Cent années de rivalité coloniale - 1908

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the Library of

He?try Tresawna Gerrans Fellow of Wonester Collège^ Oxford 1S82-1Ç21

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FRANGE ET ANGLETERRE

CEINT A?^NEES DE

RIVALITÉ COLONIALE L'AFFAIRE DE

MADAGASCAR


DU France

MEME AUTEUR

:

et Angleterre. Cent annéks

\>v. rivalité colomale. L'Acouronné par l'Académie des sciences morales politiques. Prix Drouyn de Lliitys.) Un vol. iii-8". 7 fr. 50

FRiyiE. {OinTui^e et

.

L'Équilibre africain au XX"" siècle. L \ Conqi kte jje l'Afbiqle. — Allemagne.— Angleterre. Cungo. — Portugal. Un vol.in-16 avec une carte 3 fr. 50

Typograpliit; Firmin uiiJot et

G'^.

Mesnil (Eure).


\j^\Al^

CI-

FRANCE ET ANGLETERRE

CENT ANNÉES DE

COLONIALE

RIVALITÉ

l'Ai!

JEAN DARCY

L'AFFAIRE DE

MADAGASCAR

PARIS LIBRAIRIE ACADÉMIQUE LI BRAI K ES-EDITEURS

PERHIN ET C'S

33, OUAI DES GRANDS-ALGLSTINS, 35

1908 Tous

droits de reproduction et de traductioa réservés

pour tous pays.



AVERTISSEMENT

Lo présent ouvrage est la suite de celui que l'auteur France cl avait précédemment publié sous le titre de Angleterre cent ans de rivalité coloniale. L'Afrique. Le premier volume, consacré à l'Afrique, a obtenu un :

:

rapide succès et

il

a été couronné par l'Académie des

Sciences morales et politiques, qui lui a décerné, en 1906, le prix Drouyn de Lhuys, destiné, aux termes de la fondation, à récompenser des œuvres consacrées à l'histoire

des négociations de

la France^

rapportent directement à

Dans

le

ou

à

des questions qui se

diplomatie.

rapport présenté à l'Académie, au

section d'histoire,

suivante

la

M.

F.

nom

Rocquain s'exprimait de

la

de la façon

:

Dans tel ouvrago, M. Darcy s'esl. donné pour but de retracer principaux incidents de cette rivalité au cours du xix« siècle. Son inicntion n'a pas été de faire un exposé d'ensemble des relations «

les

franco-anglaises durant cette long'ue période. Il s'est borné, en suià pas la course de la France à travers les mers et les conli-

vant pas

à exposer les faits qui ont marqué ses conquêtes, et il a montre que chacune d'elles a dû être enlevée de haute lutte et que la France, partout sur son passage, a rencontré l'Angleterre cherchant à lui barrer la route et à réprimer son élan. En écrivant cette histoire, M. Darcy ne s'est pas laissé entraîner, comme on eût pu le iients,

craindre, à des récriminations.

àmc toute

Assurément

il

l'a

française, mais ses sentiments ne l'ont pas

écrite avec

empêché

une

d'être

dans ses jugements et modéré dans sa critique. Il a comen faisant de l'Angleterre une île, lui a imposé des conditions d'existence particulières, qu'elle ne peut vivre sans l'échange, et que de là est né chez elle ce souci incessant de tenir la mer libre, et. par une exagération toute humaine, la passion d'être

l'quitable

pris

que

la nature,


AVK)tï)SSKMENr.

VI st'ulo

maîtresse de

trop d'Apreti' dans

la

mer. Tout au plus,

la lutte.

lui reproche-l-il

Mais, ainsi qu'il

le

un peu

déelare en son intro-

" entre deux rivaux, comlialtanl l'un et l'aulre pour la gloire grandeur de leur pays, il ne saurait y avoir de haine ». • Tel est re,sprit qui a inspiré et dirigé son travail. M. Darcj- n'a négligé aucune des informations propres à éclairer son sujet. Il a cherché dans les archives de France el d'Angleterre, aulanl qu'elles lui étaient accessibles, les dépêches secrètes à côlé des dépêches officielles, s'est aidé de mémoires, de correspondances privées, a interrogé des témoins, a noté dans les comptes-rendus des Chambres de l'un et l'autre pays les discussions qui s'étaient élevées sur ces di-

duction. et la

verses questions. L'auteur appartient à cette classe d'historiens qui,

sans s'abstenir des considérations générales, s'altachenl surtout à faire revivre le passé. Il ne se contente pas de retracer les faits dans leur développement: il met en scène les acteurs. C'est ce qui apparaît notamment dans les quatre premiers chapitres qui concernent la querelle d'Alger et représentent plus d'un grand tiers du volume. De là résulte un récit vivant, dramati(|ue. passionnant même par

néanmoins la vérité historique en soit altérée, et pas à dire que ces chapitres sont, de tous points, remarquables. J'ajoute que l'auteur fait ressortir avec une grande impartialité les mérites de tous ceux, souverains ou ministres, qui, à travers nos révolutions intérieures, de 1827 à 1851, ont entrepris, poursuivi, achevé l'o-uvre d'où est sortie une Algérie française. C'est ainsi qu'il a rendu justice à l'un des ministres de la Restauraendroits, sans que

je n'hésite

M. de Polignac, chez lequel on ne voit d'ordinaire que le fossoyeur inconscient de la monarchie des Bourbons; à Charles X, qui, s'il ignorait tout de la France, connaissait du moins l'Europe; tion,

du dehors et les prévendu dedans, défendit la jeune France d'Afrique et y envoya successivement tous ses lils. « Cette justice, M. Darcy la rend également à Jules Ferry, quand, dans le chapitre cinquième, il aborde l'affaire Tunisienne. Je n'entends pas, du reste, donner ici une analyse, même rapide, de cet

à Louis-Philippe, qui. eonlre les jalousies

tions

excellent ouvrage,

qui a déjà

trouvé, en Angleterre

me

comme

en

de dire que les qualités qui distinguent les chapitres sur Alger n'apparaissent pas moins France, de nombreux lecteurs.

dans

Il

suffira

les autres, et particulièrement

La question du

dans

épisode de ce que l'auteur appelle

»

suivi la France en Algérie, en Tunisie,

dans

le

les

derniers intitulés

:

Fachoda par l'émouvant notre abdication ». Apres avoir

Nil, et qui se terminent à

Soudan, dansl'Oubango, sur

en Egypte, en Abyssinie,

les rives

du Congo, du Niger,


AVEltTISSK.MKNT. Sonogal, du Nil, l'auteur, au

(lu

moiiionl

VII

du clore son

livre,

se

avec mélancolie pourquoi noire pays, qui, depuis un siècle, a l'ait tant de tirandcs choses en Afrique, qui, sous quatre rég^imes nialliiMii's puldiis et privés, n'a jamais (lirfi'ri'iits et malgré ses iliMiiaiido

interrompu sa caiMpagrio féconde, poui-quoi, dans son dernier efTort, est retombé si lourdement. « Avons-nous, dit-il, subi le sort que

il

la justice lente

bles'^

a

i-ace

mais sûre de

l'histoire réserve

aux ambitions coupa-

Est-ce plutôt que notre pays a dégénéré, ([ue faibli... et

faut-il

sentence tomiiée réceiumenl d'une bouche impériale di'

l'rance.

»

sur

la

noms viennent en

terre d'Afrique,

citoyens, ont fait honorer

de [)rivilégiés à

élite

:

Il

«

noms dans

la

n'y a plus

Jamais pareille sentence ne se trouvera sur des

vrainuMit françaises, car les qui,

vigueur de

la

souscrii'e à l'impiloyable et ilédaigneuse

le

(|ui les

soldats, marins, prêtres

nom

lèvi'cs

foule de tous ceux

ou simples

de noire patrie. Et à côlé de celte

cliances de la vie ontpoimis d'inscrire

combien y a-t-il de hi'ros inconnus, perdus au fond des déserts, de la brousse ou des forêts, dont l'existence entière est consacrée à mettre en pratique ces instructions que Louis XVI donnait jadis à l'infortuné La l'érouse « Faites partout leurs

l'hisloire,

:

connaître

la

France, et surtout faites-la aimer.

vieux peuple de France n'a pas

failli

»

Certes non,

à sa tâche, et

aujourd'hui une période altristante durant laquelle

le

s'il

le

traverse

doute vient

aux âmes faibles et chagrines, il suffit, pour reprendre courage, de jeter les yeux sur la jeune France d'Oulre-mer. » « En reproduisant ces lignes, je ne puis ajouter sans regret que ce sont les dernières que M. Darcy ait, sinon écrites, du moins publiées. Un second volume était préparé où il devait suivre en Asie, en Amérique, en Océanie, cette lutte de deux grands peuples qu'il avait suivie sur le sol d'Afrique. Une mort prématurée l'a frappé au cours de son travail. M. Darcy n'était pas seulement un historien, c'était encore un écrivain faisant concevoir les plus légitimes espérances;

et, pourquoi ne ledirais-je pas, la mort, qui l'a arrêté au mide ses travaux, l'a arrêté au milieu d'occupations d'autre sorte, loules de bienfaisance, auxquelles il donnait une part de sa vie. »

lieu

Dans

la

séance publique annuelle du 8 décembre 190G, président de l'Académie, disait, en proclamant

^I. Geliliart,

les

noms des

lauréats de l'Institut

:

« L'ouvrage de M. Darcy retrace les principaux incidents de concurrence de l'Angleterre sur toutes les voies maritimes où

la la


WEirnssIC.MKNT.

\lll

France, au xix'siècle, a cherché l'accroissement de sa puissance coloniale. Il pst remarquable à la fois par sa richesse d'informations et l'allure

dramaliiiuedo certains épisodes

tels

que

la

querelle d

Alg-ei'.

Le livre de M. Darev permettait d'attendre, pour h' jeune écrivain, un avenir brillant. Frappé soudain en plein bonheur domestique, d'un mal implacable, il fut, en quelques heures, emporté par la mort, une mort admirablement chrétienne. »

L'œuvre plète.

lioiiorée

de ces hauts sulïrages n'était pas com-

L'auteur s'était proposé de suivre, sur

les divers

points du globe, l'éternelle rivalité de la France et de l'Angleterre. il

La plume

est

tombée de ses mains, au moment

oii

venait de terminer la première partie de son deuxième

volume, consacré à

l'île

de Madagascar. Là encore,

saisi sur le vif l'incessante action

Anglais, poursuivant Leur

A

liien

il

avait

de celte politique des

:

premièrement

et

puis le mal d'autnii.

de nombreux documents, dont beaucoup sont grâce à une série de renseignements précieux mis

l'aide

inédits,

à sa disposition par une libéralité bienveillante, qui montre le

cas que faisaient de son talent les juges les plus autori-

sés, l'auteur a écrit

pour ainsi

dire, est

une page d'histoire, dont chaque ligne, appuyée sur des faits certains, sur des

documents authentiques. Les nombreux lecteurs du premier volume retrouveront, dans celui-ci, les qualités que signalaient à l'Institut MM. Gebhart et Rocquain, ils rcgretteiont, sans doute, qu'une mort aussi cruelle que r iipide et prématurée ait laissé inachevée l'œuvre de M. Darcy.


GKNT ANNKKS DE

lUYALITÉ COLONIALE

L'AI I^ATRE

DE MADAGASCAR

PREMIÈRE PARTIE (DE 1814 A

ISSli

CHAPITRE PREMIER I.

Comores et Mascareignes. Leur imporlaiico économique, cause de la rivalité franco-anglaise à leur égard. Inconséquence et faiblesse de noire action à Madagascar au XIX* siècle. I-:trange caractère de la rivalilé fianco-anglaise à MadaJhiihigascar, les iles

stratcgii|Mc et

gascar.

Premiers établissements des l-'rançais à Madagascar. La situation Guerres de l'Empire et traité de 1814. E.xécution du traité. 8ir R. Faj'quhar et ses prétentions. Farquhar. désavoué par lord Bathurst, soulève les Ilovas contre nous. Traités anglo-liovas de 1817 et de 1820. Tentative do la France pour réoccuper ses anciens postes de Madagascar repoussée par Radama I et Ilaslie (1820-182'i). Nouvelle tentative du commandant Gourbeyre, suivie d'un nouvel éehee. La chute de Charles X arrête les opérations.

II.

en

180.3.

Politique malgaclie du gouvernement de .Juillet et de l'Empire. Prise de possession de Nossi-Bé et de Mayottc. Trailés avec les Sakalaves. La reine Ranavalo I. Intervention franco-anglaise de 1845.

III.

MM. Laborde

et

Lambert

et le

prince Hakolo. Le cabinet français re-

fuse d'agir. Intervention de l'Angleterre.

Le Révérend Ellis et les événements do 1857. Le roi Radama II et la charte Lambert. Inaction du gouvernement impérial. La mort de Radama et M. Ellis. Traité francohova de 18G8. Retraite complète de la l'rance de 18«8 à 1.SS1. .activité de l'AngleIV. terre durant cette période. Les missionnaires de la London Society. Leur propagande anti-française et leur intime union avec le gouvernement hova. Ce qu'il faut penser de leur œuvre et de l'état moral et social du peuple hova.

1


L \FI\IRi: DE MADAGASCAR.

I

S'il est un point du globe où notre pays ait profondément ancré son influence et ses traditions, c'est à cûu|) sûr ce groupe d'îles qui émerge de l'océan Indien, au large de la côte sud-est d'Afrique. Autour de Madagascar, vaste continent insulaire, plus grand que l'ancienne Gaule,

se pressent plusieurs systèmes d'archipels, qui.

variable, lui font une

;i

distance

ceinture ininterrompue de hautes

montagneuses, profdant au-dessus des ilôts des cimes de 3.000 à 3.500 mètres. Grâce aux pluies diluviennes de la saison humide et aux ardeurs fécondes d'un soleil tropical, beaucoup de ces îles sont d'une incompai-able richesse, et comme en même temps leur altitude permet à la race blanche de s'y acclimater facilement, elles ont offert aux colons d'Europe un champ d'expansion de premier ordre. Au xviii' siècle, l'Ile de France, aujoin-d'luii ^laurice, était tenue pour l'Eden des mers du sud, et Bernardin de Saint-Pierre, ambitionnant, comme il le dit luiterres

,

même,

la

gloire de devenir le Virgile et le Théocrite des

habitants de l'antre hémisphère, ne crut pas pouvoir donner

charmante idylle de cadre plus enchanteur que le quardes Pamplemousses, les mornes abrupts et les savanes de la banlieue de Port-Louis. Mon loin de ^laurice est la Réunion, jadis Bourbon puis Bonaparte, véritable île sœur de sa voisine. Plus au .\ord les l'île Sainte-Marie, puis les Glorieuses, les Aldabra Amirautés, les Seychelles. A l'ouest, Nossi-Bé, Mayotte et le groupe des Comores, dont les pentes volcaniques sont à sa

tier

,

couvertes d'une merveilleuse végétation. .Vu centre de la circonférence,

« la

grande terre

»

développe sesGOO.OOO

kil.

carrés, sur une longueur de 14 degrés géographiques;

vaste pays encore fort mal connu, chaud et malsain sur les côtes,

tempéré

et facilement habitable

dans

l'intt

rieur;


MM)\r.ASCAn, LKS ILES COMOUES KT :\I.\SC\nEIGNES. Iri'.s

fertile

par endroits, ou recouvert de

riclics

3

forrts,

mais avee un sous-sol plein abondamment pourvu d(! ports et d(î de promesses havres naturels, très peu peuplé ici par des tribus quasi sauvages, là par une race plus cultivée; et ])ossi;dant (pielques rudiments d'organisation, mais indolente, perdue de vices et impuissante à se développer; au total, non pas ailleurs déserticiue et aride :

:

un Eldorado, nuiis une terre encore vierge où les éléments favorables l'emportent sur les mauvais, et qui n'attendait qu'une direction éclairée pour sortir du ni'ant. Telles qu'elles nous apparaissent, les îles Malgaches, Mascareignes et leurs satellites ont depuis quatre siècles de du xv" siècle parles Portugais, visitées et, sur certains points, occupées un instant par les Hollandais, elles ne tardèrent pas à devenir, et les entreprises d'aventuriers

sollicité la curiosité

toutes les nations. Découvertes à la

fin

de la part des Français et des Anglais, l'objet d'une rivalité

qui vient à peine de s'assoupir.

C'est qu'en

effet,

en dehors de leurs qualités propres

qui en faisaient pour leurs heureux possesseurs une proie

avantageuse, ces

îles

devaient à leur position stratégique

une importance capitale. Avant

le

percement de l'isthme

de Suez, elles commandaient souverainement l'Inde, les

car ni

sur l'Atlantique ni sur la

la

route de

mer des Indes

vaisseaux d'Europe ne trouvaient alors de port de re-

dans une région souvent tourmentée par les tempêtes, offrait un asile précaire au navigateur, mais jusqu'en 1815 cet asile était entre les mains des Hollandais, si bien que les vaisseaux partis de France ou d'Angleterre pour les Indes, n'avaient, au cours d'un lâche. Seid, le Cap,

voyage de près de qu'ils

six mois, d'autre port de refuge

pouvaient trouver dans les

d'Afrique.

De

arcliipel. L'Ile

îles

que celui

de la côte orientale

l'importance considérable prise par cet

de France notamment, qui possède une rade

excellente et d'une complète sécurité, Port-Louis, ne tarda


4

I.

MlAUtK

M\1>\G.VSCAR.

liK

une situation exceptionnelle. Nos compacommencement du xvjii" siècle, et il se créa bientôt dans ces parages un centre de richesses et un groupe de population des plus importants. Les guerres avec la Grande-Bretagne, qui, de 1742 à 1815, se succédèrent presque sans interrnj)tion, donnèrent un nouveau relief à ces belles colonies. Sous l'habile direction de M. de La Bourdonnais, Port-Louis devint un établissement naval de premier ordre, la base d'opération de nus flottes dans la mer des Indes, et le rendez-vous général de nos plus hardis corsaires. Pendant de longues années, en dépit de nos revers et de nos désastres, l'Ile de France, vépas à

acqu(''iir

triotes s'y rtablireut ilès le

dans cette partie balance presque égale entre la France et

ritable clef de l'empire indien, maintint,

du monde,

la

l'Angleterre. Pareille situation ne pouvait durer.

Au

fur et à

mesure

Anglais s'emparaient, à nos dépens, de la maîtrise de la mer et des marchés d'Extrême-Orient, l'importance de l'Ile de France et des terres voisines croissait à leurs yeux. Cependant par une anomalie singulière, ces îles ne

que

les

pas

immédiatement

le sort de l'Inde et le sans qu'elles eussent eu à pàtir de notre décadence maritime et coloniale. Mais ce ne fut là

suivirent

XYiii" siècle s'acheva

qu'un répit, les guerres de

sonnèrent

le

la

Révolution et de l'Empire

glas de notre souveraineté dans ces régions.

Napoléon, qui avait compris l'importance de

lu position,

y

avait cependant envoyé un soldat et un administrateur de

premier mérite,

homme

le

général Decaen. Mais que pouvait un

avec ses seules ressources, contre

rable des Anglais résolus à en finir

?

l'effort

Toutes nos

considéîles

tom-

bèrent successivement entre leurs mains, et les traités de

1814 ratifièrent les faits accomplis, en reconnaissant à la Grande-Bretagne la possession de l'Ile de France, des Seychelles et de leurs dépendances '. 1.

On

peut s'Otoniier que

le

Irailé

de

181'i ait

réiroeédé à la Fi'ance


LES ILKS COMORES ET M\SC\ IIKIGXES. 5

M\l)\C.ASC\ll,

preniièru manelie appartenait aux Anglais, mais

La

leur triomphe était indiscutable,

il

n'était

si

pas complet, car

par suite d'une inconcevable négligence de leur part, lisort de ^ladagascar n'avait pas été réglé en 1814. Cette négligence élait d'autant plus singulière que nos vainqueurs n'avaient pas manqué, au cours do la dernière guerre, de prendre ou de ruiner les rares établissements que nous possédions déjà sur les côtes de la grande île,

dans le dessein hautement proclamé « d'expulser délinitivement notre pavillon de tout l'océan Indien' ». Une chance nous restait donc de rétablir nos affaires dans ces parages. 11

nous

de quatre-vingts ans pour savoir en

fallut plus

protiter.

Cette longue histoire n'est guère à notre honneur, je

ne crois pas qu'aucune autre nation

ait à

son

actif,

et

en

matière coloniale, une aussi copieuse série de fautes, demaladresses et d'inconséquences.

De

tous les gouvernements

qui se succédèrent chez nous, au siècle dernier, aucun ne sut

comprendre

accomplir franchement sa tâche.

ni

Restauration elle-même, qui cependant eut

La

mérite de

le

contraindre l'Angleterre au respect des traités, s'arrêta à

mi-chemin.

11

est vrai qu'en 1829,

juillet

Charles

X paraissait dis-

temps perdu, mais la révolution de arrêta brusquement l'œuvre commencée. Sous Louis-

posé à regagner

le

Philippe, on eut peut-être, par intervalles, quelque velléité d'agir, l'ilf lie

mais tout se borna à deux ou

la

liùunioii.

La

trois traités d'amitié

raison en est sans iloule

i|im'

(laitaucun mouillage pour les vaisseaux de haut boiil.

à

l'ilc (le

France,

et Malié,

soins dos flullos traité

de

181'»,

aux Seychellos,

suffisaienl

Remarquons

d'ailleurs

anglaises.

relie

iie

il ijui'

ne possé-

Port-Louis,

amplenicnt aux be-

que par ce

même

l'.Vnglcterre obtenait les anciens établissemcnls hollandais

du Gap, sous prétexte que, depuis Hollande

qu'elle en avait pris possession en

devenue province française, de sorte qu'elle régnait désormais en souveraine, dans toute cette région do l'océan Indien, 1806, la

était

où nous avions jusqu'alors gardé une primauté indiscutable. 1.

JohnstoM, Cdlonizd/iori

in Africa. p. 206.


6

]/\ll\IIll-;

MADAGASCAR.

Dlî

passés avec de vagues prineipicules de et

on n'en

encore

vues

:

aucun

tira

un jour vint où, par

et inespérées,

il

la côte occidentale,

Sous l'empire, ce

parti.

fut

mieux

suite de circonstances impré-

n'y aurait eu qu'un mot à dire et

un

geste à faire pour asseoir définitivement l'influence de la

Franco chez

les

Hovas.

On

laissa

tomber l'occasion sans

daigner s'en occuper. Bien plus, on suivit

de l'Angleterre qui, ayant vu tourner.

On

convint avec

elle

le péi'il,

les insinuations

s'empressa de

le

dé-

d'une sorte de condomiiiiuni

à Tananarive, et on reconnut oiïleiellement à la reine des HoA-as le titre de reine de tales qui pesèrent enfin, le

gouA-ernement de

rience et décidé à en fatalité qui,

Madagascar

lourdement finir,

la

^r

:

deux erreurs capiDe nos jours

l'avenir.

République, instruit par

l'expi'-

paya aussi un large tribut à

cette

depuis un siècle, s'est acharnée sur notre poli-

Une première

mal combinée, mal engagée et médiocrement poursuiAde, aboutit à un arrangement hybride et, neuf ans plus tard, tout fut à recommencer. Une rude expédition, qui nous coûta près de 10.000 .soldats, nous amena enfin à TananariA'e, mais cette victoire sembla tout d'abord n'ouAnùr qu'une nouvelle ère d'erreurs et de difficultés. En moins de huit mois, on imposa à la reine Ranavalo deux traités différents, et trois ministrc^s

tique malgache.

tentatiA'e

successifs appliquèrent, dans l'île, quatre systèmes politiques complètementopposés, au grand dommage desprogrès de notre influence et pour l'inextricable confusion de nos négociations avec les puissances étrangères. Fort heureusement, un ministre avisé sut découA-riret euA-oyer à Tananarive l'homme capable de réparer les fautes de la métropole. et

Le général Galliéni

moral; grâce à

close et la grande

du progrès

En

et

lui la île

rétablit partout l'ordre matériel

question de ^ladagascar se trouva

put s'orienter librement dans la voie

de la civilisation.

de plus étrange et de plus illogique que la destinée de Madagascar depuis un siècle rien de définitiA'e, rien

:


LES ILES COMOnES ET MASCAnEIGNES.

MAD.VC.ASCAIt,

7

que cette rivaliti'; continue (les deux «grandes nations coloniales de l'Europe, qui montent jalousenKMit la garde autour de l'ile, s'ol)serv(!nt, se controcarreut, mais s'obstinent également à ne jamais ])lus (liToutant

pas

faire le

Entre

la

pour

l'histoire

décisif.

malgaclie dr

politique

l'Augleterre,

il

la

l''rauei'

et

de

celle

y eut cependant une dilférence. Nos gou-

vernants ne renoncèrent jamais aux traditions qui, depuis

commencement du \\W siècle, ratlachaient vaguement Madagascar à la France. Ils ne cachèrent jamais que, si Madagascar devait un jour devenir colonie européenne, le

ne pouvait èlre que terre française, et en repoussant

elle

les

enqiièlcmeuts des voisins,

ils

avaient conscience de

défendre une partie du patrimoine futur de

La

la nation.

(irande-Bretagne, au contraire, ne réclama jamais rien

pour île,

elle, elle

cela est

et

1763

et

;i s'établir dans la grande deux reprises différentes, en dédaigna de profiter du triomphe de

ne songea jamais si

en 1814,

vrai qu'à

elle

ses armes pour trancher la question à son profil.

conquête

yeux, ^ladagascar parut toujours une mais,

si elle

ne

fit

jamais rien pour s'y installer,

A

ses

inutile,

elle s'ap-

pliqua sans trêve et de toutes ses forces à nous empêcher d'y entrer, et c'est précisément en cela que l'incident mal-

gache est un chapitre

si

caractéristique de nos relations

avec nos voisins.

Rien de moins compliqué en

effet,

quant à leur origine

à leur développement, que des questions

comme

et

du en même temps celles

du Niger. Français et Anglais jettent leur dévolu sur un riche bassin fluvial et sur une précieuse Nil ou

voie de pénétration.

Ils

se hâtent vers le

lisent d'ardeur et d'habileté, et

naît le choc

même

but, riva-

de leur rencontre inévitable

prévu de longue date

:

ce sont là des faits très

simples, conséquences normales de la concurrence univer-

mais à ^Madagascar, le cas est tout différent. L'objet en litige n'est pas un objet de compétition puisque la France selle,


l'aIIAIHK UK MADAGASCAR.

8

est seule à le réclamer. ficulté ne puisse surgir,

11

semblerait donc qu'aucune

et voici

dif-

cependant qu'à cliaeune

de nos tentatives, nous trouvons la roule barrée par l'Angleterre. Pour que cette histoire ait un sens, il faut bien reconnaître qu'à Madagascar l'Angleterre ne

fait

comme

à Alger,

«

tout ce que

ou ne veut pas faire par elle-même,

elle

prétend empêcher les autres de le faire, qu'elle regarde chaque succès obtenu par ses voisins comme dirigé contre

elle-même,

comme un

attentat contre ses intérêts

»

'.

Il

Le premier Français qui eut l'idée de fonder un établissement à Madagascar fut Augustin de Beauliou qui, en 1020, voulut y créer un port de relâche pour les vaisseaux allant aux Indes. Richelieu reprit cette idée, en 1642, et en confia l'exécution à la compagnie privilégiée des Indes orientales. Des établissements furent, dès cette date, créés à SainteLucie et à Fort-Dauphin, mais l'entreprise échoua. Colbert voulut la recommencer, mais cette seconde tentative ne réussit pas mieux que la ])remière. Le manque de ressources et l'hostilité des indigènes entravèrent à ce point les

des colons que le gouverneur lui-même, M. de la Haye, leur proposa d'abandonner la partie et de se réfugier à Bourbon. En 1G74, il n'j»^ eut plus un seul Français efforts

dans Il

l'île.

en fut ainsi pendant

ment royal Colbert latifs

la

:

7."S

ans, non pas que le gouverne-

eût renoncé aux projets de Richelieu et de

à chaque occasion au contraire des actes légis-

prenaient soin de proclamer

réunion de Madagascar à

la

comme un

arrêts du conseil un peu audacieux, 1.

fJuOlin Reiiew, ISOS.

2.

En

et

fait

accompli

Mieux que ces qui ne manquèrent

couronne

-.

ce sens les arrêls du Conseil de 1G86-I719-1720-I72ri.


PnKMIEHS KTAIILISSEMENTS pas plus tardd'oxciter

la

ItES

THANCMS

\ M AltACASC

vorve des historiens anglais

\ II.

',

les

des Indes ses ciiargèrent d'inUs relâchaient périodiquement sur les côtes imilgaclies, entretenaient un commerce asscz actir avec les indigènes, et furent, durant près d'un siècle,

vaisseaux de

terrompre

les

la Coni|)agni(^

la prescription.

gardiens elFectifs des traditions françaises à .Mada-

gascar.

L'année

IT.'îO rouvi'it l'ère

des tentatives de colonisation.

La Compagnie des

Indes, voyant son

avec la grande

voulut s'y ménager une station navale.

île,

commerce prospérer

Grâce aux bons ofilces du caporal français Le Bigorne, im curieux type d'aventurier qui, après une existence des plus mouvementées, était devenu le légitime époux de la i-eine Heti et le chef suprême de tontes les peuplades de la côte orientale, la Compagnie put installer un comptoir sur la terre ferme, et acquérir, en toute propriété, l'île Sainte-^Iarie, où elle trouva pour ses vaisseaux un excellent havre naturel. Quelques années plus tard, le comte de Mandave cmtreprit de relever de ses ruines notre ancien établissement de Fort-Dauphin.

Il

n'y réussit

Hongrois Benyowski, qui avait créé le poste de Louisbourg, dans la baie d'Antongil, mais ces tentatives eurent du moins ce l'ésultat de rappeler l'attention sur Madagascar, elles firent connaître le pays et y attirèrent un ])etit courant d'émigration. Des colons venus des îles ilascai'eignes s'établirent sur diffm-ents points de la côte orientale, et y pros])èrent si bien que, guère,

jias

plus ipie

le

en 1795, Lescalliei', commissaire de la Convention dans les îles

de l'océan Indien,

et

plus tard Borv Saint-Vincent

envoyé parle premier consul, osèrent déclarer que, le jour où il plairait à la mère-patrie, Madagascar serait ])oiir elle

une compensation fructueuse

poiH- la oerte

Domingue.

1.

Jolinsloii,

Colonhniitin in

.\

frira, p.

'2(Î2.

de Saint-


l'mTAIHE

10

Entrant dans France,

riE

MADAGASCAR.

ces idées, Napoléon envoya,

le géïK'ral

à l'Ile de Decaen, en qualité de capitaine général

des possessions françaises dans l'océan Indien. Cet

homme

remarquable, aussi bon soldat qu'habile administrateur, essaya d'organiser les établissements épars que nous possédions sur

la

grande

île.

les répartit

Il

partements, avec Fort-Dauphin etTamatave

envoya dans

lieux, et

dans

le

le

premier

second Sylvain Roux, à

d'agents commerciaux.

le

en deux dé-

comme

chefs-

capitaine Mécusson,

titre

de gouverneurs et

En somme, au moment

de

la

rup-

ture de la paix d'Amiens, en 1804, nous entretenions des

établissements permanents, d'abord à et sur la terre ferme, à

l'île

Sainte-Marie,

Tintiugue, Foulepointe, Fénerive,

Tamatave, Fondarare, Pointe à Larrée, et Fort-Dauphin. Tout marchait à souhait, et l'entreprise du général Decaen s'annonçait sous les auspices les plus favorables. C'est alors que les Anglais entrèrent en scène.

Dès 1803, un agent de la compagnie anglaise des Indes, M. Inverarity, avait créé un comptoir à ilajunga sur la côte occidentale. Cette tentative de concurrence commerciale donna peu de résultats, mais la reprise des hostilités entre la France et la Grande-Bretagne ne tarda pas à ruiner l'œuvre du général Decaen et de ses collaborateurs. Pendant six ans, cet énergique soldat conserva le dépôt à sa garde, et secondé par des hommes de la trempe des Duperré, des Bouvet, des Robert Surcouf, inlligea des pertes colossales à la marine anglaise, mais confié

jour vint où nos adversaires sentirent la nécessité d'en finir avec cette épave de la puissance coloniale française, qui se maintenait si fièrement sur la route de l'Inde le

En

1809,

Rodrigue

fut

pris,

et

l'année

suivante, un

hommes occupa

l'île de la plus mois tard, ce fut le Réunion (8 juillet 1810). Quelques tour de l'Ile de France (29 nov. 1810). Aussitôt après, les Anglais voulurent achever leur œuvre, en s'emparant

corps expéditionnaire de 4.000


l'HEMlEHS KTAFII.ISSKMENTS DES I'H\N(:AIS A M AIlACJASCMt. 11 (le

nos stations commorciales do Madagascar. Dt'ja une

lircmière tentative de débar(|uenient à

Roux et ISM, deux

repoussi'o par Sj'Ivain

mais,

le

l'J

f('vricr

s'end)osscr dcvaul, inutile.

le

Tamatave

avait été

ses miliciens (28 ùW. 1810), liàtiments anglais vini'ont

rivage. Toute r(''sislance dcivcnail

Sylvain Houx capitula, et

la cliute

de Tamatave

entraîna celle de tous nos établissements de la côte oricnlale.

C'est ainsi ([ue

le

plan des Anglais se trouva réalisé,

j)avillon français

et (pie le

expulsé

fut

de tout l'océan

Indien.

Les choses restèrent en mcunent,

le traité

suivante,

le

jusqu'en

de Paris (30 mail régla, de

pour

elle et

la :

«

A

ce

manière

Sa Ma-

ses alliés, s'en-

à Sa ^Majesté très chrétienne, dans les

restitu(M'

délais (pii seront ci-après fixés (six cation),

1814.

sort de nos anciennes possessions

jesté Britannique stipulant

gage à

l'état

les colonies, pêcheries,

mois après

comptoirs,

la ratifi-

et établisse-

ments de tout genre, que la France possédait, au 1°'' janvier 1792, dans les mers et sur les continents de l'Afrique, à l'exception toutefois

dances,

iwniiiiémciit

(pu'lles S.

de

l'Ile

M. T. G. cède à

et souveraineté.

de France

et

de ses dépen-

Rodrigiies et les Sei/chelles, lesS.

M. B. en toute propriété

»

Ces stipulations exaspérèrent les nouveaux possesseurs l'Ile de France et des terres voisines, qui, s'étant emparés de notre domaine par la force des armes, voyaient avec dépit une partie du butin leur échapper. La rétrocession de l'ilo Bourbon s'eifectna cependant sans difficulté, mais il n'en fut pas de même à Madagascar, et le cabinet anglais provo(pia, à son sujet, une discussion si (extraordinaire qu'on hésite presque à croire à l'authende

ticité

des pièces

officielles et

des correspondances diplo-

matiques. à l'Ile de France, un de ces agents Il y avait alors, remarquables que l'Angleterre, riche en hommes d'action


l'affaire PE MADAGASCAIi.

12 et d'initiative,

postes

ne manque jamais d'entretenir dans les

dillicilos.

vre, au

Nous en avons déjà vu plusieurs

cours de

cette histoire,

et

Gomme

souvent l'occasion d'en rencontrer. à Alger, sir R.

Wood

à

Tunis,

i\

l'œu-

nous aurons encore ^I.

Saint-John

M. Drummond

llay à

John Kirk à Zanzibar, le gouverneur de l'Ile de France, sir Robert Farquhar, loin de se confiner dans le cadre étroit de ses attributions, ne rêvait qu'une chose c'était de faire, de sa lointaine résidence, un centre nouveau d'expansion pour l'empire britannique, ou tout au moins im jioste d'observation jiour survi^iller Tanger,

sir

:

les faits et gestes

des concurrents éventuels.

y a tout lieu de croire que ce fut lui qui suggéra au gouvernement anglais, occupé de soins plus immédiats Il

et plus pressants,

plan qu'il se hâta de mettre à exé-

le

pour tenter de nous écarter définitivement de la grande île malgache. Ce qui est certain, c'est que, dès que le nouveau commandant de l'île Bourbon, le général Bouvet de Loziers, voulut, en exécution de ses instructions, reprendre possession de nos anciens postes de Madagascar, il se heurta h l'opposition de sir Robert Farquhar, qui lui déclara que l'île de Madagascar tout entière avait été cédée à la Grande-Bretagne par le traité' de Paris, sous la désignation générale de dépendances cution,

de

l'île

La

de France

'.

prétention était audacieuse.

avec une égale bonne

foi,

que

si l'île

pendances venait un jour à

On

pourrait soutenir,

de Jersey arec ses dé-

être rétrocédée

par l'An-

nous serions en droit de revendidépendances, quer, à titre de la Grande-Bretagne tout entière. Dans un cas comme dans l'autre le raisonnement gleterre à la France,

serait tout aussi exorbitant.

En 1.

droit pas plus (|u'eu

I.otlre

du

28 juin

181.^.

fait, la

thèse do sir B. Farquhar


l'IlKMIKUS KTAHI.ISSEMENTS DES I-RANÇAIS A MADAfiASC.MU 13 n'était d(Jf(Midable. Elle tendait, «

dépcndancfs

d(! l'Ile

de;

en

elïet, à

Fiance

»

considérer

comme

tout ce qui jadis rcs-

sortissait administrativenient à l'ancien capitaine général

françaises

des possessions

dans l'océan

Indien, ce qui

absurde. Le traité de Paris avait évidemment visé

était

les di'pendances

dire

géographiques de

ceiatun;

la

d'ilols

de

l'Ile

qui l'entoure

l''rance, c'est-à-

(l'ile

Plate,

l'île

l'ili' aux Serpents, le coin de Mire, l'île d'Ambre, non passes dépendances administratives. Cela est si A'rai que, les Anglais ayant voulu garder ileux groupes d'îles (pii, tout en dépendant administrativement de l'Ile

llonde,

t'tc.)

et

de France, ne faisaient pas partie de sa banlieue maritime, avaient pris soin de les indiquer nominativement Ilodrigues et les Seychelles. Comment supposer que le :

A'ainqueur de 1814,

d'une

<(ui

venait de reconnaître

mentiou expresse pour

importance, eût voluntairi'ment négligé de un continent de 600.000 kil. carrés? Mais encore

:

en admettant

la

nécessité

ces deux îles de minime

la théorie anglaise,

pour mieux

le faire il

y

a

qui attribuait

à la Grande-Bretagne toutes les anciennes dépendances

administratives de

l'Ile

de France,

il

eût fallu, de toute

abandonner l'île Bourbon, dont la restitution à la France n'avait pas fait l'objet d'une mention spéciale. Or c'était précisément en vertu des termes généraux du traité que cette île nous avait été rétrocédée. Donc si le mot « dépendances de l'Ile de France » ne s'appliquait pas à l'île Bourbon, il ne pouvait davantage s'appli([uer à ^ladagascar environ trois cents fois plus nécessité,

lui

grande et cinq fois plus éloignée. Le général Bouvet de Loziers avait donc beau jeu à protester il n'y faillit pas, et aussitôt que le second traité de Paris du 20 novembre 1815 eut ratifié celui de l'année précédente, il annonça son intention de passer outre aux réclamations de son collègue anglais. Sur quoi celui-ci lui communiqua une lettre de lord Bathurst, datée du 2 no:


L AFFAIRE DE MADAGASCAR.

14

vembre 1815, de

laquelle

il

résultait qu'en s'opposant à

(oute action française à ^ladagascar,

le

gouverneur de

Maurice n'avait l'ait qu'obéir aux instructions impératives de son gouvernement'. 11 fallut en référer à Paris. Le ministre de la marine, M. du Bouchage, mis au courant de l'incident, se hâta d'intervenir auprès de lord Stuart alors ambassadeur d'Angleterre à Paris, et si l'on en croit son rapport au ministre des affaires étrangères-, celui-ci mit beaucoup de l)onne

même que le droit de la que notre demande ne pouvait souffrir aucune difficulté; que d'ailleurs il se rappelait avoir entendu dire à lord Castlereagh, lors de la discussion du traité de 1814, que la France n'avait jamais renoncé à la possession de Madagascar, et qu'il n'y avait pas lieu de croire que l'opinion du Foreign-Offlce eût grâce à l'écouter

France

:

il

lui

déclara

était incontestable et

changé.

que le diplomate improvisé qui intervenait ainsi auprès de lord Stuart, prit ses propres désirs pour des réalités, sinon, on en serait réduit à accuser le noble lord de la plus insigne duplicité. Quelques années est probable

Il

plus tard en

effet,

lorsque la question de Madagascar

revint sur l'eau, on trouve de lui une lettre, dans laquelle

reprend pour son propre compte la thèse de sir Robert et presse son gouvernement de s'opposer à

il

Farquhar,

toute tentative sur la grande traité 1.

I)ar •2.

île,

Farquhar au général Bouvet de

Sir R.

Dubois,

Un

siècle

le

Loziei's,

25

mai

1816. Cilr

iVexpansion coloniale-

Rapport de M. du Bouchage, ministre de la Marine, au duc dr 30 novembre 1816.

Richelieu, ministre des affaires étrangères .3

de

en s'appuyant sur

de 1814 .

(

S.

M.

Pour moi j'estime que

l'ilc

Maurice

français de tous ses

comme une

et ses

le

:

traité qui

a cédé au gouvcrnemeni

dépendances, a dépouillé

droits à

Madagascar, qui

le

gouvernement

fut toujours considérée

de ces dépendances en question. « Dépèche de lord Stuart à lord .Vbeideen,23 octobre 1829. Record of/ice.


r m; Mil: Il s liTAiiLissKMiiNTs in:s iuançais (

Ir

hioi qu'il en soit l'iief

du

m

vuacascar. 15

de l'opinion de lord Stuart en ISIG,

l''oreign-Oflice

était dillitiio

v

par comprendre qu'il

iinit

de laisser protester, avec autant de mauvaise

et

gnature

(le

lui

de couvrir les fantaisies de ses subordonnés,

l'Angleterre.

De même

peler au respect des traiti'S

même

Si'négal', de

il

trop zélé gouverneur

le

informa

foi, la si-

venait de rap-

qu'il

Robert Farquhar

sir

du

qu'il

ne j)0uvait accepter ses théories eu matière d'interprétation des textes et, le 18 octobre 181G,

il

envoya l'ordre

lui

formel de remettre aux autorités fran^-aises les postes que nous occupions à ^Madagascar au 1" janvier 1792 -.

mais il n'était pas homme à gouverneur de Bourbon lui envoya, eu août ISKÎ, le commandant ^larlin de. Lacroix, pour traiter avec lui de la rétrocession de nos postes malgaches, il avait eu le temps de changer ses batteries et de trouver un autre terrain de discussion. A la demande de l'ofFarquliai'

battu,

était

l'avouer, et lorsque le

licier

français,

répondit qu'il ne demandait qu'à exécu-

il

ter les ordres de

sou gouvernement, mais

vait fort empoché,

car nulle part

trace de la présence des Français à \'ier

qu'il s'en trou-

n'avait pu trouver Madagascar au P"^ janil

1792. C'était à la France à prouver la réalite de cette

occupation, et jusqu'à ce que nous eussions présenté des

1.

Vdii- ilaiis notre pi'Océdent voluino les incidents relatifs à la reprise

(le

possession du Sénégal, (^cn/ nnniU'sde rirnlité coloniale. L'Afrique,

|i.

219.) •2.

«1

Monsieur,

j'ai

l'honneur de vous informer que S. A. H.,

Régent, a bien voulu admettre l'interprétation que <;ais

a donnée à

l'article

au

traité

de

le

du 30 mai

pai.\

le

Prince

gouvernement fran1814, qui stipule

la

de certaines colonies que la France possédait au 1" janvier 1792, dans les mers et sur les continents de l'.Vfrique, et je vous transmets en conséquence les ordres de S. A. B., pour remettre aux rétrocession

autorités françaises de

Bourbon

les

établissements que

le

gouvernement

français possédait sur les côtes de Madagascar, à l'époque susmentionnée.

»

(Lord Bathurst à

sir R. l'arqnliar

:

18

octobre 1816.)


16

L'.\Fl'.\inE

dociimiTits probants,

liK

MAIi\GVSC\li.

n'y avait lieu, de la part de l'An-

il

aucune rétrocession'. l'ûur répondre à cette nouvelle chicane, il eût été bien facile au commandant ]\Iartin de Lacroix d'en appeler du Farquhar de 1817 au Farquhar de 1815, et de lui représenter la lettre que le gouverneur de Bourbon avait reçue gleterre, à

« J'ai reçu du gouvernement de lui le 2 novembre 1815 de S. M., écrivait-il alors, l'ordre de considérer Vile de :

Madagascar comme ayant

été cédée à la

Grande-Bre-

tagne sous la désignation générale de dépendances de Vile de France. » Gomme l'avait déjà fait très justement observer notre ministre do la marine-, le gouvernement anglais soutenait alors que l'ile de Madagascar tout entière était française en 1792 et que le traité de 1814 avait eu pour conséquence d'en transférer la souveraineté de

France à l'Angleterre. Depuis

la

lors,

le

Foreign-Offîce

avait renoncé à donner une interprétation aussi abusive

au traité de 1814 il était convenu que ce traité n'avait pas touché aux droits de la France sur Madagascar. Ces droits demeuraient donc tels que la Grande-Bretagne avait voulu se les approprier en 1815. En d'autres termes, les :

prétentions formulées, en 1815, par lord Bathurst et Far-

quhar

se

retournaient aujourd'hui contre eux,

autorisaient la France à réclamer la totalité de

M. Martin de Lacroix à indiquer les points

n'osa pas aller

Farquhar en

si loin. Il

que nous occupions avant

G'était ouvrir la porte à toutes sortes profita, et

et elles l'île.

se borna

la

guerre.

de contestations.

pendant que notre euA'oyé se mor-

compulsant ses dossiers et ergotant sur des textes plus ou moins obscurs, le rusé gouverneur se hâta de prendre les devants. G'était un homme d'action et d'initiative il allait le prouver avec éclat. fondait à Maurice,

:

commandant Martin do Lacroix.

