Lointaines Garnisons, souvenirs, impressions et faits de guerre Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Letchy, Paul. Lointaines Garnisons, souvenirs, impressions et faits de guerre. 1904.
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Tous
réservés
droits
NANCY A.
IMPRIMEUR-ÉDITEUR
CRÉPIN-LEBLOND, 21,
Rue
Saint-Dizier,
1905
21
SOMMAIRE
de Paul
A la Mémoire
du Marabout.
La Chevauchée Nuit
Une La
Bonnetain.
à Tananarive.
Pastourelle.
Ronde
de la Fête du Têt.
L'Eventail. La Fiancée
du Mandarin.
Les Bananes. (Romance).
Saïgon L'Empalé
d'Adjara.
La Tabaski. Souvenirs Fleur
impérissables.
d'Hanoï.
Les idées du Fourrier Thaïse. La Légende El Mounghar
du Letchi. !
Briclot.
^LA
SOUVENIRS,
FANCE
IMPRESSIONS
EXOTIQUE
& FAITS
DE GUERRE
Paul
LA
LETCHY
FRANCE
EXOTIQUE
IMPRESSIONS & FAITS DEGUERRE SOUVENIRS,
Tous droits réservés
NANCY A. CRÉPIN-LEBLOND, 21, Rue St-Dizier
IMPRIMEUR-EDITEUR (Passage du Casino).
1904
A la Mémoire
ANS la teau
cour
du
résonnent;
de Paul
Bonnetain.
des coups de marquartier des soldats de la section
hors-rangs ouvrent, envoi d'Une, dernier
pièces Le régiment
à
grand fracas, de l'Indo-Chine.
des
est parti à l'exercice et nos fricoteurs leur travail de joyeux refrains. On accompagnent croirait assister au labeur du vigneron girondin préparant ses futailles pour la prochaine vendange. Mais
des flancs
de ces tonneaux
du Médoc qui s'exhale. bouquet odeur de soufre et de renfermé cales
ténébreuses
des paquebots. de ballots crasseux que
quantités en tas sur le sol caillouteux. lit gratte-papier sont ouverts. étiquetés Un
un
ce n'est pas le finHélas ! C'est une qui fait songer On en retire les soldats
inventaire
aux des
forment
et les ballots
s'en échappe des choses clairons bosselés, des petits Il
de vieux innommables, bidons des oeufs écrasés, musettes sang
mal
en
lambeaux
lavées,
des
des étuisd'autruche, de larges taches de portant
havresacs
gonflés
de bibelots 1
des bretelles à la payse, de vieux pantalons, etc.. Dans de fusil, des casques salis et déformés..., cahier le traditionnel presque chaque sac on retrouve de où le soldat note ses impressions de chansons » et les entre le « Père la Victoire guerre et d'amour destines
pieds de Mlle Hélène ». à des soldats Tout cela a appartenu dans les ambulances morts en colonne, * taux des colonies. « Petits
La dats,
caserne
les a tous vus
avec
fenêtres
vide, qui ses grandes
ruisseler
trophée autour aux marsouins. J'ai
venir
ces sol-
comme
des
Le grand déballage. étage qui orne la bande du premier au soleil l'or et l'acier de ses armes en ce lamentable
yeux, contemple écusson de bois fait
ouvertes
du régiment ou les hôpi-
de la vieille
ancre
de marine
si chère
ramassé
avec la cahiers çà et là quelques un jour afin que ces braves pensée de les transcrire Et puis ces gens ne soient pas tout à fait oubliés. sont autant de testaments impressions posthumes par de vaildes traditions lesquels nous sont transmises lance. Et
de ces débris, il ne je me suis attardé au milieu fallut renpas moins que le vacarme des bataillons trant de la manoeuvre, clairons en tête, pour m'arracher à mes recherches. Tandis escalier, colonne
s'arrêtait devant le grand que la musique la première vint se former en compagnie à l'endroit
piétinèrent taine buta
même
du déballage et les hommes toutes ces vieilleries, le cheval du capiet l'officier s'en prenant aux fricoteurs leur
—
cria : « enlevez-moi
donc
ques, ou je vous fiche Les saletés restèrent ment
rassemblé
faisait
3 —
vos
saletés, au clou ! »
tas de Cosa-
éparses sur le sol car le régidu maniement d'armes avant
du de rompre, et, quand les trois mille baïonnettes il me ier de Marine au soleil couchant, resplendirent les honneurs militaires aux sembla qu'elles rendaient dépouilles garnisons
des soldats ».
morts
dans
les « lointaines
N'Diago,
La Chevauchée
1887.
du Marabout.
sans fin, ondulée cette plaine voyez comme la mer qui mugit sur ses bords. Le les illuminant soleil implacable y poudroie,
ous
en un immense sables qui s allongent C'est le désert du Sahara ! De
Saint-Louis
s'allie mouvantes, mâchoire vantable
tapis
à Portendick
la côte, avec le flux pour former
et broie qui aspire Sa voracité satisfaite elle garde
chatoyant. aux
dunes
une époules navires
aux comimprudents. des vestiges missures de sa gueule maudite affreux, de vieux bateaux dont les des carcasses décharnées mats
se dressent
à marée
basse.
à Mogador est écrite l'histoire d'Arguin célèbres celui de la y compris naufrages
Du banc des
« Méduse Sur
».
cette
caravanes des Maures hérissés.
plage désolée, jour et nuit, défilent de chameaux et de bourricots conduites
par cheveux
aux au visage bronzé, Trarzas, dans Ils vont d'un pas égal drapés
pagnes de guinée
des
grossière.
des
—
navire Qu'un semble inhabité à la
se ruant
5 —
vienne
à la côte, de ce désert qui vous verrez surgir cette race cruelle curée,
ainsi
s'ils
meute, toutefois qu'une les marins de résistance,
n'opposent pas trop la vie sauve et, à dos de chameau, auront seront conduits à St-Louis pour y être rendus contre une indemnité. d'éternels quitte la plage où grondent brisants, pour aller vers l'Est, nul chemin ne s'offre au voyageur. Pourtant dans cette mer de sable il y a Quand
on
quelques taches vertes et rarement un peu d'eau dans des dépressions Parfois un cocoappelées marigots. tier balance ses feuilles roussies au bout de son tronc des sangliers, des chèvres, des la panthère biches, toutes les espèces de serpents, noire, le chat tigre, l'hyène, le chacal et le lion roi de ces solitudes. long
et nu.
Là vivent
Dans l'athmosphère le colibri, métallique,
flamboyante voltigent le geai, le foliotocole
la perdrix,
et le vautour
d'or,
la sarcelle
le merle aux
ailes
chauve.
y trouve réunie la famille des insecL'entomologiste tes depuis le scorpion et le criquet jusqu'à l'imperla peau et perfore ceptible chique qui pénètre humaine. C'est
la patrie
des Maures,
jadis
puissants
maîtres
de l'Espagne, Baknas, Touaregs y vivent en Trarzas, nomades plantant leurs tentes un peu partout. et si nos Le croissant de Mahomet y plane toujours chefs à notre cause, il libéralités ont gagné quelques sont encore musulmans reste avéré que les grigris ici le meilleur
passe-port.
— 6 — La
d'où
Mecque,
exerce
sa
toujours
tribus
l'ombre
rayonne
prestigieuse ne connaissent
éparses qui dans leur société, les marabouts,
du prophète, attraction sur. ces
que trois les guerriers
classes et les
captifs. Un matin
je quittai les dunes, où s'élève le dernier poste français sur les confins du désert et traversant les lougans je me trouvai dans la grande plaine. Non assis de nègres du village loin de moi une douzaine avec leurs mains un par six, dos à dos, creusaient une complainte trou dans le sable. Ils chantaient et je vis près d'eux un corps rigide mélancolique de bandelettes
entouré
Le
enterrement. mètre
de toile
trou
un
C'était
à peine profond d'un demi le cadavre avec mille précau-
ils y couchèrent et dessus ils jetèrent
le sable à poignées jusqu'à Alors un homme plaça sur la
tions
ce qu'il fut recouvert. tête du mort la calebasse avait
blanche.
mangé
son
dernier
dans
le défunt laquelle fut couscous. La sépulture
par quelques lianes rampantes péniblement au sol brûlant, puis une brique rouge porquelques signes arabes fut déposée sur le milieu.
complétée arrachées tant Cela
fait
ils partirent
n'auraient
pas grand
ver cette proie. Je continuai tantôt
ma
un squelette
et je me dis que mal la nuit suivante
promenade de chameau
tôt quelqu'antique vertèbre sur une dune plus Arrivé lointain
matinale
les chacals pour
trou-
rencontrant
aux os blanchis, tand'un animal antédiluvien.
un nuage de poussière des éclairs. Le blanc éclatant
élevée dans
j'aperçus
dans
lequel
brillaient
des burnous,
le
le rouge
7
vif des chéchias, l'acier le reflet des yatagans
des armes
lancées
se mêlaient
aux
dans l'air, flocons des
brûlées. Les chevaux écumants poudres passaient comme des flèches. De hardis cavaliers se laissaient choir
de leurs
selles
et, suspendus par un pied, au ras du sol leurs fusils damasquinés. arabes aux longs crins, à la bouche sai-
déchargeaient Les juments
hennissaient, gnante se cabraient, force par leurs naseaux dilatés.
soufflaient
avec
la fantasia, majestueusement assis sur un haut chameau blanc, parut le marabout impassible. chameaux suivaient des femmes au Sur d'autres Derrière
visage voilé secrets. Puis
qui
venait
immense
semblaient
la caravane
serpent
garder très
dont la queue
de mystérieux comme
longue
disparaissait
un
dans les
dunes. Tout
près de moi pour gagner les cases du village où bientôt des tentes bario-
ce monde
premières lées furent
défila
que les grillots accouraient avec leurs longs violons et leurs tambours grossiers. en cadence se Nègres et négresses frappant des mains devant l'ami du Prophète. prosternaient dressées tandis
au poste je vis l'idéale Fatou, de la fontaine du vieux Diam, qui revenait sur sa tête une lourde calebasse. En rentrant
Bonjour
portant
bab, fit-elle ! Fatou ! tu ne fais pas Salam ? Tou
Bonjour Dé det fut sa réponse dans sa case, indifférente Fatou
la fille
incarnait,
et cette Vénus
et gracieuse. à cette heure, l'âme
noire disparut de l'Afrique
— .8 — hésitante
et timide
entre
ses rites
séculaires
et notre
civilisation. Le clairon
les notes joyeuses me hâtai de rejoindre les camarades, lança
de la soupe et je puis nous fîmes
ce repas au son du tam tam et des chansons sénégalaises dont la plus populaire disait la mort de Samba Laoubé,
roi du Cayor. Samba Laoube' faoü. Boursaïna ! Boursaïna
!
