers d'administration des différents services de l'intendance, 130 officiers du corps de santé et 300 infirmiers. Les médecins des corps de troupe rejoignirent leurs dépôts; ceux des hôpitaux furent dirigés sur Rennes, Bordeaux, Lyon et Toulouse. On sait également que, vers le 24 septembre, 9 médecins, 3 pharmaciens, 7 officiers d'administration des hôpitaux et 22 infirmiers rejoigne 13

rent Lille.


SOO,

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se trouvèrent enfermés dans Metz, la capitulation signée à Frescaty, le 27 octobre 1870, stipula que tous, sans exception, « resteraient en arrière pour soigner les malades et les blessés ». Leur nombre s'élevait à environ 300 médecins et 30 pharmaciens. Il appartint ensuite au médecin chef des hôpitaux et ambulances de la place, pendant le blocus, de fixer « le chiffre et l'époque du rapatriement des médecins, dont la présence cessait d'être utile ». Ai'exception d'une seule fois, où ladélivrance des sauf-conduits fut ajournée, l'autorité prussienne agréa toujours ces propositions. Les départs des médecins s'échelonnèrent entre le 5 novembre 1870 et le 1er février 1871. Mais, dès le milieu de novembre, 180 environ purent se mettre à la disposition de la délégation du Gouvernement de la Défense nationale (1). Dès le début de la campagne, en outre, il avait fallu faire appel au concours de médecins civils, qui furent soit employés comme auxiliaires dans les corps de troupe mobilisés ou dans les ambulances de campagne, soit simplement requis pour assurer le service dans les hôpitaux, les ambulances ou les corps de troupe de leurs résidences (2). Enfin, les élèves de l'Ecole du service de santé militaire de Strasbourg avaient été dirigés, ceux de première année sur Bordeaux, ceux de deuxième année sur Rennes et ceux de troisième année sur Montpellier. Ils (1) E. Grellois, Histoire médicale du blocus de Metz, p. 217, 218 et

400 à 406. (2) Le Ministre de la Guerre aux Généraux commandant les divisions militaires, aux Intendants et Sous-Intendants militaires, Paris, 11 septembre. — D'après M. de Freycinet (La Guerre en province, p. 43), « on a commissionné, pour les corps en campagne, 368 agents de tous grades, savoir : 209 médecins, 25 pharmaciens et 134 élèves », c'est-àdire « un peu plus que tout le corps médical affecté à l'armée du Rhin ». Dans les hôpitaux, « on a également commissionné 96 agents auxiliaires ».


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furent mis, tout d'abord, dans le courant d'octobre 1870, à la disposition des médecins en chef, qui devaient les utiliser selon les besoins du service dans les établissements hospitaliers, tout en leur faisant continuer leurs études dans la mesure du possible (1). Plus tard, quelques-uns d'entre eux furent attachés à des ambu-. lances de campagne (2). Quant aux officiers d'administration des hôpitaux militaires, ceux qui avaient fait partie des formations du début de la guerre bénéficièrent, comme les médecins, de la convention de Genève. Mais l'on n'a pu déterminer le nombre de ceux qui étaient disponibles en province au 15 septembre ou de ceux qui purent reprendre du service après les capitulations de Sedan et de Metz. Les mesures générales, édictées par le décret du 11 novembre 1870 pour le renforcement des cadres des officiers d'administration, paraissent avoir procuré un nombre suffisant d'auxiliaires (3). Des neuf sections d'infirmiers existant avant les hostilités, trois avaient, au 15 septembre 1870, leurs dépôts enfermés dans des places investies et trois autres étaient

(1) Le Ministre de la Guerre aux Généraux commandant les divisions

mililaires et aux Intendants militaires, Tours, octobre 1870. — Il semble qu'au début de la guerre les élèves de l'École du service de santé militaire de Strasbourg avaient été envoyés dans les places du Nord-Est, centres présumés d'évacuations. Un certain nombre d'entre eux resta à Strasbourg (E. Delorme, Traité de Chirurgie de guerre, t. I, p. 3-19). D'autres prirent part à la défense de Paris. Ce serait donc seulement après les premiers revers de la campagne et l'envahissement de la région du Nord-E^t que les élèves de l'Ecole de santé, non enfermés dans les places investies, auraient été groupés par année d'étude clans les trois villes de Bordeaux, Rennes et Montpellier. (2) Journal de marche de l'ambulance de la lro division d'infanterie du 18e corps d'armée ; E. Delorme, loc. cit., t. I, p. 349. (3) Cf. Revue d'Histoire, n» 116, août 1910, p. 313.


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602

447.

en Algérie (1). Une dixième section avait, en outre, été créée à Lyon (2). La cinquième section, dont le dépôt était enfermé à Strasbourg, fut, d'autre part, reconstituée à Rennes dans le courant de novembre (3). Indépendamment des fractions réparties dans les établissements hospitaliers des départements non envahis, la délégation du Gouvernement de la Défense nationale pouvait donc disposer des ressources fournies par les dépôts de cinq sections d'infirmiers en France, et par ceux de trois sections en Algérie (4). En outre, de nombreux infirmiers neutralisés à Sedan se trouvaient disponibles vers le 16 septembre. Ils furent (1) Emplacements des dépôts des sections d'infirmiers au 13 septembre 1870 : lre, Paris ; 2e, Paris ; 3e, Lille ; 4e, Oran ; 5e, Strasbourg ; 6e, Lyon ; 7e, Gonstantine ; .8°, Toulouse ; 9e Alger. (2) D'après les documents retrouvés aux Archives administratives, la 10e section d'infirmiers fut organisée à Lyon le 21 juillet 1870, en vertu d'une.décision ministérielle du 19 juillet. Cependant, un tableau de l'emplacement des dépôts des corps de troupe de toutes armes, à l'époque du 26 septembre 1870, ne mentionne pas cette section. (3) Feuilles de journées de la 5e section d'infirmiers (Archives admi-

nistratives). (4) Le dépôt de la 6e section d'infirmiers fut, dans la deuxième partie de la campagne, transféré de Lyon à Ghambéry. Au mois de décembre 1870, l'effectif en province et en Algérie des sections d'infirmiers était le suivant : 3e section.. 4e — 5e — 6e

7e 8° 9e 10e

— —

Au dépôt

Dans les places.

Aux armées.

538 750 297 270

58

95

•»»

»

88

»

1,094

1,345

528

308 372

"67

»

701

482 — 998 — 418 — (Travaux inédits de M. A. Martinien).


N" 447.

LA GUERRE DE 4870-4871.

803 .

affectés aux ambulances des premiers corps d'armée mis

sur pied en province par la délégation du Gouvernement de la Défense nationale (1).