1.

Sir R. Farquhar, au

2.

Rapport prcccdcmment

citO

du 30 novembre

1816.

30 août 1817.


PIlKMIEnS KTAIII.ISSKMENTS DKS IKVNCAISA MADAGASCAIl. 17

Sou ment,

])laii

fut tirs

par

lié

le

sini|)lc;.

Il

comprit que sou gouverne-

traité de 1S14, ne suugeait plus à

remplacera Madagascar; que

si

nous lui-même pouvait encore

soulever des difiicultés de détail et des questions de frontières, le

procédé n'avait

cpie la

valeur d'un

moyen

dila-

dans un avenir très prochain, rétablissement de notre pavillon dans la grande île. n'v avait plus qu'un moven de nous arrêter; c'était de

toire et n'empêcherait |>as, le Il

nous susciler, dans (le

ti'ls

l'ilc

obstacles (pie

numie

et

de

la part

nous fussions

des indigènes,

oljlig('s

de renoncer

à nos projets. ^lais, pour gagner cette suprême partie, l'allalt,

avant tout, trouver à .Madagascar un

homme

il

qui

voulût bien y faire le jeu des Anglais. Tout rem])li de nouvelles espérances, l''ar([uhai' se mit aussitôt en cam-

pagne. y avait alors, dans les parages de la c(jte orientale l'ilc, la seule fréquentée par les Européens, deux chefs

Il

(le

(pii,

à

en juger par les très vagues notions qu'on avait

alors sur la situation politi(jue des peuplades indigènes,

semblaient avoir une réelle autorité. L'un d'eux, JeanRené, vivait à Tamatave c'était une sorte de sang-mêlc, :

qui, de tous temps, avait été en rapports avec

nos nationaux, notamment avec Sylvain Roux, et ne passait pas pour hostile à l'influence française. L'autre, Radama, résidait à

Tananarive, on

des Ilovas. Conl'Emyrne, lui et ses prés'étaient jusque-là peu souciés de ce qui se il

s'intitulait roi

linés sur les hauts plateaux de

décesseurs

passait sur les côtes, et protégés par leur rempart do et de forêts, n'avaient eu que de rares et pas-

montagnes

sagères relations avec les Européens. Farquhar pensa que ce chef, qu'on lui peignait comme hardi et remuant, pourrait servir ses projets.

agents

nommé

Dès

ISlti,

Chardenais, pour

il

le

envova un de ses saluer au nom du

lui

apporter les présents d'usage. Chardenais réussit au delà de toute espérance. Fort bien l'rince-Régent,

et

lui


18

l'afi.virk

i)i;

Madagascar.

vu à Tananarive, il y séjourna quelques mois, et gagna de Radama, au point que celui-ci lui confia frères pour les faire élever à Maniiee. deux ses Le succès de Chardcnais était do ])ori augure pour Far-

la confiance

Radama

quliar.

avait rendu ce qu'il attendait de

s'agissait maintenant de

mettre

la

main sur

la

liova et do faire jouer à son chef le rùle de roi de

gascar, on

le

reconnaîtrait

comme

tel

à

lui.

II

dynastie

Mada-

grand fracas, on

s'empresserait de l'honorer de l'amitié et de la protection

de la Grande-Bretagne,

il

deviendrait alors inviolable jjour

tous les compétiteurs étrangers.

La France, venue

trop

tard, devrait aller chercher fortune ailleurs, et l'Angleterre serait maîtresse à ^Madagascar, par l'intermédiaire de son

Farquhar se mit immédiatement à l'œuvre, il reçut en grande pompe les deux jeunes princes qu'on lui confiait, leur donna comme gouverneur un homme sûr, le sergent Hastie, et envoya auprès de Radama un de ses officiers, ÙSL Le Sage, pour compléter l'ceu-

nouveau

A-re

vassal.

de Chardenais.

Le Sage arriva à Tananarive, en décembre 1816.

Radama du

titre

de roi de Madagascar,

Il

salua

et lui offrit l'appui

de l'Angleterre, pour faire respecter sa souveraineté par notamment par celles de Tama-

les tribus environnantes,

tave qui obéissaient à Jean-René, l'ami des Français. Ra-

dama

écouta volontiers ces flatteuses suggestions

premiers jours de 1817, secret, aux termes duquel

les

il

et,

dès

signa avec Lesage un traité

reconnu souverain de des munitions de toute sorte et des instructeurs anglais pour son armée en revanche, il s'engageait à réduire à l'obéissance son pseudol'île

il

était

entière, et recevait de l'argent,

;

vassal de Tamatave. C'est ainsi que, selon l'expression

d'une belle hardiesse d'un écrivain peu suspect,

Shaw,

sir

toutes les 1.

le

pasteur

Robert Farquhar céda au roi hova Radama possessions do l'Angleterre à Madagascar'.

Shaw, Madagascar anrlFrancc.

p. SI.

I


i'Iu:mii:iis

kimii.issicmiînts dks ih\:<i;ms a M\DAc;\sc\it.

Radama

Fidèle à ses engagements,

.Ican-René.

Une armée

entre

i'ris

de

deux

sergent

.Maurice

mouillait

en rade.

.lean-llenc;

capitula

^octobre

lili'

feux,

])ar le

Tamalave, pendant (juune

anglais Bradv, descendit à IVegatc exjx'^diée

attaqua aussitôt

commandée

liova,

Il)

1S17).

Tout aussitôt Farquliar

jeta

le

secrète de l'année précédente,

en bonne et due forme, que

gner à Tamalave, avec

il

le

masque.

A

convention

la

substitua un traité

officiel

capitaine Stanfell vint si-

délégués liovas (23 octobre

les

IS17). Amitié et alliance perpétuelle étaient conclues entre

l'Angleterre et le

de Madagascar.

le roi

Un

envoyé: anglais,

sergent llastie, était accrédité à Tananarive

gleterre

deux mille livres sterling, dix mille

enlin l'An-

Comme

ligurait

clause de style qui a toujours

lu

services

Radama

livres de poudre, et

cent fusils.

précieux

;

promettait de verser annuellement à

contre-partie à la charge des Hovas,

à

diplomatie

la

rendu de

anglaise

s'engageait à interdire la traite des

esclaves

:

si

Radama dans ses

États.

Farquhar donna aussitôt connaissance de ce traité au gouverneur de Bourbon, ajoutant que Madagascar étant désormais reconnue par l'Angleterre comme puissance libre et indépendante, les autorités lité

pour traiter de

anglaises n'avaient plus qua-

la rétrocession à la

France d'une por-

tion de son territoire.

Ainsi notre habile et rusé trois ans, réussi à

adversaire avait, pendant

nous écarter de Madagascar, en dépit

des termes formels du

traité'

de 1814, et des ordres im-

gouvernement. Pour obtenir ce résultat, il avait, par trois fois, modifié son système de défense et ses arguments, mais ceci n'était à ses yeux qu'un détail sans importance. Peut-être n'est-il pas superflu d'ajouter ([ue l'eclosion spontanée du patriotisme bova, et les manifestations nationales du roi Radama, avaient coûté

pératifs de son


l'ai-iaire PE

20

gouvernement

au

de

Tile

MADAG\SCAFî.

Maurice

la

liagatelle

de

1.349.000 francs'.

Lorsque le commandant Martin de Lacroix eut rendu compte à son chef du résultat inattendu de sa mission auprès de sir Robert Farqnliar, on finit par comprendre, à Bourbon, qu'on n'obtiendrait jamais rien, si l'on attendait indéfiniment le bon plaisir de nos voisins. 11 fallait prendie une décision ou se résigner à voir le traité de 1814 devenir caduc par suite de prescription. L'absence de Far(juhar, parti en congé, était une occasion dont il fallait profiter, d'autant que l'officier auquel il avait confié l'intérim, ^L Hall, mou et irrésolu, ne semblait pas un adversaire bien redoutable. En conséquence, le gouverneur de Bourbon sollicita et obtint du baron Portai, alors ministre de

la

l'île

marine, de faire réoccuper sans plus de discussions

Sainte-Marie et la rade de Tintingne. Le commandant

de Mackau, chargé de l'opération, occupa ces deux postes, le 15 octobre 1818. De son côté, Sylvain Roux releva notre pavillon à Tamatave.

Ces nouvelles hâtèrent

le

retour de Farquhar, qui repa-

rut à Maurice, vers la fin de 1818.

grès des Français,

il

amenait avec

Pour balancer les prolui un premier convoi

de missionnaires appartenant à la Londou Society, qui devait jouer plus tard un rôle si considérable à Madagascar. 11

lui-même présenter ses précieux auxiliaires à Radama, et les installer à Tananarive. Radama reçut fort bien celui qui l'avait poussé au trône de Madagascar et, sur ses alla

sollicitations,

il

consentit, en 1820, à signer

traité, qui confirmait et

un second

complétait celui de 1817.

Il

auto-

risa les missionnaires protestants à ouvrir des écoles dans

l'Emyrne, leur fournit de gré ou de force leur clientèle d'élèves, et confia à Farquhar vingt jeunes gens, pour les 1.

Rapport

également

:

pi'tsenté à la

L'expédition de

rines. IHe.vuedes

Chambre des Communes. 10 juillet 1828. Ct. Madagascar en IS'Jt), par M. Gailly de Tau-

Deux Mondes.

15

septembre

1895.)


liTAULlSSKNENTS DKS l'IlANÇAIS A M M)A<;aS(:mi. 21

l'IlKMIlillS

l'airo

élever en

Angleterre. Enfin de

et sous-officiers aniclais furent

nuiiibri-iix olliciers

admis comme instructeurs

dansTarmée hova. Cependant, le cabinet français poursuivait son plan. .Malgré les clameurs d'une opposition inconsciente, qui

chaque jour entravait le pouvoir dans ses louables efforts pour relever notre marine, notre commerce extérieur et nos colonies', le baron Portai avait pu arracher aux Chambres quelques crédits, en vue de l'œuvre entreprise à Madagascar. Il ne servait à rien, en effet, de relever un pavilne prenait pas soin d'assurer la sécurité de nos

lon, si l'on

nationaux

et

de protéger leurs intérêts et leurs biens.

On

obtint 420.000 francs en 1820, 93.000francs en 1821 et 1822.

Avec

gouverneur de Bourréoccuper Fort-Dauphin. En même temps,

les crédits

bon put

faire

Sylvain Roux,

à sa disposition, le

nommé commandant

Madagascar, réorganisa

français à pointe,

mis

Tintingue

et

des établissements les postes de Foule-

Fondarare, puis passa dans

l'ile

Sainte-Marie, avec l'intention d'y jeter les bases d'une sta-

navale

tion

(30 octobre

mais Farquhar, qui une fois.

A

1821).

veillait

L'élan semblait décisif,

attentivement, l'entrava encore

Roux était-il débarqué à Sainte-Marie une frégate anglaise (23 novembre 1821). Son commandant, le capitaine Moresby, le somma de la part du gouverneur de Maurice de lui dire au nom de qui peine Sylvain

qu'il vit arriver

en vertu de quels ordres

et

il

prétendait occuper

Sylvain Roux répliqua qu'il agissait au

1.

«

Ne pouvez-vous

nom du

l'île.

roi

de

être libres, indépendants, prospOres, sans avoir

une marine nombreuse? Combien les dépenses surabondantes que nous faisons pour la marine, alin de proléger notre commerce extérieur, ne seraient-elles pas plus utilement ture, rendre

industrie? l-'

n

plus actif notre

intérieur et développer notre

Discours du général Sébastiani à

(

avril 1822.

employées pour améliorer notre agricul-

commerce

)

la

Cliumbre des députés,


l'aifairk de Madagascar.

22

France

et qu'il n'avait

rités anglaises.

pas de compte à rendre aux auto-

Sur quoi

capitaine ^loresLy, voyant que

le

l'intimidation n'avait aucune prise sur notre représentant,

appareilla sans tarder, et s'en fut porter ces fâcheuses

nouvelles à son chef. Pour nous arrêter

qu'un seul

moyen

:

il

n'y avait plus

Farquhar n'hésita pas à l'em-

la force.

ployer.

Sur son ordre,

le

sergent Ilastie, qui résidait à Tana-

narive, en qualité de consul d'Angleterre, endoctrina Ra-

dama

persuada que

et lui

le

moment

était

venu

d'utiliser

troupes que les traités de 1817 et de 1820 et les larges

les

subventions fournies par

Radama

permis d'organiser. cre,

et

un

Grande-Bretagne

la

petit corps

lui

avaient

se laissa facilement convain-

d'armée hova, solidement encadré

par des soldats et des la côte orientale

officiers anglais, apparut bientôt sur K Foulepointe, Tamatave, Tintingue et

Fondarare furent successivement enlevés, sans que les quelques hommes qui gardaient ces places pussent opposer une résistance sérieuse (1823). Seul, Sylvain Roux réussit à tenir dans Sainte-^Marie (1824). L'année suivante, FortDauphin tomba à son tour, et il. de Grasse-Briancon, qui

hommes, fut saisi par surprise, renvoyé à Bourbon 14 mars 1825).

l'occupait avec cinq

sur un bateau et

jeté

Ces éA'^énements finirent par émouvoir l'opinion en France, il parut excessif que Radama employât contre nous des

troupes commandées par Hastie, qui, officiellement ou non, n'en exerçait pas moius à Tananarive les fonctions de consul anglais, instruites et dirigées officiers anglais,

armées de

par des

fusils anglais,

officiers et

sous-

approvisionnées

de poudre anglaise, payées grâce aux subventions anglaises et vêtues d'uniformes anglais. Plusieurs fois déjà, le

mar-

quis de Clermont-Tonnerre, qui avait succédé au baron 1.

«

Radama

nombreux tie

fui

puissanimenl aidé dans ses conquêtes par un groupe

d'officiers ci

de sous-officiers anglais, parmi lesquels M. Has-

se dislingue particulièrement.

»

.Tohnslon, op.

cil., p.

268,


IMIKMIKHS liTAlil.ISSKMKNTS DES in.VNÇAIS A M ADAGASCAIl. 23 la

marine, avait insisté au

Londres

les réclamations néces-

Portai clans Fadministration de conseil pour qu'on

Mais

saires.

fil

de

^I.

à

Cliateaubriand, alors ministre des

alVairos étrangères, tout

tm transmettant pour

la

forme les

de son collègue à son ambassadeur, les laissait « 11 était persuadé, divolontiers tomber dans l'oubli ]ilaintes

:

sait-il,

de la complète inutilité d'une semblable démar-

cbe, car

il

trop facile aux

était

Anglais de protester

de leurs bonnes intentions et de rejeter toute les indigènes. »

Il

concluait en ces termes

lons agir à ^ladagascar,

armes que

il

:

«

la faute .Si

sur

nous vou-

faut nous servir des

mêmes

Anglais, c'est-à-dire y envoyer des liommes et de l'argent mais il ne sert à rien de récriminer '. « Et les

:

^[. Canningtransmit,le 19 avril 1824, au prince de Polignac, notre ambassadeur à Londres, ne laissait au cabinet français aucun espoir de voir s'aplanir les difficultés dont nous nous plaignions « 11 ne paraît pas, disait le chef du Foreign-Office, qii'aucun obstacle ait été mis par les autorités anglaises de l'île Maurice à la reprise de possession par la France de ses anciens établis-

en fait,

la

réponse que

:

sements.

Les entraves que

les autorités françaises ont

éprouvées paraissent leur avoir été opposées par quelquesunes des tribus guerrières et indépendantes de l'île. Quant

aux présents

faits

être habillés et l'on

à des habitants du pays, que l'on dit

armés à

aux munitions que le Wiznrd, le

l'anglaise, et

prétend avoir été fournies par

le

brick

gouvernement de

S. M. ne peut ajouter qu'une chose c'est que ces articles ont été fournis aux Malgaches par suite d'un

commerce

:

libre et légal, qui a toujours été

droit entre nations indépendantes 1.

En

d'usage et de

»

ce sens, voir la lettre fort spirituelle de M. de Chateaubriand

à M. de Clermont-Tonnerre, en date du des Taurines, op. 2.

-.

12

mars

1824, citée

par M. Gailly

cil.

Mémorandum du

19 avril

1824 remis par M.

Polignac, cité par M. Gailly des Taurnis, op.

cil.

Canning au prince

ile


^^

L Ail

DE MADAGASCAH.

Allti;

Une discussion entamée sous de pouvait aboutir. Aussi

conformément

et

ne

pareils puspices

cabinet français n'insista pas,

le

M. de (Chateaubriand,

à Favis de

mit en devoir de passer des paroles aux actes. Le

il

se

moment

pour agir nous n'avions plus à compter Robert Farquhar, qui, pourvu en récompense de ses services d'un poste avantageux à Londres, avait quitté Maurice. D'autre part, le sergent Hastie, notre implacable ennemi, l'àme de la résistance à Madagascar, n'était plus. était favorable

avec

Il

:

sir

était

mort,

18 octobre 1826, à Tananarive, où, bien que

le

simple agent consulaire anglais, et l'autorité

tour n'allait pas tarder à

1.

Un

livre

d'aventuriers de laquelle

le

avait acquis la situation

homme

l'Iiisloire

Radama

agent. Elle donne

'.

Radama

le

gouvernement anglais à

la

mort

remarquable, un des plus curieux types

de Madagascar. Nous on extrayons

infoiniait le

à son

suivre dans la tombe. Toutes

bleu fut consacré par

obsèques de cet

et au.\

il

d'un véritable maire du palais

gouverneur de Maurice de

un singulier aperçu des relations

la

la lettre

par

mort de son

étroites qui existaient

alors entre les autorités anglaises et le roi Ilova. « »

Au Lieutenant

gi'nvvdl sir

<i.

Tananarive, 23 octobre 182G.

L. Cote, gninerneur de Maurice.

MoNSiEun, 11

J'ai

l'honneur de m'acquittcr d'un doulouieux

en informant Votre Excellence, que

l'illustre et

et

lamentable devoir,

dévoué M. James Hastie

gouvernement à ma Cour, une longue maladie. Parsessages conseils

qui, depuis plusieurs années, représentait votre est décédé, le 18 courant, après

sa promptitude à secourir les pauvres et les faibles, il avait mérité, non seulement mon amitié qui n'a fait que croître pour lui, chaque jour, mais aussi l'amour de mon peuple qui pleure en lui un ami et un père... et

moi Radama qui déjà ai supconformément au traité que j'ai passé avec

Toutefois, malgré la mort de M. Hastie,

primé !<.

la traite des esclaves,

M. B.,

je suis toujours

en

vie, et suis résolu à

tous les

moyens en mon pouvoir,

tinue à

me

faire verser

les stipulations

observer sirictoment, par

de ce

traité, si

annuellement ce qui est prévu dans

J'envoie à V. E. le compte de ce que j'ai reçu cette année,

n

V.E. con-

ledit traité.

(Gorrespon-

dence between His Majesty's government and the sovereign chief of Madagascar, 1" mai 1828).


l'Ui;Mli:itS

KTAIILISSKMENTS

IIICS

1

IIANCAIS \ MMiMiASCAIt. 2j

ces disparitions soudaines nous laissaient le ciianip libre

:

Le premier soin du gouvernement fut d'envoyer, à Boiirlx)», un gouverneur énergique, le comte de (]li(^[Tontaiiies, en lemiilacement de M. de Frcyon en

proiita sans tarder.

cinet, (lu'on rendait,

non sans raison, en grande partie res-

ponsable du mauvais état de nos affaires enfin, au mois de mai 1828, li; baron llydi; de Neuville, ministre de la :

marine, obtint du

iîoi

les derniers ordres nécessaires.

Il

commandait notre manda division navale sur les cotes de Brésil, d'envoyer une le capitaine de vaisseau Gourpetite escadre à Bourbon beyre on reçut le commandement. Arrivt; à Bourbon, au aussitôt à l'amiral Houssin, qui

:

début de juin 182U, il en repartit quinze jours jdus tard, avec trois bâtiments et 230 hommes, (^est en cet équi-

page que navalo

I,

France partait en guerre contre veuve et successeur de Radama I. la

la reine

Ra-

moyens employés, notre expéaux Anglais, qui se mirent aussitôt en devoir de l'entraver. A peine les navires du commandant Gourbeyre avaient-ils quitté l'île Bourbon, que le gouverneur de Maurice, ^I. Colville, écrivit au comte de Gheffontaines une lettre de protestation. De son côté, lord Stuart se plaignit au prince de Polignac devenu premier ministre. Chose assez piquante, qui montre combien cette attitude était artificielle, et combien les Anglais étaient embarrassés pour légitimer leur opposition, les thèses soutenues par les deux agents du cabinet britannique étaient diamétralement contradictoires. Tandis que lord Stuart, se référant à la première interprétation du traité de 1814 déclarait ([ue l'île de ^ladagascar était passée sous la domination de l'Angleterre, en sa qualité de dépendance de l'ile >,laurice ', M. Colville se conformait aux instructions postérieures de lord Bathurst et nous Malgré

la

modicité des

dition ne pouvait agréer

,

1.

Lord Sluart

;i

lord Abcrdoen, 23 octobre 1829. Record office.


26

L.MF.VIRE

1)1-;

M.VDAGASC.VH.

conciidait certains points strictement flrlimités

occupions au l°''janvier 1792

i.

que nous deux

Si maintenant, de ces

opinions dilTicilement conciliables, on rapproche celle de

Farquhar notifiant en 1817 au gouverneur de Bourbon « que Madagascar était une puissance indépendante, unie au

r((i

d'Angleterre par des traités d'alliance et d'amitié,

et sur le territoire

de laquelle aucune nation n'avait de

droits de propriété hors ceux que cette puissance serait

disposée à admettre

~ »

;

il

faut bien conclure

que

le

cabi-

net anglais et ses représentants ne se préoccupaient nulle-

ment d'une doctrine faire prévaloir;

de ]\Iadag'ascar

moyens

politique ou d'un intérêt supérieur à

que leur seul objectif ;

ét:iit

de nous écarter

que, pour atteindre ce but, tous les

leur étaient bons, et que

notamment ils saisissaient

avec une égale avidité, tous les prétextes que leur suggéraient les événements ou l'imagination féconde de quelque

sous-ordre trop zélé. Aussi

le

prince de Polignac

était-il

pleinement dans son droit, en se refusant à poursuivre, au sujet de

Madagascar, une négociation

qui,

chaque jour,

changeait de base, et qui, se heurtant à des systèmes dia-

métralement opposés, selon qu'on discutait ù Paris, à Londres ou à Maurice, ne pouvait aboutir qu'à un inextricable imbroglio. Voilà pourquoi les instructions du duc de Laval, ambassadeur à Londres, lui prescrivirent formellement de décliner toute controverse à ce sujet

:

«

Si le ministre

dagents qui n'ont pas su se dégager encore des voies d'une politique ombrageuse anglais, y lit-on, cédant à l'impulsion et hostile à l'égard

de

la

France, voulait

comme eux

s'in-

gérer dans les suites d'une entreprise où l'Angleterre n'a

aucun droit d'intervenir, vous combattrez avec fermeté toutes prétentions de cette nature et vous ne dissimulerez 1.

ï.

M. Colvillc au gciuvcrncur de Sir Robert

Record

office.

l'ile

ISourbon. 28 aoùl 1829. Hcnird

Farquhar au gouvoi'iieur de

l'ilo

Bouibun, décembre

1817.


PUKMIERS KTMiLISSEMKNTS

IIKS

1

H\N(:\IS A M ADACASCAIt. 27

pas (ju'ellcs scronl invariaLlcment repoussôes par le gouvernement du Uoi '. » Le cabinet anglais en fut dune pour ses fi-ais, et le commandant Gourbeyre, dédaignant de vaines récriminations, parvint sans encombre à Tamatave. Après quelques pourparlers et une infructueuse tentative de conciliation, la ville fut bombardée et occupée par une compagnie

de débarcpiement (11 octobre). Huit jours plus tard, nos marins furent moins heureux devant Foulepoiute où leurs effectifs réduits

résistance

d(>s

ne purent venir à bout de

Ilovas, mais le 3 novembre,

revanche à Pointe à Larrée. Là s'arrêta

la

la

vigoureuse

ils

prirent leur

campagne

:

les

pertes avaient été sérieuses, les survivants cruellement

éprouvés par

la fièvre, et le

commandant Gourbeyre, après

une garnison à Tintingue, prit le parti de (28 novembre). Les résultats étaient assez médiocres et la suite des événements allait les réduire encore. Lorsqu'on effet le commandant reparut trois mois après à Tintingue, un lamenavoir

laissé

rentrer à

Bourbon

La fièvre s'était abattue sur la sur deux cents hommes, à peine M. Gourbeyre, profondément dé-

table spectacle l'y attendait.

malheureuse garnison, en

restait-il

et

vingt valides.

couragé, demanda son rappel. \'ainement

gent gouverneur de Bourbon

lui

l'actif et intelli-

remontra-t-il que rien

compromis. Déjà 800 hommes de renfort étaient plus que l'ordre de départ. L'ordre ne fut pas donné. Le commandant revint en France, et l'officier auquel il avait remis ses pouvoirs n'était

arrivés à Bourbon, et n'attendaient

n'osa, faute de nouvelles instructions, poursuivre les opérations. L'occasion était raître

manquée,

et

ne devait plus repa-

avant cinquante ans.

C'est qu'en elfet la chute du roi Charles

1.

Le prince de Polignao au duc de Laval

Affaires clruni^vrcs.

X

et

(2 niai'S 1830).

du prince Archives des


28

LAIIAIRE

de Polignac

allait

IIE

M.VKAGASCAR.

marquer un temps d'arrêt dans notre

hommes

renaissance maritime et coloniale. Les

qui s'é-

taient groupés autour de Louis-Philippe avaient, sur les

questions extérieures, des idées fort différentes de celles qui avaient guidé les

hommes

d'état de la Restauration,

et ils ne pensaient pas que la grandeur et la prospérité du pays fussent liées à son expansion au dehors. S'ils n'osèrent pas évacuer l'Algérie, ce n'est pas que l'envie leur en ait manqué, mais ils reculèrent devant la résistance du

Roi plus clairvoyant qu'eux,

de hlesser trop

et la crainte

vivement l'amour-propre national. Quant à Madagascar, elle était trop peu connue, et son histoire était trop courte pour trouver des défenseurs. Son sort fut réglé sans discussion par le général Sébastiani, que la révolution avait porté au ministère de la marine. Il supprima tous les crédits votés pour l'expédition, contremanda le départ des troupes, et rappela celles qui étaient déjà parties. «

Un

armement extraordinaire existait à ^Madagascar, expliquat-il à la Chambre, en \'ue d'un établissement impolitique impossible; nous nous

et

sommes

hâtés, en arrivant au

ministère, de donner tous les ordres, de prendre toutes les

mesures propres à

à arrêter

le

faire cesser l'effusion

cours de nos sacrifices

i.

du sang,

et

Plus explicite en-

«

core, devant le conseil d'amirauté, le ministre justifia sa

décision par des paroles qu'on aimerait mieux ne pas voir figurer dans

un procès-verbal

politique, dit-il,

officiel

:

«

Au

point de vue

l'expédition pourrait donner lieu à quel-

ques difficultés, en ce sens qu'elle a eu pour but de donner aux établissements français de Madagascar plus de consistance et d'étendue qu'ils n'en avaient eu jusque-là, et de changer par conséquent la situation

France 1.

relative

de la

et de l'Angleterre-.

Discours du gonéral Sébastiani à la

Chambre des dépulùs,

15 nov.

1830. 2.

Conseil d'amii'auté

:

procos-verbal des séances,

fi

octobre 1830.


l'OLITini L'iie

la part

aussi

nu GOUVERNEMKNT KK

IC

29

JIII.I.KT.

excessive prudence paraît surpn'iiantu, de

du vigoureux soldat qu'était

le

général Sébastiani,

surtout lorsqu'on vient à la rapprocher de la ti'nK'rité non

moins grande dont

preuve les années suivantes dans

il fit

faut-il y voir non pas une marque de pusillanimité, mais bien une application fort intempestive d'un principe cher aux hommes de cette giMié-

européennes. Aussi

les allaires

ratioti politique

:

.Xous ne possi'dous, avait dit

n

temps auparavant

le

quelque

général alors simple député de

position, nous ne possédons aujourd'hui de colonies

bon

l'op([U(!

au grand détriment de notre prospérité agricole, commerciale et insous

le

plaisir

dustrielle'. » lution,

de l'Angleterre,

et j'ajouterai,

Devenu ministre par

le

se hâta de passer des pai-oles

il

pourquoi un demi-sii'cle cause du progrès et de

fut

hasard d'une révoaux actes, et voilà

perdu à Madagascar, pour

la

la civilisation.

111

Rien n'est plus tei'ue que çaise à Madagascar, pendant

l'histoire le

de l'action

fran-

demi-siècle qui suivit la

Restauration. Rien de plus déconcertant pour que cette longue défaillance de notre polititpic, qui non seulement anéantit les résultats obtenus, mais

chute de

la

l'historien

alla

même jusqu'à compromettre

l'avenir par d'injustifiaimprudences. C'est miracle que personne ne nous devancés dans la place, et qu'après cinquante ans

bles ait

écoulés, nous ayons

pu renouer utilement

relâchés de nos vieilles traditions la fortune

:

les

fils

épars

et

singulière faveur que

ne devait pas à notre longue

inditl'érence.

Ce ne sont pas cependant les raisons d'agii' qui manquèrent au gouvernement de juillet et au second empire. 1.

Itiscours

let 1828).

du général Sébastiani à

la

Cliambro des députés

(2i juil-


30

l'.MIAIKE RE MADAGASCAR.

Les insolences

et les

cruautés des Ilovas leur auraient

depuis longtemps attiré un châtiment méi'ité de deux

hommes énergiques

et avisés,

MM.

;

Thabileté

Laborde

et

Lambert, aurait peut-être iini par nous entraîner à leur suite, si nous n'avions toujours vu l'Angleterre monter jalousement la garde autour de l'Ile. Ni Louis-Philippe, ni Napoléon III ne voulurent, en forçant le blocus, encourir le déplaisir et l'hostilité de nos voisins, ajouter un motif de dissentiment à tous ceux qui déjà nous divisaient, surtout alors qu'ils prétendaient faire,

de l'alliance an-

glaise, la base de leur politique européenne.

De

cette contradiction perpétuelle entre notre politique

européenne tout

le

et

nos intérêts coloniaux

mal. Elle nous

et

maritimes, naquit

eût coûté l'Algérie,

si

de ce côté

Restauration n'avait pas brusqué les événements

la

et

suffisamment avancé les choses pour

qu'il nous devint nous paralj'sa en maint endroit du globe, notamment à ^Madagascar. Nous n'aurons garde de raconter, par le menu, cette pénible histoire, qui se traîne languissamment pendant tant d'années, mais il est nécessaire d'en retracer sommairement les principaux faits, tant pour permettre de suivre l'enchaînement des événements que pour faire ressortir la continuité de la politique anglaise dans la grande île.

impossible de reculer,

L'échec

di;

mais

l'expédition

elle

Gourbeyre

et

le

rappel de nos

troupes n'avaient pas tardé à provoquer une réaction à

Tananarive. La reine Ranavalo I, sanguinaire et violente de sa nature, devint l'instrument du vieux parti hova, hostile à toutes les idées modernes. Des représailles

abominables furent exercées contre le parti adverse, et peuplades Betsimisarakas. qui nous avaient fait bon

les

accueil sur le

rivage

oriental,

furent

anéanties. Cette

barbare exécution ayant laissé la France indifférente, Ranavalo osa davantage. La mission catholique, que le préfet apostolique de la Réunion avait conduite à

Tana-


poi.rrii^HE

(;olm:h.m:mi:.n

nie

nai'ivo en 1S.'Î2, fui

chassée

et.

i

'M

.u ii,li:t.

son intrépide chef

sa vie sa eharilé rt son (h''vniiciuenl. tai'da

m

Le même

|i;iyji

de

sort ne

pas à atteindre les missions protestantes, et par un

Anglais qui avaient provoqué contre nous l'élévation de la puissance hpva, ne lurent pas plus que nous à Tahri de ses coups. En 1835, jnste retour di'S eiioses d'ici-has,

il

li^s

n'y eut plus un seul Europt'en à Tananarive

jietit

nombre

avait pu rester à 'l'aniatave,

braffeuse surveillance

Pendant tement de

un très

du gouverneur hova.

ans, le pavillon français disparut complè-

six

grande

la

;

sous l'om-

île;

puis, en IS'iO, notre gouvci'ue-

ment jiarut avoir quelque velléit('' de sortir de sa torpeur. Les événements qui agitaient alors l'Europe avaient excité en France une sorte d'impatience contre la lourde tutelle de l'Angleterre, et ce sentiment, qui

s'était manifesté avec une imprudente vivacité dans les affaires d'Orient, eut une ri'percussion sensible dans les autres parties du monde. Sur la côte occidentale d'Afritpie, les commandants Bouet NN'illaumez et Baudin débarquèrent pour la première fois au Congo, en (luinée et aux Ijouches du Niçïer ^1840-1844); au Maroc, nous osâmes, en dépit de l'An-

gleterre, réduire le l'amiral

Du

sultan à l'impuissance; en Océanie,

Pelit-Thouars parut à Tahiti. Enfin, à

gascar, l'amiral de

plus sur la côte est, où la présence

provoqué des

Mada-

Hell chercha à reprendre pied, non

hostilités bruyantes,

des Hovas aurait

mais sur

le

rivage occi-

dental, qui avait toujours échappé à l'action

du gouvernement de Tananarive. De 1840 à 1844, une série de traités passés avec les chefs sakalaves nous assurèrent la possession des îles de Nossi-Bé et de Mayotte et du litoral compris entre labaie de Passavanda et le cap SaintVincent.

Il

fut

même

question, à Paris, d'entamer une

campagne plus sérieuse

qui, tout en vengeant nos malheureux compatriotes persécutés par la reine Ranavalo,

aurait assuré

définitivement notre situation dans

l'île.


l'aHAIUK de MAIlAGASCAH.

32

Le

projet était en voie d'aboutir, lorsqu'une saute de vent

se produisit et tout fut

Nos marins,

et

endurants que

le

abandonné

mêmes

ceux

'.

moins

d'Angletei-re, furent

cabinet français, et un incident inattendu

vint les pousser à bout et les déterminer à agir, sans at-

tendre les instructions d'Europe. valo s'avisa d'édicter une

loi,

En

1845, la reine Rana-

qui assimilait tous les étran-

gers à ses propres sujets, et notamment les soumettait à la corvée, à l'esclavage et à la barbare épreuve du poison, fondement de la procédure civile et criminelle, à

Madagascar. Contre ceux qui refuseraient d'accepter

cette

intolérable situation, la loi édictait l'expulsion et la confis-

cation des biens. cution,

si

De

la

menace, on passa aussitôt à

l'exé-

bien que tous les Européens restés à Tama-

durent évacuer le pays, et abandonner leur fortune à la rapacité des Hovas. L'amiral Romain Desfossés, qui commandait notre division navale, ne voulut pas sup-

taA^e

D'accord avec

porter pareille provocation.

de vaisseau Kelly, commandant se présenta, le

il

l,i

juin

l.S'i.'),

un ultimatum demeuré sans

le

le

navire anglais

capitaine

Conway,

devant Tamatave,

résultat,

il

bombarda

et

après

la ville.

Puis Français et Anglais mirent à terre leurs compagnies de débarquement, et assaillirent les retranchements liovas. L'assaut échoua nos trois cents hommes furent décimés et :

se replièrent, en laissant

mains de l'ennemi.

une vingtaine des leurs entre

Ce malheureux

notre cause, eut les plus fâcheux résultats.

1. «

Vers

cette époque,

il

élait question

dagascar. Le général Duvivicr était ni'envova partie, et

me

Non seulement

de faire uueexpédiliou

:i

Ma-

désigné pour la coniniander.

un oHicier d'ordonnance nie demander si Marbot me faisait savoir qu'on serait très

tère de la guerre, de

les

incident, loin de servir

Il

je voulais en faire

heureu.x,

désigner pour cette expédition.

Il

au minis-

m'eût été

dif-

de refuser... et cependant cela ne me souriait guère. Heureusement l'expédition n'eut pas lieu. » (Souvenirs du marcrlinl Cnnroborl, recueilficile

lis

par G. liapsl,

I, .iy2.)


DU UOUXEKNKMK.NT DE

l'Ol.ITIQLK l'orjjfueil

de Hanavalo

.s'cnlla

33

.1111. 1. ET.

outre mesure, et ses crunu-

mais les Anj^lais .suri'iit pour rentrer eu ti-ràcc à nos déliirr [lai'ti de leur échec pens, ils se liàtèr(Mit de désavouer le commandant Kelly,

tcs no conuurciit plus de borne.s,

dirent-ils, avait agi sans ordres, j)ayèrent a la reine

([ui,

une indemnitt' (l(! 7."). 000 francs et s'appliquèrent à rejeteisur nous tout l'odieux de l'agression. Aux procédés barbares du gouvernement liova, ils n'pondirent par des avances pleines de mansuétude, et abandonnant froide-

ment

la

cause de leurs nationaux spoliés et maltraités,

s'appliquèrent à éviter une

ils

rupture» ofliciell(\ qui eût

chances de l'avenir. Le résultat qu'ils cherchaient no tarda pas à se produire. Tandis que les l'ranrais restaient tonus à l'écart, les Anglais réussirent à s'in-

compromis

les

à nouveau dans la place, et quelques années plus

iiltrer

il sullit d'un cadeau de 50.000 francs glissé gouverneur de Maurice dans la main du favori en le prince Rainijahorany, pour faire rapporter, en

tard, en 1853,

par

le

titre,

ce qui concernait ses nationaux, les

de

la vieille

La grande à l'iniluence

mesures vexatoires

Reine. île

semblait devoir échapper définitivement

française, au profit de l'Angleterre, lorsque

M.M. Laborde et Lambert entrèrent en scène. Peut-être ost-ce à ces doux hommes que nous devons d'être aujourd'hui à Tananarivo, non pas que leur habilett' de manœuvre ait eu des résultats directs et un succès immédiat,

mais par leur persévérance

qu'ingénieuse,

ils

inlassable autant

réussirent à empêcher

autour de Madagascar;

de

l'oubli

[se

maintinrent la question ouverte, forcèrent l'attention distraite de la métropole,'et faire

ils

n attendant des jours meilleurs, surent interrompre la prescription qui menaçait de s'étabfir à notre détriment. Si l'on doutait encore des services

rendirent à la cause française,

il

que ces deux hommes pour s'en concalomnies et les atta-

suffirait,

vaincre, de relire les sarcasmes, les

3


34

l'affaihe de madaciascau.

ques de tout genre dont rivaux.

On

ils

furent abreuvés par nos

ne leur épargna aucune accusation

si

outra-

Assurément, MM. Laborde et Lambert, isolés dans un pays barbare, menacés cbaque jour dans leurs biens et dans leur existence, réduits à leurs seules forces pour tenir tête à un peuple passé maître dans Fart de geante

fùt-elle.

la duplicité et

de la fourberie, oublièrent-ils parfois de

régler leur conduite d'après les principes du code civil et les

usages diplomatiques de

la

vieille

Europe.

Les con-

ditions exceptionnelles de leur vie aventureuse les obligeait à une liberté d'allures qu'on a toujours tolérée dans les pays neufs. Mais de là à en faire des marchands d'esclaves, des voleurs et des assassins, il y a loin. C'est

cependant

le

portrait qu'ont tracé d'eux la plupart

des

auteurs anglais qui ont écrit sur ^ladagascar, les Pasfîeld, les

Shaw,

les Ellis, et bien d'autres. >Jous

à les laver

tètes tile

:

le

n'avons

])sis ici

des imputations odieuses accumulées sur leurs

temps en a

fait justice.

Mais

il

n'est pas inu-

d'exposer les origines de cette inimitié, car

s'il

était

que la cause française faillit triompher à Madagascar, vingt-cinq ans avant l'heure, grâce à nos deux compatriotes, la rancune de nos voisins d'outre-Manche s'exétabli

pliquerait d'elle-même.

M. Laborde, né en 1805 à Auch, était parti, vers 1830, pour chercher fortune dans les îles ]\Iascareignes. La traversée fut heureuse, mais au moment d'arriver au le navire qui le portait fut jeté à la côte, dans les parages de Fort-Dauphin. Echappé au naufrage avec (juelqnes-uns de ses compagnons, M. Laborde tomba

port,

entre les mains des indigènes, fut réduit en esclavage,

à Tananarive, pour y être mis en vente. C'est sous ces tristes auspices que cet homme commença la plus aventureuse et le plus extraordinaire des carrières. et conduit

On était alors en 1831, Ranavalo 1 régnait sur les Hovas. Elle avait déjà rompu toutes relations avec les

i


DU (lOUVEHNEMENT

l'OI.ITKjLK

iMiropéens, et

M.

Labf)rcle citait

prit-il,

niiii

aux violences

])ri'liHli'!

cusanglauloi'ent

qui

I)K

son

donc

fort

cl

règne.

lonp;

aux persécutions La situation de

pou enviable. Comment s'y

seulement pour échapper au sort

pour ilevenirle personnage

vue

l'eut-èti'e

la

le

serait-il indiscret

me-

plus en

d'appro-

veuve et ardente, l'eselavc jeune et bien tourné. Mieux vaut s'en tenir à version olllcielle. On assure donc qu(^ M. Laborde,

fondir et

riMiiyriie.'

le

(jui

naçail, mais encore (le

35

ICII.l.KT.

ayant

le

mystère, car

la

Reine

était

connaître sa profession d'armurier, et déclaré

fait

qu'il était capablis de fabriquer des

armes de toute

sorte,

se vit aussitôt traité avec considération par la Reine, que

sa rupture

avec

la

France

importations eui-opéennes.

Il

et

l'Angleterre

privait des

entra à son service, et installa

ses ateliers dans les environs de la capitale. Les produits

de son industrie encliantèrent

la

Reine

laveur s'accrut encore, lorstjue à sa il

et

son entourage

;

sa

manufacture d'armes

rhum

adjoignit des fabriques de sucre, de

et

de faïences,

bien que, malgré la politique barbare de Ranavalo,

si

l'expulsion de tous les blancs, et les persécutions contre les chrétiens,

Même,

il

sut

il

put rester en Emyrne, sans être inquiété.

peu à peu s'imposer comme l'homme

pensable, et certains prétendent qu'il la

reni[)lit,

indis-

auprès de

souveraine, les fonctions de grand-maître des cérémo-

nies et de professeur de belles manières'.

Les choses en étaient

là, lorsqu'en

1855

un

renfort

inattendu parvint à M. Laborde, en la personne d'un né-

gociant français,

nommé Lambert. M. Lambert,

d'origine, s'était fixé à Maurice, où

breton

un commerce de cabotage avec ^ladagascar. Il avait eu l'occasion de rendre au gouvernement hova un service important, en ravitaillant la garnison de Majunga bloquée par les tribus sakalaves. ^I. Laborde profita de la circonsil

avait organisé

petit

1.

Désiré Laverdant, Colonisation de Madagascar,


36

l'affaire de mad.vgascah.

tance pour s'adjoindre un second bert, l'autorisation de

dans ses

;

il

obtint,

monter à Tauanarive

pour M. Lamet le

lit

entrer

affaires.