Janvier
Une Nuit
1896.
à Tananarive.
I
Dans
la pâle clarté de la nuit qui commence, Le palais de Rhadam évoque sa puissance de quatre tours dans l'air silencieux, Flanque' Sur l'Emyrne qui dort il plane audacieux. Drapé dans son lamba d'une façon romaine Un soldat hova veille au repos de la reine. éveillé chaque soir, dans la campagne, Là-bas, songe, éperdu, sans espoir ; Rainilairivony Et
tandis
Dans
qu'en
ce dernier
regrets
le collège Debout
se consume
un feu brille anglais ! peuple malgache,
et s'allume
Les pasteurs anglicans Ont forgé tes cancans, Pour
un jour
Allons Barres Frappez
sois
moins
lâche
Betsileos, et Sakalevos, à coups
de hache
!
!
!
—
—
10
II Hélas, à mon appel, nulle âme ne s'éveille ! ! on sommeille dort et partout Tananarive De la lune un rayon descend du firmament Et fait luire Puis
le toit
du vieux
s'en va consoler
L'ancêtre
noya
qu'y
palais d'argent dans le lac tranquille
;
hostile.
une faction
horloges partout sonnent déjà minuit Et, tout comme en Europe, on entend le doux bruit la nuit sereine, De voix et de violons troubler
Dix
chez l'oncle de la reine. C'est fête, paraît-il, est agile ! Le bourjane Il va, pressant le pas, Suant ne parlant pas ; Il glisse sur l'argile. Quatre Portant Comme
hommes
d'un
seul coeur
leur
voyageur un objet fragile.
III Jadis
Rasoërll
Avec la mort
ordonna, des blancs,
sans répliques, les moeurs impudiques.
vint celui du malais Au sang des Andrian's, Et toute la roture envahit le palais. je vois la courtisane pourquoi aller en filanzane. Vers un doux rendez-vous
Ainsi
voilà
soyeux son regard velouté Dans de longs cheveux noirs, cache sa volupté. Demain on la verra, comme une parisienne, Sous un lamba
Son corset
sous le bras,
regagner
sa persienne.
Je vois la RĂŠsidence. La place du Zoma Les rives de PIkopa La nuit en confidence Eteint
tous
Sur la terre RĂŠpand
les flambeaux et les eaux
son grand
silence.
Hanoï,
La
*. nuit
étend
le détachement l'abri
de ses
1891.
Pastourelle.
son voile du hauts
sur
les
lieutenant miradors.
où paillottes à X... repose A intervalles
deux coups sur les factionnaires frappent réguliers un bambou pour se tenir en éveil. Une lumière luit au fond de la cour et, comme des avec un sergent vont prendre ombres, des tirailleurs armes pour une sortie. A voix basse on s'équipe, les on se compte, on s'aligne ; les coolies portant le Tout est prêt, se placent à la gauche. provisions
leurs
monté qui paraît bientôt sergent va trouver l'officier A la lueur d'un phosur un petit cheval du Tonkin. son monde le lieutenant puis preinspecte tophore Les lourdes nant la tête se dirige vers la palissade. de bois
la porte est ouverte, et sont retirées, la reconnaissance s'en va dans la nuit sombre qui étend son voile sur les paillottes.
barres
Les tirailleurs
passent, légers, arroyos effleurant le sol de leurs pieds nus parmi sailles et les roseaux.
et sentiers, les brous-
— Dans l'air calme, de rances parfums des rizières. l'aube
parfois le cri du paon, se mêlent aux vapeurs d'opium à une les étoiles s'éteignent devant
Une
naissante
13 —
que trouble
répand sa rosée comme sur les pousses vertes des bambous.
mants
qui
des dia-
de marche on arrive à une Après deux heures vieille pagode occupée par un poste de miliciens, devant, eux aussi, prendre part à l'action combinée dont le dénouement
approche. heures le lieutenant
à huit
Si
K la reconnaissance
point
au peut arriver le résultat attendu
donnera
de la région lequel s'est proposé par le commandant de cerner dans son repaire le fameux doï Than, chef de pirate très dangereux. Le détachement
à ces sortes d'expédiest rompu tions qui, le plus souvent, se terminent sans coups de ne feu par l'assaut d'un village abandonné où l'on trouve
plus bahia sourde
infirmes que quelques comme un pot.
Les tirailleurs
ont
repris
ou
leur marche.
une
vieille
Maintenant
le jour se lève sur les magnificences du sol tonkinois. Pour gravir la côte le lieutenant est descendu de cheval
et il
avancent linhs
cause
en fumant
fidèles
tranchent indigène
familièrement
dont
sur
avec
une
cigarette, les salaccos aux
les feuillages. et quelques hommes
En
le sergent. Ils suivis de leurs
rouges avant un
éclairent
rubans
sergent la route.
fredonne des airs de en bonne humeur, L'officier, valses et de quadrilles ; il en tient surtout pour une sans certaine pastourelle dont les notes reviennent à coup sûr, un cesse sur ses lèvres et lui rappellent, lointain
amour,
là-bas sur la terre de France.
— Soudain
un
feu
de
14
— ébranle
salve
la
feuillée
et
d'alentour. retentit dans les mamelons ! — Ce serait donc sérieux, cette fois fit l'officier — Cela m'en a tout l'air répond le sergent en se pour leur faire développer portant près des hommes en plus des trois paquets dix paquets de cartouches déjà prêts à être employés. Pendant ce temps l'officier reçue la veille. dent aux feux
Maintenant de
salve
sa carte et la note
relit
les feux de salve l'action
est
réponsérieusement
postés sur l'autre verengagée par tous les groupes sant. — Mon laissez-moi marcher avec l'avantlieutenant, garde s'écrie le sergent déjà excité parla fusillade. — Inutile, à huit heures c'est de notre intervention que dépend le succès, agir plus tôt serait tout ; mais souvenez-vous qu'à l'heure dite compromettre nous devons être au point K coûte que coûte. Pour y
précises
arriver
à gravir mais il que ce raidillon nos ce raidillon. Faites fouiller
nous n'avons
est plein de mystère flancs par Tap et le Caï Vang limiers. Les
deux
braves
désignés un chemin
ce sont
nos meilleurs
s'enfoncèrent
dans
la
avec le coupe-coupe, brousse, se frayant et la section parvint à deux cents mètres du sommet. Mais deux cris retentirent couverts aussitôt par détonations l'officier et son sergent tombent plusieurs tous mais
deux
frappés d'une même le détachement est intact.
Alors
comme
effort héroïque
l'heure déroula
blessure
à la cuisse,
le lieutenant dans un pressait, sa ceinture, y attela l'escouade
— de tête
15 —
et se fit traîner
sommet où il fit jusqu'au commencer le feu puis il s'évanouit. Le sergent resté sur le lieu de l'attaque, arcbouté sur ses poignets, encouragea ses hommes qui, déjà, avaient riposté, il concentra le feu d'une escouade sur une ligne perpendiculaire tandis qu!il faisait fouiller par une autre le secteur de terrain compris entre cette ligne et le sommet. Une fois ce terrain dégagé il se fit à son tour
sur le sommet où il aligna ses porter hommes à la suite des autres ; à ce moment le feu du détachement toute sa puissance, il était donna
huit heures
précises. Les boys donnèrent leurs soins aux blessés et leur le pansement réglementaire. appliquèrent Revenu à lui l'officier constata que sa présence
au point K aurait démasqué prématurée l'ennemi ment général et détourné de Tandis
que, maintenant, une de trouver
les pirates
le mouvecette
n'avaient
voie.
plus le par deux
issue, foudroyés pièces et plus de six cents fusils dont le cercle mortel allait se rétrécissant de plus en plus. temps
Le commandant ordres fit sonner
voyant le point en avant.
K occupé selon ses
les compagnies les cachaient qui les Le brave lieutenant, vers ce point. convergèrent nerfs tendus, tout entier au combat, fit redoubler son feu oubliant son propre sort. Enfin la charge retentit Des
massifs
victorieuse. terrible, enivrante, Les pirates cessèrent le feu, on entendit de vagues funèbre du gong des appels de corne et le roulement le doï Than venait d'être décapité par ses exécutions,
—
—
16
n'eut Ce procédé pas toute propres partisans. de mettre faveur du commandant qui ordonna cangue à tous les rebelles pris les armes à la main. Le soleil devenu côte
brûlant
la la
ses rayons sur la s'était rassemblé
dardait
où
détachement l'héroïque avaient couché attendant les ordres. Les tirailleurs leurs chefs blessés sous un grand banian ils avaient leur soif trouvé un peu. d'eau fraîche pour étaacher ardente. Le
commandant
envoya les secours les blessés avec d'amener
avec l'ordre colonne
tandis
qu'un nouvel à son poste.
détachement
Ce fut un ordre braves
soldats
bien
ne
officier
difficile
nécessaires ceux
point quitter chefs et on dut permettre deux tirailleurs que raient avec eux jusqu'à Hanoï. Enfin
eut
lieu
le
reconduirait
à exécuter
voulaient
de la
car ces leurs reste-
la marche lente et l'évacuation, sous la forêt aux sentiers raboteux
pénible à travers la morsure continuelle
des moustiques et des sangsues, puis vint la fièvre et le délire. Après un pansement fait au poste le plus proche on achemina les deux blessés vers le fleuve rouge pour y attendre le passage de la première
canonnière.
