En territoire militaire - 1898

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L'EXPANSION FRANÇAISE AU TONKIN

EN

TERRITOIRE MILITAIRE LOUIS DE GRANDMAISON CAPITAINE AU 131^ d'iNFANTKRIK

AVEC UNE LETTRE DU GÉNÉRAL GALLIÉNI

PARIS librairie; E.

PLON, NOURRIT

et

G'«,

plon

IMPRIMEURS-ÉDITEURS

RUEGARANCIÈRE.IO

1898 Totis droits réservés





Ei\

TERRITOIRE MILITAIRE


L'auteur duction gers, y

et

et les éditeurs

compris

Ce volume la librairie'

déclarent réserver leurs droits de repro-

de traduction en France la

Suède

a été

en

et la

dans tous

et

les

pays étran-

Norvège.

déposé au ministère de l'intérieur (section de

juillet

PAniS. T\P. K. l'LON,

1898.

NOURRIT KT

C'*,

8,

RUE CARANCIÈrE.

3938.


L'EXPANSION FRANÇAISE AU TONKIN

EN

TERRITOIRE MILITAIRE LOUIS DE GRANDMAÏSON CAPITAINE XV

1

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E RIE

AVEC UNE LETTRE DU GÉNÉRAL GALLIÉNI

PARIS LIBRAIRIE PLON E.

PLON, NOURRIT et

C'%

IMPRIMEURS-ÉDITEURS

RUE GARANCIÈRE, 1898 Tous droits réservés

10



1)^

A

Monsieur

le

çfénéral Galliem,

gouverneur général

de Madagascar.

Mo> Général,

En

travaillant sous vos ordres à la pacification des

hautes régions

du Tonkin,

j'ai

appris au contact jour-

nalier des populations indigènes niale ne se

campagnes

statistiques,

ou commerciales

des combinaisons financières des

que l'expansion colo-

résume pas tout entière dans des

dans

et

militaires. J'ai acquis la conviction

ce sont précisément les forces

que

morales dont on ne parle

pas et qu'on afTecte trop de négliger qui seules pourraient

rendre un peu de

nos

à

vitalité

entreprises

françaises de colonisation. Si je c'est

me

dans

montrer,

décide à imprimer tardivement ce volume,

le seul

en

but d'affirmer cette conviction

prenant

pour

accomplie par vous dans

le

sujet

territoire

de

et

de

l'œuvre

d'étude

Langson,

qu'elle repose sur des bases raisonnables.

Je n'ai pas et ne puis avoir la prétention d'exposer ici,

mon général,

vos idées sur les choses coloniales, mais

seulement de défendre la

celles

que

je

me

suis faites

pratique de vos principes et de vos procédés.

a

Grandmaiso^'.

1224548

dans


— C'est

vr

donc une marque, précieuse pour moi, de bien-

veillance personnelle

que

je viens vous

vous priant d'accepter l'hommage de ce

gnage insuffisant de ration et de

ma

demander en livre,

profonde estime, de

mon dévouement

témoi-

mon

très respectueux.

Ga.\>DMAIS0N,

admi-


Tananarive,

le

11

décembre 1891

Le général Galliem, commandanl en chef le corps d'occupalion et gouverneur général de Madagascar, à Monsieur le capitaine de Gra>dmaiso>", du i3i^ d'infanterie à Coulommiers

Mon cher Vous

de Grandmaison,

savez quel affeclueux souvenir j'ai conservé de

tous ceux qui m'ont secondé dans l'œuvre de pacification et d'organisation qui m'avait été confiée au Tonkin.

dévoué que

C'est grcàce à leur concours et

parmi

ces travailleurs

plus persévérants, lités

ont rendu

Dès efforts

mon que

un de ceux dont

ma

pu

réussir,

les brillantes

qua-

tâche agréable, presque aisée.

arrivée, le

j'y avais

j'ai

vous avez toujours été un des

Tonkin m'avait empoigné les et que j'avais vu prodiguer :

dépensés

autour de moi avaient été couronnés des meilleurs résultats

;

durant près de quatre ans,

j'avais

donné

à la

tâche qui m'avait été confiée sur nos frontières de Chine le

meilleur de

moi-même

:

ce n'est pas sans regret

je l'avais quittée, et ce n'est pas sans

que

émotion que

je

viens de retrouver dans votre livre l'histoire de nos luttes contre l'anarchie qui régnait là-bas, l'exposé des


— méthodes que nous avons la vaincre, si

riches et

VIII

pour

suivies

pour préparer à

la

combattre

fécondes.

si

Votre ouvrau;e arrive à son heure

nos idées sur

:

choses coloniales sont assez confuses en France

beaucoup

écrit sur la matière,

beaucoup discuté

aucune svnthèse, basée sur des

faits,

sur

la

de guide pour

on a

:

mais

pouvant

Ces quelques

l'avenir.

les

;

pratique,

n'avait encore condensé des idées générales, servir

et

des régions

la colonisation

pages

seront la révélation de ce dont est capable aujourd'hui l'officier

aux colonies

son rôle dans

la

;

elles

montreront quel doit être

longue période qui

l'œuvre utile et féconde que, seul,

il

suit la

conquête

peut accomplir

trouve parfaitement et clairement exposée

;

et, si

;

s'y

je fais

quelques réserves sur certaines de vos idées personnelles, développées

dans

en somme, que ce sont jours guidé et que

Madagascar,

comme

la

première partie, je puis dire, doctrines qui m'ont tou-

là les

j'ai

mises en application,

je l'avais fait

au ïonkin

:

à

ici,

l'expé-

rience confirmera, je l'espère, leur valeur.

Merci donc de l'hommage que vous m'en

merci du souvenir que vous avez gardé de moi

récompense ne

me

va plus

tion et l'estime des officiers

borateurs

sur

troublées,

aujourd'hui

ces

frontières

de pouvoir vous donner tliie

toute

particulière

Grandmaison,

à

au cœur

que

si

cjue

eus

de Chine,

colla-

naguère

mes sentiments

Ic^

G.

si

heureux

ma svmpamon cher de

marques de

crovez bien,

;

nulle

l'approba-

comme

tranquilles. Je suis

ici les

el

j'ai

faites :

plus alTectueux.


PREFACE

Les Français voya^ont peu, mais quand l'un d'eux hasarde à passer retour

le

la

mer,

il

se

éprouve généralement au

besoin de faire connaître ses impressions et

de donner son avis sur

la politique coloniale. C'est

une

pardonnable. L'activité croissante de produc-

faiblesse

l'accumulation de documents originaux qui en

tion,

résultent répondent

en

effet

à

un

besoin social.

On

s'occupe beaucoup en France de choses coloniales et le

grand public y prend goût. Malheureusement

les

diver-

gences d'opinion et l'âpreté des discussions sont

telles,

entre nos leur

hommes

compétents, qu'il

est

impossible de

emprunter de confiance une théorie de colonisation

toute

faite.

torité

En

l'absence de traditions suivies et d'au-

reconnue en

la

matière, c'est dans

le récit

choses vues et dans la libre discussion des

faits

sur place qu'il nous faut encore aller trier

un

des

observés à

un nos

éléments d'appréciation. L'élaboration de ces matériaux par l'opinion publique produira peut-être avec

un courant

d'idées assez

cohérent

et

assez

le

temps

caractérisé

pour servir de base à un corps de doctrine coloniale mettre

un terme

et

à nos indécisions et à nos tâtonne-

ments. Grandmaison.

1


PRÉFACE

2

Il

donc

est

utile

de dire ce qu'on

le discuter.

ambition que

celle d'apporter à

bution très modeste à d'idées

mise à

la

vu

a

en publiant

Je n'ai pas,

permis de

et

ces notes, d'autre

mon tour une commune de

réserve

la disposition

contrifaits et

de ceux qui s'intéressent à

nos établissements d'Extrême-Orient.

Avant eu

la

bonne fortune de

servir

plus de deux ans sous les ordres directs

jourd'hui général) Gallieni dans j'ai

pu

y suivre dans

et d'organisation des

le détail

pendant un peu

du

colonel (au-

région de Langson,

la

son œuvre de pacification

hautes régions. Ce coin du Ton-

kin était justement en

1

894-1 896

le

champ

furent mis en pratique, sous sa direction,

d'essai

procédés de colonisation qui semblent

et les

principes

les

au-

dès

jourd'hui nous promettre à Madagascar des succès auxquels nous n'étions plus accoutumés. C'est à ce titre qu'il

peut être intéressant d'y suivre, dans

étroites

du

confié,

la

commandement

petit

les

limites

territorial qui m'était

première application de ces principes

et

de

ces procédés.

Mais pour en dans leur jour,

ment

local. 11

crire

la

faire il

ne

comprendre

portée et les mettre

sortir

un peu du docu-

en

effet,

seulement, de dé-

s'agit pas,

réorganisation

Tonkin. Ce qu'il

la

nous faudra

d'un territoire

est intéressant d'y

militaire

trouver,

première application méthodique de principes très conds

et les

au

c'est la fé-

éléments d'un progrès d'ordre général.

J'ai essayé

de comprendre, en travaillant à l'œuvre

commune, pourquoi nous avons si médiocrement réussi dans un semblable pays. En comp&rant les efforts aux progrès, les dépenses aux bénéfices, je me suis demandé ce que nous sommes venus chercher en ExtrêmeOrient.


PRÉFACE

Mon

but

est

de faire

Il

ici

connaître

que

possible, la conviction

K

me

je

partager,

et

s'il

est

suis faite sur place.

eût été naturel, peut-être, pour y parvenir, d'apporter dans l'ordre où elles se sont produites, les impres-

sions qui l'ont

peu

peu formée

à

applications pratiques essai

dans

mesurer

le

les

les

Tonkin en

liant

dans leurs

et d'étudier

quelques principes mis en avant d'en

iSg/j-QO,

conséquences générales.

Mais cela eût exigé des développements que ne comporte pas le cadre nécessairement restreint de ce travail.

Obligé de négliger j'ai

dû me borner

intermédiaires

les

les transitions,

et

à présenter d'abord le point d'arrivée,

générales, puis à suivre le détail de leur mise

les idées

un cas particulier. un ambitieux début que de se demander d'abord Qui nous a menés au Tonkin, de rapen pratique dans C'est,

il

est vrai,

action en Extrême-Orient et

peler les phases de notre

de chercher

les

vera peut-être qu'il d'aussi haut

On

causes de son peu d'efficacité.

pas nécessaire de

n'était

pour arriver au

troupartir

détail de l'organisation

mi-

morceau des hautes terres. Devant l'apparente disproportion de ces deux sujets, il viendra sans doute aux lèvres de c[uelques-uns l'ironique remarque du poète litaire et politique

d'un

très

petit

:

Amphora

«

cœpit

simplement que

Je répondrai très n'est pas

de faire

de dire ce que

que dès

un

j'ai

qu'il s'agit

nisation, les

cur iirceus exit

institui...

livre

vu

et ce

dans

que

détails

de

))

prétention l'art,

mais

je crois vrai. J'ajouterai

d'un travail

moindres

ma

les règles

?

social,

comme

la colo-

doivent être la consé-

quence raisonnée de principes directeurs

et

que

l'exa-


PRÉFACE

^,

incii

(le

CCS principes

est

mon

à

sens

la

nécessaire

préface de loule élude coloniale.

Reste

le grief

plus sérieux d'avoir visé trop haut et

abordé sans autorité d'aussi vastes questions. J'aurais

mauvaise grâce à

le

discuter,

lionune d'avoir une opinion fol.

— C'est ce que

le

mais et

de

il

la

est

permis à tout

défendre de bonne

veux essaver.

i


CHAPITRE PRE:MIER impossible dans l'examen des circonstances qui nous ont amenés au Tonkin de découvrir une ligne de conduite arrêtée d'avance. La France a conquis l'Indo-Ghine, en dehors de tout calcul, pour obéir instinctivement à son rôle traditionnel. Aperçu

Il est

historique.

Que sommes-nous venus engrenage

la

France

prix des sacrifices

au ïonkin ? Par quel amenée à conquérir, au

faire

a-t-elle été

que nous connaissons,

empire

cet

d'Annain que nous n'avions jamais convoité? \ eu

l'exécution

d'un plan,

mûri par

un phénomène d'expansion

Est-ce

d'Etat

?

par

voisinage, la facilité de colonisation

le

d'assurer la vie à

Nous serons

un

explicable

ou

trop-plein de population

forcés de reconnaître

que

la

a-l-il

hommes

les

le

besoin

')

volonté des

hommes

a été le plus souvent violentée par les événe-

ments

que

ciales

En

et

ce

ne sont pas des considérations commer-

qui nous ont conduits en Extrême-Orient.

observant la France s'encaser

comme

à re2:ret et

sans projets arrêtés dans cette extraordinaire aventure, les

anciens auraient seulement vu

Fatum », de cette force hommes et les peuples, se «

un

caprice de ce

des choses qui, dominant les

un

faisait

jeu de

les

plover à

son implacable fantaisie. Pour nous, peuple chrétien, cette force des choses s'appelle se plaît

France

la «

Providence

»

qui

encore de nos jours à faire 'accomplir par les

œuvres de

civilisation

reuse initiative pour lesquelles

il

la

véritable et de génélui faut

un instrument


L'EXPANSION FRANÇAISE AU TONKIN

6

Aucune autre nation ne porte dans son

tliol\.

(!('

les revers

nelle poursuivie à travers les défaillances et

comme aux l'esprit

époques de calme

honorable pour

est assez

d'en répudier

Au moment

de prospérité. Ce rôle

et

ne nous vienne point à

cju'il

la tradition.

de parler du ïonkin,

instant au-dessus des statistiques tions de transit, sans

Nous avons

portance.

complètement désespérer sible

fait

du bon

liis-

profonde d'une mission exception-

loiro la trace aussi

faut s'élever

il

dédouane

et

un

des ques-

en méconnaître d'ailleurs l'implus souvent de ce côté assez

le

fausse route, pour qu'on en vienne à

sens de la France

de découvrir, au fond de

n'est plus pos-

s'il

ses entreprises

d'outre-

mer, encore une étincelle de ce prosélytisme désintéqui est

ressé

la

inarque de notre race

et

en a

fait la

fortune.

Cette étincelle,

il

est vrai, a

bien pâli et

les

préoccu-

pations de cet ordre ne s'avouent plus guère aujour-

La

d'hui.

du nord nous

rapacité des peuples

réputation de gens légers

et

peu

a fait

pratic^ues. C'est

être dans la crainte de justifier leur appréciation

nos

hommes

les

intérêts véritables

une

peut-

que

politiques ont trop souvent perdu de vue

de

la

France,

en

dépouillant

extérieurement son expansion de tout caractère généreux.

Ils

l'action

ont ainsi

morale

sacrifié

et affecté

de parti pris

de

le

le

bénéfice de

négliger, alors

que des

rivaux plus avisés ne reculent devant aucun sacrifice

pour

s'en assurer les avantages.

Xe voyons-nous pas

les

Anglais, exploiteurs admirables et commerçanls de pre-

mier ordre,

s'elTorcer

en toute occasion de dissimuler

leurs préoccupations de lucre et leurégoïsine légendaire

sous des dehors de civilateurs chrétiens désintéressés

')

Pourquoi donc avoir

et

de tuteurs

l'air d'écoliers pris


APERÇU HISTORIQUE en faute il

et

plaider les circonstances atténuantes

de nos entreprises

s'agit

7

les

vue de

la civilisation véritable et

tions?

S'il est

du bien des popula-

cjuelquefois difficile de les justifier par

leurs conséquences immédiates, politic|ues ciales, c'est

c[u'en

chacune

réalité

ou commer-

d'elles porte l'em-

preinte d'une volonté supérieure à celle des

qui

les

quand

plus fécondes au point de

hommes

ont conduites souvent à contre cœur. Nos expé-

ditions coloniales ont toutes gardé de ce conflit la phy-

sionomie d'aventures

engagées par entraînement

et

poursuivies par amour-propre.

Au

surplus, laissons parler les

faits.

Dans

leur sincé-

rité, ils

peuvent seuls nous donner l'impression pro-

fonde

complexe

et

c|ui se

dégage de cette série

presque inconscients, de ce et

d'efforts

mélange d'actions héroïcjues

de pitoyables reculades, de cette supériorité dans

l'action individuelle le plus

souvent paralysée par

le

désordre et l'illogisme dans la direction qui, au Tonkin

comme niale. 11

toire

ailleurs,

forment

la

trame de notre action colo-

ne peut être question d'entreprendre

ici l'his-

de notre empire indo-chinois. Cette lourde tâche

tentera j'espère c[uelque

plume

autorisée

aura mis à leur place définitive

les

quand le temps

événements

et les

hommes. Mais pour répondre à la question posée au début de ce chapitre « Que sommes-nous venus faire au Tonkin? », il nous faut rappeler l'enchainement des circonstances qui ont amené notre établissement défi:

nitif

en i884- Ce sont

faits

connus de tous, aussi

cet

aperçu rétrospectif sera-t-il limité au développement indispensable pour appuyer une opinion.

Dès 1627, un Français,

le

père de Rhodes, avait fondé


L'EXPANSION FRANÇAISE AU TONRIN

8

au Tonkin dos missions dont retrouver

A

cette

sos

époque l'antique dynastie des Le régnait sur

tout l'Annam, de l'empire des siècles

en décadence (Slam

frontières de

vaste

successeurs devaient

cent cinquante ans plus tard.

les traces

Kmers, déjà depuis des

et

Cambodire) jusqu'aux

Chine. Mais l'autorité réelle dans ce

la

rovaume

était

partagée entre deux familles de

vice-rois liéréditaires appelés « Cliua »

au Tonkin sous capitale et les «

:

les « Trlnli

»

main des rois Le dont Hanoï était la Nguyen » dans les provinces du sud.

la

montrent en 1628 le roi Lè-dul-Kv guerrovant au Xord contre les princes féodaux de Langson et de Cao-Bang puis réprimant une révolte du « Seigneur du Sud », Chua de Cocliincliine,

Les annales annamites nous

Nguven-Pliuoc-Nguven ancêtre de seulement

d'hui régnante. C'est

la

dvnastie aujour-

au milieu du

siècle

Lèabandonnnent Hanoï et transportent le siège de leur gouvernement à Hué pour surveiller de plus près les provinces du Sud. dernier que les rois

La connaissance de

ces

notions, trop ignorées des

premiers négociateurs français, nous eût évité de graves

mécomptes.

Il

en ressort en

effet

que toute l'Indo-Chine

française obéit depuis plusieurs siècles

annamites. Le Tonkin, loin d'être,

aux souverains

comme on

l'a

cru,

une conquête récente, est le berceau de l'Annam. Le nom de Tonkin n'existe même pas pour les habitants, et jusqu'à l'extrême frontière de Chine le sol est qualifié

par eux de

occupation teurs,

les

trompés par

Tonkin sous voir

«

Terre

d'Annam

explorateurs et

le

les

nom

il

».

Au début

de notre

premiers administra-

fréquentes rébellions menées au

dos anciens rois

un attachement durable

locale, là

les

n'y avait

le

Le,

avaient cru

une ancienne dvnastie plus souvent que prétexte à à


APERÇU HISTORIQUE pillage. Ils

ment

en avaient conclu que

9

Tonkinois

les

n'ai-

pas les Annamites et qu'il y aurait profit à les en

détacher plus encore. La cour de Hué, comprenant

le

parti qu'elle pourrait tirer de cette erreur, se garda de

put obtenir ainsi qu'en i884

la dissiper et

l'Annam

central fût

verrons

combien

séparé de celui

de

?sous

régime nous a

différence de

cette

le sort

du Tonkin.

causé d'embarras et de difficultés dans la suite.

Revenons

De 1770

à nos débuts.

1800 une révolte

à

générale et une invasion des terres basses par les Tav-son

(montagnards de l'Ouest) dévastent

péninsule ou

la

l'anarchie se prolonge pendant de longues années après le

la dvnastie des Le. Aux environs de Chua de Cochinchine Nguyen-Anh qui sera

renversement de

1786

le

plus tard l'empereur Gia-Long, chassé à son tour

et

réduit aux abois, rencontre M^"" Pigneau de Behaine,

évoque d'Adran, missionnaire de Cochinchine

et

du Siam

apostolique

s'ouvre à

et

lui

du

projet

qu'il

demander secours aux Espagnols ou aux HolL'évèque français voit là une occasion provi-

l'orme de landais.

France

dentielle de conquérir à la ce

magnifique empire.

fier

son jeune

fils,

s'embarque pour

à Versailles avec le

et

au christianisme

décide rSguyen-Anh à lui con-

Il

France

la

comte de Montmorin

et

28 novembre 1787. La France promet une corps de débarcpement et piastres.

L'Annam

un subside de cinq

cédera en échange

la

conclut

le traité flotte,

du un

cent mille

baie de

Tou-

rane, l'archipel de Poulo-Condore et garantira le libre exercice

du christiamisme dans

tout l'empire.

Les embarras intérieurs, préludes de

vont empêcher Louis

XYI

mais l'évèque d'Adran ne ture de la France.

Il se

de tenir

ses

la

Révolution,

engagements

;

laissera pas protester la signa-

rend à Pondichéry, arme à 1.

ses


L'EXPANSION FRANÇAISE AU ÏONKIN

10

doux navires, engage des

frais

officiers,

des médecins. Sur ses conseils,

des ingénieurs,

Tarmée annamite

est

reconstituée à Saigon. Avec l'aide de cette poignée de

Français,

Nguyen-Anh reconquiert le royaume d'Annam

jusqu'aux frontières de

la

Chine

et vient

nom

cou-

se faire

ronner empereur à

Hué

Énergique

nouvel empereur, mettant à profit

et actif, le

les conseils et les services s'est

attachés

S

sous le

de Gia-Long.

des quelques Français qu'il

réorganise son empire et

le

gouverne en

paix pendant trente ans. Le souvenir de cette restauration est resté très vivant aux environs de Saigon

la

un tomheau magnifique à son bienfaiteur l'évèque d'Adran. La mémoire de cet homme remarcjuable est encore l'objet, chez les Annagratitude de Gia-Long a élevé

mites de Cochinchine, d'un respect presque superstitieux.

Mais

la

reconnaissance

est

guère demander aux nations,

une vertu

même

ne faut

qu'il

en Extrême-Orient.

Les missions furent récompensées des services rendus par cinquante ans de l'excès

notre

même

persécutions incessantes. C'est

de ces violences qui forcera peu à peu

intervention.

Cette intervention sera

du

reste

bien intermittente et dépourvue de sanction pendant la

première moitié du

En 1843

le

siècle.

commandant Lévèque, monlrant

villon français à

le

pa-

Tourane, apprend que cinq mission-

naires attendent la mort à llué.

Il

les

réclame

et

obtient

leur mise en liberté.

et pour ne citer que le plus connu, le codu génie Olivier reconstruisait, d après les types de Yauban cl de Cormontaigne, les citadelles de lAnnani et du Delta du Tonkin qu il nous faudra prendre d'assaut quatre-vingts I.

Entre autres

lonel

ans plus tard.

'


n

APERÇU HISTORIQUE

En

1844»

c'est l'amiral Cécile

l'évèquc français, Ms"" Lefèvre,

qui exige

la

condamné

remise de à

mort

à

Hué.

En

1847,

Gloire

» et «

commandant

^^

La \ictorieuse

Lapierre,

» est à

des remontrances. Tliieu-Tri, le roi

de

le faire

par

un

du moment,

tomber dans un guet-apens. Prévenu

«

à

La

faire

essaye

temps

chrétien indigène, Lapierre brûle et coule en

deux heures

la

annamite avant de quitter ces meurt de colère, dit-on, en appre-

flotte

parages. Thieu-ïri

nant

avec

Tourane pour

la chose, et laisse le

auquel nous aurons à

trône au trop célèbre

faire

Ïu-Duc

pendant trente-deux ans ^

I. Notons en passant l'origine, sous le règne de Tu-Duc, des garnisons chinoises et de la grande piraterie au Tonkin. En 1847. Tu-Duc, pour avoir raison des révoltes incessantes des tribus du Haut-Tonkin, qui supportaient malaisément le gouvernement des mandarins annamites, demande et obtient 1 envoi de garnisons chinoises qui occupent Cao-Bang, That-Ké et Langson. Nous les retrouverons quarante ans plus tard vivant toujours sur le pays que cette charge aura ruiné.

Aux

environs de

1860,

les

bandes formées par

la

grande

insurrection chinoise dite des « Taj-Ping », après avoir dévasté une grande partie de la Chine et mis en péril la cour

de Pékin, étaient venues se heurter près de Shang-Haï au corps expéditionnaire franco-anglais. Elles y avaient subi un premier échec et bientôt leurs débris, dispersés et poursuivis par les généraux chinois, avaient dû chercher un refuge hors des frontières de lEmpire, en particulier au Tonkin. Les Pavillons Noirs, sous la conduite de leur chef Luu-vinh-Phuoc, prirent Laokai et le fleuve Rouge. Les Pavillons Jaunes, moins forts, se contentèrent de Ha-yang et de la rivière-Claire, confisquant à leur profit le transit de ces voies commerciales et se livrant à de continuelles incursions dans les provinces du Delta.

En

1867, Tu-Duc, impuissant à s'en défaire, réclamera de

nouveau laide de la Chine. Un haut mandarin, envoyé de Pékin pour étudier la question, conseillera au souverain annamite d'abandonner Laokai et Ha-yang, moyennant quoi les bandes chinoises s'abstiendront de dévaster

les basses provinces.


FRANÇAISE AU TONKIN

L'EXPAiS'SION

12

Plus hoslilc encore que sation étrangère,

il

de missionnaires français

coup mis à mort

ses prédécesseurs à la

redouble de violence.

et la

et

France

civili-

Une douzaine

espagnols sont coup sur se décide à

envoyer, d'ac-

cord avec l'Espagne, une mission dirigée par M. de

Montignv pour faire des remontrances et exiger un traité. Montignv est reçu par des avanies et il faut avoir recours à 1' « ultima ratio » pour obtenir réparation de cette nouvelle insulte.

Le 3i août i858, une escadre franco-espagnole, sous les

ordres de l'amiral Rigault de Genouilly,

devant Tourane dont faire traîne

fond dans les

mains

les forts

en longueur,

la presqu'île

on

vides,

le

mouille

sont emportés. Mais l'afcorps expéditionnaire se

de Tourane et pour ne pas rentrer

se décide

(i5-i7

fév.

1809) à prendre

Saigon.

Pendant l'expédition de Chine, une franco-espagnole de huit cents Palanca-y-Gutliérez et

le

hommes

petite garnison

avec le colonel

capitaine de vaisseau d'Ariès

nous conserve ce coin de terre au prix d'héroïques efforts. Une armée de c[uinze à vingt mille Annamites,

commandée par

le

vieux maréchal Nguyen-Tri-Phuong,

que nous reverrons au Tonkin, avait étroitement bloqué la ville par une circonvallation de plusieurs kilomètres connue sous le nom de « lignes de ki-hoa » Elle gagnait peu à peu du terrain sur la petite troupe européenne que les fatigues, le climat et les combats réduisaient de .

jour en jour.

Tu-Duc

Il

était

temps que l'expédition de Chine

devra se contenter de cette liuniilianlc solution et c'est modus vivendi que dans toutes nos expéditions au Tonkin nous trouverons les Pavillons Noirs ou Jaunes toujours prêts à donner aux mandarins annamites, contre nous, un ai)pui dont ils se payaient largement sur le pavs.

^^ràce à ce


APERÇU HISTORIQUE

Au

prît fin.

jette trois

retour, ramlral Cliarncr (G février iS6i)

ou quatre mille hommes

après

Saïg^on

i3

jours de

plusieurs

à terre et

débloque

combats acharnés.

L'amiral Bonnard, successeur de Charner, occupe sans peine

les

provinces de My-tho, Bien-IIoa, Bariaet Vinh-

Loni>-.

c

A que kin,

de ces succès

la suite

en présence des embarras

et

un soulèvement presque général au TonTu-Duc demande la paix et on lui accorde un peu

lui

cause

hâtivement

le

premier

traité

de Saigon (5 juin 1862).

Nous gardons Bien-Hoa, My-tho, Saigon

L'Annam

Condore.

ouvrir trois ports au Il

Poulo-

commerce européen.

eût été prudent, avant de s'engager ainsi, de suivre

événements

les

et

s'engage à payer vingt millions et à

c[ui se

dant chrétien de

la

passaient au ïonkin.

Un

descen-

dynastie des Le avait réuni dans

les

du nord des bandes déjà nombreuses et occupait sept provinces du Delta, moins les citadelles. Il a^ait fait faire des ouvertures au gouvernement de provinces

Saigon, réclamant seulement

On

n'en tint pas compte

qualité de belligérant.

la

de cette aventure, qui eût

et

peut-être changé la face des choses, l'idée fausse

que

nam. Le

traité

tionner,

ne

le

ïonkin

de 1862,

fut

il

il

resta seulement

désirait se séparer de l'An-

est à

peine besoin de

jamais observé par

les

le

men-

Annamites qui

ne payèrent pas, n'ouvrirent aucun port et s'emplovèrent dès le premier jour à

nous créer des embarras en

Cochinchine. L'amiral de

l'Annam, possible

:

il

la

Grandière, dès i863, comprit qu'avec

n'v avait pour nous qu'un arrangement

tout prendre. Avant tout, pour assurer à notre

colonie naissante

le

transit de

Doudart de Lagrée imposer

Mé-Kono-,

et signer

il

envoie

notre protectorat


L'EXPANSION FUANÇ.VISE AL TONKIN

i',

sur le

Cambodge

(ii août i863). Puis, sans hésiter et

sans tenir compte des réclamations de Hue,

provinces de Cochincliine,

six

il

occupe

les

organise et prépare

les

notre protectorat sur tout l'empire. Malheureusement

ne sera pas suivie

sa politique

et

nous faudra vingt

il

de sanglantes aventures pour

ans de tergiversations

et

en revenir au plan de

cet

homme

supérieur.

La Gran-

dière est le véritable fondateur de notre empire d'Ex-

trême-Orient

de

et l'artisan

la prospérité

de

la

Cochin-

cliine.

La guerre de 1870 va du porter à notre prestige

un

reste arrêter nos progrès et

tel

coup que Tu-Duc n'hési-

tera pas à offrir la paix à l'amiral de Cornulier Lucinière

movennant

la

restitution pure et simple de toute la

Cochincliine. i\ous arrivons, en directe de la

1872, à

la

première intervention

France au Tonkin. L'amiral Dupré, gou-

verneur de Cochincliine, esprit clairvoyant mais man-

quant de consistance,

dans une situation

se trouvait

diflicih^ Pris entre les ordres très nets

du cabinet de

Paris et le sentiment de sa responsabilité, la passivité

voulue pour

dangereuse, ni les

le

se

n'avait ni

caractère suffisant pour se permettre

audaces fécondes qui forcent

initiative

il

renfermer dans une inaction

prendra

la

les

événements. Son

forme de désobéissances

qu'il s'ef-

force de dissimvilcr- Les réticences, les désaveux et les

habiletés qu'il emploiera

perdre tout l'honneur

pour

et à la

se

couvrir, lui feront

France tout

courageuse entreprise de Dupuis

cl

le fruit

de

la

de l'admirable cam-

pagne de Garnier.

Dans

le

courant de l'année 1872, l'amiral Dupré se

]ilaint officiellement à la

cour de Ilué des massacres de

chrétiens, des pillages et des désordres qui se succèdent


APERÇU HISTORIQUE

Tu-Duc

sans rclàclic au Toiikin.

contre l'aide

les pirates

des habitudes annamites, prend

cour au sérieux «

Bourayne

et

»,

envoie

dans

les

très

mal

mandant Sénèz,

se déclare

chinois de terre et de

du f-ouverneur de Saigon. le

i5

mer

Celui-ci, les

impuissant et

demande

peu au

fait

explications de la

commandant Sénèz

avec le

eaux de Haïphong. Le comreçu, rentre à Saigon.

Depuis l'exploration du Mé-Kong, où Doudart de Lagrée avait trouvé

mort en 18G8, le monde comdu fleuve Rouge. Le Mé-Kong,

la

mercial se préoccupait

ayant été reconnu impropre à l'écoulement des produits

du lunnan vers la mer, on espérait trouver dans le ileuve Rouge une route commerciale relativement facile et plus courte de cinq à six cent lieues que la voie suivie jusque-là par

Un

voyage au

Yang-Tsé

Yunnan,

Yunnan en

187 1.

de munitions pour

En l'appui

la

Shang-Haï.

Il

fait

un premier

avait été bien reçu par

maréchal Ma, vice-roi du une grosse commande d'armes

et le

lui avait confié les

tenait contre les rebelles

sud de

et

Jean Dupuis, avait

mandarins chinois,

les

et

le

Français,

besoins de la guerre qu'il sou-

mahométans des provinces du

Chine.

Dupuis est en France où il demande du gouvernement. L'amiral Pothuau l'encourage

1872,

dans son entreprise, tout en lui déclarant qu'il ne peut conqiter sur ral

Dupré,

une intervention

officielle.

qui s'intéressait

commerciale du fleuve Rouge, reçoit s'engage à lui faciliter l'entrée

A Saigon, l'ami-

vivement à l'ouverture fort bien

Dupuis

et

du Tonkin.

En novembre 1872, après avoir fait ses achats à Hong-Kong, Dupuis, escorté par « Le Bourayne », se présente devant Haïphong avec deux bateaux à vapeur, une chaloupe également à vapeur et une grosse jonque.


L'EXPANSION FRANÇAISE AU TONKIN

tG

Les mandarins, étonnés, déclarent qu'ils ne peuvent l'autoriser à entrer

dans

Dupuis attend

la cour.

le fleuve

sans en avoir référé à

pas de réponse, remonte à Hanoï

une

M^'*"

où son arrivée cause

On mande

véritable panique.

français,

ne recevant

([uin/o jours, puis,

en hâte l'évèquc

Puginier, que pour la première

condjle d'honneurs et le Nice-roi lui

fois

on

demande d'interNC-

nir pour éloigner Dupuis. L'évèquc « perd son latin » à evplicpicrau

libre

prince

Hoang

les

avantages du commerce

obtient seulement qu'on s'abstiendra de vio-

il

;

lence en attendant les instructions de la cour.

Dupuis cependant

remonte au Yunnan où 3o

le

avril,

rentre à

il

est

reçu avec enthousiasme,

Mang-Hao, le i6 mars 1873, et Hanoï avec le chargement de huit

son chargement

livre

décide à forcer la consigne,

se

à

grosses barques et i5o soldats chinois

Ma

lui a

donnés

comme

l'eau

que

du

riz,

boit son escorte.

on va

le

on

maréchal

lui crée des

ses

jonques, on

jusc^u'à

empoisonner

embarras de toutes sortes: on coule refuse de lui vendre

que

escorte. Là,

La cour de Hué

s'adresse à

au 2:ouverneur de Saison et même aux Anglais de Hong-Kong pour expulser Dupuis dont la Aie""

PuGfinier,

présence à Hanoï les

remue l'Indo-Chine

Annamites avaient

de sable

allait

le

entière,

comme si

pressentiment cjue sur ce grain

définitivement trébucher

le viel

empire.

du gouvernement annamite et les réclamations de Dupuis qui demande une grosse indemnité, l'amiral Dupré juge qu'il ne peut tarder plus longtemps à intervenir. Le moment lui Devant

paraît

les lettres

pressantes

opportun de réclamer l'exécution des

la libre

navigation du fleuve Rouge. Mais

résoudre à rompre, en brusquant

il

traités

et

ne peut

se

les choses, les

labo-

rieuses négociations entreprises avec la cour dans le but


APERÇU HISTORIQUE d'obtenir

un nouveau

arranger sans

politique. .Espérant tout

traité

compromettre

11

prend

le parti

De désavouer publiquement Dupuis

mettre pour à la

même

par

la

se

17

le faire partir

époque une

et

:

de s'entre-

(tout en lui faisant avancer

somme

de trente mille piastres

Hong-Kong and Sliang-Haï Bank) D'envoyer un commissaire au ïonkin accompagné ;

d'une petite escorte, avec l'ordre d'arranger

Dupuis

ment autant que La duplicité

manions

l'alTaire

mission demi-avouée d'obtenir, pacilique-

et la

du

possible, l'ouverture

un procédé

est

fleuve

Rouge.

que nous

politique

Dupré

assez mal. Les habiletés de l'amiral

et

son double jeu devaient nous mener à un désastre. Si Garnier,

comme on

l'avait dit

aux Annamites,

Tonkln pour expulser Dupuis,

il

avait mission d'imposer l'ouverture il

en donner

fallait lui

données

les

communications

jour complet sur cette

ment

au

du

fleuve Rouge,

moyens. Les instructions

à Garnier, les lettres écrites

de Hanoï,

et

les

allait

devait aller seul. S'il

triste

aux évoques de Hué

à la

affaire.

cour ont

fait

un

Rappelons seule-

les faits.

Le choix du gouverneur de Saigon

porté sur

s'était

Francis Garnier, alors lleutement de vaisseau et ancien

compagnon de Doudart de Lagrée dans son exploration du Mé-Kong, pour remplir les fonctions de commissaire au Tonkin.

C'était

un homme

droit et énergique,

con-

naissant bien l'Annam, grand esprit et grand cœur. 11

en a

Au vingt

fait la

preuve.

milieu d'octobre 1878,

hommes

et

deux

il

quitte Saigon avec cent

petits vapeurs,

tions écrites et verbales assez larges lettre particulière ral

me donne

il

les

muni

traduise par ces mots

carte blanche

»

d'instruc-

pour que dans une :

«

L'ami-


L'EXPANSION FRANÇAISE AU TONKIN

i8

Il

est

mal reçu

Hanoï où son escorte inspire de

à

la

méfiance. Les mandarins refusent de traiter toute aulre

question que

le

départ de Dupuis et déclarent c^u'à cela

doit se borner sa mission.

Devant

l'attitude

de Garnier,

vieux maréchal Nguyen-Tri-Pliuonf^, notre adver-

le

de Saigon, ne cache pas son intention d'en avoir

saire

raison par la force. •Noirs et

Il

réclame l'assistance des Pavillons

rassemble en hâte des troupes dans

de Hanoï. La situation devient critique vigoureuse peut seule sauver

Le

17 novembre,

Le

le vice-roi blessé à

Avec une

trois jours

20, à 7 heures

minutes de combat

la citadelle

une action

troupe française.

Garnier envoie un ultimatum aux

mandarins leur donnant troupes.

la petite

et

pour licencier leurs

du matin,

la citadelle est

après trente-cinq

emportée d'assaut

et

mort.

une sûreté de vues remarquables, un jour, organise l'administration, prend la responsabilité des événements, se met en rapport avec les mandaj ins provinciaux bien disposés la activité et

Garnier, sans perdre

;

confiance renaît autour de lui. Cependant les Pavillons

Noirs descendaient sur Son-Tay, la province de

Dinh commençait

soulever,

à se

il

fallait

Nam-

aller

de

l'avant.

En tête

quinze jours, quelques

de cent vingt soldats font

Balny d'Avricourt avec

hommes prend Phu-Ly saut la citadelle de

«

hommes la

de cœur à

la

conquête du Delta.

L'Espingole

» et vingt-huit

en passant, puis emporte d'as-

Haï-Duong. L'aspirant Hautefeuillc

un canot à vapeur, monté hommes; il ouvre le feu, saute à terre, se présente avec six hommes le revolver au poing, à la porte de la citadelle, et donne un quart d'heure au commandant de la place qui se rend avec ses deux cents hommes arrive devant ?sinli-Biiih avec

par huit


APERÇU HISTORIQUE

19

de garnison. Garnicr lui-même emporte

la citadelle

de

?sam-Dinli.

A la nouvelle

de ces événements, l'amiral Dupré, bien

recommande

inspiré cette fois, félicite Garnier, lui

la

annonce cinq cents hommes de renfort. Cependant les réguliers Annamites, réconciliés avec

prudence

les

et lui

Pavillons ?Soirs, avaient profité de la courte cam-

pagne dans

Delta pour se rapprocher de Hanoï et

le

former, à quelcjues heures dans cinq à six mille

nord,

le

un camp de

hommes.

Le 17 décembre, Garnier rentre

à

Hanoï avec quatre

mandarins envovés pour reprendre, d'accord avec

du

lui,

va traiter en vainqueur

et

imposer sans discussion aux Annamites, encore sous

le

l'administration

pavs.

Il

coup de son prodigieux succès, toutes

les

garanties

nécessaires.

Le 21 décembre, dans

la

matinée, de nombreuses

bandes sont signalées aux portes de V court,

la citadelle.

Garnicr

avec quelques volées de mitraille et

les disperse

s'élance sur leurs traces à la tète d'une douzaine de

marins quatre à :

le

chemin avec

lui-même sur une centaine de

droite, quatre à gauche,

trois

hommes

suivi à

mètres par un détachement qui ne peut Bientôt

n'a plus

il

que deux

fuyards qu'il rejoint se jettent dans se

laissent dépasser puis

hommes

A

la

même

Balnv d'Avricourt

Ce

fut

heure,

se faisait tuer

sur

de

une catastrophe, Garnier

Rien cependant

de vaisseau

se

querie prend

Les

hautes herbes,

coupent

les têtes et

une autre la

même

était

n'était perdu.

route,

façon.

l'àme de l'expé-

Deux

enseignes

M. Bain de la Cocommandemant militaire, ^L Esmez

partagent le

les

précipitent sur les trois

essoufflés, les renversent,

s'enfuient.

dition.

se

le rejoindre.

soldats derrière lui.

la tâche.


L'KXPANSION FRANÇAISE AU TONKIN

20

la (liroclioii j)ollliqiic.

Grâce au dévouement de Dupuis

ininiédiatenienl sa

(|ui joint

services de toutes sortes

du premier jour

sation

[)elitc

troupe chinoise à

la

surtout aux conseils et aux

j^arnison française, grâce

de

est

M^*" Puginier, la

démorali-

surmontée. Les négociations

sont reprises avec les envoyés de la cour et aboutissent à

une convention honorable sauvegardant nos

droits,

noire honneur et surtout la sécurité de nos partisans

payens

et

chrétiens qui se croyaient couverts par

la

parole de Garnier.

Le gées

janvier 18-4. les signatures allaient être échan-

2

quand parvint inopinément de Haïphong une

dépêche

.signée «

Philastre » ordonnant de suspendre

toute négociation et de remettre sans délai ni condi-

du

tions toutes les citadelles

Delta. Quel était l'auteur

de cette incompréhensible intervention trouvait-il

M. de

au Tonkin

et

comment

se

?

Philastre, inspecteur des affaires indigènes et chef

la justice

indigène en Cochinchine, très versé dans

l'élude de la langue, de la philosophie et des rites anna-

mites roi

d'amitié avec les mandarins de

était lié

Au moment

lui-même.

rendu

à liué à titre

Saigon après

de

l'affaire

Hué

Dupuis,

il

et le

s'était

de négociateur ofiicicux. Rentré à

la prise

de Hanoi,

il

en repart, sur

les

du roi, mais sans mission ofiicielle, pour accompagner au ïonkin les commissaires annamites. En instances

débarquant, sa

il

apprend

propre autorité

la

la

mort de Garnier, prend de

direction des affaires

et

donne des

ordres, pa\ant d'audace.

Avec

les

cinq cents

lastre pouvait, sans

hommes

coup

méditait l'amiral Dupré,

envovés de Saigon, Phi-

férir,

imposer

le

traité

exiger des garanties et

pléter glorieusement la mission de Garnier.

Nous

que

com-

l'avons


APERÇU HISTORIQUE vu dès son tion,

ouvrages

du

Delta.

Il

inaugurait

plus modérés et les plus

les

qualifie depuis de

de cette

de connaître

Politique d'abandon

«

la situa-

de faire évacuer sans conditions

lui

toutes les citadelles les

même

arrivée, avant

prendre sur

2,

épitliète restera

dans

que

ce

officiels

ont

La honte

».

au

l'histoire attachée

nom

de Philastre. L'amiral Dupré, dans l'embarras, donne à Philastre pouvoirs qu'il

les

ordres

le

pas attendus et

n'a

lieutenant de vaisseau Balaizeau,

met sous ses commandant

les troupes. Il

faudrait pouvoir suivre dans le détail cette

table débâcle. M^'" Puginier, et

de fléchir Philastre au

neur de

la

France

si

M. Esmez

nom

lamen-

tentent d'éclairer

des intérêts et de l'hon-

gravement compromis. Celui-ci

les

que tout va bien depuis la mort de Garnier, Le pays est tranquille maintenant que ce

reçoit fort mal.

Il écrit

«

flibustier », ce « forban » n'est plus là

le

désordre. L'amiral

aux convenances

;

Dupré

mais voyant que

les

pour y mettre

de

est obligé

le

rappeler

choses tournent

mal il commence lui-même à désavouer Garnier. Haï-Duong avait été évacué le i«^ janvier. M. Balaizeau transmet l'ordre aux commandants de Ninh-Binh et

de

Nam-Dinh de

rendre

les citadelles

:

«

Au

honnête homme, en s'en faisant donner reçu dant on égorge

En

et

».

premier

Cepen-

on brûle sur les talons de nos troupes.

quelques jours plus de quatre cents chrétientés sont

en cendres, païens

cincj à six

mille chrétiens, des centaines de

soupçonnés d'avoir aidé

mandarins qui avaient consenti

les

Français, tous les

à continuer leurs fonc-

Hanoï où sept mort dans l'àme, à

tions sont massacrés jusqu'aux portes de

cents soldats Français assistent, la ces tueries.


L'EXPANSION FRANÇAISE AU TONKIN

:>.i

œuvre étant achevée,

Ou('l(|ucs spinainos nprrs, son

signe

IMiilaslrc

avec

une convention abandonnent

laquelle nos troupes

Tonkin sans conditions.

le

une amnistie pour tous

spécifier

promis

])ar

régent Nguycn-van-ïliuong

Je

à notre service

un peu

;

indigènes

les

tard,

Dupuis

et

a soin d'v

11

il

com-

vrai, car

est

il

n'en restait plus.

Tout commentaire amoindrirait l'impression de ce dénouement. La

bonne

foi

l^hilastre

laiblesse, la

lâcheté et le

sont de mauvais procédés de a

preuve de tout cela au

fait

France. Nous

manque de

colonisation,

nom

de

en supportons encore aujourd'hui

la les

conséquences.

Le 17 mars 1874 gon.

deuxième

est signé le

L'Annam nous

traité

de Sai-

reconnaît propriétaires des

six

provinces de Gochinchine (où nous étions définitivement installés depuis dix ans); déclare s'engager à régler sa

politique extérieure sur lleuve

Rouge

voyer dans trois cent

celle

de

quelques ports

et

villes

(1'=''

une l'Annam

traité

à

de Saigon)

et fait

de cinq bateaux à vapeur, cent canons Il est

France

;

ouvre

nous autorise

des consuls avec

hommes. La France remet

vingt millions

la

et

et

le

en-

à

escorte

de

sa dette

de

cadeau au roi

mille fusils.

superflu d'ajouter qu'aucun de ces engagements

ne sera tenu par l'Annam. Les procédés de Philastrc

nous avaient aliéné

Tonkin. Dès

Le

fait

perdre

pour longtemps le

la

le reste

premier jour

fleuve llouge pas plus

de notre prestige

confiance des populations le traité fut lettre

que

les ports

ne

au commerce. Les massacres de chrétiens

et

du

morte.

fut ouvert

et les

provo-

cations à l'adresse de la France ne tardèrent pas à se

multiplier.

intenable.

La

En

situation de nos consuls devint

1877

et

1879

la

peu

à

peu

cour de llué renouait,


APERÇU HISTORIQUE par des ambassades,

Chine que

les liens

même

en

de vassalité vis-à-vis de

la

de 1874 déclarait rompus. Le mar-

le traité

quis Tseng, représentant notifiait

9.?,

temps

du à

Céleste

Empire en Europe,

Paris que la cour de Pékin

refusait de reconnaître ce traité.

Nous

f

voici,

une

fois

encore,

amenés par

la force des

choses à intervenir au Tonkin. L'amiral Cloué, ministre

de

la

marine, v consent à condition qu'on ne deman-

dera pas d'argent.

« Il est

temps,

écrit-il à

M.

le

Mvre de

gouverneur de Cochinchine, de relever

ce

A ilers,

«

prestige de l'autorité française amoindri par nos hé-

nos

défaillances

«

sltations et

«

garder avant tout

«

d'une conquête militaire, etc

«

,

.

de

se

et

cependant

il

le

faut se

lancer dans les aventures

,

«

Pour

«

sur une manifestation matérielle qui n'ait nullement

«

le

«

cependant à

«

moyens de

se faire

accepter, cette attitude doit s'appuyer

mais qui

caractère d'une action militaire, faire

suffira

comprendre que nous avons

faire respecter l'autorité

de

la

France.

les

»

textuellement pour montrer à quoi servent

J'ai cité I

en France

les

leçons de l'expérience.

Le 26 mai 1882, Henri Rivière part de Saigon avec deux compagnies d'infanterie de marine, une section d'artillerie, un détachement de tirailleurs annamites et

des instructions

du gouverneur de Saigon,

lui pres-

crivant de n'agir que « politiquement, pacifiquement,

administrativement

». Il était difficile

de pousser plus

loin l'optimisme.

A

quoi bon reprendre

expédition effets

?

et les

l'histoire

de cette seconde

mêmes causes amènent les mêmes mêmes fautes sont suivies des mêmes reLes

vers qu'en 1870.

Rivière, avec sa poignée

d'hommes,


L'EXPANSION FRANÇAISE AU TONKÎN

2',

aux mcmcs extrémités que Garnicr.

est acculé bientôt 11

emporte d'assaut

félicitations

la

citadelle

de Hanoï

reconciliés provisoirement avec les

commun

l'ennemi le

et reçoit des

mais pas de renforts. Les Pavillons

^y'oirs

Annamites contre

descendent sur Hanoi. Rivière

est tué

19 mai au pont de Papier. La mort de Rivière crée enfin en France un mouve-

ment d'opinion suffisant pour justifier une demande de crédits. 11 n'est plus « polititpjemenl,

On

à

le

qu'on va frapper celte

fois,

la division

un ultimatum

Har-

C'est à

Hué

:

avec raison.

de l'amiral Courbet mouille

en baie de Touranc. Le 3i fendant l'entrée de

».

D"*

triumvirat

mand, amiral Courbet, général Bouët.

23,

Chambre

pacifiquement, administrativement

envoie, pour régler railaire,

Le 19 août

la

possible d'agir

les forts

la rivière

de Tuàn-An, dé-

de Hué, sont emportés. Le

très net signifie à la

cour cju'on

est

décidé à aller jusqu'au bout.

La guerre avec l'Annam est officiellement terminée. M. Harmand signe à Hué les préliminaires de i883 suivis en i884 du traité Patenôtre qui régit encore nos rapports avec

^ oilà

Chacun

les

Annamites.

comment nous sommes venus au Tonkin. est libre

de chercher à démêler

ligne de conduite politique

dedans une

ou commerciale. Beaucoup

l'ont essavé sans parvenir à se mettre d'accord.

On

a successivement jeté le

éloges, avec

mêlés par

une

blâme ou prodigué

égale injustice, aux

la force des choses,

hommes

les

politiques

plus que par leur volonté

propre, à cette lointaine et coûteuse aventure. Le principe

d'une

expansion

aussi disproportionnée

avec la

i


APERÇU HISTORIQUE vitalilc appareille

du pays

est

25

lui-même

cussions ardentes. Les uns déplorent avec voir dépenser ainsi sans

de dis-

amertume de

et sans profit les forces

nous ne saurions être trop ménagers en pré-

vives dont

toujours

d'éventualités

vision

mesure

l'objet

cherchent à démontrer

menaçantes. D'autres

la légitimité

et la nécessité

de

semblables entreprises à l'aide de considérations politiques

ou

un peu

sociales

subtiles

mais

qu'il est toujours

possible, en lin de compte, de faire cadrer avec les évé-

nements.

Ils

sont dans leur droit.

Pour nous, notre

l'étude des circonstances qui ont

propre à modifier chapitre.

France

pour son

en

établissement

est

pas

conviction affirmée au début de ce

la

elle

poussée

est

y

mais

toujours

toire le prouve.

Du

moralement sur

les

jour où

raidissant contre

comme autrefois ses trois

sa fin sera proche.

en aveugles,

un courant

Son his-

cessera de rayonner

d'appuyer avec

l'expansion catholique, laisser traîner

elle

contre

quelc|uefois

invinciblement*

peuples neufs,

les vieilles nations, et

nous

amené

n'est

Nous acceptons l'expansion parce que la condamnée à l'expansion, elle en a besoin

vivre,

gré

Extrême-Orient,

et

sur

couleurs

Au

lieu de

de perdre, en nous

plus fort que nos volontés

matériel auquel nous avons droit,

humaines,

le profit

ne

pas plus sage de nous faire les complices

serait-il

clairvovants

lourde à

de

la vérité,

la

Providence

')

C'est

une mission

mais féconde pour celui qui l'accepte

franchement. Bien des peuples nous Font enviée depuis des siècles et ne dissimulent pas leur joie de nous la

nous reste àprement disputée de nos jours où les continents servent d'enjeu. Les Anglais elles Allemands sont de redoutables joueurs c£ui ne se font pas faute de

voir mépriser. C'est en effet le seul atout qui

dans

la partie si

Grandmaiso?»

2


L'EXPANSION FRANÇAISE AU TONKïN

30

iriclicr à l'occasion. ?Soiis

avons une belle carte

ne

la percions pas.

Je ne vois, pour

ma

part,

dans

la

conquête de l'An-

nam, que

l'évolution naturelle, longtemps contrariée,

est

de

vrai,

la

l'évèque d'Adran.

compliquée

et

Il

savait

impuissante

qu'une organisation

comme

Orient, mise en contact direct avec

haute

et

le

celle

une

sociale

de l'Extrême-

civilisation plus

plus active doit nécessairement se dissoudre et

disparaître à la longue. C'est la loi

sens

il

puissante conception civilisatrice de

plus élevé.

Une

fois le

du progrès dans son

premier coup de pioche

donné dans l'édifice branlant et vermoulu de l'empire d'Annam, il fallait le déblayer jusqu'au sol pour permettre à

la civilisation

chrétienne d'y jeter des racines

profondes. Nous avons accompli cet elTort instinctive-

ment, sans en comprendre prévu

les

la

portée et sans en avoir

conséquences. Aussi, bien qu'à tout prendre,

l'entreprise promette de

beaux

résultats,

comme

elle a

donné peu de bénéfices matériels, on voit percer chez beaucoup de ceux qui parlent du ïonkin le ton un peu honteux de gens qui ont fait une mauvaise affaire et s'en défendent faiblement.

jusqu'ici coûté fort cher et


CHAPITRE

II

Les difficultés locales n'expliquent pas au Tonkin nos longs insuccès. Nous voulons exploiter Ils tiennent à une erreur de principe.

à l'Anglaise

au

1

lieu

de

civiliser.

Résultats.

Nous n'avons su

inspirer confiance ni aux indigènes, ni aux colons, ni aux capitaux.

Vices administratifs.

Qii'avons-nous superflu

de

fait

au Tonkin depuis i884?

clierclier

médiocrement

Exemples.

réussi.

à

H

serait

démontrer que nous avons

Les difticultés

rencontrées au

début sufiisent-elles pour expliquer notre impuissance à mettre

un peu

nées? Je ne

d'ordre au Tonkin pendant tant d'anpas. Voici

le crois

note politique écrite en i884 apostolique

du Tonkin

quelques extraits d'une

i:)ar

M^^'Puginier^ vicaire

occidental, sur la

demande

des

résume parfaitement l'état de Mais enfin, demandent quelques-uns,

autorités françaises. Elle la question.

«

ce

quels avantages

«

expédition

,

positifs

pour

se

retirera la

dédommager

France de des

cette

sacrifices

Remarquons une fois pour toutes, que j'entends parler non pas de lexpansion pacifique de la race anglo-saxonne

1.

ici

mais de l'exploitation par f Angleterre des pays cpi'elle ne peut L Inde par exemple. songer à peupler. 2. Mo'" Puginier, évèque français de Hanoï, était, au dire de ceux qui l'ont approché, l homme qui connaissait le mieux le Tonkin. On le croira sans peine, car à sa mort, en 1892, il y comptait 34 ans de séjour et 24 ans d'épiscopat. G est le témoin de la première heure, le conseiller des mauvais jours, trop peu écouté malheureusement. 11 a tout vu et tout prévu. Ses notes et sa correspondance sont d'un intérêt de premier Schneiordre. Voir: Vie de J/s^ Puginier, par E. Louvet. der, Hanoï, 1894-


L EXPANSION

38

AU TONKIN

Fil ANC AISE

«

énormosqu'clle s'Impose? La réponse h cette question

«

est facile

«

pourquoi nous sommes au Tong-King. poser

:

qu'on a engagé qu'on

la règle

miner

si,

qu'il

avant

cette question

examen

moment

ce n'est plus le

d'y

en 1873, on a bien

y avait la

11 fallait

se

Maintenant

aller.

du pays

la dignité

l'afTaire,

demander

se

exige

définitivement. Je ne veux pas exa-

serait trop long. Je

défaut de

de

de venir

fait

me

cet

ici,

contenterai de dire

de bonnes raisons pour y venir. A France, une autre nation l'Angleterre,

l'Allemagne y serait infailliblement venue. « Les avantages qu'on peut d'ailleurs se promettre sont réels et je les crois considérables. Le

un pays

dont

le territoire est

«

est

«

des cultures très variées

« la culture « plateaux

riclie

du

donnent

;

si

la

du maïs, de

riz,

Tong-King

apte à recevoir

plaine est favorable à

canne

la

à sucre, les

à leur tour des produits

non moins

différentes essences de bois, laque,

faux

«

précieux

«

gambicr, gommes, camphre, écorces à faire

«

de Chine, sans parler des mines d'or, de charbon,

:

« d'antimoine,

le

papier

dont on a constaté l'existence au Tong-

un

du

«

King. Ce pays qui

«

fournira suffisamment de bras pour tous les travaux. «

la

En

outre, le

Chine,

le

moitié

immenses

le

faciles

Laos

«

et

ses fleuves,

pour dans

faire

du Su-Tchuen

globe,

ouvre à

pénétrer ses

sud-ouest de

le

Kouang-Si, leYunnan,

le

pour

la

Kouy-Tcheou, de

ces

territoires des produits qui constituent

une

branche de commerce le zinc, le

des plus peuplés

Tong-King, par

France des voies

produits dans

la

est

et

retirer

très lucratif, le cuivre, l'étain,

mercure, etc..

Je m'aperçois que j'entre

un peu dans

l)urement commerciales, mais

il

des questions

faut bien en dire


CAUSES D'INSUCCÈS

29

«

quelque chose, puisqu'on

«

avantages matériels qui pourront compenser

«

crilices

K

Tong-King.

«

pour

«

France doit-elle s'annexer ce pays pour en

«

colonie française,

«

Quel

se

préoccupe en France des les sa-

qu'on demande au pays pour l'expédition du

est

maintenant

le

meilleur

mode

établir notre influence ici et l'y

ou

vaut-il

mieux y

à adopter

maintenir? La

une un pro-

faire

établir

c<

tectorat sérieux et effectif? Je n'hésite pas à dire

«

c'est le

« j'ai

protectorat qui vaut

le

que

mieux. C'est ce que

toujours répondu aux représentants de

la

France

demandé mon avis. La France gagnera à régime, le Tong-Ring aussi. A oici les raisons de

«

qui m'ont

«

ce

«

ma

((

difficultés, elle

«

faudra par conséquent moins de troupes,

«

moins de dépenses

«

En

«

doute,

«

Français

«

le

« «

ments nationaux que l'annexion. Les populations, voyant leurs vœux respectés, seront moins portées à

«

se soulever r

«

pavs, conservant leurs lois et leurs

«

Tong-Rinois seront

«

contents étant moins nombreux,

((

tranquille et se relèvera plus vite des désastres de la

«

guerre, grâce aux relations commerciales c{ui s'établi-

«

ront bientôt sur une grande échelle. Par suite

«

tâche de la France sera bien moins grande,

«

moins coûteuse «

manière de voir

effet,

les

ils

la

France éprouvera moins de

à faire

pour

leur

il

lui

aura

elle

réaliser le protectorat.

Tong-Rinois préfèrent,

conserver ;

:

aura moins de luttes à soutenir,

aucun

sans

autonomie que de devenir

auront moins de répugnances à accepter

protectorat qui les blesse

moins dans leurs

senti-

gouvernés par des mandarins de leur

et

satisfaits

coutumes,

en majorité; le

les

les

mé-

pays sera plus

la

bien

bien moins lonsfue.

L'annexion, au contraire, blesserait davantage 2.

les


L'EXPANSION FRANÇAISE AU TONKIN

3o

populations;

les

méconlenls en profileraient pour dans

exciter des soulèvements

dans

la

proximité de

Tonkin qui pour

comme

auraient

ils

trouveraient

population du

un point d'appui un nombre considé-

Gela occuperait

rable de troupes françaises

ils

;

la

de seize millions,

est

la révolte.

veraient

pays

le

Chine, dans

la

nos compatriotes se trou-

;

perdus au milieu d'un pays ennemi

;

continuellement à se tenir sur leurs

gardes et à guerroyer. Pour quatre à cinq ans de lutte cju'il

faudra à l'installation d'un protectorat et au

rétablissement de la tranquillité au Tongking, faudrait au moins dix

il

nous

quinze ans pour assurer

à

l'annexion, et après avoir versé beaucoup de sang, fait

des sacrifices énormes on ne dominerait que sur

un peuple ruiné et toujours Le protectorat

« les

a

populations, de

douce, de

les

je

habituer peu à peu aux rela-

les

et

trument de

la

gion et

langue.

comprend la

et,

par une transition lente

d'habitudes.

ne cesse de

la

transforme

préparer merveilleusement à devenir

Français de cœur

comme

On ne

l'immense avantage, sans choquer

tions avec les Européens et

hostile.

du jour au lendemain.

pas une nation

le dire,

Deux

choses surtout,

sont le meilleur ins-

transformation d'un peuple Si

le

;

gouvernement

la

reli-

français

ses vrais intérêts et qu'il veuille favoriser

prédication

de

l'évangile

et

l'enseignement de

notre langue, j'affirme qu'avant vingt ans, sans violenter personne, ce pays sera chrétien et français. »

En

résumé, nous sommes au Tonkin sans trop savoir

pourquoi

et très

fait définitif

étonnés d'y être. L'occupation est

sur lequel

il

n'est plus

un

temps de revenir.

Acceptons-le et essayons d'en tirer parti.

Une

question


CAUSES D'INSUCCÈS surtout doit être comprise et

de

qu'un épisode,

et l'extinction

de

Chine ne

la

la piraterie,

même

chinoise des frontières, est intimement

la piraterie

liée à

réglée: celle de nos rap-

La guerre avec

ports avec les occupants. sera

3i

notre politique indigène. Le milieu social auquel

nous aurons à

faire

ne paraît pas devoir présenter

à

notre établissement une résistance insurmontable. Nous

un pays peuplé

arrivons dans

troubles et d'insécurité, possédant

fatigué de

et

riche,

un

outillage complet

de gouvernement, défectueux peut-être mais en état de fonctionner. Le peuple y est facile à mener, peu guerrier,

laborieux, sans fanatisme d'aucune sorte et sans

passions vives, bien que très attaché à ses traditions et à sa nationalité. lui et les

La question

religieuse n'existe pas

depuis cinquante ans ont toujours été

du

reste)

pour

innombrables massacres de chrétiens au Tonkin ordonnés par l'autorité

et

(commeen Chine,

menés par

instruite contre les amis de l'étranger,

la classe

nom

au

de

la

annamite menacée. La religion de

vieille civilisation

Bouddha n'a rien à voir dans tout cela les lettrés s'en moquent agréablement et les persécutions ont toujours ;

eu ce caractère de guerre

sociale contre

l'inlluencc

étrangère.