C'est à ce

moment que

l'association

Laborde-Lambert,

jusqu'alors confinée dans son rôle industriel, accrut ses

visées et entreprit d'utiliser, au profit de son pays d'origine,

la situation

avantageuse

qu'elle

s'était

créée en

Emyrne. Le moment paraissait favorable pour tenter quelque chose. L'héritier présomptif de Ranavalo était parvenu à l'âge d'homme et montrait des dispositions très différentes de celles de sa redoutable mère. Les Anglais ont voulu en faire une sorte de dégénéré abruti par l'alcool et la débauche, mais rien n'est venu confirmer cette appréciation peu flatteuse. C'était évidemment un caractère faible, l'avenir l'a montré, subissant docilement toutes les influences

extérieures, étranger à tout fanatisme, et

au luxe et aux facilités de la vie européenne. Il répugnait aux luttes et aux violences et était tout prêt à accepter n'importe quelle combinaison qui lui assurerait très sensible

abondante et exempte de soucis en un mot, il paraissait né pour présider à l'établissement d'un protectorat sur son pays

une vie

MM.

facile,

Laborde

:

et

Lambert voulurent

profiter de ces cir-

s'efforcèrent de canaliser les

bonnes inprince héritier, au mieux du des intérêts de leur tentions pays. Déjà ils l'avaient fait entrer en relations avec l'amiral Cécile, qui commandait notre division navale, et avec M. Hubert Delisle, gouverneur de la Réunion, qui tous deux avaient eu soin de lui prodiguer les marques de svmpathie et de déférence. En 1855, ils osèrent aller plus loin, et prévoyant la disparition prochaine de la vieille Reine usée et affaiblie tant par l'âge que par une existence plutôt agitée, ils vo»lurent obtenir des engagements formels de la part du pi-ince Rakoto. Celui-ci, habilement circonvenu, promit à M. Lambert de lui concéder, dès son constances

:

ils


POLITIQUE UU

(;0i:\

KlINEMENT

1)K

37

.ILILl.KT.

avènemont au trôno, le monopole des cxploitalions miliières, et lui domia pleins pouvoirs pour préparer la constitution d'une vaste Société, qui,

sous les auspices et la

du g-ouverncment français, procéderait à la mise en valeur de l'ile. M. Lambert, muni de la charte de concession et de lettres de créance du prince Rakoto qui le présentait comme son porte-paroles autorisé, s'embarqua aussitôt pour la F'rance et vint soumettre l'affaire au gouvernement de Napoléon III. Le plan uiHait pas mauvais, mais l'exécution en était prématurée. Outre ([u"il était dangereux de nouer une intrigue à Madagascar avec Rakoto, ce qui devait, le direction

le lils en hostilité avec la mèi'e, débarqué en France, s'aperçut très vite qu'il n'avait rien à espérer du gouvernement impérial. Non seulement personne ne se souciait de Ma-

fait

étant connu, mettre

M. Lambert,

à peine

même

dagascar, mais alors

que

l'idée

d'une intervention

eût rencontré quelque faveur, les nécessités tique effet,

de

la

poli-

générale auraient tout arrêté. C'était l'époque, en

l'on revenait

de près de trois ans. réuni à

Paris

;

de Crimée, après une rude guerre

Un

les plus

congrès des puissances était

graves

questions européennes

agitaient tous les esprits, et le cabinet des Tuileries, per-

suadé que

le

concours de

la

Grande-Bretagne lui était champs de ba-

aussi nécessaire en diplomatie que sur les taille, s'eiforçait,

par mille [)révenances, de maintenir l'en-

tente cordiale dans toute sa pureté. Aussi reçut-on assez

fraîchement

le

pauvre

^I.

Lambert, qui perdit son temps

et

ses peines à vouloir intéresser les bureaux ministériels

aux histoires de Rakoto et de Ranavalo. On lui répondit ingénument qu'à Madagascar comme en Crimée, on ne marcherait qu'avec l'Angleterre, et on l'exhorta à passer le détroit pour voir ce que nos voisins pensaient de la combinaison. .M.

Londres.

Lambert obéit à ces suggestions

et partit

pour


L'AFFAinE DE MAIlVGASCAn.

38

Le dénouement de Tincidenl

est

un des symptùmes

les

plus caractéristiques de la manière dont Français et An-

comprennent les choses coloniales. Pour la France hors-d'œuvre, un passe-temps intéressant qu'il un c'est fait bon avoir en réserve, lorsque la politique cluime et que l'Europe est tranquille. A Londres, au contraire, c'est le glais

premier

constant souci de tous les gouvernements.

et

On

y a toujours présente à l'esprit cette vérité élémentaire que, pour notre plus grand dommage, nous oublions trop souvent, à savoir que l'Europe représente à peine la trei-

zième

partie

de la terre habitable, et que

parmi

1.500 millions d'êtres humains qui s'agitent sous

les

le ciel,

nous autres. Européens, ne comptons pas pour un cinquième. Voilà pourquoi lord Clarendon, qui dirigeait alors le Foreign-Office, se garda de suivre l'exemple de son collègue français il écouta fort complaisamment les rapports imprudents de ^L Lambert, et loin de penser qu'un ministre des affaires étrangères dérogeait, en s'occupant de :

Madagascar pendant que

les

principautés

devant de la scène,

danubiennes

s'employa activement à profiter de la confidence que nous avions dédaignée. 11 comprit sans peine que le triomphe de ^OL Laborde

accaparaient

et

Lambert

le

il

entraînerait, par la force des choses, l'établis-

France à Madagascar. Or, si les Anglais n'aà nous supplanter dans les bonnes grâces de Rakoto (car pas plus en 1855 qu'en 1815 ou en 1894, ils ne se soucièrent de la conquête de l'île'l, il leur importait essentiellement que Madagascar ne devînt

sement de

la

vaient pas

intérêt

pas colonie française. Aussi le cabinet britannique se hâta-t-il d'envoyer à Madagascar un homme de confiance, avec mission de battre en brèche l'association Laborde-

Lambert,

et

de démolir

ment construit. Lord Clarendon

London

Society,

fit

l'édifice qu'elle avait si laborieuse-

choix du Révérend

homme

W.

Ellis,

de la

précieux, à la fois missionnaire.


POLITIQUE nr GOlVKItNK.MENT c'ommerçiiiit

IIK

39

II.I.KT.

.Il

agent secret de premier ordre. 11 arriva à tard la lin de 18.")G. Six mois plus

lit

Tauanarive, vers juillet 1857),

<>:lantc

MM.

Laborde

Rakoto

prince

le

Lambert

et

omprisoiiiie, et

étaient expulsés,

une persécution san-

décimait à nouveau les ciirétiens et tous les indi-

g-ènes suspects de complaisance envers les étrangers.

Loin de nous assurément

la

pensée d'accuser M. Ellis

marquédu règne de Hanavalo. Lui-même et ses coreligionnaires ne furent pas épargnés dans la bagarre, et il est dilTicile d'admettre (|u'il se soit bénévolement exposé à de tels ilangers. ÏNIais sa responsabilité n'en demeure pas moins lourde, comme aussi celle du gouvernement d'avoir provoqué

sang-fi-oid les atrocités qui

de.

reiil la iîn

dont

il

mandataire. Ellis, en

était Iv

séjour à Tauanarive, ti'ès

lit,

durant

effet,

un des premiers,

son

l'application

habile d'un procédé particulièrement cher à l'Angle-

terre, i[ui

un pays dans

consiste à plonger

la barbarie

que de laisser un concurrent bénéficier de sa ré-

plutTit

génération sociale et économique. Nous avons vu jadis les

Anglais attirer l'intluence

les

mahdistes en Équatoria, pour y ruiner

allemande

:

plus tard,

ils

ouvrirent

le

Bornou à

Uabah, pour mieux nous en fermer l'entrée'; il en fut mémo à Madagascar. Plutôt que de voir le triumvirat Ralvoto-Lambert-Laborde prendre la direction des affaires,

de

Ellis n'hésita pas à le

contre

lui

dénoncer à

la

Reine, et

du vieux

toutes les haines

;i

parti hova.

soulever

La

cé-

lèbre voyageuse allemande. M""" Ida Pfeffer, qui se trou-

alors à Tauanarive, nous a laissé

vait

cette tragédie et son

un

récit

ému

de

témoignage, dont aucun intérêt per-

sonnel ne peut faire suspecter la véracité, vaut mieux que les

1.

déclamations des Ellis ."^ur los

rédi'Mt 2.

ri

iiiciileiUs

volume,

Voir

et

de l'Ecuuitoria

des l"1

Shaw

-.

du Burnou, consulter notre pré-

p. 270 et 362.

la relation

de son voyage Madagascar, publié du muiidr de ISflO.

Iraduil ilans le Tntir

:

en Allemagne


40

l,'\riAlHE Ellis

DE MADAGASCAR.

ne réussit que trop bien dans ses perfides machiIl est vrai que lui aussi subit les conséquences

nations.

de la réaction

déchaînée

qu'il avait

à la suite de

MM.

importait du

moment

Laborde

et

:

il

dut quitter

Lambert, mais peu

ne laissait derrière

qu'il

l'île,

lui

lui

que

des ruines.

La

L

valo

comme

tragédie de 1857 fut

Cette

femme

le

testament de Rana-

extraordinaire, à qui malgré

ses

crimes et ses cruautés on ne peut refuser de véritables

mourut

qualités de gouvernement,

le

16 août 1861, et sa

disparition modifia, une fois encore, la situation, à notre

avantage. Le premier soin de Rakoto devenu

le roi

Ra-

de rappeler ^IM. Laborde et Lambert, et de donner force de loi à la convention secrète élaborée quelques années auparavant. 11 nomma M. Lambert son

dama

II,

fut

représentant en Europe, et agréa M. consul de France.

En même temps,

dont

le

Laborde comme

délivra une charte

Compagnie de Madagascar,

autorisant la création d'une «

il

but était l'exploitation des mines, des forêts et

des terrains situés sur les côtes et dans l'intérieur, et introduisit, dans la législation malgache, une série de mesures, qui tondaient à faire de

l'île

indisposèrent les grauds et

le

un

état civilisé,

mais qui

peuple liova lui-même'

».

Le nouveau règne s'annonçait favorablement pour nous. ]\Ialheureusement,

le

gouvernement impérial, sur

présentations de l'Angleterre, eut

tomber tous nos avantages.

1.

Dubois

et Terrier, op. cit.

,

p.

Au

la

lieu

les re-

faiblesse de laisser

de

profiter

de

la

,349.— Par les soins de M. Lamljerl,

représentant de Radania en Europe, et sur la

demande de M. Desbassayns

de Richemont, sénateur, et Fréniy, gouverneur du Crédit foncier, une Compagnie fut immédialcnient constituée à Paris, pour profiter des

avantages concédés par

la charte. Elle fut autorisée

par décret impérial

du 2 mai 1803. Aux termes de l'article 18 du décret, le directeur de Compagnie devait être nommé par l'Empereur, ce qui garantissait maintien de noire iiilluence dans l'ile.

la le


nu (iOUVEHNEMENT

rOI.ITini K Ijiinnc voloiilé

dans scrvc

de

l'ile, il le

(/es

pour

liailania,

IIK

(Halilir

reconiuit pour roi

ILLET.

41

mitre protectorat

.Madagascar, sons

d(^

droits de la France, et

.11

le

rt--

12 septembre 1862,

lui un traité d'amitii' et de conimercc. Ce une faute grave, dont les conséquences se lii-ent lourdement sentir. En refusant à Radama notre appui moral et matériel, nous laissions ce prince plein de bonne volonté, mais faible et inconsistant, à la merci de toutes les inli'igues qui se tramaient contre lui, c'est-à-dire il

signa avec

fut

contre nous-mêmes, parmi ses sujets et ses voisins.

outre

il

était maladroit

^[adagascar

»,

nos anciens «

le

reeonnaître

c

comme

En

roi

puisque nous prétendions toujours à

de la

souveraineté

de

traitc-s

nord-ouest de

C('ite

File,

en vertu

de la d(!

avec les chefs sakalaves. La mention la France » ne signifiait pas

sous réserve des droits de

grand'cliose, et ne servait qu'à entretenir l'équivoque.

Les conséquences de cette double faute ne se

pas incapable de firent

attendre. Radama, livré à lui-même, fut mener à bien les réformes politiques et économiques dont M. Laborde lui avait suggéré le plan. Aux |)remières résistances qu'il rencontra, il perdit la tête; une insurrection éclata, et le malheureux roi fut assassiné dans

son palais.

dans ce drame, une simple révolte du vieux hova contre les innovations d'un gouvernement troj)

Faut-il voir, parti

moderiu'.' C'est

possible, mais

penser que cette révolte

«

il

n'est pas défendu

spontanée

»

de

trouva un puissant

appui auprès des agents anglais et des prédicants qui le pays. La chute de Radama servait trop bien

inondaient

leurs intérêts pour qu'ils n'y aient pas contribué, au moins

par leurs excitations, leur acquiescement tacite et leur complicité morale. Ellis, en

M. Laborde

elïet,

était

rentré à Tanana-

ne cessait de s'élever avec véhémence contre les tendances françaises de Radama. rive derrière

Si l'on pouvait connaître

et

sa correspondance avec

le

gou-


UO

L AFFAIllE DE MADAGASCAR.

vernement anglais,

nul doute

i[u'on

y découvrirait

la

preuve de ses intrigues, car les rares fragments qu'on en a publiés laissent clairement voir la ligne de conduite qu'il avait

adoptée

:

«

Madagascar a

le

choix entre deux

destinées, répétait-il à tout venant, ou bien devenir forte

permettra de maintenir l'indépendance de la nation, ou bien accepter la suprématie d'une et prospère, ce qui lui

grande puissance. France,

elle fera

comme

Si

vous acceptez

la

protection de

la

de Madagascar une simple colonie fran-

ou Tahiti, et vous aurez à trapour son seul profit. Dans l'autre hj'pothèse, quelles que soient les difficultés qui vous menacent, elles ne sont pas insurmontables. Très peu d'années vous suffiront pour atteindre le but, si i'oiis avez de vrais amis pour vous dirigera çaise

l'Algérie

vailler sous ses ordres et

Ce langage

n'est que trop clair, et ouvre des horizons

limpides sur la politique des meneurs de la propagande anti-française. Aussi s'étonnera-t-on

peu du

silence pru-

dent qu'ils gardèrent sur les événements de 1861.

de vue,

le

panégyrique, que

le

A ce

point

fameux pasteur Shaw a con-

sacré à sa propre mémoire, est tout particulièrement sug-

Tandis qu'ils'étend avec complaisance, pendant plus de vingt pages, sur la grande trahison de M. Laborde en 1857, et sur l'odieux complot qui devait amener aux affaires le prince Rakoto avec les partisans de l'influence française, il glisse en deux lignes sur le drame de 1861 qui, en supprimant violemment un prince inoffensif et faible, assura le triomphe des intérêts anglais. « Il serait trop long, se borne à dire le Révérend Shaw, de raconter ici cette révolution dont la conséquence fut la mort de Radama II, ainsi que la dénonciation du traité français et de la concession gestif-.

1.

Lettre du Rev. Ellis à lord Clarendon, niinisticdes alfaires étrangères,

citée

par Sliaw

2. i^liaw,

:

The true slory ofthe french dispute

op. cil., p. 32.

in

Madagascar,

p. 20,


PnilTigiK nu (lOUVKIlNEMKNT UK

.1

43

Ul LI.KT.

chacun (le trouver un motif avouable cette réserve un peu compromettante.

I.amlnu-t a

Liljrc ù

»

'.

Cette fois-ci la partie était l)ien perdue. Peut-être aurions-nous pu nous replier sans bruit et attendre paticmment ([ue le vent ait tourné, mais on n'eut même pas cette |irudcnce. C'est en effet ciiez nous

une infirmité singulière

de vouloir toujours consacrer juridiquement, par acte authentique, chaque incident de notre politique (Hrangère

(pie

qu'il s'agisse

ou coloniale,

d'un succès ou d'un revers.

Tandis que l'Angleterre ne craint jamais de laisser en suspens les questions délicates, évite les engagements, l't se ménage ainsi des occasions faciles de reprendre, au moment opportun, une discussion interrompue, la France, ayant horreur des situations mal définies, collectionne avec amour

1.

(le

liuinilaiiiiivdiiy. qui

force

ï^alioii

ilii'isc

dos niissioiiiiaires do la

denicMiré inédit,

durant

liviiiiv lic

l'agi'iit ufliL-iel et le

l'iil

London

Society.

la

dii-i'i'l

du coup

avait agi à

l'insti-

très curieux journal,

maison de Rainilaia-

internement en Algérie, rapporte dans les plus minu-

moindres paroles de

détails tous les faits et les gestes et les

ii\

fiii'il

Un

danslequelM.Vassé, intondant de

.son

et ijui, nialgi'é

bénéficiai ri'

contre IHiulaina, ne cacha jamais

l'exilé,

un incroyable fatras d'enfanlillage, a un véritable intérêt

documentaire, nous fournit à ce sujet un témoignage peu discutable.

m'a souvent reproché il

mort de Badama

II, dit

mon

du méthodiste EUis,

frère et à moi, qu'il

dévoués à l'Angletcrro. Ni

et surtout sur les

nous

menaces à nous

la cupidité ni

fut sur faites,

hommes

remplacer par des

ferait

On

«

un jour Rainilaiarivony

son gardien... Si celte mort fut décidée et mise à e.xécution, ce

les conseils

à

la

plus

l'amour dos grandeurs ne furent

pour rien dans l'accomplissement de cet acte politique. Nous ne vîmes

que

l'intérêt

do

la

patrie, ainsi

que nous

le

démontraient

les

mission-

naires dans leurs prêches où soufflait contre la France une haine implacable.

»

Sans doute, cette déclaration tardive de noire être acceptée

vieil

adversaire ne peut

que sous bénéfice d'inventaire. Mais, outre

pas invraisemblable, on se demande

qu'elle ne parait

l'intérêt qu'aurait

pu avoir

parvenu aux derniers jours de sa vie, à travestir sujet d'un événement survenu trente-trois ans auparavant,

diclateur,

l'ex-

la vérité, et

au

que per-

sonne, son interlocuteur moins que tout autre, ne songeait à lui leprochor.

.


L AFFAIRE DE MADAGASCAR.

44t

Le gouvernement impérial La charte annulée après la mort de Radama, le

les traités et les protocoles.

resta fidèle à ces lialjituJes de notre diplomatie.

Lambert ayant

été

cabinet des Tuileries exigea, en échange, une compensation

de 1.2ÛU.()Û0 francs,

permit ainsi aux Hovas de donner

et

l'apjjarence légale d'un rachat à

De même,

une vulgaire

spoliation.

après que la reine Rasoherina, docile instrument

des missionnaires protestants, eut dénoncé tous les traités passés avec

la

France, nous nous évertuâmes à renouer

avec Tananarive des relations

ofllcielles.

vières, notre premier envoyé,

Le comte de Lou-

mourut à

la peine

(1867),

Ranadu 8 août 1868, qui en lui confirmant le titre de Reine de Madagascar, sans même réserver les droits de la France ', préparait pour l'avenir une série de difficultés sérieuses, et consacrait un nouveau recul de notre politique. C'était de notre part une véritable abdication mais son successeur,

valo

^I.

Garnier, obtint de

la reine

II le traité

:

elle

dura près de quinze années.

IV Ces quinze années ne furent pas perdues pour l'Anglecompte en 1882, lorsque le gouvernement de M. Jules Ferry entreprit de relever nos affaires à Madagascar. Aussi avant d'aborder la phase décisive

terre; on s'en rendit

de cette histoire, été,

dans

la

volontaire et des

de montrer quelles avaient conséquences de notre retraite

est-il essentiel

grande

île,

les

manœuvres de nos concurrents.

Lorsque l'Angleterre cherche à mettre la main sur une terre vacante, ou lorsque, même sans idée de conquête 1.

Cette omission est d'autant plus inexplicable qu'en

nement impérial avait paru vouloir poursuivre sur

185',l,

le

gouver-

la cote orientale la

politique de Louis-Philippe, et avait passé de nouvelles conventions avec

divers chefs sakalaves.


HKTIUITK |n'rs(iiui('llp,

étiihlir,

I)K

18(18

1881.

.V

45

un tiers de s'y où elle excelle c'est de lancer de bonne volontii qui reconnaissent

elh' vi!ut scsuIiMnciit oiuj)("'cli(;r

est

il

l'ItANCK

l.A

l>K

un

|iiocéclé

en avant des éclaii'curs

:

terrain et font les logements pendant (jue les j)ers(jnnages

le

officiels restent

dans l'ombre.

Si l'alfairc se présente mal,

ou échoue, ceux-ci n'ont garde de bouger, car ils n'ont pas été découverts, et il leur est toujours facile de désavouer quelque collaborateur trop

zélé. .Mais, si l'on entrevoit le

succès, aussitôt le gouvernement entre en scène et récolte,

au

de l'empire,

profit

les bénéfices

préparés par

l'avaiit-

garde.

Dans

l'histoire

de

la

(îrandc-Bretagne, les opérations de

ce genre ne se comptent plus.

Au

Niger,

Companj' office

:

:

le rôle

on

sait

de l'avant-garde échut à la Royal Niger avec quelle maestria elle remplit son

lorsque après vingt ans l'affaire fut à point,

binet britannique intervint,

et

purement

le

ca-

simplement dans l'Afrique

et

s'empara de sa succession. Il en fut de môme du Sud, où la Chartered et M. Gecil Rhodes ouvrirent voie à M. Chamberlain. D'autres fois, les commerçants les

gens

d'affaires cèdent le

pas aux missionnaires

et

la

et

aux

prédicants. C'est ce qui advint dans l'Ouganda, où les pas-

teurs protestants, chargés de battre en brèche l'œuvre des

Pères Blancs, se glissèrent dans

la

place et, au

moment

opportun, appelènmt à leur aide les soldats du capitaine

Lugard. Jadis à Tahiti, la

môme

le

pasteur Pritchard avait tenté

partie, et ce ne fut pas sa faute

s'il

ne

la

gagna

pas.

Madagascar, à son tour, va nous offrir un exemple des plus suggestifs de cette politique. Pendant soixante ans, cette île, si médiocre qu'en fût le terrain pour l'expansion

du christianisme,

fut

inondée de prédicants anglais, qui

se firent les dociles exécuteurs des volontés

Londres,

et les

champions de

la

du cabinet de

cause anti-française.

Trois missions protestantes opéraient côte à côte à Jla-


46

i/affaihe de madagasc.vu.

dagascar the Londoii Missionartj Societij, thc Churcli Missionary Society, the Society for the propagation of the Gospel. La doyenne de ces Sociétés, comme aussi la plus riche et la plus nombreuse, était the London Missionary Society. Elle avait été introduite dans l'Ile, dés 1818, par les soins de Farquhar, qui avait vu tout de suite le béné:

fice

lors,

qu'en pouvait retirer la cause anglaise', et depuis malgré tous les obstacles, elle avait réussi à s'im-

planter dans le pays.

Sa politique n'avait jamais varié dès le premier jour, avait mis en pratique l'idée de Farquhar et s'était empressée de reconnaître le chef des Ilovas comme le roi de toute l'île. Puis, exploitant avec un art consommé tous :

elle

les incidents

myrne,

elle

de l'histoire intérieure et extérieure de l'Eavait vu rapidement croître son influence et

son crédit. Sous Ranavalo

pour

elle,

mais

elle

I,

les

temps avaient

été durs

n'avait pas tenu rigueur à la vieille

Reine, puisque les Français avaient été plus maltraités

encore qu'elle-même. D'ailleurs, rentrer en grâce, et

le

elle n'avait

Révérend

pas tardé à

Ellis, le plus zélé et le

plus habile de ses adeptes, avait acquis à Tananarive une situation des plus en vue. Sous

Radama

II, Ellis

eut fort

pour venir à bout de l'inlluence française on a vu comment il y avait réussi. La mort de Radama II et la réaction qui suivit, assurèrent son triomphe. Dès lors la à

faire

:

London Society

ci'ut avoir partie gagnée. Elle ne s'appliqua plus qu'à conserver sa situation prédominante et à vivre le plus grassement possible, dans un pays où l'exis-

tence était large

et facile.

La conversion de

la reine

Rana-

de son mari, notre futur adversaire Rainilaiarivony, qui en 1869 reçurent le baptême des mains de ses représentants, parurent devoir lui faciliter encore

valo II et celle

1.

Sur

les

op. cit., p.

débuts de

la

London

Socielij à

Madagascar, voir Jolinston,


HETR.VITK les choses.

ges

et,

Les

sous

le

IIE

l.\

l>K

pastuur.s se répandirent

(lu

leui's

M

1881.

dans tous

mains tous

les villa-

les

lils

ils

cher-

de l'ad-

pays.

Cett(; organisation singulière finit ofiiciellc

18(!8 A

couvert de la hiérarchie religieuse,

chèrent à réunir entre ministration

I-IIANCK

par émouvoir l'Eglise

d'Angleterre. Peut-être conçut-elle des doutes sur

l'orlliodoxie de la religion très libre, dont les prédicants

s'étaient constitués les ministres

,

et

Rainllaiarivony

pontife suprême; peut-être aussi trouva-t-elle que la

don Society s'émancipait d'une façon exagérée

le

Lon-

et qu'elle

perdait chaque jour quelque chose de son caractère de confrérie religieuse, pour prendre les allures d'une simple

association politique. Toujours est-il qu'en

novembre 1870, fit une

l'arehevèquo de Canterbury, primat d'Angleterre,

démarche auprès de lord Granville, alors ministre des affaires étrangères, pour lui exposer la nécessité déplacer les missionnaires de Madagascar sous la juridiction directe d'un évoque anglican '. La Londoii Society fit une vive opposition à ce projet. Elle obtint gain de cause et lord Granville répondit à l'archevêque qu'il lui semblait dangereux d'entrer dans cette voie, « car on risquerait de provoquer un schisme dans l'Eglise anglicane de Madagascar - ». L'archevêque ne se tint pas pour battu et revint à la charge, l'année suivante. Dans une lettre du 15 novembre 1872, il proposa à l'agrément de lord Granville un candidat nouveau pour les fonctions épiscopales, et sachant bien les causes de son échec de l'année précédente, ajouta cette phrase significative doii

1.

Corivspiiiuloiice :

J'espère que la

il

Lon-

proposed 187-2.

appoiiitineiit of a bishop L'archevêque de Ganterbuiy

novembre 1870. etc. Lord (Iranville à rarchevèqne de Canterbnrv,

Correspondenee,

11 janvier 1871.

respeeliiig the

Htate Papers, 1870 et

luril Cii'aiiville, 7

2.

«

Society ne contestera pas à un évèque de FÉglise

in Mailagascai'

à

:


48

l'affaire de Madagascar.

(l'AngletcM're son droit

mission K

de juridiction

même

sur sa propre

«

Les deux autres sociétés de missionnaires, qui avaient développement intensif delà London Socicly, appuyèrent vivement cette mesure -, mais la London Society se défendit avec tant de vigueur qu'elle repoussa ce nouvel assaut ^. Lord Granville répondit à l'archevêque pour confirmer son refus primitif, et «Hé réduites à l'impuissance par le

prédicants furent laissés libres de continuer leur œuvre

les

en toute indépendance.

nous avons signalé ce singulier incident, ce n'est certes pas pour nous immiscer dans les querelles de méSi

nage des sectes protestantes et leurs jalousies confessionnelles, mais il nous a paru intéressant de voir le cabinet anglais prendre en main la cause de la London Society, non pas seulement contre l'étranger, ce qui eût été tout naturel, mais aussi contre des compétiteurs nationaux. Ne faut-il

pas en conclure qu'en agissant ainsi,

il

avait cons-

cience de défendre les intérêts de ses représentants, c'està-dire les siens propres

?

Est-il besoin

autre preuve, pour caractériser

par

les prédicants de \a

rendon n'avait pas

le rôle

désormais d'une

joué à ^ladagascar

London Society? Déjà

hésité,

lord Cla-

en 1856, à donner à l'un d'eux

son investiture, lorsqu'il s'était agi de détruire l'œuvre de M^I. Laborde et Lambert, et la correspondance que ce simple missionnaire entretenait directement avec reign-Office,

suffit

pour lever tous

les

le

Fo-

doutes relatifs à sa

véritable qualité.

1.

14

CoiTespoiulence,

novembre

2.

etc.

L'archevêque de Canterbm-y ù lord Granville,

etc.

Lettre de M. Lee secrétaire de l'archevêque au

1872.

Correspondence,

Forcign-Offîce, 25 novembre 1872. 3.

Correspondence,

parle Bev.

mars

J.

etc.

Voir

trois lettres

MuUens, secrétaire de

et avril 1873.

la

adressées à lord Granville

London Society en décembre

1872,


HKTMAITK KK

Ea

les

l.\

l'ItXNCK

DlC

SGS

I

couvrant de sa protection,

contre l'intrusion de

et

V

I

SS

'li)

.

en les défendant

anglicane, lord

l'iïlglise

I

(iranville

témoignait aussi clairement que son prédécesseur, que les })rédicaiits elaient bien

des agents

moins des missionnaires ([iir gouveriuMuent anglais

j)()litiqui's et ([u'(Uitr(^ le

et ses ag(!uts

il

n'y avait place

pour aucun intermédiaire.

que le gouvernement anglais pu recruter de plus précieux auxiliaires, car leur

faut avouer d'ailleurs

Il

n'aui'ait

intérêt personnel était la meilleure garantie de leur con-

cours

.

Sans doute, asseoir sur rité

il

l'île

ne pouvait compter sur ce concours pour la

domination Ijritannique, car

de la Loiidoii Socielij en

Emyrne

la

prospé-

étant étroitement liée

au maintien du s/alii qtio politique, son intérêt lui commandait de s'opposer à l'iniluence anglaise, aussi bien cpi'à de toute autre puissance. Mais l'Angleterre, on

celle

l'a

vu, ne se souciait nullement de s'emparer de Madagascar;

son seul but était de nous en tenir écartés. Aussi ne pouvait-elle

manquer de s'entendre avec

c'est là le secret le

les

prédicants, et

de l'intime union qui exista toujours entre

cabinet de Londres et les représentants de la Loiidon So-

cieli/.

Tel fut à Madagascar naires. Ils en étaient

le rôle

venus

de ces singuliers missionchampions,

à se constituer les

la religion et de la civilisation, non pas même de leur propre patrie, mais bien de la puissance hova elle-

non pas de

même,

à laquelle

ils

avaient

pourrait que les approuver, efforts ainsi blicité

lié s'ils

leur sort. Certes, on ne

avaient consacré leurs

que les ressources considérables qu'une pu-

savante faisait atUuer dans leurs caisses, à

la rét^-é-

nération politique et sociale de leurs hôtes. ^lais, en dépit

des panégyriques de leurs historiens,

il

est dilhcile d'avoir

une haute idée de leur apostolat. Les Shaw, 1.

Shaw,

op. cil., préface.

les Ellis, les


50

L AllAIUE

liE

Johnston, ont prétendu que, sous leur direc-

PasfiL'ld, les

venus à provoquer l'admiration

tion, les Ilovas on étaient

universelle.

MAD.VGASCAH.

« Ils

se sont montrés, dit l'un d'eux, patriotes

déterminés, politiques avisés, bons soldats, chrétiens fer'. » Cette description enthousiaste étonnera tous ceux ayant vécu en Emyrne à partir de 1883, ont été à

vents qui,

même

d'apprécier l'épouvantable corruption qui minait ce

malheureux peuple.

«

L'Emyrne

Myre de

Yilers

La

'.

comme

s'écroulera

est en pleine décadence,

premier résident général, M. Le

écrivait, en 1887, notre

civilisation

factice des

Malgaches

leurs édifices de boue en laissant à

peine un relief sur

Et

le sol. »

ailleurs

les indigènes susceptibles de progrès

»

:

Je ne crois pas

ils

:

manquent de

personnalité et n'ont ni art ni littérature. Leur unique don naturel est l'imitation, et leur modèle

le

ils

y excellent, en prenant chez Les Hovas ne sau-

côté le plus futile

raient rien fonder de durable n'ayant ni morale, ni religion, ni patriotisme.

Le

pillage et l'exploitation

leur procurent des esclaves et des

moyens

du vaincu, qui

d'existence, sont

leur seul principe politique. Aussi n'ont-ils ni administra-

Tout

tion, ni finances.

de

et

la

domination

le

monde

A

est soldat, vit de la

guerre

beaucoup de points de vue,

les

habitants de l'Emyrne peuvent être comparés aux forbans

de l'ancienne régence, sauf qu'ils exercent leur criminelle industrie sur terre, au lieu d'écumer les mers... Pas plus

que

les

Maures,

les

Hovas ne

travaillent

:

ils

passentleurs

journées, accroupis sur leurs terrasses, à regarder l'horizon

de montagnes qui se modifie à chaque heure du jour... démoralisation est absolue

gnent dans

1.

il

y

a

débauche

La

et l'inceste ré-

sans pudeur.

Un

pro-

dit que sur trois Malgaches au moins un espion du gouvernement. La

qui causent

Correspondance de M. Le livre de Vilers, Ré.sident général à Ma1886-1889, passim el notamment dépêche le déparlement

dagascar, avec

du

la

les familles, et s'étalent

verbe national ensemble,

;

10

novembre

:

1887.

(Documents

incdils.)


lilTIuni';

lIK

lllANCIi

I.A

commandée par

délation est

ISliS

IlE

la loi, et celui ([ui lu;

pas un rebelle, fût-ce son père, subit

Tout homme

est espion

ce tableau

.\

toute

:

la

femme

prostituée

'.

»

d'une

en concentrant la

propriétii

tous les [)roduits de

lie

dénonce

les fers à perpétuité.

mains

Reine, non seulement

core celle

r)l

enchanteur, joignez les bienfaits

li'gislation ingénieuse, qui

de

1881.

A

entre les

du

la teric et

sol,

mais en-

de l'industrie,

rendait tout travail impossible, et aurait aclievi' d'enlever

au Malgache toute idée d'améliorer son avait été capable d'avoir pareille idée.

ou de réquisition, base du droit en

Reine

effet à la

du

les fruits

le

Le

jamais

il

droit de corvée

en Emyrne, donnait

droit de s'approprier les biens et

travail de tous ses sujets.

dans sa

réussissait

civil

sort, si

partie, était

ainsi

Tout artisan qui menacé, chaque

jour, de se voir enrôlé au service de la Heine, tout propriétaire risquait de voir son bien confisqué, aussi l'in-

dustrie

et

le

commerce

étaient-ils

dehors des tombeaux, jamais en achevé,

le

nuls.

Emyrne un

De même en édifice n'était

détenteur craignant d'e.\citer les convoitises

des grands

officiers qui,

sous prétexte du service de la

Ueine, s'empareraient de sa maison'. Telle était la situation morale, sociale et matérielle du

peuple au milieu duquel llorissaient les Indépendants de la

Londoii Society. Sans doute, ce n'est pas eux qui en mais leur grave tort fut de s'être

sont responsables,

accommodés de

cet état de choses, d'en avoir bénéficié et

d'avoir tout fait pour leurs

le

perpétuer. Pendant des années,

rapports mensongers ont trompé

l'Europe sur la

valeur de ce peuple dégénéré, qu'ils représentaient toujours çaise.

comme une

de conserver les

1.

lioii

I.o

victime intéressante de la perfidie fran-

Jusqu'au dernier moment, uniquement préoccupés

Mvie de

avantages de leur situation,

Vilei's, np. vit.

politique ut sociale

île

:

Rapport au déparlonient

l'Euiynie.

8ui'

ils

firent

l'organisa-


L Ail MIIK

.li

MMIAGASCAH.

liK

tout pour maintenir la grande

dans l'isolement et exploitèrent sans scrupule les vices et les misères de ses habitants. Ceux qui les ont suivis de près n'ont pas de paroles assez dures pour stigmatiser leur triste besogne, et même parmi leurs compatriotes il ne manrjua pas, en déj)it

de la

politique,

île

d'hommes ayant assez d'indépen-

dance de caractère et de clairvoyance pour démêler la Déjà l'on a vu que l'Eglise officielle d'Angleterre avait renié ces fâcheux collaborateurs. L'amiral anglais Gore Jones, qui eut l'occasion de les voir à l'œuvre, lors d'une mission d'apparat à Madagascar, en 1881 \ ne déguise pas, dans son rapport, la déplorable impression qu'il « La grande faute de ces missionnaires, dit-il, eu reçut

vérité.

:

de se laisser dominer par privés, ceux de leurs femmes est

ainsi,

souci

et

de leurs enfants. C'est

par exemple, qu'ils s'établissent toujours

peuvent avoir de

de leurs intérêts

le

l'île

plus de confort,

le

si

ils

bien que l'ensemble

est totalement abandonné, tandis

que

la capitale

est saturée de missionnaires. Ils ne se préoccupent d'ail-

leurs en rien de leur véritable tache, et ne songent qu'à

se mêler des affaires de l'État. Us se lancent dans la mêlée

accompagnent

changements de règne, et beaucoup de chrétiens y perdent la vie, moins pour leur foi que pour telle ou telle cause poli-

lors des troubles sanglants qui

les

tique. »

Quant

ardue fut toujours de déjouer les intrigues des prédicants et de lutter contre leur hostilité, leur témoignage n'est pas à nos résidents, dont la tâche la plus

moins probant.

«

J'ai

souvent entendu vanter les talents le premier d'entre

politiques de la Londoii Society, écrivait

eux, et celui de tous qui connut

1.

Rapport du centre-amiral

la division

dagascar,

W.

le

mieux

le

pays

et ses

Gore Jones, commandant en chef de

navale des Indes orientales, sur sa visite à la Reine de juillet 1881,

Slate papers.

Ma-


ItETIl.VITE

Iialiifjdits,

i\r.

liK

\.\

lllANCK

Lo Myre de Vilcrs

DK '

;

l8(iS

ce

que

53

1881.

\

j'ai

vu ne me

jH'nnct ])as do jiartag-er cette opinion. Bien que les

teurs

cette secte soient

de

i'(irl

pas-

imndjreux, et (|ue leur

remonte à vinf,'t-cin(| ans, ils de valeur sur Miidagasear. IjOS trente millinns ([u'ilsont dépenses ne leur init pas procuré d'avantages sérienx... Pour acqu<'rir l'autorité spirituelle, Rainilaiarivony emhrassa un christianisme de son di'finitif

(•taliiiss(Mii(,'nt

n'ont pas produit

invention, dont

il

un

livre

se consacra grand prêtre.

Les membres

de la Loiidoa Society se prêtèrent à cette comédie. Je dois faire remarqner qu'ils ne sont pas des méthodistes, bien qn'en l-"rance nous leur dounions ce titre, et qu'ils ne sauraient

une

rieurs,

Les méthodistes ont des règlements intémorale, des traditions, et il n'y a que des

l'être.

indépendants, des soi-disant libéraux, qui puissent consentir aux concessions de conscience indispensables à

du premier Révérends de

Madagascar, quand on veut être de

la religion

ministre... Je serais tenté de croire

que

la

les

Loinlon Society sont de pauvres diables, à

la

recherche

de moyens d'existence, qui ont embrassé la prédication métier et sont disposés à accepter tous les compro-

jiar

mis, alin de conserver du pain à leurs familles.

comme

Au

lieu

de chez nous, des fonctioncontinuellement du goumécontents, se plaignant naires

d'être,

les déclassés

vernementquiles paie,

ils

ont

la respectabilité

britannique,

semblent prendre leur état au sérieux et exploitent habila générosité des vieilles dévotes de Londres qui ne se doutent guère de l'emploi de leur argent... Ils se sont fait les associés et les complices des llovas. L'évan-

lement

gélisation n'est pour

étant de rentrer dans

Sachant

1.

IS

qu'ils

eux qu'un métier, leur but unique la

métropole après fortune

no pourraient réussir sans

Le Myre de Vilers, CoTespondance

nnùl

ISSi;.

l'appui

inédile. Lettre

du

faite.

du pre-

10

juin et


b4

I.

AllAIllE KE

M.\D\r,ASCAIi.

mier Ministre, ils sont devenus ses complaisants, et prêtent leur concours à ses œuvres les plus ténébreuses. Comme il leur faut également, pour arriver à leurs fins, conserver les larges subsides que leur donne l'Angleterre, autant

par passion

France,

ils

religieuse que

sont parvenus, grâce

par jalousie

aune propagande

de

la

eiïrc'née,

à convaincre leurs compatriotes que l'entreprise financière

de la London Sociely était essentiellement moralisatrice,

que

le

christianisme avait

ment développé :

de grands progrès et large-

peuple que nous allions avoir devant nous également les adversaires qui par tous les même les moins avouables, allaient faire échec

Tel était

en 1882 moyens,

fait

la civilisation. »

le

tels

à la restauration de notre influence à

Madagascar. Ces

obstacles n'auraient pas été bien difficiles à surmonter

;

nous serions vile venus à bout de cette nation corrompue et engourdie et de ses patrons officieux, si nous avions eu nos coudées franches. Mais, dés que se dessina notre

mouvement, l'Angleterre entra en ligne. De là nos longues hésitations, de là, de 1882, jusqu'en 189 les difficultés sans nombre auxquelles se heurtèrent nos diplomates et nos soldats. 'i,


DEUXIKME PARTIE A

I.SS2

,\)V.

1895)

CFIAPITRE

II

LA PREMIERE GUERRE ET L\ MISSION M.

I)i:

I.

Comincnl

MYHE DE VILERS

I,E

se jiislific l'établissement de la

France à Madagascar.

question malgache rouverte, en 1878, par l'afTaire delà succession I.aborde, se complique, en 1881, juir celle de notre protectorat sur la

I,a

côte occidentale. Intervention tardive de la France.

Ambassade hova

à Paris. Intervention de l'Angleterre son insistance pour imposer sa médiation. Vinlento campagne de presse à Londres. Le comité anglais do Madagascar, et son ré(|uisitoire contre la France. M. Duclerc et loi'd <'iranville. Hupture otlicielle avec Madagascar. Campagne de l'amiial l'ierre. Incidents à 'l'amalave La Drjad; le pasteur Shaw; le consul Pakonhani. Mort do l'amiral Pierre. Suite des opérations mi:

:

litaires et traité

IL

1"

du

décembre

M. Le Mjrc de Vilers

et,

1885.

sa mission. Analyse du traité do

188.').

Lettre interprétative de JIM. Miot et Patrimonio et circulaire de M.

de

Freycinet.

Action directe et indirecte de l'Angleterre pour entraver notre établissement à Madagascar et l'exécution du traité de 188.5. Accueil fait au traité, à Londres et à Tananarive. Rôle joué en la circonstance par

III.

Hainilaiarivony et la

London

Society. Ils attirent l'élément étranger el

au détriment des Français Tentative faite pour bloquer Diogo-Suarez. L'affaire Kingdon. IV. La question des o.Noqnafur en Europe; ambassade de Wilfavoriseni tous les aventuriers cosmopolites

.

:

consuls hovas en .\ngleterre. X Madagascar arrivée du capitaine Ilaggard. Il obtient son e.\equatur directement de Hainilaiarivnin. Piolostalion du gouvernement français à Londres.

lougby à Londres;

les

:


L AFFAIRK DE MAUACiASCMt.

50

Singulièrp atlilude el iioiubreuses cunlradictions de

lord Salifburs.

de Rainilaiarivony et de Ilaggard. La crise de septembre 1887. à Tananarive. Modiis rireniH accepte^- par M. de Vilers. Il est repoussé à Paris. Vives réclamations portées à Londres par le cabinet français. Rappel du capitaine Ilaggard et ajournement do la question de l'exequalur. Résultats obtenus par M. de Vilers. Dépit des Anglais à TanaV. narive. Violences de Pickersgill contre M. de Vilers. Découragement des missionnaires de la London Society. Convention franco-anglaise du 5 août 1890. L'Angleterre reconnaît le protectorat français.

Mauvaise

foi

Rien n'est plus délicat que de déterminer, en droit comme en fait, les raisons pour lesquelles une nation qui s'estime supérieure en lumières ot en civilisation, s'attribue le privilège de s'implanter, par la persuasion ou

même

la force,

chez une autre nation qu'elle juge infé-

En aucune

matière, l'abus n'est plus à craindre et

par

rieure.

n'engendre d'aussi abominables conséquences

:

pas un

peuple n'est, à ce point de vue, à l'abri de tout reproche.

Ce sont précisément ces abus qui ont poussé certains condamner formellement, au nom de la liberté

théoriciens à

humaine,

le

même

principe

de l'expansion des races hors

de leurs frontières. De l'adage populaire

«

charbonnier

est maître chez lui », ils prétendent tirer les cons(''quences

Personne, disent-ils, ne peut imposer

les plus étendues. à

un autre

homme

différents de ceux

des sentiments ou un genre de vie

dans lesquels

raissent le satisfaire sujétion

s'exerce de

:

il

a été élevé et qui pa-

à plus forte raison, lorsque cette

nation à nation.

Contre

le

dogme

sacré de la liberté individuelle rien ne saurait prévaloir, et derrière

ces grands mots

progrès de la droit

du plus

civilisation, se fort.

:

diffusion des lumières et

cache tout .simplement

le


.11

STIl ICATID.N

L'l-;TAI!I.rssEMi;.NT

IIK

DE LA lltANCE.

Nous laisserons aux lioinmos du métier Cl!

giave problème de

d'expliquer,

de

s'ils

le

soin (réliicidiT

lo

Libre à eux

jjliilosopiiie politicjue.

comment

peuvcnit,

la liberté individuelle se

le

T)?

respect illimité

coueilio avec la constitution

d'une société quelconque et tout particulièrement avec la

formation d'une unité nationale. Mais l'homme d'État ne

prétend pas réformer

le

monde;

suHit à sa tâche d'y

il

non sur des raisonnements abstraits. Il abandonne au poète et au rêveur lo soin facile de gouverner la République de Solente, et se confine dans l'étude des ri-alités d(! cliacpuî jour. Or, s'il est une réalité toujours et partout constatée, c'est que les forts attirent invinciblement les faibles dans leur orbite, selon certaines allinités de races, de religion, de langage ou d'intérêts, pour former avec eux des groupements nouveaux plus étendus, plus compacts et plus vivre, aussi se guide-t-il sur les faits et

puissants.

