Le Figaro. Supplément littéraire du dimanche. 22/11/1913.

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Le Figaro. Supplément littéraire du dimanche

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Somçnaipe

de son père, survenue trois années au-, paravant. Elle avait réuni, dans le vieux château, où Necker avait vécu depuis la mort de sa femme 'd'une vie solitaire, COMTE d'Haussonville Le Prince Auguste ses plus brillante amis Benjamin Consde Prusse, Mme tant, Schlegt'l, Elzéar de Sabran, le fils de Staël et Mme .lé Mme de Boufflers, un Anglais du Récamier nom de MMdletori, sans parler des allants et venants. Mme Récamier était La vaine pitié J. Nouvelle inédite la seule femme installée au château, car

GALZY.

au cours, de leur longue liaison. Alb.dePôttvourville. La Légion étrangère jamais la crainte mesquine d'une rivalité fémiHenry- D. Davray. RabindranathTagore nine n'empêcha les deux amies de cherMaurice de MÉOTY. Le Rêve et l'Action cher toutes les occasions d'associer leur

Ouns. Maurel. ANDRÉ

Beaunier

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ATraversles Revues vie. Ce fut Notes et Curiosités «Paysages d'Italie s Le livre du jour

FEUILLETON

Fœmina

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Un Voyage

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Marcel

Lattes

"Le Soleil mourant"

Le Prince Auguste de Prusse,

Madame de Staël et Madame Récamier Tous ceux qui ont lu les Souvenirs et correspondance, tirés des papiers de Mme Récamier. et l'excellente Vie de Mme Récamier, par M. Edouard Herriot, sénateur du Rhône, savent la place que le prince Auguste de Prusse a tenu dans l'existence de cette illustre dame. J'ai trouve dans les archives de Coppet cinq lettres du prince Auguste à Mme de Staël, qui ont trait à cet épisode de la vie de la, belle Juliette. Mme de Staël y avait été intimement mèlée. J'ai pensé que le rapprochement de ces trois noms, dans une aventure romanesque, donnait quelque intérêt à ces lettres et qu'elles valaient la peine d'être publiées.

la

première année de ce qu'on a appelé le théâtre de Coppet. On y jouait tantôt, Andromaque où Mme

Réoamier tenait un rôle, tantôt Geneviève de Brabant, un drame composé tout exprès pour Mme de Staël, tantôt une comédie, Le Grand Monde, dont Elzear de Sabran était l'auteur. Le prince Auguste figurait non point parmi les acteurs, mais parmi les spectateurs. Nul doute qu'il n'ait applaudi de toutes ses forces Mme Récamier dans le petit rôle d'Aricie, bien que, de l'aveu de tous, fort intimidée, elle n'y eût été au-dessous du médiocre, mais, enveloppée de voiles blancs, elle était charmante. • Probablement, le prince Auguste avait eu déjà -l'occasion, durant l'hiver et le printemps de 1807 de la rencontrer à Paris, car si la faillite de son mari, dont la banque avait été compromise dans de mauvaises affaires, avait contraint Mme Récamier de fermer son salon, elle n'avait point cessé de se faire voir dans le monde. S'enfermer dans la retraite c'eût été trop demander à la divine Juliette. Mais si le prince Auguste avait eu déjà l'occasion de lui faire la cour à Paris, ce fut seulement à Coppet que cette amourette du don Juan Berlinois se transformaenun senti ment qui fut vif et profond. Toute la journée, il s'empressait autour d'elle il la quittait le moins possible et la suivait partout, à la promenade, en bateau sur le lac, à cheval dans la campagne et il ne dissimulait point sa mauvaise humeur lorsque un fâcheux, quel qu'il fut, s'avisait de rester en tiers. C'est ainsi qu'un jour où Benjamin Constant avait cru pouvoir les accompagner pendant une promenade à cheval, le prince Auguste lui dit brusquement « Monsieur de Constant; si vous faisiez un petit temps de galop » et Benjamin Constant rap-

vantage une femme. Elle venait de perdre une mère qu'elle adorait, et ressentait encore l'ébranlement de cette perte. Elle demeurait seule dans la vie,

sans famille proche, sans tendresse'autour d'elle et l'affection paternelle que lui témoignait discrètement un vieux, mari, n'était pas ce qu'il fallait pour satisfaire le besoin légitime qu'éprouve; toute créature humaine d'aimer et d'être

aimée. Les circonstances favorisaient donc singulièrement le prince Auguste, et point notait besoin que MmedeStaôl le protégea pour qu'il fut écouté. Juliette l'écoula si bien que non seulement elle accepta l'hommage de cet amour déclaré, mais qu'el e admit avec lui la possibilité de solliciter de M. Récamier son consentement amiable à un divorce qui aurait parla suite permis à la fille de l'ancien notaire Bernard de devenir piïn; cesse en Prusse. Sans vouloir lui prêter aucun sentiment mesquin, il n'est pas défendu de penser que' cette perspective ne laissait pas la' bourgeoise lyonnaise qu'elle était, absolument insensible. Pendant quelques jours, le prince Auguste eut.le droit de se croire le plus heureux des hommes.

On peut cependant se demander si, à.

la veille de son départ, quelqu'inquiétu le, quelque pressentiment de- l'avenir ne le traversèrent pas, car à la sécurité des promesses verbales il voulut ajouter cette d'un double engagement écrit. Le 28 octobre, il signait, non pas avec son sang,comme le dit la légende, mais avec sa plume princière, le singulier

engagement suivant

Je jure, par l'honneur et par l'amour, de lequel je suis, Madame, (1) conserver dans toute sa pureté le. sentiment Votre dévoué ami et serviteur, qui m'attache à Juliette Récamier, de' faire AUGUSTE, Prince de Prusse. toutes les démarches autorisées par le devoir pour me lier;à elle par les liens du mariage, Cependant les perplexités de Mme Réet de ne posséder aucune femme tant que camier allaient croissant. L'état d'agitaj'aurai l'espérdiice d'unir ma destinée à la tion où ces perplexités lajetaient était sienne.

Mais il obtenait, en échange, l'engagement suivant, non moins singulier Je jure, sur le salut de mon âme, de conserver dans toute sa pureté le sentiment qui m'attache au P. A. de P., de faire tout ce que permet l'honneur pour faire rompre mon mariage, de n'avoir d'amour ni de coquetterie pour aucun autre homme, de le revoir le plus tôt possible, et, quel que soit l'avenir, de confier ma destinée à son honneur et à son amour.

Juliette s'engageait à beaucoup, non Le prince Auguste de Prusse était le seulement à n'avoir désormais de fils du prince Ferdinand, le neveu de pas riant ajoutait en coquetterie pour aucun homme, Frédéric le Grand et le frère de ce sé- portant ce trait serAllemands Quelle ont finesse difficile à tenir, ces ». elle bien ment pour duisant prince Louis-Ferdinand, qui fut « le jeune conspirait à Tout encourager mais, lors même que l'annulation de son tué à Saalfeld, en 1806, au premier combeauté de la la mariage lui serait refusée, à demeurer bat entre Prussiens et Français, et dont prince dans sa passion la souvenirs de et la mémoire est demeurée si populaire saison et du pays, les'taute-çètte géné- fidèle cependant au prince Auguste biBn Jùxuvelle liélaUe dont destinée, eh tout en Prusse. Luv-même,quitize jours-acres- ration s'était nourrie, le' voisinage des ^a lui confier sa tout' honneur, du reste, ç.ar, c'est bien..là l'éclatante victoire de Napoléon à Iéna, de Clarens et rochers de des bosquets fut blessé et fait prisonnier à Prentzlow, Meillerie, enfin l'atmosphère de Coppet, ce que signifiait la dernière phrase de ce contrat synalagmatique, auquel ne "en combattant contre Murât et amené d'électricité. chargée et le'notaire après orageuse manquait plus Berlin, Napoà où quelques jours que pour le Staël était combien Mme de On sait rendre définitif. On comprend que pour léon était entré déjà. Il n'avait point eu seulement pour l'instant l'amoureux ne demanda pas à se plaindre du traitement dont il avait romanesque, non pas autres. mais pour les été l'objet. L'Empereur, lui-même en elle-même, autre chose, et qu'il partit de Coppet « Je mariage d'infaire un à forcerai fille plein de joie et d'espoir, après avoir ma convenait, l'avait reçu « avec politesse », parlant disait-elle en de clination sa dortné à celle qu'il avait le droit de consiaprès lui avoir adressé quelques com», Donc nul doute Albertine. charmante dérer comme sa fiancée un bracelet en pliments sur sa valeur, l'avait fait confois encouragé la toutà n'ait duire en France où il devait demeurer qu'elle or et une chaîne avec un cœur en rubis. témoigner à ouverteAuguste De son côté, Mme Récamier lui donprisonnier sur parole jusqu'à la paix, le prince qu'il portait à Jusentiments ment-les nait un anneau avec cette inscription mais où toute liberté d'aller et de venir accueilà les Juliette elle-même et liette, Je le reverrai. lui fut laissée. Le prince Auguste était l'oreille prêtant favorablement, lir en âgé de vingt-sept; ans il passait pour v mariage incessamment dont projet de u1 qui avait légères, au avoir des mœurs ce lentretenait. A la fin observations des valu assez sévères de le prince Auguste Au lendemain de cette' séparation, Frédéric II. On l'appelait le prince don d'un séjour de trois mois durant lequel fait que croîlre, c'était commençait entre les deux fi ,nçés une Juan. Il entretenait, une liaison avec sa passion n'avaitmariageen bonneetdue correspondancesingulièrement'activeet en effet, un une femme qui, il en devait plus bien, proposait. La chose en passionnée de la part du prince; car, tard faire l'aveu à Mme Récamier, forme qu'il lui difficulté; du 29 octobre, jour de son départ, au avait tout sacrifié à son amour pour soi-même ne souffrait pointde et le 29 décembre, il ne lui écrivait pas moins lui et dont il avait deux enfahts. Il était c'était le beau temps du divorce suffi- de dix-sept lettres, toutes numérotées de grand, de belle prestance, et, parait-il. consentement mutuel deslesépoux disjoindre. sa main, plus lente et moins expansive pour de manières agréables bien que Ben- sait aux tribunauxreligieux, à supposer, de la part de Juliette. A peine de retour jamin Constant est vrai qu'à ce mo- Quant au mariage que l'union civile de à Paris- elle n'avait quitté Coppet qu'à ment il était amoureux de Mme Réca- ce qui estincertain, Récamier et de Juliette Ber- la fin de novembre l'influence sentimier ait écrit .« qu'il était commun, Jacques le jour mentale et amollissante qu'avait exercé bien gauche et bavard, les coudes en nard, contractéeen pleineTerrcur, de Marat, ait été consa- sur elle, le lieu,le milieu et surtout la prédehors et le nez en l'air ». Il était, comme des funérailles prêtre, l'auteur des Souve- sence quotidienne d'un jeune prince crée passionnée et par un de frère, nature romason correspondance tirés dés papiers amoureux, commence à s'évanouir. Elle nirs et de ma .heurs Les pays, son; nesque. Mme Récamier, affirme, et. personne est prise de scrupules; ele répugne à dont il parlait souvent, ne l'empêchè- de qui s'est toule savoir, que demander à son vieux mari rent point de se divertir à Paris, pendant n'était mieux placé pour jours montré plein de bonté et de dél'hiver de 13 J7. Mme de Staël l'avait la jeune épouse de quinze ans était en de ces cas où la licatesse dans ses rapports avec elle, de droit d'invoquer qu'elle un séjour durant le Berlin à connu de Rome ne saurait refuser de pro- consentir à un divorce, précisément au ;Cour C'était le moment avait fait 1804. en y la nullité. Quelques difficultés lendemain du jour où des revers de foroù, l'entrée à Paris lui demeurant tou- noncer bien être prévues du côté de tune sont venus l'atteindre. Après avoir jours interdite, elle tournait aux alen- pouvaient mais partagé son opulence, ce serait l'abandonfamille royale prussienne tours et demandait l'hospitalité à des la donné ner dans la gêne. Elle fait cependant par amis. Au mois d avril. elle était à Acosta l'exemple avait été trop souvent et en lettre une tentative; mais le vieux mari chez la marquise de Caste:lane. Emue par les princes de cette famille,actuel, lui adresse une réponse tou hante où, par le père du roi de ce qu'il y avait de pénible dans la si- particulieravuir divorcé d'avec sa femme sans opposer à cette suggestion un refus tuation du jeune prince, elle lui écrivit qui, sans souvenirs comlégitime, avait successivement contracté formel, il luirappelleles une lettre, comme son cœur compatis- deux mariages morganatiques pour que muns qui les unissaient, et exprime le sant savait les écrire et qui dut le touregret que le respect témoigne par lui difficile à franchir. bien l'obstacle fût répondit termes lui il cher, car en ces Tout dépendait donc de l'assentiment de pour « les susceptibilités et les répuParis, le 4 avril 1807. gnances » de sa jeune femme ne reçoiMme Récamier. Madame, vent pas une meilleure récompense. Agréez m -s sincères remerciements pour la Peut-être aussi commençait-elle à se bonté que vous avez eue de vous souvenir rendre compte combien sa situation sede moi, dans un moment si malheureux pour De quel œil Juliette voyait-elle une rait diffici e en Prusse, et quel mauvais que passion qui se manifestait aussi publi- accueil elle était exposée à recevoir d'une ma patrie et pour ma familie. Je trouve moi: il heureux est quement, qui n'avait pas 'seulement que mon frère a été plus royale hautaine. L'amour lui mort glorieusement en combattant pour sa Coppet pour théâtre et qui était devenue famille oublier les amis qu'il lui faupatrie, et moi, qui ai le malheur de survivre le bruit public. Dans quelle mesure y a- ferait-il drait quitter? A Berlin ne regretteraità notre in ortune, je me vois réduit à l'inacMais répondu?. qui sincèrement tion, tandis que le sort de la Prusse et de t-elle dire elle pas Paris ? Les lettres de Mme Réd'être juscertain peut J'ai été vivemeut parvenu décider. se Europe 1 camier au prince Auguste commencent va se touché des offres que vous voulez bien me qu'au tréfonds d'une âme de femme, à se ressentir de ces perplexités. Elles faire, et ce qui ajoute encore aux peines que et n'y a t-il pas, dans chacun de ces deviennent plus rares, moins expansij'éprouve, c'est que les circonstances ne me cœurs, des replis dont aucune main n'a Le prince s'en aperçoit; il fait appel permettent pas d'aller vous faire ma cour. Si amais soulevé le, voile, e;t des recoins où àves. l'intervention de Mme de Staël, alors je pouvais vous voir chez Mme de Boufflers, personne n'est jamais descendu, Saintelui adresse la lettre ou à Versailles, que je compte aller. voir un Beuve, dans un article qujïdate, il est vrai, en Allemagne, et suivante de ces jours, cela me rendrait fort heureux. la mort de M meRémois après dequelques estime parfaite atet Je suis avec une un Madame, canner,c es t-à-dired'untempsouronpartachement bien sincère, La lettre que vous avez eu la bonté de Votre très humble et très obéissant lait d'elle moins librement qu'aujourm'a fait beaucoup de plaisir, et j'ai m'écrire serviteur, d'hui, après avoir posé la question « A-tsensiblement touché de l'intérêt que vous AUGUSTE DE PRUSSE. elle aimé? » répond harifiment « Nort. été vrai aimé».Il il voulez bien prendre à moi et aux personnes est jamais elle n'a Non, qu qui me sont chères. Ce n'est sûremont pas Au mois de mai, Mme de Staël repassion Aimé de et de aussitôt: ajoute « tournait à Coppot et Mme Récimier le manque de reconnaissance pour tes preuves tient de cette l'on compte et si flamme » vraiment touchantes que vous m'avez donvenait l'y rejoindre au mois de juillet. restriction, je Sainte-Beuve a crois que votre amitié, qui est cause que'je ne Invité par Mme de Staël, le prince raison. Mais je crois aussi qu'on peutajou- nées de vous ai point écrit de Berlin mais c'est la Auguste de Prusse répondit avec emprête à Mme Réterfoiàcetteparoiequ'on crainte de vous ennuyer par des lettres où la pressement à cette invitation. camier que « le prince Auguste fut le seul prudence m'empêche de vous parler à cœur Je conserverai pendant toute ma vie W. qui fit battre son cœur». Bile était pré ouvert. extrêmement agréable du temps cisément à un moment de sa vie puce un souvenir j'ai eu le bonheur de passer dans votre L'été de 1807 fut particulièrementbril- cœur, sensible sans être passionné, de- que société, et une reconnaissance bien vive et disposé Elle à battre. plus vait le être de Staël qui, l'année Mme à. Coppet, lant bien sincère pour l'amitié que vous m'avez précédente, avait fait paraître Corinne avait dépassé trente ans et s'achemi- témoignée dans le malheur. Nous sommes ici avec le plus grand succès, était remise nait vers l'âge où les hommages, d'un toujours dans la même incertitudesur le sort de l'ajîiiableinent où l'avait jetée la mort homme plus jeune qu'elle touchent da- de notre patrie et sur le retour du Roi. Je