Remarquons en passant que notre façon de nous désintéresser officiellement des cinq cent mille chrétiens

du Tonkin

après avoir

fait

des missions

la

et

de

les «

pendant base

si

lâcher » en toute occasion,

longtemps de

la protection

de nos revendications, nous a

valu une réputation de duplicité très tenace chez

payens qu'on pensait gagner

ainsi.

depuis cent ans les chrétiens sont il

leur est impossible de

ne soient pas

les

Pour

les

les

amis des Français

comprendre que

amis des chrétiens.

les

Annamites,

En

les

;

Français

1880, malgré


L'EXPANSION FRANÇAISE AU TONKIN

32 la

dlniiniilion (nTavait sul)l noire prestige après la recu-

lade de 1873 et le discrédit que nous avait valu l'aban-

don de nos

partisans payenset chrétiens

compromis avec

Garnier nous étions reçus sans hostilité, bien qu'avec une ,

certaine défiance.

La masse du peuple, désirant surtout passivement

la tranquillité, attendait

les

événements.

Le régime politique que nous allons adopter en principe est le seul possible: un protectorat qui ne soit ni

une annexion déguisée, de sanction

et

ni

nistration, lui laisse sa

forme

sable ^ Le point de départ,

En

soustrayant

l'Annam

«

il

et

effective,

singulièrement compliquer est

Il

permis de

«

Lanessan^ que

«

traité

la

son personnel respondéfectueux.

est vrai, était

central et la capitale de l'Em-

pire à toute surveillance allait

une suzeraineté dépourvue

qui tout en dirigeant de très près l'admi-

dire,

le

traité

de i884

les choses.

écrit très

justement M. de

cour (d'Annam) trouva dans

le

«

du 6 juin ^1894 non seulement les moyens de nous résister, mais encore une sorte d'encouragement

«

à le faire. »

Le compromis séparant

le sort

des provinces du centre

de celui du Tonkin avait été accepté sur

que

le

ïonkin

qu'il serait facile, ratistes,

de

l'idée fausse

désirait échapper à la tutelle de

en encourageant

le soustraire

ses

complètement

Hué

et

tendances sépaà l'influence de

s'agit bien entendu que des provinces de race 1 Il ne annamite, de beaucoup les plus peuplées et les plus imporles seules du reste dont il était possible de s'occuper à tantes ce moment. Cette remarque nest pas inutile pour éviter 1 apparente contradiction entre ce programme et les principes exposés dans la deuxième partie de ce volume, au sujet de la .

;

« Politique des races ». 2. La colonisation française en Indo-Chine, de Lanessan. Paris, Alcan, i8q5.

I


CIVILISATION ET EXPLOITATION Cette solution était mauvaise

la cour.

demi-mesures. Si on voulait séparer gouverner directement,

et le

ment au

S'il

ment

fallait le

C'était vouloir jouer

d'Annam

cour dons.

faire ouverte-

au plus

le fruit

fin avec la

toujours nous qui per-

et à ce jeu, c'est

au contraire, d'appliquer lovale-

s'agissait,

le protectorat, le

bon sens voulait qu'on l'étendît la main tous les rouages

pour avoir dans

à tout l'empire

qu'on entendait

utiliser.

Cette situation fausse

nous a causé beaucoup d'embarras

qu'un

toutes les

Tonkin de Ilué

transformer en annexion quand

le

mûr.

serait

comme

le

de proclamer un protectorat avec l'arrière-

lieu

pensée de

il

33

détail et la persistance

;

du début

ce n'est pourtant

de nos insuccès tient à des

causes plus générales.

V a

11

dans

deux façons de coloniser

S'implanter dans

le

but de

ralement uni à

la

et

le

et

civilisation inférieure

transformer d'une façon défmitive

matériellement, d'en faire

métropole non par

plus forts

:

un pays de

la

plus durables d'une

force,

un pays

mais par

mo-

civilisé

les liens

communauté de langue,

de religion, d'intérêts. Faire participer loyalement ce pavs aux bienfaits de lui

en

la vie nationale,

faire léijitimement ~

de façon à pouvoir

le

partai^er les cbarofcs. C'est o

l'ancienne école, celle des peuples civilisateurs; 3°

S'imposer dans une contrée riche pour y

tune, sans autre souci que d'exploiter la terre tants

au mieux des

intérêts

faire for-

et ses

commerciaux de

la

habi-

métro-

pole. C'est l'école anglaise, celle des peuples exploiteurs.

Par tradition, nous sommes un peuple

Au temps où

la

civilisateur.

France pouvait encore avouer des

intentions généreuses

et

une politique coloniale con-


L'EXPANSION FRANÇAISE AU TONKIN

34

forme aux

instincts delà nation,

monde

quatre coins du

nous avons poussé aux

qu'aucun autre peuple, semant

vigoureux

plus

des rejetons

ainsi sous le ciel, avec

de gens qui n'ont point à ménager

la prodigalité

le

sang des apôtres et des soldats, de nouvelles Frances où soustraite

notre race,

peu

à

peu

ancienne les

les

aux influences qui ont anémié

Français de France,

a

vitalité et ses facultés natives.

conservé son

On

arracher par la force mais pas une n'a

plein gré les liens qui l'unissaient à la

a

pu nous

rompu de

mère

patrie et

toutes ont protesté contre la violence qui leur était faite

en conservant avec une admirable ténacité leur Pourquoi donc irions-nous chercher

caractère national. ailleurs des

modèles de colonisation

et des

exemples à

suivre

Malheureusement, quand nous avons été repris, avec les nations de la vieille Europe, par ce

presque toutes

besoin d'expansion

si

caractéristique de notre

de nos institutions

siècle, l'état

humain nous ont détournés

et

une

des traditions anciennes.

Les résultats matériels obtenus par

maient toutes les convoitises suite

dans

la voie

se

;

il

les

Anglais allu-

fallut se lancer à leur

de l'exploitation coloniale. N'ayant ni

ni les défauts nécessaires pour y réussir,

les qualités

nous avons

fm de

sorte de respect

si

demander

complètement échoué si

la

France

est

qu'il est

permis de

encore capable de colo-

niser.

L'insuccès décourageant de nos expériences tient à

des causes profondes,

en étudiant

les

il

est vrai,

tantes commises,

mais nous pourrons, relever des indices

mal est grave, peut-être pas sans remède. Les symptômes

rassurants, et conclure que

caractéristiques et

les

si le

plus

il

n'est

les

plus

alarmants d'impuissance


CIVILISATION ET EXPLOITATION

.^3

ranémlc de la race cl la ruine une constatation qu'il est malheureusement trop facile de faire et que les étrangers ne manquent jamais de nous jeter h la tète en donnant leur avis sur l'expansion française. Il est délicat coloniale sont, en France,

de

l'initiative individuelle. C'est

de donner une consultation sur cette maladie plivsique et

morale qui nous épuise

et je n'ai

point la prétention

de m'y hasarder. Essayons cependant d'en dire

un mot,

ne fût-ce que pour montrer quelques-unes de

ses

con-

séquences dans nos entreprises de colonisation

et

pour

aftirmer la conviction qu'elle n'est pas incurahle.

Cet égoïsme qui tue

la famille et cette

réelle des caractères sont

de

la

déformation sociale produite à

moule trop tralisées

étroit et trop rigide

à

«

la

troji

le résultat

longue par

pouvoirs publics

»

immédiate

lui

dont

le

de nos institutions cen-

L'individu rendu timide par

l'excès.

embûches journalières que littérale,

déchéance

pour une bonne part

tendent

les

les

innombrables

chacun exige l'exécution

et sans protestation possible

de

ses

exigences propres, use ce qui lui reste d'activité à évoluer au milieu de rouages

Le principal

si

compliqués

et

si

brutaux.

souci de son existence est de se mettre en

règle avec l'administration et son ambition se borne le

lui-même un jour

plus souvent à faire

partie de celte

administration, espérant ainsi vivre à l'abri de ses exigences.

Une

garantie par leurs enfants,

nombre

carrière

dont

afin de les

soigneusement réglementée

devient l'idéal des

l'P^tat

ils

limitent

soigneusement

la vie

chaque jour plus âpre.

Le plus sûr remède aux maladies contagieuses d'air et

démontré, pour

lui

le

soustraire aux incertitudes et aux

dangers d'une lutte pour

changement

et

parents pour

il

suffit, l'expérience l'a

rendre sa

vitalité et

est le

maintes

son

relief,

fois

de

-


L'EXPANSION FRANÇAISE AU TONKIN

\C,

Iransplanlor

la race française

plus libre.

et

colonies nouvelles; mais les

dans un milieu plus aéré

Ce milieu devrait

couler de force

il

pourrait être nos

et

ne faudrait pas alors vouloir

uniformément dans

et

Ce

ministratif de la métropole.

formalisme administratif

n'est

le

moule ad-

pas en

effet

de

de tutelle politique cpi'un

et

pavs neuf a besoin pour vivre

progresser, mais d'une

et

large autonomie et d'une véritable liberté économitpie et

commerciale.

On

se

demande comment une

forme au sens commun,

méconnue en France. si

complètement

de principe qui

malheureusement notre politique

D'après l'ancienne école,

mon

aberration n'est à

Cette

sens qu'une consécjuence de l'erreur

domine

con-

ce point

idée, à

être aussi

pr^ut

coloniale.

la colonisation doit être faite

d'abord dans l'intérêt du pays colonisé.

Il

faut travailler

sans réticences et sans arrière-pensée à le rendre tranquille et productif, à tirer profit.

A

devient légitime et la

morale C'est

mener

le civiliser

est faite

en outre

est

il

bon de

pour tout la

le

se rappeler parfois

seule conception qui puisse nous

sens devrait suffire à

le

et durables.

fisant

colonie nouvelle ne devient

un débouché comla

métropole que

un développement économique

pour produire

fruits sur

Le bon

prouver.

mercial et une source de profit pour lorsqu'elle atteint

que

monde.

à des résultats pratic|ues

Une

avant de songer à en

ce prix seulement, l'expansion coloniale

et absorber.

un sauvageon avant de

On

suf-

ne cueille pas de

l'avoir greffé et

amé-

lioré par la culture.

C'est ce principe-là

que nous aurions dû emprunter

aux Anglais, à condition d'en proportionner l'application à nos ressources et à nos capacités.

Pour bien des


CIVILISATION ET EXPLOITATION raisons,

tement

?,-

nous ne sommes pas capables de créer direceux cette transformation matérielle qui

comme

une des ment par est

de

faces

C'est

la civilisation.

l'intermédiaire

donc seule-

des populations indigènes

que nous pourrons produire

ce

faut reconnaître c[ue telles ne sont pas les idées

du

instruites

et cultivées

nécessaire progrès. Il

jour.

On admet

généralement chez nous que

très

la

colonisation doit au contraire procéder avec circonspection et

ne

civiliser

ses

que dans

conquêtes

la

mesure

strictement nécessaire pour en faciliter l'exploitalion. L'instruction des habitants, leur éducation industrielle, cultures à encourager, le commerce, les industries

les

à créer, tout v est calculé à la métropole.

champ ouvert et

Lue

pour ne pas porter ombrage

colonie

nouvelle n'est plus

un

à l'activité féconde des habitants dirigés

demeure, mais un

Instruits et des colons installés à

spéculation et du commerce de l'intérieur. Il est à peine besoin de rappeler combien d'industries susceptibles de prospérer ont été tuées ou entravées au Tonkin dans le seul but de ne pas nuire à des industriels de France. ^N'est-ce pas, du reste, un document caractéristique de cet état d'esprit f|ne cette note relevée dans un numéro récent de la « Revue Française de l'élranger et des colonies », au sujet de l'école professionnelle que le général Gallieni fief

créé au

bénéfice exclusif de

Tananarive

la

Cette

école peut

((

rendre des services à ceux de nos colons

qui établi-

((

ront des

c(

serait-il

venait

I.

de créer

à

industries à

?

^

«

Madagascar

;

mais peut-être

sage de ne pas développer l'éducation indus-

Revue française de l'étranger

1897, no 219,

p.

et des colonies,

i85.

GRA^•DMAIso^•

3

mars


L'EXPANSION FRANÇAISE AU TONKIN

38

des Malgaches

pourraient bien devenir

qui

«

lilc'llc

«

raj)ldenient des concurrents

«

merçants

«

et

nous avons

sérieux pour nos

com-

nos colons. Ce n'est pas pour cela que

conquête de Madagascar.

fait la

comme

Gela est dit tout simplement,

d'une vérité courante

»

l'expression

partout admise. Si nous avons

et

sacrifié tant des nôtres et

dépensé tant de millions

là-

profit de la

pour y introduire notre civilisation au colonie. Gardons-nous bien d'instruire les

Malgaches,

ils

bas, ce n'est pas

pourraient compromettre

but de l'entreprise qui de

la

est d'enrichir les

véritable

le

spéculateurs

Supprimons avec ostentation

métropole.

l'escla-

vage du corps, nous ne pouvons faire moins, mais ne

touchons pas à cet esclavage de rance, car

un peuple

ne

éclairé

l'esprit qu'est l'igno-

se laisserait peut-être

que malaisément. Gc sont bien là les préoccupations du colonisateur

exploiter

anglais qui protège ses missions surtout dans les colonies

qui ne

Toutes le

sont pas à lui.

les colonies

joug de

la

Elles

politique.

unes y ont réussi par

la

minent par

détournées.

gressive des

excusables.

métropole aussi bien au point de vue

économique qu'au point de vue

intéressant

sont

anglo-saxonnes aspirent à secouer

des

voies

que de

force,

d'autres

Uien

Quelquess'v

n'est

acheplus

suivre, par exemple, l'éviction pro-

ouvriers,

des contremaîtres et enfin des

ingénieurs anglais, déjà presque complète dans

les fila-

tures de l'Inde.

Pour nous qui savons

coloniser, mais qui ne savons

guère administrer, ce serait pareils errements

;

lolie

que de suivre de

au moment surtout où

eux-mêmes commencent

à

en comprendre

jNotre intérêt, répétons-le bien

les

Anglais

le

danger.

haut, est de favoriser


ERREURS ADMINISTRATIVES largement

le

progrès social

et la

des pavs que nous acquérons.

chercher

le

bien de

la

89

prospérité écononiicjiie

Nous devons avant

tout

colonie et de ses habitants indi-

gènes aussi bien que Français installés à demeure, sans

mesurer parcimonieusement aux uns aux autres la

mieux de

liberté

de

s'établir et

la civilisation et

de commercer au

leurs intérêts. Toute autre conception n'est

En

pas seulement odieuse, elle est maladroite.

de parti pris toute préoccupation écartons ce qui faisait autrefois la force et la vitalité

Mais

il

fallait

comme

nistrer

a.

de notre expansion.

eux,

nous n'avions, dans

le

nous

pourrait faire encore

et

tout prix suivre les Anglais, exploiter

comme

eux.

admi-

Comme

cette voie nouvelle, ni leurs apti-

tudes, ni leur expérience,

ni

traditions natio-

leurs

nous avons réussi seulement

nales,

écartant

civilisatrice,

à leur

emprunter

principe mauvais de leur exploitation sans parvenir

dans

En

la

pratique à copier leur puissante organisation.

l'absence de toute base sérieuse pour asseoir son

œuvre,

le

législateur s'est généralement

contenté de

transporter dans nos colonies les cadres administratifs

de

On

la

métropole avec leurs procédés

aurait

pu

et leurs

mœurs.

cependant prévoir les déplorables résultats

de cette solution. A ouloir coloniser par l'administration est

une conception dangereuse et fausse c'est travailler lois de développement des peuples. ;

en sens contraire des

Le gouvernement d'un pays facteurs sociaux

cjui

s'v

doit être la résultante des

rencontrent

:

races, religion,

instruction, situation économic|ue. Imposer

sans étude

préalable à des pavs neufs et très différents entre eux

une organisation identique Mais quand

serait déjà

cette organisation est

aussi hostile à l'effort individuel

une imprudence.

aussi absorbante et

que

la nôtre, la faute


LFAP.WSION FIIVNÇVISE AU TONKIN

',.)

inexcusable.

dc'vicMiL

La preuve

esl

faite,

du

reste, et

les résultats sont là.

Sans avoir

mœurs

prétention de faire

la

procès de nos

ici le

coloniales j'en voudrais noter quelques-uns des

plus saillants. Reconnaître ses fautes est le

traits les

commencement de

la sagesse.

Le principe fondamental de notre administration

Ln

l'impersonnalité.

fonctionnaire doit être

parfaitem-ent interchangeable, avec

même

Ln

ordre.

est

un rouage

un autre rouage de

changement de personne, dans un

service bien tenu, se fait sans à-coup, sans frottement,

sans arrêt dans la machine. C'est

remplace une autre. ?sotre prétend au

même

idéal

et

une signature qui en

administration coloniale

du personnel

l'instabilité

complète cju'en France. Depuis

est aussi

les

généraux jusqu'aux plus humbles employés, tous fonctionnaires

changent avec

la

même

voyagé, en arrivant au Tonkin, avec

magasin, métis de

femme

et

de

ses

la

un modeste garde-

deux enfants, passait d'un poste à un

et

trouvait désigné

représentait

pour

pour Cao-Bang

l'P^tat

une dépense

à

valente à une année de son traitement.

le

à

les

J'ai

venait en ligne directe de Nouvelle-Calédonie

11

de croire qu'on

difficile

facilité.

Ivéunion qui, accompagné de sa

autre. se

v

gouverneurs

ait

magasin de Cao-Bani;,

été forcé,

!

Son vovagc

peu près équi11

est

vraiment

pour administrer

d'aller chercher

un

titulaire

Xouméa. J'ai

cité

l'espèce,

il

ce

détail

s'agissait

comme

caractéristique.

seulement d'un

Dans

supplément de

dépenses pour l'État. Mais ce qui prend une autre gravité, c'est le

perpétuel changement des fonctionnaires


ERREURS AD.MIMSÏUATIVES

',i

importants, des administrateurs. Les rouages du gou-

vernement ne sont pas cpi'en France,

soigneusement ajustes

aussi

un milieu

s'appliquent mal à

ils

tout dilTérent de celui pour lequel

ont été

ils

questions de personne prennent, bon gré,

une importance dont on ne

social

faits et les

mal

gré,

Un

tient pas assez compte.

changement de gouverneur au Tonkin trouble profondément la vie politique et commerciale et arrête pendant des mois les progrès de la colonisation. (^)uand le nouvel arrivant n'est préparé ni par

ses

connaissances

spéciales ni par ses fonctions antérieures

une

à

tàclie

aussi difticile, fùt-il le plus parfait des administrateurs et le

plus intelligent

hommes,

des

sans défenses aux assiègent

compétitions

bonne

sa

quelques mois qui

lui faut il

un apexposé

est

aux appétits qui

et

Cet apprentissage absorbe

les

sont généralement accordés,

un

foi.

lui

il

pendant lequel

prentissage souvent long,

autre survient et tout est à recommencer. «

blâmer personne,

Je ne veux

Puginier, ni

dès 1886

écrivait

hommes du gouvernement

«

M^''

«

les

«

genres qui ont eu à agir au ïonkin. Je déteste

cc

prit criti([ue et suis le

«

l'autorité.

c(

qui ne passe que quelques mois, tout au plus

«

ou deux, dans un pays

«

connaît pas

«

européen, on ne peut,

«

dans cette situation

«

hommes

«

les

conmiandants en

On

chef, ni

premier à excuser

ne peut, en

la

effet,

comme

et les choses

de

sage de faire

comme

à part toute critique des

il

un milieu qu'un

ne

tout

homme

la politique orientale.

M^'"

de

un an

dont

adéquates sur

idées

erreurs sont donc inévitables Il est

celui-ci,

dis-je, exiger

des

l'es-

les fautes

exiger de quelqu'un

langue, vivant dans

ait

ni

autorités de tous

les

les

Les

»

Puginier

hommes. On

et

les

de mettre

juge mal à


L'EXPANSION FRANÇAISE AU TONKIN

A2

but

distance et notre

que

souvent

plus

le

l'impuissance

Une forme

et

justement de

ils

ne sont pas responsables de

faire ressortir

des fautes (pi'on leur reprocbe.

qui

entreprise et

est

quels que

se fonde,

soient

sa

son but, a besoin de crédit; crédit moral ou

matériel.

lui

Il

exposent leurs

croyants qui

faut des

intérêts sur ses chances de succès. Cela s'appelle la con-

Pour une entreprise coloniale

liance.

de vie ou de mort.

lui

Il

c'est

une question

beaucoiq) de confiance

faut

parce qu'elle a besoin de beaucoup de crédit bénéfices sont à longue échéance.

Indo-Chine d'obtenir rendre

le

pavs sur

la

lacontiance des colons et

des capitalistes pour le mettre en valeur,

rons avec un peu plus de détail dans

lement

ici

le

les

donc en

confiance des habitants pour

et prospère,

de nos rapports avec

que

et

s'agissait

Il

le

^ous

parle-

chapitre suivant

peuple annamite, constatons seu-

que nous avons tout

fait

pour éloigner

le

crédit et déûfoùter les colons. c

Interrogez coloniser au

hommes

les

celle d'obtenir des

cessions surprise.

subventions, de spéculer sur

les

con-

ou d'exploiter quelque monopole obtenu par

Tous vous diront que

ne demande rien Il

qui ont essavé de

d'action

Tonkin avec d'autres préoccupations que

à personne,

n'est pas d'entrave

le

vrai colon, celui qui

ne peut arriver à percer.

que l'administration ne

lui rive,

pas de tracasserie qu'il n'ait à supporter.

On

en France avec cette aggravation que

solution de la

plus petite difficulté

demande

six

la

se croirait

mois, car tous

les

ne sont que

les

fonctionnaires entretenus sur place

instruments de l'administration centrale. Toute

affaire

sérieuse se traite en France et c'est ce qui explique en


ERREURS ADMINISTRATIVES

1^3

partie la tendance, signalée déjà, à exploiter les colonies

au bénéfice de ceux qui ne s'expatrient pas, ni ne voyagent pas,

du

des

capital

décourage ainsi

métropolitains.

industriels

le petit capital

On

vivant entre les mains

du colon de bonne volonté, l'industriel qui s'expatrie, le commerçant qui veut fonder un foyer à côté de son comptoir. Tout ce qui fait, en un mot, la vitalité et prépare

la

prospérité d'une colonie. Les gros capitaux

eux-mêmes qu'on entendait favoriser, ne voyant aucune chance deprotit dans une contrée dont la vie économique ne progresse pas,

se portent ailleurs.

Comment, du confiance dans

reste,

le

aurions-nous trouvé crédit

grand public alors

tion centrale refusait obstinément

représentants au ïonkin

et

l'un et l'autre à ses

comme

traitait sa colonie

un enfant prodigue dont on pave

et

c[ue l'administra-

les dettes

de mauvaise

grâce, cjuand elles deviennent trop criardes, mais auquel

on n'ose confier

les

moyens

compte pour gagner ciaire

permanent imposé

peut-être

le

et la liberté

de s'établir à son

sa vie. Cette tutelle, ce conseil judi-

à nos possessions nouvelles, est

plus grand obstacle à leur développement

matériel. J'ai

vu

le

Tonkin gouverné par un homme,

discuté en France, qui les lisières

de

la

avait réussi à relâcher

métropole

et je puis affirmer

surtout à son indépendance d'esprit et à son

très

un peu

que

c'est

manque

complet de traditions administratives c£ue M. de Lanessan doit d'avoir obtenu des résultats cju'on ne peut

méconnaître. L'exagération de ces tendances au point de vue linancier lui a souvent été reprochée.

ne pas partager beaucoup de prouver quelques-uns de retenir

ici, c'est

que par

ses

ses

idées et

actes.

sa seule

On

peut

ne pas ap-

Ce que

je

veux

indépendance admi-


L'EXPANSION FRANÇAISE AU TONlvlN

Ix'i

nislralivc

il

a

pu donner une

colonisation matérielle

comme

d'idées, discutables peut-être,

tique intérieure, pacification.

il

Nous

réelle

mais nettes dans

le

même

verrons

féconde

ses idées

c|ui

n'était pas

du début.

^ .

pour

à la l'or-

une voie nouvelle bonne

foi qu'il est

Dois-jc ajouter que malheureu-

sement en France l'indépendance et

entrer,

en concordance absolue avec

C'est ini gage de

juste de reconnaître

à la

sa poli-

a fait faire de sérieux progrès

ganisation des hautes régions, dans et

impulsion

par la seule application

qu'un fonctionnaire,

comme

de l'Indo-Chine, toujours à

la

le

réelle est chose rare

gouverneur général

merci d'une campagne

de presse ou d'une interpellation, doit-ctre l'homme de

quelqu'un

:

haute administration ou parti politique

qui lui serve de caution en face de l'opinion. Ce qu'il

gagne sur l'administration s'inféodant

donne

il

faut qu'il

le

perde en

davantage à son groupe politique.

un maître moins

autoritaire et

Il

mais généralement aussi moins désintéressé que bureaux. Xous voici sur

les

se

moins gênant, les

confins de la politique et je

ne m'y attarderai pas. Je voudrais seulement enlever à réflexions

ces «

le

caractère d'un réquisitoire

fait

de

chic » et les étaver sur quelques exemples.

A oici d'abord son.

Il

le

trop célèbre cliemin de fer de Lang-

n'est question, bien entendu, que de son exécu-

tion matérielle, car je n'ai pas l'intention de pénétrer

dans

I

.

les coulisses financières

Il

n'est

de l'entreprise.

question dans tout ceci que du gouverneur gé-

et qu il ne faut confondre avec 1 homme polili([ue. Leurs idées sur quelques points ne paraissent pas toujours être restées, au moins dans la forme, en concordance absolue.

néral, dont les actes appartiennent au pulilic jîas


ERREURS ADMINISTRATIVES Les voies de fer,

commun ical ion,

constituent

le

En

chemins de

siirtoul les

premier élément de

commerciale d'un pays.

',5

la

mise en valeur

possession depuis treize ans

d'une colonie de douze millions d'habitants nous avons

chemin de

déjà réussi à y construire cent kilomètres de fer.

Mais

inusitée

marche,

faut

il

remarquer pour

que nous l'avons c'est

mer\eilleuse,

malgré il

sans

vouloir

que,

s'il

règlements. L'histoire en

est

fait

;les

justifier cette activité le

et

nous faut à peine l'esquisser.

Vers 1888, l'administration militaire, trouvant

onéreux

le

ravitaillement des troupes dans

Langson, demanda au gouverneur général

la

s'il

ce

très

région de

ne

serait

pas possible d'étudier la jwse de rails Decauville de

Phu-LaniJ^-Thuoni? à Langson. Les études c

but furent un peu sommaires, car

ce

tent déclara

de poser

que rien

les rails

ne devait pas dépasser

i

rance, l'autorisation de et

dans

compé-

n'était plus facile et qu'il suffisait

sur la route mandarine

obtenue en France

faites

le service

on

,3oo, 000 francs.

commencer se

;

Sur

dépense

la

cette assu-

laborieusement

fut

mit au travail. Mais an jour,

on s'aperçut qu'à vingt kilomètres du point de départ il

V avait des montagnes. Je néglige

bien des vicissitudes,

on

refit les

le

les détails.

tracé fut repris par

tronçons qui ne cadraient plus avec

veaux plans, on emporta comme on put

les

en dissimulant l'importance des travaux,

on

arrivait à

et

Après

morceaux, les

nou-

autorisations

en mai 1898

Bac-Lé après avoir posé quarante-C[uatre

kilomètres de voie, dont la moitié en terrain plat. Les travaux, après cet effort, étaient

du

reste

interrompus

faute d'autorisation, d'argent et de travailleurs.

Le gouverneur général, M. de Lanessan, voyant que chemin de fer de Langson marchait sur les traces de celui du Soudan et jugeant avec raison qu'il fallait

le

3,


L'EXPANSION FRANÇAISE AU ÏONKIN

'.6

(Ml lit

Unir, ('iii|)runla do l'ari^ent, se passad'aiitorisalion et

fournir en permanence par

les

corvées cinq à si\

mille travailleurs. Dix-huit mois après, les cinquanlesi\

kilomètres qui restaient à faire en pays très acci-

denté, dilTicilc et peu sur, étaient ouverts. Le chemin

de

fer

marche

et fait ses affaires. Il faut

travail se ressent

de

façon dont

la

il

de reprendre toute

forcé, à href délai,

avouer que

a été conduit.

élargir la voie, car le transit est de

la

le

On sera

ligne pour

beaucoup supérieur

commencées en vingt donné de terribles mé-

à ce qu'on avait prévu. Les études

un peu au

endroits,

comptes

et

hasard, ont

deux tronçons arrivés

à dix kilomètres l'un

de l'autre présentaient dix-huit à vingt mètres de différence de niveau qu'il a fallu racheter par des pentes assez fortes

merciale de

pour diminuer de beaucoup la ligne.

d'avoir servi,

car

la capacité

com-

Le matériel est en morceaux avant

on

avait,

avant toute autre chose,

acheté fort cher, à tite d'économie,

le

matériel déjà usé

de l'exposition de 1S89. Tel quel,

c'est

un

travail utile et le

premier outil

commercial de quelque importance que nous ayons créé là-bas. Mais, n'est-ce pas en petit notre histoire habituelle et n'est-il pas intéressant ce petit l'on

commence

tailler les

tramway que

à poser le long d'une route

troupes

et

(jui se

pour ravi-

transforme à travers mille

avatars en cent kilomètres de

chemin de fer ayant donné

sept cent trente-cin(| mille mètres cubes de déblais ro-

cheux

et

terrassements avec cinq cent soixante-deux

ouvrages d'art

et

soixante-dix-huit bâtiments de ser-

Le tout coûtant dix-huit millions, auxquels il faudra en ajouter quatre ou cinq pour élargir la voie ? Encore sommes-nous très heureux d'avoir abouti à vice.

quelque chose,

le

hasard nous a forcé

la

main. Si une


EIlllELllS

compagnie

ADMINISTRATIVES

t^

sérioiisc s'était présentée, voilà dix ans,

pro-

posant de construire en quatre ans une ligne mieux laite

pour douze millions,

repoussées haut

la

main

ses propositions auraient

et

il

L'histoire de l'hôpital de d'être rappelée.

Il

était

n'y aurait rien de

Hanoï vaut

été

fait.

aussi la peine

urgent de construire un hôpital

militaire à Hanoï, tout le

monde

était d'accord et

dépense décidée. Or, pendant cinq ans,

il

la

a été envové

chacpie année au ministre des colonies deux rapports contradictoires

sur l'emplacement à choisir

service des constructions,

l'autre

Heureusement, en 1891, on eut gouverneur général

le

du

L'hôpital est fait et très beau.

démontrer cju'on avait eu

Que

dire

les

l'idée

Il

était à

tort de choisir

J'ai

de donner au

peu près fmi,

d'Annam, m'assurer

complète.

Au

exemple,

était

tendant à

l'emplacement

des ports

et

l'abandon de nos côtes par

pu, en faisant, au retour

des ports

du

médecins.

du régime des douanes

tatons-en seulement les conséquences affaires et

l'un

droit de trancher ce grave conflit.

qu'il parvenait encore à Paris des rapports

proposé par

:

service de santé.

:

?

Cons-

la stagnation des le

commerce.

du Tonkin,

cjue leur

les escales

décadence

est

début de notre occupation, Tourane, par fréquenté par plusieurs lignes locales,

chacjue semaine

un ou deux vapeurs venaient

v trali-

quer. Aujourd'hui la visite mensuelle d'un petit bateau

allemand

est

plus que suffisante et les courriers des

messageries, que

deux

fois

le service

postal arrête dans cette rade

par mois, n'v prennent rien. Le dépôt de char-

bon qu'on parle d'y

établir, depuis quatorze ans

pour

assurer l'indépendance de nos escadres d'Extrême-Orient est

encore à

l'état

de projet. Le mouvement de Haï-

pliong est insignifiant et celui de Saigon très faible


L'EXPANSION FIVAN(;USE AL TOMvIN

',8

alors

(|iie

Hong-Kong

cl

Singapour regorgent de na-

vires.

une étrange conception pour favocommerce que d'en-

N'est-ce pas aussi

riser les transactions et attirer le

un pays d'une

tourer

barrière de douanes et d'imposer

des droits exorbitants aux navires qui se hasardent à relâcher dans ses ports

')

Alais le produit de ces

tante.

L'augmentation du

trafic et

de

douanes

et

somme impor-

de ces ports représente malgré tout une

la richesse

ne rachèterait que progressivement ce

délicit

du pays dans

le

budget du protectorat. Et comme, pendant leur court S(^our dans la colonie, les gouverneurs généraux n'ont

pas de préoccupation plus impérieuse que celle de mettre sur pied ce budget, aucun d'eux ne peut, l'espoir

même

dans

d'une augmentation d'activité commerciale con-

sidérable mais lointaine, prendre l'initiative d'une

sure qui produirait

En fait,

fait

un

déficit

de procédés financiers je ne retiendrai qu'un

parce qu'il est caractéristique et que

observer de près les suites. L'analogue (hi reste

me-

immédiat.

une

fois

pu en

j'ai

s'était

produit

déjà aux environs de 1889, lors de la

rentrée en France,

si

je

ne

me

trompe, de M. Piquet.

Celui que je rapporte était donc une récidive.

Dans

les

premiers jours de 1890, au

rappel de M. de Lancssan,

le

gagé dans une série de grands travaux face à des

examiner

et

devait faire

je n'ai point à

Quelques semaines après, M. de Lanessan

même

temps que son succes-

M. Rousseau (mort depuis

à Hanoï), s'embarquait

cpiittail

seur,

engagements iinanciers que ici.

moment du

protectorat se trouvait en-

l'Indo-Chine en

à Marseille. à peine,

Lnammc

L'interrègne durait depuis quelques jours

quand subitement parvint

à

Hanoï un

télé-

de Paris contenant l'ordre formel de fermer


EHRELRS ADMINISTRATIVES k's caisses

publiques

et

de surseoir à tous

',.j

pavements

les

jusqu'à l'arrivée du nouveau gouverneur. M. Ilolter-

mann, payeur-général du Tonkin, homme et

d'initiative

de grand sens, mort quelques mois après,

de représenter

les

sa responsabilité lui

répondit par

charge

mes

les

conséquences de cette

permit

se

faillite et

sous

pava quelques dépenses urgentes.

un blâme

deux ou

olTiciel

trois cents francs

On

en mettant à sa

et

de

càblogram-

«

envoyés à ce sujet. M. Rousseau apprenait cette

»

élonnanle mesure en débarquant à Saigon

son pre-

et

mier acte fut d'en réclamer l'abrogation immédiate. Il

trois

n'en

est

pas moins vrai cjue cela avait duré plus de

semaines, pendant lesquelles créanciers et entrepre-

neurs du protectorat avaient eu tout faillite,

le

devant

les

le loisir

guichets fermés. J'avais à ce

soin de la sécurité et

un peu

la

la réu:ion

qu'on achevait

de Doui^-Danu. L'entrepreneur sur un

télégramme de son agent

à

toute hâte, avant justement

Au retour, me disait

Trésor. pavés,

il

faire

surveillance de l'entre-

prise chargée des travaux considérables

dans

de

moment

:

Hanoï v

était

un compte

en

me montrant

«

Le protectorat

descendu en

très fort avec le

mandats im-

ses

me

doit plus de

cent mille piastres (environ 200,000 francs). Si au lieu d'avoir

fait

ordinaire ou

moment

une excellente si

seulement

alTaire j'en avais fait

comme

sous la porte. » à Hanoï,

Il

tant d'autres, qu'à mettre la clef

ajoutait, tellement la débâcle était

qu'il n'aurait

pu

à ce

moment

escompter en banque, à quelque prix que ce papier

une

catastrophe était arrivée au

de mes grosses échéances à paver en France, je

n'aurais eu,

forte

la

du

protectorat.

tue pour longtemps

moins s'étonner en

Une

pareille fausse

le crédit

d'une colonie

fût,

faire

son

manœuvre et

il

faut

présence de semblables aléas de voir


L'EXPANSION FRANÇAISE AL TONKIN

5o

prétentions exorbitantes des entrepreneurs qui se

les

risquent à traiter avec

protectorat et des banquiers

le

qui bii prêtent de l'argent.

Il

faut avouer

que

ces der-

un peu de la situation. Je n'ai jamais vérifié les traités du protectorat avec ses banquiers et n'ai pas qualité pour les apprécier voici cependant une niers abusent

;

anecdote personnelle qui

On

me

paraît instructive.

un

poste d'une certaine impor-

tance à fpiclques beures de

Dong-Dang dans les rocbers la demande du

([ui

devait construire

bordent

la frontière

colonel Gallieni,

le

de Cbine. Sur

gouverneur général avait accorde

quatre mille piastres (onze mille francs environ).

Il

que cette petite somme me serait directement remise, mais régularisée comme les dépenses annexes du cbemin de fer (c'est-à-dire payée avait été décidé, en outre,

par

banquiers du cbemin de

les

fer sur

Après avoir construit

tectorat).

du gouverneur

mandat du prosur la parole

le poste,

général, et ressenti l'incjuiétude expli-

cable, après le krach raconté plus haut, de voir rejeter

mandat

la

dépense, je reçus finalement

fis

présenter. C'est alors qu'on m'expliqua poliment que

sur

un mandat de

payait

que

le

régulier et le

cjuatre mille piastres* le bancjuier n'en

trois mille trois cents

qui

me

furent effecti-

vement versées. Il est certain que de l'argent prêté moyennant une commission de i8 à 20 pour 100 sans compter l'intérêt normal de 5 à 6 pour 100 qui court sur la

que

somme

les

dans nos de gens

totale, n'est pas

donné.

On

peut regretter

opérations de ce genre soient tout à

mœurs

le

et qu'elles

dernier

mot de

la

fait

politique coloniale.

Ai-je trop insisté sur nos misères? Je n'ai les eftleurcr,

entrées

constituent pour beaucoup

craignanl surtout de tomber dans

fait

le

que

travers


ERREURS ADMINISTRATIVES farilo

de

de tonl

In criticjuo

de paiii

que

une

eeci

c'est

pris.

tàclie

5i

Retenons seulement inurate de

i'alre

non

pas de Jurandes choses mais quekpie chose dans nos colonies. 11

est juste

d'encourager sans réserve

la

bonne

volonté de ceux qui essayent, et d'admirer l'éneruic de

ccuv qui réussissent.


CHAPITRE

m

— Causes. — — Irréconciliable de Moyens propres y remédier. L'instruction. — Conclusion: Civilisons nos conquêtes.

Insuccès

(le

noire politique indigène.

Instabilité flans

la classe

hostilité

la directifin.

instruite.

à

Nous avons posé avoir nisé. la

ce principe

cpi'il faut,

en colonisant,

comme but innnédiat la prospérité du pays coloOn n'achète plus de nos jours les habitants avec

maison

qu'ils habitent et le

champ

qu'ils cultivent.

Le servage après l'esclavage a disparu de nos c'est

même un

pour démontrer

les

donc impossible de peuplée velle

ou

tropole.

conquêtes de traiter

constitution

la

Le

;

la ciAilisation. Il est

rac([uisition d'une colonie

>i\ante connue l'achat d'une propriété

et

.seul

de ])ossession

un pa\s

mœurs

des clichés les plus généralement utilisés

est

d'un

hel'

au bénéfice de

nou-

la

mé-

but qui légitime une semblaljle prise la

ci\illsé, le

transformation de cette colonie en

bien moral

et

matériel des liabitanls.

Même

en dehors de cette question de droit, du

qu'il

ne peut être question de peupler une colonie,

débordante déjà luais

seulement de

prend sation et

la ;

de la

population,

connue

mettre en valeur,

la

commercial

Tonkin,

le l'acteur social

première place dans l'œuvre de

car

le

moment

la

coloni-

base nécessaire de tout progrès industriel est la tranquillité et la

mique. Nos rapports

prospérité écono-

a> ce les occupants, notre politique


POLITIQUE INDIGÈNE indigène devaient donc constituer

la

53

première préoc-

cupation de nos administrateurs au ïonkin,

Avons-nous mieux

Mallieureusement non. peuple annamite le

en 1886,

une note «

M^""

nous

Il

commerciale

et

fallait la

?

du

confiance

nous n'avons pas su Toblenir. Dès

et

début nous avons

vait

que dans nos

réussi de ce côté

de transformation industrielle

essais

fait

fausse route et voici ce qu'écri-

Puginier à

M^"'

Freppel, député, dans

confidentielle retrouvée après sa

Monseigneur, je vous

le

mort

:

dis sans parti pris, sans

«

intention de critiquer et sans vouloir faire de person-

«

nalités,

ce

ment

«

route sur toute

«

tinue à suivre la

«

l'a

«

J'affirme

«

et

«

dans

et ses

Au

du ïonkin,

question

la

gouverne-

le

représentants ont jusqu'ici

lieu de

la

ligne et

même

gagner

fait

fausse

malheureusement on con-

voie.

la

confiance des habitants, on

vue diminuer, notre influence n'a pas augmenté.

«

France est moins aimée au ïonkin royaume d'Annam qu'elle ne l'était avant notre expédition. Chez un grand nombre l'es-

«

time

que

dans tout

la

le

et l'affection

qui se manifestaient extérieure-

ce

ment ont

fait

c<

de désirer

comme autrefois

c(

on

ce

nombre

ce

d'une manière ostensible, à

ce

movens

ce

II

ce

politique qu'en administration. Je

ce

pété des centaines de

ce

que

place au mépris et à la haine.

redoute

la

souverainement

travaillent, les

Au

lieu

notre action dans le pays et

un

très

uns sourdement, la

les

grand autres

combattre par tous

les

faut nécessairement changer de système tant en

préventions,

fois,

manque

l'ai dit,

je

l'ai

ré-

mais je n'ai rencontré de

connaissance

des


L'EXPANSION FRANÇAISE AU TONKIN

o'i

«

liominos et des choses. Je suis convaincu qu'il v a

«

un véritable aveuglement des esprits que Dieu permet pour châtier le royaume d'Annam et un peu la

ce

«

France qui a perdu

«

tant de centaines de millions sans obtenir encore au-

«

cun Il

yX%r

résultat définitif. »

Puginicr,

nées et

kin

tant de milliers d'enfants et

n'y a point là d'exagération. L'anarchie véritable

sous

affligeante,

et

ici

le

s'est

de

l'influence

laquelle écrivait

prolongée pendant de longues an-

gouvernement indigène

est

encore au Ton-

plus inquiétant des problèmes.

le

On

en i884, arrêté avec raison

s'était,

Pour

protectorat.

à la

importantes de beaucoup

annamite,

les

seules qui

nous occupaient à ce moment,

plus

forme du

provinces peuplées par la

les

race et les

c'était

le

plus sage. Le traité de i884 vint compliquer les choses

en nous retirant tout contrôle sur était possible

cependant de

avec de la suite dans stable.

Mais

là,

les

la

tirer parti

idées et

de

une politique

métropole impose en

la

permanente,

ses

très

du per-

les eflorls.

com-

les affaires d'exploitation industrielle et

merciale,

Il

la situation

plus qu'ailleurs, l'instabilité

sonnel français devait paralvser tous

Dans

cour de Hué.

effet,

procédés administratifs

et

d'une façon son contrôle.

Si les résultats sont mauvais, cela tient le plus souvent à ce

que

ces procédés

eux-mêmes sont mauvais ou mal du pavs. En fait de politique

appropriés aux besoins

règlements sont muets

et

central est obligé, à contre-cœur

il

indigène,

ment

laisser Il

de

les

l'initiative à ses

faudrait s'en féliciter se faire

sommes

une

gouverned'en

représentants dans la colonie. si

pollli(|uc

loin de compte.

le

est vrai,

chacun d'eux avait et

de

la

suivre.

le

temps

Mais nous


POLITIQUE INDIGÈNE Aprc's avoir rappelé

revenir sur

une tentative

malencontreux

le

cité plus

nos rapports politiques avec

les

A

gouverneur général en

«

traité

de

i884,

de

^I.

haut, résume ainsi

Annamites

:

chaque résident général ou

partir de ce jour,

«

en iS85 pour

faite

traité

Lanessan, dans son ouvrage

«

55

sa guise,

à

fit

piétinant le

de i884 ou en réclamant l'application suivant

caprice des circonstances

«

le

«

régnantes;

«

telles parties

ou

la direction

ou

de l'Annam central, l'autre renonçant

«

aux

«

rection;

«

tout à la cour.

«

aucun respect pour

«

l'Annam

elForts faits par ses prédécesseurs

l'un

promettant

Tous

« résident chef

tout,

au Tonkin

de province diriger

cela sans règle ni

dans cette

l'autre

di-

refusant

ne montrant guère

d'ailleurs

les autorités

central, ni

Tout

des idées

s'efforçant de conquérir telles

l'un

annamites, ni dans et

laissant

chaque

les affaires à sa fan-

méthode ou avec des même temps que les

ce

taisie.

«

méthodes qui changeaient en

«

chefs. Or de i883 à 189 1 il v a eu vingt résidents généraux ou gouverneurs généraux sans parler de

«

« huit résidents supérieurs «

et sept résidents

de ces changements succes-

«

«

du Tonkin

supérieurs de l'Annam

sifs, il

ne pouvait

Le tableau

sortir

qu'une anarchie profonde.

»

n'est pas trop chargé et la conclusion est

exacte. C'est en effet à

une anarchie profonde qu'ont

abouti pendant des années nos tentatives de gouverne-

ment

indigène. Cherchons la cause immédiate de cette

impuissance.

Il

s'agissait

en

chose l'application

i884 de

du

réi^ler

avant toute autre

protectorat et de lui donner sa

forme. Le pavs possédait

un

outillage de gouverne-


L'EXPANSION FRANÇAISE AU ÏONKIN

5G

monl au

coniplel ri en état de fonctionner.

abord

i^rcMnicr

eût

qu'il

siirii

Il

adniinislralir à lari^es mailles, superposé

ment

donc

un réseau

au gouverne-

existant pour en surveiller et en diriger le fonc-

tionnement. Dans aussi

scmljlc

d'établir

pratique

la

les

choses n'allaient pas

sinq)lement. Nos insuccès, nos inconsécpiences,

nos discordes locales elles-mêmes viennent en grande partie de la difficulté d'utiliser le personnel administratif indigène. C'est

encore actuellement une cause per-

manente d'insécurité d'aulant plus dangereuse qu'elle est moins avouée. Les données du problème sont simples, la solution l'est

moins. Fallait-il accepter

digène

et

appartenant à

oITiciels

tel

quel ce personnel in-

gouverner par l'intermédiaire des mandarins classe des lettrés

la

?

Devions-

nous au contraire chercher à former un nouveau cadre

un peu

administratif avec des créatures à nous, choisies partout, parmi les

hommes

nouvel ordre de choses Aujourd'hui,

ment une

la

?

cause

est

entendue. Les

élite intellectuelle

serait impossible,

pour adininislrer l'Etat serait

en France

qui semblaient dévoués au

lettrés for-

en dehors de laquelle

il

de trouver assez d'hommes instruits pavs.

le

Les exclure des charges de

certainement plus dinicilc que d'interdire

les

fonctions publiques à tout

homme

pos-

sédant son brevet de bachelier. Le peuple, en outre, tient

à

ses habitudes,

préfère,

dont

les

malgré tous grades,

du pinceau,

si

il

les

redoute

les

changements,

laborieusement conquis à

inspirent

et

abus, conserver ses mandarins

un

la

pointe

respect traditionnel.

Povu(|uoi donc ne s'en pas reposer entièrement sur

eux du soin de l'administration intérieure? Cela deiiiande explication. Les lellrésel les

mandarins

(cjui

ne


ADMIMSTRVTTON ANNAMITE sont que des lettrés en place) constituent

.-,;

un

corps fermé

auquel on n'accède que par une loniruo fdière d'exa-

mens

et

de stages.

Ils

forment une société

aux dépens du peuple

que

il

ce

L'établissement

titre.

Annam

notre civilisation en

de

une

serait

la

définitif

Le et

de

ruine manifeste

situation exceptionnelle des mandarins.

la

aristo-

la nation.

premier mandarin de son royaume

le

s'honore de

h part vivant

lui,

nettement séparée du reste de

cratie très roi n'est

au-dessus de

et

Ils

de-

viendraient de simples fonctionnaires plus ou moins

peuple mieux instruit de

bien rétribués et

le

leur échapperait

peu

pour

C'est la lutte

et

même

est

donc toute naturelle,

la vie.

Je ne veux point

faire le procès

ici

La réputation de

tion annamite.

qu'on a

d'incapacité

son personnel

ses droits

Leur résistance permanente

merci à nos progrès

et sans

h

à peu.

est

même,

de l'administra-

rapacité, de cruauté

souvent

à

mon

voulu

sens,

faire

exagérée.

Je reproche seulement à ce personnel de nous être irré-

médiablement

hostile.

ment des hommes tier et

leur

mé-

pas plus cruels, dans la praticjue habituelle de la

vie C|ue

moins

Les mandarins sont c-énérale-

intelligents, sachant bien

ne

le

comportent

ne

qu'il

qu'ils croient

s'agisse

les

mœurs de

leur race, à

de défendre leurs privilèges

menacés par

la

civilisation française et

chrétienne; aucune trahison, aucune cruauté, aucune injustice ne lem- covile dans ce cas. Leurs exactions se

limitent souvent à vivre largement sur le pays. C'est

chose tolérée, entrée dans

les

mœurs

et

cessaire, car leurs fonctions sont rétribuées

dérisoire^.

I.

Ces

mœurs donnent

Remarquons en

passant que

les

lieu

du

reste né-

d'une façon

cependant à de

manJarins payés

par


L'EXPANSION FRANÇAISE AU TONKIN

:>H

graves abus. lité très

Il

en résulte chez

les

mandarins une véna-

générale et farilenienl explicable. Laisser aux

fonctionnaires leurs services et

soin de fixer eux-mêmes le prix de une marque de confiance que ne mé-

le

ritent pas toujours ceux d'Extrème-Orienl.

On

que

a dit souvent

le

recrutement des mandarins

par voie de concours ouverts à tous devait constituer

une administration démocratique, un personnel rapproché du peuple tendances

et d'idées

et

avec lui. Kien n'est plus inexact.

Les mandarins sortent du peuple

de

terre,

ils

très

en communauté complète de

ne conservent avec

comme un lui

que

arbre sort

les points

contact nécessaires pour en tirer leur subsistance.

cune administration

n'est plus fermée,

plus

de

Au-

oligar-

chique, plus hostile à tous les progrès. Cette sélection très

sévère et cette éducation intellectuelle de forme

immuable

et

compliquée, auxquelles sont soumis pen-

dant de longues années

les

font de la classe lettrée le

résumé

sence de

la

aspirants au mandarinat,

vieille civilisation

et

comme

la

quintes-

annamite. Le manda-

rinat est la clef de voûte des sociétés d'Extrême-Orient; sa

suppression amènerait

social

dont

il

forme

la

la

désagrégation du corps

charpente. Mais la réciproque est

le sont avec la même parcimonie qu'ils Tétaient autrefois le Tripar le gouvernement annamite. A titre d'exemple Cliau (sous-préfet) de Dong-Dang toucliait 2^ piastres par mois, alors qu'il lui en fallait 60 ou 80 pour vivre très modestement dans sa situation. Son premier secrétaire, lettré, pourvu d'un grade de mandarinat, recevait 3 ou 4 piastres, alors que nos « bovs )) étaient payés 8 à Q piastres, un cuisinier 10 à i4 et qu un chef de chantier chinois pour la maçonnerie ou la charpente gagnait de 3o à 5o piastres. C'est une véritable prime à l'exploitation de lindifrène et nous arriverons diflicilcnicnt ainsi à empêcher les mandarins de rançonner le contri-

nous

:

huable.


MANDARINS ET LETTRÉS

:,!)

vraie et les progrès de la civilisai ion occidentale

masses ruineraient peu à peu son prestige

les

et

dans

mena-

ceraient son existence. Toute tentative de transformation profonde et définitive de la race annamite, quelle

que

forme, se trouve donc en fm de compte di-

soit sa

rigée contre cette institution. Les

dès le premier jour ils se

le

mandarins ont

saisi

caractère de cette lutte sociale

et

défendent.

le corps des lettrés n'était que l'ensemble Annamites pourvus d'un brevet proportionné au

Autrefois des

nombre d'examens

qu'ils avaient

pu

réussir et atten-

dant leur nomination aux fonctions publiques. La cour

d'Annam, qui pas plus aujourd'bui qu'en i884

n'ac-

cepte sans arrière-pensée la tutelle de la France, a su tirer parti

de

l'iiostilité

naturelle de toute

truite contre le nouvel ordre de choses.

la classe ins-

Elle

l'a

peu à

peu transformée en un corps politique homogène puissant, en v groupant par des

plus nombreux, quelquefois

examens plus

même

et

faciles et

au moyen d'une

sorte d'enrôlement, tous les représentants de la résis-

tance à l'influence étrangère. Ce corps, devenu de la sorte les

beaucoup plus nombreux que ne

besoins de l'administration,

le

comportent

renferme une foule de

déclassés sans scrupules, aigris par

la

misère, prêts à

toutes les beso2:nes et cru'on tient en haleine en leur

promettant des places

......

après le départ

des Français.

De

tous temps ce personnel a été employé par les

mandarins se

et la

cour aux besognes qu'ils ne pouvaient

permettre ouvertement

présailles

même nages

et

contre nos

:

massacres de chrétiens, re-

adhérents,

rébellion,

piraterie

colportage de fausses nouvelles. Les person-

officiels

peuvent ainsi rester dans

la coulisse, ce


L'FAI'ANSION FRANÇAISE AU TONKTN

Oo

qui leur

con>i('iil

n'étant pas leur

treusement

tous égards, la rébellion ouverte

à

lait.

travaillent en cachette, trai-

Ils

sous les dehors d'une soumission qui va

et

le monde sommes toujours pris.

jusqu'à l'obséquiosité. Tout curieuse, nous y

En

présence de cette situation,

d'accepter franchement,

conserver

en

le

officiel

de près

et

et,

chose

plus sage eut été

le

début, la nécessité de

mandarins en place

les

les surveillant

tement

des

le sait

de

et

se servir d'eux

en ne tolérant pas

le

recru-

des lettrés dans des proportions très su-

périeures aux besoins

du gouvernement. Malheureu-

sement, ceux qui furent aux prises avec

les

dangers

et

les

trahisons de la première heure, frappés de l'hosti-

lité

indéracinable de la haute classe annamite, entre-

prirent de l'éliminer sans précautions et de créer de

toutes pièces

une administration nouvelle. La

ne fut pas heureuse. Les

tentative

improvisés

fonctionnaires

qu'on avait choisis un peu au hasard dans

les

inter-

prètes, les gradés de troupes indigènes, les notables de village, voire

taient de

même

nous

quelquefois

«

les

bovs

»

qui affec-

être dévoués, se trouvèrent sans plus de

moralité que leurs prédécesseurs, incapables en outre et

méprisés des habitants.

Il

fallut v

renoncer.

Cet insuccès contribua aux réactions de en revint sans précautions tration des

mandarins

et

la suite.

On

sans réserve à l'adminis-

lettrés.

Les fonctionnaires indi-

gènes échappèrent bientôt complètement au contrôle des administrateurs français derniers devenir

le

et

on

vit

trop souvent ces

jouet de mandarins retors qu'ils

avaient cru gagner par des concessions de toutes sortes.

Tout

à fait ignorants parfois des choses de

on venait de

les

l'Annam, où

transplanter sans directions et sans sur-

>eillance, cpielques-uns n'hésitaient pas à aclieter leur


M ANDAKINS ET LETTRÉS

(m

tranquillité et la paix apparente de leur circonscription

au prix d'une véritable abdication de leur autorité ou

nième d'une complicité réelle dans les œuvres de ranet de haine des mandarins provinciaux. Sous le

cune

gouvernement heureusement intérimaire d'un M. nal (avril 1890 à février

1

891)

la

lîon-

province de My-l)iic

\ it

publier et afficher dans tous ses villages, des proclamations timbrées

du

donnant à tous

les indigènes,

cachet de la résidence française or-

devenus chrétiens depuis

quinze ans, de retourner au paganisme

mort de

fense sous peine de

nisme. Ce n'est nel,

mais

pu

qu'il ait

Dans

se

heureusement qu'un

faisant dé-

au christia-

fait

exception-

honteux

X'cst-il pas

caractéristi(|ue.

est

il

et

se convertir

produire dans une colonie française

d'autres provinces, au lieu d'être tout, les

?

man-

darins n'étaient rien. Conservés en place et responsables

de leurs fonctions, on leur refusait Les résultats étaient

remplir. l'écart,

humiliés quelquefois

usages locaux n'avait

pu

ils

les

aussi

moyens de

les

mauvais. Mis à

et maltraités

au mépris des

emplovaient l'influence morale, qu'on

leur enlever, à nous créer chaque jour de

nouveaux embarras, quand

ils

ne

se

transformaient pas

eux-mêmes en redoutables chefs de rebelles. Cette exagération alternant au gré de chaque résident

ou chef de

que nous avons signalée plus haut, ne pouvait produire, comme ledit M. deLanessan, qu'une cercle avec celle

anardiie profonde.

Il

curieux de noter (pie ces di^ergences de vue

est

trop fréquentes sur la question de l'administration in-

digène furent une des causes qui contribuèrent à pro-

voquer

si

souvent

et militaires

le

déplorable antagonisme entre civils

au Tonkin.

GliANDMAISON

4


I/EXPANSION FRANÇAISE AU TONIvIN

02

Un

« lollro français »

dans une revue de annamites.

lettrés

scepticisme

de ces

«

puliliait

Saïf,'on,

un

en septembre 1895,

article très soigné sur les

v louait la philosophie aimable, le

11

un peu moqueur

et l'absence

Normaliens d'Extrême-Orient

malheureusement

les

connus par deux

classes

»,

de préjugés ajoutant que

mé-

kttrés sont nécessairement

d'Européens:

«

Les mission-

naires et les officiers de l'armée », dont le peu de culture intellectuelle et le

manque de

peuvent symjiathiser avec

souplesse d'esprit ne

l'intellectualité subtile

de

la

haute classe annamite.

Le les

lettré français a raison

de dire que

missionnaires n'aiment pas

exagère

quand

il

oppose

les

les officiers et

mandarins, mais

derniers à la rudesse et au fanatisme des Européens. vérité est

que missionnaires

ment pavé

de

les frais

et officiers

la délicate

La

ont générale-

man-

politique des

darins et les ont trop souvent pris sur

il

de ces

la délicatesse studieuse

le

fait

pour

conserver des illusions sur leurs dispositions.

Avec

la finesse

mites ont eu vite

nos progrès

le

qu'on ne peut leur nier, fait

de discerner

le tort

les

Anna-

que causait

désaccord trop fréquent entre

les

à

auto-

rités civiles et militaires et se sont eflbrcés d'en tirer

parti.

Souvent maltraités,

il

faut l'avouer, surtout

début de notre occupation, par

les militaires, les

au

man-

darins cherchent généralement à se faire bien venir des fonctionnaires les

embûches

civils,

et les

dont beaucoup n'ont pas connu

trahisons des premiers temps.

Ils y arrivcnt généralement au prix d'une obséquiosité qui

leur est naturelle et des plus invraisemblables flagorneries.

Ce premier point obtenu,

étonnante dextérité de toutes tenir

cl

les

ils

profitent avec

une

occasions pour entre-

a\iver les moindres désaccords entre les auto-


LV RELIGION souvent

rites françaises,

même

63

pour

les faire

naître par

de faux rapports ou des bruits liabilemenl répandus, C'est

une tactique qui leur

En

fait,

répétons-le,

a souvent réussi.

nous faut pour

il

le

moment, en

pavs annamite, utiliser l'administralion indigène

telle

qu'elle est en lui faisant loyalement la part d'autorité

de responsabilité

et

conviction que

c'est

une surveillance

qui

lui

revient

;

mais avec

un instrument dangereux,

la

exigeant

très active.

Ce n'est là évidemment qu'une solution provisoire, un « modus vivendi » que nous devons tendre à perfectionner graduellement. Toute action directe avant pour

but de modifier

la classe

dirigeante déjà formée pour la

rapproclier de nous est vouée à l'impuissance.

méliore pas une récolte sur pied, on amende

On

n'a-

le sol et la

récolte suivante est meilleure. C'est sur le milieu social qu'il faut agir

pour l'amener progressivement

à pro-

duire une aristocratie intellectuelle moins réfractaire à notre civilisation que celle des lettrés. Le peuple anna-

mite

est très malléable, très plastique,

ler, l'instruire,

le civiliser.

négligé jusqu'ici, qui aurait

il

faut le travail-

C'est ce travail social trop

dû cependant absorber

la

plus grande part de nos travaux et de nos efforts au

Tonkin.

Deux

cboses surtout, dit M^'' Puginler, sont

leur instrument de transformation d'un peuple ligion et la langue.

bonne

foi

Aucun liomme de bon

le

meil-

:

la re-

sens et de

ne peut contredire à ce programme.

.

Les missions françaises assurent au peuple annamite ces

deux

bienfaits.

C'est l'outil de

excellence et nous l'avions dans

la

colonisation

par

main. Xon seule-


1

L'EXPANSION FRANÇAISE AU TONKIN

G/,

ment nous n'avons pas su en

tirer parti,

comment

Aoir

la

France

officielle

mais en éta-

un peu

dianl l'histoire de nos débuts, on est

surpris de

en a usé avec

ses

missions du Tonkin. Nos missions catholiques ne de-

mandent cependant pas

que l'Angleterre accorde

agressive ses

subsides et la protection

les

pasteurs

elle

;

réclament que

n'en ont

la liberté et

si

généreusement à

du reste pas besoin et ne un peu de bienveillance.

(À'tte liberté, cette bienveillance et

quelquefois la plus

simple justice leur ont été mesurées avec une parcimo-

On

nie incroyable. et

peut affirmer que, dans

la

pratique

sous prétexte de neutralité, les chrétientés indigènes

ont été souvent moins bien traitées que

villages

les

païens.

Une

conduite

si

peu conforme

à nos traditions et à

nos intérêts a été dictée quelquefois par des méfiances Certains

d'exportation.

administrateurs, épaves des

luttes électorales, apportant avec

de

la

sions

que des

de

la

tentement pour dans

mis;

portée sociale des missions,

indisposer.

les.

Ce parti pris est rare le arrivants n'ont aucune notion du but

ment un élément de discorde

lléchi

les idées étroites

écoles cléricales.

plus souvent, les et

eux

politique intérieure, ne voyaient dans

Le

les

mandarins

souci,

l'espèce,

et

ils

y voient seule-

une cause de mécon-

qu'ils tiennent à

ne pas

légitime en théorie, mais peu ré-

de

laisser

son autonomie complète

à l'administration indigène, leur fait considérer les dif-

férends entre les missions et les petits mandarins locaux

que

aussi bien

comme

les

disputes entre pavens et chrétiens,

des affaires sans importance relevant seulement

des autorités annamites. juste.

