La France civilisatrice : Madagascar - 1895

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LA.

FRANCE CIVILISATRICE

MADAGASCAR


PROPRIÉTÉ DE L'ÉDITEUR



Cliefs

Sakalavcs


w

N.

AUBANEL

LA FRANCE CIVILISATRICE

MADAGASCAR h.

^. Wâ ?w

-Jf^

PAIUS

DECOMBEJEAN, ÉDITEUR 3,

r^u.e

'Penronet



^?^

'<^

INTRODUCTION envieux, pour lesquels

Ies

les gloires

sont l'exception de l'histoire de leur •v'Av;

pays

dr^taisïë7^e

,

les pessimistes et les prophètes

plaisent à proclamer, à tout propos et

Déchue hors de tout propos, la déchéance de la France. vue au point de vue moral, déchue au point de

politi-

phraséologie que, disent ces aimables plaisants en une

emphatique,

f^

Fmis l^mmim.

France descend chaque jour vers

le

la ruine de gouifre funèbre au fond duquel se trouve

son prestige

'\

la

(1).

GalMce !

Nous avons lu bien souvent des phrases de ce genre dans et même dans des livres. journaux des (Il


INTRODUCTION

10

Les

prompte justice de ces calomnies, dont

mesure qu'au seul mécontentement de ceux qui

se le

faits font

la force

les débitent, et

mépris qu'elles inspirent devrait tenir lieu de réponse. Mais

est

quand même bon de

les relever,

ne

ne fusse que pour

il

la confusion

de leurs auteurs.

Le rayonnement du prestige de dit assez les

la patrie n'a pas faibli; l'histoire

splendeurs nationales qui sont les

titres

de noblesse

des Français.

Nous concéderons volontiers qu'au point de vue moral, presse,

certaine littérature,

limites où esprits.

commence

en poussant

la licence,

la

certaine

liberté au-delà

des

ont jeté quelque confusion dans les

Nous reconnaîtrons encore que le matérialisme, conséquence

d'un trouble social regrettable, a singulièrement modifié les belles inspirations de l'idéal

;

mais ce sont

là des considérations

purement secondaire. Quelques changements ont pu dans

la forme,

sans dénaturer en quoi que ce soit

sens en a vite raison et

;

et c'est

justement parce que

d'un ordre

être apportés

le fond.

le

Le bon

bon sens a eu

aura toujours raison de tes effleurements contraires au naturel

français,

que

Regardons

le

pays ne. peut rien perdre de son prestige.

l'histoire à travers les siècles

pages, quel rayonnement

!

:

quelles éblouissantes

Ce n'est toujours qu'une marche triom-

phale sur un long chemin où poussent les lauriers et les palmes.

Les Gaulois, nos pères, qui ont

écrit les

premières pages, toutes

de gloire, de cette histoire, ont inscrit en son frontispice

:

«

Nous


INTRODUCTION

11

ne craignons rien des hommes, nous ne craignons que

le ciel,

qui

pourrait tomber sur nos tètes. »

Les Français d'aujourd'hui ont-ils d'autres craintes?

Non! Et

le soleil

splendide sur

de France, qui se couche rarement, brille toujours le

monde

ébloui

éclaire et fait bondir le

toujours la

;'et la

féerique vision

du

passé, qu'il

cœur en de patriotiques transports,

même.

La France,

faite

de générosités chevaleresques, qui transforme

tous les jours ses sueurs en sacs d'écus, et ses écus en choses nitaires, a su,

semé partout

malgré ses

de ses

est

défaites,

le

huma-

grain fécondant de la civilisalion. Elle a

qui ne comptent pour ainsi dire pas à côlé

nombreux triomphes,

se maintenir première

dans

le

cadre

des nations prépondérantes. N'a-t elle pas aussi, au cours de ses glorieuses, trisles ou sanglantes convulsions historiques, remporté

de nombreuses victoires morales

?

Déchue, allons donc!

La France ne déchoit N'y

pas.

a-t-il pas, sur son sol sacré, des

prospère et la défendre? N'y sur son salut? Le génie elle subit

a-t-il

hommes pour

la

maintenir

pas Là-Haut un Dieu qui veille

du mal tremble sous son œil

protecteur. Si

des épreuves, qui la relèvent encore, elle n'a pas accepté

d'humiliations qui pourraient l'abaisser. Plus que jamais, elle est impérissable, la vieille et noble devise

Gesta Dei

i^er

:

Francos!


INTRODUCTION

Le

de notre œuvre

titre

qu'elle sera. C'est

La France

:

civilisatrice, indique bien ce

une excursion à travers

monde où

le

nation

la

plante son drapeau. Nous allons suivre nos soldats dans ces pays d'outre-mer, lointains, à peine connus, dont beaucoup sont encore

barbares

nous allons

;

d'hommes aux

comment

voir

instincts de bêtes ont

pu

et

malheureuses

races

ces

peuvent redevenir

que Dieu a créés à son image, se développer sous

êtres

les

le souffle

civilisateur et suivre la voie qui conduit à la lumière, à la liberté.

Nous suivrons

aussi nos missionnaires qui viennent compléter

l'œuvre de régénération par la pratique des enseignements du Fils de l'Homme.

On

prétend aussi que les Français ne sont pas colonisateurs,

qu'attachés à leur

ne

sol, ils

de ces erreurs voulues

le quittent

guère

;

c'est

peu justifiées. Le Français,

et

encore là une

c'est vrai,

sa patrie avec passion, mais c'est justement pourquoi

pour

elle.

Si nous devions enregistrer ici les

teurs et de nos colonisateurs

,

il

se

noms de nos

on verrait combien

adore

dévoue

explora-

la liste

longue, mais cette statistique ne doit être faite que dans

en

un

est

livre

d'or spécial.

L'esprit d'aventure est

pratique ai

l'est-il

donner une

volo.ntiers, l'idée

moins

;

c'est ce

parence de

et,

en France; peut-être

l'esprit

qui permet l'accusation et pourrait

réalité.

Le Français s'expatrie assez

mais jamais sans espoir de retour; son but principal,

dominante, quand

de voir,

commun

il

quitte son sol pour passer les mers, c'est

après avoir vu, de laisser des traces utiles de son passage.


INTRODUCTION

L'égoïsme n'existe pas chez

parmi lesquels

il

se trouve;

IS

lui, il travaille plutôt s'il

crée

une

au

industrie,

profit

de ceux

un commerce,

des études, le but c'est surtout d'implanter l'idée française.

s'il fait

Nous n'irons pas jusqu'à prétendre l'argent et qu'il

ne vise pas à

qu'il

dédaigne de gagner de

faire fortune;

mais nous affirmons

que l'amour-propre national passe avant l'amour du gain.

Il

veut

qu'on l'estime.

Les Français sont

les

les froids calculateurs

réaliser elle

;

c'est

exportateurs de la civilisation avant d'être

qui ne voient partout que des bénéfices à

pour cela que l'on aime la France dans

a porté son drapeau, et ce serait

si elle n'était

même

là la

les

pays où

cause de sa faiblesse

assez riche pour rester indifférente au chiffre d'un

revenu.

Beaucoup

d'autres, qui

ne colonisent que pour

exploiter, savent

du cœur, on a

se faire craindre; cela vaut

mieux quand, à

une bourse; mais entre

Français et ces autres, ceux qui doivent

être considérés

comme

les

les civilisateurs

la place

ne sont certainement pas

les derniers.

Que

résulte-t-il,

en général, de

développement intellectuel

l'homme

et des relations

qu'à la France.

et

la colonisation française?

moral,

un affranchissement de

qui profitent au

On ne peut pas dire

de

monde

'un

même

temp!--^

même de la colonisation pv-iHi-

quéeparces autres auxquels nous faisons allusion, le plus souvent,

Un

d'où. 'il

ne résulte,

qu'un mouvement commercial qui leur profite exclu-


INTRODUCTION

14

sivement

et

une

dominent de leur

De

pour

cliaine plus lourde

Des navigateurs

voyages.

malheureux

qu'ils

force.

nombreux explorateurs ont

très

les

écrit

des

intrépides,

de leurs

les récits

aventuriers, pleins

d'audaces ont décrit, avec les merveilles européennes, celles plus attirantes des pays d'outre-mer: L'Asie, l'Afrique,

l'Amérique,

un

coin de terre

rOcéanie, ont été visitées sur les continents,

un

n'existe peut-être pas

il

;

dans

Ilot

les

mers qui

n'ait été exploré. Les

travaux auxquels ont donné lieu ces excursions lointaines ont

puissamment contribué aux progrès richesses industrielles

scientifiques

commerciales

et

ont

;

des sources de créées et ont

été

contribué aux transactions européennes.

Les curiosités sont

immenses

peuples, II

ils

ont

et les trésors

;

quant aux mœurs

un

le

globe

aux coutumes des divers

et

dont l'intérêt ne cesse pas d'être grand.

attrait

est évident, aussi,

non seulement

de toutes sortes que renferme

que

les

connaissances de ces choses sont

instructives mais exercent encore sur les initiatives

une influence remarquable

;

le

parallélisme en est

un

constant sujet

de réflexions qui pousse à l'amélioration des races.

Tous

les

pays du monde sont connus quoique quelques-uns ne

une nouvelle

soient que d'une façon bien superficielle

;

voyage ne peut avoir un intérêt

que

d'actualité et renferme des faits

aux usages

et

vue général,

réel

si elle

ou des incidents

à l'histoire de ceux qui en font tout a été à

peu près

dit

;

a

le

relation de

un

caractère

relatifs

aux mœurs,

l'objet.

Au

point de

en ce qui concerne l'étude


INTRODUCTION

géographique en particulier,

ne reste que

les détails à

déllnir.

nombreuses descriptions des pays d'outre-mer qui ont

Les

faites

par

l'exposé le

il

15

c'est là

:

ne

les explorateurs

diffèrent

une conséquence

forcée

même. Le chemin parcouru par

par l'autre,

il

est

donc évident que

que dans

du

forme de

sujet qui reste toujours

l'un est le plus souvent suivi les

mêmes

deux écrivains,

objets frappant l'esprit de

la

élé

trouve que dans la forme de leurs

choses et les

mêmes

changement ne

le

narrations.

se

Toutefois, cette

considération n'a pas la force de détruire l'intérêt toujours attrayant des récits de voyages, elle présente au contraire

un charme

de

plus par la variété qui en découle.

Notre œuvre, pour ces raisons, ne peut échapper à la

mais

elle

comporte, par sa spécialisation,

qui lui donne

un

attrait

un

caractère d'actualité

un

récit de

voyages

et d'aventures

n'est pas la sim^^le réédition de choses déjà dites

connus,

c'est,

avant

tout, l'histoire

dans ses travaux de civilisation

Le caractère Il

ne s'agit,

est

ici,

commune,

de plus.

Elle n'est pas seulement

faits déjà

loi

donc bien

et

;

ce

ou l'exposé de

de la France considérée

de colonisation.

distinct.

que des nombreux

efforts faits

par notre pays pour

progrès social et humanitaire, de ses sacrifices pour l'affran-

le

chissement des peuples opprimés. Ce n'est que dans

les colonies qu'il

possède, les contrées où s'exerce son influence, que porte notre étude.

Nous allons parcourir les pays d'outre-mer où flotte notre drapeau, les

prendre à leur origine, écrire leur histoire à travers

les siècles,


INTRODUCTION

16

faire

une étude consciencieuse de

leurs

mœurs, de

leurs usages,

de leurs ressources et de leurs travaux. Nous verrons aussi, avec nature de leur

la

sol, la

faune, la flore

pendant leur période de barbarie dans

le

monde où

En un

le

;

rôle qu'ils ont joué

et le rôle qu'ils

la civilisation leur a assigné

mot, rien de ce qui peut présenter

ne sera omis pour rendre aussi complète

jouent aujourd'hui

une

un

place.

intérêt quelconque

et aussi instructive

que

possible cette étude ethnographique et ethnologique. 11 serait

convenable de commencer la France civilisatrice par la

première des colonies où

la

France a exercé son protectorat, ou par

première de ses possessions, pour nous conformer aux règles de

la

l'historien,

mais

les

événements qui se déroulent actuellement à

Madagascar nous imposent d'intervertir

l'ordre chronologique et

de commencer par ce pays.

Nous estimons, en tout de suite à

effet, qu'il est

ceux qui nous

préférable de faire connaître

liront, la

«

Grande Terre

où nos

»

soldats vont se battre pour l'honneur de la Patrie et le maintien

d'un prestique constitué par un droit sacré, imprescriptible

du

:

le droit

bienfaiteur.

Les descriptions que l'on a pu

faire sur

Madagascar pèchent à

peu près toutes par une insuffisance obligatoire de précision est

mal connue, parce que d'ailleurs

il

;

l'Ile

a été fresque impossible de

la bien connaître. (1)

(1)

On

presque.

verra à la lecture de ce livre pourquoi nous avojis souligné

lo

mot


INTRODUCTION

17

Les habitants, parmi lesquels on ne compte que peu,

et peut-être

plus depuis quelques années, de premiers naturels, sont les descen-

dants de populations hétérogènes, nomades venus un peu de partout,

dans leurs mœurs, leurs usages, nous dirions peut-être

différant

mieux dans ticile et

leurs instincts. Rebelles à toute civilisation,

dangereux d'arriver jusqu'aux lieux où

peine a-t-on pu explorer les côtes de rieur

;

à peine a-t-on

pu

civiliser

encore combien incomplètement

Nous considérons,

dans ce

l'ile et

une

il

était dif-

elles habitent; à

une faible partie de

l'inté-

fraction de ses habitants, et

!

volume,

Madagascar depuis sa

découverte jusqu'à ce jour. L'ingérance peu courtoise et déloyale de certains étrangers, dans nos affaires relatives à la conquête de ce protectorat,

nous impose l'obligation de nous livrer à quelques

mais nous

critiques;

le

faisons

seulement pour prouver que encore à des

sincèrement,

si la

France

moyens de répression

sans parti-pris

est obligée

violents,

et

de recourir

dans un pays qui

devrait être sa propriété exclusive, la seule faute en est à d'autres et

non à

ceci dit

elle.

une

Nous nous vérité le

permet France.

Nous ne voulons

fois

blesser la susceptibilité de personne,

pour toutes, mais nous ne cacherons rien de la vérité.

efforcerons

même,

si

moins dur possible en

le caractère

nous

le

pouvons, de rendre cette

tant, bien entendu,

que nous

le

d'honneur, de générosité et de bravoure de la



CHAPITRE PREMIER Madagascar

'X^.X*

'île

de Madagascar a été découverte par un

navigateur portugais, vers l'an 1500.

Le nom d<3 Madagascar n'est pas le seul sous lequel cette terre a été désignée.

appelée

:

Pays de Djafouna

;

On

l'a

Sao Laurence (Diago Dias)]

Mémuthias (Ptolémée) Cerné (Pline

Pays desGallions

'

;

(Les Portugais)]

Les Anglais

Le Cimetière (Les Hollandais)

la baptisèrent d'un

semble tout de

successivement

suite

nom

en désigner

Grande-Bretagne de l'Océan Indien

(1).

très expressif qui

la

propriété

La

:

!

Mais toutes ces dénominations ne sont consignées

que pour mémoire.

ici

Le nom de Madagascar ou Madégasse

est celui

que

lui

donnaient les indigènes, avant Ptolémée, ava;nt Pline, avant tout

(I)

le

monde,

Les soldats du 200" régiment formé pour l'expédition, du nom de « Madame Gaspar »,

à leur tour baptisée

,^>,

»-v^

et qui a toujours été conservé.

l'ont


MADAGASCAR

20

L'île

de Madagascar est l'une des plus grandes que l'on rencontre

dans les mers. Sa superficie, plus considérable que

Elle est située, dans l'Océan Indien, à l'Est

dont 12**

superficie de

mesui-e près de six cent mille kilomètres carrés.

France,

la

la

séparée par

elle est

de latitude boréale

le

Mozambique

canal de

et le 26**

du continent

de latitude Sud;

;

africain,

placée entre

le 41°

et le

A9''

le

de

longitude. Elle est donc comprise dans la zone inter-tropicale.

Sa longueur, du cap d'Ambre, au Nord, au cap Sainte-Marie, au Sud, ne mesure pas moins de 1,625,000 mètres. Sa forme oblongue est surtout très irrégulière. Elle est relativement très étroite au elle se

Nord où

termine presque en pointe au Sud, elle a jusqu'à 200,000 mètres ;

de largeur. Sa partie la plus large, comprise entre

le 16° et le 18°

de

latitude, atteint près de 480,000 mètres.

Qu'est-ce que cette terre

Comment

immense ?

se trouve-t-elle au milieu des mers, rocher géant, contre

lequel se brisent les fureurs de l'Océan; et depuis quand?

Plusieurs auteurs prétendent que ce n'est là que le reste d'un conti-

nent disparu. Geoffroy de Saint-Hilaire, Sclater, admettent cette appréciation

:

Les restes du pays merveilleux que connurent le sol

renfermait de

précieuses

;

l'or,

où vécurent

mythologues ont

les anciens,

dont

de l'argent, des diamants et des perles la plupart

des êtres fantastiques dont les

écrit l'histoire étonnante.

Peut-être ces auteurs ont-ils raison dans leurs probabilités.

N'y

avâit-il

pas de l'autre côté, au Nord-Ouest delà terre d'Afrique,

un continent aujourd'hui disparu

?

La

terre des féeriques splendeurs

chantées par les d'Helycarnasse, les Strabon, les Homère, les Diodore, h'S

Dcnys .La :

terre dos Atlantide^

!


MADAGASCAR

51

aussi vécurent les dieux mythologiques dans le

fameux jardin où

L'Océan Atlantique, dans un de

les arbres produisaient des fruits d'or.

un jour

ses accès de rage destructive, engloutit

les Atlantides, puis,

déchire le roc de Gibraltar pour venir s'unir à la Méditerranée.

ne reste plus maintenant du pays où Atlas supporta

Il

que

sur ses puissantes épaules,

les

le

monde forment

roches dispersées qui

l'archipel canarien.

L'Océan Indien

n'a-t-il

pu,

comme

l'Océan Atlantique, dévorer un

continent? Les rochers ainsi dispersés, Madagascar, les Mascaraignes, les

Glorieuses, les Comores, ne pouraient-ils en être

Sychellcs, les

les restes

épars?

En supposant

encore, pourquoi ne verions-nous pas un

continent, duquel l'Afrique

même

faisait partie, et

immense

aujourd'hui divisé

par les eaux. C'est le secret des

lointains gris

du passé que rien ne nous fera

connaître.

Cependant

les

preuves des bouleversements, épouvantables et gran-

dioses, de la nature, sont

On a

a vu tout à

coup des

nombreuses. îles s'effondrer

vu surgir spontanément, à

ses

!

la surface

dans l'abîme des mers.

des eaux, des rochers

On

immen-

Les révolutions volcaniques n'ont-elles pas produit des phéno-

mènes

stupéfiants

Dieu

!

fait et défait

commande

à son gré l'harmonie des terres et des eaux;

à la nature. Les manifestations de sa toute-puissance écla-

tent dans les choses, qui échappent à la science.

rappelant aux

Qui

sait

il

s'il

hommes

Il

s'y

révèle

en

leur infimité!

n'existe pas dans les

sombres mystérieux sous-marins

des terres où vivent des êtres extraordinaires.

monstres dont on connaît l'existence par

Ne

les fossiles

sont-ils pas là ces ?


MADAGASCAR

22

mystères effrayants et grandioses de

humain

est misérable,

votre majesté

combien

les

la nature,

combien

le

génie

de

sciences sont nulles à côté

!

Les hommes s'agitent impuissants pour et, dépités, ils

fouiller

dans

les inconnus,

discutent Dieu, par des démonstrations faites d'hypo-

thèses, jusqu'à ce qu'un souffle les annihile.

Les premiers voyageurs n'ont donné sur Madagascar que des rensei-

gnements

fort incomplets.

Leurs explorations n'allaient guère au delà

de quelques points situés sur

les côtes.

Quant aux premiers géographes, en Palestrina, qui

fit

la

même, pas donné de

Le pays

la

faut placer

il

première carte de ce pays en 1511,

n'ont,

ils

d<'

descriptions bien justes.

Ces derniers ont prétendu de montagnes

tête desquels

qu'il existe,-

dans

l'île,

une double chaîne

parcourant dans toute sa longueur, du Nord au Sud.

se trouverait ainsi parfaitement divisé en

Cette chaîne de montagnes

est

deux versants.

purement imaginaire.

C'est

une

erreur géographique qui a été démontrée depuis.

Le Nord

est très

montagneux,

il

comporte un groupe de montagnes

irrégulières s'inclinant en sinuosités capricieuses vers la mer.

La

côte Est est bien moins accidentée que la côte Ouest, mais plus

escarpée; elle se précipite dans la

Une montagne,

mer où

elle s'enfonce

profondément.

qui traverse le pays de Bara, se dirige vers le

Sud

entre Betroky et Vohibato, et les montagnes qui s'y trouvent, vers l'ex-

trémité Sud, descendent en pentes pour se perdre dans les sables du rivage.

Le

sol,

en plateau, au delà des montagnes, s'incline vers

Le groupe comprend des hauteurs qui Le mont Taiafa

atteint 3,000

la

côte.

s'élèvent jusqu'à 2,500 mètres.

mètres au dessus du niveau de

la

mer.

I


MADAGASCAR

La hauteur des

23

autres montagnes n'est pas supérieure à 700 ou 800

mètres, excepté vers

le

Nord où

l'on rencontre

quelques groupes qui

ont jusqu'à 1,200 et 1,500 mètres.

Puis alors ce sont des landes immenses qui s'étendent en des lon-

gueurs

infinies, nues, tristes,

où ne

croit pas

Les terres argileuses détrempées forment de boue sanglante, ou, brûlées par

le

un végétal.

comme un

soleil,

vaste cloaque

ressemblent

à

une

effrayante plaie lépreuse dans les déchirures de laquelle grouillent des

animaux immondes. Cà irrégularisant

le sol;

et là

des aspérités grenues s'élèvent au hasard,

puis des blocs de roche venant on ne sait d'où,

enlisés dans la glaise, formant des taches grises ou noires; enfin des laves, dont la coulée vient

du versant méridional, errayent de leur

nuance incertaine ce tableau désolé. Des fauves poursuivis par d'autres

fauves traversent quelquefois la plaine

;

dos indigènes traqués

ou perdus pointent, par intervalle, dans ces lointains;

Les laves révèlent l'existence de volcans, en

nombreux

effet,

il

existe

de

cratères dans ces parages, surtout sur les hauteurs du Sud,

et, particularité lit

c'est tout.

remarquable, quelques-uns de ces cratères servent de

à des lacs naturels dans lesquels vivent des poissons de différentes

espèces, ou sont habités par des crocodiles monstrueux.

L'abord dos plages, excepté sur certains points que nous indiquons plus loin, est inaccessible aux grands

parsemé de

La

récifs vers la pointe

navires;

méridionale de

nombreux. On y remarque

la baie

est

notamment

l'Est.

côte orientale est bien moins dangereuse,

sont-ils

il

aussi les ports y

de Diego-Suarez. Cette baie,

qui s'enfonce dans le territoire appartenant à la France, est spacieuse; le

bassin a 26 kilomètresi D'autres baies, aussi larges et profondes,


p



MADAGASCAR

26

offrent

aux navires qui peuvent accoster au

plus sûrs

Tonnerre,

comprises dans

elles sont

;

La

bassin

ce sont la baie du

:

des Français, et celle des Cailloux

la baie Tsiala, celle dite

blancs, qui est la plus grande.

le

un refuge des

rivag-c

partie qui porte le

nom

de Diego-

Suarez est à gauche du bassin, au Sud.

Les autres baies sur

la

côte Est, en descendant du

sont moins importantes et désignées sous

Andrava, Voliémar,

grand

le

d'Antanorama. Ce havre, est très fréquenté

La

par

au Sud du pays

d'Antongil,

un refuge des mieux abrités

offre

de moindre imiDortance.

l'autre côté, la côte

ses

Nord forme beaucoup de baies

nombreuses découpures;

Nossi-Bé, de Nazinda,

;

de

principaux

les

Le port

sont

Mahajamba, de Bombétoke,

fréquenté est celui de

le plus

dans l'Océan Indien, qui porte

les

le

le golfe

l'ile

à

face de l'autre,

à

l'entrée

la côte Est,

les

de

Majunka,

Sainte-Marie, située à

même nom

que

l'ile.

les prin-

caps Tanifotsy et Miné, placés l'un eu

du grand bassin de Diego-Suarez.

du Nord au Sud, on icncontre

Louquez, Est, Masoalo, Belloncs

(ces

les

deux derniers

En

caps Lovory, à l'entrée

de

baie d'Antongil), la pointe Yatapèn», à Fort-Dauphin. Tout à fait

au Sud, se trouve ù

l'ilo

:

Le cap d'Ambre au Nord,

descendant

baies

de Saint-Augustin.

Los sinuosités des côtes forment de nombreux caps dont ci])aux sont

de golfes

et

de Passandava, en face

celles

de Marambitsy, de Korika, des Assassins, tt

la

Ziglana,

:

par les navigateurs.

l'Ampoukarana, d'Ambazo

l'Est,

noms de

côte Est présente encore, dans ses irrégularités, quelques havres

et baies

De

qui

havre

les

Nord au Sud,

le

cap Sainte-Marie; au Sud-Ouest, la pointe BarroM

l'Ouest, lc8 caps

Saint-Vincent,

Anarano,

;

Ambosaka, Ambaro,


MADAGASCAR

27

Bopehaka, Saint-André, Bararata, Tanjo;

Maromony

les

pointes Bombétoke,

cap Saint-Sébastien au Nord-Ouest.

et enfin le

D'assez nombreuses îles entourent la Grande-Terre

en face la baie de Diego-Suarez, sont les

môme, on rencontre

la baie

quelques

et

Sur

la côte

Suarez et Diego

dans

;

du Sépulcre, de Langoro

les petites îles

loin, et

des

îlots.

Ouest, les îles et les

premières sont: les

îles

îlots

sont plus

Radama; Makamby,

nombreux

;

ces

Cbatbam, Lava, Minow; Nossi-Bé, pos-

session française, dont la capitale est Hellville, îles

au Nord-Est,

Sainte-Marie à l'Est, possession française, dont

îlots; l'île

nous reparlerons plus

îles

:

Nosy

Milsion,

Juan de Nova;

les Chesterfield;

les

les

Barren

ou Stériles; Mahavelona, Nossi-Vé.

A

l'exception des- extrémités

du Sud,

a de l'eau en abondance.

l'île

De nombreuses sources y forment des cours importants. n'existe pas do fleuves

dire qu'elle

ne

le

y

est

non

point, parce

que

l'eau n'y

abondante, mais parce que les dispositions du

permettent pas.

Les cours d'eau qui tes,

dits,

il

en quantité suffisante, puisque au contraire nous venons de

est pas

sol

proprement

Toutefois,

se précipitent n'ont pas, sur leurs pentes étroi-

l'espace suffisant pour leur

permettre de se joindre en fleuve

par un développement en sinuosités.

Très souvent l'impétuosité des eaux ainsi lancées sur un versant rapide, forme des torrents qui roulent en

ne

suffit

grondements furieux;

plus au cours grossissant, alors les eaux débordent

et,

le lit

en des

ruisseaux multiples, vont se perdre au loin.

En

se

répandant

ainsi,

ces

eaux forment des marais étendus,

sans profondeur; elles s'y décomposent et sont une causer générale d'insalubrité*


MADAGASCAR

28

Les cours d'eau ne sont pas navigables, excepté pour quelques-uns, à leur embouchure. golfes, d'une assez

A

forment, dans ces derniers cas, de petits

Ils

grande profondeur, partagés en plusieurs branches.

indépendamment des

l'intérieur,

lacs

formés dans

alimentés par des sources qui leur sont propres, lacs aussi très poissonneux,

On

il

les

cratères

existe

d'autres

ou habités par des crocodiles.

rencontre des sources d'eaux thermales, très fréquentées par

les indigènes.

Les principaux cours d'eau ou boka,

le

Mananzari,

le

rivières sont le

Mourandava,

Manangaro, l'Andévourante, enfin le Mangourou,

grand cours d'eau qui prend sa source dans

le plus

le Betsi-

le lac d' Antsianaque

ets'étendsur une longueur déplus de cent mille mètres. L'Antsianaque,

dans ses échappements, forme

les

quatre principaux lacs dont les

eaux stagnantes saturent l'atmosphère d'émanations infectieuses.

Le climat

n'est pas

L'atmosphère Il

se

est

généralement malsain à Madagascar.

empoisonnée, surtout sur

la côte

Est et

le

Sud.

trouve dans ces parages des marais immenses, remplis de

vase où l'eau, chauffée par les ardeurs du soleil tropical, n'est plus

qu'un liquide sale, pestilentiel, dans lequel vivent des reptiles. Ce sont des foyers de fièvres mortelles, qui rendent

si

dangereux, sinon

impossible, le séjour.

Le

centre et la côte Ouest sont relativement tempérés. Les plus

fortes chaleurs

marquent

40", la

moyenne

varie entre 30° et 35°. Les

périodes les plus froides ne descendent pas plus bas que G ou au

maximum

4

degrés au-dessus de 0;

données ces conditions de

la

faisait disparaître les causes,

nement.

il

température,

purement

est le

donc évident qu'étant

pays serait très sain

artificielles,

si

on

de son empoison-


MADAGASCAR

Et l'ile.

29

il

serait très facile d'améliorer les conditions climatériques de

Il

suiTirait

pour cela d'y

faire

quelques travaux d'irrigations bien

combinés, permettant aux eaux de s'écouler plus facilement.

Mais cette œuvre appartient aux civilisateurs qui tireraient de plus

grandes richesses de Madagascar, possible;

ils

si la

colonisation y était autrement

rcntre^)rc ndront certainement.



CHAPITRE Les Productions du

\\

sol, la

II

Faune,

la Flore

x,.^^

ES colonisateurs se sont souvent retranchés

derrière l'insalubrité du climat, leur insuccès

fier

:

pour

justi-

ce n'est là qu'une

mau-

1^: vaise

raison

les côtes tiles,

;

dans leur développement considérable,

présentent non seulement des parties très

mais encore

très salubres. Il est évident

que

fer-

si

ces

colonisateurs avaient eu plus de chance, par l'emploi de

moyens mieux combinés,

ils

n'auraient pointinvoqué cette

excuse et auraient, au contraire, démontre laquelle on peut procéder à

Les indigènes

comme

le

avec

un assainissement complet.

désirent

pas ces améliorations,

climat n'est pas très contraire à leur tem-

péramment, les

ne

la facilité

ils

se soucient au

choses telles qu'elles sont.

de civilisation, l'insalubrité, de

contraire de conserver

Rebelles aux tentatives

même

que

les conditions

impraticables du territoire, y sont considérées

des défenses naturelles contre les envahisseurs.

comme


MADAGASCAR

32

Le premier ministre

liova a puisé toute son audace dans cette sorte

de sécurité pour opposer un refus à l'ultimatum de

la

France. C'était

son principal argument auprès de la reine.

Le

sol,

dans

la plus

grande partie du

territoire, est d'une

fertilité

prodigieuse,

A

côté des

immenses landes, pierreuses,

un seul arbre, infinies,

il

existe des savanes

arides,

l'on

ne voit pas

qui s'étendent en des surfaces

entièrement couvertes de hautes herbes, touffues, impéné-

trables ou nul

chemin

n'est tracé. Puis viennent des vallées plantu-

reuses où la végétation croît avec une vigueur étonnante. Les terres

de ces vallées ont été formées par les eaux qui, par un dépôt de limon en couches successives, leur ont donné une grande épaisseur. Ainsi préparées, le grain qu'elles reçoivent s'y multiplie à

l'infini

et

produit jusqu'à dix fois la semence.

Les

forêts sont grandes, puissantes,

Les plantes de toutes natures

largement fournies en arbres.

et des plantes particulières,

ne trouve nulle part, y croissent en abondance luxuriantes, dans l'atmosphère

Tous

les sujets des tropiques

humide des y figurent

;

;

elles s'y

que

l'on

développent

plages.

toutes les familles asia-

tiques y sont représentées.

Le palmier y acquiert une grosseur le cocotier

et

une beauté extraordinaires;

donne des noix invraisemblables;

baobab, y atteint des proportions inconnues

;

le

géant africain,

le

tamarinier y

le

est

monstrueux.

Le raphia

s'étale

repu et produit des grappes de

jusqu'à un demi-quintal chacune;

le

sagouier,

fruits qui i)èsent

surnommé

l'arbre à


MADAGASCAR

33

du brehmin, chargé de ses

pain, riche en fécule, pousse dru à côté fruits comestibles.

L'arbre des voyageurs, le ravenala, déploie ses grandes feuilles en

un immense éventail

conserve dans ses pétioles une eau toujours

et

fraîche et limpide.

L'arbre massue, puis l'ouvirandrona, qui tamise les

le soleil

à travers

réseaux de ses larges feuilles ovales.

Et encore

les arbres

noirs violets, le teck

si

à bois précieux

:

le

palissandre aux tons

recherché par sa solidité et son usage, l'ébé-

nier au bois de fer noir, les bois de rose, etc., etc.

Enfin les orangers et les citronniers aux fruits d'or d'une grosseur inouïe

;

parfum,

tous les arbres à fruits, le bananier, le bachibachi ou l'arbre le cannelier,

dont l'écorce est

seau sarment d'où on extrait

la

gomme

des milliers d'autres plantes dont

La

variété

Il

il

est

pour

le giroflier, l'arbris-

élastique, des eucalyptus et

mille sujets

;

fait.

quant au nombre

absolument incalculable.

existerait dans les forêts de

fantastique, qui est en

estimée,

classement n'a pas été

le

comprend plus de cinq

que cette variété produit,

si

Madagascar, un arbre monstrueux,

même temps un

sujet d'effroi et de vénération

les naturels.

Ce monstre végétal C'est le

se nourrit de chair

plus

drosera,

!

communément

désigné sous

le

nom

de

répé-tépé.

Son tronc qui

atteint jusqu'à trois

mètres de hauteur et est assez

proportionné en largeur, ressemble à une énorme poire représentée par des écailles noirâtres, dans recouvert le palmier

;

soixante centimètres, pestilentielle

est

il

le

;

l'écorce est

genre de celles dont est

est percé, à la cime, d'un trou de cinquante à

où suinte une liqueur gluante dont l'odeur

suffocante.

Autour de

la

cavité

s'élancent 3

des


MADAGASCAR

34

fuseaux longs de un à deux mètres, ornés d'un dard acéré; ces fuseaux sont creux, absolument flexibles et ornés dans toute leur longueur

do tentacules

au-dessous, une quantité innombrable de scions. Ces

;

bras hideux, car ce sont de véritables bras, s'agitent

en tous sens,

comme

fouettent l'air avec des sifflements lugubres, s'entrecroisent

des serpents qui tenteraient de s'entredévorer, ou pendent flanc rebondi

du tronc, immobiles

Les oiseaux, tous

les

comme

à l'affût d'une proie.

animaux qui passent à

la

portée du cannibale,

sont saisis et sucés jusqu'à la dernière goutte de sang. est gros, les

bras

extraordinaire

;

ils

du monstre s'abattent sur

la

lui

Quand

l'animal

avec une vivacité

s'enroulent autour du corps de la victime qui en

est littéralement couverte

de fureur,

long du

le

masse

;

les

ventouses s'appliquent avec une sorte de

élevée au-dessus

est

l'orifice

supérieur, la

stupéfie par la matière fétide qui sécrète. Aspiré par mille endroits

à la fois, est

il

ne reste bientôt plus qu'un objet informe, desséché, qui

promptement

Le répé-tépô

rejeté au loin.

est friand

qui passe trop près de

lui.

du sang humain, malheur à l'imprudent

Quand

il

sent l'homme,

il

laisse tous les

scions pendre inertes sur ses flancs rebondis; dès que celui-ci, sans

méfiance, passe, tous les serpents le cinglent en l'emprisonnant. C'en est fait

du malheureux

:

transporté dans le tronc,

il

n'en sortira plus

qu'à l'état de complet dessèchement. Autrefois les indigènes offraient des sacrifices humains au tépé; les

hommes condamnés pour une

cause quelconque ou tout

simplement désignés dans ce but, étaient jetés en pâture à anthropophage qui Voici, d'après

le

répé-

l'arbre

dévorait avec avidité.

un chroniqueur qui parait bien informé, comment on

procédait à ces cérémonies barbares

:

La victime, maintenue par deux gardiens

et

précédée dos ombiaffes,


MADAGASCAR

était

35

processionnellement conduite à l'arbre sacré, la foule suivait en

chantant et en dansant. Arrives au but, pendant que les prêtres font des évocations

et

que

foule continue à hurler, les

la

deux gardiens

enlèvent la victime et la placent au haut de l'arbre. Immédiatement les scions l'enveloppent, la tête est envahie, les bras sont fixés le

du corps,

les

jambes sont étroitement enlacées; on entend

ventouses qui sucent

le

sang.

Le malheureux

long

le bruit

sacrifié se raidit,

il

des fait

des efforts inouïs pour secouer ces liens horribles, mais le sang sort

de toutes parts, presque de tous les pores. Alors les grandes feuilles s'abattent sur lui et dans le

craquement

La

ilore à

fait

une formidable étreinte broient

un bruit

Madagascar

les

os dont

sinistre....

est d'une très

grande richesse: ses couleurs

éclatantes, ses formes diverses s'étalent et brillent d'un éclat splendido

sous

le soleil tropical

vivifie.

Toutes

qui les dore de sa poussière impalpable et les

La nombreuse

famille

enivrantes, multicolore, tantôt

de cotylédonées sont représentées.

les espèces

parfumée

tantôt

scintille,

en senteurs

s'exale

mignonne de forme

et

de coloris,

étrange d'aspect et de couleur indéfinissable, toujours

atti-

rante par SCS beautés et ses parfums. Elle croît partout, en bouquets touffus

;

grimpe sur

les arbres, se niche

dans des fissures de pierres

ou se confond avec un paquet d'herbes sauvages inconnues, disgracieuses, qui poussent là, au hasard, sans utilité.

Des broussailles aux arrangements bizarres sortent aussi de

terre

chargées de petites fleurs jaunes, rouges, blanches, bleues, et d'aspics

dangereux.

Des

ileurs médicales, dont les propriétés

sont connues seulement

dos indigènes, se confondent avec d'autres fleura qui exhalent des senteurs dani>"ereuses.


MADAGASCAR

313

C'est enfin

aux

un

fouillis inextricable,

robes de velours, de

rubis,

habité par une légion d'insectes

d'émeraudes

et

de topazes, des

coléoptères d'argent, d'or et de corail, un empire sur lequel règne la plus splendide collection de papillons que l'on puisse imaginer.

Dans ce

fouillis,

tout

mystérieuses destinées

vit,

;

tout s'agite

:

de leurs inimitables

décorent

reçoivent du

ciel la

ment bercées par

dans

elles se multiplient

culée de leurs amours, puisent dans

la chasteté

l'élément

goutte de rosée qui les

fait

qui cueille

imma-

nourricière, qu'elles

la terre

beautés,

la brise légère

accomplissent leurs

les fleurs

de leur force

;

s'épanouir. Douce-

leurs

parfums,

donnent aux abeilles l'imperceptible atome de sucre pour

elles

faire leur

miel et aux insectes les voluptés qu'ils exhalent en des bourdonne-

ments joyeux

;

elles

se fanent et

tombent sous

les

baisers frivoles

des brillants papillons.

Tout s'anime dans un frémissement perceptible pour qui, au-dessus, planent et redisent à

Dieu

les

anges,

de ses créa-

les concerts

turcs les plus infimes, mais les plus radieuses.

Comme

contraste à ces beautés où la nature s'est plu à jeter les ptus

belles perles de son écrin, les

champs de

fleurs, les plaines fertiles,

les vallées luxuriantes, les puissantes forêts, les

champs de canne à

sucre, de cotonnier, de vanille, de riz, les rivières poissonneuses, etc.

A

se dresse

côté

l'eflrayante sollitude

déserts, où le regard de Dieu n'a jamais

des sites dévastés, nus,

dû se

fiîier,

dédaigneuse n'a laissé tomber aucun ornement. Des rocs lugubres sites

;

des terrains perdus aux teintes sanglantes de

profonds

et

sombres

reptiles, des fauves et

comme

la

nature

gris, noirs, l'argile,

des

des tombeaux habités par des

des monstres humains.


RANAVALO MANJAKA,

reine de

Madagascar



MADAGASCAR

La faune de Madagascar, de même que

39

sa végétation, présente des

variétés surprenantes.

Les naturalistes qui

l'ont étudiée

comptent un nombre considé-

rable d'espèces d'oiseaux. Mais pour la faune le

classement n'est pas

fait et

comme pour

les plantes,

beaucoup d'animaux restent encore

ignorés.

Les oiseaux, de brillantes

et

des

même

que

formes

les fleurs, passent

les

plus

des couleurs les plus

gracieuses

aux

plumages

les

plus sombres et à l'aspect le plus laid.

Les ramiers y sont

pement

ils

tellement

obscurcissent

quelquefois

moindre des pigeons bleus

;

le

ciel.

11

leur attrou-

y a en quantité

et verts.

Le martin-pêcheur au plumage couleurs vives

nombreux que dans

brillant; l'oiseau

du paradis aux

tous les oiseaux asiatiques et beaucoup dont la famille

est inconnue.

La

famille des perroquets représente grandiosement l'ordre

grimpeurs en

des

blanche ou grise, à longue queue ou

ro])c verte,

à

panaelie arrogant.

L'agami vert doré avec ses longues jambes, colilni, lo casoar, le

aux le

l'alcyon, l'argus, le

cormoran, l'émerillon, l'cngouloveiit,

ailes (:e feu, le geai, le

grèbe d'argent,

le

héron,

la

le

flamant

huppe,

l'ibis,

martiu. Enfin tous les ordres

des

passeraux,

des

rapaces,

grimpeurs,

coureurs, échassiers, palmipèdes et galinacécs y ont des spécimens

nombreux.

Des explorateurs, qui ont prétendent

qu'il

écrit le récit de leur

voyage à Madagascar,

y avait autrefois un oiseau monstrueux ayant

la

forme

de l'autruche. Cet oiseau, que nous classerons sans diflleulté dans


MADAGASCAR

40

l'ordre des fabuleux, était tellement

calmer sa faim,

il

grand

et fort, disent-ils,

que pour

prenait tout simplement un éléphant dans

ses

puissantes serres et l'emportait à tire d'ailes sur les plus hauts som-

mets où

il

le

dévorait en paix.

mêmes

Ces

écrivains ajoutent que l'on aurait retrouvé dans

l'ile

des -œufs sphériques de cet oiseau géant, aussi gros qu'un mouton. Il

existe dans les contes des Mille et

genre le

le

:

Roc; ce fameux aigle

qui,

une Nuits un monstre de ce

dans

les

aventures

de Simbad

Marin joue un rôle merveilleux. C'est probablement à ce

récit

de

la

sultane Schéhérazade que l'autruche invraisemblable de Madagascar

a été empruntée pour donner un plus

de voyage

grand

attrait

aux relations

(1).

Les ordres des primates,

luméricns,

chéiroptères,

amphibies,

rongeurs, pachydermes, ruminants, y figurent aussi grandement avec

des particularités.

possède une espèce

L'ile

queue

très

makis qui

lui. est

propre:

il

a

une

longue et des mains d'une grosseur disproportionnée.

Ce singe pousse de grands il

-de

cris

presque humains;

il

ne marche pas,

saute en bonds prodigieux.

Une

race particulière d'écureuils et de hérissons.

blaireau,

le

chat

sauvage,

des

rats, la

belette

La

civette, le

rouge-brun,

lo

caméléon.

Le

léopard, le chacal, une espèce de loup, etc.

Les

(i)

en une grande variété,

reptiles y sont

On

a retrouvé des

qu'il s'agit,

le

n'y en a pas

moins do

d'un oiseau monstre, c'est probablement do hii de taille h enlever un éléphant dans dévorer.

fo.osiles

mais rien ne

ses serres et surtout à

il

justifie qu'il fût


MADAGASCAR

ving-t-cinq espèces;

boa genre devin y

ils

41

ne sont pas dangereux. Par contre,

atteint la grosseur

le

serpent

du boa de l'Amérique du Sud

:

dix à quinze mètres de longueur et la grosseur du corps de l'homme.

Des scorpions, des fourmis à miel, des mouches vertes Des araignées dont très

des abeilles.

morsures tuent. Des crocodiles effrayants

et

dangereux qui infestent des lacs, des marais, môme des cours d'eau,

une foule de

et

les

et

petits

animaux communs

L'hippopotame hideux avec sa grosse

immense bouche garnie de dents

à la faune des pays chauds.

canines, traine sa masse bruno,

grasse, huileuse, au bord des marécages où

même

considérables d'herbes, de riz et

Une

coupée en deux par une

tête

engloutit des quantités

il

de roseaux.

race de sangliers étranges, munis de deux cornes au-dessous

des yeux.

Le zébu dont

le

garrot est garni d'une bosse de graisse.