il

'

et

il

reçois souvent des nouvelles de ma soeur èl'e'se porte bien. m is son retour n'est pas encore fixé. Mes parents m'ont chargé de vous faire leurs amitiés. L'absence n'a point 'hangé les sentiments que m'a inspirés votre charmante amie, et je suis à présent très persuadé de leur durée. Pendant le séjour de votre amie à Coppet, j'ai reçu fort régulièrement de ses nouvelles, et toutes ses lettres contenaient les preuves d'un sentiment auquel j'attache tout mon bonheur. Ses lettres portent l'empreinte de la noblesse de son caractère, et sont écrites avec la grâce qu'elle met dans tout ce qu'elle fait. Depuis son retour à Paris, où elle doit être environ depuis un mois, elle ne m'a écrit qu'une seule lettre, dans iaquel e elle me dit des choses fort aimables, mais me parle beaucoup de convenances qui ressemblent à des devoirs, et de l'impossibtlité de s'y soustraire. Son long silence me fait craindre que ces sentiments ont peut-être été augmentés par les conseils des personnes dont les intérêts sont contraires aux miens, et surtout par ce que vous aurez in dans les journaux. J'ai été d'autant plus nffligA par sa conduite envers moi que, de mon côté, j'ai trouvémoins de difficultés que je n'avais cru, et que, de son côlé, je suis entièrement persuadé qu'elles ne tiennent qu'à sa volonté." Après les sentiments que votre amie m'a témnignés, les serments qu'elle m'a faits et la conduite que j'ai eue envers elle, je ne devais pas m'attendre à une pareille légèreté. Avec tous les avantages du cœur, de, l'esprit et de la figure, ne serait-elle qu'une femme d'un caractère malheureusement trop ordinaire ? Mais non, j'aime à croire que je me trompe, et je vous conjure, Madame, d'employer tout le crédit que vous avez sur votre amie, pour combattre des préjugés qu'elle prend pour des principes de morale. Vous augmenteriez par là encore beaucoup la reconnaissance que je vous dois mais il serait impossible de rien ajouter aux sentiments du tendre et respectueux attachement avec

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devenu si cruel qu'elle conçut un projet à là Werther, celui de se dérober à cette situation par le suicide, ou du moins elle fit part de ce projet à son mari, ce qui, il est vrai, n'indique pas une résolution bien ferme. Elle lui écrivait que, résolue à quitter la vie, elle venait lui dire « qu'elle conserverait, jusqu'au dernier battement de son cœur, le souvenir de ses bontés et le regret <1e n'avoir pas été pour lui ce qu'elle devait. » -Sans doute M. Récamier la détourna de ce dessein funeste et je n'imagine pas qu'il y ait eu grand'peine. Entre temps, elle continuait d'écrire au prince Auguste, mais elle ne scellait plus comme auparavant ses lettres d un cachet où étaient gravés ces deux mots for ever. Le prince s'en apercevait et ly dell1~Q\, dait un peu naïvement pourquoi. Enfin, à la fin de mai, elle prenait son parti de lui adresser une lettre où elle lui'annonr çait, assurément avec toute la douceur

dont elle était capable, mais d'une façon positive, qu'il leur fallait à tous deux renoncer à ce projet d'union. On peut

de vous témoigner de vive voix toute la reconn'àissanceque je vous dois, et les sentitiments du tendre et respectueux attachement avec lequel je suis, Madame,votre très humble et très obéissant serv.teur, Auguste, Prince de Prusse. Qui ne croirait, après avoir lu cette lettre vio'ente où le prince Auguste accusait Mme Récamier, non pas seu ement de

perfidie tde cruauté

entre amoureux,

mais de lâce sont termes d'usage cheté, toute relation n'ait cessé entre eux. Il n'en fut rien et c'est ici qu'il faut admirer, une fois de plus, l'extraordinaire habileté de Juliette. Aucune femme n'a jamais poussé aussi loin l'art, etcela est a son honneur, de conserver comme amis les amoureux éconduits.. Elle entreprit de démontrer au prince Auguste que- ce refus tardif lui avait été dicté non point par des considérations personnelles, mais par le souci de ne point nuire à la carrière de celui qui avait rêvé de l'épouser et ,par la crainte de devenir une difficulté dans sa, vie. Ce qui est tout à fait remarquable, c'est qu'elle y réussit, ainsi qu'en témoigne cette nouvelle lettre qu'un mois à peine après la précédente, le prince Au,_uste adressait à Mme de Staël, toujours en Allemagne

Berlin, le 13 mai 1808.

Madame,

Comme vous avez eu la bonté de prendre beaucoup d'intérêt à un sentiment dont dépend le bonheur de ma vie, je m'empressade vous annoncer une nouvelle qui m'a rendu extrêmement heureux. J'avais osé accuser de perfidie la conduite devotrecharmante amie, et ce n'est que d'une trop grande délicatesse que j'aurais dû me plaindre. Eile vient de m'écrire deux lettres qui ne me laissent plus de doute sur ses sentiments, et qui m'ont rendu le plus heureux des hommes. Après avoir longtemps résisté à mes instantes prières, elle consent enfin à me revoir, et me propose de venir cet été aux eaux d'Aixla-Chapelle. Vous devez sentir, Madame, sans que j'aie besoin de vous l'expliquer, toutes les difficultés qui s'y opposent cependant, je suis résolu d'aller à Aixla-Chapelle, si c'est le seul moyen de revoir votre charmante amie. Mais je viens de lui écrire pour lui proposer de venir à Carlsbad ou à Tôplitz, ce que je préférerais, d'autant plus que cela me procurerait peut-être le bonheur de vous revoir. Comme vous seriez très près de ces bains, que ma sœur compte y venir, et que vous y reverrez beaucoup de personnes avec lesquelles vous avez été fort liée pendant votre séjour à Berlin, etàVienne, j'espère, Madame, que vous voudrez accepter ma proposition. En tous les cas, j'ose vous prier, Madame, d'écrire à votre charmante amie, pour l'engager de venir à ces'bains, en lui montrant combien il serait plus avantageux de nous revoir de cette manière, comme elle pourrait faire par là la connaissance de (ma sœur.e,t p.ells de, beaucoup. d'autres, per-. sonnes, qui sûrement prendraient d'elle une opjnjon ,frès, rayorable, et qui pourraient lui être-fort, utiles par la'suitè, je suis' sûr qu'elle acceptera ma proposition, si vous vouliez y ajouter encore l'espérance de vous revoir. Daignez, Madame, continuer'd'avoir pour moi les sentimentsd'amitié dont vous m'avez donné tant de preuves, et agréer l'hommage du tendre et respectueux attachement avec lequel .je suis, Madame, votre très humble et obéissant serviteur.

penser quelsfurent, en recevant « ce coup de foudre », c'est l'expression dont il se sert, les sentiments du prince éconduit c'est encore Mme de Staël qu'il va prenPlus prudente que le prince Auguste, dre pour confidente de son désespoir et Mme Récamier renonça au dernier mode sa colère. ment, à l'entrevue. Elle se borna à lui Kœnigsberg, le 10 avril 1808. envoyer son portrait par Gérard et à Madame, demeurer. par lettre en correspondance J'ai été sensiblement touché de l'intérêt avec lui. Mais le prince Auguste ne' reque vous voulez bien me témoigner dans nonçait pas à l'espérance de la revoir et; votre dernière lettre. La crainte de vous atti- de son côté Mme Récamier ne décourarer peut-être de nouveaux désagréments, geait point cette espérance. En 1811, elle m'avait empêché de vous écrire plus tôt, et va plus loin. Comme le prince ne pouvait de vous témoigner combien j'étais fâché venir en France, offrit de venir le voir d'être innocemment la cause que vous êtes accepte avec empressement, nommée dans un indigne article. Après avoir en Suisse. Il fait Corinne, il vous sera difficile d'augmen- et du fond de la Bohême lui demande de venir à Schaffhouse. II fera le reste du ter l'admiration qu'excitent vos talents mais l'amitié que vous m'avez témoignée chemin. Mme Récamier accepte le rendans des circonstances bien malheureuses dez-vous pour le 18 ou le 19 septembre. pour ma patrie et pour ma famille ajoute Le prince Auguste arrive à Schaffhouse encore à l'estime qu'inspire votre caractère. plein d'espoir. Pas de Mme Récamier. Tous mes projets pour l'avenir ont été dé- Dans colère, il s'adresse de nouveau truits par la conduite perfide de votre amie. à Mmesade Staël et lui écrit cette lettre, Après avoir entretenu,pendant sept mois, des sentiments auxquels j'attachais tout mon la dernière que j'aie trouvé dans les arbonheur et qu'elle paraissait partager, elle chives de Coppet.

el

vient de détruire toutes mes espérances, et

de rompre les serments solennels par lesquels elle avait lié pour toujours sa destinée

à la mienne. Quoique dans ses lettres elle me parlait des di! acuités qui s'opposaient pour le moment à l'exécution de nos projets, elles contenaient l'expression d'un sentiment, auquel l'absence même, â ce qu'elle m'assurait, donnait plus de force. En recevant mon portrait, elle venait de m'écrire une lettre charmante, qui détruisait toutes les inquiétudes que je conservais encore. Vous pouvez

juger,

demon étonnement, lorsque du mois passé une lettre de fin à la je reçus votre amie, dans laquelle elle m'annonçait, d'une manière très froide, qu'elle craignait de me causer des désagréments, qu'elle devait se sacrifier à ses devoirs, et que la situation dans laquelle nous nous étions trouvés lui avait fait illusion sur nos projets. Je fus comme frappé de la foudre en recevant cette nouvelle, et il serait impossible de. vous exprimer la douleur profonde que j'ai éprouvée. Je ne conserve à présent que le plus profond mépris pour une femme qui est capable de rompre ses serments, et de se faire un jeu cruel des sentiments qui devaient être les plus sacrés pour une femme. Je ne puis m'expliquer le changement subit de sa conduite, que par la crainte de déplaire à des personnes puissantes, par la faiblesse de son caractère, et par les conseils de ceux pour 4jui l'amour n'est plus de bon ton. Elle ajoute ainsi la lâcheté à la perfidie. Je vais rompre j'avais avec pour toujours les relations que durées elle, et le temps qu'elles ont me paraitra comme un rêve charmant, dont le réveil est bien douloureux. L'intérêt que vous avez bien voulu prendre à un amour passiouné, pour un objet qui en était malheureusement si peu digne, me servira d'excuse, Madame, de vous en avoir parlé avec tant de détails. Ma sœur, qui est encore fort affligée par la perte de sa fille aîuée, est fort reconnaissante de votre souvenir, et se propose de vous écrire dès qu'elle se portera mieux. Les médecins lui conseillent de prendre les eaux de Tôplitz et je crois qu'elle s'y rendra cet été. Comme nous ne voyons pas encore la fin des maux cruels dont soutire notre patrie, il m'est impossible, de former des projets pour l'avenir; mais je serais bien heureux si les circonstances me permettent Madame,

(1) La lettre est sans date, mais elle est manifestement des derniers jours de décembre 1807, ou des premiers jours de janvier 1808.

Schaffhouse, le 20 septembre 1811.

Madame, Comme je désirais beaucoup revoir Mme ell m'avait proposé de venir en Suisse, et elle voulait venir me voir dans la ville qui me conviendrait jusqu'aux frontières de ce pays. Par une lettre adressée à Paris, et par une autre lettre que j'avais pris la 1 berté de vous envoyer, je lui ai demandé d'Egra en B< ihême, en date du 26 août, de venir à Shaffhouse le 18 ou au plus tard le 19 septembre, un temps plus 'que suffisant pour y venir en calculant même six jours de retard. Je lui aurais proposé Genève, si la crainte de vous attirer peut-être de nouveaux désagréments, et de fournir un prétexte à des invectives contre la Prusse, ne m en eût empêché. J'ai vainementattendu ici Mme R. pendant trois jours, et l'attention qu'elle a eue de me faire voyager trois cents lieues pour rien, m'a guéri enfin entièrement de mon fol amour. Mais si je pouvais avoir le bonheur de vous revoir, Madame, je m'estimerais fort heureux d'avoir entrepris ce voyage. Je pars demain pour Zurich, j'y resterai deux jours, et je compte arriver le 24 au soir à Uerne. S'il vous était possible d'y venir à cette époque, vous merendriez extrêmement heureux, pourvu que cela ne puisse vous attirer aucun désagrément, ou vous gêner dans vos projets. J'ose vous prier, Madame, de m'envoyer votre réponse à Bornele plus tôt possible car je ne m'y arrêterai que peu de temps, si vous n'y venez pas, et je retournerai très vite en Prusse par l'Oberland et les petits cantons, n'ayant que peu de temps dont je puisse encore disposer. Agréez l'hommage du tendre et respectueux attachement avec lequel je suis, Madame, votre très dévoué ami et serviteur.

R.

l'empêcha de pousser plus loin. Le promettre et se dérober, ce fut toujours -la tactique de Juliette. v

L'excuse fut sans doute jugée suffisante par le prince, car le fol amour n'en persista pas moins. Cet amour dura aussi longtemps que la vie du prince Auguste, cVst-à-direencoretrente-deuxans. II ne revitjamais Mme Récamier, mais il demeura en relation avec elle, par lettres numérotées dont la dernière porte le numéro 114. Le souvenir de Mme de Staël continuait d'être un lien entre eux. II y avait un an que leur commune amie était morte, quand le prince Auguste commanda au peintre Gérard pour en faire don à Mme Récamier, le tableau célèbre de Corinne ait cap Misene,oh Juliette se reconnait dans le groupe des auditeurs de Corinne. Demeura -t-il fidèle, à la lettre, à l'engagement si formel et si précis qu'il avait fait par1 son serment du 28 octobre. Il serait té-' méraire de l'affirmer, mais une chose est certaine, c'est qu'il ne se maria jamais. Le prince Auguste de Prusse mourut en juillet 1848. Quelques mois avant sa mort, il envoyait encore à Mme Récamier un bracelet et lui adressait une lettre où il lui disait « L'anneau que vous m'avez donné me suivra dans la tombe». Et il fut enseveli, en effet, avec cet anneau au doigt. Par son testament, il léguait à Mme Récamier son portrait par Gérard qu'elle lui avait donné; c'est celui qui est au Louvre. M me Récamier a-t-elle tenu de son côté, l'engagementpris par elle et dont on n'a pasoublié les termes serait difficile de le prétendre. Elle avait juré «de n'avoir d'amour ni de coquetterie pour aucun autre homme». Qu'elle n'ait aimé aucun homme, du moins au sens où l'entendait Sainte-Beuve,je le veux bien, mais qu'elle n'ait eu de coquetterie pour aucun, cela est vraiment difficile à concéder. En tout cas, ce ne fut point à l'honneur et à l'amour du prince Auguste qu'elle confia sa destinée, puisqu elle demeura en France. Au fond, elle fut sage et fitbien. Mieux vaut, poursa légende, s'être confi-

Il

née dans sa retraite derAbbaye-aux-Bois

et avoir mérité d'en être appelée la Madone qu'avoir vieilli, épouse morganatique d'un prince de Prusse, dans un palais morose à Berlin. Ses dernières années en furent plus douces, et peutêtre même plus dignes. Oq connaît les jolis vers que Mme d'Epinay adressait à'Gnmm en lui envoyant ses cheveux Les voilà ces cheveux que.le temps a blanchis, D'une longue union ils sont pour nous le gage; Je ne de ce gué m'ôta l'âge 11 m'a laissé de vrais 'âltois:

." regrette On m'aime autant,

'

j'ose aimer.davantage", J

'

L'astre de l'amitié luit dans l'hiver des ans.' 'ir On ne s'y méprend plus, on cède à son empire, Et. l'on Joint, sous les chevaux blancs, Au charme do s'aimer le droit de se le. dire.

Ces vers s'appliquent mieux à Mme

Récamier qu'à Mme d'Epinay, car, avant que sescheveuxnefussentdevenus blancs Mme d'Epinay osait non seulementaimer mais encore le dire. Grimm lui-même et avant lui Francueil en savaient quelque, chose. L'âge laissa, en effet, à Mme> Récamiertous, ses amis et au refus qu'elle opposa aux instances du princetAuguste de Prusse elle doit l'immortel, honneur d'avoir associé son nom à celui de Cha-

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teaubriand, s • <>i

•-

Comte d'Haussonville, de l'Àcadémie-Française.