La

classe

profonde que

Ce désintéressement

est

in-

annamite instruite n'a pas de haine plus

celle des chréliens et des

missions (pTelle

1


LA RELIGION considère

avec raison

comme

la

05

seule base solide de

notre prise de possession définitive. partialité

même

de ce genre

est

relative

Demander une im-

aux mandarins dans

les alTaires

une injure au sens commun.

La cause avouée de nos interventions Extrême-Orient a toujours été

successives en

la protection

sionnaires. Laisser égorger par milliers

de nos mis-

les chrétiens

après notre conquête, puis nous en désintéresser officiel-

lement,

est

une

attitude

que

les

indigènes ne peuvent

ou à la mauvaise foi. Elle nous peuple annamite un tort moral considé-

attribuer qu'à la faiblesse a fait

dans

le

rable.

Mais ce n'est être envisagée à

général.

qu'un côté de

la

un point de vue

Le changement de religion

question, elle doit

plus large et plus est le

premier

et le

plus important des facteurs de transformation sociale K

1 II n est pas possible de le contester. Les professionnels de l'alheisme aussi bien que les anarcliistes impénitents ne font aucune ditTiculté pour reconnaître, avec Bakounine et tant d autres, que « la relifjiosité )) est le premier sentiment qui élève 1 homme primitit" au-dessus de la brute. Dans les premières phases d'ascension Aers le progrès, des races neuves, chaque stade est marqué par une forme caractéristique du sentiment religieux. Un peu plus tard, quand ces tentatives grossières sont remplacées par des religions proprement dites, chacune d elles peut amener 1 homme jusqu à un certain degré de formation morale et sociale, mais pas plus loin. Si la Chine est resiée depuis des milliers d années dans un état de stagnation sociale presque complète, elle le doit aux rites immuables de son cadre religieux qui lui interdit tout mouvement en avant. Le mahoniétisme a pu mener les Turcs à la conquête du monde, mais ne leur a pas permis le progrès moral nécessaire pour suivre les nations chrétiennes. Leur société en contact avec une civilisation plus haute aurait disparu depuis longtemps sans le parti pris de ses puissants tuteurs qui seul en arrête la décomposition matérielle et le démemljremeiit. C est une loi naturelle qu'il n'est pas en notre pouvoir d éluder. Si nous .


L'EXPANSION FRANÇAISE AU TONKIN

GG

Un est

indigène converti par des missionnaires français

aux

trois quarts français, car

il

a

donné

à notre civili-

sation le gage d'attachement le plus profond et le plus

sûr qui

soit.

question

si

Il

faut

claire et

si

amèrement regretter que cette évidente quand on est hors de

France, devienne à ce point délicate et compliquée

quand on y rentre

homme

ofilcielleinent

compromettant pour tout

faire allusion. Parler des

serait risquer

rance tacite dont toire

qu'il soit

en place, d'y

missions

de compromettre

elles bénéficient et ce

la tolé-

silence obliga-

nous mène à de déplorables inconséquences.

Au Tonkin que moite du

nous occupons depuis quatorze ans,

(toute la rive gauche du fleuve Rouge) dépend encore des missions espagnoles. C'est une faute politique très grave. L'indigène converti dans

la

ces régions est là

mi nouveau

pavs

en

effet

chrétien mais pas Français.

travail à faire et

beaucoup de

Il

v a

forces per-

dues, (hiclqucs-unes de ces chrétientés étrangères n'ont

voulons transformer moralement nos clients et nos protégés faisons-leur connaître une religion qui comporte un degré supérieur de civilisation. Quant à la forme de cette religion, nous n'avons pas le choix. Malgré les dénégations intéressées et les tentatives souvent faites pour en détourner lallenlion, il existe un fait indiscutable. L'action politique extérieure des puissances qui visent à une expansion considérable, se confond le plus souvent avec une forme spéciale de propagande religieuse. En France, nous ne pouvons pas avoir d'autres missions nationales que les missions catlioliques. Les établissements prolestants qui pourraient revendiquer ce titre ne trouvent point chez nous les ressources nécessaires pour leur assurer l'indépendance matérielle qui seule pourrait leur donner l'indépendance morale. Il leur faut pour vivre s inféoder aux sociétés bibliques dont les Anglais commencent à inonder la France et se contenter le plus souvent, dans la pratique, du rôle modeste d'annexés de leurs puissantes prnlcctrices, les missions anglaises. :


LA LANGUE pas,

X^-j

au début, caché leurs sympathies pour

De quel

venus par

de nous protéger nous-mêmes de possession avait été glante et générale

?

et alors

le signal

Pour qui ne connaît pas

comprendre comment

la

les

il

est

On

moyens de

prise

povivait

les

mi-

impossible de

métropole n'a pas dès

en main.

le

début

sans expropria-

missions espagnoles et

tion violente racheter les

donner avec

que notre

d'une persécution san-

sères de notre politique intérieure,

pris cette affaire

où,

nous n'étions pas encore capables

force,

la

la rébellion.

un crime dans un pavs

droit leur en faire

les entretenir à

les

des mission-

naires français.

Toutes

les

missions d'un pavs qu'on veut con(|uérir

définitivement doivent être nationales. L'indigène, en

changeant de religion, devient nécessairement

du missionnaire le client

A

;

il

ne faut pas que

le

le client

missionnaire

soit

de l'étranoer.

côté de la religion c'est la langue frmiçaise qu'il

faut répandre dans nos colonies. aussi simple

qu'on

serait tenté

de

La question le croire.

n'est pas

donné

Elle a

lieu souvent à de graves divergences de vues.

On

a dit,

avec quelque raison, que les écoles de Français devien-

nent des manufactures de

débouché que

la

carrière

déclassés

d'interprète.

comme

n'avant Il

serait

donc

prudent de n'arracher au travail des champs pour attirer

les

dans ces écoles qu'un nombre d'indigènes pro-

portionné aux besoins de l'administration

et

du com-

merce. L'objection a de la valeur, aussi n'est-ce point seule-

ment en créant des

écoles d'interprètes

dans

importants que nous répandrons utilement

les centres

la

langue


68

F/EXPANSION FRANÇAISE AL TONKIN

française.

Il

existe

jeunes Annamites,

au Tonkin une classe nombreuse de plus intelligents et les plus labo-

les

rieux, qui consacrent leur vie à la poursuite des grades

de

plus tard aux fonctions

lettrés et

(l'est

eux qu'il

Le moyen

le français.

de

le

d'amener

est facile et

du mandarinat,

à étudier et à parler

peu coûteux.

Il suffit

avantages sérieux aux fonctionnaires con-

faire des

naissant

serait utile

français et de leur

leurs concinrents, en

donner

attendant

le

préférence sur

la

moment où

il

sera

possible de rendre progressivement la langue française

obligatoire pour toutes les fonctions publiques en

com-

mençant par

mon

les

moindres. Cela vaudrait mieux à

sens que d'encourager, les

comme on

l'a fait

au ïonkin,

études des lettrés dans leur forme ancienne et in-

compatible avec notre civilisation, en donnant à leurs

examens un

éclat tout à fait ofilciel

hauts fonctionnaires

par

la

présence des

Xous avons accepté

français.

cadre de l'administration indigène avec son

recrutement

;

il

n'est

changer brusquement

pas plus l'esprit

le

mode de

en notre pouvoir de des

éludes nécessaires

pour Y arriver que d'en détourner sans précautions

la

foule de jeunes gens qui s'y livrent. Obligeons-les seu-

lement pour recueillir dire pour

avoir

le

de leur labeur,

fruit

des places, h

apprendre

c'est-à-

français.

le

Sans produire un déclassé de plus, nous aurons des maîtres d'école capables d'enseigner villages et

une administration avec

le français

dans

les

laquelle les fonction-

naires français pourront enfin s'entendre. '

Mais

la

diffusion

langue ne il

suffit

pas

:

après en avoir assuré la

faudrait songer à doter largement l'Indo-

Chine de l'éducation professionnelle, puis des hautes études pratiques. fiter

Aucun pays

n'est plus

propre à pro-

de cette éducation. Le |)cuple remplira

les écoles


L'INSTRUCTION

locale s'améliorera rapi-

professionnelles et l'induslrie

dement. L'enseignement de macie, de

même

la

la

Gq

la

médecine, de

mécanique, de l'architecture

fortune et

ne manqueront pas.

les élèves

éclairant l'indigène vous le civiliserez.

jeunes gens désireux de percer, il

le

somme

chaque année dans de

la

utiles,

un but

considérable de travail gaspillé

labeur interminable

le

de

En

En donnant aux

goût des études

deviendra possible de dériver peu à peu vers

plus pratique, la

phar-

la

est assuré

préparation aux examens de

sance des caractères chinois et de

et

sans portée

La connaisphilosophie de Conlettrés.

la

fucius y perdra peut-être, mais vous soustrairez ainsi tous les ans un plus grand nombre de jeunes hommes

laborieux f[ui les

et

intelligents à cette formation intellectuelle

rend irrémédiablement réfractaires à notre

lisation.

Le peuple annamite

amené progressivement classe dirigeante, non stérile

du mandarinat

à

se

trouvera de

la

civi-

sorte

produire de lui-même une

plus ligée dans le formalisme

actuel,

mais vivante, instruite

et

susceptible de progrès. Cette transformation n'est pas

une utopie Noir ce

et il sufht,

pour en escompter

que deviennent

France pour v

faire

les

les résultats,

de

jeunes Annamites envoyés en

leur éducation. Quelques années

de notre régime scolaire suflisent à

faire

de ces

man-

darins en herbe des candidats heureux à nos examens universitaires et à nos grandes écoles.

Voilà où est la solution déhnitive de délicate aujourd'hui

la

question

si

du gouvernement indigène. Amen-

moisson sera meilleure. Malheureusement nous ne touchons pas au but, car il faut pour l'atteindre du temps, de la patience et de la suite dans

dons

la terre, la

les idées.


L'EXPANSION FUANÇAISE AU TONKIN

70

Avaiil de

j)ti.sscr

hautes régions,

aux notes dil

il

([uètes.

fortes

peu confuses qui précèdent. Nous avons

lui

Je n'ignore pas

que rencontre

difficile.

colonies, civilisons nos con-

tives

nombreuses

ohjcctions

les

cette théorie.

Nous sommes tellement

tons en nous des svmptômes ciale,

les

nous faut chercher une conclusion

colonisons pour les

:

dans

à l'cludc de la pacilicatioii

si

La discussion en

et

est

désorientés, nous sen-

graves de maladie so-

nous avons jusqu'ici, dans nos nouvelles tentade colonisation,

si

complètement échoué

cju'il est

presque impossible, à l'heure actuelle, de trouver un l'ait

acquis,

un

principe vérifié, pour servir de base à

Notre expérience

cette discussion.

gative et il

est très

s'il

pour

est facile

de dire

hardi d'affirmer

réussir.

»

:

«

:

«

est tout entière

Nous avons mal

né-

agi »,

A oilà ce qu'il faut faire

Essayons cependant.

Nous ne pouvons plus prétendre

à faire des colonies

de peuplement car nous n'exportons pas d'hommes. L'exploitation à la interdite. Elle

mode

anglaise nous est également

répugne à notre caractère, nous n'avons

d'hommes disponibles pour la mener à bien. Nous n'v entendons rien. Nos institutions métropolitaines administratives et commerciales sont plutôt faites pour tuer un pays prospère que pour mettre en valeur un pays neuf. On ne peut guère compter sur une transformation pas assez

intérieure de notre corps social suffisante pour changer

dans un avenir rapproché

les

données du problème.

Faut-il alors proclamer avec quelques-uns que nous

sommes définitivement impuissants

?

Pas encore. Le

français mis en liberté retrouve en partie ses qualités

de race.

11

faut

dans nos colonies

donc poursuivre deux le

Français en liberté

idées et

:

met Ire

lrou\er une


CIVILISONS NOS COLONIES

méthode de colonisation conforme aux facnltés de notre race. Je ne vois qu'une solution colonisons pour les colonies, soustrayons-les, par tous les moyens, aux :

germes morbides de l'air,

donnons-leur de

métropole,

la

décentralisons-les.

Cherchons à en

œuvre de dupes ? Je ne Lue œuvre bonne en de

la civilisation,

l'entreprend.

La

soi,

comme

progrès général

le

ne peut en aucun cas nuire force n'est pas le droit,

que

les

c'est «

la colonisation

temps

mieux

réussi en France.

à celui qui

même

de nos

individus ne peu-

impunément en dehors du

nous que le

là faire

le crois pas.

jours, et les nations pas plus

vent vivre

pavs

faire des

prospères par eux-mêmes, civilisons-les. Sera-ce

droit.

morale

Rappelonsde tous

» cjui a

La protection des

lieux saints et des chrétiens d'Orient a plus fait pour

notre prospérité commerciale c[ue toutes nos colonies

ensemble. Les bénéfices ont diminué répudié

moins

les

vrai

du jour où nous avons

charges de ce protectorat.

que

la

«

Il

n'en est pas

du Le-

francisation » des Échelles

vant et des côtes voisines avait

suffi

pour

faire

de nous

maîtres de la Méditerranée. Ceci prouve que

les

idées grandes et généreuses ne sont

les

pas toujours des

idées de dupes.

Par

menses

ailleurs,

vouloir exploiter à l'anglaise

territoires

les

im-

occupés par nous serait en faire

la

proie immédiate des commerçants allemands et anglais, ce C{ui serait la pire des duperies.

L'objection la plus sérieuse à la théorie civilisatrice est

celle

qu'on pourrait appeler

«

historique »

.

XuUe

part on n'a civilisé les races conquises on les a détruites. ;

Deux

civilisations

étant

mises

avancée ne transforme pas l'autre

en présence, ;

elle la

la

plus

supprime^


FIWNÇAISE AL TONKrV

i;i:XIV\NSION

7? Il

de dlsculcr eu détail

serait trop lon<j;

les

nom-

breuses preuves cpi'on en fournit. Elles sont de valeurs très dilTérentes.

Laissons de côté d'abord l'exterminât ion voulue et

préméditée des races asservies dont ^()ilail il

la

place au soleil. Le

conqnérant con-

le

produit souvent;

s'est

l'ait

ne vaut pas plus contre nous que l'expropriation d'un

essaim d'abeilles par un autre plus fort ou

d'une espèce de fauves, moins

combat que

le

ses faroucbes voisins.

Arrêtons-nous au contraire au cas le

disparition

la

armée pour

bien

le

plus général et

plus caractéristique où les races indigènes, mises en

contact avec la civilisation européenne, se sont corrom-

pues avec une incroyable rapidité,

ont perdu toute

tombées peu à peu dans un

Aitalité et sont

que

faiblesse et d'abjection

naturellement amené à

les

le

colonisateur

tel état

s'est

de

trouvé

balayer de ses nouveaux do-

maines par mesure de salubrité publique. Ainsi définie, l'objection

est forte

mais

;

elle n'est

pas

sans réplique. Il

que

est possible,

en

effet,

colonisateur

le

d'enraver cette démoralisation

apporte avec

lui

;

en outre,

les

exemples généralement invoqués s'appliquent mal au cas qui

Je

nous occupe.

sais

social est tive,

que

les races

rudimentaire

conquises, surtout

prennent avec une

si

leur étal

leur civilisation très primi-

et

facilité

extrême

les

vices

de

leurs conquérants et diriicilemcnt leurs qualités. C'est

un

fait

teur

trop souvent constaté et qui frappe l'observa-

moins perspicace.

le

lleuve

Rouge,

un

lettré

J'ai

boimeteau avec une dextérité auiaieul

fail

honneur

à

vu,

annamite et

un

sur

le

faisant «

bord du jouer

bagou

un professionnel de

la

»

le

qui

bnidieuc


CIVILISONS NOS COLONIES parisienne.

L ne autre

paver l'absinthe

mant que pour ce complète.

Il

La chose

comme

les

il

fond

le

le travail

fini

sucre

pouvait prétendre à

», esti-

piuée

la «

»

de multiplier ces exemples.

Dans une

deux parts

y a

sous

« dix il

est naturelle.

la nôtre,

peu par

à

prix,

serait facile

en l'analysant,

veau,

nn de mes administrés IhA dcDong-Dang

fois,

plaindre qn'un cabarelier chinois

\{\\i se

faisait

7.'',

commun

civilisation vieillie

distinctes.

On

trouve,

de principes formé peu

des siècles, le façonnement du

cei'-

sédiments déposés dans l'âme par d'innom-

brables générations chrétiennes. Tout cela se transmet

inconsciemment dans stitue

Mais

proprement

il

faut,

ce

de

la partie saine

la

que nous appelons

pour atteindre

une écume, une couche de

race et con-

« civilisation ».

cette base solide, traverser

vices et de

germes morbides,

produit des fermentations sociales.

Ces germes, cjuand et

que

les parties

vellent plus

la

fermentation devient très active

profondes de

aux sources

la civilisation

ne

se

renou-

ont produites, se déve-

cjui les

On

loppent et empoisonnent peu à peu l'organisme.

comprend combien leur action et

doit être plus

plus funeste sur des sociétés en enfance

amassé au cours des réserves de santé

pour

siècles,

morale

de

et

cjui

résister

vitalité

immédiate n'ont point

au mal,

les

que nous avons

encore. C'est la décomposition sans remède.

La démoralisation rapide

complète des races con-

et

quises, leur effondrement tient

donc

qu'on

à ce fait

les

éléments toxiques de

met en contact d'abord avec

les

nos sociétés.

de créer des besoins nou-

A

Il s'agit,

en

effet,

eaux à ces troupeaux humains

et

pour paver leur consommation

mot de

la civilisation

tliode pratique

:

commerciale.

flatter

GRA^•DMAISO^•

de

leurs

les

c'est

On

mauvais

faire là le

produire dernier

connaît la instincts,

5

méles


L'EXPANSION FRANÇAISE AU TONKIN

7'i

empoisonner d'opium,

abrutir d'alcool

les

écraser, prétextant qu'ils vivent de peu, sous

mal rétribué

Gomme

puis

un

les

travail

disproportionné aux forces humaines.

et

comme

offrir ensuite

enseignement, on ne que des théories abstraites sur

la fraternité des peuples, le

code ?Sapoléon, des journaux

contre-poison,

trouve à leur

à

un

est

sou, quelquefois le suffrage universel.., et tout cela

accompagné trop souvent par une leçon de choses

qui en

fait

ressortir le vide et

justice légale, le mépris

du

en souligne

Ce sont des hommes cependant, la

prétention de

voie

et

les civiliser,

que nous avons

nous avons puisé.

l'ironie: l'in-

faljjle.

suivie, les

nous affichons

et si

faut leur enseigner la

il

mener aux sources où

faut leur apprendre notre religion

Il

notre langue, diriger leurs efforts vers des études plus

utiles et leur faire reconnaître notre supériorité

non point en exploitant

de race

leur faiblesse et en aggravant

leurs misères mais en les faisant plus heureux matériel-

lement

et

moralement. Matériellement, en leur rendant

moins dure la leur donnant la

Du dans

reste,

lutte

pour l'existence

nous l'avons

moralement, en

dit, l'objection

Les exemples sont

l'espèce.

;

justice pratique.

de races sauvages

et

s'applique

tirés le

mal

plus souvent

de contrées peu peuplées. Or, notre

empire indo-chinois compte déjà vingt millions d'habitants et nous ne

pouvons songer

à

supprimer

la race

annamite.

Mais

dlra-t-on,

alors,

précautions contre nous

le secret et

si

nous

lui

enseignons sans

de notre supériorité,

elle

en abusera

rejettera l'élément étranger dès qu'elle

n'en aura plus besoin. Servons-nous donc des habitants, dressons-les pour en faire

dons-nous de

les faire

un

penser.

outillage excellent et gar-


CIVILISONS ?sOS COLONIES

;.-,

La réponse est facile « il n'est plus temps », Les Annamites ne sont pas des sauvages. Leur civilisation :

de

est très difTérente

nôtre, mais elle existe. L'ins-

la

du Tonkin que dans plusieurs provinces de

truction primaire dans aussi développée

est

certaines contrées

France. L'instruction secondaire plus en l'aire

à

honneur que partout

un peuple qui

vons en user avec 1°

supérieure y est

et

Xous avons à pou-

ailleurs.

travaille et qui pense. ?sous

lui

de trois façons

:

Entraver l'instruction d'une façon générale, faire

reculer le peuple annamite, le tenir par la force dans l'ignorance, tarir le recrutement des C'est

un peu

Anglais aux Indes. Nous ne

pouvons sa

pas.

l'était le

un

:

hon

voulons pas

Maintenir

ancienne,

et

les

nous ne

le

dans

est plus instruit

peuple hindou. ?sous ne pour-

Ce

gré,

mal

serait

d'ailleurs

la

une solution

gré, les peuples avancent. Les

Anglais commencent à s'en apercevoir 2°

instruits.

cadre suffisant pour remplacer partout

l'indigène instruit.

provisoire

le

Le peuple annamite

masse que ne

rions fournir

hommes

pendant tant d'années

ce qu'ont fait

;

culture intellectuelle dans sa forme

peuple annaméthode suivie jusqu'ici. ]Nous avons vu que cela nous mène à prolonger une situation dangereuse pour notre sécurité. l'y

encourager

et

vouer ainsi

mite à l'impuissance praticpe. C'est

un

C'est perpétuer

tout

le

la

état d'hostilité redoulahle et arrêter

progrès matériel. L'état

social

qui repose sur

mandarinat ne comporte qu'une prospérité agricole relative à l'exclusion de tout

ou commercial

le

très

développement industriel

;

3° Instruire les

Annamites en leur donnant

le

goût

des études pratiques. Introduire peu à peu notre langue et

notre religion

nationales.

Répandre sans arrière-


I;EXP.VNS10N FRANÇVISE au TONKIX

70

pcnsi'o notre civillsalion la sécurité, la

dans

le

peuple.

en résultera:

Il

suppression graduelle des difficultés de

économique

politique intérieure, le progrès

et industriel

pays. Tja nationalité annamite résidant surtout dans

du

perdra peu à peu son relief

la classe lettrée,

tatives séparatistes

et les

ten-

de>iendront moins à craindre.

C'est alors qu'il faudra penser

aux Anglais, méditer

leurs procédés administratifs et commerciaux, délivrer

nos colonies de

qui décourage

la tutelle

les

bonnes

volontés et de la routine qui tue les initiatives. colons, nos

sans

de

cju'il

commerçants

nécessaire de les y pousser, les

soit

s'établir et

de prospérer dans

presque français qui,

quille,

spéculation, arrivera au

rien

me

un pays

s'il

moyens

riche, tran-

rapporte peu

moins dans

demander au budget de

Qu'il

>hos

nos industriels trouveront,

et

la suite à

à

la

ne plus

la mère-patrie.

permis, en terminant cette première

soit

partie, d'affirmer encore et de préciser l'idée

dominante

cjue j'en voudrais voir se détacher. J'ai

cherché à démontrer ([ue nous avons eu tort de

suivre les Anglais dans la forme de leur exploitation coloniale. Je crois «

anglomanie

»

que

nous a

pour une bonne part rendre

stériles.

ce fétichisme irréfléchi, cette fait

mépris pour

de leur égoïsme cauteleux, qui

tort grave. Il a contribué

Mais à coté de leur férocité dans

ploitation, de leur

lité

un

à faire dévier nos efforts et à les

suffit à

les

les

Anglais ont une qua-

expliquer l'extraordinaire fortune de

leurs entreprises et à retarder le règlement

que leur demanderont un jour asservis et ruinés

l'ex-

races conquises,

les

millions

pour l'enrichissement de

la

du compte d'hommes métropole.


CIVILISONS NOS COLONIES L'absence de tout mobile généreux

77

et désintéressé est

racheté chez eux par le respect profond de l'individu

(quand

il

est citoyen anglais),

l'amour

et

l'habitude de

la liberté pratique. A oilà ce qu'il faut leur envier le secret

de leur force

Chaque nation graves

et

triser,

il

ment

et le ressort

;

c'est

de leur puissance.

a ses plaies. ?sous avons les nôtres,

profondes. Si nous avons à cœur de les cica-

ne faut pas nous contenter d'admirer passive-

ce bienfait de la liberté et

comme un

fruit

exotique

et

du

respect de l'individu,

précieux incapable de

s'acclimater sur notre terre de France.

Chacun de nous

doit s'habituer à en faire le but direct de ses efforts et à le

considérer

comme

désormais nécessaire.

morale

fera le reste.

le

terme d'une évolution

?sotre

vitalité

sociale

économique

et


CHAPITRE IV L'organisation des hautes régions clans ses rapports avec la pacification générale.

Politique des races.

— Situation dans

la

région

de Langson enfin 1898.

Obligés, le

Delta

comme nous

un

stalu

l'avons vu, de conserver dans

quo plus dangereux

que cjuelques-uns n'ont voulu très

heureuse

traire aussi

et

le

et

plus instable

reconnaître, c'est

une

féconde idée d'avoir entrepris de sous-

complètement que possible

les

hautes ré-

gions à l'influence annamite, de nous attacher plus

étroitement leurs habitants et de nous préparer ainsi des alliés sûrs, aussi bien contre la piraterie extérieure cjue contre les

troubles toujours possibles des basses

provinces. L'occupation militaire complète et l'organisation,

dans ce but, des immenses territoires vagues qui

forment

comme une

ceinture aux riches plaines

du

Delta, devaient avoir pour résultat immédiat d'isoler ces dernières des frontières chinoises. C'était

mortel porté à le

la

grande piraterie en

même

un coup

temps que

plus sûr inoyen d'enlever aux mandarins mécontents

du Tonkin, sinon nuire en

les

la

volonté, au

moins

les

moyens de

privant de leurs auxiliaires habituels,

les

pirates chinois. L'aj)plication régulière de ces vues

ment dans un avenir rapproché,

si

amènera certaineune nouvelle saute


LES HAUTES RÉGIONS

-,,

de vent ne vient pas tout remettre en question, une pacification complète et durable tats

résul-

et bril-

pour rendre l'expérience concluante. Ces principes,

lants

du

du Tonkin. Les

obtenus en 1894-1895 ont été assez rapides

reste, et

procédés de gouvernement qu'ils com-

les

portent ne sont pas nouveaux.

Ils se sont dégagés peu à peu des leçons de l'expérience. Depuis bien des années,

les officiers

qui occupaient

réclamé une à une

indépendance

régions frontières avaient

les

dans

et essayé,

la

de leurs ressources,

et

limite de leur la

plupart des

réformes dont nous allons voir l'application. Mais

au colonel Gallieni que revient l'iionneur de fait

et

c'est

les avoir

accepter après en avoir arrêté les lignes définitives

d'en avoir assuré

dans

les

vues,

le

une netteté pratique

succès avec

une largeur dans

les idées et

dans l'exécution devant lesquelles

M. de Lanessan, d'abord

il

hésitant,

une énergie

faut s'incliner.

ne

s'était

décidé à

entrer dans cette voie que devant les troubles de plus

en plus graves qui dévastaient il

fut

les

hautes régions. Mais

de ne pas reconnaître que, du jour où

serait injuste

convaincu de

la nécessité d'aller juscju'au

ne ménagea au colonel Gallieni ni

moyens

d'action dont

il

au prix

même

la confiance,

avait besoin

parfois des ornières tracées

pour

;

il

il

ni les

sortant résolument

aller

droit

au but,

des dissentiments les plus graves avec

ses conseillers naturels, les chefs des services

torat

bout,

du

protec-

.

Sur plusieurs points, cependant, l'entente complète au début

Lanessan

était

un

et

il

fallut user

n'était pas

de diplomatie. M. de

partisan convaincu des mandarins

annamites. Dès son arrivée, apportant à ce sujet des idées très arrêtées,

situation stable,

il

leur avait

rendu officiellement une

un rang honorable

et la part d'autorité


KN TKKIUTOIIŒ MILITAI KE

8o

que

coni[)orlai('iit

Icnirs

qu'une grande détente presque complète dans de

résultat

une

les

régions

conduite

observée pendant plus de trois ans.

que

rapprochement

le

cédés nous ont darins,

fait

est définitif et

turément, car

la

nier

furent

le

régulièrement

De

là à déclarer

que nos bons pro-

manun peu préma-

des amis sincères de tous les

On

n'y avait qu'un pas.

il

ne peut

pacilication extérieure

basses

de

ligne

cette

On

fondions. et

le fit

sourde hostilité du vieux parti national

nous ménage encore pour l'avenir bien des mécomptes.

En

tous cas, à ce

de présenter

comme

moment,

il

eût été peu politique

but principal des réformes consi-

dérables qu'on réclamait, une assurance à prendre contre

un danger

du jour

qu'il était à l'ordre

On

d'ignorer.

parla donc surtout de l'extinction de la piraterie chi-

une

noise et de la nécessité de donner aux frontières très solide organisation militaire.

C'était,

en

effet,

le

plus pressé. Le rappel des mandarins annamites qui

administraient

les

provinces habitées par

les

Muongs,

démandé

plus tard, ne fut accordé qu'à regret et

peu pour

faire

honneur

à

l'engagement pris de

un

laisser

carte blanche à l'autorité militaire*. C'était cependant le

point capital et la première application principe de gouvernement colonial qui a

officielle

fait ses

d'un

preuves

depuis. Cette mesure figurait,

I.

dans

il

est vrai, depuis

programme du gouverneur

le

général.

deux ans déjà, (Circulaire du

3 scptcml)rc 1891). Mais, à cause des difficultés d'exécution et surtout de Ihostilité déclarée des hauts mandarins annamites qu on ne voulait pas mécontenter, elle était demeurée, jusque-là, lettre morte.

A

moment

encore (fin 1898), sa réalisation immédiate et jugée peu opportune, sinon par le gouverneur administration supérieure général lui-même, au moins par ce

totale

était

1

franc^aise.


POLITIQUE DES RACES

Tout pays,

s'il

81

riche, peuplé et d'une certaine

est

étendue, mais de civilisation encore incomplète (comme

rindo-Chine ou Madagascar) manque de cohésion politique. On y trouve toujours une race conquérante, plus intelligente, plus forte

en train d'exploiter

ou simplement plus

prolifique,

peuplades aborigènes

les

et

de se

substituer à elles, en les refoulant progressivement dans les parties les

moins riches

et

les

moins

du

accessibles

pays.

Au ïonkin, nombre

et

les Annamites venus par mer, avant le une organisation sociale beaucoup plus

avancée, exploitaient depuis des siècles les races primitives après les avoir expropriées des plaines riches.

Ln nouveau conquérant de civilisation

supérieure, se

présentant dans ces conditions, a nécessairement

comme

adversaires irréconciliables ceux qui exploitaient le pays à leur profit, avant son arrivée.

ment de

Son

intérêt est

évidem-

soustraire toutes les races de sang différent à

cette autorité exercée de force et acceptée à contre-cœur,

lien

un double avantage: diminuer

tire

d'autant les

ressources et l'influence de son seul adversaire sérieux

bien venir des peuplades exploitées, en leur

et se faire

donnant spontanément la liberté

le

bien qu'elles prisent

pour chacun d'être administré

jDar

le

plus,

des hommes

de sa race.

On claire

est

en droit de s'étonner qu'une conception

en théorie

et

encore discutée tous

La qualité de la vérité. et la

féconde dans la pratique

les

jours à propos de Madagascar.

ses adversaires habituels

permet,

de leur prêter d'autres préoccupations que

vrai,

si

si

Mais leur argumentation

soit

il

celle

est

de

est parfois spécieuse

question mérite qu'on y insiste.

En

prenant possession d'un pays

tel

que nous l'avons 5.


EN TEUIUTOIIŒ MILITAIRE

82

composé de populations diverses mais pos-

caractérisé,

un

sédant une race dirigeante et

mental, ayant une vie politique,

outillage gouverne-

semble que

il

plus

le

simple, après avoir vaincu cette race, soit de s'entendre

avec elle

de prendre

et

comme

conservant

suite de ses affaires

la

intermédiaire.

Il

y

en

d'hommes

façon de procéder, économie de temps,

la

dans cette

a,

et

de

travail.

Partant do ce principe, nous avons voulu au ïonkin superposer notre autorité à l'ordre existant sans v rien changer, dans l'intention de laisser au gouvernement

annamite

la

charge de

tats

les bénéilces.

la force

les

propriétaire, sous prétexte qu'ils sont

que

ses fermiers s'en plaignent,

déjà de le conserver

comme

C'est cependant ce

il

sans arrière-pensée.

du

tort tout

homme

il

hasardeux

ne viendrait de confiance.

Ils

Si

ce rôle ce n'est pas

y trouvent la possibilité de nous

en soignant leur fortune personnelle.

C'est tout profit. N'ayant plus le travailleur, ils

serait

que nous avons tenté au Tonkin.

mandarins annamites ont accepté

faire

domaines d'un, mal administrés

régisseur et

à personne l'idée d'en faire son

les

nous

Les résul-

ont été naturellement médiocres.

Après avoir occupé par

et

dont

l'administration

entendions seulement réclamer

aucun

intérêt à

ménager

ne reculent devant aucun moyen pour

quitte à rejeter ensuite l'odieux de leurs

l'exploiter,

Dans les provinces Annamites administraient en notre

exactions sur l'autorité française. surtout,

nom

les

des populations de race différente, ces exactions

ne connaissaient plus de mesure.

La seule non pas de

ligne politique raisonnable en pareil cas est se

superposer, mais de se substituer à

la

race

dominante, aux exploiteurs précédents, pour toutes

les


POLITIQUE DES RACES affaires

83

de gouvernement. La nouvelle autorité doit

tendre à devenir

entre

le seul lien

les

groupes ethniques

et ne permettre aucun groupement général. En plus

de l'ancienne agglomération politique

en dehors

d'elle

des avantages matériels qu'il retirera de cette conduite, le

colonisateur chrétien y trouvera

un

bénéfice d'ordre

supérieur. La suppression d'un intermédiaire le rappro-

chera des populations et lui permettra de leur assurer,

dans une plus large mesure, un bienfait qui lui seul

pour légitimer toutes

Ce

définitives.

bienfait,

accordé aux vaincus;

les

conquêtes

suffirait à

et les

rendre

faut l'avouer, est rarement

il

c'est la justice.

Xous avons vu qu'en présence de la densité de population et du sentiment national très développé dans le bas Tonkin, la forme du protectorat s'est imposée tout d'abord à notre occupation

et qu'il s'en est suivi l'obli-

gation de conserver en place est inutile et les

de revenir sur

le

les

personnel annamite.

tâtonnements,

les

Il

fautes

déboires que nous a valu l'emploi d'un instrument

aussi défectueux. Les circonstances

dence exige

nous

l'ont

mis de

main il faut donc s'en servir mais la pruque son fonctionnement soit surveillé avec

force dans la

;

;

soin et strictement limité à son rayon d'action obligatoire.

Essayons de montrer

comment

les

populations des

hautes régions pouvaient sans peine lui être soustraites et

quels avantages nous avons tirés de cette réforme^.

I. Le retard apporté à la publication de ce volume permet de constater quels résultats ont donné jusqu'ici ces principes et les procédés d'application qui vont être exposés plus loin. Depuis leur mise en pratique, les hautes régions du II'' territoire n'ont pas cessé de jouir d'une tranquillité complète et les quelques troubles, dont les journaux nous apportent encore parfois lécho, ont toujours lieu en terre annamite et du fait de malfaiteurs annamites. 11 en sera ainsi tant que les hautes


EN ÏEIUUTOIllE MILITAIRE

S',

A

la fin

deuxième

do 1890,

colonel Cjallienl,

le

territoire militaire,

commandant

voulant établir

le bilan

le

de

vingt mois de travaux consacrés à la pacification et au

relèvement de régions qu'il avait trouvées dévastées par la piraterie et

en partie dépeuplées, demanda aux com-

mandants de secteur un relevé des résultats acquis et un exposé des moyens propres à les rendre définitifs. 11 estimait à bon droit que cet examen pouvait seul mettre dans leur jour les principes directeurs de son œuvre et donner pour

la suite les

éléments d'une ligne de con-

duite raisonnable.

Je viens d'écrire nition.

Une des

le

mot

«

innovations

secteur », en voici la défi-

Gallieni fut la création, sous ce territoriaux

peu étendus

commandement

et

plus fécondes du colonel nom, de commandements

les

exactement délimités, où

le

militaire et l'administration politique

réunis dans une seule main, permettaient d'appliquer très

largement ces deux principes fondamentaux de

toute entreprise sérieuse: bilité.

La

l'initiative

et

la

responsa-

division des cercles importants en petits gou-

vernements de ce genre devint

la

base de l'organisation

nouvelle des territoires militaires. C'est l'installation et le

fonctionnement de l'un d'entre eux que nous allons

étudier.

Les notes qui suivent sont extraites en grande partie établi à cette époque pour le secteur de

du mémoire

Doncr-Dani?, dans le cercle de Lan^son. Les indications

topographiques

et les

quelques détails de métier qui à

dessein y ont été conservés, offrent par

eux-mêmes peu

d'intérêt; mais voulant éviter à ce travail le reprocbe,

réglons resteront protégées contre la piraterie chinoise et soustraites à lintluence des Annamites (mars 1898).


SITLATION EN FIN si

iNc,3

85

généralement mérité, d'être de seconde main

et

généraliser trop facilement des observations locales,

m'a semblé intéressant de

Ini

laisser ce

thenticité qui en précise le sens et

J'ajouterai

que

la

sous

il

poinçon d'au-

en limite

la portée.

plupart des procédés d'administration

qui Y sont exposés sont devenus depuis tout à ciels,

de

lait olli-

gouvernement de M. Rousseau. Le secteur

le

de Dong-Dang s'étant trouvé, par suite de sa situation particulière et de l'intérêt

en avance sur

que présentait

sa pacitication,

les circonscriptions voisines, le

mémoire

qui en traite a servi de type pour l'organisation de plusieurs autres.

En

octobre 1898

d'expédients dans

gouverneur

et

depuis longtemps déjà, on vivait hautes régions. L'attention du

les

général en

embarras économiques

M. de Lanessan qui

avait et

été

détournée par des

politiques de toutes sortes.

avait toujours espéré voir la paciti-

cation s'étendre naturellement de l'intérieur vers les frontières, désirait avant tout s'assurer le bénétlce d'une

En

situation nette dans le Delta. sait à voir

attendant,

il

se refu-

autre chose, dans les graves avertissements

qui se succédaient, que des actes de brigandage sans portée et

il

acceptait

difficilement l'expression d'une

opinion différente. Son optimisme dans l'espèce était

compliqué d'un peu de parti

pris et sous prétexte d'ap-

pliquer toutes les ressources disponibles à la mise en

valeur des provinces basses,

cpii

seules,

en

effet,

se

prêtent actuellement à une exploitation productive, on avait,

de propos délibéré, réduit l'occupation des terri-

montagneux à une surveillance tout à fait insuffisante. La consigne était: pas de renforts, pas d'argent, toires

pas d'histoires


EN TERRITOIRE MILITAIRE

80

Le

calcul

ce sujet,

('tait

du

mauvais

fièrent par la suite et

il

fallut le reconnaître.

il

;

de M. de Lanessan

reste, les idées

se

Sur

modi-

semblait, à la fin de son séjour,

en communauté de vues complète avec

le

colonel Gal-

lieni.

Les demi-mesures avaient

fait

leur temps, la situation

s'aggravait tous les jours et, à la fin de 1898, le pays n'était plus tenablc.

Dans

le seul secteur

de Dong-Dang, aux portes de

Langson, où nous allons désormais

fixer

notre atten-

du 34 septembre au 27 octobre, nous avions à enregistrer un gros convoi pillé et six ou huit hommes tués à i,5oo mètres du poste principal, une escorte de

tion,

:

six tirailleurs

sur

un

tonkinois massacrée quelques jovirs après

autre chemin,

un

officier (le

lieutenant Langro-

gnet, de l'infanterie de marine) tué en installant

un

blockaus, sans parler des courriers assassinés, des villages brûlés, des habitants enlevés...

Une

forte colonne conduite par le colonel Servière,

refoulait, vers la fin d'octobre, les grosses

à demeure dans

bandes ins-

les

cirques calcaires de la fron-

tière chinoise à cjuelqucs

heures de Dong-Dang. La

tallées

était

pas moins inquié-

un pays dévasté,

des cantons entiers

en novembre, n'en

situation, tante.

Sur

la frontière,

abandonnés,

les

chemins

assez

peu surs pour rendre

aléatoire le ravitaillement des postes.

De petites

très

escortes,

des courriers, des habitants journellement attaqués et

massacrés.

Dans

l'intérieur, à part

quelques

fusils et

en état de

certains villages possédant se faire respecter, les habi-

tants ruinés, inquiets et sans confiance sont constam-

ment

pris entre les exigences des pirates qui les cxploi-


SITUATION EN FIN

iS.j3

87

tcnt sans pitié-ct les représailles des Français, incapables

de

qui leur font un crime de paver tiihut

les protéger,

aux

pirates.

Comme occupation militaire à

Dong-Dang ne pouvant

:

suffire

une trentaine d'hommes aux escortes

détachements indigènes, répartis dans blockaus de bois

et

de torchis,

isolés,

peine en sûreté et vivant au jour

et

trois

quelques

ou quatre

sans liaison, à

le jour.

que M. de Lanessan, recon-

C'est dans ces conditions

naissant la nécessité d'agir, se décida h tenter

l'essai

grand des réformes appliquées déjà avec succès dans

en le

premier territoire militaire (Sept-Pagodes, Moncaï) par le

colonel Gallieni.

deuxième

Il

l'appela

territoire, lui

et la liberté d'agir.

au commandement du

donna des hommes, de

l'argent

Les résultats ne devaient pas

se faire

attendre. ]Nous avons essayé tout à l'heure de définir le

but

et l'idée

générale de cette réorganisation des hautes

régions dans ses rapports avec la pacification générale, il

nous

reste à

en suivre

le détail

dans

les limites

que

nous nous sommes imposées.

La tâche entreprise pouvait Nettoyer

se

résumer

ainsi

pays des grosses bandes de pirates

le

:

;

proté-

ger efficacement les habitants contre leur retour; les

armer contre

le

brigandage

;

leur inspirer confiance, les

surveiller efPectivemcnt et se les attacher, en améliorant

leur vie.

Nous

allons en étudier le développement dans les

chapitres suivants

l'organisation situation

où nous examinerons successivement

militaire,

économique

l'organisation

et l'avenir possible

de territoire militaire pendant

mation

et

politique,

sa période

de définitive pacification.

la

d'un élément de transfor-


CHAPITRE Y Lutte contre

la piraterie.

— Organisation occupation militaire. — — Utilisation des habitants au point et

Relations avec les Chinois.

de vue militaire.

La par

la

— Armement des

villages.

pacification des haulcs régions

du Tonkiii, occupées

grande piraterie, exige une opération préliminaire,

exclusivement réservée à l'action militaire. La forme de cette action vient d'être étudiée

complète par

le

d'une façon claire

commandant CliabroP,

plus à

et

même

que tout autre d'en parler en connaissance de cause. ?Sous n'aurions rien à ajouter aux conclusions qu'il formule. L'historique de chacune des colonnes chargées

de combattre

les

grosses bandes dans le voisinage de

Dong-Dang demanderait, ments qui

par ailleurs, des développe-

sortiraient de notre cadre.

Contentons-nous

de quelques principes. Les colonnes militaires ne peuvent avoir de détruire

les

bandes pirates. Alors

la

même

prétention cju'elles

le

pourraient, le résultat ne serait pas en proportion avec l'eflbrt

nécessaire car

bandes

est illimité.

le

On

personnel qui alimente ces a

trop souvent,

poursui>i ce résultat, sans succès

du

I. Opérations militaires au ro/^/i///. Chabrol. Paris, Lavauzclle, 1897.

cependant,

reste. C'est

Commandant

une

breveté


LA l'ACIFlCATION

Sy

orrour qui nous a coûté cher. L'action militaire piopic-

ment

dite a

pour but de dissocier

les

rassemblements

organises, de les cbasser de leurs repaires et d'en pour-

suivre les débris pour les les

met

armés

tants

et

sent en détail

sence de

empêcher de

merci de

ainsi à la

se ressouder.

par

la police faite

convenablement soutenus qui

ou

vastes

les

les

occupés

territoires,

détrui-

En

les forcent à quitter le pays.

On

habi-

pré-

par des bandes

puissantes qu'il n'a pas été possible d'isoler, le rôle des

opérations militaires peut se trouver réduit à «

de balai » qui nettoie

le

un coup

pavs dans des limites hxées

d'avance. Cet effort est alors

immédiatement

suivi par

l'établissement d'une ligne de postes provisoires destinée à endiguer le territoire laissé à la piraterie et à permettre le

repeuplement

Dès

c|ue

les

et l'organisation

circonstances

du

terrain reconquis.

permettent une

nouvelle

poussée, la barrière de postes est reportée aux limites

de

la

nouvelle zone balavée. C'est par ce procédé lent

mais sur que nous avons entrepris de refouler peu les restes

toires

de

grande piraterie vers

de Ha-Yang

Dans

les

frontière,

il

nord des

à

peu

terri-

de Bao-Lac.

et

faut v installer

sol

un

par la force, atteint

la

non pas un barrage pro\i-

mais une ligne de postes

constituer

le

contrées limitrophes de la Chine, dès que

de possession du

la reprise

soire

la

llxes, assez forte

obstacle délinitif aux

pour

mouvements

des

bandes. Mais ce dispositif de défense, cjuelque solide et serré qu'on le suppose,

ne

suffirait

jamais à doter

frontière d'une imperméabilité suffisante

pour

la

résister

à la pression de l'inépuisable réservoir de pirates qu'est la

Chine

et

empêcher

l'infiltration des

gandage. Son rôle

est

bandes déjà formées

et

éléments de bri-

donc seulement d'arrêter de forcer

les petits

groupes

les

([u'il


EN TERRITOIRE MILITAIRE

(jo

no

une forme

sous

pciil arrôler, à pc'nétrcr

assez disso-

peu dense pour n'èlrc pas en mesure de

ciée et assez

résister par la force à

une

police indigène solidement

organisée en arrière. Ainsi constituée et soutenue par

population

la

armée, cette organisation présente de

sérieuses garanties de sécurité.

Lne bande môme

forte qui aurait réussi à forcer le passage

subsister dans l'intérieur.

faut,

lui

Il

vivre et se dérober aux poursuites,

habitants

la

pour exercer son industrie,

et,

munication avec venus à rendre

la

en

assez

ne pourrait effet,

pour

complicité des sa libre

com-

Chine. Le jour où nous serons par-

les entreprises

de

la piraterie assez

hasar-

deuses et ses bénéfices assez incertains pour dégoûter bailleurs de fonds qui

les

commanditent

nous serons tranquilles dans

Nous prendrons tière

ici

le

l'organisation

dépendant de Dong-Dang, au

militaire

proprement

les

bandes,

Haut-Tonkin.

du tronçon de fronmoment où l'effort

de disperser

dit vient

et

de re-

fouler les rassemblements pirates établis à demeure.

Après 1893 par

la

colonne du Po-Mou conduite en octobre

le

colonel Servière, le voisinage immédiat de

Dong-Dang

se

trouvait débarrassé de ces rassemble-

ments. Quelques groupes avaient gagné au sud-ouest les

rochers

du Caï-Rinh, que

les

colonnes de décembre

1893-janvier

1894 devaient nettoyer nombreux remontant la frontière vers allés

se

d'où

ils

;

le

d'autres,

reformer dans un canton voisin, continuaient à désoler

Kong jusqu'en mars

1894.

colonne conduite par purgera ces parages

le

les

A cette

rives

plus

nord, étaient le

Ilan-Lu,

du Song-Kv-

époque, une nouvelle

lieutenant-colonel Chapelet,

et y laissera les détachements chargés d'occuper délinitivcment la frontière.


LA PACIFICATION

91

Cependant, ]S'a-Han

et

les clrcpies calcaires des Lung-Qué, entre Léo-Kao (au nord de Dong-Dang), étaient

encore infestés par

les débris

après avoir trouvé

un

au ïonkin

abri

des anciennes bandes qui,

momentané en Chine,

ren-

y signalaient journellement leur présence par quelque tentative de pillage. En décembre traient

et

1893, deux convois escortés sont

semaine

et

attacjués

la

même

en plein jour à quelques kilomètres de Dong-

Dang. En janvier 1894, nn gros village entre Donget Langson est l'objet d'un attaque de nuit. Les

Dang

habitants armés, accourus au

nombre d'une centaine

soutenus par un détachement de

et

garnison, recondui-

la

sent les assaillants en Chine en leur infligeant quelques pertes.

Au cominencement

viennent

même,

coups de

fusil

Il serait

de février des maraudeurs

à la faveur des fêtes

jusque sur

le village

du

«

Têt

menus

sans intérêt de rappeler tous les

de brigandage qui marquent

les

tenir

la

des

faits

derniers eflorts de la

piraterie dans les quatre premiers

pables bientôt de

», tirer

de Dong-Dang.

mois de 1894. Incales quelques

campagne,

groupes armés, encore sur pied, n'opéreront plus cjue

dans

le

voisinage immédiat de la frontière

en Chine d'où

ils

coups de main

et

;

séjournant

ne sortent que pour tenter c|uelques

y rentrant en hâte dès que leur pré-

sence est éventée. Ce sont désormais les progrès d'une

occupation militaire plus complète, cantons de

la frontière,

le

repeuplement des

villages et une amener leur diminution

l'armement des

surveillance très active cpi vont

progressive puis leur disparition complète.

mars 1894, balavant la fron\a-Han, jusqu'au delà du Song-Ky-kong à hauteur de Dong-Ké, que l'occupation militaire du secteur de Dong-Dang prend sa forme C'est après la colonne de

tière depuis

Dong-Dang

et


EN TERRITOIRE MILITAIRE

0^

A\aMl d'aborder

délinitivc.

données snr

([uelques

la

celle organisation militaire

physionomie du pays sont

indispensables.

Le secteur de Doni?-Dan2r

est,

au nord-est

et

sur

un

développement d'une trentaine de kilomètres, limité par

Chine. La ligne frontière depuis

la

la

porte d'Aï-Ro,

au nord du poste de Bao-Lam, court d'abord X.-E.S.-O., à travers

une région de grands mamelons herbeux,

Nam-Quan

Dongun massif rocheux, vient toucher la route de Dong-Dang à Xa-Cham et Cao-Bang (à i,5oo mètres de DongDang) pour remonter ensuite dans une direction générale S.-X. jusqu'au Song-Kv-Kong (poste de Bi-Nhi).

jusqu'à

porte de

la

Dang). Elle

Le

s'infléchit ensuite

territoire chinois

Dang, un

du

saillant très

forme

ainsi,

prononcé

en face de Donc:o

c|ue

la

configuration

n'explique pas. Ce tracé peu naturel a

sol

accepté pour laisser à la Chine la porte de

innombrables

et les

de

(3'^™,700

E.-O. en abordant

fortifications qui barrent la route

de Langson à Long-ïchéou (route impériale de à Pékin), la plus

connue

et

actuellement

De Bao-Lam

à

verte de grands

de

«

brousse

Xam-Quan

mamelons » et à

s'y

la

zone traversée

à

cou-

de Bao-Lam,

les rares

cultures

cachent au fond d'étroits vallons font vivre

A

partir de

Nam-Ouan, la frontière chemine tra>ers vm véritable chaos de rochers

calcaires

porte de

ment

est

enchevêtrés, déboisés, tapis-

seulement quelques hameaux clairsemés. la

Tonkin

peu près inhabités. En dehors

la cuvette assez fertile

qui

le

Chine.

et la

sés

Hué

plus fré-

la

quentée des communications par terre entre

de

être

Xam-Quan

pénible-

en partie boisés. Malgré l'àpreté de ce massif, d'assez


CARACTÈRE DE LA RÉGION

9^

nomlDreux cirques cultivables y pourraient recevoir une population moins rare

que

Les

moins misérable peut-être

et

grands mamelons.

celle des

du

reliefs

sol, collines

de terre ou cimes roclicuses,

protégés contre les agents d'érosion par une végétation très active, ont conservé le plus souvent des profils for

tement dessinés aiguës.

Il

pentes raides, escarpements, pointes

:

en résulte

cjue toutes les régions

montagneuses

du haut Tonkin présentent d'une façon exceptionnellement accusée la physionomie caractéristique des terrains à charpente de calcaire dur. L'altitude habituelle de ces reliefs

ne dépasse guère deux

cents

trois

à

mètres;

quelques-uns d'entre eux cependant peuvent atteindre cincj à six cents le

pays est

mètres.

même

le

:

De

l'autre côté de la frontière,

des traînées de rochers calcaires

souvent boisés, puis, à perte de vue, des grands

mamelons

à la partie

sud de

la

moutonnement fait

province du Quang-Si

le

Les sommets

région des Cent-Mille-Monts. voisina2:e de

le

broussailleux qui ont

\am-Ouan

donner

nom

de

dans

le

hérissent de forts et d'ou-

se

vrages chinois peu redoutables de près mais bien placés

pour frapper l'imagination des habitants. ^lalgré généralement déplorable de ces constructions

armement le

cas.

l'état

et leur

insignifiant elles n'en formeraient pas moins,

un

échéant,

de

tions, c[ue le soir et à la veille

de

Dans toute

la

lequel

il

faudrait

deuxième ligne de

ces fortifica-

porte de

Nam-Quan

la prise

la retraite

se briser l'effort des

avec

obstacle

compter. C'est contre

de

la

de Langson, vint en i885

colonnes françaises.

cette contrée, la population indigène est

même origine cjue celle du haut Tonkin et parle la même langue. Les Chinois l'occupent comme les Anna-

de

mites occupaient Langson

et

Cao-Bang, pour gou-


EN TERRITOIRE MILITAIRE

O'i

vprncr (le

mesures prises dans

ol exploiter. Alals les

le

but

proléger les frontières de l'empire l'ont transformée

en une sorte de confm militaire dont

pour

est assez spéciale

la

physionomie

qu'il soit utile d'en dire

quelques

mots.

On

parle souvent

signer

parages. Le

mot

de

«

réguliers » chinois pour dé-

tiennent

qui

soldats

les

est inexact

dans

garnison

comptant pas dans l'armée régulière, recrutés tenus à r« entreprise

de

la

»

par

les

l'organisation

dans l'ouvrage publié

Famin ^

il

et

ne

entre-

mandarins responsables

Des renseignements

sécurité des frontières.

complets sur

ces

ce sont des mercenaires

;

de cette milice

en 1890 par

est inutile d'y revenir.

très

figurent

commandant

le

Ces mercenaires, gens

sans aveu et sans ressources, venus d'un peu partout et c[uelquefois de très loin,

ne sont habituellement em-

ployés et payés que d'une façon intermittente. Après leur service,

ment

ils

s'établissent

souvent sur place

des villages militaires dans

Leurs mandarins

les

le

y encouragent

et for-

voisinage des forts. et se

constituent de

une grosse réserve d'hommes disponibles qui leur permet en temps ordinaire de réduire leurs effectifs

la sorte

et

de

faire

des économies. Cette réserve,

servait surtout

du Tonkin

au recrutement des bandes

trouvait

sa

il

est vrai,

et la piraterie

meilleure clientèle dans celte

population d'aventuriers. La prospérité de leur avait attiré sur les

trafic

marchés voisins une foule de com-

merçants louches, vendeurs d'opium

femmes, qui ne relevaient pas

le

et

acheteurs de

niveau moral du mi-

lieu.

I.

Au

mandant

Tonkin

et

P. Famia.

sur la frontière du Kn'ang-Si. Paris, Ghallamcl, iSqô.

Com-


CARACTERE DE LA La crainte des incidents de

RÉlilON

r)5

frontière et la panvieté

de notre occupation avaient jusque-là tenu nos postes à distance respectueuse de la Chine.

une zone inoccupée où nisaient

en sécurité

et

surtout à couvrir la retraite

la

leurs

faisaient

postes chinois qui jalonnaient

aventure une colonne

forme

s'était ainsi

Il

pirates et soldats chinois frater-

des

les serrait

affaires.

Les

frontière servaient

la

pirates, c^uand par

de trop près.

Du

reste,

misère endémique dans ces agglomérations mili-

taires, trop considérahles

pour une contrée pauvre qui

ne peut pas

et la

de payer tout ce

les

la solde

nourrir

monde une

Dang de

six à huit

en

activité, faisaient à

nécessité de voler

verrons c^ue l'embauchage

sieurs mois,

façon par trop sommaire

même aux soldats

cents

et

pour

coolies chinois

pendant plu-

en donnant aux pirates sans travail

soldats sans place, le

moven de

et

nous donna

le

et

aux

vivre honnêtement,

diminua dans des proportions considérables dage local

Nous Dong-

vivre.

l'emploi régulier à

répit nécessaire

le

brigan-

pour réor-

ganiser le pays.

Les mandarins eux-mêmes ne négligeaient l'occasion les profits

avouée pour les

pas

à

que leur assurait une bienveillance

pirates. Ils trouvaient

commode délaisser

leurs soldats en congé rentrer ainsi clans leurs arriérés

de solde

et

donnaient aux chefs de bande toutes

facilités

pour leurs opérations au Tonkin movennant l'engage-

ment de ne point

exercer leur profession en territoire

chinois. Cette entente, quelcjuelbis tout à fait explicite, fut la cause principale de l'émigration presc|ue générale

des habitants tonkinois de la zone frontière. Certains villages,

pour trouAcr une tranquillité relative, n'avaient

eu qu'à

se déplacer

de quelques centaines de mètres.

Dès que leurs cabanes en

pailloltes étaient reconstruites


EN TERRITOIRE MILITAIRE

90

de r.iulrc cùlr de

la

borne,

ils

assurée aux villa;^es chinois

jouissaient de rinimunilé à

;

la

condition, bien en-

tendu, de payer tribut au mandarin local qui a oyait d'un

bon œil ce supplément de revenus et ne négligeait aucun moven pour peupler de la sorte son gouvernetiès

ment. Aussi l'exemple tions désertaient en

pour

aller vivre

Pour

avait-il été suivi et les

popula-

masse nos cantons les plus maltraités

en Chine.

tenir tète à

un

aussi

dangereux voisinage, nous

avions au ïonkin quelques postes installés sans plan

d'ensemble

et à

mesure des besoins, pour

la

protection

des voies de communication ou des rares villages encore habités. Ces postes, toujours placés assez loin de la frontière,

avec leurs garnisons insuffisantes, leurs

commu-

nications difficiles, leur autorité nulle sur les habitants,

sans lien entre eux et sans surveillance, rendaient peu

de

services.

Le plus souvent

constitués par cjuelcjues

en paillotes entourées d'une palissade de bambous, étaient toujours à la merci d'un coup de main ou

cases ils

d'un incendie. Les garnisons mal ravitaillées

et à

peine

à l'abri y souffraient beaucoup. Enfin, l'aspect misérable de ces établissements que leur isolement et cjuelcjue

vieux pavillon déteint, flottant au sommet d'une perche

de bambou, distinguaient seuls des pauvres hameaux de la montagne, permettait aux Chinois de répandre

périodiquement

le

bruit vraisemblable de notre prochain

départ

Avant de

fixer la

forme définitive d'une occupation

plus efficace et plus honorable de il

fallait

toire

lit

connaître

le pavs.

procéder à cette étude par

secteurs en formation

el

la frontière chinoise,

Le commandant du les

terri-

commandants

des

leur prescrivit de lui soumettre


ORGANIS.VTION MILITAIRE sans retard leurs propositions.

de

citer ici

textuellement

en février 1894 pour

le

Il

saisir

Mon

colonel, vous

adressé

sur le vif le plan qu'on se

proposait de suivre, et les idées «

semble intéressant cjui lui fut

de Dong-Dang. Ce do-

le secteur

cument permettra de

me

rapport

07

du moment

avez bien voulu

:

me demander

«

un rapport au

«

circonscription de

«

pation qu'il conviendrait d'y adopter. Je viens cl'étu-

«

dier le tronçon de frontière qui

«

étude,

sujet des travaux à exécuter dans la

mon

poste et sur le

me

mode

d'ensemble que

De

regarde.

non encore terminée dans tous

d'occu-

cette

ses détails,

l'honneur de

«

résulte le projet

«

vous soumettre ci-après.

«

ouvrages sur

«

bases

«

prévoir que de la forme définitive à donner à notre

«

occupation.

«

zone militaire solidement appuvée sur des garnisons

«

européennes

«

séjour et le passage de toute bande

«

«

Avant d'aborder

du

le

il

est

la

suffisamment surveillée pour que

et

V soient rendus impossibles.

«

sion, surtout la

fortifiés,

Mais

il

Une

le

un peu nombreuse

partie de celte

mis-

du brigandage, incombe installés dans un petit nombre

répression

aux habitants armés postes.

les

effectifs à

constitution d'une sorte de

ce

de villages

importe de préciser

au point de vue des

travail, tant

Le but proposé

du placement des

question

la

terrain,

j'ai

et

construits à

proximité de nos

nous faut avant tout organiser une

surveillance directe et protéger efficacement les indi-

ce

Il

est

difficile

de

saisir

l'idée

d'ensemble qui a

ce

présidé jusqu'ici au choix des points occupés.

ce

frappé surtout,

ce

mancjue de

dans

l'organisation

lien entre les postes et

(tra:<dmaison

de

On

est

actuelle,

du

la passivité

de

6


EN TFRRITOIRF. MILITAIRE

98 «

noire occupallon. Ce sonl

«

principales de l'inutililé relative des cfTorls 1res réels

«

mais inlcrniillents

«

faits jusqu'ici.

et

là,

je

crois,

les

causes

insuflisamment coordonnés,

Ces postes

blockaus indépendants,

et

semés un peu au hasard, tout en immobilisant d'assez gros etTectifs, sont nécessairement frappés d'impuissance. Cliacun d'eux est censé répondre

d'un séjour «

«

et

aux

nécessités

d'un ravitaillement réguliers, d'une

défense joropre sérieuse et d'une surveillance directe

étendue. L'impossibilité de sacrifier l'une ou l'autre

de ces conditions dans l'établissement d'un poste isolé, fait c[ue le

plus souvent

ils

ne répondent com-

La plupart des chefs de poste leur sécurité, un peu à leur ravi-

plètement à aucune. pensent beaucoup à taillement et pas C'est

du tout à la surveillance des environs.

donc l'ordre

et surtout la vie qu'il faut essaver

d'introduire dans cette organisation morte. c(

«

Le plan proposé comporte 1°

trois sortes

de postes

conscription territoriale (centres de secteur) «

.*2°

:

Les garnisons ou postes principaux avec cirLes postes ou blockaus annexes

«

3° Les postes de garde

ce

Ainsi

le

ou

poste principal de

;

;

petits blockaus.

Dong Dang, comprenant

comme circonscription territoriale le chau de A an L yen, comporterait trois postes ou blockaus annexes :

«

Bao-Lam, Ta-Laï et un ouvrage dans le massif du Po-Mou. Cliacun de ses ouvrages, plus ou moins vaste suivant l'importance de son rayon d'action ou mieux du réseau de chemins dont il doit assurer la

«

surveillance, serait installé dans des conditions de

«

sécurité lui

«

pour

«

liberté

donnant une résistance propre

laisser à la plus

grande partie de

sa

suffisante

garnison

la

de sortir en tout temps. Sa position devrait


ORGAMSAÏION MILITAIRE ((

lui assurer,

en

même

temps que des

qq

facilllés

un commandement

«

taillement suffisantes, des vues et

«

permettant l'usage d'un hotschkiss ou

«

pièce de

-

(.(.

de ravi-

même

d'une

montagne.