,de Ce soir-là, un jeudi, les malades de l'hôpital Hanoï étaient restés plus longtemps que de coutume à causer sous les manguiers du jardin. Comme
chaque
jeudi
on
attendait
la canonnière
— du haut
fleuve
-
17
le contingent évacués des ambulances.
malades Chacun camarade
amenant
de blessés
et
un comptait retrouver, parmi les arrivants, de sa région et obtenir des nouvelles de sa
compagnie. Vers neuf
lancé du tigre heures, le rugissement de la chapar la sirène à vapeur annonça l'arrivée tous les boys défilèrent avec des loupe. Aussitôt au devant des malades. Quelques inspousse-pousse tants
une vingtaine de blessés et de fiévreux étaient reçus dans les salles, hébergés et couchés par ces bonnes soeurs dans lesquelles le soldat malheuaprès,
reux croit tueux
retrouver
respect
sa mère
les tirailleurs
et que dans leur affec: Madame ma appellent
Soeur. Bientôt
passa de bouche en bouche le récit du combat où le lieutenant X... et son sergent avaient reçu, en même temps, une blessure grave. Le
commencèrent lendemain, après le déjeuner, les préparatifs sur les tables de la visite. Déploiement : ciseaux, couteaux, de tout l'appareil de la chirurgie cornets à chloroscies, sondes, gouttières, stylets, forme, etc...
bocaux
Dans ce temps-là
n'était
annamite.
avait
Cette
la couleur
son charme, on y goûtait locale, tandis qu'aujourd'hui
chinoises
sont devenues
péenne qu'on
antiseptiques,
pas la confortable et les services étaient installés
Hanoï
capitale d'aujourd'hui dans la vieille citadelle fortuite
et de liquides
d'épongés
installation
de l'originalité les villes indo-
banales avec la toilette
euro-
leur a fait subir 2
—
18 —
était installé dans un ancien grenier à riz L'hôpital se faisaient dans les salles ou dans et les opérations un couloir Etendu
adjacent. dans son lit
et devant
de souffrance
ces
quel est l'état d'âme du blessé ? La poudre préparatifs, avec son parfum grisant n'est plus dans son atmosdes coups de phère, il n'entend plus le crépitement feu ni la voix
est partie il et pourtant
mâle du clairon.
Somardeur
avec son sang perdu, il est là affaissé encore contre de nouvelles va falloir lutter
tortures.
et du du transport C'est la mort proa lu cela dans les yeux et les gestes
La plaie s'est aggravée par suite temps écoulé depuis la blessure. chaine ; le malade du médecin. Mais
ce dernier
veut tenter
l'impossible qu'elle attend.
pour arracher à la tombe les victimes C'est l'amputation nécessaire urgente. Le lieutenant au demande à la subir le lendemain même; quant sergent, il a été reconnu trop faible. Mais
voici
se produit qu'un grand mouvement dans les salles et d'un lit à l'autre se chuchote ce mot : le Général ! En effet, accompagné du chef du service de santé et d'un colonel, voici le général en chef. Il va droit aux blessés, leur parle avec douceur, s'informe de leur
état
et
leur
fait
espérer
la
récompense
des
braves. Il est arrivé
dans la salle des officiers, à contiguë celle des sous-officiers, où le lieutenant et le sergent dorment du sommeil de l'épuisement. Leurs visages forment une tache de cire sur la pâles, exsangues, des oreillers. blancheur Le Général, découvert, les
—
19
—
regarde l'un après l'autre et sans les réveiller épingle sur le drap de l'offila croix de la Légion d'honneur sur celui du sergent. militaire cier et la médaille Puis il se retire ému.
vint donner Le soir, la musique militaire aux malades cert hebdomadaire groupés vérandahs
pour
l'entendre
son consous
les
de plus près.
on vit la Supétraditionnel, à le jardin et s'entretenir, du cercle, avec le chef de fan-
Après le pas redoublé rieure des soeurs franchir
basse, au milieu fare. Puis sur le signe de celui-ci, les musiciens prise et vinrent rent leurs pupitres et leurs instruments
voix
reformer Alors drilles
sous
les fenêtres
entraînants
Sentant mouvement la musique rudes
spécial de valses et de quade souvent le motif revenait
où
les notes
étaient
toujours
sur
X...
la mort, ce'brave dans un officier, de crânerie, avait voulu que splendide Parmi les égayât son dernier crépuscule.
venir
sous nos yeux dans accomplis admiré nous avons rarement campagnes,
héroïques
pareille hauteur Le lendemain, ration.
des officiers.
eut lieu un concert
cette pastourelle dont les lèvres du lieutenant
faits
de la salle
Nous
nos une
dans le courage. le lieutenant mourut aimions
ce brave, car miracle,
l'opépendant des nous faisions
avait le chirurgien voeux, espérant un une renommée d'habileté, mais nous vîmes la Supérieure passer rapide, les yeux baignés de larmes Le la musique joue des airs funèbres. Maintenant
—
clairon
a voilé
son
20
or d'un
—
crêpe et il a trouvé le deuil du régiment.
sons plaintifs pour clamer cortège s'en va au-delà des jardins, nos yeux.
puis
disparait
des Le à
On a caché ces événements
au pauvre sergent, qui s'est éteint doucement, lui aussi, en rêvant, dans son âme généreuse, que son officier était guéri et qu'ils tous deux, retourner vers les pirates à la allaient, faveur de la nuit sombre qui étend son voile sur les paillottes
et les hauts
miradors.
Nam-Dinh,
(A
LA
STATUE
Ronde
DE
PAUL
BERT,
de la Fête
A
1892.
HANOÏ)
du Têt.
I Sur les murs lézardés
de l'antique pagode, Les bonzes ont mis des fleurs en psalmodiant De Confut-Se ! Ils ont sorti leur étendard,
le Code
Dragon brodé d'argent, sur fond criard. des clochettes, Tout le long du Song-Coï tintinnent suit le vol des aigrettes ! Plus d'un gai cerf-volant Dans le vacarme sourd des gongs et du tambour Portant
Les buffles
imposants
sont rentrés
du labour
Tout
caparaçonnés de mousse et de guirlandes. A Boudha tout un peuple apporte ses offrandes II O peuple annamite Doux comme un agneau Sous notre Drapeau Si noble et si beau
!
—
22
—
vite. Tu grandiras Tu as la valeur, De l'amour
au coeur,
Fête avec bonheur Ce jour qui t'invite. J'ai quitté mon pays et sa félicité, c'est pour sa liberté Si je meurs au Tonkin
!
III Çongaïes joyeuses Fêtez l'heureux Têt, en secret
Donnez
Vos coeurs sans regret ! Frêles amoureuses Au fier étranger Dont l'esprit léger Se rit du danger, Venez langoureuses. J'ai quitté mon pays et sa félicité, douceur et volupté Je retrouve au Tonkin
!
IV Mais la nuit Titou
venue
va danser
Le feu s'élancer Et'tout
embraser.
Le Têt continue à Lang-Son Du Day à Do-Son ! Son grelot résonne D'Hanoï
!
Jusque dans la nue. J'ai quitté mon pays et sa félicité, dans toute sa beauté Et j'ai vu le Tonkin
!
—
23
—
V J'ai vu en morceaux Jetés dans la nuit Par le temps qui fuit Le passé détruit Des Mang's et des Thos Et la luciole Voltiger Comme Sur leurs
la folle une auréole froids
tombeaux.
J'ai quitté mon pays le coeur plein d'espérance, Sur ce sol endormi j'ai versé mon ardeur. Et pour régénérer une antique grandeur, Avec mon propre coeur j'y ai mis de la France.
Hong-hoa,
1890.
L'Eventail.
A garnison
de Tak-Bah
Dé14 juillet. bandefanfares,
fête le
cris joyeux et tonnations, rolles flottant au vent, lanternes suspendues par centaines aux cimes des lataniers. la foule en liesse, un moine tout couTraversant
vient d'arriver à la Résidence et de poussière se présente au groupe des convives,attablés. Il expose
vert
de Bang-Sa tourCatholiques mentés par le dé-Than res severas !) (ad diudurnum crie quelqu'un. Ce moine a quelque chose de fatal dans son allure. On lui promet une reconnaissance les lamentations
des
sur les renseignements
qu'il
donne
et la fête continue.
heures après un détachement Vingt-quatre soixante légionnaires et de quarante Tonkinois et font halte au village valent le col de Déo-Gia
de déde
Yep-Laï tandis que le jour se lève. Comme d'habitude les renseignements sont vagues et les Catholica se sont bien gardés' de fournir des guides. Un pauvre
diable
de nha-Qué
vient
à passer.
Le
—
sous-lieutenant
23
commandant
les tirailleurs
en obtient pirates affluent heure Sur
indications quelques sont établis sur la rive du
sur
Song-Mua, de chemin.
gauche un point
et
lesquelles les du Ngoï Dan, est à une
qui
le capitaine fait reeh tête, on comprendre la marche et, les tirailleurs un mamelon mence une course au clocher. Après gravi
les instances
d'après
l'arrête
c'est
un
de l'officier
autre
mamelon
dont
les
contours
se
perdent dans la forêt épaisse. On marche une heure, la position sans encore, n'apparaît pas, on marche sont harassés. pause, les hommes Tout
à coup une formidable deux décharge retentit, tombent ainsi que le cheval de l'officier ; à tirailleurs se trouve une case, vingt pas sur la droite du chemin l'officier salve.
y jette sa section et commence les feux de Les feux se croisent couchant, deux, trois, à la Le sous-lieutenant l'éventail tirailleurs.
quatre main s'en sert avec coquetterie et de ses lèvres tombent à intervalles de joue ! les commandements réguliers à l'exercice. et beau feu ! comme C'est un grand jeune homme plein blanc aux boutons sa stature
Dans son uniforme
de distinction.
sa vaillante
et galons petite
d'or il domine
de toute
encadrée
par deux
troupe
braves
sergents français. Tout en faisant le coup
de feu le sergent de droite regarde de temps à autre son officier. Il voit qu'un long filet de sang s'écoule et tache la blancheur immaIl accourt culée de son pantalon au pli impeccable. a la pour le panser car il lui semble que le lieutenant cheville
fracassée.