Le devoir de l'homme d'Etat tion de cette loi

au pays dont

est

donc de

faire applica-

Sans doute, il doit éviter les abus monstrueux que, dans une matière aussi délicate, peut engendrer l'usage de la force mis au service des passions humaines, et l'on condamne justement les entreprises violentes dirigées par un peuple puissant contre un autre peuple égal en lumières et en civilisation, mais inférieur par le nombre et l'armement. De même, on ne se montrera jamais assez sévère pour les procédés barbares que les Européens ont trop souvent employés contre les populations primitives d'Afrique, d'Amérique et d'Océanie. Mais, parce qu'il y a eu des crimes dans l'histoire de l'humanité, il ne s'ensuit pas que le principe qui a guidé sa marche en avant soit criminel. Aussi avons-nous beau jeu à dédaigner les protestations véhémentes que les Anglais ont fait entendre lors il

a charge.

de notre installation à ^ladagascar.

A

les croire,

de notre part ime simple mise en action de

ce fut

la fable

du


LAIIAIIIE DE MADAGASCAR.

;iO

loup

et

de l'agneau', la destruction injustitiable d'une

civilisation intéressante,

et

la plus arbitraire spoliation

d'un peuple libre auquel les missionnaires avaient incul-

qué

les vertus

cédemment

des nations policées. Nous avons vu pré-

ce qu'il fallait penser de l'état moral, social et

politique des Hovas. Ceci nous dispense de réfuter les arguments de nos voisins; nous ne nous donnerons même pas la satisfaction un peu cruelle de comparer la civilisation malgache avec celle des Boers de l'Afrique du Sud ou des Égyptiens. Il nous suffit d'avoir établi que, du moment où l'on admet, comme une loi de l'histoire, l'expansion des races européennes hors de leurs frontières, on ne peut critiquer dans son principe l'établissement de la France à Madagascar. IS'ous avons abandonné la grande île, au moment où notre situation venait d'y être gravement compromise par la diplomatie impériale. Les traités de 1862 et de 1868, et les longues tergiversations qui suivirent, conséquence inévitable de l'entente cordiale, constituaient un lourd

même

les hommes d'État de la troisième ri'publique n'auraient-ils pas pu se dégager des liens

héritage. Peut-être

qui avaient été

si

imprudemment forgés par

cesseurs au pouvoir,

leui's

prédé-

une rare inconscience, les Hovas ne leur en avaient fourni l'occasion et les moyens. Le conflit s'engagea, en 1878, au sujet de la succession de M. Laborde. C'est ainsi que ce bon Français qui, au cours de ses cinquante années d'aventures, avait eu le si,

a'\ec

mérite de ne jamais désespérer de son pays,

allait,

sa mort, lui rendre un dernier service et non

le

après

moins

signalé. il.

Laborde, en mourant, avait

laissé à

Madagascar

des biens importants, terres, maisons, usines, héritiers,

1.

etc. Ses arguant des stipulations très précises du traité

.I(p|ln^'lon.

np. ril.. p. 272.


•Il

lie

sril icvi'iii.N

18()S,

l'ile,

iiK

i.'kiaiu.isskmk.n

régissaient

(jui

la

ipk

r

i.v

iiunck.

.'l'.l

situation des l'ranc^'ais dans

voulurent entrer en possession. Le gouvernement

hova lit d'al)ord la sourde oreille, puis devant les réclamations pressantes des intéressés et l'intervention du consul de France, M. Cassas, il se jeta dans le maquis de la

procédure.

«

Les constructions,

déclara-t-il, pouvaionl

peut-être devenir l'objet d'une ri'claniation étudier, mais quant au sol,

il

le

cas était à

était inaliénable. »

M. Cassas

:

mais n'obtint rien. y\lors, espérant sans doute intimiiha" la cour de Tananarive, il amena son pavillon, Tamatave, et sollicita de son gouvernement se replia

insista,

;i

l'envoi

navire de guerre.

d'iiii

Cet acte d'énergie

fut

peu goûté à Paris, où M. de Frey-

cinet, qui venait à jieine de

ne se souciait coloniale.

On envoya

consul, mais

prendre

direction ducabinet,

la

nnllenient de di'buler j)ar luu! expédition

cependant

le

navire réclamé par

le

commandait, était port(!ur des instructions les plus conciliantes. Il annonça publiquement « que la F>ance ne voulait pas d'affaires et se contenterait du stalu quo ». M. Cassas se sentit désavoué, et de fait, (juclques semaines plus tard, il l'eçut le

capitaine N'alon, qui

le

son cliangcment de résidence (juin 1880^

Ces mesures de temporisation accrurent naturellement l'audace des Ilovas, qui, pour trancher

le litige,

nèrent de pronmlguer

la lui

La

dagascar, ne peut être

vendue qu'à un sujet du gouverneSi quelqu'un vend à un étranger,

ment de Madagascar. il

suivante

:

«

imagi-

terre, à

Ma-

sera mis aux fers à perpétuité. L'argent de l'acheteur

ne pourra être réclamé et

nement

(2!l

mars 1881).

»

la terre fera

Ce

teslalions de notre agent intérimaire

demanda comment

retour au gouver-

texte souleva les justes pro]\[.

!Meyer.

A

son

gouvernement entendait concilier la loi nouvelle avec l'art. 4 du traité de 1868 ainsi « conçu Les Français, à Madagascar, jouiront d'une complète protection pour leurs personnes et pour leurs

tour,

il

:

le


de M.VUAG.VSCAli.

l'aFF-VIIIE

IJU

biens,

pourront

lis

...

en se conformant aux

nirnts du jiays, s'établir partout où

ils le

lois et ri-gle-

jugeront conve-

nable, prendre à bail et acquérir toute espèce de biens

meubles

immeubles.

et

»

Ravoninahitriniarivo, ministre

des affaires étrangères, ne fut nullement embarrassé pour répondre. « Les Français, dit-il, avaient promis de se con-

règlements du pays. Or, ces lois et règlements s'opposent à ce que la terre appartienne à d'autres personnes que la Reine. La loi de 1881 ne viole donc pas

former aux

le traité.

lois et

Elle défend, suivant les usages les plus anciens,

à tout sujet malgaclie de vendre sa terre,

défend pas aux Français d'acheter'.

mais

elle

ne

»

eut, comme on le pense, peu de succès auprès de notre nouveau représentant M. FJaudais, qui se convainquit bien vite que la seule diplomatie ne viendrait jamais à bout de nos astucieux

Ce raisonnement vaudevillesque

fort

adversaires. Il

n'est guère

douteux que les jirédicants n'aient eu la intriçrues, dont le but était de rendre

main dans toutes ces

intenable la situation do nos compatriotes, à Madagascar.

Du

moins, les appréciations que

sur cette affaire

-,

les diatribes

le

pasteur Sliaw porte

du journal hova do Tana-

narive, dont le pasteur Parrett était le directeur, rendent

chose assez vraisemblable, mais

la

fournir la

il

est

moins

preuve de cette intervention.

facile

de

Fn revanche,

leur action apparaît au grand jour, dans une autre affaire, celle-là

jHirement politique, d'où sortit directement

mière rupture entre

la

France

et

la

pre-

Madagascar.

En juin 1881, deux missionnaires anglais M. Parrett, imprimeur de la London Society, et éditeur de la Gazette du gouvernement, et M. Pickcrsgill, qui exerçait plus ou moins officiellement les fonctions de consul de la drandeAffairps de Madagascar, 1881-1883, p.

1.

Livre jaune

2.

Cf. Slinxv. Mnilnf;ns<fii- tinil i'ianre, p. 88.

:


.ILSTiriC \riON

DE l'kTVIIMSSKMK.NT

Hrclagne à Taiianarivc, quiltùrout

avDué

I)K

i.\

la capitale,

iiianck.

dans

le

On

but

N.-O.

(l'ovangtjliser los tribus sakalaves tic lu ctite

de iNIadagascar.

(il

se rappelle que, depuis 1840, de

nom-

breux traités étendus et confirmés en 1859 et 18G0, avaient ])lacé ces tribus sous notre protectorat, [ja France, à vrai dire, avait (jui'Njuc peu néglige' ses |)rotégés, mais notn;

établissement

déliiiilil'

dans

l'île

de Nossi Bé nous avait

toujours permis de surveiller cette côte et de garder

le

contact avec la population.

Parrett et Pickersgill, à peine arrivés à Majunga, sur la côte occidentale,

dications

nature.

s'empressèrent de mêler à leurs pré-

évangéliques des exbortations de toute autre

Ils

exaltèrent la puissance de la Reine des Ilovas,

ral)aissèrent d'autant celle de la France, et firent ipi'ils

si

bien

déterminèrent j)lusieurs ebefs sakalaves, jusqu'alors

nos clients fidèles, à les suivre à Tananarive pour rendre foi et

hommage

à la Reine Ranavalo.

Leur soumission

fut

acceptée au palais d'Argent, et on les renvoya presque aussitôt chez eux, sous l'escorte d'une

armée. Sur tous les points du s'installèrent

comme

nombreuse troupe

littoral, les officiers

hovas

en pays conquis, amenèrent les pa-

villons français qui avaient été remis

aux chefs des prinle drapeau mal-

cipaux centres, et les l'emplacèrent par

gache. L'insulte était flagrante

:

si l'on

voulait garder quelque

chose de notre situation à Madagascar, c'est

il

fallait

agir, et

en ce sens que M. Bandais écrivit à M. Gambetta,

alors ministre des affaires étrangères.

pressantes,

il

exposa

Dans

trois

dépèches

la situation qui lui était faite et ré-

clama des ordres. Il racontait l'occupation par les Hovas de Nossi Faly et de iVossi Mitsiou, deux points de la côte occidentale qui nous avaient été nominativement cédés, et la dépossession du vieux chef Tsimikaro, le même qui avait traité avec nous en 1840, et qui depuis lors était régulièrement pensionné par

le

gouvernement français.

Il


62

l'aIFAIKE DK MMPA<;\SC\Ii.

rappelait én-alement toutes les péripéties de l'affaire La-

boide, et prouvait que les Hovas, en nous opposant la loi de 1881, avaient tout bonnement annihilé les eiïets du traité de 1868'.

Lorsque ces dépèches arrivèn'Ut à Paris,

leur destinataire était déjà toml)é du pouvoir,

M.

cinet avant remplacé

M. de Freydu

Ganiljetta à la présidence

Conseil et aux affaires étrangères. Elles n'étaient pas faites

pour plaire, car, peu porté par sa nature aux ex-

péditions coloniales,

le

nouveau ministre avait

Egypte, d'assez graves sujets de préoccupation difficile,

térés

:

il

déjà, en lui était

cependant, de rester sourd aux cris d'appel réi-

de

son

Aussi tout en

agent.

lui

recommandant

beaucoup de prudence et de réserve, se décida-t-il à lui envoyer un petit croiseur, « le Forfait », commandant Le Timbre, pour appuyer ses réclamations. La précaution n'était pas superilue, car les événements allaient se précipiter et prendre une tournure des plus graves. De nouveaux contingents hovas ne cessaient de descendre des hauts plateaux de l'Emyrne A-ers la cùte occidentale en même temps, une vive agitation se manisfestait à Tananarive où des « kabarys » étaient tenus journellement, pour prêcher la guerre contre les Français; les menaces de mort et les insultes étaient prodiguées à notre représentant, si bien que M. Bandais, impuissant à rien obtenir et inquiet pour sa sûreté, quitta la capitale (29 mai 1882). Quelques jours plus tard, la situation empirant sans désemparer, et des meurtres restés impunis ayant été signalés sur la personne de nos nationaux, le chancelier, M. Campan, amena ofliciellement le pavillon du consulat et rallia son chef à Tumatave. Toute relation :

diplomatique fut dès lors, en

pue avec

1.

les

sinon en droit, rom-

Hovas. Puis M. Bandais, sans attendre de

M. Baudais au Minislrc

Livre jaune.

fait,

:

dépèclies des IG nov., 1" duc. et 13 déc. 1881.


JUST11'IC\II()N

liK

nouveaux ordres,

I.'kTAIH.ISSKMKNT

chargea

bàtiincnt nialgaclic eliargi'

Majunga,

gagna

Il

et

ii^

la

l'orfait

I. \

IliVNCi;.

commandant Lu

le

d'une diimonstralion militaire.

liK

On

(>.'i

'J'imbre

mit l'embargo sur un

de troupes

à

destination

de

appareilla pour la côte occidentale.

baie de l'assavanda,

où cjuel([nes matelots

mis à terre abattirent le pavillon iiova et le remplacèrent par nos couleurs. La même opération fut faite sur plusieurs autres points

:

ludle part, les

I

lovas ne firent de résis-

tance (17-20 juin 1882). Cette démonstration insignifiante d'un petit navire dépourvu de toute valeur oiïensive, atterra les lovas et leurs conseillers habituels, ce qui prouve qu'il eût sndl, à ce moment, de très peu d'énergie pour obtenir gain de cause. Après quelques jours d'hésitation, le gouvernement de Tananarive, désireux avant tout d'ari'êter la croisière du Forfait, proposa d'envoyer en France une ambassade pour trancher les questions pendantes '. Cette olfre fut agréée à Paris, et toutes les opérations furent en conséquence suspendues à ^ladagascar. Mais déjà le cabinet britannique avait pris les devants et s'était arrangé de façon à s'immiscer dans les négociations. Le 7 juillet, le consul anglais Pakenham avait télégraphié à lord Granville, pour le mettre au courant des événements, ajoutant que l'ambassade hova comptait se rendre à Londres -, et dès la réception de cette dépêche, 1

c'est-à-dire le 22 juillet, lord Granville, donnait à son

am-

bassadeur à Paris, lord Lyons, l'ordre de demander à M. de Freycinet des explications sur les vues de la France à Madagascar.

M. de Freycinet

se borna à répondre que l'imminence de

sa chute ne lui laissait plus assez d'autorité pour discuter la question 1.

2. :i.

',

et

en

ell'et

le

lendemain de cette conversa-

Ravoninahitriniarivo à M. Bandais, 4 juillet 1882. Livre jaune. Livre bleu anglais, C. 3476.

Lord Lyons à

loi'd

Granville, 28 juillet 1882. Livre bleu.


64

L'\llAlHli

tion le cabinet

séance du 29

Lord Lyons M. Duclerc.

MADAGASCAR.

IIE

se retirait à la

juillet

'.

suite

revient à la charge,

il

mémoire,

lamentaLle

trouva en face de

L'honorable ^L Duclerc, on peut tort à sa

de la

Lorsque, quelques jours plus tard,

n'était

le

lui

dire sans faire de

pas un de ces hommes politiques

dont l'arrivée aux affaires s'impose par leur autorité personnelle et l'éclat des services rendus, mais ni l'énergie ni lu décision ne lui faisaient délaut,

non plus que

le

sen-

timent très vif des devoirs d'un gouvernement et de la digniti'

du pays. Arrivé au pouvoir à un moment où notre

prestige au dehors avait, à propos des alTaires d'Egypte,

reçu une rude atteinte, accomplis, mais

il

à notre diplomatie

du Parlement

il

ne pouvait revenir sur les

faits

s'efforça en toute occasion de rendre le

ton et l'assurance qu'une défaillance

lui avait fait

perdre. C'est à

lui,

en grande

que nous devons d'avoir débrouillé l'écheveau compliqué de la question malgache, d'avoir remis en lumière les vrais principes, réparé les fautes accumulées depuis

partie,

des années,

fait

justice de tous les sophismes, et d'avoir

pour ses successeurs un terrain de discus-

ainsi préparé

sion inébranlable.

Dans

lutter à la fois contre

qui était

le

l'Angleterre

cette

la

œuvre réparatrice,

il

eut à

rouerie des Malgaches, et ce

plus délicat, contre l'ingérence indiscrète de :

son robuste bon sens, joint à une fermeté

parfois presque trop

rude, le firent sortir à son avan-

tage de cette double épreuve.

Les envoyés malgaches, au nombre de quatre, conduits par Ravoninahitriniarivo, qui jouait le rôle de ministre des affaires étrangères, débarquèrent à Marseille, le 2 oc-

M. de Freycinet, après de longues tergiversations, avait demandé aux crédits pour occuper militairement le canal de Suez. Mollement défendue par le cabinet, et vigoureusement attaquée par M. Cle1.

Chambres des

menceau, cette proposition

fut

repoussée par 450 voix contre

75.


JUSTri ICATION DE I.'kTAHLISSEMENT de L\ l'ItANCE.

65

gagnèrent aussilôl Paris, où les attendait une commission présidée par l'amiral Peyron, alors chef d'état-major de la marine. Les négociations ne traînèrent pas. Sur la première question en litige, celle du protectorat de la cùte occidentale, les délégués avaient d'abord tobre:

ils

paru disposés à transiger.

[Is

avaient consenti, en

eil'et,

à

supprimer leurs douanes et à enlever leurs jjavillons dans

mais lorsqu'on voulut mettre par convenu oralement, ils s'y refusèrent formellement. Par contre, sur le droit de propriété, ils se montrèrent intraitables, et se bornèrent à donner à nos concitoyens la faculté de passer des baux ordinaires de vingt-cinq ans. Or on sait que, dans tout contrat de ce genre, la loi malgache introduisait une clause de style, par laquelle la Reine pouvait, en vertu du droit de corvée, prononcer la résiliation du bail. Aussi nos représentants ne tardèrent-ils pas à soupçonner que les ambassadeurs de Ranavalo n'avaient aucun désir de négocier sérieusement. Ce soupçon se changea en certitude, lorsqu'on apprit, un beau matin, que l'ambassade avait déguerpi nuitamment, en oubliant, comme par hasard, de solder la note du Grand-Hùtel où elle était descendue (27 noles territoires contestés,

écrit ce ilout

ou

était

vembre 1882). Le Quai d'Orsay paya galamment

l'hôtelier,

et

l'on

pensait n'avoir plus à s'occuper de ces étranges négocia-

M. Duclerc reçut de lord Lyons une note verbale l'informant que les envoyés hovas avaient gagné l'Angleterre, qu'ils sollicitaient sa médiateurs, lorsque trois jours après,

que lord Granville, attachant une grande importance au règlement amiable du litige franco-malgache, allait les recevoir, mais qu'avant d'entrer en pourparlers, il demandait instamment au gouvernement français de lui faire connaître, sans tarder, ses vues et ses intentions. Le procédé était au moins insolite, car dans tout débat international, il est de principe qu'un tiers n'intervienne,

tion,

5


l'affaire de Madagascar.

66

dans la forme ofïicicllc, qu'ajti'ès s'étrt^ mis d'accord avec deux ])arties. Aussi M. Duclerc refusa-t-il de se

les

suggestions du Foreign-office. Il se borna, dans sa réponse, à rappeler ce qui s'était passé entre nos commissaires et les envoyés malgaches, ajoutant, non sans une pointe d'ironie, « qu'il serait heureux que le langage du gouvernement anglais fût de nature à ne pas leur laisser plus d'illusions que le nôtre' ». Cependant la presse anglaise était partie en guerre

prêter aux

et l'opinion

s'élevait

de la France.

Un

«

avec force contre les réclamations comité de Madagascar », presque

uniquement composé de membres du parlement et de missidunaires de\ai Londoii Society était subitement éclos pour centraliser la résistance, fêter les envoyés hovas, ,

pousser en avant

et

cabinet anglais. Son réquisitoire

le

contre la France, auquel

du Livre en

le Foreign-oflice iitles honneurs manquait pas d'habileté 2. H établis-

bleu, ne

comme en

droit, l'indépendance absolue de la Reine de Madagascar, et sa souveraineté sur toute l'île. Cette indépendance, disait-on, était hors de doute depuis

sait,

fait

1817, car,

à cette date,

la

Grande-Bretagne,

héritière,

en vertu des traités de 1815, des anciens établissements français à Madagascar, considérés

de

déjjendances Maurice, en avait rétrocédé la possession à Ra-

l'ile

dama

I.

Dès 1815, l'île.

du

l'octroi

de

la

France n'avait donc plus aucuns

Elle n'en avait pas acquis de nouA^eaux,

droits sur fait

par

Radama

puisque cette charte avait été

1.

:M.

cembre

comme

II

de la charte Lambert,

ultérieurement rachetée

Duclerc à M. Tissot ambassadeur de France à Londres, 3 dé1882. Livre

Jaune.

MM. A. Mac Arthur et G. Palmer membres du Parlement, et de M. F. W. Chesson, constituant tous trois le bureau du Comité, dans le Livre bleu, n" C. 3476, relatif aux affaires de 2.

On

trouve ce factum, signé de

Madagascar

(1883).


.U

S'rriICATION

DK

l.

KTABI.ISSKMIC.N'r

llK

I.A

IliANCE-;.

()7

gouvernement hova. l*>llr n'eu avait pas acquis davantage par suite des traités passés avec les cliefs le

]iiir

sakalavcs de la

cùl,(!

N.-()., puisque ces

cliel's,

sujets des

un une souveraineté qui ne leur appartenait pas. « Au reste, concluait le mémoire, les Français seraient mal venus à conlesler aujourd'hui la souveraineté de la cour de Tananarive, qu'ils ont solennellement reconnue à maintes llois

de

l'ananarive, étaieni

inliahilos à transférer à

tiers

dans des actes diplomatiques Ii; litre de lioi et de Heine de Madagascar, soit tout récemment encore dans raffaire du loutre Toiielé naufragé sur la côte occidentale et pillé par les naturels. Le gouvernement français avait exigé, à cette occasion, une indemnité de la cour d'Emyrne, ce qui impliquait forcément que cette cc'tte était soumise à l'autorité hova. » Tel était ce mémoire, qui fit du bruit dans le monde colonial, et où le gouvernement anglais s'empressa de

reprises, soit en attribuant

à

Radama

et à ses

II

successeurs

.

puiser tous ses éléments de discussion. Rendons-lui cette

du traité de abandonna l'idée chère à Farquhar de faire du continent malgache une dépendance de la petite île Maurice; mais il insista fortement sur ce que nos droits eu pays sakalave, à supposer qu'ils aient eu une origine légale, étaient périmés depuis que nous avions reconnu au.v souverains hovas la qualité de Rois de Madagascar,

justice qu'il ne releva pas l'argument tiré iSi'!, et qu'il

et

que nous

les avions

rendus responsables des actes de

commis en ces régions.

piraterie

Sur ce point, l'argumentation anglo-malgache ne manil faut l'avouer, d'une certaine solidité. Sans nous pouvions répondre que l'emploi fait dans un acte diplomatique d'un titre de courtoisie, n'équivalait

([uait pas,

iloulc,

pas

à

la

reconnaissance

d'une

souveraineté

L'Angleterre elle-même, les documents saient

foi,

effective.

oflTiciels

en

fai-

n'avait pas été d'un avis différent, lors de son


68

l'affaire

dernier traité avec

ment abusif de

le roi

df,

Madagascar.

Radama

II

aussi exorbitantes. Mais

clusions

et

',

eût été vrai-

il

vouloir, d'un simple mot, tirer des con-

sur cette argutie

si,

protocolaire, la réponse nous était facile, l'argument tiré

de l'aventure du loutre

Touelé gardait toute sa valeur nous mettait en fort mauvaise posture. Il était bien clair en effet que, si le pillage de ce bâtiment avait eu et

d'Emyrne ne pouvait

lieu en territoire français, la cour

en être rendue responsable.

Du moment que nous

avions

exigé une indemnité de la part des Hovas, nous reconnaissions leur droit de suzeraineté sur la côte occidentale.

En

cette circonstance, nos représentants

dans

gement

et

qu'il faille

l'île et

leurs

manqué de

chefs hiérarchiques avaient certainement

ju-

commis une lourde imprudence, on s'étonne

en

faire

remonter

la responsabilité à

des

hommes

qui, en matière coloniale, avaient déjà donné, et devaient

plus tard prodiguer des preuves d'énergie et de perspi-

1.

mais

Le

f:iit

no parait pas avoir été relevé par nos diplomates en 1882,

est trop significatif, et

il

le

tificiel

nous ne

le

montre trop clairement combien

langage tenu à ce moment par signalions pas

ici.

— Voici ce

le

que,

était ar-

cabinet anglais, pour que

le 23

septembre

1861,

M. W.

Stevenson, gouverneur de Maurice, écrivait au duc de Newcastle, chef du Foreign-offlce

:

«

Votre Grâce comprendra que

dans mes rapports naître sur

ma

et

correspondance avec

Madagascar une

lient matériellement.

.l'ai

j'ai

soigneusement évité

Radama II,

de

lui

recon-

autorité plus étendue que celle qui lui appar-

été avisé

que

les chefs

sakalaves de

la cote oc-

cidentale se déclaraient indépendants, et si je suis bien informé,

ils le

sont réellement. Sur ces questions intérieures, je fais profession de ne rien savoir.

Les appellations générales: roi Radama, roi de Madagascar, trône communément en usage parce qu'elles sont ta dési-

de Madagascar sont

gnation habituelle du seul souverain avec gui nous ayons eu Jusqu'ici à : elles n'ont qu'une valeur conventionnelle, sans qu'on puisse en

frayer tirer

un argument

soit

en faveur de l'extension à toute

Vile

de l'autorité

royale, soit en faveur de la limitation de cette autorité à une seule partie

de

l'île.

»

Livre bleu, n" 545, 1863.

Pour répéter

le

langage de lord

Granville, M. Duclerc n'aurait donc eu qu'à hii adresser la letlre du gou-

verneur de Maurice.


.uisTiriCATio.N

M. Jules

cacité.

m-;

i.'kimu.isskmknt dk

l'"erry

M. Hartliéhimy

et

G9

i-h.vnck.

i,\

Saint-llilaire,

alors absorbés par l'expédition de Tunisie, ncylig-ùrent probablement les affaires de Madagascar, et abandonnè-

rent leurs agents à leur propre initiative. Cette initiative déplorable, puisqu'elle permit à nos adversaires de

fut

nous accuser de mauvaise Toutefois,

si

foi.

regrettable que fût l'incident,

influer sur le fond des choses.

Ce

il

ne pouvait

en

n'était pas,

effet,

une

maladresse individuelle qui pouvait annihiler les traités passés avec les chefs sakalaves et surtout l'affaire du

Touelé n'avait aucun rapport avec

celK;

du

droit

de;

pro-

priété garanti par les conventions de 18G2 et de 1868, et

Hovas. Aussi M. Duclerc se garda-t-il de abandonner de ses positions, et sans se laisser inti-

violé par les

rirn

mider par maintint

les

pressanles insinuations de l'Angleterre,

des traités passés

tion

qu'avei- les rois de

résister

c<

:

il

droit absolu de la France de réclamer l'exécu-

le

tant

Tananarive

avec les chefs '.

sakalaves

Lord Granville voulut

Les Ministres de

S. ^L, écrivit-il, n'ont pasl'in-

comme

médiateurs, or to press their

tention de s'imposer

french governineiit, mais comme nous sommes en rapport avec les ambassadeurs malgaches, nous serions extrêmement désireux d'en protiterpour

good

offices iipoii the

préparer les voies à un accord amical entre eux et la

M. Duclerc

montra blessé d'une insistanci^ que rien ne justifiait, et dans une réponse très sèche, il rappela, une dernière fois, que les conditions formulées par France

1.

A

-.

»

cette occasion.

se

M. Uuclerc eut à réfuter un argument des plus

singuliers mis en avant par lord Granville.

gageait

le

Le chef du

Foreign-office en-

cabinet français à accepter la contre-proposition malgache

qui donnait aux citoyens français la faculté de passeï des

baux de

cinq ans, en se fondant sur ce que, dans beaucoup de cas, la

elle-même interdisait l'aliénation des biens immeubles cun étranger ne s'était mal trouvé de cette règle. 2.

Note verbale de lord Lvons à M. Duclerc.

-22

et

loi

vingt-

anglaise

que jamais au-

déc. 1882.


70 les

MADAGASCAR.

l'aFI-AIRE de

commissaires français, au cours des conférences tenues

à Paris, marquaient la limite des concessions possibles

De son

«

se rend

côté, ajoutait-il, le

un compte exact de

gouvernement de l'état

la

:

Reine

des choses, lorsqu'il

une médiation que le différend ne comporte pas. Cette déclaration nous dispense d'insister sur une autre expression de la note anglaise. Je ne sais ce que le gouvernement anglais entend par « topresstheirgood offices upon the french government », mais pour nous, cette expression est intraduisible français, car le mot que donnerait la traduction litlérab; serait absolument inadmissible '. » La susceptibilité un peu chatouilleuse de M. Duclerc eut du moins ce bon côté de terminer à notre avantage une conversation qui, en se prolongeant, eût risqué de repousse

l'idée

de vouloir

offrir

m

tourner à l'aigre. Lord Granville se hâta de protester,

que

d(!

phrase incriminée par M. Duclerc n'avait aucun sens désobligeant pour nous, et il se déchira prêt à renoncer à toute tentative officielle la façon la plus courtoise,

de médiation,

si la

la

-. M. Dudu Foreignqu'en jirésencc de

France devait s'en formaliser

clerc en prit acte, et le 8 février suivant, le chef

les envoyés malgaches « du gouvernement français, il ne pouvait s'employer davantage à aplanir le différend qui mettait aux prises la France et la Reine de Madagascar ^ ». C'était, pour M. Ducli'rc, un succès incontestable, l^ar malheur pour lui, il ne lui fut pas donné d'en jouir, et office

informa

l'attitude

même

sa

chute précéda

de quelques jours

que sa fermeté avait préparée.

Il

tomba,

le

la

solution

24 janvier 1883,

à la suite d'un incident de politique intérieure, et céda la Note verbale remise par M. Tissot à lord Granville relevée par M. Duclerc doit se traduire ainsi leurs bons oflices au gouvernement français ». 1.

La phrase 2.

Lord Granville à lord Lyons,

3.

Lord Granville à lord Lyons, 9

1" janvier 1883.

février 1883.

(."i

:

janvier 1882).

«ou d'imposer


.HSTII ICVTKIN

IIE

place à un cahiiict (|iii

KK

I.'kTAIÎI.ISSKMK.NT

intcriiiuiiri'

1,

I-IIANCE.

71

])ar^I. l'alliiics,

jirc'sich'

liii-miMiic, ti-ois scniaiiii's jtliis lai'tl, fut

M. Jules

\

remplacé par

l-'erry.

dû s'en cependant

(]ecal)inet iiitc'i'imaire, qui, parch'-tinitiou, aurait tenir à l'expédition des affaires couranles. la

démarche décisive que jusque-là

lit

diplomatie anglaise

la

le hasard avait dans cette laçon d'interrogn(! ministériel, le ]iorteieuille (le la marine ait été attribue à ^I. de Mahy, l'un des plus ardents protagonistes de notre politique malgache. L'honoi'ahle (h'puti- de la Réunion n'eut garde de laisser échapper loccasion et, le 15 février, il prescrivit à l'amiral Pierre, alors <à Toulon, de partir immédiatement pour Madagascar, sans même attendre his instructions du gouvernement (pii lui seraient téh'graphié'es à Zanzibar.

avait réussi à écai'ter.

voulu

C'est ([n'en

effet

(]ue,

L'amiral appareilla sur l'heure.

A

son arrivée à Zanzibar,

M. Bandais venu à sa rencontre, qui lui remit les instructions de M. Charles fJrun, le nouveau ministre de la marine du cabinet Ferry. En exécution de ces instructions, l'amiral concentra à Nossi Bé son escadre forte de il

trouva

sept bâtiments (19 avril), et le 8 mai suivant,

il

entama ses

opérations, en détruisant, après sommation restée inutile,

hovas disséminés dans la baie de Passavanda, Bavaloubé, et la baie de Bombetok. Le !.> mai, il parut devant Majunga, qui fut bombardée et occupée le 17. Le iil mai, il arriva enlin à Tamatave, où

les postes

la presqu'île de

trouva toute son escadre fidèle au rendez-vous. Le lenil demain, un ultimatum fut remis au gouverneur hova comme on devait s'y attendre, il fut repoussé. En consé:

quence, les hostilités furent rouvertes

un court engagement,

la

ville

le

10 juin

et,

après

tomba entre nos mains

(14 juin).

La et

rapidité de notre action avait déconcerté les

prévenu, de

la

tative nouvelle

part du gouvernement

Hovas

anglais, toute ten-

d'ingérence ou de médiation.

On

s'était


72

l'affaire de Madagascar.

borné, à Londres, à protester contre

retard que les aumis à informer les

le

torités militaires françaises avaient

ressortissants anglais de l'ouverture des hostilités, et aies inNnter à prendre les

mesures de précaution nécessaires'.

M. Challemel-Lacour, notre nouveau

ministre des affaires

étrangères, n'eut pas de peine à prouver, pièces en main,

que

les

même

étrangers aA'aient été traités exactement sur

pied que nos nationaux-, et

l'affaire

en resta

là,

le

mais

de fâcheux incidents survenus, à Tamatave, entre l'amiral Pierre et les autorités et sujets britanniques provoquèrent

d'ardentes discussions et fournirent de nouveaux éléments

aux passions ardentes qua^'ait soulevées, chez nos voisins, mise à exécution de nos projets. Lorsque l'escadre de l'amiral Pierre était apparue dans les eaux de Tamatave, elle y avait trouvé un croiseur an-

la

glais « the

Dry ad

»,

commandant Johnstone, dont

la

mis-

sion officielle était de protéger les intérêts et d'assurer la sécurité

des citoyens britanniques, au cours des opéra-

tions militaires.

Cette mission, parfaitement légitime et

naturelle, n'avait rien qui put blesser les susceptibilités les plus si le

ombrageuses,

et nul incident

commandant anglais

les limites

s'était

renfermé strictement dans

de son mandat. Mais celui-ci crut devoir

donner une extension abusive, avec les exigences de le

ne serait survenu,

l'état

et

de guerre. Loin de respecter

blocus que l'amiral avait proclamé,

plier ses relations

seulement avec

le

avec

la

lui

en tout cas incompatible

il

affecta de multi-

terre, de correspondre

consul anglais et

non

ses nationaux, ce

qu'on aurait pu tolérer, mais encore avec les llovas, ce qui était inadmissible, et de se faire l'intermédiaire

cieux entre la place assiégée et

le

tions courtoises de l'amiral Pierre,

1.

Lord Granville à lord Lvons

2.

M. Challpiiiel Lacour à lord Lvons

:

dehors. il

Aux

répondit par une fin

7 avril et i\ juin 188:j. :

li

offi-

observa-

octobre 1883.


.H'STinC VIKI.N

de

iiiiii-ri'C'i!vi)ir,

outre

l>E

et lu Ion

la Dv]i(t<l et le

bientôt à uu

tel

I.'kTABLISSEME.N T

liE

l.A

III.VNCE.

73

des coiumiiiucalioiis écliangées

vaisseau-amiral

diapason que

les

la

Flore se haussa

rapports devinrent im-

deux états-majors. Franeais et Angouvernements respecf>-lais échangées plaintes fui-ent, en conséquence, tifs et des eiitrt! Paris et Londres. L'affaire n'aurait probahlenienl pas été bien loin, si d'autres faits plus graves n'étaient venus témoigner de la profonde mésintelligence qui régnait, à Madagascar, entre les agents <les deux pays. On ap|)rit coup sur coup, à Londres, que ^L i'akeuham, le consul anglais de Tamatave, très malade de la fièvre, avait néanmoins reçu des autorités françaises l'ordre d'évacuei- la ville dans les vingtquatre heures, et qu'il était mort avant le terme fixé pour son départ; que le chancelier du consulat, un créole Mauricien mâtiné de sang iiova, nommé Andrianisa, avait été arrêté; enfin qu'un des principaux membres de la London Socictij, le pasteur Shaw, t'tait détenu à bord de la Flore, sous une inculpation capitale. Au reçu de ces nouvelles, les tètes s'échauffèrent, à Londres; les journaux jetèrent feu et llammes, et le cabinet, interpellé au Parlement, fit entendre des déclarations peu propres à ramener le calme « Ces faits sont douloureux et graves, dit M. Gladstone, à la Chambre des communes, et nous avons demandé au gouvernement français des explications, qui, nous l'espérons, ne feront pas défaut. » Quelques jours après, le premier ministre, dans un discours à Mansion-Hoiise, confirmait son langage officiel, dans les termes les moins ambigus. « Peut-être aurait-il mieux valu attendre les explications du gouvernement français avant de manifester une émotion au moins prématurée », fit, à cette occasion, observer avec beaucoup de justesse M. Francis Charmes, à la Chambre des députés. Rien n'est plus dangereux, en possiiiles entre

l(!s

saisirent de l'incident leurs

:


74

L AFFAIRE

efl'et,

pour

T)V.

MADAGASCAR.

les rapports internationaux

guerre, sur la

foi

que de partir en

de télégrammes forcément très courts,

incomplets, et émanant

le

plus souvent d'individualités

sans mandat'. Lorsque les rapports de l'amiral Pierre

fu-

rent parvenus en France, on remit les choses au point, et

apparut clairement

il

«

qu'on ne pouvait, quelle qu'en

fût la rigueur, contester la légitimité des

par car

le ».

-

mesures prises

commandant des forces françaises à ^ladagasLes Anglais eux-mêmes s'en rendirent compte.

Sur les quatre griefs qu'ils avaient formulés, ils en abandonnèrent trois, et se tinrent pour satisfaits des explications fournies et des documents communiqués relatiA'ement

aux incidents Johnstone, Pakenkam et Andrianisa. Quant à l'affaire du pasteur Shaw, elle fut plus difficile à régler. Ce personnage hybride, à la fois pasteur, cabaretier, agent secret, pharmacien et publiciste, véhémentement sou])çonné d'espionnage, avait été arrêté, sur l'ordre du commandant d'armes de TamataA'e, à la suite de l'incident suivant. Plusieurs de nos soldats ayant été se rafraî-

tombés graA'-ement malades, avec tous les symptômes d'un empoisonnement. On arrêta Shaw, qui prétendit que ses clients d'occasion s'étaient tout simplement grisés. De son côté, chir dans son établissement étaient, aussitôt après,

l'accusation soutint qu'une confusion, volontaire ou non,

avait été faite entre les produits ])harmaceutiques de iicine et

ceux du débit de

A'in,

et que, si le

patron de

l'of-

l'é-

tablissement n'avait pas directement versé du poison a ses A'isiteurs,

1. «

taire

il

n'avait rien fait non plus pour

J'apprends de source privce que M. Shaw, missionnaire,

de M. Palienham,

nommé

10 juillet,

Livre bleu).

Lnndon Socicly à 2.

et

lesecré

Andrianisa, ont été arrêtés et emprison-

nés par les autorités françaises de Tamatave. Lyons,

signaler

»

(Lord Granville à lord

Celte source privce était évidemment la

laquelle appaitenait M. Shaw. M. Challomel-Lacuur à M. AVaddinglon, ambassadeur à.Londies

(15 oct. 1883).


JUSTIII(:\'riuN le

ME

I.

KTAItLISSEMENT DE L\

I

HANCE.

/5

danger, et devait, au moins, ctre tenu pour civilement

responsable du malheur. Sluuv, conduit à bord de fut (hMeré à la justice militaire, rpii

jouis d'instruction, le relâcha, laule de preuves.

En somme,

il

u"y avait là qu'un incident coniuii' toute justice

et

par cousiquent

faillible,

la Flore,

après cinquante-quatre

humaine,

peut en avoir à sa charge.

Des indices suffisamment graves avaient été relevés contre un homme, permettant de l'accuser d'un fait précis

:

médiocre qui l'entourait, sa conduite son hostilité hautement jiroclamée à l'en-

considération

la

mystérieuse,

contre de rinflueuce française, tout incitait les autorités militaires à le considt'rer et

comme un

adversaire dangereux

sans scrupuh's. La justice avait été saisie régulière-

ment; l'instruction

faite

abouti à un non-lieu

;

dans

les

formes légales avait

rien n'autorisait le cabiiiet britan-

nique à dramatiser l'événement et à en faire l'objet d'un tige

international.

C'est

cependant

la

li-

tournure que les

ministres anglais, poussés par la presse et les clameurs

de la

London

Society, crurent devoir donner à ce vul-

gaire incident. Des communications aigres-douces furent

échangées entre Paris et Londres; les journaux des deux pays soutinrent d'âpres polémiqiies, jusqu'à ce que le gouvernement français désireux d'apaiser la mauvaise

humeur de nos

voisins, et dans un esprit de conciliation que quelques-uns taxèrent d'exagéré, proposa de panser les plaies de l'intéressante victime avec quelques billets de banque. M. Shaw quitta la Flore avec 25.000 fr. en poche, et s'en fut ailleurs chercher ime autre clientèle. Sur ces entrefaites, l'amiral Pierre tomba malade et dut

résigner son commandement. Peut-être les soucis, et

l'ir-

provoquée par les difficultés qu'il avait rencontrées, le secret dépit de n'avoir pas été soutenu par son gouvernement comme il l'eût souhaité, aidèrent-ils le climat de File à faire son œuvre. Quoi qu'il en soit, l'amiral, contraint de demander son ritation


l'affaire dk Madagascar.

76

même

de

— Cette

fin

rappel, mourut sur le chemin du retour, avant

toucher les eûtes de France (septembre 18S3).

prématurée, que

la politique eut le tort

de vouloir exploiter,

causa, à Paris, une douloureuse émotion, mais ne modifia

en rien les résolutions du gouvernement. L'amiral Galiber fut

désigné pour prendre

navale, et reçut les seur.

Des négociations

matave, mais

le

mêmes

commandement de

la division

instructions que son prédéces-

TaHovas ayant re-

furent ouvertes, en novembre, à

elles n'aboutirent pas, les

fusé de faire droit a nos réclamations concernant la côte occidentale.

Une

nouvelle tentative eut lieu, sans plus de

succès, en avril 1884. Pendant dix-huit mois, la situation se

prolongea sans changement, fatigante pour nos navires et nos équipages, qui assuraient, autour de l'île, un étroit blocus; énervante pour l'opinion, en France, qui, ne compre-

nant rien à cette politique d'atermoiements, exigeait soit soit une action décisive et énerprouvé cependant que la longue temporisation de M. Jules Ferry ait été une faute. Outre qu'il eût été trop lourd, pour notre marine, nos iinances, et l'ex-

l'abandon de l'entreprise,

gique

'.

11

n'est pas

cessive susceptibilité de l'opinion publique, de tenter

un

coup de force à Madagascar, à l'époque uù nous avions sur les bras la lourde affaire du Tonkin, on avait le droit de compter sur l'efficacité du blocus, pour provoquer dans nie, à plus ou moins longue échéance, un état de gêne

économique

et

des dissensions intérieures qui contrain-

le gouvernement de Tananarive. Cette que ne voulaient voir ni les adversaires systématiques de toute expansion au dehors, ni l'ardente avant-

draient à la paix vérité,

Les deux opinions lurent soutenues avec une égale énergie à la députés, lors de la discussion des demandes de crédit ou des interpellations relatives à Madagascar. Dans le premier sens parlèrent 1.

Chambre des

MM. Clemenceau, nais, etc.

;

dans

le

G. Périn, Pelletier, Fred. Passv, Cassagnac. Lanjuisecond,

MM.

Mahy, Bureau de \aulcomte,

J.

etc.

Ferry, de Frevcinet. de Lanessan, de


JUSTIFICATKIN ME

I.

ETABLISSEMENT DE L\ MIANCE.

//

parde de notre jeuno ])arti colonial, fnt pins tard mise en l'vidcnct', lors([nc nos relations avec Icss Hovas redevinrent normales. On put alors se rendre compte que nos adversaires, malgré leur pauvreté, ne pouvaient se passer des marchandises européennes, et que le blocus, en déterminant, sur tous ces produits, une hausse extraordinaire, avait provorjuc une crise économique intense, et par contre-coup, un profond mécontentement contre le pouvoir.

A

cela,

il

fallait

ajouter les cruelles souffrances des trou-

pes qui nous étaient opposées; non pas que

le feu

de nos

navires et de nos compagnies de débarquement fût très meurtrier, mais

la

barbarie et l'effroyable désordre qui

présidaient aux levées d'hommes, aussi nombreuses qu'inuprescrites par le premier ministre, faisaient d'innombrables victimes. Parquées sur la côte, dans des cantonnements malsains, sans vêtements et sans vivres, ces infortunées recrues mouraient en grand nombre, ou désertaient pour vivre de brigandage. De là un malaise général, des troubles et des complots. Rainilaiorivony, maltiles,

gré la terreur qu'il inspirait, voyait des compétiteurs surgir

autour de

lui.

Finalement, pour conserver

le

pouvoir,

il

céda'.

Par malheur, tout ceci avait pris beaucoup de temps. Lorsqu'on fut à même de recueillir le fruit de l'imperturbable patience du cabinet Ferry, celui-ci n'était plus au pouvoir. Le ministère Brisson, qui lui avait succédé, n'avait qu'un désir

:

celui de liquider, à tout prix, les entre-

prises coloniales qui avaient coûté si cher à son prédécesseur. Aussi se hàta-t-il d'accueillir, en les nouvelles

ouvertures des Hovas. Nos plénipotentiaires,

l'amiral ^liot et

envoyés de

1.

la

Sur tous ces

de Vilers,

et

novembre 1885,

M. Patrimonio,

se mirent d'accord avec les

Reine, et le traité fut signé,

inciilents, voir la

le

17 décembre

correspondance inédite de M. Le Mjre

notamment les dépêches des

10 juin, 12 juillet, 19 août 1886.