Chacun de

ces post-es ann-exes serait complété, sui-

«

vant

c(

blockaus de garde et

ce

mettant

«

garde, mais de tous les points à surveiller.

K

garnison permanente mais relevée tous

c(

Cette obligation de la relève quotidienne ou au moins

«

très fréquente, assurerait

c(

tion dans le ravon

«

réduire à une réserve fixe insis-nifiante le ravitaille-

«

ment

«

la

«

manque

c(

blockaus différeraient complètement des conditions

«

d'installation

« «

nome. Lne simple tour crénelée de quelques mètres carrés, solidement fermée, avec une toiture incom-

«

bustible serait

«

placées sur les

«

«

les besoins,

par des postes de surveillance ou

l'accès facile

Chacun des

un réseau de bons sentiers pernon seulement des blockaus de blockaus de garde aurait une

petits

les jours.

une unité complète d'acdu poste annexe, permettrait de

des postes de garde et surtout donnerait, par

circulation

incessante

qu'elle exige,

la

vie qui

à notre occupation actuelle.

La construction

et

l'emplacement de ces

des blockaus

très

isolés à i^arnison

Ces

suffisante.

chemins mêmes

et

tours

petits

auto-

seraient

aux points de pas-

un

ce

sage obligés, sans préoccupation de leur donner

«

commandement ou une vue

«

partisans aux abords des villages.

«

pas

«

comme

ce

poste annexe pour chaque poste de garde (trois relèves

«

«

La

très étendue.

surveillance serait complétée par des postes de

Tel est l'ensemble de ce dispositif qui n'exigerait

un

effectif considérable.

base de calcul, vino-t

On

pourrait adopter,

hommes

de "arnison au


EN TERRITOIRE MILITAIRE

loo

« «

six hommes) avec une hommes. «

«

réserve de dix ou quinze

de

En

données au secteur de Dong-

ces

a[)|)liquanl

on arriverait aux conclusions suivantes Dan*», D' «

En

présence des travaux et des

effectifs

etc..

demandés

pour une bande de terrain relativement assez et

:

étroite

représentant une trentaine de kilomètres de fron-

tière,

il

faut

remarquer

qu'il

s'agit

d'une prise de

possession définitive de la frontière, que ce tronçon

présente une importance et des difficultés spéciales, qu'enfin

le

plan proposé se prête très bien à

la

réduc-

tion progressive des effectifs par l'abandon successif,

aux partisans, des postes de surveillance. « «

Avant de vous soumettre un projet comprenant

l'ordre d'urgence des travaux à exécuter, je désirerais,

«

mon

te

cerne les bases

«

l'organisation.

colonel, avoir votre approbation en ce qui con-

du

travail et l'économie générale

«

Cette économie peut se résumer ainsi

«

Postes principaux avec garnison européenne,

de

:

commandement

cir-

ée

conscription territoriale et

«

sur tous les postes compris dans la circonscription.

«

garnison

(c

européens.

«

« Postes de surveillance ou petits hlockaus, dépendant directement des postes annexes et alimentés

«

par leur garnison

«

quente.

«

poste annexe.

«

«

«

eflectif

Postes ou htochaus annexes. Ouvrage sérieux à indigène

;

relativement forte,

à relève quotidienne

Réseau de sentiers Les avantages sont

:

avec cadres

ou

très fré-

militaires autour de

chaque

La création non pas d'une


OIIGAMSATION MILITAIRE

loi

(c

ligne mais crime zone assez

«

lance

«

fixes,

«

tivc cjui assure

«

lière des

«

Le remplacement d'une occupation passive par une surveillance vivante, cjuelles que soient par ail-

ce

leurs la valeur et l'énergie des cliets de poste. «

«

«

profonde de surveil-

;

2° L'ordre assuré par le

de tous

classement en catégories leur subordination rela-

les postes et

en

même

temps

renseignements

transmission régu-

la

et l'unité d'action

;

3''

Comme

on

le voit, ce

projet insiste sur la nécessite

de coordonner, avant toute autre chose, l'action des troupes

et

de fixer exactement leur subordination.

Cette préoccupation

avec les idées

remit entre

du

les

était

en concordance absolue

colonel Gallieni

cjui,

dès

le

début,

mains des commandants de secteur

toutes les ressources de leur circonscription. ainsi leur imposer,

dans

les limites

cription, toutes les charges taire et la responsabilité

de

Il

put

de cette circons-

du commandement milidu pavs.

la sécurité

Ainsi fixé sur ses droits et ses devoirs, chacun se mit à l'œuvre.

Il

serait

sans intérêt de détailler

ici

les

opérations et les travaux de chacjue jour, poursuivis

depuis cette époque, pour arriver peu à peu à reconquérir la frontière, à

s'y installer et à faire

entrer dans

domaine de la pratique les principes résumés dans le rapport que nous avons cité. Une esquisse de l'organisation telle que nous la trouvons enfin iSgSsera sufle

fisante.

A et

la

bifurcation des routes de Langson à

de Langson a Long-ïcliéou

porte de Chine de

Nam-Quan),

se

Cao-Bang

(4 kilomètres de

trouve

de Dong-Dang, marché important

le

et siège

la

gros village

de l'admi6.


KN ÏERIIITOHIE MILITAIRE

102

nlslralion iiuligvnc

Uycn. C'est

le

du

cliaii

centre

du

I

(sous-préfecture) de

Van-

secteur, le poste principal.

Les cases de torchis, couvertes en paillottes, qui depuis des années servaient d'habitation à sa petite garnison,

ont été remplacées par de magniliques casernements achevés en mai 1890.

Ils sont occupés par une compaune cinquantaine de soldats indigènes qui forment une solide réserve toujours sur pied et toujours disponible dans la main du commandant du secteur. A quatre kilomètres de Dong-Dang, au point où la

gnie de

la légion et

grande route de Chine entre au Tonkin, un blockaus honorable, solidement construit en maçonnerie, comportant l'usage

d'un hotschkiss

et

une garnison de

commandés par un sergent européen, protège le mouvement, actif déjà et destiné

trente indigènes surveille et

à le devenir davantage, de cette voie importante.

Au

nord-est,

la

région des grands mamelons est

corne de

la

frontière et en

ouvrages chinois d'Aï-Ro

et

de Cao-Cap, par

surveillée,

à

la

de Bao-Lam. Ce poste sert de liaison avec

face

le

le

des

poste

secteur

(Banh-Danh), protège le centre habité de Baoet tient le chemin assez fréquenté qui entre en

voisin

Lam

Chine

à la porte d'Aï-Ro.

facile

de cette partie de

tenir

comme

la

Le parcours relativement frontière a permis de s'en

poste fixe, à celui de

Bao-Lam, dont

la

reconstruction en briques se poursuivait en iin 1895

pour trente indigènes détachement a dû,

et

un

sous-officier européen.

malgré tout,

Ce

pendant plusieurs

comme poste de garde avec six ou huit hommes fréquemment relevés, le petit blockaus en pisé de Coc-Tong. Le sentier qui y passe entre Nam-Quan et Bao-Lam était souvent emprunté par les petits mois, occuper


ORGANISATION MILITAIRE

io3

groupes de pillards en quètc d'un coup à

même

par

envovaienl leur butin sur

de ^»am-Quan. Dans

Coc-Long relevèrent

Au

ou

faire

convois des bandes de l'intérieur qui

les

les

marchés chinois voisins habitants armés de

la suite les

les tirailleurs

de Bao-Lam.

nord-ouest, l'organisation du massif rocheux

à tout prix assurer

difficultés

spéciales.

sécurité

longtemps incertaine, de

si

et

de ses nombreux couloirs présentait des

la surveillance

Bang qui longe

fallait

Il

la frontière à

la

la

route de Cao-

courte distance en sui-

le

pied de falaises rocheuses couvertes de bois et

faites à

souhait pour les embuscades. Les attaques de

vant

convois et de détachements y étaient d'autant plus faciles et fructueuses c[ue tous les mouvements de

troupes et d'approvisionnements destinés aux garnisons échelonnées depuis

Dong-Dang

juscju'au delà de

Gao-Bang doivent l'emprunter. De fait il existe au ïonkin peu de passages où les embuscades et les pillages aient été aussi fréquents que sur ce tronçon de route.

Ln cier

poste annexe important

sert

lage de

commandé

par

un

oflî-

de centre à l'occupation. Placé près du vil-

Xa-Han,

grognet tué

il

porte

le

nom du

d'une balle dans

1893, en installant

un blockaus

des repaires que les pirates,

lieutenant

la tète, le

Lan-

26 octobre

provisoire au milieu

refoulés vers

le

nord,

abandonner définitivement. Le poste Langrognet, solidement reconstruit en maçonnerie dans le

allaient

courant de 1895, peut recevoir une garnison de 60 à

70 indigènes avec un officier et deux sous-officiers Quatre postes de garde lui servent d'avan-

européens. cées.

Chacun d'eux

six à

quinze hommes, dont

est

occupé par un détachement de l'officier

de Xa-lian règle


EN TEIUUTOIIIK MU.ITAIIŒ

To',

force

la

servant de liaison avec

et

au nord (en

pisé couvert

en

le

secteur de >ia-cham

tôle, construit

en 1894)

Le blockaus de Bo-Sa au sud, sur un chemin

quente qui échappait à

surveillance

la

(construit en maçonnerie en 1894) 3°

du

secteur.

Le blockaus de Son-Tu sur un chemin venant de

Chine 2"

d'après les inslruclions

fixe la relève,

et

commandant du

le

de ^sa-Han

;

Le blockaus du Po-Mou, destiné

conservé provisoirement contre

;

fré-

à disparaître et

brigandage

;

Le blockaus de Pac-Luong sur la grand'route, moitié chemin entre Dong-Dang et Na-cham. En 4°

à

du

présence

transit

important

et

de

la

circulation

active cju'il faut protéger contre le brigandage toujours possible,

il

a été reconstruit .en 1894 et reste occupé

d'une façon permanente.

La préoccupation de

tenir la frontière et de protéger

et Dong-Dang a du blockaus de Leo-Rao, établi sur un rocher de la frontière et commandant un réseau de mauvais sentiers trop connus des pirates. Ce petit

route entre

la

le

groupe de ISa-Han

décidé la création

ouvrage, construit en maçonnerie, au prix de grands sur

eflbrts,

est

sible,

une pointe rocheuse difficilement accestrès loin en Chine et prend à revers

vu de

tous les vieux ouvrages de

moral

fut-il

Nam-Quan

;

aussi son effet

considérable sur les Chinois qui tentèrent,

dans leur mauvaise humeur, de

faire arrêter les

en chicanant sur le tracé de la frontière.

un

Il

travaux

remplace

poste provisoire établi sur la route, à Ta-Laï, pen-

dant

la

période de pacilication et dépend directement

de Dong-Dang.

En

dehors des chemins créés pour assurer l'accès

direct de tous ces blockaus,

il

fallut

construire et par


ORGANISATION MILITAIRE endroits, tailler dans le roc

geant

Han

Bo-Sa, ]Nacette nouvelle

une influence immédiate

quillité de l'intérieur.

premier

et décisive sur la tran-

Les routes

et le véritable

Pour

pays.

un chemin de rondo lon-

Son-ïu. La surveillance active de

voie eut

le

io5

par Ky-Da, Leo-Kao,

la frontière

et

*

chemins sont

et les

élément de pacification d'un

une occupation

être efficace,

doit

être

vivante et les postes ne doivent être que les points

d'appui d'une circulation incessante.

Léo-Rao

et

Xa-Han, pour ne

citer

que

Le chemin de cet

exemple, fut

tous les jours et pendant plusieurs mois, battu par

ou deux patrouilles

une indépendamment des mouvements de troupe qui

obligatoires,

reconnaissances, escortes

et

s'en servaient journellement.

Cette reprise de possession de la frontière n'alla pas sans quelques froissements de la part des autorités chinoises.

Certaines habitudes, celle par exemple qu'a-

vaient les soldats chinois de circuler au

Tonkin comme

chez eux et d'y marauder à leur aise, furent difficiles à déraciner.

Il

fallut v

coup de patience

et

mettre beaucoup de formes, beau-

beaucoup de fermeté. Le succès ne

s'achète qu'à ce prix et la brutalité

ou

la

hâte sont,

avec les orientaux, d'aussi mauvais procédés que

la fai-

Xous voyant décidés à aller jusqu'au bout de notre droit, les mandarins de la frontière se plièrent

blesse.

cependant sans trop de choses. Ils

un fit

difficultés

nous prêtèrent

même

au nouvel ordre de parfois dans la suite

secours qui ne fut pas inutile. L'un deux surtout

preuve d'une bonne volonté assez

rare

chez

ses

pareils.

Le

nom du

en chef

les

maréchal ou général Sou, commandant

troupes de la frontière dans

le

Quang-Si, a


EN TERRITOIRE MILITAIRE

loG

été souvent prononcé, et ses rapports avec les autorités

françaises sont diversement appréciés.

un mot. On

sant d'en dire

intéres-

Il est

a souvent voulu, surtout

que

dans certains milieux au Tonkin,

ses services et

son influence eussent été fort exagérés. Ses entrevues officielles

que

avec M. de Lanessan et

les relations très suivies

M. Rousseau,

colonel Gallieni,

après

même Ln

cependant, qu'il

colonel

le

ainsi

qu'entretenait avec lui le

furent

Servière,

parfois blâmées avec aigreur. existe

fait

méconnaître. Toute avait la garde fut

de

la partie

rapidement

impossible de

est

frontière dont

la

pacifiée.

il

Le mouvement

des bandes pirates y devint bientôt à peu près nul. ?sous n'avions eu depuis de longs mois

que sur

sérieux à y relever,

alors

Quang-Tong

lunnan

et

du.

aucun incident

les

frontières

piraterie

la

encore ouvertement sous l'œil bienveillant

du

s'exerçait et

avec la

complicité des mandarins.

On

nombre de

pourrait citer

clicz le

commandant

d'arriver à

ramener

rapports entre

faits précis

dénotant

du Quang-Si

le désir

la tranquillité et à établir

de bons

des troupes

deux pays. La meilleure preuve bon vouloir est de se prêter volon-

les

qu'il

donne de

tiers

aux explications directes

ce

et

de

les

provoquer au

un Cbi-

besoin. Gela est tout à

fait

exceptionnel cbez

nois de son rang et

les

mandarins importants sont

généralement introuvables. comparses qui pouvoirs. ditions. les

se

Il est

Sou

se

même

de

ne voit jamais que des

impossible de s'entendre dans ces con-

montre, cause volontiers

occasions de traiter

fecte

On

dérobent à toute discussion, faute de

se plier à

rapports plus faciles

et

les afl'aires

et

recherche

directement.

Il

nos habitudes pour rendre

afles

plus fréquents. J'ai conservé,


MARÉCHAL SOI

LE

comme écrite

107

détail curieux de cette coquetterie,

une

lettre

en français sur du papier exactement semblable

à notre papier officiel avec

1'

En

«

imprimé

tête »

:

EMPIRE CHINOIS

A

Troupes

Loug-Tchéou,

189

le

.

DU

QUA> G-

S

I

Le

Objet

à

La

Directeur Général Sou, Comm^

en

lettre qui n'est

troupes du Quang-Si,

les

cJief

M

du

reste

conduit pour un interprète,

qu'une demande de sauf-

est signée,

avec l'assurance

de sa haute considération.

P.O. Général Le

Sou,

secret ai j^e général,

Vu-Thon G. L'ensemble délicat et

locale à ce

document d'une

ministrative. «

complété par un

est

joli

cachet rouge,

compliqué, qui donne seul un peu de saveur si

complète correction ad-

Cette enveloppe « bulle »

coquille » m'ont fait regretter,

vue artistique,

les

il

et

est vrai,

ce papier

au point de

précédentes enveloppes minces

et

longues, fermées d'une bande rouge et bariolées de signes curieux, contenant

de

soie,

cinq ou six

une

fois pliée,

légère feuille de papier

sur laquelle s'alignent en

colonnes régulières ces petites architectures mystérieuses

qui sont des idées dessinées. Mais cela

coup

les relations

quand on ne

sait

pas

facilite

le chinois.

beau-


EN TERRITOIRE MILITAIRE

ïo8

Lo conimandanl des troupes du Quaug-Sl

est

donc,

extérieurement au moins, très aimable pour

les

Fran-

çais et leur a

souvent rendu service.

Cette attitude a

de quoi surprendre en présence de l'aversion

que ne nous cachent guère

rale

serait

même

inquiétante

ses

n'était

s'il

géné-

si

Elle

collègues.

possible

de lui

trouver une explication.

Au

une

un assez bon calcul. moyenne et plus curieux des

fond de tout

Plus intelligent que

la

de notre civilisation,

détails

le

que notre intention

que

Au

y a

tôt

lieu

ou tard nous réussirons à v

donc de chercher

à enraver

l'exploitation de la piraterie,

pour en

peu

à

tirer profit.

et

convaincre

être chez nous.

établissement

cet

que pourrait il

s'est

Son ambition

dans

la suite

lui rapporter

décidé à

le favori-

serait d'arriver

peu au commandement de toutes

du sud de l'empire

se

réellement de rester au Tonkin

est

jDOur conserver les bénéfices

ser

il

général Sou, en fré-

quentant des Français \ n'a pas tardé à et

cela,

ligne de conduite arrêtée et

les frontières

peut-être à la di-

Quang (Ouang-Si et QuangTong) ou du liunnan. Mais, bien qu'étant déjà un gros personnage, portant tunique jaune et bouton de gnité de vice-roi des deux

jade, sa qualité de militaire lui crée riorité

en face de

mille à

la

une certaine

la caste lettrée,

et

cette infériorité,

Sou

il

infé-

manque de

fa-

cour.

Pour racheter

juste de citer

travaille

de son

avant tout autre, notre consul à relations d amitié que sa parfaite connaissance de la langue chinoise lui a permis de lier avec le général Sou sont vine des causes les plus actives de révolution de ce personnage. Il serait iieureux que les intérêts français à 1 étranger fussent toujours défendus avec autant de capacités et de dévouement. I.

Il est

ici

Long-Tchéou, M. Bons d Anty. Les


LE MARÉCHAL SOL

mieux C'est

à se créer des prolecteurs, liit-ce à l'étranger.

dans ce but qu'il

en

s'efforce

de devenir Persona

du gouverneur général de

(/rata auprès et

tO()

l'Indo-Cliine

de notre ministre à Pékin, espérant bien à l'occasion tirer

quelque

Cet espoir n'est pas chiméricpie

profit.

furent amenées une première demander au gouvernement cliinois l'extension de son commandement. Voici dans quelles cir-

et les autorités françaises fois,

en 1890,

à

constances.

Une

bande venue du Ouang-Tong réus-

assez forte

sissait vers cette

nages de Ké-Bao,

époque

à enlever, près des cliarbon-

un emplové

français,

famille, puis regagnait la Cliine. Les

M. Lyaudev,

et sa

mandarins locaux,

après avoir accueilli les pirates et leur prise, restaient

comme

d'habitude, introuvables.

était

énorme

pour

éviter de

d'industrie.

ne

faisait

et le protectorat

La rançon demandée

se refusait à l'accorder

donner une nouvelle prime à ce genre La responsabilité du gouvernement chinois

pas de doute, mais

il

fallait agir vite et

sans

trop d'éclat afm de ne pas attirer sur les otages enlevés

de cruelles représailles.

Il

fut décidé cju'on tenterait

auprès du général Sou, une démarche officieuse pour lui

demander son intervention. Cette démarche fut faite par le colonel Gallieni accompagné de M. Bons d'Anty, consul de France à Lon2;-Tcheou. J'assistais à l'entrevue.

Dès

les

premiers mots, après

les habituelles

Sou déclara sans réticences que les mandarins du Ouans-Tom? avaient un ijros intérêt

congratulations.

dans

l'affaire et

devaient partager les bénéfices éven-

tuels de la bande.

Il

en

était désolé,

mais

se trouvait

dans l'impossibilité de nous rendre service, n'ayant au-

cune autorité dans

la

province voisine. Le colonel

alors entrevoir la possibilité d'obtenir (iR.VNDMAlSOX.

pour

lui le 7

fit

com-


EN TERRITOIRE MILITAIRE

no inaiulenit'iit

du Quang-Tong. Jouant quel-

des troupes

Chinois feignit d'abord d'entrer par

(|ue surprise, noire

condescendance dans cette combinaison, objectant de

difficultés

qu'avec

coimnandemeut des deux provinces,

le

les

chose, puis déclara, en fin de compte,

la

en

il

viendrait à bout.

en

L'afTaire fut

effet

négociée à Pékin.

commission provisoire demandée plus tard, C'est

les

On

accorda la

quelques semaines

prisonniers étaient rendus, sans rançon.

un premier

espère ainsi

et,

Sou qui

succès pour le général

devenir

pacificateur

le

nécessaire

frontière et le garant des bons rapports entre la et le

Tonkin. Une ambition de ce genre nous

avantageuse pour qu'il ne

soit

de

la

Chine

est trop

pas raisonnable de la cul-

tiver.

Malgré réelle,

s'entendre sur

Un

bonne volonté,

cette

n'est pas toujours

il

les petites

11

se mettrait,

mauvaise

soit sa dignité,

mandarin ne a

tort

et

Les entrevues sont donc

pour ne pas

ou

qu'il

la

s'est

«

perdre

la face », le

bien disposé,

trompé.

Cela complique

Lue

anecdote suffira

conversation.

pour montrer comment s'en

quand

il

tire

un mandarin

spirituel

a tort.

Nous venions d'entreprendre Ce

un Euro-

doit jamais avouer devant d'autres Chinois

singulièrement

et

ne peut, sous

en violant cette prescription, une

affaire sur les bras.

toujours publi(|ues

très

pratique de

prétexte, converser sans témoins avec

aucun

qu'il

la

contestations qui surviennent.

mandarin, quelle que

péen.

mais

intéressée

simple dans

le

blockaus de Léo-Kao.

travail inquiétait fort les Chinois et,

pour gagner du

mandarin de _\am-Quan avait à tout hasard avisé ses supérieurs cpie nous voulions consIru'ue un fort en Chine. Le général Sou en écrivit au temps,

le petit


LE M ARÉCFIAL SOU colonel Gallieiii, manifestant

le désir

,

de

traiter la

,

ques-

Le lieutenant colonel Clamoriran, cercle de Langson, fut chargée de cette

tion de vive voix.

commandant

le

démarche

se rendit

et

pagnai, emportant,

Xam-Quan où

à

je

l'accom-

avec les cartes d'abordement, nn

même une

levé à grande échelle et

vue du rocher en

li-

tige.

Le plus simple examen des documents prouver que

le

commandant de

trompé de rocher

s'était

il

fallait

suffisait à

Xam-Quan

Porte de

que nos travaux étaient, Sou ne tarda pas à en être

et

sans conteste, au ïonkin.

convaincu mais

la

sauver « la face. » Après avoir

fumé quelques pipes d'opium et soigneusement examiné crocj[uis et cartes avec ses énormes lunettes rondes à monture d'écaillé, il prit son air le plus souriant pour nous

faire la déclaration suivante

nous sommes des amis ensemble à

vailler

confiance en utile,

lui

endroit,

:

«

Avec

du

non seulement

de construire

je ne

un

fort

deux ou

Après un remerciement,

accompagnée toujours

la

il

trois fois sa est vrai

même

:

«

en cet

m'y oppose pas mais

j'en

le lieute-

nant colonel Clamorgan, pour bien marquer nos reprit

tra-

pays. J'ai toute

vous lui direz que puisqu'il juge

la route,

suis très content. »

le colonel,

nous avons entrepris de

tranquillité

la

et

pour garder

et

droits,

démonstration. La réponse,

d'un coup d'œil

Du moment

qu'il

explicatif, fut s'agit

de

la

du pays, je suis très content que le colonel construise un fort en cet endroit. » 11 ne s'agissait plus que de laisser tomber la conversation et de passer à un sécurité

autre sujet. L'affaire était entendue

et

il

n'en fut plus

question.

Devant

l'attitude de leur chef, les pellls

mandarins


EN TEKRITOIIIK MILITAIRE

II!

de

Ironlièrc avaient

la

ment

cordiales.

fallait

Il

bon cœur.

faire contre fortune

eux étaient fréquentes

INos relations avec

cependant

et extérieure-

de près

les tenir

pour obtenir autre cbose que de vagues protestations.

Au sur

début

surtout,

il

se produisait

souvent

assez

de menus actes de brigandage.

la frontière,

Une

di-

zaine de Chinois, armés de vieux pistolets et de quelques

une

enlevaient

fusils,

un peu de

V faire

femme,

même

ou tentaient

isolé,

un pavsan un hameau pour

arrêtaient

d'incendier

butin. Ces maraudeurs

habituellement de quelque village militaire était

sortaient et

il

nous

souvent possible de connaître, par nos espions en

Chine,

nom

le

meneurs ou au moins du villa2:e. Il demandant la pu-

des

s'ensuivait des réclamations précises,

nition des coupables aux autorités chinoises. Celles-ci

d'ordinaire traînaient les choses en longueur et fmale-

lement n'arrêtaient personne. L'armement des habitants

du Tonkin

cependant un peu réveillé

avait

mandarins qui craignaient des

De

le

fait,

brigandage avait cessé d'une façon com-

plète, lorsque, vers le

mois de mai 1890, une corvée de

quelques soldats indigènes sans armes, passant

de

la frontière près

du blockaus de Léo-Kao,

nuit,

long

Le len-

hameau non armé était attaqué de deux femmes et trois enfants enlevés et conduits

en Chine.

Il

formation

et

la racine.

On

le

le

fut assaillie

à coups de fusil, l'un d'eux resta sur le terrain.

demain, un

les

représailles.

nom

petit

s'agissait il

fit

donc d'une véritable bande en

devenait urgent de couper

le

mal dans

des réclamations assez vives, spécifiant

de quelques-uns des meneurs,

et

indiquant

leur village d'origine. Après s'être fait attendre, la ré-

ponse du mandarin de fallut avoir recours à des

Xam-Quan

fut évasive

moyens plus énergiques.

et

il


MANDARINS CHINOIS Je

venir

fis

un gradé

gènes, né dans le pays

avec ses

;

intelligent

ii3

des troupes indi-

même

celui-là

hommes dans l'embuscade

([ui était

tombé

de Léo-Kao

et lui

expliquai que je verrais sans déplaisir une promenade

nocturne en Chine de c[uinze ou vingt montagnards bien armés

dans

et choisis

partit enchanté de cette

les

cantons de

la frontière. Il

marque de conhance.

Au

bout de trois jours,

mandarin de Xam-Quan m'avisait qu'une bande pirate, venue du Tonkin, avait brûlé un gros village chinois, donné la chasse aux habitants et une

du

lettre

les soldats du poste La nouvelle ne me surprit que médiocrement car j'avais dû, le matin même, faire quelques remon-

poussé l'audace jusqu'à tirer sur voisin.

mon

trances à

«

Condottiere » pour s'être trompé de

village et avoir brûlé celui d'à côté. Je conseillai cepen-

dant poliment à

mesures

mon

très sévères

collègue chinois de prendre des

pour éviter

retour de semblables

le

accidents et lui déclarai qu'il pouvait compter sur

ma

vigilance.

^otre correspondance en resta Sou, informé, et

faisait

décapiter neuf

là.

membres de

nos réclamations, renvovait à et

le

ordonnait que

bande

la petite

oc

Don^-Dau"

1

enlevées

Mais

général

quelques jours plus tard arrêter

têtes

les

les

objet de

femmes

des deux

chefs

fussent exposées à la frontière, soigneusement emballées,

suivant l'usage, dans

une étiquette rouge des

délinquants.

un panier

plein de

sel,

sur lequel

portait en caractères chinois le

Il

avait prié seulement

le

nom

colonel

Gallieni, d'une façon générale et sans insister, de s'em-

ployer à empêcher tants

les représailles

de

la

part des habi-

du Tonkin.

Ce sont

des procédés

un peu

vifs qu'il

ne faut en-


M

EN TEURITOIHE MILITAIRE

'4

coiiragcr

Dans l'ocun incursion pluS en Chine, de quelques tonkinois armés, du

que tout

à fait oxcoptionnellomcnt.

casion, cet incident survenant après sérieuse,

ne fut pas inutile pour suggérer

cercle de Cao-15ang,

aux mandarins d'utiles réflexions.

Sans

insister davantage, constatons

frontière

du Quang-Si,

chinoises s'est

il

ne faudrait pas oublier que

Extrême-Orient,

en

autre ressort que l'intérêt suite

forces, les

à retourner

Une

la

est

chose

la

po-

instable, sans

du moment. Du jour où par

d'un changement d'éc^uilibrc dans nos relations

ou dans nos fit

que sur toute

ouverte des autorités

transformée en une neutralité plutôt

bienveillante. Mais litique,

l'hostilité

très

mandarins trouveront leur pro-

aux anciens errements, pas un n'hésitera.

grande suite dans

les idées

pourrait seule don-

ner un peu de consistance au modiis vivendi

si

péni-

blement obtenu.

Quoi

qu'il

advienne dans

axec les Chinois et

le

la suite,

nos rapports suivis

parti pris de cordialité observé

des deux côtés ont beaucoup facilité

notre tâche. La

devenue une

réalité et la per-

frontière aujourd'hui est

manence de notre occupation Les résultats sont

n'est plus

mise en doute.

repeuplement, remise en culture,

:

sécurité très réelle depuis les premiers

mois de iSqA-

]Sous V reviendrons.

Le

souci de mettre

nous obbge

un peu d'ordre dans

ces notes

à étudier successivement les principaux fac-

teurs de la pacilication. Cliacun d'eux étant « fonction;)

de tous

les autres,

il

a fallu

dans

de front. L'occupation militaire aussi rapidement son

maximum

n'aurait

les mener pu donner

d'effet, si

elle n'avait

la

pratique


LE RAVITAILLEMENT t'tc

et

appiiyce sur

la

rcorganisalion politique du terrilolrc

accompagnée de toutes

dans

la

mesure du

la liberté

d'action

la

les

mesures propres

à assurer,

possible, le bien-être des troupes et

du commandement.

européens

et indigènes souffraient beauhaute région. La consommation d'hommes

>«os soldats

coup dans

,,5

y était énorme

et tout à fait

disproportionnée avec

les

résulats obtenus.

Xous avons montré la déplorable installation de nos Le manque de logements salubres et le surme-

postes.

nage inqwsé aux garnisons par l'insécurité de leurs abris étaient des causes

permanentes de démoralisation

et

de

maladies.

L'amélioration des casernements, considérables et

les

])endant ces deux ans (1894-1890)

bonne part de dans

le

l'activité

secteur de

constructions

les

travaux de toutes sortes poursuivis

et des

ont absorbé une

ressources dépensées

Dong-Dang. Cet élément de progrès

est assez intéressant

pour mériter quelques développe-

ments dans un des chapitres suivants. Mais

si

nos troupes étaient mal logées,

parfois pas nourries

du

tout.

Le

elles n'étaient

service des subsistances

devait en théorie ravitailler directement et au fur à

sure des besoins, tous les postes.

nombre de magasins entretenus

En

me-

dehors d'un petit

dans, quelques centres

importants, aucunes réserves n'avaient été créées. Ces

magasins

du

reste

étaient

souvent

pourvus de tout. Dans un pavs où cation terie

étaient

ou par

souvent l'état

interrompues

des chemins,

eux-mêmes déles communipar

cette

la

pira-

organisation

donnait tout naturellement de déplorables résultats,

Malgré de

très lourdes dépenses, le ravitaillement régu-


EN TFJIIUTOIIU- MILITAIRE

iiG

nullo part. Les pertes étalent consl-

lier ii'rlail assure'

mique dans Faut-il

véritable disette régnait à l'état endé-

une

tlérables et

garnisons éloignées.

les

d'exagération

')

exemples pour n'être pas taxé

des

citer

Mais ce sont

les postes

touchaient leur ration tous

mentionner. La

En isolé

— une colonne

débloque au bout de neuf jours.

le

— La garnison dès

fait

la piraterie, est investi

à ^il^pro^ iste par de fortes bandes pirates

Langson

les soldats

poste de Plio-Binh-Gia, tout à

le

dans une région tenue par

partie de

jours qu'il faudrait

n'en serait pas longue.

liste

juin 189.3,

les

le

3*^

jour réduit

peut

la ration et

vivre jusqu'à sa délivrance, grâce à l'eau

du

ciel

qui

\ient, fort à propos, remplir les trous creusés à la hâte

dans

le sol.

Les quelques kilogrammes de

mirent de subsister la

en

et d'éviter

prévovance personnelle de faisait

A suite

la fin

un

riz

qui per-

désastre étaient dus à

l'officier

commandant qui

acheter d'avance par ses tirailleurs indigènes.

de iSgS,

le

cercle entier de

Cao-Bang, par

d'un retard de convoi, subit pendant plusieurs

semaines une véritable vivaient d'eau

et

de

disette.

Les soldats européens y

riz.

poste même de Dong-Dang, possédant une annexe de magasin, qui aurait dii ravitailler une dizaine d'autres postes ou blockaus, à i5 kilomètres du magasin central de Langson, il m'est

Enfin, dans

le

déjà cependant

arrivé plusieurs fois de ne pouvoir pas faire les distributions réglementaires. 11

faut ajouter

que

le

fractionnement des soldats

européens par petits groupes dans des postes lointains et

d'accès difficile,

ils

auraient dû recevoir chaque

jour leur ration en nature, venait encore compliquer

fonctionnement

si

déieclucuv déjà du ser\icedes

>

le

ivres.


LE RAVITAILLEMENT Toutes cos misères ne sont pas

mcnt, d'erreurs de encore d'une

L'organe

niallieiireuse-

le fail,

détail facilement réparables.

véritable

Il

s'aient

antinomie administrative.

incapable de remplir sa l'onction.

est

On admet

sans discussion, sur

service de santé,

le

continent, qne

d'une armée (vivres,

auxiliaires

services

,,7

etc..) doivent

être

commandement. \os règlements déjà, consacré ce principe.

Il

les

transports,

subordonnés au

ont, depuis longtem])s

n'en va pas de

même

aux

où l'administration des services administratifs absolument indépendante des autorités militaires.

colonies est

Le ravitaillement des troupes dans les liautes régions du ïonkin serait, en tout état de cause, ime opération nous avons trouvé

moven de

coûteuse

et difticile

rendre

peu près impossible par une dualité aussi pré-

à

judiciable

;

le

au bien-être des troupes qu'aux

intérêts

la

du

protectorat. Cette juxtaposition de pouvoirs indépen-

dants et

et

est

impossible à justitier

existera

et

cependant

le fait existe

longtemps encore, parce que l'ornière est tracée

surtout parce cju'on se heurte, dans l'espèce, à une

administration fermée, à privilèges et son

un mandarinat qui défend

indépendance unguihus

^>ous avons tous

ses

et rostro.

connu au Tonkin des commissaires

coloniaux soucieux avant tout, du bien général

chant à limiter par

leur

amabilité

et cher-

personnelle

inconvénients de cette situation. Ce palliatif

est

les

insuf-

Usant. Le bon sens, à défaut de l'expérience, svdhrait à le

prouver.

faire

Un maçon

marcher

le

auquel on refuserait

le

droit de

porteur de mortier descendrait de son

échafaudage laissant son

mur

Inachevé

et

on trouverait

qu'il a raison. Pourquoi s'obstiner à considérer

commun comme à fait inutile

le

sens

chose nécessaire aux petites gens et tout

aux services publics

?

7.


EN TEIUUTOIUE MILITAIRE

ii8

Les accidents,

lettre et

que

portant

le

même peuvent se produire;

les désastres

du moment que

règlements ont été observés

les

les écritures

à la

sont régulières, les mandarins

bouton du service idoine seront indemnes.

ne sont pas responsables du manque de personnel,

Ils

des

ordres

du commandement, de

du

l'insécurité

pays

Le commandement, de son voyance des

mauvaise volonté. Cependant, colonnes se fondent,

visionnements

se

côté, accusera

les

perdent

leiu"

bommes meurent,

sont affamés,

les postes

F impré-

même

leur inertie, parfois

services,

et tout le

les

les

appro-

monde couvre

sa

responsabilité avec des papiers encombrés de cliilfres et

des procès-verbaux de force majeure.

Je ne veux citer ni été

témoin du

fait

Dans un des

faute de

ni date, mais j'afiirme avoir

:

postes de transit les plus importants de la

liante région, entre

visionnements

nom,

suivant

se

Dong-Dang

et

Cao-Bang,

les

appro-

perdaient en quantités considérables,

magasin pour

préjudice grave pour

le

les

comme nous le verrons

Il en résultait un Devenu responsable,

abriter.

protectorat.

tout à l'heure, de la conservation

commandant le secteur réussit, moyennant une somme minime et tout à fait insuffisante, à construire un magasin convenable en utilisant dans une large mesure les ressources locales. La comptade ces vivres,

l'officier

bilité justifiant

l'emploi de cette petite

somme

ne s'étant

pas trouvée, paraît-il, régulière, les services administratifs

adressèrent des

une forme

observations dans

blessante pour l'officier constructeur. Celui-ci fut couvert

par

ses chefs et,

suivit,

un haut

voir les

au cours de

la

correspondance qui s'en-

fonctionnaire écrivait qu'il eût préféré

approvisionnements

continuer

à

se

perdre


LE RAVITAILLEMENT

1,9

plulôl (|ue d'autoriser la construclion d'un mapasin par

des procédés qui n'étaient pas réglementaires

Cette note caractérise assez bien

de nos administrations

et

il

!

la

largeur de \\\qs

n'est pas

sans intérêt de

Au

voir en passant ce cpie vaut ce rigorisme de forme.

Tonkin,

accordés

les crédits

dans

petites constructions

sur

factures

^

pour

les

les postes

justiticatives

réparations ou

ne sont pa\és

acquittées.

Or,

dans

hrovisse,

on ne trouve pas d'entrepreneurs pour

l'avance

des

faut paver

matériaux ou de

au jour

jour

le

main-d'œuvre

la

— d'où

la nécessité

les

([ue la

faire et

il

d'cnvover

des factures lictivcs pour avoir l'argent avant de faire les

travaux.

le fait.

les

La

— Tout

le

monde

le

sait

faute en est aux règlements

;

tout le

monde

ou à ceux qui

appliquent aussi étroitement. Les fonctionnaires du

commissariat sont mieux que personne, au courant de ces usages,

sont les

mais

règles de la comptabilité publique

les

matériellement appliquées

factures soient lictivcs,

et

pourvu

peu importe que

qu'elles soient d'iui

format régulier.

En

prenant possession du

11°

territoire,

le

colonel

du ravitaillement comme une des plus indispensables prérogatives du commandement militaire, se refusant formellement à accepter pour son compte l'état de clioses existant. 11 l'emGallieni réclama le service

porta de baute lutte. lution de se retirer

s'il

Lanessan passa outre administratifs et prit

Devant son inébranlable réson'obtenait pas satisfaction,

M. de

à l'opposition très vive des services

un

arrêté

qui remettait à

titre

I. Par le service de construction, quand il s'agit de bâtiments militaires. Par les services administratifs, pour les ma-

gasins annexes.


KN TKlUllKJiKi: MILITAIUK

120

d'essai,

dans

Icirilnho.

le II'

le ra\ iladltMiiciil oiilic les

'^nains do l'auloiilé niililalrc.

Celait uno i>rosso cullés

un

On

aflairo.

ne crée pas sans

avoir Aaincu la résistance de principe réi;lé les

difli-

service aussi lourd et aussi complexe. Après et

soiijneuseniont

techniques de l'exploitation,

détails

avoir raison des répugnances

du personnel

surcroît de besogne inattendu et

il

fallut

militaire.

surtout

Ce

la crainte si

générale des responsabilités ne rendit pas très populaire tout d'abord le se plaindre

que

cette

du

nouveau régime.

Il était si

commode de

ravitaillement, sans en avoir la charge,

quiétude compensait bien l'ennui de quelques

privations, dont soutiraient surtout les soldats détachés

dans fit

La bonne volonté cependant ne

les postes isolés.

pas défaut

premiers résultats aidant,

et, les

le service

fonctionna bientôt dans de bonnes conditions. La créalion des secteurs et

groupement des

le

postes facilita

singulièrement l'organisation du ravitaillement qui, du

haut en bas de

l'échelle, fut ajouté

commandement militaire. Le commandant du territoire Langson

les

aux attributions du prenait en charge à

approvisionnements nécessaires aux troupes

sous ses ordres, puis

les

par l'intermédiaire de

Cao-Bang) entre

les

répartissait directement

magasins annexes

ou

(That-Ké,

chefs-lieux de secteur. Les denrées

reçues, dans son magasin, par chaque

commandant de

secteur étaient entretenues et distribuées sous sa responsabilité par \Hi sous-oftlcler chargé de la gestion et

de

la conq)tabilité.

postes et blockaus.

Le secteur

ravitaillait à

Pour réduire

les frais

on s'approvisionnait au moven d'achats pavs, des

a

ivres qu'il produit

tiaux sur pied.

:

son tour ses

de transport,

directs

dans

le

sucre, sel, thé, riz, bes-


LE RAVITAILLEMENT

La

roLiiiioii, 011

péennes dans

gros détachenuMils, des Iroiipcs cviro-

les postes

siniplilier le service

vait

principaux était veiuie du reste

dans une large mesure.

régulièrement cuire

entretenir

12,

le

On

v

pou-

pain, abattre des bœufs et

des cultures maraîchères très fructueuses.

\os soldats ne tardèrent pas

à y trouver

un bien-être

inconnu jusque-là. L'envoi des rations en nature dans

les

postes annexes,

une cause permanente de perles et de difficultés. Les demées n'arrivaient pas ou arrivaient avariées, les réclamations étaient continuelles. Le droit à ces rations fut remplacé, pour tous les Européens détachés des postes principaux, par une indemnité journalière calculée pour chaque souvent éloignés

et d'accès diflicile, était

poste, de façon à couvrir largement le prix de la ration et les frais

de transport. Chacun organisait ensuite son

ravitaillement, faisant prendre et périls

s'il le

des vivres au magasin

du

désirait à ses risques

secteur

rem-

et les

boursant directement.

Dès

les

premiers mois de 1894,

avait fait aligner tous les postes à .

de réserve (suivant leur

sorte à

fois

l'abri

droit

du besoin les

les

la

transports se faisaient

plus favorables. et colis

pour

La dépense était très forte et Le service des transports,

médiocres.

annexe de celui des temps.

et

troupe, donnait lieu depuis longtemps

à des plaintes justifiées.

résultats

à six mois

en farine, vin,

au transport gratuit, des bagages

les officiers et la

les

facilité d'accès)

par an. Les garnisons se trouvaient de

seulement aux époques

Le

colonel Gallieni

Ces réserves étaient renouvelées une

tafia, biscuit

ou deux

le

un an ou

vivres,

L'attribution

d'un abonnement,

fixé

fut

réorganisé

en

même

d'une indemnité représentative

pour chaque poste, en remplace-


EN TKURITOIRE MILITAIRE

122

incnt de ce droit aii\ transports, tout en diiiiliiuaiil les cliarijos

dans

du

permit de conslituer, surtout

protectorat,

troupes indigènes, des « masses

les

dont

»

les

bonis étaient employés à la création progressive dans

chaque poste annexe, d'une réserve de vivres appartenant à la garnison.

^otre cadre ne

lalre saisir les

entre

les

Tcxamen

se prête pas à

méthodes nouvelles. Ce

détaillé

de ces

précède suflira pour

(jui

lignes i-énérales

la

:

en.

remise des services

mains du commandant du

territoire est

le

retour au principe nécessaire de toute entreprise sérieuse

mais

:

il

l'unité de direction. C'est là le point capital, est intéressant

de suivre en outre dans

la l'orme

de l'exploitation, l'application de procédés d'administration trop peu goûtés dans nos colonies.

de décentralisation

etTet

et d'iui

elTort

s'agit

Il

tenté

en

en sens

inverse des tendances de notre régime administratif. ]Nous l'avons noté déjà et déploré, la caractéristique

de ce régime l'Etat

«

est

est l'efl'acement

Providence

Tonkin, puisque tous

les jours,

».

de

c'est

comme un

de l'individu

Le

service

sa ration

soldat

et les

vivres au

lui qu'il est question, devait

père de famille prévoyant,

apporter à chaque soldat, dans

inabordables

son idéal

et

des

les

blockaus

les

plus

plus lointains, son morceau de pain,

de viande

et

ou son chef eût

est vrai, n'arrivait

son verre de vin, sans que

Tout cela, en mauvais état et

à s'en préoccuper.

pas ou arrivait

le il

le

protectorat parvenait, au prix de sacrifices énormes, à faire

mourir de faim

lavait les les

mains, car

ses soldats. elle avait,

L'administration s'en

sur

besoins; quant aux intéressés,

le

papier, prévu tous

ils

n'avaient pas voix

au chapitre. Devant l'impuissance des règlements, fallut avoir recours

au sens commun.

il


LE IIWITAILLEMENT

Ln

123

comme

service public d'entretien,

l'alimentation

des troupes, doit répondre à deux conditions satisfaction

la

de certains droits

assurer

:

sauvegarder

et

les

intérêts de l'État.

La première

sera certainement remplie

si,

après avoir

simplifié les détails et délimité très exactement les droits

on

et les responsabilités,

sur

Pour

satisfaire à la

seconde

et

permettre à l'État de

remplir à bon marché ses obligations,

Le plus sur moven d'y parvenir peut,

ramener

les

à

l'cc

abonnement :

obliofé

c raison

au

«

forfait

de consentir, dans

du déplacement de la

le

lui-même de

L'augmentation

le calcul

tout

Tout

».

moyennant une redevance

ses obligations.

compensée par

du

»,

quand on

nature, de

l'avant droit, qui s'occupe

ses affaires, et l'État qui,

de

faut réduire ses

est d'éviter,

fournitures directes en

monde y gagne se libère

il

surtout limiter sa responsabilité.

frais d'exploitation et

le

pour l'exécution

s'en repose

les intéressés.

qu'il

lixe,

est

de l'abonnement, en

la responsabilité, est

largement

limitation des risques et la suppression

gaspillage.

Gela n'est pas nouveau est

et

l'administration de la guerre

entrée depuis longtemps dans cette voie. Mais nous

parlons

En

ici

fait,

d'administration coloniale.

malgré des chicanes incessantes

et lavérltal)le

rencontrée dans certains milieux

animosité qu'avait

cette expérience, les résultats furent excellents.

tectorat aussi bien

ment

que

les

Le pro-

troupes y trouvèrent large-

leur profit.

Avant de suivre

le

commandant du

secteur dans ses

rapports avec les indigènes, nous pouvons apprécier dès

maintenant

le caractère

de sa fonction militaire.


KN TKKIUTOIKE MILITAIRE

i2\

L(Moiti

(Ml

Un

icSc).")

dans

de Dong-Dang- où

sa capilalo

tiennent garnison sa compagnie de légion au complet et

une quarantaine de soldats indigènes. Cent cinquante ou linh-cô (milice locale) garnissent frontière et occupent huit postes ou blockaus solide-

tirailleurs tonkinois la

ment

installés. Trois oliiciers le

chaque jour et

en règle

secondent dans sa tâche;

reçoit les rapports de ses détachements

il

le service.

Le pavs

connu

est bien

journel-

et

lement exploré. Aucun convoi ou détachement ne sans qu'il en soit avisé.

verse sa circonscription

tra-

Cenv

d'entre eux qui v séjournent passent de droit sous ses

ordres (quand

un

officier plus

ancien ou de grade supé-

commandement). Au conunandement militaire ont

rieur n'en a pas le

dont

services publics

dans ces multiples fonctions

l'aider

des troupes sous ses ordes. et

agent des postes,

des transports,

un

Un

un gradé

français s'occupe de la police,

on trouverait

même

.

là,

.

à

ou piqueurs de route

Dong-Dang un

.Ce qui n'empcche pas

si

on a

fait

commandant du bilité

ces braves gens de

quand

le faut.

il

aussi large, sa part d'autorité,

secteur,

il

a

au

accepter la responsa-

totale de l'entreprise. Sécurité des convois, des

détachements, des

isolés, tranquillité

tection des indigènes,

des villages

un propriétaire qui garde son bien prendre qu'à lui-même si on le vole ou

C'est

mai Jies ne prospèrent

;

pas.

pro-

et

du

ser\ice de la poste et

graphe, police, travaux, ravitaillement, tout

s'en

;

caporal jardi-

plume, niveau ou arrosoir pour reprendre

leur fusil et s'en aller battre la brousse

Mais

emploie pour

gradés européens

caporal est télégraphiste

chefs de chantier

nier.

Il

les

sous-ofiicier gérant des vivres et

d'autres sont

laisser

été joints tous les

a la charge.

il

télé-

le

regarde.

il

ne peut

si

ses

do-


LE BRIGANDAGE A oici

le

cadre

appuvcr

le

repeuplement puis

tique

laS

nous

sur le([uel

militaire

économique du pays. Aucune bande

et

peut pénétrer ou au moins séjourner dans

immédiatement

sans être

une le

allons

réorganisation poli-

la

signalée

pirate ne le

secteur

poursuivie par

et

force militaire sérieuse et toujours prête. C'est bien

but que doit

se

proposer l'occupation militaire. Mais,

après la piraterie, nous allons trouver

brigandage,

le

plaie des provinces voisines de la Chine.

Aussi bien que

la piraterie,

formes différentes suivant

bandes

Les

région.

le

fortes

le

brigandage prend des

degré de pacification d'une et

aux

organisées visent

coups de force fructueux. Pillage de convois d'armes de munitions, exportation en grand de femmes

enlèvement

Ijuffles,

d'Européens

une

valant

et

et

de

forte

rançon.

Après

la

dispersion des groupes importants, les dé-

bris de bande, encore assez forts

pour

travailler à leur

compte, mais mal outillés pour tenir

la

campagne

contre les troupes régulières, se rabattent sur l'exploitation des villages qu'ils nuit,

butin toujours bien accueilli

jjuffles,

ment

attaquent généralement de

pour v ramasser quelques femmes ou quelques

facile

A mesure dense

gereux

et et

et

d'un écoule-

sur les marchés cliinois.

que l'occupation du pays

se

fait

plus

plus active, ce brigandage ouvert devient dan-

peu productif. Les risques surpassent bientôt

il faut y renoncer. C'est alors que le vol main armée se transforme en une industrie véritable où la force n'entre plus guère que comme moyen d'in-

les bénéfices et

à

timidation.

Les régions confinant à peuplées connaissent seules

la

Chine cette

et

suffisamment

dernière forme de


EN TERRITOIRE MILITAIRE

126

brigandage, aussi démoralisante ponr

habitants que

les

Le secteur de Dong-Dang

difficile à extirper.

lui

est

particulièrement propice. .Nous avons, au début de ce chapitre, esquisse sa physionomie topographique et si-

gnalé

la

composition toute spéciale de

l'avoisine.

longent

la

Les chemins

popidation qui

la

plus fréquentés

et les routes les

frontière à courte distance,

commerciale y

assez active,

est

les

circulation

la

abords en sont ro-

cheux, coupés, sillonnés de couloirs et semés de cirques, véritables coupe-gorges envahis par le bois et la brousse.

Tout

est disposé

pour rendre

fructueux

facile et

le vol

main armée. D'autre part, le personnel ne manque pas, c'est une profession qui demande peu d'apprentissage. Les villages chinois de la frontière regorgent, du à

reste,

de sujets

Quand tendre,

c|ui

y sont passé maîtres.

chôme ou que

le travail

ils

la solde se fait at-

vont trouver un de ces petits entrepreneurs

qui prêtent des armes moyennant une grosse part dans les

bénéfices, se

sionnel, très

groupent autour de quelque profes-

heureux de

quête d'un coup à

faire le chef et

se

mettent en

faire.

L'entrepreneur lui-même joint souvent à plusieurs autres professions

Dans

ce cas, les

compte.

En

celles d'indicateur

hommes

arme

qu'il

et

de receleur.

travaillent à son

dehors des vols matériels, qu'ils ne né-

gligent pas, ces industriels ont généralement pour but

de

faire enlever

éclat,

par surprise

et

autant que possible sans

des indigènes aisés, des enfants ou des

aussitôt conduits et séquestrés en Chine.

prochain,

des

intermédiaires

femmes vendeuses de légumes traiter avec les familles le prix

de représailles pour

de

les otages,

femmes marché,

ordinairement

(

et

Au

des

de fruits) viennent

la

rançon. La crainte

empêche

le

plus sou-


LE BRIGANDAGE

127

vont les intéressés de dénoncer ces entremetteuses se

et

de

plaindre avant c[ue l'alVaire soit terminée.

une des formes les plus rémudu brigandage, ce fut aussi de tous temps la

C'est là certainement

nératrices

plus frécpiente dans les pays troublés.

Les

mœurs

de

l'Extrême-Orient rajoutent une note inconnue ailleurs et assez

La mémoire

curieuse.

et les restes des ancêtres

sont l'objet d'un culte réel, le seul à proprement parler

conservé

qu'aient

les

L'ascendant direct, par

chef de famille

le

lant sur sa

maison.

comme

Il

réellement présent

accordant

Ln

un

titre

et veil-

en résulte de bizarres coutumes

nouveau

à son aïeul défunt.

sentiment aussi profond prête à l'exploitation

vu plusieurs

fois

voler les os de son père à

que habitant notable. Ces

;

un mandarin en

entre autres, de récompenser

celle,

j'ai

populations du llaut-Tonkin.

père, après sa mort, est considéré

le

restes, cachés

et

quel-

en Chine, étaient

tenus à sa disposition, moyennant une

somme propor-

tionnée à sa fortune. le caractère

Si

avait fait

sacrilège

d'un semblable vol n'en

même

acte exceptionnel,

dépourvus de tout sens moral,

riers

une

un

chez des aventuil

y aurait eu

profession très lucrative à exercer. Lin Tonkinois

n'hésite devant

aucun

sacrifice

pour rentrer en posses-

Le Tong-Doc (gouverneur de i

sion des restes de ses ancêtres.

pour

le

cas s'était produit ""^

classe)

vince de Langson, le vieux Vi-^ an-Li.

de

la

pro-

Quelques vo-

tombe de son père. une bonne affaire, car il dut verser une grosse somme. Mais il est imprudent de s'attaquer à aussi forte partie et Vi-Yan-Li le fit bien voir à ses voleurs. 11 emplova tout ce qu'il avait de richesse, de patience

leurs audacieux réussirent à violer la C-e fut

et

de crédit à se faire livrer

le

principal coupable, puis


es TKRUITUIIŒ MILITAIRE

ij8

dans

sa

père,

il

maison, le

devant

huis clos,

à

mânes de son

les

au milieu d'elTrovables supplices.

périr

lit

L'autorité française dut fermer les yeux sur cet acte de piété iiliale

un peu

asiati(pie, qu'elle

du Tonkin

lard et le vice-roi

du vieux mandarin

lit

ne connut

(pie plus

conférer aux cendres

heureusement retrouvées une

si

di-

gnité qu'il n'avait point de son vivant.

De

toutes les

industries dérivées de la piraterie, la

plus développée

certainement

est

femmes. L'esclavage Chine qu'au Tonkin

l'exportation

n'existe cependant et

il

ne

s'agit

des

pas plus en

pas d'une traite com-

parable à celle des noirs en Afrique. Mais

la

population

chinoise des contrées avoisinant la frontière, composée

en majorité d'aventuriers sans famille,

femmes pour

a

besoin

de

s'établir.

L'intérieur de la Chine n'en fournit pas, car la po-

pulation féminine habitants.

En

est très réduite

x"

voyant

par

les

mœurs

des

Chinois, très attachés aux en-

les

fants qu'ils élèvent, remplir

largement envers eux

les

devoirs de la paternité, on a souvent traité les affirma-

mations des missionnaires

sur ce sujet, de légendes

destinées à exciter la pitié et à provoquer la générosité

du public. Les abandons d'enfants nouveau-nés sont fréquents cependant, et

liommes de bonne

foi

fait est

le

affirmé par tous les

avant séjourné dans

les

régions

populeuses de l'intérieur. Cette sélection s'exerce surtout

au

profit des enfants

ne conservent qu'un

petit

mâles

et les familles chinoises

nombre de

filles.

La prépon-

dérance constatée de l'élément masculin dans beaucoup de provinces L'article «

suflirait à le

Femmes

marelles chinois et avantaiijeusement.

les

»

prouver.

est

donc

Tonkinoises

Leur

sort

très s'y

demandé

sur les

vendent toujours

matériel

est

souAcnt


LE BRKJANnAOK meilleur chez leurs nouveaux

Aussi

tranquilles.

maîtres que dans leur

y fondent des

Elles

\lllage natal.

le

nombre

i^ç,

familles

femmes exportées en Chine qui cherchent dans leur patrie, quand mille déjà 11

elles n'y

vivent

et

très restreint des

est-il

ont pas

à

laissé

rentrer

une

fa-

faite.

du reste toujours nécessaire de faire viofemmes annamites pour les expatrier. De vé-

n'est pas

lence aux

ritables agences chinoises les recrutent

peuplés du

Delta et

ques cadeaux

les décident,

beaucoup de promesses,

et

conduire secrètement en Chine.

un

couvrir dans

Dang,

le

dans

village, à

Il

les

cantons

movennant quelà se laisser

m'est arrivé de dé-

quelques kilomètres de Dong-

dernier gîte d'étape d'une de ces agences. Les

sujets raccolés y arrivaient sans attirer l'attention,

jour de marché,

et

attendaient la nuit pour passer

un la

frontière par des sentiers détournés.

Aussi bien que clandestins

le

sont

brigandage ouvert,

fort

sommes désarmés en

difficiles

les

enlèvements

à atteindre

dispensable cependant de faire disparaître,

donner au pays produire

et

et

nous

face de ces désordres c[u'il est in-

la sécurité réelle

dont

il

si

on veut

a besoin

pour

pour progresser.

Là encore,

c'est

aux intéressés

qu'il faut remettre le

soin de leurs affaires. Les habitants sauront se garder et faire la police

chez eux, à condition d'être armés et

soutenus. La distribution de fusils et de munitions aux indigènes avait longtemps soulevé de graves objections.

On

redoutait de fournir ainsi des armes à la piraterie

de favoriser cutée, les

il

la rébellion.

est vrai,

ou

Cette mesure était surtout dis-

par ceux qui connaissaient seulement

provinces basses. Jusque-là, malgré

les eflbrls et les


EN TERRITOIRE MILITAIRE

i.So

tcnlallves de presque tous les oiriclcr s servant liantes reliions, elle n'avait

proportions tout à

Se basant sur le

la

Haut Tonkin,

le

fait

insuffisantes.

colonel Gallieni l'avait inscrite dans

nombre

des plus urgentes.

heureux pour trouver dans

occasion,

chez le général en chef

qui

^

s'en

L'armement immédiat

Il

fut

celte question de l'ar-

mement, comme en toute décidé.

les

eonnaissance des races qui peuplent

son programme, au assez

dans

admise qne dans des

été

et

un appui montra

très sûr

partisan

complet des can-

tons de la frontière fut demandé.

On

l'obtint d'au-

tant plus facilement que la dépense était insignifiante.

Le protectorat possédait une réserve d'excellents fusils modèle 1874 versés par les troupes européennes au mo-

ment où

fut distribué le fusil

modèle 188G

et les

mu-

nitions sont facilement cédées par la métropole qui ne

qu'en

sait

Dès

faire.

début de

le

189/i, les

commandants des

secteurs

déjà formés reçurent fusils et munitions en quantité suffisante

pour assurer dans de bonnes conditions

mement de Les

tous

chefs

commune un recevaient

un

les villages

de

canton

certain fusil et

l'ar-

importants. présentaient

pour

nombre d'hommes

chaque

valides qui

cinquante cartouches. Ces armes

soigneusement cnrei^istrées sont soumises à des revues

Ou

me

déclarer ici une fois pour troupes de 1 IndoChine, M. le général de division Duchemin, n apparaît pas à chaque page de ces notes telle qu'elle s'est constamment montrée, bienveillante, active, toujours prête à soutenir les initiatives et à en donner 1 exemple, cela tient à deux motifs je n'ai I

.

toutes

:

si

il

soit

l'action

permis de

du général en

le

clief des

:

pas qualité pour apprécier les actes militaires du commandement et je n étais pas en situation d'en suivre personnellement le détail.


ARMEMENT DES INDIGÈNES périodiques et la distribution,

du

commune

et

la

mesure

aucune précaution ne

pertes et les vols. piraterie était

Le

La eonnnan-

responsable.

est

avait été faite par le

reste,

dant du secteur dans

en

,3i

qu'il jugeait

pour

fut négligée

prudente éviter les

un acte de indépendamment du

vol d'armes assimilé à

puni de mort

et

cliàtiment des coupables, le village était passible, en cas

de perte, d'une forte amende.

armé, dans fense par

une

solide clôture

blockaus en pisé, lorsque permettait pas, niser

une

Aucun

village

ne lut

premiers temps, sans avoir assuré sa dé-

les

le

et

quelques maisons ou

voisinage d'un roclier ne

comme en beaucoup

sorte de réduit dans

une

d'endroits, d'orga-

grotte.

Les résultats dépassèrent notre attente délai très court

on vit diminuer puis

et

dans un

disparaître le bri-

gandage intérieur. Les liabitants ayant repris confiance ne

se contentaient plus

coups de

fusil.

Des

de recevoir

les

maraudeurs

à

services de garde et de patrouilles

s'organisaient sur les points les plus exposés et

prenait de véritables cliasses au pirate,

on entre-

souvent fruc-

du village commandant du

tueuses, après lesquelles tous les liabitants

venaient en corps faire lioinmage au

secteur de quelque tète à longue tresse.

remplacé

les

Après avoir

cartoucbes brûlées, je récompensais habi-

tuellement leur zèle par une gratification analogue à celle

qu'accorde

le

protectorat pour la destruction d'un

animal nuisible, tigre ou panthère. toutefois, de limiter ces

Dans un pays où

homme

devint prudent,

l'argent est rare et

compte peu, une

fùt-elle sur les épaules est fort

Il

encouragements pécuniaires.

tète

du plus honnête

exposée au coin d'un bois quand

Quehjues

contrebandiers

la vie

d'un

qui vaut dix piastres,

d'opium,

coolie chinois, la

nuit tombe.

iiioffensifs

par


KN TKHIllTOIIir. MIIJTAIKF.

i:?2

ailleurs,

pavùrcnt poul-être un peu

de

promenés sur

s'être

soleil.

Entre deux maux, on choisit

victimes,

s'il

Chinois de

de venir

l'imprudence

clior

chemins après

les

le

coucher du

moindre

le

et les

\ en eut, étaient peu intéressantes.

Les

perdirent rapidement l'habitude

la frontière

leurs provisions au Tonkin. C'était le

faire

principal.