Le décret du 6 décembre 1870 (2) qui réglait la corn, position du personnel des services administratifs et médicaux attachés aux armées en campagne prévoyait-, dans chaque corps d'armée, une ambulance par division d'infanterie ou de cavalerie, et une ambulance par quartier général de corps d'armée. Le personnel du corps de santé de ces diverses formations sanitaires devait être de 7 médecins et 1 pharmacien pour les ambulances de division d'infanterie, de 5 médecins et 1 pharmacien pour les ambulances de division de cavalerie, de 13 médecins et 2 pharmaciens pour les ambulances de corps. Ces chiffres ne furent d'ailleurs presque jamais atteints et varièrent entre 3 et 5 médecins et 1 pharmacien par ambulance. . Le personnel administratif des ambulances se réduisit d'autre part à 1 officier et 3 ou 4 adjudants d'administration à l'ambulance du quartier général et, le plus souvent, à 1 adjudant d'administration à chaque ambulance divisionnaire. Enfin, le décret du 6 décembre 1870 précité affectait

plus haut que 300 infirmiers ayant appartenu aux différentes ambulances de l'armée de Châlons arrivèrent à Rouen le 16 septembre. Ils furent envoyés moitié à Niort, moitié à Rennes. D'autre part, 22 infirmiers rejoignirent Lille vers le 24 septembre. D'autres rentrées durent se produire, car, le 30 septembre, l'intendant en chef de l'armée de la Loire ordonnait que 219 infirmiers venus de Sedan seraient envoyés de Niort aux différentes ambulances du 15e corps. Il prescrivait en même temps que 125 infirmiers, non compris dans cette répartition, seraient maintenus à Niort pour parer aux besoins ultérieurs de l'armée de la Loire (L'Intendant en chef de l'année de la Loire à l'Intendant militaire, à Niort, Tours, 30 septembre). (2) Al. U. du 11 décembre. (1) On a. vu


504

LA GUERRE DE 1870-4874.

N» 447,

60 infirmiers à chacune des ambulances des quartiers généraux et des divisions d'infanterie, et 30 infirmiers

aux ambulances des divisions de cavalerie. Ces chiffres ne paraissent pas avoir été atteints (1).

L'on a vu plus haut les difficultés rencontrées par le train des équipages militaires pour procurer aux ambulances des différents corps d'armée les moyens qui leur étaient nécessaires, soit pour ramasser les blessés, soit pour transporter le matériel de médecine et de chirurgie.

(1) D'après le Règlement sur le Service de santé de l'armée du 4 avril 1867 (IIe partie, Service des hôpitaux en campagne), le personnel

des ambulances des quartiers généraux et des divisions comprenait

normalement : Ambulances île division

de quartier

d'infanterie,

de division. de cavalerie.

Médecins

4

4

Pharmaciens Officier d'administration .......... Adjudants d'administration Infirmiers de visite Infirmiers

i 1

1 1

7 3

3 6 30

2 6 20

Personnel.

général.

1

4 10 50

Par conséquent, dans la deuxième partie de la campagne, le personnel du service de santé affecté aux différentes ambulances aurait dû être supérieur à celui qui était réglementaire au début; les ressources disponibles ne permirent pas d'obtenir ce résultat. Le 22 novembre, date de son départ de Nevers, l'ambulance de la lre division du 18e corps ne comprenait encore que 3 médecins (Journal de marche de l'ambulance de la lre division d'infanterie du 18e corps). A cette date, le personnel administratif attaché aux ambulances du 18e corps était de 3 officiers comptables et de 8 adjudants d'administration (État nominatif des fonctionnaires et officiers attachés aux divers services administratifs du 18e corps, Nevers, 22 novembre). En ce qui concerne les infirmiers, le 22 novembre, l'ambulance de la 1" division du 18e corps n'avait que 17 infirmiers dont 1 sergent et


No

4

47.

LA GUERRE DE 4 870-1874.

508

En ce qui concerne plus particulièrement ce dernier matériel, les formations du début de la campagne. (1) et les approvisionnements réunis à Paris avaient épuisé presque toutes les ressources disponibles, et la délégation du Gouvernement de la Défense nationale trouva tout au plus, en province, les moyens suffisants pour constituer la dotation d'un corps d'armée. Des commandes furent faites à la fois à Lyon, Marseille, Toulouse et Bordeaux; elles s'élevèrent à environ 3 millions

caporal de visite (Journal de marche de l'ambulance de la 1re division d'infanterie du 18e corps). Le 19 décembre, le personnel médical et administratif attaché aux ambulances du 18e corps d'armée comprenait : Service médical du corps d'armée : 1 médecin en chef et 1 pharmacien en chef. Ambulance du quartier général ; 5 médecins (1 major de lre classe, 3 aides-majors, I aide-major auxiliaire), 2 pharmaciens (1 major de 2" classe, 1 aide-major), 1 officier d'administration de 2e classe, chef de l'ambulance, 2 adjudants et 2 élèves d'administration. Ambulance de la lre division : 5 médecins (1 major de lre classe, 3 aides-majors, 1 élève de Strasbourg), 2 pharmaciens (1 major de lre classe, 1 aide-major), 1 officier et 1 adjudant d'administration. Ambulance de la 2e division : 6 médecins (2 aides-majors,'2 élèves de Strasbourg, 2 élèves stagiaires), 1 pharmacien (aide-major), 1 adjudant et 1 élève d'administration. Ambulance de la 3e division : 6 médecins (2 aides-majors, 2 élèves de Strasbourg, 2 aides-majors auxiliaires), 2 pharmaciens (1 major de 2e classe et 1 aide-major), i adjudant et 1 élève d'administration. Ambulance de la division de cavalerie : 4 médecins (1 major de 2e classe,' 1 aide-major et 2 élèves de Strasbourg), 2 pharmaciens (2 aides-majors), 2 adjudants et 1 élève d'administration (État des fonctionnaires de l'intendance, médecins, pharmaciens et officiers d'administration attachés au 18e corps, la Charité, 19 décembre). Le 27 décembre, l'intendant du 20e corps réclamait 105 infirmiers, annoncés depuis plus d'un mois, pour pouvoir porter à 45 le nombre des infirmiers de chaque ambulance, réduit jusqu'alors à 20 (L'Intendant en chef du 20e corps au Ministre de la Guerre, Chalon-sur-Saône, 27 décembre). (1) D'après le Règlement sur le Service de santé de l armée du 1


506

LA GUERRE DE 1870-1874.

N» 417.

et demi de francs. Lorsque les achats devinrent plus difficiles en France, on se procura en Angleterre pour 600,000 francs de matériel d'hôpital et de médicaments. L'on parvint ainsi à constituer le matériel des douze corps d'armée organisés (1) et à réunir une réserve suffisante pour approvisionner cinq à six nouveaux corps d'armée (2),

4 avril 1867 (IIe partie, Service des hôpitaux en campagne), le matériel des diverses ambulances devait comprendre : AMBULANCES

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MATÉRIEL.

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Caissons ordinaires 5 GaissODS de pharmacie '.. chirurgie \ Pafes n (/de pharmacie". '.'.'.'.'.'.'Y. de 1 ' de <d J i, • • du approvisionnement can_ < serv.lc? de s.ant 0' Unes f\d'administration 4 . Brancards non articulés 50 Tonnelets de 50 litres avec Chaî-

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OBSERVATIONS.

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Les caissons étaient chargés avec du matériel réparti clans ^es ôaisses e* des paniers appro-

Prîés à la tUfosi™? Prieure des voitures (art. o4). Lescaissonsdevaie.itêtre euiplcyés toutes les fois que l'olal des routes le permettait; dans Ie <">s contraire, les caisses et paniers étaient placés sur des voitures de transport auxiliaires ou chargés à dos de mulets pour

de,ieti,s trajets.

Dans les pays accidentés, on

employait le matériel de cantine, en se servant de mulets de hit (»it. es).

(1) N«s 15 à 26. (2) L'Intendant en cbef de l'armée de la Loire au Ministre de la Guerre, Tours, 23 septembre ; Note sur le service hospitalier, février 1871; Note pour le Ministre, Paris, 10 mai 1872. — D'après un tableau annexé au premier de ces documents, il existait en province au. 15 septembre 1870 : 11 caissons de pharmacie, 25 caissons d'ambulance chargés, 14 sections d'ambulance légère complètes, 26 paires de cantines médicales, 20 sacs d'ambulance, 5 paires de sacoches, 202 brancards, 39 boîtes à amputation, 19 boîtes de couteaux de rechange et 37 boîtes à résection. Les achats ou confections procurèrent : 20 chargements de caissons


N« 4-17.