Le bœuf présente

comme

le

trois

espèces

bœuf en général

;

:

l'une qui possède les

retombent pen-

l'autre dont les cornes

dantes de chaque côté de la tête,

comme si

deux cornes

elles avaient été brisées, et

troisième avec une unique corne au milieu du front, très courte,

la

mais qui

est,

pour l'animal, une arme terrible avec laquelle

il

attaque

et se défend.

La race chevaline

n'est pas ])elle et

comme

dégénérée.

L'âne sauvage, avec des oreilles très longues, y est

Le mouton présente encore une en

laine, est

en crin dans

le

particularité

genre du poil de

la

:

fort.

sa robe, au lieu d'être

chèvre

;

il

a

une queue

qui pèse jusqu'à quatorze et quinze livres.

La vache

laitière, la

chèvre et tous les animaux de basse-cour

canards, oies, dindes, pintades, poules, etc.,

beaucoup supérieure à

celle

de l'Europe.

dont

la

:

race est de


MADAGASCAR

42

Les richesses géologiques do Madagascar sont

mais

très grandes,

peu ou pas connues.

On

ne

doit regretter qu'aucune exploration scientifique

les ait fait

connaître. C'eût été une nouvelle cause de colonisation et le protectorat n'aurait eu qu'à

Le

sol

y gagner.

renferme des gisements miniers dont l'importance donnerait

probablement des résultats considérables,

s'ils

étaient mis en exploi-

tation.

Vers

la

pointe Nord-Ouest, par exemple, le terrain est carbonifère;

on y trouverait certainement de terrains carbonifères existent de Il

y a aussi des minerais de

houille en abondance. D'autres

la

môme

sur d'autres points.

de plomb, d'étain, de cuivre

fer,

;

des

gisements d'or et d'argent qui demeurent inexploités.

Le gouvernement hova fermés dans profit

la terre

qui n'ignore pas quels sont

les.

trésors ren-

de Madagascar, essaie de faire exploiter

à

son

quelques mines. Mais les conditions dans lesquelles s'effectuent

ces travaux, en cachette, avec des outils imparfaits et

comme au hasard

de la pioche, ne peuvent donner les rendements que procurerait une entreprise sérieuse, bien dirigée.

11

y a aussi des pierres précieuses

avec lesquelles les naturels font des ornements, telles que topazes, grenats, amétistes

rikopa. Voire

;

même

de l'ambre gris et des sables aurifères dans de la terre de savon.

Mais, i)our découvrir ces trésors dont l'existence n'est révélée qU(^

par de nombreuses trouvailles,

il

faut les reclierclier et

pour cela une

exploration scientifique est indispensable.

Les principales productions du pays tion

commerciales sont

:

nille, la résine, le riz, le

les bois, les

maïs,

le

cjui

doiuient lieu aux transac-

peaux,

manioc,

la

le

caoutclinuc, la coche-

canne ù

i?ucrc, le

cacao,


MADAGASCAR

le café, la patate, le thé, le

coton.

43

l'igname, l'arachide, l'embrevade,

Tous

les

le

saonio, le taro,

légumes de nos jardins potagers, de

môme

tous les fruits.

On

fabrique aussi des étoffes de soie et de coton, des objets en

filigrane.

Nous verrons plus et

loin,

quand nous parlerons de

l'industrie

du pays

de son commerce, quels sont les produits de cette industrie et les

objets qui donnent lieu

Chaque chose

aux transactions d'importation

a son intérêt

ici,

et

et d'exportation

quelque rapide que

soit

notre

étude, nous espérorls qu'elle fera connaître Madagascar d'une façon

assez complète.



CHAPITRE Provinces,

III

Peuplades

^^^^^ ::^-5jy

|adagasgar est divise en provinces dans

chacune desquelles résident des peu^^::'.M

plades différentes. et surtout les

groupes ou

^1

race, la couleur,

mœurs, constituent des

môme

tribus, des

des familles, indépendants les

uns des autres.

'm-^'!i

La

Les provinces n'ont pas toutes de délimitations

.4.'>

régulières, elles

comprennent des parties soumises

et des parties insoumises.

Les premières sont

celles

qui ont été conquises par les Ilovas, sur lesquelles

ce peuple exerce sa domination

au centre

;

elles sont placées

et sur la côte Est, divisées

en

districts et

assez parfaitement limitées.

iV

Les autres ont échappé à

la

conquête;

elles

conservent leur indépo'udance. Leurs limites sont

purement imaginaires, subordonnées à l'importance '^;


MADAGASCAR

de

la

peuplarle ou de la garnison qui occupe une partie plus ou moins

grande du

territoire.

entr'elles, les lignes

Comme

les

en

sont souvent

tribus

guerre

de divisions varient suivant les chances de succès

des uns et de l'insuccès des autres.

En

réalité,

que

Ilova,

Nous

il

n'y a guère

que

le territoire

l'on puisse considérer

comme

compris dans

le

royaume

à peu près classé.

allons établir les divisions de ces provinces d'après des docu-

même

ments récents; nous ferons en

temps une revue des peuplades

qui les habitent.

D'après certains auteurs anciens et quelques auteurs modernes,

Madagascar n'avait pas toujours été habité. Ce ou l'avant-dertiier venues de

siècle avant l'ère chrétienne

Mecque ou des

la

se seraient établies dans

l'ile

serait vers le dernier

que des tribus nomades,

Indes, quelques-uns disent de la Chine,

y auraient été l'origine des géné-

et

rations dont nous retrouvons le type aujourd'hui.

On dans

peut accorder crédit à ces dernières assertions, car on constate, les

pratiques

mœurs

et les

communes dans

Mais cela peut-il de ces peuplades

Nous ne

Aucun

coutumes de certaines tribus malgaches, des

justifier

Indes et à la religion de Moïse.

que

l'ile

aurait été inhabitée avant l'arrivée

?

pensons pas.

le

fait

les

historique ne vient à l'appui de cette supposition

;

on

la

base surtout sur l'absqnce d'instruments de pierre et d'armes en usage chez les peuples primitifs. Or, des tribus ou

il

existe actuellement, à Madagascar,

simplement des familles

qui

possèdent

c[uelques

instruments et surtout des ustensiles de pierre et des armes

telles

que frondes, sarbacanes, bâtons emmanchés dans des morceaux de pierre.


MADAGASCAR

La

47

supposition semblei'ait aussi contredite par la présence d'êtres

dont on ne peut établir l'origine.

Certaines tribus prétondent descendre des

y est bien, ([uoiqu'abâtardi, mais les

première

une

vers

fois,

le

cinquième

musulmans

Arabes

siècle,

qui

;

le

type arabe

vinrent pour la

trouvèrent un peuple ayant

civilisation particulière, qui, sans avoir

précisément une religion,

pratiquait le jeûne et la circoncision.

Cependant, inlluence

;

il

la

période de

exercé sur ce peuple aucune

l'hég-ire n'a

faudrait donc recbercher plus avant dans les nébuleux

d'un passé duquel on ne retrouve nidle trace. Il

est certain

que tous

les

peuples qui vivent à Madagascar n'y ont

pus tous leur origine. Les blancs, les rouges et les noirs ne sont évi-

demment pas de dans

la

mer des

la

même

genèse pourrait se recbercher

famille, la

Indes, en Australie, en Afrique. Des caravanes arri-

vant ainsi du Nord, de l'Est, de l'Ouest, ont parfaitement pu s'établir sur ces différents points d'orientation de 11

n'est

comment

mêmes

les

Ce

ces caravanes sont venues.

n'est qu'en rencontrant ces

Madagascar mais cela ne prouverait encore pas

caravanes ont trouvé

dans

le

;

l'ile

inhabitée. :

Il

Le

contraire semblerait

existait, vers le

centre de

pays des Bara, une race particulière d'hommes dont on ne

revoit nulle part

crépue,

y créer une souche.

types ailleurs qu'il a pu être permis de supposer que la race

ressortir des considérations suivantes l'ile,

et

point possible toutefois de savoir précisément par où et

n'est pas originaire de

que

l'ilc

des ressemblances

:

Pygmées,

noirs, à grosse tête

cannibales qui se mangeaient entr'eux, vivant absolument

d'instinct

comme

Serait-ce les

les bêtes et troglodytes.

fameux mythes que

faisaient vivre près les sources

D'où viennent-ils, ceux-là?

les anciens et les contcui's

du Nil? Ou

serait-ce,

arabes

plus vraisem-


MADAGASCAR

48

blciblement, les restes de la race qui vivait dans

depuis que cette

l'ile

dernière existe et que de nouveaux venus ont anéantie

?

Cette dernière hypothèse parait fondée. Dans l'archipel des Canaries, qui

nous a déjà servi à

une comparaison,

faire

que

n'existe

il

des indigènes d'origine espagnole. Est-ce à dire que l'archipel était inhabité avant que les Espagnols y vinssent? il

Non avant les Espagnols, ;

y avait aux Canaries une race d'hommes qui y étaient originaires,

Guanches, dont

les

La

il

ne reste plus un seul descendant aujourd'hui.

race a été complètement détruite avec tout, absolument tout, ce

qu'elle possédait, et

si

on connait son existence,

événements, cause de son anéantissement,

époque dont

le

c'est

parce que les

se sont produits à

une

souvenir a pu être conservé.

Or, les naturels de Madagascar ont

pu être

détruits,

comme

les

Guanches, mais aune époque préhistorique tellement éloignée que

le

souvenir n'a pu en arriver jusqu'à notre ère.

Si

nous envisageons

la tradition,

quelques lueurs qui contredisent

la

nous retrouvons encore, par

non habitation de

l'ile

elle,

à une époque

quelconque.

Les derniers pygmées du pays de Bara avaient une légende que tradition a conservée et qui dit

comment Madagascar

fut

la

peuplé après

la création.

D'après cette légende, quand

l'ile

fut créée,

une femme, qui

vivait au

fond de la mer dans l'Océan Indien, vint mettre au monde, sur plage, un enfant que les

pygmées reconnaissaient comme

le

la

premier

d'entre eux et l'auteur de leurs jours. D'où vient l'histoire de cette

femme marine ? Ne figure? était

un

La

serait-ce pas Eve, à laquelle

tradition dit encore

que

le

premier

esprit vivant dans la lune d'où

il

on donne une autre

homme

de Madagascar

avait été chassé par l'Esprit


MADAGASCAR

40

supérieur pour cause d'impureté matérielle

Il

les

cet esprit, en touchant la

eu deux enfants sortis de son mollet.

terre, aurait

Ne

;

serait-ce pas

est probable

Adam

et encore

Gain et Abel?

que ces légendes ont été trouvées à Madagascar par

premiers qui y sont venus et n'y ont pas été importées.

est, l'ile n'a

jamais été inhabitée.

que Madagascar n'est qu'une fraction d'un continent

vrai

S'il est

Si cela

autrefois disparu, nous supposons volontiers que les

de Bara sont les derniers habitants qui ont eu

le

pygmées du pays

temps de

se réfugier

sur la terre insubmergée. Enfin, les renseignements historiques qui nous apprennent que les

Arabes sont venus

Madagascar vers

s'établir à

aussi connaître qu'ils se sont heurtés

à

une

nous font

l'an 600,

civilisation particulière

dont l'antériorité n'a jamais pu être déterminée. Si

donc

les

Arabes ont trouvé au sixième

qui paraissaient fort anciennes;

s'il

dcs.premiers immigrants, la date,

même

dans

l'ile,

d'une race

ni le (les

chemin

qu'ils

il

mœurs inconnues

est impossible d'établir l'origine

approximative, de leur arrivée

ont pu suivre;

pygmées) dont

permis de dire que

siècle des

si

l'on retrouve les traces

n'y a le type nulle part ailleurs,

la supposition

tendant à faire croire que

il

l'ile

est

n'a

pas toujours été habitée est au moins erronée.

Les tribus

les plus

nombreuses habitant Madagascar sont formées

par des peuplades qui ont

cheveux plats Il

y

a,

un type

comme

le teint noirâtre,

basané et portent des

en ont les Indiens.

en outre, les nègres qui sont de races différentes parfait de couleur, de

physionomie

;

et d'anatomie

les ;

uns ont

ils

ont les

cheveux crépus, mais non laineux. Les autres, au contraire, avec leur tète laineuse, grêles, diffèrent

absolument. -

4


MADAGASCAR

50

Puis les bruns, qui se disent blancs, et sont issus pour

la

plupart

de croisements arabes et indous.

Le premier peuple de Madagascar dirige actuellement son expédition

Les Hovas ne composaient, simple tribu. Nous verrons plus

comment

cette tribu est

territoire

de

l'ile

:

est celui contre lequel la F'rance les

comme loin,

devenue

la

Hovas, peuplades, qu'une

les autres

dans

la partie politico-bistoriquc,

maîtresse d'une grande partie du

sur laquelle elle exerce sa prépondérance sous notre

protectorat.

Ce peuple

avancé dans

est le plus

des missionnaires, embrassé n'est pas encore titieuses;

ses

parvenue à

mœurs,

si

la civilisation

;

il

a,

à l'instigation

le christianisme. Toutefois, la religion

lui faire

abandonner ses croyances supers-

elles sont modifiées,

ne sont pas complète-

ment changées. Les Hovas ont un caractère incertain; dissimulateurs on ne

et

menteurs,

doit pas, sous peine de déception, accepter ce qu'ils disent sans

contrôle et encore combien insuffisante est cette précaution.

Courtisans jusqu'à la bassesse sans en être

le

moins du monde

humiliés, parce que ce sentiment est dans leur nature d'esclave, n'est point de

moyens devant

celui qu'ils veulent vaincre

lesquels

reculeraient pour tromper

ils

ou exploiter

:

persuasions hypocrites,

promesses mensongères, louanges, serments solennels, tout pour atteindre

il

liova, qui vit loin

employé

des centres, est peut-être moins

ne faudrait pas trop

mensonge complaisant pour a.s8ez

est

le but.

Le campagnard pervers, mais

s'y

la réalisation

fier.

Apre au gain,

il

a le

d'un bénéfice. Travailleur,

attaché ù la famille et à la terre qu'il cultive, un peu craintif,

est d'un

il

commerce assez

facile,

sinon bien agréable.

il


MADAGASCAR

Ce peuple habite

la

région centrale de

51

l'Est,

Les Antavares ou Ant'ankarana, habitent

sur le plateau.

la

région du Nord-Est

depuis Ansirané, près Diego-Suarez, à l'extrême Nord, jusqu'au cap

Masoala.

Noirs, avec des cheveux crépus et laineux,

énormes,

la

desquels

ils

peau luisante,

des

lèvres

ressemblent aux Caffre» à la famille

ils

doivent appartenir.

On

les

désigne aussi sous les

noms

de gens du Nord, peuple du commerce et tribu du Roc.

En descendant

vers le Sud, sur la côte Est, viennent les Betinisaras

ou peuples unis. Les Betsimisarako, ou Bétanimènes, ou la terre

hommes

de

rouge, forment un groupe de petites tribus les plus industrieuses

du pays, entre Foulepointe, Tamatave

et

Andovorante,

chef'-lieu

de

Betsimisarako, Natomandry, Tananarive.

Les Hovas

sont, sur le plateau, séparés de la province de Betsimi*

serako par des montagnes magnifiquement boisées.

Les Ant'Ankai, ou hommes des défrichements,

habitent le pays

qui s'étend, en belles vallées, au milieu de ces montagnes.

Les Betsiléo, ou vallées très

les invincibles, sont

fei'tiles.

Les Ant'Aimorona ou Maures, descendre des Arabes de

Nomorona, au bord de

la

la

ainsi

nommés

Mecque, ont pour

parce qu'ils prétendent

chef*-lieu

de

la

province

mer.

Les Antanala ou tribus libres ont et

également enclavés dans des

commo

cités principales

Amouabé

Marotoétra.

Les Antanosy ou Antanoses habitent l'extrémité Bud-Est.

Dauphin,

la cité

Le chef

où furent

le

pays des Carcanosis situé à

lieu de la province est la ville de Fott-

établis les

premiers comptoirs français.

Les Carcanosis, aussi nommés hommes des chefs Ramalifois

Roava

et le chef des

îles,

ont eu

comme

montagnards qui ont opposé


MADAGASCAR

52

une

terrible résistance

mort de leur

la

roi

aux Hovas

ils

;

ont perdu leur indépendance à

Rabi-Fagnan.

Les Antaïsaka ou Pécheurs à

la

main, sur

la côte.

Les Antandroy, occupent l'extrémité Sud jusqu'au cap Sainte-Marie. Andrakola

de

est le chel-lieu

la

province.

Les Antandroy sont un peuple grossier, barbare, vivant absolument isolé.

Le pays des Mahafaly

A

en remontant, se succèdent

suite,

la

est situé sur la côte Sud-Ouest.

Ampatris. Ces contrées sont riches en forêts

y est

très fertile,

mais à peine

Caramboules

et les

en pâturages,

le sol

les et

cultivé.

Près la baie de Saint-Augustin, toujours sur

côte

la

Sud-Ouest,

habitent, dans le pays des Féhérénana, les tribus les plus paisibles le sol n'y est

A

l'intérieur

fertile.

du versant Ouest se trouve

mangent entre eux comme Les Antaysatroïla ont

un liomme a suspend par et

le

pays des Bara où vivent

nègres pygmées et les Antaysatroiha, sortes d'anthropophages qui

les

se

pas

;

danse

;

il

lui et

Bara

vieillards.

Quand

d'être nia,ngé, à l'heure désignée,

un arbre autour duquel

la tribu réunie,

il

se

chante

reste dans cette situation tant que ses forces le lui per-

mettent. Lorsque épuisé

sur

pygmées.

coutume de manger leurs

la

atteint l'âge

les bras à

les horribles

il

en peu de temps

signifie barbare.

se laisse choir sur le sol, on se précipite

le

corps est dépecé, grillé ou

Les tribus qui habitent

mangé

cru.

cette contrée

ont

conservé leur indépendance.

Le pays des Séclaves ou Sekalaves important de

l'ile.

étaient les maîtres.

Avant

la

s'étend au centre

conquête par

La population de

les

;

c'était le plus

Hovas, les Sekalaves

cette contrée a le type

africain.

Cette particularité est le résultat de riniporlation d'esclaves du conti-


TtiXi

itG»îî^^îâGf^

:;)(?

j^ ^îij

il *^

45 45 4; 41 -m 41 45 ^ï5

*^ 4? 4^

RAINILAIARIVOXI, premier

ministre malgache



MADAGASCAR

nont noir

faito

55

au seizième siècle dans cette province qui en

était le

dépôt.

Les Antimena,

les

Menabe,

Ambongo,

les

Boina dont

les

la

capitale est Majunga, complètent la série des populations connues.

De nombreuses

tribus vivent à l'intérieur appartenant au gouver-

nement des Hovas

;

les Ant'

Abani ou hommes des bambous,

les

Ant' Sianaka, les Ant' Ratsayes, les Bezouzonus, les Ant' Acayes et d'autres tribus indépendantes.

Toutes ces peuplades sont ennemies

;

les différences

haines entretenues à travers les siècles sont un

de race et les

sujet de guerres

continuelles.

Les colonisateurs,

loin de

calmer

exciter les uns contre les autres;

en prenant part pour établissement

;

tel parti

ils

les indigènes, se sont plu à les

profitaient

même

de ces divisions

qui semblait devoir leur faciliter leur

ont ainsi créé les diiïicultés multiples pour la colo-

ils

nisation.

Les Ilovas possèdent Betsirisaraka, Antaimouri, Antaraï, Boéni où ils

occupent

les six postes suivants

:

Mourounsaga, Majunga, Anfia-

hougha, jMahabou, Tabanzy, Bezeva et encore Amboungou.

A Manabé,

ils

occupent

les postes

de Tamboahouanou, Courah,

Byhlikanalsi, Mavoulazou, Mamita, Ankovo, Iméria, Betsilo.

La

particularité

dominante dans

quelque peu sauvages, est il

existe

les

mœurs

la superstition.

Dans

des Malgaches, toujours les

provinces soumises,

cependant une nuance de civilisation qui, à Tananarive, capitale

du royaume, va en se développant. Les Hovas, sous l'influence euro-


W^

MADAGASCAR

copient les Européens dont

péenne, sont les plus avancés.

Ils

en partie adopté

même

le

vêtement

et

les

demeures

ils

ont

et certains usages.

Ces progrès, quoique peu avancés encore, ont déjà rendu d'immenses services aux indigènes, en facilitant, surtout, leurs relations avec les

autres peuples.

On

les missionnaires.

les doit

On

est

au prestige du christianisme introduit par

cependant fondé à s'étonner que

la civili-

sation faite par le christianisme n'ait pas, depuis qu'elle est pratiquée

à Madagascar, donné de rneilleurs résultats.

A

quoi cela

tient-il ?

Malheureusement, sieurs églises là

:

le

le

christianisme est représenté là-bas par plu-

catholicisme et différents

de

cultes protestants,

des divisions dont nous expliquons la cause.

Les missionnaires catholiques ont agi en apôtres du Christ, cherché à conquérir phins

ailés,

monde

:

les

sublimes paroles que

;

slux

hommes

ils

ont parlé

de la fraternité, de

de bonne volonté. de

conversions les plus nombreuses, mais

ils

les séra-

Ils

ont parlé

France, berceau de la

la

la liberté.

ont

ont dit au

étoile d'une nuit décembrielle,

Paix

de son amour

civilisation,

âmes par

dans l'azur

émerveillé

de Dieu,

les

ils

Ils

auraient dû faire les

n'étaient pas

nombreux

et

surtout pas soutenus. Les résultats qu'ils ont obtenus n'en sont pas

moins importants;

si

l'on

apprécie leur isolement, ces

résultats

paraissent alors considérables.

Les missionnaires protestants, au contraire, ont été spécialement envoyés par l'Angleterre, payés et soutenus par leur gouvernement.

La

religion n'a été pour eux que le prétexte

surtout,

argent.

;

ils

se

sont attachés,

à faire de la politique, à parler de l'Angleterre et de son

Le chauvinisme l'emportant sur

devant des moyens peu compatibles avec

la foi, ils n'ont

l'esprit

pas hésité

de l'apôtre pour

atteindre leur but. L'argent et les promesses devaient faire plus que


MADAGASCAR

La

lutte

missionnaires protestants

était

de Dieu.

parole

la

57

missionnaires catholiques et

entre

non seulement inégale, mais surtout

singulière dans les procédés de ces derniers.

Les pasteurs protestants, secondés par leurs nationaux que

l'on ren-

contrait toujours et que l'on rencontre encore dans l'entourage du

chef du royaume, ont pu faire adopter la religion protestante

La

religion de l'État.

comme

reine a été saluée par eux

croyants du royaumie

le

comme

chef

de:^

!

Nous n'envisagerons pas quels ont

été tous les

pour atteindre ce hut, nous bornant à

moyens mis en œuvre

constater avec tristesse,

le

a fallu que les concessions aient été poussées bien au delà des limites licencieuses, car offîcielle,

il

s'il

est vrai

est vrai aussi

que cette religion a été adoptée

que

les principes n'en sont

que

comme

très super-

ficiellement connus.

Etranges, ces pasteurs qui s'en vont munis d'un sac de bibles et d'un sac d'écus, vendant celles-ci, donnant ceux-là.

la place a été

no sèment pas,

âmes,

ils

Nous faire

un

préparée,

ils

ils

n'explorent pas,

arrivent pour la récolte

;

ils

On

ils

les

trouve partout

suivent toujours;

ne convertissent pas

ils

les

s'emparent des hommes.

les

reverrons au cours de ce récit, se souciant fort

un chrétien, mais

esclave.

se souciant

beaucoup de

faire

peu de

un Anglais...



'¥^

CHAPITRE

1\

La Royauté malgache, rEiiseiguement

*x.,.>^

ous l'impulsion

langue hova

civilisatrice, la

qui n'était qu'un idiome conventionnel sans règle, est

On

raire.

devenue une langue

quasi-litté-

l'emploie maintenant avec des tournures de

phrases empruntées aux Européens.

Les mots

et les

expressions sont observés et employés, dans les conversations, avec

A

une certaine correction.

Tananarive, les courtisans s'exercent à faire de

littérature, à

même

comprendre

les sciences.

littéraire a

grands auteurs

;

ils

étudient

La reine qui préside au mouvement

fondé une académie.

De nombreuses obligatoire.

les

la

Une

écoles ont été créées loi

;

l'instruction est

impose aux parents, aussitôt que

leurs enfants ont atteint l'âge de pouvoir apprendre, de choisir

une école

et

Lorsque l'enfant

de les y placer. est

entre

de l'en retirer avant qu'il d'ailleurs est assez

ait

sommaire.

à l'école,

il

est interdit

acquis une instruction qu


MADAGASCAR

GO

L'enseignement comprend

malgache

langue

la

et

les

langues

française et anglaise et des études primaires très rapides.

Quelques ouvrages d'enseignement ont été traduits en malgache sont en usage dans les écoles.

On

môme

a de

et

traduit des ouvrages de

littérature et de science.

Des journaux

et

des revues sont publiés à Tananarive, mais

peu répandus. En dehors de les voit pas;

rence la

les difficultés

comme

la capitale

sont

ils

où tout est concentré, on ne

de communication d'une part, et

l'indiffé-

l'ignorance des indigènes de l'autre, n'en permettent pas

propagation.

Il

existe actuellement à

Madagascar près de douze cents écoles

tribuées dans les provinces soumises.

dis-

Ces écoles sont fréquentées

par deux cent mille élèves environ. C'est peu

mais

si

l'on

c'est déjà

envisage

beaucoup

si

le

nombre

d'enfants qu'il y a dans le pays,

l'on considère

combien ce peuple, encore

à demi-sauvage, est rebelle à tout ce qui contrarie ses mceurs et ses

coutumes.

Sur ces douze cents écoles, plus de huit cents

;

ils

les pasteurs

instruisent les

deux

de Londres en ont fondé tiers des enfants qui

les

fréquentent. Les catholiques viennent ensuite, avec quelques nations,

pour diriger

trois cent

cinquante ou quatre cents écoles fréquentées

par soixante-dix à soixante-quinze mille élèves.

Ces

mêmes

pasteurs protestants possèdent encore près de treize

cents églises et ont réussi à faire quatre cent mille adeptes de leur religion. Ils ont,

en outre,

fait

des élèves missionnaires parmi les

indigènes.

Actuellement plus de cinq mille prédicateurs hovas parcourent

l'ile


MADAGASCAR

61

sous kl direction des pasteurs et cathécliisent les tribus avec un succès relatif.

Les catholiques ont converti à peine cent cinquante mille encore

Il

la différence est

sujets.

énorme.

n'est point étonnant, avec cette supériorité

que

Anglais ont

les

acquise par leurs pasteurs, de les voir partout sur notre chemin à

Madagascar ils

de les voir surtout dans l'entourage des gouvernants où

;

jouent les rôles de conseillers politiques, d'instructeurs militaires et

à l'occasion de pourvoyeurs d'armes.

Leur influence

pu

a

ainsi s'exer-

cer dans tous les événements qui se sont produits avant et durant le

cours de notre protectorat. Actuellement, ce serait

glements de

les considérer

comme

le pire

des aveu-

étrangers aux compétitions qui

viennent de surgir.

Les pasteurs ont obtenu du gouvernement bution dite impôt de

bœufs,

riz

l'église.

la création

Cet impôt se paie

ou autres produits,

soit

soit

d'une contri-

en nature, espèces,

en travail; dans ce dernier cas,

les

contribuables sont tenus de concourir à la construction des édifices destinés au culte. L'obligation d'assister aux

prêches est imposée

;

ceux qui ne se conforment pas à cette obligation sont passibles de châtiments. Les habitants sont aussi tenus, sous peine de corrections,

de se convertir. C'est bien singulièrement professer

le

respect des

consciences, mais les missionnaires de Londres n'y regardent pas

On

d'aussi près.

peut toutefois juger combien

les

conversions doivent

être sincères.

Les peuples du royaume malgache sont soumis à un gouvernement oligarchique tatif est

en ce

fait

de despotisme et d'arbitraire, dont

moment

la reine. Il existe

le

chef représen-

bien une sorte de conseil de


MADAGASCAR

62

gouvernement, mais ce conseil n'a

le droit

seulement d'approuver, sans discussion

du maitre. L'État se compose de

de rien conseiller,

remarques,

ni

la reine,

il

est

tenu

les décisions

du premier ministre, son

mari, qui s'est emparé du pouvoir, et de courtisans qui jouent les rôles

de

des ministres,

conseillers,

de membres du parlement,

Ce sont autant de

doivent avoir ni volonté ni autorité.

Le souverain

est l'autocrate,

n'est au-dessus de lui,

il

est son bien, sa chose, Il

fait

il

le

valets passifs

maitre absolu du royaume. Rien

ce qu'il lui plaît sans contrôle.

il

en use

et

Hommes,

fortunes, proprié-

en abuse. Sa personne

portrait, les objets qu'il touche, les habits Il

qu'il

est sacrée.

Son nom, son

doit l'admirer dans ses actes quels qu'ils soient.

également vénérés.

Le peuple

en dispose à son gré, selon ses besoins ou

a droit de vie et de mort.

tés, tout lui appartient,

On

ne

de simples figurants.

et obéissants,

ses caprices.

qui

porte, doivent être

se place tellement au-dessus de ses sujets

pour

se rapprocher de la divinité, que l'on ne doit pas lui parler le langage

ordinaire qu'il est sensé ne pas comprendre et il

n'entend que des expressions choisies qui

dont l'usage est interdit

En un mot, est regardé

de

commun 11

lui

indigne de

lui

;

sont particulières et

ailleurs.

le prestige

comme

comme

du maître

est tellement considérable, qu'il

d'essence spirituelle, n'ayant dans la nature rien

avec les autres hommes.

n'inspire pas seulement l'admiration, mais aussi

un sentiment de

terreur entretenu par des rigueurs excessives. Esprit pou cultivé et superstitieux, ce maître terrible n'a de la justice

vagues. Le caprice l'emporte toujours sur

puissance

il

ne se lasse pas d'etro cruel

que des notions

lu raison, et

et

trè.«i

dans sa toute-

barbare. Quoi qu'il dise,

quoi qu'il fasse, quoique arbitraires que puissent être ses actes et ses ordres, malheur à celui qui ose ne pas approuver, no pas obéir.

On


MADAGASCAR

murmurer. Les victimes des plus révoltantes

doit tout accepter sans injustices doivent

63

non seulement remercier, mais encore exprimer

leur reconnaissance, ou sinon le châtiment immédiat les punit de leur rébellion. Il

n'y a pas très

longtemps encore,

d'exprimer sa gratitude au n'était pas

un

homme

le

condamné

moment suprême. Quand

du peuple,

il

était convié à

prenaient part les notabilités et ses amis. se montrer très gai,

à mort était tenu

manger comme

Il

ce

un banquet auquel

devait, durant le repas,

tout le

monde,

A

sance

On

on

la fin,

présentait une coupe remplie d'un breuvage empoisonné,

boire en faisant l'éloge du souverain et en

condamné

il

lui

devait la

exprimant sa reconnais-

!

a

peine à croire que

qu'elles étaient ordonnées,

les

mais

choses pouvaient se passer ainsi

les préjugés étaient tels,

et

ils

ont

encore cette force, que les condamnés suivaient docilement les prescriptions de leur supplice.

Quand on

le

leur ordonnait,

ils

se jetaient,

sans hésitation, en pâture aux crocodiles, s'ensevelissaient dans la

vase des marais ou s'empalaient.

Les troupes ne doivent rien honneurs au souverain

faire sans avoir

où qu'elles soient,

;

préalablement rendu

elles se

direction de la capitale et saluent. Depuis que les

des prières,

ils

sont obligatoirement tenus de les réciter en l'honneur

n'afïîrmerons pas

c^u'ils

ils

l'efficacité

de

le

font.

Nous

la prière qui

ne s'adresse qu'à

l'estiment bien au-dessous des sacrifices de bêtes offertes à

Dieu ou Esprit supérieur, au diable esprits.

ils

y mettent beaucoup de conviction. En général,

ne croient guère à

Dieu,

tournent dans la

Hovas connaissent

de la reine sous peine d'être déclarés rebelles, et

ils

les

et

aux bons

et

aux mauvais


'

MADAGASCAR

64

Le peuple

surtout est soumis aux violences de l'autorité souveraine

sous le joug de laquelle aujourd'hui, les

courbe humblement

il

hommes

à honneurs, sont

la tête.

Les nobles ou,

moins maltraités, mais

ils

sont peut-être plus esclaves. Astreints à de nombreuses obligations, ils

n'ont pas le droit d'agir sans une autorisation préalable; leur vie et

leurs actes sont scrupuleusement surveillés. la capitale d'où ils

il

en demandent

Ils

leur est interdit de sortir;

doivent résider dans

s'ils

veulent s'absenter,

permission qui ne leur est accordée que

la

si

l'absence

peut être utile au souverain.

La noblesse remplacée par

n'est plus les

maintenant ce qu'elle

honneurs

civils et militaires

était autrefois, elle est

dont

la hiérarchie est

de un à seize. Le premier degré est accordé au

établie par degrés,

simple soldat ou au petit employé, et progressivement, suivant

ou l'emploi, jusqu'au seizième qui

est la plus

le

grade

haute dignité.

L'accès auprès du souverain, pour les indigènes, est extrêmement diiïicile

;

il

est impossible

pour ceux qui ne possèdent pas une des

dignités supérieures au cinquième degré.

de nombreuses formalités

et

La

présentation comporte

des précautions plus nombreuses encore

par crainte d'un attentat. L'étiquette exige que ceux qui se présentent au souverain lui fassent

un don en espèces avant

tout.

fortune ou le rang de celui qui

L'importance du don varie suivant l'offre,

de cinq francs française, jusqu'à à Autrefois, on offrait de la volaille,

la

du

la

depuis un morceau d'une pièce pièce entière et la pièce d'or. riz,

des bœufs ou des objets

divers.

Lorsque

le

souverain est une reine,

le

premier ministre, qui s'em-

pare absolument du pouvoir, est généralement son mari. C'est ce qui existe actuellement

;

la reine n'est plus

que

la

servante de son premier


MADAGASCAR

ministre et celui-ci

sement ses

sait,

65

à l'occasion, parait-il, faire valoir rigoureu-

droits de mari

pour

La

respect de sa volonté.

le

devient ainsi la première esclave et non la moins maltraitée

reine

de son

royaume.

Le premier ministre choisit

lui-même

caprice.

les

est omnipotent,

membres

Les ministres

n'ont,

qu'il

en

il

forme un cabinet dont

nomme ou

réalité,

il

révoque, selon son bon

aucune autorité

ce sont des

;

courtisans très humbles, des serviteurs très passifs, inconscients, des

volontés de leur président du conseil.

Quand

le conseil

des ministres se réunit sous la présidence de la

reine pour délibérer sur les choses de l'État, c'est le premier ministre

qui parle,

propose et dispose en

même

temps

;

les

membres du

cabinet écoutent et approuvent sans jamais se permettre de faire une

remarque quelconque. Comment pour approuver, leur situation Il

un

n'est pas

oseraient-ils parler autrement

et leur liberté

que

en dépendent.

non plus permis aux membres du parlement de jouer

rôle plus actif.

Il

même quand

en est de

se réunissent

pour prendre part aux délibérations du gouvernement.

Le premier ministre ses décisions dans

si

a

combiné d'avance ce qui

un long discours où

craindre, et pour cause

l'assemblée

de provinces ou chefs de tribus

les chefs

;

quand

c'est bien ainsi

moins superflue, mais

elle

il

lui

plait,

les interruptions

croit avoir assez dit,

que

l'on doit agir.

il

expose

ne sont pas à il

demande à

La question

est

au

sauvegarde les apparences. L'assemblée

répond invariablement que tout

est parfait ainsi et se

retire. Celui

qui s'aviserait de ne pas trouver que tout est parfait aurait à s'en repentir sur l'heure.


MADAGASCAR

66

Les produits provenant de

la

dîme, des droits de douane et de

capitation sont exclusivement la propriété de la reine

alimentent sa caisse personnelle et S'il lui plaît

fait

même

elle n'en

la

ces ressources

;

rend compte à personne.

de les augmenter par des spoliations, ce qu'elle

souvent, nul ne s'y oppose.

somme

L'Etat malgache a dû emprunter une

pour payer

les

indemnités exigées par

été prêtée par le s'effectue au

la

Comptoir d'Escompte

moyen de

la

de quinze millions

France

français.

;

cette

somme

lui a

Le remboursement

perception de taxes faites, par cette Société

financière, dans quelques ports de

commerce du royaume.

Jusqu'à ce jour ce service n'a pas été gêné

;

il

constitue une des

rares charges du royaume.

Les

droits d'entrée frappent tous les produits quelconques importés

ou exportés. Ces droits varient entre

dix pour cent;

six, huit et

quelquefois plus élevés selon la nature des objets.

La

ils

sont

perception

s'opère par l'intermédiaire d'un service de douane établi sur les points les plus

importants du

littoral, à

rante, Foulpointe, Fénérive,

Fort-Dauphin, Tamatave, Andovo-

Majunga

quelques autres ports.

et

Les objets destinés à l'enseignement que Il

livres, papeteries et tous articles d'écoliers, entrent

ne faut cependant pas supposer que

ceptions, par la

dans

et à l'usage des écoles, tels

les

douane ou autrement,

pays européens. L'arbitraire,

choses très ordinaires dans

le service

soit fait

en franchise.

des diverses per-

régulièrement

le privilège, la

l'administration où

comme

concussion sont

les

fonctionnaires

doivent beaucoup compter sur eux pour vivre.

Le royaume des Hovas possède une armée, l'effectif, d'ailleurs

variable, n'est pas

dite régulière, dont

précisément connu. Le gou-

vernement déclare pompeusement que son armée est composée de


MADAGASCAR

hommes. On

cent mille

est fondé ù croire

67

que ce

chiffre est singuliè-

rement exagéré. Si, à cette

prétendue armée de cent mille hommes, on en accorde

quarante mille, on sera certainement encore fort au-dessus de la vérité do quelques milliers.

Et quelle armée, quels soldats nisés,

miséreux

;

mal vêtus, mal orga-

dépenaillés,

:

dirigés en grande partie par des étrangers qui les

maltraitent et les considèrent

comme

manquent pas de courage, mais

faut

il

des esclaves. Ces soldats ne

que

cause pour laquelle

la

combattent leur plaise et leur procure un profit personnel contraire,

Les

ils

lois

désertent volontiers pour passer dans

militaires sont d'un rigorisme

;

dans

le

ils

cas

camp ennemi.

le

excessif et quelque peu

barbare.

Le recrutement

La durée du

se fait,

comme en

Europe, par voie de conscription.

service à faire est de cinq années.

C'est surtout ù l'armée que les nobles cherchent à reconquérir le

prestige

qu'ils

ont perdu au profit des

riches envoient leurs enfants en

«

honneurs.

Europe pour

qu'ils

»

Des familles

y fassent leur

instruction militaire, dans ce but.

La France terre de

a eu, dans ses écoles, quelques jeunes Hovas

;

l'Angle-

même.

Lorsque ces jeunes gens retournent dans leur pays, rapidement

le

ils

gagnent

grade ou l'honneur rendant à leur personnalité

prestige que leur noblesse ne leur

Les employés de

l'État

donne

le

plus.

ne sont pas précisément à sa charge. Par

une organisation spéciale, ce dernier se trouve dispensé de leur payer

un traitement. Selon l'importance de la charge

qu'il

occupe, l'employé reçoit un


MADAGASCAR

68

fief

dont

le

revenu constitue son traitement. Ce

c'est-à-dire qu'il

occupe l'emploi auquel

qu'il lité

ne vaut, pour celui qui en est il

fief n'est

que viager, qu'autant

le titulaire,

est affecté. C'est cette sorte de féoda-

créée en faveur des fonctionnaires de tous ordres qui a porté

atteinte à l'autorité des seigneurs suzerains, les voadsiris, et à celle

des seigneurs de villages, les lohavohits.

L'employé de

l'État,

en absorbant

hommes

autorité supérieure sur les

les bénéfices

du

et les choses qui

fief,

exerce une

composent ce

fief.

D'autres fonctionnaires, moins favorisés, n'ont pour tout traitement

que

les

cadeaux dus à

On comprendra une

la générosité

de leurs administrés.

facilement à quelle série d'abus doit donner lieu

pareille organisation administrative.

Les juges sont rémunérés aussi par des

fiefs

des justiciables. Aussi, on ne s'étonnera guère

condamne selon que

celui qui est devant elle

ou par

si la

la

générosité

justice absout

ou

donne plus ou moins à

son juge.

Le scandale

,

en ces choses, n'a aucune importance

pour

les

Malgaches.

Depuis quelques années, vent,

elle

la justice a

un code,

relativement moins rigoureuse.

est

choses insignifiantes,

le

et si elle se

vend sou-

Autrefois,

pour des

supplice était ordonné et les jugements qui

dépendaient de la seule appréciation, plus ou moins juste, du juge, étaient sans appel.

Un homme

était très Ijicn

condamné

à

mort sur une dénonciation,

l'accusé n'étant pas admis à se justifier.

Le jugement,

dit

de Dieu, était fort en usage et employé dans toute

sa barbarie.

Le nombre de vidimos

qu'il faisait est incalculable.


C3

a ta a es

<u

-a <D

>



MADAGASCAR

Quand

le

juge recourait à cette mesure, et

acquit de conscience,

ou bien

lui

il

le faisait

toujours par

ordonnait à l'accusé de boire un poison violent,

ordonnait de traverser à la nage un lac rempli de croco-

ou encore de demeurer assez longtemps dans de l'eau bouillante,

diles,

ou

il

il

71

lui

imposait de subir d'autres épreuves de ce genre.

S'il

en sortait

sans aucun mal, son innocence était reconnue.

Tous

les

malheureux auxquels on

sont morts, et certes

il

a appliqué le

jugement de Dieu

ne pouvait en être autrement. Les juges, qui

n'étaient autres que les ombiaffes

ou sorciers, demeuraient convaincus

de la culpabilité du prévenu et se félicitaient de leurs procédés dont ils

n'appréciaient pas la barbarie.

Une la

particularité est à signaler dans les différentes applications de

peine de mort:

Les nobles ou tale,

les

hauts fonctionnaires, condamnés

devaient subir cette peine sans qu'il y

l'empoisonnement,

la strangulation

à la

peine capi-

ait effusion

de sang

ou l'ensevelissement étaient

:

les

supplices qui leur étaient le plus ordinairement appliqués.

Les gens du peuple, au contraire, devaient recevoir la mort dételle façon que leur sang coule en abondance. la décollation,

Ils

subissaient les peines de

de l'écartèlemcnt, du pal, et de tous autres supplices

dont l'horreur était fort souvent augmentée par un raflînement de tortures préalables.



1*

+1

•'ti

5m-

.?

m'.

^K

?r^-X'

CHAPITRE V

Mœurs

Coutumes

et

'X^-K'

ES

mœurs

des ancêtres ont été à peu près

généralement conservées. la capitale et

et l'exception n'est

gement.

Si,

que

même

de quelques grands centres,

partielle,

il

y a peu de chan-

à Tananarive, on a adopté

logement européens,

le

En dehors de

il

le

costume

et

n'en est pas du tout de

dans les provinces, chez

la plus

grande partie

des peuplades. Là, les naturels continuent à porter un vêtement des plus

sommaires, quand

ils

en portent un.

vêtement consiste en un pagne, sorte de -'"''

en

toile

va de *='^''>

la

ou en

fibres

Ce

petit tablier,

de palmier tissées, carré qui

ceinture au-dessus des genoux.

On donne

quelquefois au pagne la forme d'un caleçon de bain


MADAGASCAR

74

en

passant entre les jambes pour en reporter l'extrémité à la

le

est fixé

il

au moyen d'une ceinture

indépendamment du pagne,

tribus,

manteau de

petit

même

étoffe;

les

taille

Dans certaines

.de corde.

indigènes portent encore un

dans d'autres,

sont complètement

ils

nus.

Les femmes ont

le

même

costume que

les

hommes, excepté dans

quelques contrées où elles portent une robe sans manche qui descend jusqu'aux genoux.

costume

Si le

est

si

peu considéré, en revanche, en est très répandu.

très recherchés et l'usage colliers et

les

Ils

ornements sont

se

composent de

de bracelets. Les colliers ont jusqu'à douze ou quinze tours,

sont fabriqués avec des pierres précieuses brutes, et des coquillages

ils

dans des ficelles. Les bracelets sont grossièrement faits en tous

enfilés les

métaux

;

on en met aux pieds, aux jambes, aux poignets

Les hommes

bras.

femmes en portent également;

et les

aussi leurs oreilles d'énormes trous dans lesquels

grands anneaux, des fragments de métaux, voire de bois

(1).

Ces ornements sont souvent

générations précédentes. l'or

ou de l'argent,

même

ils

Si,

ils

aux

percent

introduisent de

même des morceaux

très anciens. Ils proviennent de

en dehors du métal qui souvent

n'ont aucune valeur artistique,

une véritable valeur

ils

et

ils

est

de

ont quand

d'originalité.

Indépendamment des ornements fabriqués dans une foule d'autres qui y ont été importés par

le pays,

les

il

en existe

explorateurs et

surtout par les traitants qui s'en servent pour faire des échanges contre

de

la

(1)

marchandise.

lia

façon

(le

porter les ornements varie selon

la tribu.