En
effet,
malgré
sa vaillance,
—
26 —
est obligé de s'appuyer à un arbre et devient très pâle ; mais il renvoie le sergent à sa place d'un les geste et, sans qu'il y ait eu un arrêt quelconque celui-ci
à tomber de sa bouche mots de joue ! feu ! continuent contique l'éventail réguliers et énergiques pendant nue son mouvement gracieux. A ce moment à la hauteur
le capitaine des tirailleurs
et les légionnaires arrivent mais comme ceux-ci n'ont
leur position le pour indiquer capitaine passe outre et arrive sur le lit desséché du Ngoï-dan où il reçoit les feux croisés des pirates et du lieutenant. dont le capitaine Cinq hommes tombent
placé aucun
homme
On sonne en retraite qui est frappé d'insolation. revient en arrière. gros des légionnaires Cependant deux sergents et cinq hommes n'ont entendu la sonnerie et ont commencé l'escalade mamelon
et le
pas du
rocheux
où plus de deux cents pirates sont solidement retranchés. tous ces sept Successivement braves sont plus ou moins gravement blessés mais ils Un des sergents toujours. traversées mais il se traîne encore.
a les deux jambes Enfin il ne reste
avancent
plus que le premier sergent, il a l'épaule brisée mais il monte toujours ce que perdant connaisjusqu'à sance il tombe dans une anfractuosité de rocher. La plupart des blessés sont fatal où le sous-lieutenant tire en s'éventant.
Ayant perdu rades les blessés viennent tirailleurs sergent mamelon
revenus
le sentier
et commande
la trace
toujours de leurs cama-
chercher
appui près les voit et ordonne
; le sous-lieutenant de droite de les conduire derrière
sur
un mouvement
à l'autre de terrain.
des au
face du
—
Mais ces hommes
27
marchent
—
lentement
et il faut un
certain
temps au sergent pour les amener à l'endroit de la fusillade indiqué. Lorsqu'il y arrive le bruit cesse et il entend au loin sonner la retraite. Difficile alternative ! que faire ? Si le feu a cessé c'est que le
lieutenant
a entendu
et bat en retraite.
Le vieux
ser-
gent ne réfléchit pas davantage et marche au clairon. Mais il n'en est rien le lieutenant n'a rien entendu dans le vacarme une blessure tombé
des détonations.
mortelle,
mort
D'une
foudroyé main il tient
blessés.
Le deuxième
affreux
et se
Il a reçu dans l'aine il a pivoté sur lui-même et est en commandant encore : feu !
toujours son éventail. Depuis près d'une heure qu'ils tirent les tirailleurs sont exténués, la moitié d'entre eux, gisent morts ou sergent français saisit une couverture, y place l'officier et à l'aide de courroies le fait traîner par ses hommes valides. les pirates poussent des cris Mais à ce moment détachement La fusillade
des loups
comme
précipitent en retraite.
à bout
recommence
sur le
les tirailportant, et et se dispersent
sont écrasés par le nombre tombe au pouvoir le corps de l'officier leurs
ainsi que le convoi que les Alors commence la curée.
coolies
de l'ennemi, ont abandonné.
de vin et de Champagne sont vidées avec le sang des cadavres encore chauds
Les bouteilles puis
remplies qu'on vient de décapiter. Tètes bout des piques. jaunes pendent
de tirailleurs ruisselants.
dont
Dix
têtes se balancent de français longs cheveux
blanches les
au têtes
noirs
—
Les blessés les roseaux retiennent
soif brûle
dans accroupis à ces horreurs, ils
assistent leur
stupéfiés souffle car le moindre
et les livrer
vivants
mouvement
aux plus
affreux
la chaleur est atroce, est au Zénith, les gosiers, plusieurs s'évanouissent.
sergent français, dernier lutte contre un fou désir l'arme
—
et les rares survivants
peut les trahir supplices. Le soleil
28
homicide
échappe sa propre
soif il recueille
la Le
de ce désastre, spectateur de se détruire deux fois, de sa main. Vaincu par la dans un gobelet ses yeux obscurcit
urine
et la
et il ; un voile perd connaissance. Enfin le soleil décline derrière les cimes et la nuit s'étend sur ce carnage où croassent boit avec avidité
déjà vautours
Dès
et corbeaux.
neuf heures
du matin
la nouvelle
de l'affaire
arriétait parvenue à Tak-Bah et une forte colonne des accidents vait à la rescousse. Mais en raison causés par la chaleur et la marche forcée elle cantonna à Yep-Laï et n'apparut sur le lieu du combat que le celui de lendemain matin. Les corps furent enterrés, l'officier
fut placé sur un palanquin pour être ramené. Des touffes de roseaux sortirent pâles un à un les survivants on retrouva et, sur leurs indications qui furent rappelés à la vie, pansés et sur douze civières. La colonne poursuivit placés l'ennemi et un détachement ramena le convoi des les blessés
blessés sur Yep-Laï. Le jour suivant ce convoi
approchait
de Tac-Bah.
—
29
—
A sa rencontre
s'étaient portés plusieurs européens avec des fleurs et des couronnes. Les quelques troupes restées dans la citadelle étaient rassemblées en armes et clairons à tambours près de la grande porte, devant. Les civières avançaient droite, un capitaine L'eset il en pendait des linges sanglants. lentement à grande peine la foule des corte fatiguée contenait un congaïes, des chinois et autres curieux. Soudain retentit : Portez armes ! Présentez commandement sous la armes ! Aux champs ! et le convoi disparut voûte
au bruit
des honneurs
militaires.
après un détachement yen et, un soir, après une marche dans un village élevé près d'un Six mois
parcourait pénible, torrent..
le Foucantonnait
Ce village en cherchant du
mais les tirailleurs était abandonné, une vingtaine de fusils bois aux alentours trouvèrent cachés dans l'herbe. On battit ensuite les environs et de dix-huit on s'empara pirates. La nuit se passa à fouiller les cases avant de les brûler. En inventoriant une dans un coffre annamite les prises on retrouva à la popote de casserole, une poêle ayant appartenu on retrouva Grâce aux numéros matricules Tak-Bah. des petits
bidons,
des couvertures
et deux
carabines
au détachement qui avait tant soufayant appartenu Enfin affaire du Ngoï-Dan. fert dans la malheureuse et autres objets au cartouches parmi des paquets de fond de la caisse on vit un éventail taché de sang qui et conservé dans la compagnie comme fut rapporté une précieuse
relique.
Bac-Ninh,
La Fiancée
1891.
du Mandarin.
(PARODIE TIRÉE DES ODES ET BALLADES) Dite à bord de la « Cordillère
», dans une fête de bienfaisance.
I Un
ordre
du Tong-Doc
émanant
A convoqué pour la colonne, Les Mandarins et le Dé-Doc Et les linhs Au
Cô du
Kin-Luoc
son du canon qui résonne
!
II des Caï-thongs Ce sont des Bang-Bien A l'oeil brillant et plein d'envie Des
des Li-thuongs Quan-huyens Qui défilent au bruit des gongs Moi j'en aime un pour la vie ! III Il est parti sur son cheval Qui a secoué sa crinière En
traversant
le bac du Day. Mais j'ai remonté le chenal Pour mieux les voir, la dernière.
—
31 — IV
Depuis ce jour cruel pour moi J'ai prié et chanté des odes Aux
esprits, pour que leur foi Calme mon coeur et mon émoi :
J'ai rempli
de laïs nos pagodes. V
Il n'a pu par un tram courant, un message Absent, m'envoyer Un parchemin ! S'il est mourant Et je vais me désespérant N'ayant de sa vie aucun gage
!
VI J'ai
réussi
l'autre
soir,
A consulter
la Sybille, Qui m'a montré un nuage nonChargé de mort de désespoir ; J'ai mis dix piastres
en sa sébille !
VII Mais je l'aime avec tant d'amours Qu'on me rendra, j'en suis certaine Mon mandarin et pour toujours. J'aime
sa bouche
Sa taille
de velours
et sa marche
hautaine.
VIII Ils reviennent
! joie et bonheur, C'est qu'ils ont chassé les pirates ah quel honneur Pour toi, Thi-Haï, Ne revoir
enfin ton vainqueur des nattes. Ce soir dans l'ombre
—
32
—
IX maintenant
J'entends
les clairons
sonner
Des tirailleurs
l'ivresse
Les doïs rapportent des guidons Les coolies sont chargés de fanions Flottants de gloire et d'allégresse. X
Les trompettes aux sons argentins Sonnent la chute du rebelle, Sur leurs coursiers aux longs crins, Yota
! voici
Qui
rentrent
les mandarins dans la citadelle XI
En
tête
Suivant
d'eux
est le Cam-Saï,
la musique
française, le Thong-Doc de Sou-Tay, du Bay-Say Et les mandarins Il n'en est pas un qui me plaise
Puis
!
XII fit-elle, au milieu
d'une
Elle
tomba
froide
Les
mandarins
Tiêt,
voix
râlante
des rangs pressés, Et, Dans une foule indifférente,
A la mémoire de police
d'un
de 1891.)
officier
expirante, étaient passés !
indigène
mort
pour
la France.
