Souvenirs d'un soldat 1886

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Souvenirs d'un soldat / L.-Louis Lande ; avec introduction sur L.-Louis Lande, par Émile Faguet,... Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Lande, Lucien-Louis (1847-1880). Souvenirs d'un soldat / L.-Louis Lande ; avec introduction sur L.-Louis Lande, par Émile Faguet,.... 1886.

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PARIS H.

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RUE

H.

UU'H's'. BONAPARTE,

1887

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LECÈNE

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'RUE

H.

BONAPARTE,

1886

ÉDITEURS

OUDIN, i7

LETTRES



LUCIEN

LOUIS-LANDE

Lucien

Louis-Lande, ses articles et ses livres

l'habitude de signer qui prit est né à Bor-' L. Louis-Lande,

honorable 9 septembre et, 1847, d'une famille les traditions de l'actioù se conservent distinguée, vité intellectuelle et du travail. Son père, qui existe et vraiencore, était un professeur libre, très apprécié deauxle

ment

vénéré

de ses

élèves

(j'en

Son

le docteur Lande, frère, Faculté de médecine de Bordeaux.

ai des témoignages). à est professeur Les succès

la

de ses

études au Lycée de Bordeaux le marquaient premières Il vint achever ses études litténormale. pour l'Ecole de penau Lycée en qualité raires Louis-le-Grand, sionnaire prix

d'honneur de rhétorique Il entra à l'Ecole normale

prix. Celui ment

de très Il manqua peu le en 1866. Il eut le second

de Sainte-Barbe.

trois qui devait, les fusiliers parmi

n'avait

ans

figurer après, du siège marins

rien, à ce moment, dat. Petit de taille, mince rence frêle,des pieds etdes velure

blonde

bouclée,

en 1867. si brillamde

ni d'un

Paris, d'un sol-

mains

appajolie che-

ni marin, une et souple avec

de femme, moustache pale., joues légère gai, les yeux bleus, très doux

nez retrousséet rondes, et tendres, la voix claire et chantante, il charmants, de deux ou trois ans plus jeune qu'il n'était. paraissait 'M. Duruy, alors ministre, et qui avait une prestance un masque de César, et qui était habitué à voir autour de son foyer des enfants au torse l'avisa sculptural, dans jeune

une

soirée

à l'école

chez

le directeur,

et dit

a On est bien


LUCIEN

6

LOUIS-LANDE.

On vigoureux. à l'ade ses mouvements, s'en coureur Il était bon marcheur, gilité de sa démarche. Chose rare et infatigable. excellent danseur invincible, et l'effort longl'effort, chez les jeunes gens, il aimait énormément. il travaillait A l'école, temps soutenu. de ses travaux, était Mais l'on tombait, pour ce qui sur sa faite M. Duruy dans la même erreur qu'avait ne La vigueur jusqu'à y était dissimulée personne. la petite scène, Je vois encore de trace. plus laisser « Toude latin lui disant excellent notre professeur il était

dehors délicats, à la vivacité apercevait ces

Sous

jours votre sent moins

très

et un peu abandonnée. grâce aimable heureuse nature le travail qu'une donnant et Lande improvisation »

Cela et une

sur sa agréable où repatable un léger d'impatience, coup de poing « Ah bien dire et qui voulait le méridional, raissait Mon Dieu, reprenait oui 1 » l'indulgent professeur, Mettons que vous savez je ne suis juge que du résultat. Mais je vous des vers latins faciles. faire difficilement sont jure qu'ils caractère Son charmante, aux autres

faciles

affabilité nulle

était

» tout

de même.

inaltérable, dans âpreté

Une

humeur

qui en donnait et discussions, la seule peut-être

gaité les

ce qui était discussion, nous et eût de se singulariser manière parmi qu'il une des âmes les plus énergiques quej'aie par-dessous, de ceux qui ont coutume Il eût bien trompé connues. nulle

même

de mauvais le mot caractère synonyme pour prendre et je crois en effet qu'il a trompé ainsi, sans caractère; si aimade gens. On le trouvait intention, beaucoup de fer Il avait une volonté ble qu'on le croyait léger. sous

une

Cette

grâce rieuse. sorte de dissimulation,

complexion

intime,

était

comme

de sa involontaire, aidée par sa modestie,

tout


LUCIEN

qui

était

absolue.

Je

n'ai

naturellement

plus

LOUIS-LANDE.

?

vu personne jamais et sans le moindre

porté,

~A< fût

qui souci

de

à ne jamais parler de lui. IIsemMaitn'ypas Si on lui pariait le premier d'un de ses trasonger. l'en féliciter, il ne détournait la convaux, pour point mystère,

sans versation mais, no parlait qu'il que du traité avant lui. Je

n'ai

exempt fectation J'École, titude tous

les

francs

plus

nous et doux

y fit effort, ou de ceux

d'homme

pédantisme. consiste à s'en

d'entre

le bon

sujet,

connu

point de tout qui étaient

qu'il

Lionel

trouvait

qui

l'avaient

naturellement

plus Il n'avait

même

pas

préserver. et les plus

Debidour,

il se

Ses

S'il

amis,

simplesd'at-

Coun.t,

Dauriac.

l'af-

par-dessus faut

toutdire,

il n'aimait

pas extrêmement l'esprit l'Ecole, généralde tel qu'il était alors; car je ne doute point que nos successeu j ne vaillent mieux et je vais même que nous, le croire. Un certain à l'admiration jusqu'à penchant mutuelle et au dédain a prtort de ce qui n'était pas un les nous, de nos gâtait peu plus précieuses Une méthode de jugement et sévère décisive qualités. .à l'égard nos murs,

de tous et aussi

ceux à

qui

n'étaient

entrés

dans

qui en étaient n'était sortis, une estime tempérée que par méritée, mais un peu complaisante, ceux pour qui y étaient encore. Elle allait ne pas parfois jusqu'à exagérer l'état que nous faisions de nos professeurs, qui avaient cette titre

l'égard

de ne faire imperfection de trop anciens élèves.

Cas

préventions, notre sentimentde

qui n'étaient

de

point ceux

partie

de

peut-être

l'Ecole

qu'un

qu'à noble

dignité, l'importunaient cependant un peu. Il me disait: « Je ne comprends pas bien pourestimons médiocrement dans nos maitres quoi nous

ce que

les

meilleurs

de

nous

seront

dans

vingt

ans

à


8~

LOt7IS-1,ANDE.

LUCÏEX

d'effort. un excès » C'est d'humilité. beaucoup après Le défaut ainsi, qu'il signalait très doucement, est celui de toute réunion très vite au bufermée, qui tourne reau

on ne sait

pas mêler bureau. C'est ce que, faire. Excellent camarade

d'esprit, quand du dehors à l'air du savait

très

bien

les jours

d'internat, à rester

de sortie, que nous le voyions

ensemble,

chaugcrd'atmosphère, moinstimideà plusassoupli,

et mieux

et,

pendant

seul

versité.

àl'Ecole

d'une

prudente, bien sûr d'aimer infiniment le dire

étrangères dans l'Uni-

la

section

en

Il n'y aurait son honneur.

très

tout

libre

lan-

des point

de

littéraire,

appréciation était le fond

d'une

faits,

mesurée de son

Il adorait

Hugo.

mais parce

exposition et d'une

claire déduc-

Il n'était esprit. pas Mérimée. Il estimait

je

crois

que

nous

s'abstenait qu'il en faisions notre

et y voyions une foule prodiavait de n'y pas voir aussi peur nous. Edmond About le ravissait

enthousiaste, de choses qu'il

gieuse distinctement

fracas!

des

Stendhal très haut,

il apprit

judicieudontrèsposé~ peu aventureux, et ne donnant rien à la mé-

L'amour

tion

entretien

seul normale.

mais critique, peu à l'imagination,

taphysique. des faits,

« Ah

à lui

officiellement, très ouvert, l'esprit

Il avait

sa carrièresco-

où leslangues en honneur

époque suflisamment

Il formait

gues vivantes mal à l'établir

de

Il revenait

fois,etmoinsvaniteux.

que quelques-uns, ses trois ans d'école,

aune

l'espagnol, n'étaient point

nant

passions trop moins. Il savait se

dans à sa très ses études, jusque grâce de travail, il savait à la fois être très puissance et très indépendant. tous Il fournit comme

régulier les autres,

sement

nous

dire,

grande

laire

la

d'air

peu

il d'instinct, des jours

se dépayser.

divertir,

A vrai

un

des

que histoires

» Le jour

de trente où

un

de

et sans pages, limpides ses amis le présenta à


il fut About, Ils bavardèrent

Edmond diale.

l'un

tents Il

9

LOUIS-LANDE.

LUCIEN

enchanté.

L'entrevue

une

et

heure

fut

furent

cor-

très

con-

de l'autre. la

la phrase, ambitieuse d'idées

abhorrait

l'exposition

déclamation,

l'étalage, « Il n'y

générales

a

mais disait-il, c'est vrai; dans Voltaire, pas une phrase En général, et je crois il n'y a pas une pa~e non plusD. ici que rapavait tort en cela (mais qu'il je ne suis il trouvait aux poètes une trop donnait qu'on porteur), « La part du littéraire. dans l'éducation place grande dans est l'esprit toujours trop grande faux, disait-il, inLes enfants là qu'il commence. humain. C'est par des

ventent pas.

On

de

contes

leur

en fait

Perrault,

lire, de Il vaudrait

ils

quand

magnifiques mieux leur

n'en

il

lisent

est

vrai, du donner

ans. vingt jusqu'à dont chacun s'achose bon sens, qui est la dernière bien tard. J) vise, au gré de la vie, quelquefois les travaux la volonté, encore Il aimait qui exercent la sienne. besoin de stimuler Nous qu'il n'eûtaucun exercices

les devoirs guère en français une

brillantes

facultés.

n'aimions

sitions mon

il disait, latines, Dieu Elles ne sont

des

et, construction

l'absolu.

La

il la mettait

tempteur

matière

.tenir

beaucoup

aux à

plaisantant

demi:

les

à

nos

compo<: Eh!

Il est métaphysiques. de la philosolui une forme que c'était pour elle est souvent en effet, pour les Français,

probable

triote

belle

plus

dans

ridicules pas beaucoup plus et elles font piocher plus dur ». dont nous étions férus la politique,

que les autres, II méprisait à l'égal alors,

phie une

Sans

trouvant

latins,

plus

part dans

spéculations

aventureuse d'idéal l'idée

convaincu, de ceux qui

sur

les

fondements

de nous que chacun de patrie. J'ai rarement obstiné, plus ne le sont pas.

plus Son

de

a en lui, vu pa-

violent principe,

conla


LUCIEN

10

LOUIS-LANDE

au scepticisme, et impénétrable il ne permettait point qu'on plailaquelle la moindre ni était là. Ceci, sans attitude, santât, mais non sans susceptibiune ombre de déclamation, refit autour de lui le lieu lité. Il n'aimait pas qu'on place avec

son

de

âme

« Graec'a

littéraire

commun

cap~a

/~rum

ce-

u~c~orem

humeur avec la mauvaise gaie, pit p. Il murmurait de se fâcher sa façon c Oui, oui, Grascta qui était c'est le ce n'sst joli à dire que quand capta /~fMm. vainqueur qui le dit ». Il avait

l'esprit et le cœur

tenace,

rieur, mais un homme. 1870 gèrent cennes. tances

le sens droit, bon. Ce n'était un homme

c'était

très

du

la volonté réel, pas un homme supécar c'était distingué

de ses camarades s'engaplupart de Vinou dans les chasseurs dans les moMes dont les circonsPour suivre son ami Dauriac, la camle séparer du reste, devaient, pendant marins. Il fallut dans les fusiliers il s'engagea arriva.

La

pagne, des protections pour Il y parvint. battaient. et prirent fort d'Ivry Il a raconté gements.

de ceux qui se qu'il obtint d'être le Il fut de ceux qui défendirent nombre d'engapart à un grand dans son récit des leur histoire

». Ce qu'il n'a pas marins au siège de Paris son énerà lui, ses souffrances, dit, c'est son histoire sa belle conduite, qui le firent disgie, son courage, et les de vieux lui conscrit, soldats, parmi tinguer, de cette terrible campagne. Il fut décoré plus intrépides de soldat et cette décoration de la médaille militaire, « Fusitiers

avait habit

air sur sa robede grand du monde. d'homme

professeur,

ou sur

de lettré, Il reprit ses occupations entra, des Deux-Mondes, la Revue ans, dans quatre n'admettait sévère Buloz guère les débutants.

son

à vingt. où le Il pro-


LUCIEN

fessa

quelque

voir Paris

agrégé

et s'arrangea se libre,

mencée, professeur de sance nant

dans temps des Lettres en sa carrière

pour

la langue

de fréquents avec tâche,

triple rité tyrannique acharné et le n'altérait

en

Je le vis

autant

très

de

si brillamment

manière

com-

à y rester comme dans la connais-

perfectionnant et de la littérature

articles

souvent

don-

espagnole, suffisant

à la Revue,

Il

:temps

pour

toujours

aimait

le

sa vie

rendaient

à cette

le

que heures.

la vie

comme

dur

et droit,

l'honneur

travail,

la journée Peut-être

magniavec une

admirable

Il piochait une tranchée,

laborieux, ambitieux, et du ressort s'amuser,

[vingt-quatre donnait pas feu,

Il

ou

Il était

époque. menant

était

pensé

réflexion

charmant. latine

composition en chantant.

plaisir.

à cette

et d'espérance, décision qui

était

qu'il

'd'un

littéraire

d'écrivain et une sévépeu de facilité sur sa plume, le plus par le labeur et qui vu, que j'aie jamais plus ardent rien la gaité de son humeur ni l'affabilité

fique d'entrain et une fermeté

:et

et se fit recel'Université, 1873. Mais il avait besoin de

accueil.

de son

une

ii

LOUIS-LAXDE.

et pour

avait

trouvait être lui

pour

est-ce

et le du J'ai

gai.

de

plus

qu'il n'en ou à la vague

parce

le quart d'une à la rêverie creuse. Il était action de corps et d'âme, d'une ardeur Il ne s'arrêtait de incroyable.

lire, de marcher

de professer ou d'écrire penser, que pour ou danser, et réglé, et dispos, to.ujours agile baisser tout cela, comme un employé. parmi Je suis sûr qu'il ne s'est jamais de toute sa ennuyé vie, mal

ce qui est déjà un beau résultat. « maladies et autres de vivre

étaient avait

inconnues entendu

devenait

d'un

tombait

là-dessus

comme

une

le La mélancolie, du siècle s lui autre

il n'en avait parler haut comique quand

il en

sphère aucune la

idée.

conversation

Il


LUCIEN

J2

LOUIS-LANDE.