LA GUERRE DE 4 870-487-1.

507

Mais avant que tous ces achats aient pu être effectués,

l'on dut entreprendre le traitement des blessés avec des moyens absolument insuffisants. Chaque ambulance ne possédait que quelques caissons garnis d'approvisionnements très restreints ; les couvertures, le linge, la charpie, etc., n'existaient qu'en minime quantité, et parfois, c'est en rejoignant le théâtre des opérations que les médecins chefs durent s'ingénier pour se procurer les instruments et appareils de première nécessité. Le nombre des mulets avec cacolets et litières était loin

de pharmacie, 15 caissons d'ambulance chargés, 60 chargements de caissons d'ambulance, 20 paires de cantines de chirurgie, 386 paires de cantines médicales, 706 sacs d'ambulance, 167 paires de sacoches, 3,680 brancards, 260 tounelets, 100 boîtes à amputation et 12 boîtes de couteaux de rechange. Il restait disponible, le 10 février 1871 : 3 caissons de pharmacie,. 10 chargements de caissons de pharmacie, 9 caissons d'ambulance chargés, 28 chargements de caissons d'ambulance, 2 seuions d'ambulance légère complètes, 3 paires de cantines de chirurgie, 204 paires de cantines médicales, 299 sacs d'ambulance, 118 paires de sacoches, 2,886 brancards, 147 tonnelets, 105 boîtes à amputation, 16 boîtes de couteaux de rechange et 29 boîtes à résection. Les pansements contenus dans le matériel d'ambulance disponible, s'élevaient à 129,408, savoir : 18,000 9 caissons d'ambulance à 2,000 pansements. 28 chargements de caissons d'ambulance à 2,000 pan56,000 sements 4,000 2 sections d'ambulance légère à 2,000 pansements... 6,000 3 paires de cantines de chirurgie à 200 pansements.. 40,800 204 paires de cantines médicales à 200 pansements 299 sacs d'ambulance à 24- pansements 7,176 118 paires de sacoches d'ambulance à 24 pansements... 2,832 •

Les chiffres des achats ou confections indiqués ci-dessus concordent d'ailleurs avec ceux donnés par aï. de Freycinet {La Guerre en province, P. 43). D'après un rapport cité dans ce dernier ouvrage (p. 46), la pratique amena, comme cela était prévu, à laisser en arrière des troupes les lourdes voitures d'ambulance et de pharmacie et à transporter les eau-


S08

LA GUERRE DE 1870-1874.

117.

d'atteindre le chiffre indispensable, les voitures de transport faisaient défaut; dans ces conditions, il était impossible d'assurer d'une façon convenable le relèvement et l'évacuation des blessés et des malades qui étaient répartis dans les villages ou les fermes, autour desquels le combat s'était déroulé, ou laissés au soin des municipalités dans les localités traversées (1). Ce ne fut guère qu'à la fin du mois de novembre que les corps d'armée commencèrent à recevoir une notable partie du matériel de leurs formations sanitaires, ainsi que les cantines et sacoches médicales destinées aux corps de troupe (2).

tines médicales sur de petites voitures à deux roues. On obtint ainsi des formations plus légères, permettant de suivre de plus près les troupes au combat, saDs encombrer les routes et alourdir les colonnes. Conformément aux prescriptions contenues dans l'article 4 de la Convention de Genève, le matériel des hôpitaux devenait la propriété du vainqueur, celui des ambulances, au contraire, devait é.tre rendu. Ainsi qu'on l'a vu plus haut, ce dernier matériel ne consistait, par la forée même des choses, qu'en moyens de transports, cantines, sacoches, etc., et, à la rigueur, en brancards et en instruments de chirurgie. Celui neutralisé après Sedan ne commença de quitter cette ville que vers le 15 septembre. A Melz, une commission fut chargée de rechercher et d'inventorier le matériel d'ambulance qui devait être restitué à la France. Cette commission ne termina ses opérations qu'à la fin de janvier 1871. (1) Rapport manuscrit sur le service de santé au 18e corps d'armée, pendant la campagne de l'Est ; Journal de marche de l'ambulance de la lrc division d'infanterie du 18e corps d'armée. (2) L'Intendant militaire du 18e corps au Général commandant le 18e corps d'armée, Ladon, 29 novembre ; Bellegarde, l 01' décembre; Gien, 7 décembre ; Chaguy, 26 et 27 décembre. Le matériel revenant aux corps de troupe consistait : Par régiment d'infanterie ou bataillon formant corps, en une paire de cantines régimentaires, contenant des objets de pansement et des médicaments, et en un ou deux sacs d'ambulance avec boîte à amputation. Par régiment de cavalerie, en une paire de sacoches dites d'ambulance avec boîte à amputation.


N"

417.

LA (HJERRE DE 4870-1874.

.509

fut également à la même époque que l'on put constituer, aux ambulances des quartiers généraux, des approvisionnements de médicaments suffisants pour subvenir aux besoins des ambulances divisionnaires et des corps de troupe. Ce

Une circulaire du 12 novembre (1) chargea les intendants des divisions et des corps d'armée de distribuer au personnel des ambulances militaires le brassard de neutralité institué par la Convention internationale du 22 août 1864. Cet insigne devait être délivré aux fonctionnaires de l'intendance, aux médecins, aux officiers d'administration, aux aumôniers et aux infirmiers faisant partie de chaque ambulance, ainsi qu'à toutes les personnes qui seraient employées à transporter et à soigner les blessés. §

2. — Evacuation et hospitalisation des malades et blessés.

.

Pour donner satisfaction aux familles intéressées, une décision ministérielle du 30 août 1870 autorisait les officiers malades ou blessés en traitement dans les hôpitaux, mais en état d'être transportés, à se rendre, s'ils en exprimaient le désir, en congé de convalescence dans leurs familles ; les sous-officiers et soldats qui se trouvaient dans les mêmes conditions pouvaient également être envoyés dans leurs foyers, avec des permissions ou des congés d'une durée suffisante pour permettre leur rétablissement, s'ils étaient réclamés par leurs parents. Ces dernières demandes devaient être visées par les maires avant d'être transmises par eux à l'autorité mili-

taire (2).

(i) M. U. du 17 novembre. (2) J. M. 0., 2e semestre 1870, p. 408.


B10

LA GUERRE DE 1870-4871.

N° 147.

Pendant tout le temps de leur absence les militaires, ainsi renvoyés dans leurs familles, demeuraient soumis au contrôle de l'autorité militaire, qui devait les renvoyer à leurs corps à l'expiration de leurs congés ou permissions. Mais beaucoup de malades et de blessés échappaient à toute espèce de surveillance, et leur absence trop prolongée était une cause importante de la diminution des effectifs. L'on vient de voir aussi que, faute de moyens de transport suffisants pour assurer les évacuations quotidiennes, les corps de troupe et les ambulances étaient forcés d'abandonner les malades dans les localités traversées en cours de route, et de laisser le soin de les diriger sur l'arrière aux municipalités. Ces dernières, obéissant peut - être à un sentiment dé bienveillance mal comprise, au lieu de grouper tout d'abord les malades, les laissaient emmener par les particuliers, qui les conservaient indéfiniment ; puis, beaucoup d'entre eux étaient évacués sur des établissements créés depuis la guerre par des municipalités, des communautés religieuses, des sociétés de secours, etc., où la discipline était moins régulièrement'appliquée que dans les hôpitaux militaires. Dans ces conditions, dès le 2S novembre, un intendant généra], chargé par le Ministre de vérifier la situation de l'effectif des corps d'armée de campagne, réclamait la création d'inspecteurs médicaux, qui auraient pour mission de visiter les principaux établissements hospitaliers, d'en faire sortir les hommes en état de reprendre les armes, et de donner des instructions aux médecins civils pour que cette mesure fût strictement appliquée aussi aux hommes en traitement dans les petites ambulances, dans les maisons particulières ou dans leurs foyers (1). .