LA VAINE '•

PITIÉ ;

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HOUVELIB

INÉDITE

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Il est encore ici, le! petit maladél :I1 est encore ici, plus maigre et plus frêle, avec ses yeux qui- mangent sa figure olivâtre, et ses mains noueuses où les phalanges sont en saillie comme des noeuds de roseau. Il vitdonc toujours! Je crois que j'en ai presque rougi tout à l'heure, en entrant, sous le passage de cette joie inespérée. Je le croyais si bien allongé sous la terre féconde, et le voici à la petite table où on le servait l'an passé, sur la terrasse rectangulaire qui règne derrière la «Villa Paisible»

et surplombe les nouveaux parcs de Vichy. Combien de fois l'ai-je regardé avec une pitié curieuse et fraternelle Il, mangeàit avec l'air appliqué et condescendant des malades sans faim, Il mangeait et nous contemplaitavecunarrogantdétachement, comme si rien n'intéressait plus au monde ses dix-huit ou dix-neuf ans d'expérience et d'incurable maladie. Parfois, il donnait des ordres,au garçon d'hôtel avec un accent étranger et chantant. De mes amis, qui le connaissaient un peu, m'avaient appris son nom et son origine mais il restait distant et n'adressait la parole à personne, sauf au valet déférant qui sans doute escomptait un pourboire fastueux. Ses yeux brûlés de fièvre, cernés dans sa figure bronzée, nous dévisageaient tous sur la terrasse, tous ceux que l'heure des repas ramenait devant lui la famille espagnole, avec ses; trois filles si brunes et si jolies, le monsieur et la dame de Bordeaux, trois ou quatre couples d'âge incertain et la jeune pianiste italienne qui changeait de robe tous les soirs. Et toujours la même arrogance brillait sous ses AUGUSTE, Prince de Prusse. paupières bistrées, comme si son mal inPour le coup, on pourrait croire que guérissable lui eût donné un prestige hautout était fini et bien fini. Pas davan- tain. Maintenant, nous voici presque en tète tage, et Mme Récamier eut encore l'art de se disculper. A la vérité, elle pouvait à tète luuet moi. Nos tables sont encore faire valoir une excuse assez valable: plus proches, et je sens que, depuis mon c'est qu'au cours de ce mois de septem- retour, il me regarde plus qu'autrefois; bre un ordre de l'Empereur l'avait exilée mais je suis seule et je détourne la tete. à quarante lieues de Paris, en punition Soupçonnerait-il la sensibilité romanesque d'une visite qu'elle avait faite à Mme de qui me rend pitoyable à son jeune isoleStaël à Coppet; mais comme elle avait ment ? Attendrait-il de moi quelque sechoisi pour résidence Châlons-sur- cours s'il se sait condamné? Déjà, l'ait' Marne qui est précisément sur la route dernier, il m'examinait de préférence. J'ai de Suisse, on ne voit pas trop ce qui senti si souvent son regard fiévreux et


obstiné, ce regard presque dur qui main- teux, de petit jeune homme condamnésur tenant me touche, m'accompagne avec le jardin profond où fleurit, d'une pourpre avivée à chaque nouvelle rose, l'étoffe attention sévère!i une Vraiment depuis quelques jours il me fastueuse des rosiers rampants. Il ne devient insupportable, ce petit malade in- s'appuyera plus contre la balustrade de quisiteur Il me gène. J'ai presque envie bois d'où les grands lierres bruns retomde changer de place ou de me faire servir bent comme une chevelure défaite. Il en lui tournant le dos. Puis, je me re- n'écoutera plus l'ombre douce qui vient proche mon impatience. Si ce jeu l'amuse, sur la terre molle. Il ne sentira plus la pourquoi n'y pas consentir? Et je m'ap- vie, la chaude, la lumineuse vie Ah plique à contempler le parc où les grands que j'ai donc pitié de lui soleil Pour la dernière fois, je me lève de arbres calmes s'offrent au répandu le poussière subtile semble table. Pour la dernière fois, je salue d'un où vent en légers signe remous. léger l'Italienne mystérieuse et increuser de Pourtant, par instant, gagnée par sa dolente. Pour la dernière fois, je frôle de propre curiosité, je l'examine à la déro- ma robe la nappe de sa table et, en pasbée. Je sais à présent par cœur son visage. sant devant lui, j'esquisse un signe encore Je le porte au fond de moi-même, si dis- plus incertain. Il y répond à peine et me tinct que je pourrais dessiner les moindres regarde partir. Je le vois là, dans la glace, ombres qu'y a creusées le mal, le nez lé- à son insu. Je surprends son regard aigu et gèrement aquilin, la courbe saillante des haineux, ce regard mauvais qui souvent machoires carrées, le cou mince dans le m'a remplie d'incertitude. Et tout à coup, je comprends. Je comcol haut, mince comme un cou d'enfant. Oui, il est tout près de l'enfance. Il n'a prends Je n'ose rien dire. Je n'ose pas me retourner. Je m'en vais comme une pas dix-neuf ans dix-sept ans à peine. Il coupable. Je n'ose pas lui avouer ma déa l'air d'avoir rajeuni depuis l'an dernier comme si, en dépouillant un peu de ma- tresse soudaine devant la brusque -révélatière, il avait laissé tomber de lui beau- tion (comment n'en ai-je pas eu plus tôt coup de jours. Et, pitoyable, je tâche de la pensée !) que je l'ai obstinément et stule deviner peu à peu, en l'examinant sous dieusement torturé, que ces yeux orgueille reflet des jalousies baissées, que le soleil leux ou implorants, me disaient toujours de juillet griffe de raies de lumière, ou, le avec la même triste haine soir, quand l'électricité tape brutalement « Mais, va-t'en Va-t'en donc! Ne me les nappes éclatantes des sept ou huit pe- poursuis plus de ta pitié vaine, toi qui tites tables dressées. Près de moi, toute portes devant moi ta santé imméritée, une famille américaine rit et parle bruyam- ton injuste allégresse de vie » ment. La pianiste revenue demeure à J. Galzy. l'écart, toujours belle, penchée sur le parc mystérieux, et, prise par ma constante pensée, 'je n'écoute rien, j'oublie même d'admirer là-bas les longs peupliers qui Caressent du bout de leurs feuilles sombres les premières étoiles blanches

La Légion Étrangère

onvertes dans le ciel. L'autre jour, il n'est pas venu. Sa chaise est restée vide devant son couvert. Un effroi étrange m'a touchée. Où est-il ? Je me l'imagine étendu dans un lit de cuivre au milieu d'une de ces chambres trop vernies qui font songer à des chambres d'hôpital la chambre traditionnelle des

villes d'eaux. Si. c'était la fin? J'en ai l'obsession. En rentrant, après ma promenade matinale, quand je sens ma jeunesse encore si légère qu'il me prend des envies de courir sur les pelouses, la crainte de revoir la petite table vide ouate soudain mes pas bondissants et tout le jour, je guette le vaet-vient de l'hôtel. Enfin, il. est revenu. Il s'est assis à sa place coutumière, la figure plus tirée, plus petite, comme si ses os s'évanouissaient. Sans parler, il s'est laissé servir et son silence découragé m'a semblé humble tout à coup. Les Américaines riaient comme à l'ordinaire. Lui, dans son coin, se recroquevillait en lui-même à chaque rire. Son regard sans orgueil, épouvanté et suppliant, a deux fois rencontré le mien. Plus que jamais j'ai envie de l'apaiser, moi qui ne lui suis rien, ni mère, ni sœur aînée, ni amie, moi à qui il n'a jamais dit d'autres paroles, avoué d'autres détresses que celles de son regard. Mais comment raborder et le lui dire ? Le soleil chaud bondit en pluie d'or sur la terrasse, une pluie que secoue chaque mouvement des érables. Le parc sent bon la terre arrosée et chaude. 'En bas, dans Fenclos de la villa qu'une légère grille sépare des jardins, un rosier fabuleux rampe et s'étend en pourpre épaisse, chaque, jour plus épanouie. La nonchalante Italienne chantonne parfois, accoudée à la terrasse, le soir, quand on a desservi et que les Américaines bruyantes sont parties pour le théâtre. Alors, tapi dans son coin, le petit malade reste là, au lieu de sortir, d'aller oublier son mal dans les salles du Casino si proche. Il reste là, devant la nuit chaude qui sent la sève et la vie qui monte, et regarde l'ombre glisser des hauts peupliers et s'étendre sur les gazons. Je demeure, moi aussi, feignantde lire un livre inutile. Je m'improvise sa gardienne. Je veux lui donner au moins le réconfort d'une présence humaine. Je ne veux pas qu'il reste seul à l'heure où l'ombre est si émouvante et où les peupliers éventent de leur panache sombre le ciel

constellé.

Depuis qu'il y a au monde des nations organisées en sociétés et des armées pour les défendre, il y a eu des mercenaires et depuis qu'il y a des mercenaires dans les armées, ils en furent toujours les meilleures troupes. Il peut y avoir à cela des motifs psychologiques obscurs et profonds, dont la place n'est pas ici mais cette constatation historique est brutale et sans exception, depuis les légions romaines et les lansquenets allemands jusqu'aux Suisses de la monarchie des Bourbons.La Légion étrangère de France couou mieux de l'Afrique française vérité universelle d'un illustre cette ronne exemple. Les Français l'aiment assez obscurément, car ils la connaissent fort mal la Légion n'a plus le droit depuis les dernières grandes d'opérer en Europe; et comme guerres, les sympathies du public ne s'expatrient pas facilement, la Légion apparaît comme une force, héroïque bans doute, mais mystérieuse et vague, dont les exploits éclatent soudain comme des fusées brillantes, puis s'éteignent et s'effacent à l'horizon incertain de nos possessions lointaines. Notre Légion et ses actes se concrétisent en quelques nomspopulaires: Saussier, Dominé, Villebois-Mareuil,Négrier, et c'est tout. Nul de nous n'en sait plus long. Et quand la Légion est, comme présentement, attaquée par des ennemis extérieurs, ennemis acharnés, mais dénués de preuves et de bonne foi, nous ne savons que nous indigner, et crier « Ce n'est pas vrai » Nous devinons le mensonge, mais nous ignorons la vérité. La voici. La voici, autant du moins que peut la connaître un homme qui, simple soldat et sac au dos, a vécu, en Afrique et en Indo-Chine, la vie, violente et imprévue, du légionnaire, et qui, par un hasard heureux, protnu officier sur les champs de bataille asiatiques, a, sans changer de régiment non plus que de compagnie, commandé aux hommes, de qui, la veille, il était le camarade, et de qui il conserva. à travers les années, les aventures et les grades, le dévouement sans phrases et l'affectionbourrue.

le chiffre de 5,000, voilà qui

table, non seulement parce que ce chiffre étonnant, que j'affirme hautement êtréplutôt inférieur à a réalité, indique l'amour entêté de l'Alsace-Lorraine pour la France, mais

aussi, et peut-être surtout, parce qu'il man que combien le traitement des simples soldats dans les armées allemandes effraie les jeunes hommes, plus doux et civilisés, des bords du Rhin. Et je vide tout de suite, pour n'y plus revenir, cette querelle scandaleuse. L'insoumis de langue allemande afflue à la Légion et il y affluera toujours, malgré la campagne actuelle, peut-être à cause d'elle. Car cet insoumis voit de ses yeux comment les recrues allemandes sont traitées dans les casernes de l'Empire, et il entend de ses oreilles comment nos légionnaires sont traités en Afrique et dans nos colonies. Il l'entend dire dans les nombreux Verein d'anciens légionnaires, qui existent dans les principales yillesdel'Allemagne, et avec lesquels j'ai entretenu de cordiaux rapports, au moment où j'ai créé à Nancy la première société française d'anciens légionnaires. Ces Verein savent la vérité, ils ne se gênent point pour la dire elle est tout à l'honneur de nos cadres d'officiers et de sous-officiers. Les chefs de l'armée allemande la connaissent aussi, et ils savent, quand l'occasion s'en présente, rendre aux galons et aux rubans français qui ornent des bras et des poitrines allemandes, l'hommage qui convient. Et.ce m'est un devoir de déclarer que j'ai entendu vitupérer contre la Légion étrangère et ses cadres par des journalistes allemands, par des parlementaires allemands, par des étudiants allemands et par des savants allemands. Par des officiers allemands, jamais. Le légionnaire, qui est de toutes les patries, n'en a donc, quand il entre à la Légion, aucune. Lorsqu'il y a passé du temps, il reconnaît alors une patrie. Et ce n'est pas, si généreux qu'ait été son geste, la France. C'est la Légion elle-même, et, dans la Légion, le chef direct. Le légionnaire n'a ni nom ni âge à lacompagnie de dépôt, à Oran, où il débarque, il donne sur lui-même les renseignements qu'il veut, et il se compose ironiquement la personnalité qui lui plait, et qu'on lui consent volontiers, si elle ne jure pas essentiellement avec les signes extérieurs de son individu. Quand je suis arrivé à Saïda, en 1886, j'ai donné à mon capitaine un nom patronymique qui m'appartenaitbien, mais qui, désuet dans ma famille depuis plus de trois siècles, me cachait à merveille. Et les petits Alsaciens de seize ans se disent tout d'abord Helvètes et prétendent, en bombant le thorax, être majeurs. Et j'ai vu, à Oran, le fourrier du dépôt s'impatienter devant une recrue qui disait s'appeler Muller « Voyons disait-il. Voilà le huitième Muller qu'on engage aujourd'huiI Ça va faire du « cornard on ne s'y reconnaîtra plus. Ça ne vous ferait rien, mon garçon, de vous appeler autrement? » Et comme l'interpellé souriait sans rien dire, ce qui est la façon légionnaire de répondre aux questions oiseuses, le fourrier, incontinent, le baptisa d'un autre nom, que j'ai oublié.

et

.légionnaire n'a point de passé. En se déracinant de son pays natal pour passer dans lo Sud oranais, il est désormais, de ce passé, le seul confident. Il en devient le tombeau. Car le légionnaire, avant d'échouer, barque désemparée sur la mer humaine, dans ce port âpre qu'est la Légion, a tout connu, sauf une seule chose qu'il recherche et qu'il trouve l'oubli. Déceptions d'ambition, manies d'inventeurs, excès de prodigues,désespoirs d'amour, ruines scandaleuses, dettes criardes, passions mortelles, folies d'aventures, ils ont tout connu, tout goûté, et, un jour, tout rejeté. Et leur individu leur fait horreur, et leur personnalité leur pèse, et ils ne veulent plus vivre. Ils se renient dans le passé et se renoncent dans l'avenir. Et ils entrent à la Légion, qui leur promet l'effacement certain et la mort probable. Rien, ni l'amitié, ni l'ivresse, ni même la mort, n'ouvrent des coeurs si hermétiquement clos et des lèvres si jalousement scellées. S'ils le veulent, et ils' sont là, ils le veulent presque tous, Le

ignorés, perdus, confondus pour toujours dans la foula informe, où rien ne les atteint ••• plus, pas même le souvenir, pas même le Le légionnairè vient d'un peu partout: et si remords. Ils trouvent là, pas une noule règlement ordonne qu'on lui demande, à velle vie, mais un recoursnon contre leur vie l'arrivée, sa nationalité, on n'exige pas que la ils y attendent de mourir, en tâchant de réponse soit véridique on ne lui demande tromper, par l'action violente, la longueur aucuns actes civils, certificats ou papiers des jours. Et, jusque dans la guerre, ils jouisquelconques; on ne lui réclame que sa signa- sent de la paix de l'âme éteinte. Dans ce ture sur sa feuille d'engagement, une bonne cloître militaire, où ils ne sont plus que des santé, et une robuste constitution. matricules, le collectif étreint souPar ailleurs la vie commune à la caserne, verainement et couche,anonyme au cercueil de la disle dur frottement de l'existence en campagne cipline, ces morts volontaires, que protègent aux colonies, permettent, grâce à d'inévita- contre la vie extérieure, aussi bien que la bles indiscrétions, à quelques abandons irré- croix monacale, les plis de l'étendard. fléchis, et à l'observation des tics ethniques, de Et, tout de même, ce sont des hommes. pronostiquer, plus ou moins exactement, L'âge, oublié, la vie, même honnie, l'origine des légionnaires. Les statistiques de leur ontmême fait des vertus et des vices qui ne Bel-Abbès et de Saïda, les deux portions cen- sauraient disparaître, et que la règle légiontrales des deux régiments, ne sont ni plus naire transforme. Cette règle, nette, claire, vraies ni plus fausses que les statistiques du âpre, infiniment juste, et, en certains cas, reste de l'univers. Voici ce qu'elles disent généreuse, plie les caractères singulièrement Depuis une trentaine d'années, l'effectif toune méme formule, et identifie extérieuretal du corps comprend 45 0/0 d'Alsaciens- en dans l'obéissance aux chefs et l'indifLorrains, 12 0/0 d'Allemands, 8 0/0 de Suis- ment, férence de la mort, ces tempéraments si di0/0 de Belges, 5 0/0 de Français, 7 ses, tous ces étrangers, étrangers à d'Espagnols et d'Italiens, 40/0 d'Austro-Hon- vers. Ainsi, étrangers entre eux, communient vite grois et de Hollandais (qui ont aussi une ànous, seul et même type, le type' légionnaire. Légion étrangère, casernée aux viles de la Etun ils sont tous pareils les uns aux autres, Sonde), quelques Anglais et quelques Asiati- dans tout ce qui se voit, s'entend et se fait. ques mineurs. Cette statistique explique, à Tout pareils, sauf dans cette cellule intéelle seule, les colères allemandes. C'est peu, rieure, si profonde, si noire, si murée, que en effet, que 1,200 hommes, plus ou moins personne, pas même eux, n'y pénètre jamais déserteurs ou insoumis, sur 60 millions de plus. Germains, servent à la Légion. Mais que les