(Colonne
Tananarive,
Les
PRÈSl'effort du
pic
Bananes.
qui nous avait dans les murs
suprême, d'Andriba
retrouvait
une
détente
amenés la
de
fatale produisit, pour quelques-uns qui ne purent supporter la réaction, mais combien agréable pour la plupart des autres. les affres de la faim on Après avoir supporté capitale,
une
1896.
nourriture
gîté, sous la petite tente on trouvait de charmantes de rosiers lascives
et de lilas andriana
et
se
substantielle, après avoir au seuil des villages brûlés, aux jardins plantés la silhouette des gracieuse
nous
villas
consolait
de
l'absence
de
minois
plus parisiens. C'était l'époque transitoire
où
nous
logions
où tout était à organiser, ce chez l'habitant, provisoirement
les grandes manoeuvres de France. qui nous rappelait momentanée Or chacun sait combien cette situation qui ne se représentent plus, hélas, dans les murs austères de la caserne. Après l'exercice ou la corvée, à l'heure où le soleil planait sur les monts brumeux de l'Ouest, des musiest propice
aux bonnes fortunes
3
— 34 — chaque jour écorcher nos malgaches venaient » toute exotique et des oreilles avec une « Marseillaise
ciens
à gros flons flons. l'heure des rêveries
ritournelles C'était
charmantes
sur
les
hautes terrasses. arrivait
avait
cantonnement
Notre
qu'il nous les rues à travers
tant d'attraits
d'excursionner
rarement
montagnes russes. Et cependant hâtive de ces dans l'installation quel pittoresque alors tenues par la gent nombreuses guinguettes tortueuses,
véritables
qui suit toutes les expéditions. cosmopolite Et puis nous avions un amphytrion qui notre table et notre home geait de pourvoir
se charavec un
style qui laisse très loin derrière lui le chic des étales plus réputés des grands boulevards ; blissements jugez-en. Un soir
notre
dîner
s'achevait
dans
les chansons
Au potage avait succédé le ragoût traditionnel, puis les légumes, le rôti, le tout appuyé riz cuit qui nous tenait lieu de pain. On de l'inévitable attendait le dessert, les uns pour se impatiemment comme
livrer
d'habitude.
les autres de la manille, à leur service. Et le dessert ne
ensuite
aux douceurs
ou aller pour sortir venait toujours pas ; de là, cris, menaces, hôte. l'adresse de notre malheureux Mais
celui-ci, sur un timbre.
avec un calme
sur
leurs
à
bien
La porte s'ouvrit filles au teint blanc
douze jeunes déroulés tombaient
invectives"
oriental, pressa et livra passage à dont
les
cheveux
épaules. Toutes plus gracieuses les unes que les autres portaient de légères corbeilles pleines de bananes. Vous pensez la récep-
— 35 — qui leur fut faite, réception d'autant que presque toutes parlaient le français duègne qui les accompagnait.
tion
plus agréable y compris la
Chacun
dessert aussi cependant qu'un comprit savoureux ne pouvait se goûter que dans l'intimité et les couples désertèrent bientôt la table pour se glisser comme des ombres dans les allées du parc, dans les couloirs
de la maison
poursuivis par les rayons indiscrets de la lune qui balançait dans le ciel constellé sa grande bouche rieuse et contente. Le lendemain
des écorces
de bananes
jonchaient le plancher de nos chambrettes, le sol des cours et les marches des escaliers, on en trouvait à tel partout, arrivé au moment du point que le commandant donc les hommes avec balayage s'écria : « On nourrit des bananes tions
ici ! » mais
s'arrêtèrent
heureusement
ses constata-
là.
les hasards de la vie nous ont tous Aujourd'hui dispersés mais chacun a sûrement gardé le souvenir des nuits de l'Emyrne même plus d'un peut-être serait heureux de retourner des bananes à manger Tananarive.
Saigon. (ROMANCE),
à respirer ta brise aquatique aux rouges couleurs Sous les flamboyants Bordant ta rivière.
J'aime
On y passerait une vie entière Dans un frais hamac au milieu J'aime
à sommeiller
De tes odalisques
J'aime le roulis Glissant
sous le toit rustique aux yeux enchanteurs.
de tes vieilles
sur le flot couvert Devant
Et suivre
des fleurs !
jonques de lotus
la pagode, en son libre
l'ibis, exode, Vers les bois sacrés aux bambous touffus, Où l'écho
troublant
Râle tes amours
des païennes
sous l'eucalyptus.
conques
Saint-louis.
— Village
des Tirailleurs
Dakar. — Le Marché
sénégalais
—37— Donne, Quand
donne encor ta grisante haleine brûle en lourdes vapeurs, l'opium Je vois tout en rose ;
Sa fumée éloigne un regret morose. O rêve infini des drôles torpeurs, Avec le plaisir, verse dans ma veine Ton
baiser
maudit,
tes parfums
trompeurs.
Porto-Npvo,
L'empalé
se mirait
A. lune lagunes,
dont
d'Adjara.
dans les encore, discrète, les lointains méandres ser-
pentent vers Lagos que, déjà, nos les murs nous franchissions bandoulière, d'Adjacé. Laissant
1892.
fusils
en
crevassés
la vallée
d'afmarécageuse où grouillent nous gravîmes freux caïmans parmi les palétuviers, la pente douce d'Adjara qui mène aux forêts du Dékamé. A cette heure de l'affût la détonation
insolite
il n'est pas rare d'entendre d'une vieille pétoire, car l'indi-
gène, ici est chasseur. Ce bruit, en tirant le voyageur de sa rêverie lui révèle que ces solitudes sont habitées. Mais, les habitants néanmoins, longtemps et son digne terrorisés successeur par Gléglé « Condo » dit Behanzin n'ont pas encore mis en valeur
toutes les richesses
puissante. Les moeurs
de ce pays à la végétation
et les croyances
des Nagos
sont écrites
— aux
39
—
carrefours
des pistes tortueuses que les générations asservies ont tracées de leurs pieds nus. Sous un arbre sacré, cher aux serpents inoffensifs, s'élève un petit édicule en paillottes. Dans ce réduit les féticheurs en
main
d'une
terre
quelle débris
assez maladroite
une
glaise s'entassent
les
figurine
chapelets sacrifices.
sanglants des de Widah on Yévogan dieu
de la guerre
a
Dans
forgé
moulé sur
grossière de Cauris
retrouvé
entièrement
ont
la-
avec les
les cases une
sorte
du de
par un artisan
indigène. Les mêmes
figurines sculptées en bois se rencontrent dans les habitations et semblent marquer tout à la fois le seul capital d'art et de philosophie que cette
malheureuse
jusqu'alors. Par les sentiers
population bordés
ait
pu
constituer
et d'ananas, la d'orangers sa tête la calebasse pleine vendra au d'acassa qu'elle
va portant sur d'oeufs, d'épis de maïs, marché. Un pagne de guinée entoure ses prochain flancs robustes tandis que sur sa poitrine nue pendent lamentablement mamelles suivant deux flasques, négresse
dans
un
de écoeurant, les mouvements encore c'est la vision suave d'une
balancement
sa marche.
Ou
aux cheveux jeune fille à l'allure gracieuse ment tressés et parsemés de verroteries. Nous avancions
ainsi
dans la rosée du matin
savamsous
les grands palmiers qui formaient une voûte sur nos têtes et guidés par un créole portugais excellent chasseur et meilleur Cailles
interprète. et perdrix tombaient
bientôt
sous nos coups
— 40 — et la chasse
n'eut
pas besoin
d'être
longue
pour
être
fructueuse. Le rendez-vous dans le lointain, En marchant
était un grand arbre mort, aperçu et qui semblait nous tendre les bras. séparé momenface à face avec l'im-
vers ce but on s'était
et seul à ce moment, remué. Il faisait je me sentis profondément prévu, maintenant grand jour et je ne quittais pas des yeux tanément,
dans son réveil que les l'admirant la plaine fuyante, par leurs cris en sautant dans les singes saluaient futaies. Dans mortes
une du
les branches étrange j'aperçus si quelque comme arbre tressaillir
vision vieil
d'inouï se passait là en avant à d'affreux, des râles cent mètres de moi. J'entendis quelque étouffés, des cris, des imprécations ; à tout hasard je chose
chargeai C'était branche
mes deux coups à chevrotines et j'attendis. maintenant un bruit d'arbre ou de grosse que l'on taille à coups de serpe, j'entendis
ensuite
un grand cri quelque chose comme l'appel d'un homme une suprême qui endure vigoureux souffrance atroce. Je n'y tins plus et je sifflai les amis. la brousse et les roseaux on Tandis que parmi je vis s'élever au-dessus essayait de se rapprocher, des hautes
à cet endroit même que je ne herbes, immobile. quittais pas des yeux, une forme humaine Le torse était rejeté en arrière et une pointe blanche
de bois effilé passait entre le cou et l'épaule, un bras était replié et comme cloué sur la poitrine, à ce bras était suspendue une sorte de pancarte blanche ;
—
l'autre
bras était
attaché
—
41
derrière
le dos ; les jambes désarticulées.
pendaient rigides et comme En un instant avec les camarades,
je fus arrivé
sur
le lieu
du supplice où notre cicérone portugais avait sur ce genre d'exédéjà corrimencé ses explications cution capitale usité au Dahomey. Ce noir roi Toffa Ce
roi
Behanzin
avait l'avait Toffa
attaqué le courrier condamné à mourir ne
le cède en
et son code pénal
de Kotonou
et le
par le pal. rien à son cousin
est une véritable
boîte à
surprises. invraiMais, qu'un pareil spectacle est pourtant à deux pas des fortins où flotte le drapeau semblable où la cloche des missions tinte gaiement tricolore, appelant
aux offices les théories
de garçons et de filles créoles portant d'une
blanches ou douces noires, allure si naïve le jupon européen. Qu'un tel spectacle est donc inattendu où dans cette nature splendide et tout au contraire chante la paix, le bonheur l'amour. n'a pu faire, ce Ce que la Croix des missionnaires des soldats n'a pu immédiatement que le canon comme elle l'a une chose ici l'obtiendra obtenir, au Sénégal et ailleurs, cette chose c'est le trale travail vail protégé par nos lois humanitaires, qui anoblit et lie par les mêmes liens de l'intérêt noirs obtenu
et blancs,
métis
et créoles.
généreuse qui vous d'un perpétuel azur.
vient
C'est du moins
la pensée au coeur sous cette voûte
Bécon,
La Tabaski. DAHOMÉENNE).