« C'est

cette sensation-là. Je ne curieux, peut-être dis pas non. Je voudrais un peu voir. Il n'est pas mauvais de tout connaître. D'autant plus que je risque revenu avant d'être en route. Mais je j'en serais peu C'est ne peux pas. Je n'ai pas le temps. trop difficile. faut

Il Il

faut

se

retourner

se

s'amuse, rahle misère

qu'il

passagère,

comme

parce

qu'on

« Frère,

on devrait

l'ètre

du

délivrance

son

pas

d'elle

d'un ce

venu

n'est

mais

prenait

heureux; à mort, mal

pas cela demande

et la guerre

loqui est de nous la mort

le trépas dire c'est trop gai~ la vie est affreuse,

car

et douce

qui n'était la manière

qu'il en soit de la théorie, les choses tout à l'inverse.

aujourd'hui qui, au sortir

d'exis-

ce

contraire,

la mort,

étant

mal de

trop

combien il faut s'imposer incroyable à s'ennuyer. arriver Remarquez que éminemment 1> pessimiste. Quoi

fait

seul

une existence épouvantable et détester ainsi la vie mort,

la

«et c'est bien ajouter: étant une condamnation

mier

de tristesse, se dire une circonstance pour

maudire meurt, qui était pire que » et, comme mourir

il faut

quand

gant

réel

on quand une existence

gique ravir

une

un

notre incune prouve facilité à se didéplorable

triste

trouver

épouvantable.

rien

motif

d'être

par n'aime

mal

un comme

que cette

a un

quand on vit,

quand se termine

qui

dire

on quand est honteux

vertir

donner

soi-même

on

ter

se

s'appliquer,

cause qu'à sentir du pre-

de peine. de labeurs cette

il

est

pensée

certain

On fait

Il est pour est

qu'il

remarquer

est impossible qu'il qu'une génération de l'adolescence, a vu la guerre de 1870 civile de 1871, ne soit pas incurablement

et impuissante à tout vouloir vivre. Il mélancolique avait vu la guerre et la guerre civile d'assez. étrangère et il en tirait une conclusion un peu différente. près,


LUCIEN

13

LOUIS-LANDE.

et qui fut profonde, passée, et dont on voit les colère, qui fut violente, il disait vaillamles écrits qui vont suivre, de la Le malheur « Eh bien à la bonne heure ment ne savait c'est qu'elle pas France jusqu'aujourd'hui, elle le au moins, avait à faire. Maintenant, ce qu'elle et un chemin sait. Nous avons un but, qui est clair, Il est probable plus que nous n'allons qui est tracé. heures ». midi à quatorze chercher Il ne prenait aucun Ce n'était plaisir pas son défaut. lui au but, comme Il allait droit devant à l'incertitude. humiliation

La première la première dans traces

au feu. repentir bitieux

il a fait en affaires, probité scrupuleuse certaines que cet amsupposé gens d'avoir à des avanet sensible être un avide, pouvait

D'une

auraient

immédiats qui tages étaitmême délicatesse dans grande position

été

incorrects.

Sa

très susceptible. On lui offritune un journal fort honorable d'ail-

pas d'une autre opinion que la qui n'était nuance diflégèrement sienne, qui n'était que d'une '( C'est parce Il refusa est férente. que la position au troisième disait-il. rang. importante, J'y écrirais de Au premier seulement je deviens respo:~ ible,non leurs,

et

ce qu'on écrit autour de moi. » et c'est par d'autres pas de ces choses, 11 s'étonnerait que je l'en félicite. que j'ai su celle-ci. comme un Aussi je ne l'en loue point, je la rapporte de caractère. trait de sa netteté ce que j'écris, Il ne se vantait

Au fond, générales, Il concentrait rapportait cher plus

mais

de

sans

philosophie, il avait un idéal

et

sans

goût

semble

idées

commun. qui n'est point sur son ambition, tout son effort et toute son ambition à sa patrie, sans cher-

en deçà. loin, mais sans rester eu horreur et de parler de lui et de faire fût qui ressemblât à l'exposition d'un me

des

qu'il

aurait

dit à peu près

S'il quoi

n'avait

que système,

ce il


LOUIS-LANDE.

LUCIEN

14

< Je suis

ce que les Anglais appellent fourmilière d'une Je fais partie grande d'une L'intellect de fourmis. millions

un s~cu!ar~e. de trente-six ne

fourmi

va

pas très loin, et je ne sais pas dans quel but les fourni si mieux vaudrait sur la terre, mis ont été mises ni si tout est pour le mieux ne fussent point, qu'elles ni si elles et dans leur habitat, dans leur complexion ni si l'imposside concevoir sont capables l'absolu, bilité

doit

de le concevoir

leur

faire

en dégoût prendre Mais il est probable, je risque peu de me

et leurs pucerons. galeries sans que que cela soit certain, en étant une bonne fourmi, tromper leurs

dans efforts Je saurai milière. mes

jamais, fourmi

était

quelle prise

le sens du bien un jour, à moins

en soi,

joie que d'acquérir et par provision,

la

raison

et en dirigeant de la fourgénéral

que je ne le sache et d'agir de la d'être

et ce ne me

sera

cette

connaissance le moins décevant

pas une petite mais d'ici là,

pas, étant si j'en ai une, à ma ma volonté, de conformer fourmi, et de trame servir de ce mot, si je puis destinée, de la communauté, vailler pour le bon état provisoire contre les la faisant plus forte, plus riche, plus armée ? du fourmi-lion autres fourmilières et plus en garde l'effort Et si je me distingue un peu dans général sans oublier que je ne suis que auquel je m'associe, poussière, je demande, citer honnêtement. » De fait, il poussait dont récits militaires il avait sieurs

publié essais

à titre

n'est-il

provisoire,

m'en

à

féli

les Après ce volume, nous avons composé la J~e~ue des Deux-Mondes pluvivement

dans très remarqués

sa galerie.

sur

la littérature

était nette, bien informée, gnole. Sa critique de son objet. Mais il était dans près de chercher le fait de plu~ encore., près

espay serrant sa nature sur

le

vif


LOUIS-LANDE.

LUCIEN

travers

qu'à

plutôt

les livres.

i5

Voir

des

Espagnols livres espa-

que de lire des Il fit en 1876 un premier dans le gnols. voyage et en Navarre. Il voyageait à pied, pays basque relevant et notant toutes choses avec une exactitude et une minutie de dans toute espèce qu'il apportait lui

allait

mieux

encore

travail. Il a fait part volume intitulé: livre

d'une

au public

de ce voyage, ET

BASQUES

lecture

dans

l'agréable (1). C'est un

NAVARRAIS

Il y a là des paydes détails de mœurs, des portraits, des sages précis, conversations des anecdotes picaractéristiques, très instructives sur les habitudes et le tour quantes, très

attachante.

nord

de

l'improvisation, ». Tout y est exact

Rien l'Espagne. l'a peu près ou « l'insde détails et d'une vérité

mais

tour

de

des

d'esprit ne sent

moins

piration absolue,

du

populations

relevé

ce

par

vivacité

et cette

en lui, et mettait grâce alerte qu'il portait partout. Certains récits sont des chefs-d'œuvre personnels d'humour sans celui de « ses prisons amertume, », de son arrestation et de sa captivité à par exemple, fureIl allait, regardait, Car il fut incarcéré. Burgos. Son sergent Hoff, dont il pas naturel. avait si bien raconté avait été tenu pour un l'histoire, Lui fut pris pour un espion allemand. carliste, .espion et embastillé.Il fallut faire des machines, se jouer mais il était réclamer de l'ambassade. On le relâcha tait.

Ce n'était

temps suborné Tout sur

un

sa bonne par son geôlier. le livre est d'une fond

de voyage

solide.

que

(t) DtdM)' (t8~7).

humeur allure

C'est

je connaisse.

une

il avait

déjà

à demi

franche et gaie rapide, des meilleures relations


LOUIS-LANDE.

LUCIEN

)6

Nous

du

approchons retarder

voudrais

fois

dernière

en

le

récit.

avril

dont je dénouement, Quand je le vis pour la il se préparait à repartir

triste

1880, Il avait amassé

de matébeaucoup l'Espagne. à la fois historique, d'érudition pour un ouvrage sur l'armada. Il en voulait et militaire diplomatique pour riaux

recueillir

comme il sur les aimait à lieux, d'autres, tout plein d'ardeur, Il était àce moment faire toujours. c'est-à-dire dans et de gaieté, son nade confiance

turel oh! c'est l'Espagne, après Paris, «L'Espagne! le mieux, moi qui me trouve où je me trouve encore Du reste, aucunebien partout. je ne me dissimule le cou.– que je puis très bien m'y faire casser lui disait quelqu'un Mais s'il y a du danger pourtant. aimé et qui l'aime encore. Bah qui l'a beaucoup » Quand fusilier marin. il était l'ancien répondait ment

question conclure.

de danger,

c'était

sa

manière

ordinaire

de

~1parcourut à septembre les bibliothèques Il séjourna à Madrid, à Simancas. longespagnoles, des archives temps dans cette ville pour y dépouiller était fini. très importantes pour son sujet. Son travail De juillet

Ses dernières

lettres,

de septembre du labeur

du soulagement pleines Il arrivait. du retour prochain. deaux pour le 30 septembre. Le avec

25 ou 26 un

1880,

sont

toutes

achevé, l'attendait

de la joie à Bor-

il quitte Simancas septembre, à Valladolid. se rendre pour

à pied, Son ba-

On

guide, Il arriva à Valladolid dans la soirée, gage suivait. ne trouva un hôtel, chercha point où se caser: il y avait la ville regorgeait. Il est probable de taureaux, course bourpousser plus loin, jusqu'à quelque qu'il voulut On ne sait plus rien de sa vie. Son gade avoisinante.


LUCIEN

frère~

partit inquiet, son On trouva

ches.

jours

On

portefeuille. Les guide. Il est

mort

une

retrouver

pu

ont

d'une

ardemment, 'cherches

n'a

Espagnols croire.

voulons

y

recher-

fit des

Valladolid,

pour

de dans une des rivières corps trois la Pisuerga. Il avait séjourné ou quaet son Il avait encore sa montre sous l'eau.

Valladolid, tre

Î7

LOUIS-LANDE.

cru

autre

mort

encore,

glorieuse et d'études,

ni son

ni sa sacoche, à un accident.

celle

que sur

qu'il

Nous

désirait

de rechamp et en soldat, en faisant

en savant

son

reconnaissance.

La douleur c'est-à-dire

aimé, Notre déjà De

fut profonde de

promotion

perd de vue, on se réunit

même on

une

vite,

ni

dix-huit?

normale

réduits

le regretta

l'avaient connu. avait

l'a été encore

On

presque. d'une tombe.

qui l'avaient

à

été

depuis. dix-huit.

on se se disperse, en temps De temps sincèrement.

Il

s'y très

déjà large, qui aurait grandi place à ce qu'il y avait de solide et de bonne son talent, de tenace et d'invincible dans

grâce dans trempe Je sa volonté. dit,

qui

sommes

littéraire

Le monde

Elle

s'oublie

autour

ceux

à l'Ecole

1867

nous

tous

ceux

cruellement.

vingt-quatre, Sommes-nous

fait

tous

chez

éprouvée

était

chez

tout

ne

crois

pas

que

M. Bourget

ait

assez

ce

qu'il pensait assurément, quand < de cette existence d'être qui promettait parlé aux lettres s. J'estime leur aurait françaises qu'il

il a. utile fait

honneur. il l'eût été par Utile, dont il était, et à celle dire qu'il eût contribué ment

plus

ou

moins

en

un

D'UN

SOLDAT.

côté

suit. qui nous à la détourner

philosophique je crois peu

ce moment, tant tuelle soit même menacée RÉCITS

autre

d'une

qui

à la génération Je ne veux pas du décourageest

à la

mode

la jeunesse acque recrudescence de cet 2


LOUIS-LANDE.

LUCIEN

1S

seulement Il me paraît qu'il l'auraitpoursa à fuir habitué part, ne fût-ce que par son exemple, ou ou orgueilleuse toute attitude toute affectation, à une profondeur facilement toute prétention accablée, archaïsme.

acquise, et toute Son pas

tout

rôle

élégance caractère

laissé

distinction

joué, toute laborieuse.

droit

d'emprunt

et

sa pensée franche et de bannir contagieux,

n'eussent

par leur une certaine

d'être

ce qui eût été autant de gagné, dans le style etde galimatias quantité dephœbus les attitudes. influence,

dans

Il aurait

un autre service. pu lui rendre La jeunesse actuelle de faire une généralisa(il me reprocherait mais elle n'est pas très ambitieuse) est tout ce tion et aussi désenchanté, y a de moins éloigné que de chercher des raisons à se dégoûter de possible l'existence. Elle est infiniment éneractive, pratique, qu'il

et convaincue

gique, ambitieuse, de ce monde, en et quand raison;

quoi nous

de la réalitédes

elle

lui ressemble, travaillons à lui

biens

et

a bien

démontrer

a le sens profond de la vanité de toutes qu'elle choses, elle a l'irrévérence de prendre nos homélies pour une considérable. Mais peut-être oublie-t-elle plaisanterie un peu que s'il n'est point nécessaire à l'homme d'avoir

une

d'avoir

chimère un idéal

ou de s'en assez

élevé

faiblesse

une, donner

pour et à la volonté une

but un peu noble dont l'activité se trouve un idéal assez proche notre

créer

une

stimulée aussi

excuse

il lui est

utile

à l'action

un

valeur

ce morale, et la volonté accrue,

ne point pour et à nos doutes

donner une

à ma-

tière. Cet idéal, n'oublions l'avait trouvé pas que Lande dans les tranchées du fort d'Ivry, à qu'il l'avaitestimé sa taille., que sa modestie s'en était contentée, et qu'il


LUCIEN

lui

avait

suffi,

recherches ambition,

térable

meilleur et

mort, est

cœur,

fant

de

généd'inal-

et

espérances

ait

M.

Mézières,

en

littérature

jours

de

lui

été

plus

qui

est

à la

nouvelle

droit un

à

et

Mézières

écrivait

d'octobre

1880

son

homme

étrangère,

M.

premiers

fait

aurait

qui

annexés.

pa</s aux

Temps

de

savant

des

de

travail,

invincible,

patience

qu'on

celui

celui

un

lettres,

de

humeur.

le

L'éloge

vie

une

d'indomptables

bonne

sa

de

ardentes,

reuse

de

soutenir

pour

19

LOUIS-LANDE.

de

un

en-

dans

Le

w

« Je

me reprocherais

d'adieu ver

Valladolid. est-il

dans

uno

Quelle

est

la victimed'un

dire

dès

un

de cœur

l'homme

le corps

est

qui

il l'avait

obscur, les

embuscades,

ont

reçu

ront

alors

«

souvenir

Il y avait

quelque

ce jeune

homme de combats,

il avait

renoncé

même corps

les

s'engager corps

souvent

dans

il avait

et

un

batailion

du

siège

de

avant-postes,

les

dans Ceux

qui

n'oublie-

du service comme

active.

service

pas

sans

peine

gardes

militaire, de

plusieurs

Sonambition

son

voyant

de

soif de dévoue-

faire

En

guet-apens

le patriotisme

avait

demandé,

dévouements

Paris.

un

lui

Cette

vaillante

dans

de fusiliers

grands

en

a laissé.

maisqui

ne fut

peut

avant-postes,

âme

Dispensé

voulu

Lande

perd

de Paris.

siège

l'armée

Ce

exposés.

les plus

rappelle

aux

droit

dans

d'héroïque frêle,

à servirdans

plus

sonnrances

chose

et de dangers.

loin:

plus

leur

qu'elle

à son

camarades,

du

L.

d'honneur.

aux

de cette

d'apparence

ments,

ses

sorties

les confidences

le

jamais

les

et

Ce qu'on

le plus

fois

vingt

de'retrou-

française

le surprendre

cherchée dans

la jeunesse

parole

Simancas

meurtre?.

que

venue

peut-être

vient

mort tragique?

lui faisaient

qui

on

une

entre

cette

accidentoud'un

représentants

dont

d'Espagne,

la causede

c'est

sans

disparaître

de talent

et rivière

maintenant,

des

mort

de laisser

dans qu'il

marins.

Le

et les les nationaux

allait un

des

obtint

de

nom

ptus

marins leur

de

ce

grandes passer disaient

si


20

LOUIS-LANDE.

LUCIEN

une

avec

nuance

tour?-

Oui,

conduire

De

marine. froid

«

leur

d'une un

crut

nuits

tout

laient

sur

avaient

lui

supporta-t-il

bas:

« II a un

avec

sollicitude

est

ce

«

son

chef-d'œuvre

soldat

les émotions main,

d'un

savait

l'espagnol,

tourna

sa

première

curiosité

guerre

carliste,

pagne,

allant

de

village

tagnes.