(1) L'intendant général Robert au Ministre de la Guerre, 25

no-*


No

447.

LA GUERRE DE 4870-4874.

514

Ces propositions n'étaient pas susceptibles d'une

application pratique; elles ne pouvaient non plus procurer d'appréciables résultats. Mais il semble qu'elles eurent pour conséquence de provoquer l'arrêté du 20 décembre, qui supprimait les congés de convalescence et groupait les blessés et convalescents, momentanément j ugés incapables de rester dans le rang et ayant besoin d'un repos assez long, sur différents points en arrière des armées, où, tout en se trouvant dans de bonnes conditions pour se rétablir, ils étaient maintenus sous l'action directe du commandement. Six dépôts de convalescents furent à cet effet organisés à Nice, Montpellier, Bayonne, Toulouse, Perpignan et Nantes, Les trois premiers étaient réservés à la Ire armée (armée de l'Est), et les trois autres à IIe armée (IIe armée de la Loire). Après rétablissement, les militaires évacués sur les dépôts de convalescents étaient dirigés sur la portion mobilisée de leurs corps (1).

En même temps, le Ministre de la Guerre édictait toute une série de mesures destinées à réglementer l'évacuation et l'hospitalisation des malades et des blessés, car l'effectif toujours croissant des armées en campagne menaçait de rendre insuffisants les moyens employés jusqu'alors.

Robert avait quitté les fonctions général L'intendant — d'intendant en chef de l'armée de la Loire le 10 novembre 1870 et avait été envoyé le 15 novembre en mission au quartier général du 17° corps (Archives administratives). (1) Arrêté du 20 décembre (M. U. du 23 novembre) ; Le Ministre de la Guerre aux Généraux commandant les armées et les corps d'armée, Bordeaux, 25 décembre. — Le personnel de chaque dépôt veuabre.


512

LA GUERRE DE 1870-1871.

N°14 7.

La direction du service des évacuations de l'armée fut tout d'abord confiée, le 7 décembre, à un intendant militaire, autorisé à signer au nom du délégué à la Guerre et par délégation spéciale. Il était chargé, en même temps, de créer des ambulances et des hôpitaux temporaires (1).

devait comprendre un officier supérieur commandant, un officier chargé des détails du service, un officier chargé, de l'administration, deux médecins militaires, un cadre de sous-officiers et caporaux ou brigadiers. 11 pouvait être augmenté suivant les besoins par le général commandant la subdivision. Le commandant était nommé par le Ministre. Les autres officiers étaient désignés par le général commandant la subdivision, soit parmi les officiers prisonniers sur parole, soit parmi les officiers évacués les plus valides. A défaut de médecins militaires, l'intendance requérait deux médecins civils. Le cadre des sous-officiers, caporaux ou brigadiers était désigné par le commandant du dépôt. L'arrêté du 20 décembre n'eut pas d'effet rétroactif. Les hommes qui se trouvaient dans leurs foyers en vertu de congés de convalescence y furent maintenus (Le Ministre de la Guerre aux Généraux commandant les divisons militaires, D. T., Bordeaux, 24 décembre). Certains tempéraments furent d'ailleurs apportés à l'interdiction d'accorder des congés de convalescence. Il put en être délivré aux hommes convalescents de maladies contagieuses (variole par exemple) et à ceux dont l'état de santé exigeait des soins spéciaux qu'ils ne pouvaient trouver dans les dépôts de convalescents (Le Ministre de la Guerre au Général commandant la subdivision à Caen, 1). T., Bordeaux, 17 janvier 1871). L'encombrement des dépôts força d'ailleurs bientôt à rétablir momentanément les congés de convalescence (Le Ministre de la Guerre au Sous-Préfet de Montélimar, D. T., Bordeaux, 22 janvier 1871). Les permissions ou congés de convalescence furent accordés de nouveau, après le 6 février, aux hommes reconnus hors d'état de faire un service actif qui pourraient en jouir dans leurs familles (Le Ministre de la Guerre aux Généraux commandant les divisions ou subdivisions militaires et aux Intendants militaires, Bordeaux, 6 février 1871). (1) Circulaire ministérielle du 7 décembre (M. U. du 9 décembre).


117,

LA GUERRE DE 1870-1874.

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Trois instructions complémentaires suivirent peu après : l'une, du 25 décembre 1870, réglait l'organisation du service hospitalier à l'intérieur, en arrière des armées (1) ; l'autre, du 10 janvier 1871, indiquait les zones d'évacuation qu'il convenait d'utiliser pour les militaires malades ou blessés, provenant des armées opérant au dehors de Paris (2); la dernière, du 12 janvier 1871, réglait en détail le fonctionnement du service des évacuations (3).

Dans la première de ces circulaires, le Ministre de la Guerre exposait que les lignes d'opérations, et par suite les lignes d'évacuation des différentes armées, ne pouvaient être constituées que par les voies ferrées. Il faisait ressortir ensuite que, pour rendre supportable aux malades et blessés le transport par chemin de fer, il importait de créer, sur les lignes utilisées, des ambulances provisoires, dans lesquelles-1,000 à 1,200 hommes pourraient « être momentanément reçus, chauffés, abrités, pansés et réconfortés ». La circulaire annonçait que des ordres étaient donnés pour l'installation, près de grandes gares, de 28 de ces ambulances. El'es se trouvaient réparties dans trois zones distinctes. La première était délimitée par les lignes Le Mans, Àlençon, Argentan, Caen, et Le Mans, Laval, Rennes ; la deuxième par la ligne Tours, Angers, Nantes et la ligne Tours, Poitiers, Angoulème et Bordeaux, avec embranchement à Poitiers sur Niort et La Rochelle; la troisième, enfin, était jalonnée au Nord par les gares de Bourges, Nevers et Mâcon, et s'éten(1) M. V. du 30 décembre.

(2) M. U. du 13 janvier 1871. (3) M. U. du 11 janvier 1871. — Les circulaires du 23 décembre 1870 et des 10 et 12 janvier 1871 furent complétées par une circulaire du 1S janvier 1871 (M. U. du 28 janvier 1871). Rev. HiBl.

33


514

LA GUERRE DE 4870-4874.