78

L'.VllAlltE

MADAGASCAR.

liE

1885. Reste à savoir cipitation,

si ce traité, accepté avec tant de prénous conférait, tant au regard des Hovas qu'à

celui des tierces puissances, la

situation prépondérante

qu'une guerre de quatre ans nous mettait en droit de réclamer.

II

En 1886, M. Le ^lyre de Vilers, à peine âgé de 53 ans, en com])tait déjà 37 au service de l'Etat. Oflicier de marine,

il

avait navigué sur toutes les mers, et

jtris,

dès sa

jeunesse, un premier contact avec les peuples et les gou-

vernements exotiques que les liasards de la vie devaient, un jour, l'amener à diriger ou surveiller. Pn-tet d'Alger, puis directeur général des

afl'aires

d'Algérie,

il

avait, de

bonne heure, fait l'apprentissage des questions coloniales. Plus tard, gouverneur de la Cochinchine et ministre près la cour de Hué, il trouva, dans des circonstances délicates, l'occasion de déployer les plus rares facultés,

et rendit

d'éminents services, au milieu des graves événements qui

marquèrent notre pénétration dans noise.

A

la péninsule indo-chi-

diplomate et administrateur, M. de type achevé de ccsiiommes qui, par la variété

la fois soldat,

Vilers était

le

de leurs aptitudes, la souplesse de leur intelligence,

et la

fermeté de leurcaraotère, sont, pour une nation, les ouvriers essentiels de son expansion coloniale. Selon les cas,

tranchent par

l'i'pée

le

nœud

ils

gordien, ou dénouent ses

trames les plus compliquées, avec une minutieuse patience. Soldats,

ils

osent, lorsqu'il est nécessaire, parler en maîtres

et se faire obéir; diplomates,

ils connaissent l'art de la pour résoudre les pires difficultés, savent que le temps vaut souvent mieux que la force administrateurs, ils n'oublient pas que la mise en valeur du pays conquis et l'amélioration du sort de ses habitants sont, à la

persuasion

et,

;

I


M. lois, (jiii

le

MVIllC

I.K

KT S\ MISSION.

79

de la mi'tropolo triple fonction une liante dose de siig'aciti', de saiig-fioid et d«^

devoir

exig'e

et l'iiitérèt

mal

pond(''ration, car le

:

serait parfois irréparable,

si

le

soldat se d('Couvrait à Theure où la parole est an di[)lo-

mate, ou

l'administrateur se mettait

si

ii

besogne avant

la

d'être maître de la situation.

Tel était l'homme qui, au mois d'avril 1886, débarqua à Tamatave, avec la mission de faire exécuter

le

traité

conclu avec les Hovas. Cette tâche n'avait rien de séduisant. (}iiel était,

A tions

en

ce traiti!?

eil'et,

première vue, importantes.

il

semblait nous accorder des satisfac-

La France

obtenait

rieures.

Un

alfaires

résident général,

résiderait à

militaire,

étrangères de

ministration intérieure.

relations

re-

exté-

accompagné d'une escorte

Tananarive l'ile,

droit de

le

présenter Madagascar, dans tontes ses

:

il

présiderait aux

sans s'immiscer dans

La France

s'engageait

l'ad-

à prêter

assistance à la Reine, pour la défense de ses Etats. Toute

accordée aux sujets français pour résider, louer commercer dans l'île ils pourraient maisons, pour une durée indéterminée, par bail

facilité était

circuler

terres et

et

:

emphytéotique, au seul gré des parties.

Ils

pourraient

malgache d'engagement antérieur. La liberté de conscience était assurée. Le gouvernement malgache s'engageait à payer une indemnité de 10 millions. La Reine continuerait choisir librement et prendre à leur service tout

libre

à présider à l'administration intérieure de

toute

l'île

:

France se réservait le droit d'occuper le terDiego-Suarez et d'y faire des installations à sa convenance. Ce traité avait ceci de très particulier qu'il abandonnait purement et simplement les réclamations qui avaient provoqué notre rupture avec les Hovas. .Nous avions fait la guerre pour deux motifs obtenir, en faveur de nos natio-

toutefois la ritoire de

:


l'affaire de MADAGASCAR.

80 naux,

le droit

d'acquérir des terres dans

et forcer le

l'île,

gouvernement de Tananarive à reconnaître notre protectorat de la côte occidentale. Or, de ces deux desiderata,

En

n'était plus question.

il

du du

ce qui regardait la jouissance

nous nous contentions du droit de bail

sol,

droit d'acquisition.

En

dentale, nous renoncions

non plus

et

ce qui concernait la côte occi-

purement

et

simplement à nos an-

ciennes revendications et nous reconnaissions expressément

à la Reine la souveraineté de toute

de Diego-Suarez.

En échange

l'île,

sauf

le territoire

de ces concessions, nous

obtenions un droit général de protectorat. Le mot, vrai,

ne figurait pas dans

le texte officiel,

mais

il

il

est

ressor-

clairement de l'esprit du traité. Bien plus, une clause,

tait

qu'on avait tenue secrète à

la

demande du gouvernement

hova, désireux jusqu'au bout de sauver la face, ne laissait subsister aucun doute, à cet égard. Cet article était ainsi

Au

gouvernement malgache concéderait à une puissance étrangère, sans le consentement de la France, un fort ou une portion de territoire qui pourrait être affectée à un dépôt de charbon ou à un établissement militaire quelconque, ledit gouvernement malgache devra immédiatement rendre public le protectorat de la France, et cette concession serait virtuellement nulle 1. » Cette rédaction était assurément fort singulière, mais l'article avait ceci d'essentiel que le signataire, c'estconçu

:

«

cas où

le

à-dire le plénipotentiaire malgache, considérait le protectorat français

comme un

fait

acquis et indiscutable, tenu

secret par mesure de convenance particulière, mais qui

n'en

liait

pas moins les parties.

Ainsi, le traité de 1885 nous concédait, en théorie, des droits certains et considérables

1.

Voir à ce sujet

étrangères, à .M. inédits.

les

:

par contre,

il

laissait

dépêches de M. Flouien.s, ministre des

Le Myre de

Vilers, 14 nov. et 13 déc. 1886.

afTaires

Documents


M.

I.E

MVIIK

I)H

Ml. Kits ET S\

SI

MISSION.

sul)sistor (les laciiuus graves, qui devaient rendre

l'exi'i'-

cice de ces droits .singulièrement j)récairc.

que le résident géniTal no pourrait dans l'administration intérieure, lus'immiscer en rien (|uelle restait entièrement réservée à la Reine. Or, dans la pratique, ri(;n n'est plus diflicil(!, surtout avec un parIl

était dit,

en

cllet,

tenaire de mauvaise

loi, ipie

entre les afl'aires

cation

d'établir

une ligne de démar-

intérieures d'un

]iays

et

ses

une foule de <piesfions de pure administration, qui peuvent avoir au dehors la répercussion la plus grave. Créer une banque d'Etat, décréter l'exéaffaires extérieures.

l'ution

11

est

de travaux publics, sont au premier chef des actes

d'administration intérieure, mais

ou

si les

concessionnaires

les adjudicataires sont des étrangers, ces

mêmes

intéressent, ij)so facto, la politique extérieure.

donc

là,

pour

l'avenir,

une source de

Il

actes

y avait

conllits journaliers et

de sérieux dangers.

En

outre, privés de toute influence dans la conduite des

affaires intérieures,

nous étions incapables d'assurer, à nos

nationaux et aux ressortissants étrangers, la sécurité et

la

France pouvait, du jour au lendemain, se une situation inextricable, revendiquant hautement son droit exclusif d'intervenir à Madagascar,

justice. Ainsi la

trouver dans

repoussant formellement toute ingérence étrangère

même

et,

en

temps, contrainte d'avouer son impuissance à dé-

fendre la liberté, les biens, voire

venus

s'établir à l'ombre

n'était

pas

mèmelavie des Européens

de notre drapeau. Enfin, et ceci moindre vice du traité, notre représentant on lui concédait (•tait abandonné à ses propres forces tout juste une escorte d'honneur. Aussi ne pouvait-il compter, pour faire prévaloir sa volonté et l'autorité de la ))ulssance protectrice, que sur son éloquence et son iiitluence morale, maigres auxiliaires en face d'une population hostile et d'un gouvernement mal disposé. (les obscurités et ces lacunes du traité étaient graves. le

:


82

l'affairk de Madagascar.

Elles le devinrent d'iiutant jilus que, dans une note soi-

disant explicative du

[}

janvier 188(3, nos plénipolenliaires

parurent les souligner

et les

Cette note adressée par

hova,

plénipotentiaire

le

admettre.

MM.

^liot

Patrimonio au

et

général Willougby,

semblait

du Résident aux actes de politique extérieure ayant pour objet une cession de territoire, une alliance, un accord, ou un traité avec une puissance étrangère. Elle promettait que l'escorte du Résident ne dépasserait pas l'efTectir de .^0 hommes. Elli' déniait à nos nationaux la faculté d'embaucher des esclaves limiter le droit d'intervention

libérés, ce qui équivalait à rendre impossible le recrute-

ment de

main-d'œuvre. Elle stipulait que

la

prêterait assistance à

la

la

France ne

Reine, pour la défense de ses

États, qu'au cas où elle en serait requise par la Reine

elle-même

;

ceci

nous enlevait

chances qui nous

les failjles

restaient d'assurer la paix et

la

sécurité intérieure de

en ce qui concernait notre établissement à Diego-Suarez, M^I. Miot et Patrimonio en fixaient la fron-

l'Élat. Enfin,

tière à

ment

un mille

et

insuflisant

demi du rivage, ce qui était manifestele développement de nos

pour assurer

installations et la défense de la place.

Comment

deux

hommes

]\IM. !Miot et Patrimonio lettre,

qui

anéantissait

aussi

presque entièrement

factions théoriques obtenues des le

expérimentés

purent-ils signer une

Ho vas,

il

que

pareille

les

satis-

est diflicile de

Sans doute, énervés par les manœuvres du gouvernement de Tananarive, et par les

concevoir.

dilatoires

objurgations de finir à

^I.

de Freycinet, qui

les

pressait d'en

tout prix, ne mesurèrent-ils pas toute la portée de

leur langage, mais la faute n'en était pas moins commise,

annexant la lettre à l'instrument diplomatique. Le gouvernement français protesta; il refusa de ratifier la note du 9 janvier, et et les

Hovas s'empressèrent d'en

profiter, en

déclara qu'il s'en tenait au texte signé

le

17

décembre


M. LE MYIU-;

précédent.

fut ])eino

iuferpri'tation,

leur

des

Ce

nioiiidi'L's

83

VII.EHS KT SA MISSION.

IiE

])erclue

:

les Ilovas

maintinrent

désaccord ne fut pas une que notre résident eut à sur-

cv

et

diiiicullés

moulcr. Si

II'

franco-liova ne créait pas, à ^ladagascar, une

trait('

siluaLion nette enlrc

pouvait-on

le

protecteur et

le

protégé, au moins

espérer (pi'au regard des tierces puissances

l'alfaire était

jugée. I\ion ne pouvait moins prêter à ani-

pliibologie (pie l'article premier

:

«

Le gouvernement de

la

Répul)lique représente ^ladagascar, dans toutes ses relations extérieures.

Les Malgaches, à l'étranger, seront plaMais ici encore,

cés sous la protection de la France. »

un incident inattendu remit tout en question. La circulaire de ^L de Freycinet du 27 décembre 1885, notiliant le traité

cette phrase

aux puissances, se terminait en effet par « Ce traité ne change rien aux

équivoque

:

traités actuellement existants entre le

gouvernement hova

et les autres Etats. « Sans doute, notre ministre des affaires

étrangères entendait dire que

la

France, bien qu'acqué-

rant à Madagascar une situation prépondérante, ne songeait pas à fermer le pays aux étrangers, et que les con-

ventions particulières conclues par les puissances, subsisteraient, en tout ce qui n'était pas contraire à l'ordre de

choses nouvellement établi. Mais, de la rédaction insuffi-

samment

précise de cette note, des voisins trop disposés

à ergoter sur les textes pouvaient tirer toute autre conclusion, et ils n'y manquèrent pas. Quant aux Hovas, qui ne furent pas les derniers informés de notre fausse manœuvre, ils s'empressèrent également d'en faire leur profit.

Anglais et Hovas nous tinrent exactement

gage

Du moment,

nous

le

même

lan-

que votre propre ministre prend soin de déclarer que rien n'est changé, dans les relations de Madagascar avec les tierces puissances, que signifie le soi-disant protectorat que vous prétendez :

«

dirent-ils,


84

l'affaire de Madagascar.

Tel était rinextricablc imbroglio que M. Le Mj're de Vilers allait avoir à dénouer. Envoyé, à l'improviste, dans

un pays dont il ignorait tout, la langue, les usages, les mœurs, on le chargeait d'assurer l'exécution d'un traité sur la portée duquel les deux parties n'étaient même pas d'accord

:

il

devait faire respecter l'autorité de

par des gens qui n'en voulaient pas,

la

France

qu'il n'avait

pas les

moyens de réduire, et qu'il lui était expressément recommandé de ne pas mécontenter, enfin il devait s'imposer

comme

ministre des affaires étrangères de File, alors

que cette qualité lui était déniée, non seulement à Tananarive, mais aussi par les principaux cabinets de l'Europe. Joignez à cela l'isolement et l'éloignement, une demande

adressée à Paris ne recevant pas de réponse avant quarante jours',

le

manque ou

l'insuiTisance

de directions

auxquelles, d'ailleurs, une excessive instabilité ministéenlevait beaucoup de crédit-, les préoccupations graves provoquées par la situation extérieure, à une époque où nous avions tout sujet de nous croire à la veille d'une attaque de l'Allemagne '. Joignez-y également l'existence, rielle

Le câble s'arrêtait alors à Zanzibar. Les dépêches de Tananarive

1.

étaient portées à pied à zibar.

Dans

les

Tamatave, d'où un bateau

les transportait

à Zan-

meilleures conditions, ce voyage demandait une douzaine

de jours. Mais, comme

il

arrivait très

fréquemment que

Président n'a-

le

vait à sa disposition ni courrier sûr, ni bateau en partance, la durée

voyage 2. l'ile

était la

du

plupart du temps doublée.

M. de Vilers, débarqué à Tamatave en avril 1886, quitta définitivement en juin 1889. Pondant ces trois années, six cabinets se succédèrent

en France, et quatre ministres passèrent au quai d'Orsay MM. de FreyGoblet et Spuller. Cette période fut, en etTet, une des plus :

cinet, Flourens,

agitées de notre histoire intérieure (affaires ^Ailson, démission du pré-

sident Grévy, Boulangisme, etc.). 3.

On

lente

se rappelle

que

les

années 1886-87 furent marquées

campagne de M. de Bismarck

ses, des incidents de frontière

contj-e la

France,

et

pai'

ime vio-

qu'à deux repri-

provoqués par le chancelier faillirent déchaî-

ner la guerre (affaires de Pagny-sur-Moselle

et

de Vexancour). Cette crise

eut son contre-coup sur nos affaires coloniales, car un avenir incertain et


M.

I.K

M'iHE

^ILEHS KT SA MISSION.

I)K

8.")

à Madagascar, diiii parti puissant, jiassionnément hostile

London

à la France, celui des missionnaires de la

comme

jouissant, à Londres

Society,

à Tananarive, d'une influence

considérable, et Ton conviendra que, dans notre histoire

un homme

coloniale,

cate posture que

s'est

rarement trouvé en aussi

M. Le Myre de engagée avait

déli-

\'ilers.

toutes chances

de mal grand mérite de notre ie[irésentant, non seulement d'éviter une rupture (jui eût été grosse de conséquences, et d'accepter une situation bien faite pour décourager la plus robuste conliauce, mais encore de déainsi

Tj'action

tourner.

Ce

fut le

gager, d'entretenir et de développer les chances infimes qui nous restaient.

Peu à peu, on

le

verra émerger du

chaos, et afferniir sa position. Sans luttes violentes, sans

par

éclat,

patience,

seul prestige de l'énergie,

le

du calme, de

la

saura imposer sa volonté, réduire ses adverfinalement conquérir la première place.

il

saires, et

Lorsqu'il rentra en France, en juin 1889,

il

laissait der-

une situation nette et saine. La cour d'Emyrne domptée, et les puissances étrangères à la veille de

rière lui était

Il semblait que rien ne malgache d'entrer progressi-

reconnaître les faits accomplis.

dût empêcher la grande

vement dans

la voie

île

du progrès, sous

gros de menaces pi'édisposail nului'elleiiient n

...

J'ai

tutelle exclusive

la plus

grande réserve

tenu à éviter la guerre (avec les Hovas), écrivait M. de Vilers,

2i octobre 1887, lisés

ii

la

...

car plusieurs milliers

d'hommes auraient

été

:

le

immobi-

à Madagascar, tandis que nous devons réserver et préparer foules

nos forces pour

les luttes

prochaines avec l'Allemagne.

»...

Nous avons

trop de préoccupations en Europe, répétait-il quelques jours plus tard,

pour ne pas éviter toute cause do

conflit accessoire (24

journaux hovas, qui apparfenaienf fous à

la

London

novembre

de Maurice exploitaient habiloniciit cette situation. Chaque jour, bliaient des nouvi'lles tendancieuses qui re[)ri'senfaient la guerre

imminente.

On

alla jusqu'à signaler l'appioclie d'une escadre

arrivant, dans le but d'enlever çais de

Madagascar.

l'ile

de

la

Réunion

et

87).

Les

Society, et la presse ils

pu-

comme

allemande

d'expulser les Fran-


l'aFIAIHE de MADAGASCAR.

86 et pacilique

de la France.

après son départ, les évé-

Si,

nements tournèrent autrement, borieusement

édilié

tout l'échafaudage la-

si

par l'ouvrier de

la

première heure vint

à s'écrouler, en quelques années, ce ne fut pas sa faute.

Même

il

est possible que,

pas quitté Tananarive,

hommes

dix mille

et

M. Le Myre de Vilers n'avait France eût en 1894 économisé

si

la

cent millions.

III

De sulte

M.

l'étude minutieuse des textes et des

un

fait certain, c'est

que

le

officiels,

lui,

Que nous ayons eu affaire

ré-

à ^ladagascar, fut à ses représentants

ministres, ambassadeurs, consuls, ou à ses agents

plus ou moins officieux, les prédicants de la ciety

il

principal adversaire que

de Yilers trouva en face de

l'Angleterre.

documents,

et autres

aventuriers dont

l'île

London

So-

regorgeait, c'est

le mot d'ordre. Dès le premier jour, cette action directe ou indirecte du gouvernement anglais apparut avec une netteté indiscu-

toujours de Londres que partait

table. C'est ainsi, par exemple, qu'à la notification officielle

du traité du 17 décembre faite par M. de Freycinet, lord Rosebery refusa de répondre par racquiescement que presque toutes les nations de l'Europe avaient donné sans discussion. Il se borna à prendre note, sans laisser pressentir l'opinion du cabinet. Quant aux personnages non ^

officiels, ils

traité est

ne cachèrent rien de leur vive irritation

:

Ce

pour nous un véritable grief diplomatique, dé-

clara sir Charles Dilke, dans une réunion publique-.

1.

«

Lord Rcsebery

était alors chef

du Foreigii

oITico,

dans

le

»

La

cabinet

Gladstone. 2.

Dépêche de M.

^Vaddillgtoll.

ambassadeur de Franco à Londres, au


VCTION

lillIKCri-:

presse ne nous

KT IMUliKCTK

iiii'iiagea

87

I.'ANdl.F.TKHItK.

IlE

pas davantage,

cl,

'/V///('.v

It?

ouvrit

ses colonnes à un long factum du capitaine Pasfield,

un

des principaux poftc-paroles de la

London

dans un

réclama l'intervention

article des plus acerbes,

Society,

ipii,

inunédiate de la Grande-Bretagne, et la création d'un éta-

blissement naval à Madagascar.

moins Il

Un

autre écrivain non

autorisi-, le colon('l ^lalleron, alla

encore plus loin.

osa écrire dans \ Asiatic (hutleiiy Hei'inr, qu(! l'occu-

Madagascar par la France devait constituer un Grande-Bretagne « Ge que la France par force aux Hovas, la Grande-Bretagne doit le

pation de

casiis ùelli avec la

a pris

:

prendre par forcé à la France

;

aura

celle-ci

la

consolation

de reconnaître que ce n'est pas là un nouveau procédé.

non par mauvais vouloir contre la nous ne pouvons permettre qu'elle ait un port ([ui puisse servir de refuge aux corsaires sur la grande route de l'Inde '. »

Nous devons

le

faire

France, mais par absolue nécessité

:

Dans cette campagne décisive dont notre établissement à Madagascar était l'enjeu, l'Angleterre eut la bonne fortune de trouver à Tananarive un

préparé à

lui

homme admirablement

servir d'instrument.

Souvent déjà, au cours de cette étude,

le

nom de Rainimoment

laiarivony a traversé notre récit. Peut-être le est-il

venu de

fixer les traits

de cette figure originale qui

désormais, jusqu'à la chute delà royauté hova, ne quittera plus

le

premier plan.

Raiuilaiarivony,

le

père de la fleur

commandant en chef, d'années. Son père avait été

cpatioiiie,

premier

ministre et

avait alors une soixan-

taine

le

Dépai'leriient

précédente

(l'i

était

avril 1886) «

Documents

mari

inédits. Sir

président of the local

et le

premier mi-

Ch. Dilke qui. l'année

govemment board

»

dans

le ca-

binet Gladstone, était rentré dans la vie privée, et s'occupait activement

à tenter de restaurer sa fortune politique. 1.

Asiatic Qiinrterly Review, janvier 1888.


88

l'affaire

DlC

MADAGASCAH.

Ranavalo I. Lui-même, après avoir largement coopéré à la chute et à la mort de Radania arriva aux affaires en 1863 successivement ('poux et ministre des trois reines Rasoherina, Ranavalo II et Ranavalo III, il fut, pendant trente ans, le véritable dictateur de l'île. Cet homme étrange, complètement dépourvu d'instruction (il savait tout juste signer son nom), demeuré par certains côtés un véritable sauvage sous le mince vernis de civilisation qui le recouvrait et, malgré le christianisme sui gcneris qu'il avait embrassé, fourbe, cruel, abandonné aux plus hideuses passions, incapable de gouverner autrement que par la terreur, plus incapable encore de tirer son peuple de l'état d'anarchie morale et maténistre de la célèbre

1

1

:

rielle

il

végétait, n'en était pas moins

habile politique. successifs,

il

sut

un profond

et

Pendant trente ans, sous trois règnes se maintenir au pouvoir en dépit des

haines qu'il avait suscitées, et des cabales qui se montaient contre

lui.

Pendant trente ans,

il

sut tenir à l'écart Fran-

çais et Anglais, et les négociations qu'à maintes reprises il

eut avec nous feraient honneur au plus fin diplomate.

M. de

Yilers, qui l'a

longtemps connu

connaissait une réelle valeur

:

«

et pratiqué, lai re-

C'est surtout dans

le

dernier conflit avec la France, écrivit-il à son sujet, (pril

a

fait

preuve d'une surprenante habileté.

S'il

cédait à nos

exigences, l'opinion publique se tournait contre lui; faisait la guerre, la

chute. et

Il

s'il

misère publique devait entraîner sa

rejeta toute la responsabilité sur son

compditeur

successeur désigné, Ravoninahitriniarivo. ministre des

affaires étrangères, qu'il

envoya en ambassade à Paris.

Ainsisetrouve expliquée la singulière attitude de ce dernier personnage ses réticences, que nous prenions pour de la :

que les hi'sitations d'un diplomate aux tomber dans le piège qui lui était tendu par son propre gouvernement. Certain d'être d(''savou(' s'il arrivait ;i une solution, il s'est tiré par la fuite de ce mauduplicité, n'étaient

abois, craignant de


ACTION IHIIKCTK KT INDIHKCTE viiis lie

pas...

l'our

Ixml do

lorsqti'a

^liainilaiariviniy)

lui

89

I.'aNGLKTKHRK.

ressources et (riiomines, se trouvant dans l'obligation

de conclure

la

paix et d'accejjter nos conditions

(|u'ellcs fussiîut,

il

|ilciiipotentiaires

si

dures

a su, en dernière heure, arracher à nos

une

annule les

lettre interprc-tative qui

jjrincipales conditions

de

I)K

du

traiti",

sembla

il

sortir

vainqueur

la lutte'. »

Son erreur capitale

fut

de ne pas discerner à temps

le

jeu des pasteurs et des aventuriers anglais qui ])ullulaienl à

Tananarive, et celui du gouvernement de tagni;.

Parce que

premiers

les

lui

de r.'Vngleterre contre la France, et

il

la

(îrande-Bre-

promettaient l'appui

osa rompre avec nous,

ne comprit pas que les déclamations de ses conseilleis

habituels n'avaient qu'un but

:

ruiner l'influence de

France, au profit de leurs inti'rèts particuliei's. d'autant moins que

le

II

le

la

comprit

gouvernement britannique ne

lui

mé-

nageait pas son appui moral, et qu'il n'ignorait rien de

que rencontrait, à Londres, notre politique malgache. Aussi son dépit fut-il grand, lorsqu'au jour de la crise finale, il s'aperçut que le concours de l'Angleterre lui faisait défaut. Contre ceux qui avaient abusé de sa crédulité, pour faire le jeu de leurs intérêts ou de leur politique, son ressentiment fut profond, et les derniers mois de sa vie, (ju'il passa en Algérie dans une retraite dorée, no sont qu'un hmg cri de haine et do rancune contre ses anciens amis. Le pauvre vieux père de la fleur épanouie l'hostilité

avait la rancune tenace, car la veille

même

de sa mort

survenue à Mustapha supérieur, le 17 juillet 1896, il repoussa énergiquement les secours de la religion réformée, sans qu'on pût

lui faire

comprendre que

le

vénérable pas-

teur qui se présentait à son chevet n'avait rien de

avec les prédicants de

la

London Society

commun

'-.

Correspondance

1.

M. deVilers au Déparlenieiit,

•2.

Rien n'est plus curieux que de constater cet état d'esprit, dans

10 juin 1886.

inédite. le


90

l'affaire de MADAGASCAR.

Tel ("tait l'homme dont les Anglais surent jouer avec une rare dextérité, et qui, entre leurs mains, devint un u Son ])lan, ('crivait de instrument des plus dangereux lui ;M. de ^'ilers, coneu sous l'inspiration de M]M. Pic:

kersgill et Parrett, est d'attirer

de nombreux étran-

ici

gers, de leur concéder de larges privilèges, à l'exclusion

des Français, de

nous mettre ainsi dans l'impossibilité

d'agir sans compromettre des intérêts considérables.

compte, pour nous

lier les

européennes que nous n'oserions pas nous aliéner'.

de M. Vassé, auquel nous avons déjà

récit

Il

mains, sur l'appui des puissances

fait

allusion.

»

Sans doute

ou moins effrontées de Rainilaiarivony, qui toutes sont religieusement reproduites dans ce « Mémorial » modem style, beaucoup paraissent fort sujettes à caution. Quelques-unes cepen-

parmi

les confidences plus

si précises dans leurs détails, qu'elles ne semblent pas avoir pu être inventées. Tel est par exemple le récit de la guerre de 1870 fait

dant sont

à Rainilaiarivony par

le

de la London Society

:

membres

pasteur Parrett, un des

En

«

les plus actifs

1870, raconte Rainilaiarivony, la joie des

Anglais apprenant les défaites de la France ne connaissait plus de

bornes

Je

me

souviens que, dans un entretien qui eut lieu au palais

avec la reine Ranavalo certain

II,

entretien auquel j'assistais, M. l'airett et un

nombre de prédicants nous apprirent que

tout était

fini

pour

votre nation, qui allait devenir anglaise, nous disaient-ils, par suite d'un

accord intervenu entre les Anglais. »

les

Et Parrett,

puissances européennes qui toutes craignaient le menleiu-, ajoutait

:

«

Du

reste, la France,

Ce peuple sans

ce petit pays, devait fatalement disparaître.

principes,

sans religion, menteur, voleur, qui coupe la tête à ses rois et a ses reines, et dont tous les vices sont le seul

de la lâcheté, ce qui

fait

apanage, avait de plus celui

que ses armées cinq

fois

supérieures en

nom-

bre à celles des Allemands, se sont complètement évanouies et rendues tête. Le roi de Prusse a remplacé, à Paris, Nachaque jour l'hommage des vaincus. Mais comme l'Allemagne n'a pu faire la guerre aux Français qu'avec l'autorisation de- l'Angleterre, et au moyen de notre or, nous sommes les vrais maîtres de la situation, et nous ajouterons bientôt la France qui nous a déjà

à discrétion, générau.x en

poléon

III, cl reçoit

appartenu autrefois, à nos autres colonies, 1.

dite.

M. de Vilcrs au Département,

19

n

août 188G. Correspondance iné-


ACTION' DIllKCTi; KT l'oiif Ir

iHjci'ulenieiit

IMillthCTlC

liK

I.'a.NC.I.KTKHII K.

de ce personnel spécial,

iM

llaiiiilaia-

livony n'avait que l'embarras du choix. Pasteurs indé-

pendants qui tremblaient pour leur ancienne omnipotence, ayant en mains la pi-esse, dirii^feaient l'opinion à Ta-

et qui

dans les sphères coloniales londoniennes, aventuriers plus ou moins en rupture de ban, et désireux (le se refaire une vii'ninit('' à peu de frais, aj^-ents d'affaires nanarive

et

de moralité douteuse, toujours les premiers arrivés dans

pays neufs, tous ceux en un mot que devait gôner gouvernement régulier, se rangèrent en masse autour de lui. L'Angleterre se garda naturellement de dédaigner les services d'aussi précieux auxiliaires et poussa ses nationaux en avant. Déjà l'armée liova (Hait entre les mains d'olhciers anglais, le trop fameux >Villougby que nous avons d(''jà vu à l'œuvre, Shervington et Graves « Les deux premiers sont des coquins, des gens sans aveu capables de tout faire pour de l'arles

l'organisation d'un

:

un peu rude le sieur du Madagascar Times, qui cependant ne devait pas être mal disposé en leur faveur; le troisième seul est un gentleman. » Et qu'a donc fait le major Graves, pour mériter ce jugement liienveillant, demanda M. de Vilers à son interlocuteur il venait de le voir parader à la tète de l'artillerie, dans un costume de haute fantaisie, chapeau rouge, veste grise, culotte courte, bas gent, disait d'eux avec une franchise Tacchi, directeur

:

noirs, souliers jaunes, la pipe à la bouche, et son attitude,

comme

Le maa dû s'en-

ses capacit(''S, lui avait paru médiocre. «

un honnête homme, insista Tacchi il du Natal, parce qu'il était poursuivi pour banqueroule, mais c'est un gentleman '. » Si c'était là le meilleur, que valaiiMit les autres? Et, de fait, Sherving-

jor est

:

fuir

ton lassa jusqu'à la complaisance de ses protecteurs, et

après une vie d'expédients,

I.

M.

di:

Vilers au

iJii'pui-lciiiL'nl,

finit

19

par se tuer pour échapper

août 1886. Coi'i'espon(iance

iné(Jilc.


92

l'aIFAIRE

llE

MADAGASCAH.

aux conséquences de ses actes. Le sort de Willougbv l'ut pas plus brillant. Les fonctions de commandant des troupes malgaches consistaient essentiellement à provoquer l'introduction secrète d'armes et de munitions de guerre, opérations frauduleuses où il trouvait de larges bénéfices. Son zèle pour la défense nationale l'entraimi il si loin que Rainilaiarivony lui-même perdit patience anglo-liova, commission militaire le lit traduire devant une pour répondre d'un détournement de 500.000 francs. Le ne

:

parti anglais fut atterré des révélations accablantes qui

surgirent contre son protégé, et mit tout en œuvre pour

de ce mauvais pas, mais les faits étaient si criants que la condamnation fut inévitable. Peut-être n'est-il pas sans saveur d'ajouter que le passage en prison du général Willougbv ne nuisit pas à sa carrière politique et militaire, car, lors de la guerre de 1894, ce fut encore lui qui conle tirer

combat ce qui Quant aux tripotours

duisit au

ils

repré'sentait l'armée hova. d'affaires d'origine cosmopolite,

étaient légion, et tous,

de

j)our les raisons qu'avait

étaient étroitement inféodés à la

gnalées

j\L

London

Socielij et reçus à bras ouverts par le

A

^'ilers,

si-

premier mi-

accorda la concession d'une banque d'État, qui d'ailleurs n'exista jamais que sur le papier; à

nistre.

Willongby,

il

une ligne de chemin de fer de Mananjary à Fenerive; à Anderson, sujet norwégien, le monopole de l'exploitation du Ixiis d'ébène. ]\L Combes, un créole mauricien, poursuivi en IS'ouvelle-Zédande pour banqueroute, vint fonder à Tananarive une compagnie, au capital de 25 millions, pour l'exploitation de 200.000 arMaigrot, sujet

Une

pents.

italien,

société anglaise reçut mission de creuser et

elles les lagunes de la côte nue ligne de vapeurs. D'autres sociétés

de relier entre

est,

tablir

et

particuliers de

même

nationalité,

parmi lesquels,

assez original de rencontrer Tévcque anglican de

gascar,

y,l.

et d'é-

quelques il

est

Mada-

Cornish, avaient reçu en concession d'im-


ACTION

IHlilCCTl-:

inonses étcnduos les

,i;alieiis

plus

situées dans

le

s|)('eial, f|U(^ iM.

divers

ilo

dévoiler.

Il

.

9.'}

abandon des droits réCes concessions, presqiK! toutes

terres av(îc

lai-i^es.

nord de

File,

do Vilers

nc^

j>ul)licistes

DK l'.VNGI.KTIJUUE

I.NDIUIiCTE

Kl'

avaient d'ailleurs un bul

lai'da

pas à

détniiler, et([ue

anglais ne se liront aucun scrupule de

s'agissait tout

bonnement de bloquer notre

elahlissoment de Diego-Suarez, en l'enserrant, du côté de la terre,

par une très large bande de territoire exclusive-

ment concédée à des sujets britannicjues. Ceux-ci, largement subventionnés, n'auraient pas tardé à créer, dans région, une véritable colonie anglaise

on aurait un port sur la côte nord-ouest, et Diego-Suarez serait devenu un cul-de-sac sans commerce, sans agriculture, et sans aucune ressource. Pickersgill prôna ouvertement, dans le Madagascar Times, ce système qui fut repris et développé, dans tous ses détails, par le capitaine l'asfîeld, dans le journal de la Chambre de commerce de Londres; l'emplacement du port destiné à ruiner DiegoSuarez était même trouvé on avait désigné Port-Robinson, tout près du cap d'Ambre*. Tous ces beaux projets échouèrent, cai- pour les mener à ])ien, il eût fallu d'autres hommes que les pauvres hères qui s'agitaient à Tananarive. L'un d'eux cependant faillit réussir, et nous causa, pendant plusieurs mois, de graves soucis, car sa réalisation eût été, pour l'avenir de notre établissement, une menace perpétuelle il s'agit de la tentative faite par un groupe financier anglais pour souscett(!

:

ouvert,

:

:

do liquidation qui suivit la guerre de 1885. que le traité du 17 décembre avait mis à la charge du gouvernement hova une indemnité de 10 millions, payable dans le délai d'un an. Pour faire face à cette obligation, Madagascar dépourvue de tous moyens

crire l'emprunt

On

se rappelle

Sur ces novembre

1. l:î

(lington au

incidents, 188G.

cf.

JI.

de Vilers au Département, 10 août, 9

Le Département à M. de

Département, 1" mai

1880.

mai 188G. M. Correspondance inédite. Vilers, 3

et

Wad-


l'affaire de Madagascar.

94

financiers, (Hait tenue de faire appel au cndit, et

évident que

le

prédicants,

faillit lui faire

prêteur, quel qu'il

il

élait

dans lile une situation liors de pair, car il n'ouvrirait sa bourse que contre des garanties sérieuses et des gages effectifs. Aussi les Anglais tentèrent-ils un vigoureux effort pour obtenir l'emprunt, De notre côté, le Comptoir d'escompte se mit en campagne, avec l'appui du gouvernement français et de M. de Vilers. A notre puissant établissement financier, les Anglais opposèrent un brasseur d'affaires de Londres, nommé Kingdom, qui dans la cité cumulait les fonctions de pasteur indépendant, d'impi-imcur, de négociant en caoutchouc, et de faux-monnayeur. L'adversaire paraissait de médiocre envergure, mais sa rare habileté, jointe aux efforts désespérés de toute l'armée des ao(|ui'rrait

obtenir gain de cause.

Envoyé à Tananarive, par gascar,

fût,

Kingdom s'aboucha

le

comité anglais de

Mada-

aussitôt avec Pickersgill, qui

présenta au premier ministre. La discussion ne fut pas longue, car l'Anglais avait en poche des arguments trop décisifs pour ne pas venir à bout de la vertu moyenne le

de son interlocuteur, et l'on tomba d'accord sur les points le groupe Kingdom avancerait 20 millions au gouvernement hova; sur ce total, 10 millions seraient affectés au paiement de l'indemnité, on emploierait le solde en achat de matériel de guerre, sauf une portion importante destinée, disait-on, à couvrir les frais généraux on entendait par cet euphémisme la rémunération des com-

suivants

:

:

plaisances nécessaires. Rainilaiarivony seul élait inscrit

pour un million. Kingdom, à titre de garantie, obtenait la concession de toutes les douanes du royaume, et celle d'une banque d'Etat, au capital de 30 millions, avec privilège d'émission pour pareille somme de liillets ayant cours forcé, ](lus le

monopole de

la

frappe des monnaies et de

l'exploitation des mines.

Muni d'un

contrat en bonne et due forme, lambassa-


MITIO.N deiir,

terre,

DillKCTI-:

Kl'

IMil UKC IK

KK L'ANflI.KTK HHK.

\)7l

accuiupagnc de riiuvitaljlo

l'arrcll, revint eu Angleauprès de ses mandants pour cliercher des bailhmrs

de fonds,

Times enregistrant son retour ne

et le

la satisl'aclion

française

que

lui

caclia

pas

causait ce grave échec de la cause

'

Cette satisfaction ne fut di'l)ar(|ué',

en

effet,

jias

une fàclieuse

de longue durée. siu'pi'ise

cier improvisé, sous la fornuï d'un

attendait

A

peine

le finan-

communiqué de l'am-

bassade de France, adressé à un grand journal financier de la Cité. Cette note déclarait, en substance, que

« le gouvernement français, informé par le bruit public de la conclusion du traité Kingdom, tenait à faire savoir (ju'il ne reconnaîtrait pas la validité des engagements souscrits par li; gouvernement hova. Ces engagements, conclus sans sa participation, étaient contraires au traité du 17 décembre 1885, en conséquence les prêteurs éventuels étaient prévenus qu'ils n'avaient pas à faire fonds sur les garanties promises illégalement par Hainilaiarivony ». Que s'était-il donc passé?

^I.

de Vilers avait eu, dès la

fin

de juin 1886, connais-

de Kingdom.

Il avait immédiatement un télégramme, appuyé de plusieurs lettres successives avait prévenu le cabinet français de ce « Le projet Kingdom, expliquait le Réqui se préparait sident général, est en lui-même une véritable escroquerie. Sa réalisation, qui imposerait au gouvernemunt hova une

sance des inti'igues

opposé son veto,

et ,

:

millions de francs, conduirait irrémédia-

annuité de 5 à

1.

Des

lotlrcs

conlre dans

de ïamalave aiiuuiK^enl que liiiUuence franijaisu ren-

l'ile

de sérieux obstacles. L'opinion publique s'occupe par-

tout de la nouvelle de la conclusion d'un traité entre le

gouvernement

hova, et un missionnaire anglais, M. Kingdom, traité garantissant à une société anglaise le droit de percevoir les ploiter les

mines

et

de frapper

la

revenus des douanes, d'ex-

monnaie, en échange d'un prêt de

20 miUiuns de francs.

Times,

2.i

août 18S6.


96

l'aFI'\1RE de

MADAGASCAR.

blement à la ruine; le pays serait incapable de supporter pareille charge et courrait à la banqueroute. Au point de vue politique, le danger ne serait pas moins grand les :

droits concédés à liens

Kingdom

sont, en effet, des droits réga-

au premier chef, les seuls qui existent à Madagascar. ferait des Anglais les maîtres incontestés de

Leur exercice

et leur permettrait de disposer de l'avenir à leur gré. Déjà maîtres de la religion, de l'instruction publique, de l'armée, soutenus par une coterie nombreuse et puissante, ils auraient en outre, d'un trait de plume, con(|uis les

l'île

finances, la banque, les douanes, l'industrie, l'administration intérieure. Ils auraient ainsi préparé la désorganisa-

quand

banqueroute inévitable se serait comme en Egypte, profitant habilement du moment où nous aurions été engagés dans des complications intérieures ou extérieures... J'estime donc, concluait il. de Vilers, que nous ne pouvons tion

du pays,

produite,

ils

et

la

seraient intervenus,

tolérer l'exécution de ce contrat.

La question

est assez

grave pour qu'on doive envisager l'éventualité du départ du Résident, l'envoi d'un ultimatum et même la reprise des hostilités '. » On n'eut pas besoin, heureurement, d'en arriver à de pareilles extrémités. M. de Freycinet qui, en la circonstance, montra beaucoup de présence d'esprit et de décision, approuva pleinement l'attitude de son agent, et invita M. Waddington, notre ambassadeur à Londres, à agir en conséquence. fit le

De

là cette note si catégorique, qui

tour de la presse anglaise, et calma singulièrement

l'ardeur des capitalistes, car l'intérêt qu'ils portaient à la cause malgache n'allait pas jusqu'à prêter de l'argent aux

hovas sans autre garantie que leur signature, aussi Kingdom fut-il éconduit par tous les banquiers de la cité. 1.

Correspondance inédite de M. de Vilers, passim, 26 juin 1886, et dépêches des 12 juillet, it

légramme du

et

notamment

aoi'U,

.30

té-

octobre,

15 novembre, 188C.

J


ACTION DIIIKCTK KT I.MJIIŒCTK DE

désappointement

(jrand fut son

I.'A.\(;LKTi;itllK.

et celui

de

ses

'.17

amis,

aux brillant(;s jierspectives qu'ils avaient vu luire devant leurs yeux. Kinjij-dom, di''coui'a<;'i'', abandonna la partie pour se consal'er à des opérations moins compliquées et plus fructueuses, mais qui, par malechance, ne tardèrent pas à éveiller l'attention de la justice de son pays '. Quant à Parrctt, plus tenace dans ses esp('!rances, il revint à Madagascar, pour essayer d'une autre c(nnltinaison. Au commencement de novembre, on le vit arriver à Talorstjii'ils

se virent contraints de renoncer

nanarive avec

le

directeur de l'Oriental-Bardv, et suivi

d un renfort de douze missionnaires fraîchement débarqués. Ils mirent à nouveau

le siège devant Rainilaiarivony et lui proposèrent d'établir un impôt extraordinaire de une piastre par habitant, ce qui, disaient-ils, pro-

150.000

duirait

piastres.

L'Oriental-Bank

avancerait

500.000 piastres pour compléter les 10 millions de francs dus à la France. Ainsi l'indemnité serait pavée, et nous aurions gardé, dans l'esprit des populations, tout l'odieux

de les avoir pressurées, tandis que l'Oriental-Bank se serait fait

sions

payer ses services par

l'octroi

de larges conces-

-.

Cette

fois-ci

encore,

M. de Vilers arriva à temps pour

déjouer ce beau plan, qui n'était qu'une réédition à peine

démarquée de

de Kingdom. Ainsi onze

mois s'éque l'aifaire eût fait un pas. L'échéance du 11 décembre approchait, et M. de ^'ilers ne cachait à personne ([ue, si l'indemnité n'était pas versée en temps utile, la France saurait prendre des gages suffisants pour assurer la rentrée de sa créance. Cette perscelui

taient écoulés sans

pective 1.

fit

Il fut,

réfléchir Rainilaiarivony, qui finit par se résigner

quelques années plus tard, condamné à Londres pour crime de

fausse monnaie. 2.

M. de Vilers au Département,

11

novembre

188(i.

Cnrrespondance

ini'ilile.

7


98

l'affaire de Madagascar.

à (icoutor les propositions du Comptoir d'escompte. Pic-

voyant l'échec imminent de ses combinaisons, offensif et, le 2 décembre, il remit au premier ministre une note copieuse pour l'exciter à la résistance. ]\Iais l'intervention du consul anglais demeura kersgill,

tenta

un dernier retour

vaine.

Rainilaiarivony, forcé dans ses derniers retranchements, finit

par ci'der

et, le

4 décembre, sept jours avant l'oxpira-

tioii

du terme

fatal,

il

signa, avec

le

Comptoir,

tion qui mettait à sa disposition les fonds si

dont

la

convenavait

il

un

urgent besoin.