Il a raconté

fort

vations

s'éloignant

originaux

et des

«

L'Espagne

important

à pied en

chez

dans

vers

devait

lui une

les

que

se la

de

mois

après

du

nord

de l'Es-

sentiers

des

mon-

impressionsdevoyage

les

thèse

que

l'Espagne

Ce sont

d'obser-

remarques

d'un

mœurs

espagnoles,

des battus,

la

tant

connaissait

Il y a là beaucoup

offrir

de

guerre

avec

Didier.

chemins

inédits.

la

oculaire.

Peu

par

l'intimité

faits

ne

provinces

village,

il

et de force.Ilfallait

agréablementses

des

il préparait

les

et

quisentaient

de

témoin

et c'est

mer

s'i!8

la plume,

articles

qu'il

d'un

de

de héros.

s'approprier

littéraire.

et neuves.

pénétrer

en

qui,

publié

curieuses

a voulu

qui

il visita

un volume

pour

la narration

par

pendant

et ils veil-

âme

terrible

le

On

comme

prit

des

drame

robustes

loups

l'aimaient,

de précision

d'un

mul-

assez

le petit

Lande

épisode

cents.

qui,

vieux

une

ils

siège,

plus

la toux

tou~

le

feu,

et de courage.

rhume,

fusil,

d'un

Lande

dans

de

d'enfant

corps

récit

le tempérament

de seconde

raison

les

la

la complexion

fatigues

Revue des Deux-Mondes

un

de sincérité

vilain

neuf

des

poitrine,

car

déposé

Son

Mexique

sa

du

avoir

en entendant

déchirait

de le

que

de volonté

fois

dans

resta

avoir

pour

de

l'uniforme

semblait

mystères

d'une

la

poudre.

rude

des

avoir

dans

écrivit

avoir

fille,

désiré

« Après

à la fin il n'en

assez

heureux

gens,

commencement

jeune

d'hiver,

disaient

Au

qui

plus

braves

votre

toujours

s'éclaircissaient

rangs

Lande

y a là,

perdu

les

donc

dangereux

L.

hiver Il

santés?

plus

œuvre.

cents;

Comment

tiples,

la

en jour

jour

dix.-huit

délicate

les

C'est

ntles

gaieim

endroits

faisaient

étaient

les

répondaient

aux

«

d'inquiétude

rencontre

matière

de doctorat,

d'un

homme

des

et types

travail

plus

et il avait

choisi


LOUIS-LANDE.

LUCŒN

pour

l'histoire

sujet

de

nécessaire sous

gnole

faire

et

des

de

leçon

puissance

de

suivis

avant

son

avec

le feu

sans

un

le son

souriants

sous

lénergie

et la fierté

et

France

les

L.

elles

du

une

si aimable

ment

et

du

les

peuple

sa

simplement

faire

et

en

son

de

tribut Antonio

émue

Bilbaino sur

si

figure français,

et

une

l'effort

la

et

qu'il

connaître

retraça

brusque

yeux

exquise,

mais

Français

écrivain

jeune

grâce

espagnol,

rares

ses

aimables

romancier

le Noticiero

vivacité

une

sympathie

éclairer

sentiments et

une

de

paya

L'éminent

dans pour

à

distinction,

avec

rappela

maintenant

flattée,

jamais

de

projets

»

contribué

mémoire.

Lande

fidélité et

il avait

de jours

ses

rappeler

avec

cœur.

n'avait

documents

ces dehors

dérobaient,

du succès

vu peu

l'expression

si douce,

grand

les

raconté

me

puis

Ii

Lande.

et de grands

Je l'avais

tristesse

se d'un

gratitude

ne

toute-

à l'adresse

passé,

Il m'avait

voix

écrivains

Trueba

par

de cette

dont

à sa

Je

L.

pré-

détails

de la de

hardi

le

surpris.

de

qu'il

aimait,

pieuse

l'a

Les

de consulter

l'Espagne.

lesquels

L'Espagne,

de

Il revenait

sentiment

modestes,

et

espades

l'orgueil

ambitions

grandes

marine

de la

résultats.

à

dans

de la jeunesse.

amer

regrets

la fortune

la mort pour

départ

des

découvrir

revers.

quand

vanité

libre

de

semblait

lui

à l'immensité

l'esprit

exemples

grands

nécessaires

de

Il

effort

d'opposer

par à

~7'Ma~a.

grand

la

innigéo

des

présent,

et

préparatifs

fâché

pas

ce

II,

plaisaient

n'était

l'T~t't/tc?~

revivre

Philippe

tentions cette

de

:<

les

fait

mœurs avecune

intéressante pleura

digne-

irréparable

dispa-

rition. Le Lande El

comme

Globo

éclairée

de

marquis

une

son et

Riscal, affection

témoignage

sympathique

qui

a

fraternelle, en qui

faveur a toujours

eu

toujours apporta de

pour dans

l'impartialité inspiré

notre


LOUIS-LANDE.

LUCIEN

22

sur les dans ses appréciations compatriote judicieux éteint ne s'est point Son souvenir choses d'Espagne. là-bas. aimable et très Le même très marquis distingué ces jours une lettre de Riscal derniers, m'écrivait, d'émotion

pleine

son

que

caractère mais

permet pas de reproduire, la mémoire tré à quel point vivante et chère est restée qui Font si courte.

dans

rencontré Entre

sur

article

travaux

situation

la

étude Cette époque. bruit dece fit un grand la signature, Malgré le duc

M.

Castillo.

d'Aumale, était

bien

mon-

de la vie,

historiques le l" octobre

publié

lui pour à la Revue un

1874

en Espagne à cette politique attira très vivement l'attention et côté

etde

elle

fut

l'autre

des

Pyrénées. en France

attribuée

et en Espagne le résultat d'un

à M. Canovas

à del

Riscal.

de vues et échange collaboration entre Lande et M. le marquis de et de ces vues C'est un travail plein d'aperçus

nettes

et précises,

d'une

Elle

m'a

du jeune écrivain patriote aux cœurs de tous ceux

il avait

des Deu~c-Mot~des,

qui

la carrière

autres

ne me

d'intimité

Je

ne

suivre. de lire

aujourd'hui, maintenant mal,

point

point parlerai les Le lecteur ceci.

Je

œuvre

sontune d'uneintensité dit très

bien,

Lande

instructif,

singulièrement à dire dime feraient

comme

ne

des

dis

que

supérieure, de vision à son

j'y

vois

aussi

d'une

dons

est on

ne politiques de consulter.

encore, militaires

vont

qui

et jugés qui est

fermeté

extraordinaires.

ordinaire

des

nos

parcourus mon goût,

le tempérament remarquer dans le récit de La Hacienda mais

qui p, comme

suggestif et que

Récits

aura

les aimait,

avant

qu'ils de dessin et

M.

Mézières

il fait quand se marque qui de Camar&)t cela éclate;

d'ailleurs, de soldat

de

peintre,

ou,

si

l'on


LOUtS

LUCIEN

d'une

qu'il de choix, sûrs dans vers

latins

plus surdu

événements

ristiques un peu

ont

dont

dans éloignés une raison pas et

sombres

le passé ne pour J'ai

émouvantes.

et

caracté-

épisodes

quelques de ces la matière

fait

si

».

faciles

trop

Les

n'est

songer On est

un instinct y ait si peu de rhétorique, la sobriété, et de la concision pittoresque de l'école, un si jeune homme, qui sortait

pris

des

qui fou*; la redoute.

à l'eau-forte, de graveur de fois à l'Enlèvement

veut,

23

LAXDE.

sont

tableaux,

de

notre

point trouvé

déjà Ce

histoire. ces

relire

pages une c'était

que

se soules publier. H ne faut ni crier qu'on pour ce ni oublier. Il y a des choses lesquelles vient, pour et d'y songer est de n'en parler jamais qui convient en faire sans Le moyen éclat, d'y songer toujours. raison

est

de les

rare

qualité mation. On

surtout

relire, d'être

trouvera

chez

un

un

écrivain

homme patriote ai trop

peut-êtrequcj'en

si je m'écoutais, j'en parlerais son ardeur, Ai-je tout dit, sa bonté, à rendre service, plie et encombrée, que

pardonner, ciance, de très

décla-

et voilà

encore. longtemps dans sa vie si remsa

à promptitude faiblesse ou insou-

haut

les

Il est

resté

et qui prenait touprocédés ? Je laisserai si vivante d'une personnalité

mauvais affaiblie semblait

rayonner moi une

pour

et les plus remarquables plus vives de corps, Il était Français d'âme, nières,

parlé,

a cette

n'était point qui certes chez un homme peu endurant

une image jours et dont la vie d'elle.

qui sans

de

pensée

et de

il l'abienservie; France; fallu Ce qu'il aurait

style;

et des

vibrer

autour

les expressions du type français.

de tournure,

il a beaucoup

ill'eûtgrandement faire pour honorer

de

ma-

aimé honorée. sa mémoire,

la


24

c'est

LUCIEN

une

tres, parmi

étude

nette, les

sur

lui,

LOUJS-LA\DE.

il en

comme

mais vive, émue, douloureux souvenirs,

sur

faisait

d'au-

d'entrain,

pleine

encore,

gaie

et~ à

/ra?içatse EMILE

FAGUET.

BIBLIOGRAPHIE Voici la a la J~efup qui suivent

liste des

des complète Deux-mondes,

articles publiés en dehors des

L. Louis-Lande par RÉCITS MfUTAtRE~

Littérature Un roman de rrcejrs espagnole.cspagnotes. Juïtcne; romancier Pepita (to janvier )875). – Un espa~not. Pedro de Alarcon Un conteur contem(15 mai 1875). espagnol Antonio de Trueba Le roman porain. 1876). (15 janvier patrioen Les nacionales de M. Perez tique Espagne, Episodios Gatdos Un poète (15 avril i87G). Don Nunez lyrique espagnol, Gaspar deArce()5mai 1880). Histoire. d'après

Les de

récentes

cagots pub.ications

au

moyen âge (<5 janvier

et

leurs

congénères,

<878).

Histoire

La question six années contemporaine. cubaine, l'affaire du P'tt'g~tu~ d'insurrection, mars La Sicile (<5 1874). dans les dernières la situation et le Malaudriannées, politique La guerre, civile naggio (1 août <87~). en Espagne (t octobre L'état moral et politique 1874). de l'Espagne en 1880 (15 octobre ar<:c~e 1880, posthume). Législation, et Atgéne

administration. ia Société de protection

Les

Alsaciens-Lorrains (1 septembre 1875).

en

Trois mois de Voyages, dans te Ethnographie. voyasre l. La Navarre février Pays IL basque. – L'Atava (15 1877). 15 nMrs La Viscaye )8;–HL IV. Le Gui(15 juillet 1877). – V. Les 1877). – puzcoa (15 août Fueros octobre (15 Un 1877) dans français méridionaie I. Une Voyageur l'Ethiopie colonne dans le Choa française (1:, décembre II. La Mission de 1878). M. Arnoux (15 janvier 1879).


LES

FUSILIERS AU SIÈGE

MARINS DE

PARIS



MARINS

FUSILIERS

LES

AU

SIÈGE

DE

PARIS

(1)

1 f de Paris On se rappelle la stupeur quand s'y rédes deux défaites de à coup la nouvelle tout pandit un dimanche, l'atet de Reischofen. C'était Forbach était lourde, chargée d'épaisses orageuse, mosphère avec deux ou trois de mes Je me trouvais vapeurs. de nous camarades de l'École normale; parlâmes on pouvait nous engager. Sans être bien perspicace, active n'était de armée pas déjà prévoir que notre mêmes force à soutenir la lutte, et les raisons qui du maréchal de Mac-Mahon, avaient amené la défaite leur saleur discipline, le nombre des Allemands, vante disaient assez peu la organisation, qu'avant Par cela France aurait besoin de tous ses enfants. mcmc loi spéciale nous exemptait de tout serqu'une les previce militaire, nous nous devions de donner micrs l'exemple du patriotisme. de l'instruction D'aiHcurs un décret du ministre vint bientôt à des jours plus heupublique renvoyer reux nos examens Dès lors, débarrassés d'agrégation. de toute nous pouvions universitaire, préoccupation librement de notre temps et de nos volontés. disposer d'entre nous une vingtaine avaient Deux jours après, (<) Ce

1871).

récit

a paru

dans

la

Revue

des

Deux-Mondes

{tfi

jni!)e6


LES

28

leur

signé

la mobile, semaine

moi, la marine.

officier parlé

de

la ligne, soit de Vincennes,

chasseurs

le camp une circonstance

particulière ami à l'Ecole

J'avais

leur

pour de la flotte.

Il m'avait de

leur

de

leur

matelots, discipline,

à leurs de

et la

marins

destinés

m'attirait le fils d'un bien

souvent bonne mais

rude

à Paris

à occuper les fusiliers

Je me décidai

de

leur

Il

était

un

cer-

courage, aimais dé]à

et je les chefs, en ce moment de faire venir

question tain nombre

dans

étaient habillés, qu'ils dans les casernes pour de Châlons.

supérieur de la vie des

nature, dévoûment

dans

écoulée pas et installés

n'était

armés équipés, être dirigés sur vers

soit

engagement, soit dans les

Pour

MARINS.

FUSILIERS

les

forts.

à m'engager dans de la made route, rine, et le 14 août au soir, muni de ma feuille de Brest. J y arrivai le 15 août, le port pour je partais assister au départ et je pus dans la soirée d'un bataillon de fusiliers marins sur Paris. dirigeait qu'on Ils

caserne située à 3 ou 4 de Pontanezen, de la ville. se pressaient Parents, amis, les acclamait au passage, la foule eux et, bien les cœurs fussent les chants, les tristes,

venaient

kilomètres derrière quoique railleries, dans une de

ces

fièrent

bons

les

langue

hommes, dans la

mots, inconnue leur

air

se croisaient moi.

pour martial

résolution

que

de toutes

j'avais

mais mon eux; inexpérience taires était un premier obstacle déjà si été chasseur, et c'est tout au plus tiré dans ma vie une douzaine j'avais Or les

fusiliers

sont

un

bonne

et décidé,

avec

sil.

La

corps

parts tenue

me

forti-

de prise des choses

servir

je n'ai avant la

jamais

mili-

guerre de fu-

de coups destinés d'élite;

à

de débarcompagnies et peuils ont reçu une éducation spéciale, quement, de soldats ou de titre servir vent presque au même avaient de ceux que j'ai connus matelots la plupart en Chine, en Cochinchine. au Mexique, fait campagne former

Aussi,

dans

les

quand

colonies

des

j'exprimai

au

bureau

d'armement

le


LES

FUSILIERS

MARINS.