Et voici que je dois partir. Ce matin, je me suis si hâtée pour rentrer à l'heure que mon visage était rouge comme celui d'une fille des champs. Lui, me regardait, et jamais je n'ai vu de regard aussi incompréhensible, presque irrité et presque suppliant. Que voudrait-il? Que me reproche-t-il ? Oui, je pars ce soir. Je vais l'abandonner sans l'avoir abordé avec des paroles amies. Je me suis conformée timidement aux usages. Je n'ai pas tendu des mains fraternelles à sa détresse. Mais j'ai fait ce que j'ai pu, en silence. Que pouvais-je de mieux? L'an prochain, il ne sera plus là. Il ne penchera plus son visage d'enfant souffre- Alsaciens-Lorrains réfractaires y dépassent FEUILLETON DU SUPPLÉMENT LITTÉRAIRE OU FIGARO

U

n

Voyage w tXI WEIMAR

Les Maisons sacrées On sait, on sent qu'il faut porter son

hommage à Gœthe d'abord. Sans doute est-il le grand parmi les grands auxquels Weimar se consacre comme un temple d'amour et de renommée, et pt$is encore il est le plus complètement représentatif. Tout en lui, la profondeur, l'immense curiosité, l'audace spirituelle mêlée au respect des dignités et du pouvoir, tout, jusqu'au caractère officiel de son personnage, exprime' la race avec une perfection et une évidence incomparables. Pour avoir été ambassadeur, Chateaubriand ne s'augmente pas, au contraire. Mais M. de Gœthe, ministre de Saxe-Weimar,est plus considérable que ne l'eùt été. le merveilleux poète Gœthe abrité en un coin bourgeois. Ses habitudes de courtisan loin qu'elles le diminuent, le complètent. La familiarité des princes et sa déférence étaient, sans doute, nécessaires pour achever en lui le grand homme type de l'Allemagne. Longtemps je reste immobile près de (1) Voir le Supplément Littéraire 13, 2Q, 27 septembre, 4, 11, 18, 8 et 15 novembre 1913.

des 1",

paraît insuppor-

Albert de Pouvourville.

sa maison basse, sans ornements. Elle vos révélations servent à tous pour senm'apparaît détachée de tout ce qui l'en- tir et penser: deviennent nécessaires. La vironne, éclairée autrement. Cette de- gloire, c'est que, sans vous avoir lu, les meure où sont venues en pèlerinage hommes vous citent non en répétant ce tant d'admirations, que tant d'esprits que vous avez dit: en vivant leur vie- Ils ont cherchée à travers l'espace, dont n'ont pas besoin de savoir ce que vous tant de rêves lointains ont battu les avez dit, de lire ce que vous avez écrit, murs jaunes, elle ne semble pas cons- votre volonté, la substance de votre truite.avec des pierres mais avec des âme est mêlée à l'air qu'ils respirent. Si pensées. Elle rayonne je ne sais quelle on enlevait aux plus incultes les énerchaleur lumineuse. Vainement, je tâche gies et la lumière spirituelle qu'ils vous de la voir en sa modeste réalité. Impos- doivent, leur pouvoir de se représenter sible L'éblouissement de la gloire est le monde et eux-mêmes, de haïr, d'aidans mes yeux. mer, de faire des images serait soudaiCe n'est pas le bruitqu'un nement diminuée. Ils pensent ne conLa gloire homme oblige ses contemporains de naîlre de vous qu'un nom, pourtant, faire sur son passage; ce n'est pas leur soumis sans le comprendre à un secret obéissance servile aux directions qu'il et fort instinct, ils lé prononcent, ce impose, ni mêmo l'admiration silen- nom, avec un respect mystique. Et leur cieuse et passionnée que suscite en mille inconscience vous donne la vraie gloire, lieux divers l'œuvre où brûle encore la prophètes qui avez ouvert, pour eux les chaleur de sa vie. La vraie heure de chemins 1

gloire commence lorsque le mouvement soulevé par ses passions et ses luttes s'apaise, lorsque sont morts ceux qui le haïssaient ou l'adoraient, ceux qui ont connu l'émotion de ses regards. On le lit moins, on le lit à peine, cependant les hommes sans chercher pourquoi acceptent son nom comme signe de grandeur et s'il arrive, malgré cet assentiment unanime, que les mots les plus vifs qu'il ait dits paraissent, à la longue, démodés, amortis, c'est que leur force n'est pas restée enclose aux pages des livres. S'échappant comme une flamme elle a pénétré les cœurs et les esprits, se transformant eu actes, continuant de se réaliser sous des formes nouvelles dont l'origine ne s'aperçoit plus. La gloire, c'est de faire partie de la du Figaro, sensibilité des générations qui vous sui25 octobre, vent, et si intimement, que vos paroles,

*••

Je me décide à franchir, timidement, le seuil de la maison sucrée. La première impression froide et sans grâce déconcerte à l'extrême. L'air de la simplicité n'est point répandu sur les choses. Je ne peux dire pourquoi on imagine aussitôt que celui qui les rassembla se trouvait tous les droits à l'admiration de l'Uni-

Il les avait Et vers. m'autorise droit à vouloir

moi quel

que dès l'es-

calier il s'essaye à la pompe, cet escalier beaucoup trop grand, et si vide et

que dès l'escalier, donc, des secrets intimes, des rêveries me soient révèles? Aucun droit, certes. Je monte le cœur contrit. Mais que tout est laid dans l'illustre maison Les mauvais moulages de statues antiques, dont certains sont badisi pauvre

RABINDRANATH TAGORE >1 Notre distingué confrère du Mercure de France, M. Henry-D. Davray est le premier qui,

fit connaître Rabindranàth 'Ces Tagore. extraits qu'on va lire et que M. dans notre pays,

Henry-D. Davray a choisis parmi les plus significatifs, dans l'œuvre du nouveau lauréat du Prix Nobel, donneront une idée de la manière de ce poète hindou, désormais célèbre.

Pour comprendre ce que peut être le mysticisme hindou, comment il se différencie de celui de sainte Thérèse ou de saint François, de Dante aussi et de Ruysbœck, il faudrait établir un parallèle entre notre conception de Dieu et celle qu'en ont les Orientaux. En Orient, les religions sont impersonnelles et se confondent avec de vastes philo-

sophies.

Tu m'as créé infini, selon ton plaisir. Ce vase fragile, tu le vides maintes et maintes fois, et tu l'emplis sans cesse de vie nouvelle. Cette petite flûte de roseau, tu l'as emportée par les collines et les vallons et tu y as soufflé des mélodies éternellement nouvelles. Sous l'immortelle caresse de tes mains, mon cœur infime perd ses limites dans la joie et donne naissance à des paroles ineffables. Tes dons infinis ne me viennent que sur ces mains si menues que je tends vers toi. Les âges s'écoulent sans cesse tu me gratifies de tes dons, et le vase jamais ne déborde.

délivrance? Notre maître lui-même, s'est cette rue déserte. Mon unique ami, mon joyeusement chargé des liens de la créa- ] bien aimé! les portes de ma maison tion; il est lié à nous à tout jamais. Sors sont ouvertes ne disparais pas comme de les méditations et laisse tes fleurs et un rêve. ton encens Quel mal y a-t-il si tes vêEis-tu dehors par cette nuit oratements sont dechirés et tâchés? Va à geu sé, poursuivant ton voyage d amour, Lui, et demeure auprès de Lui dans le mon ami? Le ciel gémit comme un délabeur et avec la sueur de ton front. sespère: Je n'aKrjasx sommeil, ce soir. A tout C'est avec ce Dieu qu'on ne trouve pas moment j'ouvre in a porte et je regarde dans les temples que le mystique se conténèbres, 't^on dans les ami fond Je vois rien devant moi. Je me de• ne Mon voyage dure longtemps et la mande où se. trouve ta \oute. route est longue. Par quel sombre rivagèdu fleuve noir, Je suis sorti sur le char du premier par quelle orée lointaine dt la forêt mepoursuivi j'ai lumière de et mon naçante, rayon quelles inextrkables proitinéraire à travers les déserts du monde, fondeurs par de tristesse, cherchas-tu laissant ma trace sur maintes étoiles et chemin pour venir jusqu'à moi, ton mon maintes planètes. ami? C'est le trajet le plus lointain qui rapIl vint s'asseoir à mes côtés, mais proche le plus de toi, et c'est la disci- je ne m'éveillai pas. Quel sommeil mâupline la plus compliqué^ qui mène à dit Malheur à moi 1 l'harmonie la plus simple. Il est venu quand la nuit était paisiIl faut que le voyageur frappe à toutes ble, il avait sa harpe à la main et mes les portes étrangères avant d'arriver à rêves ont retenti de ses mélodies. la sienne, et il faut errer à travers tous Hélas pourquoi mes nuits sont-elles les mondes extérieurs pour arriver enfin toutes ainsi perdues? Ah! pourquoi n'aperçois-je jamais celui dont le souffle au tabernacle le plus caché. Mes yeux se sont égarés au loin et au effleure mon sommeil? large de l'horizon avant que je les ferme Ne croirait-on pas lire, dans ces fragments, et que je dise :,« Te voici! » certains versets du Cantique des Cantiques ? La question et le cri: « Où? » se fondent dans les larmes de mille fleuves Les entraves sont résistanteset mon et inonde le monde sous le déluge de cœur s'endolorit quand j'essaie de les cette certitude suis »1 briser. Je ne désire que la libérté, mais j'ai •*• honte de l'espérer. Nous ne retrouvons pas ici, lorsqu'il s'aJe suis certain que la richesse inestigit de la nature, les images conventionnelles mable est en toi et que tu es mon meilde la poésie hindoue. Ce poète moderne a leur ami, mais je n'ai pas le courage de. rompu avec la tradition; il ne renonce pas à me passer des choses frivoles qui m'envivre dans la la société des humains

Je

pour Du fond de son humilité, le mystique solitude milieu d'une nature à laquelle il tourent. au apostrophe en ces termes l'homme présompLe linceul qui me couvre est un linAu contraire, Tagore obmêlerait pas. ne se tueux serve directement et il vit consciemment de ceul de poussière et de mort. Je le déteste, mais je le serre entre mes bras Insensé! qui essaies de te porter toi- la vie des choses

même sur tes propres épaules. Mendiant qui viens mendier à ta propre porte. Dépose tes fardeaux entre les mains de celui qui peut tout porter, et ne regarde jamais en arrière avec regret. Ton désir éteint tout de suite la flamme de la lampe qu'il effleure de son souffle. Il est profane ne prends pas tes dons de ses mains souillées. N'accepte que ce qui est offert par l'amour sacre. Et avec une sereine confiance, il s'adresse

à son Dieu Tu m'as fait connaître à des amis que

je ne connaissais pas. Tu m'as donné un siège à des foyers qui ne sont pas le mien. Tu as ramené tout près celui qui était loin, et fait de l'étranger un frère. Un malaise m'étreint le cœur lorsqu'il me faut quitter ma demeure habituelle j'oublie que là où est l'ancien est aussi le nouveau, et que là aussi tu habites. Dans la vie et dans la mort, dans ce monde et dans d'autres, n'importe où tu me mènes, c'est toi, le même, l'unique compagnon de ma vie infinie qui, toujours, avec des liens de joie, lie mon cœur à l'inconnu. Quand on te connaît, il n'y a ni étrangers, ni portes closes. Exauce ma prière, que je ne confonde jamais le bonheur du contact de l'unique avec l'agitation de la multitude.

amour. Le renoncement ne m'apporte pas la avec Mes torts sont nombreux, mes insucdélivrance. Je sens l'étreinte de la li-

berté par mille liens de délices. Tu verses toujours pour moi une rasade nouvelle de ton vin à la couleur et au parfum divers, emplissant cette coupe d'argile jusqu'au bord. Mon univers allumera à ta flamme ses cent lampes diverses et les placera devant l'autel de ton temple. Non! je ne fermerai jamais les portes de mes sens. Les délices de la vue, de l'ouïe et du toucher éprouveront ta joie. Oui toutes mes illusions brûleront dans un éclair de joie et tous mes désirs mûriront en fruits d'amour.

cès sont grands, ma honte est secrète et accablante, mais quand je viens te demander ce qui m'est bon, je tremble de crainte que ma prière soit exaucée. Tous ceux au monde qui m'aiment tâchent par tous les moyens de m'ei}?. chaîner. Mais il en est autrement de ton amour, qui est plus grand que le leur, et tu me laisses libre. De peur que je les oublie, ils ne me laissent jamais seul. Mais les jours se suivent et tu restes invisible. Si je ne t'appelle pas dans mes prières, si je ne te garde pas dans mon cœur, ton amour pour moi attend toujours

Laisse-là tes psalmodies et tes cantiques, et cesse de dire ton chapelet. Qui adores-tu dans ce coin sombre et solitaire du temple, les portes toutes closes? Ouvre les yeux, et vois, ton Dieu n'est pas devant toi Il est là où le laboureur retourne le sol aride, et où celui qui trace les chemins casse les pierres. Il est avec eux par le soleil et par la pluie, et son vêtement est couvert de poussière. Ote ton. manteau sacré, et, comme Dieu, descend sur le sol poudreux. La délivrance? Où trouveras-tu cette

mon amour. C'est toi que je veux, toi seul Que mon cœur le répète sans cesse. Tous les désirs qui, nuit et jour, me distraient sont trompeurs et vides. Ainsi que la nuit cache dans ses ténèMes désirs sont nombreux et mon cri bres la prière pour que je renaisse à la est pitoyable, mais tu m'as toujours lumière, du fond de mon âme retentit lé sauvé par de durs refus et cette force cri: « C'est toi seul que je veux Toi miséricorde a été façonnée d'outre en seul »n De même que l'orage désire s'abîmer outre dans ma vie. De jour en jour, tu me rends digne dans la paix, quoiqu'il la rompe de toudes grands dons simples que tu m'ac- tes ses forces, de même ma révolte frappe cordes sans que je les demande le ton amour, et s'écrie encore « C'est toi ciel et la lumière, ce corps, et la vie et que je veux Toi seul » l'esprit me sauvant ainsi des périls Un amour qui trouve de tels accents pour d'un excès de désirs. s'exprimer n'est-il pas d'une pureté infiniParfois je m'attarde dans l'indolence, ment plus grande que la passion dé la Sulaet parfois je m'éveille et me hâte en mite quand elle s-'écrie «Je suis à mon bienquête de mon but, mais cruellement tu aimé et mon bien-aimé est à moi '? 'te caches à Quand le cœur est dur et desséché, Jour après jour tu me rends digne de t'accepter tout entier, en m'opposant de viens à moi avec une averse de miséritemps en temps dès refus qui me sau- corde. Quand la vie a perdu sa beauté, viens vent des périls d'un faible et incertain désir. avec l'accord soudain des chants. Quand, de toutes parts, l'activité tuPar un effort constant, le mystique sou- multueuse soulève son vacarme et met son âme à la volonté divine, dont il voit m'exclut de l'ao-delà, viens à moi, ô seiles manifestations en toutes choses gneur du silence, avec ta paix et ton Si tu ne me parles pas, je remplirai repos. Quand mon cœur misérable est acmon cœur de ton silence et je le subirai. Je me tiendrai coi, et j'attendrai comme croupi, relégué dans un coin, enfonce la nuit en sa vigile étoilée, la tête bais- la porte, mon roi et entre a.vec le cérémonial d'un souverain. sée avec patience, Quand le désir aveugle l'esprit avec le Le jour viendra sûrement, l'obscurité et la poussière, ô toi, très passera et ta voix ruissellera du ciel en mensonge saint 1 toi, vigilant viens avec ta clarté fleuve d'or. Alors tes paroles prendront l'essor et ton tonnerre. Il n'a pas plu depuis bien des jours, dans les chansons des nids de tous mes oiseaux, et tes mélodies s'épanouiront mon Dieu, dans mon cœur aride. L'horifarouchement dénudé 1 Pas le en fleurs dans tous mes bosquets de fo- zon est plus mince voile de nuage tendre, pas la rêts. plus promesse d'une fraiche L'esprit toujours en éveil discerne partout aversevague lointaine. la présence divine Envoie ta tempête en courroux charParmi les ombres profondes du juillet gée de mort, si tel est ton désir, et, sous pluvieux, à pas furtifs tu marches, dis- le flagellement des éclairs, fais frémir le cret comme la nuit, évitant tous les veil- ciel d'un bout à l'autre. Mais rappelle, mon Dieu, rappelle leurs. Aujourd'hui le matin a fermé ses yeux, cette muette et pénétrante chaleur, insoucieux des cris persistante du calme, âpre et cruelle, qui brûle le cœur bruyant vent d'Est, et un voile épais d'un affreux désespoir. Fais que le nuage de la grâce se pens'étend sur l'azur du ciel qui veille sans che du haut du ciel, comme le regard cesse. Les forêts ont fait taire leurs chants noyé de larmes de la mère, au jour du et les portes de toutes les maisons sont courroux paternel. Au petit jour, on a dit tout bas que closes. Tu es le passant solitaire dans

geonnés et vernis pour imiter le bronze, les piteux paysages, une affligeante copie d'après Titien, d'ennuyeuses céramiques. Et puis les portraits, tant de

rapport nous ne percevons que ce qui est là. Pour eux, les poètes, ce qui est là, sert seulement à les pousser sur les routes mystérieuses de l'universel.