MADAGASCAR

Tout ce que les chaines

en

'

75

l'industrie parisienne fabrique laiton, les broches,

en ce genre

trouve

:

boucles d'oreilles, bracelets, colliers,

ceintures en métal, bagues, épingles ornées de bijouterie en faux corail et enfin les mille et

plissent les vitrines des bazars

s'y

du

un

« tout à six

morceaux de verre, rem-

petits riens qui

sous

» et

sont de nature

à réveiller les convoitises de ces êtres, dont la simplicité s'extasie

devant

Le

clinquant en quoi qu'il

le

soit.

corail et l'or ont surtout le privilège de plaire plus

chose

En

;

ils

que tout autre

sont très en usage dans la « bonne société malgache

».

1885, après l'entente intervenue entre la France et le gouver-

nement

Ilova, le ministre des Affaires Étrangères, M. de Freycmet,

voulut donner un souvenir à la reine, joaillier

parisien, M.

Léon Ducreux, un diadème, un

bracelets; cette parure, en à la cour

commanda

il

beau

corail

à un artiste collier et

des

monté sur or mat, a provoqué

d'Emyrne, une admiration générale.

Il

n'est pas par la suite

un personnage de l'entourage royal qui ne voulut avoir son bijou en corail et

en or mat. Bientôt tout

engouement

le

monde

même

eut le

désir.

Cet

importer à Madagascar des quantités considérables de

fit

bijoux en celluloïd, montés sur cuivre.

Les Malgaches ont un procédé de fabrication des objets en métal fort curieux: ils

un brasier s'est

mettent simplement dans

le

ils

recherchent

Quand

le

la fusion

métal dans les

façonnent par des moyens qui leur sont particuliers.

paraît bien difficile de pouvoir extraire de cette façon le métal de

la pierre,

du

qu'ils

très ardent disposé entre quatre pierres.

produite sous l'action du feu,

cendres et Il

prennent des minerais

mais

le fait est réel

territoire des

;

il

minerais dont

prouve

qu'il existe sur certains points

la richesse est très

Les Indigènes de Madagascar,

grande.

comme beaucoup

de peuples des


MADAGASCAR

76

pays d'outre-mer, répandent sur leurs corps une huile puante, avec en frictionnent vigoureusement toutes les parties. Cette

laquelle

ils

mesure

est,

pour eux, essentiellement hygiénique,

a pour but

elle

d'atténuer les effets brûlants du soleil. Elle constitue aussi une sorte

de coquetterie, quelque malpropre que cela puisse nous paraître et

que cela est en

réalité.

Les Malgaches ne sont pas troglodytes, petites cabanes construites avec des

ils

habitent des cases ou

branchages

et

des feuilles. Les

pas plus que les sièges et les ustensiles dont on se sert dans les

lits,

pays

ne sont en usage chez eux.

civilisés,

ment par

terre sur

des

nattes

assiettes, leurs verres et la plus

qués avec des les roulent

ou des

Ils

couchent tout simple-

feuilles

répandues. Leurs

grande partie des objets sont

feuilles auxquelles ils

fabri-

donnent une forme concave ou

en cornets. Des morceaux de bois amincis leur servent de

couteaux.

En

général, ces peuples croient en un Dieu, mais

dèrent pas

comme

ils

ne

le

consi-

nous. Pour eux. Dieu est un esprit supérieur,

créateur du monde, maître de toutes choses, auteur de tout le bien.

A

côté de cet esprit supérieur,

lui,

placent le diable aussi puissant que

son adversaire, grand dispensateur de toutes les calamités.

diable est aussi le

ils

dieu des

un

esprit supérieur

trésors,

;

il

Le

y en a encore un troisième

ou Dian Mananh,

qui

dispose de

:

toutes les

richesses du monde. Ils croient,

enfin, à

une

série d'esprits inférieurs, serviteurs des

premiers, dont les uns sont bons et les autres mauvais.

Les bons génies dirigent servation des

les astres, les

éléments et veillent à

hommes. Les mauvais, ministres du

la

con-

diable, secondent ce


MADAGASCAR

dernier dans tous ses méfaits infernaux,

ils

;

77

exécutent sur la terre ses ordres

ils

persécutent l'humanité et sont très exigeants.

Entre les bons et

les

mauvais génies,

placent une catégorie

ils

intermédiaire dont quelques-uns sont matérialisés et vivent dans

le

monde. Il

y a en tout sept classes d'esprits bons ou mauvais, ayant chacun

un nom

particulier.

Les bons ou Malaingka sont désignés sous

les

noms de Ramichaïl,

Ragibourail, Ramaïl et Rafil.

Les intermédiaires ou coucoulampous, matérialisés, habitent le fond des forêts

ne sont

ils

;

que pour

visibles

ceux

qu'ils

protègent

seulement.

Ce sont

âmes condamnées

de>s

pour racheter

les

à vivre éternellement en cet état

mauvaises actions dont

pables sur la terre.

La croyance veut que

rendues cou-

elles se sont

ces

âmes

aient habité les

corps des chefs de tribus ou des ombiaffes.

Les coucoulampous sont invulnérables,

immenses

trésors que Dian

la terre et ont

gliers qu'ils

Mananh

comme compagnons

marquent d'un signe

Les Dzims sont

ils

tient cachés

sont les gardiens des

dans

les entrailles

de

des animaux, notamment des san-

distinctif.

viennent dans les

les vulgaires esprits frappeurs, ils

maisons qui leur ont été désignées, brisent tout ce

qu'ils rencontrent,

battent les habitants et les tuent quelquefois.

Les fantômes les forêts et les

et les

revenants ont des yeux de feu,

plages désertes,

ils

forme d'un feu-follet

par

le

et s'introduit

nez ou par les oreilles dans

habitent aussi

incendient tout ce qu'ils regardent.

Saccare est un petit esprit malin, très espiègle, la

ils

le

paraît-il,

sournoisement par

la

il

prend

bouche,

corps de celui qu'il veut tour-

menter et il y demeure très longtemps. Quand ce diablotin

s'est introduit


MADAGASCAR

dans

le corps,

est possédé

il

s'y livre à

une danse effrénée

ne peut plus tenir en place,

écume par

bouche,

la

en criant, finalement on

le

malheureux qui en

saute, se roule par terre,

il

secoué de violentes convulsions. Pour

est

chasser Saccare, on entoure lui

;

le

malade, on danse, on se roule avec

bat à tour de bras et on

le

fait

un

sacrifice.

Ainsi les pauvres cataleptiques sont sensés être possédés par l'espril

malin

;

on

le traite

Le dernier de

comme nous venons

de

le dire.

ces êtres surnaturels, le plus

méchant de

tous, celui

qui inspire la plus grande terreur, s'appelle Bilis.

Au

milieu de tous ces esprits, les Malgaches ont fort à faire pour

leur complaire

;

constamment occupés

aussi sont-ils

à s'ingénier pour

conserver la bienveillante protection des bons, et la faveur des mauvais. Ils

n'ont aucune prière,

ils

parlent aux esprits, leur proposent des

marchés comme, par exemple,

le sacrifice

d'animaux pour obtenir

leur protection ou encore leur colère contre des ennemis.

immolent des

volailles,

des boeufs ou autres animaux,

Quand

ils

ils

donnent

toujours la plus grosse part des victimes au diable et aux mauvais esprits, le restant est offert à Dieu. Ils

méchant,

ils

estiment que

ne doivent pas susciter sa jalousie

et

le diable étant

ne jamais

le

négli-

ger pour cela.

Tous

les esprits habitent le ciel, qu'ils placent

le soleil,

ils

dans

la

lune et dans

sont continuellement en guerre. Ces belles sottises,

conséquence de l'ignorance dans laquelle vivent ces peuplades, sont encore entretenues par les ombiaffes chez lesquels la mauvaise et l'hypocrisie tiennent lieu

de principes.

Les ombiaffes se prétendent prophètes, tion directe avec les esprits.

loi

A la

et

par cela

même

en rela-

faveur des superstitions poiJHjlaires,


MADAGASCAR

79

ont acquis une influence considérable dont

ils

leur profit. Ils vendent fort cher,

des chèvres, de bœufs et divers sur lesquels sont

pour des

o])jets,

ils

savent se servir à

moutons,

volailles, des

de petits carrés de papier

des inscriptions en caractères arabes. Les petits

papiers sont considérés, par les croyants,

comme

des talismans ayant

une foule de vertus, comme, par exemple, de chasser esprits et de rendre les

mauvais

les

bons favorables. Les sorciers vendent encore

des morceaux de bois, de pierre ou de métal sur lesquels sont gravés

des signes cabalistiques.

Le possesseur de ces peut formuler contre réaliseront;

s'ils

ciers expliquent

objets est censé le maître de son ennemi,

lui les

souhaits les plus extraordinaires,

ne se réalisent pas, ce qui arrive toujours,

que

celui contre lequel

ils

il

se

les sor-

on veut agir doit posséder

des talismans préservateurs.

Les talismans sont confectionnés dans

les endroits solitaires, sou-

vent au haut des montagnes. Les sorciers prétendent que propice, pour cela, est

moment

le

marqué par certaines évolutions de

la lune,

au

milieu de la nuit.

Les ombiaffes se

toujours en cachette, dont les

une foule de pratiques de

livrent à

codes ou fadi dont

ils

tirent parti.

est

l'esprit

tous

plus

;

chaque tribu a

le sien

que

absurde

n'est

pas

le

ou moins extravagante de

nacent de la colère des esprits.

ciel

ou vers

pousser les ordures vers

son sorcier,

Il

le sud,

le

barbare.

même

mais tous

pour

font des

condamnent à mort

et

me-

y est interdit de cracher dans

de peler des fruits désignés avec les dents, de dormir

tourné vers le

établi

établi selon le caprice de l'imagination

défenses, désignent des dates fatidiques,

feu,

Ce sont eux qui ont

aussi

Ce code, sans aucun fond de moralité,

sorcellerie,

de nettoyer les cases

le

le

visage

le soir et

de

nord, de mettre le pagne à l'envers, et


MADAGASCAR

80

une

série de défenses de ce genre,

malgré leur

qui,

ridicule, sont

scrupule.usement observées par crainte du diable, des mauvais esprits

On ne

et des ombiaffes.

lement

interdits, ce sont

matérialistes.

En

non plus s'approcher de lieux spécia-

doit pas

ceux où

l'on

suppose que résident

réalité, ces lieux sont fréquentés

y déposent leurs richesses où

les esprits

par les sorciers qui

grâce à la superstition, en

elles sont,

parfaite sécurité.

Les moments

fatals

désignés par les

« fadi »

imposent des obliga-

tions extraordinairement sauvages à ceux qui y croient.

Quand une

des dates fatidiques arrive, on s'abstient de faire quoi que ce

peur

d'irriter les esprits.

Si

courtes périodes,

il

non seulement

aura tous

il

un enfant

de

nait au cours de l'une de ces

est censé possédé les vices,

soit,

du mauvais

mais

il

esprit,

doit porter

tous les siens; son sort est immédiatement décidé,

par suite

malheur à

doit mourir.

il

Les parents se lamentent non pas de sa mort, mais de sa naissance ils

l'enterrent vivant, le font

déposer dans

la forêt

tribus agissent avec

membres de

pour

manger aux

qu'il

devienne

crocodiles ou encore vont le la proie

moins de cruauté; dès que

la famille

va

le

des fauves. Quelques

l'enfant est né,

un des

porter dans la foret, mais aussitôt d'autres

parents viennent l'enlever et le transportent dans un autre pays où

rélèvent sous un

nom

inconnu

;

lui.

cependant

;

ques arbres ils

Cette action est suivie de

sacrifices dont le diable a la plus grosse part.

Les indigènes non convertis n'ont point de prières

ils

de cette façon les esprits ont perdu

sa trace et ne peuvent plus rien sur

nombreux

;

et

ils

d'église et ne disent point

attribuent aux esprits la propriété de quel-

de quelques rochers. Après avoir

fait

des sacrifices,

portent assez souvent les tètes des animaux immolés sur ces arbres


MADAGASCAR

ou sur CCS rochers

;

ils

vont aussi y déposer des pagnes teints de sang,

des lambeaux de peaux et autres loques. Ils

connaissent des plantes dont les différentes vertus sont propres

à guérir toutes les maladies, toutes les blessures. Bien des médecins

européens ont été stupéfiés des cures végétaux, soit par l'application de ces

faites, soit

par l'absorbtion des

mêmes végétaux

Ceci indique une fois de plus que la nature,

si elle

sur les plaies.

possède des élé-

ments qui exercent une influence néfaste sur l'organisation animale, elle

possède aussi les moyens de combattre ces éléments.

dent que

si la

science pouvait pénétrer ces secrets, le rôle des

cins serait considérablement modifié,

de cela et,

quoi

est évi-

Il

comme qu^n

s'il

n'était pas annulé.

Il

médeen est

de bien d'autres choses. Mais la science est humaine

disent les sceptiques pour justifier son impuissance, elle

restera toujours inférieure aux choses d'essence divine, renfermées

dans

la nature.

Les Malgaches qui emploient instinctivement

les plantes contre leâ

maladies ne leur attribuent pas les propriétés qu'elles ont réellement.

Les esprits seuls sont en cause;

le

remède

n'est qu'un accessoire.

Lorsqu'un indigène est malade, on recourt aux végétaux par habitude, mais, par conviction, aux pratiques extravagantes consacrées

par les

« fadi »

La tribu

des ombiaffes

;

est conviée a se réunir autour

du souffrant; on chante, on

danse, on bat des mains en poussant des cris effrayants pour chasser les lutins

dont on suppose

le

ne guérit pas rapidement,

le

beau du dernier membre de venir. Si le

malade meurt,

malade possédé.

Si,

après cela, celui-ci

plus jeune des assistants court au tom-

la famille

c'est

que

décédé et

lui

demande

le diable est victorieux.

désespoir ne connait plus de bOrne dans la tribd.

d'inter-

Alors le


MADAGASCAR

82

Les parents vont jusqu'à brûler

la case

prétexte de purification ou plus simplement

changent

et

môme

de

nom

pour dépister

les

le

ils

décès a eu lieu, sous

abandonnent

mauvais

pays,

le

esprits, cause

de

leur malheur.

La mort donne les

lieu à des

cérémonies funèbres qui diffèrent selon

pays ou les tribus. Aussitôt après que

moribond a rendu le dernier

le

soupir, on lave le corps à grande eau,

on racle fortement

avec des feuilles ou avec du bois pour faire disparaître tés qui auraient

pu

s'introduire dans les pores.

jugé suffisamment propre, on l'enduit avec de terminée,

Lorsque

l'huile.

la

peau

les

impure-

le

corps est

Cette opération

cadavre est enveloppé dans des pagnes, puis dans une

le

natte ou de larges feuilles, et est fortement ficelé; on le dépose ensuite

dans un tronc d'arbre creusé qui sieurs jours,

il.

lui sert

demeure exposé dans

viennent converser avec

lui

de cercueil. Pendant plu-

la case, et les parents et les

ou plutôt viennent

lui parler.

amis

Tout cela

se fait avec des chants et des danses.

On

enterre à une très grande profondeur, le cercueil est toujours

accompagné d'une quantité de

victuailles, d'armes,

nements. Lorsque tout est

des sacrifices sont

pendant quelques jours,

et

fini,

les

membres de

de vases et d'or-

faits

sur le tombeau

la tribu envoient de quoi

manger au mort.

Les unions se font aussi de façons familles.

Dans certaines

d'entr' elles, le

mariage se

ment, par consentement mutuel et sans formalité

môme. Dans

il

les

fait

tout simple-

il

se défait de

;

d'autres, des cérémonies diverses sont en usage

mari achète toujours sa fiancée dont les

ou

différentes, selon les tribus

paie le montant au père.

:

Le

Quand

conditions du marché ont été remplies, le futur a le droit de

prendre sa femme, mais

il

doit l'enlever.

Ce

n'est pas là

œuvre

facile


MADAGASCAR

que cet enlèvement, car

femme

la

83

est bien gardée et

elle-même se

dérobe à ces tentatives. Le pauvre mari, pour arriver jusqu'à user de ruses et de forces.

dans lesquelles

batailles,

engage avec

Il

les gardiens,

de véritables

est fort maltraité et reçoit quelquefois

il

des blessures assez graves. Dès qu'il a réussi à accomplir

nombreux

victoire est célébrée par de

Un

elle, doit

sacrifices

le rapt, sa

d'animaux.

]jœuf est tout spécialement égorgé en l'honneur des nouveaux

bœuf

époux. Le sang de ce

sert à

maculer

le front

de tous les assis-

tants.

La

situation de la

femme est

pas, parce qu'elle ignore fait

;

si

un

très précaire, ce dont elle ne se plaint

l'homme

est l'esclave absolue de

elle

heureux pourrait

sort plus

lui être

et sa servitude, selon la

tribu à laquelle elle appartient, est poussée à des excès plus ou

moins

cruels.

Chez être

peuplades du Sud,

les

femme

est considérée

comme un

malfaisant, soumise à des humiliations inconcevables

une chose, l'homme peut mari est malade, la lui,

la

on

femme

s'il

mauvais

mort; dès

esprits.

n'a pas le droit de

lors, elle est

du défunt. Pendant que

S'il

le

demeurer auprès de

prétexte que sa présence

meurt, c'est

elle qui est la

en butte aux brutalités des parents le

elle est

a trop à se plaindre d'elle. Si le

chasse hors de la case sous

la

attire les

la tuer

;

cause de et des

la

amis

corps du défunt est porté en terre, la veuve

reste seule dans la case et se pare de tous les

ornements qu'elle pos-

On

se précipite sur elle en

sède.

Tout

le

monde

vient

l'y

rejoindre.

l'accablant d'imprécations, on la frappe violemment, sans qu'elle ait le droit

de se plaindre, pour

punir de la mort de son mari dont

elle

Ces mauvais traitements continuent tant que

les pa-

du mort croient avoir à manifester leur douleur, ce qui

se pro-

est responsable.

rents

la


MADAGASCAR

longe souvent durant de longs mois, mais la victime

temps ne compte pas

et

ne manifeste pas d'impatience. Enfin, quand on juge que la

veuve est assez punie,

ment on

le

elle est

la laisse tranquille

;

répydiée.

A

reprend

elle

partir de cet instant seule-

la liberté

de se remarier, ce

qu'elle s'empresse de faire.

Cette coutume,

dans

en

d'ailleurs

beaucoup

de celles en usage

malgaches, semble avoir été importée des Indes.

les tribus

existe,

comme

dans

effet,

les Indes,

une différence cependant,

c'est

Il

un usage à peu près semblable, avec que

la veuve,

au lieu de pouvoir se

remarier, est dans l'obligation de mourir sur un bûcher pour aller rejoindre son maître.

La elle

circoncision se pratiquait autrefois chez tous les peuples de

y

est encore

en usage dans les provinces insoumises.

que cet usage a été importé par vi" siècle, est,

en

mais

effet,

l'on se

les juifs qui vinrent à

demande comment

l'île

On suppose

Madagascar au

a pu y être implanté.

il

curieux que les indigènes qui n'ont en

:

fait

Il

de religion

que des croyances superstitieuses, qui ignorent Jésus, Moïse, Mahomet, possèdent cette cérémonie. Il

faut considérer

que cette opération

est pratiquée dans

un tout

autre but qu'un but religieux.

Cette appréciation se trouve justifiée par l'esprit la circoncision

homme

le

est

jour où

faite il

dans lequel

chez les Malgaches. L'enfant est déclaré

est circoncis,

quelquefois avant; l'opération se

ne comporte que des sacrifices

aucun moyen de procédé

même

même

quand fait

il

a atteint l'âge de dix ans^

toujours en grande pompe, elle

offerts

aux

esprits.

Aucune

parole^

qui rappelle une religion quelconque.

Les enfants sont préalablement battus, bousculés,

tiraillés

pour leur


MADAGASCAR

apprendre que, devenus hommes,

pour

la vie. C'est

ils

vont avoir à soutenir des luttes

une sorte d'entraînement.

Quelques rares tribus observent un jeûne et

85

qu'ils appellent

méafoutché. Ce jeûne dure vingt-quatre heures

;

il

ramanaho

tombe un jour

quelconque de l'année, choisi d'après certaines observations des évolutions lunaires. et

aux

fatal

esprits.

Il

est,

comme

les sacrifices, offert à Dieu,

Le mois qui comprend

pendant lequel on s'abstient

soit, et

on

fait

le

le

au diable

jour du jeûne est un mois

plus possible de faire quoique ce

mourir ou on abandonne

les enfants qui naissent.



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<4

CHAPITRE VI

Rivalités des tribus, l'Esclavage

^«»6^

^

ES tribus sont très divisées entre elles

Slri.^

existe des haines

^

d'autre r*";»;

pour

cela,

mutuellement

n'ont

constamment en guerre. Les

et sont-elles,

sorciers jouent

naturellement un très grand rôle dans les

P^

il

cause que les convoitises. Aussi

s'ingénient-elles à se voler

«

héréditaires qui

;

conflits.

•^

Quand un chef a décidé de lui faire la

^^'^

^V.'.

guerre,

il

spolier son voisin et veut

rassemble

les sorciers

de sa tribu.

*/'

Ces conseillers approuvent toujours le

>^';

succès grandit leur prestige,

ils

les

guerres dont

en combinent

les

dispositions qu'ils basent sur des sortilèges ridicules. .^^

Les combinaisons une

fois arrêtées, le

chef envoie des

espions en éclaireurs. Chaque éclaireur est escorté

d'un -porteur de charmes ayant pour mission d'enfouir

i?-^îr-i®?«r

^yATi..j,',\^,

É


MADAGASCAR

88

dans les terres de sur

elle

la tribu

menacée,

les talismans destinés à attirer

tous les mauvais esprits. Ces préliminaires accomplis, les

envahisseurs commencent le siège.

Les batailles entre

hommes

qui

les tribus sont épouvantables.

s'attaquent et

Ce ne sont point des

défendent, ce sont des bêtes qui se

se

ruent les unes contre les autres, s'étreignent en des corps à corps horribles, se déchirent avec les dents, se

des pierres

;

massacrent avec des sagaies ou

ne se bornent pas à tuer mais mutilent.

Tels les tigres, que l'odeur du sang affole, s'acharnent après leurs victimes dont

ils

rements hideux

:

fouillent les entrailles et se repaissent

en des déchi-

dans

rage bestiale,

telles ces brutes,

les délires d'une

arrachent des lambeaux de chair du vaincu dont qu'ils élèvent, rouges, informes,

Après

ils

font des trophées

en signe de victoire.

la tuerie brutale, le pillage;

après le pillage, l'incendie.

Les femmes ne prennent point part à ces expéditions, mais pas inactives durant

restent

bataillent, elles

le

combat.

Pendant que

ne cessent pas de chanter, de

crier, et

les

elles

ne

hommes

de danser. Ce

tapage et ces tribulations ont pour but, dans leur pensée, de complaire

aux esprits pour que leur tribu Les

conflits sanglants

soit victorieuse.

peuvent être prévenus

dans ce cas,

attaquée

le désire

;

l'attaque,

demande

à capituler.

celui-ci,

si le

chef de la tribu

dès les préliminaires do

Des ambassadeurs délégués de part

et

d'autre sont chargés de négocier les conditions de la paix.

Cet échange d'ambassadeurs donne lieu à des formalités préalables

Avant de s'adresser dont

ils

la parole, les

deux délégués immolent un bœuf

mangent chacun un morceau,

time et on attestant les esprits,

ne point fausser

la vérité,

ils

:

puis, sur les restes de la vic-

échangent

le

serment solennel de




MADAGASCAR

Hélas

!

rien n'est plus

91

menteur que ce serment rempli d'impréca-

tions, de souhaits terribles,

pour celui qui y

faillirait

les

;

deux larrons

s'empressent de mettre toute sincérité de côté et de se tromper à qui

mieux mieux. Ces

sortes de discussions sont fort longues.

que l'un proteste de sa bonne les

mômes

protestations,

foi

pour mieux abuser,

débite les plus

Pendant

l'autre,

avec

belles hypocrisies. Fina-

lement, pour faire prévaloir un argument,

s'entôtent à ne pas

s'ils

vouloir se laisser tromper, les ambassadeurs en viennent aux mains et le

pugilat ne cesse que lorsque l'un des deux

tombe mort. Dans

ce cas, on attribue cette conclusion à l'intervention des esprits, la tribu

du mort reste à

la discrétion

de

la tribu

du vainqueur

et

en accepte

toutes les conditions qu'elle impose.

La

traite

tant de

l'île

des esclaves

était,

où on pouvait

autrefois, le

la pratiquer

commerce

le plus

impor-

en toute sécurité. Aujourd'hui

encore, cette infamie, que réprouvre la civilisation la plus élémentaire, n'a pas cessé d'exister.

Les navigateurs chair humaine,

et

les

avaient

marchands qui se établi

Sud-Ouest, à Musikora, dans

nombreuses

leur centre d'opérations à la pointe

le

pays des Mahafaly

et très fructueuses affaires.

négriers abordaient sans ôtrc inquiétés leur cargaison.

La

livraient à ce trafic de

récolte so faisait par

;

ils

faisaient de

à Musikora que les

les indigènes

pourvoyaient à

une chasse à l'homme dansles

tribus voisines et sur le plateau. Si le insuffisant, les chasseurs vendaient

C'est

;

nombre de prisonniers

môme

était

ceux de leurs enfants qui

avaient l'âge et la force de pouvoir fournir la

somme

de travail exigée

des esclaves. C'est ainsi que les planteurs de l'Arabie, de l'Egypte et d'autres

pays venaient s'approvisionner, à Madagascar, des ouvriers dont

ils


MADAGASCAR

92

avaient besoin pour les travaux de leurs plantations. Des esclaves

même

venant de l'Australie et des côtes d'Afrique étaient de

A un moment

donné, les indigènes de

l'Est,

dont

les

importés.

pays se dépeu-

plaient par ce trafic, voulurent l'arrêter, mais les planteurs étrangers

s'interposèrent et favorisèrent les négriers.

Les prisonniers de guerre deviennent esclaves que des revers réduisent à

la

aux puissants. Le débiteur

même

pauvreté

esclaves ceux qui déplaisent

;

qui se trouve dans l'impossibilité de

payer sa dette, devient l'esclave, de par s'en sert ou le

vend pour recouvrer

Quelle chose épouvantable ce la

esclaves aussi ceux

;

le

de son créancier qui

la loi,

montant de sa créance.

commerce honteux ayant pour

vente et l'achat de créatures humaines

ques et morales n'ont pas à subir

les

;

quelles souffrances physi-

malheureux qui en sont

même

Les négriers entassent dans leurs bateaux, pas les précautions usitées lorsqu'il s'agit

objet

de bêtes, les

l'objet!

en observant

hommes

qu'ils

viennent d'acheter, les pressant les uns contre les autres pour qu'ils tiennent moins de place. Étouffés,

privés

d'air,

de lumière et de nourriture, les pauvres

créatures restent ainsi de longues journées, souvent sans pouvoir faire

un mouvement qui soulagerait leurs membres meurtris, en proie aux affres de la faim et

aux douleurs occasionnées par

ments qui ont précédé leur mise à Après

cela,

«

fond de cale

ceux qui no succombent pas sont

les

mauvais

traite-

».

livrés

au maitre

et les

misères continuent. C'est alors un travail pénible et continu qu'ils doivent fournir.

On

les astreint à fouiller la terre

sous les intempéries,

brûlés par le soleil ou trempés par la pluie, à peine leur donne-t-on

à manger et on les bat.

S'ils se révoltent

contrôla barbarie du tyran,


MADAGASCAR

03

on leur impose des supplices inimaginables qui souvent occasionnent mort.

la

On ne

peut se faire à l'idée que des

hommes

soient ainsi traités

par d'autres hommes. Rien ne constitue un droit semblable

la force

;

brutale qui établit une autorité aussi discordante dans l'humanité est

un crime pour

la

répression duquel

Les mécréants qui se justifier leur

il

n'y aura jamais assez de sévérité.

livrent à cette exploitation

ignominie, que ces êtres trouvent leur condition toute

naturelle parce qu'ils n'en connaissent pas d'autre rales n'existent pas

pour

nature sauvage les leur

Les douleurs mo-

:

les esclaves, disent-ils, ils

quant aux douleurs physiques,

un

arguent, pour

elles n'ont

ne pensent pas;

aucune importance

supporter sans qu'ils aient à faire

fait

de courage. Et puis, concluent-ils, c'est une nécessité,

effort

et leur

môme il

faut

des bras pour travailler la terre, les planteurs et les colons verraient

champs

leurs

ves, car

Oh

!

ils

dépérir, leur fortune crouler,

s'ils

n'avaient pas d'escla-

ne trouveraient pas de travailleurs de bonne volonté.

ces plantations arrosées de sang, oh

cadavres amoncelés par les misères

Et ces gens-là ne sentent pas une

!

ces fortunes bâties sur des

!

fibre qui crie pitié, leur

âme

est

desséchée, leur cœur est mort.

Misérables qui peuvent encore s'attendrir cependant sur

le sort

de

leur chien et n'ont aucune pitié de leurs semblables.

Ces êtres ne pensent pas! Admettons qu'ignorants de toutes choses, sauvages

vu

comme

les

naître, ils n'ont

ronces qui poussent au bord de la case qui les a

que de

l'instinct.

Mais

ils

vivent, donc

ils

souffrent.

Cette chair que l'on meurtrit, ce sang qui s'échappe de leurs blessures, ce corps, enfin, sont

comme

Dieu nous a donné une entre les

hommes pétris

notre chair, notre sang, notre corps à tous.

même d'un

nature

,

il

même limon

n'a établi :

aucune différence

c'est agir contre la volonté,


MADAGASCAR

94

contre les intentions du Créateur en établissant entre les

hommes une

différence aussi inhumaine.

Périssent les plantations, croulent les fortunes,

si

ce n'est qu'au prix

de ces misères qu'elles peuvent subsister. Mais non,

pas besoin de recourir à des moyens aussi

la société n'a

barbares pous consolider ses assises; au contraire, c'est par la charité et

l'amour qu'elle grandit en force et en prestige, et la société

l'a

bien

compris. L'esclavage, né d'une aberration de sentiments contraires à l'idée religieuse, est

réprouvé par

dans des pays perdus où,

L'homme, quel

il

faut l'espérer,

qu'il soit, n'est pas,

regretté cardinal Lavigerie a vait dire, et le

la civilisation

mouvement

écho dans les pays

même

dit,

;

il

que

n'existe plus

sera bientôt détruit.

il

ne peut pas être un esclave. Le

à cet égard,

tout ce

que

l'on

pou-

antiésclavagiste qu'il a provoqué a eu les plus incivilisés. Si

un

on retrouve encore

des esclaves, c'est que l'idée de Dieu n'a pas pénétré partout.

Il

appartient aux peuples heureux, aux peuples libres de propager cette idée en brisant les obstacles, purement matériels, qu'ils rencontrent

sur leur chemin.

On

a lieu de s'étonner de retrouver à Madagascar des malheureux

qui subissent la condition dénaturée de l'eslavage puisque, en résumé, ce n'est plus un pays perdu et que la classe dirigeante, les Ilovas,

connaît au moins les principes de

la civilisation

chrétienne.

La cause

de cet état de choses résulte toute des complaisances de ceux, pasteurs et laïques, qui cherchaient à conquérir

En

1820,

un Français, ancien

un prestige.

soldat, qui était

venu tenter

à Madagascar et avait réussi à gagner la confiance de

la fortune

Radama, chef

des Ilovas, indigné de ce scandale, tenta d'en arrêter la marche. Il

réussit à faire

comprendre au

ces ventes et ces achats

roi ce qu'il

y avait de barbare dans

d'hommes rendus plus misérables que

les


MADAGASCAR

Radama

bctes par l'état d'esclavage.

mouvement que traite.

et

La défense ne

encore

si

se laissa persuader et dans

Français s'efforçait

le

95

d'entretenir,

uh

défendit la

il

guère écoutée en dehors du pays des Hovas

fut

peu. Quant aux négriers,

ils

continuèrent leurs relations

avec les peuples du Sud, peut-être un peu moins ouvertement, mais il

ne s'arrêtèrent pas un seul jour. Il

y a dix-huit ans,

résolution d'arrêter le

le

commerce des

peu humanitaires étaient et

combien peu on

les

le

prit

de nouveau la

sentiments qui inspiraient cette résolution

et

ne l'imposent par

gouvernement hova de 1876,

d'interdire l'exportation des indigènes,

l'affranchissement dans

combien

esclaves. Mais, hélas!

doit espérer de voir cesser l'esclavage

péens n'interviennent pas défense faite par

gouvernement hova

l'ile.

Au

la force.

si

les

La nouvelle

n'avait d'autre but

fleurit

que

mais n'entendait pas proclamer

contraire,

même

en dehors des peu-

plades indépendantes où les sanctions royales ne sont d'aucun l'esclavage

Euro-

toujours là-bas sous

sauvegarde

la

effet,

gouverne-

mentale.

Ici

encore nous ne pouvons taire

d'une

susceptibilité exagérée

nances et

quand

il

morale,

la

s'agit

le

le rôle

des Anglais

Pudibonds

pour tout ce qui concerne

cœur rempli d'une

de l'humanité, les citoyens de

la

et

les conve-

hypocrite

sensiblerie

brumeuse Angleterre

s'élèvent en des manifestations indignées contre l'esclavage. Ils pro^

clament, en des protestations charitables, la nécessité d'arrêter l'œuvre des monstres qui vendent et achètent leurs semblables

marchandise.

Ils

s'associent avec enthousiasme

aux

efforts

comme

tendant à

l'affranchissement de l'humanité... et à l'occasion leurs faits contredisent leurs paroles.

Les pasteurs, oh

!

les

pasteurs sont admirables.

Ils

s'émeuvent


IMADAGASOAR

96

froidement

^

parlent de

la

liberté avec

des intonations vibrantes,

disent sur la fraternité des choses superbes, rêvent à haute voix, pour

qu'on

le

sache, aux

d'autre part,

moyens de tenter des

comme

croisades. D'autre part, ah!

des protestations autres que celles se tradui-

sant par de simples paroles pourraient nuire à leur influence auprès

du gouvernement, leur Ils

savent que

le

zèle est singulièrement tempéré.

gouvernement considérerait une tentative ayant

pour but de détruire

l'esclavage

comme une

tendance à porter

atteinte à son prestige autocratique, aussi, en catimini,

gnent pas de

le

favoriser.

Si

ils

ne dédai-

nous en croyons des historiens des

plus sérieux et des mieux informés, et nous n'avons aucune raison de

ne pas

les croire,

messieurs les pasteurs poussent

la

condescendance

et le sacrifice de leurs sentiments chrétiens jusqu'à acheter

eux-mêmes

des esclaves pour leur usage personnel. Peut-être aussi pour payer avec, le prix de conversions à leur église ou encore dans

un

esprit

purement commercial.

Mais nous ne comprenons pas ces choses-là, nous, Français

;

trop

d'insouciance et trop de cœur, nous ne comprenons rien au pratique. Il

est probable

que nous aurions mauvaise grâce à trop

r^'

insister.


1 '4

'^

CHAPITRE

VII

Commerce

Villes principales,

et Industrie

'~X,,,X^

ADAGASGAR

a

Tana-

Capitale la ville de

poiir

narive, appelée Ant* Anariva en malgache.

La m^'^'-',

'^tf'

'vers

l'Est,

ville est située

au sommet d'une

plateau, à 1,500 mètres la côte

montagne,

un peu

l'ilc,

un vaste

sur

d'altitude; à 160 kilomètres

de

Est et à 360 kilomètres de la côte Ouest, entre les

18" 55' 4"

La

au centre de

de latitude Sud et 45°

colline sur

15'

45" de longitude Est.

laquelle est bâtie la

royaume s'étend sur une longueur de

Nord au Sud. Le plateau

a

première

cité

trois kilomètres

du

du

un peu plus de un kilomètre

de largeur. C'est un énorme massif composé

de quartz,

vulgairement appelé pierre à feu, de feldspath, de mica brillant et feuilleté

granités.

comme des écailles

Les versants sont

taillés

de poisson et de blocs

en des escarpements 7

atïv^i


MADAGASCAR

98

font ressembler

qui les

notamment

En

rapides.

à l'Ouest, au

des

à

Sud

bastions,

et à l'Est

bas, à 150 mètres au-dessous

dans

certaines

parties,

d'autres parties sont moins

;

du plateau,

la plaine s'étend

avec ses rizières que baigne l'Ipoka, et ses plantations luxuriantes.

On

aperçoit la ville de très loin, elle semble dominer le pays et

grandir, par sa situation, le prestige de la souveraine. ainsi à distance,

Son

allure,

vue

ne laisse pas d'être pittoresque. Les maisons flan-

quées sans ordre, pêle-mêle, sur

au palais qui s'élève au-dessus

les pentes, d'elles

semblent servir d'assises

elles

;

présentent assez bien la

du peuple soutenant la royauté sur ses épaules.

figure

Mais ce n'est

De près

giner.

là le

qu'une apparence que l'éloignement permet d'ima-

charme,

si

charme

il

y

a, disparaît, et les

rues acci-

dentées dans lesquelles on ne peut marcher qu'avec de grandes précautions, font ressortir la réalité bien

En somme,

cette ville est plutôt

moins agréable.

une agglomération de groupes

d'ha-

bitations qu'une vraie ville.

Elle a été formée par

de

son

encore

«

nom ici

une réunion de

villages, autrefois indépendants,

Ant' Anariva qui veut dire

mille bras

»,

«

ici

mille villages

»,

ou

car on considère que la ville aurait aussi

été fondée par mille guerriers en 1660.

Tananarive est

la plus

importante

cité

de

l'ilc,

sa

population

comporte environ 90,000 habitants. La capitale malgache n'a

nement pas

l'aspect de nos villes européennes, avec leurs construc-

tions, leurs boutiques, leurs

comme

promenades ou leurs monuments

;

bâtîe

en amphithéâtre, où s'étagent de petites maisons sans archi-

tecture, elle est divisée en ville, et

certai-

deux

parties, la vieille ville

et la nouvelle

découpée par de nombreuses avenues. La cour y réside, ce

qui a réuni dans la cité tout ce que les pays soumis comportent de gens

de qualité.


MADAGASCAR

Le

palais royal qui n'a rien des

99

somptueuses demeures aristocra-

tiques des pays du continent, est situé au delà de la vieille ville, sur la colline.

On y accède

par une grande avenue qui part du palais, tra-

verse la ville et s'étend à perte de vue dans la campagne. Les envi-

rons sont fort jolis qui sont les

;

on y remarque des

sites

champêtres charmants

promenades habituelles des habitants.

Les habitations sont représentées par des cases jetées sans harmonie sur les flancs et la crête

delà montagne; de

petites

maisons en

planches, en briques et en pierres; des palais, des temples et des églises.

de

Les monuments de Tananarive sont représentés par

la reine,

vaste bâtiment

qui était en bois et a

en pierre par un architecto français

il

;

du palais de dans

le

;

il

est la plus

palais de

Moanandro

comme

monument de

un bâtiment

reconstruit

trois étages et

reproduction en petit

est

une sorte de

Italie.

Le

palais

villa

Ram-

ancienne construction et l'antique résidence

sert aujourd'hui

de justice est un tre est

Le

la

genre de celles que l'on rencontre en

boasalamg royale

la reine.

de

est élevé

comporte des galeries. Le palais d'argent est

été

le palais

carré,

de fêtes pour

lieu

style grec.

Le

palais

la cour.

Le

palais

du premier minis-

flanqué de tours, surmonté par un

dôme

en verre. Une cathédrale style gothique, bâtie par les jésuites et palais épiscopal.

Laborde a

Ranavalo

a été affecté au

I,

qui

fait bâtir

palais de la résidence générale

un tombeau destiné

le

à la reine

premier ministre Ramiharo.

Le

française, la cathédrale protestante,

quatre temples des méthodistes.

Les jésuites, indépendamment de leur cathédrale, ont construit, en 1890, un observatoire à 1,400 mètres d'altitude.

Au Nord de

la ville sont situés les

Presque toutes

établissements européens.

les constructions sont

surmontées d'un paratonnerre

;


MADAGASCAR

100

c'est là

une mesure préventive

justifiée

par

la

nature ferrugineuse du

sol qui attire la foudre.

La seconde

du royaume

ville

est la cité de Fianarantsoa,

dans

la

province de Betsiléo, au Sud de Tananarive, presqu'en ligne droite, à

une distance de Cette Ivohibé,

comme

cité,

aune

kilomètres environ.

trois cents

la

une

capitale, est élevée sur

colline, le

mont

altitude de 1,300 mètres.

Fianarantsoa, n'a pas du tout une importance seulement comparable

comme

à d'autres villes du littoral; elle ne doit d'être classée

seconde dans

dence du Il

le

royaume, que parce qu'elle a

roi et est

y a douze

cités sacrées

villes

de

:

la principale, celle

la

cour se retire à

Ambohimango.

l'île

qui ont de l'importance sont Fort-Dauphin

à l'extrémité Sud-Est, dans la province des Antanosy la province des

;

Ambahy, dans

Antaimoures; Malianoro, Andovorante

et

Foulpointe, Fénérive, dans la province de Betsimisarakas

au Nord.

A l'Ouest, Majunga, dans

Majunga

est le point

débarquement pour

La

Boina

;

;

Antsirané

Tulléar, dans

le

corps expéditionnaire va effectuer son

se diriger sur Tananarive

;

elle est située

par

de longitude Est et 15"'42'39" de latitude Sud.

ville est bâtie

sur la i)ointe d'Antsahambingo au Nord-Est de la

grande baie de Bombetoke tations,

la province de

Tamatave;

de Fihérénana.

la province

43''50'36''

rési-

encore une des premières cités sacrées.

certaines époques, est

Les autres

été, autrefois, la

la

;

elle

comprend

mille à douze cents habi*

mais sur ce nombre, plus de mille ne sont que des cases

construites

en

branchages

et

en

paille,

entourées de

clôtures

rustiques et rangées sans symétrie. Les autres sont bâties en pierres


c9

> O



MADAGASCAR

103

ou avec un mélange de terre grasse, de sable

Deux rues

Vue de

et

de paille hachée.

parallèles au rivage forment la division.

la

mer, au loin, Majunga a

y est ce n'est plus qu'un

La population mélange de

d'une

l'allure

mais quand on

cité,

fouillis.

n'est pas

supérieure

Ilovas, de Sakalaves,

à 5,000

habitants

un

c'est

;

d'Arabes de Zanzibar, de Makois,

d'Indiens et d'Européens.

Le climat

est

moins sain que sur

le

plateau de Tananarive, mais

il

n'est pas précisément malsain et très supportable à cause de la brise

de

la

mer.

Il

Majunga pendant près de

pleut à

six

mois

;

le restant

de l'année s'écoule dans une sécheresse désolante.

Les Ilovas ont la côte, tous

établi de

nombreux postes de défense

tout le long de

occupés militairement par de pauvres soldats qui ont

bien d'autres préoccupations que celles de défendre le pays bles, obligés,

;

en partie, do pourvoir à leur nourriture, mal

on voit de quelle

utilité ils

pourraient être

si

on ne

misératraités;

les tenait sous

un

joug rempli de menaces de mort.

A l'Est de Fort-Dauphin, à Foulpointe, les les villes

postes sont échelonnés dans

du cap Masoalo à Antsirané sur

principales

Est, quelques forts sont étages.

Au

Nord,

la côte

Nord-

y a les forteresses formées

il

par les montagnes qui surveillent admirablement les deux côtés de

la

mont d'Ambre présente un poste d'observation

à

pointe.

Enfin,

le

onze cents mètres d'altitude.

A

l'Ouest, regardant le canal de

Mozam-

bique, les forts bâtis sur des collines autour de la baie de Bombetoke; le

cap Saint-André

;

La France occupe

le

cap Saint-Vincent.

plusieurs points de

l'ile

résidences, elle a en propriété une partie

baie deDiégo-Suarez.

Ce

territoire,

;

du

comme

la

indépendamment de territoire

ses

autour de la

plupart des provinces de


MADAGASCAR

104

l'île,

n'a pas de limites bien déterminées. L'ile de Sainte-Marie et

de Nossi-Bé, appartiennent aussi à

Par sa puissante végétation, terrains miniers, très important,

la

Franco.

la fertilité

de son

sol

même

et

ses

Madagascar est appelé à devenir un centre commercial

une source de richesses relativement

sous notre protectorat. Ce qui

manque pour donner

très considérable

cet essor, c'est la

ne serait point excusable de compter sur les indigènes

colonisation.

Il

pour prendre

l'initiative

de travaux d'exploitation ou pour produire un

développement quelconque

;

ceux-ci ont besoin d'une direction éner-

gique qui les obligera à se débarrasser de préjugés l'on

l'ilo

et

de

mœurs que

ne peut plus comprendre.

Avant faites à

et depuis le protectorat,

toutes les tentatives qui ont été

Madagascar ont échoué, parce

qu'elles se sont

constamment

heurtées à l'esprit d'isolement et de méfiance des indigènes

;

les colons

qui continueront à venir dans ce pays n'obtiendront que des résultats

incomplets,

s'ils

parvienent à en obtenir, parce qu'ils ne sont pas

suffisamment protégés. D'après les traités intervenus, les Français n'ont pas quérir des terrains; valeur. Mais

ils

comment se

le droit d'ac-

ont le droit d'en louer pour les mettre en risquer à demeurer dans

l'ile

avec son climat

insalubre, pestilentiel, qui tue presque tous ceux qui osent l'affronter?