29

on me rédes fusiliers marins, partie était chose imposque ce que je demandais pondit à Paris que des rappe!es,~d'ansible, qu'on n'envoyait d'aciens serviteurs, assignée que ma place m'était tous les comme être embarqué vance, que j'allais à bord de la Bretagne, volontaires autres engagés sorte devaisseau-école,où l'onm'initieraitpendantun tels que laver le pont, du métier, an à tous les secrets de là, si je perla rame; et manier les voiles carguer dans ma résolution, sistais envoyé à Lorient je serais d'armes et mériter le maniement pour y apprendre le brevet de fusiassidus par dix mois d'exercices lier. me battre En vain m'écriai-je pour que j'étais venu du couet non pour laver le pont d'un navire; qu'avec on apprend à tenir un fusil rage et de la bonne volonté de passer en trois jours, et que je n'avais pas besoin cordialement les sur un vaisseau-école pour détester tort. D'autre Les règlements Prussiens. me donnaient ou ne voulait comprendre ne comprenait part, personne on se fait entrer au service; les motifs qui m'avaient une folie, un coup bien fort de ce qu on appelait raillait ors'il se fût agi d'un engagement de tête; et, comme si je n'étais me demanda d'un pas en dinaire, plus avec ma famille. mésintelligence désir

de faire

tout ocaffaires n'avançaient point; les bataillons qui devaient partir d'organiser cupée s'intéressait fort peu l'administration Paris, pour volontaires. ou aux malheureux Depuis sept engagés dans le quartier de Brest, rehuit jours déjà, j'errais alors le parti de buté des uns et des autres; je pris et le père de aux autorités m'adresser supérieures, de moi au préfet maribien parler mon ami voulut ce qui semblait time. 0 force de recommandations! chose aussitôt devint faite, car en moins impossible des pieds à la tète, j'étais insde deux heures, équipé et embarqué les fusiliers crit d'office marins, parmi Avec

cela,

mes


30

LES

cinq cents del'~er'ut'ac~.

de mes

L'~bo-'urac/t.'

ce

avec

ne

si nouvelle, fût

MAR!XS.

nouveaux

nom

et, bien jour, au moment

premier m'assaillir vie

FUSIUERS

bizarre

que d'autres où commençait

je n'eus

pour que ma

les

Voici

à bord dès

m'intrigua soucis

de cesse

pas

satisfaite.

pleinement

camarades

le

vinssent moi

une

curiosité

renseignements

est une L'~er'~rac/t rivière je recueillis. petite environs de Brest le navire sur lequel nous nous dans le temps trouvions avait me dit-on, été, pris sur les Anglais; il fut débaptisé et reçut un nom ema la topographie du pays. c'est prunté Aujourd'hui que aux

une

vieille

toute vermoulue, démâtée, le port et sert de cascrnementaux qui ne quitte jamais est encombré; mais cela ne marins le quartier quand même du mot, et je me vois m'apprenait pas la forme un soir le long de la coupée, la tète glissant pencher du

au-dessus bien par

gaillard sur une

mal

que l'eau

toute

frégate

d'arrière

du poutre ce nom breton

de mer,

déchiffrer

pour vieux

navire, excellence.

par chose

tant creusée

autre vaine Il y avait là, du reste, cuqu'une mes lettres et celles de riosité. N'avais-je pas à dater En effet, soit qu'on m'eût vu écrire, mes camarades? le bruit s'était autre indice m'eût soit que tout trahi, la plume « comme le bientôt répandu que je maniais ».

fourrier

de

chargé une

pour quitter parents dernier. présente bonheur est

Dès la

lors

fus

je

correspondance.

et périlleuse, le besoin éprouvait

campagne

le port, un adieu ou à ses amis qui « Je suis en parfaite santé, de même vous trouve pour et dans à tous en ce monde

la formule

écarter d'ailleurs, rien lots

invariable

serait

manquer rien de plus

de plus

par

officiellement

presque Nous

allions

chacun,

d'adresser

partir avant

de

à

ses

serait

le peut-être et je désire que la notre plus grand » Telle l'autre. on débute; s'en de plus simple lettres des mate-

laquelle Rien d'usage. naïf

touchant

que ces car aussi,

le cœur

en

dé-


LES

FUSILIERS

MARINS.

31

sous leur dictée les recomet moi, rédigeant borde, de ces pauvres et les adieux les conseils mandations, une peau pays laissaient gens qui, pour la plupart, les larmes ou de vieux parents, tite famille je sentais aux yeux. me monter un jour, d'un air timide L'un d'eux vint me trouver il avait mais n'était celui-là et préoccupe pas marié, eût été déjà sa la guerre, une prétendue, qui, sans un certain Il éprouvait lui écrire. et il voulait femme, de le confident d'un étranger embarras à faire ainsi l'amour et cependant les plus ses pensées intimes, dans je m'installai plus haut. Sur sa demande, parlait et j'attendis d'un canon, sur l'affût qu'il la batterie voulût bien commencer; lui, les yeux en l'air et pour il ses entre son bonnet lentement doigts, mais ne trouvait pas. cherchait, « Bah Enfin d'un ton dépité dit-il, je ne sais pas; toi. ); Et il alla se comme si c'était écris-lui pour sur le pont. Resté seul, je fis de mon promener mon homme trouver pour mieux puis, quand j'allai bien écriture d'une lui lire quatre grandes pages en murmurait-il e Oui, c'est cela, c'est cela serrée dire » c'est ce que je voulais riant d'un bon gros rire; où se trouce papier curieusement et il regardait si des sentiments vaient éprouvait qu'il exprimés les traduire. bien sans pouvoir ne m'était bien ma On se doute que complaisance rendre quelque car, si je pouvais parfois pas inutile, service à mes camarades, plus que personne j'avais un mald'aide et de protection. besoin Figurez-vous à peine depuis quinze heureux quittant jeune homme ses cahiers, ses livres, jours les bancs de son école, et jeté brusquement toutes ses habitudes littéraires, dans le monde des matelots. nuit que de la première Je me souviendrai toujours de faire l'appel On venait dans un hamac. je passai le donna de tambour un roulement sur le pont;

tournant


LES

32

signal pitant pont. ment numéro d, d'une

FUSILIERS

MARINS.

se précidu repos, et aussitôt tous les marins, en hâte le fauxgagnèrent par les écoutilles, En temps ordinaire et sur un navire régulièrea sa place fixée matelot son, armé, chaque il s'agissait et son hamac; mais là, comme occupation

+; provisoire,

't c'était

.t' à

h chacun

ci de

Sw se

et comme faire sa place où il voudrait de s'établir le M en un mot, selon il pourrait, de se « débrouiller terme consacré. que par Moi, qui ne connaissais et les hamacs, ouï-dire les vaisseaux, les faux-ponts bien embarrassé. Cependant j'avais j'allais me trouver les autres, la foule. suivi Je fis comme et, me diricar on se à tâtons au milieu de l'obscurité~ geant les bastingages couchait sans lumière, j'atteignis d'un hamac. et m'emparai mes cela Restait à l'accrocher, mais dépassait J'avisai alors un camarade qui, déjà installé, moyens. délicieusement se balançait près déshabillé, couché, « Eh des Orientales. la belle Saran de moi, comme lit. » donc à faire mon lui dis-je, aide-moi matelot, « Ah çà! s écria Je réitérai ma prière. Pas de réponse. fini de te tout à coup une grosse voix, as-tu bientôt il n'y avait la que de moi ? » En effet, comme moquer d'anciens le vieux marins, loup de mer ne pouvait de lui Je me hâtai tant d'inexpérience. s'expliquer faire connaître ma position. Alors le brave garçon, sautant à bas sans accrocha mon hamac mot dire, en un tour de main, songé à puis, avant que j'eusse le remercier, il avait déjà repris sa place, et je l'entendis à son voisin de d'un ton railleur qui disait droite « C'est un apprenti marin » moins n'est rien on le sait, que L'apprenti marin, considéré dans la marine, sa position hiérarchique il n'existe « l'état à l'état est nulle de devenir, qu'à de peut-être les philosophes, et il lui D, comme disent faut un an d'embarquement au rang avant de s'élever de matelot de troisième classe! Je remis au lende-


LES

FUSILIERS

33

MARINS.

_–i

et j'essayai de ma reconnaissance, main l'expression fait encore à cette de dormir mais je n'étais pas terre et ciel, je ne savais entre situation délicate pas tantôt à droite, mon équilibre, et, penchant garder de rouler à tout moment tantôt à gauche, je risquais sur le pont. à partir Paris. Nous ne devions plus tarder pour on nous faisait faire l'exercice. Comme En attendant, des de juste, tout à apprendre, je fis partie ayant En effet, ils étaient là plusieurs an-t~s. qui, congél'habidiés depuis trois ou quatre ans, avaient perdu Grâce à un instructeur tude des armes. qui ne recunous eûmes les termes lait pas devant énergiques, et au bout tout ce qu'il fallait bientôt savoir, appris de manœuvrer de trois nous à même étions jours aux évéOn s'en remettait du reste avec les autres. un peu somcette éducation nements pour compléter maire. outre l'ordre du départ Sur ces entrefaites, arriva des les fusiliers, il y avait avec nous des canonniers, de tout des des marins timoniers, bref, gabiers, des vivres pour deux jours, On nous distribua genre. nous et un beau matin, le 26 août, si je ne me trompe, nous mîmes sac au dos. La population prévenue, au passage du haut des fenêtres et des attendait de la main. les dames nous disaient adieu balcons, la foule des mères et des amis cherSur les trottoirs, deux recommandations rhait à nous entre glisser de vieille mais bonne bouteille eau-de-vie; quelque sous les yeux de nos ofBciers. cela n'était pas possible Nous traversâmes ainsi la a: rue de Siam en bon et à peine étions-nous arrivés ordre, les rangs serrés; à la gare qu'on nous fit monter dans le train. En vain tous ceux qui nous avaient accompagnés jusque-là se pressaient-ils autour des barrières, en vain s'efforde violer la consigne çaient-~Is pour se mêler à nous en fut quitte chacun chez lui, emporpour retourn&r RÉCITS

L'C~

ROI

DA~

3


tant

et ses

ses

bouteilles effet de cette

mier notre

plus entre

rins

accident. le

militaires

offrent

d'hommes

ivres,

uniforme;

grâce une devient

départ de chants

n'en

la discipline Nous arrivâmes un nous

là pour assigné; dix heures

fimes

nous

matin du

la poterne On se rappelle

sous les en

pas?

le 27 août gare Montparnasse de Paris attendait des gardes était au fort d'Ivry, qui nous et à tout d'une la route traite, clairons en tête, nous défilions,

fort. de

douce drue

poussait

souffrirait-elle

dans

fortifications pente

foule

à la

brigadier conduire

du

d'une

de

de leur respect le jour du des chefs., le prétexte occasion de débauches, immodérées. Comet de libations

ignobles

matin

s'ac-

pu convois

aucun

plus n'ayant à la tolérance

ment au

ait

honteux

spectacle

ma-

de Paris.

voyage les souvent

Trop

des

de l'armée

troupes que notre

lors

dès

On comprend sans complir

qui le corps

discipline

etdistinguer

les autres

là le preêtre devait

C'était

provisions.

sévère force

grande toutes

MAIUKS.

FUSJHERS

LES

34

tiques

serpentaient des promeneurs

chemins

talus

les de

moelleuse le long

alors

se trouvaient

Les

dans

jusque et

état

quel Paris.

s'abaissaient l'herbe

fossés petits

sentiers

y rus-

des

offrant aux courtines, touttracés. Là venait s'ébat-

la population ouvrière des fausur le gazon, les petits Pendant i été, couchés bourgs. ou du quartier Saintde la rue du Temple bourgeois Denis se plaisaient à consommer en famille le poulet froid traditionnels. Des ormeaux et des et le pâté tre

dimanche

chaque

marronniers taient De loin

à ces en

agréablement'plantés festins champêtres loin,

et comme

pour

en quinconce prêleur ombre tutélaire. le tableau, compléter ancien allonmodèle,

de canon, quelques pièces bastions au-dessus des leur geaient fensive. Il s'agissait tout cela. Le .de changer notre on se mit à l'ouvrage arrivée,

gueule soir un

même millier

inofde de


LES

FUSILIERS

MARINS.

3a

avaient de nous de Toulon précédés la garnison s'élevait le fort dans jours quelques en On nous partagea donc à près de 1,500 hommes. la garde à tandis trois bordées que les uns montaient maniaient les autres et sur les murailles, la poterne des munitions. ou déchargeaient la pelle et la pioche, le fort offrait un tout autre Au bout de quelques jours, au pied, les été coupés avaient les arbres aspect sur les à pic s'élevaient infranchissables; talus taillés trois des sacs à terre, par trois disposés courtines, la tête des tirailen forme de créneaux, garantissaient marins

venus

avec art, étaient les bastions, aménagés percés leurs les se trouembrasures; poudrières de nouvelles et d'énormes de la bombe; pièces vaient à l'épreuve avantavenaient à force de bras, hissées de marine, vieux œuvres ces canons, remplacer geusement de bronze, plus jolis que méchants. d'art, bijoux les fossés, et des on palissadnit En même temps aux alentours du fort; des semées étaient torpilles recouvertes d'une de clous, puis garnies planches en cas d'attadevaient de terre, briser, faible couche et complétaient notre sysque, l'élan des assiégeants, tème de défense. la ligne des forts du sud, même sur toute Partout, les traactivité. Montrouge, multipliant hâte, même les désavantagea de sa de combattre vaux, s'efforçait en avant et Bicêtre, jetait pour se couvrir, position, les r"doude Vil'ejuif, sur le plateau de ses batteries, et du Moulin-Caquet. tes des Hautes-Bruyères à perdre. Les A vrai dire, il n'y avait pas de temps une avec se précipitaient impilogique événements de nos deux armées, c~.)))-'t's L'impuissance toyable. des Vosi~set des défîtes l'abandon l'une de l'autre, de ptuseo rendaient de la Marne, pia-s de la vallée du des t-itre La nouvelle un siège de Paris. probable notre nKK-m e< encore ne fit qu'activer de Sedan notre

énergie.


36

LES

FUSILIERS

MARINS.

de ordre nous avait déjà été donné Le 3 septembre, de la main et la le fusil à portée tout habillés, coucher à toute afin d'être prêts au bout du canon, baïonnette mes plus quitter alerte pour ma part, je ne devais de notre rentrée avant le 30 janvier, vêtements jour Bientôt arrivèrent les Paris après l'armistice. dans du corps de Vinoy. premières troupes les appréhenon critique On oublie trop, quand et son nationale de la Défense sions du gouvernement l'état inaction durant les deux premiers mois, proce malheureux de détresse où se trouvait corps no~re plus à cette heure d'armée, qui était pourtant il la bataille, ferme Arrivé tard pour trop appui. tirer un d'avoir était déjà en fuite avant pu même de jeunes composé partie coup de fusil. En grande il n'avait recrues ou d'hommes tirés des dépôts, pas cette solidité et ne pouvait avoir cette cohésion, vicnécessaire en face d'un ennemi plus que jamais fond

torieux. de toute De plus, les fuyards sorte, les maraudeurs de l'armée de Sedan et les trainards multipliaient et de démodans ses rangs les éléments du désordre c'était ralisation. retraite, presque C'était plus qu'une se Tous les corps et tous les uniformes une déroute. il y avait là des zouaves en confondus trouvaient désans armes et des cavaliers képi, des fantassins à la débandade, ils marchaient sales, déguemontés de ces hommes étaient ivres, quelnillés beaucoup avaient pas pillé en route, et ne se cachaient ques-uns des habits montrer le fruit de leurs rapines pour des robes de femmes. bourgeois, jusqu'à un commanC'est alors ofRcier qu'un supérieur, hâve, poudant, je crois, vint à passer près de nous, un de nos officiers dreux, et, remarquant désespéré, à l'écart ce lamentable spectacle qui contemplait « Capitaine, des lui dit-il gravement, on a vu certes choses bien tristes jusqu'ici; on en verra de plus tris-


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LES

FUSILIERS

MARIKS.