cupé de cela exclusivement, toute la journée. Haïssables portraits Déçue, ahurie, je me sens l'attitude empêtrée des paysans que l'on mène au Louvre et qui ne savent où ni comment regarder, et même doutent si regarder est bien la chose à faire. Qu'est devenue l'émotion confuse et puissante qui me comblait tout l'heuredevant la maison close. J'ai envie de m'en aller, mais je reste. J'attends. Et peu à peu les choses s'animent. Lentement la froide maison se réveille et parle. Goethe aimait trop l'Apollon du Belvédère, ses curiosités sont laides, il n'avait pas un goût bien sûr. C'est que l'instinct de grande poésie et la faculté de choisirsansfaute les plus bellesparmi les formes,- les plus harmonieuses parmi les couleurs habitent rarement le même esprit. On se rappelle les meubles d'une atrocité singulière, combinés par Victor Hugo. Les grands poètes n'ont ordinairement pas dégoût. Les objets ne leur apparaissent pas comme à nous, avec leur caractère absolu, limité. Le don de poésie, c'est le pouvoir de révéler les rapports secrets qu'ont entre elles des choses différentes en apparence. Nos yeux ne découvrent pas ce

Nousvoyons des plâtres blêmes.Quand les yeux de Goatae !es touchaient, la vie antique raniméeemplissait de couleurs, de lumières de rythmes joyeux et libres, toute l'atmosphère grise de cette vieille maison. Et ces intailles ces bronzes, ces fsdences, ce bric-à-brac italien, quelles i'vresses perdues lui apportaient-elles ? Dans toutes les chambres de sa maison il a mis des souvenirs du voyage où sans doute il vécut ses heures les plus parfaites. Et dans toutes les chambres de. son esprit n'y avait-il pas, la mémoire» brûlante et triste, l'invincible regret de cette Italie qui laboura son cœur plus profondément même que entré à Rome. » Et puis il est revenu a retrouvé ses passions? l'atmosphère obcurcit sombre qui tous Son amour de; l'Italie est l'un des dra- « le reflets, les où est enfermé on mes de sa vie ultérieure. Dès l'enfance dans d'étroitespays tristes et demeures ». Et il en est agité. Le désir d'aller « là-bas » grandit toujours, s'exaspère jusqu'à de- parmi ses pierres gravées et ses moulavenir « une mala.die morale qui le tour- ges, il a dû goûter jusqu'en son extrême mente follement». Il tait le besoin forcené amertume la nostalgie des cœurs en qui l'empoisonne. Pendant des années exil. ••• il ne peut lire., ni même toucher, ni voir un livre latïn.tant l'appel qui en sort Pénétrée par le regret pathétique qu'exle déchire. Wietand traduit les satires halent tous ces bibelotsternis,je reviens d'Horace, il y jette les yeux, et une mi- aux portraits. Ils disent régulièrement bère affreuse noie son cœur « A la se- l'histoire totale de la noble figure la conde lecture, la tête lui tourne ». « Si jeunesse, la maturité, la grande vieilje n'étais venu >en Italie, avoue-t-il, lors- lesse. Longuement, l'une après l'autre qu'enfin il cèdb.3 à l'irrésistible désir, je j'interroge les pauvres toiles. Sous l'air crois que j'aurais perdu la raison ». inspiré que la sottise des peintres inflige « Voir ce pays était une soif qui me dé- uniformémentà toutes ces images, ne dévorait » Et quand il a saisi son rêve, couvre-t-on pas autre chose, et dans quelles exclamationsde joie frémissante, toutes la même chose le tourment? A presque doulq ureuse parfois « La fati- les bien regarder, ces portraits de l'Olymgue de l'effort que me coûte le renouvel- pien révèlent une merveilleuse inquiélement de motD. être concentre toutes mes tude. Les plus jeunes montrent déjà

Une mystérieuse initiation, toute personnelle, permet de percevoir la présence de

Dieu, toujours et partout:

Quand tu étais le partenaire de mes jeux, je n'ai jamais demandé qui tu étais I Je ne connaissais ni timidité ni effroi, ma vie était turbulente. Dès l'aube matinale tu m'éveillais de mon sommeil, comme mon camarade, et tu me conduisais en courant, de clairière en clairière. En ces jours-là, je ne me souciais jamais de ceque voulaientdireleschansons que tu me chantais, mais ma voix reprenait les mélodies et mon cœur dansait à leur cadence. A présent que lé temps des jeux est passé, quel spectacle soudain vient me surprendre? Le monde, les yeux baissés vers tes pieds, te témoigne son respect et sa crainte, avec ses étoiles, silencieuses. Constamment, le poète exprime son désir du divin compagnon, il réclame la présence divine

portraits misérables! La plupart de ces peintres sans talent qui ont exercé sur lui leur détestable industrie, se sont fait un devoir de donner à Gœthe un absurde air de génie. L' « Homme » que Napoléon apercevait, ces barbouilleurs ne l'ont pas deviné, mais seulement le grand homme, bien averti qu'il est un grand homme, et oc-

Le spectacle de la vie ne fait pas oublier que l'homme est ici-bas en quête d'un bien plus précieux infiniment et qu'il doit se don-, ner tout entier pour recevoir l'amour du compagnon divin qui chemine près de son cœur.

moi..•

»

le

facultés ». Ensuite il crie plaisir d'être qu'il ne connaissait pas, et le rafraîchissement prestigieux de ses énergies spirituelles. Il lui paraît que pour la première fois il comprend « les choses de ce monde ». Il brise avec les anciens rêves et jette son mépris à l'art gothique de la vieille Allemagne « Les pauvres saints juchés les uns sur les autres dans de mauvaises niches, les colonnes en tuyaux de pipe, les petits clochers pointus Grâce à Dieu j'ai dit un adieu éternel à l'étude de tous ses objets! à Il qualifie son voyage en salto mortale.. Il sait que tout est changé pour lui « Il s'est fait en moi une révolution complète ». « Je regarde comme mon second jour de naissance, comme l'époque réelle d'une seconde vie, le jour où je suis

Il

|

une


nous partirions en bateau, toi et moi, jks'uls, et que personne au monde n'ap-

Le Rêvé et l'Action

prendrait notre pèlerinage sans but et vers un pays qui n'existe pas. Sur cet océan sans rivage, à ton'sourire attentif et muet, mes chants s'enueront en mélodies libres comme le/ va-

C'est un Jiomme redoutable qu'un polémiste la plume entre ses doigts n'est que parole. libres des de 19 entraves gues, l'arme d'un combat quotidien. Durs L'heure n'a-t-elle pas soni2é? Reste-t-il qui n'admettent point les lenteursassauts et les de la besogne à achever, Vois, le soir est finesses d'une escrime de parade. Il peut descendu sur la rive, çt', dans la lumière arriver, cependant, qu'un rude jouteur qui s'éteint, les oiseux, de mer volent rêve de coups mieux calculés, amenés vers leurs nids. plus longuement, et de passes plus éléQui sait quand on larguera les amar- gantes quel polémiste n'a souhaité le derbateau, quand V comme res, et d'écrire, tant d'articles spirituels, nier scintillement du soleil couchant, se ironiques après ou meurtriers, une œuvre méperdra dar« la nuit? ditée à loisir, où son ardeur se donnerait Je n^ sais depuis quelle heure loin- plus de champ, et sa verve une liberté à taine tu ne cesses de venir à ma ren- peu près sans limites? Dans le coeur de contre. Ton soleil et tes étoiles ne pour- tout journaliste un peu passionné, un roront pas toujours te cacher à mes yeux. mancier sommeille il ne sommeille que soir et le matin, j'ai bien souvent d'un œil et guette le moindre prétexte à entendu tes pas, et ton messager est s'éveiller. venu au dedans de mon coeur pour m'apIl s'éveille quelquefois il entreprend peler en cachette.' ce qu'il appelle « une œuvre forte»; les Je ne sais pourquoi, aujourd'hui, toute idées qu'il servait au jour le jour, effeuilma vie tressaille, et une sensation de lant à leurs pieds des pages éphémères, il joie palpitante passe à travers mon va leur consacrer une apologie durable. cœur. Le roman paraît; on s'étonne de le trouOn dirait que l'heure est venue de tercharmant. L'escarmoucheur s'est déminer ma tâche, et je sens dans l'air le ver tourné de la grandeguerre il avait conçu parfum subtil de ta douce présence. pourtant des plans formidables, organisé N'entend-on pas, dans la strophe suivante, prudemment ses démarches, réglé une des accents d'allégresse, comme ceux de l'es- stratégie de longue haleine mais il s'est attardé aux détours des chemins par où poir messianique ? il devait passer; il s'est penché vers les N'as-tu pas entendu ses pas silencieux? talus pour y cueillir des fleurs, il s'y est Il vient, il vient, il vient sans cesse. assis pour contempler le paysage A chaque moment et à tout âge, de même et pour le décrire. jour et de nuit, il vient, il vient, il vient Louis Veuillot dont-on célèbre ces sans cesse. centenaire connut cette Par les jours parfumés de l'avril enso- jours-ci le lorsque, au début de sa carrière, leillé, à travers le sentier de la forêt, il aventure il hésitait encore à se renfermer dans vient, il vient, il vient sans cesse. gloire du journaliste qui, chaque J'ai chanté de nombreuses chansons, l'âpre descendre de la montagne selon l'humeur changeante de mon âme, matin, doitauréole renouvelée autour du mais toutes ont toujours proclamé il avec une front. Il crut qu'il serait utile à ses croyanvient, il vient, il vient sans cesse. Sur le char orageux des nues, par les ces en composant « un roman chrétien», évanténèbres pluvieuses des nuits de juillet, où la supériorité de la morale gélique sur la simple lionnéteté mondaine, il vient, il vient, il vient sans cesse. fût démontrée par un exemple saisissant. Dans les souffrances qui se renouvel- Dans temps que George Sand, après avoir lent, ce sont ses pas qui m'oppressent le publiéle Valentine et Lélia, pensait à se faire OGrji', et c'est le divin contact de ses la zélatrice romanesque des doctrines sopieds qui fait resplendir ma joie. Louis Veuillot écrivitPierre SainLumière! où est la lumière? Embrase- cialistes, tive. Il ne récidiva point. Le roman lui la avec les flammes dévorantes du désir! avait joué un tour imprévu de l'apoVoici la lampe sans étincelle, est-ce appliqué à inventer une intrigue là ton destin, ô-mon cœur? Ah, 1 la mort logiste, à la fois honnête, sentimentaleet démonsserait mieux pour toi! fait, sans que l'auteur s'en L'angoisse frappe à ta porte et t'an- trative, il avait doutât, un psychologue aussi curieux de nonce que ton maître t'appelleau rendez- débrouiller des émotions que de les apvous, à travers les ténèbres de la nuit. Pierre Saintive rend compte des Le ciel est couvert de nuages et la précier d'une conversion; à une époque pluie. ne cesse pas. Je ne sais pas ce qui étapes tant d'oeuvres étaient remplies de .la s'agite en moi, je ne sais pas ce que cela où passion et de ses coups de fdudre, Veuillot veut dire. sur le coup de foi » ce qu'on apL'éclair qui passe rend ma vision plus apporta obscure et mon cœur tâtonne pour trou- pela plus tard un « document ». C'est peut-être que le roman ne se laisse ver le sentier vers lequel la musique de point facilementdisciplineret qu'il émane la nuit m'appelle. La lumière Où est la lumière? Em- de ce genre une séduction à quoi les esne résistent guère brase-la des flammes dévorantes du dé- prits les plus farouches sir. Il tonne et le vent s'élance en hur- ceux qui le savent n'essaient point d'aildes résistances inutiles lant à travers l'espace. La nuit est noire leurs contre luiles polémistes d'aujourest rare que comme une pierre noire. Fais que les il heures ne s'écoulent pas dans les ténè- d'hui transportent dans une œuvre d'imabres. Avec ta.vie embrase la lampe de gination la fougue et l'âpreté de leurs articles. l'amour. C'est ainsi que l'on chercherait en vain, Lumière ma lumière lumière qui emplit le monde 1 Lumière qui baise les dans le roman publié, ces jours-ci, par M. Guy de Cassagnac, un écho des retenyeux Lumière qui adoucit le coeur 1 Ah la lumière danse au contre de ma tissantes fanfares que le jeune directeur vie, mon bien-aimé Les cieux s'entr'ou- de V Autorité soune étiaquejour, autpur continue d'assurer couTjrent Les vents se déchaînent L'allé- des idées dont il rageusement la garde. Quand la nuit fut gresse parcourt la terre. dans une région Les. papillons déploient leurs ailes sur venue. nous introduit baignée d'une lumière pure, où les bruits une> mer de lumière. Les lis et les jas- terrestres ne produisent pas d'ébranlemins s'épanouissent sur la crête des ment. Aucune indication ne permet de sivagues de lumière. sur la carte la maison rustique, le parc Là lumière s'irradie en pluie d'or'sur tuer en éperon au bord extrême d'une les nuages, mon bien-aimé, et s'épar- terminé colline, ou deux hommes et une femme pille en une profusion de gemmes. un drame presL'a joie voltige de feuille en feuille, heurtent leurs cœurs entrois héros nous silencieux. De ces mon bien-aimé, et une gaîté sans me- quesavons que les prénoms; l'auteur nous sure. Le fleuve du ciel a débordé par- ne les désigner sans les dessus ses rives et la joie déborde par le avertit que s'il eût pu baptiser, il se fût volontiers dispensé de mondeun peu vulgaire. Il semQue tous les accords joyeux se con- cette formalité M. de Cassagnac ait voulu s'élefondent dans mon dernier chant la ble que jusqu'à l'un de ces temples sereins, joie qui fait danser par le monde les ver par le vieux poète, où rien de sœurs jumelles la vie et la mort, la joie entrevus grossier ne peut parvenir; telqui passe dans la tempête secouant tout ce qui est lement il était avide de quitter le tumulte ce qui vit et le contraignant à rire, la des faits, et la vie ordinaire à laquelle un joie qui se pose calme avec ses larmes humoriste reprochait d'être si terriblesur le rouge lotus épanoui de la douleur, ment « quotidienne. »* et la joie qui jette dans la poussière tout Au reste, le premier devoir du poléce qu'elle a et ignore tout le reste. Oui, je sais, ceci n'est rien que ton miste est d'ouvrir sur les événements des infatigables; M. Guy de Cassagnac a amour, bien-aimé de mon cœur, cette yeux un aveugle c'est lueur dorée qui danse sur les feuillages, choisi pour protagoniste que ce polémiste, en deveces nuages qui voguent indolemment délibérément dans le ciel, cette brise fugace qui laisse nant romancier, refuse son regard aux menues réalités qui sont le champ ordisa fraîcheur sur mon front. Mes yeux sont inondés de la clarté de naire de ses combats; il s'affirme curieux profonde il veut suivre l'aube voici ton message à mon cœur. d'une réalité plus Ton visage s'incline vers moi, tes re- les détours imprévus des sentiments. gards plongent dans mes yeux et mon L'aveugle, qui lui sert de guide, est, dans le domaine des cœurs, singulièrement cœur a touché tes pieds. perspicace; M. de Cassagnac, en sa com-

Le

Rabindranath Tagore.

tion où abondent les perspectives intéressantes il n'a pas tort de penser que quelques-unes sont inédites. Ce n'est pas un amour banal, en effet, que celui qu'il, analyse. Un jeune écrivain, frappé de cécité quelques mois après son mariage, cesse peu à peu d'aimer sa femme à mesure qu'il sent qu'elle se détache de lui; mais au lieu qu'Irène le trahit en faveur d'un amant, et en vertu du droit bien connu de « vivre sa jeunesse et sa vie », Gilbert ne suscite point à sa il femme d'autre rivale qu'elle-méme a conservé d'elle, sous ses paupières désormais closes, une image qui, chaque jour, grandit un peu plus dans son souvenir, et s'idéalise elle l'éblouit intérieurement et bientôt devient pour lui plus vivante que le fantôme méprisable qu'il sent rôder, infidèle, autour dé ses yeux

morts.