(FÊTE
I Condo
hé Condo
tié !
O lente
mélopée les noirs Que ricanent Endormis à moitié La taille
enveloppée Dans leurs sales peignoirs II O chanson Fléchissant
des pirogues sous leur mât
Dans la grande lagune, Écho de cent voix rogues Fuyant vers le ciel mat Le soir au clair de lune.
1892.
— 43 — III L'ombre Cache
des térébinthes de sombres
Que nul blanc
murs
ne passa,
Mystérieux labyrinthes, Dédales froids et obscurs, Palais
du roi Toffa. IV
de ces antres, Échappées Des femmes, seins au vent, Dansent un pas enchanté Et secouant
leurs
ventres
au jeu savant
Préludent De l'anneau
argenté. V
Richement
habillé
En général anglais, Le roi Toffa s'avance. Le noir Le métis Lui
font
déguenillé, portugais la révérence.
.
VI Dans les champs d'Adjacé, font chorus Les Grillots les Cabécères, Sous le banian sacré
Avec
Des fétiches
sont venus
De tous les décimères.
—
44
—
VII De lourds
sacs de cauris
les icônes Surchargent Faciles au miracle, En épis de maïs S'entassent Jusqu'au
les aumônes pied de l'oracle. VIII
Et l'écho
de la fête,
Ainsi
qu'une semence, S'étend sur Adjara, Tandis que le prophète d'un geste immense Le peuple de Toffa.
Couvre
IX Dans leur vol funèbre Les roussettes Baobabs
ont couvert
et bombax
La palme qui célèbre Etend son rameau vert Sur le front
de Faurax
!
Saint-Louis.
Une
— Avenue
rue
de Gorée
Doods
Tananarive,
Souvenirs
1899.
impérissables.
L est dix heures, les dernières notes du clairon se sont envolées vers le lac d'Anosy et la caserne 1 ombre
de l'Escorte
se dresse silencieuse
dans
de la Résidence.
Cric
! crac ! qui est-ce qui Et dans toute la chambrée
rase ? on crie c'est Lesca, c'est
le briscard ! — Taisez-vous trouver
tas de pierrots tout au plus bons à la clef du polygone, si vous aviez été là en 1895
vous n'auriez — D'abord moyen tapait Eh
pas le nez si long. savez-vous comment
Lesca
trouvait
de bourrer
sa pipe quand tout le monde de tabac ? Ça vous intrigue, hein ! bien comme je voyais les bivouacs silencieux
se et
sous la en train de se morfondre copains tente, moi je me suis dit : « Le général doit rudement s'embêter si j'allais lui pousser une romance? » tous
nos
Et crac me v'ià parti vers le gourbi en chantant la Digue digue digue don.
du grand
chef
—
46
—
Ça n'a pas raté, le général accourt comme une trombe. — Viens ici toi ! — Comment t'appelles-tu? — Lesca, mon général ! — C'est très bien, mon brave, chante et bois ça. Tiens voilà du tabac et dis aux autres de se remuer. général, je l'ai vu dans les marches donaux clampains ner sa chartreuse qui n'en pouvaient sac au plus, même qu'un jour il a collé un caporal, Ah ! notre
cheval et l'a conduit lui-même dos, sur son propre une demi-heure. En tête de la par la bride pendant brigade, il guettait les bons coins, et quand les compagnies
arrivaient
quelques volailles vu ça vous autres.
pour à leur
camper, distribuer.
Bien sûr il y en avait d'autres avaient du tabac. A un moment
il
avait Vous
des débrouillards donné
qui des bro-
pour au Soudan,
dequins on aurait eu le Pérou, comme diguènes pour du sel, les plus farouches accommodantes.
où, deviennent
étaient revenus de reconAlgériens naissance et avaient monté leurs tentes près des nôtres. Une
nuit
toujours n'avez pas
les
Au matin, j'entendis ! appeler : Mohamed ! Mohamed pas de réponse. La voix répéta Mohamed ! Mohamed ! au moins dix fois en un quart d'heure et personne ne bougeait. Mohamed ! Mohamed ! oh ce qu'il avait de la patience celui-là, à la fin les voisins commencèrent à en avoir assez et je risquai un oeil sous la toile. Je vis un grand diable de caporal qui passait le long des tentes en appelant le fameux Mohamed
—
47
—
ne bougeait une pas. Au hasard, il en ouvrait par ci par là. Enervé sans doute, il en avisa une qu'il secoua plus fort que les autres en criant encore qui
! Mais
Mohamed Colonel
en fait
se montra.
qui
de Mohamed Tableau!
Le
c'est la tête du pauvre diable sa chéchia dans
prit ses jambes à son cou et en perdit la déroute, il alla se réfugier dans le groupe vague des cuisiniers le café sur le front de qui préparaient bandière tandis que le canon lointain annonçait que les premiers éléments de la colonne se mettaient en mouvement..Ah mes chers ces réveils à coups de canon on aurait dit que c'était tous les jours le 14 juillet. Silence
au parterre ! Un autre jour, on venait
un endroit
plein
d'installer
de crevasses
le bivouac
non loin
dans
des Ambohi-
mena.
Un
secours
le tradiles autres préparaient on envoya café aux petits beurres quand à la compagnie de décamper pour aller prendre
venait de se flanquer les quatre gendarme fers en l'air avec son cheval, les uns étaient allés au
tionnel l'ordre
du
Pandore
tour il fallut C'était pas notre avant-postes. Azor. Le capirenverser les marmites et reprendre taine les lieutenants était comme un crin, pas à aborder et l'adjudant ne pipait pas, mauvais signe ! les
sur lequel nous allions nous percher n'en finissait là haut le capitaine plus. En arrivant s'installa en grand garde et il fallut détacher une section étroit. Naturellement sur un autre mamelon Le avec sa section. c'est l'adjudant qui a trinqué Le
mamelon
capitaine
lui
dit
vous
marcherez
jusqu'au
ressaut
— 48
—
et vous vous y installerez voit d'ici pour la qu'on de tirailleurs nuit. Il y a une compagnie qui est en reconnaissance devant vous et qui doit rentrer par ce chemin
à la tombée
de la nuit,
ouvrez
au bos-
l'oeil
soir. une en question, partis pour l'endroit arête entre deux précipices un vrai paradis terrestre. dans les coins, en proL'adjudant qui la connaissait dans le ravin fita pour faire descendre les cuisiniers Nous
extérieur
v'là
et préparer
déjà bon car, selon le règlement, on n'aurait pas dû faire de feu. on eut mangé on se coucha dans un creux Quand derrière le ressaut dans l'ordre des numéros comme si la section
était
le fricot.
en ligne
C'était
et les copains
à
se mirent
ronfler. C'était
mon
tour
d'être
en
faction
en
avant.
me dit en se couchant lui même près de L'adjudant moi : « C'est moi le factionnaire, entends-tu ? au » et il attacha à son moindre bruit tire la ficelle! poignet bout. Ma
un
cordeau
de tente
dont
il me
donna
le
faction
se passa, je passai la ficelle au suivant et ainsi de suite jusqu'à qui la passa au sursuivant deux heures du matin où mon tour revenait. Il y avait cinq minutes que je veillais quand j'entendis le bruit lointain d'une troupe en marche. Le bruit se rapprochait de plus en plus et j'entendais le cliquetis des armes et des voix je me dis c'est les Hovas !
d'un
idiome
inconnu,
Dans la surprise je ne pensais plus à ce que m'avait dit l'adjudant et je voulais crier aux armes mais la voix s'arrêtait sur mes lèvres.
—
49
—
C'est une belle chose la théorie, mais il faut voir un qui vient de faire un bon somme et qui se gaillard trouve
en. face d'un
pareil événement. la ficelle se tendit et l'adjudant Bref, arriva, j'en étais bien aise. Il colla son oreille à terre regarda l'heure à sa montre puis m'envoya réveiller les autres. brusquement en me remuant
Chacun cheval
fut
sur
debout
la crête
en un formait
clin
d'oeil.
La section
une barrière
infranchis« approvisionnez ! » puis
sable. L'adjudant commanda « baïonnette au canon ! ». Il se plaça au milieu se faisant un porte-voix de ses mains : Halte-là Sa voix sans
retentit dans perçante devenait réponse et le bruit
distinct.
de nous
Chacun
de plaisir Hovas.
on était
L'adjudant reconnaissance
heureux
s'était était
à
les
et cria !
ravins
mais
de plus en plus l'entendait avec une sorte de voir
enfin ces fameux
si la compagnie en et elle ne l'était pas. Elle
bien informé rentrée
et l'on ne pouvait passé ailleurs songer que ce fut elle à une heure si tardive. cria : Halte-là !. Pour la deuxième fois l'adjudant
avait
sans
doute
Pas de réponse. Maintenant le bruit
était
là sur nous on entendait
un charabia
de plus de deux cents hommes montant la côte. Il faisait noir la lune était couchée depuis une heure. Je maudissais le calme de cet en moi-même là immobiles qui nous tenait était prêt à bondir. Il cria une troisième fois : « Halte-là feu ! » lentement scandant les syllabes.
adjudant l'ennemi
alors
que
! ou je fais
4
—
— France ! — Qui vive ! — 2e malgache
50 —
!
à vos postes « Remettez-ette, — Mon capitaine vous l'avez n'avez pas d'avant-garde. — Et vous, pas de sentinelles — C'est je que, responsable,
! » belle. Vous
échappé doubles
! voir
tout
veux
moi-
même. — Et moi aussi. Et
soldats
ces deux vieux
avaient
raison
car dans
des cas en campagne il faut agir avec la plus grande prudence pour ne pas se tirer les uns sur les autres.
bien
Lesca se plongea sous ses draps et remit au lendemain la suite de ses intéressants souvenirs. Là-dessus La
chambrée
est maintenant
silencieuse
on n'en-
tend plus que le bourdonnement des moustiques. Ces soldats se sont endormis au iécit des faits vécus et accomplis par leurs vice il en sera ainsi. Voilà
bien
des troupes
aînés et tant
le secret habituées
que durera
de l'incontestable à faire campagne.
leur ser-
supériorité
Fleur
d'Hanoï.