39

» Puis il continua nous laissant sa route, sinistre tous effrayés de cette prédiction que l'avenir de justifier. sorte à tâche devait en quelque prendre dans Paris, A peine le corps de Vinoy était-il rentré on arrivaient. Le soldat prussien, que déjà les uhlans il marl'a dit, n'est pas très brave personnellement à la consigne, che par grandes masses, pour obéir Il faut faire enthousiasme et sans élan. mais sans une exception ces hardis cependant pour les uhlans, audacieus'aventurent cavaliers, qui à deux ou trois en pays ennemi, autre arme sement et, sans qu'une lance et un mauvais d'arçon, trop longue pistolet à la marche de leur armée. On commençait éclairent autour de leur dans les villages signaler présence tes encore

chevaux des ils avaient tué des femmes, enlevé Paris et pillé des maisons. Bientôt ils nous les voir de nos yeux pûmes de accouraient au grand bandes, galop par petites la leurs chevaux tout à coup s'arrêtaient maigres, lance au poing, à droite et à un moment regardaient des d'un air effaré, comme gauche puis repartaient sous flèches. Parfois ils s'aventuraient ainsi jusque les murs du fort à portée de fusil. la Un jour, notre dans commandant remarqua trois conuhlans plaine qui, comme pour le braver, sidéraientcurieusementtes glacis du fort: ils n'étaient Le commandant se retourna, pas à huit cents mètres. sur l'épaule d'un « Démonteet, frappant fusilier moi donc un de ces coquins sais, lui dit-il. L'homme sit son fusil, le coup un des épaula, visa, partit, et les deux autres la fuite. Alors uhlanstomba, prirent le commandant « Un de moins, se mit à rire murmu» Ce rait-il en se frottant les mains, un de moins commandant était M. Krantz, de vaisseau. capitaine Mathématicien d'un par goût, il cache sous les dehors bon bourgeois l'un de nos officiers les plus instruits et les plus distingués. Du reste, on n'a qu'à l'appro-


40

LES

FUSILIERS

MARINS.

un homme aussitôt cher pour reconnaître supérieur sa figure semble les à mesure s'éclairer; qu'il parle, une un peu lourds, un peu forts, prennent traits, de finesse et de raillerie le charmante expression l'œii, tout petit, pétille front, large et haut, se déride; sous la pauDière épaisse. c'est lorsqu'on Où il fallait le voir surtout, signalait ennemis à l'horizon un convot ou des régiments pasAlors un éclair de sant sur la route de Choisy-Ie-Po!. il faisait pointer les pièces, son visage joie illuminait il restait l'action, près des canonet, tant que durait des coups, aux lui-même applaudissant niers, jugeant lesautres. dire rectifiant Ces iours-là,on uns, pouvait dînerait de bon appétit. Krantz que le commandant il haîssait les Prussiens Lorrain de naissance, la vue d'une sentinelle d'une haine profonde prusau dernier sienne l'irritait point, et il n'était pas tranl'horizon. Il s'était fait consquille qu'il n'eût balayé un poste d'observation truire sur le bastion principal une sorte de terrasse, et de commandement, quelque à bord d'un navire. la dunette chose comme Que de de cet endroit sa longue vu braquer fois l'avons-nous sur qui frapper! cherchant lunette marine, partout de Paris, la capitulation un après Quelques jours s'était rendu dans d'artillerie officier que j'ai connu d'une douloureuse les lignes chargé prussiennes, de mitrailleuses la batterie mission. Il avait à rendre le siège. Par un heureux pendant qu'il commandait il eut affaire à un colonel prussien qui, contre hasard, était vraiment l'habitude de ses compatriotes, galant l'entretien roulait et comme homme. On put causer, eu lieu dans sur les divers engagements qui avaient les environs connaissez-vous le « A propos, dit l'Allemand, me dire commandant du fort d'Ivry ? Pourriez-vous nous son nom ? Il nous a fait bien du mal, cet homme » le ravageur. l'appelions


LES

FUSILIERS

MARINS.

41t

On comprend et la par là quels furent le désespoir Krantz douleur du commandant quand on nous signifia l'armistice. Il nous fallait rendre nos forts, rendre nos armes, de et, bien que le gouvernement s'efforçât cacher dernier les conditions désasjusqu'au jour treuses de cet arrangement, nous pouvions prévoir le prix d'une paix et la Lorraine seraient que l'Alsace devenue inévitable. Je vis M. Krantz revenir de Paris été convoqués où avaient les commanaprès la séance des forts et autres dants officiers de l'arsupérieurs mée pour officiellement de la bouche entendre de M. Jules Favre les exigences du comte de Bismarck. Blessé cruellement dans ses affections les plus chères, de il allait dans ses sentimens de Français et soldat, le front murmurant entre ses seul, à pied, baissé, lèvres des paroles inintelligibles. au fort d'Ivry, dans ce fort qu'il avait Arrivé fait si dans ce fort dont pas une pièce n'était redoutable, démontée, entamée, pas une pierre pas un terrassement démoli, il brisa son sabre de rage et arracha les mais la réflexion de sa casquette le rendit galons en détresse, Sur un navire le commanplus calme. et donne ses ordres dant reste à bord le dernier jusM. Krantz avait repris le lendemain, les qu'au bout de son grade. insignes les armées de près leurs alleSuivant éclaireurs, arrivées devant et avaient mandes étaient Paris, pris à Athis; à Pierrefitte, à Chelles; place successivement du goubientôt le cercle fut complet. Déjà un décret aux habitants des communes vernement avait enjoint suburbaines d'avoir à rentrer dans la ville avec leurs et leurs bestiaux. Le siège commençait. grains Les premiers à l'heure de jours de notre arrivée, du fort et la retraite, tambours et clairons sortaient dans toute sa longueur le petit village traversaient au bout d'un quart pour rentrer d'heure d'Ivry peu à peu, à mesure les sons l'ennemi, que se rapprochait


LES

42

FUSILIERS

MARINS.

s'écartaient de nos clairons rapprochèrent chose de poignant et c'était quelque moins en moins, ainsi chaque jour le lien de fer se resque de sentir autour de nous. serrer du village, D'abord on s'arrêta au milieu puis on deux ou trois enfin se contenta de parcourir rues et la retraite fut sonon ne dépassa plus la poterne, la cour même du fort. Néanmoins nous ne née dans au loin des reconnaissancraignions pas de pousser fusil en bandouces et d'affronter tantôt, l'ennemi cueillir à la main, nous partions lière, pelle et pioche la les légumes et chercher sous le feu des Prussiens de n'avaient eu le récolte les pas temps que paysans à des vivres car la question commençait rentrer, nous les esprits; tantôt, armés de haches, préoccuper le abattions les maisons et les arbres qui masquaient aussi

se

tir de nos batteries. de douze, D'autres fois encore, avec deux pièces les barrinous allions jusque dans Vitry reconnaitre les cades et les premiers travaux de l'assiégeant devant nous. C'est obus du fort fouillaient la route ainsi que notre utilement temps s'écoulait, employé et pour l'attaque. pour la défense Ici se placent combats livrés devant les premiers l'un entre le plus imporles murs de Paris, autres, dans l'histoire du siège sous le nom tant, bien connu avait de combat de Châtillon. Un engagement sérieux nos yeux près de Villejuif. L'action, déjà eu lieu sous du reste, n'eut pas seulement théâtre le plateau pour dont la la vallée de la Bièvre, qui domine plateau devait avoir consenous de si funestes pour perte de la elle s'étendit à toute la rive gauche quences Chaet les forts du sud, Seine, depuis Issy jusqu'à renton, purent y prendre part. Je n'ai pas l'intention de raconter les différentes affaires auxquelles récits de bataille se ressemblent

l'une t'ai tous

après l'autre assisté. Ces le en outre,


LES

43

MARIAS.

FUSILIERS

mal est aussi soldat pour que possible placé simple on l'a dit, celui qui fait la Comme voir et pour juger. combattant est en parler. ne saurait Chaque guerre ce qui se du moins ainsi dire; isolé pour ignore-t-il d'une fois nous de lui. Plus à cinquante pas passe non seuledu lendemain, par les journaux apprîmes ment

les

avions

nous

dont

mais

détails,

été

le

les

même

résultat

acteurs

ou

d'une

affaire

les témoins:

ainsi

où toute la journée nous de Châtillon, ce combat pour nous était resté. foi que l'avantage crûmes de bonne mes impressions à dire simplement Je me bornerai C'était la première fois de mes camarades. et celles les mitrailleuses je l'avouerai, que nous entendions en effet émus. Rien de pl'~s épouvantable nous fûmes et persistant qu'on a justement rauque que ce bruit d'une toile ce créau bruit qui se déchire, comparé tout sonore pitement qui domine l'a entendu et qui, lorsqu'on bataille, plus s'oublier. le canon

Au moins de majestueux, moins semble de massacre, des balles,

a-t-il

et la mort, effrayante cette petite

cette

machine

quelque elle quand mais roue qui

cet

le

tumulte

une

de

la

ne peut

fois, de

chose

grand, se présente ainsi, odieux instrument

qui tourne fauche les

en crachant hommes

mé-

comme la faucheuse réglées, thodiquement, par coupes la mitraill'herbe dans les prairies, à vapeur couche même à la fin leuse fait peur. Je n'ai pas vu de soldat, à ce bruit et de la campagne, affreux, qui se fût habitué l'entendant,ne qui,en L'échec de Châtillon risiens, nouveau

trop une

des

immense. forces.

dévoila

tentative

munitions. Paris

leur

tristement faiblesse

de l'ennemi, présence une artillerie, fabriquer La tâche était ardue,

en

ne

serré. aux

Pa-

avant de faire à Évidemment, chances eût de qui quelques

confiants.

il fallait, succès, une armée, créer et

se sentiHecœur

la

crut

point

organiser des armes

compliquée, au-dessus de ses


LES

44

FUSILIERS

MARINS.

sa légitime il consentit à différer Malgré impatience, décisive le monde cette sur laquelle tout attaque encore les lignes comptait pour percer prussiennes une jonction avec les forces et opérer de la province. et ouvriers, tous se mirent à l'œuvre avec Bourgeois une activité fébrile, et, telle qu'autrefois Carthage les la ville devint en quelques Romains, assiégée par un immense atelier où s'organisa la défense, jours comme l'était l'attaque. terrible et savante, Chez

nous

on redoublait de vigilance; cependant, cents hommes montaient la garde nuit, cinq chaque sur les remparts. Combien d'heures ai-je passées le fusil au bras, les yeux fixés sur l'horizon, ainsi, tandis en miiie détours Un s'égarait que ma pensée de faction à l'extrémité souviert, soir, il m'en j'étais du bastion Paris toute la rive gauche, qui regarde avec ses maisons et ses monuments, s'étendait à mes de brouillard une sorte lumineux montait de pieds la grande cité comme d'une fournaise, en même temps où se mêlaient le bruit qu'un long murmure vague le roulement des voitures, des voix, le fracas des machines. Par intervalles, un sifflement aigu déchirait de fer de Ceinture l'air, et le chemin passait, portant des vivres et des munitions, la nourriture des hommes et la pâture des canons. Une longue se détachant sur un ligne de lumières, fond sombre, le cours de la Seine et le quai marquait de Bercy. En face, au loin, sur les hauteurs, a Villeà Chevilly, à Thiais, des lumières neuve-Saint-George, brillaient mais c'étaient les feux prussiens, aussi et mon cœur se gonflait de rage à quand je songeais l'insolent ennemi qui nous tenait ainsi bloqués. En ce moment, le vent m'apporta le tintement lointain d'une cloche minuit. Je reconnus qui sonnait entre toutes: l'horloge de St-Étienne, je la reconnus bientôt en effet de tous les édifices de tous publics, les couvents, de tous les clochers, un furieux partit


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LES

FUSILIERS

MARINS.

47

concert sonnant l'heure à leur tour; mais d'horloges nulle n'avait la voix grave et douce, un peu lente, de la cloche de St-Étienne, cette voix que j'aimais pour l'avoir entendue si souvent. Maintenant ses accents mais j'étais devenu la m'arrivaient soldat encore, Paris assiégé, France était vaincue, notre sol envahi, à 3,000 mètres et les Prussiens de affamé, campaient la rue Soufflet. Tous les forts avaient été munis de feux électriques de l'ennemi, car nous poupour surveiller l'approche vions nous demander ne tenencore si les Prussiens teraient Paris Les d'entrer dans pas par surprise. étaient confiés aux soins de timoniers expéappareils les nuits sans lune. on s'en servait rimentés pendant d'un encourait La lumière, à 2,000 mètres, projetée droit un moment, et partait de à l'autre, s'arrêtait dans nouveau éclairer toute la campagne ses pour se détamoindres détails maisons, arbres, taillis, chaient nets et précis au passage de cette clarté soules rayons sur le sol un lumineux décrivaient daine en s'élargissant à meangle infini qui allait toujours sure qu'ils s'écartaient du foyer; dans l'air, à travers l'obscurité silencieuse de la nuit, glissait une longue tramée blanche où montaient, tourbildescendaient, lonnaient en foule de petits points brillants, impalpable poussière. Oi\ eût dit, prodigieusement agrandi, un de ces rayons furtivement par de soleil qui, filtrant les fentes des voleta, les ténèbres disjoints, percent d'une chambre mais la lumière était ici plus obscure; avec des tons pâle plus mate presque glaciale, assez semblables au reflet de la lune. argentés de deux forts voisins, les feux se renconParfois, traient et se croisaient comme des éclairs, l'œil en était ébloui. Au loin, ces flammes sauvagabondes, tillant faisaient l'effet de feux follets. par la plaine, Du reste, nos vaillants de 30 ëe chargeaient, canons eux aussi, d'assurer notre il n'y avait pas défensive;


48

LESFUSIIJERSMAMXS.

bordées plusieurs de nuit où le fort d'Ivry n'envoyât ennemies. sur les positions Seulement, pour ne pas de avaient soin la poudre, nos officiers gaspiller d'avance. on choileurs pièces soir, Chaque pointer maison telle sissait un but bien déterminé,–c'était étaient où l'on supposait établis, que les Prussiens et on attendait la nuit. Tout à coup, à un signal et les bouches à feu partaient à la-fois, donné, douze déchirant allaient éclater en un même l'air, obus, le lendemain, la maison éventrée, criblée, perpoint; ruine. cée à jour, n'était plus qu'une nouveau canons et réitérer Voulait-onde chargerles de petits morceaux de bois soigneul'expérience, des sement encochés donnaient la distance exacte on en les appliquant à la pièce, repères; principaux ou s'en viser à coup sûr, changer la direction pouvait le fort tremblait 'tenir au même but. A chaque bordée, mais nous étions faits à jusque dans ses fondements notre oreille ne s'en étonnait ce bruit, et, lorsplus, fois nous étions endormis dans nos casemates, qu'une les plus formidables ne parvenaient les détonations pas à nous réveiller. Au milieu de tant de travaux et de préoccupations il nous restait diverses, peu de temps pour les disNos marins la plupart ne connaistractions. pour saient de Paris vu en venant que ce qu'ils en avaient au fort, le boulevard et la barrière Montparnasse tandis milliers de d'Italie; mais, que chaque jourdes ou autres, mobiles se promenaient sur les soldats, boulevards ou dans les rues de la ville, c'est à peine si obtenir une permission. matelots pouvaient quelques cette faveur Celui-là Heureux celui sur qui tombait commissions de tous ses camarades, partaitchargédes avec une cargaison et le soir il nous revenait complète de pipes et de paquets de tabac. Il y de couteaux, avait chez les marins une expression charmante pour a~er à les permissions; on ne disait désigner pas


J eï

~3 J CJ

k~

J

.r S c3

U

D

-7c

U

RÉCITS

D'UN

SOLDAT.



à

aller

on disait

Paris,

terre

dans

gens se considéraient et peut-être navire, plus facile. gnation

cette

51

MARIXS.

FUStLIERS

LES

En

comme

le fort leur

idée

braves

ces

effet,

à bord

rendait-elle

d'un la rési-

rare pour eux de rester Iln'estpas et tel a passé six la terre, sans toucher un an entier n'a jamais mis de New-York mois en rade même qui la ville. les pieds dans n'était en jouant: On se consolait le jeu, du reste, le dimanche,

que

permis

et

c'est

le

loto

qui, à tout Le dimanche

dumatelot. avaitlespréférences la messe, aussitôt des groupes donc, après dans la cour; se formaient les possesseurs prendre,

une

cherchaient alors

commençaient

par interrompues se dirigeât, qu'on car

téristique, litanies

on

entendait

les

d'une

marins du

habituelles

et les vant.