L'armement des populations Les cinq cents

fusils distribués

de Don2:-Dano: créaient, entre

dànt du secteur, une

avait

une autre

dans

la

les

utilité.

circonscription

mains du comman-

très sérieuse réserve d'auxiliaires

toujours prêts à marcher. Ces partisans ont depuis

longtemps

ils

étaient

quefois seulement au

on peut heures

à

,

peu nombreux

moment du

Dong-Dang, réunir

les

condition de

Aucun

villages. les

trois jours, sans trop

se

sont produits.

quelques

est limité à

Le gaspillage des

cliasscs

aux fauves. Les

fait

exceptionnels.

vingt mois, sur près de cinq cents fusils, deux seu-

lement ont été volés incendies.

Pour

et

deux premiers, l'un

C'est-à-dire

« auxiliaires » et

deux autres brûlés dans des

ces derniers les pièces

rapportées sans qu'il v

I.

fort utiles à

',

des inconvénients prédits par les adversaires

pertes et les vols de fusils sont tout à

En

armés quel-

Ces auxiliaires sont

emplover judicieusement

de l'armement ne

munitions

et

besoin. Actuellement

cent fusils en quelques

deux cents en deux ou

et

dégarnir

rendu souvent de bons

leurs preuves et

fait

Mais

services.

en

manquât une

fut enlevé près

les

en métal étaient vis.

Quant aux

de Bao-Lam, tout

véritablement comme des transformant, comme on l'a

utilisant

non pas en

les

essaye quelquefois, en soldais de complément.

Voir

1

ouvrage déjà cité du commandant Chabrol, au Tonkin. p. 287.

tions militaires

Opéra-


ARMEMENT DES INDIGÈNES à fait

au dcbut, par un domestique

puis longtemps chez le détenteur

pouvoir compter sur

Le second

fut

cliinois servant

du

emporté par un

-

la

Chine.

»

de passage qui

le village

de Quang-Bv.

«

dans

Nung

de

qui croyait

fusil

Le voleur gagna

lui.

avait reçu l'hospitalité

,33

Après deux mois de recherches,

les

habitants responsa-

bles réussirent à faire arrêter le coupable et ses complices

un marché des environs. aurait pu craindre, et

sur

On

sérieuse,

de donner, en

les

c'était

l'objection la plus

armant, aux communes

importantes, des velléités d'indépendance rixes entre villages.

les

constaté, en

Le

fait,

Il

n'en

deux ans, une

.seule

et

dispute à

en outre, d'avoir reçu des

fusils,

de favoriser Je n'ai pas

fut rien.

main armée.

d'en être res-

ponsables, de

les

diques

appelés quelquefois à marcher avec les

et d'être

présenter à

des

inspections pério-

troupes régulières, créa entre l'autorité française et villages

armés une

les

sorte de lien militaire de subordina-

tion qui les rendait plus dociles et plus maniables.

])e\ant

un

pour assurer

aussi considérable de

effort

notre part

des populations,

la tranquillité

il

était

juste de les faire participer d'une façon plus directe aux

charges de l'occupation.

une

sorte de milice

De

tout temps, le pays a fourni

chargée, sous la

locale

mandarins, d'un service de police

main des

de garde. Ce sont

Linh-Cô. Cette milice, échappant à tout dressage

les

sérieux, ne rendait

aucun

reste très réduite et

on

les

et

hautes régions

aux

service. Elle se

avait,

trouvait

du

en échange, recruté dans

un certain nombre d'hommes

destinés

tirailleurs tonkinois.

Dans

les

premiers mois de

Gra.ndm.'^ison.

189/j, le colonel Gallieni

8


EN TERRITOIRE MILITAIRE

i3/i

une

ohl ('liait rauloiisalioii de lever

compa-

assez forte

gnie de Linli-Cù. dette augmentation élail compensée

par

des tirailleurs encore sous

la libération

Mais, au lieu de avaient que faire,

digène entre

les

il

en forma une véritable troupe in-

mains des commandants de

Recrutés sur place, gradés

clioisls

dans

instruits

compagnie de légion,

la

l'occupation militaire.

constituaient, avec

les

secteur.

commandés par

et

cliements devinrent excellenls et fournirent sérieux à

drapeaux.

les

rendre aux mandarins qui n'en

les

En

un appoint

cas de besoin,

soldats européens,

le

au feu

comme

et

aux

Haut-Tonkin. Les Linh-Gô

de Donff-Dani? s'entendaient à merveille avec naires,

ils

une troupe

mixte remarquablement appropriée au service opérations militaires dans

des

ces déta-

les légion-

ailleurs.

Cette forme donnée au service militaire dans

les

pro-

vinces frontières est avantageuse. Les

Tbôs montraient

une répugnance extrême

de

les

à servir loin

cliez

eux dans

régiments de tirailleurs tonkinois. Le service local

auquel

ils

voir leurs

sont

faits

depuis longtemps

et la certitude

liommes directement emplovés

de

à la protection

de leurs fovers, rendent certainement moins impopulaire

l'impôt

du

sang.

Les

Annamites besogneux

achetés au rabais par les villages tliôs pour payer en qualité de remplaçants, leur dette militaire, deviennent

La surveillance est plus facile et les communes, un autre homme et de paver une amende en cas de désertion, ont intérêt à envover des

rares.

obligées de fournir

gens sûrs.

Mais

il

importe de mesurer cette charge. Car

Linh-Cô entretenus

à frais

communs

d'origine et le protectorat, forment

pendieuse pour

le trésor public,

il

par leur

si

les

commune

une milice peu dis-

n'en est pas de

même


ARMEMENT DES INDIGÈNES pour

populations.

les

Chacun d'eux

i35

devait,

dans

principe, recevoir de son village le riz en nature. naissait

de continuelles réclamations

tion fut, dans la suite, remplacée par

de deux piastres par Cliau de

Van-L yen

annuellement une

homme

au

(secteur de

somme

et celte

Il

le

en

contribu-

une taxe mensuelle

service. De Dong Dang)

ce chef, le

doit verser

de 2,3oo piastres environ,

sensiblement supérieure au total de l'impôt personnel et foncier.

Cette participation directe aux charges de la pacification est juste,

d'exiger si

nous l'avons dit. Mais

il

eût été imprudent

davantage à ce moment, dans une contrée

cruellement éprouvée par

la piraterie.


CHAPITRE VI Rapports avec

habitants.

les

militaire et régime civil.

Régime Organisation politique. Mesures à prendre pour rendre les ré-

sultats détlnitifs.

En examinant

le

le

fonctionnement de notre

un

secteur de la frontière,

la nécessité

d'appuyer cette occupa-

cadre et

occupation militaire dans

nous avons signalé

tion sur la réorganisation politique

du

pays. Ces

opérations ont naturellement été menées de front

sommes la

obligés de les étudier

seconde d'entre

elles, la

ici

;

deux nous

successivement. C'est

réorganisation politique, qui

fait l'objet de ce chapitre. Il

avec

est

indispensable d'abord de faire connaissance

les habitants.

cune des races

A

oici

cjui se

donc quelques notes sur cha-

rencontrent dans

la

région de

Ce n'est point imc étude d'ensemble sur la population du Ilaut-Tonkin que je veux eniroprendre ici et je me contenterai de présenter mes administrés de Lani^son.

Dong-Dang Le

tels cjue je les ai vus.

territoire

du Quang-Si

Haut-Tonkin)

de

Dong-Dang (comme

et toutes les

est habité

par im grand

juxtaposées sans ordre apparent très variables.

la

zone frontière

contrées montagneuses du

et

nombre de

races

dans des proportions

Cela constitue une véritable mosaïque à

laquelle la domination

annamite n'a pu donner, en


RACES DL HAUT TON KIN plusieurs

A

l'exception des

«

el

imminrants chinois, tous

Muongs

»

;

sont qualitlés appellation

par

les les

habi-

Anna-

plutôt méprisante

que n'emploient jamais, en parlant d'eux-mêmes, gens du pavs

les

les

^

La race autochtone race « tho

nu

superficiel.

l'ait

tants des hautes régions

mites de

cohésion très instable

(ju'une

siècles,

vernis tout à

,.V

paraît être dans ces parages la

Tout porte à croire

».

Laotiens, les

Thôs, connue

cpie les

Mans ou Méos, etc.,

représentent

les

vestiges des migrations primitives venues de l'intérieur

pour occuper

la presqu'île

indo-chinoise.

Annamites, rameau détaché de

En

tous cas, les

la race chinoise,

n'y sont

venus, par mer, que beaucoup plus tard. Les Thôs for-

ment de

la

majorité et

la

On

population.

la

partie

la

importante

plus

trouve à côté d'eux, répartis en

proportions très dilTérentes, des \ungs, des

Méos, des Tliô-ti, des Annamites Les

et

Mans ou

des Chinois.

Thôs en qualité de premiers occupants sont du sol réellement

possesseurs de la plus grande partie productif.

posséder

Ils

étaient

les terres

même

primitivement

arrosables produisant le

Casaniers et tranc[uilles,

les

les

seuls à

riz.

Thôs sont habitués de-

puis des siècles à vivre sous la domination des races voisines (Chinois et Annamites). >t'avant

de nationalité

et à

une seule chose

proprement

les

parler,

aucune notion

aucune

touche, leur intérêt.

Ils

religion,

obéissent

I. « Muongs dans son sens le plus répandu chez les gens du Delta pourrait se traduire Sauvaires de la montagne. Ce terme est emplové quelquefois d'une façon un peu plus déterminée en parlant de certaines peuplades de la Rivière Noire. Je donne ici son sens courant le plus hahilucl chez les Aima))

:

mites. 8.


EN TEimiTOIllE MILITAIRE

i38

sans arriiTC-pcnséc à celui qui est fèrent le maître qui les vole

le

le

plus fort et pré-

moins, sans souci de son

costume. Faciles à conduire mais détestant les corvées, igno-

commerce,

le

rare,

mais leur incurable paresse

ils

comme une chose empêche de produire

aiment l'argent

rant

au delà de leurs besoins.

Ils

les

ne refusent pas

le travail

qu'on leur impose, mais ne l'acceptent volontairement à

aucun

On une

aristocratie

taires le

prix.

trouve chez

les

Thôs de

la

région de LanG:son

de village composée de petits proprié-

dont l'influence ne dépasse guère

canton.

Ecartés jusqu'ici des

importantes,

la

commune ou

fonctions publiques

n'ont pas d'instruction et peu d'expé-

ils

rience administrative.

Dans

certains villages,

existent

depuis longtemps des familles aisées, on rencontre ce-

pendant un certain nombre d'hommes

que non de

lettrés

faire des fonctionnaires excellents

I.

instruits (bien

au sens annamite du mot)

Par exemple,

le

et

capables

*

Tri-Chau (chef d arrondissement, Tri-

Uyen en pa\s annamite) de Dong-Dang, Huu-viet-Than, (2'' mandarin provincial, chargé de la Langson. Propriétaire aisé du village de Ha-Lung, près de Dong-Dang, il était en 1898 un des rares fonctionnaires nés dans le pays. Intelligent, énergique, connaissant à fond le pays, il a constamment fait preuve de capacité et d un véritable attachement pour nous. Je lui dois personnellement beaucoup de reconnaissance pour les services qu il ma rendus et en particulier pour les renseignements qu il ma fournis sur les races, les

actuellement An-Satt justice) de

mœurs, le caractère et la valeur de nos administrés communs. Tous ceux qui ont vécu au Tonkin savent combien les indigènes répugnent en général à ce genre d'information et bien il est dinicilc de se renseigner et de s'orienter.

L'avancement inespéré de ce lettré,

aux premières charges de

petit la

com-

propriétaire rural,

province, est d

un

non

excellent


LES TIIOS Très amak'urs do distinctions, les

grades

aiment

du mandarinat, armes

les

La race

est

et font

loi)

les

Tliôs reclicrcliont

les titres, les décorations, lis

de bons soldats.

en général vigoureuse

et saine.

sont supérieures à celles des Annamites.

chez les Thôs, la base de la société, cêtres

et

La

le

Les

mœurs

famille est,

culte des an-

remplace à peu près pour eux toute autre praticpie

religieuse.

Très attachés au sants

à l'exclusion

sont-ils

des

pour

t'ont

des agriculteurs sulli-

de toute autre profession

;

aussi,

pour leurs besoins de chaque jour, tributaires

autres le

sol, ils

races,

travail

du

surtout bois

et

des

du

Chinois (par exemple fer, les

briques, les con-

structions, les ustensiles les plus simples).

Moins obséquieux que pris

les

Annamites,

les

Thùs ont

cependant leurs interminables fornuiles de

tesse et leurs marcpies ofilcielles de respect.

poli-

Leur carac-

exemple. Le meilleur procédé de gouvernement par tout pavs encore de récompenser très largement les services rendus. Après lui avoir fait accorder un titre de mandarinat pkis élevé que ne le comportait d habitude sa fonction, une médaille d or et la décoration du dragon de l'Annam, je lavais en plusieurs circonstances slirnalé au colonel Gallieni qui déjà, à la fin de 1894, lui avait lait proposer 1 emploi d An-Satt. emploi qu'il remplit actuellement en attendant peut-être celui de Thuan-Fu (gouverneur de 2^ classe). Il avait fait preuve en la circonstance d un désintéressement qui donne un trait de moeurs curieux de la vie sociale des villages Thôs. Tout en se montrant très reconnaissant de cette ouverture, Huu-viet-Than m avait expliqué qiae dans son village de Ha-Lung, vivait encore le précédent Tri-Chau de Dong-Dang et que ce personnage lui étant supérieur par la naissance, làge et les services, c'est à lui que revenait la dignité offerte; ajoutant que lui-même accepterait la place quand son prédécesseur l'aurait remplie. Les olFres laites à l'autre vieux notable furent acceptées et IIiui-viet-Tlian resta deux ans encore Tri-Chau de est


EN TERRITOniE MILITAIRE

l'io

lère est siinj)lo vl assez droit,

chement

sont ca[)aljles

ils

cl'al

lâ-

montrent volontiers dans leurs rapports une certaine bonhomie communicaet

de confiance

et

qu'on trouve rarement chez

tive

Chine

et

dont

Annamites.

se

parle fort loin en

avec quelques modifications, paraît-il, jus-

qu'au Mc-Kong. Elle tien,

les

langue courante du pays

i.a

elle n'est

se

rapproche beaucoup du Lao-

qu'un

dialecte

ou

même un

patois,

car elle ne s'écrit pas.

L'annamite et

les

gens

est la

un peu

langue

fous les nolaljles

oITiciclle.

instruits la parlent

souvent

cl

la

lisent.

Les Thùs pavent sans trop de difficulté l'impôt quand ils

ont de l'argent, mais leur imprévovance est

que

le

plus souvent

longtemps, le souci

que

les

les

même

échéances,

mettent dans l'embarras. L'économie

de thésauriser leur sont inconnus. Alors

la récolte est

il

est

rare

que

le

et

même

largement suffisante pour assurer

besoins de l'année, soit pas obligé

telle

prévues depuis

ses

pavsan ïhô ne

de s'endetter pour vivre en attendant

la

somme

la

récolte suivante.

Leur caractéristique

paresse et l'imprévovance

;

ils

sont

est

faits

en

pour

être ex-

Ce sont du reste, en général, on voit beaucoup de pauvres chez

ploités et l'ont toujours été.

de braves gens

et

si

eux, on n'y trouve pas de mendiants.

Les

XuNGS sont d'origine chinoise

et

proviennent

de migrations anciennes venues pour cultiver les

le sol

Thôs, décimés par des troubles périodiques,

que ne

suffisaient plus à peupler. Ces migrations se sont pro-

duites peu à peu et sans

aucun caractère de

violence.

Les nouveaux arrivants se contentaient d'occuper terres disponibles,

généralement

les

mamelons

les

et les


LES NUNGS bols

;

i',,

terres arrosables restant

les

aux premiers occu-

pants, les Thôs.

Ce mode

d'installation amiable, par petites fractions,

sur les reliefs

du

sol laissés libres,

trement des Nungs cantons où

ils

et des Tliôs

explique renclicvê-

mêlés dans

dans des villages séparés. Souvent

communes

des s'est

mêmes

même

forment

ils

commune Nung commune ïhô. On ne

à part et parfois la

simplement superposée

à la

pourrait dans ce cas représenter sur toire de la

les

vivent en assez bonne intelligence mais

commune Nung que

une

carte le terri-

par une série d'enclaves

correspondant aux parties élevées du terrain

et figurant

vaguement des courbes de niveau. C'est une véritable difficulté pour l'administrateur nouveau qui cherche naturellement

et sans pouvoir y parvenir à délimiter cantons et à y juxtaposer les communes. Les Xungs sont, du reste, très différents entre eux

les

et

forment moins une race

d'immiiiTations pourrait

actuellement

principaux

unique que de

successives

même

répartir

les

résidu

le

origine.

On

en deux groupes

:

Ceux d'entre eux

qui. arrivés les premiers, ont

pu

trouver des terres à riz encore disponibles. Les derniers

venus, obligés de se contenter des versants de mamelons et

des bois.

Les premiers vivant de la leurs usages.

costume,

se sont

peu

à

peu modelés sur

les

Thôs;

même vie, ils ont adopté leurs mœurs et On les en distingue dilïlcilement même

mêmes

:

qualités,

mêmes

défauts.

Les autres, plus nombreux, ont dû pour vivre,

se

créer des ressources en se livrant à certaines industries

primitives.

Les femmes tissent de grossières

les teignent

pendant

(|ue les

hommes

étolTes et

travaillent le bois


EN TERKITOIIU- MILITAIRE

i/ia

dans le

la forêt. Ils cultivent le

maïs,

le riz

de montagne,

coton, l'indigo.

mœurs

Leurs

sont nécessairement restées plus rudes

et leurs traditions plus vivantes.

moins

que

sîirs

les

frontière, piraté

Thôs,

ils

un peu pour

Moins tranquilles

et

ont, à l'occasion, sur la

leur compte.

Ces Nungs de montagne n'ont pas toujours adopté

annamite (tous

la coiffure

gnon

cachés en partie

et

encore souvent

mode

leur a

la

cheveux relevés en chi-

les

par

un turban).

queue de leurs ancêtres

même

portent

Ils

chinois. Cette

parfois attiré des désagréments.

Il

y

a c|uelques années, plusieurs officiers, insuffisamment

documentés sur de

fort

cette question, ayant reçu l'ordre,

la piraterie, d'interdire

au

sous peine de mort la

circulation des Chinois, avaient prescrit de couper, sans

autre procès, toutes les têtes ornées de ce malencontreux

appendice. Les ?Sungs trouvèrent la mesure

un peu

radicale.

pour compléter

\oici,

Nungs, un

mœurs

fait

la

physionomie

caractéristique.

Il

sociale

des

prouve que leurs

sont en clTet restées rudes et que leur moralité

est intransigeante.

Aux

environs du mois de juin 1895, on trouva dans

l'arrovo de voisin,

enquête sur tatai

Don 2:-Dano; trois femmes

?Sun2:d'un

villasre

attachées ensemble et novées. J'entrepris

une

causes de ce singulier accident et cons-

les

non sans étonnement qu'aucune réclamation ne ne s'agissait donc pas d'une vengeance,

se produisait. Il

comme

ie

l'avais

cru d'abord.

Je crai'mis alors d'v

trouver une sorte de meurtre rituel, reste des chinoises.

en

effet

fait

Une

mœurs

sécheresse désastreuse pour le pays avait

provoqué des démonstrations religieuses tout à

exceptionnelles et je savais d'ailleurs par de vieux


LES ^UNGS indigènes qu'à Langson

noyaient encore,

cas,

femmes dans

les

Chinois, en pareil

peu d'années, ([uelques

y a

Song-Ky-Kong. Le pagodon qui

le

cérémonies, rares

à ces

même,

il

iV'i

servait

souvent

est vrai et le plus

il

chemin de Ky-Lua. femmes pour un pauvre village de la montagne me semblaient cependant une bien forte offrande... clandestines, existe encore sur le

Trois

Dès

premier jour,

le

mon

tendre que

ressés, parents

le

vieux Tri-Chau m'avait

enquête n'aboutirait pas. Tous

ou notables du

un ensemble remarquable d'un

triple

mort

..

.

suicide

:

«

village, déclaraient avec

C{u'on se trouvait en présence

Lui

content faire

lui

triste,

Impossible d'en tirer autre chose

»

en-

fait

les inté-

et je

dus

me

contenter de cette explication douteuse, après avoir,

pour

forme, infligé une amende aux notables qui

la

n'avaient pas rendu compte de la chose. Il

s'agissait

simplement, je

le

sus plus tard, de trois

maris soupçonnant leurs femmes de

au marché

Actuellement,

importante de

la

Xungs forment une

les

population, dans

frontière (la moitié environ). nérale,

nombreux dans

de rochers

s'être trop

amusées

voisin...

et

de bois

les

Ils

les

fraction très

cantons de

la

sont, d'une façon gé-

cantons pauvres, couverts

plus rares dans les vallées riches

;

et cultivées.

Un

peu

un

point

surveillés et bien

de hardis chasseurs, aimant faire

traités, ils

ne formeront

obstacle à la pacification délinitive. les

armes

et

Ce sont

capables de

de très bons partisans.

Les Maxs ou Méos sont rares dans

Dang.

Ils

vivent en véritables

montagneux que

les

le

Cliau de

nomades sur

les

Dong

massifs

Xungs eux-mêmes n'abordent

pas,


EN TEimiTOlIlE MILITAIIIE

i','.

les somincls pour y semer le maïs et le riz de moiilamie, puis transportant ailleurs leurs cabanes de

déboisant

quand

brancliages

une race

belle

la terre

ne produit plus

vigoureuse mais

et

assez. C'est

diriicile à iixer et à

apprivoiser.

Mans ne

J^es

vivent pas toujours en très bonne in-

telligence avec leurs voisins qui les craignent.

déplacements s'opèrent cependant à l'amiable entente avec

de

les autorités

de laquelle

toire

ils

leur est accordé

la

commune

sur

Leurs

et après le terri-

veulent s'établir. Le droit de séjour

moyennant une redevance annuelle

par famille. Mais cette obligation d'avoir recours aux notables Tliôs ou

\ungs

et

de leur paver cette sorte de

tribut occasionne sovivent des dilïicultés.

pour rendre stable une assez forte coMans (/jo ou ôo familles) venant des mondu Mau-8on, de leur reconnaître un territoire

J'avais tenté,

lonie de

tagnes

former une commune commun et administrée par le et d'en

Man). Les

clioses allaient

à part, clief

de

soumise au droit la

tribu (Truong-

bien au début; nos ^lans

semblaient goûter cette autonomie, étaient reconnaissants des i5

ou i8

qu'on leur avait

fusils

soumettaient volontiers au\ inspections ])aiv

des

conliés, se

et vivaient

en

avec leurs voisins. Mais on ne fivc pas facilement

nomades liabitués h cultiver le sol en le déboisant,du lendemain et jaloux avant tout de leur

sans souci

iii(lé|)('iidance.

tôt

Il

est

ou tard leur exode

Les

mœurs

des

à

craindre qu'ils ne reprennent

^

Mans

se

ressentent de leur babituel

I. Dans certaines parties du Tonkin, surtout dans la province de C^ao-Bang, les Mans forment des noyau\ beaucoup pîus iniporlants et plus fixes.


LES MANS

,',:,

isolement dans des massifs dii'licilement abordables.

forment de véritables tribus

et vivent sous le

Ils

régime

d'un droit coutumier patriarcal, en dehors des règle-

ments

et

des lois administratives

(qu'ils

ne croient point

pour eux.

faits

Le Truong-Man. mis en conliance par nos précédentes un jour me prier de lui prêter soixante

entrevues, vint piastres

pour

commerce de l'opium. Je

faire le

quai qu'il aurait peu de clients obtenir une licence lit

entendre, sans

justement de

payer de tout cela.

fait Il

lui expli-

d'abord

fallait

— Sur quoi,

moindre embarras,

utiliser ses fusils et les

hommes en

ses

paver patente.

et

le

et qu'il

il

me

qu'il voulait

remarquables capacités

de contrebande, pour ne rien

fut assez difficile de faire

com-

prendre au vieux montagnard que je ne pouvais guère fonds pour une semblable entreprise. La politesse annamite est naturellement inconnue aux Mans, c|ui se dispensent des salamalecs et des hommages officiels. Leur chef cependant venait rarement à lui fournir des

Dong-Dang une

sans m'apporter, en témoignage d'amitié,

bouteille pleine de miel sauvage. Je lui olTrais

pUis souvent en échange une bouteille de vieil

homme

maigre, à

la

barbe rare

et

rhum:

puis

le

le

au large turban

bleu, après avoir terminé son palabre et secoué sa pipe à petit

dignité,

fourneau de cuivre, prenait congé, non sans pour regagner la montagne escorté des jeunes

gens armés de

De

taille

sa tribu.

movennc, ^ igoureux

avaient bon air.

et

bien pris, ses

Ce sont de hardis chasseurs

hommes

et

surtout

d'infatigables marcheurs, capables de se transformer à l'occasion

en redoutables partisans.

Les Mans ont

la curieuse particularité

d'un soin

et

d"nne recherche dans leurs ^ètcmcnts qu'on ne retrouve Grandmaisom.

9


EN

t'iO

guère chez

MILITAIUE

TEUIilTOIlU-:

surtout chez les Annamites.

les autres races,

Leurs femmes portent des costumes ornés de broderies <le

forme originale Les Tiiù-Ti

et

souvent assez seyants.

sont les descendants des mandarins et

des soldats annamites envoyés,

pour gouverner

et

ment sur

ils

mais ne

place,

occuper ont

il

y a quelques cent ans,

le pays. Installés déllnitive-

souche avec des fenuiies ïhô

fait

fondus. Leur origine constituant

se sont pas

pour eux une sorte de noblesse leur conférait quelques privilèges en voie de disparaître (exemption de corvées,

indépendance relative en

ou de canton ). Ce sont gens plus plus dangereux que

et

intelligents et plus cultivés,

ont hérité de

ils

dans

A faire

fourberie

l'extérieur, rien

passer pour

Dong-Dang

;

ailleurs

ils

villages.

ne distingue ces Thô-ti qui

Thôs auprès de nous,

se fai-

quitte

à

sonner haut leur origine auprès des mandarins

annamites

et

formaient une sorte de franc-maçonnerie

redoutée des autres habitants. sorte à se cacher longtemps. et des officiers

changement

de

Langson,

un

avaient réussi de la

Ils

Bien des administrateurs

n'en ont pas soupçonné l'existence avant

le

était

la

Nous en avions seulement quelques

secteur de

le

forment parfois d'assez gros saient

mais

Xungs. Très jaloux

ne regardent pas aux moyens quand leur

intérêt est en jeu.

familles

commune

chefs de

les Tliôs et les

de leurs prérogatives,

annamite

face des

de

régime de

nommé

Tiiù-ti

à

cette

iSqZj-

Le Tong-Doc

époque,

que longtemps on

^ i-A an-Li,

avait cru

de race

indigène.

Apres au gain

et

sans scrupules, les Thô-ti sont d'au-

tant plus à craindre qu'ils méprisent les races locales


THO-TI ET ANNAMITES et

n'ont aucun attachement pour

i',;

milieu social où

le

ils

vivent.

A une

lieue de

cément de

iSg/j.

dont

riche,

Dono-Dans;, demeurait, au connnen-

un ancien

canton dévasté par pect,

il

fonctionnaire, notable et

village avait été seul respecté

le

Ce

les pirates.

fut arrêté et je

pus

saisir

fait

dans un

ayant paru sus-

chez lui une corres-

jx)ndance considérable ainsi qu'un rôle d'impôts très

bien tenu.

11

servait d'indicateur et d'intermédiaire

au principal chef pirate de de faire rentrer pour lui contrée. C'était

se chargeait

la frontière et

redevances de toute

les

unThô-ti qu'on

plus tôt dans la crainte de représailles.

Son

frère et

tous ses parents craignant d'être compromis, avaient reste dès le

premier jour

« pris la

brûlé la maison d'un notable

la

n'avait pas osé dénoncer

brousse

Thô

qu'ils

»,

du

après avoir

soupçonnaient

d'avoir dénoncé le vieux pirate.

Comme

il

convenait de ne pas examiner de trop près

antécédents des habitants de

les

la frontière

qui deman-

daient à rentrer dans leur village, j'autorisai, quelcjues

mois après, sur

les pressantes instances

de Langson, toute

Personne ne

se

la

du Tong-Doc

famille à rentrer chez

montra dans

la suite

elle.

plus souple

et

plus

prévenant.

Les Thô-ti sont de véritables Annamites habillés en

Thôs.

Ils

constitueront

une gène

et

quelquefois

un

danger tant qu'ils ne seront pas complètement rentrés dans

le droit

commun. Le

départ des mandarins anna-

mites a porté un coup mortel à leur influence qui ne

peut dans

la

suite

que diminuer

et disparaître

peu

à

peu Les AxxAMiTES n'étaient représentés jusqu'en

189^^1.


EN TERRITOUIE MILITAIRE

i',8

dans

hautes ré<;ions, que par

les

foncllonnaircs et

les

quelques colporteurs. Les grands travaux entrepris

du chemin de

surtout l'ouverture

favorisé l'evodc naturel vers les hautes terres,

du

trop-

plein de population des provinces maritimes. C'est

élément

social

avec

commercial

prudence

dans

semble avantageux d'encourager plus large mesure au point de vue

mais de n'autoriser qu'avec

et industriel,

en masse

Annamites,

si

et l'occupation

une tendance de

régions montagneuses rend,

les

prise de possession

Chinois.

de

la

ce genre

La répugnance de l'Annamite

venait à se produire.

pour

un

compter dans

faudra

11

la colonisation

terre par les

il

la

(pielques années. celte poussée

lequel

et

ont beaucouj)

fer

peu

à craindre

est vrai, cette

il

pour

— La région de Dong-Dang

le

moment. par

est habitée

un grand nombre de Chinois venant d'un peu partout jaune préoccupe

et très dilTérents entre eux. L'invasion

assez les esprits les

pour

qu'il soit intéressant de rappeler

données générales de

la

question.

Les Chinois qui s'établissent au Tonkin,

Amérique et sur toutes les

côtes

habituellement pour chercher fortune

de revoir

la

mère

patrie, vivants

noyau d'immigrants nouvel arrivant

est

s'est

comme

en

du Pacifique, y viennent et

avec l'idée fixe

ou morts. Dès qu'un

formé quelque part,

tout

sur d'y trouver des associations, des

sociétés de secours, des syndicats

de toutes sortes qui

le

reçoivent, le placent et le soutiennent.

Au

Tonkin,

les

spécial. Ils relèvent tice, les

Célestes sont

soumis à un régime

directement pour

la police, la

jus-

impôts, des autorités françaises et n'ont rien à

La législation qui un double but. Permettre

faire avec l'administration indigène.

leur est imposée se propose


LES CHINOIS de surveiller leurs agissements tion par

un impôt

]',.,

limiter leur

el

immigra-

spécial.

Ces mesures de protection paraissent du reste in-

aux colons français auxquels

suffisantes

qu'au point

de

Chinois

les

bien au point de vue industriel

font partout, aussi

commercial, une

vue

concurrence

meurtrière. juste de protéger nos colons et de les encou-

S'il est

rager,

voie

il

prudent cependant de n'agir dans

est

qu'avec circonspection. Le petit

nationaux installés au Tonkin le dire,

et

trop souvent,

il

faut

leurs exigences rendraient impossible tout pro-

grès et ruineraient le protectorat ce qu'ils réclament

en

cette

nombre de nos

somme

une

:

monopole,

ce

que poursuivent sous

si

on leur accordait

monopole. Car

sorte de

cette absence

mettant

différents prétextes et en v

quelques formes, presque tous

les industriels et

merçants européens dans leurs revendications incessantes

campagnes contre la

nois. Je dis

campagne

Européens

«

toujours

était

»

liberté laissée

com-

et leurs

aux Chi-

avec intention, car

menée par

c'est

de concurrence

si

celte

des Français et dans

m'y où vont

l'intérêt des Français, je serais prêt h

associer dans

une large mesure. Mais, au

les choses, je

ne vois pas

la nécessité

ruine du commerce^

supprimant

et

train

pour

le

de

mettre dans l'embarras en

se

protectorat d'achever la

concurrence asiatique au bénéfice de

la

maisons anglaises ou allemandes. La juste mesure à établir dans

délicates

cet ordre d'idées

parmi

les

me

paraît

une des plus

questions qui intéressent la coloni-

sation.

Ne «

serait-il

pas sage de s'en tenir à notre formule

Colonisons pour

n'est plus stérile

les

colonies. »

et plus

:

Aucune conception

fausse que celle qui propose


EN TERIUÏOIRE MIIJTAIUE

i5o

C(iinMio Inil uni([U(M'l iinnK'diat àlacolonlsalion. l'cnricliissciiiont

de quelques cenlaines d'Européens. Cher-

chons donc à créer des établissements prospères

et

vi\anls, à posséder des colonies qui produisent et qui

avec

iraliquent, fut-ce

des Chinois.

l'aide

Français \ perdront au début, mais

dans

Quelques

France y gairnera

la suite.

La chose car

la

les

est délicate, répétons-le, et difficile à dire,

réclamations contre

la

concurrence chinoise

sont violentes et très générales dans la colonie euro-

péenne,

celle

qui

fait

l'opinion en France et n'hésite

pas à déclarer qu'on veut la mort et

que

du commerce

français

pour quelque

l'argent chinois pourrait bien \ èlre

chose Il

reste bien

être libre.

On

entendu que

concurrence ne peut pas

la

doit s'armer et se défendre.

deviendrait une colonie

chinoise

— Le Tonkin faut

Il

garder largement la place de nos colons, par des commandes,

— C'est un devoir cuter.

Mais ce

faciliter et

strict et

il

encourager leurs

essais.

absurde de

le dis-

serait

n'est pas là le

donc v

les favoriser

but

ilnal.

La prospérité

générale de la colonie, son développement propre doit passer avant tout.

On

peut afilrmer du reste que

la

concurrence chinoise n'est qu'une difficulté secondaire

pour nos colons. Elle n'empêche pas péen de prospérer à Singapour entraves administratives

ments commerciaux

et

commerce euroHong-Kong. Les

le

à

nos extraordinaires règle-

et

(droit au pavillon, douanes, taxes

de ports, protection exagérée des industries métropolitaines, déffiut d'outillage

munication

aux progrès là (ju'il

)

sont

et à la

faudrait

commercial, de voies de com-

un

obstacle

autrement sérieux

réussite de nos nationaux. C'est par

commencer

les

réformes.


Le but est,

(le la

if)!

législation spéciale

imposée aux Chinois

nous l'avons

de limiter

et

LES CHINOIS

les intérêts

la

du

dit,

de rendre

la surveillance possible

concurrence dans une mesure

telle

protectorat et le développement

que

du pays

n'aient point à en souffrir.

Au

de chercher à détruire

lieu

Chinois

et leurs associations, ce

résultat

que de

les

rendre clandestines,

quent plus dangereuses, on a voulu

comme moven

utiliser

les

groupement des

le

qui n'aurait eu d'autre

donnant une existence

et

par consé-

les régulariser et

de surveillance

en

leur

oflicielle.

Dans chaque centre important, les Chinois forment société, une congrégation, sous l'autorité d'un de

une

leurs notables, véritable fonctionnaire rétribué par le

protectorat et appelé « chef de congrégation^ ». fonctionnaires,

munis de pouvoirs de

Ces

police et de sur-

veillance suffisants, deviennent responsables de leurs

compatriotes inscrits sur

Presque tous la

les

les contrôles

de

la résidence.

Chinois du Tonkin proviennent de

province de Canton ou de celle de Foc-Yen

les villes

importantes,

ils

et

dans

groupent suivant leur pro-

se

venance sous l'autorité de deux chefs de congrégation

un pour

les

Cantonnais

et

un autre pour

;

gens de

les

Foc- Yen.

Malgré l'inconvénient réel de créer ainsi des centres

nombreux

et

puissants exclusivement

chinois,

cette

utilisation de la solidarité chinoise, cette sanction officielle

donnée

à leurs sociétés produit

de bons résultats.

I Dans les agglomérations moins importantes comme Dong-Dang, le titulaire de cette fonction est appelé « Chef de Marché » (Banli-Truong). Il n'est pas rétribué, mais il est autorisé à faire un léger prélèvement en nature sur le marché, .

deux ou

,

trois fols par an.


EN TERRITOIRE MILITAIRE

i52

C'est le seul

movon, du

eux une action

reste, d'avoir sur

sérieuse.

Tout Chinois débarquant au Tonkin autorisé à v séjourner,

se

française et sur la présentation

de

la localité

il

être

par l'autorité

du chef de congrégation

veut s'établir, une carte d'identité,

portant son signalement, sa photographie

de

pour

doit,

faire délivrer

^ Pour compenser Fiinpôt personnel

et l'indication

sa profession

qu'il

ne paye pas,

l'immigrant chinois doit, en échange de sa carte, verser

une somme proportionnée

à

sa

profession

et

à

sa

richesse (c'est l'impôt de capitation, indépendant de la

patente et dont

la

quotité varie suivant la catégorie où

est inscrit le titulaire).

veut se déplacer, et

il

Une

fois inscrit

et

classé,

s'il

doit déposer sa carte à la résidence

en retirer un permis de circulation valable pour un

temps déterminé

et spécifiant les villes

il

est autorisé

à séjourner.

Ce régime correspond assez bien aux besoins des du Delta, pour lesquels il a été fait. Mais c'est le lieu de remarquer, une fois de plus, qu'une mesure bonne h Hanoï peut être, dans certains centres commerçants

I. En outre do la photographie, souvent absente dans les hautes régions, la carte porte le « Diem-Chi ». indication antliropométrique en usage depuis des siècles dans les pavs d'Exlrcnie-Orient. Pour 1 obtenir, le titulaire place la carte entre l'indev et le médium de la main gauche de telle sorte que 1 index se trouve allongé tout entier sur la carte, le loiig d une ligne tracée dans ce but. On marque alors d'un trait de plume ou dun coup de pinceau sur cette ligne, la place des plis intérieurs des phalanges, la racine de longle et l'extrémité

du doigt. Il sulïil pour constater lidentité. de faire placer son index au porteur de la carte, dans la même position et de vérifier si

les indications

sont exactes.


LES CHINOIS mauvaise

cas,

manque

le

Dong-Dang

à

crélasticitc

i53

de rcgretlor encore

ot

de nos institulions

adminis-

tratives,

^ous devions emplover sur nos chantiers de routes de constructions un grand nombre d'ouvriers et de coolies chinois embauchés au moment du besoin dans et

les villages voisins

quand été

de

la frontière et

temps

très court. C'est ce

possible.

ment de

ils

travaillaient et valables seulement

Mais

j'ai

la

une grande

fait

le

pour un

plus souvent

de procéder n'eut pas l'agré-

cette façon

imposer

fallut

cartes à

que

l'administration centrale,

qualifiée d'irrégulière.

Sur

émue d'une

situation

ses ordres réitérés et formels,

capitation totale et distribuer des

On pen-

partie de nos travailleurs.

probablement, en leur faisant paver deux piastres

un morceau de sifs.

eût

mais des permis de séjour, limités au lieu

même

sait

Il

raisonnable de ne leur point délivrer de eartes

d'identité

il

renvoyés chez eux

ou l'argent venaient à manquer.

le travail

En

fait, la

carton, les transformer en gens inoffen-

mesure

fiscal, il s'agissait

La concurrence

était

n'était pas à craindre,

manquaient enfin c'était un ;

de force

aune

mauvaise.

Au

point de vue

d'une recette supplémentaire minime. car les ouvriers

véritable danger de

c[uantité de Chinois

inconnus

fession le droit de vivre et de circuler

et

donner

sans pro-

au Tonkin.

On

enlevait ainsi toute valeur réelle à la carte d'identité, car

il

devenait impossible d'imposer au chef de congré-

gation la responsabilité

de cinq à

six cents

Chinois

recrutés directement par nous et qu'il déclarait ne pas

connaître.

Dans notre secteur de Dong-Dang, la proximité de la donne à la colonie chinoise une physionomie tout à fait spéciale et on y rencontre certains types

frontière

9.


EN TEIUUTOIRE MILITAIUE

i5',

inconnus dans

Dolla.

le

On

peut

y distinguer trois

groupes principaux de Cliinois: 1°

Les Chinois agriculteurs installés isolément depuis

longtemps dans

les villages

Thôs, propriétaires par voie

d'achat et habituellement

mêmes impôts que soumis

à la capitation

des indii^ènes dont détails

les

ils

banquiers.

payent

Ils

et

distinguent malaisément

se

ont pris

les

usages et jusqu'aux

du costume.

Cette catégorie peu

nombreuse, soumise au droit

commun

et

aisés, n'a

besoin d'aucune surveillance spéciale^

généralement composée de gens notables

commerçants

2^ Les Chinois

groupés dans

marchés de

les

installés à

demeure

Ils

la

et

ne font plus partie

d'aucune cong-ré^ation en Chine, enterrent leurs morts

et

la frontière, c[uelqucfois

depuis plusieurs générations.

ment

les

autres habitants, ne sont plus

ré2:ulièrc-

au Tonkin, mais continuent

à

paver

capitation et sont restés, malgré tovit. Chinois de

mœurs et d'aspect. Ce sont gens tranquilles,

ayant intérêt

à voir le pays prospérer, parce cju'alors le

marche mieux. Mais d'attachement ou de renseigner vert,

ou

il

Jamais

lidélité.

les pirates, s'il le faut

même

à partager

l'occasion s'en présente.

La population

commerce

ne peut être question avec eux

le

Tout

pour

ils

n'hésiteront à

se

mettre à cou-

bénéfice d'une prise,

si

profit leur est bon.

flottante de

marchands

et

de coolies

I. Un exemple rappellera aux camarades cjui me liraient que sont ces Chinois agriculteurs. Tous ceux qui ont suivi la roule de Langson ou Donjr-Dang à Pho-Binli-g-ià connaissent le plus notable d entre eux le Ba-lio de Duc-hin et surtout sa femme « la mère Duc-hin >>. Ils ont gardé certainement bon

ce

:

souvenir de Ihospitabilitc reçue chez cette vieille dame et de sa curieuse collection d autographes, recueillis en réclamant de cliacpie passager un certificat de satisfaction toujours accordé.


LES CHINOIS

i55

venus pour chercher du travail ou exercer leur commerce. C'est de beaucoup et la seule

Plus adroit

dans

la

et

et

provinces basses.

les

plus intelligent que le Thô, le Chinois

région de

commerce

plus nombreuse

la catégorie la

qu'on trouve dans

Dong-Dang

de tous

tissage (briques,

possède

le

monopole du

travaux demandant

les

un appren-

maçonnerie, forge, charpente...).

Le marchand venu pour faire fortune (quelquefois du Foc-\en, mais plus souvent de Canton), souple, adroit,

(juelquefois

scrupules,

intelligent

très

demande une

forte

toujours sans

et

surveillance.

Il

exerce

tous les métiers, v compris souvent celui d'usurier. réussit généralement,

merce lités

vin sens très

c'est

qu'il apporte

développé

et

dans

le

S'il

com-

de remarquables qua-

professionnelles.

Aussi droits et faciles en affaires que leurs mandarins se

montrent tortueux en

çants se contentent,

politicjue, les

quand

insignifiant. Serviables,

il

le

Chinois commer-

d'un bénéfice

faut,

d'une complaisance inépuisable,

toujours prêts à transiger, à s'arranger, à entreprendre

une

affaire,

parole

leur

Pratiques, en outre, très l'aciles,

avec

commerciale

persévérants,

ils

rages

très

ont et

le

sûre. crédit

s'associent

Soumis à la justice française v ont recours le moins possible et préfacilité.

fèrent régler sans frais leurs différends t

est

ils

en usent beaucoup entre eux

une extrême

au Tonkin,

et

au moven d'arbi-

*

Dong-Dang venaient assez souvent me I. Les Chinois de soumettre leurs contestations et je me rappelle entre autres avoir réglé il

la faillite

faut l'avouer,

dun

par

le

cabaretier-restaurateur ruiné surtout, trop large crédit ouvert aux soldats

européens de passage. Sur leur demande, je réunis les i4 ou i5 créanciers et chacun donna son compte certifié par l'intéressé. La maison et le fonds de commerce furent vendus pu-


EN TEIUUTOIKE MILITAIRE

i5(;

Les coolies et

nombre dans ces petits

la

les

ouvriers clùiiois employés en grand

haute

réj^^ion

pour leur commerce. Ce sont sans de l'intérieur de

au moins égale

la

régulièrement pavés,

pour leur

se font pirates,

ils

le

le

monde

plus souNent des pav-

Chine, bien bâtis, d'une

à celle des

doux de nature

vailleurs,

lent pas

ne ressemblent en rien à

Cantonnais jaunes qu'on voit courir

Européens,

et très enfants.

taille

assez tra-

forts,

Bien

traités et

sont faciles à conduire, ne vo-

plaisir

en somme,

comme cpi'à

les

Annamites

et

ne

défaut d'un métier plus

moins dangereux. dû réunir pour nos travaux de Dong Dang un grand nombre de ces ouvriers chinois et, pendant plusieurs mois, le village donna l'hospitalité à six ou huit "aillards dont un tiers au moins avaient servi cents c lucratif et J'avais

l'année d'avant dans les bandes pirates des environs.

On nous avait prédit même au début sans fut heureuse et

cents chinois

des désastres

et je n'étais

pas moi-

quelque inquiétude. L'expérience

nous eûmes certainement avec nos

moins de

difficultés

que

s'il

avait

employer un pareil nombre d'Annamites ou

six

fallu

même

de

chemineaux piémontais sur un chantier de France. J'avais été obligé de faire couper la tête à

deux d'entre

bliquement quelques jours après pour établir lactif, puis au cours dune seconde réunion, après discussion au sujet d une créance que contestaient les autres créanciers, sous prétexte qu'elle était présentée par un Chinois associé aux afiaires du failli, on transigea séance tenante. La répartition faite par moi (environ 35 pour loo) fut acceptée, chacun toucha sa part, donna quitus et il n'en fut plus question. La failli rentrait le lendemain comme employé chez un de ses créanciers, en attendant qu il put reprendre une aflaire à son compte. Ces arrangements amiables sont tout à fait dans les habitudes des Chinois qui savent fort bien cependant, à roccasion. s adresser aux tribunaux et se servir des moyens judiciaires.


ORGANISATION POLITIQUE

13;

eux rormclleniciil reconnus pardcs liabilants du village (|u'lLs

avaient enlevés quelques mois avant sur la route.

Ceux dont

la

travailler

un peu

conscience était

tèrent sans bruit le

Tonkin

:

les

en ouvriers inofîensifs

trop chargée quit-

autres continuèrent à

et tranquilles.

La poussée des Annamites vers les hautes régions rendra moins nécessaire l'élément chinois dans la vie économique du pavs et lui fera peu à peu une véritable concurrence. Dans la suite l'Annamite supplantera le Chinois pour tous

les

travaux où l'adresse entre en jeu

(maçonnerie, menuiserie, charpente, travail du

mais pas plus que

le

Français

il

ne prendra

fer

)

sa place

commerciale.

Cette revue nécessairement incomplète des éléments

sociaux qui peuplent la région de Langson suflira ce-

pendant le

lios

1

à faire saisir la

et

les

?Sunos. Leur lano-ue, leurs

besoins sont les et

physionomie du milieu.

gros de cette population disparate est

mêmes.

En

fait,

formé par

mœurs,

les

leurs

C'est eux qu'il faut gouverner

apprivoiser.

Mais

il

est utile,

rechercher

avant d'en étudier

comment

s'était

formé

les

le lien

moyens, de

politique qui

unissait toutes ces races et de voir à l'œuvre l'adminis-

tration annamite.

La race

thô, la plus ancienne et

n'est pas capable

la [)kis

nombreuse,

de s'imposer aux peuples voisins (Chi-

nois et Annamites) qui lui sont intellectuellement supérieurs. Elle est

d'ailleurs

trop peu

nombreuse

et

trop

mêlée à des éléments hétérogènes pour former une nationalité.

Les Thôs ont en

effet

de tous temps été soumis

aux Annamites ou aux Chinois qui

les

ont successive-


EN TERRITOIIIE MILITAIIŒ

i58

mont

cxploiU's.

Langson

neté de l'Annam. était

vague

semble qu'en principe

Il

depuis des

ait,

et

Dans

la

la frontière

Nous avons vu, au début de et

ont vécu

régime d'une féodalité puissante.

le

cette étude, les rois

en luttes continuelles avec leurs vassaux, de Cao Bang

pavs de

le

la souverai-

pratique cette souveraineté

populations de

les

longtemps sous

reconnu

siècles,

les

Le

seigneurs

de Langson. Ceux-ci payaient tribut

tantôt à l'Annam, tantôt à la Chine. Quelquefois aux

deux

s'ils

étaient faibles

ou

à

personne quand

ils

étaient

forts.

C'est à cette paraît-il,

une

époque féodale que

véritable prospérité

le

pays aurait connu,

c|u'il

n'a pas retrouvée

depuis. Cette prospérité, en tous cas, a lative

dû èh^

très re-

ou de bien courte durée. Le manque complet de

monuments

anciens, la pauvreté des traditions et le dé-

faut de sens artistique chez les habitants suffisent à le

prouver.

Quoi

qu'il

en

soit,

ou expéditions nord

et

il

reste trace

militaires,

les races,

la

les territoires

frontière.

quelques

rencontré

le

disponibles

Nous avons, en étudiant

résidu de quelques-unes d'entre

(Les Thô-ti jwur l'Annam,

elles

les

venant successivement du

du sud pour occuper

ou contestés sur

dans

nombreuses invasions, migrations

traditions locales de

les

Nungs pour

la

Chine). L'installation des cjul

ont

fail

mandarins

et

des soldats annamites

depuis, souche de Thô-ti (installation que

reslimation des habitants

fait

remonter

à

une centaine

d'années) correspond vraisemblablement à tion de l'Empire par

la

restaura-

Gia-Long aux environs de 1800.

Les hautes provinces ne seront plus désormais contestées et les

quekjues garnisons chinoises que nous retrouve-


ORGANISATION POLITIQUE rons

à

Cao-Baiiij^,

That-Ké

et

Lani^son,

v viendront

demande de Tu-Duc, im-

avec l'assentiment et sur la

puissant à faire la police chez

lui.

C'est de la réoccupation de 1800

du pavs

nisation politique

i5ij

que daterait

l'orga-

que nous

l'avons

telle

trouvée.

On

du reste, contenté de jeter la population moule annamite Provinces, Phu, Huyen, etc., avec leur hiérarchie de mandarins petits et grands. Ce n'est pas le lieu de décrire une fois de plus cette admidans

s'était,

le

:

nistration et nous larités

nous bornerons

provenant du milieu

sions politiques inférieures

ou Chau),

le

:

canton (ïong),

à relever les particu-

dans

les

subdivi-

l'arrondissement

(Huyen

social

la

commune

(Xa).

En pavs Thô, le « huven » est appelé « chau » et le mandarin qui l'administre « Tri-Chau ». Les attributions

du Tri-Chau sont théoriquement

a tout entre les mains: police,

recrutement, etc..

En

réalité

très étendues.

Il

administration, impôts,

son influence est très

variable et son rôle se réduit parfois à servir d'intermédiaire entre l'autorité supérieure et les habitants.

Les chefs de canton (caï-tong) sont

ses

agents et pos-

sèdent peu d'attributions propres. Plus encore que pour

Tri-Chau, leur influence dépend de leur notabilité

le

personnelle.

La commune (Xa) est la base de la vie politique, elle autonomie et s'administre elle-même.

jouit d'une large

Le pouvoir

est exercé

par

la

réunion des notables qui

font représenter en face de l'autorité par le

ou

Xa-Truong.

fonctionnaire larges,

Les

attributions

(en réalité

se

Ly-Truong

nominales de

ce

celles des notables) sont très

surtout en ce qui concerne la répartition des


EN TERIUÏOIUE MILITAIUE

lOo

charges

(linpols, cor\L'es, rccrulcmonl...) ri radininis-

'

communaux.

des biens

tralioii

Ces biens sont du reste assez mal administrés. Con-

slamment

endettées,

communes

les

mettent à

se

la

merci des |)rèlcurs d'argent, Chinois ou autres, au\(juels

en fm de compte aliéner

faut

il

qu'on

s'exonérer des lourds intérêts

pour

la terre

ne

peut

[)lus

payer.

Chez

les

Annamites,

un pauvre

le

Lv-Truong

est le

plus souvent

diable sans autorité dont les fonctions sont

analogues à celles du gérant d'un journal politique. Bien

que ne prison

pa\s

faisant rien, et reçoit les

tliô, cette

jeunes

la

responsable de tout, va en

est

il

coups

si

remplissent successivement

importante. Dans

les

petits

En

la

si la

commune

patriarcales, le

sociale

comme

du

pays,

le

les

Lv-

plus important.

11

fonction indéfiniment.

dehors des cadres administratifs réguliers,

signaler

est

surtout chez

villages,

Nungs où les mœurs sont plus Truong est souvent le personnage conserve alors

En

l'occasion s'en présente.

fonction est plus honorable. Les notables

très caractéristique

une

taires, tout à fait «

de

la

il

faut

physionomie

véritable hiérarchie de titres mili-

honoraires

comme récompense aux

»

jeunes

aujourd'hui, conférés notables

de

bonne

famille ou aux anciens fonctionnaires qui ont rendu des services.

Ces

titres

particulière la

étant

au

«

à vie »

titulaire.

donnent une notabilité

Quelques-uns

même entraînent

nomination aux derniers échelons du mandarinat

et

1 L'Etat ne connaît pas le contribuable en tant qu'individu. no connaît et n'impose que la commune responsable qui répartit comme elle l'entend les charges et y fait face comme .

Il

elle j)eut.


ORGANISATION POLITIQUE par

cons(''(|iicnl

corvées.

Ils

véritable

récompense dont nous usions à

de distinguer

et

rexcmptioii crimpùi personnel

les

les

nous servaient à surveiller

partisans

A

et à

de

une

l'occasion.

les services

rendus

gens sûrs. Tous ces petits chefs, ha-

bituellement plus influents que place,

et

sont assez recherchés pour constituer

un bon moven de reconnaître

C'est

i6i

fonctionnaires en

les

les corvées, à

prendre en compte

les

encadrer

armes distribuées

fm de 1898,

la

compris

celle

toutes les fonctions supérieures, y de Tri-chau, étaient remplies par des Anna-

mites, à lexclusion presque absolue des gens

Ces mandarins de toutes

tailles,

lettrés

du

pavs.

faméliques du

Delta ne se contentaient pas de vivre sur

le pays.

voulant pas s'éterniser dans des postes considérés

Ne

comme

Les plus fréquents de ces titres sont Xa-Doan (autrefois des partisans dune commune). Tong-Doan (chef des partisans d un canton). Et les titres supérieurs de Ba-ho et Tienhù qui entraînent le dernier échelon du mandarinat (g*^ degré, 2^" classe). Maltieureusement, même en Annam, on achète quelquefois les décorations et les honneurs. Aussi, beaucoup de ces titres, avant qu on cùl donné aux commandants de secteur le droit de contrôler les propositions et d en faire euxmêmes, avaient-ils été payés fort cher. Rappelons en passant que le mandarinat annamite comporte neuf degrés et chaque degré deux classes, cela fait dix-huit échelons. Chez les fonctionnaires, la fonction est indépendante du degré de mandarinat. Certaines d'entre elles cependant exigent que le titulaire soit mandarin et mènent normalement jusqu'à un certain degré de léchelle. Un Tri-Chau, par exemple, doit être mandarin (g» degré, 2*^ classe) et arrive généralement après quelques années à la i''*' classe du 8"^ degré (quelquefois même au 7*= degré). Le mandarinat ainsi conféré sans examen, aux fonctionnaires Thùs, bien que moins estimé I.

:

clicf

1

les

mêmes

prérogatives.


en territoire militaire

iGj

un

exil,

biens et

Du

Knir

Il

on

reste

en cour par cantons. fiant

Il

fallait

rapidement

acquérir

facilitait

les

choses aux mandarins bien

la répartition bizarre des

était

communes

un canton ou deux

pris à leur voisin

qu'on voulait

sans le moindre souci de

faits

dans

les cir-

un désordre qui

rendait

l'intérêt des populations, avaient produit,

conscriptions administratives,

toute surveillance impossible les

et des

d'usage de les récompenser en leur con-

punir. Ces changements

Malgré

quelques

profitaient en conscience de l'occasion.

ils

^

difficultés rjue créait

chaque jour une

administration aussi défectueuse et grâce à une interprétation

un peu exagérée

dant de respecter

des instructions

l'initiative

gènes, les officiers occupant

recomman-

des fonctionnaires indile

pavs avaient l'ordre de

s'abstenir de toute ingérance dans les affaires

Le commandant du

cercle,

seul,

du

pays.

avait des attributions

politiques. Ses subordonnés devaient se confiner dans

comniandement de leur poste et laisser les mandarins L'action du commandant du cercle, beaucoup trop éloignée des populations, devenait illusoire, nous vivions en pays ennemi. L'autorité des commandants de poste se limitait le plus souvent au le

agir à leur guise.

droit de lever des coolies dans le village le plus voisin.

Les habitants nous craignaient sans nous respecter,

ils

détestaient leurs fonctionnaires annamites et vivaient

Le Chau de Dong-Dang. par exemple, possédait quelques I cantons pauvres et lointains (comme le Han-Luu au nord et Da-^iham au sud-ouest) séparés du reste de larrondissement par d'autres cantons plus importants (Uven-Cot et Quang-By) dont on avait fait cadeau à des Tri-Chau mieux vus. Il s y trouvait même deux ou trois communes, enclavées, qui dépendaient, on ne sait pourquoi, de cantons très éloignés. .


RAPPORTS AVEC LES HABlïAMS chez eux pirates

comme

pour avoir

ils

la

nous renseigner dans

Après

la

payant mandarins

pouvaient, paix

et

iG3

et

s'abstenant avec soin de

la crainte

des représailles.

chasse aux pirates et tout

l'occupation militaire de la frontière,

il

en organisant

fallait

donc, pour

donner au nouvel ordre de choses un peu de consistance, rapprocher des habitants

se

et

gagner leur confiance en

travaillant à leur bien-être.

On

nous l'avons vu, rendu possible une

leur avait,

donné movens de se défendre, en leur fournissant des armes. C'était un premier pas, uneniesure préparatoire

participation active à la poursuite des pirates et les

au travail politique proprement

du

dit, à la

réorganisation

pavs.

Pour entreprendre partie de notre tâche, i"

Donner

et

mener

à

bien cette seconde

deux choses étaient nécessaires

satisfaction

:

aux justes réclamations des

Thùs contre l'administration annamite en leur assurant un gouvernement plus équitable; 2° Mettre les officiers en contact avec les populations et

leur permettre

de prendre,

par une intervention

directe dans les affaires locales, l'influence et l'autorité

leur manquaient jusque-là. Le premier souci du colonel Gallieni dans

(|ui

cet

d'idées fut en effet de retirer l'administration

aux Annamites

de remplacer

et

par des indigènes Cette réforme

nommés

si

mandarins en place

à l'élection.

rationnelle et cpii devait être

conde n'alla pas sans obstacles. la

les

ordre

du pavs

Il

si

fallut avoir raison

fé-

de

mauvaise volonté assez naturelle du gouvernement

annamite

et,

ajoutons-le. des préventions de l'autorité


EN TERRI TOI HE MILITAIRE

1(3',

M.

IVaiiraise.

ne

Lancssan

(le

comme nous

au débul,

s'y prèlail

noté déjà, qu'avec une certaine

l'avons

répugnance.

On

\ pai^int cependant,

mais,

principe admis,

le

n'en restait pas moins délicate, car

l'ap|)lication

il

fut

dès l'abord assez difficile de trouver chez les Thùs des

On

fonctionnaires suffisants.

bien

connaissant

administrative

apportèrent

le

et

le

pays

contenta de braves gens

se

qui,

défaut d'expérience

à

de science des

lois

annamites, nous

concours de leur extrême bonne volonté.

Leur tâche, du

reste, et

des

celle

commandants de

secteur fut rendue facile par la détente immédiate produisit cette innovation

et

par

la

que

confiance des popu-

lations.

au gouvernement du pays par est un moyen très sur habitants à la chose publique. Quel que

La coopération d'intéresser les soit

leur

premier

directe

fonctionnaires

des

l'élection

manque de essai

marque de

culture,

de liberté

et se

mœurs annamites

nion si

le

les

ils

sentent

le

prix de ce

montrent sensibles

à cette

confiance.

Les premières élections, des

^

et

il

est vrai,

avant de

se

se ressentaient

permettre une opi-

notables ne manquaient jamais de s'informer

commandant du

secteur n'avait pas

un candidat

ofiiciel.

Il ne s agit pas, bien cntcntlu, de sullrage universel, mais choix et dune présentation faite par lensemble des notables. Le Ly-Truong est désigné par les notables de la commune, le Caï-Tliong par ceux du canton, le Tri-Chau par les chefs de canton et les notables supérieurs delà circonscription. Ces désignations doivent être approuvées par 1 autorité française et les titres de nomination sont expédiés, suivant le cas, par le gouverneur annamite de la province ou par le vice roi

I.

d

ini

du Tonkin.


RAPPORTS AVEC LES

ÏIARIT \NTS

i(.:.

du cadre indigène de gouverne-

Cette reconstitution

ment, immédiatement complétée par

la rel'onte et

mise en ordre des circonscriptions administratives,

pidement menée. Mais à

eux-mêmes nos

les avions, ils

dès

le

il

eût été imprudent d'abandonner

fonctionnaires improvisés. Si nous ne

début, pris en

main

inutiles entre l'autorité des

conduits de près,

et

se seraient trouvés bientôt réduits

au rôle de rouages

mandarins supérieurs

emplovés inférieurs de leurs propres bureaux Il fallait

manente

la

fut ra-

et les

'

donc créer un organe de surveillance per-

et

s'affranchir

d'administration

dans

qui

locale

permit de

pratique de l'intermédiaire des

la

darins provinciaux

et

de diriger nos

man-

fonctionnaires

Thôs dans leur nouvelle mission. Les commandants des secteurs militaires étaient

on en

fit

des administrateurs en leur donnant

;

une mis-

sion politic|uc et des droits bien définis dans leur cir-

conscription territoriale qu'on avait eu soin de faire

plus souvent coïncider avec

Ces droits sont

fort

une

le

division administrative.

étendus

et le

commandant du du gouverne-

secteur jouit chez lui, au point de vue

ment des indigènes, d'une

très lar^e initiative.

Tous

fonctionnaires indigènes sont à ses ordres, y compris

les le

Tri-Cliau, son principal agent et son conseil naturel

pour

les affaires

indigènes.

11

suit

de plus près

bitants et entre davantages dans la vie

peut

le faire

C'est en

un commandant de

somme

cercle

du

les

ha-

pays, cpie ne

ou un résident.

de l'administration directe c[ue nous

faisons là avec des rouages indigènes. L'agent Français

I.

Ces derniers, Annamites

nistratif, n'auraient

de fadministration.

lettrés

rompus au

pas tarde à prendre

la

service

admi-

direction effective


EN TEaaiTOIRE MILITAIRE

('.<•. I

(le

commandant du

sectoiir)

ment, réparlit

les

vérifie les rôles

d'impùls

tement les la

mililaire,

demandes ou

charges

y a lieu, les secours,

et les touche, assure le

ordonne les

donne des ordres dlreclc-

et, s'il

les corvées, reçoit et

recru-

examine

réclamations des hahitants, dirige

police et note les fonctionnaires.