La première

condition à remplir, nous semble-t-il, pour faciliter la

colonisation, c'est de procéder à l'assainissement

du pays. Le gou-

vernement hova s'oppose à tous travaux pouvant, tout en favorisant l'immigration, compromettre la défense, que présente pour lui l'inaccessibilité

de

la disposition

de son

sol.

C'est su

s'arrêter à la puérilité d'une pareille considération

;

?

mais devrait-on

Quand

il

s'agit


MADAGASCAR

de

la civilisation,

du bonheur d'un peuple,

lo:

comme quand

c'est

il

s'agit

d'un malade, on consulte la raison et on impose sa volonté pour le sauver.

Pourquoi, après tout, ne procèderait-on pas à Madagascar

comme

on a procédé dans bien d'autres colonies, très prospères aujourd'hui

?

Pourquoi des demi-mesures qui obligent, presque périodiquement, à faire des expéditions fort

coûteuses dans

le seul

but de conserver un

prestige qui ne rend que des services très limités

?

Si l'exemple

du

passé avait été retenu, nous n'en serions pas à ne posséder qu'un petit coin de cet

immense

territoire,

et les trésors qui sont enfouis

commerce

nous

posséderions presque en entier

le

dans ce sol auraient déjà procuré, au

d'exportation, des trafics considérables,

comme

au com-

merce d'importation des débouchés précieux.

A un moment Madagascar dans

:

donné, l'industrie semblait

un Français aud-^cieux

la florissante vallée

devoir s'implanter 4

avait réussi à fonder à Mantassa,

de l'Ikopa, un centre industriel qui semblait

appelé à un très grand développement.

Au

milieu d'un

immense

jardin botanique, où étaient réunies toutes les productions végétales

de

l'ile,

les plantes et la flore qui

nous sont encore inconnues,

élevé des manufactures de toutes sortes étoffes,

de la porcelaine, du savon

fonderie et

môme une

foyer d'industrie

,

poudrière.

;

;

une

Une

une ruche ouvrière

il

avait

on y fabriquait des armes, des raiïinerie

pour

le sucre,

une

route carrossable desservait ce était organisée, c'était le

grès, c'était la civilisation, c'était enfin la liberté pour

pro-

l'homme qui

s'habituait à chercher son indépendance dans le travail. Il

n'est

nullement douteux que

la prospérité devait bientôt

une influence bienfaisante sur ces peuples

et

exercer

leur donner la con-

naissance de la dignité humaine. C'était trop, les efforts généreux


MADAGASCAR

106

de notre compatriote devaient se briser contre l'esprit d'autorité irraisonnée et irraisonnable de ceux qui président aux destinées du

peuple malgache et de leurs conseillers intéressés. Des guerres adroi-

tement suscitées entre

empêchèrent

les tribus paralysèrent cet effort et

progrès de faire un pas de plus.

le

L'industrie n'existe donc presque pas. Quoique cela, les indigènes,

dont l'intelligence peut facilement se développer, fabriquent des étoffes de soie fort belles et surtout d'une solidité peu

donner à ces cieuses

très

un

Le

grande

^

travaille,

fer

objets

blanc,

savent

des toiles et des cotons d'excellente

une

étoffe d'une

et

de nombreux objets.

avec un art merveilleux, à des ouvrages en filigranes d'argent

d'ornement.-

finesse qu'elle

la

ils

avec laquelle on confectionne des pagnes, des

manteaux, des bâches

On

même

tissage des fibres de palmier produit aussi solidité,

;

brillant coloris qui les rendent vraiment pré-

on fabrique de

;

qualité.

étoffes

commune

La

doit

et d'or, tels

que,/jplateaux, vases,

bijouterie n'est^j^oint négligée

:

coffrets,

elle n'a

pas

comporter généralement, mais enfin, toute

grossière qu'elle est, elle ne

manque pas d'un

certain cachet presque

artistique.

Tout

cela,

importance

évidemment, ne constitue pas un élément industriel d'une

même

relative et réclame des initiatives

loppement, mais prouve

Au

les possibilités d'établissements.

point de vue commercial, quoi qu'il paraisse et soit assez précaire,

eu égard à l'importance du pays

et

situation est meilleure, les transactions

Les

pour un déve-

iles

aux choses

qu'il

possède, la

y ont une certaine importance

:

voisines de Bourbon, ou mieux, de la Réunion et Maurice,

s'approvisionnent presque exclusivement à Madagascar; elles y pren-

nent les bœufs, les moutons, les céréales,

le riz, le

maïs,

le

manioc.


MADAGASCAR

107

L'Amérique entretient un commerce important d'exportation avec Madagascar; l'échange des marchandises

on

Des où

ils

dits

un grand pied

et

de nombreux millions les transactions auxquelles les

chiffre par

deux pays

s'y fait sur

se livrent.

industriels européens séjournent dans les ports, sur les côtes

importent des étoffes, des bibelots, de la mercerie, des articles

de Paris.

Ils

fournissent ces différents objets à des commerçants

qui pénètrent à l'intérieur et vont les échanger dans les tribus contre

des bois précieux, du caoutchouc, des peaux, de la cire, etc. Ce petit

commerce ceux qui

est très florissant;

de -fort beaux bénéfices à

fait réaliser

il

s'y livrent.

C'est do

Tamatave

surtout, premier port

commercial de

l'ile,

que

se font les plus importantes expéditions de bœufs, de moutons, de volailles,

de céréales pour les

c'est <3ncore à

Tamatave

îles

le cen+î'e

s'approvisionnant à Madagascar

où sont établis

alimentent les commerçants qui vont faire

les

indiustriels

qui

échanges de mar-

les

on importe en Europe

chandises à l'intérieur et d'où

;

objets

les

échangés. Fénérive, à droite de Tamatave, est un petit port très fréquenté

par les navires

du

territoire

ments de L'ile

;

c'est là

que s'écoulent

de Betsirisamaraka.

les produits des riches vallées

On y

fait

d'assez

nombreux charge-

riz.

de Sainte-Marie, assez prospère malgré l'insalubrité de son

climat,

fournit

le

clou

de

girofle

et

de

la

vanille

grande

en

quantité.

Le centre du commerce, pour

le

caoutchouc, est établi dans

la

baie

d'Antongil. C'est sur les bords de cette baie qu'est la ville française de

Louisbourg, aujourd'hui abandonnée.

Des établissements français ont

été créés dans la partie

du

terri-


MADAGASCAR

108

toire qui est notre possession à l'extrême

Nord, au pied du mont

d'Ambre. On a créé dans cette province de nombreux entrepôts chantiers.

Une

petite ligne de

chemin de

fer

y a

môme

et

des

été installée

qui permet de descendre depuis la baie de Diégo-Suarez jusqu'à l'Ouest

coupe

et

pointe de

la

l'ile.

chef-lieu de ce territoire, au

tions de toute cette partie

Si l'on parvenait à

bord de

du pays,

la

amener

mer dans

la prospérité

à Antsinaré,

la baie, les

produc-

de notre possession

serait rapide.

La

baie est une des plus belles du monde, vaste, profonde, offrant

aux navires un refuge incomparable, trera, à

Ce

un moment donné, tout

petit

forcément

que se concen-

commerce maritime de Madagascar.

coin nous donnera d'autres résultats bien plus satifaisants

que ceux obtenus par

les différentes tentatives

divers points des côtes,

Au

le

c'est

de Fort-Dauphin à

Nord-Ouust, en face de

l'ile

l'ile

qui ont été faites sur

Sainte-Marie

même.

de Nossi-\Be, dans la baie de Paasan-

dava, se trouve le marché d'Ambodimadéra.

C'est dans ces parages

que quelques groupes de mineurs ont commencé l'exploitation des houilles dont le sol est rempli, exploitation, hâtons-nous de le redire,

qui n'a absolument rien de considérable et restera insignifiante tant qu'il n'y sera

Majunga,

pas procédé d'après la tactique minière.

joue au point de vue commercial, sur la côte

la fortifiée,

occidentale, le rôle que remplit

On peut encore la ville

citer,

de Tulléar, sur

comme la côte

Tamatave sur

la côte orientale.

ayant une importance commerciale,

Sud-Ouest; placée à l'embouchure du

fleuve Saint-Augustin, à quelques kilomètres de la baie de ce elle est

dans une situation très convenable pour

nom,

les transactions.

Le

mouvement de Tulléar

consiste surtout en bétail, céréales, cire et bois

colorants. L'orseillc,

communément employée dans

si

nos teintureries


MADAGASCAR

109

françaises, vient presqu'exclusivement de cet endroit où s'en tient le

marché. Le village de Salara, de l'autre côté de

la baie,

écoule les

produits du territoire de Mahafaly.

du commerce d'expor-

Voici, en résumé, l'importance approximative tation

:

Caoutchouc, pois

du Cap,

orseille,

riz, café,

Le caoutchouc

vanille, cire, bois, crin, peaux, rafîa,

sucre, rabannes, clous de girofle.

est le

premier produit qui

ait

donné

lieu

aux tran-

commerciales; malheureusement l'exploitation en est mal

sactions faite et,

gomme,

au

lieu

d'augmenter,

le

produit tend à diminuer.

Le s indigènes

ignorant les principes élémentaires de la récolte, ont tout simplement

coupé

les lianes

efforts, puis ils

dans

les endroits qu'ils

pouvaient aborder sans grands

attaquaient les racines des arbres.

Si l'exploitation était intelligemment faite, le caoutchouc de

Mada-

gascar détrônerait facilement les autres produits similaires sur les

marchés européens. Déjà, malgré mauvaise manutention,

le

trafic,

l'infériorité

qui a

que

passé

le

lui

donne seule

chiffre

la

annuel de

un. million de francs acquerrait rapidement une très haute importance, car

il

est,

dans

L'orseille

l'île,

donne

en grande abondance.

lieu à

un

trafic qui varie entre

700 à 800 tonneaux

par année; le prix varie entre 45 et 50 francs les 100 kilos, mais à la revente. Les indigènes qui récoltent ce produit, les Mahafoly, l'échan-

gent contre des marchandises avec des traitants européens qui réalisent ainsi d'énormes bénéfices.


MADAGASCAR

110

La gomme de

copal

-est

aussi abondante

récolter plus de cent cinquante mille

;

on peut facilement en

kilogrammes chaque année. Son

prix atteint jusqu'à 150 francs les cent kilogrammes.

Ce

serait

une

belle opération à faire, car elle peut être acquise dans des conditions

infiniment avantageuses.

La

Le marché

se tient à Tamatave.

vanille est de qualité supérieure et sa culture y est assez abon-

damment

pratiquée.

C'est surtout vers le Sud-Est,

dans

les

pays des Antaisaka, des

Antaifasy et des Antanosy, que sa culture est favorable.

On en

actuellement en assez grande quantité, mais pas assez

l'on considère

ce que l'on pourrait faire. Les

si

récolte

4 ou 5,000 kilogrammes, qui

exportés par Tamatave, se vendent en

moyenne 50

0/0 meilleur

sont

marché

que cette marchandise n'est cotée en Europe.

La

cire est abondante,

excellente,

donne

lieu à

une manutention qui en réduit le

cela, l'exportation s'élève

Le

perd sa valeur. Le

prix.

Malgré

encore à près de un demi-million.

bois présente à Madagascar une source

mais son exploitation il

mais aussi mal préparée. Sa qualité, quoique

comme trafic

immense de

partout est mal comprise

et,

richesses,

par suite,

d'exportation n'est pas remarquable;

il

ne prendra un développement que par une exploitation plus sérieuse.

Le

crin végétal n'est guère exporté

qu'en Angleterre, mais peu,

6 à 8,000 kilogrammes par an et encore d'une façon irrégulière. est surtout

employé dans

Les peaux donnent

Il

le pays.

lieu à d'importantes transactions;

elles repré*


MADAGASCAR

Ht

sentent un chiffre d'affaires qui s'élève et passe un million et demi

de francs. Les principaux marchés se tiennent à Tamatave, Majunga,

Mananjary, Vatomandry, Vohémar. C'est surtout ricain et le

commerce allemand qui

le

commerce amé-

achètent. Les peaux de

mouton

et de chèvre sont dirigées sur l'Angleterre.

Le

rafia,

ou

fibre

de palmier, a son marché principal à Vatomandry

qui en exporte de 5 à 600,000 kilogrammes.

Son prix

varie entre

30 et 40 francs les 100 kilogrammes au pays d'origine; la revente, sur les marchés européens, atteint jusqu'à 80 francs les 100 kilo-

grammes.

Le

rafia est très

employé par

les horticulteurs

plantes, la confection d'enveloppes

pour

pour les bouteilles

le

liage des

et la fabrication

des chapeaux.

Des essais de tissage ont parfaitement

réussi, et

il

n'est point dou-

teux que l'emploi divers que l'on peut faire de cette fibre ne donne lieu à

un plus grand trafic.

Les pois du Cap ne s'exportent guère qu'aux l'exportation s'élève environ à 5,000

entre

1

franc et

1

franc 50 le kilo

;

îles

Mascaraignes

kilogrammes dont

;

le prix varie

les traitants achètent les pois

aux

indigènes par l'échange.

Le

riz est assez

abondant à Madagascar, mais

il

ne donne pas lieu

à de grandes transactions et l'exportation ne va guère au-delà de 1,500

à 2,000 tonneaux, quoique sa qualité soit supérieure à la qualité du riz

des Indes.

On

pourrait produire beaucoup plus sur le sol qui se

prête admirablement à cette culture,

mais

les

indigènes s'en nour-

rissant presque exclusivement, ne se soucient pas d'en faire au-delà

de leurs besoins.


MADAGASCAR

112

Le

café n'est cultivé que depuis vingt-cinq ans

miers essais,

faits

et encore les pre-

par des planteurs manquant d'expérience, n'ont pas

donné de bien beaux terrains

;

résultats.

mieux appropriés,

Cependant, d'autres essais dans des

c'est-à-dire à l'intérieur, loin des terres

infestées, ont été plus heureux. L'exportation est sans importance.

prix du café,

de Guayra, varie entre 50 et 60 francs les

dit café

100 kilogrammes;

il

Le

se revend facilement de

110 à

francs en

120

Europe.

Les nombreuses plantations de cannes à sucre

sont

comprises et ne sauraient, pour cette raison, donner

que Ton pourrait espérer. C'est l'Angleterre qui achète

aussi

mal

résultats

les

la plus

grande

partie.

La rabanne

est

un

tissu fait avec le rafîa;

rentes couleurs et exporté

vente est d'environ

de large.

1 fr.

En Europe,

Les clous de le principal

il

comme

est

teint de diffé-

d'ameublement. Le prix de

501a pièce de 2 mètres de long sur se revend facilement 2

girofle viennent

commerce

étoffe

il

fr.

:

l'île

mètre 40

50 ou 3 francs.

de Sainte-Marie, dont

d'exportation

1

ils

constituent

en produit environ 40,000

kilogrammes par année qui se vendent facilement 1,200 francs

les 100

kilogrammes.

Les produits de Madagascar qui ne sont pas sont les soies représentant deux qualités

:

livrés à l'exportation

l'une tirée

d'un cocon

importé du Japon, l'autre produite par un bombyx particulier au pays.

L'élevage des vers est imparfaitement

fait;

on

les nourrit

avec les


MADAGASCAR

feuilles fait

113

de l'ambrevade, arbuste particulier au pays;

devidage se

le

à la main.

La production

Le chanvre

grande

n'est pas

est plus

abondant;

se chiffrent par quelques millions

en est

et le prix

il

;

donne

fort élevé.

lieu à des transactions qui

on s'en sert pour

ments. De qualité inférieure et vilain,

il

faire des vête-

ne pourrait, en

trouver

l'état,

accès sur les marchés européens.

Le

coton, par contre, est très beau et sert, de

même

que

le

chanvre,

à la confection de vêtements.

On fait

fabrique beaucoup de chapeaux en paille ou en rafia;

une grande consommation dans

les provinces

confectionnent ces

Il

n'existe, à

«

Ce sont

soie assez

femmes

d'ailleurs les

qui

dentelles » avec leurs doigts.

Madagascar, aucun moyen de communication conve-

nable entre les différents pays

moyen de locomotion. Les

;

par suite,

il

les parcourir qu'à

non plus

n'y a pas

le

routes sont rares, la plupart formées par

des sentiers presqu'impraticables à travers les monts

guère

s'en

soumises.

Les Malgaches produisent encore une sorte de guipure de grossière et sans grande valeur.

il

pied ou

;

à cheval, et encore,

on ne peut le

voyage à

cheval offre-t-il des dangers.

Des industriels ont

établi

quelques tronçons de chemin de fer

sur le littoral, mais combien insuffisants.

Les transports de toutes natures entre

du

littoral

s'effectuent

à

les

dos d'homme;

pays du plateau

aussi

et

ceux

présentent-ils des

difficultés considérables et sont-ils très coûteux* 8


MADAGASCAR

114

Par exemple, un porteur, sorte de coltineur, moins alerte que

fort

les robustes coltineurs parisiens,

pour parcourir

mer. La charge

la

moins

met environ douze jours

qui sépare Tananarive, sur le plateau, de

la distance

Tamatave, au bord de

et

qu'il porte est

en moyenne

de 40 kilogrammes. Or, pour transporter seulement une tonne de marchandise de la capitale sur

hommes

le

;

le littoral

ou vice-versa,

voyage dure douze jours. Si

l'on

il

faut vingt-cinq

donne seulement un

franc par jour à chaque porteur (c'est le prix ordinaire), le coût du

transport s'élève à 300 francs. Dans ces conditions, les transactions

commerciales sont peu

Le

service postal n'existe pour ainsi dire pas.

c'est le service spécial Il

se

fait,

de

et

Le

seul qui soit établi

aux représentants des différentes puissances.

môme, parla

moins sûre

la

faciles.

voie des porteurs. Aussi est-il fait de la façon

combien

est

longue

la

transmission des correspon-

dances.

Tout cela sont

est

maintenant un peu modifié, mais

encore bien loin

les modifications

peu près

de présenter quelque chose d'à

convenable.

Le gouvernement hova

est d'ailleurs hostile à tout établissement

de routes ou de chemins de

de

la côte

dère

fer.

Placé sur le plateau, au centre, séparé

par des terrains boisés, abrupts, inaccessibles,

comme dans une

Cette situation lui plaît, soucie fort

il

se consi-

forteresse naturelle, à l'abri des invasions. il

la

trouve bonne,

il

veut la conserver.

Il

se

peu des avantages considérables que procurerait au

pays, tant au point de vue de la civilisation, de l'état social, qu'au

point de vue des transactions commerciales et de la fortune, l'établis-

sement de voies de communication.


MADAGASCAR

Il

croit

que

la

sécurité territoriale

lieux, et

non seulement

encore

s'y

il

il

dépend de

115

l'état primitif

des

n'encourage pas les modifications, mais

oppose.

Le télégraphe a cependant

été adopté; quelques lignes sont éta-

blies par la résidence française.



Vf?

î

4p

Le Gouverneur de Majunga.

^fffffffffffffffffffffffff



-i»,-

CHAPITRE

VIII

'^^^^

HISTORIQUE Première période, la Compagnie des Indes

^X,.X' ntj

^PRÈS

i'^-

la

découverte de Madagascar par

Lorenzo Almcïda, I Portugais Il

I'

les explora-

leurs et surtout les aventuriers, auxquels

cette route venait d'e.trc tracée,

^.

le

y vinrent pour chercher

que passer, fortune, mais n'y firent, pour ainsi dire,

i

/

sans y demeurer.

pays de

l'oT,

Ils

croyaient trouver dans ce nouveau

des diamants et des pierres précieuses.

mortel; leurs prey trouvèrent d'abord un climat grand mières tentatives furent infructueuses et le plus

Ils ^•*ia

nombre .1

„,

d'entre eux y laissa la vie. Les indigènes

V

n'acceptèrent pas

.%

comme

cela,

tout d'un coup, ces

en guise de intrus qui essayaient de les pourchasser

^/^\

conciliation, et k'<^ ^CHH'

ceux qui purent se soustraire à leurs


MADAGASCAR

120

sagaies n'échappèrent que par miracle aux émanations pestilentielles

des marais.

Le

Portugal, édifié par ces

malheureuses équipées, ne crut pas

devoir persister dans ses premières intentions de planter son drapeau sur une terre aussi inhospitalière. Sans faire une nouvelle tentative

quelconque,

il

y renonça; ses navigateurs

et les aventuriers continuè-

rent à se diriger vers l'Inde, ne se souciant plus de faire escale dans

ce pays qu'ils appelèrent « le cimetière.

»

donc destinée à demeurer inconnue;

L'ile semblait

les seuls explo-

rateurs qui y venaient étaient des négriers et dans le seul but d'y

prendre des esclaves. en affrontant des périls immenses, ou des navigateurs que les hasards du voyage et les texnpêtes jetaient sur les côtes.

Près d'un siècle s'écoule sans qu'aucune tentative ne

Cependant Irrésistible

;

soit faite.

la voie était tracée et l'inconnu avait toujours

l'ile

son attrait

entrevue laissait soupçonner des trésors qui prenaient

dans l'imagination des proportions capables de tenter des spéculateurs hardis.

Ce sont des Français qui eurent rations à peine

Vers

l'an

dans ce but; années. Enfin

commencées

1635, des les ils

le

courage de reprendre des explo-

et aussitôt

abandonnées par

les Portugais.

Compagnies françaises peuvent s'organiser

travaux de préparation sont longs, aboutissent,

et,

ils

durent deux

en 1637, les Compagnies, disposant

d'un capital suffisant, envoient des agents à Madagascar pour fonder

des comptoirs et s'y établir. C'est de l'époque de ces établissements que datent les droits de la

France. Ces droits, que nos nationaux ont payés de leurs travaux et

de leur vie, auraient dû être incontestables plus

loin,

telle

;

mais, ainsi qu'on

n'a pas été l'opinion de l'Angleterre.

le

verra


MADAGASCAR

Les Anglais n'avaient aucun mais

petite soit elle; ils

ils

titre

121

pour manifester une prétention,

si

ne s'arrêtaient pas à un aussi mince détail,

ménagement

contestaient hardiment nos droits et sont arrivés sans

à les combattre.

En

1642, le succès des

Compagnies

agents et les

était assuré; ses

colonisateurs qu'elles avaient facilités, avaient réussi à s'implanter.

Le drapeau de

la

elle allait faire

France

œuvre de

Aucune objection ne

flottait

fièrement dans ce nouveau pays où

civilisation.

s'élevait

en ce moment de

conque des puissances européennes

;

le

la part

Portugal

de l'une quel-

même

qui pouvait,

jusqu'à un certain point, poser des revendications, approuva tacitement lo fait

accompli.

En présence de

cet acquiescement, qui ne laissait entrevoir

aucun

om])arras futur, le gouvernement français résolut de favoriser la colonisation.

Richelieu, lo cardinal-ministre, prit cotte initiative.

concession do Madagascar à

nom

la

Compagnie

Il

accorda une

française des Indes et au

d'un des agents do cette Compagnie, M. de Pronis.

La concession

a

été signée par le roi

Louis XIII.

M. de Pronis, muni de ce document qui, sauvegarde

gouvorncmentalo,

qu'auraient pu

lui

la côte

garantissait

Il

le

territoire

La

embarras

cas se présentant,

pouvant convenir, par

avantages de sa situation géographique et de son travaux de colonisation.

plaçant sous la

une exploration de

se livra tout d'abord à

pour trouver un point du

le

contre les

suggérer d'autres colonisateurs,

pour Madagascar.

partit

le

on

baie de Manghéfia

,

les

sol, à favoriser ses

au Sud-Est de

l'île,

semblait répondre à ses désirs. Il

jolie

rencontra là un petit port naturel

admirablement abrité; une

plaine, fertilisée par des cours d'eau qui la sillonnaient, enfin


MADAGASCAR

122

une immense sortes.

forêt riche

Ce coin de

en grands arbres

et

en végétations de toutes

terre devait fournir à l'explorateur

un endroit réunis-

sant toutes les conditions désirables de ressources pour y fonder le

premier établissement.

Les naturels ne furent qu'étonnés de l'invasion de troupe d'étrangers, mais

Compagnie

fit

Cependant

petite

l'agent de la

française et ses compagnons. Malheureusement une chose

n'avait pas été prévue sévissait

accueillirent assez bien

ils

cette

bientôt

:

ce site

dans

la place était

si

charmant colonie

la

était

mortel la fièvre qui y ;

ravages

des

bonne, on voulait quand

considérables.

môme

espérant que, petit à petit, on finirait par s'acclimater, les précautions usitées

conserver,

la

en prenant

et,

en pareilles circonstances, on donnerait en

attendant moins de prise aux fièvres.

Entre temps,

les

travaux ne marchaient que lentement

malgré un régime sévère après les autres.

On

et les

résistait

;

les colons,

remèdes préventifs, mouraient

quand

môme

,

placés par d'autres travailleurs qu'envoyait la

les

les

uns

morts étaient rem-

Compagnie des

Indes.

Les nouveaux arrivants ne résistaient pas davantage que leurs devanciers;

fournissaient tout simplement au fléau le

ils

moyen de

faire

d'autres victimes,

La bon

lutte contre l'élément dévastateur

gré,

La

mal

devenant impossil)le,

fallut,

gré, y renoncer et se retirer,

baie de Mangliefia fut donc abandonnée.

Les exploiteurs continuèrent à descendre vers le Sud, à d'un

il

coin

de terre moins dangereux,

finirent par s'arrêter

dans

le

partant

plus

pays des Antanosi, tout à

la

recherche

habita])lc. fait

Ils

au Sud-Est.

L'expérience ayant démontré que cette nouvelle résidence, bien moins

malsaine que

ment

la i)récédenle, était

habitable, on s'y établit définitive-


MADAGASCAR

s'aorissait

Il

perdu

:

On

de fonder

ici

123

les établissements et

prit d'abord des précautions

de réparer

temps

le

de défense pour se garantir

contre les tentatives de spoliation qui auraient pu être faites, soit par

par d'autres, et pour assurer

les indigènes, soit

français.

nom

Un

fort fut élevé,

c'était le

le

premier de

respect du drapeau

l'île;

donna

lui

le

de Fort-Dauphin, en l'honneur du Dauphin de France.

Les colonisateurs se mirent résolument à l'œuvre ne furent pas interrompus cette

fois.

où régnait un

bon

activité do

aussi, à la nouvelle ville, le

nom

leurs travaux

;

D'autres colons vinrent se joindre

aux premiers, apportant de nouvelles forces, ville,

on

et bientôt

une

petite

On donna

aloi, se trouva fondée.

de Fort-Dauphin, qu'elle conserve

encore.

Le

roi

des Antanosi, Dian Ramasch, ne vit pas sans appréhensions

du

cet envahissement

ou faces pâles

,

étaient livrés à

qui s'étaient

de son royaume. Les

précédemment

une chasse à l'homme

de ses sujets dont

pour

territoire

lui inspirer

ils

homme

blancs,

arrêtés dans son pays, s'y

et lui avaient ravi

Ce

avalent chargé leur navire.

une grande confiance. Aussi se

bon noml)re

n'était pas

fait

méfiait-il et s'ap-

prêtait-il à la résistance.

Les nouveaux arrivants continuaient leurs travaux,

traitant

les

même

des

naturels avec douceur, dans leurs relations, leur rendaient services et cherchaient à se les attirer.

Dian Ramasch, en présence de ces procédés pacifiques, calme ses craintes et bientôt

il

n'éprouve plus aucun

déplaisir

en arrive à considérer

contre cette

y trouver

tentative de colonisation.

11

un moyen de consolider

et d'agrandir sa puissance, ce qui est

peut mieux apprécier pour un les colonisateurs

roi

qu'il allait

sauvage. Dans cet espoir,

il

on ne

accueille

avec une extrême bienveillance, les favorise et les

seconde dans leurs

efforts.

Nos

droits de cité sont bientôt acquis,

du


MADAGASCAR

124

même

consentement

des

indig-ènes

chez lesquels nous nous

im-

posons. Il

était

bien

facile,

après ce premier succès, de se maintenir et de

pénétrer à l'intérieur avec les

nous apportions à Antanosi bienfaisante

l'influence

,

,

nous

mêmes

avantages; la prospérité que

dont les habitants sentirent bientôt donnait un

rapidement propagé dans tout le Sud, puis

le

prestige

Centre

se

cjui

serait

Nord.

et enfin le

Malheureusement, l'humanité est enlaidie par de nombreuses blesses auxquelles les

hommes ne

savent pas résister

Quand l'homme

vraie, toujours actuelle.

s'empresse de désirer autre chose toute prudence, tout devoir, et et

il

;

c'est l'histoire

:

a acquis ce qu'il désire,

devient irréfléchi

il

fai-

;

il

il

oublie

tombe. C'est ce qui devait arriver,

quelque contrariété que nous en éprouvions, puisqu'il

s'agit

de nos

compatriotes, nous devons faire un aveu, car l'histoire où qu'elle doit toujours être vraie

s'écrive,

eux

et

même

à faire

imposaient

le

Les colons, M.

et

œuvre

devoir et

de perspicacité.

Au

lieu

lors, le

l'ronis

avec

de s'attacher exclusi-

colonisatrice et de civilisation, le

patriotisme,

ils

se sont laissés

sentiment de lucre fort déplacé et très coupable en

Dès

de

plus qu'eux, grisés par le succès, ont complètement

manqué de sagesse vement

:

but ne fut

i)lus

comme

le

leur

dominer par un

la circonstance.

poursuivi, la fondation d'établissements

sérieux a été absolument négligée pour ne songer qu'à la constitution

d'une fortune personnelle et rapide. D'autres Européens étaient venus à Fort-Dauphin; une lutte déplorable s'engagea entre les colons, suscitée par la jalousie et l'esprit

de rapines.

Le s'être

roi

Dian Ramasch voit renaître ses craintes primitives,

trompé en favorisant

les colonisateurs; ces divisions,

il

croit

dont on


MADAGASCAR

donne

lui

le spectacle,

l'apeurent de plus en plus,

prendre des dispositions pour chasser tout les colons, qui

guerre,

ne veulent pas

la

le

s'empresse de

monde. Ce que voyant, faire la

puisque les tribus se jalousant

demandent qu'à s'entr'égorger

et à s'entrevoler.

A

faveur de ce désordre, qui oblige les Antanosi à se défendre contre les colons font leurs affaires personnelles, ils

les tribus voisines,

répugnent pas iles

môme

ne

d'enlever des nègres pour aller les vendre aux

Mascaraignes, Les tribus cependant voient leur tactique, elles ne

sont plus dupes

commence,

et, s'unissant, elles se

l'écliec s'affermit.

tournent contre eux. La débâcle

Les colons vaincus, écrasés, n'ont plus

qu'à défendre leur vie, mais tout ce qui a été

Cet essai, qui aurait dû

moral

et matériel,

colonisateurs, et

il

être

si

qui lui

fécond,

se termina ainsi

fait est

perdu.

au double point de vue

piteusement,

à

la

honte des

coûta fort cher.

Nous devons convenir, pour ne

le

il

poussent les tribus à se

partir,

et ce n'était point difficile

instinctivement, ne

125

incombe dans

laisser à M. de Pronis

cette fâcheuse équipée,

vol, la vente des esclaves,

comme

que

que

la part

les perturbations,

les violences,

ne

lui

sont pas

surtout imputables, pas plus qu'aux autres Français. Leur conduite est blâmable, c'est certain, il

est nécessaire,

faits

puisqu'ils

ont oublié

en toute équité, d'en distraire

leur devoir; mais

la responsabilité

des

qui appartiennent à des colons étrangers à la France. D'ailleurs,

justice fut faite des infamies

commises;

les

vrais

coupables

ont

été punis.

A la

suite de ces

événements,

les

Français continuent quand

même


MADAGASCAR

126

à demeurer à Fort-Dauphin; mais, tenus en suspiscion,

n'y font

ils

pas grancl'chose et ne regagnent pas facilement la confiance qu'ils avaient

si

imprudemment perdue. La Compagnie des

Indes, dont les

intérêts étaient engagés, estime justement qu'elle ne doit pas aban-

donner l'œuvre entreprise et dont l'insuccès

dû qu'à

n'est

relatif

la

gestion mal comprise de son agent. Il

faire

pas admissible, en

n'était

un

effort

pour

effet,

que

l'on se résolve à perdre, sans

conserver, le résultat d'un travail qui avait

le

sommes

coûté la vie à tant d'hommes et d'aussi grosses

Puisque

les

Français étaient quand

Dauphin, d'où d'ailleurs la confiance

les

mêmes

sation.

II

la

admis à résider à Port-

ne consentiraient pas à

procédés qui avaient été employés au début de

s'agissait

de trouver des la

hommes moins

Indes, après quelques années d'une observation

une nouvelle expédition

possédait,

cipes de colonisation

envoya

travaux de

il

;

mieux que son prédécesseur,

se considérait plutôt

d'intérêt personnel n'est pas

comme un

dans son

esprit.

les prin-

civilisateur.

Très pieux,

accompagner à Fort-Dauphin par plusieurs missionnaires,

([ue conduisait l'abbé

Macquart ou Macquet.

M. de Flacourt s'appliqua surtout à des conversions au catholicisme; l'esprit

les

et

et les conduire selon l'esprit d'une colonisation pratique.

Le nouvel agent

se fait

coloni-

comprenant

faibles,

un nouveau délégué, M. de Flacourt, pour reprendre

La question

la

fin.

qui ne fut pas inutile, organisa

M. de Pronis

que

mission civilisatrice qui leur serait confiée

conduire à meilleure

La Compagnie des

il

partir, c'est

perdue auprès des indigènes pouvait être regagnée par

mieux l'importance de pour

ils

même

d'argent.

dominant chez

lui^

il

faire

le côté

aimer

moral de

s'y attachait

la

France

et à faire

la civilisation était

avec passion et peut-être


MADAGASCAR

127

un peu avec une intransigeance fâcheuse ce dont il eut bien des

à se repentir

fois.

Pendant

les

premières années de son administration coloniale,

escorté de ses missionnaires, les indigènes,

ù soumettre

quelques peuplades

lui

il

parcourut

des tribus;

le

pays, chercha à convertir

il

réussit

parfaitement

et

promirent l'obéissance.

Malheureusement, pour au service de laquelle

il

le

caractère du civilisateur et pour la cause

dépensait ses efforts, la persuasion n'est pas

toujours seulement employée pour convaicre les naturels;

il

s'aban-

donne, en certaines circonstances, à des excès de violence bien étrangers

aux principes delà

foi

chrétienne qu'il prétend pratiquer. Les indigènes

ne comprennent pas toujours et les missionnaires et leur directeur; naturellement rebelles ù ce qu'ils ignorent,

apprendre dit déjà,

,

la

fallait,

pour

le leur

persévérance patiente de l'apostolat. Or, nous l'avons

M. de Flacourt

dominer son caractère, qu'elle puisse être;

parfois cruel;

il

il

laissait facilement ses il

quand

n'admettait pas la révolte quelque naturelle elle se manifeste,

impose par

ses petites victoires

il

sentiments passionnels

la force

il

devient alors autoritaire,

ce qu'il désire. Dans l'orgueil de

se plaît assez

à faire s'humilier les révoltés

domptés en les obligeant à demander grâce

et à s'agenouiller

devant lui.

Souvent M. de Flacourt, pour en imposer aux indigènes, procédait à des cérémonies quelque peu ridicules

sur

un trône,

le

Assis sur

bâton du commandement à

soldats et de ses missionnaires, superbe, fidélité et

:

il

la

un

siège

comme

main, entouré de ses

faisait faire le

serment de

d'obéissance à ceux qu'il avait soumis. Les malheureux

Malgaches, qui ne comprenaient absolument rien à ce qu'on leur voulait, faisaient

néanmoins tout ce qu'on leur demandait, s'agenouil-

laient et répétaient les paroles qui leur étaient dictées.

Ce devait

être

un spectacle curieux de voir ces pauvres gens, tout


MADAGASCAR

128

nus, venir se rouler aux pieds de ce roi d'un genre particulier, bredouiller des paroles dont

exprimaient l'ignorance par des grimaces.

ils

Ces palinodies, qui avaient pour but de de l'agent de

la

Compagnie des

grande influence sur

l'esprit

faire reconnaître l'autorité

Indes, ne devaient pas exercer une

de ceux que l'on y obligeait

et qui obéis-

saient machinalement.

Cependant, et

c'était à prévoir, ces

résultats par des soumissions, l'esprit

ne laissèrent pas de

des pensées

des vaincus,

procédés, tout en obtenant des faire

germer, dans

de révolte. Finalement,

on

se

défendit contre les mauvais traitements bénévolement acceptés jusqu'alors; les

désordres qui s'étaient produits avec M. de Pronis se

renouvellent, mais, cette

M. de Flacourt subit excessive;

il faillit,

fois,

avec plus de résolution et plus de colère.

les représailles terribles

de ses actes d'autorité

plus d'une fois, payer de sa vie les exagérations

de son fanatisme.

Néanmoins, sous cette

La Compagnie

direction,

on peut constater des progrès

réels.

des Indes croit devoir envoyer des renforts à son

agent, dont elle appréciait les procédés, et pour activer la colonisation, qui parait se faire assez bien. Elle

caravane de colons dont elle confie

M. Charmagou. Ce dernier,

homme

la

organise donc une nouvelle

conduite à un troisième agent,

aussi très pieux, ne vient pas

non

plus seulement avec ses colons, un autre groupe de missionnaires,

ayant à leur tête

dans

l'histoire,

Le nouveau

le

Père Etienne, dont

la

mort tragique

reste consignée

l'accompagne.

chef, à l'esprit d'intolérance qu'il possède

au suprême

degré, joint une fierté excessive et est, en outre, quelque peu méchant.

Dès son

arrivée,

lui, l'ère

de

il

est

immédiatement antipathique dans

la civilisation

par

la violence, pressentie

le pays.

Avec

par M, de Fia-


MADAGASCAR

court,

commence

réellement.

Dian Manangue;

Il

129

veut imposer de dures volontés au roi

celui-ci, lassé

des procédés dont les conséquences

menacent de détruire complètement son prestige déjà compromis, ne les accepte pas.

comprend pas liation,

il

qu'il est préférable

de recourir aux moyens de conci-

DianManangue, exaspéré,

s'entête et essaie delà persécution.

s'entête aussi,

gers

M. Chamargou, dans raveuglemei"it de sa colère, ne

comme

en appelle aux indigènes,

il

il

leur présente ces étran-

des spoliateurs qui en veulent à leurs biens et à leur vie

,

leur rappelle les pillages et les violences qui eurent lieu sous la maîtrise

de M. de Pronis, les humiliations et les actes d'autorité arbitraires

de M. de Flacourt et les pousse à la révolte. Après les avoir convaincus, ce qu'il fait sans peine,

déclare la guerre en

il

les réunit, se

met

à leur tête et résolument

commençant immédiatement

Les colonisateurs ne s'attendaient pas à une de cette brusque attaque,

pour préparer vent,

ils

les

ils

moyens de

les hostilités.

telle résolution.

Surpris

se retirent à l'intérieur de Fort-Dauphin

se défendre.

cernent Fort-Dauphin et en font

Les assiégés essaient de tenir

tête,

les assaillants et rie rentrent plus

le siège

mais

dans

Les indigènes

les poursui-

en règle.

les vivres sont arrêtés

la ville; ils tentent des sorties

désespérées, c'est en vain, les assiégeants sont trop nombreux, restent les plus forts.

par

Pour comble de malheur,

la

faim et

la

ils

maladie

font de grands ravages dans la ville, qui est bientôt réduite.

Un massacre

épouvantable était à prévoir et déjà les vaincus s'ap-

prêtaient à mourir en vendant chèrement leur vie, lorsque l'intervention

d'un colon, Lacaze, qui, ayant eu à se plaindre de l'agent de la

pagnie des Indes,

Manangue,

les

s'était enfui et avait

sauva de

la

mort.

pu gagner

la confiance

Com-

de Dinan



CHAPITRE IX Les Missionnaires

'^^^X^

ENDANT ce temps,

le

Père Etienne

et sa mis-

sion, qui parcourent les tribus, ont, de leur

côté, à essuyer la colère des indigènes

armés, peu nombreux, à se défendre,

^^^•^^^

ils

sont tous impitoyablement massacrés.

vient de célébrer la messe

les

;

il

mission est attaquée,

la

est encore revêtu de l'aube

a sur la tête son bonnet carré. Lorsque

massacreurs s'avancent, devinant leurs intentions

hostiles, lui,

il

sans

par conséquent, impuissants

et,

Le Père Etienne, lorsque

et de l'étole,

;

il

ordonne à ses compagnons de

insouciant de sa vie,

du danger en levant

il

il

les bras vers le ciel.

les rejoint,

quant à

s'élance résolument au devant

étonne d'abord les indigènes toujours,

fuir;

;

ils

Cette attitude

s'arrêtent, lui s'avance

mais avant

qu'il ait

pu prononcer


MADAGASCAR

132

une seule parole, un coup de sagaie il

est dépouillé de ses

Les

missionnaires

autres

Etienne dont

vêtements

ils

sont coupées et

instant,

son corps est mis en lambeaux.

n'ont

pas

fui;

ne peuvent ainsi accepter

membres

massacrés. Les

et

En un

renverse.

le

ils

suivent

le

Père

le sacrifice; ils sont aussi

sont violemment séparés du tronc, les têtes

piquées sur la pointe des sagaies

;

les

bras, les

jambes, les intestins, qui ont été arrachés, et les autres parties du corps des victimes sont également fixées sur des sagaies. Les massacreurs poussent des cris de joie;

ils

élèvent leurs trophées, dégouttant

de sang, épouvantables, hideux, reliques des apôtres du Christ morts

pour

la sainte

cause de

la divinité et

de la civilisation, et s'en vont

rechercher d'autres victimes.

Plusieurs historiens n'ont pas craint de reporter sur les religieux qui avaient

accompagné

les

délégués de la Compagnie des Indes une

grosse part de la responsabilité des événements malheureux dontl'ile africaine a été le théâtre.

ont eu leur bonne

Il

est facile de constater

foi surprise.

une base quelconque; où

Une

accusation doit au moins avoir

est-elle, ici, cette

Les religieux n'ont cherché,

ni à

que ces historiens

base?

seconder les efforts des spécula-

teurs, ni à faire fortune, et cette justice leur a été au Ils se

que

moins rendue.

bornaient, avec un dévouement et une abnégation de soi-même

la foi seule

l'ignoraient.

peut inspirer, à conduire vers Dieu les indigènes qui

Ils

armes, pour

n'ont jamais eu d'autres

combattre

l'ignorance et éclairer ces esprits plongés dans les ténèbres, que la

parole et les bons traitements.

Souvent victimes des brutalités des

sauvages, la bonté, que leur imposait revêtus, ne s'est pas

aux éventualités

même

le

caractère dont

ils

étaient

départie par une impatience. Résignés

les plus pêïiibles,

môme à la

mort,

ils

accomplissaient


^ï5

-4 ^«5

^15

M. FÉLIX

FAURE,

Président de la République française



MADAGASCAR

135

leur mission, toute de charité, sans se préoccuper

du côté matériel,

cause des dissentiments qui firent naître tant de complications malheureuses.

On

accusés d'intolérance, eux qui ne cherchaient que paix et

les a

conciliation; et en quoi

auraient-ils

pu

être

intolérants puisqu'ils

cherchaient à gagner les cœurs. Pauvres, n'ayant pour toute richesse

que leurs prières, pour toute ambition

le

sauvetage des âmes, ceux

qui ont pu revenir n'avaient pas d'autres bagages, les autres sont

morts. L'évidence de ces considérations dispense certainement d'accueillir les insinuations perfides faites à l'égard

ont

accompagné

MM de Pronis,

des missionnaires qui

de Falcourt et Chamargou; elles sont

autant d'injures gratuites. Cependant, puisque d'autres ont essayé de ternir les gloires de ces héros

quand l'occasion se présente Mais

c'est ternir la

du christianisme, ,

on leur dise

il

est tout naturel que,

qu'ils se sont

trompés.

pureté du lys que de regarder la vie des mission-

naires sans se découvrir en

un sentiment de profonde

et respectueuse

admiration.

Ces hommes, dont beaucoup sont nés dans un berceau doré, pouvaient choisir

une position qui leur eût procuré honneur

occuper dans

le

monde

la

et considération,

ou

place à laquelle leur donnait droit leur

fortune; ou encore vivre, plus modestement, d'un labeur quelconque,

mais toujours heureux, appuyés sur des affections au sein de leur famille, entourés d'amis, vivre enfin.

Au

lieu

de cela,

qu'ils possèdent, les

ils

abandonnent tout

:

la

jeunesse et

connaissances qu'ils ont acquises, leur

mettent au service d'une cause sublime,

la

la

vigueur

vie, ils les

cause de Dieu et de l'hu-

manité, et un jour, abandonnant toutes les joies, tous les bien-être, ils

partent. C'est vers l'inconnu que leurs pas se dirigent,

ils

n'ignorent pas que


MADAGASCAR

cet inconnu est terrible d'éventualités dangereuses les attendent

menacent, s'agit

:

le

;

toutes les misères

Toutes les tortures

la faim, la soif, les intemiDéries.

martyre, puis la mort! Mais que leur

fait

les

tout cela,

il

de soulager les misères des autres, de porter la consolation, de

ceux qui l'ignorent,

faire connaître, à

préceptes d'amour

;

il

s'agit enfin

le

Créateur et ses admirables

de sauver

!