Le jour éclaire l'humble case se livre au sommeil, Où Ti-Haï Les canards déjà dans la vase D'un
coin ! coin ! saluent
son réveil
Avec une grâce extrême, Dans un effort nonchalant, Elle
roule
ses cheveux
Qui
lui font un noir
en diadème
turban.
Puis vers la mare prochaine Où coule un mince filet d'eau, Elle
va comme
Baigner
une sirène
son torse si beau.
Après cette simple toilette Elle attise le feu du foyer Et sourit à son amulette En préparant
le déjeuner.
Dans les soucoupes en porcelaine Elle a rangé les condiments, hachée, le riz, la graine Et la sauce de nioc-man. La viande
!
— Et
sans oublier
Elle
52 —
les baguettes le noir plateau,
emporte Ainsi que les nattes
proprettes Et le vase de thé bien chaud. La voici
filant
en pousse-pousse
!
Du lac à la concession, sa frimousse On peut taquiner Sans demander
la permission.
son ké-ché, bien à son aise, Sur la route du grand Boudha
Dans
voit
passer la Française En équipage de gala.
Elle
C'est bien là notre Tonkinoise Aux
lèvres
rouges de bétel, sa gorge sournoise
Qui livre Pour l'aumône Plus Qui Elle
taël.
friponne que les Mousmées veulent de pompeux décors, a toutes les voluptés
Dans l'ombre Coeur Ti-Haï Tu
d'un
des vieux
miradors.
délicieux, geste facile, aux regards caressants,
restes, ô amante docile, Un des beaux jours de nos printemps.
Les idées du fourrier
Briclot.
Je bois au commun souvenir, A la Commune haine Aux revanches de l'avenir. A la libre Lorraine ! André THEURIET.
Quand tonnerre
le fourrier
Briclot
d'applaudissements
eut roula
ce toast, un la salle, le parmi
porté
— 54 Champagne pétillant la danse commença
—
de nouveau remplit dans le salon voisin.
les verres
et
le paquebot sur l'Atlantique glissait toujours d'étoiles. par cette nuit remplie Le groupe des Argentins leurs pampas rejoignant Et
et les Yankees du toast
saveur à part
pas très bien saisi toute la lancé par Briclot, mais, impromptu affairés galants spahis, auprès des
n'avaient
quelques et l'enfant le groupe des marsouins l'entoura dames, ainsi : de Vaudémont s'exprima — Vous raseur si vous voulez mais m'appelerez j'ai cru bon de faire entendre à tous ces étrangers qui
ce soir, que les soldats français, applaudis s'ils savent rire et faire rire, ont aussi le souvenir, surtout nous autres Lorrains. C'est égal les deux
nous
ont
en ont pris leur part. Si ce n'est pas une misère, on se rencontre partout avec ces gens-là et avec les Anglais donc ! Que vous à Madagascar, à Widah, aux Popos, vous alliez
Allemands
trouvez gros. indiens, autres
leurs
factoreries
Celles-là
font
qui détailler
nègres ou chinois nous leur donnons
sont
leurs
maisons
de
par des revendeurs leur camelotte et nous notre
argent
sans
sour-
ciller. Entre
temps
nous
irons
administrer
une raclée
à
—
quelque
tribu
paisible. Nous
ne
dissidente
55
—
histoire
d'assurer
leur trafic
pas malins ; quant à moi je me ferai libérer dans la colonie comme un vieux sergent de la campagne de 1885 que je connais. Il s'appelle Bordenave demandé
sommes
et il une
n'est
petite
Il a pas gascon pour rien. concession autour de Tamatave
des boeufs et a organisé des l'élevage et il En deux ans il avait les adjudications jardins. c'est un capitaliste. J'en conexportait; aujourd'hui nais un autre à Tuléar et plusieurs à la Réunion qui
il a commencé
ont fait de bons mariages. ne pas faire comme Pourquoi
eux et nous
emparer
—
selon
notre
56 —
du négoce et des concessions, les ne demandent et les gouverneurs qu'à nous
chefs
droit
aider. tous ces pouilleux de nègres et de Zantraversent vivent de peu et les Indiens
voilà
Mais zibaristes
sans frais, avec leur pacotille l'Océan, boutre aux époques de la Mousson, tandis sera toujours coûteuse. nous l'installation pas nous arrêter sur mon dada.
ne doit marche
et
pour
mon
dans
un
que pour Mais cela compte
je
chose encore. Si vous vous laissez faire, là-bas, et si vous prenez tout ce qu'on vous donnera pour du bon pain, vous n'avez pas fini de consommer Autre
un tas de poisons, que des trusts cosmopolites jettent sur tous les marchés. J'ai failli trépasser à Haï-Phong de vin achetée après avoir absorbé une bouteille chez
un
vivres
chinois.
pourris
A Port-Saïd et des curiosités
on
vous
locales
vendra
des
fabriquées
à
Berlin. Dans notre
popote au Tonkin nous avions prévenu la Maison qui nous fournissait que nous ne voulions et les commissionnaires que des marques françaises étaient clientèle de plus bataillon,
d'en
la passer par là ou de perdre il s'agissait d'un mouvement ; or comme de 25o piastres par mois rien que pour le
forcés
le fournisseur
tout pourquoi en votre profit, et bonsoir.
à l'heure
Voilà y regardait. j'ai bu à la Lorraine
là-dessus
je m'enfonce
mes amis et faites-
dans ma cabine
-57-
Les dernières salon
valses sont
les lustres du terminées, on n'entend plus que le roulement
sont éteints, monotone de l'hélice
et le halétement
de la machine, il ne reste plus sur le pont que les hommes de quart leur vieille pipe en baillant aux étoiles. qui fument
Thaïse.
Ils
s'étaient
connus
sur
Elle, fille Cherbourg. débit quand le vieux
d'un
la plage
des Flamands
à
tenait
le
quand
il
patron pêcheur était au large et lui
de la caserne du Val de Saire, il s'esquiver la Salle des lui faire sa cour, abandonnant derrière la fenêtre grillagée d'une Parfois, Rapports.
pouvait venait
il lui roucoulait l'air de : O Magali ! chambrée, Mais au milieu C'était une idylle, ils se marièrent. de leur lune de miel il fut désigné pour le bataillon
Depuis deux mois, les troupes françaises occupent a été détaché dans Tananarive. Berton L'adjudant à une demi étape un poste sur la route de Tamatave de la capitale. Il a comme neur
hova appelé Ce Rabalanona
enfant d'honneur
indigène un sous-gouverRabalanona 12e Honneur.
collaborateur
charmante
possède un ventre énorme et une 27e fille qui a nom de Ramavo,
de Sa Majesté
Ranavalo.
— 60 —
Comme
telle
_
europorte la toilette Robe de soie froufroutante,
Mlle Ramavo
péenne à certains jours. souliers vernis et dessous neigeux. elle semble une étoile Dans ces sites sauvages, Berton devient rêveur tombée du ciel et l'adjudant quand il la voit passer gracieuse vers Hambohimanga l'emporte
dans le filanzane sa
promenade
qui fa-
vorite. s'est accompli et pendant les Ce qui devait arriver du sous-gouverneur, digestions Cupidon règne en maître dans la petite garnison. Mais les affaires se annonce des attaques gâtent, chaque jour le courrier dans les provinces. Certains gouverneurs indigènes se disant, faussement, encouragés par la reine, soulèvent Adieu
les fahavalos. les siestes charmantes
et les nuits
de volupté
-
il faut de nouveau
courir
61 —
la brousse
armés jusqu'aux
dents. Berton
vient
de
recevoir
un
ordre
confidentiel
Le tsimando était escorté de vingt haoussas. urgent. Le soldat n'écoute sur le champ que son devoir, il rassemble ses hommes et part dans la nuit noire. Dans pli
sa hâte le malheureux
confidentiel
furet.
la tire Les
sur sa table
le
qu'il aurait dû détruire. est très curieuse et, quand une con-
Mlle Ramavo trariété
a oublié
doux farniente, c'est un vrai Malgaches aisées savent toutes le
de son
jeunes
français ou l'anglais; aussi en un instant a-t-elle parcouru la missive. Mais elle pousse un cri et s'enfuit. digère ; cet homme passe sa vie à digérer. Les cris de sa fille ne l'ont pas troublé, mais il n'en est plus de même quand elle lui présente ce Rabalanona
poulet
d'un
nouveau
genre.
L'homme
s'agite, appelle ses bourjanes et disparaît avec sa fille dans la nuit noire.
il blêmit, à son tour
62
Nous
sur la colline
sommes blanches
houettes
—
des tombeaux.
glissent dans la nuit Les lambas s'agitent
pierres tombales. suaires. Les cornes
Des sil-
le long des comme des
des boeufs immolés
jettent
leur
sur la pierre des sépulcres. Rabafantastique lanona donne ses ordres. Trois tombeaux sont ouombre
verts Mais
et des cercueils il n'en
des tibias,
en sont enlevés
puis ouverts ni des crânes ni
sort
pas des spectres car ces cercueils contiennent
Fahavalos Cinquante armés séance tenante, maison
voisine
où
dans l'ombre
dissimulés
puis ils Rabalanona
des fusils.
se retirent va leur
sont
dans une donner
ses
instructions. Ils
ont à peine refermé la porte cernée par les Haoussas de Berton cade. Les fenêtres
que la maison est placés en embus-
en éclats, les Fahavalos dans un cercle de baïonnettes. Mais
trois
volent
ces rebelles
mois,
ce sont
sont
ne sont
plus les fuyards d'il y a de solides gaillards qui ne crai-
de plus ils sont deux contre gnent pas les tirailleurs, un. Ils ne veulent et il faut compas se rendre mencer des murs.
le feu.