Nous

Ainsi

le

nos

soir,

casemates,

macs, quelque à tromper par la veillée. contes ment

il est

prenait naïfs récits

dédale

l'a remarqué souvent, avides comme les enfants, mécontent que leur esprit, le pays du rêve un monde tout

charme Sorties émule

soit

beau plus et les console. du de nos

cerveau romanciers,

fécond

les dimanche

pris place la parole, les longues

sur

déroulait

du de

hommes merveilleux; la réalité,

à sa convenance, tout l'illusion de quelque ces histoires

sui-

amusements retirés

d'aventures les

cartons

lorsque,

C'étaient se

les

usage

de loto.

d'autres

vrai,

conteur

un

côté

quelque

à leur

soigneusement fini jusqu'au

On

jeu

Que vous dirai-je? de fées dont la trame

à travers

De

modifié

la retraite, après avions nous ses

et vent, à peine,

crier des nupartout ou d'un mot caracphrase

noble

nuit

avions,

repas.

ont

on serrait venue, était et tout boules,

La

du

interminables

des parties l'heure des

chacun

suivis

méros,

à l'abri

commode

place

impatients de cartons

dans nos ha-

et cherchait heures

de des

toujours capricieusefantastiques. simples

sont, il semble

cherche

dans

un

monde

à

la fois

matelot avaien!

les

digne vu le


52

LES

FUSILIERS

MARINS.

d'un au milieu une traversée, jour en mer pendant fidèle la mémoire de naïfs auditeurs cercle attentif à les avait précieusement recueillies, puis transmises bouche en bouche, Passantainside conteurs. d'autres à mesure d'une foule de déenrichies elles s'étaient du vieil dans les écrits tails nouveaux, et, comme sur le canevas on pouvait primitif Homère, distinguer successives. la trace de ces interpolations la celui qui demandait s'écriait tout d'abord Cric si ces histoires couramment, parole, et, s'il s'exprimait mille trasi la princesse, étaient après intéressantes, à époumille persécutions subies, parvenait verses, en matelot de Toulon, les camarades ser un petit Le récit crac chœur commençait répondaient de précisemé terrible, attachant, émouvant, alors, Les deux et de bêtes féroces. de sorcières pices, se retrouvaient, se perdaient, se cherchaient, amants courses des se perdaient encore. C'étaient puis sur terre monts et par vaux, par effroyables une lutte tous les éléet sur mer, contre engagée ments. l'attention de De temps en temps, constater pour le conteur s'arrêtait tout à coup et lanson auditoire, Crac bien çait un cric interrogateur. répondait-on continuait. vite, et l'histoire rassuré d'avance sur le Plus d'une fois, je l'avoue, avant la fin, alors sort des deux héros, je m'endormis était encore ballottée par les flots, que la princesse ou égarée en robe de non loin des iles du Cap-Vert, les brousses du Nouveau-Monde; mais les soie dans la bouche marins étaient insatiables et immobiles, ils écoutaient les yeux grands ouverts, bout, jusqu'au en guise de conclusion, le conteur et quand, lançait fois le cric traditionnel, il n'y avait une dernière la mienne si ce n'est peut-être, pas de voix, qui no crac énergique. le remerciât d'un Crtc/ crac! cinq tout le monde était endormi. minutes après,


LES

FUSILIERS

53

MARINS.

du loto, de la des agréments en dépit Cependant, de leurs récits, et du charme faconde de nos conteurs nous cette claustration cette vie monotone, pesaient. de ma compagnie, Je m'étais lié avec un des hommes un grand Kerouredan. garImaginez qui s'appelait et fort à proportion, robuste çon de près de six pieds, aux épaules martial et

à larges, bon enfant

la

démarche

houleuse,

à

l'air

des tout ensemble. Toujours en trois un arbre il abattait à l'ouvrage, premiers en un un épaulement et construisait coups de hache, tour de main. le hautement constatée, Cette supériorité physique, et comme rendait un un jour, épuisé vain, parfois peu le sac à terre d& fatigue, laissé tomber que je j'avais les défenses, dont on complétait au rempart portais ce de rire, se mit à railler grossièrement lui, éclatant ou mauvais mais non paresse qui était impuissance, ses railleries Je me fâchai, vouloir. je lui reprochai comprit qu'il avait tort, et à dater peu généreuses;il de ce jour nous fûmes une pan~e d'amis. nous étions de garde aux bastions, Souvent, quand sur sur sa vie passée, à le faire causer je me plaisais Il parlait ses voyages, sur ses campagnes. simpled'une voix un peu triste ment, lentement, par poses, qui allait au cœur. ici. me disait-il, <t Tiens, je m'ennuie vois-tu, Moi, ça me gêne quand je ne vois plus la mer. Il me chose. Ah là-bas, au pays, toujours quelque on n'avait travailler davantage pas toujours assurés. Nous partions à la ici ses trois repas ou quatre, dans nos petites à trois brune, barques; nous passi ms toute la nuit en mer sous la pluie, sous le vent, seulement occupés garantis par notre sm'o~, si glacés à tirer sur nos filets, les doigts parfois qu'ils avait le service. si l'on nous refusaient Encore, pris il y avait des jours où du poisson à coup sûr! mais rien. Bast! au matir nous ne faisions rien, absolument manque il fallait comme


LES

St

MARINS.

FUSILIERS

s'en et la fatigue on buvait un bon verre d'eau-de-vie, plus. allait, il n'y paraissait bonne nous faisions « D'ailleurs, à certains jours, deux camade Paimpol, pêche. Une fois, un patron mille sardines rades et moi, nous avons pris vingt-sept Et puis, le dimanche, en moins de deux jours. je restais

à

la

maison.

Je

suis

de

Douarnenez,

et

notre

en haut; sur la plage. Moi, je couchais donne maison odeur de la et la bonne ma fenêtre, le matin, j'ouvrais de mon lit les bamer montait moi; je voyais jusqu'à amarrés dans le port, avec leurs voiteaux de pêche et leur large coque noire que le flot remuait les repliées Je les connaissais aà aw la marée aaawavv montante. à ci petit pealu petit p~LlU tandis leurs noms tous par ça me faisait plaisir; » c'est laid. comme tiens, regarde qu'ici, désolée du doigt la plaine Et il me montrait qui nous. devant s'étendait avaient les populations Pas une voix, pas un cri Sur le bord des routes l'invasion. désertes, fui devant la terre c'étaient t des amas de décombres jonchaient démolies les maisons pour dégager que nous avions avec arbres abattus, le tir du fort çà et là, de grands sur le sol de larges faisaient leur feuillage desséché, taches sombres. A droites'élevaitle plateaude Villejuif, une à voir. A gauche, aride, poudreux, pelé, horrible seule de distinguer le verte permettait petite traînée elle aussi. déserte de la Seine, cours de fer la ligne du chemin Non loin de là courait ransablée de sable jaune, avec sa double d'Orléans, ne mois les trains où depuis plus d'un gée de rails, les derétait brûbnte plus. L'atmosphère passaient du haut tombant soleil d'automne, d'un niers rayons éclairaient de leur lumière d'un ciel sans nuage, crue, et de scène de mort mal aux yeux, cette qui faisait désolation. bien savoir «A propos, reprenait-il, je voudrais et les autres la petite sœur ce que deviennent là-bas,


FUSILIERS

LES

MARINS.

55

maintenant la vieille, que je n'y suis plus; ça doit aller Ah double. et il leur faut travailler mal, je pense, Dans la travaille chez nous. c'est que tout le monde ne peules bateaux en hiver, quand mauvaise saison, du goëvent pas sortir pour la pêche, on va chercher s'en mêlent, elles aussi. Ce goëmon, et les femmes les et la cendre sert à fumer mon, on le fait brûler, terres. toute la « Pauvres femmes! il faut les voir travailler d'un méchant chiffon de à peine couvertes journée, elles toile, ayant de l'eau jusque sous les bras. Quand elles ont le corps tout noir de froid, comme reviennent, ceux

qui

meurent

du

uom~o.

« Le vomito, j'enparle, moi, parce que je l'ai vu. J'ai ans au Mexique, dix-huit mois dans les passé quatre où je faisais des contre-guéTerres-Chaudes, partie venu sur le Masséna. En ai-je vu mourir rillas ;j'étais Ils s'en allaient douzaines. Je des camarades par comme les autres, mais je parvins à malade tombai en arrivant, du noum'en tirer. Ah! dame je trouvai étaient morts. Trois .de mes frères veau à la maison. neuf enfants huit fils. C'est que nous étions d'abord, et une fille tous marins, tous forts et grands, j'étais le Deux sont morts en Crimée, plus jeune avec ma sœur. mon absence les deux derniers moutrois pendant de maladie à moins rurent de temps après quelque seul avec la sœur ans, et, moi, je restai trente-cinq et les vieux. « Le père, lui, ne peut plus aller en mer. Nous n'ades pêches et à la saison vons pas de barque, je me Enfin le ménage allait d'un patron. mets au service tant bien que mal, parce que j'étais là. Aussi, quand levés pour j'ai appris que ceux de ma classe étaient furieux. J'ai couru a guerre, devenu chez je suis le commissaire avec des camarades: je voulais le jeter à l'eau. -Mais, Jean-Marie, me dit-il, ce n'est pas moi c'est la loi. Je sais que tu es un brave qui te fais partir,


MAHIXS.

LES FUSILIERS

5~

du fait son devoir. Allons, qui a toujours un voilà francs t'amuser Tiens, vingt pour boire et nous allâmes francs, pris les vingt maintebien triste. Enfin C'est égal, j'étais

garçon, courage peu.–Je à la ville.

bien, je te jure, les balles je me battrai c'est plus fort ne fait peur; seulement, jamais ]) ici, sans la mer que moi, je m'ennuie revoir le pauvre ne devait Hélas! plus garçon mer qu'il du 30 cette aimait tant. A la sortie jamais nant

m'y m'ont

voità;

Kerouredan

novembre, chargés

de jeter d'une balle

frappé commandait on

le porta

des marins partie II tomba la Marne.

faisait

les

sur

ponts en même

qui temps que l'enseigne était La blessure grave;

le détachement. à

où il languit jours; l'hôpital, quelques militaire lui il put apprendre encore que la médaille et ce fut tout. Douloureuse était décernée, histoire, famille cette n'est-il celle de qui vrai, pas que et qui, sans hommes huit autrefois, comptait jeunes le pays trois Qui en a sacrifié marchander, pour '? les vieux maintenant? donc nourrira nouune réclamait Mais déjà l'opinion publique talents dire de ses velle sortie. Quoi puisse qu'on le général Trochu était un excellent orgamilitaires, la du reste aidé nisateur. En quelques par jours, le soutenait population parisienne, qui à ce moment tout

entière, comme par

il avait

créé

la

Tout

défense.

enchantement

des

canons,

s'était

fait

nous

en

et preset des fusils et de la poudre, avions, aussi, inaforts étaient l'enceinte et les que des soldats à l'abri d'un bordables. Désormais Paris se trouvait de main coup C'est alors des

marins

il s'agissait eut qu'on forts

hommes des

chacun On pièces.

trois les

bataillons

de

canonniers

prit, meilleurs

les brevetés, mais solides, ils

de le débloquer. l'idée de former

devaient

comme

marche

restaient

avec de

les 600

au service

de

les fusiliers juste, du moins. Peu nombreux, aider plus que personne

à




LE~ FUSILIERS

MARINS..

59

la fameuse

trouée. Je demandai à en faire partie. Ma suivit la voie hiérarchique, allant du capipétition du commandant taine au commandant, à l'amiral, et ressort fut en dernier Par une particularité agréée. volonêtre le seul curieuse, engagé je me trouvais taire dans ce corps d'élite

II

Former avec les marins des bataillons de marche; de Napoléon c'était l'idée 1~. Lorsqu'en reprendre de l'ile d'Elbe, à 1815, au retour l'empereur appelait lui contre coalisée tout ce qu'il l'Europe pouvait encore trouver de force et d'énergie de la au cœur un décret parut dans le Moniteur, ordonnant nation, de vider immédiatement les vaisseaux, et de jeter à sous le nom de régiments de haut-bord, les terre, de la flotte. Profitant des embarras de son équipages le parti vendéen avait de nouplus terrible ennemi, veau pris les armes au nom du roi dans tout l'ouest de la France. On lui opposa les régiments du hautconvenir sans bord, et les blancs durent que jamais, oublier même les Mayençais de Kléber, ils n'avaient rencontré d'adversaires aussi redoutables. Leur du danger, leur force physique, l'esmépris dans leurs marches pèce d'irrégularité qu'ils mettent et leur façon de combattre, cet instinct tout, jusqu'à du matelot à flairer sans cesse autour de qui le porte lui et à renverser aussitôt à sa l'obstacle qui s'oppose rendait nos marins admirablement curiosité, propres à une guerre de coups de main, telle qu'on la pratiquait alors en Vendée. A cinquante ans de distance, au siège de Paris, les mêmes devaient leur trouver qualités emploi


LES

UU

contre

un les

cent

FUSILIERS

ennemi

comme

maisons

trous,

évitent

corps,

et

de

autant

semblent

sur la ruse plus que les marins ne savait avec

plus escalader des

MARINS.

les

créneaux,

Prussiens, s'abritent

la possible que en toute occasion le

sur

de les

murs,

ou

lutte

perdes à

corps bien

compter Nul mieux

courage. leurs

déjouer résolution sauter

qui dans

stratagèmes, dans les tranchées,

enfoncer

à coups

de

que nul

crosse

maisons. On

les

a vus

souvent

à l'œuvre,

au Bourget. Ils remplaçaient morts à Frœsc'iwiller.

Clamart, zouaves fournit

un

bataillon

à Choisy-le-Roi, à les zouaves, nos Le fort de Bicêtre

à lui

600 hommes; seul. Ivry et 300 hommes chacun ce fut le 2e batailMontrouge, lon. Quant au 3e, il fut tiré des forts de l'est~ Noisy, Romainville celui-là s'est fait hacher au Hosny, Bourget. Mais notre bon seulement les équipement, pour ne suffisait au nouveau rôle forts, nous plus que étions

à jouer. Successivement nous appelés reçûmes le sac de marche, l'as de carreau, comme disent les militaires dans leur la langage figuré, puis la longue des mobiles et des capote, capote grise destinée à nous confondre avec eux, soldats, car le grand col bleu, beaucoup trop reconnaissable, d'attirer sur nous l'attention risquait particulière – d'un ennemi ne nous aimait et en dernier qui pas, lieu la peau de mouton, si utile contre le froid on la mettait Je

sous me

la capote. laissé

suis

mois

pour conservant moyen

de

reuse

bête

préparer la laine les

les

tranchées.

qu'il

les

peaux la nécessité en

fallait de

autrefois

mouton

aidant,

on

en trouva

six leur le

huit t jours, et la malheusa peau, tramangée que allait sur le dos de quelnettoyée, monter la garde aux bastions ou Nous fûmes les premiers à qui

préparer était à peine

vaillée, blanchie, soldat que brave dans

dire


(~ t~c

s M

ees C

Y 5 S

w QJ

'<

I



LES

l'on

donna

MARINS.

FUSILIERS

d'un

ce vêtement

tribution

se fit à Bicêtre.

musaient

à

imiter

!a genre; les marins

nouveau

Au du

le cri

63

retour, mouton.

Terribles

diss'amou-

et qui n'en avaient vraiment que la peau tons, en souffrir un peu, je dût notre A ce sujet, prestige accréditée. ëur une erreur dois rectifier trop aisément se plaît à la foi des journaux, l'imagination populaire la hache courant à l'ennemi, nous d'abordage figurer à la main.