Qu'espèrent-ils en récompense d'une pareille abnégation de soi et

même

d'un courage aussi grand? Rien ici-bas, pas la

reconnaissance de l'humanité pour laquelle

ils

les félicitations,

sacrifient leur vie.

Rien qu'en l'Au-Delà. Et on voudrait esssayer de ternir ces gloires

!

Nous avons connu beaucoup de missionnaires, mais un plus particulièrement, bon vieillard retiré au château de la Castille où, malgré

son grand âge

il

,

remplissait les fonctions d'aumônier.

demandions souvent de nous parler de

ses lointains voyages en

Orient, où s'était écoulée presque toute sa vie.

avons pleuré avec

lui

quand il nous contait les affreux

de plusieurs missionnaires où d'être supplicié.

Un

jour,

Il

Combien de

il

lui

Extrêmefois

nous

détails de la

mort

avait assisté, en attendant son tour

n'a échappé à

qu'avec un prêtre

Nous

une mort violente que par miracle.

comme

lui, ils

sombres mystérieux d'une forêt des Indes

,

ils

s'enfonçaient dans les

se trouvent, tout à coup

en présence de deux sauvages à l'aspect menaçant. Sans crainte, continuent à avancer, souriants et en faisant des gestes amicaux Indiens poussent de grands

cris, se précipitent

;

ils

les

sur eux et les entraînent.

Les missionnaires n'opposent aucune résistance, ce qui

d'ailleurs eût

été bien inutile avec ces athlètes. Continuellement exposés à ces sortes

d'attaques,

ne leur

ils

en avaient déjà subi de pareilles, et non seulement

était rien arrivé

de fâcheux, mais avaient encore eu

la joie

il

de


MADAGASCAR

pratiquer leurs enseignements.

137

marchaient donc dociles, entourés

Ils

de leurs gardiens qui dansaient et continuaient à Ils

dans

furent conduits dans

un fourré où

crier.

se trouvaient de petites cases

genre des gourbis africains. Là, assis par terre et semblant

le

deviser, se trouvaient d'autres sauvages.

On

les conduisit

devant celui

qui paraissait le plus âgé et qui devait être le chef; celui-ci les examine

longuement, puis, se tournant vers ses compagnons, leur adresse quelques paroles. Immédiatement une conversation vive, animée, à laquelle tous prennent part, en faisant de grands bras, s'engage. Tout en parlant, les

Indiens entourent les missionnaires,

le corps, puis,

et

les tâtent

par tout

avec des gestes horriblement expressifs, font parfaite-

ment comprendre « C'était

ils

qu'ils ont envie

épouvantable,

de les manger.

me disait le

moi no pouvions plus espérer

entre des mains d'anthropophages

vieux missionnaire,

d'être sauvés, !

mon confrère

nous étions tombés

Déjà nous avions eu

la

douleur do

voir quelques-uns des nôtres devenir les victimes de ces êtres féroces et

nous ne conservions aucune

illusion sur le sort qui

nous

était

réservé. «

Cependant, ce qui nous surprit beaucoup, au lieu de nous tuer

immédiatement, sation. qu'ils

les sauA^agcs

Nous croyions

qu'ils

avaient repris leur bruyante conver-

délibéraient sur le genre du supplice

nous appliqueraient pour nous

à notre sort et déjà nous

faire mourir.

demandions à Dieu

Nous étions résignés

la force

torture et de nous recevoir. Contre notre attente

,

de supporter la

on ne nous

fît

aucun

mal; tout en continuant de nous ta ter et en faisant semblant de nous

mordre avec leurs grandes dents,

ils

nous poussent dans l'une des cases

devant laquelle deux d'entre eux se placent en sentinelle pendant que les autres

femmes

se dispersent dans la forêt en laissant là, toutefois,

et les enfants.

les


MADAGASCAR

138

«

N'entendant rien à leur langage, nous n'avions compris qu'une

chose, c'est que nous allions être très

«

grande en voyant qu'on nous

Dans notre prison de

assis, la

paille,

nous nous livrons à toutes

main que

mangés

notre perplexité

me

où nous pouvons à peine nous tenir les conjectures. J'avance

avec moins de férocité.

Nous sortons à

la hâte, ce qui

dans

,

faisons

le réduit

bras,

le

ma main et

Mon compagnon

comme nous

l'autre sauvage;

car on respirait

quitte alors

Il

;

doucement la saisit, se

il

regarde avec des yeux effrayants sans

lâcher; de l'autre main je lui tapote sur enhardi, je l'embrasse.

devint

laissait la vie sauve.

je pose sur l'épaule de l'un des gardiens

retourne brusquement et

pas.

;

met

sortir, ils

fut

se laisse faire;

à

me

regarder

mon exemple

imite

mine de nous

se

il

me

ne

s'y

avec

opposent

un grand soulagement

où nous étions enfermés, une odeur

insupportable d'huile et de graisse corrompues. «

Les femmes

enfin le

et les enfants

calme se

rétablit et,

recommencent à

crier et à

nous tâter;

par signes, nous essayons d'engager une

conversation. Après de longs efforts nous finissons par comprendre

pourquoi nous n'avions pas été tués tout de suite maigres, on «

allait

nous étions trop

!

Cette perspective n'était, certes, pas faite pour nous réjouir

le

mon compagnon

et

cœur. Aussi

les réflexions

moi, étaient-elles «

d'abord nous engraisser!

:

que nous échangeâmes,

tristes.

Les autres sauvages reviennent avec des

fruits;

ils

vivres,

du gibier

et des

nous offrent tout cela en nous engageant à manger. Nous

avions très faim, mais la circonstance était tellement pénilde que nous

ne pouvions accéder à ce désir de nos futurs bourreaux. Cependant notre résolution est bientôt prise, puisque c'était lu la destinée que

Dieu nous avait

faite,

nous nous y résignons

et,

à la grande joie des


MADAGASCAR

Indiens, nous

mangeons quelques

139

puis, résolument, tout ce

fruits,

qui était nécessaire à la satisfaction de notre appétit. «

Cette situation dura de longs jours.

Peu

à peu la familiarité s'établit

entre les sauvages et nous; nous comprenions quelques mots de leur

langage et nous en profitions pour essayer de leur le

comprendre

faire

Créateur; nos prières les intriguaient beaucoup. Les femmes et les

enfants les suivaient avec une certaine attention et commençaient de les répéter,

mais à

la

hommes eux-mêmes ((

façon des perroquets, sans comprendre; les

manger ne

Toutefois, l'idée de nous

on ne

incultes et

nous

mouvement.

finirent par se laisser entraîner par ce

cessait, tout

sortait pas de ces esprits

en nous mimant

et

en nous répétant, de

Naturellement nous n'engraissions toujours pas, ce qui

tâter.

semblait désespérer le chef. «

Un

jour, pendant

que tout

le

monde

était réuni et

que

le soleil

disparaissait derrière les grands arbres, jetant sur la forêt des lueurs

d'incendie,

j'ai

comme une

inspiration, c'était certainement

se taisent

rampant, souffle

met

à

mon compagnon

pour nous écouter, il

le

suit

mon

exemple. Les sauvages

chef s'avance lentement vers moi, en

pose son visage presque sur

mien. Tout à coup,

le

dans la bouche, puis, avec un bond prodigieux,

gambader; tous

possédés.

inspi-

un cantique

ration divine, puisque je lui dois de vivre encore, j'entonne

à la sainte Vierge,

une

les autres l'imitent.

Quand nous cessons de

On

chanter,

ils

il

il

me

se lève et se

eût dit une troupe de

nous font des signes

extravagants pour nous engager à continuer en criant à tue-tête les

noms de

Jésus, Marie, Dieu, que nous leur avions appris.

a Profitant

ques pas dans sent pas, mais

de ces dispositions, nous nous levons et faisons quella direction qui ils

Nous atteignons

conduit hors de la forêt

;

ils

ne

s'y

oppo-

nous suivent. Nous continuons, toujours en chantant. enfin la lisière

du

bois,

on nous

laisse partir. »


MADAGASCAR

140

Le bon

religieux est revenu dans la forêt bien des fois

ment on ne présents et

jamais

lui a

il

fait

de mal, mais encore on

a eu la consolation

d'emmener deux

le

petits

;

non seulecomblait de

sauvages

qu'il

a civilisés.

Mais

celui-là a

si

pu avoir

la vie sauve,

combien d'autres sont morts

dans des tortures épouvantables et combien

dangers auxquels

les

s'exposent les missionnaires sont grands.

Eh

bien

!

c'est à cette

noble phalange qu'appartenaient les mission-

naires venus à Madagascar avec les explorateurs. qu'il était

advenu du Père Etienne

Nous avons vu

de sa mission

et

;

ce

leurs prédéces-

seurs n'ont non plus pas cessé d'être exposés à des morts aussi atroces et

beaucoup d'entre eux ont

péri.

Les explorateurs ont souvent cherché à excuser l'insuccès de leurs tentatives en arguant l'insalubrité du climat et de l'impossibilité qu'il

y avait à pénétrer à

l'intérieur de l'ile; à cet égard, les raisons

pou-

vaient être acceptables; mais que l'on veuille faire assumer la responsabilité des désordres qui ont surgi

comprendre

aux missionnaires, on ne peut

cela.

Les premiers qui ont affronté les missionnaires

;

les

inconnus de cette terre, ce sont

ce sont eux qui ont

semé dans

les esprits bestials

des indigènes les germes civilisateurs qui ont permis de les approcher; c'est très l'on a

pu

souvent en suivant la trace du sang qu'ils ont répandu que faire des découvertes.

Quels profits personnels espéraient-ils et en convoitises avaient le Père Etienne et les

ont-ils réalisé ? Quelles

membres de

sa mission?

ont été massacrés, c'était leur lot; mais avant de mourir,

ils

Ils

avaient

accompli l'œuvre de charité qui a profité à l'humanité, qui profitera à la patrie.


MADAGASCAR

141

D'autres missionnaires, ceux desquels nous avons déjà parlé, ont

permis, par leur conduite, de formuler des jugements sévères;

nous sont étrangers; là, et

d'ailleurs, à l'époque des périls, ils n'étaient

ils

pas

ce n'est qu'après, longtemps après, qu'ils y sont venus, en toute

sécurité,

pour glaner, catéchiser, anglicaniser.

S



m

^^'

/

CHAPITRE X

Historique,

les

Anglais

•^

'^'intervention de Lacaze n'arrête pas pour

%

long-temps la fureur des indigènes ceux-ci, ;

M^%

un

^,.,.*!»;

m.

instant calmés, reviennent bientôt à

leur décision de chasser les étrangers

;

leur tour, imposer leur

commander en

maîtres

;

mais

volonté et

ils

les colonisateurs, qui n'ont

veulent, à

pas perdu

l'espoir de reconquérir leur prestige, résistent. Alors,

^v les rois des différentes tribus unissent leurs efïorts et

r,r.'1i2=."

recommencent

la

guerre avec plus de fureur. Fort-

v> î>

Dauphin

'3^.

est de

Ce siège

est

nouveau mis en

une

état de siège.

page héroïque

belle

intacte la dignité nationale

:

;

il

conserve

Pendant plusieurs années

les assiégés supportent toutes les tortures, toutes les

^-

/v -i":'%^-:i«V»«^

misères,

mais ne songent pas un soûl instant à se


MADAGASCAR

144

rendre et

ne se rendent pas. Épuisés par

ils

vations de toutes sortes,

maladie et

quand même, puis

résistent

ils

la

ils

les pri-

meurent

sans jamais demander grâce, luttant toujours jusqu'au dernier soupir

!

Ces héros étaient bien des Français.

Chamargou, les

emportements;

de ses

erreurs

comme

périt dans cette guerre,

administrateur,

soldat français. sabilités,

est

il

Il

il

a racheté par son courage,

il

a

s'il

mal compris son devoir

a accompli jusqu'au bout son devoir de

n'a pas cherché

à se

mort en combattant;

soustraire à ses

le prestige

respon-

moral reste

intact.

Ces événements, qui se passent en 1670, provoquent encore une l'abandon de Madagascar; des soldats et ne

lui

coûtent à la France des

ils

ont laissé,

comme

résultat,

fois

sommes énormes,

qu'une expérience

chèrement payée. Si encore l'expérience acquise à ce prix avait servi à

c'eût été peut-être

ce qui

fait qu'il

une

satisfaction;

mais

ne reste rien, rien que

le

elle est

quelque chose,

devenue

inutile,

souvenir et peut-être des

regrets.

Durant près d'un

siècle encore,

songe plus à coloniser de ce côté;

comme ceux

gascar sont, pirates, des

et,

français, toutefois,

En

que reçoit Mada-

elle

ne se désintéresse pas com-

durant cette'période d'accalmie,

La Compagnie ;

les seuls visiteurs

On ne

qui y venaient après les Portugais, des

droits conquis sur cette île par le

session

effort n'est fait.

marchands d'esclaves ou des navigateurs égarés.

Le gouvernement plètement,

aucun nouvel

sang

il

rappelle souvent nos

et l'argent français.

des Indes, tenace, ne renonce pas non plus à la pos-

cherche des moyens moins compliqués de la reprendre.

1750, elle se décide de

nouveau à exécuter ses

projets.

Considérant qu'elle no pourrait immédiatement prendre pied sur

lo


MADAGASCAR

malgache,

territoire

très loin

elle vient s'établir à l'ile Sainte-Marie, c'est-à-dire

de Port-Dauphin.

à peu près disparue

Le gouvernement le il

moment

145

;

La génération

moment

le

qui avait fait la guerre était

pouvait sembler propice.

français, de son côté, juge

même

à la

époque,

opportun, de faire une nouvelle expédition colonisatrice

estimait que l'on ne peut ainsi renoncer sans faire

un suprême

;

et

dernier effort, à une conquête qui a coûté au pays tant de sacrifices

de soldats. Le duc de Praslin, alors ministre, prend

d'argent et l'initiative

soit faite.

:

il

insiste

beaucoup auprès du

pour qu'une expédition

Louis XV, sur ces instances pressantes, se décide enfin

à la favoriser et désigne

lui-même M. de Modave pour

Le ministre cependant

se souvient des exploits de

La

de Flacourt et Chamargou.

moins

roi

servir.

Il

la conduire.

MM.

de Pronis,

leçon avait été dure, elle devait au

ne veut pas que l'envoyé du

roi

tombe dans

les

erreurs passées et compromette les résultats de la nouvelle tentative.

M. de Modave semble bien posséder les qualités nécessaires pour l'accomplissement de la mission qui qu'il se trouverait à avait-il

Madagascar, en relation avec

pas à craindre que, pour son prestige,

actes d'une autorité violente

?

il

;

mais

lors-

les indigènes, n'y

se laisse aller à des

Les précédents chefs auxquels on avait

confié des expéditions semblaient de et leurs

allait lui être confiée

même répondre, par leur caractère

connaissances, aux besoins de la cause, et cependant

ils

se

sont trompés. Et puis, une foule d'autres considérations rendaient le ministre très circonspect.

que possible

le

l'expédition.

Il

voulait se précautionner et éviter autant

reproche d'une imprudence de sa part aussi ne ;

Modave

pas à M. de

Il

la liberté

de son initiative, pour

en règle toutes les conditions, en établit

le

laisse-t-il

conduire

programme,

limitant la volonté du chef de l'expédition aux circonstances éventuelles et

de force majeure qui ne peuvent pas être prévues. 10


MADAGASCAR

146

Le corps

expéditionnaire ne devait user d'aucun

moyen de

violence

sans y être contraint par une circonstance absolue, qu'aurait imposée les dangers.

Il

devait chercher surtout, et avant tout, à se faire aimer

parles indigènes, les intéresser à son œuvre de civilisation et reconstituer, avec eux, les établissements détruits. Eviter, par tous les

moyens,

des querelles avec les autres Européens qui ne manqueraient

de venir, ou,

pas

cela était nécessaire, de vider ces querelles à l'insu

si

des naturels.

duc de Praslin eut

D'ailleurs, le

d'une façon toute spéciale

:

il

le soin

de composer la mission

ne choisit que des

hommes

pacifiques,

des ouvriers, des agriculteurs, mais surtout des patriotes qui comprenaient bien leur devoir et devaient l'accomplir sans faiblesse,

comme

sans rigueur.

Les choses préparées avec une

telle

sagesse donnaient une quasi

certitude de succès.

M. de Modave

et ses

compagnons partent;

ils

se dirigent vers Fort-

Dauphin, non sans quelques appréhensions sur l'accueil qu'allaient leur

aucun

;

l'allure

gènes ne

Antanosi.

les

faire

Le débarquement

sans incident

s'opère

des immigrants n'ayant rien de provocateur, les indi-

se livrent à

aucune manifestation

hostile.

après un court séjour, la confiance se rétablit et les

Au

contraire,

colonisateurs

peuvent se mettre sans embarras à leurs travaux.

Dès

lors, tout alla

litairement

bien

Compagnie des Indes

très

Fort-Dauphin

est reconstitué et

occupé mi-

même

commencé.

un mouvement commercial peut

;

Pendant ce temps,

progressent

;

;

les

nombreux.

les

être

comptoirs européens, que les agents de

installent à

l'ile

la

Sainte-Marie, se développent et

immigrants, bravant l'insalubrité du pays, y viennent

Mayieureusement, à Sainte-Marie,

les

précautions


MADAGASCAR

n'ont pas été prises

comme

à Fort-Dauphin

147

;

les

bientôt pour les choses d'intérêts particuliers.

Européens se jalousent

Les scènes de pugilat

se renouvellent, le pillage se réorganise et le désordre

Les colons l'ile

ne

ainsi divisés ne

les intéresse plus,

songent plus qu'à eux-mêmes, l'avenir de

non seulement

pour se constituer une fortune rapide prennent aux indigènes

qu'ils tentent

la

se volent mutuellement

mais encore

de dépouiller. Ils

Ils

tentent

ils

s'en

font le sac des

même

de recom-

chasse à l'homme, de capturer des esclaves pour aller les

vendre aux Il

ils

et partir,

cases et s'emparent de ce qui s'y trouve.

mencer

recommence.

îles

Mascaraignes ou

ailleurs.

que ces procédés devaient conduire à un dénoûment

est évident

fatal.

Les indigènes, de nouveau, victimes de ces compétitions, par se révolter, et la prospérité de

l'ile

finissent

se trouve arrêtée par

une

insurrection épouvantable au cours de laquelle les perturbateurs sont

impitoyablement massacrés. Toutefois, ces troubles ne sont pas de longue durée blissent

A

;

des

représailles

promptement

partir de ce

le

énergiques en ont raison et réta-

calme, réconciliant tout

le

monde.

moment, Sainte-Marie entre réellement dans

progressive et son

commerce ne

tarde pas à reprendre

un

la voie

certain

développement.

Du la

côté de la Grande-Terre, les choses vont toujours assez bien

;

mission de M. de Modave se continue sans encombre et progressi-

vement, quoique lentement;

A un moment dans

Le

les

monte

la côte vers le

Nord.

donné, cependant, un événement, toujours à prévoir

pays incivilisés,

roi

il

faillit

compromettre ce succès.

de Tamatave, poussé par une influence jalouse, déclare la

guerre au roi de Foulpointe

;

le

désordre, venant alors de la part des

indigènes, est sur le point d'éclater, mais la France intervient pour


MADAGASCAR

148

mettre

deux

le

holà assez à temps

demeurer

rois à

;

envoie son escadre et oblige les

elle

tranquilles.

Cette intervention tourne à notre avantage

cuper militairement

A partir

les

deux

villes

pour

de ce moment, tout est pour

nous joermet d'oc-

maintien de l'ordre.

le

le

elle

;

mieux, et ce mieux se con-

tinue jusqu'en 1815. Les indigènes acceptent docilement la tutelle de

On peut

la France, ils s'en trouvent fort bien.

est définitive,

espérer que la conquête

que les travaux de colonisation ne seront pas autrement

gênés.

On ne

connaît encore, de Madagascar, qu'une partie de la côte Est,

les conflits

ne permettant pas plus aux explorateurs, d'ailleurs assez

rares à ce

moment, qu'aux colonisateurs ou aux missionnaires, de

pénétrer à l'intérieur. Le gouvernement jugeant les circonstances convenables, se propose de faire explorer but, d'assez

nombreux agents. Mais

aux espérances,

les

l'île

;

il

envoie

même

dans ce

découvertes ne répondent pas

elles sont assez pauvres, à

cause des grandes

difii-

que présente l'exploration dans un pays presque impraticable

et

habité, dans ses inconnus, par des peuplades à l'abord dangereux.

11

cultés

est évident

En

1815,

que

l'on eût

l'île

de Madagascar réveille les convoitises de l'Angleterre.

pu

faire

mieux, mais on ne

C'était fatal, l'Angleterre jalouse

l'a

pas

fait.

toujours les puissances qui font

des annexions de territoire et augmentent ainsi leur prépondérance. Elle semble considérer

que

c'est là

Aussi, dès qu'elle voit des travaux tion s'attache et avec

un

privilège exclusivement anglais.

commencés dans

une prudence impassible,

favorable pour intervenir.

clic

ce sens, son atten-

attend

le

moment


I

Général

ZURLINDEN,

Ministre de la Guerre



MADAGASCAR

151

plus qu'ailleurs, les convoitises de l'ambitieuse contrée devaient

Ici

être éveillées

:

L'île

de Madagascar,

plus importante station

chemin

sur le

pouvaient, en effet, considérer

par sa situation, présente la des Indes.

comme une atteinte

Les Anglais

à leur suprématie

sur les mers la prise de Madagascar par une autre nation, mais elle

ne

pour

fait rien

en matière commerciale, grosse besogne

probablement trop hasardeux,

et

faut limiter les risques'; elle attend.

La

la prévenir, c'est il

est faite maintenant,

risques à courir,

alors

profitant

des

désormais favorables pour intervenir,

il

n'y a

circonstances

qu'elle

juge

elle intervient.

Elle veut aussi avoir ses postes, ses échelles, droits enfin sur

plus de très grands

ses débouchés, ses

une terre qui peut contribuer au maintien de son

prestige maritime et lui procurer des éléments pour son

commerce.

Les Anglais viennent donc à Madagascar sans autre formalité; débarquent tout

fiers

ils

à Port-Luques. L'essai n'est pas heureux pour

eux, les habitants de ce territoire, point du tout sociables, n'acceptent

pas ces importuns qui viennent, la verge à la main, s'imposer en maître;

ne

fait

ils le

leur manifestent. Les autres résistent; leur résistance

qu'aiguillonner les colères, on se bataille à outrance, et fina-

lement

les colons

des bords do la Tamise sont massacrés jusqu'au

dernier.

Certes, cet échec n'est pas fait pour encourager, mais les Anglais

no se découragent guère quand sion d'occuper aussi

Chassés de Luques, ils le

faire.

Madagascar ils

On

;

ils

ont résolu quelque chose est prise,

ils

;

la déci-

n'y renoncent pas.

cherchent tout simplement un autre point,

trouvent. Cette fois

leur a servi

ils

ils

et

n'ont plus de verges à la main, la leçon

n'ont que des caresses à prodiguer, des promesses à

sent bientôt que leur seconde tentative est

un succès.


MADAGASCAR

152

A

moment,

partir de ce

nouvelle. Les colons français

avec lesquels d'ailleurs

ils

événements prennent une tournure

les

ne luttent plus contre

les indigènes

savent conserver des relations, sinon ami-

r

cales,

mis pas.

du moins bienveillantes;

ont à se défendre contre des enne-

invisibles, dont ils sentent les attaques,

Ce

c'est la

qui

ils

n'est plus la guerre à coups de fusil

qu'ils

ne découvrent

ou à coups de sagaie,

guerre dissimulée, astucieuse, patiente, la guerre du serpent

rampe sous

méfiance,

le

l'herbe,

s'approche doucement de l'ennemi

sans

pique au talon et se sauve.

La même année, s'était

mais

le roi

des Hovas, Radama, qui jusqu'à ce

borné à défendre son royaume et à guerroyer

moment

les tribus, ses

voisines, pour leur voler leurs bestiaux, manifeste des intentions belli-

queuses extraordinaires. de

les contrées

à devenir en

supposer

ne rêve rien moins que de conquérir toutes

de faire l'unité du royaume par leur annexion

l'ile et

un mot

Il

le

Napoléon Malgache. C'est ce que pouvait faire

que Radama avait pour Napoléon, dont

le culte

;

il

avait placé

l'image dans sa demeure et qu'il vénérait à l'égal d'une image sainte.

Quoi

qu'il

en

soit,

on apprend, non sans surprise, que

le

roi a

dans son entourage des agents anglais qui exercent une certaine influence sur son esprit. On est bien plus surpris encore, mais alors édifié,

quand le

plades du

dont les

roi

littoral,

officiers

entreprenant sa croisade pour soumettre les peu-

on

d'une armée à peu près organisée,

le vit à la tète

vêtus

comme

ceux de l'armée anglaise obéissaient à

d'autres officiers anglais, pur sang ceux-là.

La combinaison

était

ingénieuse

:

l'Angleterre dirigeant les Hovas,

poussait tout simplement ces derniers à faire la conquête de

son profit

;

le roi est

devenu sa chose sans s'en douter,

il

l'île

à

ne s'agissait

plus que de déloger les Français.

Radamn, dont

les soldats sont

munis d'armes par

le soin

de ses


MADAGASCAR

153

conseillers d'outre-Manche, a les victoires faciles sur les populations

armées seulement de sagaies, de flèches ou de bâtons. cessivement

les

Bombetocs,

les Sékalaves, les

Il

Antavares, les Betsiri-

saraka, les Betanimènes et encore de nombreuses tribus. réussissait à merveille

;

le

royaume

était

fondé

et,

l'ile

du

complète de ce beau projet.

roi

empoche

Les Anglais

la réalisation

étendrait son unité.

il

para de Tamatave où nous n'avions pas eu

les maîtres si les

sons ingénieuses,

la

Radama

s'em-

précaution d'augmenter

s'est laissé

volonté est complètement subordonnée à

la suite

La mort

s'empressent de faire venir une légion de pasteurs,

ils

de colons et de diplomates. Le roi

A

projet

travaillaient avec ardeur à seconder ces efforts qui

devaient leur faire accaparer nos privilèges. Lorsque

notre garnison,

Son

par la suite, devait

exercer sa maîtrise sur toute

réduit suc-

déborder par eux, sa seraient restés

la leur. B]t ils

événements n'étaient venu déjouer leurs combinaiil

mais perfides.

faut le reconnaître,

des exploits de

Radama

presque chassés, les relations

à Tamatave, d'où nous étions

oiricielles

amicales avec les Français établis dans

Des représailles s'imposaient, car

il

avec l'île

la

France

et les

ne pouvaient plus exister.

n'était pas possible

sans protester, une spoliation aussi brutale.

relations

de supporter,

Nous avions conservé de

bons rapports avec quelques peuplades demeurées insoumises droits sur quelques points de la côte

:

et

nos

une revanche présentait donc

de nombreuses chances.

La mort de Radama

Le nouveau

roi

arriva à

temps pour modifier

qui envisage

avec un certain

qu'ont acquise les Anglais, n'a pas pour eux la

les CiDmbinaisons

.

effroi l'influence

môme

affection,

veut pas de cette autorité qu'ils ont imposée à son prédécesseur;

il

il

ne

en

a peur. Aussi, son premier acte en prenant le pouvoir est de les éloi-


MADAGASCAR

154

gner, d'abord de la cour, puis de

Bon gré malgré,

l'île.

devront

ils

quitter la place.

Cette décision, à laquelle

Anglais

;

ils

sont loin de s'attendre, déconcerte les

leur rivalité contre la Franco n'en fait que grandir, aussi tou-

jours persévérants, quand

ils

jugent qu'ils peuvent revenir,

nent avec leurs pasteurs, leurs bibles, leurs colons mates.

Radamall ne

se laisse pas convaincre,

il

et leurs

diplo-

continue à les éloigner de la

cour, quand, au contraire, à leur grand dépit,

dont

revien-

de reconquérir leur ancienne influence,

essayent bien

Ils

ils

y

il

attire les

Français

caractère et la franchise lui conviennent mieux. Cela deve-

le

nait intolérable et ne pouvait durer.

Tout à coup, sans que rien puisse meurt.

De quoi? comment

Les bruits

?

On

faire prévoir,

le

le

jeune roi

l'ignore.

plus contradictoires circulent sur cette mort

les

uns avancent que

c'est la

:

les

conséquence d'une terrible maladie que

roi tenait cachée; les autres, plus hardis, n'hésitent

ce n'est que le résultat d'un crime et vont

môme

le

pas à déclarer que

jusqu'à en désigner

l'auteur.

On Quoi

accuse qu'il

blement

en

la reine soit,

Manjoka de

l'avoir

empoisonné

la

des Anglais; ceux-ci, qui ne s'en étonnent pas, faire

tourner à leur

profit.

Ce qui peut paraître

étonnant, c'est que leurs combinaisons sont toutes prêtes.

prévu avant

la lettre

l'attendant,

ils

celle qui allait

!

crime ou non, cette mort prématurée sert admira-

la politique

savent très bien

Ranavalo

!

On

Ils

avaient

eût dit qu'ils avaient prévu cette mort, et en

avaient préparé les

moyens de gagner

monter sur

Le

le trône.

roi venait à

les faveurs do

peine de rendre

le

dernier soupir qu'ils étaient déjà là et on sentait ])icn à leur attitude

combien

ils

étaient sûrs d'eux-mêmes.


MADAGASCAR

155

Ranavalo Manjoka s'empare immédiatement du trône; quoique n'ayant

aucun

droit, elle se

comme

reconnaissent acceptent C'est

proclame reine ou plutôt d'autres que ses sujets

le fait

telle, et elle

la

règne immédiatement. Les Hovas

accompli et s'inclinent.

une usurpation, mais ceux qui

nom

certain ministre, dont le

la favorisent et

notamment un

de Jones trahit assez l'origine, n'y

regardent pas d'aussi près.

Ce ministre

a,

maître et duquel

Dès que

à sa disposition, il

il

est le

se sert d'une façon savante, sinon scrupuleuse.

la reine est

Andémiase,

un jeune Malgache dont

c'est l'élève

couronnée, on place à côté

d'elle

le

du ministre Jones, ce jeune homme,

gent et vicieux, exerce bienlôt sur l'esprit de influence et cette dernière

la

jeune intelli-

souveraine une grande

devient ainsi la servante passive de

la

volonté dé ses protecteurs. Aussitôt qu'elle possède

pouvoir, Ranavalo Manjoka,

le

sans que

rien ne justifie sa décision, renvoie tous les chefs créés par son pré-

décesseur

naturellement, tous les Français qui se trouvent à la

et,

cour.

Ces mesures arbitraires, en froissant des protestations énergiques

moyen de

;

la reine

les susceptibilités,

provoquent

s'émeut, elle veut chercher un

conciliation pour éviter dos désordres qui peuvent être de

nature à compromettre sa couronne

;

comme

on passe outre à ses timides réflexions,

et

on

elle

ne

commande

fait taire les

pas,

protesta-

armes. Ceux que l'on n'ose pas tuer sont exilés et tout

taires par les

est dit.

Les nouveaux chefs que l'instigation

l'on

place sont choisis par

de ses maîtres les Anglais

se conformer

aux instructions

;

Andémiase à

ces nouveaux chefs, pour

qu'ils ont reçues,

montrent à l'égard


MADAGASCAR

156

des Français, une très grande hostilité

même

;

à tout propos et hors

de propos, se livrent contre eux à des actes vexatoires.

Le mouvement commercial

est arrêté, les intérêts de la

absolument compromis. La reine ne dissimule pas,

ment contre notre nation; colons

la

;

guerre éclate,

France sont

elle agit

veut chasser nos soldats

elle

c'était forcé.

ouverte-

comme

nos

Les provinces soumises vien-

nent se grouper derrière nos soldats, un grand nombre de Hovas

même, ennemis de à

ce gouvernement

nous, mais malgré

navale, nous ne

nos efforts et

sommes pas

se trouvent là juste au

par des étrangers, se joint

fait

le

nourri

feu

cette fois vainqueurs.

d'une division

Des navires anglais

moment opportun pour prêter

main-forte contre

nous. Il

un

n'est pas superflu de citer

trait

dans cette guerre et qui caractérise bien

Les

trois

navires,

composant

d'héroïsme qui se produisit le

patriotisme français.

la divison

envoyée par

navale

France, ont à combattre contre trois frégates anglaises

(?)

Un

la

de nos

navires, La. Néréide, s'engage dans le port do Tamatave, où

il

est

littéralement accablé, trop faible pour soutenir le feu oiincmi; en peu

de temps, démâté, criblé de coups de canons,

il

est

mis dans un état

pitoyable.

Le commandant Marestier vue.

Il

dirige le

combat avec un sang-froid incroyable; ses ordres

succèdent d'une voix coup, un projectile

— Vive

la

est à son poste, sur la passerelle, bien en

forte, brève, stimulante,

le frappe,

un

s'empresse autour de

cupation

le

sans émotion. Tout à

déchire sa gorge

:

France!

C'est son seul cri de douleur

On

cri

se

tourmente

Capitaine,

dit-il

lui,

!

il

n'est pas

mort encore; une préoc-

:

à son second,

car maintenant c'est vous qui


MADAGASCAR

moi

êtes capitaine de La, Néréide^

157

je vais

mourir, vous allez

me

un serment.

faire

— —

mon commandant,

Lequel,

Vous

allez

me

jurer,

me

parlez, vous serez o])6i.

jurer sur votre vie, sur votre honneur

de marin, de ne rendre la frégate qu'à des conditions honorables.

Je vous le jure,

me

ne

rendrai que

— Ou vous dans

joie

si

commandant; sur ma la capitulation n'est

la ferez sauter, dit le

vie, sur

mon

honneur, je

pas humiliante.

commandant avec un

éclair de

les yeux.

— Ou sauter nous sauterons avec oui commandant — Merci, capitaine, je meurs Vive France — Vive France répondit tout l'équipage qui continuait à tenir je la ferai

et

elle,

satisfait.

la

!

la

!

!

tête à l'ennemi.

Le commandant Marestier Le nouveau les

était

mort.

capitaine tient parole et aussitôt le feu

Anglais ne peuvent comprendre

prête à couler, ne se rend pas.

comment

recommence

;

cette frégate démontée,

Leur commandant, ému par ce courage,

envoie des parlementaires chargés de proposer une capitulation.

— j'ai

Nous rendre, répond fièrement

promis à

mon commandant

le capitaine français

de ne

le

aux envoyés,

faire qu'à des

conditions

honorables et ces conditions les voici, c'est moi qui les dicte

Mon équipage traité

quittera la

frégate avec armes et bagages,

il

sera

avec égards et entièrement à la charge de l'Angleterre qui, en

outre, le fera transporter dans le port de Brest. Voici je les

:

impose

prendre

et n'en accepterai pas la

ou à

laisser,

continue

vous n'avez pas répondu,

le

le

mes

conditions,

moindre modification. C'est

capitaine,

si

à

dans deux heures

combat recommencera.

Les Anglais acceptèrent. Ce

trait glorieux, qui

voure française, se passe de commentaire.

dépeint bien

la

bra-



CHAPITRE XI

HISTORIQUE

Le Traité,

y^

Protectorat

le

•^x^,>^

-W--

liNFiN,

en 1883,

la

guerrq qui se termine à

l'avantage de la France, établit définiti-

vement notre protectorat à Madagascar. Cela n'implique pas que les choses marchent bien depuis.

Nos ennemis dans

cette colonie, toujours les

mômes, n'ont cessé de chercher à

porter atteinte à

notre prestige par des menées hypocrites. Si nous

^jf^"^

cherchons bien dans

la

cause du conflit qui

nous

m^.

oblige à une expédition pour le respect de nos droits si

l

:

chèrement acquis, nous y trouverons certainement

^^'^Amwm leur influence.

Nos colons sont constamment en butte ÎH

•!"i-mt

à des tracas-


MADAGASCAR

160

séries,

on n'hésite

même

môme

pas à les voler, voire

à l'occasion, et ces méfaits,

s'ils

à les assassiner

sont l'œuvre des Hovas surtout,

sont aussi suscités par d'autres dont

le rôle n'est

pas bien

ils

difficile

à établir.

On avance que loppent dans une

Hovas sont des hommes

les

môme

qu'ils appartiennent,

haine tous les étrangers à quelque nationalité

dans

la crainte

de la perte de leur prestige.

Or, d'une part, les Hovas sont des êtres à demi-sauvages

sont de vaillants guerriers qu'en

humeur

enve-

terri])les, qu'ils

nombre supérieur; hors de

ne

qui là,

leur

belliqueuse se retranche assez volontiers derrière une sage

prudence; d'autre part, leur haine de tous

les étrangers

ne

les

empêche

pas d'avoir à la cour, dans les conseils de leur gouvernement, une certaine catégorie d'étrangers qui sont on ne peut

dont

les conseils sont

encore mieux écoutés.

catégorie d'étrangers à la tête de l'armée dont

Ne

les

On

Rien n'est changé,

et

môme

retrouve cette

sont les instructeurs.

ils

avons-nous pas retrouvés partout dans

mieux considérés

le

récit qui

les étrangers favorisés sont toujours les

précède.

mômes

:

les Anglais.

Depuis nienne

le

commencement du

s'est plu

bien des

fois,

conflit franco-hova, la presse london-

non pas à dire

qu'il n'y avait

pas d'Anglais

à Madagascar, mais à proclamer que ceux qui y résidaient avaient été disgraciés

;

que

les différentes situations qu'ils

y occupaient, à

la

cour

et ailleurs, leur avait été enlevées. Il

est

bon de relever

Nous comprenons une responsabilité

cette erreur

très bien et

que tout

fait

présumer volontaire.

que l'Angleterre veuille ne pas assumer

cherche à se dégager. Nous admettons

qu'elle veuille laisser croire qu'elle renie ses

circonstance et qu'elle

n'est en

nationaux en

môme cette

aucune façon complice. C'est une

question de courtoisie diplomatique. Cependant les faits sont là et


MADAGASCAR

nous crient de ne pas nous laisser abuser par des protestations aussi mal fondées. D'ailleurs nous ne nous rappelons le désaveu dont les Anglais

sont l'objet, de la part de leur gouvernement que parce que l'on veut

nous

faire croire

que ces sujets désavoués ne sont rien dans

les

événements actuels.

Nous avons trop souvent rencontré Madagascar, nous

les

avons de

les

même

Anglais sur notre chemin à trop

souvent vu intervenir

dans toutes les choses politiques et commerciales de ce pays, pour croire à

la sincérité

Notre conviction

du désaveu

est,

et à la réalité

au contraire, que l'influence sournoise de nos

adversaires d'Outre-Manche est toujours la les

des disgrâces.

même. Les

aventuriers et

missionnaires de cette nationalité qui depuis des siècles se succè-

dent à la cour d'Émyrne, y ont toujours eu une influence dans les kabari ou conseils et

l'y

ont plus que jamais.

Nous n'avons, pour nous

prépondérance des prédicants d'écoles et

le

plus grand

qu'à constater

édifier, :

le

n'ont-ils pas le plus

nombre

d'élèves

?

prestige et la

grand nombre

N'ont-ils

pas

le

plus

d'églises et d'apôtres de leur religion?

Comment

pourrions-nous

croire

bonnement que

ces

aimables

pasteurs, renfermés dans leur devoir de civilisateurs chrétiens, ignorent les intrigues combinées et les insinuations calomnieuses dirigées

contre la France? Aussi ne les croyons-nous pas le moins du monde. Disgraciés, les Anglais fonctionnaires, religieux, civils et militaires à la cour

d'Hova? Oh

!

que non

sur les bords de la Tamise se fait-il,

que sous

la cour, loin d'être

le

!

!

et

que

la

presse est donc mal informée

Disgraciés, chassés

'

mais alors comment

coup d'une pareille mesure, leurs relations avec

rompues, sont-elles devenues plus assidues, plus

intimes.

Voyons,

MM.

les pasteurs Ringtons, Stirley, Ba^cker et Collins qui

H


MADAGASCAR

162

sont actuellement à la cour malgache, auprès

de la reine et des

ministres, qu'ils catéchisent, quel rôle jouent-ils? Qu'ont-ils besoin,

pour l'exercice de leur ministère, des armes, des munitions

qu'ils

achètent?

Nous retrouvons encore auprès des

le capitaine Coster, le capitaine Bell et tant d'autres.

major Graves,

le

Ces

dont

officieux,

Ilovas, le colonel Shervinton(l),

les

travaux ne sont, dit-on, pas payés par

gouver-

le

nement malgache qui ne paie personne, ont construit de nombreux forts et des

camps retranchés;

ment digne d'éloges

et

ils

ont instruit l'armée avec un dévoue-

demeurent encore à

Tananarive. Est-ce assez précis

la tête

du mouvement à

?

Voici un renseignement qui date du mois de janvier 1895, tout récent

il

est

donc

sa nature va nous faire connaître le rôle joué par les

;

prétendus disgraciés.

Le colonel Shervinton himango.

Il

vient d'établir son quartier général à

Ambo-

prétend faire de ce poste un camp retranché et affirme que

de cette position,

les troupes françaises s'aventuraient vers

si

tiarive, elles seraient

Le major Graves capitaine Bell,

il

exterminées par

fait

les

Hovas

Tana-

!

des approvisionnements généraux

;

quant au

organise la défense de l'Ikopa.

Les autres, parmi lesquels on compte quek|ues Américains

du

Nord, s'occupent activement de l'instruction des troupes, de l'arme-

ment

et

de l'habillement.

Les pasteurs, pendant ce temps, demeurent dans l'entourage de reine, les

ils

assistent

aux délibérations

et entretiennent fort à

la

propos

haines contre la France.

(I)

Ce

livre

Shcf\in(on

sous presse quand répandu.

était

a été

le

bruit de

la

retraite

du colonel


MADAGASCAR

163

C'est sullisamment édifiant.

Le gouvernement vantes 1"

en juin 1885, les propositions sui-

:

La France reconnaîtra

Madagascar 2°

liova faisait,

et

le titre

comme

de Sa Majesté

son droit de souveraineté sur toute

reine de

l'île.

Les troupes françaises seront retirées des points qu'elles occu-

pent à des époques déterminées. 3°

La France renoncera au

Ouest 4"

et

une amnistie générale sera accordée à

La France

royaume

protectorat de la côte la

Nord

et

Nord-

population.

s'obligera à respecter et à maintenir l'autonomie du

et le droit

de succession au trône, réglé par les

lois et

cou-

tumes du pays. 5" Elle

s'engage autant que possible à mettre à

gouvernement de

demande de

reine, sur la

la

la

disposition du

des officiers

celui-ci,

pour organiser son armée, des transports ou des navires de guerre pour convoyer

troupes et protéger leur débarquement sur tous les

les

points de côte où

pour affirmer 6° Elle

pourra devenir nécessaire d'envoyer des forces

il

l'autorité

de

la reine

sur ses sujets indisciplinés.

renoncera au droit de propriété absolue de

accepter des concessions accordées pour des 7**

Madagascar acceptera

8*"

Par ces mots de

«

la «

haute garantie

haute garantie

»,

il

la

terre

pour

périodes déterminées. »

de

la

est compris

France.

que

la

France

s'engageant à respecter l'autonomie du gouvernement hova, celui-ci

ne pourra, sous aucun prétexte quelconque, conclure avec une puissance étrangère, des conventions accordant des privilèges spéciaux

ou cessions de territoire

consentement de

la

;

que ces privilèges ou cessions

faites

sans le

France, seraient nulles et non avenues et que la

France reprendrait, au cas où

il

en aurait été accordé, une complète


MADAGASCAR

164

d'action

liberté

tous les

pourrait

et

moyens qui

soutenir toutes

les

même

par

conviendraient,

lui

Ces propositions n'ont pas été acceptées par fîcations elle,

;

elle

fit

France sans modi>

;

La France reconnaît

la

Le gouverne-

entièrement se renfermer dans les

s'obstinait et voulait enfin,

17

le

décembre 1885,

gouvernement

à signer des conventions dittées par le

le

la force.

qu'après de longues négociations.

termes de ses propositions

de

par

entendait les modilier dans un sens plus favorable pour

ce qui ne se

ment hova

la

réclamations

Reine des Hovas

Madagascar, mais d'autre part,

le

comme

il

se décida

français.

souveraine de

l'île

gouvernement bova accepte

protectorat de la France.

Un

résident général et

un corps consulaire français seront

établis à

Tananarive, le résident connaîtra exclusivement toutes les relations extérieures du gouvernement malgache.

Les Français obtiendront des concessions de terrain pour des durées déterminées, qu'il soit

mais ces concessions pourront être renouvelées sans

besoin que le gouvernement hova intervienne.

Les troupes françaises évacueront Nord-Ouest et Nord-Est aussitôt après tave

cependant restera

les

divers postes de la

la ratification

du

traité

;

côte

Tama-

occtipée jusqu'à l'entier paiement par les

Hovas, d'une indemnité de dix millions de francs destinée à indemniser les

commerçants

et les colons français et étrangers,

des pertes

subies au cours de la période de guerre.