Tout ainsi se passe « de l'autre côté des prunelles » dans ce roman pathétique et douloureux. On ne s'attendrait point qu' 1 fût signé de l'ardent polémiste qu'est M.

Guy de Cassagnac. Tant il est vrai que la littérature doit être, au sens où l'entendait Pascal,undivertissement.Quand la nuit fut venue. ne déroge point .à la tradition, parce que son auteur, de surcroît, est un polémiste. Au reste, quelque désintéressé que paraisse le ton de ce roman, il s'en dégage une impression âpre et douloureuse les trois personnages sont, malgré la noblesse de leurs intentions, assez vilainement égoïstes M. Guy de Cassagnac s'abstient de solliciter pour aucun d'eux notre sympathie entière. Et cet exemple tendrait à démontrer que lorsque les polémistes écrivent des romans psychologiques, c'est pour goûter le plaisir raffiné de dire encore aux hommes quelques vérités amères. -^j. Maurice de Meoty.

revint au Gymnase, où l'on ne donnait

un

il

I

très audacieuses choses c

s'attristent

la

débauche.

Le nouveau Cid, Don Sanche de Toëlas, est fiancé à une orpheline, Estelle, sur l'honneur de laquelle veille jalousement son frère Don Bustos. Don Sanche IV, entrant dans Séville, s'éprend d'Estelle et projette de l'enlever. Don Bustos devine le plan du roi. Don Sanche IV vient de nuit et se voit forcé de fuir sous les coups de Don Bustos, qui le frappe du plat de son épée. Le prince charge Don Sanche de Toëlas de le venger. Le Cid refuse d'être un assassin, mais promet de tuer en duel celui qui outragea son roi. Lié par son

serment, il apprend que son adversaire est le frère de sa fiancée il le tue. Jugé, il est condamné à mort. Estelle refuse de lui faire grâce, malgré son amour pour lui. Le roi avoue alors que Don Sanche a agi par son ordre. Estelle va ensevelir sa douleur dans !un couvent. Les censeurs examinèrent le Cid d'An-

fl Traversles Revues

Conjointes, la fièvre curieuse de l'âme moderne et l'auguste sérénité de l'âme antique ont été fécondes. D'Hélène et de Faust un fils naît, le sublime enfant de joie: Euphorion. Mais Euphorion meurt très vite et Faust reprend sa route, Méphistophélès à ses côtés. Enfin il va trouver la paix peut-être, car il est sûr de faire le bonheur des hommes..Il veut dessécher des marais, répandre la santé, la joie. Il meurt. Le marais n'est pas desséché, les hommes ne sont pas plus heureux, c'est l'ironie dernière, la plus désespérée, peut-être, de ce poème si terriblement beau. Méphistophélès est vaincu à la, fin. Faust échappe à l'enfer, appelé en haut Mais après par l'humble amour de Marguerite. Sans de jeunesse. Sans doute WertheriIyaFaustqui,ayanttoutessayé, doute 1 Faust était trop pareil à son âme tout pensé est si mortellement las. « Au- pour que Gœthe eut le courage de le cune volupté ne le rassassie, aucun bon- damner. Mais n'allons pas tirer de là heur ne le satisfait». Et à la fin, du som- une conclusion optimiste met de la connaissance, il crie « Nature, Non, le grand poète ne fut pas calme, rien qu'un suis-je qu'un homme, libre de l'angoisse humaine, satisfait de que ne homme devant toi. Ce serait alors la son génie et de sa gloire, assis bien à peine de vivre 1 Faust règne sur toute l'aise dans son orgueil. Constamment, il la maturité et la vieillesse de Gœthe. avoue son besoin d'échapper. « Poésie, Entre l'ébauche de la première partie c'est délivrance », a-t-il dit. Et il conet l'apparition de la seconde, plus de vient d'avoir fait Werther pour se « déquarante ans s'écoulent. La prodigieuse barrasser » de la manie du suicide. Il a inquiétude du philosophe et l'âcre né- fallu sans cesse qu'il se délivrât et se gation du personnage diabolique ont été débarrassât, ce monarque absolu de jusqu'au bout présentes dans son cœur. l'esprit, au destin si magnifique. Et ses Dans l'une des scènes de la fin, Faust se bonheurs, qu'en pensait-il ?Ceci « Il faut croit seul parmi les ténèbres de minuit briser le verre dans lequel on a bu une Mais des formes indistinctes bougent jouissance ». Est-ce la parole d'un tout à coup, et parlent. L'une entre, s'ap- homme qui remercie la vie et fespère en « Qui es-tu ? » demande-t-il elle? proche épouvanté. Et elle répond seulement Il dit encore quelque part qu'un hom» c'est le Souci. là suis Je « me est d'autant plus grand qu'il exHélène Quand Faust épouse nous prime son époque avec plus d'intensité. croyons que le tourment de son esprit va Nous le trouvons si grand, parce que s'apaiser définitivement Mais point. en dépit de toute attitude, de toute léque tant d'années ensuite il le raconte. Son équilibre nerveux n'était pas parfait,avouons-le, ni son imagination constamment joyeuse. On sait de reste que, avant d'écrire Werther, il eut l'habitude de poser chaque soir sur sa table de nuit un couteau bien pointu, et chaque soir, de discuter avec lui-même si le moment était venu ou non de planter le couteau dans sa poitrine. L'envie de se tuer ne lui était pas particulière. Le goût du désespoirtravaillait alqrs et ses camarades et une immense quantité de jeunes gens par toute l'Europe. Certes! EtWertherest né de l'atmosphère ambiante plus encore que de la neurasthéniepersonnelle de Goethe. Werther, d'ailleurs, est une crise

Je pense «l'opinion gé-

comme suit plus le Comédien d'Etampes. c que, sous un ministre fort de Lemontey fut censeur de 180.4 à 1826. nérale, il y aurait peut-être un peu de fai- Il faut en prendre son parti; le vagabonC'était, ce Lemontey, un ancien avocat; blesse à concevoir de pareilles craintes ». dage d et le dérèglement, tel est le. sort déréservé d'abord il avait eu des succès à l'AcadéRespect à l'autorité. Un gendarme, sormais pauvre Thalie. Son s n'est plus que celui d'une prostituée qui r mie de Marseille. En 1789, il devint pro- dans le Forçat libéré, dut être supprimé, rire au milieu de sa dissipation et de e cureur de la commune de Lyon et, plus Les censeurs firent preuve de libéra- s'étourdit 1 tard, membre de la Législative. Deux lisme en permettant qu'on lui substituât": la S'ils revenaient, les censeurs' trisans d'exil, en Suisse, dans un calme un garde-chasse 1 charmant. Au retour,; il écrivit des liA l'Odéon, la Vengeance d'une femme; tes En 1826, on jouait, aux Variétés, la vrets d'opéras-comiques. II avait une supprimer « Préjugé cruel, funeste orémis de Neuilly les censeurs comdcctrine, le « sybaritisme moral ». gueil de la naissance. », Aux Variétés, Cependant, il composa un gros ou- le Voile rouge; supprimer: «C'est un mandèrent que les bosquets où .les amants s'égarent fussent éclairés. vrage L'établissement monarchique de grand seigneur, il faut chanterses vertus La Saint-Louis des artistes, que l'auLpuis XIV, qui lui valut d'être reçu à ce n'estpaslong. Au Gymnase, le Tesl'académie française. Il publia ensuite tament singulier supprimer « Vous teur destinait à la Porte-Saint-Martin, Les uie étude relative à Paul et Virginie., êtes genti;hommes Savez-vous lire?. » ne paraissait pas très dangereuse. Respecta l'Académiefrançaise.Théau- censeurs y relevèrent un mot qui d'asans se presser. Autour de ses fonctions lon et Dartois avaient écrit Le Candidat bord les offensa; ils le rayèrent, ce mot: d< censeur, il plaisantait. Et il disait N'allez-vous pas, ce soir, entendre à l'académie de province. Et le titre in- le mot cuisse-. Et puis, ils réfléchirent. i diquait assez bien qu'il s'agissait d'une Et ils autorisèrent cuisse, car ce mot Mhalie, par Racine et Lemontey?. petite académie dé rien du tout. Mais la cuisse est « consacré dans les ateliers ». /Et il fut un aimable censeur. Mais d'autres censeurs n'étaient point comédie était toute pleine d'allusions à D'ailleurs, « il paraît devoir rester, puis-1 timables. MM. Gével et Rabot racontent l'Académiefrançaise. Lacretelle rédigea qu'il s'agit d'un hercule ». Les censeurs, on le voit, réfléchissaient; et ils étaienti ,es prouesses des moins aimables cen- son rapport: cléments, ayant réfléchi. seurs. Et voici l'histoire d'une tragédie Une espèce d'imbécile, M. Doucet, ancien MM. Claude Gével et Jean Rabot side Lebrun, le Cid d'Andalousie. faire confiseur, la prétention de

dalousie et décidèrent qu'un tel spectacle a compromettait la. dignité royale ». Ils prièrent Lebrun de supprimer les coups d'épée que Don Bustos donne au roi. Lebrun supprima les coups d'épée. On le Plia d'observer aussi que certains vers n'étaient pas tolérables Xa Censure ° Bustos de Tabena n'a point appris à plaire. Mais, quoi Ne doit-on pas « tâcher de A l'aide de nombreux documents, ré- plaire a son roi o ?. cemment versés par l'administratioh des Beaux-Arts aux Archives nationales J'aéne un sujet loyal, même s'il m'est contraire– MM. Claude Gével et Jean Rabot reconsbien, sujet loyal n'est pas conEh tituent l'histoire de « la censure théâ- traire à son un roi Restauration trale sous la et ils pu» Etc. Chateaubriand, qui alors était blient dans la Revue de Paris leur étude, ministre, intervint en faveur du poète. qui est amusante, d'ailleurs. Le Cid d'Andalousie, corrigé, amendé, La censure existait en fait, disent-ils, n'eut pas moins de quatre représentadepuis le Moyen Age. Mais elle fut orga- tions. L'un des censeurs avait eu, somme nisée pour la première fois au commen- toute, une bonne pensée en signalant cement du dix-huitième siècle. L'Assem- que ce « monstrueux ouvrage » offensait blée nationale, en 1791, l'abolit. Le Pre- la mémoire de Corneille. mier Consul la réorganisa au mois Une Agnès Sorel, en un acte, fut ind'avril 1880 et la consacra, le 8 juin 1806, terdite. L'auteur avait, cependant, muldécret dont voici l'article 14 un par tiplié les allusions élogieuses au nouveau pièce être jouée Aucune ne pourra roi Charles X. Les censeurs se méfièrent, « l'autorisation ministre du la de sans po- disant lice ». On le voit par ce résumé, la supQui ne connaîtles malices de l'antiphrase?. pression de la censure est une idée révoSous le ministère Martignac, la cenlutionnaire le rétablissement de la censure coïncide avec le rétablissement sure montra de.l'indulgence, paraît-il. de l'ordre dans ce pays. C'est, à mon Les censeurs approuvèrent Deux Taavis (et non point au gré de MM. Gével bleaux de Paris le ministre exigea un et Rabot) un bon signe pour la censure. nouvel examen. L'on voyait, en 1788, le Il y a quelques années, on a supprimé marquis de Solange secourir un nommé la censure: et le désordre florissaitalors. Palu, paveur. Et l'on voyait, quarante On maintenant des velléités de la réta- ans plus tard, le marquis de Solange 'blir:a c'est qu'on a des velléités de rétablir ruiné, le paveur promu à' la qualité de un peu l'ordre. Mais on ne la rétablit millionnaire. Le paveur donnait sa fille pas c'est que nous vivons en un temps en mariage au fils de son bienfaiteur. de velléités honorables et peu actives. Les censeurs, avertis par le ministre, Les amis d'une grande liberté s'attris- considérèrent que cette aventure était teront à l'idée que, sous l'Empire, il fallait quasi subversive. Le contraste du marune autorisation de la police pour faire quis et du paveur semblait un peu fort et scandaleux. L'auteur supprima le jouer une pièce. Mais, au surplus qu'avait-on besoin de théâtre, et qu'avait- titre de marquis, donné par lui à M. de on besoin de littérature, sous ce beau Solanges et le paveur fut ingénieur des règne?. ponts et chaussées. Il était recommandé aux censeurs de MM. Gével et Rabot notent que, sous la Restauration, c'est la censure impé- barrer toute allusion à l'Empereur; et, riale qui continue de travailler « la dans les Moralistes de Scribe, ils ôtèrent censure du théâtre n'avait été l'objet cette réplique « Ce soir, les napoléons d'aucune loi; son existence même était, roulent à l'écarté ». Pas d'allusions politiquesl.Il y avait, en quelque sorte, un abus de pouvoir ». dans un vaudevillede 1826, L'Auvergnate Peu importe. Le manuscrit, présenté aux censeurs, ou le principal locataire, ces mots « 11 était admis, reçu à corrections ou refusé. porte un cœur libéral ». Le chef du buPuis les inspecteursde théâtre veillaient reau des théâtres fut inquiet. Mais il à ce que le texte récité devant le public réfléchit assez profondément pour écrire, fût exactement celui que les censeurs en définitive « Libéral étant placé là avaient admis. Alors, quand un acteur comme synonyme de généreux, je pense était mécontent de son rôle (cela s'est qu'on pourrait le laisser ». Voilà comme vu), ce mécontent avait un moyen subtil les censeurs étaient attentifset consciende s'en délivrer. Il débitait, d'un air in- cieux. nocent, l'un des passages supprimés par On n'aimait pas que les auteurs drala censure. L'inspecteur de théâtre s'en matiques missent dans leurs pièces le apercevait et le préfet de po ice inter- mot « ministre ». En 1816, la Portedisait la pièce. C'est le stratagème au- Saint-Martin se proposait de donner un quel eut recours une fois l'acteur mélodrame intitulé Le Ministre fausPerlet, du Gymnase. On donnait le Co- saire. Elle fut priée de trouver autre médien d'Etampes. Il lança deux vers chose. Et, dans Le Beau-Frère, il y avait redoutables et, là-dessus, s'arrêta quel- ceci « Dans son époux, elle ne pouvait ques instants, le temps de laisser l'ins- voir que son ministre des finances ». Un pecteur remarquer le scandale. On le censeur demanda « Est-ce que cette pagnie, accomplit un voyage d'etfplora- mit en prison, un peu de jours. Puis il réplique n'avilit pas l'autorité? » Mais