417.

dait ensuite sur les lignes de Bourges à Montluçon, de Nevers à Moulins, Saint-Germain-des-Fossés et Clermont-Ferrand, de Mâcon à Lyon et Saint-Etienne et de Mâcon à Bourg. Il appartenait pour l'avenir aux intendants des divisions territoriales occupées ou traversées par les armées, ou simplement placées dans un rayon de 200 kilomètres en arrière, d'organiser, sans attendre d'ordres, des ambulances provisoires, dans les gares principales, de manière qu'il y en eût une tous les 60 kilomètres environ. Chacune de ces formations devait comprendre un personnel de médecins et d'infirmiers, un approvisionnement de médicaments et d'objets de pansements, du matériel de couchage pour 300 à 400 hommes et, enfin, le nécessaire pour alimenter à leur passage les blessés et malades transportés (1). Sur chaque ligne d'évacuation, les trois premières ambulances provisoires ne devaient conserver que les (1) Le règlement du 4 avril 1867 sur le Service de santé de l'année (IIe partie : Service des hôpitaux de campagne), envisageait bien dans son article 90 les évacuations par chemin de fer, mais, en ce qui concerne les soins et l'alimentation en cours de trajet, il prévoyait seulement « qu'un infirmier ou un malade, en état de secourir ses camarades était placé dans chacun des wagons » et qu'on devait <t profiter des stations pour procéder aux distributions d'aliments et de tisane ». L'officier du service de santé et l'officier d'administration qui accompagnaient l'évacuation étaient tenus, en outre, de visiter les voitures plusieurs fois par jour. Les militaires malades et ceux légèrement blessés étaient placés dans des wagons de voyageurs ; ceux plus grièvement blessés et qui- ne pouvaient voyager assis occupaient des wagons à bagages ou à marchandises garnis de paille fraîche. Par un traité passé au début de la campagne, la compagnie de l'Est, en son nom et en celui des autres compagnies, s'était engagée, moyennant remboursement sur simples factures, à organiser des hamacs dans les wagons, à réunir de la paille en tête des lignes d'évacuations de blessés, à distribuer du bouillon, du paiu et de l'eau additionnée de vin à. la gare de départ et dans les principales gares du parcours et, enfin,


417.

LA GUERRE DE 1870-4871.

5,5

malades et blessés incapables de poursuivre leur route. Pour éviter, d'ailleurs, l'encombrement, ces dernières formations devaient être entourées d'hôpitaux temporaires, destinés à recevoir, le plus tôt possible, les évacués qui avaient été retenus. Dans toute localité, où fonctionnait une ambulance, provisoire, les intendants divisionnaires devaient, sans s'occuper de ce qui pouvait exister auparavant, tenir prêts à fonctionner, dans le plus bref délai, des hôpitaux temporaires de deux à trois mille lits, si l'on était à, proximité d'un croisement de voies ferrées, et de mille à deux mille places dans les autres cas. Enfin, il était également prescrit d'organiser des hôpitaux temporaires, aussi vastes que possible, dans toutes les autres villes. de la division présentant des ressources (1). Une fois en possession de ces moyens d'hospitali-

prêter partout le secours de ses médecins (L'intendant général Robert au Ministre de la Guerre, 19 octobre). Somme toute, l'administration militaire s'était déchargée des soins à donner aux blessés au cours des évacuations sur les compagnies de chemins de fer, qui, en raison de la désorganisation de leurs services, se trouvèrent dans l'impossibilité de les assurer, malgré le dévouement dont elles firent preuve. (1) La circulaire du 10 janvier Î871, dont il va être parlé plus.loin, prescrivit que, jusqu'à nouvel ordre, il ne serait pas installé d'ambulances provisoires, ni d'hôpitaux temporaires, dans les localités autres que celles énumérées dans la circulaire du 25 décembre 1870. On se contenta de relever, pour chaque place, le nombre de lits déjà affectés au service des malades et blessés militaires, et celui qu'il serait possible d'installer, avec indication de la dépense approximative. Les intendants divisionnaires devaient, en même temps, adresser au Ministre leur avis sur l'urgence et l'opportunité des installations demandées par les ser;i

vices locaux. La circulaire du 25 décembre permit de faire face à des besoins qui dépassèrent toutes les prévisions. Les hôpitaux civils et militaires

augmentèrent le nombre de leurs lits; d'autre part, des municipalités, des associations religieuses, dos particuliers organisèrent des hôpitaux


816

LA GUERRE DE 4870-4 874.

N° 117.

sation, les intendants divisionnaires devaient s'attacher à toujours se créer des places disponibles dans les hôpitaux les plus voisins des ambulances provisoires. A cet effet, ils veilleraient d'abord à ce que les séjours des hospitalisés ne se prolongeassent pas au delà du temps nécessaire; ils procéderaient ensuite à des évacuations successives, soit dans l'intérieur de leur région, soit sur les divisions voisines.

Pourinstallerlesambulancesprovisoires etieshôpitaux temporaires, les intendants étaient investis du droit de requérir, soit les locaux des gares de chemin de fer, soit les établissements appartenant à des communautés religieuses ou affectés à l'instruction publique, soit même les propriétés privées (1). Pour se procurer le personnel et le matériel, ils étaient invités à s'adresser aux autorités civiles, aux comités de secours aux blessés des armées de terre et de mer, aux associations religieuses, aux comités locaux,, et, en cas de nécessité, aux particuliers. Enfin, ils avaient le pouvoir de commissionner, à titre

avec le concours de la Société internationale de secours aux blessés. Des subventions, qui ne dépassèrent pas 1 franc par journée de traitement, leur furent d'ailleurs, en cas de besoin, accordées par l'Etat. Tandis qu'au mois de décembre 1870 le Service de santé ne pouvait compter à l'intérieur que sur58,000:lits, au leI février 1871, en dehors des dépôts de convalescents et des ambulances des camps d'instruction, il disposait des ressources hospitalières suivantes : A l'intérieur.: 92,259 lits, dont 64,599 occupés et 27,660 vacants; en Algérie : 12,650 lits, dont 8,418 occupés et 4,232 vacants; soit un total de : 104,909 lits, dont 73,017 occupés et 31,892 vacants (Note sur le service hospitalier, février 1871). (1) Dans les ports de guerre, les intendants devaient demander aux préfets maritimes les places disponibles dans les hôpitaux de la Marine. A défaut des ressources qui viennent d'être énumérées, on devait demander au service du génie d'élever des constructions et des baraquements.


No

117.

LA GUERRE DE 1870-1874.

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auxiliaire, les personnes qu'ils jugeraient aptes à remplir les emplois de sous-intendants (1), de médecins, pharmaciens, comptables et chefs infirmiers. C'est au lendemain de l'apparition de cette circulaire, qu'un décret du 26 décembre 1870 créa, au sein de la direction de l'intendance et de la comptabilité à la délégation du ministère de la Guerre, une sous-direction spéciale chargée de tous les services médicaux de l'armée. Le docteur Charles Robin, membre de l'Académie des sciences et de l'Académie de médecine, fut placé à sa tête. L'intendance conservait le contrôle administratif et financier des services médicaux, mais c'était à un médecin qu'incombait désormais leur direction technique (2). La circulaire du 10 janvier 1871 fixait les lignes d'évacuation qu'il y avait lieu d'utiliser et, en même temps, rattachait à chacune d'elles une partie du territoire non envahi. Les lignes, ou plutôt les zones d'évacuation, étaient au nombre de sept (3) : intendants militaires, nommés, en exécution de l'instruction du 25 décembre 1870, pour concourir à l'exécution des évacuations, ne devaient, sous aucun prétexte, être distraits de leurs fonctions spéciales (Le Ministre de la Guerre aux Intendants divisionnaires, Bordeaux, 8 janvier 1871). (2) Cf. Revue d'Histoire, n° 102, juin 1909, p. 491. — Un état donnant la composition des différents bureaux de la délégation du Ministère de la Guerre à Bordeaux, au 3 février 1871, signale l'existence d'un Conseil de santé, des armées, composé d'un pharmacien inspecteur, président, de quatre médecins inspecteurs, membres, et d'un médecinmajor de l 10 classe, secrétaire. Il n'a pas été retrouvé trace de la mission qui lui fut confiée. (3) La circulaire emploie le mot ligne, mais l'expression zone d'évacuation conviendrait mieux. D'après le rapport du médecin en chef de la compagnie Paris-LyonMéditerranée, cité par le docteur Chenu dans son ouvrage : Aperçu historique, statistique et clinique sur le service des hôpitaux de la Société (1) Les


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LA GUERRE DE 1870-1871.