La tache

est

lourde dans

un pays neuf

nos

et

man-

darins étaient souvent hien peu instruits des choses administratives. Aussi, l'expédition des affaires ne conser-

forme

vait pas toujours cette régularité de

bureaux

et

On

aux chancelleries.

si

chère aux

s'en tira cependant

sans trop de difficultés et l'inexpérience de leurs auxiliaires

eut

môme cet

avantage de permettre aux

administrateurs de prendre chez eux dès

torité qui leur était nécessaire, sans se perdre

entraves que

sait,

mieux que tout

officiers

début, l'au-

le

dans

les

autre, enchevêtrer la

bureaucratie annamite.

Les populations, après avoir

remplacement des

hommes

et

se

ajuste

rapprocher

titre,

il

d'elles.

leur fallut

passagers retours offensifs traite, après lesquels,

si

Très méfiantes

du temps pour

convaincre qu'il ne s'agissait plus cette

se

avec joie le

de leur race, virent bientôt sans déplaisir l'au-

torité française

d'abord

accueilli

fonctionnaires annamites par des

fois

se

d'un de ces

rapidement suivis de re-

mandarins annamites

pavaient de leurs déboires sur

les

et pirates

malheureux qui

avaient eu l'imprudence de nous rendre service.

Quand contre

ils

eurent trouvé chez

une protection

secteur

la piraterie,

les

efficace

et

le

commandant du

durable cette

fois

habitants s'habituèrent vite à

un appui désintéressé dans leurs réclaun arbitre é(|uitable dans leurs différends. Ce mouvement vers l'autorité française qui s'était

chercher en lui

mations

et


RAPPORTS AVEC LES HABITANTS abordable

faito

à tous, clc\nit

mérite d'être noté

bientôt très important.

comme une

quable du besoin de justice

si

^^^-

Il

remar-

maiiifestatioii

vivant chez toutes

les

po-

pulations simples.

Une tendance

h ce point légitime et utile

au progrès

de notrectablisscment devait être encouragée. L'accueil

aux premières tentatives de rapprochement rassura

l'ait

les

timides et l'on vit bientôt les paysans

exhumer

leurs

vieux procès et leurs réclamations en suspens pour se

donner se faire

Ce celle

la satisfaction rare et

si

nouvelle pour eux, de

rendre justice gratuitement.

fut

même

bientôt

une charge

très absorbante cpie

de donner audience à tous ces braves gens porteurs

de grimoires barbouillés de cachets rouges et de caractères chinois, qu'ils apportaient

soigneusement roulés

dans quelque morceau de bambou. vieilles cjuerelles

de réclamations déjà vingt sition,

Il

s'agissait

au sujet d'un morceau de fois

rizière

de

ou

renouvelées dont l'expo-

interrompue h chaque phrase par

les

formules de

politesse et de respect, exigeait d'interminables palabres.

On

cependant

arrivait

le

plus souvent à s'entendre

et, à

part la loi annamite qui en éprouvait parfois rj^uelque

dommage, trages

tout le

le

sens

monde

se trouAait

commun

bien de ces arbi-

remplaçait autant que pos-

sible les considérations juridiques.

La çais,

de parler à un mandarin,

fùt-il fran-

sans bourse délier et d'obtenir quelque chose de sans

lui,

im

possibilité

sujet

un cadeau proportionné

à l'affaire, est

toujours

d'étonnement pour nos administrés.

une question délicate en Extrême-Orient que du cadeau, du « lai ». Elle est si diversement

C'est celle

appréciée que, dans la pratique, on peut s'en trouver

embarrassé.


FN TERRITOIRE MILITAIRE

i08

On

cnlcnd dire souvent de

bonne

1res

kin qu'il est impossible de refuser

par

un

ii^digène,

donateur

que

aller

et

le

D'autres afllrment que

usages

même

le fait

^

au ïon-

une grave injure au

c'est faire

l'encontre des

à

foi

cadeau présenté

du

pays.

d'accepter de ses

administrés la plus légère offrandeest une malversation.

A

propos d'une circulaire du gouverneur de l'Indo-

Cbine défendant aux fonctionnaires d'accepter deaux des indigènes, on a pu journaux

les

et indignés,

France

de

proclamant

temps de probité

et

lire cette

des

articles

qu'il était

les

ca-

année dans tous éloquents

honteux, en notre

d'intégrité professionnelle,

qu'il

put encore être question de cadeaux, de pots-de-\in, fût-ce Il

dans

la

plus lointaine de nos colonies

....

V a autant d'exairération dans la « rési^rnation

premiers que dans

foudres

les

un peu

»

des

ridicules des

seconds.

L'usage veut en l'inférieur

ne

Annam

qu'en aucune circonstance

se présente les

périeur, quel qu'il soit.

mains vides chez un su-

C'est

le

moyen courant de

contribuer à l'cntrclicn du mandarin

et

de reconnaître

d'avance la bienveillance qu'on lui demande. Mais c'est

en outre dans d'autres

cas,

uue

signe matériel de soumission

et

sorte de tribut et

un

d'obéissance à l'ordre

établi.

Aussi faut-il distinguer

les

quelques victuailles clas-

I. Il est entendu que j'écris ici pour les honnêtes gens. Tout fonctionnaire qui voit dans le « laï « un supplément de solde ou de bien-être à prélever sur le pays, ou apporte dans une détermination une préoccupation de lucre, si petite soitelle, n est déjà plus un honnête homme. Le cas n'est malheureusement pas théorique. Il y a des voleurs et des gens indélicats au Tonkin comme en France,

peut-être pas plus.


RAPPORTS AVEC LES IIATBITANTS siques

(œufs,

poissons,

fruits,

i(k)

que

riz....)

pré-

d'hom-

sentent les mandarins et les notables à titre

collectif, des cadeaux que se croient forcés d'offrir malheureux paysans qui viennent demander justice

mage les

ou présenter une réclamation. Refuser

des notables est en

le lé^er tribut

effet consi-

comme un signe de mécontentement grave, mépriser leur hommage et les traiter en ennemi.

déré par eux c'est Il

donc convenable de

est

même

de

des

l'exiger

l'accepter

ou

villages

peu sûrs dont l'abstention pourrait cas est exceptionnel

d'amener, sans

et

quelquefois

mandarins

être préméditée.

miter leurs présents de

notables indigènes à li-

telle sorte

ne puissent

qu'ils

deviennent

être considérés

une rétribution ou un tribut onéreux. Il n'en va pas de même pour les habitants se

Le

la seule difficulté pratique est

les froisser, les

« représentatifs » et

et

des

comme

isolés

qui

du cadeau en doit disparaître. Le paysan Thô s'habitue ne rien apporter quand il est assuré que sa

présentent en solliciteurs. L'habitude

pareil

cas

fort bien à

requête n'en souffrira pas. Mais la chose lui semble

du temps

tellement incrovable qu'il faut précautions pour

En

fait,

l'v

et

quelques

amener.

on n'abuse du

«

que quand on

lai »

bien.

Un homme

peut

toujours suivre son inspiration.

de bonne

foi

et

Il

dans la

les villages

première

inqoortants

mon

du

fois,

secteur de

veut

m'est arrivé

souvent, au début, d'accepter quelques œufs ou

nard d'un paysan pour ne pas

le

de conscience droite

le contrister

Dong-Dang,

un

et

ca-

même

visités,

pour

de recevoir des présents relativement

comme un

porc entier ou

un

petit

bœuf que

escorte partageait avec les habitants en signe de ré-

jouissance.

— Je

n'ai

Gka^vdmaison.

jamais eu de remords à ce sujet. io


EN TERRITOIRE MILITAIRE

lyn

On tenir,

somme,

peut en

ol

c'csl

dans celle quesllon du

ce qu'il imporle de re-

comme

« lai »

en bien

d'autres circonslances, s'affrancliir très largement sans

aucun inconvénient des mcltrc un peu de S'il est

traditions locales.

11

suffit d'y

tact.

sage de tenir compte dans la forme des habi-

tudes du pays et de ses mœurs,

ne faudrait pas

il

croire cependant cjue c'est en copiant les

administrant à leur place

et

drons une autorité durable

comme

Notre supériorité

et solide.

de race chrétienne réside surtout dans la justice,

serait

il

absurde de

mandarins, en

eux que nous pren-

le

sentiment de

perdre sous prétexte

la

de nous conformer aux

mœurs

nous

ouverte à tous, facile à obtenir,

la justice gratuite,

locales.

Apportons avec

soyons abordables, ra23prochons-nous des populations.

Notre prestige n'a rien à v perdre; au respect

et

on peut gouverner

régions sans marcher toujours

coupe à

peur n'ajoute rien

la les

le

races des hautes

rotin et le coupe-

main. Le respect d'abord, puis l'attachement

la

des habitants, nous seront acquis d'une façon d'autant

plus rapide et durable que nous aurons

profondément

annamites.

et celui des

prenne

à

la différence

son compte

Que

la

marqué plus

entre notre gouvernement l'administration française

protection des habitants, le

soin de leur sécurité, la défense de leurs droits, la dis-

tribution des secours et laisse à la justice indigène, soi-

gneusement sion. C'est

légitime.

surveillée, le soin matériel de la répres-

un

artifice, si l'on veut,

Bienveillance

mais

faut punir parfois rigoureusement mais

mis de montrer que

il

ne veut pas dire il

est utile et

faiblesse,

nous

est

il

per-

ce n'est point là notre fonction et

que nous ne sommes pas venus pour d'en laisser la charge à

cela,

la justice habituelle

en affectant

du

])avs.


SITUATION EN FIN

Ce

171

serait le lieu d'enre^islrer îes résultais

c

de parcourir

le

pavs réorganise en

gnage de ceux qui ont pu avant

i8(j5

fin

visiter la frontière

après cet efTort de deux ans, est

et

obtenus

et

1890. Le témoichinoise

unanime

à

déclarer ces résultats véritablement inesjjérés.

L'occupation déiinitive de

région

la

assurée, avaient bientôt fait rentrer au

bitants émigrés. Leurs

d'abord sous

la

et

sécurité

la

ïonkin

villages s'étaient

les

ha-

reconstruits

protection immédiate des postes et en

des points choisis pour en rendre la défense facile (ma-

melons, rochers, grottes).

La réorganisation politique, lit

et

On

le reste.

vit sortir

timidement d'abord,

les

d'années de souffrances. prirent le

chemin de

pacification

la

morale

de leurs tanières, peu à peu

la

habitants terrorisés par tant

Les cabanes en paillotes replaine, les villages perdirent

leur aspect de repaire pour se disperser plus riants et

plus abordables sur

le

bord des

bientôt remise en culture,

impôts, très modérés

il

les

est vrai,

Des symptômes de confiance

rizières.

La

terre fut

marchés fréquentés,

les

régulièrement payés.

caractéristicjues,

comme

la

construction de maisons en briques et la reprise des cultures à long terme (la badiane par exemple), ne

tardèrent

pas à devenir

fréquents.

Le pavs présenta

une plivsionomie sinon prospère encore du moins tranquille et vivante. bientôt

et riche,

Cet .''^PP approvisionnement des indiirènes, cette entente entre l'autorité française et les habitants était certaine-

ment

la

note la plus caractéristique

J'en citerai

et la

plus frappante

hommes connaissant le Tonkin. seulement comme exemple ces quelques

de notre œuvre pour

les

lignes tirées d'une série d'articles parus dans le courrier

d'Haïphong, dans

le

courant de janvier 1896. M.

J.

de


EN TERRIÏOIIIK MILITAIRE

172

Cuers, dirccleur de ce journal, v raconte

de

sa visite à

Langson, Dong Dang

ques jours avant

le

impressions

les

rsacham, quel-

départ du colonel Gallicni

Ce qui frappe,

«

et

*,

Langson

(entre

dit-il

et

Dong

«

Dang),

«

Muongs

«

abords des villages, portent leurs denrées au marché

« les

c'est

confiant

l'air

Chinois vont

et

femmes

et

et

des

populations. Thôs,

viennent sur

aux

la roule,

:

enfants mettent le nez à la porte

les

«

des Caï-nha pour voir passer la troupe. Beaucoup de

«

curiosité

te

rence d'incjuiétude ni d'hostilité.

mais

aucune appâ-

polie, pas gênante, sans

personne ne

A

l'approche des

s'enfuit. Je note cette

impres-

«

cavaliers,

«

sion car elle est déjà très vive au début

«

le sent

«

nistration a rassuré tous ces pauvres gens qui ont

:

l'absence de tracasserie de la part de l'admi-

« tant souffert des Chinois «

ils

;

ont pris l'habitude de

voir dans les Français, dans les officiers, des protec-

« tcurs. C'est l'indice très net « catif «

du voyage. On

d'un

état d'esprit signifi-

que je retrouverai partout au cours de celte

excursion et

il

ne

davantage

les

nous pénétrons au cœur de

ces

fera cjue s'affirmer

« jours suivants. Plus

muongs

mans,

c<

populations, de ces

«

sauvés des exactions des bandes chinoises par l'orga-

« nisation défensive

villages thôs,

du

colonel Gallieni,

territoire, telle

associés

que

à la police

l'a

du

et

comprise pays, à la

(c

le

«

répression de la piraterie, plus aussi nous seul irons

«

grandir ce sentiment de confiance, plus

«

^

«

dont

iendront à l'approche du ils

reconnaissent

« traduise la

I.

890.

le

les

indigènes

commandant du

territoire

fanion, sans qu'aucun d'eux

moindre appréhension

Courrier d'IIa'iphong,

i/j,

i6, i8, 21, 28 et 28 janvier


SITUATION EN FIN « ce

Dans

CCS villages, écrit-il

tion avait

17.3

encore, dont

en Chine pour éviter

fui

«

habitants sont revenus

«

sentis protégés.

c(

que fermes

«

Beaucoup de «

i8.)5

On

le

la

popula-

pillage, les

très vite dès qu'ils

sont

se

ne voit cjue cultures nouvelles,

à peine rebâties depuis quelques mois. buffles paissent en liberté.

Mais ces gens qu'une politique sage a ramenés au

«

Tonkin

«

importe aujourd'hui au protectorat de ne pas

((

aliéner.

(c

de choses

«

jamais.

«

l'honnêteté administrative. L'autorité

«

de Lan" son,

«

extérieure.

«

neurs, mais

«

de

«

pressurent la population, point d'An-Satt qui rende

«

la justice

«

«

et

cj[ui

se sont

complètement

ralliés à

nous,

il

se les

Qu'il y prenne garde, un retour à l'ancien ordre serait funeste, et les détournerait de nous à

Ce qui

lui,

les a

le

Le

séduits dans le régime

nouveau

c'est

du Tong-Doc

vieux A i-van-Li, est toute de forme territoire

lui

rend beaucoup d'iion-

lui a enlevé toute autorité.

Au-dessous

point de mandarins annamites pillards qui

aux plus offrants.

((

« «

Ce

sera

l'éternel

honneur du colonel

Gallieni,

contre ses détracteurs, l'éternel honneur de ses coUa-

(c

borateurs dévoués d'avoir su inspirer confiance, en

«

peu de temps, à ces indigènes

si

qui l'étaient encore rendus davantage par

«

et

((

teur

du

si

méfiants par nature la len-

protectorat à les protéger. »

Cette appréciation de l'œuvre accomplie dans la haute

région est intéressante à enregistrer

;

elle

résume bien

l'opinion à peu près générale des colons européens

Tonkin.

10,

du


EN TERRITOIIU-: MILITAIRE

j-\

Ce sont

du

serait facile

resto des constalalions

De

de multiplier.

ment qu'en prenant une

de

faits qu'il

tout ceci, retenons seule-

ligne de conduite et des pro-

cédés de gouvernement adaptés au pays et aux circonstances,

sans

errements précédents,

des

souci

nous

avons obtenu des résultats qu'on ne saurait méconnaître.

Malheureusement,

La grande cju'il

de il

c'est

autorité

du

encore du provisoire

avait su concjuérir et surtout le besoin

ses services

pour achever

est vrai, force

de

loi à

'.

colonel Gallieni, la confiance

la pacification,

qu'on avait donnaient,

notre réglementation de for-

tune. Mais voici la pacification passée au second plan et il

s'agit

d'administrer.

qu'en France, dit-on, il

le

Dans

cet

ordre d'idées,

provisoire

seul

du définitif, pour du personnel.

faut de l'officiel,

l'instabilité 11 est

soit

bien

durable,

faire équilibre à

donc nécessaire de régulariser, d'asseoir l'admi-

nistration

des

j:)résentent

:

hautes régions.

Deux

orientations se

I. Nous avons va, par exemple, le commandant du secteur donner des ordres au Tri-Cliau et remployer directement à

tous

les

détails

de ladministration.

En

théorie et d après

le

régime du protectorat, c est seulement par lintermédiaire du Tong-Doc de Langson que ce fonctionnaire aurait dû recevoir les instructions de l'autorité française. Cela crée une situation difficile, car les ordres du commandant du secteur n'étaient pas toujours d accord avec les instructions du Tong-Doc et nos fonctionnaires indigènes s'en trouvaient parfois fort embarrassés. Jusqu'ici les petits mandarins Thùs. pleins de bonne volonté, n'hésitaient pas à suivre le commandant du secteur et le Tong-Doc lui-même, malgré quelques signes de mauvaise humeur, en présence de la situation un peu subalterne qui lui était faite, ne s'est pas hasardé à un conflit réel. Il y a là cependant un véritable danger qu il est indispensable de faire disparaître.


RÉGIME CIVIL ET RÉGIME MILITAIRE

— Dcsinlércsscr indigènes pour

les

les

officiers

peu

à

peu des

175

afTaires

renfermer dans leur domaine militaire

régime

s'acheminer ainsi vers

le

— Ou au contraire

y faire entrer plus avant, leur

et

en donner

les

la direction

civil.

d'une façon plus complète

sanctionner officiellement

l'existence

et

d'une véritable

administration militaire française. serait délicat d'aborder

Il

paraison C'est

et l'étude

la commodes de gouvernement.

dans son ensemble

des deux

une matière de discussion toujours complexe

souvent irritante. Bornons-nous à rentre dans notre cadre

Dans

le territoire

régions

les

régime

qu'il

tel

civil

est

et

Il

faut

s'accordent à démontrer

Il

de toute colonisa-

c'est à l'action

militaire

première partie du programme.

remplie dans

les

reste à se

au con-

l'obtenir d'abord, puis la faire durer.

Personne ne conteste que revient la

a-t-il lieu

?

et l'expérience

donc

le

un régime exceptionnel sous

cjue la sécurité est la base nécessaire

tion.

2;énéralement dans

compris au Tonkin? Cette

modification doit-elle être hâtée ou y

Le bon sens

et

cpii

prudent d'appliquer

est-il

traire d'y laisser subsister

l'autorité militaire

question

:

de Lan<^-Son

frontières,

la seule

provinces qui bordent

demander

si

le

régime

le

que

Elle est

Quang-Si.

civil

est outillé

pour y assurer d'une façon permanente la sécurité des populations et des Européens et pour permettre à ces provinces de remplir efficacement leur rôle de

tampon

entre la Chine et les terres basses. L'expérience a été faite et n'a

pas été heureuse.

Langson

et

Cao-Bang

ont joui autrefois de l'administration civile qui s'y est

montrée impuissante. Cette impuissance tive et le

régime militaire

est-il

est-elle défini-

en état de mieux réussir

')


EN TERRITOIRE MILITAIRE

lyO

Mémo qu'on

ainsi ri'dnilo, la qiicslion est difficile cl mérite

s'y arrête.

Voici

mon

opinion

le

:

régime

encore impossible pour de longues années dans vinces de la fronlicre.

Il

hâte est dangereuse et sans militaire a ses inconvénients

il

de

car cette

L'administration

profit. ;

pro-

reste,

commun,

chercher à hâter ce retour au droit

pendant, qu'elle peut

du

n'y a pas lieu,

civil est

les

semble démontré, ce-

faire progresser le

pays

duire au développement économique qu'il comporte, à condition de recevoir

et

et le

con-

commercial

une constitution

sur des bases raisonnables. Essayons de

officielle assise

prouver.

le

Le régime civil, avons-nous dit, est encore impospour de longues années dans les provinces de la frontière. C'est comme toujours dans une erreur de sible

fond cjue nous chercherons et le

le secret

de cette incapacité

point faible de notre gouvernement indigène, sans

avoir recours aux arguments faciles et habituellement exagérés, qu'on tire trop souvent des abus de détail et de la valeur

En

du personnel emplové.

théorie, le pavs protégé,

l'Annam,

reste charge

son administration intérieure et conserve administratives

du gouvernement

un

fonctionnaires français contrôlent

le

des services Indigènes, administrent

Asiatiques

marche des tion

étrangers

services

et

assurent

Nous avons

ad-

nombre de

fonctionnement

Européens

et

directement

la

les

généraux du gouvernement (ges-

des finances, travaux publics,

affaires extérieures,

petit

de

attributions

(police, justice,

ministration proprement dite...);

les

les

emploi de

sécurité

la force

générale,

armée).

observé, en étudiant le corps social anna-

jnite au Tonkin, combien l'organisation d'une semblable


REGIME CIVIL ET RÉGIME MILITAIRE chose

lutelle était

difricilc.

deux contractants, fonction normale

:

Pour

avantageux aux

être

protectorat doit

le

,77

se limiter à

direction d'ensemble et

sa

contrôle.

Il

présente alors sur l'annexion une véritable supériorité

économie de fonctionnaires, acceptation plus les

habitants, transition amiable,

momentanée

l'anarchie

cjui

un changement brusque de

Que

sans à-coup et sans

accompagne nécessairement nationalité. Mais cela n'est

possible qu'à trois conditions 1°

:

par

facile

:

pays protégé possède d'avance des rouages

le

administratifs complets et en état de fonctionner régu-

lièrement

;

Que

•2°

la tranquillité

suffisantes force

comme moyen

Que

de gouvernement

la

;

protégé accepte le protectorat sans trop de

le

répugnance la

générale et la sécurité v soient

pour ne pas exiger d'une façon habituelle

et

ne conserve pas

l'idée fixe

de profiter de

première occasion pour jeter son protecteur à

la

porte.

La première de ces conditions à l'exclusion des

a fallu de tous

était

remplie au Toiikin

deux autres. Cela explique pourquoi

temps

sortir

du

protectorat

il

normal par

des expédients.

L'emploi de

la force

dans un pavs mal pacifié

sur était, au début surtout, de tous les jours.

pouvait songer à en confier la police,

maniement,

même

pour

user contre nous. Leur mauvaise volonté

en outre, un peu partout,

français

peu

aux autorités annamites qui n'auraient pas

manqué d'en forçait

le

et

On ne

à

transformer

le

les

fonctionnaires

dont

contrôle

ils

étaient

chargés en une intervention directe et journalière dans les affaires

locales. C'est

bientôt soumis à deux

ainsi

que

le

gouvernements

pavs se trouva

parallèles, à

deux


EN TERRITOIRE MILITAIRE

1-S

hiérarchies juxtaposées dont les rapports et la subordi-

nation mutuelle sont

le

mal

plus souvent

pour rendre possible

faudrait,

11

le

définis.

fonctionnement

d'un pareil système, que l'entente fût toujours

réi^ulier

complète entre

supérieures françaises et

les autorités

annamites. Mais cette

entente (nous avons essayé de

dire pourquoi) ne peut avoir lieu qu'exceptionnellement et,

pour ainsi

dire, à la surface. Aussi

est-il obligé,

dans

vendi avec

les

est très

posés,

sa province,

affaires

ments. Cela

quand

rare et

est

les

peuvent le

chaque résident

se créer

mandarins de son

habile et les

de

un inodus ViQuand il

ressort.

mandarins sont bien aller

dis-

sans trop de froisse-

résident

obligé d'agir en sens inverse des

se

trouve souvent

instructions

que

les

mandarins provinciaux reçoivent de leurs supérieurs naturels.

De

suivent des frottements, des résistances,

des difficultés qu'il ne peut surmonter qu'en brusquant les choses et se

en imposant directement sa volonté, sans

préoccuper de

la direction occulte

vernement annamite. Mais que

s'il

A

est

le

gou-

armé et soutenu. Ce n'est pas toujours le cas. mandarins qui prétendent n'obéir qu'à

côté des

leur vice-roi, voici lière,

donnée par

cette altitude n'est possible

les

services français

douanes, trésor...) dont chacun

se

(armée réguréclame de

ses

directeurs propres et n'accepte d'observations d'aucun autre. L'ensemble constitue aussi spécialisé, aussi

un régime

aussi compliqué,

peu maniable qu'en France.

pays sûr, calme, depuis longtemps dressé

Ln

et assoupli

pourrait à la rigueur s'en contenter. Le ïonkin n'en est pas là.

La preuve en

est

dans

les

tâtonnements

et les

expédients, peu heureux quelquefois, destinés à éluder les

termes d'une conslilulion de protectorat reconnue

insuflisanle.


RÉGIME CIVIL ET RÉGIME MILITAIRE

On

au plus presse en niellant dans

a paré

des résidenls, par la création des milices,

gouvernement,

outil de

179

la

main

la

premier

le

Cela leur permet de

force.

passer outre aux résistances locales, de résoudre les con-

de détail

llits

de faire

et

les

manque

provinces

chez eux

la police

tendent. Mais quoi qu'on

ait tenté,

comme

notre régime

ils

l'en-

civil

dans

d'assiette, d'autorité et d'unité

dans la direction; par conséquent

il

manque de puissance.

M. de Lanessan, dès son arrivée, frappé de l'arbitraire que cette situation entretenait dans notre administration et des

abus qui en découlaient, avait essavé de résoudre

remède

la cjuestion

autrement.

cette plaie

dans un retour aussi complet que possible

espérait trouver le

Il

à

aux principes du protectorat normal. Sa première préoccupation fut de rendre aux Annamites leurs attributions administratives

point

du

tout sa

d'action. Bien

main une

la

que ne partageant

confiance dans la bonne

foi

des

man-

eu l'occasion déjà de constater qu'il y avait une ligne de conduite raisonnable et une tentative

darins, là

de leur remettre dans

et

movens

partie de leurs

j'ai

loyale de retour à

une

situation

nette. Les premiers

résultats semblaient encourageants.

Tout vaut mieux

que l'anarchie. Il

dut cependant s'arrêter en route

praticjuement françaises,

ment

la nécessité

dans

les

de

laisser

provinces,

et

reconnaître

encore à l'autorité

une action de gouverne-

plus directe et plus étendue que ne le comporte

notre traité de protectorat. La dualité d'attributions,

la

coexistence de deux hiérarchies administratives dont les

rapports sont

aggravé par

mal

définis, reste

la spécialisation et

donc entière. Le mal

des différents services publics qui entravent

pas l'action personnelle

est

l'indépendance relative

et l'initiative

du

à

chaque

résident.


EN TERRITOIRE MILITAIRE

i8o

La

loiilalivc

de M. de Lancssan

et

du gouvernement

action à la direction i^énérale

taire à

Sera-t-il

toute sa vitalité, afin de limiter notre

contrôle? Peut-être; mais

annamite

?

l'administration annamite toute

possible de rendre à

son autonomie

dans

est-elle desliiiée

préparer nne solution délinitive

l'avenir à

il

au

et

faut attendre (pie la race

produit une classe dirigeante moins réfrac-

ait

notre civilisation. C'est

demande des

générations.

Que

un

faire

travail

social

qui

en attendant?

Xotre organisation des hautes régions peut à ce sujet

donner quelques indications. possibilité de

gouverner

On

à l'aide

v verra peut-être la

de cadres indigènes di-

rectement commandés par des fonctionnaires français.

Pourquoi

le

est obligé

de prendre

résident ne recevrait-il pas les droits qu'il et

ne deviendrait-il pas

le

chef

immédiat du gouvernement indigène. Les échelons supérieurs de la hiérarchie annamite se trouveraient

peu à peu réduits à un et

rôle de figuration honorifique

de chancellerie. Personne, je

La chose en tout elle sortirait

Dans de tous

la

ne s'en plaindrait.

crois,

cas vaut la peine d'être étudiée

c'est grâce à une surveillance une occupation militaire très

haute région,

les instants,

à

solide et surtout à cette unité d'action

réclamée en toutes circonstances par

que nous avons imposé au pays plète, et

de

taires

mais

de notre cadre.

mais encore précaire, qui se reconstituer

le

si

énergiquement

colonel Gallieni,

cette tranquillité lui a

com-

permis de renaître

en dix-huit mois.

jNos postes mili-

retomberaient dans l'impuissance,

les

populations

armées bientôt désorientées, deviendraient inutiles peut-être dangereuses, si

du jour où

et

cette vmité d'action

laborieusement obtenue viendrait à

se relâcher. 11


RÉGIME CIVIL ET RÉGIME MILITAIRE

1,^1

n'est pas

nécessaire d'insister sur l'impossiljililé d'ob-

tenir en

territoire civil

une

aussi complète coordination

pareille discipline et

de tous

les

une

pouvoirs. Les

considérations qui précèdent et l'expérience

souvent

si

renouvelée en sont une preuve suffisante. Cette expérience en effet n'est plus à faire. Toutes

provinces non encore pacifiées sont confiées d'abord

les

à l'autorité militaire et

soumises à son régime d'excep-

avant leur passage au droit

tion

commun. Le pro-

cessus est régulier et tout irait bien sans la hâte ha-

en pareil cas. Dès qu'une contrée a repris un peu de calme extérieur, les bandes pirates dispersées, bituelle

les tribus rebelles rentrées

dans

pavs à la

le

civil. C'est

trop tôt.

après la répression violente, laisser au

faudrait,

Il

on veut sans

le devoir,

autre délai la confier au régime

temps de

se discipliner,

de

se

calmer, de se plier

domination française sous une autorité plus

plus libre que celle de notre gouvernement résultats

acquis n'ont encore aucune stabilité

tout se désorganise, les pirates rentrent,

échappent aux autorités françaises

et

forte et

civil. ;

Les

bientôt villages

les

après avoir essayé

de vivre d'expédients pour ne pas avouer une erreur,

on le

est obligé

en

fin

de compte de reprendre l'œuvre par

pied et de rendre aux militaires une contrée plus

dévastée, plus déserte et plus difficile à pacifier

de

la

première tentative. Après une nouvelle

plète pacification,

nouveau retour au

montagne ont

ainsi

changé

trois

le

ou quatre

lors

incom-

commun...

droit

Certaines provinces intermédiaires entre

que

et

Delta

fois

et la

de gou-

vernement. Ces oscillations suffisent à expliquer trouve encore

si

dévastées et

si

comment on

peu sûres des provinces

qui devraient être depuis longtemps repeuplées et IranGrand.maison.

11


EN TERRITOIRE MILITAIRE

iRa (juilli's. ].o

N iMi-'J'Iic

quable exemple. toire

11

'

remar-

peiil-èlre le plus

011 est

serait intéressant d'en écrire

comme document

En

de colonisation.

une grosse colonne de 1,800 possession de cette contrée

2,000

à

si

l'iiis-

octobre 1895

fusils

reprenait

souvent pacifiée sur

le

papier et y servait de prélude à une nouvelle période militaire

devenue nécessaire après deux ou

malbeurcux de gouvernement Je ne voudrais pas

conclure que

le

rale supérieur

me

donner

régime militaire

au régime

trois essais

civil. ici le

ridicule d'en

est

d'une façon géné-

civil, cela

prouve seulement

que chacun d'eux doit venir en son temps pour rendre possible notre adminislration

le

fonctionnement

civile

aux

pays tranquille, discipliné déjà,

colonies,

de

faut

un

des

ré-

il

déshabitué

bellions intérieures et à l'abri des agents

que

et

délicat

de trouble

extérieurs.

Cette obstination à « civiliser » ou

mieux

à « fonc-

tionnariser » nos conquêtes avant maturité tient sou-

vent à des préventions, très répandues dans certains milieux, contre

due surtout au régime

le

régime militaire. AuTonkin,

elle est

à l'habitude prise de considérer ce passage

civil

comme la constatation officielle d'une On comprend combien les gou-

pacification définitive.

verneurs généraux sont désireux de faire possible cette constatation et d'en tirer

le

plus tôt

une preuve

irré-

cusable des progrès accomplis.

On

pourrait y joindre, dans certains cas,

un molif

Cet insuccès en ce qui concerne le liaut Yen-thé, dcdépeuplé et inculte est d'autant plus déplorable qu'il n'est peut-être pas au Tonkin de ré^rion plus fertile, plus propre aux cultures riches et mieux placée pour la création d'exploiI.

vaslé,

tations agricoles importantes.


REGIME CIVIL ET REGIME MILITAIRE qui a sa valeur

lo

:

souci de placer

iins des rontlioiiiiaires

De

el d'iililiser

qui altendeiit

tout ceci, concluons seulement

lement

le

retour au droit

frontière serait

commun

un

i83

quel(|ues-

poste.

que tenter actueldes provinces de la

une imprudence grave. ?sous v sommes

donc condamnés pour longtemps peut-être au régime militaire.

faut s'en contenter et en tirer ce qu'il peut

Il

donner.

Après avoir su

pacifier,

saurons-nous administrer

et

pavs ne souilrira-t-il pas de cette prolongation de

le

'

bail

Ses adversaires affirment que est

dur aux habitants

personnel

est

les officiers

et

le «

inexpérimenté

et

La guerre

fiques

ne sont pas leur

change à chaque instant;

fait.

Les colons en outre se

obstacle au développement

un peu de

vrai et

et les

hasardent qu'avec dé-

fiance en territoire militaire. Cette

»

Le

seule leur rapporte et les succès paci-

commerçants européens ne

un

la légalité.

n'ont aucun goût pour des fonctions sans

profit.

titue

régime du sabre

peu soucieux de

répugnance cons-

du

pays.

—Hya

beaucoup d'exagération.

Le régime du sabre

sait,

quand

il

le faut, s'attirer la

sympathie des populations. Nos rapports avec

les

indi-

gènes dans la région de Langson en sont la preuve.

La

cordialité de ces rapports et la confiance des habi-

tants constituait la note caractéristique, le point spécial

qui frappait si

le visiteur

de nos

fiefs

militaires. Je

ne

sais

l'entente aurait été aussi rapide et complète en pavs

annamite. Mais nous avions

affaire à des

gens simples,

ayant plus besoin de justice que de légalité, qui s'ac-

commodaient fort bien de nos procédés sommaires. Si du reste, nous pouvons accepter le reproche de n'avoir


EN TERRITOIRE MILITAIRE

i8/,

pas nionlré en toutes circonstances la loi

annamite représentée par

jours au proiit de

la justice et

tant que nous lui avons

le

un

respect absolu de

mandarin,

dans

l'intérêt

c'est

ton-

de l'habi-

manqué. Nos administrés ne

s'en plaignaient pas.

La répugnance des colons

et

des commerçants fran-

en territoire militaire

çais à se fixer

est explicable.

définition, les territoires militaires sont ceux qui

craignent d'v trouver l'arbitraire et le

pas paciliés

;

manque de

sécurité.

11*^

ils

territoire

Par

ne sont

Ceux qui ont habité ou

en 1894- 1890 n'ont plus, je

visité le

crois,

ces

préventions..

Les critiques visant

le

manque de

stabilité et d'expé-

rience administrative des officiers sont plus sérieuses et

moment où

la

chasse aux pirates, passée au second plan, doit céder

le

doivent être prises en considération, au

pasàl'étudedes cjuestions politiques

et

économiques qui

du pavs. Pour ne pas enraver les progrès chaque jour plus sensibles d'une région qui ne demande qu'à prospérer, il faut entrer hardiment dans la voie des réformes ad-

intéressent l'avenir

ministratives, régulariser les rapports des fonctionnaires

indigènes avec l'autorité française, reviser l'impôt, revoir l'application des lois annamites relatives à la pro priété,

encourager certaines cultures, réorganiser Tins

truction dans les villages, pousser les travaux publics régler l'entretien et poursuivre l'amélioration des voies

de communication... Tout peut

le

faire avec

rience, ne lui

vouement

et

cela,

l'autorité

militaire

son personnel qui, à défaut d'expé

marchandera pas

le

concours de son dé-

de son désintéressement. Les incontestables

progrès réalisés en (juelques mois sont garants du snc ces final.

Mais

il

faut reconnaître

que

les

changements


RÉGIME CIVIL ET IIÊGIME MILITAIRE trop fréquents et

le

manque de

i85

pratique des officiers

chargés de fonctions administratives constituent, dans cette nouvelle phase,

Le colonel Gallieni

une

difficulté grave.

avait amélioré déjà la situation

que

s'appliquant à ne distraire leurs fonctions, les

commandants de

en

moins possible de

le

secteur.

Il le fallait

néanmoins trop souvent.

La cause principale de est

ces

aux colonies pour

faire

déplacements obligatoires

Les militaires n'allant point

assez caractéristique.

fortune n'y peuvent chercher

!que des avantages de carrière. Or, d'après nos règlements,

n'est

il

établi

de propositions spéciales pour

l'avancement ou autres récompenses, qu'à

la suite

des

grosses colonnes, des opérations militaires proprement dites. 11

en résulte que pour récompenser un

dant de poste ou de secteur dont tranquille,

on

doit d'abord l'envoyer ailleurs.

point à comparer cependant la tivité et d'action

lui revient,

Mais

n'y a

un

offi-

avec celle qui

isolé,

en sous-ordre, dans une colonne nombreuse. sont

faits

pour

coups de

tirer des

sont employés à autre chose, cela ne peut en-

en ligne de compte dans leurs

C'est

Il

d'énergie, d'ac-

personnelle que doit dépenser

les militaires

fusil, s'ils

trer

somme

dans son petit gouvernement

cier

comman-

circonscription est

la

un

tort.

chefs militaires alternative.

Quel que

soit

ne peuvent, en

Décourager

états

leur

effet,

les officiers

de services.

bon

vouloir, les

sortir

de cette

administrateurs en

leur imposant contre leur gré des fonctions sans profit.

Ou

leur rendre difficile tout travail sérieux, toute entre-

prise de longue haleine en les appelant

comme

les

autres aux opérations

actives

à

concourir

en dehors de

chez eux. Cette seconde solution entrave tout progrès politique


EX ïEURirOIRE MILITAIIIE

i80

(liiial)l('.

La

plus iiiamaisc encore parce

piciiiirrc osl

qu'elle esl injuste. Il

V

a

un

danger pour toute tentatixc

très réel

d'adininistration militaire. Peut-être sera-l-11 néccssairi' ])r)ur V

remédier de spécialiser

les

commandants de

sec-

teur ou au moins de les soustraire aux déplacements

trop fréquents nécessités par le

commandement

direct

de leur troupe, sans qu'ils aient à craindre de compro-

mettre leurs intérêts de carrière en s'attacliant à leurs i'onctions administratives.

Sans

insister davantage, reconnaissons-le, l'adminis-

tration militaire a ses inconvénients. Elle peut réussir

cependant

à

ofliclelle assise

condition de recevoir une constitution sur des bases raisonnables.

constitution

Cette

mais

oniclelle est indispensable

Sous l'impulsion du colonel Galllcni,

difliclle à obtenir.

une œuvre remarquable a été produite en deuv ans. Le pavs a été pacilié, repeuplé, réorganisé, transformé. C'est en faisant table rase de nos méthodes précédentes et de notre habituelle routine que nous avons réussi. Ce fait dépasse en portée les limites du territoire où nous venons de l'étudier. Il montre ce quepeu\ent faire des ofliclers et des fonctionnaires français un peu délivrés des entraves accoutumées et quel essor ce retour à l'acliou individuelle et à la responsabilité personnelle

peut donner à une entreprise de colonisation.

Cette

constatation malheureusement a été souvent faite et

Que dans une situation difUclle, se un homme suffisamment trempé pour ré-

infructueusement. présente

clamer |)(^iir

et

obtenir ses coudées franches et assez doué

user nrileineiil do sa liberté d'action,

il

toujours. Mais, en outre de sa tâche normale,

dra dépenser une

somme

il

réussira lui

fau-

d'énergie qu'on ne soupçonne


MESURES A PRENDRE

187

pas pour conserver les libertés acquises el empêcher la

péniblement

roue

si

C'est

une

seule de

tirée

de rornièrc, d'y retomber.

que

lutte de tous les instants,

permettra

lui

donne

l'autorité personnelle c^uc

soutenir

le

succès.

Du jour où

cet

homme

dans

la

même

est

remplacé par

même

classe, inscrit

disparaît,

un autre du même grade ou de colonne sur

les

la

il

papiers administratifs.

Quelles que soient sa capacité et son énergie, le nou-

veau venu ne pourra pas dès l'abord prendre assurance et la

même

autorité morale.

la

môme

Si les travaux

de son prédécesseur n'ont point encore reçu

la

consé-

cration d'un texte officiel, ne sont pas devenus des lois, sera le plus souvent écrasé par l'effort des services et

il

des bureaux ligués pour reconquérir leurs prérogatives et

retrouver

chie.

le

jeu tranquille de leur habituelle hiérar-

Car nos administrations joignent

qualités

une

à leurs autres

une extrême

susceptibilité rare et

jalousie

de leur autonomie.

Le <f

dilTicile

coup de

en France n'est donc pas de donner un

collier »,

les résultats

de faire vite

et bien,

durables, de profiter

du

mais de rendre

travail déjà fait.

C'est ce qui explique dans toutes nos entreprises velles la lenteur des progrès et la médiocrité

ment

final.

Beaucoup de

travail fourni et de résultats

partiels obtenus, rien de solide et

formes laborieusement conquises,

sement expérimentées restent d'efforts personnels.

lement dans

le

nou-

du rende-

le

de

les

définitif.

Les ré-

méthodes soigneu-

plus souvent à l'état

Elles entrent rarement et diffici-

domaine des règlements écrits, des lois Ceux que le jeu naturel du régime

administratives.

existant a portés

aux échelons supérieurs de leur man-

darinat spécial, trouvent ce régime excellent.

Ils

sont


EN TERRITOmE MILITAIRE

i88

devenus par

état, hostiles à tout esprit d'initiative et

par

habitude, opposés à toute innovation. C'est l'essai

cile

donc

le

passage

au règlement

du

provisoire au déiinilif, de

qu'il est indispensable et

difll-

si

de hâter. M. de Lanessan avait accepté de tenter

loyalement l'expérience; juscpi'au bout.

il

aurait,

je

M. Rousseau, devant

poussé

crois,

ac-

les résultas

quis, s'était décidé à poursuivre dans cette voie et avait

entrepris de faire

des règlements avec les

appliquées au

territoire^.

leur donner la

11*^

sanction des

Il

était

textes

méthodes

en train

ofliciels

et

de

de les

étendre, dans la mesure des ressources disponibles, à toutes les provinces de la frontière. C'est

consolant

et

un

résultat

malheureusement exceptionnel d'avoir pu

en deux ans imposer

le

principe

cl

prouver

la possibilité

Espérons que l'œuvre sera

de cette transformation. poursuivie.

Il

resterait à préciser les bases sur lesquelles

il

con-

vient d'asseoir cette constitution réclamée pour les territoires militaires.

I.

Malgré

la réserve

possible de ne pas citer

que je ici

le

me suis imposée, il m'est imnom du commandant Lvautey

(aujourd'hui lieutenant-colonel commandant un territoire miMadagascar). Collaborateur et ami du colonel Gallieni, il s'était fait le propagateur ardent et autorisé de ses idées dans les fonctions successives de chef d état-major du général commandant les troupes et de chef du cabinet militaire de M. Rousseau. G est à son infatigable action, à la légitime inlluence qu il avait acquise et que savait apprécier M. Rousseau, (pjcst due la réglementation, l'acceptation oiriciclle des méthodes coloniales étudiées dans ce livre. Le Tonkin lui doit beaucoup. litaire à


MESURES A PRENDRE Mais ce

nous répéter car

serait

i8r,

s'agit

il

seulement de

rendre définitif ce qui existe déjà. de

suffira

Il

résumer en terminant. Ce sera

le

la

conclusion de ce chapitre.

Notre but

double

est

Former des

lo

occupées

et

«

:

marches militaires

des bandes pirates entre la Chine et

du Delta

»

solidement

opposant un obstacle sérieux au mouvement les

provinces riches

;

même

2" Constituer en

temps

à notre occupation

un

d'appui solide où nous puissions compter sur

point

concours des habitants,

l'entier

môme

en cas de soulè-

vement ou de troubles dans les provinces annamites. Le régime militaire peut seul assurer à notre occupation et aux habitants armés un encadrement et une cohésion suffisamment solides pour créer ce barrage. C'est chose faite,

suffit

il

Le second point

est

ce travail politique,

traire

plus délicat.

Pour mener

deux choses sont nécessaires

complètement

les

de n'y rien changer.

habitants

à

à bien :

sous-

l'influence

des

une situation privilégiée. La suppression des mandarins annamites chez les Muongs a été le premier pas. Ils doivent être remplacés par un gouvernement très rapproché des habitants, ne comAnnamites

et leur créer

portant que le

pays,

les

intermédiaires indispensables, pris dans

nommés

par leurs pairs

torité française, à tous les degrés

et

subordonnés à l'au-

de

la hiérarchie.

Les Annamites voient naturellement d'un mauvais œil ces provinces leur échapper définitivement et

ne

renonceront pas, sans une lutte opiniâtre, aux bénéfices qu'ils

I

.

en tiraient ^ Notre intérêt

Voici un

est

de couper court à

exemple qui montrera combien

les

Annamites 11.


EN TEUIUTOIKE MILITAIRE

Kjo

CCS retours oiïciisirs cii leur cnlcvanl sur les aulrcs races,

tout

moyen

S'il

du

d'action.

est difficile sans sortir

ouvertement des termes

de rompre oniclellemeut

protectorat,

souveraineté de la cour nistrative et d'en

d'Annam

remanier

les liens

de

sur la lilérarcliie admi-

les bases, il l'aut,

en appli-

cpiant reLiullèrement ce (pie nous avons expérimenlé

dans

le

11*^

territoire,

lui soustraire pratl([U(Mnent

derniers échelons et admettre l'action

les

innnédlatc de

l'autorité française locale sur les habitants et les fonc-

tionnaires inférieurs. Les secteurs créés par le colonel Gallieni

répondent parfaitement à ce besoin de sur-

veillance rapprochée.

principal de notre

Ils

sont appelés à former le cadre

gouvernement

militaire.

on veut, de l'administration directe

;

mais

ce cas ses véritables inconvénients car elle

sont tenaces et

comment

ils

Ce

elle

sera,

si

perd dans

n'augmente

cherchent à reprendre possession

du pa\s qu'on leur a enlevé. Quelques mois après le remplament des mandarins annamites, trois ou quatre anciens Tri-Cliau en disponibilité, étaient venus trouver

Dong Dang.

le

plus ancien et

le

le

Tri-Chau « Thô

»

de

plus influent des mandarins

Ils lavaient si bien endoctriné que lui-même, quelques jours après, m'exposait la situation ditficile des nouveaux fonctionnaires qui ne connaissaient pas l'administration et lutilitc qu'il y aurait povir eux à pouvoir compter sur un secrétaire

indigènes.

et instruit, ajoutant que les anciens mandarins annamites ne demanderaient pas mieux que de rentrer-, en La cette qualité de secrétaires, chez leurs successeurs Thôs nécessité de vivre entrait bien pour quelque chose dans cette requête modeste, mais elle était, à n en pas douter, encouragée et probablement conseillée par l'autorité annamite supérieure. Si elle avait été admise, ces secrétaires auraient rapidement confisqué lautorité réelle dans leur ancienne circonscription et la situation serait redevenue ce qu'elle était quelques mois avant, avec cette aggravation que les véritahlcs fonctionnaires, cachés derrière de petits rois fainéants, auraient agi avec d autant moins de retenue qu'ils n'auraient plus été responsables de leurs actes.

intelligent

!


MESURES pas

nombre

le

PRENDRE

A

191

des agents français et ne répugne pas aux

aux Français qu'aux

liabitants qui prélcrcnt avoir affaire

Annamites. Après avoir ainsi réglé tion,

la

forme de notre administra-

sera nécessaire d'en simplifier le fond et de la

il

modifier profondément. Son application sera confiée, en elTet, à

des indigènes n'ayant point

ciales et à des officiers français

questions administratives.

mettre dans

De

manier.

la

peu

fait

d'études spé-

familiarisés avec les

donc prudent de leur

Il est

main un instrument

solide et facile à

profondes modifications sont nécessaires

parce que les lois annamites actuellement en vigueur sont

mal appropriées aux besoins du pavs. C'est une complètement nous y reviendrons

législation à revoir

dans

le

;

chapitre suivant.

Le régime que nous voulons créer

Nous devons

faire

situation meilleure

que

leur éviter tout sujet de

voulons

les

doit être privilégié.

aux habitants des hautes régions une celle

de nos autres protégés

et

mécontentement habituel si nous

attacher à notre cause par le seul sentiment

véritablement puissant

et

tenace chez l'homme, quelles

que soient sa race et sa couleur celui de son intérêt. Un impôt très modéré et soigneusement réparti mais ;

rieioureusement exi^é, des corvées réduites au et

mininum

toujours appliquées sur place à des travaux d'utilité

publique,

le

sivement à nière,

la

service militaire régional

emplové exclu-

garde du pays. Très large tolérance doua-

facilités

encouragement

de transactions,

cultures riches par la diminution taxes, instruction

dans

la

il

des

suppression des

les villa2:es, crédit auricole

Autant de questions dont et activer la solution

ou

:

faut poursuivre l'étude

pour arriver

à doter les provinces

frontières d'une vie propre, en les faisant profiter directe-


EN TEimiTOIRE MILITAIRE

1.,-î

mcnl de

toiilcs les

leur en outre rêts,

charges qu'on leur Impose. Donnons-

un gouvernement soucieux de

accessible

à

tous,

leurs inté-

toujours prêt à écouter

les

doléances, à faire droit aux justes réclamations, à aider les villages, à les déc^réver

en cas de besoin. Xe denian-

dons en échange aux populations que de s'attacher à l'ordre

champs

nouveau, de vivre en paix, de défendre leurs et

leurs villages, de repeupler et de faire pro-

gresser le pays par leur travail.

Le

protectorat n'a rien à v perdre. Les revenus qu'il

pourrait tirer actuellement des provinces hautes, en les écrasant, sont insignifiants.

Le bénétice qui

sera la

conséquence nécessaire de cette conduite, au point de

vue de

la sécurité

de

la colonie et

rale, est considérable.

de

la pacification

géné-


CHAPITRE Importance de

Mon

l'inslallalion matérielle.

Yll

intention n'est pas d'entrer

Construclions

ici

et routes.

dans une descrip-

tion détaillée des constructions et des travaux entrepris

dans

la

ai fait

région de

une place

Dong-Dang en 1894-1895. à part, c'est qu'à

mon

Si je leur

sens, l'installa-

tion matérielle prend, en matière de colonisation,

une

importance qui n'est généralement pas chez nous appréciée à sa valeur. C'est

de suivre

les

Anglais

un point

et

sur lequel

de mettre à

profit,

il

serait sage

en

les

Les voies de communication, avant de devenir de tout progrès matériel, sont de pacification dans

sonne ne

imi-

admirable entente des choses pratiques.

tant, leur

le

le

un pays de parcours

conteste théoriquement.

moins comprendre dans

les

la

base

premier instrument difficile.

Per-

Ce qu'on semble

colonies françaises, c'est la

nécessité de loger les Européens, troupes et fonctionnaires, confortablement et

honorablement. Malgré

grosses dépenses qui en résultent tout d'abord, faisait

de bonne

suite de la

foi le

de compte, que

Mais

il

les

l'on

calcul des économies réalisées par

diminution de déchet due à des installations

salubres pour les troupes européennes, fin

si

est

on

trouverait, en

budget doit y gagner. une autre face de la question qui nous le

intéressait spécialement près de la frontière de

Chine

et


EN TEIUllTOIllE ^MILITAIRE

içi',

sur

veux

Jacjiu'llc je

iiislsler.

Les constructions solides,

s'agit

11

de

l'eflet

moral.

les installations définitives

constituent la seule prise de possession qui ne laisse

aucun doute sur fait

accompli sur

les

intentions

letpiel

du

colonisateur. C'est le

n'est plus possible

11

]\ous l'avons signalé plus haut

Chine voisines du Tonkln,

le

dans

;

les

de revenir.

provinces de

bruit courait périodirpie-

ment du prochain départ des Français. On en parlait ouvertement sur les marchés et les mandarins de la frontière demandaient sans embarras aux officiers rennous comptions rester longtemps encore au

contrés,

si

Tonkln.

Ils

croyaient ou feignaient de croire que, venus

seulement pour mettre

quand

irions ailleurs

Les populations de

le

pays en coupe réglée, nous

il

n'y aurait plus rien à prendre.

la

haute région ne savaient trop

défaut d'autres motifs, cette incerti-

qu'en penser

et à

tude aurait

suffi à

entraver toutes nos tentatives de

rapprochement. L'essor

donné aux travaux de toutes

truction, sur la frontière

même,

taires considérables et définitifs

chinois. Les habitants

ne

se

mit

lin

cons-

aux racontars

trompèrent pas sur

de cette prise de possession

tée

sortes, la

d'établissements mili-

et

la

por-

une des premières

places dans l'œuvre de la pacification morale, de l'appri-

voisement des populations lui revient sans aucun doute. se plaçait le

com-

en s'enoja^eant dans cette

voie.

C'est à ce large point de

mandant du

territoire

Le o-ouverneur et,

vue que

ijénéral s'v prêta

en créant des ressources

avec l'année 189A, s'ouvrit une période de travail et

d'activité

colonnes 11

était

plus et

féconde

pour

l'avenir

du

pavs que

combats.

temps,

Xous avons

dit l'état

haute région en

fin 1898.

chi reste, d'aviser.

de nos postes militaires dans

la


CONSTRUCTIONS ET ROUTES Inséciirilé,

if)5

mauvaises conditions liygicniques, incendies

fréquents, difficulté de circulation et de ravilailiemcnt,

moral déplorable,

effet

pareille matière la

pas.

— rien n'y manquait. Mais en

bonne A olonté

et l'activité

faut de l'argent. Aussi,

Il

mainte

pu jusque-là

déjà, ces graves inconvénients n'avaient

émouvoir l'administration

Pendant

su[)érieure.

cette période de

deux ans,

face directement à des dépenses

atteindre

un

c^ue

ce

le

protectorat

lit

de construction pouvant

million de francs pour

Dang. ?vous verrons

ne suffisent

fois signalés

que produisit

le

secteur de

cette

Dong-

mise de fonds

beaucoup d'bommes auïonkin trouvaient exagérée.

Aurait-on pu faire mieux à moins de être.

Les traités avec

les

frais.

— Peut-

entrepreneurs étaient onéreux,

une consécjuence du manque de confiance dans le du protectorat. L'argent coûtait plus cher encore j'ai cité une anecdote inslruclive à ce sujet. Le procédé employé pour obtenir cet argent, en inscrivant de c'est

crédit

;

grosses dépenses de constructions militaires

au budget

amertume ^. La question « casernements de Dong-Dang et rSa-Cham » fut agitée par moments, sur les rives du fleuve Rouge, comme un petit Panama. Il v avait certainement là des du chemin de

fer,

a été critiqué avec

irrégularités réelles et des conditions financières difficile-

ment justifiables. I. Pour laisser à la question sa physionomie réelle, il faut noter que ces constructions militaires étaient des postes destinés à la garde du chemin de i'er qui en avait grand besoin. Seuls les casernements de Dong-Danp: et Na-Cham ne se trouvaient pas sur le parcours du tronçon Pliu-Lang- Thuong-Langson, mais sur le tracé du prolongement dont les travaux jusqu à I)on!4-Dang. commencés en 1896, doivent être finis ou laien avancés.


EN ïEUlilTOIRE MILITAIRE

i.,r>

son prendre

V qui

? Il

esl injuste

la responsabilité

de semblables

qui luttent avec

les

Ils

de faire porter toute

trafics

sur les

hommes

multiples difficultés de l'exécution.

n'ont pas toujours

le

choix des

moyens

et se voient

souvent contraints d'opter entre des compromis douteux et

bras croisés.

politique des

la

Or,

il

ne faut pas

quand un pays neuf n'avance pas il recule. Ceci n'est pas un plaidoyer, c'est une observation d'ordre i^énéral et un regret, car il y a là une tare, une l'oublier,

cause d'impuissance à laquelle échappent difficilement

nos entreprises commerciales ou industrielles d'outre-

mer.

admis qu'une

Il est

ment

alTaire coloniale doit nécessaire-

rapi^orter des intérêts

énormes

tentent de prêter de l'argent capital fictif à

à ceux qui se

ou d'en

rémunérer devient

alors

con-

faire prêter.

Le

absolument dis-

proportionné avec l'importance réelle de l'entreprise qui ne peut plus donner de bénéfices. Les prêteurs en profilent pour

augmenter leurs prétentions

si

l'on veut

un nouvel appel à leurs capitaux. (^•Ite impossibilité, avec nos mœurs actuelles, démener à bien une grande entreprise à un prix raisonnable est

dans

suite faire

la

chose tenter

connue que personne ne se hasarderait à en une (un chemin de fer par exemple) sans la

si

garantie de

la

France ou de

la colonie,

cpiand elle est

solvable.

En

dehors des crédits extraordinaires accordés par

protectorat, le

commandant du

le

territoire disposait des

crédits réguliers affectés à l'entretien des casernements et

aux constructions

champ de l'artillerie

lutte.

Le

militaires.

Ce

fut encore

un

service des constructions, conlié à

de marine, devait assurer directement

la


CONSTRUCTIONS ET ROUTES construction

occupés par

rentretien de tous

et

nom de

abonnement, pour

«

Masse de Baraquement

se loger, était

régiments indigènes

Le colonel

casernements

les

Européens. L'attribution aux corps de

les

troupes, sous le

les

uj-j

et

d'un

y donnait de bons résultats.

conformément

Gallieni,

»,

admise seulement dans son immuable

à

non main sur ce

principe d'unité de direction, réclama et obtint sans peine, dans son territoire, la liante

comme

service

sur tous les autres et

masse de baraquement pour

Le

personnel

insuffisant

création d'une

la

troupes européennes.

les

des constructions

était

absolument

pour assurer son service en dehors des gar-

nisons importantes

et,

comme toutes

les

administrations

techniques, éprouvait une répugnance extrême à délé-

guer

ses

pouvoirs à des profanes.

mandants de

On n'ouvrait, aux com-

poste, les crédits nécessaires

pour

les petites

réparations courantes qu'avec une prudence qui touchait à la

parcimonie

moyennant

et

justilications

dans d'innombrables factures, sfénéralement

énumérées fictives.

La méthode changea. Les fonds, directement répartis par le commandant du territoire ou provenant des masses de baraquement, besoins aux

furent

commandants de

confiés

secteur.

On

suivant leur

les

demanda

de justifier l'emploi des soinmes reçues, non plus en

accumulant des factures signées par quelque vague cabaretier

Chacun

chinois,

s'ingénia à

mais en

montrant leurs

postes.

devenir architecte, à utiliser ses

ressources en personnel, corvées, matières premières.

-

On

devient

compte. Tous

en tous

cas,

économe quand on

les postes se

travaille

reconstruisirent bien

à

son

ou mal

;

dans des conditions incontestablement

supérieures à ce

qui existait. La paillotte

et

le

bois

proscrits étaient remplacés par le moellon, la brique, la


EN TERRITOIRE MILITAIRE

ujS lùlo.

la

liiil(\

l'abri et

Tout

monde

le

trouva peu à peu à

se

en sûreté.

L'inexpérience des

constructeurs

fait

un

sourire

pavait,

prolessionnel

que l'ensemble

vrai

(|u'on obtint, en

se

du bâtiment par

leur architecture tout à fait rudimentaire.

moins

est

il

murs

des

vit

menacer ruine. Bien des postes

lézarder et des ponts

auraient

se

On

quelquefois par des insuccès.

vrai,

était

un temps

Il

n'est pas

praticjue et durable et

très court, avec des crédits

relativement faibles, des résultats considérables.

Chaque commandant de du commandant du

bation

secteur envovait à l'approterritoire les projets labo-

rieusement établis des constructions qu'il devait entreprendre.

Il

y avait

inattendues, tecturales

dedans un peu de tout

:

fantaisies

dispositions bizarres, conceptions archi-

allant depuis

le

proiU

un peu

fruste des

cabanes d'Esquimaux jusqu'au gothique flamboyant.

Sachant qu'on ne et

aimant mieux

fait

bien que ce qu'on

laisser à

chacun

le

fait

volontiers

stimulant de pro-

duire une œuvre personnelle que de corrif^er quelques erreurs de détail, le colonel Gallieni, en dehors de certains principes très simples sur lesquels table, acceptait tout

sions qu'il

Je

me

;

sans se faire

du

il

était intrai-

reste plus d'illu-

ne convenait.

Langson un commandants de

rappelle avoir feuilleté chez lui à

dossier de ces projets envoyés par les

secteur et l'avoir entendu

château ogival destiné à

la

dire à l'aspect d'un

banlieue de Cao-Bang

service des constructions va bien rire de nos

petit

Le monuments, :

«

mais au moins nous aurons abouti à quelque chose. il

»

y a là une leçon de premier ordre à enregistrer.

Ltiliser les

hommes, développer

|)ro(luire à

chacun son rendement maximum,

leur initiative et faire est

le


CONSTRUCTIONS ET ROUTES

'00

problème fondamental du commandement, quel soit. Tout le monde est d'accord sur le jirincipe, plication est plus délicate. Cela tient à ce (ju'il

au

faut

une

les lignes générales,

Rien

détail.

une

chef, avec

très

l'ait,

qu'il

l'ap-

je crois,

grande fermeté dans

grande tolérance dans

très

n'est plus difficile,

le

plus rare et cependant

plus nécessaire que de se dépouiller de ses préférences

de

et

goûts pour tout ce qui ne touche pas au fond

ses

même

des questions.

Ce désintéressement

volontaire, ce

commande pour la personnalité de exécuter est un des ressorts les plus actifs

respect de celui qui celui qui doit

mais

Pour donner une partout

et

les

succès.

idée de l'activité déplovée

des résultats obtenus

rapidement

principaux

il

un peu

nous faut énumércr

travaux exécutés dans

Dong-Dang, du commencement de 1894

secteur de fin

du

plus difficiles à manier

les

le

à la

de 1895.

Lne pour

entreprise civile avait été chargée de construire

compte du protectorat

le

Dong-Dang Bo-Sa

et les

blockaus de

:

les

Leo-Kao. Confiées à l'entreprise Clément

et

poussées avec une activité

extrême, ces

A

et

importantes

mars 1894,

constructions, mises en chantiers en livrées

casernements de

\am-Quan, Pac-Luong,

étaient

en mai 1895.

Dong-Dancjy l'ensemble du poste comprenait

Un

:

casernement défensif pour 60 indigènes avec

logement

d'officier.

En

moellons

et

briques, couvert en

tôle.

— Un magasin des subsistances un four pain. — L n casernement pour une compagnie d'Européens et

soit

:

étage

un

à

corps de bâtiment pour la troupe, élevé d'un

sur

rez-de-chaussée,

en

pierres

apparentes et


EN TEIUIITOIHE MH^lTAlllE

30O

avec vérandas en galerie, d'une longueur de

l)ilfHics

80 mètres.

— Un pavillon pour quatre

de

ofliciers,

même

cons-

Iruclion.