IV Le

terrain

aussi voulurent-ils prendre leur revanche sur

Anglais, le

des affaires n'avait pas été favorable aux

Une question des

terrain politique.

plus sérieuses se

trouvait précisément à l'ordre du jour, celle des exequatur, vieille question qui, entre l'Angleterre et nous, surgit

régulièrement, chaque fois que nous étendons notre domination sur un point quelconque du globe. C'est qu'en

reconnaître au vainqueur

pour

la collation

même

le droit

effet,

de se substituer au vaincu

des exequatur consulaires

,

c'est

par cela

reconnaître la transmission de la souveraineté, et

s'incliner

devant les

faits

accomplis. Voilà pourquoi l'An-

gleterre, qui s'estimait lésée par le traité franco-malgache

de 1885, ne

que ce qui

manqua pas

s'était fait

cette occasion de

sans

elle était

nous prouver

nul et non avenu, et

que, jusqu'à nouvel ordre, elle entendait ignorer les difications politiques

Dès

mo-

survenues à Tananarive.

début de 1886, plusieurs incidents préliminaires montrèrent clairement quelles étaient, en ces matières, les idées du cabinet de Londres. L'un d'eux fut provoqué par le

le

général Digby Willougby.

Ce guerrier illustre, auquel

la

fortune des armes avait été peu clémente, s'était mis en


LA QUESTION DKS EXEQUATUK.

dans

tAto do clicrclicr sa voie

la

diplomatie

lablissemeiit de la paix à Madajifascar, Loiidrns,

muni

de créance

lettres

tie

sadenr de

aprùs

et,

lo n';-

apparu à

était

oITicielles,

auprès des cours d'Europe, eu

(litaient

il

99

qui l'accré-

qualiti' d'ainl)as-

Reine. L'accueil qu'il reçut à Londres, où

la

Fcirciyu Oflicc lui fut innuédiatcnient ouvert, ne

sans ilatter sa

vaniti'. .Mais le

gouvernement

l'ut

français,

le

pas

mis

au courant de cette manifestation, protesta énergiquement, et rappela au cabinet anglais que le personnage ne j)ouvait avoir aucune qualiti' officielle, ])Our cette bonne raison (pie le Iraili' de 1S85 avait fait de la France l'internit'diaire oblige entre

Madagascar

et les

puissances étrangères.

W'illongby, sans se démonter pour

si

pim, vint à Paris

émit la prétention de se faire recevoir par

et

étrangères.

(les .Vffaires

jurgations de

}tl.

M. de

Frej'cinet,

de Vilers, estima

le

ministre

malgré

qu'il serait

les ob-

dangereux

de se faire un ennemi déclaré du général anglo-hova, et consentit à lui accorder

un entretien à

titi'e

privé. Peut-

être était-ce déjà trop de condescendance, car les fort

peu ferrés sur

Hovas, mystères du protocole, devaient nuances qui séparent une réception

les

diflieilement saisir les

d'une réception purement privée. Aussi, lorsque M. de Freycinet, comprenant l'erreur commise, se ravisa

olficielle

subitement celui-ci fut

et

fatuité

1.

...

^^'illougby d'aller à l'Elysée,

monument d'impertinence

véhémente, véritable 1

à

interdit

exaspéré et adressa à notre ministre une lettre

(12 nov.

et

de

188G).

La Franco et Madagascar sont loin d'èlre d'accord sur l'inlerdu traité de paix... le d(>saccord, je regrette d'iélre obligé de

prctation

vous en informer, durera nécessairement tant

(jue la

France jugera con-

venable de poursuivre, à Madagascar, par l'intermédiaire de ses agents,

une politique aussi embrouillée la

Reine en Europe,

bliiiue...

le

et

de temporiser avec moi, l'envoyé de

porteur de présents pour

le

Président de la Répu-

Je suis venu en France, pour conférer avec V. E. et arriver à

un arrangement amiable...

(t<i

cette tentative échoue), la

Reine consul-


100

l'aFFAIHE me MADAGASCAR.

Cette lettre n'ayant donné aucun résultat, l'ambassadeur ambulant s'en retourna à Londres, appelé dans la Cité par de loucbcs aO'aires d'argent, puis à Berlin et à

Rome, où

espérait qu'en raison des rapports assez tendus

il

qui existaient alors entre la France et les cabinets alle-

mand de

et italien,

fait,

impérial

il

rencontrerait un accueil favorable. Et,

fut reçu à Berlin

il

et,

par l'impératrice

intervint auprès des

français

et le prince

Rome, par le roi. Aussitôt prévenu,

à

cabinet

le

deux gouvernements

:

il

obtint sans tarder les assurances les plus formelles qu'on

n'avait reçu ^^'illougby qu'à titre

purement privé

simple curiosité et que ni l'Allemagne ni de

l'intention

de

l'Italie

eu quoi que ce

contrecarrer

et

par

n'avaient l'action

fût,

France à Madagascar'.

la

tera de

nouveau

la nation,

pour s'assurer de

la

volonté populaire. Quelle

sera l'issue d'un pareil acte, je laisse la réponse aux conjectures de

V.

E... J'ai

prévenu V. E,

tion et de l'honneur de la

fourreau... Je

V. E. dans liberté lettre,

me

le

et je la conjure

dans

l'intérêt

France de s'arrêter avant de

de la civilisatirer l'épée

du

tiendrai prêt à rendre visite, d'une manière officielle, à

courant des deux semaines prochaines. V. E. a toute

de livrer à

la publicité,

à son gré, tout ou partie de la présent

dans n'importe quel organe

officiel

de

la

presse française.

»

— Le

général Willougby à M. de Freycinet. Lettre citée dans une dépèche du

Département à M. de 'N'ilers du 15 novembre 1880. (Documents inédits.) 1. Dépèche du comte de Moiiy, ambassadeur à Rome, au Département (3 avril 1887) et dépêche de M. Herbette, ambassadeur à Berlin (2 avril 1887) (Documents inédits). Celte dernière dépêche relate un propos de M. de Bismarck, auquel le récent incident survenu entre la France et

Comme

r.\llemagne, au sujet du Maroc, donne une singulière actualité.

M. Herbette disait au chancelier

qu'il se félicitait

de voir que Willougby

ne pourrait laisser espérer à la Cour d'Emyrne le bon vouloir de r.\llemagne, ce qui aurait pu l'encourager à se conformer moins exacie-

ment à son

traité

avec la France,

sommes ctrangers à clu-rclier

ce traité, et

reçut la réponse suivante

il

nous aurions parfuitemenl

à eon'recarrer loire influence à Modagascrir. Jlais

pas notre intention,

je

vous

le dis

de

la

tement cette singulière insinuation.

«

H

serait bon, écrivit-il

.Xous

droit de

telle n'est

façon la plus formelle.

M. Flourens, notreministre des AfTaires étrangères, releva

«

:

le

»

iinméiliale

'i

avril


I.\

Sans avoir

IIKS

UXICC^H

i^^iiindi' iiinti'c, et (ui

l'incident n'en sinipli,'

(,)Ul-:siI()N

pas moins

l'tail

ATI

101

11.

dopit de ces assurances,

dcsagri''al)l(\ Si \\ illnui^-by,

aventurier sans nuuulat n'avait réussi

nulli; jiart,

pas plus à Paris, qu'à Londres, à Berlin ou à l{om(^, sa Itri'scncc

prolong('e en l']urope entretenait une fâcheuse

pouvait qu'encourager les mauvaises gouvernements anglais et hova. Fort licureuscment W'illûughv se dégoûta bientôt de ces pérégrinations coûteuses et inutiles. Probablement pensa-t-il qu'il y avait moins à gagner pour lui en Europe qu'à Madagascar, où le terrain lui serait plus favorable. 11 se rembarqua donc et nous le verrons bientôt réapparaître à Tananarive, dans ses triples fonctions de guerrier, de

(quivoque

dispositions

et

ne

des

diplomate et surtout d'agent d'affaires véreuses.

Un autre incident non moins significatif se déroulait à peu près en même temps, à Londres. Peu de temps après son arrivée à Madagascar, ^L de Vilers avait deniand('' la suppression des consulats mal-

gaches à l'étranger, dont l'existence était radicalement inconciliable avec le traité de 1885 '. Ces consulats étaient au nombre de trois l'un à Port-Louis (île Maurice), les deux autres à Paris et à Londres. A Paris, l'affaire fut vite réglée; M. Suberbie qui était titulaire du poste, se soumit aux injonctions qui lui furent faites, et il résigna :

ses fonctions, dès le mois d'octobre 188G, mais

pas de

même

à notre nnihnssmlcur à Berlin, de relever lai/uelle

il

n'en fut

à Londres. M. Samuel Proctor, qui

une puissance

est til/re

pas pris part. Tous

la théorie

s'inti-

inattendue, d'après

de ne pas ot)sercer un traité auquel

elle

pour être valnt>les. n'ont pas besoin de la consécration européenne, et quand ils ont été notifiés sans soulever d'objections, quand ils ont été conclus, d'ailleurs, entre deux gouvernements indépendants, il semble que les autres doivent s'y conformer. Le système contraire jetterait un grand trouble dans le droit public. » ilr MIoi'S au DOiiarli^iiienl. 7 novi'iMl)re !88i"i. Correspondance 1. M. n'a

inédite.

les traités,


l'affaire de MADAGASCAR.

102

était un des agents du comité de iladagascar, qui s'était constitue, en 1881, dans le seul but de combattre l'influence française. Pour occuper les loisirs étendus que lui laissait la gestion de son consulat, il avait monté une maison de quatrième ordre, où l'on s'occupait vaguement de commerce. Invité par l'ambassadeur de France à lui remettre ses archives, ce personnage déclara solennellement que

tulait consul de la

Reine Ranavalo,

les plus actifs

ses instructions s'y opposaient. ^I.

pas entamer de discussion.

H

Waddington ne voulut

pensa, non sans raison, qu'il

serait tout à fait illusoire de solliciter l'intervention

cabinet anglais, que

le rôle insignifiant joué

du

par M. Proctor

ne méritait pas qu'on insistât sur une question purement le jour où l'Angleterre aurait consenti que son consul à ^ladagascar reçût l'exequatur français, le contre-coup de cette mesure décisive attein-

théorique et que,

à ce

immédiatement

drait

aborder de front

le

consul malgache ^ Mieux valait

réclamer directement de l'Angleterre qu'elle reconnût, à Tananarive, les conséquences du traité de 1885. Il fallut quatre ans pour l'amener à céder. Depuis la mort de M. Pakenham, survenue àTamatave, en 1883, les fonctions de consul d'Angleterre, dans l'Ile la véritable difficulté et

de Madagascar, étaient vacantes. Les seuls reprc'-sentants

de la Grande-Bretagne étaient deux ou trois agents consulaires plus ou moins régulièrement accrédités,

officiels

Révérend Pickersgill, (icting consul à Tananarive. En novembre 1886, le cabinet anglais se décida à régulariser la situation et envoya à ^ladagascar le capitaine Haggard, cousin du marquis de

dont

le

plus important était

le

Salisbury.

La 1.

M.

inédits.

question de

l'exequatur

était

Waddington au Département,

donc officiellement

24 janvier

1887.

Ooctimenls


L.V

posée

si,

:

QUESTION

l)i:S

KXKQIMI

en eird, nous pouvions

concilia lion peut-être excessif,

(le

installés

|().'{

tolérei-, (l;ins

que

un

i.'spnt

consuls déjà

les

fussent admis à continuer leurs fonctions sans

avoir besoin d'une nouvelle investiture

d'admettre que

sible

H.

',

impos-

était

il

capitaine Ilaggard,

le

arrivant à

Madagascar postérieurement au

traité de 1885, ne tînt aucun compte; du nouvel état dr choses. Aussi M. de ViIcrs ne liit-il pas médiocrement surpris de ne recevoir aucune notification concernant M. Haggard, dont l'arrivée

Tamatave no

il

lui

fut

rumeur pu-

révélée que par la

blique.

A

une demande de renseignements

([u'il

adressa à Rai-

nilaiarivony, celui-ci répliqua qu'il avait accordé directe-

ment l'exequatur au consul anglais, car un consid n'étant agent commercial dépourvu de tout caractère polila délivrance des exequatur ne

((u'un

ou diplomatique,

ti([ue

La

concernait en rien la résidence générale'-.

insoutenable;

si

on l'admettait, tout l'avenir de notre poli^

se trouvait compromis.

tique

immédiatement

thèse était

et se

M. de

Vilers

le

décida à agir avec vigueur.

me

avoir feint de ne pas

comprendre,

écrivit-il

comprit «

Après

à Paris,

Rainilaiarivony est revenu sur la lettre interprétative de

MM.

Miot

et

de sa thèse,

Palrimonio. lia également invoqué, à l'appui la

dé-péche de ^I. de Frej'ciiict du 27 dé-

cembre 1885. Je ne

crois pas qu'il cèdi' de

bonne grâce.

Selon toute probabilité, nous serons obligés d'en venir

1.

Colle loli'rance

caduques lout

C'iait

cerlainpiiienl abusive;

les exequatui'

ili'livrés |)ar

mieux

ei'it

valu (li'clarer

rancien gouvernement mal-

gache et exiger, pour tous les consuls, une inveslilure nouvelle ilonnôe par

les autorités françaises. C'est ainsi

sauf pour

La

consul anglais,

limidilé dont le

lias le 2.

le

gouvernement

règlement de celle

fil

refusé) et plus tard en Tunisie.

preuve à Madagascar ne

facilita

all'aire.

M. de Vilers au l'éparlenienl,

invdile.

qu'on avait proc(}do jadis à Alger

(|ui s'y était

> janvier

1887.

Correspondance


l'aFFAIUE

104

MADAGASCAR.

VF.

aux imsiircs di' cocreiliini diplumalique ou cllfCtive '. » Et il indiquait comme mesure de coercition possible à employer sans proA'oquer de rupture ouverte, l'occupation de 1,1 presqu'île d'Ambre tout entière. Toutefois, persuadé de Rainilaiarivony

l'assurance

(pie

venait

de ce qu'il

voyait ses propres desseins s'accorder avec ceux de politique anglaise,

priait

il

li'

la

gouvernement français d'ob-

du Foreign Office qu'il mît le capitaine Haggard en demeure de conformer sa conduite à l'esprit comme à la lettre du traité de 1885. Dès la réception de cette lettre. ^I. Flourens, ministre des Affaires étrangères, invita M ^^'addington à faire, dans le sens indiqué, une démarche auprès de lord Salisbury"-. tenir

.

que l'affaire étant toute demandait le temps de consulter les avocats de la couronne. Après plusieurs rappels de notre ambassadeur, le chef du Foreign Oflice se décida enfin à elle était purement et simplement donner sa réponse négatiA^e. Lord Salisbury se bornait à déclarer « que M. (le Freycinet,par sa circulaire de décembre 1885, aA'ait (il mars). Celui-ci lui répondit

nouA^elle

pour

lui,

il

:

garanti aux puissances

le

maintien des conventions an-

térieures; que ces conventions établissaient pour l'Angle-

de traiter directement avec la reine des que par conséquent il était dans son droit en refusant de rien changer à l'ordre de choses établi '. Ce refus officiel ne pouvait être définitif il eût manifesté d'une manière trop flagrante le mauvais vouloir de la Grande-Bretagne, et tout porte à croire que, dans la terre

droit

le

Hovas,

et

:

1.

M.

(le

Vikrs au Département. 20 janvier

1887.

Correspondance iné-

dite. •2.

A

la suite

rule. pr(?senté

du

rejet

par

la

Cliambre des communes du

par M. Gladstone

rent la conséquence,

un

(8

juin

188(1) et

bill

du

Ilcjiiie

des élections qui en fu-

(cabinet conservateur, présidé

par lord Salisbury,

avait remplacé le ministère libéral de M. (lladstone. 3.

M. Waddinfflon à M. Flourens, 29

avril 1887.

Documeûls

inédits.


L.V

QUESTION DKS

105

EXICOl VlLIt.

circonstance, lord Sali.shury voulut siinpIiMnent se tlouner

de souligner les incertitudes de notre

malin plaisir

le

politique, et de mettre

M. de Freycinet, nous effet

faire plus tard

lorsque

M. Flourens en contradiction avec ménageant la ])ossil)ilité de

tout en se

une concession non gratuite. Et en

M. Waddington, pressé par le cai)inet français,

revint quelqiu^s jours après à la charg(!,

il

trouva

cliez le

ministre anglais des dis])osilions moins intransigeantes,

du moins en apparence

:

« Il est

bien évident, lui

dit,

non

sans litiniQdr, l'ambassadeur, qu'avant les événements de ISS,"),

toutes les puissances traitaient directement avec le

gouvernement hova Je ne vois pas très bien comment on aurait pu concevoir un système différent, et il n'est jamais intervenu de convention pour consacrer une situation de l'ait qui ne pouvait pas ne pas exister. Par consé:

quent, nous autres Français, n'avons jamais eu à conlir-

mer une convention Salisbury

linit

qui n'a jamais été

par en convenir

et,

le

conclue.

5 mai,

il

»

Lord

remit à

M. ^Vaddington une note verbale ainsi conçue « Le gouvernement de S. AL a décidé, conformément à la demande à lui faite par le gouvernement de la République, d'inviter le consul de la Reine à Madagascar, à réclamer un nouvel exequatur par l'intermédiaire du Résident français. Il demeure bien convenu que le gouvernement de S. M., eu agissant ainsi, réserve tous les droits de la Grande-Rretagne résultant de son traité avec ^ladagascar en date du 27 juin 1865, lequel traité demeure en vigueur, ainsi qu'il résulte du télégramme-circulaire de M. de Freycinet du 27 décembre 1885 '. » Au reçu delà dépèche de M. Waddington, 'SI. Flourens s'empressa de télégraphier à M. de ^'ilers, pour l'informer que l'incident était clos a Londres, à notre entière :

1.

iiioiit

Correspondance de M. Waddinglon avec dépèclies des 30 avril et 5 mai 1887.

le

Déparlement,

Documents

inviUts.

et

notam-


l'affaire de MADAGASCAR.

106 satisfaction.

En mùme

temps,

il

invita

M. \\'addington

à se rendre auprès de lord Salisburj-, pour

lui

adresser

tous les remercîments du gouvernement français. Dès

lendemain, 6 mai, l'ambassadeur reprit donc

le

le

chemin

du Foreign Office. Grande fut sa surprise, lorsqu'on l'absence du chel du cabinet, sir J. Fergusson, sous-secrétaire d'Etat aux alfaires étrangères lui laissa entendre qu'il y avait maldonne, et que rien n'était réglé. Quelques heures plus tard en

effet, ^I.

Waddington

reçut, de lord

Salisbury, une lettre l'informant qu'il venait d'apprendre

que les nouveaux consuls envoyés à ^Madagascar par l'Allemagne, l'Italie, et les États-Unis s'étaient, pour obtenir leurs exequatur respectifs, adressés directement

au gouvernement hova, sans que cette manière de procéder ait soidevé aucune objection de la part du Résident « Le gouvernement de la Reine, concluait le de France noble lord, ne pouvait admettre que son représentant fût traité autrement que ceux des autres puissances. En con:

séquence,

il

l'invitait à différer l'exécution

tions, jusqu'à

aient

de ses instruc-

ce que les consuls des autres puissances

eux-mêmes demandé

médiaire du Résident

'.

leurs exequatur

par

l'inter-

»

Cette lettre, singulier mélange de vérités et d'erreurs plus ou moins volontaires, laissait clairement entrevoir

plan du Foreign Oflice

:

le

profiter de la situation très délicate

où nous nous trouvions à Madagascar et de l'obstination de Rainilaiarivony, pour traîner les choses en longueur et éviter de prendre des engagements fermes. Un nouveau consul étranger (et non pas trois) était en effet débarqué à Tamatave au commencement d'avril 1887 c'était ]\I. Campbell, consul des Etats-Unis il était exact qu'il eût suivi l'exemple de M. Haggard et réclamé son exequatur à Rainilaiarivony. D'un consul allemand, il :

;

1.

Lord yalisbur\ à M. Waddington,

7

mai

1887.

Documents

inédits.


LA QUESTION

liKS

jamais ùir question

n'avail

dans

rt'sidait

le

:

EXEQIATIII.

celui tjui était

107 v.n

fonctions

pays longtemps avant l'arrivée de M. de

Vilors.

M. Maigrot, ce n'était pas davantage un nouveau venu. Ce curieux type d'aven(hiant au

turier,

consul d'Italie,

sujet

anglais

de

l'île

Maurice,

qui

depuis plu-

sicuis années traiiquait à Madagascar, avait, on ne sait

trop

comment,

joint à son

commerce

les fonctions

de vice-

consul d'Italie à Tamatave, situation fort peu absorbante,

dans toute l'île, la nation italienne n'était représentée que par un simple cabaretier. M. Maigrot, ayant fait de mauvaises aiïaircs, chercha un dérivatif dans la politique

car,

et l'inlrigne.

Au

cours de la guerre de 1881-85,

sou|)çonné d'espionnag(; pour (|ui

le

ne rempèiha pas de faire agréer ses services,

ni'gociateur oHicieux, par

MM.

il

fut

compte des llovas, ce

Miot

et

comme

Patrimonio. Mais

CCS divers avatars n'avaient ni relevé son crédit, ni atten-

Pour échapper aux suites de sa déimagina une « combinazioiie » que Machiavel n'eût pas désavouée, et encore moins la scène du Palaisdri ses créanciers.

confiture,

il

Hoyal. ^I. Maigrot, à la veille d'être mis en faillite, disparut, un beau matin, sans que personne sût ce qu'il était devenu. On ne tarda pas à l'oublier, et, seuls, ses créanciers conservaient de lui un cuisant souvenir, lorsque plus d'un an après, le bruit se répandit que l'Italie avait érigé en

consulat général son poste de Madagascar, et que l'arrivée du nouveau titulaire était imminente. Quelques jours

personnage en ([uestion débarquait à Tamacomme bien on pense, M. Maigrot. 11 revenait de Rome, où par quels moyens, il est difficile de le

plus tard,

tave

:

démêler, lien.

il

avait réussi à se faire naturaliser citoyen ita-

Quant à sa commission de consul général,

probable le

le

c'était,

qu'il se l'était d('livrêe à

il

est

lui-même, car plus tard, gouvernement italien nia formellement qu'il fut accré-


l'affaire de MADAGASCAR.

108

dite en cette qualité. Toujours est-il que

son retour sur

le tlu'àtre

M.

^Maigrot, dès

de ses exploits, en porta

le titre

en réclama les honneurs et privilèges. Ceci n'empêcha

et

pas, d'ailleurs, qu'il fût immédiatement relancé par ses

créanciers tout heureux de retrouver la piste. Mais c'est alors qu'apparurent, dans toute leur ampleur, les avan-

tages de la il.

Maigrot

d'Italie,

combinazione

«

».

Devenu citoyen

n'était plus justiciable

italien,

que du consul général

de sorte que, seul à Madagascar, M. Maigrot,

consul général d'Italie, avait qualité pour juger M. Maigrot, débiteur récalcitrant. Inutile d'ajouter que les imprup dents bailleurs de fonds durent passer leurs avances par profits et pertes.

Tel

était

personnage, dont l'arrivée à Tananarive

le

avait, parait-il, contribué à exciter les susceptibilités de

lord le

Salisbury.

Tant que M. Maigrot, M. Campbell

et

M. de du chef du

consul d'.Vllemagne n'auraient pas adressé à

Vilers leur

demande d'exequatur, l'intention était que M. Haggard s'abstînt

Foreign Office ment. ^'ainenlent

M. ^^'addington

glais ne pouvait pas

protesta-il

que

le

égale-

cabinet an-

subordonner sa propre attitude à

des gouvernements allemand

et italien, qui

d'initiative à prendre, puisqu'ils n'avaient

I

celle

n'avaient pas

pas changé de

consul, ou à celle du gouvei'uement américain, dont le nou« Nous n'aveau consul était arrivé après M. Haggard vons, pour le moment, rien à dire à Berlin et à Rome, déclara l'ambassadeur. Quant au gouvernement de ^^'ashington, nous l'avons déjà rap])elé au respect du traité, mais qu'arriverait-il, s'il nous répondait qu'il se conformerait à ce qu'aurait fait le gouvernement de Londres ? Nous tournerions dans un cercle vicieux. C'est au cabinet :

anglais à donner l'exemple, non pas tant à cause de ses à Madagascar, que par ces motifs

intérêts supérieurs

déterminants

qu'il

en avait pris l'engagement formel, par

I


OUKSTION

I,\

sa note du 5 mai,

de consid

'.

ci

qu'il

KXKni VIUK.

IiKS

avait

le

l'tc

109

premier à ciianger

»

Lord Salisbury

lit

la

souidc

oreille.

Sur

<[uoi ^I. l'Mou-

de Saiiit-Jamcs au pied aueuue échappatoire, pria les o-ouvermenls de Herliu, de Ronu; et de NNasliington di; faire coniiaitro oriii-ielleinent leurs vues sur la questiou. reus, désireux de uiettre

du

uiur, et

Lu

de ne

le

eabiiiel

lui laisser

rc'pousc allemaïule arriva la première. Elle portait

eu substance que la question ne se posait pas actuelle-

ment

poiu- r.Mlcmagne, mais que viendrait-elle à se poser, on ne contesterait pas le droit qui résultait ])our nous du traili' de 1885 -. A Rome, le comte de Moiiv obtint des assurances analogues. « Jamais, lui dit M. Malvauo, directeur politi([ue à la Consulta, jamais M. Maigrot n'a été autorisé à réclamer un nouvel exequatur du gouvernement hova, pour cette bonne raison qu'il n'a pas été nommé consul général, mais qu'il est toujours comme auparavant simple agent consulaire à Tamatavo. » M. Malvano s'éleva vivement contre la prétention de lord Salisbury de préjuger des intentions de l'Italie. « Le comte de Robilant ', ajouta-t-il, à ("Crit à son ambassadeur il Londres que l'Italie désirait ne pas formuler d'opinion,

dans une alïaire où elle n'avait pas de décision à prendre. Pour expliquer le langage de lord Salisbury, il faut admettre qu'il ait mal interprété le sens de cette déclaration. Aussi écrivons-nous de nouveau à notre ambassadeur, dans les termes les plus explicites ^. » (^uant au gouvernement américain, dont l'opinion était capitale à connaître, car, seul, sou repr('sent;int nouvelle-

1.

des

Correspondance de M. Waddinglon avec mai 1887. Documents inétIUs.

le

Département. Dépêches

17 et 25

Waddington,

30 mai 1887.

2.

M. Flourens à

i.

Alors ministre des Affaires étrangères

'i.

1887.

JI.

Documcntx

inniils.

d'Italie.

Le comte de Moûy, ambassadeur à Rome au DéparlemenI, Documents inédits.

31

mai


l'affaire DK MADAGASCAR.

110

ment arrivé

à Taïuuiarive se trouvait

identique à celle du consul anglais,

ment

il

dans une situation fournit immédiate-

les explications les plus loyales et les plus satisfai-

Mac-Lane, ministre des Etats-Unis, à Paris, protesta de la parfaite bonne foi de son gouvernement démarche de M. Camjjbell ne pouvait il affirma que la qu'être le résultat d'un malentendu et qu'il recevrait d'urgence des instructions pour demander l'exequatur à santes. ^I.

:

M. de

Vilers.

De son

faires étrangères,

moins formelles

Muni de

Rome

et

côté,

M. Bayard, ministre des

Roustan des promesses non

à ^I.

fit

Af-

'.

cette trij)le déclaration

de Washington,

émanée de Berlin, de

Waddington

'SI.

de nouveau au Foreign Office. Cette

fois-ci

se présenta

encore,

avoir gain de cause. Lord Salisbury lui remit, en

note l'informant que

le

crut

il

effet,

une

consul de la Reine avait reçu l'ordre

de demander son exequatur à M. de Vilers, aussitôt que

lui-même

consul américain aurait

le

fait

cette

démar-

Des consuls allemands et italiens, il n'était plus question. Or, comme M. Campbell avait reçu l'ordre de faire la démarche prévue, on devait en inférer que l'inciche

^

».

dent était définitivement réglé entre

la

France

et

l'An-

jour

même

gleterre.

Par une coïncidence au moins singulière, où lord Salisbury remettait à M.

le

Waddington

la

deuxième

note verbale qui semblait destinée à lever toutes les cultés, le

capitaine

1.

faisait

diffi-

solennellement son

démarche fort imprévue, car (9 juin) gravement malade à Tamatave, avait dû preuve d'une énergie peu commune pour se déter-

entrée à Tananarive le consul,

faire

Haggard ;

tombé'

M. Mac Lane, ministre des États-Unis à Paris, à M. Floiirens, M. Roustan, ministre de France à Washington, au

29 mai et 23 juin 1S8;.

Département, 1" juin

1887. Documents inédits. Note verbale remise par lord Salisbury à M. Waddington, à M. Flourens (9 juin). Documents inédits. 2.


LA.

111

gUKSÏIO.N Ui;s LXEQU.VXLIi.

minor à ce long et |)i'iiil)Io voyage. L'incident était grave et ])ouvait provoquer une crise. On s'en aperçut irnmédiaintransigeante adoptée par

l'attitude

à

li'niént

Le

Times, organe de

le

])arti

Loiidon Socieli/, annonça dès la nouvelle du voyage qu'une réception oliii'ielle serait laite, dans la capitale, à l'envoyé britannique, que Rainilaiarivony ne céderait jamais sur la ([ueslion de l'exequatur, et que M. de Vilers pouvait faire son deuil de ses prétentions. Sans s'émouvoir, notre Réanglais.

M(((l(if!;tiscnr

la

sident informa le premier ministre qu'il ne reconnaîtrait

an capitaine Ilaggai'd la qualité de consul qn'a[)rès qu'il se serait plié aux exigences du traité de 1885, et qu'en attendant, aucune réception officielle ne devait lui être faite.

Ilainilaiarivony,

intimide et tiraillé en

usa d'un moyen terme qui

sens contraire,

honneur à ses facultés de diplomate. II déclara que, désormais, les honneurs seraient rendus aux diplomates étrangers, à leur débarquement dans File et non plus à leur entrée dans la capitale. C'était esquiver la difficulté. Sans trancher sur le fond, il nous donnait satisfaction et évitait de rompre avec les prédicants. Ceux-ci, cependant, se montrèrent fort irrités fait

de la solution. Pickersgill se répandit en doléances.

rédigea et

Il

fit

une pétition à la reine d'Angleterre, pour se plaindre du sort fait aux nationaux circuler,

dans

britanniques,

la colonie anglaise,

lesquels, disait-il,

ensevelis dans la boue », et pour

«

étaient

littéralement

demander que des me-

sures énergiques fussent prises en leur faveur.

temps, pour pallier son échec,

que

le

il

En même

publia, dans son journal,

capitaine Ilaggai'd avait, par pure modestie, refusé

la

réception oftîcielle offerte par le gouvernement liova. La mauvaise humeur de nos adversaires prouvait que

le

coup avait porté.

plus tard.

On

en eut

la preuve,

quelques jours

Le capitaine Haggard, après quinze jours de


l'ai TAIRE

112

DE MADAGASCAR.

silence, se décida à entrer en relations avec ^I. de Vilers,

une cérémonie en l'honneur du jubilé de la reine Vilers, arguant qu'il n'avait aucune conofficielle de l'arrivée de ^I. Haggard, s'abstint naissance de répondre. Sur quoi il reçut une demande d'audience, qui fut accordée séance tenante, et dès le lendemain le capitaine fit sa visite à la Résidence, où on lui rendit tous les honneurs dus à un officier supérieur de la marine et rinvita à

Victoria.

M. de

britannique.

Le premier engagement nous avait donc été favorable. La cour d'Emyrne avait transigé, et l'envoyé anglais avait été contraint de faire les premiers pas. Toutefois la

question restait entière. Si Rainilaiarivony avait reculé de-

vant une manifestation jiublique sur

le

principe

et,

d'hostilité,

il

quant au capitaine Haggard,

tenait ferme il

avait soi-

gneusement éludé toute conversation sur le point délicat. Quelques jours se passèrent, puis le 1" juillet, M. de Vilers reçut le télégramme que le ministère lui avait adressé, le 9 juin précédent, pour l'informer que la question

de l'exequatur était définitivement réglée, et que les gouvernements anglais et américain avaient envoyé les instructions nécessaires à leurs

agents.

Au

reçu de cette

nouvelle, ^M. de Vilers se mit en rapport avec

MM. Camp-

Haggard. Le premier reconnut aussitôt les faits et remit au Résident de France une nouvelle demande d'exequatur. Quant à M. Haggard, il déclara n'avoir reçu aucun ordre de son gouvernement et, devant l'insistance

bell et

de M. de Vilers qui, fort des nouvelles reçues de Paris, pressait vivement de suivre l'exemple de son collègue américain, il prit le parti de se dérober à une situation

le

embarrassante, et redescendit à Tamatave.

Le désappointement de M. de Vilers fut des plus vifs. Pour la seconde fois, il avait reçu l'assurance formelle que le cabinet anglais avait cédé et, pour la seconde fois, les promesses verbales prodiguées à Londres par lord Salis-


L\ QUESTION DKS bury, restaient

letti'i;

ICXICQI

ATI

113

II.

moite à Tanaiiarive. Aussi avait-il bonne foi de nos voisins « Votre à Paris, reconnaîtra que j'ai toujours

beau jeu à incriminer la Excellence, écrivit-il

sur l'exécution

été très sceptique (les notes

:

di;

engagements

ces

verbales du l'"oreign Olfiee des G mai et

|irecédeiits).

La

!)

juin

situation d'un ministère de coalition est

nombreux membres du communes qui soutiennent

trop critique pour qu'il s'aliène les

Chambre London Society '. Le gouvernement des

parti libéral do la la

britannique, in-

formé par notre ambassadeur de nos vues et de nos projets les a combattus en connaissance de cause. Mieux vaudrait une liostilité déclarée que ci^tte prétendue amitié qui se traduit par des procédés inacceptables. Lord Salis-

bury

n'a

jamais cherché à nous donner satisfaction.

Il

cherche seiili^ment à gagner du temps pour se reconnaître et faire

naître quelque complication nouvelle à exploiter

contre nous

^1

»

Ces récriminations le

et

Foreign Ofliee, avaient,

rences de la

vérité, car

ministre anglais,

mis de bonne

foi

d'accord avec

le

dans

l'île

il

ces accusations dirigées contre il

faut l'avouer, toutes les appa-

pour

nu^ttre

hors

de cause

le

aurait fallu admettre qu'il eût trans-

à Madagascar les instructions arrêtées gouvernement français, et que son agent

ait refusé

de les exécuter. Pareille résistance et

pareille fourberie de la part

du capitaine Ilaggard étaient

dilhciles à prévoir. Telle était

cependant

la véritable si-

Devant les ordres envoyés par lord Salisbury, capitaine Haggard s'était insurgé et, aux instructions

tuation. le

1.

La question

d'Irlande avait profondément modifié l'équilibre des

partis parlementaires à

projet de

Home

Londres. Lord Salisbury, pour faire échec au

Rule présenté par

les

sur les Unionistes, étrange coalition

Gladstoniens devait s'appuyer

des conservateurs les

plus

in-

transigeants, de libéraux, et de radicaux avancés. 2.

M. de Vilers au ministre, 25 novembre et 25 décembre

pondance

inédite.

8".

Corres-


114

l'affaire

riE

Madagascar.

de son

cliuf, il avait riposté par l'envoi d'un volumineux mémoire où il le suppliait de revenir sur sa décision. C'est du moins ce que Sir Julian Pauncefote dut, peu de temps après, avouer à notre ambassadeur'. A défaut de

preuves certaines, il faut donc liésiter à accuser le chef du Foreign Office d'une duplicité aussi criante. C'est bien assez qu'au lieu de rappeler au devoir un agent insubor-

donné,

complaisamment prêté

suggespour éluder l'exécution d'une parole donnée, et entraver, dans l'île, l'exercice de notre autorité. il

ait

l'oreille à ses

tions, et mis à profit sa désobéissance

L'étrange conduite de ^M. Haggard fut le signal attendu par Rainilaiarivony et ses conseillers ])0ur tenter un assaut désespéré contre nos positions et nous arracher le bénéfice du traité de 1885. Tous comprenaient en effet

que de l'exécution de ce traité dépendait leur sort futur. Si la France parvenait à faire respecter sa situation de puissance protectrice, c'en était fait de la longue tyrannie à la cour d'Emyrne, du patronage despotique de la London Society, et de la domination séculaire des prédicants. Aussi tout le personnel des missions donna-t-il tête baissée dans la bagarre. Parrett et Pickersgill s'instituèrent maires du palais, menant tout, dirigeant les discussions, dictant la correspondance du ministre. Leur organe officiel, le Madagascar Times, se répandit en articles enflammés tantôt il annonçait l'arrivée immi:

nente de l'escadre anglaise venant défendre l'indépendance

du royaume de Madagascar,

tantôt, profitant habilement

des graves incidents qui se passaient alors

en Europe,

parlait d'un ultimatum envoyé par l'Allemagne à la France, et d'une rupture survenue entre les deux pays.

il

Enfin,

1.

après deux mois de

Le comte d'Aubigny, chargé

4 octobre 1887.

cette

savante préparation,

d'affaires à

Londres à M. Flourens,


115

QIKSTION DKS KXEQLATUH.

I,\

voyant (juils n'avaient pas g'agné un pouce de terrain et que ririi ne pouvait éhranhn' la fermeté de M. de Vilers, les coalisés résoluiT'iil de frapper un ooup décisif. Le 16 septembre, le consid américain, M. Campbell, informa

rompu que,

J\I.

de Vilers que

s'il

ne retirait pas

Résidence,

la

Unis

le traité

gouvernement

le

toute relation avec lui

on

:

lui

avait

liova

même

avait

sig-nifié

demande d'exequatur adressée à de commerce conclu avec les Etatsla

serait dénoncé.

L'incident était grave, car

il

était

qu'après avoir poussé en avant

nous

cain,

le

missions

dans

le

de toute impossibilité

gouvernement améri-

l'embarras.

Force

était

d'arriver coûte que coûte à une solution immédiate.

M. de Vilers vony; toute

la

se rendit aussitôt auprès de Rainilaiari-

journée du

17

septembre se passa en

discussions. Par mesure de conciliation, notre représentant consentit à laisser

le

gouvernement bova accorder

directement l'exequatur, sauf enregistrement obligatoire il envoya une contre-proposition qui paraissait acceptable, lorsqu'on s'aperçut qu'il se référait dans son texte, non pas à l'acte du 17 décembre 1885 (le traité franco-bova) mais à l'acte du 9 janvier 1886 (lettre interprétative de MM. ]\Iiot

par

et

la

Résidence. Rainilaiarivony refusa

Patrimonio).

sans

la vigilance

La

superclierie

n'était

:

le soir,

pas maladroite

:

toujours en éveil de M. de Vilers, elle

eût réussi, ce qui nous eût couvert de ridicule ou contraint

fameuse lettre qui détruisait tout le bénédu traité. Le 18 au matin, M. de Vilers signala « l'erreur » commise. C'était un dimanche, et Rainilaiarivony en tira prétexte pour ne pas répondre le lendemain, il écrivit pour

de

ratifier cette

fice

:

M. de Vilers répliqua donnant un délai de six heures pour céder, faute de quoi il romprait les relations diplomatiques. La menace fut mise à exécution. Aucune communication

décliner toute nouvelle entrevue.

en

lui


l'aFFAIHE de MADAGASCAR.

116

du palais dans le Résidence toute

n'étant venue

convoqua à pavillon fut

la

amené solennellement,

paux fonctionnaires de

M.

délai fixé,

la

M. de Vilers fiançaise

colonie

la

:

le

l'escorte, et les princi-

légation,

sous les

ordres de

d'Anthouard, sortirent de la ville et allèrent coucher

à la première étape sur bre). Seul,

pour suivre

la

M. de Vilers

roule de

Tamatave

(19

septem-

resta provisoirement en arrière

événements.

les

considérable et immédiat. On sut que Rainilaiarivony et sa royale épouse, complètement affolés par l'imminence d'une nouvelle guerre avaient passé la nuit dans les larmes. Le matin, ils conL'effet produit fut

plus tard

voquèrent un grand Kabary, qui dura toute

la journée.

On

lendemain 21, l'accord fut signé. La formule suivante avait été de part et d'autre acceptée résolut de céder, et

le

:

Après examen des pouvoirs constituant M. X... consul nous lui délivrons par les présentes l'exequatur, l'autorisant à assumer l'exercice de ses fonctions consu<<

de...

laires. Toutefois

un caractère traitées

entre

il

est bien entendu que les atl'aires ayant

politique le

qui

se présenteraient pour être

gouvernement malgache

et cette puis-

sance, seraient soumises au Résident français. Le Rési-

dent général a connaissance de cet acte. L'alerte avait été chaude, mais

vainqueur.

»

M. de Vilers en

était

Il

rétablit aussitôt son pavillon, rappela

l'escorte, et galant

Français jusqu'au bout, s'empressa de

sorti

sécher les larmes qu'il avait fait couler, eu offrant à Reine un magnifique nécessaire à ouvrage. Ici se

place un incident très caractéristique qui fait res-

sortir l'infirmité

la

plus notable de notre politique et de

notre administration coloniales. la

la

En

semblable matière,

Grande-Bretagne, beaucoup mieux inspirée, suit un Le gouverne-

principe diamétralement opposé au nôtre.

ment britannique, en

effet,

croit avoir été

jusqu'au bout

de son droit et de son devoir, lorsqu'il a donné à l'homme


QUESTION

I.\

cliai'i^-é

de défendre ou de

IlKS

KXKyiATl

117

11.

de ses posses-

ffi-iw les intérêts

sions d'oulre-mer, des insliuctioiis générales précisant

but ù atteindre et

à obtenir.

le résultat

le

met tous ses

11

soins à choisir l'homme qui aura sa confiance, mais, dès

estime avoir mis

qu'il

place

»,

il

«

ihe riglit

man

in

t/ie

right

lui laisse la plus entière libeiié d'allures

:

il

convient que la compétence des bureaux du Coloial Office

n'est

pas universelle,

et

que pour

solution d'une

la

question locale, économique ou poiitiipu', celui qui est sur les lieux,

(jui

connaît les

hommes

parle, est plus qualifié pour

tionnaire de passage à si instruit et si

En

capable

et les

choses dont

il

donner un avis qu'un fonc-

Downing

street,

si

haut placé,

soit-il.

France, au contraire, l'omniscience des bureaux est

toujours prompte à s'effaroucher des marques d'indépen-

dance

et d'initiative

données par

les agents,

et plus est

délicate la négociation engagée, plus grandit le rôle

du

même

qu'un télégramme émam'' du cabinet du ministre met vingt jours pour parvenir à destination. Si l'on joint à ce sentiment inné, l'horreur des tt'U'graphe, alors

solutions d'attente que repousse notre génie latin

comme

contraires à l'ordre, à la méthode, à la régularité, l'impatience avec laquelle nous nous

hâtons de résoudre les

questions les plus complexes sans permettre au temps de faire

son œuvre;

si l'on

v

joint surtout l'invincible disposi-

tion de notre esprit juridique, qui

nous

fait

assimiler une

contestation nationale à un procès entre particuliers, et

considère

comme

éteint

un

conflit

de races ou d'intérêts,

parce qu'un accord en quatre lignes est intervenu sur

le

papier, on concevra facilement que l'expédient de circons-

tance imaginé par M. de Vilers pour éviter une rupture,

main au gouvernement hova et écarter les inait été peu goûté au quai d'Orsay. M. Flourens objecta que le modus vivendi du 21 septem-

forcer la

trigues anglaises,

bre tendait à consacrer la restriction établie par la lettre


l'affaire de madagascah.

118

interprétative, puisqu'il limitait aux affaires politiques

du Résident,

droit d'intervention

lu

alors que le traité re-

tendait à l'ensemble des relations extérieures

:

il

refusait

donc de ratifier la signature de M. de Vilers el, alfectant de croire que notre Résident n'avait donné cette signature « qu'ail référendum », il l'invitait à reprendre les pourparlers

'.

M. de à Paris,

Vilers fut péniblement surpris que l'on considérât,

comme un

échec diplomatique et une faute per-

sonnelle ce qu'il avait estimé être un succès

pas mériter vos reproches

»,

:

«

Je ne crois

télégraphia-t-il à son ministre

dans trois longues dépêches adressées coup sur coup au Département il entreprit sa justification, pressant vivement le gouvernement de ne pas comprometdès

19 octobre

le

et,

par des exigences abusives l'avantage

tre

avait obtenu «

A

relatif qu'il

-.

Madagascar,

disait-il, la lutte d'influence est tout

entière circonscrite entre la France et la Grande-Bretagne.

Tout

l'effort

quatur, et

il

de la lutte a porté sur

la

question de l'exe-

n'y a pas lieu de s'en étonner, car notre in-

tervention, à un degré quelconque, dans leur délivrance constitue la reconnaissance de notre situation privilégiée et de la déchéance de l'Angleterre. Les résultats de cinquante années d'évangélisation et d'une dispense de 50 millions, se trouvent compromis. La ruine de la. Lojidon Society/ est certaine, dans un temps prochain, pourvu que

nous ne manquions pas de patience. Aussi dès son arrivée, le consul ang-lais s'attacha-t-il à traiter le Résident

général en quantité négligeable, manquant même à son égard des procédés courtois en usage parmi les agents des puissances européennes... Par deux fois, le cabinet fran1.

du

M. Flourens à

JI.

de Vilers. Télégraiiimo

ilii

oclobre et dépêche

17 octobre 1887.