N°417.

/re ligne : de Caen et Cherbourg à Brest par Le Mans, comprenant la partie de la Normandie et de la Bretagne, située au Nord de la voie ferrée incluse Le Mans à Brest par Rennes. Cette zone devait recevoir les malades et blessés de l'armée du Nord, par le chemin de fer d'Amiens à Rouen, quand les communications seraient rétablies. En attendant, les évacués devaient être dirigés sur Boulogne, Calais et Dunkerque, pour, de là, être transportés par mer à flonfleur, Cherbourg et Saint-Malo. 2e ligne : de Vendôme à Quimper et La Rochelle, par Tours et, Angers, c'est-à-dire la zone comprise entre la voie ferrée Le Mans, Rennes, Brest, exclusivement, et celle de Tours, Bressuire, Niort, Rochefort, inclusivement. 3e ligne : de Blois à Bayonne, par Poitiers et Bordeaux, ou zone comprise entre la limite Sud de la précédente et la ligne de Vierzon, Limoges, Agen, Tarbes, exclusivement. 4e ligne : d'Orléans à Perpignan et Tarbes, par Agen française de secours aux blessés des armées de terre et de mer pendant la guerre de 1870-71, t. I, p. 248; et suiv., une lettre de l'intendant général de l'armée de la Loire, en date de Tours, 29 septembre, indiquait seulement quatre directions principales pour l'évacuation des malades et blessés des armées au Sud de la Loire : 1° Tours, Poitiers, Angoulème, Bordeaux, Dax, Bayonne, Orthez,

Pau; 2° Vierzon, Ghâteauroux, Limoges, Périgueux, Agen, Auch, Mirande, Tarbes, Montauban ; 3' Bourges, Nevers, Sainoaize, Saint-Germain-des-Fossés, Clermont-

Ferrand, Arvant, Aurillac, Capdenac, Toulouse, Nîmes, Montpellier, Cette, Béziers, Pamiers, Foix, Castelnaudary, Careassonne, Narbonne, Perpignan ; 4° Vesoul et Dijon, Chalon-sur-Saône, Mâcon, Belfort, Besançon, Lons-le-Saulnier, Bourg, Lyon, Valence, Avignon, Marseille,. Toulon, Nice.


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LA GUERRE DE 1870-1871.

N»417.

était limitée, d'une part, par la ligne Vierzon, Limoges, Agen, Tarbes, inclusivement, et de l'autre par la ligne du Bourbonnais, Gien, Nevers, Nîmes, prolongée par Montpellier et Béziers, jusqu'à Cette, exclusivement. 5e ligne : de Gien et Nevers à Nîmes et Celte par Clermont-Ferrand. Cette zone comprenait d'abord toutes les villes situées sur cette grande voie ferrée, et toutes celles comprises dans la région s'étendant jusqu'à la grande voie de Dijon—Marseille, exclusivement. 6e ligne : de Dijon et Besançon à Marseille et Nice, zone limitée par la grande voie Dijon—Marseille incluse, et Dijon—Besançon, par Dôle, incluse également. 7e ligne : réseau du Nord et de la Seine-Inférieure, qui, ainsi qu'on l'a vu plus haut, se rattachait à la première ligne par la voie ferrée Amiens—Rouen ou par transports maritimes. Les circonstances pouvaient d'ailleurs amener des modifications dans les limites de ces zones. Leurs points de départ étaient en tout cas essentiellement variables, car ils dépendaient des mouvements des armées, dont ils devaient être aussi rapprochés que possible. el Toulouse. Cette zone

-

.

(A

suivre.)

R. B.


BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

REVUE DES REVUES. I. —REVOES FRANÇAISES. 1er août 1910. —Général X... La liaison de l'artillerie et de l'infanterie. —La Belgique et la défense

Journal des Sciences militaires.

de sa neutralité. — Commandant E. LOISËAU. Évolution de la tactique de l'infanterie et progrès de l'armement (fin). 15 août 1910.— Jean D'ÉPÉE. L'officier et le droit de vote. — Capitaine CoiPEL. Le recrutement des indigènes d'Algérie.

Le Spectateur militaire. 1er et 13 août 1910. — Colonel LALUBIN. Dans quelle mesure l'infanterie peut-elle compter sur l'artillerie pour appuyer son attaque?— Lieutenant RAFFENEL. L'armée anglaise. — Lieutenant GUILLAUME. La conquête.du Sud-Oranais. La colonne d'Igli (suite).— Capitaine LATREILLE. Lettres du major Kretschman.

Revue militaire générale. Août J910. — Considérations sur la campagne de Mandchourie (1904-1903), par le général F. SILVESTUH (suite). — Résolution des problèmes tactiques, par le capitaine AUDIBERT (fin).—Étude sur le 18 août 1870, par le capitaine ROY (suite). Revue d'Infanterie. 15 août 1910. — Le nouveau règlement de manoeuvre et de combat de l'infanterie roumaine, traduit du roumain par le chef de bataillon PAINVIH (fin). — Influence des moyens de transport et d'information sur la conduite de la guerre, traduit de l'allemand par le chef de bataillon PAINVIN. — Lieutenant SEGONDS. La Chaouïa et sa

pacification.

Revue d'Artillerie. Août 1910. — Étude du problème de l'aviation, par le capitaine d'artillerie LUCAS-GÉRARDVUXE. — Cartouches à balle pointue en Espagne, traduit de l'espagnol par F. A. Revue du Génie militaire. Août 1910.— Travaux de mines exécutés à Tancarvillepar un détachement de sapeurs-mineurs, par le lieutenant du génie GUÉHY. — Organisation des troupes du génie en Angle terre.


N«417.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

521

Revue des Troupes coloniales. Août 1910. — Commandant X... Tirailleurs et miliciens en Indo-Chine. — Lieutenant BOUET. Opérations militaires à la Côte-d'Ivoire (suite). — Capitaine DUBOIS. Campagne des Allemands dans le Sud-Ouest africain (fin). '.

Revue des Deux-Mondes. 1er août 1910. — Jeanne d'Arc, par M. Gabriel HANOTAUX.—Les forces chinoises en 1910, par M. le général de NÉGRIER.

15 août. — Le Congo belge, par M. Paul NÈVE. — Les grands accidents de sous-marins, par M. Georges BLANCHON.

Revue de Paris. 1er et 15 août 1910. — LAHUEGNY DE GIYRIEUX. Souvenirs d'un cadet en Espagne. 15 août. — Lieutenant-colonel Ernest PICARD. Sedan. Les pourparlers de Donchery. Le Correspondant. 10 août 1910. — Pierre DE QUIRIEIXE. Sur les champs de bataille de 1870. — Joseph BERGE. La conférence actuelle de Rome sur les transalpins franco-italiens. — François LECHANKEL. Les « Boys Scouts » en Angleterre. Le corps d'enfants-éclaireurs, du général Baden Powell. 26 août. — Abbé WETTEKI.É. L'autonomie de l'Alsace-Lorraine,'— Vicomte DE LAPÉROUSE. Un soldat : Le général Brincourt.— DE LAKZAC DE LABOBIE. Une impératrice de Russie : La femme d'Alexandre Ier.

La Nouvelle Revue. 1er août 1910. — A. RAFFALOVICH. Souvenirs d'un hussard russe. La Revue. 13 août 1910.— Jules TROUBAT. Sainte-Beuve et le prince Napoléon.