— Deux citernes — Poste de

faisant

police,

ensemble 5oo mètres cubes. poudrière,

cuisines,

latrines,

écuries.

Le luxe un peu exagéré du gros œuvre de ces consI

mêlions

l(Mn-

et

leur caractère de solidité massive avaient

raison d'être à la porte de Chine. Les Chinois sui-

vaient de très près

le

progrès de nos travaux et c'est

volume des maçonneries et les dimensions des bâtiments qui leur ont fait une impression prosurtout

le

fonde.

Bien planté sur son mamelon,

le

poste de

Dong-Dang

produit justement celte impression de « déhnltif il

est

question au début de ce chapitre

et

»

dont

quand en cul-

tivant leurs champs, les habitants de la région l'aper-

çoivent de loin, les

ils

ne peuvent manquer de sentir croître

deux sentiments que nous voulions leur inspirer

confiance et

:

la

le respect.

Le hlockàiis de Nam-Quan, établi sm^ la frontière même, à 100 mètres des ouvrages chinois de la porte de Nam-Quan, est une construction carrée, solide et honorable, flanquée en diagonale par

portant l'usage supérieure. oflicier

Il

deux

coffres et

d'un canon-revolver sur

peut loger cjuarante indigènes

com-

la

terrasse

et

un sous-

européen.

Les petits blockaus de garde de Pac-Luong, Bo-sa et Lco-Kao sont de fortes tours carrées en maçonnerie, comprenant un étage sur rez-de-chaussée et une terrasse défensive sous toiture en tôle (Léo-Kao n'a qu'un étage). Ils peuvent loger sans peine quinze indigènes.


CONSTRUCTIONS ET ROUTES

201

Les aulres travaux du seclcur, v compris

aux blockaus

d'accès

et postes

chemins

du commandant

entrepris sous la direction immédiate

du

les

déjà mentionnés, ont été

secteur.

Nommons

les

plus importants:

Le poste de Xa-han pour un

officiers

européens

et soixante

officier,

indigènes

;

deux sous-

commencé en

mars 1890, achevé en août (moellons et bric|ues, coucomprend un blockaus à étage pour la

vert en tôle)

;

un bâtiment flanquant renfermant le logement de l'officier, un poste de police, une demi-enceinte en troupe,

maçonnerie avec emplacement pour deux pièces de 80 et les communs du poste en sous-sols. Xa-han n'a pas coûté plus de 4. 000 piastres (i 1,000 francs). Tous les faux frais se sont trouvés supprimés

de montagne

;

les plans, les

études, la surveillance des travaux ayant

été fournis par les officiers la

du

secteur

et

main-d'œuvre (terrassements, abattage

des

bois

de charpente,

par

etc.),

les

une et

partie de

préparation

du

tirailleurs

poste.

Le hlockaus de Son-Ta

provisoire, en pisé

couvert en tôle, construit en décembre 1894» janvier

et

février 1890.

— Le poste de

Bao-Lam, dont la reconstruction a commencée en juin 1890, devait comprendre, après achèvement un rez-de-chaussée en briques couvert en été

:

tuiles,

de i3 mètres sur

6,

pour trente indigènes.

blockaus en briques contenant officier

européen

et

un

le

Ln

logement du sous-

étage servant de plate-forme de

garde sous toiture en

tuiles.

Les deux bâtiments

se

flanquent l'un l'autre. Le travail se poursuivait en juin 1895, à l'économie,

d'œuvre des

et

tirailleurs

en grande partie par

du

poste.

En

y mettant

la

main-

le

temps


EN TEKUIÏOIRE MILITAIRE

io-?

ncccssairc,

on pouvait arriver

conditions

convenables

à le construire dans des

pour un millier de

])iaslres

(2,Goo à 3,000 francs). Les travaux

si

urgents d'ouverture de routes nou-

velles et de réfection des anciennes étaient

lèlement aux constructions, dans

menés

paral-

limite des fonds

la

disponibles.

Toutes

les études,

piquetages ainsi que

tracés,

direction des travaux revenaient aux officiers de

Dang. La surveillance

et

la

la

Dong-

conduite des chantiers

étaient assurées par des sous-officiers, des caporaux et

des soldats choisis dans la compagnie de légion.

travaux d'art, ponceaux en maçonnerie, culées,

Les

mon-

tage de ponts en fer ont été exécutés par des soldats de la

même

compagnie. Les terrassements, par des ouvriers

chinois.

Depuis

le

mois de mai 1894 nous avons

ainsi cons-

truit:

La.

Dong-Dang

roule de

à

la

(remplaçant un mauvais sentier). carrossable, largeur

10 pour

minima

porle de Chine

3''™,8oo de route

3 mètres, pentes

maxima

100, caniveaux et ponceaux en maçonnerie,

En

sans empierrement régulier.

quelques parties rocheuses

terrain accidenté avec

(le prix

de revient

était

de

7G cents (3 francs environ), le mètre courant \ compris ponceaux et roquetage, les explosifs étant fournis gratuitement).

La

réduisait à

roule de

une

fossés, î^vec des

même le

Dong-Dang

piste

à

Langson qui

dépourvue de caniveaux

et

se

de

pentes que n'abordaient pas sans risques

les petites charrettes à buffles et

plus souvent effondrés, a

des ponts en bois

être refaite entièrement et


CONSTRUCTIONS ET ROUTES le tracé

dans

ao.H

changé en plusieurs points. La partie comprise

le secteur (7

kilomètres) fut ainsi peu à peu remise

en état du mois de décembre 1894 à juin iSgô. Sur ce parcours, la route présente actuellement une largeur de 4 mètres, des pentes inférieures à 10 pour 100, un

empierrement veaux

solides.

peu près régulier, des

à

fossés, des cani-

Les passerelles de madriers ont été rem-

placées par sept ponts en fer sur culées en maçonnerie,

dont un de 18 mètres en deux portées.

— La roule Cao-Bang) d'argent. faites

de Doncf-Dang à

n'avait

pu encore

Les rectifications

cependant

et

assez larges

pour

le

(route de

les

faute

plus urgentes étaient

permettaient la circulation en tous

temps. Trois ponts en

deux passerelles en

Na-cham

être refectionnéc

fer sur culées

en maçonnnerie

et

acier de 18 et 20 mètres de portée,

passage des petites voitures, étaient

en place.

En

dehors des routes carrossables, tous

étaient réunis

les

blockaus

au poste central par des chemins cava-

liers construits à

peu près complètement par

les

corvées

indigènes et la main-d'œuvre militaire. Ces chemins d'accès, ouverts

représentent à

un

en terrain rocheux assez gros effort.

et

très

Celui de

accidenté,

Dong-Dang

et Son-tu avec embranchePac-Luong peut donner un développement

Léo-Kao, Bo-Sa, ><a-lian

ment

vers

d'une Cjuinzaine de kilomètres. Les

sommes affectées aux travaux de route dans le Dong-Dang de mai 1894 à juillet 1895 s'éle-

secteur de

vaient a 8,228 piastres (22 à 28,000 francs).

Eu

présence des travaux considérables entrepris pour

notre installation,

un témoisnaiie

il

était

bon de donner aux habitants

direct de bienveillance, en dotant le pavs


KN TEIIRITOIRE MILITA IRE

2o',

de quclfjiics constructions spécialement destinées à leurs

que le gouverneur Dong-Dang, approuva le projet d'y construire un marché couvert et une résidence indigène pour remplacer la maison tombant en ruines où était logé le tri-cliau. Il accorda môme un premier

besoins. C'est dans cet ordre d'idées

général, de passage à

crédit de

5oo

piastres

pour chacune de

ces construc-

tions.

Les travaux conduits, en faisant appel pour

les

trans-

ports aux corvées indigènes, furent mis en train en

mars iSqS

Un

et

achevés dans

le

courant de

premier corps de marché

36 mètres sur 8

en pierres

juillet.

(le seul construit),

formé de piliers en briques sur

est

taillées,

de

socles

supportant une charpente en bois

couverte en tuiles. Les deux extrémités sont fermées

par des façades, brique

et pierre, à trois arcades.

La résidence indigène comprend un bâtiment de 18 mètres sur 8, en pierres apparentes avec bordures en

briques et ornementation dans

le stvle chinois,

entouré

de dépendances.

La

solidité et

avalent

fait

l'aspect

soigné de nos constructions

bonne impression sur

l'exemple semblait

devoir lui

travaux utiles renaissait avec

population et

la

profiter.

la sécurité

Le goût des

retrouvée. Plu-

sieurs maisons solides et convenables s'élevaient à

Dong-

Dang ou dans

même

les villages

environnants.

Il

arriva

du village de Ha-Lung, à quelques kilomètres de Dong-Dang, vinrent me trouver pour me prier de construire à leurs frais, sur un petit arroyo de 12 à i5 mètres de largeur, un pont que l'eau ne que

les

notables

puisse pas emporter. Je leur pierres taillées

et

ment, une borne

fis

deux arches

solides

de

en mémoire de cet heureux événel'ut

dressée au bord

du

ruisseau,

men-


CONSTRUCTIONS ET ROUTES

:,o5

tionnant, en caractères chinois, pour leur allirer

bénédictions des passants,

le

nom

des donateurs

les

et celui

de l'architecte. Enfin, dans

le

courant de juillet 1890, rachèvemenl

des indispensables travaux d'installation

nous permit de montrer aux indigènes de

la

mémoire de

Un

nôtres.

les

de sécurité respectueux

que nous savons honorer

leurs morts,

petit

et si

monument en

pierres taillées de

quatre mètres de hauteur couvre maintenant de sa croix blanche la sépulture de nos soldats.

De dimensions

modestes,

il

porte cependant lui aussi

caractère définitif de nos

le

constructions nouvelles.

C'est notre sceau de vieille nation catholique

pour continuer à remplir France

s'est

la

venue

mission séculaire que

la

imposée autrefois

encore dans l'œuvre de

et

qu'elle revendique

la civilisation

chrétienne.

^ oici pour donner, en terminant, la note pittoresque

rendre l'impression produite par nos travaux sur

et

visiteurs qui

montaient jusqu'à

extrait des articles

Courrier

dans

le

M.

de Cuers'.

J.

la frontière,

déjà cités, parus en janvier 189G, d' Haïphonrj,

sous la signature de

Lang-son,

M.

(c

le

le

5

janvier.

colonel Gallienl, cjui vient de passer le

mandement du deuxième M.

les

un nouvel

territoire à

com-

son successeur

colonel de la Folve de Joux, tient à visiter avant

La

il est ici fait mention eut lieu huit ou dix départ définitif de Dong-Dang. J'avais passé mon commandement à M. le capitaine Famin, de 1 infanterie de marine, le 3 4 décembre.

I.

visite

jours après

dont

mon

Grandmaisox.

12


EN TERIUTOlllE MIEITAIUE

ani]

(le nai lir les

ciilre

iK'cs

hh^ckliaus, les roules iiouNclIcincnl Icriui-

Dong-daiig

et

Na-cliain,

bien voulu

a

cl

proposer à M. Tlionié cl à moi de l'accompagner dans celte excursion cpii

On

«

a

promel

d'èlre fort intéressante.

beaucoup parlé du système de surveillance

élabll sur la frontière

:

fumisterie disent les uns; orga-

Moi-même, sur

nisailou admirable assurent les autres.

des renseignements,

sur ce sujet, aussi

j'ai

beaucoup

mon

depuis trois ans

écrit

désir est-il

grand de juger de

visu de ce qui a été fait et de ce qui reste à faire, des résultats obtenus et de ceux à espérer.

Ma ('té

dit

colons,

curiosité est encore piquée par tout ce qui à Lang-son depuis

trois jours,

unanimement, professent pour

le

m'a

officiers et

colonel Gal-

lieni l'admiration la plus vive. 3 lieuros.

Rendez- vous

«

est pris

sur la rive droite

du Song-ki-

Kong, au débouché du pont de Kilua. Déjà l'escorte, une quarantaine de linli-co à clieval commandés par deux

sous-ofTiciers de cavalerie, attend

au haut de

la

berge.

«

En

«

Les trompettes sonnent.

c(

En

fanion

route pour Donn-dani»

!

pointe, à loo mètres, trois cavaliers et le porte-

du commandant du

territoire.

groupe formé du colonel Gallieni, lui le peloton

moi

;

les

et

Puis un

un peu

de M. ïbomé, du capitaine Auriac

chevaux essaient de mordre

font vite connaissance

et, la

d'un pas allongé pour suivre va d'un train d'enfer.

et

petit

derrière et

de

de ruer, mais

ils

bride sur le cou, marchent le

poney bai du colonel qui


CONSTRUCTIONS ET ROUTES Enfin

«

quand

gros de l'escorte par quatre, puis par deux

le

chemin devient plus étroit. De Lang-son à Dong-dang la route

ce

207

le

est carrossable.

Désireux avant tout de sortir de l'éternel provisoire,

remplacé partout

Gallieni a

colonel

chaque année, par des passe-

Lois qu'il fallait refaire

en

relles

fer,

commandées

main-d'œuvre militaire

à

la

maison Le Rov

montées sur place

les a

;

pendant que les corvées empierraient Aucune route du Délia n'est meilleure.

Peut-être

«

peu

forte,

le

premier jour,

la

hi

et a

bâti les culées

chaussée.

le

ponceaux en

les

la

dépense a-t-ellcété un

mais du moins on ne sera plus obligé de

la

recommencer. « le

En

causant à bâtons rompus de l'avenir de ce

colonel revient sur sa préoccupation constante

— tions

«

J'ai

voulu marquer à

du pavs

nous, que

la

n'était pas

années seulement. Si sacriiices,

c'était

conquis par «

ses

Chine

et

venue

ici

pour quelques lourds

elle consentait à d'aussi

pour garder à jamais

armes.

Tout a concouru

aux popula-

demandais d'avoir conllancc en

à qui je

France

la

jiavs,

:

le

territoire

»

h ce but.

Les constructions impor-

Dongmaçon-

tantes de Lang-son, les casernements luxueux de

dang

de ?sa-cham,

et

le

réseau de blockhaus en

nerie jalonnant la frontière en face des forts cliinois, et

même

la ligne

du chemin de

pensée

ôtcr à notre occupation ce caractère de provi-

:

fer,

ont été inspirés par

la

si longtemps, et que les mandarins du Quang-si ont si bien su exploiter. Déjà, les mamelons dénudés de Lang-son se cou-

soire qu'elle a gardé

militaires c(

vrent d'une végétation plus riante. Voici les premières plantations de badiane. C'est déjà, et ce sera surtout

dans quelques années

-

si le

gouvernement

se

décide à


EN TERRITOIRE MILITAIRE

2o8

encourager

De

«

la

— une

culture

pour

richesse

jolis villages, çà et là^ à

la

contrée.

mi-côte de vallées dont

courbes de niveau inférieures sont tracées par des

les

de

talus

formant

rizières,

comme

les

gradins d'un

amphithéâtre immense. Dong-dang,

Au

«

bas de la pente,

3 heures.

une cinquantaine de maisons

neuves, bordant trois ou quatre rues qui se croisent. C'est le village de

Dong-dang. Partout des constructions

en briques ont remplacé de décoration chinoise

les paillottes.

Une jolie

très pure, a été bâtie

pagode,

pour loger

quan-chau.

le

La route contourne un dernier mamelon sur la comme une toile de fond, le casernement ap-

«

;

hauteur,

paraît soudain,

On nous

«

avait

tant

dit

ce

déflore à l'avance les impressions ^lais

«

devant

compare par

les

«

vous verrez

»

qui

!

bâtiments d'un style sévère, que je

pensée aux misérables paillottes du

la

quartier d'infanterie et des subsistances à Haïphong,

j'éprouve une véritable satisfaction à constater qu'ici au

moins fois

il

tion le

De elle

le

Protectorat est sorti de l'ornière.

Ce casernement

«

faut tenir

a coûté cher? c'est possible.

compte qu'au moment de

chemin de

fer

Toute-

sa construc-

ne venait pas jusqu'à Lang-son.

quel priv de transport efïroyable l'entreprise n'a-tpas été grevée dans ce pays perdu,

et la «

Mais

l'elTet

cher. Songez

deux

tout, la pierre

chaux exceptées, devait être apporté de

fort loin.

moral produit ne saurait être paye trop

donc que

pas, regarde chez

Chine, dont

la frontière est à

nous par tous

ses forts étages.

la


CO^STRL(:ïlONS ET ROUTES

Casernement de Dong-dang

«

du même modèle. La

cliam sont

et

casernement de \a-

description

Une

m'évitera de m'étendre sur le second.

rence

:

Dong-dang on

à

apparente tout

a

Xa-cliam tout

à

;

employé est

209

en

du premier seule ditlé-

pierre

la

laissée

Mais par-

bricpies.

M. Clément, l'entrepreneur, en a donné au Propour son argent. C'est un très beau travail, très

tectorat

lini, très

ciers,

>ée

soigné.

Deux grands bâtiments

«

:

à étage

:

pavillon des ofil-

logement des soldats européens.

cbambres spacieuses, bien

En

a

Quel quartier militaire en France

contre-bas, de vastes citernes

pris, plus confortable

àl'étaoe

et les

est

tirailleurs

est

:

des

communs.

mieux com-

?

Sur une extrémité du mamelon, un blockhaus

formant réduit

«

;

rez-de-cliaus-

aérées.

«

ce

Au

mander, bureaux, magasins

salles à

fait

isolé

pour recevoir une section de

ou de garde indigène.

Plus loin, à

l'écart, le

cimetière militaire avec partie

réservée pour les indigènes flanc de coteau v conduit

non

catholiques.

L ne route

à

en dix minutes. Déjà bien des

tombes pieusement entretenues, abritent

dernier

le

sommeil des victimes du devoir. «

Au centre, une

monumentale. Sur

croix de pierre

vm soubassement de forme carrée, M. le capitaine de Grandmaison a fait graver l'inscription « aux soldais morls pour la France ! » « Sur la pente, près du chemin qui monte vers les casernes, la gérance du service administratif, la bou:

lano^erie, etc. « ^lais le

a disparu,

tour du propriétaire

est

achevé. Déjà

pendant que nous regagnons pour

d'avant-dîner

le gîte si

aimablement

le

jour

la toilette

offert.

12.


EN TERIUTOIKE MILITAIRE

2IO

l)onu;-t]anii: csl

«

(|n('l(|U('s

noyé dans

nuit (|uV'loilenl seules

la

lumières des maisons eliinoises où l'on

Neille

tard.

janvier.

Dans

«

sur

la

«

la vallée

couverte de

brume

la

pointe s'enuairc

à

chaque instant

route de Na-cham.

La

frontière chinoise est proche

;

par des déchirures de mamelons, on découvre quelque fort chinois. Aussi les villag^es sont- ils sur leurs gardes.

Pour nous montrer surveillance, le veille

fonctionnement du système de

le

commandant du

au quan-chau de

territoire a prescrit la

prendre

faire

les dispositions

d'alarme sur 25 kilomètres environ, entre Dong-dang et

Phai-bung. Tous

dépressions

même ou de

nois d'entrer

perjiendiculaires à la

les sentiers

frontière, tous les passages,

tous les cols, toutes les

pouvant permettre à des pillards chisortir, sont

gardés par des groupes

de 4 à 5 hommes, ïhos, Muongs ou \uns, armés de fusils iS-l\, la ceinture

crénelé le

du

garnie de cartouches.

village, le reste des habitants

Au

réduit

en armes avec

li-thuong. «

C'est

un

véritable coniin militaire

tière ainsi organisée.

volontiers

comme

Partout

la

à cette obligation,

que

popvdation

cette fron-

s'est

soumise

peu gênante du

reste,

murmurer, de construire et d'entretenir les chemins qui relient les blockhaus. Pour iAlc c'était une question de vie ou de mort, de sécurité elle a accepté,

sans

assurée ou de pillages continuels

;

elle l'a comjirls et n'a

pas liésité à se mettre carrément de notre côté.


CONSTRUCTIONS ET IlOLTES

2n

Lco-kao, H heures.

«

Sur un

environs

pic escarpé,

et la ligne

dominanl toutes

des fortins chinois,

les vallées

des

blockhaus de

le

Leo-kao

\ous descendons de cheval pour faire l'ascension mot n'a rien d'evagéré du sentier cpii permet d'v

« le

accéder.

11

coups de dynamite dans

a fallu le tracer à

rocher presque vertical, et au sonunet,

même, «

un mètre

écrètéc sur

Le blockhaus

est

Gare

à peine.

perché sur

la

pointe

])late-formc n'a pas 20 mètres de largeur.

peine, l'ancien poste chinois sur

A

le

suit l'arête

il

le vertige

du

!

pic, et la

i5o mètres à

un mamelon dominé.

Gènes par ce voisin toujours aux aguets,

les

Chinois se

sont reportés plus en arrière. «

De Lco-kao, où flotte gaiement

nous voyons des réguliers tructions

;

Deux

le

le

:

tricolore,

poste abandonné.

sortes de blockhaus

:

ceux de Leo-kao

Bo-sa qui se répèlent fréquemment tière

drapeau

aux nouvelles cons-

d'autres font tomber les cjuelques paillottes

encore debout dans

(c

travailler

long de

le

la

et

de

fron-

simples bâtiments carrés à étage, et crénelés, où

(pielques lin lis,

une douzaine tout au

plus,

peuvent

tenir de longues heures contre 100 Chinois. D'autres, c connue ceux de ^sa-han et de Phaï-bung, véritables petits

casernements pouvant recevoir un peloton, avec

logement «

d'olïicier, et

enceinte flanquée.

Le blockhaus de Bo-sa,

visité

en toute hâte,

en plaine, au point de convergence de surveille étroitement.

Comme

de Po-mou, tout voisin,

il

celui de

ferme

la

est bâti

trois vallées qu'il

Leo-kao

et celui

porte à l'infiltration

partant de la frontière chinoise qui est à deux pas, et


EN TEIUUTOIUE MILITAIUE

212

venant menacer

la

grande roule directe de Dong-dang à

Na-cham. Na-lian, 9 heures.

«

M.

le

lieutenant Fialix,

commandant le poste de du colonel, entre Leo-kao au commandant du terri-

Nalian, est venu à la rencontre et

Bo-sa; et après avoir

toire les

de

fait

honneurs de ce dernier blockaus qui dépend

au galop pour devancer à Na-

lui, cet officier part

lian notre petite troupe. «

Xa-lian

est

bien

le

plus « joli » poste qu'on puisse

rêver, et aussi le plus parfait ce

comme

installation.

Est-ce poste, est-ce blockhaus qu'il faut appeler ce

casernement

si

coquet,

espace assez restreint

manque aux on ne

si

si

confortable!^ Oui, car sur

rien n'a été oublié,

du détachement

aises

voit partout

qu'embrasures

se flanquent, et pas

un

destiné à l'occuper,

et

créneaux,

produit «

le

Grandmaisonqui

«

de

taille,

î

encore

M.

Gomme

le

la

ici

capitaine

de

l'entrepreneur

ont peut dire que

c'est

le

chef-

la

promenade matinale a aiguisé les apdéjeuner du lieutenant Fialix reçoit

l'excellent

blissement de ce blockaus. »

:

l'ensemble

cet officier.

un formidable assaut. « Le colonel raconte, en déjeunant, gnet

et

effet.

c'est

est l'architecte, et aussi

avec ses légionnaires

pétits,

la pierre

plus heureux

Naturellement

d'œuvre de

construction,

la

plus minutieux ont été apportés

brique est mariée à

murs

les

coin n'est perdu pour la défense.

Quelle merveille d'ingéniosité. Pour les soins les

un

rien ne

si

du nom du

établi sur son

On

l'histoire

doit l'appeler «

de

lieutenant qui, le premier,

emjîlacemenl un posle provisoire,

été tué en le défendant.

l'éta-

Langroavait et

a


CONSTRUCTIONS ET ROUTES Toute

«

celle région élalt

une colonne

les

2i3

un nid de pirates. Quand commandanl du ter-

eul bousculés, le

décida d'occuper solidement le pavs pour les

riloire

empêcher d'v revenir. Ceux-ci voulant débarrasser de la surveillance

à tout prix se

mettait fin à leurs

cpii

exactions, firent longtemps la guerre aux postes en for-

mation. Toutes

les

nuits c'était une nouvelle attaque

;

sous les pas des reconnaisances, chaque jour, quelque

On

nouvelle embuscade était préparée.

temps de palissader

core eu le

bandits

les

quelques défenses

de

de l'entourer

de

profitant

M.

saut à l'improviste.

accessoires,

l'obscurité

le

n'avait pas en-

poste de Na-han,

le

donnèrent

que l'as-

lieutenant Langrognet fut

tué à la tête de la petite garnison. «

A

Bo-sa, pour arrêter

les

travaux, les Chinois as-

sassinèrent le caï, leur compatriote, qui fournissait les

maçons «

et les charpentiers,

En

dépit de cette résistance acharnée, les blockliaus

sont debout maintenant, défiant toute attaque, et les pirates découragés ont «

Mais

il

faut

quart d'heure de

avant «

et

il

la partie.

à cheval, alors

sieste aurait tant

longue encore

est

abandonné

remonter

Sur

boisées

la droite, le

le

petit

la

route

importe d'arriver à Xa-cham

blockhaus de Son-tu, au sommet

;

la vallée

semant des torrents sur plu à

les

lui,

des collines

profonde s'enchevêtre de plus en plus

On

ses pentes.

teur, avant de les laisser

tomber de

dirait

sa

tordre et les convulser.

orcbidécs accrochent leurs grappes est

;

la nuit.

d'un pic dénudé. Partout autour de

s'est

que

de charme

;

que

main

Aux

le

créa-

puissante, arbres, des

sur le sol, la mousse

piquée de milliers de violettes, hélas sans parfum.

»


CHAPITRE

VllI

L'occupation complète des hautes régions était-elle nécessaire?

— Agriculture. — Possibilité de colonisation européenne. — Régime de propriété. — Impôt. — Industrie. — Commerce. — Avenir de région. Caractère du pays.

la

la

la

Nous avons

depuis quelques années, clans

fall,

hautes régions

un

du ïonkin,

effort

les

considérable.

L'importance des résultats obtenus ne peut plus être contestée.

En

pacifier, à

gouverner

suivant la voie ouverte, nous arriverons à et à faire progresser ces

immenses

territoires.

Mais

il

est

permis de

était nécessaire.

ne

sont-ils

pas

se

demander

Les dépenses

disproportionnés

probables de l'entreprise.

si

un

et les sacrilices

avec

les

La question

a

tel

eflort

consentis bénéfices été

posée

souvent.

Liconteslablement chose

était possible,

il

riches d'un pays. C'est

ïonkin que les

serait plus

avantageux,

si

la

de limiter sa conquête aux parties

un

projet longtemps caressé

celui de coloniser et

provinces basses en limitant

au

d'occuper seulement la prise

de possession

des régions montagneuses à une surveillance très somluaire.

ne

Malbeureu.sement,

peut être

réellement

c'est

une utopie. L necontrée

tranquille

cpi'à

condition

d'a\oir des frontières nettes. Les marges vaii:ucs sont en


MISE EN VAEEL'R DES HALTES RÉCJIONS

une source pcrniaucnlo

tous pavs

dance générale

souvent

et

crinsécuiilt'.

qui

irréilécliic

?,:,

La ten-

pousse

les

avant-gardes européennes vers l'intérieur, dans tous liinterlands

y compris

africains,

sud algérien,

le

les

est

une manifestation caractéristique de l'appréhension des voisinages inconnus. Xous ne pouvions en Indo-Chine échapper à cette stahle

que

côtés

à

le

nous n'y trouverons

loi et

d'éc|uilihre

jour où nous nous serons heurtés de tous

des

Chine,

véritables:

frontières

Siam. C'est du

restes, sous la pression des

nous l'avons vu

et

un peu

Birmanie,

événements,

à contre-cœur,

qu'on

s'est

décidé en 1S94 à marcher franchement. Il

donc sage d'accepter sans

est

nations

cette

charge

nécessaire

et

inutiles récrimi-

de chercher

les

movens de rendre moins onéreuse l'occupation de ces nouveaux domaines. ^"ous avons réclamé pour eux un régime militaire et exceptionnel.

politique

même

Il

nous

montrer que,

reste à

au point de vue économique, ce régime d'excep-

tion s'impose.

Recherchons donc de bonne pitre ce

foi

dans ce dernier cha-

qu'on peut attendre de l'avenir agricole, com-

mercial et industriel de notre région de Langson. ressortira j'espère de cette élude

ne point

faire d'illusions

se

incapal)le, à

mon

sens,

que

s'il

est

sur l'avenir d'une région

d'enrichir nos colons,

compter au moins qu'elle arrivera dans suffire sans grever l'ensemble

11

prudent de

de

la

on peut

suite à se

la colonie.

néolin-erons le travail de reconstitution écono-

Xous mlque qui

s'est

acconq^li parallèlement à la réorgani-

sation polilique et

équilibre

prendrons

normal vers

la

fin

le

pays revenu à son

de 1890, pour y analyser


EN TRIUUTOIliE MILITAIRE

iC.

Irrs hrirvcMiionl les principales cpicslions (pii iiilércsscnl

son tlévc'loppenicnl

iiialcricl.

CARACTKRE DU PAYS

lui

Uycn

;

C{ui

(^eci

la

ici (le

Il s'ai;il

pour

c'est là

Dong-Dang ou, du Cliau de Van-

circonscriplion de

donner son

nom

oiliciel,

qu'ont été recueillis

renseignements

les

suivent et je tiens à leur laisser ce caractère local. posé,

j'ajouterai

que

l'aspect

la constitution

et

Haut-Tonkin. La plupart de nos observations peuvent donc s'applicjuer dans un rayon fort étendu. Le Cliau de Van-Uyen comprend sept cantons répartis sur les deux rives du Song-Ry-Kong, dans la région de hauts mamelons et de rochers, où cette rivière, de ce territoire sont très répandus dans

le

après avoir arrosé Langson, dessine le grand coude de

Yan-Quan pour remonter Cliam, où

elle

Le Song-Ry-Kong hauts affluents de

de Langson

et

au nord. Cette

la différence

est,

comme on

la rivière

de

grande partie sur face

ensuite vers le nord, à JNa-

devient navigable à la petite batellerie.

le

le

sait,

un

des

de Canton. Les provinces

Gao-Bang

se

trouvent

versant chinois

donc

en

du Haut-Tonkin,

disjDOsition explicjue, avec l'altitude,

de climat

et

de cultures entre cette fron-

tière et les provinces basses.

Malc;ré son d'èlre l'artère

volume assez fort, le Soni^-Rv-Rons:, loin du pays, n'en forme qu'un accidenl,

d'inqiorlance secondaire. Les rives

carpées

el

peu prallcables,

un

obstacle à la

voie de pénétration.

d'un cours irré-

encombré de rochers circulation bien plus qu'une

gulier, torrentiel par endroits et

en font

généralement es-

les diflicullés


CARACTÈRE DU PAYS

En dehors du Song-Ky-Rong, par quelques-uns

dont

débit niais

217

Chaii

le

arrose

est

de ses aftlucnts, arrovos de faible

les

vallées

constituent les

même

culture et d'habitation en

temps que

zones de lignes

les

naturelles de circulation.

Ces vallées d'arroyos, souvent assez larges

et

de mamelons bas, sont généralement habitées

bordées bien

et

cultivées.

Entre

elles,

s'étendent de vastes massifs de

élevés et quelquefois de rochers broussailleux

La population y

peu près nulle

est à

et les

mamelons ou

boisés.

communi-

cations s'y réduisent à quelques mauvais sentiers.

Ces mamelons incultes couvrent de vastes surfaces.

Leurs pentes raides tapissées de brousse ont été déboisées peu à peu par les incendies qu'allument en hiver les

habitants dans le but de se procurer au printemps

des pâturages pour les buffles. Les gorges seulement et

quelques pentes garanties par leur humidité sont encore boisées.

Ln rameau lette

de

la

formation calcaire du Kaï-Kinh

Chau SO-XE.

traverse le

du squemouvements du sol et eaux du ciel, qui supporte le C'est l'affleurement

rocheux, bouleversé par

sculpté par le travail des

Tonkin.

On

les

en retrouve par endroits

les

les

gorges étroites et le chaos

si

la

baie d'Along jusqu'à

centaines

Chine. Dans

les parties

des

le travail

trarié par la végétation, n'a pas été

pour atténuer mater

les reliefs, rectifier les

les dépressions,

de lieues

en

de l'érosion, con-

suffisamment

actif

déversoirs et col-

pays présente l'aspect tout à

d'un terrain inachevé au point de vue topo-

fait spécial

graphique

le

pointes aiguës,

caractéristique depuis

:

suites de cuvettes et de cirques sans

lement apparent, régime hydrographique Grandmaiso.x.

très

écou-

Incom13


EN TERRITOIRE MILITAIRE

2i8

plct et souvent incompréhensible,

perles soudaines de

cours d'eau...

Ces fonds de cirques

isolés

ou communiquant par

des gorges étroites, se sont en partie cependant remplis d'alluvions et portent des cultures peu étendues mais

souvent excellentes entourées de

falaises à pic

au pied

sommet broussailleux. Le rameau qui se prolonge à travers le Chau de Dong-Dang du sud-ouest au nord-est, traverse le SongKy-Rong dont il produit les rapides et le coude brusboisé et au

que en aval de A an-Quan, puis

s'abaisse et devient

visible à

hauteur de Dong-Dang pour

nord où

il

On

forme

communes de tité

le

trouve dans

trop faible

insuffisante

bois

massif abrupt que suit la

la frontière.

bonnes essences

région d'assez

pour

et, à

peu

se relever vers le

la construction,

mais en quan-

de rares exceptions près, de qualité

pour permettre une exploitation commer-

ciale.

AGRICULTURE L'agriculture est actuellement et sera probablement

toujours

le seul

moven

d'existence, la seule richesse

du

pays de Langson.

Les indigènes se montrent, nous l'avons

dit,

assez

bons agriculteurs à l'exclusion de touteautreprofession.

La principale culture et de beaucoup la plus développée du riz. Cultivé avec soin dans les terres arro-

est celle

sables et dans les fonds de cirques,

bonne

certaines rizières, actuelle surpasse rait

le riz

donne une

récolte et tout à fait exceptionnellement, dans

deux

récoltes par an.

un peu

la

La production

consommation. Elle pour-

augmenter dans des proportions

assez fortes par


AGRICULTURE une

219

augmenterait beaucoup

irrigation qui

surface

la

des terres arrosables et surtout par l'usage des engrais.

La fumure peu

actuellement tout à

est

insuffisante et

fait

régulière.

Le Thôs,

de

petit excédent

peu près

est à

riz,

que produisent

les villages

seul produit d'exportation, la

le

seule matière d'échange cjui permette aux habitants de se

procurer

Chinois.

les

Cet excédent, limité par paresse au a suffi jusqu'ici tière étant et

opium

les objets fabricpés, fruits, bestiaux,

que leur fournissent

;

la

strict nécessaire,

contrée chinoise qui borde la fron-

pauvre en

sans communications faciles

riz,

plus peuplée que sa fertilité ne le comporte. Mais

nous verrons en parlant du commerce conditions

Cjui lui

carrossables

et

denrée

est

celte

du chemin de

surtout

en train de perdre la

augmentée, ne

pour paver

suffira plus

chinoises et alimenter le les

production du

commerce

les

riz,

local. et

ne peu-

le

maïs, ont

créer d'autres ressources en cultivant

un peu de

de l'indigo, des haricots rudimentaire. Mais

ils

et

en

môme

importations

?Sungs qui n'ont pas de rizières

vent guère cultiver en grand que

comment

fer,

sa valeur d'échange.

Dans un avenir rapproché,

Déjà

et des nouvelles

sont faites par l'ouverture des routes

se livrant à

se

coton,

une industrie

sont inférieurs en tout aux Chi-

nois et leurs produits n'ont qu'un débouché local insignifiant.

Pour déjà,

il

éviter

une

crise

faudra donc

Tonkin développent cole.

dont

cjue

et

le

le

mal dont

encore la cause

et

de

fait

sentir

modifient leur production agri-

C'est à l'autorité française

de prévoir

malaise se

nos populations du Haut-

lui

le

qu'incombe

jNlia-què ne

en indiquer

le

la

charge

soupçonne pas remède.


EX TERRITOIRE MILITAIRE

220

de se créer des ressources nouvelles en obtc-

s'ault

Il

liant

produits

des

comme

le

riz,

qui peuvent

Parmi

les

n'entrant

en

pas

concurrence,

avec ceux des contrées plus

favorisées

céder à meilleur compte.

les petites

cultures

du pavs on en trouve peu

qui remplissent ces conditions.

Le coton nain pousse bien mais son rendement est fait insuffisant pour qu'il puisse être question de

tout à

le cultiver

dans un but industriel.

L'indigo réussit mieux

Actuellement

encore.

les

plantations sont limitées aux faibles quantités nécessaires trie

pour teindre

primitive tend,

cotons indigènes. Cette indus-

les

du

devant

reste, à disparaître

importations croissantes d'étoiles fabriquées Serait-il possible d'étendre la culture

de l'exportation?

La canne

à

ne

je

de l'indigo en vue

le crois pas.

seulement à

cultivée

sucre,

plante potagère dont

les

et teintes.

de

l'état

indigènes sont très friands,

les

donne de beaux produits. Le

sucre, sur la frontière

vient de Chine et coûte cher.

Mais

connaissent pas la fabrication

et les

les

habitants n'en

débouchés prévu

ne sont pas suffisants pour rendre productive une ex

En outre, mêmes terres

canne

ploitation de quelque importance.

la

sucre réclame à peu près les

que. le

et ce sont

poniblcs.

précisément

Le

thé,

le

seules qui ne soient pas dis

les

pavot

et le

mater. Le tabac existe déjà

Dang

et

Kv-Lua deux

à

riz

et

tabac peuvent

s'accli-

on trouve entre Don

petites plantations

de thé, assez

fructueuses paraît-il, appartenant à des Chinois.

Toutes ces cultures, porter de plus loin,

comme

le café

essais longs et coûteux.

Il

celles

qu'on voudrait im-

par exemple, exigeraient des

serait intéressant

malgré tout

d'en essayer quelques-unes. Le tabac par exemple

et


AGRICULTURE pcut-ctre

le

pavot à

opium qui

221

se prêtent bien à la pe-

culture et sont de manutention

tite

^lais les

cantons voisins de

facile.

Dong-Dang

ont la fortune

de posséder déjà une plante de bon rapport, connue

et

appréciée des habitants, capable de donner des résultats excellents et dont les plantations existantes fournissent I

!

'

un

stock suffisant pour permettre de s'assurer la supé-

riorité

de production sur

les

régions

cpii

tenteraient de

l'acclimater. C'est la badiane.

Après étude du terrain pays,

il

et

mœurs

des

agricoles

semble pouvé qu'aucune culture ne

du

lui convient

mieux. Tout en cherchant donc à développer quelques plantes annuelles à sucre, la

comme

ou à encourager

badiane que doit

se

le tabac, le

la

pavot ou la canne

plantation

du

thé, c'est sur

concentrer l'attention.

La culture de la badiane peu répandue encore au Tonkin en dehors de quelques cantons (le Chau de

Dong-Dang

un de ceux qui en produisent le plus), mal connue pour qu'il soit utile d'en parler ici avec un peu plus de détails et de rechercher les movens propres à la faire progresser. est assez

est

intéressante et assez

Culture et exploitation de la badiane.

L'huile ou essence de badiane (anis étoile) est duit de la distillation

du

le

pro-

d'un arbre parvenu

fruit frais

à l'état adulte.

Cet arbre à feuillage persistant vert gris, pousse très

grandes proportions.

lentement

Commençant

façon insignillante vers i5 ans, vers

et

peu toufiu, d'un

et n'atteint

il

jamais de

à produire d'une

entre en rapport

18 ou 19 ans. Sa durée n'est pas indétinic

environs de 60 à 70 ans,

il

et,

aux

meurt branche par branche.


22

EN TEKIllTOIRE MILITAIUE

2

On

\v ciilllvo

mêlé

sur

les

pontes des

à d'autres arbres.

mamelons

souvent

boises,

Les plants obtenus par semis

sont mis en terre dans des

ou sous

taillis

bois.

Au bout de

ou quatre ans, il faut ébrancher les arbres voisins pour donner de l'air au jeune plant. L'iiabitude de se

trois

servir des bois

pour procurer à l'arbuste, pendant

premières années, un abri nécessaire contre

un

retarde sa croissance et cause

3o pour loo). siblement

On

les

le soleil,

déchet (environ

fort

pourrait avec plus de soin réduire sen-

les pertes et activer la

La plantation de la badiane Los semis exigent beaucoup de

poussée. est assez dispendieuse.

soins et la valeur

mar-

chande de chaque pied mis en terre peut atteindre trente à cinquante cents (un franc à

La production pas

toujours

un franc cinquante).

rappelle celle de l'olivier et ne correspond

exactement avec

la

période

annuelle.

L'arbre chargé de fruits par une bonne récolte porte il est abîmé par la cueillette et ne donne l'année suivante que quelques fleurs tardives qui tombent souvent sans produire de fruit. Lne récolle

déjà des bourgeons

fructueuse

;

comme celle de 1894 est donc

suivie d'une récolte

habituellement

mauvaise ou presque nulle

comme

en 1895.

Le

au mois d'août

fruit recueilli

dans des appareils très primitifs. béton recouverte d'un l'argile,

dôme en

est distillé sur place

Lne

chaudière en

terre cuite luté avec de

forme l'alambic. Les tuyaux de condensation

et les ajutages sont

souvent en

bambou

assez ingénieu-

sement agencés.

Chaque paysan apporte

sa récolte

au

four banal.

L'essence recueillie dans des bidons en fer-blanc est

vendue au

sortir

ration

répartit

se

de

la

chaudière et

au prorata des

le

produit de l'opé-

apports.

Elle

est


AGRICULTURE par

achetée

223

des Chinois qui parcourent

accompagnés de

coolis porteurs de

les

villages

touques en fer-blanc.

remplissent leurs récipients, pavent comptant

Ils

vont en Chine. Trop souvent, du de

tie

la récolte

leur est

gent. C'est sur sa récolte de badiane,

ïhô emprunte

le

prête car alors prix

cju'il

le

et s'en

une bonne pardue d'avance pour prêts d'arreste,

quand il en a, que Le Chinois s'v

plus volontiers.

prélève les intérêts en nature, pave le

il

veut et réalise de gros bénéfices.

Ainsi exportée, la badiane entre en circulation

com-

merciale par Canton. Elle est recherchée en Europe par

droguerie

la

et la

parfumerie

et s'achète sur le

marché

de Londres. Le picul d'essence (60 kilogrammes)

se

vendait sur place en 1894 de 3oo à 820 piastres (85o à 900 francs).

Il

est

monté en 1896

à

35o piastres (environ

i.ooo francs) ce qui est exceptionnel.

Pour transformer

les

bénéfices incertains des trop

rares propriétaires de badiane en

régulier pour

l'ensemble

du

un produit

pays, trois

sérieux et

choses

sont

nécessaires.

Encourager

la

plantation

Augmenter

le

rendement en perfectionnant

;

la

dis-

tillation: le commerce vers nos ports du Tonkin. Dans un but fiscal on avait primitivement concédé le monopole de la badiane à un Européen. Ce détestable expédient fut dans la suite remplacé par une simple taxe, trop forte il est vrai, et dont l'application mal réglée laisse une large place à l'arbitraire. Actuellement un droit annuel de 25 cents est payé pour chaque arbre en âge de rapporter. Le taux

Dériver

est

exagéré.

Un

pied vigoureux peut dans les bonnes


EN TERRITOIRE MILITAIRE

22^

un

années donner cl

demie ou deu\

bénéfice

piastres.

une

allcli^nant

Mais

piastre

c'est l'exception

;

beau-

coup d'autres, trop jeunes ou trop vieux, ne rapportent presque rien

dans

et

couvre diriicilement Il

s'ensuit (pie

ment

des

les

années mauvaises

récolte

la

la taxe.

nous devons accepter presque

déclarations trop

officielle-

de moitié.

failjles

Cette

situation fausse est aussi préjudiciable aux intérêts

cultivateur qu'à ceux

du protectorat.

du

iNous y reviendrons

en parlant de l'impôt. Les plantations longtemps interrompues par

que de

sécurité

activité.

1890 une certaine

mouvement

qu'il

faudrait suivre et

C'est ce

le

man-

en

encourager par tous

Le procédé

le

avaient repris

les

moyens.

plus efficace serait d'accorder une prime

directe à la culture sous forme,

exonération de taxe,

par exemple,

d'une

au nombre de

proportionnelle

pieds mis en terre dans l'année. Mais

il

faudrait là,

pour é\iter des abus, une surveillance que nous ne

sommes

pas outillés pour assurer.

Le plus pratique !•>

la

De

ramener

à dix

considérable et

On pourrait en rapport

cents au plus. L'elTct moral

le trésor

serait

en définitive v perdrait peu.

au bout de quelques années l'impôt

cliiffre

Donner

est déiinitive.

table et continuel

du lendemain. Or

serait

augmenter ensuite mesure une lormc très ofiicielle

actuel pour

à cette

déclarer qu'elle

la

:

exiger alors l'inscription complète des pieds

et

remonté au 30

serait à notre avis

réduire la taxe dans de fortes proportions et de

Pour

;

le

et

^lia-(pié, le véri-

sujet d'inquiétude est l'incertitude la sécurité et la

confiance sont pour

culture de la badiane plus indispensables que pour


AGRICULTURE

un

toute autre chose. C'est

pour que l'habitant le

se

32 5

placenienl à

terme

loiiii;

décide à en faire les

frais,

il

et

faut

convaincre que de nouveaux changements ne vien-

(h'ont plus enlever à lui travail et

ou

de ses dépenses

à ses enfants le fruit de son

;

3" Distribuer, à titre de secours, des graines et des

plants aux ple,

communes

habitent

pauvres. Les Xungs, par exem-

souvent des terres très propres à cette

culture et l'entreprendraient volontiers

ou de

plants

s'ils

avaient des

l'argent.

Les achats de graines pourraient être

faits

aux com-

munes

riches possédant déjà des plantations

tantes,

en avant soin de

commander

les

impor-

à l'avance et

d'en exi^-er la livraison. Le fruit doit en effet sécher sur D l'arbre

pour donner une bonne graine

difficultés à fournir des graines faire

et

les

produc-

ne consentiraient peut-être pas sans quelques

teurs

aux voisins pour leur

concurrence.

Le procédé

emplové pour

très primitif

ne donne qu'un rendement

faible.

la distillation

Les marcs de badiane

jetés après l'opération renferment encore assez d'essence

pour qu'une tentative

d'utilisation ait été faite autrefois.

Les déchets achetés à bas prix dans

les villages

devaient

être redistillés. Les difficultés matérielles et la méfiance

des habitants ont

Au

fait

avorter

l'alTaire.

lieu de chercher à profiter des

de distillation des indii^ènes,

apprendre de meilleurs.

On

il

mauvais procédés

vaudrait mieux leur en pourrait,

dans ce but,

prêter à quelques villages producteurs des alambics de

bonne

qualité,

analogues

France pour bouillir dans

à ceux qu'on la

campagne

emploie en

certaines fleurs

(comme la lavande). En voyant augmenter le rendement dans une sensible proportion, les autres villages 13.


EN TEIIRITOIIIE MILITAIRE

226

ne larderaient pas à demander à leur tour des appareils convenables dont

ils

pourraient ensuite rembourser la

valeur par annuités.

Une

entreprise industrielle de préparation de badiane

ne ferait pas

ses frais

pour le moment. La distillation coûte

trop peu au producteur pour qu'on puisse trouver dans celle opération la 11

rémunération d'un capital industriel.

faut noter cependant

villages,

pour devenir un

que

l'essence prise dans les

article

commercial, doit être

travaillée et quelquefois rectillée. Peut-être serait-il possible,

quand

production

la

se sera développée, d'obtenir

un produit supérieur, une marque faisant prime, sans augmenter sensiblement le revient défmitif. C'est une question à étudier. sur place et par une seule chaulïe

La badiane

aclielée par les Chinois,

bouillie,

actuellement en circulation commerciale par

de Canton. duit

On

pourrait dériver sur

tel qu'il est livré

exige quelques

Haïphong

ce pro-

au commerce de Chine. Mais cela

précautions.

place, d'enlèvement

entre

la rivière

Le procédé d'achat sur et de payement comp-

immédiat

tant répond trop bien au caractère apathique de l'indi-

gène pour qu'il

soit facile

de l'en faire changer.

faudrait donc se plier aux usages

en relations avec

les petits

un personnel qui opère de la vérité,

la

du pays

et se

11

mettre

acheteurs chinois ou créer

môme façon. On n'aurait,

résolu de la sorte que la moitié

à

du problème

une autre difficulté plus sérieuse se présente. La récolte est presque toujours hypothéquée aux prêteurs d'argent et mangée d'avance. Ce serait s'y et

prendre trop tard que d'attendre tillation

I.

pour l'acheter

le

moment

de

la dis-

^

L'agent européen d une maison J lluïpliong, venu pour


AGRICULTURE

En

loiil élat

de cause,

c'est

227

une opérai ion

de inodltier une liahitude ancienne dans 11

que

nécessaire de n'y employer qu'un personnel

serait

actif, choisi et très

^ ers

dinicile

les campa_i;nes.

le

au courant de

milieu d'août 1890,

Dong-Dang pour

l'alTaire.

un Chinois

se présentait à

compte d'une maison de Hanoï

le

demandant à acheler de la hadiane. Adressé par moi à un notable producteur, il lui offrit sans hésiter 200 piastres du picul d'essence qui en valait à ce moment 55o. Ce n'est point avec des intermédiaires de ce genre que nous attirerons

La

la

badiane dans

le Delta.

véritable culture à encouraofer dans la région de

Dong-Dang

est

donc

la

badiane qui peut arriver dans

suite à transformer sa situation

la

économique.

Les habitants se remettent d'eux-mêmes à planter dès que la sécurité l'avenir.

movens

Il

et

du pavs

faut les pousser

leur permet de songer à

dans cette voie par tous

les

particulièrement en réduisant la taxe dans

de fortes proportions.

Xous avons recherché surtout

jusqu'ici les

moyens

propres à ramener la prospérité chez l'agriculteur indi-

un achat de

m'avait été adressé en iSgô par confirmai dans 1 idée qu il ne ferait rien au moment de la récolle et que le seul système possible était celui de l'aire au cours de Tannée, des avances et des prêts d arircnt remboursables en nature. Il suivit le conseil et avait à la fin de lannée, mis dans le pays lôooou 2000 piastres par lintermédiaire d un chinois de Ky-Lua. Je n'ai pas pu suivre le résultat de cet essai, intéressant cependant et utile à encourager, même dans lintérêt du producteur, à condition que 1 intérêt total prélevé sur l'argent prêté ne dépasse pas au début 20 pour 100 par an pour baisser ensuite aux environs de 12 à i5 pour 100 quand laflaire sera devenue courante et que les risques auront diminue. essaver le

colonel Gallieni.

l^adiane,

Je

le


EN TEIUUÏOIKE MILITAIIIE

228

gône sans

insister sur les lenlalives possibles

de coloni-

sation européenne. Je ne crois pas qu'il soit raisonnable

d'y songer sérieusement.

Le

sol est suffisant

mettre aux races

les

désormais

babilants et pertranquilles,

de prospérer d'une façon normale

s'accroître et le

pour nourrir

locales,

;

de

mais

pays n'oITre au colon européen aucune chance de

succès.

Le

personnel y est impossible

travail

et la

grande

ne pourrait trouver de bénéfices qu'en

exploitation

dépouillant l'habitant. Le thé cependant et peut-être

doivent être étudiés. La réussite est possible

l'élevai^e

mais douteuse du moins pour l'élevage. Les moutons

bœufs dupavs ne reproduisent que médiocrement. Les pâturages sont en outre maun'existent pas et les petits

vais et les

débouchés paraissent insuffisants.

Pourquoi du alors et à

que des

reste, tenter cet effort

en pavs pauvre,

terres fertiles, propres à tout, disponibles

proximité du réservoir inépuisable de main-d'œuvre

(comme

qu'est le Delta

haut Yen-thé par exemple),

le

attendent encore des colons?

La constitution de grandes propriétés avec des colons essais de M. Thomé, auprès

annamites peut réussir. Les de

Lam

tilé,

dans

le

Dong-trien, région analogue au Ven-

sont concluants.

entreprenants qui et le

meilleur

repeupler

Outre

moyen de

hommes

aux

la tenteraient,

ce

que

cette

actifs

les

et

serait le plus sûr

pacifier définitivement et

marges du Delta,

les

bénéfices

les

pourrait donner

exploitation

régions

de

movennes

dévastées par la piraterie. J'ai parlé

d'hommes

drait ajouter est nécessaire

:

actifs et entre|)renants,

pourvus de capitaux

sulfisants.

il

fau-

Tout cela

pour réussir au Tonkin qui ne deviendra


REGIME DE LA PROPRIÉTÉ

229

jamais un cliainp de colonisation populaire. valide petit

mais pauvre,

s'il

L'homme

n'est d'avance fonctionnaire

ou grand, débarquant

pour chercher qu'en France entretenir par

à Hanoï avec ses deux bras mourra de faim plus sûrement moins qu'il ne parvienne à se faire

sa vie, y à

;

protectorat et à obtenir quelque vague

le

fonction dans une administration.

L'argent lui-même ne

pas et beaucoup de ceux

suffit

qui en étaient pourvus en arrivant, l'ont profit. 11 faut qu'il soit

aux mains de colons

mangé «

sans

de choix

»,

de gens qui auraient réussi partout ailleurs.

Ce sont des choses les

utiles

franchement

à dire

un malentendu

répéter pour éviter

Français de France. Les colonies

et à

trop fréquent chez

comme

Tonkin

le

ne sont pas des pays de cocagne où reverdissent

les

Ce sont des champs d'action ouverts aux hommes entreprenants, actifs, pratiques, trempés pour fruits

secs.

la lutte,

— rien de plus.

Dans notre haute

région, ne pensons pour le

moment

qu'à développer l'agriculture indigène. Espérer davantage serait se préparer des mécomptes.

toujours trop rare et

Lidépendamment

main-d'œuvre y sera trop dispendieuse pour permettre

de toute autre considération,

la

aux Européens de prélever sur

le travail

indigène

un

bénéfice suflisant.

REGIME DE LA PROPRIETE

Le régime

légal de la propriété exerce

considérable sur

Ln

la

pays ne peut progresser

la limite

les

lois

une influence

prospérité agricole. et se

qui v régissent

développer que dans le

pouvoir de pos-

séder sont coiiforines aux goûts de ses habitants et


EN TEIUUTOIKE MILITAIRE

23o

La

à leurs besoins.

ap[)ro|)il('(:.s

pour

cliose esl Irop é\ideiile

qu'il soit utile d'y insister.

L'indigène de

la

haute région aime

sa terre, s'attache

à son coin de rizière et désire le posséder.

pour

l'amour du

être propriétaire. C'est

même

tel

(pie

nous

contrées pauvres

que

entêté

Dans basses,

le

sol

11

est fait

pour

lui-

trouvons chez notre paysan des

de France, d'autant plus tenace et

ce sol est plus ingrat.

les plaines riches et

populeuses des provinces

au milieu des immenses

rizières,

toujours sem-

blables et jiour ainsi dire impersonnelles, qui nourris-

sent son village, l'Annamite n'a pas cet instinct de la

propriété individuelle.

donne

11

sa part

de travail

— Son attachement, son

riz.

du

d'un ordre tout dilTérent. C'est

lieu natal

village fait

dans

est

sa collectivité, le petit corps social

partie qu'il

régime de

la

aime

et

qu'il

communauté

qui en souffrent. Ces

il

lois

le il

lui convient.

les ^

dont

ne veut pas quitter. Le

Or, au Tonkin, l'Annamite étant sont faites pour lui et

et

amour

réclame sa part de

le

plus fort, les lois

impose aux races soumises

mal

ajustées

aux mœurs des

Thôs sont devenues une source d'incessantes Autrefois, les villages possédaient

difUcullés.

un domaine com-

munal important et vivaient comme les Annamites, sous un régime tiès rapproché de celui de la communauté. La propriété héréditaire rare.

et

absolue y était chose

Les habitants cultivaient des concessions dont

le

La loi n admet pas en Annam ou au moins n'admet exceplioiuiellcmenl la vente définitive des rizières. La vente liai)ituelle est toujours « à réméré ». Le vendeur conserve la l'acullé du rachat moyennant restitution du prix paye. Celle mesure esl évidemment dictée par le souci de proléger le domaine communal el convient l^en aux terres du Delta cl aux I.

(|u

mœurs

de ses hubilanls.


RÉGIME DE LA PROPRIÉTÉ retour à

coiiiiiniiu»

la

('(ail

incapacllo de

(désliérencc, famille,

etc.

d'aliéner

que sous conditions.

.

et

.)

.

aSi

dans

])r('\u

de

cullure

part de

n'avaient

qu'ils

domaine communal

immenses

terrains

est

la

droit

le

opéré depuis, une importante é\olution

Il s'est

cas

coiialii.s

la

et le

souvent réduit maintenant aux

non

cultivés.

La propriété

indivi-

duelle et perpétuelle devient le cas général pour les terrains réellement productifs.

Ce nouveau régime conviendrait mieux aux mœurs de nos indigènes,

s'il

était

une

sur

assis

législation

appropriée. ^lais ce sont les circonstances locales qui

imposé

l'ont

Le

fisc

et

il

manque de

stabilité.

annamite ne connaît pas

clame toujours en bloc

commune,

le total

les particuliers et ré-

de son impôt à chaque

colleclivement responsable du versement. Or,

depuis une quarantaine d'années, dans les

troubles périodiques,

le

Haut-Tonkin,

la piraterie et l'entretien

l'occupation chinoise épuisaient le pays.

décimée ne parvenait plus que difficilement les terres cultivables.

Les déshérences

et

de

La population les

à exploiter

incapacités

de culture pour certaines familles réduites devenaient fréquentes, alors que les charges allaient en s'aggravant.

Les notables dans l'embaras aliénaient alors, pour les

besoins

vovance,

du moment

les

ou indigènes

une et

et

avec une très grande impré-

biens disponibles à des particuliers (Chinois riches); sous la condition de subvenir dans

projDortion déterminée aux charges de la

commune

souvent de consentir un prêt d'argent. Le capital de

ces prêts n'étant

jamais rendDoursé

se

transformait ha-

bituellement à l'échéance en une nouvelle cession de terre.

La

partie productive

du domaine communal

se

trouva


EN TEHIUTOIIŒ MILITAIRE

232

de

peu

sorte

la

(|iii

à

rité, l'objet

Tous

peu transformée en propriétés privées

leur tour, par suite

{le\iiireiit à

du manque de

sécu-

de fréquentes transactions.

ces contrats,

réel caractère

bien que présentant souvent

de pérennité

tliéoriquement soumis à

et le spécifiant parfois,

qui

la loi

droit de rentrer en possession

laisse

un

sont

au vendeur

le

movennant restitution du

prix pavé. Cette cause générale de caducité dans les contrats est inconciliable

privée. Aussi

dans

la

avec le régime de la propriété plus souvent

restait-il le

pratique

et les

lettre

morte

nouveaux propriétaires purent

se

croire à l'abri de toutes réclamations, jusqu'au jour

une certaine prospérité reparut dans le pays avec sécurité. Les anciens propriétaires ou leurs liéritiers

et

parfois les

communes

movennant un

vinrent alors réclamer le racliat,

prix infime

et

quelquefois 20 ou 3o ans

après la vente, de terrains que la culture et de velles plantations avaient transformés. tait

la

Le

nou-

cas se présen-

chaque jour en 1895. Légalement, ces réclamations moins discutables. En

sont souvent recevables ou au

équité, elles sont généralement injustes et les

nouveaux

propriétaires ne les acceptent jamais sans procès.

Parmi

les

inconvénients résultant de ces intermi-

nables disputes,

le

plus grave est l'incertitude qui règne

sur le droit au rachat. La propriété privée y perd une partie de sa sécurité, sans rendre aux communes les

avantages de

Par

la

communauté.

ailleurs, la reconnaissance

comme

toutes les transactions précédentes, sans lable, aurait ses

délinitive de

examen préa-

dangers en favorisant trop ouvertement

l'accaparement du sol par

les

Chinois

et

en sanctionnant

(piehpiefois des ventes faites contre toute justice et à des

prix dérisoires.


RÉGIME DE LA PROPRIÉTÉ

233

Cela doinando une étude sérieuse. Cliaquc cas parti-

examiné dans son espèce

culier doit être

équité. Mais

ment

nouveaux contrats

les

en

régularisés

ainsi

contre

retour oITensif des mécontents devant la justice

tout

annamite. La

Il s'agit

remanier.

loi est à

L ne autre question doit

et résolu

faudrait pouvoir ensuite garantir sûre-

il

se pose et

mérite qu'on

de l'achat des terres par

évidemment

être

prêteurs d'argent.

les

s'v arrête.

Chinois. Le

Thô

protégé contre la rapacité des

11 est

hon pourtant de ne rien exa-

gérer.

Le Chinois devenu propriétaire isolément

et

vient alors

un colon

au point de vue difhcile de le

sa terre.

intellioent, actif, et 'D"

social.

Au

souvent

s'installe

d'une façon définitive sur

Il

bout d'une génération

distinguer des

autres

de-

peu dissolvant

notables.

il

est

Point

dans ce cas d'avoir recours à des mesures

n'est besoin

d'exception.

Mais dans

cantons de

les

la frontière

il

arrive fré-

quemment que la terre est achetée ou plus souvent saisie comme gage d'une dette non pavée, par des Chinois de Chine qui ne résident pas si

leur

vent

champ

comme

et

est très voisin

métavers

les

font cultiver directement

de

ou conser-

la frontière

anciens propriétaires, en par-

tageant la récolte. C'est alors raître

un

véritable abus qu'on peut faire dispa-

pour l'avenir en déclarant officiellement

illégales

de pareilles ventes, lorsc^ue l'acquéreur ne réside pas au

Tonkin. Pour senties,

il

les

ventes régulières précédemment con-

sera possible d'y remédier

peu

à

peu en im-

posant aux Chinois propriétaires l'option entre

dence au ïonkin ou

Mais

ij

serait sage

la

de

revente

du

sol

la rési-

aux communes.

ne pas brusquer

les

choses et


EN TERRITOIRE MILITAIRE

23i

d'exiger (ju'clles

aux

passent régulièrement en laissant

se

anciens proj^riélaires

rembourser

temps nécessaire pour

le

d'achat

prix

le

et

en

y aidant au be-

les

soin.

au cours de l'année 1895, en répartissant des

J'avais,

fonds prêtés par villages de

aux

protectorat, à titre d'avances,

le

frontière,

la

de ces

spécifié c[u'une partie

fonds serait consacrée au rachat des rizières cédées pré-

cédemment

à des Chinois.

Il

serait, à

mon

sens, très

de généraliser ce procédé, en exigeant qu'une pro-

utile

portion déterminée de la récolte des terres ainsi rache-

pour l'amortissement de

tées fût réservée

paysan

se trouverait forcé

forme donnée au crédit agricole inconvénient faites

plus

le

grave.

aux communes

la dette.

de racheter sa terre lui

ferait

Trop souvent

Le

et cette

perdre son les

avances

aux habitants sont

et distribuées

employées intégralement à manger ou à reconstruire maisons, sans souci de l'échéance.

les

jM'unter aux

Chinois pour paver

em-

faut alors

Il

le

protectorat et la

misère va croissant.