La France conserve en le

territoire

même

que

toute propriété, la baie de Diégo-Suarcz et

y attenant, qui deviennent possessions françaises, de

les îles

de Nossî-Bé, les dépendances

Marie de Madagascar.

et l'ile

de Sainte-


^àààéàààààààààààààààéààààààààà^

Amiral

BESNAHD,

Ministre de

la

marine



MADAGASCAR

Le îi

traité

167

de 1885 établissait donc une dernière

Madagascar. Aux termes de ce

chargé de représenter

le

traité, le

fois

notre protectorat

gouvernement français

gouvernement hova auprès de tous

est

les États

étrangers.

Le

protectorat a été ofTiciellement

5

août

17

novembre

1890,

cinq ans après

c'est-à-dire,

1890.

accepté et

par l'Angleterre,

le

par l'Allemagne,

le

Nous consignons pour mémoire qu'en

tance l'Angleterre a reçu, à

titre d'épingles, la

cette circons-

colonie do Zanzibar

dans l'Océan Indien.

Malgré

de Sa Majesté Britannique, avec

cela, les sujets

la courtoisie

qui les caractérise, n'ont jamais cessé de chercher à troubler l'exercice

de notre protectorat. Nous venons de constater la véracité de ce

malgré

de

les déclarations

d'ailleurs,

la

presse

anglaise.

Cette

presse publie

quelques jours plus tard, une note qui permet bien de sup-

poser fantaisiste la première information. Voici cette note «

fait,

:

L'Angleterre répondra à des annexions par des renforcements

navals et par de nouvelles annexions de territoires. « II est

nécessaire de rappeler de temps en temps à ceux que

chose concerne, que l'Angleterre n'a pas l'intention de perdre

suprématie dans

les

la

sa

mers. »

C'est clair, l'Angleterre veut bien que nous exercions notre protectorat à

Madagascar, mais un peu sous son contrôle,

elle

n'admet pas

que pour conserver ce protectorat, nous fassions des annexions de territoire.

Dans

le

annexions

cas contraire et,

elle

enverra ses navires pour défendre les

naturellement, en faire son profit.

C'est absolument charmant.

Avec Madagascar,

la

France posséderait un des

importants de l'Océan Indien;

la

postes les

plus

route des Indes et de l'Extrême-


MADAGASCAR

168

Elle aurait donc

Orient, après Suez, serait entre ses mains.

pondérance dans l'Océan Indien. L'Angleterre, matie dans les mers, se verrait amoindrie déclare bien haut. écrire,

nous

Le

traité

Il

le ferions

y aurait,

elle

;

si fière

ne

le

la

de sa supré-

veut pas,

elle le

à ce propos, de fort jolies choses à

avec plaisir

cadre de ce livre

si le

comportait.

le

1885 impose au gouvernement hova un

de

pré-

résident

général français à Tananarive.

Actuellement, les fonctionnaires de général,

M. Larrouy

;

et le

(1)

M. Lacoste;

résident adjoint,

M. Conty; chancelier, M. d'Anthouard Il

résidence sont

la

:

Résident

secrétaire,

docteur Boissade.

y a ensuite un résident à Tamatave, M. Branchot

un à Fiana-

;

rantson, M. Besson, et enfin à Majunga, le docteur Catat.

Le

territoire de

Diégo-Suarez est notre possession,

il

est administré

par un gouverneur.

Les Etats-Unis, l'Angleterre, l'Allemagne

et l'Italie ont

accrédité

des agents diplomatiques, consuls ou vice-consuls, qui les représentent.

Le gouvernement

français, en 1894,

droits et voulant les sauvegarder,

des garanties pour

la parfaite

a

ému

des atteintes portées à nos

demandé au gouvernement hova

exécution du traité de 1885, établissant

notre protectorat.

Une garnison narive dans le

française devait être

cas où

il

envoyée pour occuper Tana-

ne serait pas

fait droit

à cette

demande

légitime.

Le gouvernement hova, contre toute a refusé de donner satisfaction.

Il

s'est

attente, contre toute loyauté,

facilement persuadé que nos

(1) Nos agents diplomatiques ont quitté Madagascar à des relations, en même temps que M. Le Myre de Villcrs.

la suite

de

la

rupture


MADAGASCAR

169

nombreuses préoccupations nous empêcheraient de tenter une nouvelle expédition.

L'ultimatum de la France porté par un envoyé extraor-

M. Le Myre de

dinaire,

Villers, a été

paroles injurieuses auraient

même

grossièrement repoussé et des

été proférées contre nous par le

premier ministre malgache.

A

la suite

de Villers,

de

la

la déclaration qui

terminait

la

mission de M. Le Myre

cour d'Émyrne a tenu un kabari solennel dans

la ville

sacrée. Les devins et les conseillers, toujours inséparables, sont invités

à venirprendre partaux graves délibérations qui allaient être discutées.

Après une discussion au cours de laquelle tes contre la

France sont encouragées par

les diatribes les plus violen-

premier

les conseillers, le

ministre Rainilaiarivoni, mari de la reine, consulte ses devins, puis s'adressant à cette dernière, lui dit

:

Ranavalo Manjaka, aie confiance, aie confiance

«

bons esprits

te protègent.

;

Dieu et

Nos ennemis n'atteindront pas

le

les

pays

d'Ant' Imérina. «

S'il

sont plus forts sur mer, que nous importe

« Peut-être débarqueront-ils à

qui forme sur nos côtes «

Tu

des ancêtres; donc

La dit

il

Tamatave ou à Majunga,

un cordon de défense

ma

resteras, ô Ranavalo, ô

les

la fièvre

en chassera.

reine, toujours la seule maîtresse

faut faire la guerre

reine qui, par impuissance,

!

aux Français

».

demeure étrangère à tout ce qui

ou se décide dans son gouvernement

et n'a

pas

le

se

droit de

contrarier les décisions de son ministre, mari et maître, se contente

de répondre que « c'est bien ainsi

La raison de

la confiance

».

du ministre paraît bien invraisemblable.

Elle n'est pas sincère en effet

;

Rainilaiarivoni qui, en sa qualité de

maître des Hovas, est le premier des fourbes, puise ailleurs les assu-


MADAGASCAR

170

rances qu'il veut faire partager.

promesse

Ceux

lui

Il

compte sur des concours dont

la

a été faite d'autre part.

qui encouragèrent le roi

Radama

à faire l'unité de

l'île

par

la

conquête successive des contrées que l'on réunirait au royaume des Hovas, voulaient, en secondant les efforts de

Radama dont

ils

faisaient

leur esclave, le faire agir à leur profit. L'évidence de cette présomption est bien

Si les

leur

démontrée par

les

événements

d'alors.

Hovas aujourd'hui ne craignent pas d'offenser

armée

qui,

la

France avec

malgré ses vingt mille hommes, comprend à peine

cinq ou six mille soldats à peu près disciplinés, c'est qu'ils doivent sentir derrière

eux un appui que nous pourrions biens voir poindre en

temps. Mais

est aussi

de

la

il

bien évident que les conseillers et les aides

jeune reine Ranavalo

III,

ne sont pas plus désintéressés que

ceux de Radama. Elle aura à payer fort cher ces interventions.


«t

c

CHAPITRE

Le u

Corps

XII

expéditionnaire

M 'X,^»^

ES

forces

malgaches,

contre

lesquelles

".aviV

I

nous aurons à

lutter,

sans être de nature

à causer de grandes craintes, ne sont pas >»;^''5

sans importance.

Comme

nous l'avons

dit

précédem-

ment, l'armée hova s'élève à une trentaine de mille

hommes

Ç^

dont

lièrement

le quart, à

constitué

peu près, est presque régu-

en

corps.

Toutefois,

il

faut

considérer qu'en prévision des événements qui vien-

nent de surgir de grands préparatifs ont été et

'^

faits,

qu'indépendamment des chefs étrangers, quelques

officiers

indigènes ont

fait

leurs études militaires en

France. '^..

L'armement des Hovas - .l^^Ht'*^" -ç^vW

se

compose d'environ vingt


MADAGASCAR

172

mille fusils parmi lesquels

il

y a des snyders, des remingtons, des

comprend cent deux

wetterli et des fusils à tir rapide. L'artillerie

bouches à feu en canons Krupp, à quelques canons revolvers.

des mitrailleuses et

rapide,

tir

En dehors de

ce matériel,

faut aussi

il

ajouter celui employé pour l'armement des postes de Tamatave, de

Mujunga

et autres.

viennent d'être

Enfin,

faits

tout

il

y a encore

récemment

les

approvisionnements qui

dont on ne connaît pas l'im-

et

portance.

Ce

n'est

donc pas contre des gens sans défense que nous marchons.

Quelque mal organisée que

soit l'armée, elle est

d'opposer une sérieuse résistance accessibilité

du

sol, qui

embuscades doivent

;

de plus,

parfaitement en mesure

elle a l'avantage

de

l'in-

ne nous est pas parfaitement connu, et où

les

être singulièrement favorisées, enfin les concours

intéressés qui peuvent surgir tout à coup, et le climat.

En somme,

ime vraie campagne pour laquelle nos gouvernants ont eu

la

c'est

sagesse

de ne négliger aucune précaution.

Le commandement en chef de

l'expédition a été confié au général

de division Duchesne. C'est un brave qui a souvent vu alors qu'il était simple sous-lieutenant,

sur le

champ de

Lavaucoupct Metz.

Il

et

bataille de Solférino.

prend part à tous

il

En

le feu.

En

gagna vaillamment 1870,

il

la

est de la division de

part ensuite se battre en Algérie, de là au Tonkin, où ,

Ilung-Hoa

et

bien gagnées, sionnaire.

lui

Il

était alors colonel.

Les deux

sont données en 1888.

En

il

Tuyen-Quan;

encore du Tonkin à Formose, où sa brillante conduite de commandeur.

croix

combats qui se livrent autour de

les

bravement son devoir à Bac-Ninh

1859,

lui

fait

et

vaut la croix

étoiles, qu'il avait si

1893,

il

est

promu

divi-


MADAGASCAR

Le commandement 'de un autre brave généraux;

il

de capitaine sur

il

brigade a été confié au général Metzinger;

des plus jeunes et des plus brillants officiers

et l'un

s'est

la

l:\

vaillamment battu en 1870

le

champ de

bataille.

Il

et

a fait la

gagna ses épaulettes

campagne du Tonkin,

se distingua par sa bravoure et ses brillantes qualités de

com-

mandement.

La

distinction de cet officier supérieur, pour

de Madagascar, ne pouvait être plus heureuse

;

commander il

la

brigade

possède les qualités

qui justifient pleinement le choix du ministre de la guerre.

Le général Voyron commande soldat qui a de

même

la

seconde brigade. C'est un vaillant

conquis les étoiles par sa bravoure et son talent

militaire.

Le colonel de Torcy

part

comme

chef d'état-majordu corps de Mada-

gascar; encore un choix heureux justifié par de brillants états de service.

Le

colonel Gillon,

commande

Ce brave vient de mourir général de brigade

;

il

est

le

200^ régiment.

à Madagascar,

remplacé à

la tête

à la veille d'être

du 200^ par

le

promu

lieutenant-

colonel Bizot.

Le corps expéditionnaire

est

composé de

la fuç<jn

suivante

:

PREMIÈRE BRIGADE

Un régiment d'infanterie, Un régiment composé

3 bataillons, 4

compagnies

de tirailleurs algériens et de légion étrangère,

3 bataillons, 4 compagnies;

Un

;

bataillon de chasseurs à pied, 4 compagnies.


MADAGASCAR

174

DEUXIEME BRIGADE

Un

régiment d'infanterie de marine, 3 bataillons,

Un régiment

indigène, 3 bataillons, 4 compagnies;

Un régiment de un régiment de

compagnies;

4

sakalaves,

un régiment de volontaires de

la

Réunion,

sénégalais,

TROUPES NON ENDIVISIONNEES

Un

escadron de chasseurs d'Afrique, six batteries

d'artillerie,

une

compagnie de soldats du génie, un escadron du

train des équipages,

une section de commis

d'infirmiers.

et ouvriers et

une section

Les services auxiliaires comprennent 1G4 environ 1,500

hommes comprenant

des deux brigades de

du service de santé,

la

l'artillerie,

oiriciers

ou assimilés de

les états-majors

et

la division et

du génie, du service administratif,

gendarmerie, justice militaire, télégraphie de

campagne, équipages de ballons dirigeables

et

de télégraphie optique,

section de topographie, service vétérinaire, archivistes des états-majors,

intendance, service et convoi des subsistances, habillement et campe-

ment, boulangerie, ambulances, hôpitaux des campagnes, aumôniers des différents cultes, service des étapes et des évacuations, forestiers,

La

division navale, placée sous le

commandement du

contre-amiral

Bien-Aimé, est composée de 12 navire».

Le 12

'200*

régiment, formé au

camp de Sathonay,

compagnies qui ont été désignées par

le sort

est

composé do

dans chacun des


MADAGASCAR

175

régiments ci-dessous choisis eux-mêmes par corps d'armée suivants

sort dans les

le

douze

:

8"

corps

régiment d'infanterie,

2"

compagnie, à Paris.

4"

corps 124" régiment d'infanterie,

6"

compagnie, à Dreux.

corps

31"

régiment d'infanterie,

2"

compagnie, à Blois.

corps

29"

régiment d'infanterie,

4"

compagnie, à Autun.

9"

corps 125" régiment d'infanterie,

7"

compagnie, à Poitiers.

48"

régiment d'infanterie,

7**

compagnie,

10° corps

74"

Guingamp.

à

corps

65"

régiment d'infanterie,

compagnie, à Nantes.

12''

corps

138**

régiment d'infanterie,

6"

compagn'e, à Bellac.

IS'^

corps 139" régiment d'infanterie,

2"

compagnie, à Aurillac.

16"

corps 143" régiment d'infanterie,

compagnie, à Albi.

17"

corps

régiment d'infanterie,

10"

18"

corps

31" régiment d'infanterie,

5"

1

Le

9"

compagnie, à Agen. comp., à Mont-de-Marsan.

de chasseurs a été constitué à Nimcs;

40" bataillon

par quatre compagnies tirées au sort dans les lons de chasseurs

1

1",

compagnie du

11" bataillon à

Annecy.

La

6"

compagnie du

12° bataillon à

Embrun.

La

1'"

compagnie du

14" bataillon à Grenoble.

La

3"

compagnie du

22" bataillon à Albertville.

Les bataillons indigènes formés^ en majeure

commandés par des

comporte

formé

:

2"

officiers

est

12" ,11" et 22" batail-

La

laves, sont

il

1

partie,

officiers français;

le

par

les

saka-

cadre de ces

capitaine et 3 lieutenants par compagnie; celui


MADAGASCAR

176

des sous-ofTiciers comporte fourrier, 8 sergents,

adjudant,

1

caporal-fourrier.

1

10 caporaux, 7 tirailleurs de

1''^

1

Il

sergent-major,

y

sergent-

1

en outre, 8 sergents,

a,

classe, 142 tirailleurs

de

2"

classe

indigènes.

Des primes d'engagement ont a

été attribuées aux indigènes

donné 100 francs pour un engagement de

un engagement de deux L'État,

12 navires

de l'Océan Indien, placée sous fait

on leur

trois ans et 40 francs

pour

ans.

indépendamment des

Bien-Aimé, a

;

le

composant la division navale

commandement du

contre-amiral

construire 4 canonnières de rivière, d'un faible tirant

d'eau, ayant à bord chacune 2 canons à

tir

rapide de 37 millimètres.

Ces canonnières sont spécialement affectées

à

accompagner

le

corps

expéditionnaire, le cas échéant.

Les préparatifs de

la

campagne sont admirablement combinés;

tout semble avoir été prévu et les éventualités tion quelconque semblent n'inspirer

d'une interven-

aucune crainte bien sérieuse.

Les cadres constitués de l'armée de terre ditionnaire

même

et

de

mer du

corps expé-

comprennent en tout deux cent quatre-vingt-dix

officiers

de toutes armes et cent cinquante-cinq fonctionnaires des divers services militaires. Ces derniers sont affectés à l'ensemble de

la divi-

sion y compris la brigade de la marine.

Le

service de l'état-major

Torcy, chef d'état-major;

le

compte dix-huit

officiers

:

le colonel

de

lieutenant-colonel de Nonancourt, sous-

chef; le lieutenant-colonel Bailloud, directeur du service des étapes; le

commandant Delarue,

trois archivistes.

le

commandant Andry,

treize capitaines

et


MADAGASCAR

177

INFANTERIE

L'infanterie envoie le colonel Gillon et le colonel Oudri

nants-colonels Bizot etPognard, les

commandants Rapine

Courteaud, de Pasquier,' de Franclieu pour Massiet du Bicrt pour

le 40° bataillon

le 200^

de chasseurs

;

;

le

les

;

et

les lieute-

du Nozet,

commandant commandants

Barre, Lentonnct et Debrou pour le régiment de marche d'Algérie.

Enfin, trente-huit capitaines.

CAVALERIE

La

cavalerie place à la tetc de son escadron

deux capitaines

et sept

sous-lieutenants.

ARTILLERIE

L'artillerie est placée sous les ordres

du colonel Palle

et

comprend

en outre un lieutenant-colonel, M. Laval. Les commandants Delestrac, Ruffey, Silvestre et Sarrebourse de

La

Guillonnière; treize capitaines,

vingt-sept lieutenants et dix gardes d'artillerie.

GËNIE

Les travaux du génie sont dirigés par le

commandant Magné,

le lieutenant-colonel

treize capitaines,

Marmier,

douze lieutenants

et sept

adjoints. lî


MADAGASCAR

178

TRAIN

Le

train est placé sous les ordres

du commandant Deymc, qui

est

seconde par sept capitaines et vingt-quatre lieutenants.

GENDARMERIE

Le prévôt de chement de

la

la division,

commandant Deyme, commande

gendarmerie, avec un capitaine et un lieutenant.

Les services administratifs sont placés sous intendant Thoumazou, qui a

comme

du sous-

la direction

collaborateurs les sous-intendants

Godin, Coppens de Norlandt, Fauconnet, Pasquier, Huguin, rette,

le déta-

Meyer, cinquante-trois

officiers d'administration

pour

Damou-

les divers

services.

SERVICE SANITAIRE

Le médecin

principal

Emcry-Dcsbousses

du service sanitaire avec des médecins-majors

le

est chargé de la direction

concours du médecin principal Lcpage,

Dan tin, Moine, Hocquart, Fluteau, Marcschal,

Bourdon, Malinas, Pélot ctFabre; do quarante autres médecins-majors

ou aides-majors.

Le

service de la pharmacie est confié à trois pharmaciens-majors

sous la direction de M. Chambard.


MADAGASCAR

170

SERVICE VETERINAIRE

Le

service médical des

animaux de

selle,

de

trait et

à quatorze vétérinaires placés sous la direction

de bât est confié

du vétérinaire prin-

cipal Lenthéric.

FINANCES ET POSTES

Le

service

est confié à cinq payeurs

M. Prudot, payeur principal.

placés sous les ordres

de



Général

DUCHESNE, Commandant

en chef du corps expéditionnaire



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CHAPITRE

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XIII

Le 200^ régiment.

Sathonay

"«>é^

UAND

il

de former

s'est agi

le corjDs

expé-

ditionnaire, tous ceux qui ont l'honneur de faire partie de l'armée française ont

touchante unanimité dans

partir. Cette

patriotique

encore

démontre,

suprême force Des dangers

une

Que

font toutes ces considérations

à prévoir

:

la

France? Le drapeau national

réveillent.

le

à

fois,

quelle

se dressent imminents; des souffrances

nombre sont

aller

sentiment

le

s'élève l'amour de la patrie.

sans

faut

voulu

défendre, tous

Tous veulent

Qu'est-ce, en effet,

mort après

aux enfants do

est le but;

les

le calvaire.

menacé,

dévouements

il

se

partir.

la

mort pour

le

patriotisme


MADAGASCAR

184

français; que sont les dangers, les souffrances? Rien. Les

hommes

passent, la Patrie reste, faite et grandie par les gloires de ses enfants.

Tous ont voulu partir

et

il

a fallu, pour concilier ces nobles ambitions

avec les seuls besoins que comportent les circonstances, confier au

ceux qui partiraient.

sort le choix de

Quelle sublimité

!

Combien

manifestations.

Ces

marchaient à

mort

ils

la

donnent aux

s'éclaire le

la

France a

le

petits soldats rappellent les héros antiques qui la tête

trois

haute pour l'accomplissement du devoir;

couleurs nationales l'éclat éblouissant dont

monde.

Le départ de chacune des compagnies formation du 200^ régiment de marche à pied, a donné

lieu,

tions touchantes.

dans

Tout

le

les villes

monde

et

ralliant

du

40*^

Sathonay, pour

la

bataillon de chasseurs

de leur garnison, à des manifesta-

voulait saluer ces vaillants et leur

donner un témoignage de sympathie. Dans étaient

droit d'être fière de ces

émouvantes en des étreintes

les

casernes, les scènes

fraternelles des

camarades malheu-

reux de ne pas partir; bien des larmes, perles précieuses recueillies par Dieu, ont été versées.

Les chefs savaient, avec des tendresses toutes paternelles, encourager ceux-ci, consoler ceux-là par

la

pourront toujours cueillir les lauriers

promesse d'un avenir où qu'ils

ambitionnent. Quelles

expressions n'ont-ils pas trouvées pour réconforter « leurs enfants

Ecoutons

le

général Vieil d'Espeuilles,

d'armée, parlant à ses soldats qui

Madagascar

:

le

ils

commandant

le 13^

!

»

corps

quittent pour aller se battre à


MADAGASCAR

185

« Officiers, sous-officiers et soldats de la

compagnie

de Madagascar,

« Je suis

venu vous inspecter

et

vous

faire

mes adieux;

êtes des volontaires et reconnus pour de bons soldats

;

tous, vous

vos chefs sont

fermes, vigoureux, ardents; c'est donc dans les meilleures conditions

que vous partez pour cette campagne lointaine, que

je

vous remets

allez représenter «

le

bon renom du

139*^ et

du

13^ corps

que vous

au milieu de nouveaux camarades.

Vous vous en souviendrez,

là-bas,

l'épreuve; aussi vous saurez ajouter, l'occasion,

celui

et c'est avec confiance

un nouveau rayon de

vous accompagnent et vous

faites

si

la

aux jours du combat

et

de

bonne fortune vous en donne

Tous mes vœux

gloire au drapeau.

bien des jaloux, car combien, parmi

ceux qui m'écoutent, voudraient partir avec vous, à commencer par votre général «

Au

!

revoir,

mes

enfants, au revoir.

Au nom

de tous, je vous

souhaite une bonne traversée, de brillants succès et un bon retour! »

Comme

ces paroles

si

simples sont belles et vont au cœur et com-

bien elles ont dû toucher ceux qui les ont entendues

Les populations de Paris, Dreux,

Blois,

!

Autun, Poitiers, Guingamp,

Nantes, Bellac, Aurillac, Albi, Agen, Mont-de-Marsan, Annecy, brun, Grenoble, Albertville ont qui

les quittaient,

de belles ovations à leurs soldats

ovations renouvelées tout

jusqu'à Sathonay. Partout, qui partaient.

fait

Em-

le

à travers la France,

long de

la

route

on a acclamé ceux


MADAGASCAR

186

A les

Paris, le départ s'est effectué

journaux ont publié,

compagnie du 200*^.

74*^

comme une marche

la veille, l'itinéraire

de ligne désigné par

le

sort

triomphale

que devait suivre pour

:

la

du

faire partie

Aussi, le jour commençait-il à peine, qu'une foule très considé-

rable s'étendait déjà sur le parcours, depuis la caserne de la Pépinière

jusqu'à la gare de Lyon, c'est-à-dire sur une longueur de plusieurs

Des marchandes de

kilomètres.

fleurs

circulent dans

la

foule et

vendent de petits bouquets qui seront tout à l'heure distribués aux soldats,

A un moment tains points,

donné,

la foule devient tellement

notamment devant

devient indispensable.

Il

est

la

compacte sur

caserne, qu'un

cer-

service d'ordre

immédiatement organisé parle Préfet de

police, dont les efforts sont secondés par quelques commissaires de

police et des officiers de paix.

Les tramways

et les

omnibus chargés

de voyageurs qui, debout sur l'impériale, cherchent à voir l'intérieur de

la caserne, circulent

attend. C'est

lentement. Ailleurs, la foule

une nichée d'ouvriers en

travailleurs qui ont laissé

soldats qui

vont à

la

un instant

guerre

émue

et

bruyante

tablier et en blouse, de braves la

besogne pour venir voir

des commis, des employés, des gens

;

du monde qui fraternisent. Puis encore de grandes dames modestes ouvrières, ayant chacune dans leurs mains souvenir qu'elles vont

Tout à coup,

le

les

le petit

et de

bouquet,

offrir à l'armée.

clairon sonne,

acclamations retentissent. Les

un drapeau

hommes du

tricolore est hissé; les

200° viennent prendre

place au milieu de la cour; à côté se rangent la musique, un piquet

du

74",

le

drapeau

et sa

garde d'honneur. En face,

le

lieutenant-

colonel Mercier, les ofïiciers et enfin l'aumônier qui suit le régiment, lui aussi,

Le

pour consoler

clairon sonne au

et soutenir les

drapeau

!

courages défaillants.


MADAGASCAR

Présentez armes

Et

la

!

troupe exccutc

le

mouvement avec un ensemble

saluer l'emblème de la patrie

Au

187

tumultueuse.

Les clairons lancent leurs notes cuivrées,

Un

long frémissement agite

mations recommencent plus

Le la

commence

défilé

musique

:

voici

enfin les

et

hommes avancent

fleurs, les

de la caserne

les portes

nuée humaine,

la

les accla-

fortes.

un piquet du 74^

;

les

tambours, les clairons,

du 200" entourant

soldats

le

drapeau. Les

lentement, pressés de toutes parts par la foule, on se

sur les soldats, on les embrasse,

jette

pour

!

(lebors, la foule grossissante devient

s'ouvrent.

parfait

hommes donnent

les

dames

distribuent

des

des cigares, du tabac, d'autres distribuent

de l'argent. l'uniforme, les bouquets s'étalent.

Bientôt sur

ceux qui peut-être ne reviendront plus, l'adieu de la

Mais non, Vive

la

sont

ils

reviendront

France

;

et les cris

sur bien des visages,' mais

défilé

pas

même

idéal et

Sur

;

France

haut

comment

la tête.

Ah!

les cacherait-on

et, soldats, civils, enfants,

le

des

;

la

?

musique entonne

femmes môme, emboîa le

même

le

perron

être.

Madeleine, la foule grossit encore,

la

de l'église est envahi

larmes coulent

monde, en ce moment,

semble ne former qu'un seul de

les

;

la

marche

eux qui

rester froid à ce spectacle, on no

pourquoi d'ailleurs

pas accéléré. Tout

la place

:

et l'Armée, c'est

continue au milieu de l'enthousiasme

un pas redoublé tent le

recommencent

!

les représentent, aussi portent-ils

Le

un dernier adieu,

!

fiers, les petits troupiers, la

les dissimule

fêter

France à ses enfants.

Vive l'Armée Ils

qui sait,

faut bien

Il

est

un instant

arrêtée.

On

des-


MADAGASCAR

188

cend

la

rue Royale, toutes les fenêtres, tous les balcons sont bondés,

des milliers de bras agitent des mouchoirs, et puis une pluie de

drapeaux tricolores en soie tombe sur

fleurs et de petits

les soldats

qui les fixent à leurs boutonnières.

On la

traverse la place de la Concorde

:

massée autour de

la foule est

statue de Strasbourg; les terrasses des Feuillants, de l'Orangerie

sont noires de monde.

Et

les soldats

avancent toujours gaillardement.

ministère des Colonies, au pavillon de Flore

;

On

arrive devant le

au balcon du premier

étage, le ministre et une partie de sa maison se tiennent debout et

musée du Louvre sont

découverts. Les fenêtres du

même

les

marches du pont des Arts, en

face.

Des applaudissements

frénétiques se succèdent.

Au

la foule grossit toujours;

sur la place du Châtelet,

impossible d'avancer

;

c'est

archi-garnies, de

Pont-Neuf, on offre encore des fleurs il

;

faut faire halte,

une cohue indescriptible.

Voici l'Hôlel-de-Villc, le Préfet de la Seine et sa famille se tiennent

dans

le jardin,

son chemin,

Au

saluent l'armée qui

ils

elle arrive

loin, là-bas, la

passe.

au l)0ulcvard Diderot où

La colonne continue elle s'engage.

gare de Lyon dont les abords sont envahis par

une foule toujours plus grande le service d'ordre est obligé

et plus enthousiaste

;

pour y pénétrer,

de frayer un passage.

Enfin on arrive dans la cour de la gare.

La compagnie du

200'^

se

place sur deux rangs, l'escorte du 71" se range en face.

Un commandement Présentez armes

Et une dernière

retentit

:

!

fois le

drapeau

est salué.

Les soldats du 200" sont introduits sur train qui doit les conduire est formé, six

y sont accrochés;

ils

le

quai d'embarquement. Le

wagons spécialement

se rangent en face

en attendant

le

affectés

comman-


MADAGASCAR

189

dément. Enfin l'embarquement s'opère dans

meilleur ordre. Chaque

le

comjDartiment de dix places est occupé par huit hommes, deux places sont réservées pour les bagages.

Un cordon

de soldats du 74" est établi devant

pour empê-

le train

cher la foule d'avancer. Mais la foule est une chose insaisissable et en se glissant

même

un peu partout,

entre les jambes des factionnaires,

elle passe.

Quelques scènes touchantes se produisent. Voici une jeune femme, elle

cherche dans les wagons celui qui s'en va,

encore une

un

C'est

fois.

Le

on se

voilà;

petit enfant

que

sent à bouche que veux-tu

;

jette

veut

elle

dans les bras l'un de

?

C'est bébé que

revoir

l'autre.

les soldats se font passer et qu'ils

d'où vient-il

le

embras-

maman

vient

d'apporter pour embrasser le grand frère qui part.

Les embrassades,

les

poignées de mains et les

bons souhaits

s'échangent.

Mais, « garde à vous

Chacun

nière fois.

»,

voici le général,

est à sa place.

Les portières se ferment, un coup de

train part.

sifflet retentit, le

Alors une dernière acclamation

Vive la France

vient inspecter une der-

il

!

Vive l'armée

!

fait

Vive

trembler le 200*'

!

le hall vitré

de

crie la foule

la

gare

:

en battant

des mains.

France Vive Paris

répondent

Vive

la

Aux

portières on agite les képis et les mouchoirs.

Le

!

!

train double de vitesse et bientôt

point noir

tache le

qui

fuit,

les soldats.

on ne voit plus qu'un gros

surmonté d'une longue colonne de fumée qui

ciel.

Ces imposantes manifestations se sont renouvelées partout doit estimer

que rien

n'est

exagéré en

elles.

Dans ces

et

soldats

on qui


MADAGASCAR

190

partent pour Madagascar, on salue non seulement une fraction, mais

l'armée entière. Cette armée que nous aimons tant, où nous avons été,

où seront nos enfants

Le

et à laquelle

rapidemant

train franchit

cinq heures du matin.

brumeux,

les kilomètres,

arrive à Lyon, à

il

entre en gare de Vaise par un de ces temps

Il

comme

sales,

nous appartenons toujours.

la

seconde

ville

de France en a

en hiver. Nos braves pioupious sont toujours aussi gais

que

le

monopole

et aussi fiers

aux acclamations d'une

la veille, lorsqu'ils traversaient Paris,

foule enthousiaste. Malgré l'heure matinale, les bons Lyonnais, qui

veulent aussi manifester leur sympathie à l'armée, sont

femmes

ouvriers, bourgeois,

et enfants.

Sur

le

là,

en foule

:

quai de débarquement

attendent le capitaine d'état-major Serres, officier d'ordonnance du

général Godefroy,

Le

commandant

qu'il

quelques personnalités.

clairon sonne la descente,

train stoppe, le

temps

la place et

ne faut pour

et,

en moins de

l'écrire, les soldats sont alignés sur le quai,

sac au dos, l'arme aux pieds dans la position du fixe.

Presque tous

ont encore les bouquets et les petits drapeaux, souvenirs que leur ont

donné

la population parisienne.

commandements se succèdent, notes de cuivre,

il

faut faire

Mais

il

faut rejoindre le

le clairon lance

une

camp. Les

de nouveau ses joyeuses

petite étape de 7 à 8 kilomètres et en

route pour Sathonay.

Avec

la

même

allure

malgré

le froid et le brouillard, le

régiment

défile.

Successivement arrivent les compagnies du 3 1*^, Blois du 65°, Nantes ;

du 125% Poitiers; du 48% Guinganp; du 139% Aurillac; du

29*^,

A chacune

Autun.

34*^,

Mont-de-Marsan; du

de ces arrivées

toujours là et les soldats étaient accueillis avec les

Vive

la

Tous

France les

!

vive l'armée

hommes

;

la foule était

mêmes

cris

de

:

!

devant former

le 200*^

régiment

(les

malgaches)


MADAGASCAR

191

sont bientôt réunis et fraternisent en attendant dei^épéter les exercices

d'ensemble en vue de l'expédition.

Sathonay

est

une

petite ville de 4,200 habitants,

de l'Ain, à trois lieues de Lyon lons,

est

il

;

le

dans

département

le

camp ressemble au camp de Châ-

formé par une série de petites maisons disposées en damier

;

tout autour des « baraquements » sont de larges chemins où les

une immense

soldats font ordinairement l'exercice. Puis alors, à côté,

plaine sert de

champ de manœuvres

et

pour

le

camp

On

volant.

fait

de grands préparatifs pour l'imposante cérémonie qui va avoir lieu

remise des drapeaux par

le

camp

des écussons,

:

la

chef de l'État. Infanterie de marine,

le

fantassins, turcos, tirailleurs algériens s'ingénient à qui

pour décorer

:

ébauchés à

mieux mieux

la

hâte,

sont

placés sur les portes des petites maisons et ce sont des panoplies,

des trophées partout; on dessine dans les petits jardins des maisonnettes

:

des cœurs, des lyres, des croix d'honneur entourées de drapeaux.

Et ce sont des inscriptions

Vive l'armée,

:

République vive Félix Faure !

vive la France

!

vive la

le

champ

!

Ces enfants qui demain seront de véritables lions sur

de bataille, courent, s'entrecroisent en riant aux éclats, en échangeant des lazzis; on dirait une troupe de gamins en récréation ou trans-

formant

la «

grande cour

»

pour une

fête.

Cette insouciance du danger

futur est bien française. Hélas! cette joie rire

si frais,

si

jeunes,

s'ils

Combien de ces jeunes gens africaine

!

Combien ne

si

franche, ces éclats de

reconfortent l'âme,

ils

émeuvent

resteront-ils là-bas, dans la

aussi.

grande

île

reverront-ils plus cette terre de France qui

a été leur berceau et pour l'honneur de laquelle

ils

Mais bah! ceux qui tomberont verront toujours

vont mourir le

!

drapeau qu'on


MADAGASCAR

192

valeur donner

tricolore est enviable cela,

du

On prépare la

la salle

toilette

la

;

de l'étamine

ans on ne meurt pas

comme

de ce bon vieux sang français et

d'honneur du 121^ qui est divisée en deux parties salle

de réception,

la

;

seconde de cabinet de

décoration est faite avec des draperies en velours envoyées

du Rliône. On dresse une vaste tente entre

préfecture

la

les veines,

plis flottants

».

première servira de

par

et puis à vingt

;

on a du sang dans

cœur au ventre

«

de mourir sous les

et la gloire

champ de manœuvres

et les

bâtiments des

officiers; c'est là

le

que sera

servi le déjeuner offert par le président de la République.

La

tente est très élégante, avec ses tentures, ses guirlandes

des

;

cartouches et des cuirasses d'armes, des drapeaux et des pièces de

canon dont l'une, datant de Napoléon

du Petit Caporal

et

semble prédire

La population de Sathonay ne militaire, c'est la fête

mâts

s'élèvent,

de tout

le

au haut desquels

rappelle les glorieuses épopées

P"",

la victoire.

reste pas

monde

;

non plus

les

flottent des

Faure! Honneur au 200f

On

la

Une fête

maisons se pavoisent,

les

oriflammes tricolores des ;

arcs de triomphe s'édifient où, en frontispice, on

Sathonay au Président! Vive

inactive.

lit

ces inscriptions

:

République ! Honneur à M. Félix

!

pavoise partout, on enguirlande partout.

La

gare, cette pauvre

gare en bâti de bois, à l'aspect sale, est absolument transformée par les

drapeaux

et les fleurs, elle

semble sourire aussi aux

soldats.

Le

salon d'honneur est tendu de velours rouge, frangé d'or, gracieuse-

ment retenu dans

ses draperies par des cordons et des glands d'or;

des arbustes verts dans tous les coins et des écussons sur toutes les façades.

Les pioupious vailler

;

et les habitants

de Sathonay ne sont pas seuls à tra-

toutes les hautes personnalités militaires s'en mêlent,

et,

tour


MADAGASCAR

193

à tour, on voit dans le camp, inspectant, donnant les derniers ordres et

des avis,

le

gouverneur militaire de Lyon, gér

éral Voisin

mandant du corps expéditionnaire, général Duchesne

;

le

des troupes de marine de l'expédition, général Voyron;

;

le

com-

commandant le

comman-

dant de la division de cavalerie du 15" corps, général de Lignères;

commandant supérieur de

la défense,

adjoint, général Godefroy; le

Leroy;

le colonel

général Gras; le

commandant de

de Juffé, du 121";

le

commandant

la 51° brigade,

;

le

général

colonel Gillon, du 200"; le

colonel Bouguo, du 13" d'infanterie de marine; le colonel de

du régiment colonial

le

L'Horme,

colonel Iloudry, du régiment d'Algérie.

Tous

passent, vérifient et ne se retirent que satisfaits.

Tout est prêt. Les diverses délégations militaires qui doivent

assister

à la cérémonie arrivent; elles sont envoyées parle régiment d'Algérie, le 10"

escadron d'Afrique,

lerie, le génie, le train

le 40" bataillon

de chasseurs à pied,

l'artil-

des équipages, les deux régiments d'infanterie

de marine. Ces délégations comprennent chacune un colonel, un porte-drapeau, un capitaine, trois lieutenants, un sous-lieutenant, un sergent-major, un sergent, un caporal, trois soldats. lerie

De

plus, l'artil-

de marine envoie un capitaine et un soldat.

id



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m

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CHAPITRE XIV

X

La remise des Drapeaux :!: .^^

3aw; !' ar"i.v-

"^-^^

il'

,AVy;

I

^Pj .i'fù^

Paris, le président

delà République fran-

çaise s'apprête à

partir

M. Le Gall, directeur du cabinet,

1

mandant Bourgeois, l'Elysée

,

relatives

sont

descend iv*

mMm mmm

"irm

officier

partis

de

la

le

com-

maison militaire de

pour régler

les

dispositions

au voyage présidentiel.

Le 27 mars,

.M

pour Sathonay,

à dix heures précises, M. Félix Faure

l'escalier

de l'Elysée

;

deux landeaux s'avan-

cent, le président prend place dans le premier avec le secrétaire

Tournier et le

général de la présidence,

le

chef de cabinet

civil,

second landeau prennent place

le

le

général

M. Le Gall. Dans colonel Chamoin,


MADAGASCAR

196

les

commandants Bourgeois

Lombard. Les voitures sont escortées

et

par cent cavaliers de la garde républicaine en grande tenue de service.

Le

cortège, en tête duquel sont quatre trompettes et les deux officiers

commandant

le

s'avance le long de l'avenue Marigny, à

peloton,

travers la foule venue saluer le chef de l'État.

Arrivé à la gare de

dans de

le salon

même

Lyon

le

,

président de la République est reçu

d'honneur, tendu en reps vert, aux draperies de velours

MM. Noblemaire

couleurs, par

,

président du conseil de la

Compagnie; Regnoul, chef de gare; Picard, chef de

l'exploitation; de

Lamolère, inspecteur général; Lépine, préfet de police; Ribot, président du conseil des ministres

;

Hanotaux, ministre des

gères; Leygues, ministre de l'intérieur;

le

affaires étran-

général Ministre de la

guerre Zurlinden; l'amiral Besnard, ministre de la marine; Boisdeffre, chef d'état-major général;

commandant Germinet

et

le

le

général

commandant Moreau,

le

par d'autres personnalités civiles et mili-

taires.

Un

train spécial a été

République

et sa suite;

il

formé pour transporter est

salons réservés au président; et le

composé de onze voitures il

y prend place avec

commandant Bourgeois. Une

la guerre, le

marine,

Une

deux wagons-

général Tournier

les capitaines

Lamothe etBretaud.

Chamoin,

le

commandant Germinet, M. Le

et

Gall,

Blondelot et Richard.

autre voiture destinée au général Boisdeffre, au

Dantant

la

voiture lit-salon où prennent place le ministre de la

le colonel

les capitaines

le

:

de

voiture lit-salon pour le ministre de

commandant Lambert,

Une seconde

président

le

aux peintres Détaille

et Clairin qui,

duiront sur la toile, pour en perpétuer le

cérémonie à laquelle

ils

capitaine

certainement, reprosouvenir, l'imposante

vont assister.

Enfin, dans d'autres voitures de première classe, montent

MM. No-


C!

O "cl

<U

t3



MADAGASCAR

199

blemaire, de Lamolère, Picard, Ruelle, le personnel des services de la présidence, de la guerre, de la marine et de l'état-major général.

A

onze heures dix minutes,

le

train

s'ébranle.

M. Félix Faure,

entouré de toute sa maison militaire, se tient debout sur la plate-forme

du wagon pour saluer France

la foule

qui l'acclame aux cris de

:

Vive

la

!

A Sathonay, où le train présidentiel doit arrivera huit heures et demie, dès le jour la petite gare est envahie; les troupes qui doivent rendre les

honneurs prennent position. Tous quai

:

du Rhône, de

les préfets

général Voyron,

le

personnages

les

l'Ain,

député de Trévoux,

les

officiels

sont sur le

secrétaires généraux, le

etc., le

maire et

la

municipalité

de Sathonay et tous les ofïîciers supérieurs du corps expéditionnaire.

Les troupes de

A

la

huit heures et

garnison sont en tenue de campagne.

demie

le train est

annoncé;

la batterie d'artillerie

tire les salves.

Le

train entre en gare. Aussitôt le

maire de Sathonay s'avance vers

président et lui souhaite la bienvenue en ces termes

le

« « J'ai

Président,

municipal de Sathonay.

Soyez persuadé. Monsieur le Président, que nous sommes heureux

et fiers

de recevoir parmi nous

Le président

«

le

l'honneur de vous souhaiter la bienvenue et de vous présenter

le conseil «

Monsieur

:

a

répondu

Je suis touché,

le

chef de l'État.

le

Maire, des sentiments que vous

»

:

Monsieur


MADAGASCAR

200

m'exprimez

et suis

heureux de

me

trouver sur

le territoire

de votre

commune. «

Je sais de quels sentiments patriotiques est animée la population

de Sathonay. Elle

le

Je l'en remercie.

»

Un

prouve par l'accueil cordial qu'elle

fait à

l'armée.

ravissant bébé de sept ou huit ans vient à son tour souhaiter la

bienvenue par un petit compliment bien tourné puis vient

un autre chérubin,

tout rose, qui offre

et surtout bien dit

;

un bouquet en zézayant

quelques mots qui ressemblent à des baisers parlés.

Le président a

400. mètres à faire

pour

aller

au camp;

la haie, sur

tout le parcours, est formée par des soldats, venus de Lyon, qui pré-

On forme un

sentent les armes.

cortège composé de huit voitures dans

lesquelles prennent place ceux qui

Le landeau

accompagnent M. Félix Faure.

présidentiel, traîné par quatre chevaux, porte sur les

panneaux des portières deux écussons surmontés de

la croix

de la

Légion d'honneur entouré de guirlandes de branches vertes sur des drapeaux.

Au camp,

les troupes sont

rangées dans l'ordre suivant

:

200® régiment, de chaque côté, les différentes délégations.

En

face le

,

Aussitôt que le président a mis pied à terre, les drapeaux viennent se ranger auprès de lui

diatement

Pour

la

:

M. Félix Faure se découvre

et fait

immé-

remise solennelle.

le 200",

il

remet

le

drapeau au colonel Gillon; porte-drapeau,

lieutenant Blavier.

Celui du régiment d'Algérie est reçu par le colonel Oudri et le lieu-

tenant Vigarosi.

Le 13'

colonel Bourguie et le lieutenant Peltier reçoivent celui

régiment de marine.

du


MADAGASCAR

Enfin,

le

colonel de

Lorme

201

lieutenant

et le

Rauch reçoivent

le

drapeau du régiment colonial.

La remise des drapeaux terminée, face

aux troupes

président de la République

le

rendue plus vibrante par l'émo-

et d'une voix forte,

tion patriotique, fait cette proclamation

«

fait

Officiers, sous-officiers et soldats

:

du corps expéditionnaire

de Madagascar.