La Grande Revue. 10 août 1910. Charles HUMBERT, sénateur. La grande méconnue. : J'armée coloniale. — Albert DÀ.I'ZAT. Les nouvelles voies d'accès en Italie. 25 août. — C. BOUGLÉ. L'alliance intellectuelle franco-allemande (1844). — Jean NOUAILXAC. Une affaire de haute trahison sous Henri IV

(1604).

— Octave MAUS. Savoie. Revue Bleue. Août 1910. — Marquis DE CUSTINE. Paris en avril et mai 1814. A Vienne pendant ie Congrès, novembre 1814 à juin 1815. Lettres inédites. La Revue hebdomadaire. 6 août 1910. — Louis BATIFFOL. Rois en villégiature au château de Fontainebleau. — 13 août. Geoffroy DE GUANDMAISON. La Saint-Napoléon en Espagne. 20 et 27 août. •— Edouard HERRIOT. En Dalmatie. Impressions de route.


522

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

N»40.

Revue d'Histoire moderne et contemporaine. Juillet-août 1910. Ph. SAGKAC. Les origines de la Révolution. La décomposition de — l'Ancien Régime.— P. MURET. Emile Ollivier et le duc de Gramont les 12 et 13 juillet 1870. Feuilles d'Histoire. 1er août 1910. — Arthur CHUQOËT. Le Carnet de Kléber. — Henri MALO. Les corsaires américains à Dunkerque. —

Gaston FRAKCERY. Le colonel Bergeron. — Max DARDENNE. La dotation de Bonaparte. —Ant. DE TARDÉ. La mission du colonel Leclerc près de Murât. — Henri MORIS. La réunion de Nice cala France.

II. — REVUES ÉTRANGÈRES. Bïilitâr-Wochenblatt. August 1910. — Nr. 95. Blutiger Zusammenstoss der Franzôsen mit Eingeborenen Nordostmarokkos. —

Nr. 97-98. -Die-KâmpTe im Karadagh. — Nr. 100. Vor hundertfûnfzig Jahren. Liegnitz, 15 August 1760. —• Schwëizer• Truppen im Franzôsischen Heere in der ersten Hâlt'te des 19. Jahi'hunderts. — Nr. 102. Zuin 225jâhrigen Stiftungsfest des Grenadierregiments Kônig Friedrich Wilhelm I, Nr. 3 (1685). — Gedanken zur oOOJahrfeier des Allslavischen Sièges am 13. Juli 1410 ûber die Deutschen bei Tannenberg. — Nr. 107. Das Preussische Generalstabswerk ûber den Mands-

churischen Feldzug. Jahrhùcher fur die deutsche Armée und Marine. August 1910. — Die Schlacht von Tannenberg am 15 Juli 1410, von Generalmajor von der ESCH. — Die Umklammerung Marokkos durch Fraukrèicb, von HÙBKER, Oberstleutriant z. D. — Krieg und Kultur, von Walter Achilles KORN. Deutsche Rundschau. August 1910. — Erinnerungen aus meinem Leben, von Julius VON ECKARDT. — Friedrich Gentz und der Friede von Schônbrunn, neue Briefe. Mitgeteilt von August FOURNIER. — Berlin in Trauer uni die Kônigin Luise, von Reinhold STEIG. Journal of the Royal United Service Institution. August 1910. W. G. OMAN. The organisation of Wellington's Peninsular Army — C. 1809-1814. Rivista militare italiana. 16 Agosto 1910. — Estese fronti di battaglia e loro influenza sulla condotta délie grandi masse. — N. M. CAMPOLIETI, capitano. Il carattere militare nei giudizi di Napoleone. — Umberto SPIGO, tenente d'artiglieria. Le capitolazioni nel diritto militare. — Rodolfo CORSELIJ, capitano. I servizi d'intendenza in campagna.


117.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

623

REVUE DES LIVRES. LIVRES FRANÇAIS. La guerre nationale de 1812, publication du Comité scientifique du Grand État-Major russe. Tome VI : Préparation à la guerre en 1811 {novembre). Traduction du capitaine du génie breveté E. CAZALAS, publiée sous la direction de la Section historique de -VEtal-Major de l'Armée. — Paris, 1910, Lavauzelle, 416 pages, in-8. Gomme les précédents, le tome VI de cette publication contient des renseignements sur l'organisation et les mouvements des troupes, tant russes que françaises ou alliées de la France, sur les préparatifs variés de la Russie en vue de la guerre avec Napoléon, et d'abondants détails sur les mesures prises par le gouvernement russe pour se procurer des nouvelles de l'étranger. L'agence d'espionnage installée à Paris continuait à opérer avec succès, et une bonne partie du volume est consacrée à la reproduction des documents que Tchernychev réussit à obtenir par son intermédiaire en novembre 1811. Parmi eux, outre des états de situation du corps d'observation de l'Elbe et de l'armée d'Italie, copiés sur les originaux par Tchernychev lui-même, figure une pièce qu'il intitule Tableau des troupes françaises et auxiliaires du ier au 15 octobre. C'est en réalité la copie de l'Ordre numérique de l'armée, document tout à fait confidentiel, qui était rédigé à la main en une seule expédition et destiné à l'Empereur seul. Ce résumé général des états de situation de l'armée française excitait depuis longtemps les convoitises de Tchernychev, qui parvint enfin à en obtenir communication, grâce à la complicité du garçon de bureau chargé de le faire cartonner. La lettre d'envoi de cet important document nous apprend que Tchernychev n'hésitait pas à opérer lui-même en certaines circonstances : à l'aide d'un déguisement, il s'était introduit dans un atelier où l'on construisait en secret de nouvelles voitures pour le transport des fourrages. On trouve dans ce volume d'intéressants rapports du baron Tuyll von Seraskirken, agent militaire à Vienne, et du comte Lieven, ambassadeur à Berlin, et enfin un plan d'opérations du colonel Rûhle von Lilienstern, qui déclare, en passant, dans une lettre (p. 304), que Jomini lui avait « proposé à plusieurs reprises de prendre du service dans le corps du maréchal Ney comme sous-chef d'état-major ».


TABLÉ DES MATIÈRES

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Zurich 394 :. ,.ftfi -\S" La manoeuvre de '.--..- 40, 243, 424 /.. 78,459 La campagne de 4813.—; l;esfPr^(jminames .j.;rf;|. L'armée de Wellington a^ançWatér.log^'"./.,/-S^i 250 La guerre de 1870-1874. -Vïiâ/Défens^nâti0riw/en Province. 110, 297, 489 1., 4 77, 353 La campagne de 1908-4 909- f^^»afjuïa>-^?$ Fragment des mémoires île (?uy3|W^e%£*>e Valory 143 N»^fé.o<r 1er aux Archives de la La Correspondance inédite de .7 Guerre 467 CARTES, PLANS ET CROQUIS HORS TEXTE.