expression tendue, à mesure que la vie a des hallucinations visuelles, et par .marque plus fort la contraction inté- exemple, celle-ci. rieure devient plus évidente. Et à la fin, Le Vicaire de Wakefield que Herder quel souci dans les rides du front Et ce lui avait lu, le jeta en un grand enthoumodeiédesjouesquiparaîttrembler,n'est- siasme. Rien ne lui paraissait plus touce pas l'habituel tiraillement du doute chant, plus délicieux que cette simple anxieux qui l'amollit de la sorte? Et ces histoire. Comme en était tout occupé béant n'a leur regard ouverts, trop yeux le hasard l'introduisit dans la encore point de calme, et ce pli de la lèvre, famille d'un pasteur alsacien. Le pasquelle amertume! La sérénité illustre, teur avait une femme comme le vil'égoïsme caire de Goldschmidt justement l'orgueilleux détachement tant rebattu, que cachaient-ils? deux filles, analogie merveilleuse un Pourquoi nous a-t-on imposé la lé- fi ls tout y était Bouleversé par d'aussi gende d'un Gœthe impassible? Ces por- prodigieuses coïncidences Gœthe détraits racontent toute une autre histoire, cida de vivre quelques pages du roet d'ailleurs lui-même ne l'a-t-il pas man dont il pensait avoir trouvé le cal'histoire d'un être assez dre exact et tous les personnages. En racontée, frénétique, instable, agité aux profon- moins d'un quart d'heure il se rendit deurs par ses .passions, d'abord, ensuite amoureux éperdument de l'une des jeupar trop de pensée par des nerfs nes filles, le soir même elle l'aimait troublés aussi. comme de juste. Puis cette littérature Il parle, non avec le demi-sourire des s'acheva selon la logique. Goethe planta malades guéris, mais avec un sérieux là sa douce amie. Il l'adorait, mais ne significatif des fréquentescrises d'hypo- voulait pas embarrasser sa route. Cepencondrie, et du goût désespéré qu'il avait dant la séparation fut, il 1 assure, très pourlasolitude dans sajeunesse. Ilfait à cruelle. Enlin, après les larmes nécessaisa peur des ténèbres des allusions dé- res, il partit à cheval pour rentrer à tournées, comme si au moment où il Strasbourg. Et tout à coup, venant droit écrit ses mémoires le souvenir lui en vers lui,il aperçut net, précis, indiscutaétait encore pénible. Il avait le vertige ble. sun double! Un second lui-même, jusqu'à défaillir; la vue des malades lui absolument pareil à lui sauf un point, il inspirait une horreur folle. Il l'a domp- portait un costume différent, un costume tée avec bien d'autres choses, caril avait gris. Lorsqu'ils furent près l'un de l'auune énergie peu commune. Mais l'insis- tre le fantôme disparut. Or, quelques antance qu'il met à signaler cette victoire nées plus tard, repassant à la même marque assez ce qu'elle coûta. Vers qua- place, le souvenir de cette étrange aventorze ans, on le sépare de sa première ture lui revint, et il s'aperçut, non sans amoureuse, qui mêlée fâcheusement à quelque trouble, qu'il était cette fois vêtu que porune affaire de faux dut quitter la ville, il exactement du même habit grisbrisé tait où ayant le double jour hurlant. D'ailleurs, un ce se roule par terre en copieusement brisé et dans il l'existence tard son cœur conserve cœur, assez ,»: cette habitude contrarié ou exalté il se pleuré, il s'en allait par les chemins. II jette à terre, se roule et hurle. Et puis il ne se moque nullement de tout cela lors-

autre censeur répondit

recese a voir à l'Académie il fait la visite chez des académiciens, accompagné d'un ami dont l'esprit s'exerce vainement à couvrir les sottises qui échappent au candidat. Tous les académiciens que l'on passe en revue sont représentés comme des personnages plats dont la stupidité est à peu près égale à celle du candidat qui veut devenir leur collégue. En outre, chacun d'eux est accessible aux séductions les plus basses, telles que dés pâtés de truffes, etc. M. Doucet dans sa confiance s'est déjà fait faire l'habit de membre de l'Académie l'auteur a voulu évidemment mettre en scène l'habit de l'Institut pour le vouer à des risées. M. Doucet cependant manque son élection mais il est plein de confiance pour une élection nouvelle. Une attaque aussi directe contre une des institutions les plus illustres de nos rois ne me paraît pas pouvoir être tolérée. On y reconnaît cet esprit révolutionnaire qui ne pardonne pas à l'Académie française de se montrer constamment soit dans ses élections, soit dans ses principes, indocile à sa misérable et dangereuse influence.

gnalent encore beaucoup d'autres niaiseries et sottises des censeurs. L'étude qu'ils ont faite ne leur a pas donné lai plus petite admiration pour la censure. Et certes il ne s'agit pas d'admirer la censure. Mais ils vont jusqu'à supposer que, sans le pénible empêchement de la,

la censure, Théaulon et Casimir Bonjour auraient eu beaucoup de talent. Je ne crois pas, quant à moi, que le talent réclame tant de liberté. Certains écrivains, de nos jours, on ne voit pas ce qu'ils seraient devenus sous le ré-

gime d'une censure un peu sévère. Ils n'auraient pas eu de talent. Mais ils n'en ont pas. Et, aux niaiseries et sottises de la cen-* sure, incontestables niaiseries et sottises, ne serait-il pas juste d'opposer les; sottises et niaiseries des œuvres que les! censeurs avaient à examiner? Ce que MM. Claude Gével et Jean Rabot nous disent que les censeurs ont supprimé' Ce Lacretelle, n'est-ce pas celui qui, ne valait pas grand'chose, je crois. en 1811, s'était présenté à l'Académie André Beaunier. contre Chateaubriand? Il n'avait eu, au bout du compte, qu'une voix de moins que son rival. Et cette aventure ne le rendait pas sceptique. Il avait l'énergie NOTES ET CURIOSITÉS v moral d'un censeur. Il fallut que Théaulon et Dartois fis-

sent des coupures. Les allusions ôtées, la comédie ne valait rien. On la représenta en 1828. Un comte avait, pendant la Révolution, été reçu, caché, sauvé par un menuisier très bon homme. Ce menusier

Xe Zango et

l'hygiène

Le Tango, s'il avait besoin de défenseurs, n'en aurait peut-être pas trouvé parmi les médecins de jadis. Voici ce que disait de la danse, au dix-huitième siècle, dans sa Médepossédait une fille: Et, le comte, un fils. cine domestique, l'honorable Guillaume BuLe comte obligeait son fils à épouser la chau, du Collège royal des médecins d'Edim-

fille du menuisier, c'est Jérôme Raim- bourg: baut Là-dessus, le censeur Alizan de La danse est de tous les exercices, celui qui' Chazet Le devoir d'un gentilhomme est d'être reconnaissant mais la convenance s'oppose à ce qu'il donne son fils à la fille d'un petit marchand. Malgré seize ans d'intervalle c'est encore de la révolution.

Alizan de Chazet, qui notait le défaut de la pièce, avait trouvé la correction judicieuse Il faut absolument, disait-il, que, pendant ces seize ans, Raimbaut (c'est le menuisier)

réunit le plus d'avantages pour les femmes:

elle est pour les personnes du sexe, ce que l'équitation est pour les hommes. Nous ne conseillons point d'apprendre à faire des pas, à les mesurer, à les cadencev, à décrire régulièrement des cercles, des carrés, des diagonales.' La danse, sans ce point de itue, 'mérite,, à peine le nom d'exercice: Ce sont des sauts, ce sont des courses, c'est la société, c'est la gaieté bruyante qu'elle entraîne,qui nous la font regarder comme un des moyens les plus utiles pour faciliter la circulation du sang et jusqu'à suppléer aux occupations sédentaires, auxquelles la plupart des

sont destinées. La plupart des femmes « des personnes se soit enrichi et qu'il soit devenu négociant. embarrassé (car, même être dans de du Il pourra sexe » semblent avoir, pour le moment, la pièce, Raimbautest ruiné), mais pour une renoncé aux danses rapides et la lente

plus

femmes

forte.

promenade du tango eût été rangée quel on.ue.ur! avec le menuet et la pavane,Résultat :.• parmi ces danses mesurées où l'hygiène ne Et, au moins, il n'y aura pas de mésal- trouve pas son compte. liance.

somme

**• C'est magnifique, je l'avoue. Les censeurs veillaient à ce qu'on ne Xa Solde représentât point des mélodrames par Les parlementaires ont une indemnité, les trop chargés d'abomination et de cri- fonctionnaires ont un traitement, les médemes. Je ne sais pas s'ils avaient tort. Ils cins, les avocats, les officiers ministériels, des ajournèrent, en 1822, l'Anathème, dont honoraires; les officiers touchent une solde et qui vient d'être augmentée dans de senvoici le sujet sibles proportions. Elle s'appelait jadis la Un fils a été maudit par son père, car il a paye, tandis que les soldats touchaient déjà: causé sa mort en lui lançant un couteau à la tous les cinq jours le prêt qu'on leur octroyé tête. Le fils de ce fils a, tout enfant, tué sa encore aujourd'hui. Le Manuel du Dragon, publié en 1779, sœur d'un coup de ce même couteau. Chassé, il revient incognito. Son père et sa mère, qui contient un curieux tableau qui permet de ne l'ont pas reconnu, l'égorgent pendant son comparer la paye des officiers de l'ancien résommeil pour le voler. gime avec la solde actuelle. Le mestre de camp commandant c'est le Tout cela, s'il vous plait, en un acte. colonel touche 4,000 livres le mestre de: Les censeurs avaient bien raison. Mais, camp en second, 3,800 le lieutenant-colonel, dira-t-on, les censeurs auraient ainsi 3,744 le major, 3,120 le chirurgien major, refusé les tragédies d'Eschyle?. Nous 1,300 l'aumônier, 600. Ces officiers ou assi-

n'en savons rien. Et ils sont bien gentils. quand ils demandent des modifications.Dans II faut bien aimer son mari, une veuve se remarie. Le jour de son mariage nouveau, on la voit de mauvaise humeur assurément, elle n'aime pas son mari. Mais on la voit, le lendemain, gaie, tendre et heureuse. Le censeur exige que « le changement de la femme soit justifié d'une manière décente ». Il faut qu'on explique, dès le premier acte, que cette dame « n'a pu encore causer avec son mari, qu'elle ne connaît pas ses goûts ni son caractère ». Les censeurs, qui ont à lire tant de

milés formaient avec le quartier-maître trésorier, le porte-guidon,l'adjudant, le mare-1 chai-expert, le maître sellier et le maître ar-* mûrier l'élat-major. Dans les « compagnies », le capitaine-com-> mandant recevait 2,200 livres le capitaine en second, 1,620; le lieutenant en premier, 1,080 ;i le lieutenant en second, 900; le sous-lieutenant, 700. Il faut, pour avoir l'équivalence approximative, tripler ces chiffres. Et l'on peut alorsconstater que l'on atteint, à peu près, la nouvelle solde, désormais fixée à 11,880, 9,000, 7,560 pour le colonel, le lieutenant-colonel et' le commandant (major), et à 6,000, 5,400,t 4,500 et 3,600 pour les officiers subalternes. Outis.

gende, nous sentonsqu'il éprouva comme nul autre l'époque où il vécut: cette époque formidable, inquiède, pleine d'affirmations brutales, d'espoirs frénétiques et d'un doute infini, cette époque où le cœur de l'homme fut troublé jusqu'aux profondeurs. Chargé d'ans, d'honneurs, d'amoureux souvenirs qui ornaient encore sa gloire immense, à ceux qui venaient implorer cette grâce de le voir seulement, à ceux qui, tout proches, étaient tenus si loin par le respect, il parut dominer les misères, les luttes, l'émotion même du haut d'une intangible sérénité. Aussi, lorsqu'on y entre d'abord, sa maison devenue musée semble d'un calme et d'une froideur absolue. Les choses ont leurs masques comme les âmes.

dans la pièce, il fait obscur; L'austérité*' du lieu donne une inexprimable sensa-. tion de grandeur. Ici, il échappait! Une porte est ouverte barrée d'une* grosse corde. On ne peut entrer. Seulement on vient au seuil, on regarde

<

Du reste, tout n'est pas musée dans

cette demeure. Après l'arrangement artificiel de la chambre où Goethe recevait le grand-duc, de celle où sa femme, Christiane Vulpius, rendit à Dieu une petite âme simplette, de la pièce ouverte sur le jardin et où il aimait à lire, on arrive au cabinet de travail. Là, tout reste si vivant, le passé si actuel qu'on voudrait parler bas, et mieux, se taire. Les meubles sont étriqués, secs. Des branches rapprochées verdissent la lumière des deux fenêtres étroites. Voici son fauteuil, ses livres. Sur le haut bureau où il écrivait debout, on a conservé sur une assiette un peu de terre qu'il prit lui-même au jardin quelques jours avant de mourir pour faire une expérience scientifique. On vous montre un petit buste de Napoléon qu'Eckermann lui rapporta une fois de Strasbourg. Il n'y a aucun bruit

Gœthe mourût

là.

Sans doute personne n'a profané cettechambre en y dormant. A peine futil parti, on sut trop bien qu'elle était sacrée. Depuis quatre-vingts ans, on le devine, rien n'a bougé. Tout est médiocre et pathétique l'exiguité de la pièce' si sombre, le lit de bois, rigide. Une étoffe bariolée pend au mur derrière ce lit. Une courte-pointe piquée le recouvre. La même qui enveloppait ses genoux, lorsque étendu sur ce fauteuil il cessa de respirer. Il y a encore une modeste table avec une cruche de porcelaine, la tasse de sa dernière soif. Rien d'autre.. Et ces choses sont plus émouvantes que' les chasses d'or et d'émail où l'on garde les reliques. Nous avons redit sans fin son dernier murmure: « Plus de lumière! » L'esprit s'attache à une si belle légende. Nous voulons trouver dans ces paroles le conseil suprême du penseur magnifiQui sait ce qu'il voulait, ce qu'il que. pensait en cette minute suspendue. Avant qu'elle frappe, la mort réveille peut-être et colore prodigieusement bien des images lointaines les images de ce qu'on a le plus chéri, le plus regretté. Qui peut dire si, en cette journée de l'hiver allemand, au fond de cette obscure petite chambre ce qu'il implorait, le vieillard sublime, ce n'était pas l'extasiante clarté de la terre où les citrons mûrissent..» la terre d'Italie! .Pœmma.


LE LIVRE DU JOUR

et en souvenirs, et dont je mis un délicat plaisir.