«

Au nom de

Patrie française, dont

la

il

symbolise l'unité et

la

grandeur, je vous remets ce drapeau. «

et

Ses couleurs sont connues dans les mers que vous allez traverser

dans

la

grande

île

africaine où vous allez protéger nos compatriotes,

défendre les intérêts du pays et imposer le respect de nos droits. «

Avec

génie de

l'autorité des la

France

;

montrer dignes de

armes, notre drapeau porte dans ses

plis le

vous ne l'oublierez jamais et vous saurez vous la

mission civilisatrice que vous confie la Répu-

blique. «

Au cours de

cette

campagne, vous aurez à affronter des

difficultés

sérieuses et à donner des preuves de courage, de discipline et d'en-

durance. «

Sous

le

commandement de vos

tous les sacrifices. péril et

Dans

aux heures de

les

chefs,

marches, dans

victoire,

vous serez à les

la

hauteur de

combats, aux heures de

en jetant un regard sur vos drapeaux

déployés, vous sentirez que la France est avec vous. a le

Nous vous suivrons avec

moment où vous

inscrirez sur ces

un premier nom glorieux

:

nous attendons avec confiance

fierté et

Madagascar

étendards, intacts aujourd'hui, !

»


MADAGASCAR

202

Aussitôt après cette belle allocution, les clairons sonnent au drapeau et la

musique joue

la Marseillsiise.

Le président

fait alors la

remise

des décorations qu'il attache lui-même sur la poitrine de ceux qui les reçoivent.

Les troupes vont

Le chef de

être passées en revue

l'État

monte en

voiture,

:

du cortège

suivi

et,

circule devant les troupes qui présentent les armes. la route,

Il

regagne ensuite

descend de voiture, toujours entoure du cortège

il

pour assister au

défilé

président et se place à

commencer

Le général Duchesne

:

ses côtés.

Le

défilé,

tire

officiel,

officiel,

réj)ée, salue le

musique en

tête,

va

:

Le 200°, formé en colonnes de compagnie,

«

cmhoite

» le

pas redoublé,

puis viennent les drapeaux avec leur garde d'honneur, les délégations

des autres effectifs du corps expéditionnaire, le 200" de ligne; enfin l'aumônier, les docteurs et les infirmiers.

La

foule,

pendant

cérémonie, compacte, enthousiaste, ne cesse

la

d'acclamer l'armée, la République,

le

chef de l'État.

Quel spectacle grandiose dans sa simplicité

empoigne

et fait

bondir

le

cœur dans

la poitrine

et quelle !

émotion

Ces vivats poussés

par une foule immense, ces frénétiques bravos, les roulements des

tambours, patriotique l'autre côté

Après le

le cliquetis

des armes, provoquent une véritable ivresse

dont les clameurs doivent satisfaire les héros qui, de

de la tombe, suivent

le défilé,

les soldats

la

France dans tous ses mouvements

regagnent leurs quartiers respectifs

président de la République va présider le déjeuner offert aux

ciers supérieurs.

!

et

offi-


MADAGASCAR

Le ministre de

la

guerre

le

remercie au

203

nom du

corps expédition-

naire de Madagascar.

C'est ainsi que s'exprime le général Zurlinden

Monsieur le président de

«

«

Au nom du

la

de

la

imposante de

si

République,

corps expéditionnaire et de l'armée, je vous remercie

respectueusement d'être venu présider cependant

:

la

la distribution

cérémonie

si

simple et

des drapeaux aux troupes

guerre et de la marine désignées pour la campagne

de

Madagascar. «

Votre

visite

au camp de Sathonay, jointe à

celles

que vous avez

déjà faites dans les casernes et hôpitaux militaires de Paris, jointe à

l'honneur que vous avez présidant

vous-même

fait

au conseil supérieur de

la

guerre en

ses séances les plus importantes, votre visite

d'aujourd'hui est pour l'armée

un précieux témoignage de votre

sollicitude. «

L'armée

vous répondra par

dévouement,

et elle

son

très

respectueux et entier

ne pourra mieux vous témoigner sa profonie

reconnaissance qu'en redoublant de zèle pour remplir complètement tous ses devoirs. «

Les

officiers et les

Madagascar

et

troupes qui vont se mettre en

dont vous venez de voir une partie défiler

route pour si

brillam-

ment devant vous, vous en fourniront bientôt des preuves. «

Tous

les

vœux de

l'armée, les souhaits du gouvernement et de la

République tout entière, suivront nos camarades au-delà des mers dans cette

île

qui est depuis longtemps une terre de France et où

vont rétablir l'ordre et

la paix.

ils


MADAGASCAR

204

« C'est

lève

mon

en leur nom,

comme en

celui

de toute l'armée, que

je

verre aujourd'hui en l'honneur de M. le président de la

République.

»

M. Félix Faure a répondu au ministre de

profondément touché

voici le texte et qui a

«

Mon

la

guerre par

les convives

le toast

dont

:

cher ministre

Je suis très touché des paroles que vous venez de prononcer et des

«

sentiments que vous m'exprimez au

nom

des troupes de la guerre et

de la marine désignées pour l'expédition de Madagascar. «

L'armée, sauvegarde et espoir de

la sollicitude

du gouvernement de

la

la patrie, est l'objet constant

République

et

de

la

de

nation tout

entière. «

de

En toute

circonstance, elle doit compter sur la sollicitude du chef

l'État. «

Personnellement,

de danger

et je

école du devoir, « Ainsi

je

reste

m'honore de

le

et

rappelez, le pays a, depuis vingt-cinq ans,

Elle

;

de son côté, l'armée a répondu

persévérera dans la voie du travail; elle

conservera ses belles traditions de valeur et de discipline la force nécessaire «

Le

virile

de l'honneur.

consenti tous les sacrifices pour l'armée à l'attente du pays.

appartenu à une heure

profondément attaché de cœur à cette

du patriotisme

que vous

lui avoir

pour assurer

la

;

elle

acquerra

paix par la grandeur de la Patrie.

spectacle imposant auquel nous venons d'assister ne laisse

aucun doute sur

la solidité

des belles troupes auxquelles la République

confie la défense de ses droits. Elles seront les dignes émules des vaillants équipages de la division navale de l'Océan indien et sous le


MADAGASCAR

commandement du général Duchesne, confiance

du gouvernement,

205

placé

sauront

elles

à

leur tète

par

la

nos légitimes

justifier

espérances.

Je lève

«

nom

mon verre en

l'honneur de l'armée et de la marine, et au

de la grande famille française, je bois à tous ceux de ses enfants,

soldats et marins qui vont au loin combattre pour l'honneur et les intérêts de la France. Je les confonds tous dans

une

même

pensée

affectueuse qui les suivra au-delà des mers. »

Après

les toasts, le président retourne

qui ont revêtu le costume colonial

de

mêmes

quitte

Sathonay salué par

lors de

son arrivée. Avant de partir,

les

;

il

au camp pour voir

là,

les soldats

se dirige vers la gare et

il

acclamations qui l'ont accueilli

a

fait

distribuer

une double ration

de vin et demandé que toutes les punitions soient enlevées.

Enfin voici l'ordre du jour que le général Duchesne adresse aux

troupes du corps expéditionnaire

« Officiers,

«

Au moment

tête, je tiens à

par

me

le

:

marins et soldats,

de quitter la France pour aller

vous dire d'abord combien

gouvernement de

la

me

je suis fier

mettre à votre

d'avoir été choisi

République pour vous commander. Vous

connaissez de longue date. Beaucoup d'entre vous ont servi avec

moi en Afrique, au Tonkin, à Formose. De mon les excellentes

troupes qui

me

sont confiées

troupe de la marine et de l'armée de terre,

:

côté, j'ai

officiers et

j'ai

vu à l'œuvre

hommes

de

confiance en vous et

vous savez que vous pouvez compter sur moi. «

La campagne que nous allons entreprendre

sera peut-être pénible

;


MADAGASCAR

206

j'estime qu'elle peut et doit être courte.

Vous saurez opposer

à nos

adversaires, à la maladie, aux privations, les habitudes d'une forte discipline, la vigilance l'action, l'énergie «

Toutes

dans

le

service, la sûreté,

vous prémunir contre

la fièvre

;

par l'expérience sont prévues pour

vous y aiderez vous-même en vous

conformant aux règles de propreté et d'hygiène

et

en prenant scrupu-

remèdes préventifs qui ne vous seront pas ménagés.

leusement

les

Chacun y

veillera

«

vigueur dans

physique et morale.

les précautions dictées

commandée

la

dans sa sphère. Pour moi,

troupe la mieux

la

sera celle qui aura le moins de malades.

Le gouvernement vous envoie

à Madagascar pour faire respecter

nos droits méconnus, y établir l'ordre et développer dans cette laquelle tant de souvenirs nous rattachent, les

germes de notre

île

à

civili-

sation qui y ont été jetés depuis longtemps. «

Dans vos rapports avec Malgaches sont, tous,

les

les indigènes,

les

vous n'oublierez jamais que

protégés de la France

leurs personnes, leurs familles et leurs propriétés.

;

vous respecterez

Ceux

d'entre eux

qui se présenteront pacifiquement à vous devront être reçus en amis. «

Ceux même que vous aurez combattus devront, une fois désarmés,

être traités avec justice et avec douceur. Si je suis décidé à ne tolérer ni

abus de la force ni violence de

habitants indigènes de établis, à

me

l'île

la part

de mes soldats vis-à-vis des

et des étrangers qui

y sont régulièrement

montrer bienveillant pour tous et à récompenser

les

services que les uns et les autres pourront nous rendre, je n'hésiterai

pas davantage à punir, selon la gravité de la faute et au besoin avec tDute la rigueur des lois militaires, ceux qui ne respecteraient pas

notre drapeau, le trahiraient ou tenteraient de résister au légitime exercice de

mon

autorité.

Que chacun

s'en tienne bien

pour

averti.

»


MADAGASCAR

C'est bien là le noble et le

207

beau langage du

soldat, c'est bien là aussi

sentiment français que nous confirmons dans notre préface. Le

général Duchesnc se préoccupe beaucoup du côté' humanitaire,

ordonne

le

respect des ennemis vaincus,

bons traitements,

il

qu'il faut la faire

aimer

que

l'on retrouve

dit

il

bien que la France ;

c'est toujours la

chez tous les Français.

£^S

commande pour eux fait

œuvre de

même

il

les

civilisation,

pensée dominante



A

5,

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CHAPITRE XV

; Le Matériel de guerre. Le Départ.

œ

.^^ A Madagascar

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M. A*

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-rtrfYîrr--

^*?/î>

"es

'^\l

troupes et le

matériel partent

pour

':<S;^

^ladagascar dans l'ordre suivant

Le 29 mars,

'M

le

Cachemire^ de

pagnie nationale, ayant à bord 4 I

M

:

la

Com-

officiers supérieurs,

/'1'

42 officiers, 61 sous-officiers, 986 soldats et caporaux.

// v^Jf

-^'tîii

Le matériel chargé sur

ce transport comprend, en

dehors de 28 chevaux et 73 mulets, 410 quintaux de farine, 42

de

sel,

280 de

riz,

23 de haricots, 42 de sucre,

225 hectolitres de vin, 36 hectolitres de

tafia,

28 caisses

de thé, 3,504 caisses de conserves, 12 prélarts, 2 fours démontables, tures,

2'i8

165 colis d'appareils divers, 100 voi-

caisses

de

harnachements,

88 caisses

•^ïïi

'-V.

B%i-^ 52?^-

d'armes, 2 mitrailleuses, 374 caisses de cartouches. 14


MADAGASCAR

210

Le 30 mars,

la Californie^

de

Compagnie des Chargeurs-Réunis,

la

quitte le port de Marseille, avec 3 officiers,

sous-officier, 123

caporaux

mulets et 455 tonnes de matériel et denrées.

et soldats, 2 chevaux, 68

Le

1

31 mars, V Egypte, appartenant à M. Salles, avec 13 officiers,

20 sous-officiers, 672 soldats de la guerre et de la marine, 77 chevaux, 460 mulets, 1,280 tonnes de matériel.

Le

l"""

avril, le

Liban, de la Compagnie Fraissinet, avec 22

officiers,

46 sous-officiers, 773 caporaux et soldats, 30 chevaux, 40 mulets.

Le même jour,

le

Canton, de

la

Compagnie nationale, avec 5 officiers,

238 soldats, 4 chevaux, 413 mulets, 160 voitures et 800 tonnes de matériel.

Le Rios,

6 avril, le

Chandernagor, à

la

Compagnie nationale

aux Chargeurs-Réunis, avec 42

officiers,

34

et l'Entre'

sous-officiers,

417 soldats, 267 chevaux, 315 mulets et 3,400 tonnes de matériel.

Le

12 avril, le général

Duchesne

et

son état-major prennent passage

sur Vlraouaddij, des Messageries maritimes

pagnie nationale,

le suivra

avec 70

;

le

Cachar, de

la

officiers, 71 sous-officiers, 1,090

Comcapo-

raux et soldats, 59 mulets et 1,500 tonnes de matériel.

Le RiO'Negro, des Chargeurs-Réunis, bord

la

part le

môme jour

1" compagnie du l" bataillon du 200", avec 25

ayant à officiers,

23 sous-officiers, 699 soldats, 89 chevaux, 141 mulets et 1,000 tonnes

de provisions diverses.

La Dordogne, des Messageries maritimes,

part

le

13 avril, ayant à


MADAGASCAR

bord 10

211

571 sous-officiers, caporaux et soldats, 6 chevaux,

officiers,

450 mulets et 2,000 tonnes de matériel.

Le

14 avril, le Tigre, appartenant

aux Messageries maritimes, avec

34 officiers, 43 sous-officiers, 747 caporaux et soldats, dont une fraction

du 200^

Le

17 avril, la Caroline, des Chargeurs-Réunis, avec 50 officiers,

8 sous-officiers, 60 soldats, 400 mulets, 1,500 tonnes de matériel de

guerre.

Le

19 avril, VUrugusiy, des Chargeurs-Réunis, avec 38 officiers,

60 sous-officiers, 1,128 caporaux et soldats, dont le 2^ bataillon du 200® et 1,000 tonnes de matériel divers.

Le Chàteau-YqueDi, des Chargeurs-Réunis,

part le 20 avril, avec

75 officiers, 60 sous-ofïiciers, 840 caporaux et soldats, les états-majors

de

la 2^

terie,

brigade et du 13^ d'infanterie,

le l^' bataillon

du

13^ d'infan-

20 chevaux, 137 mulets.

Le Paraguay de ^

avec 30

la

même Compagnie

de navigation, part

le

21 avril,

65 sous-ofïiciers, 1,150 caporaux et soldats, y com-

officiers,

du

pris le 3^ bataillon

200^, 1,000 tonnes de matériel.

Le Massilia, de M. Cyprien-Fabre,

le

même

jour, avec 11 officiers,

438 sous-officiers et soldats, 44 chevaux, 230 mulets,

1,300 mètres

cubes de matériel de guerre.

Le Thibet le

et

l'Amërique, de

24 avril, avec

1

la

Compagnie

officier supérieur,

Fraissinet, partent

12 officiers,

74 sous-officierSj


MADAGASCAR

212

970 caporaux

et soldats,

105 chevaux, 345 mulets et 1,200 tonnes de

matériel et de provisions.

Le Berry, de

Société Générale, le 25 avril,

la

avec 8

officiers,

21 sous-officiers, 1,020 caporaux et soldats, 220 mulets, 175 tonnes

de provisions.

Le Maroc, appartenant

à M. Verdeau, le 27 avril, avec 7 officiers,

12 sous-officiers, 100 caporaux et soldats, et 187 mulets.

Le Foulah, de avec 4

la

Compagnie de

officiers, 4 sous-officiers,

l'

Afrique-Occidentale, le 29 avril,

89 soldats, 182 mulets, 1,500 tonnes

de provisions.

L'Anaio^e, appartenant à M. Paquet,

le

30

avril,

avec 9

officiers,

148 sous-officiers, caporaux et soldats, 199 mulets et 1,800 tonnes de

matériel de guerre.

Enfin, le

l*^""

et le 2 mai, le

Vercingétorix, de

ayant à bord 16

MM.

Canan'as, des Chargeurs-Réunis, et

le

Caillaux et Saintpierre, quittent la France,

officiers,

20

sous-offiiciers,

205 caporaux et soldats,

740 mulets et 2,300 tonnes de matériel et de provisions.


^ Général

METZINGER, Commandant

la_

première brigade



MADAGASCAR

215

A MADAGASCAR

Nous

allons quitter la

France pour nous transporter à Madagascar

et voir ce qui s'y passe.

Ainsi

guerre

que

le dit

général Duchesne, tout

le

ne saurait être

longue.

prévoir que la

fait

gouvernement prend des

Si le

précautions aussi grandes, c'est qu'il est sage et qu'il veut être, sur place, en

mesure de

être prévues.

ment

Les Hovas,

réduits; leur

à des

face

faire

la

chose

éventualités qui ne peuveut

seront prompte-

est certaine,

armée de 30,000 hommes, peut-être moins,

n'est

pas en mesure de résister à nos 15,000 braves qui, sous la conduite d'un chef aussi distingué que le leur, peuvent faire des merveilles.

Les mauvaises chances

qu'il faut le plus

les fièvres, contre lesquelles

accessibilité les

du

on ne

lutte pas avec des

Cependant,

terrain.

considérer pour nous sont

si

aux autres peuples,

ils

ils

et les défections qui

armée en sont une preuve. Quant

sont en partie avec nous

Ilovas leur est lourde et

l'in-

nous avons peu d'amis parmi

Hovas, ceux que nous y avons restent fidèles

se sont déjà produites dans leur

armes, et

;

la

domination des

voient avec joie notre expédition qui les

soustraira au joug arbitraire

d'un gouvernement

fait

d'ignorance,

d'autorité violente et surtout d'inhumanité.

Ou

les

Hovas resteront dans

le

Nord, et alors l'expédition sera rapi-

dement terminée, en tenant compte,

toutefois, de l'interruption forcée

qu'occasionnera la saison des pluies, car dès qu'il pleut, les terrains


MADAGASCAR

216

déjà

difficiles,

deviennent absolument impraticables à cause de la

nature du sol argileux qui se détrempe. le

Ou

alors

se réfugieront vers

ils

Sud. Dans ce cas, ce sera beaucoup plus long et surtout très pénible,

cette partie de la victoire

l'ile

étant en grande partie inconnue. Quoi qu'il en soit,

nous restera;

c'est

une question de temps. Toutes

positions sont bien prises; on voit, par l'énumération

que nous venons de

faire,

que tout a été prévu hélas

!

mais

les

et

que d'autres suivront

et

des départs s'il

y a

lieu,

nous reverrons, sinon tous nos soldats,

drapeaux qui leur ont été remis par

République revenir, ainsi que M. Félix Faure leurs plis entourés de lauriers le

mot

:

le

président de la

prédit, portant dans

l'a

Madagascar

!

Les aventuriers qui encadrent l'armée des Hovas, les

les dispo-

s'ils

possèdent

connaissances techniques des choses militaires, n'ont pas

sacré du patriotisme qui anime nos soldats. Tenus quand

suspicion par la cour, ce qu'ils n'ignorent pas, instant abandonnés par la nation à laquelle retireront, et alors ce sera la

ils

s'ils

même

en

sont un seul

appartiennent,

débandade générale chez

le feu

les

ils

se

Hovas qui

n'entreprennent cette guerre que parce qu'ils se croient soutenus par ailleurs, ils espèrent, à

quels s'opposent les

un moment donné, des secours

convenances

à l'envoi des-

les plus élémentaires des relations

nationales. D'ailleurs, les sentiments qui agitent la cour et l'aveuglent

de provoquer un

conflit

où peut crouler

le

au point

trône de Ranavalo, sont de

nature à troubler la direction de l'armée des Hovas.

Le premier ministre du pouvoir à son bon

déteste la reine sa plaisir,

il

femme quoique ;

jalouse la qualité qui

le

disposant

donne, et ses

pensées sont bien connues do la reine. Naturellement les courtisans

forment deux partis que des ambitions diverses .alimentent. guerre pour la défense du territoire,

il

y a

S'il

y a

lutte entre les chefs


MADAGASCAR

pour

la

conservation ou l'accaparement du pouvoir. Ce sera

cause du désordre,

Les

217

la

si

hostilités sont

la

France n'a aflirmé son prestige avant.

commencées

nos soldats ont remporté

et déjà

des victoires.

Le gouvernement hova

a,

soutenir la lutte, et la reine

un manifeste dont

«

«

«

fait

un appel aux armes.

voici le texte

Elle lance d'abord

:

Malgaches!

Quand mes

disaient

de son côté, pris des dispositions pour

ancêtres

enrôlaient les

alakarao,

soldats

leur

ils

:

Vous

resterez cinq ans dans le service militaire, et lorsque ce

temps sera écoulé, on vous remplacera par vous ayez été remplacés, lorsque

le

que

d'autres. Mais, bien

royaume aura besoin de vous,

il

y aura un signal sur chaque montagne et vous pourrez comprendre

que vous êtes appelés à revenir. Selon vous avez été remplacés suis

vous êtes revenus des

et

une reine qui ne trompe jamais

!

de mes ancêtres,

les paroles

civils

Aujourd'hui,

menacé d'une guerre parla France; en conséquence,

le le

parce que je

royaume

est

drapeau rouge

sera hissé sur les douze montagnes le jeudi 13 du mois d'adalo (janvier), afin

que vous, volontaires alakarao et fanevemana, puissiez vous

assembler et revenir dans votre ancienne condition. «

elle

Ce

n'est pas

moi seule qui

m'appartient avec

personne (soldats ou sol,

toi,

civils)

ô

ai la responsabilité

mon

peuple!

et,

de ce royaume;

par conséquent,

il

n'est

qui ne doive se lever pour protéger notre

une bonne chose qui nous a été donnée par Dieu «

!

Ravanalo Manjaka.

»


MADAGASCAR

218

Le premier ministre faut autre chose où

montrer l'époux

il

au peuple

il

;

lui

à son tour, affirmer son autorité, se

puisse,

et le maitrc.

ordonne une convocation générale du peuple à un grand kabary

Il

n'est pas satisfait de cet appel

il

prendrait la parole.

Cette assemblée extraordinaire a lieu quelques jours après

le

message

royal.

La

reine, en

grand costume, se tient debout sur une estrade que

surmonte un dais; à côté

Le premier ministre un

;

puis une épée nue.

se tient à quelques pas d'elle aussi

serviteur,

portant une

immédiatement placé derrière

La séance

sur une table, sont placés un grand

de métal, c'est la Bible

livre, à coins

costume;

d'elle,

lui.

pique

et

un

Le peuple entoure

est ouverte par des prières dites

pour

en grand

bouclier,

est

l'estrade.

la souveraine, les

devins font des évocations d'esprits, les conseillers débitent des injures contre la France.

Comme

l'usage ne veut pas que l'on approche la reine sans lui

donner, les tribus présentes font leurs offrandes en argent et en

Quand redit,

en

ces formalités sont remplies, la reine prend la parole; elle le

paraphrasant, son ajipel au peuple, s'étend longuement

sur sa bonté, la franchise de son

coup,

comme

amour pour

ses sujets. Puis, tout à

grisée par ses propres paroles, elle s'empare de l'épée,

qui est près de la Bible, et, en l'agitant avec frénésie, elle s'écrie

a

Peuple, tu

me

suivras

;

qu'une femme, mais je saurai retrouver

mon royaume.

»

:

peuple, tu auras le courage et la volonté

de défendre ce sol que Dieu m'a donné aussi bien qu'à

défendre

or.

la

valeur de

toi.

Je ne suis

mes ancêtres pour


MADAGASCAR

Puis s'adressant à son armée, elle

fait

219

aux soldats mille compliments

sur leur adresse, leur force, leur courage; elle s'étend longuement sur

leur

belle

physique

attitude

les

compliments,

pour^avcnir

et,

présente la France

elle

va

jusqu'à s'extasier sur leur beauté

!

Après rantes,

et

passe aux promesses les plus rassu-

elle

naturellement, pour stimuler le patriotisme,

comme un

obstacle à la réalisation de ces

promesses.

A

ce

clier et et,

moment, de

la

le

premier ministre intervient; s'emparant du bou-

pique que portait son serviteur,

brandissant l'autre au-dessus de la tête,

furieux auprès de la reine «

Au nom du peuple

ment de défendre Puis,

il

il

il

passe l'un à son bras,

se précipite

:

tout entier qui m'approuve,

la patrie et d'en

moi

chasser les Français.

son discours, discours méchant, rageur,

fait

en déclarant que tout

le

comme un

monde

je fais le ser»

qu'il

termine

l'approuve.

C'est surtout à la reine que s'adresse Rainilaiarivoni.

Il

lui

pré-

sente d'abord une pièce d'argent entière en signe de joie et appelle

sur elle les bénédictions du

ciel, lui

souhaite un long règne; ill'assure

de l'amour de son peuple et du sien en particulier.

Nul n'ignore parmi et le

les

Malgaches

premier ministre, son mari, qui

jalouse son prestige; rien n'est

pour

l'inimitié qui divise la souveraine

le

la

domine de son autorité

moins certain que

cet

et

amour du peuple

chef de l'État dont la tyrannie l'accable, et malgré cela on

applaudit.

Le moyen,

l'opposition est

si

de

faire

autrement dans un pays où

sévèrement punie.

— Votre Majesté, ministre,

d'ailleurs,

que Dieu bénisse,

Nous n'en dirons pas

long.

ainsi parle l'armée, s'écrie le


MADAGASCAR

220

Et

déclare que la couronne

il

parce qu'elle

comme

n'appartient

qu'à

sa

souveraine,

a été transmise par les ancêtres et que le peuple,

lui

l'armée, est là pour conserver cette couronne et défendre lo

royaume.

Après une longue diatribe contre

continue

Sur notre

France, où les Français sont

provoque de frénétiques vociférations,

fustigés d'importance, ce qui le ministre

la

:

fidélité

à votre couronne et votre pays, et surtout en

présence des tentatives faites par la France, nous jurons à Votre Majesté qu'elle peut se reposer sur Nous, sur son armée et ce que

nous disons

est la vérité, ô reine

couronne

pour

Enfin,

et il

!

Nous perdrons

termine en assurant la reine du concours des étrangers,

sacramentel

?

ô peuple

Les chefs des tribus sont la reine et

Tous

qui leur est

la

respectent et par le

:

Est-ce bien ainsi

jurent.

pour votre

le pays.

nous allions dire des Anglais, qui l'aiment,

mains de

la vie

!

ô

armée

!

invités à prêter aussi

sur la Bible ouverte

les assistants jurent

avec la

ils

;

serment entre

défilent

même

les

docilement et

habitude de faire ce

commandé, mais ne mettant pas plus de

franchise dans

leur acte que n'en ont mis les maîtres dans leurs emphatiques discours.

Un

kabary militaire est aussi tenu sous

la

présidence du premier

ministre, qui y réédite son discours et la scène du bouclier et de la sagaie.

Après

lui,

le

prince Ramaliatra et plusieurs officiers prennent la

parole et les serments de défendre le sol et de mourir se renouvellent.


MA1>AGASCAR

?-21

— Longue vie à Votre Majesté, déclame maladie

et

ignore la

le prince, qu'elle

conserve l'amour de son peuple.

Nous, votre armée, qui avons reçu vos remerciements l'admiration du peuple, tout ce que nous

sommes, nous

gagné

et

devons à

le

notre chef, votre premier ministre.

Nous

le

conserverons, cet

commandement

homme,

qui arrang9 tout bien pour son

de com-

et traduit bien les expressions étrangères

mandements en notre langue. Ce

qu'il fait est très

Que Dieu vous

bien

fait et

nous en informerons Votre Majesté

:

bénisse, soyez chérie de votre peuple.

Et vous premier ministre

et notre

commandant,

vous

pouvez

compter sur nous, votre armée, pour accomplir vos ordres. Nous, votre armée, nous vous obéirons,

même

s'il

y a des ordres

qui exigent que l'on meure, nous les accomplirons.

Est-ce bien ainsi? ô soldats?

Pendant ce temps, nos troupes s'emparent de Majunga,

mandant Bien-Aimé adresse aux populations de Madagascar mation suivante

«

c(

Le gouvernement du

traité

1885, avec la reine «

Trompée par

laiarivoni, qui

com-

la procla-

:

Peuple de Madagascar

l'observation

et le

français n'a

!

pu obtenir par des voies pacifiques

de protectorat

qu'il avait signé, le 17

décembre

Ranavalo IIL

la politique fallacieuse

non seulement

du premier ministre Raini-

n'a pas tenu son

engagement de

avec bienveillance les Sakalaves et les Antokares, mais les

a,

traiter

au con-


MADAGASCAR

222

traire,

molestés en massacrant les plus dévoués, la France,

émue de

vos souffrances, reprend aujourd'hui ses droits et vient à votre secours. «

et

Vous pouvez compter sur son appui. Venez franchement à nous,

vous trouverez, à l'ombre de notre pavillon, aide «

Vos mœurs, vos usages,

priétés, vos «

la

femmes

les

tombeaux de vos

et protection.

ancêtres, vos pro-

et vos enfants seront respectés.

Aucun de vous ne

sera enlevé de force de son village pour faire

guerre. «

Ceux qui nous

aideront,

comme

travailleurs

ou porteurs, ceux

qui vendront leurs bœufs ou toutes autres provisions, seront régu-

lièrement payés. «

jour,

Le régime de

tyrannie, sous lequel vous avez vécu jusqu'à ce

sera remplacé par

un régime de

liberté.

Venez à nous avec

confiance et après nous avoir aidés à secouer le joug qui vous opprime

vous jouirez des bienfaits de

la paix et

vernement de la République qui vous Il

fait

est décidé à faire tous les sacrifices

Toujours

le

même

de

la civilisation. C'est le

ces promesses par

pour

gou-

ma bouche.

les réaliser. »

esprit d'amour, de bienveillance et d'humanité;

toujours la France dans ces proclamations, nous l'avons déjà vu dans les discours

transcrits

du président de

la

République et des

officiers supérieurs,

précédemment.

Les Malgaches ne sont pas habitués à entendre un il

ne faut pas s'étonner

s'ils

do méfiance. Habitués à par leur gouvernement,

;

ne l'acceptent qu'avec une arrière-pensée

l'injustice et à être conduits

ils

pareil langage

à coups de bâtons

ne peuvent croire tout de suite à la sincérité

de la main qui se tend amicale vers eux pour les secourir.

Les victoires que nos troupes ont déjà remportées, où

les

ennemis

ont perdu beaucoup des leurs, doivent faire méditer les Hovas. Consi-


MADAGASCAR

comme impuissants à

dérés par eux

mer,

ils

se sont bercés de l'illusion

côtes, c'est-à-dire pas

223

combattre autrement que par

les

que nous n'irions pas au-delà des canons de nos

plus loin que la portée des

navires. Ils doivent voir maintenant

combien

ils

se trompaient, et s'ils

n'ont pas encore le regret de s'être engagés dans cette guerre, ces

regrets pourraient bientôt venir.

que voyant nos troupes s'avancer, ministre, ne

En

ne serait mêïie pas impossible

Il

la reine,

et surtout

le

premier

demandent à entrer à composition.

attendant, les

Hovas incendient

points occupés par les Français;

les villages

dans

de cette façon, les

détruisent,

ils

les environs des

établissements que les Européens ont abandonnés.

Le premier pour

le service

être aussi

ministre compte sur

passage des bateaux anglais

le

de sa correspondance avec Londres,

pour autre chose

;

il

y compte peut-

dans son entourage

les protestants qui sont

renforcent ces espérances.

Les colons ne sont plus en sûreté nulle part

;

la

cour a cependant

promis de les protéger, mais cette promesse est sans valeur aucune; à l'intérieur, les Hovas les pillent et les tuent.

parmi lesquelles M. Charles Sornay,

le

Déjà on compte des victimes, fondé de pouvoirs du plus

ancien colon, et d'autres. Aussi la population étrangère abandonne-telle ses

établissements pour venir sur les côtes chercher un refuge.

Ranavalo Manjaka, qui ne se montrait que laissait point

de

la terre

approcher, parcourt maintenant la

rarement

ville,

et

ne se

parlant à tous

de ses ancêtres et incitant son peuple à prendre les armes

pourchasser

les Français qui, dit-elle,

toire et oppresser les

que valent

très

les

viennent s'emparer du terri-

Malgaches. Heureusement que Ton

paroles de la reine et ses sujets

accordent qu'un crédit très limité.

Malgaches qui habitent

l'ile

et

En dehors

même

sait

bien ce

eux-mêmes ne leur

des Hovas, la plupart des

une fraction de ceux qui

rési-


MADAGASCAR

224

dent àTananarivc, attendent les Français

comme

des libérateurs. Les

indigènes qui se sont enrôlés dans notre armée nous ont déjà donné

des preuves de leur dévouement en combattant avec beaucoup de vaillance les soldats de la reine. Cette attitude secondera les efforts

de

la

France qui vaincra

les rebelles et leur fera connaître,

malgré

eux, les bienfaits de sa civilisation.

Toutes

les

cérémonies royales, où

imprécations s'entrecroisent

les

avec les serments les plus terribles, pourraient faire croire à une levée de héros prêts à mourir pour une cause sainte révolte

de gamins

ou

une

à

mal élevés voulant exterminer professeurs

et

maîtres d'études.

Les extravagances

les

moins vraisemblables y sont souvent criées

entre deux hoquets provoqués par l'ivresse.

En monts

attendant que

« le

sang des Français

et laisse l'ineffaçable

fertilise la plaine et les

empreinte rouge de leur défaite sur

terre des ancêtres », les liqueurs fortes coulent à flots, le les

rhum

la

chauffe

enthousiasmes, exalte les esprits. Dans l'ivresse des rêves alcooli-

ques, les Malgaches voient Ranavalo Manjaka en une resplendissante

auréole de laurier et de myrte.

L'État

fait

La parade

des dépenses énormes en consommation de rhum. royale est une véritable folie

sont les travaux des

sir

Wilson,

sir

;

ce qui est plus sérieux, ce

Graves et autres seurs.

Ils

n'accordent aux orgies oratoires que juste le temps nécessaire à l'explosion de l'enthousiasme

;

leur attention se concentre ailleurs de

façon plus utile.

Des

ateliers ont été improvisés par ces auxiliaires où,

direction,

sous leur

on fabrique des cartouches en quantité énorme. On possède

dans ces ateliers des machines pour

la confection

des douilles,

le


MADAGASCAR

225

matériel nécessaire pour la fabrication des armes et de tous les engins

de

Les indigènes

guerre.

direction

d'hommes de

sans discontinuité,

travaillent

sous la

nationalité anglaise ayant les connaissances

techniques.

Ceci est autrement sérieux et ne laisse pas de faire naitre certaines

appréhensions.

Les journaux anglais de Tananarive exultent en calomnies odieuses contre la France

mensonges

les Français. Ils

et

et d'infamies

ments, de pousser

la

ne craignent pas, à l'aide de

qui sont la base de leurs meilleurs argu-

population aux excès les plus blâmables. Les

brutes qui les lisent ou auxquelles on les

lit

applaudissent sans trop

comprendre. Voici, à titre de article publié

«

Et

si

par

spécimen de cette belle prose,

le

News Madagascar

:

l'étranger, le Français maudit, venait,

tacles dressés sous leurs pas,

jusque sous

les

murs de

s'ils

7iotre

malgré tous

les obs-

venaient, ce qu'à Dieu ne plaise, inviolée

plutôt que dé la laisser souiller, à la livrer

Pour peu,

d'un violent

la fin

les singuliers écrivains

capitale, n'hésitons

aux flammes.

pas,

»

de ces articles recommanderaient

de badigeonner au pétrole les habitations pour être prêtes à l'incendie lorsque les Français arriveront au pied de la capitale.

Ces sortes de conseils ainsi donnés sont exécrables sement, on leur accorde un certain crédit,

et

ils

;

malheureu-

entretiennent les

colères. 15


MADAGASCAR

226

Nous devons consigner,

vœux pour

anglaise fait des être

toutefois, le

qu'une fraction do

la

colonie

succès de nos armes; cela pourrait

une compensation morale. Mais ce sont

simplement des vœux

formulés par des commerçants qui ont probablement peur de voir ruiner leur commerce.

Un

parti de la paix

breux, mais

il

règne à Madagascar

;

il

est encore

augmente avec l'approche de nos troupes

admettre dans

peu nomet

on peut

choses possibles l'explosion de la révolte inté-

les

rieure provoquée par les mécontents.

Le général Duchesne mencer

l'action.

En

n'a pas attendu la fin des travaux pour com-

effet, la

construction des ateliers de la marine,

des chaloupes fluviales destinées au transport des troupes jusqu'à

Mevatanana ne se

réalise

Attendre encore,

que

très lentement.

c'était peut-être

compromettre

les

plans élaborés

par les généraux, dans tous les cas, les soumettre à des modifications regrettables.

Il

a passé outre.

Nos colonnes sont

parties par la voie de terre. Malgré ce surcroit

de fatigues et de dangers imposé à nos vaillants troupiers, ceux-ci

bravent tout avec un courage admirable

;

franchissent les routes

ils

malgaches précédés des pionniers

et

de faire disparaître les plus grosses

difiîcultés.

Les endroits

des ingénieurs qui s'efforcent

les plus pénil)les qu'il a fallu franchir sont situés

Sud de Maoravay;

il

n'y a là

que des marais

et

au

des plaines maréca-


MADAGASCAR

227

geuses et ce n'est pas impunément qu'ils ont été traversés; beaucoup

y ont gagné des maladies. Quelques-uns y ont trouvé

Ces considérations n'arrêtent rien

et surtout

la

mort.

n'empêchent pas

le

succès.

Les

Ilovas, surpris par la promptitude des attaques de nos troupes,

par cette activité prodigieuse à laquelle

monde

ils

ne sont pas

le

moins du

habitués, fuient devant elles.

Les formidables lignes de défense élevées

le

long du

Kamous

et

de

Betsiboka, jusqu'à Ampahiribé et au confluent des deux rivières,

la

leurs

camps retranchés

marche en avant.

A

et leurs fortis, sont impuissants à arrêter la

peine tentent-ils de barrer

la route,

ils

recon-

naissent vite leur infériorité et cherchent le salut dans la retraite.

ne supposent pas que nos soldats aient les

montagnes de l'Imérina

et notre

de les suivre dans

la hardiesse

audace

Les soldats hovas, sans en excepter leurs coup plus de conserver leur vie que de

Ils

les déconcerte.

oHiciers, se soucient beaulutter

ils

;

désertent en

masse.

On a

déjà parcouru plus de 200 kilomètres dans le pays ennemi

un véritable prodige, surtout

si

l'on considère

;

c'est

que cette partie de

la

route est la plus insalubre, sinon la plus hérissée d'embûches.

La

prise la

plus importante qui a encore été

faite est

celle

de

Mevatanana.

Le

6 juin,

le

bataillon de

la légion

étrangère

,

soutenu par

la


MADAGASCAR

228

15® batterie d'artillerie et la

cannonnière Bva.ve a passé de force

Betsiboka. Les troupes continuent le les

Hovas essaient

mouvement devant Mevatanana

la résistance, l'action est

deux batteries braquent leurs bouches obus allongés. Affolés, se laissent prendre

La

les

et lancent sur l'ennemi

deux

retraite en désordre

et

rapide.

tir

ville est prise.

Suberbieville, qui vient après, est prise de cité,

;

fortement engagée. Enfin,

Hovas battent en

deux canons à

la

comprend de cinq à

six cents habitants

de nos compatriotes, M. Suberbie; de Elle est

;

le

même.

elle

bord de l'Ikopa,

elle

a été fondée par un

nom

un centre industriel d'une importance

Cette dernière

de Suberbieville. Placée au

relative.

comprend de nombreux établissements, notam-

ment une Compagnie de mines

d'or qui vient d'être

récemment

consti-

tuée et dont les travaux sont à peine commencés. Avant la guerre, Suberbieville n'était pas occupé militairement. la déclaration

nison dont la

de guerre que

le

Ce

gouvernement y a

composition vient de

n'est

que depuis

établi

une gar-

disparaître sous l'attaque des

Français.

11

le

est certain

même

que

le

corps expéditionnaire avancera toujours avec

succès vers Tananarive.

Il

a atteint maintenant les régions

saines et la santé étant excellente parmi nos soldats, les victoires n'en

seront que plus faciles.

On ne murs de

rencontrera une résistance réellement opiniâtre que sous les la capitale.

Il

semblerait

même

que

les défaites

des places

défendues ne sont qu'une tactique pour nous donner une confiance


MADAGASCAR

illusoire et

nous empêcher de prendre

les

229

mesures nécessaires

à

une

opposition suffisante contre les forces concentrées à Tananarive. Si c'est

laiarivoni

pas contre

une tactique,

comme

elle sera

déjouée

;

les canailleries

de Raini-

de ses conseillers d'Outre-Manche né prévaudront

le talent et la

valeur militaire de nos généraux.



^^1^

CHAPITRE XVI

V,N

Le trajet du Corps expéditionnaire

^^-«^ «^•.

ïi

m

route que devront suivre nos soldats à

'a

Madagascar a été tracée à

'm

l'instigation d'un

prêtre, le Père Roblet. Cet ecclésiastique

connaît parfaitement

troupes

le

le

pays

et

il

chemin le plus long, mais

et surtout le

a choisi pour nos le

plus praticable

moins exposé aux embûches perfides de

nos ennemis, enfin

le

moins malsain. La religion

contribuera ainsi au succès de nos armes.

"^

Voici,

M

quel est aller

(1)

^-i^^^

'J^^^-^t*^

d'après les

\^ le

documents

les plus récents

(1),

chemin que doivent suivre nos soldats pour

de Majunga à Tananarive. D'après

le

M. d'Anthoiiard,

Père Roblet, etc.

le

Père Collin, M. Grandidier,


MADAGASCAR

232

route monte vers le plateau d'Émyrne, accidentée, irrégulière,

La

comme au

hasard. Son parcours pierreux traverse des sites sauvages

et pittoresques

elle

;

rampe rapide sur des monticules,

broussailles et des rochers, redescend, en

un

même

à travers des

cahot, dans un

ravin profond, pour remonter brusquement. Puis elle continue, droite

ou en courbes multiples, franchissant des steppes, des oasis; s'enfonce dans des

contourne des flaques d'eau infectieuses grimpant

forêts,

toujours, insolée ou sous des

ombrages mystérieux, pour atteindre

le

plateau de l'imérina.

Le long de ce

fait, est

ce parcours, où aucun chemin n'est tracé, et qui, par

dilïicilement praticable, sont flanqués de

nombreux groupes

de cases habitées par des tribus ou des familles, quelques villages importants et des points de défense.

Le cours d'eau longe parallèlement, navigable jusqu'à deux cent cinquante kilomètres environ de Tananarive.

En

quittant Majunga, le premier endroit habité ({ue l'on rencontre

est le

hameau de Amparingidro, où

sont réunies dix à douze cases

misérables.

Puis viennent

:

Le camp retranché de Ambohitromby, avec une

batterie,

au haut

d'une montagne, à deux cents mètres d'altitude. Cette batterie, établie

par les Hovas, est parfaitement située pour garder l'entrée de

mais

elle n'inspire plus

la baie,

aucune crainte.

Plus loin, à soixante mètres d'altitude, on trouve encore une quinzaine de cases réunies qui forment le village d'Anabotokely.

Maevarona, composé d'une trentaine de cases, est presque sur l)ords

du fleuve

;

il

y a encore quelques ouvrages

Ambatobe comprend quelques

cases.

militaires.

les


^ÉÉÉi

5^ aie»

aïs*

aî«»

ci/.

fii*.

Tffr

Sêu

Général

VOYRON, Commandant

la

deuxième brigade



MADAGASCAR

Miadana

est

235

un centre plus important que

les précédents,

il

compte

de cinquante à soixante cases.

Andranafava, Ampihaonara et

En

quittant

inaccessible

la ville

Miadana pour venir à Marovoay, ce ne sont plus que

;

de Marovoay. la

route devient plus

des sentiers qui se perdent dans

des broussailles coupées, en intervalles, par des ruisseaux à franchir;

pirogue

;

il

même une

y a

rivière qu'on ne

détrempé par

est

s'il

empestent

corrompue

pluies

les

Marovoay maisons,

est

elle

militaires,

les

une véritable

un gouverneur;

Hovas sur

ville

;

;

les

;

des marres d'eau les

composée de cases

c'est aussi

un

insectes,

légion.

comprend près de quatre mille

ville est fortifiée

En

mais dans lequel

Naturellement

l'atmosphère.

notamment des moustiques dangereux, y sont

La

peut franchir qu'en

le terrain est argileux, praticable s'il est sec,

on s'enfonce

difficiles

et de vraies

habitants, des postes

petit centre

commercial.

travaux de défense ont été exécutés par

les collines environnantes.

quittant Marovoay,

rizières et des bois

et toujours

en montant, on traverse des

pour atteindre Ambohibary, formé par vingt-trois

cases; Ambodifiakarana, Androlta, village sakalave,

formé par une

quinzaine de cases, à trente mètres d'altitude.