Zurich-: La bataille de Zurich (1/43,000°). '' La manoeuvrede Pultusk : Croquis levé par les officiers du génie du 3" corps (1 /40,000e). L'armée de Wellington avant Waterloo : Théâtre des opérations de 4815(4/400,000»). La campagne de 4908-1909 en Chaouïa : Croquis n» 4. — Combat de Dar-Kseïbat. Situation à 9 h. 30 (1/50,00(1°). Croquis n' 8, — Combat de Dar-Kseïbat. Situation vers 11 h. (1/50,000°). Croquis n° 6. — Combat de Dar-Kseïbat. Situation à 12 h. 45 (1/50,000°). Croquis n» 7. — Combat de Zaouïet-el-Mekki (1/50,000"). Croquis, n» 8. — Combat de Sidi-Djebli (1/50,000°)Croquis n» 9. — Ber-Rabah (1/50,000°). Croquis n° 10. — Combat de Sidi-Daoud (1/50.000°). Crocmis n° 41. — Combat des Itfakha (4/50,000°). ' Croquis n° 42. du 8 mars 4908.(1,50/000°). — Combat Croquis n» 4 3. — Camp du Boucheron (4/50,000°). N» 18. La Chaouïa [carte d'ensemble] {1/800,000°), Croquis n» 44. ^Opérations au Sud de Settat (1/400,000°'. Croquis n» 45. — Combat du 24 avril 1908 (1/50,000°). Croquis n» 16. — Piste suivie par la colonne du centre le 16 mai 1908 (1/50,000°). Mémoires de Guy Louis Henri de Valory : Plan de Ja bataille de Malplaquet (1/20,000°):

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Ouvrages analysés dans les comptes rendus. 475 Commandant REDOUL : Le canon à balles en 1870 Commandant M.-H. WEIL ; Joachim Murât, roi de Napies. La dernière année du règne (mai 1844-mai 1848). — Gaston MAY : Le traité de Francfort. — fiel - Complemento alla Storia délia campagna del 4866 in Italia (Commando 349 corpo di stato maggiore. Uflicio Storico) Capitaine CAZALAS : La guerre nationale de. 1812, t. VI (novembre1811). 593

Le Gérant: R. GHAPELOT. _— . Paris. — Imprimerie R. OHAPKI.OT et C°, rue Christine, %. .

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PLAN DE LA BATAILLE DE MALPLAQUET, par NAUDIN.

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Supplément au n° 147 de la Revue d'Histoire.




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TRENTE-NEUVIEME VOLUME

Juillet

N° 115

.SOMMAIRE

1910 -.,'."..._..'

La Campagne de 1908-1909 en Chaouïa (à suivre). ....... . La Manoeuvre de Pultusk (à suivre) ...:.. ...;'........:... La Campagne de 1813. — Les préliminaires (à suivre)..... La Guerre de 1870-1871. — La Défense nationale en Province (à suivre).

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DOCUMENTS.

Fragment des Mémoires de Guy Louis Henri de Valory •...,..'.

(fin)

143

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Lettres inédites de Napoléon I°r. Comptes rendus critiques (pour

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le détail, voir

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au verso.) .

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PARIS R. CHAPELOT ET

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IMPRIMEURS-ÉDITEURS

30, Rue et Passage Dauphine, 30

1910

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CARTES ET CROQUIS La Campagne de 1908-1909 en Ghaoùia : Croquis n° 4. — Combat de Dar-Kseïbat. Situation à 9 h. 30 (I /30.000e). Croquis n° S. — Combat de Dar-Kseïbat. Situation vers 11 h. (1/50.000°). Croquis n» 6. — Combat de Dar-Kseïbat. Situation à 12 b. 15 (1/80.000°). Croquis n°7. — Combat de Zaouïet-el-Mekki (l/SO.OOO0). Croquis n° 8. — Combat de Sidi-Djebli (1/50.000°). Mémoires de Guy Louis Henri de Valory : Plan de la bataille de Malplaquet.

Ouvrages analyses dans les comptes rendus. Commandant Reboul. — Le canon à balles en 1870.

Les ouvrages français ou étrangers qui auront été envoyés à la Revue d'Histoire (231, boulevard St-Germain, Paris) seront toujours l'objet d'un compte rendu ou d'une mention.



LIRRAIR IE Ml Lï TA IR E R. CHAPE LOT & Rue et Passage Dauphine, 30, Paris.

Ce

PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION DE LA

SECTION HISTORIQUE DE L'ÉTAT-MAJOR DE L'ARMÉE

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PARAITRE

||I:0IV:..;A;:BALLES EN 18TO PAR

le Commandant

Frédéric REBOUL

Chef de 'bataillon, d'infanterie breveté à la Section historique do l'État-JIajor de l'Armée

4910,

avec 2 gravures hors texte et

Paris. — Imprimerie R,

vol. in-8

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couverture iirustree.^B-ïr.

GHAPBLOT et Ge,

2, rue Christine;

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REVUE D'HISTOIRE RÉDIGÉE

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(SECTION HISTORIQUE)

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XII« /ANNÉE

TRÈNTÉ-àNBtTVIÈME VOLUME

N°146

Août

1910

SOMMAIRE La Campagne de 1908-1909 en Chaouïa (à suivre) La Manoeuvre de Pultusk (à suivre) . L'armée de Wellington avant Waterloo La Guerre de 1870-1871. — La Défense nationale en Province (à suivre)

177

213 250 297

Comptes rendus critiques (pour le détail, voir au verso. )

R.

PARIS CHAPELOT ET O, IMPRIMEURS-ÉDITEURS 30, Rue et Passage Dauphine, 30

1910


CARTES ET CROQUIS La Campagne de 1908-1909 en Chaouïa : Croquis n" 9'. — Ber-Rabah (l/o0.000e).

Croquis n° 10. — Combat de Sidi-Daoud (1/50.000°). Croquis n" U. — Combat des Rfakha (l/50.000e). Croquis n° 12. — Combat dit 8 mars 1908 (1/50.000e). Croquis n° 13.—Camp du Boucheron (4/50.000°). N° 18. La Chaouïa [carte d'ensemble] (1/500.000°). .

L'armée de Wellington avant Waterloo : Théâtre des opérations de 1815 (1/4.00.000e).

Ouvrages analysés dans les comptes rendus. Commandant M.-H. Weil : Joachim Murât, roi de Naples. La dernière année du règne (mai 1814-mai'l81S). — Gaston May : Le traité de Francfort. Complemento alla Storia délia campagna del 1866 in Italia (Comando del corpo di stato MAGGIOKE. TJmcio STORICO).

Les ouvrages français ou étrangers qui auront été; envoyés à la Revue d'Histoire (231, boulevard St-Germain, Paris) seront toujours l'objet d'un compte rendu ou d'une mention.


REVUE D'HISTOIRE RÉDIGÉE

f &J. 'ÏC

l'Aj^acti^ à l'Etat-Major de """"

(SECTION HISTORIQUE)

XIIe ANNÉE TRENTE-NEtfviÈME VOLUME N°

117

Septembre

1910

S OMMAIBïï La Campagne de 1908-1909 en Chaouïa (à suivre). Zurich (à suivre) La Manoeuvre de Pultusk (à suivre) La Campagne de 1813. — Le Préliminaires (à suivre). La Guerre de 1870-1871. — La Défense nationale en Province (à suivre)

;

353 394 424 459 489 .

Comptes rendus critiques (pour le détail, voir au verso. )

R.

PARIS CHAPELOT ET O, IMPRIMEURS-ÉDITEURS 30, Rue et Passage Dauphine. 30

1910


CARTES ET CROQUIS La Campagne de 1908-1909 en Chaouïa : Croquis n° 14. — Opérations au Sud de Settat (l/100.000e). Croquis n» 18. — Combat du 24 avril 1908 (1/50.000°). Croquis n° 16. — Piste suivie par* la colonne du centre le (1/50.000°)..

Zurich

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16

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La bataille de Zurich (l/43..0Ô0e).

La Manoeuvre de Pultusk : Croquis levé par les officiers du génie du 3e corps, (1/40.000e).

Ouvrages analysés dans les comptes rendus. Capitaine Cazalas : La Guerre nationale de 1812. Tome VI (novembre 1811

Les ouvrages français ou étrangers qui auront été envoyés à la Revu d'Histoire (231, bouleyard St-Germain, Paris) seront toujours l'obje d'un compte rendu ou d'une mention.










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