suis pro- par son plafond, toujours, mais à fres- soldat dégoûté, et qui semble, par le que, une fresque qui représente Apollon meurtre de son fils unique, vouloir accomplir le destin d'une race inutile déRien que venir à Sabbioneta est déjà sursonchar. Cet Apollon, je le retrouve bientôt iu sormais. amusant. Etablir le record.des changeménts de véhicules et des correspon- palais del Giardino, œuvre de Vespasien Lorsqu'il regarde en arrière, Vespal'habitait de préférence au palais dî- sien, arrivé' à la maturité, ne voit que dances comporte bien son petit agré- qui Au bord extrême d'unegrande plate; des soldats.'Du côté paternel il se rément. Et lorsque la combinaison se réa- cal. aucun, toute lise sans accroc ouverte, ce palais se compose Ae; clame de son cousin le duc de Mantoue; on ne reste pas /sans quelque fierté. L'excursion, d'ail- deux ailes seulement, dont l'une est uie leur aïeul commun est Louis 11, celui leurs, est bien plus aisée qu'il ne sem- grande maison sans autre décor que la de Mantegna. Son père s'appelait le Ro'blerait à en combiner les coïncidences. corniche, et l'autre une longue galerie domont, vaillant soldat qui prit part au DE MILAN A ROME Lorsqu'on aétudié le guide et l'indica- aux fenêtres défoncées aujourd'hui, ?t siège de Rome en 1527, après avoir comteur et que l'on se dit je partirai de qui la font ressembler à une loggia sans battu pour le pape qu'il protégera enLa librairie Hachette publie aujourd'hui, Parme en chemin de fer; à la station de palais derrière elle. Ces deux ailes ée suite, lorsque Charles-Qumt aura imsous ce titre, le dernier volume de la série Brescello je descendrai du train et pren- touchent à angle droit, la seconde visi- posé la paix, et qui meurt à Vicovaro des petites villes d'Italie, à l'étude desquelles M. André Maurel s'est consacré depuis plus drai la voiture postale qui, ayant tra- blement bâtie comme annexe de l'autH. dans un combat contre Orsini, en 1538. de douze ans. C'est l'œuvre la plus considé- versé le Pô, me mettra à Viadana; là, je C'est là que Vespasien avait installé sess Du cô,té maternel, les Colonna qui ne rable qui ait jamais été écrite sur l'Italie. déjeunerai, je traverserai la ville à pied collections. Le guide me fait entrerdails s laissent rien aux Gonzague pour le miL'auteur n'inscrit pas moins de cent petites pour gagner un petit tramway de route le premierbâtiment dont le rez-de-chauj- litaire sa mère se nomme Isabelle Covilles son répertoire. Et entre temps., Rome, qui me jettera à la porte de Sabbioneta, sée est occupé par des paysans. NoiB lonna, fille de Vespasien fils' de ProsNaples, Florence, et Venise qui sera publiée. et, deux heures après, dans l'autre sens, montons, et nous passons par plusieurs pero, grande lignée de guerriers à l'épéé au printemps prochain. En tout, dix volumes je recommencerai; lorsqu'on travaille petites chambresaux murs peints à fres\ prompte, et qui s'emploie, à la fin du formant un répertoire précieux au point de ainsi les horaires, peintures bien délabrées sans doute! quinzième siècle et au commencement prévoit moins vue historique, comme au point de vue artis- cinq ou six pannesondont l'une au fera que, mais encore visibles pourtant. vous i du seizième, au profit et aux dépens de tique, comme au point de vue pittoresque, coucher bord du Pô dans une cabane au Et la grande galerie éventrée, regar- tous les siècles. comme un point de vue littéraire, le succès de Risquer pittoresque tant de roseaux. dant à gauche la place, à droite la cam- Or, comment, dernier rejeton, Vespaen témoigne aussi. Le chapitre que nous la réalisation supprime l'agréextrayons du dernier volume n'est pas le sans que s'est ouverte devant moi, lamen- sien trouve-t-il le monde arrangé lorsmoins savoureux de tous. ment, n'est-ce pas l'idéal? Ne craignez pagne, table de vie funèbre, toute chantante qu'il y entre? Il est né en 1531, c'est-àrêver d'y n'aurez l'occapas vous d'un vent plaintif. Qu'elle devait pas dire au lendemain même de la prise de Sabbioneta (Parme). 'i sion de le maudire, car tout s'accomplit belle, peuplée de statues! L'araignéeêtre 'y Florence. Tout ce qui n'a pas réussi à L'année dernière, à Fondi, je m'étais avec exactitude et simplicité. Et la route tisse de vaines toiles aujourd'hui. Mal- posséder son royaume, à ce jour, doit est charmante à travers les venir promis de trouver ici le neveu et grasses gré son sort, cependant, elle a grand air y renoncer désormais; Charles-Quint pupille de Julie de Gonzague, Vespasien, campagnes de l'Emilie, magnifique un auprès de la misère encore enrubannée n'en permet plus aucun. L'Italie est diDuc de Sabbioneta. Successeur, sans instant aux rives du fleuve et en son des petites chambres du palais. Voilà visée en quelques grands fiels qui mandoute, de ses frères, le fils du Rodomont milieu. donc où vivaient ces princes humanistes, gent les petits, sous la surveillance de avait hérité son domaine émilien; il Sabbioneta, enfin, offre au tramway au goût si vif, amis de la Beauté Per- l'Empereur. Les temps héroïques où pouvait dire néanmoinsqu'il l'avait créé, sa gare champêtre, sous des murs tra- sonne aujourd'hui l'on se taillait un domaine par 1 épée sont voudrait de puisqu'il avait transformé ce fiel ducal pus. Car le village est entouré d'une en- pauvres cabinets quinefaisaient leurs ces dé- finis. Le duché de Sabbioneta restera une résidence princière, branche des ceinte de briques, bien assise fond lices, personne n'en voudrait, malgré les éternellement, dépendant de Mantoue en arts. L'élève ds Julie, le nourrisson des d'un large fossé où ne court plusau aujour- peintures, le décor de treilles et de fleurs qui répond de lui. L'instinct de Vespamuses quattrocentistes, reçut de sa d'hui qu'un mince filet, mais qui est peintes, les dômes simulés et les stucs sien est donc refoulé, avec son ambitante le goût des belles choses, et il garni d'arbres fruitiers, tandis que la précieux. tion dont il sent la vanité dès qu'il prend s'ingénia à parer de celles-ci ces bâti- crête des murs ne forme qu'une imCependant, ici et au palais ducal, vi- conscience de lui-même. ments agrestes. En lui, je voulais voir mense treille. De hauts échalas compo- vait une cour délicate, amie de la Son éducation va cependant éteindre finir la race guerrière contaminée d'une sent l'armée des lances pacifiques qui la galerie en témoigne; curieuse beauté, de tous un peu la chaleur de son sang. Il est âgé noble volupté, mais dont les ardeurs remplacent les fers acérés d'autrefois. les arts, le théâtre bâti par Scamozzi. an à la mort de son père le Rodochangent de cours. Un siècle aupara- J'ai passé la porte et suivi la grande rue l'atteste. Mais sa désolation est plus d'un mont. Celui-ci confié sa veuve Isabelle vant, le type du seigneur épris de beauté, qui mène aux deux palais des Gonzague. grande encore. Du dehors, le bâtiment a et son fils à sa asœur Julie par son c'est Sigismond Malatesta, qui allie si Rue large aux maisons basses, restes grand air, belle masse carrée aux lignes mari Vespasien Colonna, pèrequi, d'Isabelle, bien la force et l'intelligence. Après la peut-être d'une certaine splendeur, mais sobres, aux fenêtres bien distribuées, se trouvait belle-mère de celle-ci. Veschute de Florence et des républiques restes bien maigres alors. Et je suis ar- d'un dessin nerveux. J'entre, et voici pasien de Gonzague est élevé par sa italiennes sous la poussée de Charles- rivé au palais municipal, l'ancien palais l'horreur même. Fût-ce charmant? C'est tante et belle-grand'mère en artiste enQuint, le fils de Pandolphe se change des Gonzague. effroyable de délabrement et de salefé. core plus qu'en soldat. Elle lui donne l'héritier de Julie, avide d'une gloire en Au fond d'une large place, il dresse On ne distingue plus rien que de vagues les meilleurs maîtres, le met en rapl'énergie n'a qu'il de conquérir, pas arcades surmontées d'un étage, petit balcons, des loges effondrées, des qo- ports avec tous les esprits distingués de avide d'une beauté qu'il apprécie sans ses fûts émiettés, une scène jsn son temps, et l'envoie linalementen Esmonument de la Renaissance, très sim- lonnes qu'elle le satisfasse, l'être chagrin et ple, sans grand caractère. A l'intérieur, loques,aux à la Cour de Philippe II, dont les un plancher rongé, les carreaàx déçu, enfin, en lequel s'est mué le il est à peu près ruiné. J'ai parcouru plu- cassés, les murs où des traces de pein- pagne, primaient en tout pays civilisé, condottiere heureux d'autrefois, amolli sieurs salles où se devinent encore les ture jouent assez bien l'œuf frais brisé mœurs s'imposaient à tout homme bien élevé. par le succès, corrompu par une civili- anciennes dispositions des pièces d'ap- et coulant, une misère repoussante dont Rentré en Italie, Vespasien prend part sation dont il veut jouir, sans avoir la parat et des pièces intimes. Les salles la gardienne, en dépit de ses sourires à quelques combats, mais sans zèle auforce de supporter les nécessités qui lui d'école, entre autres, occupentd'anciens complaisants, semble avoir la conscience cun les sachant sans profit et,sans doute, donnent sa saveur et son prix. Tiraillé salons. Et, des Gonzague, il ne reste rien lorsqu'elle refuse de recevoir la petite prince cultivé, les estimant répugnants entre ses instincts et son éducation, sa que, dans le vestibule du premier étage, mancia que je lui offre. Payer pour voir à livrer pour le seul plaisir. En 1557, il raison d'être.- et ses goûts, Vespasien trois statues de bois peint représentant tant de misère semblent s'étonner ses revient à Naples embrasser sa tante mène une vie morose, qui finit dans des ducs de Sabbioneta, et les plafonds. yeux effarés. Et pour m'excuser, je lui Julie, inspecter ses biens de Fondi, terre l'hypocondrie, au milieu de trésors qui Plafonds magnifiques, à caissons fouil- demande le service de me conduire'àà des Colonna, et cour enfin s'enfermer à seront, après lui, dispersés par ses ne- lés en plein bois où traînent encore des l'Incôronataoù s'élève le tombeau du fils Sabbioneta. veux. Une partie des collections d'anti- traces d'or. Pour le reste, le délabre- intellectuel de la spirituelleJulie. Les premiers temps, il s'y montre ques retournera à Mantoue où elles or- ment s'accuse, lamentable. Les murs Dans une église pimpante, fleurie du plein de zèle et d'ardeur. Il a résolu, ne nent le musée civique. Une autre partie s'effritent écorchés, plâtre tombant, fe- haut en bas d'un décor excellent, pouvant grandir la maison, de la rendre ira à Vienne. Des tableaux seront vendus nêtres branlantes qui s'ouvrent, soit sur quatre étages de galeries octogone, éclatante du moins par les arts et les au roi d'AngleterreCharles Ier. Les Man- une cour où sont jetés toutes les ordures multicolores sans violence,en d'un goût lettres. Sabbionetta va devenir par ses tegna du Louvre en viennent aussi, des écoliers ou des fonctionnaires, soit parfait, dans une égliseetqui semble soins « une nouvelle Athènes » Collecgrâce au Cardinal de Richelieu qui les sur les toits des chaumièresenvironnan- bien plutôt le vrai théâtre de la vie, d'affluer, théâtre de s'élever, instiacheta. Napoléon enfin rafla le restant. tes, sans aucune échappée. L'étrange pose, sous un marbre que surmontere- tions tutions scientifiques de fleurir. Hélas Et Sabbioneta, toute nue désormais, école sous ces lambris magnifiques en- statue, Vespasien de Gonzagne à qui sa son œuvre à peu près achevée, n'offre plus que des bâtiments vides et tre ces murs dégoûtants d'une crasse demande, sans qu'il tarde longtempsjeà illorsque, songe à ses voisins et compare, quelle solitaires, cadres sans tableaux, curieux centenaire Et seule la grande salle, qui me répondre, le pourquoi de son cœur dérision A Mantoue il voit ses cousins encore à regarder, riches en évocations tient toute la façade, m'a un peu retenu ulcéré, Vespasien, l'artiste inconsolé, le installés au milieu des splendeurset des me

Paysages d'Italie

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IVXéloclie

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immensités du Corte reale, au milieu des merveilles amassées\ depuis Man-' tegna jusqu'à Frédéric II, en passant par l'immortelle Isabelle. A Paiyne, il aperçoit Farnèse aux trésors magnifiques, la nio'tié de Rome transportée là, dans cette Pilotta, par le fils du pape qui fait de son duché le plus riche de tous. Telles sont les cités glorieuses qui flanquent la modeste Sabbioneta. Elle fait pitié, et Vespasien n'est pas loin de se prendre lui-même en dérision. Dernier né de cadets, il ne pourra jamais luiter de splendeur, et son épée pendra toujours vainenement à son flanc. Il commence, dès lors, conscient de son impuissance et de ses efforts ridicules, il commence à s'assombrir. Il s'ennuie à Sabbioneta d'où l'orgueil, cependant, l'empêche de sortir; il a honte de ce petit village perdu, bon pour le repos que l'on demande aux champs entre deux chevauchées, ou sur ses vieux jours, mais mortel à un homme de trente ans. Il n'est pas seul d'ai leurs à y bâiller. Sa femme Diana de Cardona aussi; elle prend un amant pour se distraire, et Vespasien l'empoisonne. Puis, il se remarie avec Anne d'Aragon qui meurt sept ans après, en même temps que Julie, 1567, de chagrin et d'ennui, abandonnée par son mari, sans qu'on sût jamais si elle avait mérité d'être ainsi délaissée par un homme qui n'avait rien à lui reprocher que de lui rappeler', en s'effaçant, son inaction et son rang subordonné. Anne d'Aragon, cependant, avait engendré deux enfants, Isabelle et Louis. Celui-ci, enfant vif, joyeux, beau, aimable, semblait vouloir rassembler en lui toutes les qualités de ses ancêtres, celles de Julie sa grand'tante surtout. N'ayant pas connu les temps historiques, Louis, riche de Sabbioneta et de Fondi, pourrait peut-être faire, de nouveau et d'une autre manière, briller le nom des ducs de Sabbioneta? Et chacun d'espérer en lui, chacun sauf son père Vespasien qui s'ir-

ritait de ce jeune 'homme joyeux et adoré, lui taciturne et respecté. A quoi bon tant d'amour! Pour être, comme

lui, inutile et moqué! Et, comme tous les hypocondres, Vespasien supportait de plus en plus impatiemment ce fils insouciant-et gai. Un jour de carnaval, en 1580, Louis, âgé de quinze ans, parcourait les rues à

Il

Isabelle à Louis Caraffa-; Fondi fut la <iot. A sa mort, en 1591, Sabbioneta revoit à l'Empire. Louis, vivant, eut-il pu défendre son duché? Les cousins de Mantoue durent le céder, le leur aussi, et ils étaient plus puissants que lui. Vespasien savait bien le, sort qui atten-

dait sa ma-ison. U était hyporondre par désespoir el par lionte. Au fond, Julie l'éleva très mal. Me lui donna l'éducation d'un prince de\premier rang. Eile aurait dû s apercevoit cependant, que tous les sièges étaient pejs et que, hors pour les valets de Charles-Quint, il n'y avait plus place. Et Vespasien -ne put que refouler chaque jour sex enthousiasmes, sesardeurs. Ce filsqui lu\étaitrié semblait une raillerieamère>le lafôrtune. Un fils? Pourquoi faire? Pour être duc de Sabbioneta entre Parme et Mantoue? Le, palais del Giardino, la galerie des antiques, retentissaient la nuit'de rires amers dont frémissaient les passants attardés. Et ce (ils, dernière cruauté du destin, était accompli, digne de la fortune la plus haute. C'était trop. Vespasien se disait tout le jour Un fils! qui deviendra aussi ridicule et inutile que je le suis! Et il le tua. Non pas délibérément mais, n'ayant cessé un seul jour, de regretter sapaternité, il ne put

rete-

nir le geste qui pouvait n'être qu'une

violence, et qui, accompli dans le remords d'avoir engendré, devint un exécrable meurtre. Sans doute, Vespasien désespéré d'être un cadet né tardivement, manquait de philosophie. On peut toujours se donner en ce monde une honorable tâche. Julie, sa tante et tutrice, sut s'accommoder, elle, du second plan où elle se trouvait. Ne soyons pas trop sévères cependant.à Vespasien. Et reconnaissons que Sabbioneta devait le décevoir amèrement. Place forte et marché où le maître vient passer quelques jours de temps en temps, entre deux guerres ou entre deux fêtes, les temps l'obligent au rôle de résidence perpétuelle.Elle ne peut, entre Parme et Mantoue, au milieu d'un pays seulement agricole, tenir l'emploi. Elle succombe sous le poids^ d'une telle fonction; en s'écroulant soïïlT" *"T T les oripeaux, elle ensevelit la race ducale avec elle. Les Gonzague- de Sabbioneta n'ont jamais tenu, sauf peut-être le Rodomont, une place marquante dans l'histoire. Seule Julie subsistera et perpétuera leur gloire. Qu'elle naquit ici dans ce petit palais ducal où se tiennent aujourd'hui les classes enfantines, pour s'en échapper un jour, se marier à Rome, au palais Colonna, au milieu de la plus brillante cour que préside la divine Isabelle sa cousme, et, vivre enfin la charmante et délicate vie que Fondi nous apprit, cela ne suffit-il pas à nous rendre Sabbioneta touchante, à nous y amener un jour et à ne la quitter, en dépit de sa médiocrité, qu'avec un léger

m o u n a i>f x>»

LAROZE

maria alors sa fille

cheval, escorté de nombreux amis. La joyeuse bande, à un détour, rencontre Vespasien. Louis, tout à ses plaisirs, ne. voit pas son père et ne le salue pas.Vespasien crie Arrête! Louis continue son chemin, soit qu'il n'ait pas entendu, soit qu'il feigne de ne pas entendre pour éviter l'éclat. Il est plus probable qu'il n'entend pas, car, au bout de quelques instants, averti sans doute, il revient sur ses pas, et galope ver son père. Il va s'excuser lorsque Vespasien lui or donne, d'un ton brusque qui présage la tempête, de descendre de cheval. Louis regret? descend, le rouge au front, et réplique André Maurel. « Le lieu et le moment sont mal choisis pour exiger le respect I » Vespasien, à ce mot, rougit de colère et lance un L Imprimeur-Gérant QPllfTARD.. coup de pied dans le bas-ventre de son fils qui tombe et meurt trois jours après. Imprimeriedu FIGARO, n, Rue Drouot, Parts Trois ans plus tard, Vespasien essayait d'un nouveau mariage. Il n'en BROCBXRD, naître Imprimeur.

Inédite de MARCEL LATTES Poéâe de LIONEL

eut pas d'enfant.


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