On

entre dans une vaste plaine, très touffue

parsemée de palmiers; pas d'eau, ce qui qu'il

y

fait.

le

le

chemin

est ici

en hautes herbes

commode, mais on

rend pénible à parcourir par

Cependant après avoir passé

la

et

n'y trouve

chaleur accablante

le village

de Bafotaka, qui

vient après Androlta, on se rapproche du cours en atteignant le fort

hova de Mahatomboka quarante cases.

et le village sakalave

de Trabongy avec ses


MADAGASCAR

236

En de

arrivant à Andro, on prend

la rivière

un sentier qui conduit sur

d'Ikamory, où vingt cases forment

puis on longe les bords de Betsiboka.

On

le

les

bords

village d'Ambato,

traverse les groupes de cases

d'Antifandry, Maroloana, Bepako.

Le

fleuve se divise

en deux bras qu'il faut franchir;

ici

et,

après

avoir passé quelques villages, on arrive à Mevatanana, à cent soixante-

dix mètres d'altitude.

Le

fleuve n'est navigable que jusqu'à ce point. Les cent cases qui

constituent Mevatanana, village

fortifié,

sont flanquées au milieu d'une

région absolument aride, montagneuse et surtout très malsaine.

A

peu de distance, Suberbieville, centre industriel.

Après avoir rencontré quelques groupes de cases qui sont égarées dans cette

triste région,

atteint, à trois cents

comme

Mahabiby, Rambambo, Balambo, on

mètres d'altitude,

le village

de Tsarasoutro, com-

posé de trente-cinq cases.

Le

sentier continue pour venir rejoindre la rivière d'Ikopno, que

En

divisent les îlots de Mosyfilo.

dendamba, barre village de

le

chemin

:

on

cet endroit le

un cours d'eau,

le

Man-

traverse à gué pour arriver au

Mandendamba, qu'une quinzaine de cases composent.

Les cinquante cases qui composent Amposiry

est encore séparé

par un cours d'eau portant ce nom.

Le

site

devient montagneux, c'est à

pierres et des ravins

que

l'on circule

travers

pour trouver

des déchirures do les vingt cases

du

village de Morokolahy, cachées dans ce cahot.

On

est ici à cinq cents

L^ne rivière qui porte le

mètres d'altitude.

même nom

de ce dernier groupe de cases

est encore à franchir. Après, à cent mètres plus haut, on atteint

une


MADAGASCAR

237

place fortifiée par les Hovas, Malatsy, avec cinquante ou soixante cases.

I

Au-delà,

que traversent

la route,

autre petit cours, passe au pied du

rivière de

la

Komolandy

et

un

mont Andriba pour monter encore

à cent mètres plus haut, c'est-à-dire à sept cents mètres d'altitude où est

perché Antsahansena, où sont huit cases.

A

peu de distance

se présente

cases sont surplombées par le

De sur

l'autre côté de cette

le

Alakamisy-Andriba,

dont

les

dix

mont Hiandreza.

montagne coule

la rivière

de Mamokamita,

bord de laquelle une vingtaine de cases forment Mahoharona,

La route monte au mileu d'un

toujours; on traverse une série de

absolument sauvage, sur

site

Après avoir passé

le village

hameaux perdus

les hauteurs.

hova de Ampotaka, où se trouvent

cinquante cases, la pente s'élève encore pour atteindre à plus de mille

mètres d'altitude village

le

groupe de cases abandonnées qui formaient

d'Ambohimaorina. Après avoir passé

qui coupe la route

;

de Fringalava,

la rivière

cette dernière pénètre entre

le

deux montagnes qui

l'emprisonnent et descend dans la vallée du Manankazo.

A

gauche,

le

hameau de Kiangara où

se trouve

un

fort

de défense.

Kinajy, placé un peu plus haut, est une place fortifiée, composée

de soixante-dix à quatre-vingts cases.

A

la suite,

Tsiafahi, Fiantsona, la

trouve le village et

le fort

Encore quatre étapes

montagne de Mandrava, où

de Mahdridaza. et l'on arrive à

Tananarive.

La première, après Mahdridaza, conduit marché fréquenté par

A

mille

se

les naturels

deux cents mètres

de tous

d'altitude,

à Talata, où se tient un

les environs.

Ambaloronana, avec vingt-cinq


MADAGASCAR

238

cases. Plus haut, à mille trois cents mètres d'altitude, le village

bazobé, puis enfin Tananarive, que

le palais royal

domine.

On

est à mille quatre cent vingt mètres de hauteur.

La

distance à parcourir depuis

Majunga jusqu'à

d'Am-

la capitale est

de

quatre cent quatre-vingts kilomètres environ; exactement, quatre cent soixante-dix-neuf kilomètres quatre cents mètres. Cette longue étendue est encore, pour ainsi dire, doublée par les

nombreuses

difficultés qu'elle présente.

aucune espèce de ressources;

On

les villages

populations misérables, vivant au jour

ne trouve dans cette région

ne sont habités que par des le

jour des

produits d'une

récolte à peine suffisante, de la chasse et des fruits qui poussent dans les forêts.

On ne peut donc compter

en cours de route

et

il

sur aucune éventualité heureuse

est indispensable de s'approvisionner avant de

partir.

Le chemin moins

est

beaucoup plus court du côté de

l'Est,

il

parcourir. Ainsi, les troupes débarquant à Tamatave,

difficile à

auraient eu à franchir une distance trois fois moins atteindre Tananarive. Mais

il

côte Est,

comme nous

lument empoisonnée

et

il

le climat.

l'avons déjà dit

précédemment,

est abso-

eût été imprudent de l'affronter.

C'est d'ailleurs la cliosc sur laquelle comptaient Ils

longue pour

aurait fallu pour cela pouvoir combattre

un ennemi autrement redoutable,

La

est peut-être

un peu

les Ilovas.

avaient d'abord cru que la France hésiterait à entreprendre une

expédition, puis

quand

ils

ont reconnu cette première erreur,

supposé que nous prendrions

le

chemin

le

ont

plus court pour arriver à

Tananarive, sans nous préoccuper des dangers

poisonnement de l'atmosphère.

ils

([uo présentait

l'em-


MADAGASCAR

La sagesse de nos une surprise,

Déjà

les

ni

dispositions n'est pas restée sans leur causer

sans amoindrir leur première confiance.

paquebots qui ont transporté

guerre à Madagascar, quittent France.

ramènent

Ils

239

excès de fatigue et

le

les soldats

le

hommes

les

et le matériel

de

port de Majunga, pour retourner en

dont

la

santé a été atteinte par les

climat qui, quoique peu malsain de ce côté,

n'en exerce pas moins une inlluence, le surmenage aidant, sur les constitutions.

La précaution de

ce retour des malades est parfaitement fondée,

car les guérisons sur les lieux

mêmes où

est bien ditïicile, sinon impossible,

Le

port do

d'animation

;

Majunga présente, il

est envahi par

est le

germe de

dans de nombreux

paraît-il,

un

la

maladie

cas.

très curieux spectacle

une grande quantité de bateaux, dont

uns sont chargés de vivres, de marchandises diverses

les

et

les

autres de passagers.

Cette affluence de voyageurs est provoquée par les événements qui jettent

l'ile

dans un état d'effervescence extraordinaire. Commerçants,

artisans, aventuriers, voient dans la guerre

un moyen de constituer une

rapide fortune, soit par la vente de marchandises à prix exagéré, par un travail

chèrement payé ou, surtout les aventuriers, en

les circonstances éventuelles Il

en vient de tous

que peuvent

les côtés,

des

«

péchant

faire surgir les

»

dans

événements.

environnantes, des côtes

iles

d'Afrique et surtout d'Amérique. C'est un mélange de races blanches, noires, jaunes, utiles, s'ils

en

effet,

chir

un monde

d'officieux dont les services

ne sont pas toutefois nuisibles.

que

les

Il

coureurs d'aventures, dont

peuvent être

est bien de considérer,

le seul

but est de s'enri-

immédiatement, d'un seul coup, ne reculent devant aucun moyen

quelque peu scrupuleux

qu'il soit,

pour arriver à leurs

fins.


MADAGASCAR

240

Nous n'entendons pas englober tous dans cette supposition,

il

peut,

il

les

émigrants qu'attire la guerre

doit certainement y en avoir de bien

intentionnés.

Quoi pour très

le

qu'il

en

moment

animé

et

cette affiuence

soit,

très agréable

;

donne de

la vie

au pays

et est

Majunga y gagne de devenir un centre

de posséder de plus grandes ressources.

Naturellement dans redingote râpée,

le

la

cohue des arrivants, on peut voir circuler

chapeau

plat, la

maigre

et

la

longue personne du

pasteur, qui distribue des bibles et des conseils, glisse partout dans les

groupes, intrigue et se sauve béatement, hypocritement, dès qu'il

se sent deviné dans ses intentions.


«.K

CHAPITRE XVII

La Couronne royale

^X^>^

m^^ *JLW-^ m.^î^

m.

la suite

tM

par

la

des événements qui se terminèrent

signature du traité de 1885, établis-

sant les conditions de notre protectorat à Madagascar, le frir

t-wm

un présent à

gouvernement français résolut la reine.

Ranavalo Manjaka

n'avait, à cette

couronne pour orner son

front, ou,

n'avait qu'un semblant de

^vc^;-'

d'of-

époque, pas de

pour être plus vrai,

couronne peu digne de sa

royale personne.

Le diadème blait

qu'elle possédait, en effet,

en rien à ceux que

les

ne ressem-

rois et les reines ont

l'habitude de porter dans les cérémonies, c'était tout ?^

modestement un objet ressemblant assez à

la moitié IG


MADAGASCAR

242

d'une mître, en métal, quelconque doré. Peut-être

le

métal

était-il

de l'argent. Rien n'était moins gracieux que cet ornement, encore enlaidi par des

La parure

agréments en verroterie

était

accompagnée d'un

et

en filigranes.

collier aussi

extravagant que

pittoresque, de boucles d'oreilles formées par de lourds anneaux et

de bracelets étrangements façonnés.

Tous ces joyaux réunis ne représentaient pas une bien grande valeur, n'était celle que leur attribuait leur propriétaire.

Lorsque

la

souveraine s'affublait de ses ornements, fort en rapport

d'ailleurs avec l'invraisemblable

accoutrement de ses

toilettes

aux

couleurs criardes, faisant ressortir davantage le noir de sa chair, elle

ressemblait à ces pseudo-princesses exotiques, couvertes d'oripaux,

que

les

foire,

barnums montrent pour quinze centimes sur

ou a un

joli petit

les

champs de

sapajou.

L'admiration des sujets malgaches n'en était pas pour cela moins grande.

Au

contraire,

ils

trouvaient leur reine splendide de beauté et

de grâce, incomparable dans

ministre la comparait volontiers à éclat éblouissant sur le

de ses atours. Le premier

la richesse

fond

«

un

azur de

astre radieux, brillant d'un la

voûte céleste;

»

les cour-

tisans faisaient chorus, les poètes la chantaient en vers et en prose, le

peuple demeurait en extase.

Évidemment

c'était ridicule,

mais

les naturels

une manière de voir qui

diffère

naturel chez eux, que les

dames répandent une

de

la nôtre;

de Madagascar ont

ne trouvent-ils pas tout huile nauséabonde sur

leur corps, ou se fardent avec de la poussière de charbon? leur avis, a les plus belles nuances de l'ivoire.

bien de contrarier cette appréciation.

Le

noir, à

Nous nous garderons


MADAGASCAR

Mais vraiment, aux yeux des Européens,

243

manquait par trop

la reine

de majesté dans les représentations royales. Douée d'un physique qui n'est pas précisément beau, sa quincaillerie et son morceau de

mitre ne contribuaient pas du tout, mais pas du tout, à l'embellir.

Notre envoyé en

justement

fît

communication que d'offrir

Il

et c'est à la suite

de cette

Ministre des affaires étrangères prit l'initiative

une parure à notre protégée.

à un de nos artistes joailliers parisiens,

s'adressa, à cet effet,

M. Léon Ducreux, la

le

remarque

la

parure en

et lui

fit

au mois de

lui laissant l'initiative

de

juillet la

1886, la

confection.

commande de La

livraison

devait être faite deux mois après.

Deux mois pour combiner

et

fabriquer

une

couronne de cette

importance, c'était peu. Il

s'agissait d'un

diadème, d'un

collier

avec pendant de cou, de deux

bracelets et de deux paires de boutons d'oreilles.

La première

difficulté qui se dressait

l'ornementation.

Que

devant

l'artiste était celle

de

mettrait-il sur l'ossature en or de ses pièces

:

des brillants, des émeraudes, des turquoises? Ce n'était pas facile à déterminer.

S'il s'était

agi d'une parure destinée à une Européenne,

c'eût été facile, car l'éclat d'une

ornements de ce genre, mais

Les

ici

peau bien blanche supporte tous

les

ce n'était pas le cas.

brillants auraient pu, par leurs feux, présenter l'inconvénient de

donner à

la tête royale

un faux

air

de charbon enflammé,

inconvenant de ne pas éviter cette fâcheuse confusion

;

les

il

eût été

émeraudes

pouvaient donner l'impression de scarabées égarés sur une boule de houille

;

quant aux turquoises,

elles auraient tout

simplement paru


:\rADAGASCAR

:?'i4

sales.

Le rouge

seul pouvait convenir

rouge

:

et noir, noir et

rouge,

ces deux couleurs vont très bien ensemble, elles s'avantagent par leur

Le

disparité.

dont

la

joaillier

en

est des plus

Le diadème corail, d'un

les

le

rouge

il

combina

la parure,

reproduction en gravure se trouve dans ce chapitre.

L'effet

Il

opta donc pour

heureux

et l'œuvre est artistique.

composé de boules ou boutons

est

rouge très

vif,

et

de poires en beau

montés sur or mat.

comprend une double torsade en or massif, formant

deux torsades, sont placées des boules de

cercle; entre

corail très grosses sur le

devant et continuant en progression décroissante de diamètre vers

le

derrière.

Les boules sont séparées forme de fleurs de

mignonne

entr'elles

lys droites.

par des motifs en

or, affectant lu

Le centre de ces motifs

est orné d'une

perle, toujours en corail.

Au-dessus de

la torsade

supérieure et dans sa longueur sont dis-

posées des cornes d'abondance en or mat, admirablement ciselées.

chacunes de ces

cornes s'élancent,

très

allongées

présentant à leur extrémité la partie la plus

grosse,

et

de

De

brillantes,

superbes

poires en corail, qui vont aussi en diminuant vers la partie opposée à la face.

Enfin, la partie principale du diadème, le fronton, est formée par

gigantesque distinctif.

motif qui

donne à

Le motif représente un

la

un

couronne un véritable cachet

soleil

en

or,

dont les rayons sont

ciselés très vifs,

au centre duquel est placé une énorme boule en

corail bien poli.

Au-dessus s'élève sur une boule une fleur de lotus


La couronne de

la reine

de Madagascar



MADAGASCAR

247

en or mat, d'où surgissent en éventail d'autres perles en forme de poire.

Le poids de

Dans

la

couronne dépasse un

le collier, l'artiste

kilo cinq cents

grammes.

a reproduit, en pendant de cou, le motif

principal du diadème, mais on \o représentant dans le sens opposé et

mobile.

Le tour du cou

est de

même

formé de deux torsades d'or mat, entre

lesquelles sont placées des boules de corail et des fleurs de lys en or ciselé,

comme

exactement

pendant, c'est-à-dire du

dans

la

couronne.

De chaque

côté

du

sont suspendues des cornes d'abon-

soleil,

dance, d'où des poires de corail s'échappent.

Les bracelets ne sont que la

Au

base du diadème.

la

reproduction exacte du motif formant

centre une grosse perle de corail, entourée

de rayons d'or flamboyants. Le corps du bracelet est formé les autres bijoux, par

Les boutons de

la

pour des

d'oreilles sont formés:

couronne

et assez

corail

;

simplement deux

l'artiste,

une paire, j^arune réduction du

volumineux, peut-être trop volumineux,

oreilles plus délicates

ce sont tout

rondes;

une double torsade enchâssant grains de

en or mat.

et motifs

soleil

comme

la

seconde parure est plus simple,

jolies

par une attention

brisures

d'or et disposées de façon à

petit fruit

rouge

La parure

perles

vif,

entière

suspendu à

rouges,

artistique,

parfaitement

lésa montées à

donner l'impression d'un

joli

l'oreille.

pèse environ deux kilos trois cents grammes.


MADAGASCAR

2i8

Indépendamment de

la

valeur intrinsèque, elle a une grande valeur

un cadeau vraiment

artistique. C'est

Elle a été placée dans

un mètre

royal.

un somptueux

écrin,

carré. L'extérieur de l'écrin était en

mesurant exactement

maroquin écrasé, orné

d'appliques et d'arabesques en argent; l'intérieur garni de satin blanc chiffonné. M.

Le Myre de

nom du gouvernement

La remise en

Villers a été chargé de l'offrir à la reine au

français.

a été faite à l'issu de la cérémonie du bain, qui est

une des plus importantes cérémonies de en

offrir ce

11

fallait,

cadeau

et

faire ressortir toute la valeur.

Le bain de

la reine

de Madagascar a lieu une

Cela ne veut pas dire, nous

le

RanavoloIII ne se baigne qu'une

pour sa santé

humbles

cour malgache.

une circonstance solennelle pour

effet, choisir

pour en

la

et

sujets.

cour d'Émyrne

ou un 14

fois

par année.

croyons du moins, que Sa Majesté fois

tous les ans, ce serait déplorable

singulièrement vouloir faire sentir sa présence à ses

Nous voulons

comme une où

juillet,

la

parler du bain qui est considéré à la

sorte de fctc nationale,

un anniversaire

reine se glisse cérémonieusement dans la

baignoire devant les hauts personnages du royaume.

Cette fête a lieu dans une salle spéciale, de style mauresque, décorée

de motifs divers

:

écussons, allégories, cartouches, arabesques, etc.

Tous ces ornements sont peints avec des couleurs

vives, rouge, jaune,

bleu et fortement dorés ou argentés.

De grandes

tentures en soie rouge et bariolée sont suspendues

devant les issues et drapées avec des cordelières en

Le

sol est

tendu de tapis.

or.


^ààéààààààààààààààét

-m ..4S2

4^

•12

4?

VT

T

Le colonel De TORCY, chef d'état-major du corps expéditionnaire



MADAGASCAR

Adossée au fond de

la

salle,

s'élève

251

une sorte de plateforme,

composée de plusieurs marches, recouvertes de que se trouve

Devant

la

tapis.

C'est là dessus

la piscine.

baignoire, deux serviteurs tendent, au

enguirlandées, une étoffe en soie bleue, qui

la

moyen de perches

cache aux regards.

Ces deux serviteurs sont nu-pieds, vêtus d'une robe blanche drapée sur l'épaule à partie

soie rouge leur ceint la taille

;

la

enveloppée d'un foulard de soie aussi rouge.

pied de l'estrade, des gardes d'honneur chamarres se tiennent

immobiles,

La

façon antique des toges romaines, laissant à nu une

du corps. Une cordelière en

tête est

Au

la

la lance

reine, en

un morceau

au poing.

costume de bain, c'est-à-dire tenant dans

d'étoffe

les

mains

en soie blanche, qu'elle drape sur son ventre, de

façon à laisser à nu la poitrine et les jambes, se tient debout dans la baignoire. Ses cheveux, dénoués, pendent tout frisottants derrière la tête.

Ses femmes l'entourent etl'ondoient légèrement.

Dans une

salle voisine, les hauts dignitaires sont

revêtent pour la circonstance leur costume de gala. à l'heure, admis à l'honneur de présenter leurs

Ils

rassemblés;

ils

vont être, tout

hommages

à la sou-

veraine.

Deux

officiers, faisant office d'introducteurs,

porte qui

fait

face à l'estrade.

A un moment

déterminé, et sur un signe de la reine, les introduc-

teurs soulèvent la

observant

le

sont postés devant la

portière

et

les

plus religieux silence.

visiteurs entrent .

on ordre, en


MADAGASCAR

252

C'est d'abord le premier ministre, qui, en sa qualité de mari, a droit de préséance. la

Il

porte l'uniforme de généralissime des armées,

tunique chamarrée de broderies d'or, sur

col,

aux poignets.

Il

la poitrine,

porte les aiguillettes de

commandeur. Un grand sabre de

Après dont

ils

le

Il

tient ù la

main

premier ministre

et

le

;

le dos,

au

au cou, une cravate de

;

cavalerie se

gauche, suspendu à un ceinturon doré

dans

d'ordonnance ou

l'offîcier

de l'enseigne de vaisseau en tenue de service

son pantalon.

un

balance à son côté

de larges galons d'or bandent

casque colonial chargé de dorure.

dans l'ordre que leur assigne l'honneur

sont revêtus, les princes de la maison royale, les dignitaires

de la couronne et les nobles. Tous à peu près portent des costumes à celui du premier ministre

militaires semblables

que par

la richesse

;

des ornements. Ceux auxquels

n'en diffèrent

ils

le

grade n'impose

pas l'uniforme, sont vêtus de robes, de toges, de scheroual, offrant,

dans leur habillement, un mélange d'arabe, de persan

et

de

turc. Ils

sont coiffés de turbans ou de fez de couleurs variées.

Les ombiaffes ou devins avec leurs longues robes. Enfin, gers privilégiés qui ont, à un

titre

les étran-

quelconque, leurs grandes et leurs

petites entrées à la cour.

Le cortège s'avance processionnellement bruit

et

en faisant

le

moins de

possible jusqu'à quelques pas de l'estrade, salue trois fois et

demeure dans incliné, les

l'attitude

yeux

d'une demi-révérence,

fixés sur le parquet.

Lo héraut annonce

:

le

corps légèrement


MADAGASCAR

Les premiers des

pour

lui dire leur

de notre reine bien-aimée sont venus

fidèles

amour

253

longue

et lui souhaiter

vie.

Merci à mes fidèles, dit la reine en faisant clapoter l'eau de son

bain, je l«s écoute, qu'ils parlent.

O ma

souveraine que Dieu bénisse

Les assistants répètent comme un écho

Votre Majesté

!

continue

!

s'écrie aussitôt le ministre.

notre reine que Dieu bénisse

:

!

ministre^ nous venons en ce jour

le

de votre gloire, vous renouveler que nous sommes toujours

fidèles à

votre couronne, à votre pays et à vous. Il

faut vous dire

que nous

et votre

peuple nous vous aimons, nous

vous chérissons. Vous êtes, ô notre souveraine! celle qui représentez la race

des ancêtres, maîtres de ce pays, nous

sommes ceux

qui vous

servons et qui vous défendons.

Que Dieu vous conserve

pour notre

la vie

joie,

pour

le

bien de

votre peuple qui jusqu'à présent a été heureux de votre règne. Toute la cour, tout le

peuple parlent par

Nous demandons que

ma bouche,

ô Votre Majesté!

l'eau qui touche votre chair sacrée consacre

notre noblesse et arrose notre

amour

et notre fidélité.

Est-ce bien ainsi, ô nobles, ô peuple

!

C'est bien ainsi, répond l'écho des assistants.

La

reine parle à son tour.

Mes

ancêtres, dont l'esprit plane sur moi et

moment, doivent faites, je

être contents de ce

que vous dites

sur vous et de ce

en ce

que vous

vous remercie.

Nobles, soldats, peuples, je suis votre reine et je prends soin de

vous parce que vous êtes fidèles prouver, l'eau qui touche

ma

et

que vous m'aimez

;

pour vous

le

chair sera répandue sur vous pour consa-

crer votre noblesse et arroser votre

amour

et votre fidélité.


MADAGASCAR

254

Un

succède à ces paroles, on n'entend plus que

silence

clapotement de l'eau dans laquelle bain, ses

femmes l'enveloppent

le

léger

la reine s'agite. Elle sort enfin

du

avec des peignoirs et

la

aussitôt

conduisent dans un cabinet de toilette aménagé derrière des tentures.

Les serviteurs qui maintenaient

la tenture

cachant la baignoire se

retirent et les assistants viennent se grouper autour de l'estrade où ils

attendent

le

retour de la reine.

Celle-ci reparaît bientôt,

mais alors parée de ses plus beaux atours

une robe à longue traîne dont laissant voir la gorge

;

le

:

corsage est légèrement échancré,

ses bras nus sortent de

manches en

dentelles

fendues depuis l'épaule.

Après un nouvel échange de compliments réciproques, on procède à la partie la plus importante de la cérémonie

Deuxoffîciers, sur

un signe de

en faisant forces courbettes

la reine,

et le plus

:

s'avancent vers la baignoire,

solennellement du monde,

ils

aspergent les assistants avec l'eau qu'elle renferme.

Les fronts se courbent, on s'agenouille pour recevoir cette pluie qui salit peut-être, mais

«

consacre la noblesse et arrose l'amour et

la fidélité ».

Les aspergés sont radieux, car

c'est là, paraît-il, la plus

haute dos

faveurs royales et le plus ruisselant est le plus heureux.

Ce procédé

est

certainement extraordinaire, mais on ne doit pas

oublier quelles Malgaches considèrent le chef de l'État

comme une

divinité; tout ce qu'il touche est sacré et doit être vénéré.

On emporte auprès de

Alors

la

baignoire

;

le

premier ministre vient se placer

la reine.

commencent

le

défilé

et les présentations.

Chacun

offre

un


MADAGASCAR

255

présent, généralement des pièces d'arg-ent ou des pièces d'or, et reçoit

en échange un mot aimable, une faveur, une dignité. C'est ce jour-là

que

les sollicitations sont le

accordées

;

mieux

aussi les ambitieux

le

accueillies, les grâces facilement

sûrs qu'ils sont

désirent-ils,

d'y

récolter quelque chose.

Un

repas, auquel prennent part les dignitaires, suivi d'une réception

générale, clôture la fête.

on y

lieu,

fait

Au

dehors, des réjouissances publiques ont

de nombreux sacrifices propitiatoires.

C'est à la suite de la cérémonie

France a

offert à la reine la

du bain que

le

représentant de la

parure dont nous faisons

la description

ci-dessus.

La

reine est d'abord surprise de voir cet écrin énorme, que deux

serviteurs déposent à ses pieds

;

sa curiosité s'impatiente vite, elle

veut voir tout de suite ce qu'il renferme.

On ouvre vie,

dans

pour

l'écrin

la

satisfaire

;

la

les rêves les plus fantastiques,

Majesté reste saisie

traduit par des exclamations et de petits trépignements

un

arlequin.

])ébé à la

le contrarie, sa dignité

l'aurait

surtout

l'offusque; ces

presque voulue pour

femme. Pour peu

comme

on

il

l'attitude

de

la reine

de mari et de maitre en souffre. Qu'avait-on

besoin de faire un pareil cadeau quand on ne

il

joie se

vue d'un grand polichinelle battu par un minuscule

Le ministre roule des yeux furibonds,

La couronne

de sa

elle n'avait désiré d'aussi

beaux ornements. Le premier sentiment de stupeur passé, sa

ferait

;

lui,

tant

lui

donnait rien à lui?

une vraie couronne royale, il

jalouse le prestige de sa

se mettrait en colère, mais

il

n'ose pas.


MADAGASCAR

256

Ranavalo, toute à son admiration, ne s'aperçoit pas du méconten-

tement de son époux. Sans attendre plus longtemps,

main

le

diadème,

en mimant toutes n'y tient plus,

le

tourne en tous sens avec des précautions infinies

les

phases d'une grande satisfaction. Rainilaiarivoni

fait

remarquer à sa trop

satisfaite

une contemplation que ses

s'oublie dans préter,

il

prend en

elle

que sa situation

une mesquinerie.

Un

la place

sujets pourraient

au-dessus de ce

dialogue très animé

premiers personnages du royaume

;

épouse combien

qu'il

mal

considère

elle

inter-

comme

s'engage entre les deux

pendant un instant

ils

ont

d'échanger les épithètes les moins gracieuses du répertoire de

l'air

la lan-

gue malgache. Cette querelle de l'étiquette;

ménage rompt, pour un moment,

les dignitaires

discutent, se

disputent.

les rigueurs

de

échangent leurs réflexions, commentent,

Les ombiaffes

indignés

chiffonnent leur

barbe, ou lèvent de grands bras en signe de protestation. Les étransignes les moins équivoques de leurs

gers laissent échapper les dispositions hilares.

La cour d'Émyrne

rappelle....,

en noir, une séance à

la

cour du

légendaire roi Pétaud.

Ces sortes d'incidents ne sont pas rares d'ailleurs fin,

il

une bien grande importance;

envoyé, elle lui

aussi,

quand

celui-ci

prend

ne laisse aucune trace.

Ranavalo replace

de

on n'y attache pas

et

le

le

diadème dans

l'écrin

,

et,

s'adrcssant à notre

remercie chaleureusement du beau cadeau

apporter au

nom

de

la

qu'il vient

Franco. Elle parle longuement de la

reconnaissance royale, du plaisir qu'elle ressent de notre protectorat,

de son amitié, de sa

fidélité et

de celle de son peuple. Elle déclare


MADAGASCAR

France a un

que

la

que

c'est elle qui vient

Le premier

de plus à

la protection

de

la royauté,

puis

de la doter de la couronne.

ministre, qui éprouve toujours le besoin d'intervenir,

mêmes

fait les

titre

257

déclarations en les accompagnant, pour leur donner

probablement plus de

force, de

nombreuses attestations

et d'invoca-

tions extravagantes.

Après

les

échanges de congratulations,

à admirer les l'écrin

A

nouveaux joyaux de

couronne.

la

devant

Ils défilent

en s'extasiant.

l'issue

de la cérémonie du bain,

parée des ornements qu'on vient de

lui

que

est d'usage

il

montre à son peuple entourée de toute sa cour;

fait

admis

les courtisans sont

elle

dont

le

pendant

s'étale sur sa

gorge brune

sont fixés à ses oreilles et

ses bras reçoivent

L'ensemble

lui

se mirant

de

la

parure

veut

le faire,

donner. Séance tenante, elle

met

poser, sur ses cheveux luisants, le diadème; elle

le collier

la reine se

donne

les

;

les

à son cou

deux

soleils

deux bracelets.

une majesté nouvelle; en

dans une glace, une bouffée d'orgueil gonfle sa poitrine

elle se voit belle, elle se voit

C'est ainsi qu'elle se

:

grandie.

montre au peuple toute radieuse. Une longue

acclamation la salue, et ses sujets, qui n'ont jamais rien vu d'aussi beau, se prosternent presque

comme

en une adoration.

Rainilaiarivoni enrage de ce triomphe.

Ce

fut

un événement dont

la

cour garde encore

le

souvenir; on

affirme que la reine, après cette journée mémorable, a passé de longs jours à contempler ces bijoux. Elle ne pouvait s'en lasser.

nous a valu alors

Cette joie

une recrudescence de bonnes grâces;

elle 17

ne


MADAGASCAR

258

manquait pas, à chaque occasion, de nous témoigner sa gratitude

et

de favoriser nos nationaux.

Et voilà comment

le

royaume de Madagascar

fut doté

d'une cou-

ronne.

L'enthousiasme est passé, l'amie est devenue, sous l'action des influences,

une ennemie acharnée. Aujourd'hui,

la

France ne donne

plus des bijoux à la reine, elle est obligée de lui prendre son trône

pour

faire respecter ses droits

plus, elle pleure; par sa

faute,

son trône menacé. D'un côté, provoquer; de l'autre,

la

méconnus. Ranavalo Manjaka

la

ou plutôt par sa faiblesse,

III

ne

elle voit

guerre qu'elle a imprudemment laissé

révolution que les haines, suscitées par son

triste

époux, peuvent faire éclater, saperont ce trône sur lequel

aurait

pu régner en

la lui

elle

paix.

Quels sentiments doivent l'agiter maintenant en regardant

ronne dont

rit

elle fut si fîère et

la

cou-

en se souvenant de l'amitié du pays qui

donna? Quels regrets doivent l'envahir!


Ms

CHAPITRE Hommage aux

XVIIl

Madagascar

morts à

Français

'X,,,^'

Général commandant

E

le

corps

expédi-

tionnaire croit arriver très rapidement à

Tananarive,

gouvernement

en exécutant sur

est

Pm

la

le

de

demander

cents

au

sapeurs qui

précéder dans sa marche,

route des travaux de déblaiement,

rendre plus pratiquable, La précaution

la

bonne; déjà

paratoires,

^E

vient

l'envoi de quatre

auront pour mission de

tendant à

Il

à

les retards apportés

aux travaux pré-

Majunga, ont créé des

n'ont heureusement

pas été

difficultés

insurmontables,

qui

mais

dont les conséquences ont été un surcroit de peines et

de fatigues pour les troupes.

Il

était

bon de préve-

nir de nouvelles causes d'embarras.

'^^

L'écho rapporte que faire célébrer la fête rr^*-^:-

__^7jt,n^-^

^'5*'^*^

le

du 14

général Duchesne espère Juillet,

dans

la capitale

du


MADAGASCAR

260

royaume hova. L'écho

est peut-être d'un

mais cette espérance ne

serait

optimisme un peu exagéré,

certainement pas irréalisable,

si

ce

n'était la distance.

On

a déjà vu les soldats hovas chassés par les nôtres, auxquels

ils

sont incapables d'opposer une résistance sérieuse, fuir en se laissant

prendre des armes.

On en

voit tous les jours déserter

Des chefs de tribu

à l'intérieur ou se ranger sous notre protection. font leur soumission, des peuplades

dent à se

Réothta,

rallier.

le

pour disparaître

demeurées indépendantes deman-

chef influent du Manabé, dont la tribu

sur les bords de la rivière de Marondava et compte plus de

réside

20,000 sujets, a donné l'exemple de

Nos

soldats

les obstacles.

la

soumission.

marchent toujours en avant, bravant

et

surmontant tous

Ces considérations rendent vraisemblable

du projet prêté au général Duchesne. Dans tous

la réalisation

les cas,

si

la fête

nationale n'est pas célébrée le 14 juillet à Tananarive, on y célébrera toujours la victoire, à une date ultérieure.

Pro aris Déjà

les

noms

s'inscrivent

font des victimes.

et focis

au carnet de

deuil, les balles et la maladie

Nous ne saurions terminer ce

livre sans leur rendre

hommage. S'il

appartient à la France d'élever un

monument

à ses

héros,

il

appartient aux Français de crier leur admiration à leurs frères, dans

un dernier adieu. Cloué sur

le gibet

d'infamie qu'il sanctifia,

soupir, exprima la pensée siècles ont

le Christ,

d'amour qui éclaira

le

en son dernier

monde. Dix-neuf

grandi les splendeurs auréolées de cette gloire rendue


XèèèààèàèèèààèétèèèÉéèàèrMÉMéè^^

Le colonel GILLON, commandant

le 200«

régiment



MADAGASCAR

immuable

;

son rayonnement s'étendra toujours plus lumineux jusqu'à

temps.

la fin clos

Parce que

l'Idée,

Le

le

Christ est mort pour l'humanité, parce que le sang qui

de ses plaies divines, féconda

jaillit

263

le

sol

fut jeté

le

germe de

sublime en ses générosités.

soldat sur le

nemi, meurt pour le sol qui l'a

champ de

la Patrie

vu naitre où

,

bataille,

croît aussi

Christ sauve le

Le

soldat défend la Patrie,

monde,

En remontant de l'homme,

les

coups de

l'en-

sang qui coule de ses blessures féconde

le

Le

tombant sous

il

il

le

un

idéal

celui

:

du patriotisme.

régénère.

la glorifie.

créature, au

fils

du Dieu, créateur,

le

suaire tricolore a les parfums du suaire de Jésus.

Com])ien ce parallélisme est admissible

;

combien

mysté-

l'affinité

rieuse qui existe entre la pensée divine et l'esprit national peut être

constatée

Le

!

soldat expose sa vie pour son pays,

aris et focis.

perd pour

la

l'Idée,

Pro

dernière pensée qui brille en son esprit est pour ce

dernier regard se tourne vers son orientation,

pays, le soupir,

La

il

toujours à l'exemple du

Christ,

le

dernier

renferme une expression

d'amour.

Quels

hommages ne

exprimer

mérite-il pas, quels

mots peuvent-ils

?

Chapeau bas devant ces héroïques enfants de pensée île

l»ion les

les

la

noble France Notre !

cherche au fond de leurs pauvres tombeaux de la grande

africaine où

ils

dorment leur dernier sommeil. En contemplant

leurs visages pâlis par la mort^ en regardant la plaie par où la vie est


MADAGASCAR

264

en se

partie,

d'avenir, le

mère,

le

les

rappelant

cœur

s'étreint

coup qui

jeunes d'âge, de force et dévie,

si

pleins

en une immense douleur. Fils d'une

même

si

nous blesse, nous sentons

les a tués

les souffrances

de la déchirure de leurs chairs.

Mais tout n'est pas tristesse n'est pas

et regrets

en notre âme angoissée, tout

larmes et désespérances; un sentiment de légitime orgueil

est l'héritage de ces destinées.

Cette poitrine, maintenant affaissée sous la tunique, était fièrement

exposée aux balles qui

semble encadrer,

l'ont

était

percée

haute

;

cette tête inerte, qu'un

;

nimbe

d'or

ces yeux éteints regardaient l'ennemi

bien en face. Glorieuses

dépouilles,

s'élève la Patrie

Le souvenir

Quels

soient,

national, taire. vieille

ils

reliques,

triomphante, elles incarnent

patriotisme. qu'ils

précieuses

qui s'en dégage

bases du pavois où le

splendide idéal du

demeure impérissable.

soldats morts pour la cause sainte du prestige

sont tous des héros, l'honneur de la grande famille mili-

Ce sont eux qui perpétuent Gaule

;

les

chevaleresques traditions de la

ce sont eux qui maintiennent

sont eux qui font la France

si

belle

;

si

haut

le

drapeau

;

ce

ce sont eux enfin qui ennoblissent

race et dorent les pages de l'histoire.

la

Leur vie, quelque courte une heure peut-être,

la

qu'elle ait été, est bien remplie.

couronne. Qu'importe, ce jour ou cette heure,

ou

même

les

sentiments de leur être et les couvrir de gloire.

cette circonstance,

Couchés sur des de leurs frères, Dieu

Morts pour

le

Un jour,

si

elle a

suffi

pour

faire éclater tous

lauriers, leur repos sera éternel, c'est le souhait le réalisera.

monde, mais vivants pour

la postérité.

Après l'expédition, quand sonnera l'heure de

l'appel, ils

ne répon-


Officier franรงais

en tenue coloniale



MADAGASCAR

dront plus

«

présent

et cette voix dira

«

»,

267

mais une voix se fera quand

même

entendre

:

Mort au champ d'honneur

!

»

Cette phrase, lancée dans le silence de la chambrée, ne résonnera

pas le

comme un

nom

glas funèbre, mais retentira

circulera de

comme un

cri

de victoire

bouche en bouche, murmuré par des lèvres

missantes d'émotion,

il

fré-

deviendra un exemple de l'accomplissement

du devoir. Mort au champ d'honneur,

c'est-à-dire,

a droit à toutes les admirations, à tous les

Dormez en paix la

le

France vous salue.

;

il

a mérité de sa patrie,

il

hommages.

dernier sommeil, soldats morts à Madagascar,



.

INDEX DES GRAVURES

Pages

Chefs sakalaves Carte de Madagascar

24

Ranavalo Manjaka, reine de Madagascar

37

Rainilaiarivoni, premier ministre

53

Vue de Tananarive

G9

L'armée hova

80

hova

101

Le gouverneur de Majunga

117

L'artillerie

M. Félix Faure, président de

la

République française

Le général Zurlinden, ministre de L'amiral Besnard, ministre de

la

la

133

guerre

149

marine

1G5

Le général Duchesne, commandant en chef du corps expéditionnaire.

181

Le camp de Sathonay

197

Le général Metzinger, commandant Le général Voyron, commandant

La couronne de

la reine

la

la

première brigade

deuxième brigade

Gillon,

233

de Madagascar

Le colonel de Torcy, chef d'état-major du corps expéditionnaire.

Le colonel

213

commandant

le

Officier français en tenue coloniale

200c régiment

245 .

.

219 261

265



TABLE DES MATIÈRES

Introduction.

CHAPITRE PREMIER

Pages

Madagascar

19

Les différents noms de Madagascar

20

Situation

20

Quest-ce que cette terre

?

20

Montagnes

22

Côtes

23

Caps

26

Iles

environnantes

27

Cours d'eau

27

Climat

28


TABLE DES MATIERES

272

CHAPITRE

II

Pages

La végétation faune Le

31

sol

32

Arbres

32

L'arbre anthropophage

33

La

35

flore

La faune

.

.

.

39

L'oiseau géant

40

Les minerais

42

CHAPITRE

III

45

Division des provinces L'origine des habitants

46

.

Les Pygmées cannibales

47

Deux légendes transmises par

la tradition

populaire

48

Les types

49

Les llovas

50

Les autres peuplades

La

superstition et

le

....

55

christianisme

CHAPITRE

l'église protestante

IV

60

L'instruction, les écoles

L'impôt de

51

-

.

61

Gouvernement

62

Les sujets

63


TABLE DES MATIERES

273

Pages

La

nol)lcsse

64

Le premier ministre Le

65

trésor, les impôts

Les

lois

66 67

militaires

Les traitements des employés de TElat

68

Le jugement de Dieu.

71

.

CHAPITRE V 73

M(JEUUS ET COUTUMES.

Le costume,

les

ornements

74

.

76

Les cases

''^

Les esprits

Sorciers et talismans

79

Les

80

fadi

Guérison des malades

81

.

Décès

82

Unions

82

Situation de la

83

femme

CHAPITRE VI L.\

CinCONCISlON, RIVALITÉS DES TRIBUS, l'eSCLAVAGE.

......

^'

Cause des divisions.

^^

Les batailles

^

Les ambassadeurs

La

traite

qi

des esclaves

Les négriers Pasteurs

et

87

esclaves

18


TABLE DES MATIERES

74

CHAPITRE

VII

Payes

commerce, industrie

Villes principales,

07

Tananarive

97

Monuments

99

Fianarantsoa

* .

.

.

100

Majunga

100

Fort-Dauphin

103

Propriété française

103

Colonisation

104

Industrie

105

Centres commerciaux

107

Commerce

115

CHAPITRE

Historique

Moyens de

VIII

116

transport, service postal

110

Les explorateurs portugais

119

Compagnies françaises d'exploration

120

M. de Prony

121

Dian Kamach

128

Les désordres

124

M. de Flacourt

126

M. Chamargou

122

Siège de Fort-Dauphin

129


TABLE DES MATIERES

275

CHAPITRE IX Pages

Les missionnaires

131

Massacre du père Etienne

Hommage aux

et

de sa mission

132

missionnaires

135

Souvenirs d'un vieux missionnaire

137

CHAPITRE X

Les Anglais

143

Nouvel abandon de Madagascar

144

Précautions du duc de Praslin, pour une nouvelle expédition

.

.

.

145

Départ de M. de Modave

146

Nouveaux désordres

147

à Sainte-Marie

Convoitises de l'Angleterre

148

L'arrivée des Anglais, leur échec

151

Le

roi

Radama

Radama

et l'unité

de

152

l'île

153

II

Usurpation du trône par Ranavalo Manjaka

155

Chasse aux Français

1^5

La Néréide

156

Le commandant Marestier

157

CHAPITRE Le traité, le Protectorat Les Hovas

XI

159

^60


TA13LE DES MATIERES

27G

Pages

Encore

les

Anglais

161

Projet de traité du gouvernement Ilova Traité du

163

gouvernement français

164

Reconnaissance du protectorat

167

Les résidents français

168

Rejet de l'ultimatum de la France

160

CHAPITRE

XII

Le corps expéditionnaire

171

Les forces malgaches

171

Le général Duchesne

172

Les généraux Metzinger

et

Voyron

173

Composition du corps expéditionnaire

CHAPITRE

174

XIII

Formation du corps expéditionnaire

183

Proclamation du général Viel d'Espeuille

185

Le

186

A A

200* à travers la France.

travers Paris la

Vive

gare de Lyon le

200"

L'arrivée a

A La

188 189

Lyon

Satonay salle

186

d'honneur

190 191

192


TABLE DES MATIERES

277

CHAPITRE XIV Pages

Le PURSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE; DÉPART DE PaIUS Le

train spécial

195 196

L'arrivée à Salhonay

199

Remise des Drapeaux

200

Proclamation de Président de

la

République.

La revue

201

202

Remerciements du Minisire de

la

Guerre

Réponse du Président

203 •

Ordre du jour du général Duchesne

204 205

CHAPITRE XV Le matériel de guerre, départ des t)unsports

A Madagascar Manifeste de la reine

209 215

.

.

.

'.

217

Proclamation du premier Ministre

219

Le serment

220

Proclamation du commandant Bienaimé au peuple de Madagascar.

221

Préparatifs

223

Parade royale

224

Les journaux anglais de Madagascar

225

L'action

226

CHAPITRE XVI Le trajet du corps expéditionnaire Le port de Majunga

231

239


TABLE DES MATIERES

278

CHAPITRE XVII Pages

La couronne royale Les bijoux de

La parure

241

la reine

offerte

par

241

Gouvernement français

le

La cérémonie du bain de

248

la reine

254

L'aspersion

ménage

Querelle de

Aujourd'hui

256

?

CHAPITRE

XVIII

Hommage aux Français morts a Madagascar Pro ans

IMPIUMEPIE

259 260

et focis

267

Dormez en paix

paris.

243

F.

JOURDAN, 30-38, RUE DE LA GOUTTE-d'oR.






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