2. Correspondance ment des 24 octobre,

inédite de M. de Vilers 25

:

Dépêches au Départe-

novembre, 25 décembre 1887.


LA QUESTION

intervint, à fjondrcs, pour

(,'ais

deux

fois lord

nécessaires

faii'e

11.

]

19

cesser cette situation

:

Salisbury promit d'envoyer les instructions

deux

;

EXEQUATl

IlES

fois enfin le

consul britannique déclara

Sur ces entrefaites, le consul améiicain prit les devants et nous adressa une nouvelle demande d'oxequatur. Les Anglais obtinrent de Rainilaiaiivony dès lors la considération de la qu'il fût mis en interdit France était en jeu. Pouvions-nous laisser molester le consul d'une nation amie qui s'était adressée à nous, sur nos instances, confiante dans la légitimité de nos droits et iMre sans ordres.

:

dans votre certain que

je

Or

de les faire respecter?...

volont(''

n'arriverais pas à régler la

j'étais

question de

l'exequatur dans les conditions que vous aviez prévues. Je consentis donc à ce que

le

premier ministre délivrât

directement à M. Campbell l'exequatur

qu'il avait solli-

donné au Résident général... Je n'ai pas obtenu les satisfactions que j'aurais désirées, mais celles que j'avais demandées. Le premier ministre avait cédé, les Anglais étaient battus, cité

par moi, avec mention

et je croyais avoir la

qu'acte était

assuré définitivement la suprématie de

France à Madagascar. Dans

le

cours d'une carrière

déjà longue, j'ai traversé de nombreuses épreuves, mais

aucune ne m'a coûté davantage. C'est une lourde responsabilité d'avoir à décider de la paix ou de la guerre. Je sortis épuisé

de la

lutte,

mais j'avais conscience d'avoir

servi le pays... Aujourd'hui,

bien

il

ne

possible de rouvrir la discussion avec

malgache. Quand bien

même

nous donner satisfaction, rité

est

menacée

et les

il

le

ne

le

me

paraît pas

gouvernement

premier ministre voudrait le

pourrait pas. Son auto-

conspirateurs sont nombreux.

S'il

des concessions, ses adversaires parviendraient à le renverser, sous prétexte qu'il aurait amoindri la puis-

faisait

Une nouvelle demande de

sance de la Reine. serait

donc repoussée

minué, à moins que

le

notre part

et notre prestige se trouverait di-

gouvernement de

la

République


120

l'aIKAIRK

soit décidé à avoir

gument.

MADAGASCAli.

I1E

recours aux armes

comme

dernier ar-

»

M. de

Vilers terminait son plaidoyer en revendiquant

hautement l'octroi de pleins pouvoirs. « Si le délégué du gouvernement de lu République, disait-il, ne peut s'engager qu ad référendum, il ne saurait acquérir Finfluence morale qui est sa seule force. Les moindres affaires entraîneraient des délais indéfinis et, étant donnée la mobilité

d'esprit des natifs et leur

manque de

l'approbation ministérielle parviendrait,

parole, lorsque la

situation

se

Jamais une question ne serait réglée. Votre Excellence voudra bien ne pas voir, dans serait entièrement modifiée.

mes

appréciations, un secret désir de

autorité

:

me

soustraire à son

je ne recherche pas les responsabilités, encore

moins les honneurs, mais instruit par une pratique de six années des exigences du régime protecteur, j'ai la conviction que toute hésitation dans la décision, en permettant au protégé de se dérober entraîne un échec ou une expédition militaire. Le Résident général doit avoir une grande liberté d'action qui trouve son correctif dans sa révocation, conséquence naturelle des fautes et des erreurs commises. » Cette vigoureuse et lîère défense convainquit-elle les

bureaux du quai d'Orsay? il est assez difficile de le dire, ear la réponse du ministre fut assez obscure. S'il persistait à critiquer le texte de M. de Vilers, du moins il reconnaissait avec lui que ses observations ne portaient que sur des points secondaires l'exequatur.

Sur

le

;

le libellé

pi-incipe,

de la délivrance de

c'est-à-dire

sur l'interven-

tion obligatoire de la Résidence, on avait obtenu gain de cause, et ceci était capital, car la procédure adoptée impliquait forcément la reconnaissance par les puissances

de notre

situation

M. Flourens,

prépondérante à Madagascar, aussi

tout en maintenant ses critiques, s'abstint-il

d'exitrer de ]\L

de Vilers la réouverture des négociations

:


I.A

«

La

solution

ih.

Londres plntiM

QUESTION DES EXEQl la

121

ATUlt.

question, couclut-il, est maintenant à

(lu'à

Madagascar,

et

nous sommes

loin

d'avoir épuisi', en Angleterre, tous nos moycnsd'action'.

»

Si notre ministre des Affaires étrangères tenait réelle-

ment en réserve des moyens d'action [jartienllers pour venir à bout de l'obstination peu loyale du cabinet de Saint-James, il n'était que temps de les employer, car, au moment où il écrivait la lettre précédente à M. de Vilers, il venait d'essuyer, de la ])art de lord Salisbury, un troisième refus plus mortifiant encore dans

la

forme que les

deux premiers. Dès qu'il avait connu les incidents survenus à Tananarive, au mois de septembre 1887, il avait invité le comte d'Aubigny, notre chargé d'affaires à Londres, à insister de nouveau auprès du chef du Foreign Office pour que la question de l'exequatur reçût une solu« Si la tion conforme aux engagements qu'il avait pris mains, déclavenir aux failli en France et Madagascar ont rait expressément M. Flourens, la faute en est au capitaine Haggard qui, en refusant d'obéir à ses instructions, entretenait l'obstination et les illusions du gouvernement hova. » Le comte d'Aubigny, reçu au Foreign Office par :

sir Julian

Pauncefote n'en put rien obtenir. Le sous-secré-

gouvernement hova avait menacé la Grande-Bretagne d'une rupture, au cas où elle donnerait satisfaction à la France! Après trois

taire d'Etat ne craignit

pas de

lui dire

que

le

entrevues restées infructueuses entre notre chargé d'affaires et sir Julian, l'impatience finit par gagner M. Flourens, qui souffrait à

dignité nationale

la

bon :

«

droit de cette atteinte portée à

^'ous voudrez bien,

écrivit-il à

nouveau et avec la plus grande énergie auprès du gouvernement anglais jtour qu'il adresse d'urgence à M. Haggard des instructions conformes aux

M. d'Aubigny,

engagements

I.

insister à

qu'il

a pris avec nous.

Il

ne

saurait lui

M. Flourens à M. de Vilers, 14 novembre 1887. Documents inédits.


122

l'aifaire de madagascah.

échapper que de plus longues hésitations de sa part, dans une question où nous avons le droit de faire appel à sa loyauté, ne manqueraient pas d'avoir les plus fâcheuses conséquences et pourraient même mettre en cause la cordialité de nos rapports. Au besoin vous ne le lui laisserez pas ignorer ^ »

Ce sion.

fut M. Waddington qui se chargea de la commisNotre ambassadeur, dont ces pourparlers délicats

avaient hâté

le

retour à Londres, alla trouver lord Salis-

bury et lui représenta combien il nous était diflicile de prendre au sérieux les déclarations de sir J. Pauncefote. Lord Salisbury se récria vivement, et protesta de sa bonne foi. Il s'étendit longuement sur la nature de notre protectorat, qui n'était même pas complètement accepté par les Hovas « Commencez par vous arranger avec eux, finitil par lui dire; ce n'est pas notre affaire de vous mettre d'accord, et nous tenons à ne pas nous fourrer entre l'arbre et l'écorce. Quand vous pourrez m'annoncer que l'exequatur du consul des Etats-Unis a été délivré selon vos désirs, en un mot quand il y aura fait accompli pour le consul des États-Unis, j'enverrai immédiatement à mon :

agent l'ordre de procéder de même » Ainsi l'équivoque persistait; lord Salisbury trouvait, chaque jour, un prétexte pour éluder l'exécution de ses '-.

engagements. De son l'étendue de la faute

côté, M. Flourens pouvait mesurer commise en refusant de ratifier offi-

ciellement et de ])ublier

M. de

le «

modus

vivendi » accepté par

Tandis que notre Résident n'avait pas hésité à sacrifier l'accessoire pour obtenir le principal, persuadé qu'avant tout il importait de prouver aux puissances que nous étions les maîtres à Tananarive, le cabinet 1.

Vilers.

M. Flourens au comte d'Aubigny, 26 oclobro 1787. Documenis iné-

dits. i.

dits.

M. Waddington à M. Flourens.

11

novembre

1887.

Documents

iné-


h\ QLKSTIO.N DKS KXICQL ATI (Iii

(l'Orsay, par

((liai

ses

12.-?

H.

réserves inopportunes, avail

iiicoiiseiommeut rourni aux Anglais l'argument qui leur

manquait

})Our conlinuer leur

permcltait d'en prévoir

la fin,

guerre de chicanes. Rien ne lorsqu'un incident inattendu

vint niodilier la face des choses. fort galant homme dans la vie marin distingué, n'en était j)as moins un médiocre di[)lomate. Soutenu comme il l'était à Londres, poussé en avant plutôt que modéré par ses chefs, entraîné surtout par l'ardeur de son tempérament et les excitations de son entourage, il voulut tenter un grand coup jjour re-

Le capitaine Haggard,

privc'c, et

gagner

le

terrain perdu en septembre 1887,

son rival français.

Il

et distancer

ne réussit qu'à commettre une série

d'erreurs et d'imprudences qui compromirent sa propre situation

(^t

nuisirent

gravement au

crédit de son gouver-

nement.

Un premier

novembre 1887. Raini-

incident eut lieu, en

laiarivony avait imaginé d'envoyer aux consuls étrangers

une circulaire secrète, dans laquelle, les incidents survenus, en

hova l't

et

^L de

il

relatait à sa

septembre, entre

Vilers, exposait le

modus

déclarait qu'en dépit de cet accord,

il

le

manière

gouvernement

vivendi adopté, n'en maintenait

pas moins toute sa valeur à la lettre interprétative de

MM.

Miot

et

Patrimonio. Ceci était un pur enfantillage

sans grande portée. Le premier ministre, blessé dans son amour-j)ropre, essayait de sauver la face A'is-à-vis des re-

présentants étrangers

et, pensant ne courir aucun risque, une petite satisfaction inoffensive. Mais le capitaine Haggard, s'iniaginant que Rainilaiarivony secouait le joug français, s'empressa de communiquer la circulaire en question à notre agent, pour jouir de son désappointe-

se donnait

ment. L'affaire tourna tout autrement.

M. de

Aux

reproches de

Vilers, Rainilaiarivony, plein de colère et de terreur,

répondit par des excuses. sa signature, et

il

Il dut se rétracter et désavouer ne subsista de l'incident qu'une rancune


i/affaihe de Madagascar.

124

moriflle du ministre contre

le

consul duiil ki ni:iladresse

et l'indiscrétion lui avaient A'alu cette humiliation publique.

Ce dénouement, bien que facile à prévoir, exaspé'ra M. Haggard, qui perdit tout sang-froid. Il alla jusqu'à recourir à la violence pour rétablir son prestige compromis prétextant des sévices exercés par les Sakalaves indé-

et,

pendants sur des Hindous sujets britanniques, route pour la côte ouest, dans

même

d'obtenir réparation il

le

il

se mit en

dessein publiquement avoué

parles armes.

En même

temps,

publia que la Grande-Bretagne couvrait de son protec-

torat les peuplades des environs de

Majunga. Rainilaiari-

vony, effrayé des allures de son ancien ami, se rejeta aussitôt

du côté de M. de

déclara qu'il ne

^'ilers. Celui-ci

du consul anglais et proposa au ministre d'appliquer l'article il du traité par lequel le gouvernement français s'engageait à prêter assistance à la Reine pour la défense de ses États. Puis il invita

tolérerait pas les nianifestations

le

commandant de

la division

navale à se rendre à

Ma-

junga, pour y surveiller les mouvements des bâtiments, anglais qui devenaient suspects. Le capitaine Haggard

prévenu par Pickersgill qui avait eu à essuyer de vigoureuses algarades du premier ministre,

voyage

et

interrompit son

hâta son retour à Tananarive*.

Ce nouvel

yeuv de Raiy aida de toute

incident acheva de dessiller les

nilaiarivony, d'autant que ^I. de ^'ilers

son influence.

11

lui

montra comment

les

Anglais qui,

depuis près d'un siècle, étaient restés fidèles à la maxime l'île entière aux Hovas », n'avaient tégénéreux en faveur de la cour d'Emyrne que pour mieux asseoir leur influence, et écarter toute compétition étrangère. Aujourd'hui, en présence du fait accompli et de l'installation de la France à Tananarive,

de Farquhar,

moigné ce

1.

«

zèle

Dépèclies de M. de Vilers au Ministre, des 17 septembre, 20 no-

vembre, 5

et 28

décembre

1887.

Correspondance inédite.


I

QUESTION

I.\

IIKS

KXKQUATLIt.

12P)

ils n\''|)rouv.iii'nt aucun scrupulr à modifier Icui' lactique; du uKiuicnt que, par le traité de 1885, nous avions reconnu à la Reine la possession de toute File, sous le |iro-

de prendre

Icctoi'at fran(,'ais, rAn<^lel(U'i'e s'eni|u-essait

conlrc-|iiu(l

de celte nouvelle politique

souveraineté de lui

Reine

la

le

elle contestait la

:

et recherchait les

occasions de

créer des dillicultés, n'ignorant pas que ces difficultés

retoml)eraient sur la l"'rance appelée en

garantie.

Rai-

nilaiarivony parut sensible à ce raisonnement, et ses relations

Comme,

avec

ali('ner ses

de

la

capitaine

le

Haggard

ressentirent.

avait réussi

à

collègues du corps consulaire et une partie

colonie anglaise elle-même,

par des

s'en

d'autre part, l'infortuné consul

y compris Pickersgill,

de caractère et des incidents d'ordin;

di(Iicult(''s

privé, sa situation devint bientôt intolérable.

On

en eut probablement le sentiment à Londres, et comment, dans le courant de novembre, jM. ^Vaddington ne fut pas peu sui-pris d'entendre lord Salisbury lui parler du retour possible du capitaine Haggard. On voilà

avait besoin de

lui, disait-il,

au Foreign Office, pour être

Madagascar, L'ambassadeur se garda

éclairé sur la situation politique intérieure de

qui

paraissait assez

obscure.

naturellement de faire aucune objection

maines plus tard,

le

et,

quelques se-

consul reçut son ordre de rappel.

Cette péripétie inattendue ne clôturait pas la question

de l'exequatur, mais solution et c'était lisbury.

là,

Peut-être,

en

elle en ajournait indéfiniment la au fond, ce que cherchait lord Saeffet,

n'aurait-il

pas rappelé son

consul, ce qui, au.x yeux des Hovas, ne pouvait qu'être

mal interprété,

s'il

n'avait eu à se préoccuper que de la

fâcheuse situation que celui-ci s'était faite à Madagascar; du moins, l'aurait-il immédiatement remplacé par un agent ])lus souple et mieux avisé. Mais, comme le noble lord se sentait lui-même de plus en plus embarrassé, entre les engagements formels pris envers la France, et les objur-


126

i.'aiiaire

gâtions véhémentes du

de Madagascar.

jjarti colonial et

des sociétés

reli-

s'empressa de saisir au vol un prétexte suffisant pour louvoyer et gagner du temps. L'affaire de rexeqiiatur fut donc momentanément interrompue. Au fond, Cette longue discussion avait tourné à notre avangieuses,

tage.

M.

choisies

il

Mlers couchait sur

(le :

l'Angleterre,

les positions qu'il

impuissante

à

faire

avait

triomjiher

ses prétentions, avait effectué sa retraite en bon ordre.

Deux années

plus tard, elle allait reconnaître les faits

accomplis.

Il

est rare

qu'un succès vienne seul. Ceci est vrai

surtout en matière coloniale, car, aux

yeux des popula-

tions primitives, le succès jouit d'un irrésistible pouvoir

d'attraction

:

en deux ans,

M. de il

Vilers en

fit

l'expérience.

Deux

avait forcé l'Angleterre à reculer

fois, :

il

avait repoussé toutes les tentatives que les gens d'affaire,

avant-coureurs habituels de

nique, avaient faites pour mettre la

sources économiques de

puissance britan-

la

main sur

les res-

soumise à notre protectorat. 11 avait forcé le cabinet de Londres sinon à di'savouer, du moins à abandonner les étranges prétentions qu'il avait émises en matière d'exequatur et, dans l'esprit des Hovas, le

l'île

rappel du consul anglais,

matériel impossible à

fait

de signification forme diplomatique. Enfin, à force de calme et de fermeté, il avait contraint Rainilaiarivony à céder sur tous les points où celuici avait élevé le conflit entre nous. En un mot, après deux mettre en doute, avait peut-être plus

qu'une concession consentie dans

la

ans d'un patient labeur, notre résident général, d'abord toléré à grand'peine, et traité en paria, s'était progressi-

vement élevé au premier rang,

et le

gouvernement hova se


ODTEMS

HlisULTATS

l'Ali

.M.

DK MLI.KIIS.

127

convainquait, chaqii.' jour, que ni Tajipui de l'Angleterre,

même

ni

celui

de

la

Loiulon Socicly ne

d'éluder l'application du traité de 1885. illimitée qu'il

témoignait jadis aux

lui

A

permettrait la

conliancc

])ré(licants, le

une

premier

non moins caractérisée, soit que l'attitude du capitaine Haggard l'eût blessé au vif, soit que les événements eussent ministre

substituait

inseiisihleinent

méfiance

détruit le crédit qu'il accordait jadis à la parole de conseillers.

jour,

De

cet état d'es|)rit

M. de Vilers

(pii

profitait habilement, et le jour vint

découragement se glissa jusque dans

le

London

scss

s'accentuait chaque

les

rangs de

où la

Society.

de 1887, chaque courrier d'Europe emmenait quelques membres de la corporation fuyant le peuple ingrat qui se détachait d'eux'. D'autres restaient, il est

Vers

la fin

vrai, dont le dépit décuplait l'humeur combative, et parmi ceux-là, Parrett et Pickersgill, les deux inséparables, demeuraient fermes sur la brèche. Leur journal, le Mada gascar Times continuait la campagne avec une vigueur croissante et, dédaignant les voies détournées, prêchait ouvertement le recours à la violence, pour rendre à la civilisation hova son ancien lustre et son antique indé-

pendance.

Un

jour

même, peu après

le ra])pel

du capitaine Hag-

gard, Parrett ne craignit pas de faire appel à l'assassinat, déclarant hautement que l'avenir de ^ladagascar et de la

London Society dépendait de

la disparition

de M. de

Vilers. Celui-ci porta plainte, mais le consul Pickersgill, qui seul avait qualité [lour recevoir cette plainte, refusa

naturellement d'intervenir contre son ami et associé. Seul, Rainilaiarivony parfaite

anciens

1.

M.

(le

fit

correction. alliés, et

preuve, en cette circonstance, d'une Il

se

sépara publiquement de ses

inséra sa protestation dans son journal,

Vilers au Déparlement, 28 niai 1887. Correspondance inédile.


l'affaiue de Madagascar.

128 le

Progrcs de

Vlniériiia. L'affaire

neut

]ias

de suites,

M. de Vilers ayant jugé que

les résultats matériels obte-

nus par

d'exiger des excuses plato-

niques.

lui,

le disjiensaient

Quant au gouvernement

anglais,

il

négligea de

s'occuper de l'incident et conserva toute sa confiance à

son vice-consul'. Cette colère aveugle était la meilleure preuve qu'il y M. de

avait quelque chose de changé à Madagascar. Aussi

Vilers voyant l'horizon serein et sans nuages, se disposat-ilà

prendre un congé que son long séjour à Tananarive

rendait indispensable.

Il

put, en s'embarquant, se rendre

que ses deux années de résidence n'avaient pas été perdues pour le bien du pays (février 1888). ÀA'ec l'année 1887 prit fin l'opposition systématique de

cette justice

l'Angleterre à notre établissement à

Madagascar. Elle

avait duré près d'un siècle, et ce long espace de temps est

plus que suffisant pour montrer que la politique anglaise

ne pèche pas toujours par manque de suite dans les idées. Ce n'est pas assurément que lord Salisbury et ses collègues, eussent sur la question d'autres idées que celles de leurs nombreux prédécesseurs aux affaires. Comme eux,

ils

n'auraient, le cas échéant, rien négligé pour nous

tenir à l'écart ou

même

pour nous expulser d'une terre, où notre ])résence constituait, pensaient-ils, un danger pour leur pays. Mais, pour la première fois depuis cent ans, des ministres anglais s'étaient heurtés, à Tananarive, à

une politique nette, ferme et active. Ils cédèrent car, ainsi que devait plus tard le dire un des leurs, et non des moindres, « ils n'avaient pas à faire la guerre pour Madagascar, étant donné le peu d'importance des intérêts britanniques engagés »'-; déclaration significative, qui 1.

M. de Vilers au Département,

25 janvier 1888.

Correspondance iné-

dile. 2.

Discours de lord Selborne, sous-secrétaire d'Étal au.x colonies, à

Bradford, mai 1898.


RKSII.TATS OBTENUS PMI M. DE VILEUS. luoiilrc tout ce qu'il

dans

lonq-uc!

la

y

avait d'aitiiiciel et de

qucrcllcî

que

notis

«

129

peu amical

chercha

»

(Iraiule-

la

lîiclaj^uc.

Si

vers

cependant les Anglais parurent abandonner la partie de 1888, ils laissri'cnt lihre cours à la mau-

le (lél)ul

vaise

humeur

gardèrent de

leur causait notre

([ue

ralilior les faits

succès,

et

ils

se

accomplis, jusqu'à ce qu'ils

eussent trouvé l'occasion de se faire payer largement leur complaisance. Pendant deux années, liomun^s politiques et journalisles ne tarirent pas eu récriminations et rn do-

léances

:

le cahiiu't

de Londres chercha m(''me, un

jniir, à

propos des ques-

riqjrendi'e oflicieliemeut la discussion, à

tions de ti'aile et d'esclavage qui ont souvent rendu de si

précieux services à

la politicjue

britannique.

La

tentative

échoua bien plus, M. de Vilers, prenant roffensive à son tour, riposta d'une façon si énei-gique et si précise que nos voisins battii-ent précipitamment en retraite, et :

l'incident fut clos à notre avantage'.

l.

On

sait

que

le petit et le

frique, sont entre les

grand cal)Otago, sur

la cote orientale

mains de deux catégories de navigateurs

dous, protégés anglais, et les Arabes, protégés français.

La

:

les

d"A-

Hin-

navigation

hindoue constitue, pour l'Angleterre, une source très sérieuse de profits et d'influence politique, à laquelle elle tientd'aulant plus

des .\lleniands, dans

mêmes

les

parages,

lui

aussi a-elle toujours cherché à la dévidopper, et

concurrence arabe. Pour les

que

A

progrès

à l'alTrancliir de la

y parvenir, elle a multiplié, contre

accusations de traite.

les

causent de graves soucis,

nos protégés

vrai dire, Arabes et Hindous, sur ce point,

ne valent pas mieux

les uns que les autres, et les divisions navales de France et d'Angleterre ne parviennent pas toujours à réprimer leur

Cette situation durait depuis des années, lorsque, vers

trafic criminel. la

fm do

1888. le

faire disparaître

gouvernement brilaimique imagina d'en des rivaux gênants.

La presse répandit

profiter

pour

tout à coup les

accusations les plus graves, non seulement contre les marins arabes,

mais aussi contre certains agents consulaires français, et le cabinet anglais prenant ces accusations à son compte les publia dans un livre bleu. Le gouvernement français transmit ces plaintes à M. de Vilers, qui ne cacha pas que

la

répression de la traite était très malaisée, et que, pour 9


l'affaire de MADAGASCAR.

130

C'est ainsi que l'on arriva à l'année 1800. Cette date est importante,

dans

l'iiistoire

de notre pénétration

afri-

caine, car elle inaugure, pour notre part, le système de

ces déclarations solennelles par li^squelles les puissances

européennes ont

sur

fi.xé

papier les limites de leurs

le

sphères d'influence. Nous avons eu roccasion, dans un autre chapitre de cette histoire, de raconter dans les origines et les clauses

le détail

de cette convention qui, mal

étudiée et signée avec une précijiitation di'jddralile, est il fallait augmenlor lefrectif de la Sur quoi, deux navires furent adjoints à la croisière: mais le gouvernement anglais, loin de se tenir pour satisfait, voulut exiger que la France cessât de délivrer des lettres de francisation aux loutres

obtenir des résullals plus complets, division navale.

Le cabinet

arabes. 1ers,

français paraissait disposé à céder, mais M. de Vi-

mis en éveil par cette prétention,

dissuada vivement,

l'en

son enquête plus à fond. Le 29 avril 1889, suivant sur les résultats de cette enquête tions avec le consul américain, je

ment

les

renseignements

qu'il

l'ai

envoya à Paris

il

:

Profitant de

«...

prié de

me

et le

poussa rapport

mes

rela-

fournir confidentielle-

avait recueillis sur le

commerce des

es-

claves de la cote ouest. M. Campbell, non seulement s'est empressé de déférer à

mes

désirs,

professionnels,

il

cipales dépèches.

rapide que

j'ai

mais encore, ne croyant pas manquer à ses devoirs

me communiquer officiellement ses prinAvec son assentiment, j'en ai fait faire une traduction

a bien voulu

l'honneur de

communiquera V.

E.

De l'examen des dépê-

ches des 29 octobre, 10 novembre 1887 et 17 janvier 1888, le trafic

et

il

résulte

que

des personnes se faisait à Madagascar, sur une assez vaste échelle,

presque exclusivement par des sujets ou protégés britanniques; que

les loutres

négriers de nationalité anglaise arboraient

différentes puissances suivant leur intérêt

;

que

le

le

pavillon des

vice-consul anglais de

Tananarive, M. Pickersgill, loin de réprimer cette industrie criminelle, favorisait les

marchands

sujets anglais,

ils

d'esclaves, sous prétexte qu'en leur qualité de

avaient droit à sa protection; que

le

Foreign

office

a

communication de la correspondance échangée entre M. Campbell et M. Haggard... Dans de telles conditions, on peut se demander comment le marquis de Salisbury, qui savait la eu connaissance de ces

vérité, a pu,

dans

faits

le livre

par

la

bleu de novembre 1888, accuser la l'rance de

négligence dans la répression de la

au cabinet anglais, mil

fin,

iCorresponiUince inédile.)

comme

traite.

»

Cette lettre,

communiquée

bien on pense, à toute controyerse.


put

iiÉsui-TATs ortf:ni S

I

nii'iil

t\r

iiii'xpcricncr

I

p.iicnl iilors tiiincliir.

II'

d'un

df

liiiil

1rs

Anylnis,

iii

di'S

I.'il

iiolrr Il

liisloirr

lions siifInihilr-

proliliiiil

limnmi's

ipii

nccii-

l'iance, li'ur |)crsna(lùrr!it dr

{jiunif ,

li-s

principales diUieuUi's

pays surir continent

(|ni

noir.

l'Afrique occiiieiilali', l'Aii^leleiii' cnnscntil à nons

pays

laisser des (pie Tiens

aucune

dr

iicf.-islrs

;i!Vii-;iiiii'

ponvoii'

divisaii'iil 1rs di'iix

Dans

\ri.Kiis.

i)i;

M y irviiMulioiis-noMs p.is.

commrnl

rappol(M'

(le

lii'.i

Aussi

'.

plus

les

niiiiinnifiils

(1rs

lin

ciiloiiiiilr

M.

sifni's

de son rayon d'action,

fort loin

avions conquis de lianle lutte, sans

européenne, et pour

piiissaïK-e

l'aire

lesipielles

tort à

nous

dépensions, depuis des années, notre or et notre sang. Par contre, nous recevions défense de pénétrer dans toute ré-

même

indépendante, où personne n'était mais (|ue l'Angleterre jugeait pouvoir être, un jour, à sa convenance. A Zanzibar, nous renoncions une sorte di^ condominium consam'é par un traiti" en i^ion

jamais

vierj^-e cl

allé,

;'i

n'gle.

Enliii, à

formellement

^ladagascar, les Anglais reconnaissaient

notn^ protectorat avec ses

notamment en ce

(pii

qui devaient être

demandés par

conséquences,

touchait les exequatur des consuls l'intermédiaire

du Rési-

dent de France.

En

on voit très clairement Anglais nous enlevaient dans l'ouest des es-

définitive, si,

ce que les

par ce

traité,

:

pérances légitimées par nos brillants succès propre abstention; dans

l'est,

et ]>ar leur

des droits acquis, on dis-

tingue moins bien ce qu'ils nous concédaient, car

vraiment fait

difficile

de considérer

comme une

il

concession,

est le

de déclarer qu'ils s'abstiendraient dorénavant de con-

tester la validité de notre établissement

dans des pays

conquis depuis longtemps sur des peuplades indépendan-

régulièrement occupés et administrés par nos soins, où eux-mêmes n'avaient jamais eu ni droits ni intérêts.

tes, et

I.

\'iiir noli'o preiiiiiM'

\u1iimic, p. îVJ et suivantes.


l'affaire de

132

madag \sc\n.

Aussi devine-l-on facilement les sentiments avee lesquelles la convention

du

/S

août 1890 fut accueillie à Lon-

dres. Tandis que le cabinet français montait naïvement au

Capitule, en dépit des protestations tardives de notre parti colonial,

lord

mérités à

la

Salisbury récoltait des applaudissements

Cliamljre des Lords.

Comme

il

le

démontrait,

Haute Assemblée, « l'Angleterre bénéficiait considérablement du traité, tandis que la France n'acquérait que ce qu'elle possédait déjà ou ce que la Grande-Bretagne, comme toute autre puissance, était incapable de bii contester ». A Madagascar notamment, « l'influence de la France, que nous ayons ou non reconnu son protectorat, ne changera pas ». Ces paroles du noble lord étaient bonnes à rappeler par ces temps d'entente cordiale, gardons-nous d'oublier la

non sans liumour, à

la

:

satisfaction narquoise avec laquelle nos voisins ont souvent

mis leur signature à côté de

celle

de nos ministres.

I


CHAPITRE

III

LE DKNOUKMENT

I.

l)c|i;irt

lie

M. Le Mjro de Vilers. Causes de la rupture de 18'j'i. retombe sous la coupe des prôdicants. Dangers intéuieuuccnt. Retour offensif de la Loiulnii .Society. La si-

Haiiiilaiiirivony

qui le en 18'J'i. son rôle dans l'afTaire de Madagascar. Seconde II. M. Ilanotaux mission de M. Le Myre de Vilers à Tananarive. La rupture. Rôle de la l^ondon Sovii'.lij et des agents anglais en cette circonstance. L'exliédilion française et le traité du 30 septembre 1895. Conclusion sur l'afTaire de Madagascar. III. jieiirs

tvialion

:

I

Lorsque .M. Le Myre de Vilers quitta déliuitivement Madagascar, au mois de juin 1889, il ne prévoyait guère qu'il y reviendrait, cinq ans après, porteur d'un ultimatum qui devait déchaîner la guerre, et provoquer à brève échéance la ruine du protectorat organisé par ses soins, l'annexion de l'ile par la France et la déposition de la reine Ranavalo.

que ses hmgs

Il

pouvait, en

qu'il avait réussi à

1885, et que

eiïet,

légitimement espérer

et patients elïorts porteraient leurs fruits,

le

suppléer à l'insuffisance du traité de

gouvernement de Tananarive

était désor-

mais dompté. Ses relations personnelles avec le premier ministre étaient devenues presque cordiales. La Reine,

1.

V. tome

CLXVII,

p. 'i69 et 758

CLXVIII,

p. 229.


134

L'AITAIRt:

comblée par tous ses

lui

vœux

DK M AKAGASCAH.

de galanteries et do cadeaux, avait vu

réalisés depuis qu'elle avait re(;u le

grand

cordon de la Légion d'honneur. Pour continuer sa tâche, il laissait derrière lui un homme de haute valeur, connaissant de longue date

le

pays

rompu à

et ses habitants, et

toutes les roueries de la politique malgache.

Ce

n'est donc pas la faute de

M. de Vilers

si le traité

de 1885 devint caduc, au point de nécessiter, de la part de la France, une expédition en règle pour rétablir dans

nie une autorité que

l'on

pouvait croire, en 1889, défini-

tivement établie. Ce n'est pas davantage successeur M. Bompard, qui, en butte à

une

ni

après

celle

de son

do M. Lar-

celle

lui

abandonner Si, dans la rupture de 1894, une part de responsabilité nous incombe, rouy

la partie,

il

hostilité flagrante, dut

ot en appeler à la force dos

armes.

faut chercher plus haut et plus loin.

L'erreur initiale fut celle du gouvernement, qui négligea toujours de centraliser, dans une main unique, l'ensemble

de nos services dans Madagascar et ses dépendances. Tandis qu'en effet, un Résident général, délégué du ministre des affaires étrangères,

représentait la France à demeurait chargé de toutes nos relations avec les Hovas, nous persistions, on ne sait trop pourquoi, à entretenir à Nossi-Bé, à Diego-Suarez et à Sainte-Marie,

Tananarive,

et

des gouverneurs civils ressortissant directement au soussecrétarial,

— plus tard ministère — dos

colonies. D'autre

part, quelques-uns de ces territoires étant placés sous le

régime de civils

et

l'état

les

de siège,

officiers

il

y avait entre

de la guerre

et

conflits journaliers d'attribution. Sui'

de

les

gouverneurs

la

marine, des

un point cependant,

militaires et civils étaient d'accord c'était pour déplorer que l'établissement à Tananarive d'un Résident général les eût dépouillés de ce qui jadis donnait de l'autorité et du :

lustre à leurs fonctions, c'est-à-dire des relations politiques et

diplomatiques avec la cour d'Emyrne.

De

une ten-


dk m.

i)i:i'\irr

daiKi' iuévilable a sortir

i.k

di'

mmik Kmii'

rùle

leur iiiiporluiK'L'

tralif et à grandii'

vilkiis.

iik

13.t

puromi'iit adininis-

i-u

cmpiiHant suf

le

domaine réservé au représentant du quai d'Orsay. De là ('^idoinent du tirage, à Paris, entre les quatre ministères intih'csst'S, à Madagascar, entre leurs agents respectifs, diplomates, gouverneurs, militaires et marins, et un man(|U(' dhomog'r'ni'ile dans la direction des alTaii'es. Dès IS.SiS, .M. de \'ilei-s avait été frap|ie des dangers de cett(!

situation, et

il

s'en était ouvert conlidcnliellement à

son chef, dans une lettre presque prophétique

'.

Passant

en revue les divers établissements que nous entretenions

Grande-Terre, il signalait l'anai^chie adminisy régnait. Depuis notre installation à Tananarivc, Nossi-Bé était en pleine décadence les comptoirs s'y fermaient chaque jour, pour se transporter sur la terre ferme, la population avait diminué de moitié' « Il était donc aiitour de la

trative qui

;

:

rationnel, disait-il, "d'y réduire nos dépenses. s'est produit.

Au

Le contraire

simple commandant, qui suffisait dans la

période de prospérité, on a substitué un gouverneur, et le

premier

titulaire,

après quelques mois d'exercice, a été

remplacé par un député en mission. Quelle mission?... Le premier ministre s'eninquiète, ajuste titre, et se demande si, pendant que je témoigne dr nos dispositions pacifiques, le

gouvernement de

la

République ne prépare pas une nou-

velle expé'dilion. Ses craintes sont d'autant plus vives la

mai'ine entretient, à .Xossî Bé, une

llottille

que

de quatre na-

Les bateaux qui sont innavigables font nombre et, aux yeux des Malgaches, repr(''sentent une force effective. Nous dépensons ainsi 450.000 francs avec l'unique résultat de nous créi'r des embarras... De son côté, le gouverneur de Nossi-Bé, qui voit chaque jour diminuer l'importance de

vires.

ses fonctions à

ne saurais

1.

M.

(Je

l'en

mesure

qu'il s'élève

en grade, cherche et je

blâmer, car ce sentiment est naturel, les oc-

Vileis au

iiiinislre,

10

août 1888. Correspondance inédite.


l'aijaire de mamagascar.

136

casions de jouer un rôle politique. Les instrurlious interdisent,

mais

les chefs de ces îles

dans notre colonie

:

c'est

une occasion qui

s'offre

des négociations, de revenir au temps passé.

A

Diego-Suarez, la situation

d'y arris-er, continue

M. de

le lui

possèdent des terres de nouer

»

était pire encore.

«

Avant

Vilcrs, j'ignorais à qui appar-

tenait l'autorité; aujourd'hui, je ne suis pas plus avanci'.

Entre M. Froger, gouverneur dant

chargé de régner la

de siège, et

l'état

:

colonel

civil, le

chef de la

le

»

comman-

division

navale

défense maritime, l'harmonie était loin de

la

chacun

tirait

montagne d'Ambre,

de son côté, l'un voulant occuper l'autre la ville

d'Ambohinerina, un

troisième recrutant, de sa propre autorité, une compagnie

de Sakalaves le

Résident

:

»

De

général,

tout ceci je n'aurais cure, concluait les

si

entreprises de nos

agents

n'avaient pour conséquence de maintenir les Malgaches

dans une inquiétude constante. Le gouverneur d'Ambohiun de mes amis, m'a demandé confidentiellement si les hostilités allaient recommencer, si lui et ses officiers

nerina,

pouvaient faire venir leurs

familles. Voilà

où nous en

sommes, après deux ans et demi de paix... Soyez-en persuadé, monsieur le Ministre, dans un temps très prochain, l'incorrection de notre conduite nous attirera de sérieux embarras où nous n'aurons pas le beau rôle; nous risquons de nous engager dans quelque sotte aventure et de nous faire accuser de du[)iicité. Pendant que je m'efforce de convaincre le gouvernement malgache de nos bonnes intentions, les autorités françaises de la côte l'inquiètent

par des mesures dont

elles

ne comprennent pas

Nous dépensons des sommes énormes, arsenal, ni division navale

:

et

la porter.

nous n'avons

ni

tout est gaspillé en frais de

personnel et d'entretien de pontons. De toute nécessité,

il

faut sortir de cette confusion, savoir ce que nous voulons, et,

une

fois

un programme

ponsable de l'exécution.

«

arrêté, charger

un agent

res-


DK M.

iii:i'\riT

Tjc

d'Mlarmc

ci'i

ti'iotes

par M.

jet('

plus fonde, qu'aucune

MYiiK

i.K

iii':

Mi,i;u.s.

de Vilers

dos imprudences

ex[)loit(''es

exagi-ralions, par nn parti

et

d'aiitanl

('-tait

nos eompa-

de;

nu passail inaperçue, à Tananarive

bien au contraire,

|.'{7

:

elles étaient,

cominent('es avec

mille

ardent et nombreux, qui ne

pardonnait pas à Hainilaiarivony d'avoir, on 1885, acceple la tutelle de la I^rancc. Aussi longtemps que M. de Vilers

demeura

à son poste, les intrigues souterraines

ces

<h'

aucun résultat, car il avait su prendre, sur l'esprit mobile et défiant du premier ministre, un ascendant singulier cl, bon gré mal gré, le maintenait dans le droit chemin. Mais la situation éminente qu'avait irréconciliables n'eurent

acquise

Résident

le

toute personnelle

lui était

:

lui parti,

Rainilaiarivony retomba sous la coupe de ceux qui avaient lout intérêt à le brouiller avec nous. Certes, intelligeni

;

coniiaissail trop la faiblesse

il

tration pour ne pas

comprendre

avec nous, mais en

menacée.

Trente

même

années

les

temps,

il

était trop

de son adminis-

dangers d'une rupture sentait son autorité

il

d'une

dictature

impitoyable

avaient naturellement suscité contre lui nombre de jalousies et de haines,

un argument de tiqu(!

il

hé'sitait

à fournir à ses adversaires

plus, en pratiquant envers nous

prudente de concessions. Déjà

de

188.^ avait

de

ses

plus

la

une

poli-

signature du traité

provoqué de vives récriminations, et l'un ardents eimemis, Ravoninahitriniarivo, en

avait tiré prétexte pour fomenter contre lui une insurrec-

Le coup avait échoué, mais d'autres pouvaient recommencer, et en fait, ils n'y manquèrent pas. Aussi le tion.

premier

ministre, plein

d'incertitude

deux maux Unit par choisir sinon

le

de

d'anxiétés,

et

moindre, du moins

le

plus éloigné. Partagé entre la crainte d'une révolution de palais et d'un

débarquement des Français,

il

se fia à nos

lenteurs et aux tergiversations habituelles dont nous lui

avions tant de fois donné l'exemple;

il

compta sur

les

ressources de sa propre habileté, peut-être aussi sur les


138

l'aFIAIUK

IIIC

MAII.VGASCAH.

promesses qui ne lui furent pus ménagées, d'une intervenou du moins d'une médiation européenne. En un mot, il ferma les yeux sur le péril extérieur, pour ne voir que tion

dangers intérieurs

les il

et,

dès l'arrivée de M. Bompard,

s'ingénia à éluder par tous les moj'ens l'exécution loyale

du

traité qu'il avait signé.

La première manifestation de

celte volte-face intempes-

une protestation, en bonne forme, contre les conventions de 1890, par lesquelles l'Angleterre et l'Allemagne avaient reconnu le protectorat de la France sur Madagascar. Le premier ministre déclara que ces actes constituaient une violation du traité de 1885. a 11 ne s'agissait pas alors, dit-il, de protectorat le rôle du Résident français devait se borner à servir d'intermédiaire entre le gouvernement hova et les puissances étrangères. On eut beau jeu à répliquer que celte sujétion constituait précisément le protectorat, et que d'ailleurs nous ne tenions pas au mot, pourvu que le fait existât. Mais Rainilaiarivony tint bon et prolita de l'incident pour laisser tomber tive

l'ut

'

:

les

demandes d'exequatiir qui lui furent présentées par De même, on no put obtenir de lui

notre représentant.

l'organisation des tribunaux mixtes prévus par

le traité

de 1885, pour le jugement des causes entre Français et Malgaches, de sorte que le cours de la justice se trouva suspen(hi.

Aux

M. Larrouy, qu

il

réclamations

de

M. Bompard

opposa une force d'inertie absolue,

à plusieurs reprises toute relation se trouva

entre la Résidence et

La

le

de bien

suspendue

Palais d'.Vrgent.

situation s'aggrava

et l'anarchie

et si

encore,

le

jour où

du gouvernement laissèrent

le

la

faiblesse

champ

libre

au brigandage. L'insécurité prit bientôt les proportions les plus inquiétantes 1.

Le

17

novembre

:

1890,

les vols et les assassinats se multi-

une déclaration, échangée

eiilie le

baron de

Marschall, ministre des affaires étrangères d'.\llemagne, et M. Herbette, avait tranché la question.


llKl'Altr

IIK

plièrent jusque dans

Al.

I.K

An

HK MI.KltS.

HIC

raiiaïuirive,

sans

ijue

l.'{!)

jamais inter-

aucune repression, car les associations de malfaiteurs trouvaient, dans la famille royale, leurs chefs et leurs commanditaires. En un mot, le protectorat de la France devint complèfcment illusoire non seulement nous n'en tirions aucun benélice, mais il risquait de nous attirer d(î vint

;

graves

diflicultés

avec

les

puissances

étrangères,

(pii

pouvaient nous rendre justement responsables des d(im-

mages causés

à leurs nationaux.

L'obstination de Rainilaiarivony à refuser l'exécution

du

donc bien la cause primordiale de të[)\, mais il y a peu à douter que mauvaises ses dispositions à notre égard aient été, sinon provoquées, du moins entretenues par la tourbe cosmola

traité de 1885

fut

rupture violente de

polite qui gravitait autour de lui.

Madagascar mécontents

en

faisaient,

les

Anglais de

commune avec

pousser et à maintenir

et s'ingéniaient à

premier ministre dans

Tous

cause

eiVel,

les le

où il s'était engagé. Un jour, à jiropos du remplacement du consul américain, ils annonçaient que, par une lettre coniidentielle de septembre 1887, ^I. de Vilers avait formellement reconnu au

gouvernement quatur. Cette

la voie hostile

liova le

droit exclusif de conférer

lettre, disaient-ils, avait été

dissimulée en

1890, lors de la convention franco-anglaise, d'où

que cette convention mauvaise foi el, comme

tait

était, tel,

l'e-re-

il

résul-

de notre part, un acte de

entachée de nullité. Cette

information fantaisiste, qui dénaturait sciemment les

faits,

ne fut pas sans impressionner vivement l'opinion publique, à Tananarive comme à Londres, et dut faire, de la part

du cabinet français, l'objet d'un démenti officiel '. Un autre jour, on annonçait la formation d'un syndicat anglais, qui aurait obtenu pour 60 ans la concession de 2.064.000 acres de terre, dans le nord-ouest de l'Ile, avec 1.

Bulletin de l'Afrùjue française, août

IS'Jl.


LAllAlKE UE MADAGASCAR.

140

des privilèges exorbitants. Des réunions cl des conférences furent tenues à Londres, où l'on vota des

sommes impor-

tantes pour subvenir aux premiers frais de l'entreprise.

Pour couper court à ces

projets,

il

fallut

une déclaration

catégorique de notre ministre des affaires étrangères

'.