Or

la baïonnette bien

des

haches

nouveaux Mon

le

ses bleue lui

boutonnée

montaient

raître épée, Nous

plus on eût

et

des

à ~a/bu?'chef{e de forts, à notre tête.

commandant

pour nous

à

le

vois

Je

les

quittions se mettre la

M. Des-

seconde

encore, air avec son

fois,

attaque tel qu'il sévère,

sa

taille, au et serrée

longue redingote des bottes corps, qui et le faisaient pa-

jusqu'à mi-jambe encore. Quand grand

il

brandissait

son

dit un

géant. arrêtés au bas

de Bicêtre, sur !e versant occidental du plateau de Villejuif. De là, nous découvrions la chaîne de hauteurs le sud qui couvre de

Paris

Châtillon, jusqu'au se fondre blanche

Montrouge, celle-ci aux Mont-Valéricn, à l'horizon; s'élevait

au-dessus

du fort

Vanves, Prussiens. dont par

et tout en face Issy, La vue s'étendait les

arêtes

intervalles, de sa crête,

semblaient une et l'écho

fumée loin-

le bruit de la détonation. apportait ne répondait L'ennemi le pas; mais il était )à, nous au Fort-à-1'AngIais, au Mouhn-de-Picrre, et savions, semblait terrible ce silence encore plus que la voix tain

nous

étions

cuisine

nous avait données qu'on nous fois que chargions,

les

le 2°, avait tard devant

la première apparut traits sa haute secs,

que servions

nous

la

pour

Français

prez, de la Gare-aux-Bœufs. nous

bois

armes

Nous

nous temps que chefs étaient venus

bataillon, tué plus

d'autres

pas

chassepot. haches

le couper mai& toutes

en vrais

même

En

et

n'avions

quelques

pour

au départ, c'étaient

nous


S; f

LES

FUSILIERS

MARINS.

s'était au Le commandant placé du canon. Desprez d'une voix mâle formé en carré; milieu du bataillon, ses recommandadevoir, et forte, il nous disait notre « Montrez-vous, disait-il, tions et ses espérances. et de la confiance réputation dignes de votre ancienne Il ne doit y avoir ici que des met en vous. que Paris se battra le bataillon d'Ivry-Montrouge braves bien~ de Dieu, car le droit est et avec l'aide j'en suis sûr, à chasser l'Allemand nous parviendrons pour nous, s notre belle France. qui souille A Châtillon. Du bout de son épée, il nous montrait détonation lui coupa la une effroyable ce moment, tiraient à la fois et Montrouge parole. Ivry, Bicêtre tout à contre les travailleurs ennemis, qui venaient « Vive la France! M leur de trahir présence. coup » répétâmes-nous « Vive la France! s'écria-t-il. après Le lui, et notre voix se perdit dans le bruit du canon. c'était là une scène cœur à tous nous battait plus vite le comjours après, pas. Quelques que l'on n'oublie un des premiers la tombait mandant pour Desprez de la patrie. délivrance du vilau-devant été assigné Un poste nous avait en face de Choisy-le-Roi. lage de Vitry-sur-Seine, cette fameuse Gare-aux-Bœufs, Près de là se trouvait deux fois abandonnée, qui, prise par nous deux fois, sous nos yeux. devait plus tard sauter de 2 mètres une tranchée A cet endroit, profonde Creudu Moulin-Saquet. reliait la Seine à la redoute de batteries, sée par les soins du génie civil et fortifiée de de la première faisait cette tranchée ligne partie de l'enceinte défense qui, en avant des forts, couvrait nous des Prussiens, à l'imitation Plus Paris. tard, encore au delà des trous de loup où tous creusâmes doucement: se glissaient deux hommes les soirs eussent et Allemands ensemble, pu causer Français étaient tant les sentinelles des tranchées La partie

rapprochées qui nous était

spécialement


C! (~ -5

5 a e

RÉCITS

D'UN

SOLDAT.

5



LES

FUSILIERS

67

MAMNS.

où les cad'un côté sur la Seine, confiée s'appuyait de l'ausous vapeur, stationnaient nonnières toujours de fer d'Orléans, tre sur le chemin passage qui livrait encore Les wagons blindés blindés. aux wagons du siège. C'est à la Gare-aux-Bœufs une invention fois. Il faisait nuit, s'en servit pour la première qu'on devait avoir lieu au petit et l'attaque Chaque jour. différents, par des chemins gagnait corps de troupes, en silence, en hâte son poste de combat; on marchait les sabresles rangs retenant de la main pressés, car dont le cliquetis eût pu nous trahir, baïonnettes, il fallait surprendre l'ennemi. A tout instant un lancier avec des ordr es; il passait allait au galop, suivant le fond des fossés, pour que la Le henterre détrempée amortît le bruit de sa course. d'un chien nissement d'un cheval ou les hurlements le silence de la abandonné venaient seuls troubler nuit. Les fermes désertes n'avaient pas de lumière, une fenêtre mais de temps en temps une s'ouvrait, tête se montrait curieuse, inquiète, puis disparaissait n'avaient aussitôt c'étaient des paysans pas qui maidans quelques voulu leur petit domaine quitter la veille sons basses se mouraient les feux allumés sur les et la flamme, se reflétant par les mobiles, du sang. vitres était rouge comme salies, été désignés selon la coutume, Les marins, avaient défonen tête. Quittant la grande route, pour marcher des canons, cée déjà par les pluies et par les passage de fer, qui nous nous avions pris la voie du chemin rencontrâmes offrait un terrain Nous plus commode. des à deux les wagons blindés. Reliés deux par ils à partir, chaînes de fer, haletants, fumants, prêts camaattendaient le moment de l'action. Bonjour, rades nous dirent à demi-voix les matelots qui les comme En effet, pour les wagons montaient. blindés, comme qui exipour les ballons, pour toute entreprise geaitdes

hommes

à l'épreuve,

on avait

pris

des marins.


C3

LES

FUSIL~RS

MARINS.

et chance fut-il et bonne répondu, – Bonjour route. notre Bientôt, nous continuâmes par une terle fort d'Ivry sur Choisy-le-Roi, lancée rible bordée se joignirent du combat, le signal donnait auquel Alors nous Bicètre et Moulin-Saquet. Charenton, de plaques de Couvert le monstre. vimes s'avancer bas des il tôle roues, jusqu'au qui descendaient semblait le fourneau de la machine glisser; paraissait la vapeur dans la nuit; un œil immense s'échappait criaient sous le poids les rails violente, stridente dont à songer à ces dragons on se prenait énorme: d'effroi les parle la fable, et dont la seule vue glaçait coeurs les plus braves. la barricade la En quelques minutes, qui coupait les wagons, fut voie abattue; démasqués, s'engagède Vitry, et les grosses rent au delà du pont pièces cachées dans leurs se mirent à de marine, flancs, le bruit tonner. sonores, Répercuté par les parois au ciel, épouvantable. Je ne sais montait trop le mal ce nouvel de guerre, engin qu'a pu faire à l'ennemi heureux d'avoir mais on se sentait soi un si pour allié. puissant le séjour le combat, aux tranchées; Après après les le froid, l'insomnie balles et les obus, et la faim. Au les balles valaient mieux. Il faut plus de demeurant, vrai courage la misère pour supporter patiemment tranchée àl'ennemi, que pour marcher etdeuxjoursde sont plus durs à passer qu'un jour de combat. En France, de le de pour tout homme cœur, jour est un jour de fête. On parle, bataille on rit, on s'agite, l'émotion vous donne une certaine communicagaîté les heures; tive qui semble mais vivre des abréger mois entiers au fond d'un fossé, passer nuits quatre sur cinq les pieds dans la boue et le dos sur la neige, rester en faction jusqu'à dix-huit heures de suite, voilà vraiment une cruelle pour les caractères épreuve. au matin, tombant de sommeil, Quelquefois épui-


'T3 "CI C 3 dbl) m



LES

sés

de

nous fatigue, le canon de notre

sur J'ai

entendu

un

D'autres,

fusil,

que

n'avons

voulu

la tranchée,'on quitté ait pu nous paraitre temps long. Il est vrai que nous faisions Tel

promenade.

a portait d'une balle un

mourir.

militaire, la fin jusqu'à

pas

bonne

on

été

jamais

appuyé debout.

tenir

comme

auraient

ici l'expression employer notre des forts départ n'avons

nous

pour

frappé il va coucher dans

celui-là! nous

7)

le menton

s'écrier, camarades

de ses

désespérés,

songe

MARINS.

demeurions

matelot

l'ambulance un « Est-il heureux on

FUSILIERS

pour

que

depuis nous siège

du

comprend à

l'occasion

voulait-il

général

»

Quand

re~eue.s,

et

lit

que

le

quelque une pousser

reconnaissance

de nuit, au Moulin-de-Pierre ou ailil écrivait à l'amiral sous les ordres leurs, Pothuau, de qui nous étions « J'ai besoin de 300 hommes placés – 300 marins. Un biscuit énergiques, envoyez-moi dans

la musette

marins naient

et

leurs

cartouches

à la ceinture, les leur revedevoir, puis leurs à la tranpostes

faisaient

partaient, le lendemain

reprendre

chée. Avec les

le sac

autres

soldats,

à l'établir; ma part, nuits ment guère, toujours lantes, bonde de

de

nous

nous

marche, la tente n'en

et les

avons

j'ai

couché

deux

de trop, ait ses

puis-je

dire.

comme

reçu,

piquets

qui

servent

pas fait grand usage. nuits sous la tente, Que

en

avantages

avions

ce mode

Afrique,

cela

de il ne

Pour deux campepleut est

se peut; dans ce pays-là, le terrain sec. En outre, si les journées sont brûles nuits sont souvent très et il est fraîches, se tenir en garde contre ces brusques retours mais

température;

atmosphériques pas de l'été,

ne

sont

trouver

camper.

chez

nous

les

conditions

Je ne parle plus les mêmes. où l'on peut dormir fort commodément !c de sa couverture en hiver, il pleut corps enveloppé et il n'est pas facile à un bataillon de fréquemment, l'endroit

Gèle-t-il

au contraire,


LES

FUSILIERS

MARINS.

de tente ses piquets avoir enfoncé péniblement après la chabientôt dans le sol durci, le soldat se couche la terre se la neige, fait fondre leur de son corps dans la boue. il se réveille détrempe, fit conson nous obvier à ces inconvénients, Pour en des baraquements vers le mois de janvier, truire, du pont qui, près de Vitry, coupe en arrière planches, Par de fer d'Orléans. malheur, du chemin la ligne couchés à peine étions-nous on n'y pouvait dormir forcés étions deux ou trois heures, que nous depuis Nous courbaturés. de nous relever, perclus, glacés, la les autres, les uns contre serrés alors, préférions nous de notre capote, dans un des pans tête enroulée dont d'un feu de bois vert en rond autour à la et donnait des larmes, nous arrachait aux un teint bronzé rebelle à notre visage longue les plus consciencieuses. ablutions du jour, quand il n'y avait plus à craindre Au lever qu'un feu trop vif servit de but aux coups de l'ennemi, s'armaient du déjeuner les plus robustes on s'occupait du bois, tandis de la hache et allaient que les couper le café entre deux pierres. Ce déjeuécrasaient autres notre meilleur ner du matin était encore repas. de cheval beaucoup A midi, un morceau trop mince exécrable. Nous fournissait ne qu'une soupe du reste du monde, à trois kilomèvivions séparés Or il est mauvais tres en avant des forts. que les viennent de trop loin, et passent entre rations pluce prodige: elles sieurs mains; explique qui voudra en route. se réduisent le riz, le riz cuit au sel et à Le soir, nous avions l'eau. Quoi qu'en puissent dire les Chinois, c'est bien le mets le plus fade, le plus insipide qui ait jamais la faim. Aussi cherchions-nous servi à tromper par à relever notre tous les moyens ordinaire, possibles de chaset plus d'une fois les chiens du voisinage, d'un furent les victimes seurs devenus appégibier, accroupir la fumée


LES

FUSILIERS

MARIXS.

73

tit qui ne pardonnait pas. Nous recevions par jour un d'un litre ou à peu près; quart de vin, le cinquième le en mer. Pour le matelot, du marin c'est la ration avec un quart de vin, on obtient quart de vin est tout; de lui les efforts les plus méritoires. dans les ports, Bien souvent, s'agit-il, par exemple, l'ouà bord d'un navire, du charbon d'embarquer homme songe, chaque que lentement vrage n'avance le lendemain laver son à part lui, qu'il lui faudra secrète et cette du repos, à l'heure pensée linge d'armes mais son ardeur; modère que le capitaine la double, devin supplémentaire, une ration promette les les bras aussitôt comme ils disent, s'agitent, durant on remue le chartrois heures pelles volent, tout est fini, le matelot noirci, sali, bon, et, quand à la cambuse toucher la mais radieux, pour passe double. à bien que le vin ne fit pas défaut En décembre, on nous supprima pendant plus de huit jours Paris, II importait, de vérifier habituelle. la ration parait-il, Les matelots les quantités que l'on avait en magasin. et plusieurs de ce furent démoralisés, complètement à désespérer du salut de la moment ont commencé France. boive plus qu'un Ce n'est pas que le marin autr e à recevoir du vin chaque ihabitué jour, mais en petite mal les excès, et tel matelot il supporte ivre quantité, dont on se détourne dans la. rue n'est pas allé bien souvent la 'iberté, le jusqu'à la fin de sa bouteille tout a contribué à air, le manque d'expérience, grand lui tourner la tête. A la suite des privations et des fatigues, les maladies n'avaient à sévir nous. pas tardé parmi Cepentous dans la force de l'âge, tous faits dant nos marins, à une vie pénible, mieux depuis longtemps pouvaient autre ces souffrances. qu'aucune troupe supporter Alors que les régiments de ligne se fondaient peu à


MAMKS.

FUSILIERS

LES

74

tiers de notre les deux conservé nous avions peu, facile à est un malade du reste, Le matelot, effectif. attribuent une ces braves Par tradition, gens soigner. de réglisse au suc noire, toute vertu particulière c'est là enfance de notre inoffensif aimé extrait pour

le remède

eux

dans applicable les maux, depuis

une

souverain, tous les cas

de panacée les tous

et

guérissant la jusqu'à

gelés

pieds

sorte

de

fluxion

poitrine. Chaque venaient

matin, passer

quittant la visite

grange~ de consultation

tranchée, le village

dans

à tous

ouverte

vaste

la

et

portes

les vents, fenêtres

les

malades

de Vitry. Une servait de salle avaient

été

brù-

on ne s'en inquiétait pas; mais longtemps, depuis à la main, sa réglisse le major était-il à peine entré, de autour s'élevait de voix immense concert qu'un obtenir fort le plus à qui tousserait lui. C'était pour il n'y A vrai des précieux bâtons. dire, un morceau les médicaments chose à leur donner, avait pas autre défaut. nous faisant les plus simples bon. On était de tout, le moral en dépit Eh bien lées

plaisantait la misère l'homme

jouer vrai

aux

des dépens et de la maladie, bien vite s'habitue

avec

Nous

elle. nos

que

plaintes. Le matelot

Prussiens,

on

se riait

de

car la mort, on narguait à l'idée de la mort jusqu'à il est chantions quelquefois

chants

ressemblaient

plutôt

à

des

et sa poésie au fond, mélancolique décès un peu. Point de ces gais refrains, s'en ressent tant au soldat de la qui plaisent couplets joyeux, mais de longues et tristes quelque mélopées, ligne; et dounos romances, des airs trainants chose comme autrement? en être Et comment loureux. pourrait-il Quelle enfants, disputent d'homme,

est

l'existence

est

de

braves

gens

de leurs père petits arrivés leur vie à la mer en fureur La discipline les réclame. le service

ils

aident

leur

ces

?