Quoi

qu'il

en

soit,

sans précautions les

il

serait

villages

imprudent d'exonérer

et

les

d'engagements librement consentis.

menter encore leur imprévoyance serait

faut

11

])riélé

peler la

une mauvaise leçon

le

le

et,

et leur paresse.

le

Ce

respect de la pro-

mais ne serait-ce pas

meilleur

leur? C'est

leur devons

;

thôs

d'aug-

donner.

apprendre aux indigènes

des autres

que

à leur

particuliers

On risquerait

moven pour

le lieu

de rap-

cela est de respecter

premier exemple d'intégrité que nous

de toutes

les injustices,

l'expropriation

violente et sans compensation de la terre est celle qu'on

pardoime pas

le

moins. Ce principe n'est malheureusement

un axiome chez

les

Européens quand

ils se

mettent


REGIME DE L\ PROPRIÉTÉ à coloniser.

Sans parler de

comprennent

les

;

Nouvelle-Calédonie

que nous savons

la

façon dont

Arabes en Algérie, et tant d'autres

les

2.35

les

Anglais

le

Canaques en

ont pu se convaincre

aussi à l'occasion civiliser nos conquêtes

« à l'anglaise ».

Ce procédé, non point excusable mais applicable en face de sauvages, n'est pas admissible

ropéen doit

au Tonkin. L'Eu-

contenter des terres disponibles ou se

s'y

décider à payer.

même

Alors

chemin de demniser

fer

les

de travaux publics, d'un

qu'il s'agit

par exemple,

il

me

paraît nécessaire d'in-

habitants lésés par la perte d'une terre de

valeur (rizières arrosables, plantation de badiane,

Les

frais

etc. *).

généraux d'une grande entreprise n'en seraient

pas sensiblement alourdis car ces terres sont relative-

ment dans

rares dans nos parages. la

désert

entre

haute région,

les

ou en pavs conquis.

un mamelon

Trop souvent en arrivant

Européens Ils

inculte et

se croient

dans

le

ne font aucune différence

un

coin de rizière, sans se

douter qu'un remblai de route ou une baraque de surveillant peut couvrir l'héritage de toute

terre j'ai

une

famille.

pour eux ne représente aucune valeur

vu vendre

certaines

parcelles

de bonnes

alors

La

que

rizières à

des prix pouvant atteindre i,8oo à 2,000 francs l'hec-

somme énorme pour un pavs pauvre. Nous demandons à l'indigène le respect des

tare,

I.

Notons que dans certains cas

il

lois et

suffira d'exiger

que

de

le

particulier soit indemnisé d'une façon équitable sur le domaine communal quand il est suffisant. Au point de vue politique, il

une grande dilTérence entre imposer à une commune la charge collective de la cession d'un terrain pour cause d utilité publique ou absorber, sans précaution et sans indemnité, la

existe

terre des particuliers.


EN TEIUUTOIIIE MILITAIRE

230

lajuslico. Doiiiions-lui rc\ciiipl(\

Le prétexte

d'ulililé

générale et de service public ne justifie pas les injustices

du

légales, l'écrasement

iaible.

La

imperson-

brutalité

nelle des organes collectifs de nos sociétés, l'impuissance

même quand il

de l'individu à lutter

cœur des

jettent au

révolte qui se manifestent terribles explosions.

est

dans son droit,

foules ces ferments de haine et de

de loin en

Quand on sème

loin par de

si

on ré-

l'injustice,

colle l'insurrection.

IMPOT

Sans entrer

ici

dans

de l'impôt indigène, je

le détail

voudrais faire ressortir

les

inconvénients

j2;raves

pour

la

haute région d'être soumise au régime des provinces basses.

Il est

peu raisonnable de prétendre imposer sans

distinction à des contrées aussi différentes, les

impôts,

més

les

mêmes

formalités, les

Les

tarifs et la classification

ont été

faits

mômes impri-

des terres adoptés dans

pour l'Annam

du ïonkin. Douze ou quatorze sont soigneusement distinguées laisser

échapper au

Pratiquement

fisc

aucune parcelle du

ces distinctions et

une grande

Delta

sol.

ces tarifs sont tout

à fait inapplicables dans les hautes régions.

s'ensuit

et le

catégories de terres y et tarifées de façon à

interprète à sa façon et les applique II

«

».

les rôles officiels

ne

mêmes

comme

Chacun il

les

l'eutend.

inégalité dans les charges et

une

inquiétude continuelle chez l'habitant.

Dans

le

situation,

iSyô,

but de remédier au danger très réel de cette le

colonel

m'avait

donné

Gallieni,

l'ordre

au commencement de d'étudier la

question


IMPOT de

et

soumettre un projet de ri'nleinentalloa pro-

lui

ment où

il

cette pièce,

oici

bases d'une

les

parue (en février

crois) sous

je

montre à quels expédients il avoir recours pour respecter le sens commun

forme de fallait

possible d'arrêter

serait

d'impôt plus conformes aux besoins du pavs.

assiette

A

manière de procéder jusqu'au mo-

fixant la

visoire,

287

circulaire. Elle

sans porter atteinte aux

formes administratives scru-

puleusement exigées par l'administration centrale

«

Devant

les

:

divergences d'interprétation qui se sont

« produites jusqu'ici

dans l'application, aux rôles d'im-

« pôt, des tarifs officiels,

il

m'a paru nécessaire de régu-

« lariser cette application. « Il

importe de remarquer d'abord que

« catégories

de terrains,

fixées

les

douze

pour l'impôt annamite

«

des basses régions, ne sont pas applicables dans leur

«

ensemble aux impôts de culture dans

«

ofion.

o

«

classe

«

d'herbe

«

sablonneux ne pouvant être employés à

«

novés.

«

la

haute ré-

Pour n'en citer que quelques exemples: la neuvième comprend « les terrains communaux couverts :

et

... de marécages.

de roseaux.

culture ne

«

région où

«

dixième partie de

la

» Il est

la culture.

évident que dans une

couvre peut-être pas

superficie totale,

la

la

on ne peut

«

demander aux communes un

«

d'hectares de « brousse » qui leur sont nominale-

ce

ment «

Il

droit sur les centaines

atTectés.

est fort

difficile,

cadre donné

d'autre part, de faire entrer

«

dans

le

«

le riz

de montagne, l'indigo

les

cultures flottantes, et,

comme

dans beaucoup de

cas,


EN ÏERUITOIUE MILITAIRE

338

maïs. Ces cultures

sont

chaque année en

faites

«

le

«

quantité variable, un peu au hasard dans des défri-

«

chenients souvent abandonnés après une ou

«

récoltes.

«

niunes où ces cultures sont plus stables, d'évaluer

«

assez

«

tés,

«

même

Alors

à

la

exemple dans

«

Cette sixième classe,

la

en

d'alluvion

des terrains pauvres de

«

cliements de bois.

«

rôles ofilciels

«

lité,

«

cultivés et

«

c'est la

«

Toutes ces

ce qui est

maïs

il

ligure).

est planté

mamelons ou dans

dlfilcultés

imposent

le

dans

des défri-

proviennent de ce que

les terrains

normal dans

les

maïs par

spéciiie des terrains

elïct,

plus souvent

«

«

le

sixième classe (la seule où

«

et le

en prenant

inexact,

et

de faire rentrer

lettre,

«

qui leur sont alVec-

terrains

les

injuste

serait

« .choses

dans certaines com-

qu'il est possible

exactement il

deux

les

les

suivant leur qua-

pays complètement

peuplés, alors que dans la haute région

culture seule que peut atteindre l'impôt.

Dans

jusqu'au

ces conditions et

moment où

l'éta-

«

blissement d'un État régulier de

«

permettra d'asseoir l'impôt d'une façon définitive, on

«

suivra pour

«

après.

ce

gène doit poursuivre

«

corvées

«

En

«

«

la

dehors de

la taxe sur la

2° Les rizières

le

remboursement des

;

Les cultures flottantes (maïs, indigo, haricots,

de montagne)

et

;

3'^

/j°

badiane, l'impôt indi-

:

La taxe personnelle

«

«

propriété rurale

confection des rôles les règles ci-

«

riz

la

;

Les propriétés bâties

Taxe personnelle

et les jardins.

el corvées.


IMPOT «

«

Lfi taxe

personnelle

et les

eorvées peuvent

doi-

el

vent être payées par tous ceux qui n'en sont pas

exemptés. L'exemption accpiise aux

« régulièrement

« fonctionnaires et

mandarins

sont

«

titres.

«

]\ungs rentreront dans

«

n'aura

«

communes

Les

« qu'elles

plus

sera limitée à ceux cpii

nommés

régulièrement

ce

«

239

possèdent

et

encore soumises à le

droit

d'inconvénients

leurs

la capitalion

commun

ce

:

même

puisqu'alors

ne possèdent pas de rizières, l'impôt

dra dans leurs cultures flottantes, jardins

les

des

qui

altein-

et villages.

«

3° Rizières.

«

Les rizières sont actuellement loin de figurer en

totalité sur les rôles. Cette fraude générale est

due

ne donnant que tout à

l'assimilation de rizières

à

fait

exceptionnellement deux récoltes, aux meilleures rizières

du

Delta. L'imposition de la totalité des rizières

d'après ces tarifs serait une charge exagérée pour les communes. Jusqu'au jour où il sera possible de vérifier

exactement dans quelle mesure les inscriptions des

rizières sont altérées et

naissance de cause,

il

où on pourra

les inscriptions actuelles fois les chiffres

les taxer

en con-

v a lieu de maintenir les tarifs et

dans leur ensemble. Toute-

de l'impôt de 189^ étant notablement

inférieurs à l'impôt qu'il est équitable de

demander

aux populations désormais tranquilles, on exigera l'inscription de nouvelles rizières de façon à obtenir

une majoration de

i5 à 3o pour 100 suivant les cas,

sauf exceptions justifiées

par

les

circonstances lo-

cales. «

3° Cultures diverses.

«

Les cultures flottantes

tagne, l'indigo et le

telles

maïs sont

que faites

le

riz

de

mon-

en proportions


EN TERRITOIRE MILITAIRE

2/lo

suivant les années. Les terrains qui leur

« variables V

sont

«

position.

alTcctés

changent souvent en étendue

C/est la quantité

moyenne de

faut imposer sans tenir

([u'il

«

ments

«

de l'année précédente pour évaluer

«

qui sera comprise dans

«

entre les récoltes.

On

en

compte des emplace-

«

«

et

ces cultures

cultivés.

tablera dans chaque

commune

la

9*^

sur

la

les résultats

surface cultivée

classe sans distinction

hahiiation et jardins.

«

4^*

Terrains

«

Le

calcul de la surface imposable sera fait en éva-

cl'

«

luant la superficie couverte par chacun des villages

«

de

«

les villages

«

à trois

commune. On pourra, pour

la

ou quatre types pour lesquels

« été fait. Cette façon «

nients,

Dans

«

simplifier,

vu

le travail

la faiblesse

de

la taxe.

la catégorie « jardins » seront

cultures de faible surface,

«

immédiat des

«

dans

«

comprises

dans

faites

Tous

villages.

douzième

aura

de procéder n'a pas d'inconvé-

«

la

taxer

d'après leur importance en les rattachant

ces

le

les

voisinage

terrains rentrent

classe.

«

Mesures spéciales à 1890. Comme il importe que dès cette année, l'impôt soit établi d'après les instructions qui précèdent, les commandants de secteur feront faire le travail par les Tri-Chau après leur avoir donné les indications

«

nécessaires. Ils le vérifieront ensuite et les rôles

«

seront adressés au

«

«

«

«

i5 «

Tong-Doc par

les

Tri-Chau

ne (le

mars au plus tard) qu'après cette vérification. Pour la même date, les commandants de secteur

commandant de

«

feront parvenir à leur

«

observations relatives à l'application des règles ci-

« dessus,

en

même

temps que

les

cercle leurs

modifications qu'ils


IMPOT

2',i

«

auraient autoris;jes en raison des circonslanccs lo-

«

cales. »

Ce modus vivendi, sulTit à ])LTe,' la 1

celte instruction de circonstance

prouver que, pour devenir régulièrement proshaute réo-ion a besoin d'un réoime o D

rent de celui

du

L'établissement d'une

un

exige

travail

à laquelle

dence

il

normale de l'impôt

assiette

de longue haleine. C'est une question

ne faut toucher qu'avec une extrême pru-

et l'étude

L'impôt

officiel dilTé-

Delta.

est

pratique en

est difficile.

certainement

la

base de toute souverai-

neté. C'est le sione matériel de la soumission et sa o rentrée régulière est un svmptôme certain de prospérité.

Mais

il

faut

que

aux besoins du pays table. Cela

l'assiette et

que

en

soit stable,

la répartition

importe plus au pavsan

et le

en

conforme soit

équi-

touche de plus

près que toutes les considérations de nationalité et de patriotisme.

Le détestable système annamite prêtant arbitraires,

forçant

le

manque de

sincérité

à tous les

dans

les

déclarations et rendant impossible toute sécurité pour l'avenir, fut de tout

tude

et

temps

la principale

cause d'inquié-

de défiance chez nos administrés. Chaque chan-

gement de mandarin ou d'administrateur pouvant se traduire par une aggravation de charges, le contribuable vivait dans un continuel souci du lendemain. Dans la pratique, les fonctionnaires français ne vivaient pas assez près des populations pour surveiller

utilement l'établissement des rôles des

communes

était

de négocier avec lui l'impôt Gra>;dmaison.

et la seule

de transiger avec

le

ressource

mandarin

« à forfait »,

local,

moyennant un 14


EN TERRITOIRE MILITAIRE

242

sacrifice jx'cunlairc proporlioiiiir à leurs ressources

à la rapacité

du

ou

inaiiclarin.

Les fonctionnaires Tliùs

et

les

notables ne nous

vus d'abord sans quelque appréhension

avaient pas

toucher ce point délicat.

Ils

redoutaient l'application

des tarifs ofliciels et se tenaient sur la défensive.

Dans

l'impossibilité de contrôler matériellement les

déclarations,

il

des rôles

nos

et

fort difficile d'apprécier la valeur

était

investigations

se

heurtaient à une

insurmontable défiance. C'est après des mois de quentation journalière

que

je

ments

fré-

de tentatives infructueuses

et

pus obtenir des habitants quelques renseigneprécis sur la question.

donner, du

reste,

Ils

ne pouvaient pas

me

une marque plus authentique de leur

confiance.

La promulgation d'un le

pavs,

serait

rôle spécial d'impôt, fait

l'indispensable

réorganisation politique.

Il

v aurait là

sidérable. Sachant désormais sur quoi

appliquer régulièrement des

pour

complément de notre

tarifs

un progrès con-

compter

et

voyant

raisonnables,

les

populations perdraient peu à peu cette défiance, cette

empêche presque toujours de

crainte perpétuelle qui les

renseigner de bonne les

récoltes,

le

foi

nombre

l'administrateur français sur d'habitants,

la

superficie des

terres cultivées, etc.

Sans essayer de tracer

résumons seulement

viendrait de l'appuyer 1°

La région

le

les

cadre d'un scmjjlable travail,

principes sur lesquels

il

con-

:

frontière

doit jouir

d'un régime de

faveur, d'une situation privilégiée en matière d'impôts

pour des raisons politiques sur lesquelles nous ne

re-

viendrons pas. Le mieux serait d'y réduire en principe les charités

au tribut nécessaire de soumission. Le trésor


IMPOT n'y perdrait pas de grosses

2'i3

sommes

et la sllualion

rale Y trouverait de grands avantages

2" face

géné-

;

Dans une contrée où une infime partie de la surdu sol est seule mise en culture, l'impôt ne peut

frapper la terre suivant sa capacité de culture,

peut atteindre que

la

rizières arrosables

et

culture elle-même.

de

la

En

il

ne

dehors des

badiane, les habitants font

surtout des cultures flottantes dans des défrichements

ou moins longtemps suivant leur

utilisés plus

cpialilé,

puis rendus à la brousse et remplacés par d'autres.

La

seule solution équitable est de taxer les rizières suivant

leur superficie et leur qualité, les cultures flottantes en

prenant pour base

très

la récolte

de l'année précédente

Le svstème d'imposition

simple

et très clair

toujours

restera

la

;

et d'évaluation doit être

dans une région où

la sécurité

préoccupation principale

et

il

faudra rendre définitive une administration militaire

un peu rudimentaire et fortement disciplinée: 4" La taxe sur les cultures riches (spécialement

la

badiane) doit être supprimée ou très réduite.

La production de prospérité, régions

;

il

agricole, répétons-le, est le seul espoir

le

faut

seul

moven

d'existence des

en

alléger

les

sera-t-il possible de trouver

peu

à

peu dans

les

de consommation une compensation à ces nécessaires. Mais dans cette voie,

dence

dans

est indispensable.

et la

très

impôts

sacrifices

grande pru-

Toute hâte, toute exagération

les tarifs ferait renaître

tentement

une

hautes

Peut-être

charges.

immédiatement

le

mécon-

contrebande, sources de la piraterie.


EN TERRITOIRE MILITAIRE

2U

INDUSTFilE.

Dans un pavs neuf, pour

Icnlcr avec quelques cliances

de succès une entreprise industrielle,

faut trouver

il

:

Les matières premières;

La main-d'œuvre Des débouchés possibles ;

et

des communications suffi-

santes. Il

me

paraît dlfriclle de songer actuellement à intro-

duire l'industrie dans

région de Langson.

la

Les matières premières sont rares. Pas de charbon, pas de soie, peu de bois

canne

à

sucre à l'état

;

le

coton, l'indigo, le thé,

rudimentairc. Seuls

la

les bassins

miniers vers Cao-Bang pourraient être explorés avec fruit.

faudrait-il y découvrir des gisements très

Encore

riches de

métaux précieux pour qu'une exploitation

sérieuse y put être organisée.

La main-d'œuvre manque complètement point capital. Les habitants réfractaires

au

et

c'est le

sont exceptionnellement

travail industriel. Ils ont recours

pour

leurs besoins de tous les jours aux Chinois et mainte-

nant

parfois,

aux Annamites. Mais

la

main-d'œuvre

devient dans ces conditions, dispendieuse et les ouvriers expatriés vivent

mal dans un pavs qui

n'est

pas le

leur.

Les voies de communication l'état

artiiicielles sont

d'ébauche en dehors du chemin de

son, et dans

une grande

gneuse (dans le secteur de

commvmlcations

fer

partie de la région

Dong-Dang

encore à

de Lang-

monta-

entre autres) les

fluviales n'existent pas.

Ouant aux débouchés commerciaux,

il

serait

tou-


COMMERCE

INDUSTRIE, jours

de

dilTicile

Kong

et

concurrence aux Cliinois à Ilonir-

faire

aux Annamites dans

Delta.

le

Les conditions sont loin d'être provinces basses, richesses

Trouver

isolons

du Tonkin sont

en

riz et

le

production du

la

débouché commercial sont mise en valeur générale de

les

mêmes dans

passant que

les

les

deux

main-d'œuvre.

la

de cette main-d'œuvre,

l'utilisation industrielle

augmenter

a^S

riz

les

un

assurer

lui

et

deux problèmes de

la

la colonie.

COMMEHCE.

Dans la région de Dong-Dang, le mouvement du commerce local s'est toujours porté de préférence vers le

Nord. Les relations

des ports français, et

le

de langue avec

voisine

Chine

du Tonkin le seul

difficiles

peu sûres avec

et

le

élevé des articles d'importation venant

Delta, le prix

voisinage, la

communauté de

race

les

aborio^ènes de la zone chinoise

et

surtout la facilité d'écouler en

produit d'échange courant,

le riz, tout

y

commerciaux avec le bas Tonkin se limitaient jusqu'à ces derniers temps au ravitaillement des Européens et à quelques importations contribuait.

Les rapports

insignifiantes des spécialités les

Par

ailleurs,

fait

les

la

noix d'arec,

les races

de

la

mon-

impropres au commerce. Aussi

Chinois s'étaient-ils créés

Toutes

:

le sel.

nous l'avons vu,

tagne sont tout à les

annamites

marmites en cuivre battu,

un

véritable monopole.

transactions se faisaient par leur intermé-

diaire.

Pour entrer en tonkinois,

ils

relations directes

n'avaient

pu

se

avec leurs clients

contenter d'apporter leurs 14.


EN TEIUUTOIllE MILITAIRE

3',r,

d'une

niarcliandiscs

façon

inlcrniillcntc

avalent

et

depuis longtemps fondé des marchés permanents en

Autour de chacun d'eux s'était formée une ai^'domératlon de marcliands et d'intermédiaires.

terre annamite.

Ces {i

devenus peu

villages, vérilahles colonies chinoises,

peu

plus importants et les plus riches de la région

les

Dong-Dang,

(Kv-Lua, près de Langson,

frontière

Cao-Phong, près de Ïha-Kc, etc.), avaient conquis leur

autonomie face des

une indépendance presque complète en

et

mandarins annamites qui

lement pour \

s'en occupaient seu-

recueillir le trlhut destiné à entretenir

leur bienveillance.

Le chef de par et

les

coni?réii:ation

ou

le

chef de marché

Chinois remplaçait officiellement

administrait

le

village

dont

le

assurait

il

nommé

Lv-Tliruong

lui-même

la

police et l'entretien.

Ces marchés échappant en

chacun d'eux terie

s'était

se traitaient

à toute surveillance,

fait

transformé en un centre de pirales

affaires des

vendait parfois ouvertement des armes

On y des munitions.

bandes. et

La situation s'est heureusement modifiée. A Don":Dong, par exemple, la présence du commandant du secteur et du Tri-Chau indigène qui v résident, l'installation des services publics et d'une garnison relative-

ment importante,

l'affluence des

Annamites venus du

Delta pour chercher leur vie ont transformé

nomic essentiellement cliinoise de la La majorité cependant et la partie population gers.

est

encore formée par

Le chef de marché

est

les

la plivsio-

localité. la

plus riche de la

marchands étran-

dent-ils encore

une surveilhmce

police strictement assurée.

un deman-

nécessairement resté

fonclionnalre local inlluent. Aussi ces marchés très

active et

une


COMMERCE Il

bon de

est

le

2

remarquer, loulefois, ce

',7

serait faire

mauvaise politique que d'entraver leur dévelop-

acte de

pement par des mesures de police excessives ou vcxatoires. Tout le commerce local, toute la vie économique du pavs se trouvent en effet concentrés dans ces marchés autrefois nombreux et florissants. Le village de DongDang,

au dire des habitants

l'on s'en rapporte

si

et

aux

qu'on y rencontre, voilà trente ans, deux ou trois fois plus

traces de constructions anciennes

devait être,

étendu qu'il ne

l'est

aujourd'hui.

L'importance de ces centres chinois suivait naturel-

lement

le

mouvement du commerce local. A l'exception (comme Dong-Lom près

de quelques-uns d'entre eux

de ?Sa-Cham) qui avaient les pirates, vers la

Au

la spécialité

fm de 1898,

ils

d'approvisionner

tombaient à rien.

cours de 1894, dès cjue les populations dispersées

eurent regagné leurs villages

et

que

la sécurité

vée permit

marchés périodiques (généralement tous reprirent

un

retrou-

sur les routes de circuler sans danger, les

un peu de

vie et celui de

les

cinq jours)

Dong-Dang

redevint

centre d'affaires relativement important. Sa situation

est excellente

mètres de

la

;

sur la grande route de Chine à A kilo-

frontière et à proximité des cantons les

plus riches et les plus peuplés de la région.

Pendant l'année 1890,

cette reprise des affaires s'ac-

centuait dans d'importantes proportions. Aujourd'hui, les

produits

du Delta

:

riz,

poisson sec,

sel,

noix d'arec,

etc.. s'v rencontrent en abondance avec les étoffes, les lilés

de coton,

le pétrole

(qui continuent à nous venir

de Hong-Kong par Canton

et

Long-Tchéou),

le

thé et

la pacotille chinoise.

Mais

il

est facile

de voir que nous entrons

une période d'évolution commerciale dont

il

dans

est

inté-


EN TERRITOIRE MILITAIRE

2',8

rossant de connaître les causes et de prévoir les consc([uences.

mouvement

i^c

considérable amorcé par

le

ravitaillement des troupes et les grands travaux d'utilité

publique,

a

l'acilité

par

la

création des routes carrossables

du chemin de

surtout par l'ouverture

et

de Langson

faudrait se G:arder de mesurer les procrrès écono-

Il

miqucs de

la

haute région à l'accroissement des marchés

comme

ceux de

en

de simples échanges entre

effet

Dong-Dang

et

Ky-Lua.

tout à

les

Il

ne

s'agit

plus

habitants et leurs

mouvement de transit affaires est du sur-

fournisseurs chinois, mais d'un

nouveau. Le progrès des

fait

tout aux exportations

du Delta

vers la Chine.

Le

culti-

n'y prend qu'une faible part et avant

vateur indigène

cette activité nouvelle ait produit l'augmentation

que

de travail il

fer

profondément modifié déjà l'équilibre du commerce.

et

de production qui en sera

le résultat final,

soudrira d'une crise économique que son

manque

de prévoyance rendra plus sensible.

d'initiative et

Jusqu'ici le petit excédent de produits agricoles (sur-

tout le riz

et,

pour quelques communes,

suffisait à satisfaire les besoins très limités

par des échanges directs avec

Mais à

un

voici

prix

les

la

badiane)

de l'indii^ène

Cliinoisde la frontière.

chemin de fer couvre le marché de riz qui n'est plus rémunérateur pour le producque

le

teur de la liante région

et

enlève ainsi toute valeur

d'échange à son excédent de production'. Cette dépréciation n'est rachetée par

marchands

substituer au\ (Chinois ne

I

.

Le

riz

dans

duit à meilleur ré;,aons.

aucun bénélice immédiat. Les

et les ouvriers

le

cl

se

consomment pas davantage,

le bas Aiuiam est toujours provendu moins cher que dans les hautes

Delta et

compte

annamites qui essayent de


COMMERCE au contraire, les

et ils

2Vj

ne payent pas plus cher

la

badiane,

porcs ou les fruits.

Pour

tirer profit

un

réserve

d'une voie commerciale rapide

comme un chemin

fort débit,

de

fer,

et à

faut avoir en

il

stock de matières exportables (mines, char-

bon, bois

ou posséder une puissance de surpro-

)

duction que peut seule donner une population très

La région de Dong-Dang n'a rien de tout

dense.

cela et

conséquence immédiate de l'ouverture du chemin de

la

fer

V sera une crise analogue à celle que nos agricul-

teurs de France ont

dont

et

ils

Le mécanisme de

connue

voilà

douze ou quinze ans

souffrent encore. est

toujours

le

commerciale met

l'activité

même. L'augmentation

les

populations agricoles

en contact avec des produits nouveaux qui changent leurs habitudes.

La

n'est plus assurée

dans

du beaucoup

duits directs

plus à

sol.

près,

satisfaction des la

par

les

pro-

Le blé, par exemple, ne présente pour le pavsan français, la môme

importance qu'autrefois dans

la

somme

totale des né-

La transformation des mœurs crée peu peu des besoins nouveaux très réels et qu'il est im-

cessités

à

besoins de la vie

même proportion

de

la vie.

possible de négliger.

Pour que

l'équilibre persiste

duits vendus

traire qui arrive.

de production font perdre

une

que

les

pro-

et c'est le

con-

faudrait

La concurrence des

centres nouveaux

commerciales rapides leur

et les voies

partie de leur valeur et le malaise est

doublé puisque les besoins cettes

il

donnent une plus-value

se sont accrus et

que

les

re-

diminuent.

C'est ce qui va se passer

région.

11

est nécessaire

en augmentant

la

pour

le riz

dans

la

haute

de travailler dès maintenant,

jiroduction agricole

et

surtout en fa-


EN TERIUTOIRE MILITAIRE

35o

vorisanl

dcveloppomonl des cultures

le

nuer ce malaise Mais

il

(ju'il

semble

d'niK» consé(|neiice (ont à fait locale

s'at-it là

sccondairc.de rouverture

et

un point de vue

riclics, à atté-

diriiclle d'éviter.

du clicmin de

fer.

C'est à

plus général qu'il serait intéressant

d'étudier l'avenir commercial et les chances de succès de celle nouvelle voie rapide entre le Délia la fronlière Il

du Tonkin

et

de Chine.

en

était facile

189'), sur le

marché de Dong-Dang

(à i5 kilomètres de la gare terminus et à 4 kilomètres

de

la fronlière),

mouvement.

d'observer les prcuiiers symptômes

J'essaverai

donc d'en

tirer

du

quelques indi-

cations sur la portée de l'enlreprise.

Quand coup

il

raison de débouchés

Extrême-Orient, est

de politique coloniale on parle beau-

s'agit

et avec

l'idée fixe

du

commerciaux. En

colonisateur européen

de parvenir à drainer une partie de l'immense

vement commercial de pour exemple

la

mou-

Chine. Voyons, en prenant

tentative française la plus avancée

la

marche vers le Quang-Si par Langson et Dong-Dang), comment peut se former un semblable courant et quelles difficultés on y rencontre. (celle

de

la

Il s'agirait,

haut

et

dans

d'un peu

l'idée des

loin,

hommes

qui regardent de

de pénétrer au cœur de

la

pro-

du Quang-Si et de déplacer, en lui faisant suivre une ligne beaucoup plus courte, l'énorme vince chinoise

trafic

de

la rivière

de Canton, au i^rand bénéfice de nos

du Tonkin. Sur une carte, cela paraît assez simple dans la pratique malheureusement les choses ne s'arports

;

rangent pas avec

On ment

la

même

facilité.

peut sans peine se rendre compte du bouleversequ'il faudrait

entreprendre dans notre régime de


COMMERCE

25i

droits de douane, de tarifs de ports et

pour obtenir

lage de transports

Sur nos marchés du Haut-Tonkin, factures d'usage courant

:

dans notre outil-

la clientèle chinoise.

manu-

les objets

fdés, pétroles,

étoiles,

etc.,

arrivent à meilleur compte, en dépit de la douane, ve-

nant de Hong-Kong en passant par avons

la

la

région que nous

prétention d'approvisionner, que

de Haïphong. Et

cela, avec soixante

s'ils

venaient

jours de transport

à dos d'homme, alors que les marchanHaïphong peuvent arriver en trois ou quatre jours. Il faudrait vraiment une révolution heureuse mais peu probable dans nos mœurs commerciales pour aller faire concurrence aux marchandises de Hong-Kong sur la movenne rivière de Canton où elles parviennent presque en franchise dans des conditions de bon marché

dont plusieurs

dises de

de transjx)rt inouïes.

Mais alors peut-être pourrions-nous limiter notre ambition à voisine

la clientèle

prise présente les

outre,

déjà sérieuse de la région chinoise

du Tonkin, v compris Long-Tchéou? L'entreune

mêmes

difficulté grave

aléas

;

on rencontrerait, en

d'un ordre

spécial.

Les habi-

tants chinois de la frontière vivent en grande partie trafic

peu le

du

avec nos marchés. Le pays est pauvre, produit

et le transit des

marchandises de Long-Tchéou vers

Haut-Tonkin constitue

cette population

la

principale ressource de

de colporteurs

et

de marchands.

En

même

que nous puissions y concurrencer les articles de Hong-kong, l'arrivée directe de nos marchandises sur les marchés de Chine v produirait une crise admettant

très sérieuse.

La

prospérité apparente produite par les

transactions actuelles avec le

diatement est

et le

Tonkin tomberait immé-

sud du Quang-Si apparaîtrait

tel qu'il

réellement, analogue à nos réi^ions montaj^neuses


EN TERRITOIRE MILITAIRE

252

du Tonkln cliemin de

Dans

et

incapable d'absorber

le cas,

la clientèle

régions,

faudrait,

pour

frontière

aux

fermer

la

Ce

prohibitifs.

mer

débit de notre

improbable j'espère, où nous voudrions

nous contenter de il

le

fer.

lui

tonkinoise des hautes

imposer nos importations,

articles chinois par des tarifs

une déplorable mesure de suppri-» existant déjà avec la Chine on ris-

serait

ainsi le trafic

;

un but de concurrence douteuse

et pour une clientèle insignifiante, de se fermer pour longtemps le marché chinois et de faire souffrir beaucoup des

querait dans

régions qu'il importe de ménager. «

commerce

»,

il

est

Même

en parlant

bon de ne pas perdre de vue que

tout malaise dans la haute région, toute exploitation de l'indigène se traduira par de graves embarras politiques.

La moindre fausse manœuvre de douanes sur nos frontières du Xord ferait immédiatement renaître la contrebande

et

par conséquent

la piraterie.

Faut-il donc déclarer que notre chemin de fer est

une mauvaise

affaire et

que son

transit actuel provenant

surtout de circonstances spéciales (travaux, ravitaille-

ment des troupes), il n'a pas d'avenir commercial? Ce serait exagéré mais, à mon sens, il est condamné ;

pour longtemps

à des visées plus modestes.

son premier fret commercial

ïonkin a,

:

du

sel,

du poisson

Quel a été

Les produits du bas

sec et surtout

du

riz qu'il

début, jetés sur nos marchés. Son avenir est

dès

le

Le

riz

;

là.

coûte régulièrement 20 à 3o pour 100 plus

cher dans l'intérieur

Tonkin

')

le

du Quang-si que dans

pouvoir absorbant

sont très réels. C'est en outre

le

Delta

du

est illimité et les besoins

un mouvement

existant

déjà qu'il s'agit seulement d'augmenter et de régulariser.

Le premier

et le

plus remarquable résultat local


COMMERCE do l'ouverture du clicniin de

quelques semaines

de décupler en

fer a été

marché du

le

253

riz à

Dong-Dang.

Du

vendu par voitures entières au lieu de se débiter à la mesure ou au picul (balles de ()0 kilogrammes) Les acheteurs chinois utilisaient pour l'enlever le bout de route carrossable que nous avons

jour au lendemain,

s'y est

il

.

mené

jusqu'à la porte de Chine, où

ils

le

chargeaient

en convois à dos d'homme. Cette activité immédiate, ce soin de profiter jusqu'au

bout des voies de communication nouvelles

est

un

indice

sérieux et qu'il ne faut pas négliger. Si nous arrivons à

fournir régulièrement le riz sur les gros marchés de

Chine, à cjuelques centimes de moins actuellement,

la

cju'il

n'y coûte

fortune de notre chemin de fer paraît

assurée.

La chose ter ce

mais

est possible

mouvement

nous faut devenir

à

augmentera

de quelques

importe de ne pas limi-

fournisseurs de riz attitrés

les

Quang-si. Le Tonkin n'y il

il

une exportation intermittente. suffit

pas actuellement mais

sa production et

en attendant, au prix

de douanes, attirons en cas de

sacrifices

besoin nos riz de Cochinchine ou voisins (Siam, Java,

créer

dans

le

Il

du

Delta

même

ceux de nos

Birmanie

)

un marché

pour

considérable où les

Chinois du Quang-si prennent l'habitude de s'approvi-

— Le

sionner régulièrement.

fret

de retour ne

man-

quera pas, car la Chine surabonde de produits exportables et la clientèle est illimitée.

Voilà

comment je comprends la

création d'un premier

courant commercial avec la Chine. \ous avons tout dans la

main pour

le créer.

En

y mettant ensuite un peu de tarifs cjui semblent éta-

bonne volonté, en modifiant ces blis

pour

faire déserter

Gkandmaison.

nos côtes, nous amènerons 15

les


EN TERRITOIRE MILITAIRE

204

Chinois riz.

à

nous doinandcr dans

Le plus pressé

déplorable ré[)utation.

au long cours

de

serait

la sullc

du

antre cliosc que

perdre à nos ports leur

l'aire

Un capitaine américain voyageant dans je ne

et traitant

sais

plus quelle revue

une question commerciale, prétendait, en exagérant peut-être un peu cju'ayant visite mais pas beaucoup

successivement

Haïphong,

il

les ports

avait

de Yokohama,

dû paver i6o

premier, i6 francs dans le troisième. Il ajoutait

:

second

le

On

«

Hong-Kong

i,6oo francs dans

et

ne m'y reprendra pas.

Jusqu'au jour, lointain peut-être, où

mieux

accueilli,

aura repris

et

francs de droits dans le

le

le

»

commerce,

chemin trop oublié de

nos ports coloniaux, toute tentative de fourniture en Chine, toute concurrence aux importations de

Kong dans le

le

\un-Xan)

Quang-si est

impossible.

]Notrc

Langson peut vivre malgré tout nos

riz et

de

(et bientôt

la

chemin de

un

pis aller

;

fer

de

à la condition d'attirer

nos produits indigènes par des

nables. C'est

Hong-

Birmanie dans

mais

il

tarifs

raison-

faut bien s'en con-

mieux faire pour le moment. Nous avons demandé déjà pour les régions de la frontière une administration simple et bien disciplinée entre les mains d'une autorité forte qui sache, en pré^ tenter ne pouvant

parant leur bien-être, s'assurer

le

concours des habi-

tants.

Sans industrie possible, habitée par une population tranquille mais peu dense et paresseuse, ne possédant

aucun produit d'exportation,

la

région de

Dong-Dang

n'a pas d'avenir commercial. Les races indigènes

vent cependant

s'y

développer

et atteindre

prospérité suffisant à leur ambition.

peu-

un degré de

Nous avons vu

à

quelles conditions.

La

situation nouvelle faite au

commerce

local par


GOMMENT EXPLOITER LE TONKIN? l'ouverture

du chemin de

255

poussée grandis-

fer et la

sante des Annamites vers la frontière occasionnera

une

moyen

d'y

crise

économique peut-être grave. Le

remédier

d'encourager dans une large mesure

serait

production

seul

la

développement des cultures

agricole et le

riches. Il

S'il

faut citer à part la hadiane qui a fait ses preuves.

d'en généraliser

était possihle

culture

la

pays

le

pourrait se transformer dans l'avenir.

La colonisation ou l'exploitation

directe par les

Euro-

péens dans nos contrées ne peut vivre qu'en dépouillant les

hahitants.

Même

h ce

prix

la

réussite en

serait

douteuse. C'est

donc

à la prospérité et

que doivent tendre nos sance tranquille travail,

bien-être

Assurons-lui

que peut

la

jouis-

procurer son

lui

amenons-le peu à peu à augmenter ce bien-être

en dirigeant

mieux

connaissances et ciales.

du

aux progrès de l'indigène

eiTorls.

Il

en

ses

efforts,

en développant

facilitant ses relations

deviendra un auxiliaire sur

et

ses

commer-

dévoué sur

lequel nous pourrons compter en toutes circonstances et

nous aurons rempli notre tâche dans

J'ai, à dessein,

au

territoire

instant

cet

la

haute région.

limité cette courte étude

de Lan^son. horizon,

économique

Je voudrais, élargissant

montrer comment

un

les principes

qui nous ont guidés dans cette excursion locale peuvent s'appliquer à l'ensemble

du Tonkin. Ce m'est une occaune fois de plus et

sion, volontiers saisie, de les définir


EN TERRITOIRE MILITAIRE

25n

de leur demander, en terminant, quelques conséquences pratiques.

Notre grande erreur coloniale

est

ploiter nos conquêtes avant maturité.

nons

à chcrclier

de prétendre ex-

Nous nous

obsti-

un immédiat débouché pour nos pro-

duits métropolitains dans des contrées qui ne peuvent

absorber parce qu'elles ne produisent pas. Il

de

faut pourtant semer avant de récolter et grefîer avant

cueillir des

tueusement de ciels

fruits.

tirer

Au

donc d'essayer infruc-

lieu

du Tonkin par des moyens

de problématiques bénéfices, ne serait

d'en faire d'abord

prospère

la

artifi-

pas sage

un pays économiquement vivant

et

?

Mais nos capitaux sont méfiants aussi,

-il

sommes-nous impuissants

et

nos colons rares

à opérer

;

nous-mêmes

transformation matérielle indispensable pour rendre

Tonkin capable de produire mesure suffisante. C'est donc aux habitants le

et

d'absorber dans une

dirigés et instruits qu'il

faut confier le soin de ce nécessaire progrès.

Ce raisonnement nous ramène à

la

double consé-

quence déduite, au début de ce volume, de considérations 1°

un peu

vail social

de

différentes

:

Notre premier travail au Tonkin doit être un tra;

Dans l'aménagement économique

la colonie,

il

et

commercial

ne faut considérer d'abord que

propre, la traiter en pays libre et agir dans

le

sa vie

seul in-

développement et de sa prospérité. L'examen du premier point m'a fourni la matière presque totale de ce livre. Le second pourrait, à mon térêt de son


COMMENT EXPLOITEU LE TOMvlN

357

?

sens, servir de guide dans l'étude de toutes les questions

du pays. ïonkin gagnerait

qui touchent à la mise en valeur S'il est facile

émancipation,

de voir ce que il

le

à cette

malaisé de comprendre ce que

est plus

pourrait v perdre la France.

Prétendre, à l'aide de

tarifs

douaniers, faire absorber

dès maintenant nos produits français par les indigènes, serait

une dangereuse

illusion.

Les Annamites produisent à peine de quoi suffire à leurs besoins très limités. Est-il plus raisonnable de

une complète

marchander

liberté de fabriquer,

nuire aux industriels de France

diflicile

la crainte

de

L'écoulement des pro-

?

duits manufacturés par les pays à

de jour en jour plus

à notre colonie

dans

monnaie

chez

d'or devient

peuples à étalon

les

blanc.

?sous

ne vendons rien en Extrême-Orient,

surplus,

si

nos industriels

tonkinoise sur les

marchés asiatiques,

fabriquer au Tonkin

comme

— Au

craignent la concurrence

Au

Indes, pour vendre en Chine.

cju'ils

aillent

Anglais fabriquent aux

les

cas

certains pro-

duits viendraient déprécier nos marchandises de France

sur les marchés européens, fermons-leur ces marchés.

Rien de plus juste

et le

peut acheter à ce prix

Tonkin ne

s'en plaindra pas

Toutes nos idées sont faussées, du obsession

de lucre immédiat.

On

marque curieuse dans l'importance (théoriquement,

il

s'il

la liberté industrielle.

est vrai)

reste, par cette

en peut voir une excessive accordée

aux questions de

Les colonies réduites à un port,

transit.

comme Hong-Kong ou

Singapour, n'avant pas d'autres movens d'existence, vivent de transit. Mais, il

pas

quand

il

s'agit

du Tonkin,

n'est-

surprenant parfois d'entendre surtout parler


EN TERRITOIRE MILITAIRE

258

d'exploiter lo

quinze

Yun-\an

vaut cependant

que pour

Un

pavs peuplé de douze à

peine qu'on s'en occupe.

la

s'il

était

possible de

semble

production locale

et

un pont

jeter

Yun-Xan-Fou. Le

Ilaïpliong et

une

Il

certains, la colonisation serait achevée et le

but atteint

paraît

?

millions d'habitants, riche et facile à exploiter

de lui trouver des débouchés

autrement intéressante

affaire

entre

soin d'augmenter la

Admettons donc, pour un moment,

le

Tonkin

libre

indépendant. C'est un pays bien doué, capable,

et

me

et pressée.

s'il

bonne figure en Extrême-Orient. Quels moyens va-t-il employer pour y est

judicieusement conduit, de

parvenir

?

Vraisemblablement,

quer

il

voudra produire

et

fabri-

:

Ce

ment

qu'il

consomme lui-même

à ses voisins

Ce que

acheter 3°

faire

achète actuelle-

et

;

ses voisins

absorbent

et

sont disposés à lui

;

En troisième

ligne seulement, ce qu'il peut espérer

vendre en Europe.

Car

si

ce trafic

est aléatoire.

promet de gros

L'Europe

bénéfices,

se défend, la partie

la réussite

économique

y est âprement disputée et le jeu serré. Il est donc normal de baser la prospérité d'un pavs neuf sur des opérations moins fructueuses mais plus sûres.

Dans

cette voie, l'agriculture tient la

première place,

puis viennent l'exploitation des richesses dustrie. Or, et les

nous l'avons reconnu,

les

du

sol et l'in-

colons sont rares

Français clair-semés pour longtemps e-ncore en

Indo-Chine.

Ce sont donc

:

l'agriculture indigène (le riz en pre-


COMMENT EXPLOITER LE mière ligne),

les exploitations

premières sources de

que

qui doivent devenir

sa prospérité.

pour prévoir une trop

Est-il besoin de spécifier,

critique,

25.j

?

indigènes (pèche côtière,

salines, etc...), l'industrie indigène les

TOMvi:<

mon intention n'est point du

facile

tout d'amoin-

drir l'importance des entreprises françaises, des cultures

que rien

riches, des grandes exploitations? Je voudrais

ne fût épargné pour leur ouvrir nos possessions neuves y faire une très large place.

et leur ici

d'établir

que

cette place

s'agit

sur la production, sur

ses lignes

programme. Observons

ment que pour coordonner ses travaux, pour à

première

indigène.

le travail

n'est pas le lieu d'aborder, fût-ce dans

générales, l'étude de ce

peu

seulement

la

de mise en valeur doit être fondée

et cjue toute tentative

Ce

Il

ne doit pas être

peu raisonnablement et rendre moins improductifs

ses efforts, le colonisateur doit

s'imposer deux tâches

d'ordre différent et d'importance prescjue égale 1°

Un

travail social et administratif (qui,

prime toute autre préoccupation) 2°

L'aménagement du Tonkin,

les

gneuses

et

de l'outillage

commerce.

plaines vivantes et fertiles

sont difticilcment comparables les détails

de

la

:

au début,

;

sol et la création

nécessaire à l'exploitation et au

Au

seule-

les orienter

du Delta

aux contrées monta-

colonisation

doivent

être

soigneusement appropriés à chaque milieu. Mais principes qui

la

dominent ne changent pas

nous avons demandé pour

les

réclamer pour l'ensemble de

Pour en

faire la

preuve,

il

hautes régions,

suffit

il

faut le

de rappeler

social et administratif:

Tranquillité assurée.

ce C|ue

la colonie.

urgents de ces desiderata.

— Au point de vue

les

et

les

plus


EN TERIUTOIUE MILITAIRE

36o

Asslctlc de l'iinpôt

ment

direct très stable et judicieuse-

équilibrée.

Prudence extrême dans l'établissement des taxes de culture et des impôts indirects.

Enseignement agricole et industriel. Encouragements directs à la culture. Secours,

essais,

expositions, publicité.

Régime de absolu de

la

propriété assis et bien assuré. Respect

la

propriété indigène.

Grande simplification

et

libéralisme dans le régime

administratif des concessions, des exploitations et des entreprises industrielles.

Frontières et ports largement ouverts au commerce.

Régime douanier

réduit, en grande partie, à la protec-

tion des produits

que

Tonkin peut fabriquer

le

lui-

même.

S'il s'agit

de l'aménagement du

sol et

de l'outil-

lage à créer, c'est dans l'intérêt de la production locale et surtout

du développement de

vent être menées

les

l'agriculture

premières entreprises

que doi-

:

Irrigations, protection contre les inondations, naviga-

tion intérieure, routes, cliemins de fer.

Les communications rapides sont primordiales, per-

sonne ne

énorme

le

conteste. Mais

et c'est là

leur prix

de revient

est

surtout qu'il faudrait procéder avec

métliode.

Les cliemins de

fer

du Tonkin doivent répondre

à

de

multiples conditions qu'il semble naturel de grouper ainsi par ordre 1°

Répartir

d'urgence les

:

ressources

disettes, égaliser les cours et

du pavs pour permettre

aux

éviter

les

liabitants,

sûrs d'être approvisionnés en tem|)s utile, de spécialiser

leurs exploitations suivant les régions

;


COMMENT EXPLOITER LE TONKIN Drainer

2"

les marelles,

produlls exportables, approvisionner

los

donner des déboucliés en Chine

Assurer

3*^

le

261

?

;

produits chinois par

des

transit

du Tonkin. Quant à l'outillage maritime,

les

ports

notons seulement qu'il

fort

est inutile et

important lui aussi,

onéreux de

le créer

prématurément au delà des besoins. Quand le pays remplira ses docks et couvrira fussent-ils

en bois

comme

de marchandises

à Singapour,

il

ses quais,

ne sera plus

nécessaire de subventionner à grands frais des lignes de

navigation qui ne font rien.

Répétons-le donc une

encore

fois

au développement propre du pays, la

production indigène, à

cessaire

pour favoriser

;

de l'outillage né-

la création

cette

en somme,

c'est,

à l'augmentation de

production

et

l'exporter

qu'il faut consacrer nos efforts.

La France terres

;

elle

n'a pas besoin de conquérir de nouvelles

ne peut pas

les

peupler. Ce sont des marchés,

un un marché. lourde, un luxe que peut

des centres d'activité extérieure qu'il lui faut. Mais

pavs qui ne produit pas n'est pas

-

C'est

justifier la rale,

une charge

très

préoccupation légitime de l'expansion

mo-

mais que ne nous permettrait pas notre situation

de fortune,

s'il

temps de

n'était possible avec le

le trans-

former en un placement avantageux.

Une

évolution

se dessine,

très

heureuse, dans

sens. Constatons cet indice rassurant

d'étudier le passé

sans trop

;

il

d'amertume

regarder plus coniiants l'avenir.

ce

nous permettra et

nous

fera


CONCLUSION.

Voici la dernière page de ce livre. Je crains d'avoir

mal rempli

tâche que je m'étais tracée.

la

On

risque

toujours, en supprimant les accessoires, en négligeant le détail

vu

et

la

note pittoresque, de faire perdre à

la

pensée sa valeur exacte, sa teinte précise. L'impression

complexe

et

profonde que j'aurais voulu rendre assez

vivante pour la

faire partager,

se

dégage confuse et

sans relief de ces notes trop hâtives.

En

colligeant les points noirs

pour y chercher des les ombres du ta-

enseignements, en ne copiant que

ne

bleau,

les indécis,

me

suis-je pas

de dégoûter

désir eût été de leur

Tonkin S'il

mis dans

le cas

de décourager

les indifférents alors

que

mon

donner conhance dans l'avenir du

?

en

est ainsi, je regrette

de ne point avoir su en-

châsser les idées que je prétendais défendre, dans

cadre plus riche et plus plaisant.

trouvé

le loisir

poiu" y reposer

Comment

un

n'ai-je pas

de peindre ces belles plaines du Delta

mon

lecteur fatigué et le réconforter

au

spectacle de l'activité et de la vie qui débordent des

innombrables

villages cachés

dans leurs bosquets dç


CONCLUSION

bambous au

feuillage grcle et

263

comme

semés

verts sur l'océan des rizières inondées

Comment

n'ai-je pas

môme

tenté de lui faire sentir

charme de nos régions montagneuses en

le

des îlots

?

menant

le

parles étroits vallons où, sous renclievètrement des rotins

épineux, courent

les

arroyos naissants. Nous aurions

pu

gravir ensemble les rochers déchiquetés, explorer les

cirques sans issue, les cavernes cachées dans l'ombre des bois profonds et admirer

un admirable

par

comment

artifice

le

Créateur

l'horreur de ce chaos sous la richesse

verdure dont Il

l'a

le

brume

la

sage et

matin dans

ces gorges étranges, à l'heure

laiteuse dissimule encore le détail

résume

le

du pay-

dessin de sa puissante architecture.

Les premiers raA ons du le

du manteau de

revêtu.

y avait des sensations d'art exquises à recueillir en

s'enfonçant

il

plu

s'est

de son génie à transformer

soleil

viennent bientôt

faire vivre

décor, ciseler les reliefs, animer les tentures de feuil-

lage et d'incomparables végétations qui drapent les flancs

roux

si

curieusement ouvrés des

un émerveillement de

falaises à

pic.

Et

c'est

du jour, au

suivre avec les heures

milieu de l'inattendu des formes, l'inépuisable variété des teintes et la gradation délicate des tons gris bleuâtre des départs las

traînant sur le chemin

du retour depuis ;

de cobalt que plaquent sur lourd

soleil

de midi,

;

depuis le

jusqu'aux grandes ombres

les

la rizière trop

li-

les taches

verte,

au

branchages immobiles, jus-

qu'aux rayons carminés effleurant

la

pointe extrême

des hauts rochers broussailleux qui découpent au cré-

puscule leurs silhouettes violet sombre sur

d'un

ciel

le

fond lavé

couleur de turquoise morte

Je n'ai pas dit l'irrésistible attrait de cette vie

de


E> TEIIKIÏOIRE MILITAIRE

2G',

coMunandanl de

secteur, la jouissance profonde de pro-

duire soi-même, de récolter ce qu'on a semé, de tra-

sentiment, lourd quelquefois

vailler sur des réalités: le

mais toujours de tous

fortifiant

les instants

ment qu'on

pour l'àme, d'une responsabilité qui vous prend, l'attache-

l'intérêt

;

une population

sent croître en soi pour

simple, respectueuse, faite pour la paix, qui se rap-

proche peu à peu J'aurais

de

«

ciale

affection

la

que

pas oublier

et s'apprivoise.

signaler au mois cette camaraderie spé-

brousse fait

estime réciproque, cette

», cette

une

naître

pareille vie partagée et

les collaborateurs, les

ne

amis de Dong-Dang,

ne fùt-cc que pour reconnaître, sans espoir de m'en de

acquitter, la dette

reconnaissance

que

con-

j'ai

tractée.

Le lieutenant Colombat, le

plus utile

brèche;

de mes

le

plus fidèle, le plus

compagnons. Toujours

administration,

routes,

actif,

sur la

co-

reconnaissances,

lonnes, combats, jardinage, tout lui convient pourvu qu'il se dépense.

Le lieutenant Seidenbindcr, toutes les besognes

agent-voyer

et

utiles.

mon

autre bras. Prêt à

Comptable, entrepreneur,

bien d'autres choses encore,

court pas après

Le lieutenant

quand

Fialix,

son activité calme

et

un sa

fidèle

du

secteur, exerçant

— C'est

Le lieutenant Bondonneau gardé seulement

Et

et

peu

méthode.

sa

nécessaire pour apprécier sa valeur et laissé

ne

fermeté tranquille dans son

gouvernement de Na-IIan. Beaucoup de besogne de bruit.

il

les pirates.

le

temps

sentir le vide

par son départ. tant d'autres,

grettés

chefs respectés

ou camarades re-

Et cette belle troupe de

la

Lé-


CONCLUSION

265

gion qu'on ne peut oublier quand on a eu l'honneur de

commander ailleurs que sur les glacis de Bel-Abbès. Bon à tout, prêt à tout, s'accommodant de tout,

la

légionnaire

le

dans

brousse n'a

la

qu'on

Maçon, charpentier, ouvrier en

il

va.

le

en

traite

chantier, commissaire de police

son pareil

pas

homme

pourvu

et

qu'il fer,

le faut,

s'il

il

sache

chef de se re-

trouve au premier signal, malgré ces avatars passagers, l'admirable soldat qu'on connaît, portant toujours en

mordant, ce mouvement en avant, ce besoin de

lui ce

marcher sur

on

fait

l'obstacle, cette tension vers

l'ennemi dont

avec raison la caractéristique, la vertu première

d'une troupe de combat. Il

faut vraiment

que

le

métier militaire libreinent

accepté et trempé par l'action nourrisse le

germe de

vertus très hautes. Quel stimulant, quel idéal peuvent

amener

le

jamais?

Serait-ce

l'appas

quelques médailles

ou

l'espoir

pavé

une bravoure habituelle qui va un dévouement qui ne calcule

légionnaire à

jusqu'à l'héroïsme, à

de sa

maigre

Mais à quoi bon ces digressions tardives?

Il

n'est plus

constaté que

le

service?

élaguant les détails, alléger

J'ai

les

de mourir de faim quand on l'aura jeté sur

comme impropre au

amoindrie.

solde,

parcimonieusement distribuées

si

ma

thèse,

J'ai

cru en

peut-être l'ai-je

temps de mieux

nous colonisons

faire.

très

mal. Nos

œuvres d'expansion portent toutes coinme une marque de décrépitude,

comme un symptôme de fatigue et d'imEn pratiquant la colonisation, en

puissance à produire.

vivant au contact des races indigènes,

j'ai

acquis la

conviction que ce sont les forces morales malheureuse-

ment

trop méprisées, qui seules pourraient rendre

un


EN TERRITOIRE MILITAIRE

2GG

peu de

vitalité à

traditions,

nos entreprises. C'est

aux métJiodes nationales que

le

j'ai

retour aux

demandé.

Les Aniïlais sont des orijanisateurs de premier ordre et

nous aurions besoin trop souvent de nous mettre à

leiu' école.

me

Je

seulement contre l'anglo-

suis élevé

manie, contre l'humiliante habitude que nous avons prise de

marcher toujours

Anglais quand

il

s'agit

remorque de quelqu'un

à la

de colonies, Allemands

s'il

:

est

question de choses militaires. Or l'expérience est

pour démontrer que nous sommes de mauvais copistes.

Nous n'empruntons

à nos

modèles du moment que

au

appropriés peut-être

des formes, des simulacres,

génie propre de ceux qui les ont inventés mais

le

plus

souvent détestables entre nos mains parce qu'ils accentuent nos défauts

et

nos faiblesses, qu'ils compriment nos

instincts de race et laissent sans emploi les réserves de

productivité très réelles quoi' Si

qu'on en

que nous possédons encore

dise.

nous voulons mieux

faire,

il

faut redevenir

Fran-

çais.

En

^I. Demolins sur la Edouard Drumont dit

discutant les opinions de

supériorité des Anglo-Saxons,

excellemment dans un

article récent:

ont à l'heure actuelle une

« Si les

Anglais

telle supériorité sur

nous, ce

n'est pas parce qu'ils sont Anglais, c'est parce

que nous

avons cesssé d'être Français.

La France

On

les

— C'est mon

avis.

deux qualités de fond, deux

avait autrefois

vertus qui suffisaient à tout

»

:

la

générosité et

Français de bonne race, mais

la

masse,

le

sens.

les

le

corps social

semble avoir perdu ces deux marques d'élect ion dans

bon

le

retrouve encore souvent chez l'individu, chez

.

S'il

entre

desseins de la Providence de rendre à la France,


CONCLUSION

2()7

sur les autres nations, la supériorité matérielle et morale qu'elle a

si

longtemps gardée, nous connaîtrons que

cette renaissance est proche

en voyant chacun des actes

de son expansion reprendre ce double caractère rosité

dans

la

conception,

cution.

FIN

bon sens dans

:

génél'exé-



TABLE DES MATIERES

Pages.

Avant-Propos

v

Chapitre premier.

impossible dans l'examen des cir-

11 est

constances qui nous ont amenés au Tonkin de découvrir une ligne de conduite arrêtée d'avance. La France a conquis l'Indo-Ghine, en dehors de tout calcul, pour obéir instinctivement à son rôle traditionnel. Preuve his-

— —

torique

Chapitre

5

Les

locales n'expliquent pas, au Tonkin, nos longs insuccès. Ils tiennent à une erreur de principe. Nous voulons exploiter à l'anglaise au Heu de civiliser. — Résultats nous n'avons su inspirer confiance ni aux indigènes, ni aux colons, ni aux capitaux. Vices administratifs. Exemples II.

difficultés

:

Chapitre

111.

Causes. hostilité

Insuccès de

Instabilité

de

dans

La

— Irréconciliable — Moyens pratiques pro-

religion, la langue,

l'instruc-

Conclusion; Civilisons nos conquêtes

52

— Organisation des hautes régions dans ports avec générale. — Politique des

Chapitre IV.

ses

la pacification

Situation dans

Chapitre V.

la

région de Lang-Son en

Lutte contre

occupation militaire.

la

piraterie.

fin

mement

rap-

races,

i8g3.

.

.

Ar88

des villages

politique.

Rapports avec

78

Organisation et

Relations avec les Chinois.

Utilisation des habitants au point de vue militaire.

Chapitre VI.

27

indigène.

la direction.

la classe instruite.

pres à y remédier. tion.

notre politique

les

— Régime militaire

habitants. et

régime

— Organisation civil.

à prendre pour rendre les résultats définitifs

— Mesures

13G


TABLE DES MATIÈRES

.>.~o

Chapitre VII.

Importance de

l'installalion

matérielle.

— 193

Constructions et roules

Chapitre VIII.

L'occupation complète des hautes régions

— Caractère

était-elle nécessaire?

ture.

gime de merce.

Possibilité

la propriété.

Impôt.

— Comment exploiter

TYPOGRAPHIE DE

— Agricul— Ré-

le

Industrie.

Tonkin?

Com214 202

CoNCLUSiON

PARIS.

du pays.

de colonisation européenne.

E.

PLON, NOl RRIT ET C"\ RUE GARANClÈRE, S.


\

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Q U

A^N^G

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^^—^ Taï-Ping-Fou

Afa-C/j^

-

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7X E la-Yang

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M

P

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*Bao-Lac

^Bac-Quan

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Hung-Hoa

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Son^ajr^

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CARTE DU TONKIN Échelle UO

60

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^Bdta

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=Cb.emin de fer

o -„-de2^ordre

%

Limite d'État Capitale

Ville importante

• Localité moins

imp^ etposte

Nil

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^hai-Nguy>n (Phu-Dhan

80

^

«^

Bao-Ha

_--^

'^^^^

v


.^^Nacham

r^ACHAM

SECTEUR

DONG-DANG PARTIE de

VOISINE la

FRONTIÈRE DE CHINE




4

A LA MÊME LIBRAIRIE

;

Tonkin. L'n an chez les Muonfjs. Souvenirs d'un par Frédéric Gahcin. Un vol. in-18 avec cartes et gravures. Prix 4 fr.

Au

officier,

'i'> 'i'> >i-^

Les Routes commerciales du Yunnan. province chinoise au nord du Tonkin, par V. Hoski.er, colonel du génie. Extrait du Geographisk Tidshrift, publié par la Société royale danoise de géographie. Une brochure iii-80, avec une carte coloriée. Prix 2 fr.

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Laos, par le D' E. Lefèvre, membre de mission Pavie. Un vol. in-18 avec trente-deux gravures et une carte. Prix 4 fr.

la

Au Tonkin

et dans les mers de Chine. Souvenirs et croquis (1883-1885), par M. Rollet de l'Isle, ingénieur de la marine. Un vol. in-8« illustré de plus de 500 dessins en noir et en couleurs, élégamment relié. Prix. 12 fr. .

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docteur Louis Pichon (de Shanghaï). In-18 accompagné d'une carte. 3 fr. 50 le

Journal d'un commandant de la

« Comète >, Chine Siam Japon (1892-1893), par le commandant Louis Dartige du Fournet. Ouvrage accompagné de gra-

vures. (

Un

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4

Couronné par l'Académie

franç^aisej

Du Tonkin au Havre.

fr.

prix Furtado.)

Chine Japon Iles Haioaii Amérique, par Jean d'Albrey, ancien élève de l'Ecole polytechnique. In-18 accompagné de cartes. 3 fr. 50 .

Campagne dans le haut Sénégal et dans le haut Mger (1885-1886), par le colonel H. Frey, commandant régiment d'infanterie de marine.

2"

le

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7

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50

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lieutenant-colonel Lentonnet. publié par H. Galli.

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,

graphies. Prix

Mission

Binger.

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Paris. Typ. de E. l'Ion, Nourrit et C'«, 8, rue Garancière.

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Angeles, CA 90024-1388 Return thjs matériel to the library 'rom which It was borrowed.

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DEC

1

1992


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A

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5

DS

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