En

1893, on colporta, dans la colonie anglaise, une pé-

tition

adressée à la reine Victoria, pour protester contre

l'établissement de la France, et l'abandon par la Grande-

Bretagne de ses droits à Madagascar. Cette pétition, couverte de nombreuses signatures, fut publiée dans tous les iournuiixdclii Lojidon Society etdansceuxdel'ile Maurice. On alla même plus loin. En août 1893, une conspiration fut découverte, dont le but était de déposer Rainilaiarivony, jugé trop mou dans sa résistance aux empiétements de la France, et de le remplacer par son fds Rajoelina, qui était à la tête du parti anglais.

Kingdom,

le

était l'àme le

louche financier dont

il

Abraham

a déjà été question,

de l'entreprise, et on publia, à cette occasion,

pacte étrange qu'il avait signé avec

le

prétendant

On

2.

conçoit la colère de Rainilaiarivony, lorsqu'il eût connais-

sance de ces

faits,

mais ses craintes furent plus vives le persuader

encore que sa colère. L'incident acheva de qu'il fallait, à tout prix,

désarmer ses adversaires de

térieur, et leur enlever tout prétexte de l'accuser de

1.

Chambre

iiistre 2.

et

il

des députés, 27 octobre 18U1. Réponse de M. Kibol.

iiii-

des affaires étrangères, à M. de Mahv.

Ce pacte a

été publié par le Bulletin de l'Afrique française (ocl. 18'.«)

est trop significatif

AnT.

l'in-

com-

1.

pour ne pas être signalé

Abraham Kingdom sengage

:

à faire tous ses efforts auprès

du gouvernement anglais pour que Rajoelina devienne premier ministre de Madagascar.

Akt. IV.

Si

Abraham Kingdom

réussit à faire parvenir Rajoelina

au

pouvoir, celui-ci s'engage à donner en retour à Kingdom, en dehors de la concession qu'il

dans l'étendue du

les gisements miniers qui se trouvent de Madagascar, pour une durée de 60 années et

demande, tous tiers

à titre renouvelable.


ni-PAUT DE M.

('vciioments vont-ils so |)r('cipitei\ Entre

li>s

premier ministre,

le

l't

vit.kus.

les

à la lutte

M. Larrouy

rapports devinrent imjiossibles,

«gouvernement liova ne soneea plus

et U:

141

Aussi, à dafiT do ce momi'nt,

riivci's la hrancr'.

|ilaisiiiic'('

myre de

ia:

fpi'a

pri'parer

si'

I.

L'attitude

nouvelle de llainilaiarivony ne

Si sa ])olitique de provocation était

([ue trop l'acilement. folle,

on conçoit

ment

alTecté par les incidents

son

(pie

é<>alemcnt, du moins

esjii'it

|)ertides

il

de certains

présentaient l'Angleterre

Il

ait été vive-

est possible

déclaré plus tard-, que dans

l'a

il

soupçonneux intérieurs.

son ie-norance des choses d'Europe,

aux suggestions

s'expliquait

comme

se soit laissé prendre

cons(.'illers,

prête à

lui

qui

lui re-

fournir son

concours contre

la France. Ceux-ci prenaient soin d'exdans ce sens, les procédés peu courtois que le gouvernement britannique, malgré la convention de ]89(), persistai! à nous prodiguer. Ils ne manquaient pas de lui citer, à l'appui de leurs dires, l'occupation des iles Aldabi'a, dépendance évidente de la grande terre, située à quel-

ploiter,

ques heures de mer de Diego-Suarez,

et

qu'aucun intérêt

économique ne pouvait l'engager à nous contester '. D'autres faits n'étaient pas moins significatifs le consul hova, à Londres, n'était-il pas toujours en fonction, malgré les stipulations précises de 1890 ? Le cabinet anglais ne per:

'*

1.

un

P.Ti' I('5

soins

ilu [lasleur

Vatomandry par vernement hova. (le

2.

:)0

canons, 27 caisses de

le

le 6 avril 1893,

vapeur anglais llnnler, avaient été

l'usils et

dans

livrés

la baie

au gou-

Voir, précédenimenl. les déclarations faites à Alger, par liainilaia-

rivony, à 3.

PanvtU

important de munitions débarqués,

stocii

JI.

\'assé.

Les Anglais avaient

lait

occuper ces

éviter toute nouvelle discussion

au

iles,

au mois de mai

1892.

sujet des archipels voisins de

Pour

Mada-

gascar, la France, deux mois après, prit offlciellement possession des iles Glorieuses, Saint-Paul et '(.

Ce

n'est qu'en

exequatur h M.

189'i,

Amsterdam. que

le

Proctoi', consul

cabinet anglais se décida à retirer son

hova à Londres.


L

\U'Î

M FAIRE

DE MADAGASCAR.

à ses cngagemenls, à méconcompétence des tribunaux français dans l'ilc Dans tout ce qui se disait et s'écrivait à Londres, soit dans la presse, soit dans les réunions publiques, soit même à Westminster, n'y avait-il pas, chaque jour, pour sistait-il |)as, coiilraircinciit

naître la

'

les prédicants de la

London

arguments nouveaux? Et

i'

Socicli/ et leurs fidèles, des

]ieut-on s'étonner que, malg-ré sa

hova ait écouté la voix du nombreux, plus bruyant et le plus riche? C'est ainsi que l'on gagna péniblement rann('e 1894. De l'aveu de tous, la situation était trop tendue pour durer davantage. Si nous voulions demeurer à Tananarivc, l'heure était venue de prendre une résolution définitive. finesse native le vieux ministre parti le plus

le

II

Parmi

les

nombreux hommes d'Etal qui

se sont succédé'

au quai d'Orsay, depuis l'origine de la troisième république, M. Hanotaux mérite une estime et une déférence particulières. Dépourvu de ces lointaines traditions de famille qui, dans les rapports journaliers avec les chefs d'Etat et le

personnel diplomatique de rEuroj)e monarchique, sont

un avantage inestimable pour un homme de il

y

vieille race,

avait su])pléé en développant chez lui des qualités pré-

cieuses qui en firent le type achevé du ministre des affaires

étrangères d'une jeune démocratie. labeur,

il

avait suivi de près le

Homme

lent

d'où était sortie la France moderne

d'étude et de

travail des siècles

et, loin

de faire

litière

de ce passé, pour être plus libre de tout bouleverser au gré des appc'tits du jour,

il

en avait accepté l'héritage

et

ap-

profondi les leçons. Etranger aux luttes des partis, M. Ha-

.

1.

La

question de juridiction ne

et pénibles débats.

l'ut

tranchée qu'en 1896, après de longs


M.

iiofaux, soit coiumi' liisloricii, vjiil l'iicilcinciit

coinnu' niinislre,

.suit

s'éli'-

iui-di'ssus (les passions viil^iili'cs et stci'ili'S

parlomciitairc ot dr

(le la \ii'

143

IIANOTALX.

ne conserver qui'

la

passion

la

|iolitic|Ui'

])lus iioblr et

iiitiMifiiir,

|iiiiir

plus fécoiidc du

du pays. Il dédaignait les salislaclions l'acilcs et bruyantes cpii flatti'nt la vanité parce qu'elles suffisent la lonlc |)our vous sacrer grand homme et leur préférait le labeur discret cl ardu <[iii autorise les audaces ])arc<' (pi'il a pr('[)ar(; les moyens. Audacieuse, sa ])oliti(pie le fut en Europe, où re|)rel)ieu

ii

:

nant les idé(?s de Jules

Ferrv,

devenue ])uissance coloniale,

il

voulut

accjuit

(|ue la

France,

des assurances cer-

taines et la sécurité de ses frontières, avant de se lancei?

dans

les entreprises

d'outre-mer; en Afrique, où

il

avait

rêvé de rendre à notre pays une primauté indiscutable.

Pendant les quatre années qu'il ])assa au pouvoir (said' une courle interruption de cinq mois), il poursuivit, avec conscience et sagacité, ce double but. faute

Ce ne

fut |)as sa

n'obtint pas tous les l'ésultats qu'il avait le droit

s'il

d'espérer. Déjà l'alliance russe était devenue une réalité

tangible; peut-être

cauchemar siper.

Déjà

recueillir, la

pouvait-on ju'évoir

pèse sur nous depuis 1870

([ui

la

même

le

jour où

allait

le

se dis-

France raffermie en Europe commençait à

en Afrique, les fruits de cette situation nouvelle

:

question de iladagascar était tranchée à notre avan-

tage

;

celle

du Niger avait reçu

la solution la

moins mau-

vaise que nos erreurs passées permettaient d'espérer le Nil et

;

sur

en Abyssinie, on aboutissait, après une longue

préparation, à la crise finale, lorsque se déchaîna sur nous la tem])ète intérieure qui

ment de balayés.

l'alTaire

grondait depuis

le

commence-

Dreyfus. Ceux qui tenaient la barre furent

Des hommes nouveaux surgirent, animés sans

doute d'excellentes intentions, mais ayant sur la conduite des affaires et l'orientation de notre politique extérieure, des idées tout à

fait différentes

de celles qui avaient pré-


1^4 valu chez leurs

Aussi leur premiei' soin

dcvaiioii'r.s.

défaire ce qu'on avait

(le

MADAGASCAR.

L AFl AIRE DE

est résulté de cette volte-face subit(!, des

(jui

fuL-il

laboi'ieusement préparé.

si

tout récents encore Tout montré avec une

Cf.

événements éloquence.

li'iste

A

Madagascar, du moins, M. Hanotaux eut le temps de terminer la tâche commencée. C'est lui qui, comprenant ([u'on avait abouti à une impasse d'où l'on ne pouvait sortir que par un coup de force, fit décider l'expédition, malgré le très mince enthousiasme que suscitait autour de lui un pareil effort militaire et financier'. L'année suivante, lorsqu'il s'agit d'organiser notre nouvelle conquête,

courage, et

la

responsabilité d'actes qu'il n'avait pas commis,

que de laisser ])rotester

novembre

qui, de

la

il

Ne voulant

et ratifia celui

des crédits parles deux cliambres. Aussi trois

En

fallut

interrompu

et

de l'annexion-.

commandement,

le

des affaires étrangères se refusa à engager

pendant

plutôt

et,

point forcer la main au parlement afin d'éviter des récrimi-

nations ultérieures qui auraient affaibli

vénients.

le

la

abandonna ses préférences pour

régime du protectorat, 1.

eut

signature du cabinet intérimaire

181i5 à avril 1896, avait

bouleversé son œuvre, le

il

générosité plus rare encore, d'endosser

les hostilités

le

vote

le plénipotentiaire dut-il rester

semaines dans une expectative qui elfel les

ministre

le

avant

n'était

pas sans incon-

troupes liovas continuaient à occuper

organiser une police spéciale pour proléger

la

le fort et

population contre

il

les

voleurs et les mendiants. 2.

On

se rappelle les longues discussions, et les tâtonnements regretta-

bles, auxquels, après la prise de

de notre nouvelle colonie. Le

signer à la reine Hanavalo

fait

soumettait les

l'ile

le traité

au protectorat français,

deux facultés essentielles qui

de l'administration intérieure, et jugerait nécessaires.

çant

le traité

clamait

Madagascar, donna octobre 1895,

l'-'

Le

lui le

le

préparé par et

lieu l'organisation

général Duchesne avait JI.

Hanotaux, qui

donnait en outre à

manquaient en 1885

:

la

le

France

contrôle

droit d'entretenir les troupes qu'elle

8 janvier 1896, le cabinet Bourgeois,

dénon-

précédent, imposait à la reine un acte unilatéral qui pro-

la prise

de possession. C'était la substitution du régime de

l'an-

nexion à celui du protectorat qu'avait toujours défendu M. Hanotaux. Celui-ci cependant, revenu au pouvoir en avril 1896, ne

crut pas pou-

voir désavouer à son tour ses prédécesseurs, et préféra sacrifier ses pré-


M.

Tel

fut le rôle

gascar

:

mit

II

WolM'X.

l'i.)

de M. Ilanutaux, dans

l'affaire

de Mada-

décider rexpcdiliuii, pi'i-para les voies à nos

soldats, obtint de la Cliambre et

du Sénat

les crédits né-

cessaires, défendit notre liberté d'action contre les susceptihilitésdu (IcJKirs

puis, le résultat (ibtciui,

;

il

céda volon-

laircnicnt à d'autres la lâche l'i'confdrtanle de récolter ce

que lui-même avait semé sacrifice qui dut lui être pc;uible, car non seulement on le privait d'une légitime satisfaction d'amour-propre, mais encore on le forçait de marcher à l'encontre de ses convictions administratives et :

trouvera-t-on que pareil

Peut-être

j)(»litiques.

d'abuéj^ation est trop pou

commun pour

exemple pas

n'être

si-

gnalé.

Le 8 septembre 1894, M. Le Myre de Vilers, qui se reà la campagne, des fatigues endurées durant une

jiosait,

longue et angoissante mission en Extrême-Orient, recevait un télégramme, l'invitant à venir d'urgence à Paris,

se mettre à la disposition

Le lendemain,

gères.

notaux, gascar.

qu'il devait se

l'ois,

la

tenir

Le gouvernement, en

de recourir aux armes, ft'i'ences

du ministre des

affaires étran-

apprenait, de la bouche de

il

il

prêt à retourner à

M. HaMada-

effet,

avait décidé qu'avant

serait fait

une dernière tentative

personnelles plulùt que de laisser nietUe en doute, une seconde

parole du gouvernement. Deu.\ extraits de discours particulière-

ment significatifs, raeltronten relief ces deux manières si différentes de comprendre la direction des choses publiques. Le 9 mars 1896, M. Berllielot,

ministre des affaires étrangères du cabinet Bourgeois, après avoir

rappelé la politique du cabinet précédent, s'exprimait en ces ternies «

Le cabinet

voir adopter

actuel, n'ayant

à

:

cgard aucun engagement, a cru de-

un système qui nous a paru mieux répondre à

la

grandeur

hommes

»

Moins de

des sacrifices de la France, en trois

cet

et

en argent, etc..

mois après, M. Hanotaux, rentré au quai d'Orsay tenait

suivant (20 juin

189fi)

:

«

le

langage

Je vous le demande. Messieurs, était-il possible

au cabinet Méline, « moins de vouloir boule rerser de fond en comble l'auvre de ses prédécesseurs, et de renoncer à cette politique de continuité dans les vues et les desseins, dont programme, lui était-il possible de revenir à

réclamé dans son

il

s'était

la

formule du protectorat 10

'i'

»


Madagascar.

l'aii'aihe de

146

d'accommodement auprès de Rainilaiarivony, et les souvenirs que M. de Vilers avait laissés à Madagascar, les éminents services

y avait rendus,

qu'il

ainsi

que ses pré-

férences bien connues pour une solution pacifique, avaient

M. Hanotaux. Cinq jours après son entrevue avec le ministre, M. de Vilers s'embarquait à Marseille. Ses instructions étaient dicté le choix de

courtes et catégoriques.

Il

devait soumettre à l'accepta-

un projet de

tion de la Reine

traité confirmant dans ses grandes lignes celui de 1885, mais qui, pour rendre effec-

protectorat de la France, contenait les deux clauses

tif le

manquaient jusqu'alors France, d'entretenir dans l'île les forces essentielles qui

:

le droit,

pour

la

qu'elle jugerait

nécessaires, et la faculté de contrôler l'administration intérieure. Si les

matum, notre

Hovas refusaient de souscrire

plénipotentiaire avait l'ordre de

à cet ulti-

rompre

les

relations diplomatiques.

Le 8

octobre,

repartait le 9

M. de Vilers

et, le

14 au

soir,

arrivait à il

Tamatave;

en

il

entrait à Tananarive.

A

immédiatement compte de la situation conserva la et peu d'illusions sur le gravité de « La plus grande sort réservé à sa mission conciliatrice peine débarqué,

il

se rendit

:

surexcitation règne chez les Français et chez les indigè-

Le gouvernement malgache multiplie ses armements. Il me prépare une brillante réception, mais voudrait m'intimider par un grand déploiement de troupes'. » Cette surexcitation rendit complètement vains les derniers efforts de M. de nes, télégraphia-t-il dès le premier jour.

Vilers. Si Rainilaiarivony avait été laissé à lui-même, peutêtre aurait-il cédé, car

il

était trop

supérieur à son entou-

rage pour ne pas discerner les périls auxquels sait,

1.

mais

il

était

M. de Vilers

cumenl

inidil.

;iu

hors d'état de résister à

Département.

Télégi-aïuiiie

du

s

la

il

s'expo-

pression de

uclubre

189'i.

f)o-


ses partisans

du ses adversaires. Ceux-ci,

et «iirtuul

M.

l'avait déjà signalé

147

IKN(]|\U\'.

M.

comme

du concours de

Ijarrouy, assurés

étrangers, tels que l'arretl, Slierviiigton, etc.,

certains

jierspeclive d'une action

envisageaient sce[)tif{uenient

la

énergique de

poussaient au.x mesures

la Franci;', et

trèmes. Aussi

la

discussion entre M.

mier niinislrc

fut-elle

formulées

notre envoyé,

|iar

e.x-

de N'ilcrs et le pre-

Aux

des plus courtes.

[)roposili(jns

premier ministre opposa

le

un contre-projet inacceptable. Puis, pour gagner du temps, chercha à user de moyens dilatoires, négligeant même de paraître aux rendez-vous convenus. M. de Vilers coupa

il

court à ces velléités, par la remise d'un ultimatum qui m? à aucune échappatoire (20 octobre). L'ulti-

laissait place

matum

fut

repoussé

en demeure,

M. de

kabary

ministre

fut

27 octobre, jour

iixc

Résidence

pour

fut

le

monde

leva le

masque

:

la

mise

amené,

et

à Tananarive,

tenu sur la place d'AndoIialo, et

demanda que

formidables que

le

la

guerre sainte

fût

le premier proclamée

« Les clameurs patriotiques, aussi grondement du tonncne, approuvèrent

contre l'envahisseur

cette

le

N'ilers quitta la capitale.

Aussitôt tout

un

:

pavillon de la

le

:

proposition, et les acclamations prolongées, récla-

mant l'indépendance de Madagascar, dantes que la trompette guerrière.

étaient plus

per-

C'est en ces termes

»

emphatiques que le Pasteur Parrett rendit compte, dans son « O peuple malgajournal, de cette mémorable journée che, continue-t-il, ô nation qui aimez votre maître, les sachez Français voulaient s'emparer de Madagascar :

:

donc ce

qu'ils font de

leurs colonies.

Au commencement

de ce siècle. Napoléon Bona|iarte caressait

le désir de parmi les colonies françaises, le comprendre l'Egypte peuple avait beaucoup à souffrir, car les Français chargés

1. liO

M.

juin

Larrouy, isu-t.

résident

Document

général

inédit.

à

Madagascar,

au Déparleraent,


de

dk maiia(;.\scah.

l'ai'iaihk

l'iS

le

gouverner n'avaient qu'un but

duction du pays.

Ils firent

augmenter

:

la

pro-

creuser des canaux, construire

des chemins du fer (Napoléon l" construisant des chemins

de

fer)

!

ouvrir des théâtres, et fortifièrent Alexandrie. Les s'enrichirent,

officiers qu'il finit

cer

mais

le peu])le

eut tant à souffrir

par se révolter. Voilà ce que raconte M. Spenc-

\Vilkiiisoii,

dans son

livre

The great alternative.

Au

Siam, les Français firent tracer des routes par les indigènes et, ainsi que nous le dit le Times, ceux dont

impitoyablement

travail laissait à désirer étaient

le

O hommes

sillés...

l'u-

qui êtes sous les cieux, pareil mal-

heur vous serait arrivé,

si

votre gouvernement avait ac-

cepté les propositions des Français. Réjouissons-nous de ce qu'il les ait repoussées

et,

comme

ne veulent pas se laisser prendre,

des sauterelles qui

comme des

patriotes

décidés à la résistance, présentons nos souhaits à S.

Ranavalo inanjakaM

^La

INI.

»

prose enfantine

et

grandiloquente de l'excellent

"pasteur, ses curieuses leçons d'histoire, solidement étavées

de l'autorité de jNI. ^Viikinson et du Times, ne furent probablement pas sans enllammer le courage de ses lecteurs. Un autre document, émané de la même source, et répandu à profusion dans la population, achève de carac-

assumé, en ces circonstances, par les prédiLondon Society. C'est un appel aux armes,

tériser le rôle

cants de la

en style mystique, contre lequel s'il

il

n'y aurait rien à dire

avait été conçu et publié par les seuls évangélistes

malgaches, mais que les représentants de gleterre auraient à tous égards mieux

tronner

:

«

O

prédicateurs,

fait

d'Ande ne pas pal'église

travailleurs de Jéhovah, disaient ces étranges le

jour du réveil est arrivé. Accourez tous

à notre temple, activez vos préparatifs pour garder les

1.

bre

FilaziildZdiiii MdUigazij, jounuil isa'i.

ofriciel

Je Madaga-^nar,

:J1

octo-


HVNOTAUX.

M. liichis (lu

vo([ut'es

Scig'iii'iir,

dans ces jours de

On

Irihulalioiis pro-

par nos enucmls. Frappe nos enncuiiis, Seigneur,

l)our maintenir rindépendaiiee de

reine

149

de nos chois

et

cliéi'ii;

conçoit

notre patrie, de notre

hiiii ainu'ss,

etc..

que ces exhortations

rcfTot

»

'.

politico-reli-

gieuses (levaient produire sur des imaginations primitives et facilement inllauiniahles.

Ouantaux

chel's,

on du nujins

aux phis intelligents d'entre eux, leur ardeur se sentait accrue par des svmptômes noii moins encourageants. Cha(pie jour, ils

la contrehandc anglaise inonder le de munitions. Les olîres de service abonpart d'aventuriers de tout bord, anglais pour

voyaient

pays d'armes daient, de la plupart,

la

et

cpii

dans

guerre imminente se disposaient

la

Tanacommandement. Wil-

à pèciier en eau trouble-. .Shorvington était rentré à

narive et se trouvait pourvu d'un

longby lui-même avait

([uillé

sa prison pour organiser la

dél'ense nationale. D'autre part, la conduite é([uivo([ue des

représentants de la Grande-Bretagne, était bien faite pour ministre hova dans les plus

entretenir le

Dès

illusions. la

France

et

dangereuses

des relations diplomatiques entre

la rupture

Madagascar,

les consuls anglais

de

Tama-

tave et de Tananarive s'étaient empressés auprès de Rainilaiarivony.

«

La

guerre, lui disaient-ils, rendait caduc

le

traité de 1885, et désormais, point n'était besoin d'inter-

nu'diaire entre l'Angleterre et la cour

communiqués

officiels,

parus dans

le

d'Emyrne.

»

Des

journal du premier

ministre, constatèrent à maintes reprises cette situation

nouvelle

^.

Enfin dans

le

langage de

la presse

anglaise

1.

Tracts publiés à Tananarive.

2.

Par chaque courrier anglais, venant du cap de Bonne-Espérance,

débarquaient à Vatomandry plusieurs de ces prétendus taires qui riers, 3.

officiers

volon-

gagnaient la capitale par des voies détournées. Ces aventu-

étrangers au service militaire, ne recherchaient que des subsides.

Filazalazana Malagazy,

7

novembre

1894. «

M. Porter, acling bri-


l'affaire de MADAGASCAR.

150

dont les vivacités habituelles se donnaient naturellement libre cours;

dans

de rétieenci's du cabinet

l'altitude pleine

de Londres, qui dissimulait mal son profond mécontentement', les politiques crédules du Palais d'Argent trou-

nouveaux motifs d'espérer

vaient, chaque jour, de

France ne serait pas

libre

d'agir à

sa guise

à

(|ue la

Mada-

gascar.

On

sait

comment ne tardèrent pas

à s'évanouir les espé-

rances insensées de Rainilaiarivony et de ses conseillers.

décembre 1894, M. Casimir-Périer, président de la loi ouvrant, pour les dépenses de l'expédition de Madagascar, le crédit de 65 millions que M. Hanotaux avait obtenu du Parlement. Le 12 décembre, le commandant Bienaimé occupait Tamatave, que

Le

7

République, promulguait la

quitta, le 26, après avoir, jusqu'au dernier

M. de Vilers

lish vice-consul à Tananarive, a s'il

demandé au gouvernement malgache

pouvait traiter directement avec

des sujets britanni-

lui les aiTaires

ques de Tananarive. Dans sa réponse, le premier ministre a déclaré qu'il serait lieureux de reprendre les affaires que le représentant des sujets britanniques pourrait avoir à traiter directement avec le gouver-

nement malgache.

»

Plus passionné que son chef. M. Anatole Sauzier,

acting british vice-consul à Tamatave, créole mauritien d'origine française, voulant faire

du

neur général de

province et

d'instructions 1.

la

zèle, se mettait à l'entière disposition

du premier ministre sur la

Un communiqué

du gouver-

par son intermédiaire, l'envoi

sollicitait,

ligne de conduite à suivre.

officieux avait paru,

dans les journaux anglais,

le

septembre précédent, à l'annonce du départ de M. de Vilers pour Madagascar. Il constatait l'état déplorable des choses dans l'ile, le pré19

judice qui en résultait pour

France d'assurer

la

le

commerce

anglais, et l'obligation pour ia

paix et la tranquillité dans

le

pays. Toutefois

il

s'élevait contre l'éventualité d'une prise

de possession et concluait que

quelle que fût la décision de la France, les Bretagne et les llovas subsisteraient

traités conclus entre la

«

en 1890

».

pas dans

Ce communiqué les

ainsi qu'il

avait été

Grandeconvenu

avait surpris les esprits en France, car

il

n'est

habitudes diplomatiques, qu'un gouvernement fasse à

presse des communications officieuses sur des

exclusivemennt une tierce puissance.

la

sujets qui intéressent


M.

moment vainement

HANOTAUX.

pressi' le dictateur

sentiments pacifiques. T/iiiver militaires et

151

Enfin,

navals.

le

de revenir à des

consacré aux préparatifs

fut

28 mars 1895, M. Félix

M. Casimir Périer, se où le général Duchesne, de Sathonay, camp rendit au nommé commandant en chef, lui présenta le corps expéFaure, qui venait do succéder à

ditionnaire prêt à partir.

L'embarquement commença peu de jours après le

débarquèrent

à Majunga.

campagne de cinq mois, et

et,

le

général en chef et les premières troupes

6 mai suivant,

commença une

pénible

qui nous coûta cher en

hommes

Alors

en argent, et qui, en France, suscita d'âpres polémiques.

Les organisateurs de l'expédition ne furent pas ménagés, non plus que le gouvernement, tenu pour responsable des fautes commises. Qu'il y ait eu des fautes, la chose n'est pas douteuse. La plus grave fut d'avoir envoyé, dans une région tropicale et malsaine, des troupes trop jeunes et

sans expérience, ignorant tout de la vie aux colonies, incapables de résister aux fatigues de

la

route,

comme

et

à

du climat à quoi le gouvernement répliquait, non sans raison, que la responsabilité initiale incombait au Parlement, qui avait toujours éludé l'organisation d'une armée coloniale. Quoi qu'il en soit, le général Duchesne entra, le 30 septembre, à Tananarive et imposa à la Reine le traité dont M. Hanotaux lui avait remis le texte à son départ. Rainilaiarivony fut déposé et envoyé en Algérie, et un nouveau l'insalubrité

résident général,

'

;

M. Laroche,

s'installa à

Tananarive, sous

protection du corps d'occupation.

la

1.

On peut

estimer à 10.000, sur 22.000 coiiibaltanls,

le

nombre des

morts que nous coûta cette campagne. Le 200' régiment perdit plus des deu.x tiers de son effectif.

au

feu,

Sur ces

ctiiffres. le

nombre des hommes tues

ou morts de leurs blessures n'enire pas pour un vingtième.


LAIFAIRE DE MADAGASCAR.

152

Cette date du 30 septembre 1895, marquera le terme de notre étude, car c'est à compter de ce jour que Mada-

gascar

fut

définitivement

incorporée

colonial frauçais.

Il

dans

domaine

le

n'entre donc pas dans le cadre de ce

événements, puisque le seul but montrer quelles difficultés a soude notre travail est de levées, de la part de certaine puissance, chaque extension de notre empire d'outre-mer. Par contre, il était impossible de nous arrêter avant, car si, en 1890, les Anglais

récit

de suivre plus loin

les

avaient reconnu officiellement notre protectorat, cette re-

connaissance

n'était, à leurs j^eux, ni parfaite ni définitive.

Leurs consuls n'en refusèrent pas moins d'admettre pouvoirs de notre Résident, et jusqu'en 1894, rent, chez eux, des consuls

ils

les

tolérè-

hovas sans mandat régulier.

Enfin leurs agents et leurs nationaux s'employèrent sans trêve à soulever

le

pays contre nous

et à

provoquer une

rupture.

En qu'en

1895, effet,

la

en

situation d(''pit

changea complètement

c'est

:

des erreurs politiques et administra-

du gouvernement et de ses représentants, du jour où la France entretint, à Madagascar, la force nécessaire pour imposer sa volonté, la question fut tranchée, au regard des Hovas comme au regard des tiers. Les Hovas s'en aperçurent, aussitôt que le général Gallieni arriva à Tananarive. Quant aux puissances étrangères, elles

tives

n'eurent plus ni l'occasion, ni la possibilité de contester à

nouveau

les faits accom|ilis.

tint sur la réserve.

L'Angleterre elle-même se

Sans doute,

quèrent pas pour manifester

le

les prétextes

ne

lui

man-

déplaisir que lui causait

notre installation. Entre Paris et Londres, on discuta lon-

conséquences juridiques du protectorat et de l'annexion'. La question épineuse de la juridiction consulaire donna lieu à un échange de notes interminable,

guement sur o

1.

les

Cf. livre bleu, C. 8700.

gouvcrnemcnl* en

Correspondance échangée entre

181H1 et IsnT.

les

deux


ii\NOTAix.

^\.

153

auquel l'obstination des agents locaux donna parfois un tour assez vif. On batailla également sur les intérêts matériels

:

par la France commerciale du

les tarifs protecteurs introduits

dans sa nouvelle colonie, et

la politi(|ue

général Gallieni, soulevèrent à Londres d'âpres protes-

On

tations-.

1.

lilem

:

môme

clicrclie

religieuses, dont

ressusciter les rivalités

à

avait eu

l'île

\oir également La politique

A. Lebon, minisire des colonies, dans

longtemps à

si

le

iln

souffrir'',

par

In l'rance en Afrique,

cabinet Méline

:

Les consnls

«

anglais de Tanialave et de Tananarive prolestèrent contre la suppression de leur juridicliun rt^clamations, et, (p. l'il). Il

pour

assaillirent les tribunaux français de leurs

ils

:

les faire taire,

était impossible,

en

fallut les

menacer d'expulsion

de concilier

les tergiversations

il

elTet,

»

de

l'Angleterre avec sa déclaration de 1890, portant qu'elle reconnaissait le

protectorat de la France avec toutes ses conséquences. L'affaire ne fui léglée qu'en avril 1897. 2.

1898.

Correspondance de 1897

Cf. livres bleus, C. 8700 et C. 9091.

de

et

L'établissement de notre tarif de douane avait soulevé les plus

vives récriminations de la part de l'Angleterre, qui prétendait garder le

bénéfice de ses anciens traités avec les Ilovas.

De même,

protesta

elle

contre toutes les mesures de détail prises par le général Gallieni pour favoriser les colons et les

commerçanis

au pavillon français (déc. .•!.

Le 24 mars

1897,

même

français. Elle obtint

nulaliou d'un arrêté du gouverneur général, qui avait réservé

le

l'an-

cabotage

1898).

M. Smith, député aux communes, avait questionné

sous-secrétaire d'État aux affaires étrangères,

-

le

sur la persécution crois-

sante exercée contre les protestants malgaches à l'insligalion des Jésuites!

» Il

affirmait

que

les protestants avaient été

expulsés de leurs

écoles et de leurs temples, au profit des catholiques, et que la reine

avait été déposée pour avoir refusé de se convertir au catholicisme!!

Lord Curzon répondit dans des termes gouvernement:

«Il n'est

jusqu'à un certain point, elles j'estime cependant

que

fort

peu aimables pour noire

que ces persécutions existent peuvent être la conséquence de la guerre

pas douteux,

dit-il,

la guerre est

:

;

suffisamment éloignée pour qu'on

ne puisse

justifier la persistance d'un tel état de choses. L'attention du gouvernement de 8. M. a été appelée sur les plaintes des protestants de Madagascar, quoique jusqu'à présent je n'aie pas reçu la confirmation ollicielle

de leurs

griefs. Cette affaire est

nement de S. M. a déjà gouvernement français.

fait »

A

des plus graves et

le

gouver-

parvenir à son sujet des réclamations au la suite

de ce discours, une question

fut


l'affaire de Madagascar.

154

mais ce ne furent quence, écho

que des escarmouches sans conséde la longue querelle qui, pendant

affaibli

un

siècle, avait divisé la

de

la

France

et l'Angleterre.

question resta toujours hors de discussion

:

Le fond après

le

succès définitif de nos armes, nos voisins renoncèrent à

méconnaître notre suprématie dans l'île ou à soulever contre nous les passions des vaincus; et les dernières difficultés avec l'Angleterre, au sujet de Madagascar, ont été réglées par l'article II de la convention annexée à l'accord général du 9 avril 1904.

III

Le moment

est

donc venu de

tirer,

pitre de notre histoire coloniale, les

de ce nouveau cha-

enseignements

qu'il

comporte; ces enseignements sont particulièrement précieux.

y a eu, dans le cours de notre rivalité séculaire avec la Grande-Bretagne, des épisodes aussi longs, plus tragiques ou du moins plus bruyants. De ce côté-ci Certes,

il

adressée à la

notaux

Chambre des députés par M. Le Myre de

(3 avril)

:

celui-ci,

dédaignant de réfuter

Vilers à M. Ha-

les racontars qui avaient

trouvé un écho à Londres s'éleva en termes énergiques contre les prétentions du Foreign office le

gouvernement

:

«

Je

n'ai

qu'un mot à dire,

n'a reçu et ne pouvait recevoir

dit-il, c'est que aucune représentation,

aucune demande d'explication du gouvernement britannique concernant les protestants indigènes de Madagascar. Madagascar est terre française, et ses habitants indigènes sont sujets français. Personne ne peut parler en leur nom que les autorités françaises instituées dans l'ile. Toute ingérence étrangère fin

serait naturellement écartée. »

de non-recevoir, l'Angleterre

aucun argument à

n'insista

pas;

elle

Devant

celte

n'avait d'ailleurs

faire valoir. Il était puéril d'accuser

de Jésuitisme

lo

gouvernement de la République, sur la foi de quelques pasteurs mécontents. Le premier soin du général Gallieni avait été d'imposer partout la neutralité religieuse la plus absolue. (Bullelin de l'Afrique française, avril IS97. et

Journal

officiel

de Madagascar, 10 février 1897.


CONCLUSION SUR (lu (Iciniil

cliainp clos

de

[loial

Niger

(juostion

la

du Siam.

et

«

l'ohjet

en

malgache,

jamais à vider eu

comme on

de 1830, à celles de

dans

d'un pays. C'est

sciiigc;!

fut sur le

n'y eut pas d'incidents retentissants

Il

la crise

t'ont (Jpo(iue

on ne

155

à l'occasion d('riî<^y|)(e, de FAlgéi'ie, du

le i'aire,

analogues à qui

l'aiilrc,

(le

(111

DE MADAGASCAR.

l'aFI AIIiE

l'histoire et

du moins

(|ue,

189.'{

Londres,

l'a-l-on déclare; à

ne valait pas une guerre

litige;

ou de 1898,

induent sur les destiniies L'.Vngle-

».

terre, qui n'avail jamais désiré s'en emparer, s'en soucia

moins encore après (pie l'ouvertni'e du canal de Suez eût diminue l'importance stral(''gi(pie de Diego-Snarez mais, si la grande île malgache n'était pas digne de la GrandeBretagne, elle était encore trop bonne ])Our la France. ;

Peut-être

la

phrase paraitra-t-eile brutale à (|uelques-uns

qu'ils veuillent bien alors expliquer pourtjuoi les

mirent une terre, qu'ils

torien qui,

un

:

Anglais

persévérance à nous écarter de cette

telle

dédaignent pour eux-mêmes. Quant

dans leur origine

siècle suivi tous les faits

de l'Océan Indien,

l'his-

que l'An-

est bien forcé de conclure

il

à

développement, a depuis survenus dans cette partie

et leur

y a mené, contre la France, une campagne anaà celles qu'elle avait soutenues contre nous en

gleterre

logue

Algérie, contre les Belges au Congo, contre les Allemands

dans

le

Sud-Ouest

et l'Est africain, et ailleurs encore.

Faut-il s'en étonner?

peuple qui a sur

mer

et

besoin

dans

le

grandir soi-même,

il

Assurément non,

de

monde

conserver la colonial, plus

est essentiel

car,

pour mi

première place encore que de

d'empêcher

les autres

de arandir. Telle car, et voilà pourquoi nous avons tenu à l'exposer en est la

moralité de l'affaire de Madao:as-

Malgré sa longueur, sa confusion,

détail.

et le

manque

de relief que des péripéties plus vives eussent donné au récit,

on y

saisit sur le

taux de l'âme

Une

et

A-if

un des caractères fondamen-

de la politique britannique.

autre leçon découle de ces

mêmes événements

:


l'affaire de Madagascar.

156

c'est que, bien souvent,

gouvernements

en matière coloniale,

le

rôle des

moins d'agir à grands fracas, avec leurs diplomates, leurs flottes et leurs soldats, que de est

savoir discrètement utiliser les éléments que les circons-

tances ou l'initiative individuelle mettent à leur disposition.

A

cet égard,

exemple à méditer, présente,

soit

l'Angleterre nous offre soit

pour

le

suivre,

pour nous mettre

si

ici

un grand

l'occasion s'en

en garde contre ceux

qui voudraient encore l'employer contre nous.

De 1814

à 1895, les Anglais ont toujours combattu notre

Madagascar

action à

;

le récit

qu'on vient de

lire le

dé-

montre avec évidence, mais jamais non plus ils ne se sont découverts. A aucun moment, entre nous et Madagascar, nous n'avons trouvé les escadres anglaises, ou le veto du cabinet de Saint-James, ce qui eût été gros de conséquences. Pour nous écarter du pays, sans bruit comme sans danger, que,

le

ils

préférèrent l'angliciser, bien per.suadés

jour où l'opération serait parfaite, la France ne

pourrait ou n'oserait donner suite à ses projets.

Farquliar inventa

le

système

:

découvrit les Ilovas,

il

jusqu'alors ignorés de tous, et réussit à en faire l'instru-

ment de

la politique britannique.

Ses successeurs

imitateurs poursuivirent son œuvre

et ses

avec quelle persé-

:

vérance, nous avons essayé d'en donner une idée. Le jour

la

France se réveilla de sa longue léthargie,

perçut que

Une

l'île

était sur le point

elle s'a-

de devenir anglaise.

légion d'agents officieux, les prédicants de la Loiidon

Society, avaient envahi

publique,

le

pays.

La

l'armée, la presse leur

religion, l'instruction

appartenaient, l'admi-

nistration intérieure, les douanes, les finances étaient à

de tomber entre leurs mains enfin le gouvernement hova était un jouet qu'ils maniaient au gré de leurs la veille

;

intérêts et de leurs passions.

Le procédé fut

était infiniment ingénieux. S'il

grâce à la perspicacité et à l'énergie d'un

échoua, ce

homme

qui


CONCLUSION

Slll

I.'aIFMHK

I)K

M

\I).\(

;

\SC AU

l.")?

y jiarer. Trois aimées suflireiit à M. Le Myro de N'ilcrs pour ruiner l'œuvre des prédicants de la London Society et de leurs alUliés. Eux démasqués et vit le péril et sut

réduits à l'impuissance,

nous n'eûmes plus à compter

qu'avec une misérable po|iulatioii corrompue, dégradée, et avilie

:

la

partie était gagnée.

FIN


j

i


TABLE DES MATIERES

Avertissement.

PREMIERE PARTIE (DE 1814 A 1881)

CHAPITRE PREMIER

I.

Madagascar,

les lies

Comores

et

Mascareignes. Leur impor-

tance stratégique et économique, cause de la rivalité franco-anglaise à leui' égard. Inconséquence et faiblesse de notre action à

Madagascar au xix" siècle. Ktrange caractère de anglaise à Madagascar

la rivalité franco1

Premiers établissements des français à Madagascar. La situation en 1803. Guerres de l'Empire et traité de 1814. Exécution du traité. Sir R. l'aïquhar et ses prétentions. Farquhar. désavoué par lord Bathurst, soulève les Ilovas contre nous. Traités anglo-hovas de 1817 et de 18iO. Tentative de la France pour réoecuper ses anciens postes de Madagascar repoussée par liadama I et llastie {182u-182'i). Nouvelle tentative du commandant Gourbeyre, suivie d'un nouvel échec. La chute de Charles X

II.

arrête les opérations III.

8

Politique malgache du gouvernement de Juillet et de l'Em-

pire. Prise de possession les

Sakalaves.

de 1845.

La

de Nossi-Bé et de Mayotte. Traités avec

reine Ranavalo

MM. Laborde

et

Lambert

I.

Intervention fianco-anglaise

et le prince

Rakoto. Le cabiLe Révé-

net français refuse d'agir. Intervention de l'Angleterre.

rend Ellis et les événements de 1857. Le roi Radama II et la charte Lambert. Inaction du gouvernement impérial. La mort de Hadama et M. Ellis. Traité Iranco-hova de 1868

29


TABLE DES MATIÈRES.

160 IV.

Retraite complète de la France de 1868 à 1881. Activité de

l'Angleterre durant cette période. Les missionnaires de

la

Lori-

don Sociely. Leur propagande anti-française et leur intime union avec le gouvernement hova. Ce qu'il faut penser de leur œuvre et de l'état moral et social du peuple hova

'i4

DEUXIEME PARTIE (de 1882 A 1895)

CHAPITRE

II

LA PREMIÈRE GUERRE ET LA MISSION DE M. LE MYRE DE VILERS

ï.

Comment

se justifie l'établissemenl de la

France à Madagas-

rouverte, en 1878, par l'affaire de la succession Laborde, se complique, en 1881, par celle de notre car.

La question malgache

protectorat sur la cùte occidentale. Intervention tardive de la France. Ambassade hova à Paris. Intervention de l'Angleterre :

son insistance pour imposer sa médiation. Violente campagne de presse à Londres. Le comité anglais de Madagascar, et son réquisitoire contre la France. M. Duclerc et lord Granville. Rupture officielle avec Madagascar. Campagne de l'amiral Pierre. Incidents à Tamatave La Dryad; le pasteur Shaw: le consul Pakenham. Mort de l'amiral Pierre. Suite des opérations militaires et

I

:

du 17 décembre 1885 M. Le Myre de Vilers

55

traité

IL

Analyse du Miot et Patrimonio

et sa mission.

1885. Lettre interprétative de

MM.

traité et

de

circu-

de M. de Freycinet Action directe et indirecte de l'Angleterre pour entraver notre établissement à Madagascar et l'e.xécution du traité de 1885. Accueil fait au traité, à Londres et à Tananarive. Rùle joué en la circonstance par Rainilaiarivony et la London Society. Ils attirent l'élément étranger et favorisent tous les aventuriers cosmopolites au détriment des Français. Tentative faite pour bloquer

"8

Diego-Suarez. L'affaire Kingdon La question des exequatur en Europe; ambassade de WilA Madalougby à Londres; les consuls hovas en Angleterre. gascar arrivée du capitaine Haggard. Il obtient son exequatur

86

laire III.

IV.

:

:

directement de Rainilaiarivony. Protestation du gouvernement français à Londres. Singulière altitude et nombreuses contradictions de lord Sali>bur>. Mauvaise foi de Rainilaiarivonv et de


lAllI.K

IIKS

MATIKUKS.

161

seplembiv 18S7, à Tanan.Trive. Mndiis vipar M. de Vilors. Il est repoussé à Paris. Vives réclainations poriéos à Londres par le cabinet français. Happel dii capitaine na!,'s,'ard et aJDnrnenient de la cpiestion de l'exequalnr lîésulluls u))lfnns par M. de \ ilei's. Dépit des .\n}<lais à V. Tananarive. Violences de Pickcrsgill contre M. de Vilers. Découragement des missionnaires de la London Socifiy. Convention IlasKiird. Lii crise de reiidi accepté

'-W

franco-angaise dn 5 août 1890. I/.\ngleterre reconnaît

le

protec-

torat français

l"2(i

CHAPITRE

III

LE di^:nouement I.

Départ de

tS'J'i.

Al.

Le Myre de Vilers. Causes de

la

rupture de

Hainilaiarivony retombe sous la coupe des prédicants. Dan-

gers intérieurs qui Society.

La

le

menacent. Retour offensif de

situation en

la

London 133

18!)'i

M. Jianotaux son rôle dans l'alVaire de Madagascar. Sen, conde mission de M. Le Myre de Vilers à Tananarive. La rupture. :

Rôle de

la

London Society

cl des agents anglais

constance. L'expédition française et

le

traité

1895

IIL

en celte cir-

du 30 septembre \'<i

Conclusion sur

l'aU'aire

de Madagascar

L"i'i







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