La
fusillade
éclate
de chaque
côté
— 63 — Les Haoussas
hâtivement
ne peuvent bénéficier armes et les Fahavalos
de
et à bout portant de leurs supériorité
instruits la
à faire une sortie.
parviennent
prend à revers le détagroupe d'une quinzaine chement de Berton qui court de grands dangers. une manoeuvre, mais S'il faisait jour on tenterait dans cette nuit affreuse c'est peine perdue. Un
Les
tirailleurs
commencent
le sol ; mais Berton il veut à tout prix Rabalanona,
jonchent
à
fléchir, plusieurs vient de reconnaître s'emparer
du
traitre
car il y va de sa propre réputation. il pousse jusqu'au Dans un élan énergique, goumais un bras s'est tendu jetant un éclair, verneur c'est Ramavo ! Elle a crié : ratsphana ! a l'épaule brisée, il se soutient à peine, ses Haoussas font des prodiges mais vont succomber. dans les gorges d'Amle clairon retentit Soudain de c'est un peloton la sonnerie approche, paribé, Berton
tirailleurs Ils
ont
de France. escortant le courrier algériens les coups de feu et accourent au pas entendu
gymnastique. Une jeune
femme
est
au milieu
d'eux.
Sur
ses
—64— cheveux revolver A leur
elle porte un léger casque colonial, à la ceinture. tour
les Fahavalos
sont pas frappés cherchent reste aux mains Rabalanona
et ceux qui ne plient leur salut dans la fuite. des Haoussas.
le délire
Dans
des premières une main bien
mais
appelle,
et de sa gorge
angoisses Thaïse !
elle a un
Berton souffrances, connue calme ses
oppressée
tombe
ce mot
l'héroïne
Oui les frais
de longs mois a économisé pendant du voyage. Elle a bravé les défenses et les
interdictions, malgaches
la promiscuité et la voilà ! *
du navire
et les balles
et décoré, a demandé avec à son colonel de ne plus l'envoyer dans des villégiatures où les meilleurs vertus s'étiolent. Il a obtenu de finir son temps dans la vie calme Berton
cité
guéri, insistance
de
la famille
;
ce couple plaisir l'héroïsme. Rabalanona
à l'ordre
et chacun deux
rencontre
fois
a été fusillé
uni
cheveux personne.
et tout
le charme
salue
l'amour
avec et par
sur la place d'Andohalo, nombre de ses charmantes
à Ramavo, comme elle loue à forfait compatriotes,
quant
par
et
l'ébène
de ses longs
de sa romanesque
petite
Tien-Tsin,
La Légende
J'ai temples
du Letchi.
au faîte des vieux
vu les chimères
grimaçantes et les dragons de pierre
jesté. J'ai vu les dieux
1901.
de bronze
gardant
trônant
dans
leur
ma-
les pa-
parmi la soie et l'or, et les arbres antiques pencher leurs rameaux vénérables sur ces magnificences. godes
Aux vieilles Aux
dalles
des cavaliers
j'ai
mendié
les secrets des
citadelles. rizières fertiles
j'ai demandé mon pain. Les forêts éternelles où grondent les torrents m'ont fait voir leurs trésors ; j'ai marché sur les marbres, dormi
sous les santals
nature
: (pourquoi es-tu si belle : (libre à toi d'y rester). lu le passé dans ses vestiges
pondu J'ai
j'ai dit à la ici ?) Elle m'a ré-
et dans mon réveil
les et interrogé m'est apparue des lettrés, l'âme de l'orient grimoires sous une forme idéale où le charme de la femme se cache sous les fleurs. Lorsque Quan-Houng-Won du bruit Mings il remplit l'Asie
des l'empire de ses haut faits. Il
fonda
5
— 66 — des dynasties vécues, il sema les ajouta aux splendeurs sur les bords du Yang-Tsé et Nankin demerveilles vint une autre
Babylone.
Sur ses plans grandioses un palais s'éleva sous la « Tour de porcelaine » et c'est là qu'il reçut de la belle et de victoire Tsi-ma l'anneau d'or gage d'amour qui devait
Mais la gloire ailes frémissantes le retour Les
les plaines mongoles. son héros sur ses emporta
être son talisman
dans
jalouse et Tsi-ma
plus d'un
lustre
de l'aimé.
chants
de la renommée
mais ne pouvaient orgueil chair. Elle en mourut. On
attendit
la retrouva
dans
flattaient
calmer
son
les désirs
noble de sa
son jardin fleuri parmi sur un lit de roses.
les
cycas et les lotus couchée L'armée des guerriers et les vint à ses funérailles larmes du premier des Mings arrosèrent son tombeau. Au
suivant un arbuste naquit sur cette printemps terre sacrée et grandit sous les soins rapidement des bonzes. Il eut des fruits exquis dépasreligieux sant en saveur jusque-là.
ce que le sol chinois avait produit On les appela Letchis (pensées de Tsi-ma). les amoureux la légende et il respectent tout
Depuis n'est pas de fruit mées.
plus
agréable
aux lèvres
des mous-
Aïn-Sefra,
El-Mounghar
12 septembre 1903.
!
MES CHERS PARENTS, Les
ont
l'affaire déjà dû vous apprendre et comme je fais partie des troupes d'El-Mounghar dans le Figuig, vous devez être depuis longtemps aux cent coups. journaux
Je m'empresse D'abord vous l'affaire
et
vous
de vous serez serez
rassurer.
fiers
de savoir
heureux
que
à j'étais sois sorti
que j'en indemne. Je suis à l'hôpital pour une entorse que je me suis faite au retour et comme je suis libérable on m'a évacué jusqu'à Aïn-Sefra. Le 2 septembre, à deux El-Mora quittions étions à quelque fit la grande halte.
heures
du matin,
nous
et, après six pauses pénibles nous distance d'El-Mounghar quand on Il était huit heures, et je vous assure
que le soleil tapait dur. Nous avons formé les faisceaux dans la plaine de sable, à gauche nous avions les à droite des crêtes allant s'étageant à perte dunes, de vue.
— 68 — Les
Zokras
faisaient
le convoi
suivre
de 5oo cha-
meaux chargés de vivres pour les postes. Comme nous étions en train de casser la croûte, dans les dunes, on coups de feu retentirent quelques à tirer. Mais un s'amusaient pensa que les officiers instant une décharge terrible sous après, il partit la plupart de nos chefs tombèrent. On laquelle aperçut
alors
grande arrière.
ligne C'était
Il
l'ennemi
étant
bien
déployé
sur
une
et %notre notre qui barrait gauche un guet-apens. qu'un cri : Aux armes ! et instinctive-
n'y eut ment nous nous mencé
très
sommes
rassemblés
et avons com-
le feu
la plupart de nous-même, de nos chefs blessés et étant restés les malheugravement fit le possible pour les étaient si côté, mais les Marocains être entourés ; et on dut que nous allions sur les premières crêtes afin de prendre
entre deux reux, ramener de notre nombreux
se replier une meilleure Pendant meaux blessés
feux.
On
position. ce temps
l'ennemi
et s'avançait jusqu'au étaient tombés ; ils
matraque cadavres
des chas'emparait point où nos premiers achevèrent à coups de
un de mes camarades
endurer
de
des
et d'appui pour tirer s'abriter. Un légionnaire, qui n'était pas mort, leur servit ainsi de gabion vivant ; à chaque coup tiré par dessus son corps, il recevait les brûlures de la poudre et il devait
comme
et se servirent
points
ce martyre sans bouger car aussitôt il aurait été massacré. Il nous a fait voir plus tard sa cuisse toute brûlée. Dès les premiers coups de feu le capitaine avait
— 69
—
envoyé des spahis à Taghit pour demander du secours et c'est à sa présence d'esprit que nous devons la vie. Je le vois encore, oubliant ses propres souffrances, nous
en manière d'encouragement, son poimontrer, où il avait une montre bracelet et s'écrier : (dans
gnet deux heures
nous
serons sauvés) ! Le feu des ennemis n'arrêtait pas et ils étaient à occuper là, avec de
venus De
des crêtes petits
signaux. A un moment
donné
les chefs
bande
de
la
parles nôtres.
surplombant ils faisaient drapeaux
des
sept cavaliers probablement à fond de train arrivèrent
que tout était fini pour nous, mais ils furent reçus de la belle façon, j'en vis tomber cinq sous nos croyant
coups. Ce fait a dû nous être très favorable, car à partir de ce moment fut moins rude. Ces gens l'attaque c'est-à-dire le avaient d'ailleurs ce qu'ils voulaient, convoi.
Mais
l'instinct
chez eux qu'ils abandonnés.
venaient
est tellement pillard sous le feu ramasser
profond les effets
dix mille Le capitaine avait une sacoche contenant un pillard francs qu'il avait cachée sous un burnous, mais ne vit pas la sacoche, on s'empara du burnous a bien rigolé quand seul trait comique
on a vu cela. C'est à peu près le de ce drame qui a pris fin vers
six heures
du soir par l'arrivée de renforts. II3 légionnaires, Nous étions quelques spahis et Vous dire que nos officiers, nos quelques goumiers. sous-officiers et tous nous avons été à la hauteur du péril,
c'est bien
superflu
; ne sommes-nous
pas tou-
—
70
—
et d'Orléans et jours la vieille Légion de Cameroun Ton ne pouvait pas attendre moins de nous. été à cette journée et ce Je suis donc fier d'avoir sentiment ajoute un plaisir de plus à la pensée du retour. Il me semble, en effet, que quand je vais retourner au pays, les gens, les vieux édifices muets et jusà mes qu'aux feuilles de nos vergers vont chuchoter oreilles le mot qui, il y a cent ans, a payé les gro: gnards d'Austerlitz « Voilà Toujours affectionné
un brave
! »
soldat et fier de l'être, et vous embrasse.
je me dis votre fils
X.., Soldat
de 2° classe
IMPACRÉPIN-LEBLOND
HANOY.
au 2° Etranger,
Saïda.