Encore bras, et à l'âge est ter-


LES

rible

à

du

reste

rarement

de la règle Aussi quand,

aussi, misères

des

labeur incessant, repos, ils vimois des entiers, disd'autre hommes, n'ayant

de ses flots et le bruit que la vue de l'océan et tout à terre, on leur permet de descendre

traction

naturel

75

MARINS..

là jamais de inflexible. Durant

bord

consigne vent isolés

oubli

FUSILIERS

est

puni. rigoureusement de poésie obéir à ce besoin pour de l'homme, ils veulent au cœur chanter, et raconter ils ne peuvent que se plaindre

si eux les

comme ils du goui-ganier, matelot, pauvre de fèves sorte aux disent, par allusion gourganes, la dans une large part pour décortiquées qui entrent coudu bord. A la fin pourtant, au dernier nourriture du

un jour une lueur viendra d'espérance plet, brille un jour où l'on reverra et où l'on sera libre, le pays où l'on épousera la jeune les vieux fiancée, parents, de rester et tout sera oublié. fidèle, qui a promis sont bretonnes de De ces chansons, beaucoup rien comcelles-là, je ne parlerai pas, je n'y ai jamais Heureusement il en est d'autres en français que pris. une m'a frappé du la Chanson surtout, j'ai retenues; charnier

Les

vers

sont

les rimes boiteux, pauvres, les licences mais nombreuses que ne pardonneraità cette naïveté charon pas à ces aveux touchants, mante ? Le

(1).

matelot

tienne

une

se

plaint

bien

d'abord

mauvaise

et de l'eau

maigre régal, avait son quart toujours le caporal moindre faute, sur le cahier de punitions, Bien

plus

il vous fers

que

par malheur fantaisie de

prenne vous attendent,

et vous

le

que –

boisson.

charnier Des

gourganes Encore si l'on

convenez-en. de

vin d'armes

con-

mais,

hélas

à la

votre nom porte et voilà le vin supprimé. un jour, à terre, en allant tn'er bordée, au retour les en avez

est une tonne pleine (1) Le charnier sur le pont, et sert à la consommation

pour

un

mois

au

d'eau qui reste à demeure journalière de t'équipa~re.


LES

76

moins

l'eau

à boire

votre

du

charnier.

Et

ô matelots, en patience, nous avons la chance d'obtenir

mal

jamais

Le temps de joie et f)'ef.p Tout ensemble Fera chante. Alors nous les trinquerons Et nous boirons à l'amitié.

Cela

chantait

se

nous

lorsque et qu'il

nous

ferme que comme les

en

avions

chœur par

'4

MARINS.

FUSILIERS

notre

permis abandonnée.

congé,

rance verres,

le

hasard

soir, auprès un moment

de passer la nuit l'air Bien que

était

prenez car si

cependant, mes frères,

du

feu,

de repos, dans quelfût

triste, à ce modeste

nous nous plaisions paroles, ou fausses, toutes fraîches ou cassées, concert justes et tous, à donner leur les voix tenaient note, après endormions nous nous avoir chanté, plus contents. Mais courage, cesse au nos

ce qui c'était milieu

plus

ils

fatigues.

soutenait

officiers.

partageaient Qui d'entre

notre

Vivant

sans

noblement les

marins

les chefs euxlorsque plaindre, de patience et d'abnégation mêmes faisaient preuve ? ils n'ont leurs un seul jour, hommes. Jamais, quitté leur faire avait un On leur creusé, honneur, pour eût

petit vaises

de

le reste

de nos

l'exemple de nous, et nos

privations eu le droit

tout

que

se

en arrière

trou

de la tranchée

mau-

quelques

de toiture, et garantissaient servaient planches en revanche, tant bien que mal de la pluie et du vent avec peine la fumée, s'échappant par les interstices, inhabitable. ce séjour rendait presque C'est

là qu'ils leur

n'exigeait tout meuble

un

se retiraient

rien au dehors lorsque c'est là que, présence ayant pour tronc d'arbre à peine on les équarri,

dans leur assiette de fer-blanc un maimanger voyait ou une poignée de riz apprêté de cheval, gre lambeau les soins d'un matelot. Souvent comme le nôtre par ils venaient blesse, conserver

causer affables leur

avec sans rang,

nous

bienveillants

familiarité, ils prenaient

sachant part

sans

fai-

toujours aux discus-


L'amiral

Pothuau.



LES FUSILIERS

sions

les

ils

diriger; les expliquaient et de la France. pour

tous, voir Les

matelots

événements, en dans

l'amiral

Pothuau

passait

sait

hommes

quelques renommé

aux

était

L'amiral

se mettaient

écoutaient

paroles

monter

fort, ainsi des

pleuvaient sous canonniers

ses

balle,

il me

propos, L'amiral

se

d'encouragement. sa nous pour

rare

avec

tout

sur

ciers aperçus, nelées

le se

qu'ils

passaient inclina rieur

de

une

à

à la moinlanciers

les

le

pendant sur les

bas-

tirer

siffler

Entendait-il pour anecdote

en compagnie de Vitry. Les

pont mirent

Vitry

à cheval

comme

revient

trouvait

adres-

alors entières, que et venaient tuer parts

yeux. l'attirer.

semblait danger il relevait la tête

Le

de-

les

heures

de toutes

obus

et

au grand galop de plus de vingt pas l'a vu à Montrouge,

du

bombardement et rester tions

de

aussi

Souvent

la tranchée,

parmi une maison

alerte, précédant escorte. On son

de

à la portée du parlaient

silence.

dans intrépidité. Logé il accourait son état-major, dre

79là

MARINS.

du

A ce

curieuse.

de

offi-

quelques s'en ennemis,

haut

en face occupaient et nombreuses. rapides

une

la chercher. assez

des du

les

étant cré-

maisons

Les pont. Un officier

balles supétout

la tête. Ce mouvement légèrement et tout naturel, n'exclut en rien le courage, instinctif, au plus brave mais il est permis de saluer les balles se retournant, de cette voix brève lui l'amiral, qu'on connaît sieur nul

Je

crois

Le », dit-il. n'eût osé mettre

l'officier. mésaventure qui nous Tandis tranchées, de nous, de passage

Lui-même mais

qu'on était

mot en

doute

tire

sur

et cruel, la valeur

tard racontait plus on peut juger par

mon-

nous,

car

immérité,

de

éprouvée en riant

sa

là de l'homme

commandait. ainsi à demeure que nous restions les autres se succédaient troupes et le village de Vitry était comme où

se croisaient

les

uniformes.

dans

nos

autour un

camp Les mo-


80

LES

FUSILIERS

MARIAS.

ceux de la Somme, ceux de l'Hérault, biles y vinrent et de la Côte-d'Or. Je ne dirai rien ceux de Bretagne de Paris, des mobiles qu'on a trop peu vus. le coul'instruction, S'il est vrai que l'intelligence, Paris au soldat, possédait pas inutiles rage ne sont comme aucune armée du monde là 20,000 homme malheureusement on ne n'aurait pu lui en opposer à profit ces rares qualités, et l'indiscisut pas mettre les plus un corps qui eût pu rendre pline perdit services. grands les mobiles de province ils étaient arriRestaient avec leurs hâte à Paris habits de tous vés en toute une bande et quelques les jours, rouge auxquels ne donnaient surajoutés qu'imparfaitement galons Les Bourguignons d'un uniforme. portaient l'aspect et je ne sais quelle le vieux sayon gaulois, la blouse, mêlée de confiance me saisit lorsque émotion je revis de la France ce costume et ce au milieu des malheurs survécu à l'invasion romaine et qui avaient peuple de César. aux conquêtes ils étaient devenue d'excellents En peu de temps, mieux ils valaient et cela se soldats que la ligne, dans Paris Formés précipitamment après comprend. les régiments de ligne se compol'investissement, saient pour la plupart de jeunes recrues ayant à peine leur en tout cas de croissance, achevé incapables Les mobiles, au contraire, les fatigues. supporter tous de robustes à étaient garçons, âgés de vingt-cinq ans et habitués aux travaux des champs. vingt-six ne plaignaient-ils leur à leurs Aussi pas peine ils remuaient de la terre, moments perdus, et, la creuser ils allaient eux-mêmes les pioche à la main, le lendemain devaient défendre à tranchées qu'ils coups de fusil. nationaux Les gardes on les distribuait aussi tout .tien, un bataillon

nous

étaient bien connus, eux nous en guise de souparmi entier de pour une compagnie


LES

8)

MARINS.

FUSILIERS

Ils de les aguerrir. s'agissait aux avant-postes, de jours en voulaient prenque ce qu'ils

il réalité, une quinzaine

en

marins passaient ne faisant

du

service

dans tout fiers ils rentraient Paris, dre, après quoi du feu. d'avoir le baptême reçu et leur faisait sinon le courage défaut, L'expérience de militaire ils n'avaient le bon vouloir; que le coseux-mêmes tout les ils le comprenaient tume preet plus d'un cherchait à en imposer. On ne miers, saurait

croire

lenombrede

gensquipré~endaientavoir A les entendre, ilsétaient

la campagne de Crimée tous ils connaissaient tous anciens soldats, vu bien d'autres sous et ils en avaient chées, fait

de SébastopoL Néanmoins

ils perdaient fort a faire

avions

la tête

au plus

les

tran-

les

murs

léger

bruit, de tirer

les empêcher pour sur les troncs d'arbre et les taillis qui garnissaient la plaine; ils voyaient des Prussiens. Quelpartout reconnaissaient modestes, qu'ils ques-uns, plus ce leur n'avaient le coin de leur feu quitté jamais et nous

était

un

prétexte a nous du

mettre Les

bons

croyaient et d'expressions

langage

ques

empruntés la couleur

le

terme

tional

trois

au

vocabulaire à ce que locale, le soldat

d'une

longue

s'approchait « Eh bien

ce matin. jours

leur déposer de la faction.

bourgeois

leur

pour à l'heure

pour soin

s'en

rel'

de jurements pittoresmaritime, par respect Au matin donc, je crois. avec

faction,

un

plaisir nagarde

en fredonnant: vieux

Nord-nord-est, que

de

et

d'émailler

nécessaire

entrevoit

fatigué nuit

fusil

nous

va? il vente frêre~ comment bonne brise. Brrrun sommes

frais voilà

à la tranchée., et, ma foi, vous êtes faits différent,

Pour vous, c'est j'en ai assez. à la fatigue. Et dire ces de Prussiens coquins ne veulent bien d'ici. Ah il faudra pas démarre, virent de bord et nous leur dontout de même, qu'ils nerons la chasse delà du Rhin, 1 tonnerre de jusqu'au RECITS

D'UN

SOLDAT.

6


LES

82

MARINS.

FLSILIERS

la goutte, mateau tait, si nous prenions » là lot ? Un peu de brise-lame, allons, homme tendait sa gourde Le brave remplie par les et une bonne de la ménagère on buvait soins rasade, Brest

Mais,

la conversation n'aille Qu'on

continuait.

avec

Les

négligence. recevaient les étaient

ordres

à bonne

école.

telot. avait

neigé le sol

sur

blanchi, silencieuse

en loin

Nous

tout

à la tranchée

officiers

dire

qu'ils commandant ma-

et d'un

fois

nos

ombres

marchions ?

mot

d'ordre, allumés

grands

d'une

de

pas

et

loin

le com-

sentinelle nous

pour vivement et

se levait

le monde

comme

glissaient

à

~e feux

des

autour

Alors, froid,

c'est

une

le qui partait donnait le

mandant

de nos

se fit

Il l'accompagner. pour la journée; la lumière, frappant la blafards éclairait de ses reflets

pendant

plaine des fantômes.

le service

nuit, notre Chaque d'un second-maitre

la ronde, suivi Je fus désigné

faisait

pourtant que nationaux gardes

croire

pas

passions. combattre saluait

le

avec

respect. les fonctemps déjà, je remplissais quelque Depuis Tous les matins, au fort tions de vaguemestre. j'allais les lettres. La charge m'était et chercher d'Ivry porter les plis et les dépêches, mon sans car, petit légère, vide. Les Prussiens, on sac eût été presque toujours le sait, province n'avions sions, c!ance Godard,

ne

d'autre la guère nous nous c'est

de

parents lettres

d'Ivry politique

des

partir il venait

à

nous amis.

distribuer,

journaux les occupe

en

que fort

voir, foule

aucune

de élève

et

lettre

tranchées~ A de rares

frais

camarade, en ballon.

d'une et nos

les

d'écrire.

mettions

devait

veille, confidentiellement

à nous dans

part, facilité

lorsqu'un

La

nos

arriver

laissaient

nous

de

de nous occa-

correspondes frères le chargions billets pour

petits si je n'avais D'ailleurs, pas soin d'apporter je prenais Bien l'on s'arrachait. que la peu

d'ordinaire,

nosmatelots


LES

eux souffraient, qui ne fut certes

FUSILIERS

aussi,

ce pendant Un second-maitre haut la lecture.

absence

moins

cruelle

intelligents, une valeur

tout le journal, et faisait des sous-ofïiciers dans la

prenait Le

braves, composé et seconds-maitres

quartiers-maîtres bien réelle, supérieure

de la troupe: J'ai pu voir

mais

chez

bien

là combien

la

pline, encore pas

de tout

instinctive

nêteté ries

socialistes

faisaient nées quand toute

justice la jalousie,

de ils

autre

siens J'avais marin

leur

moins

des

que

respectés haut. plus

dispensé

sans

ordres

parce

gager. Du

S'ils

souffraient

aux

obéir

Lorraine.

lisaient feuille disaient-ils

remarqué breton pour

service

ignorance! en

négligée

pu

le mot de patrie pas de Me~z et Strasbourg, se battaient courageuse-

se

à bord Ils n'ont

gradés

utileapprendre et vraiment pourtant

chefs, chefs

les

bon

eût

actifs, ont

des

quelle est

l'instruction

ne s'expliquaient plupart le nom peu connaissaient

l'Alsace, ment et

à celle

les matelots

on et que de choses France, ment à ces hommes, probes estimables La

de nouvelles, des privations

blocus.

corps admirablement

est

marine

83

de cette la

pas douloureux

MARINS.

c'était

plaindre, souci par et

mais

la

leur

jamais

de

sont discipline ne s'élevait esprit

compris

militaire,

la

pour disci-

pourquoi, voulu m'en-

j'avais

sens

une sorte d'honnaturel, les mettait en garde contre les théoavancés des journaux de Paris ils entre eux de ces idées malsaines, de la cupidité le Combat, de

cette

ou la

Pah'~e

nuance

en haussant de bonne le Parisien.

les

heure

de l'ambition, en

danger

Oh

ces

et, ou

Pari-

épaules. l'éloignement

du

Voici

comment je l'exde Paris enfants dans

on trouve quelques pliquerais la marine ce sont pour la plupart de jeunes ouvriers comme dit le peuple. Chassés de tourné, qui ont mat reniés sans tous les familles, ateliers, par leurs argent,


MARINS.

FUSILIERS

LES

'84

du travail, ils n'ont le goût perdu En celle de s'engager. seule ressource, qu'une plus leur enleur ils apportent esprit, arrivant, à bord mais aussi la et coloré, leur train, langage expressif et de la l'amour du désordre l'indiscipline, paresse, sans

abri,

ayant

ils

tous leurs défauts habituels; débauche, ils ne mériteront amuser parfois, jamais De là cette l'affection de leurs camarades. matelot ce qui vient de Paris. pour Un journaliste a prétendu idées tous

bien

connu, la Commune

que les marins

peuvent l'estime ou

défiance

du

du parti extrême, su gagner à ses

organe avait

M. Thiers siège. en les renvoyant avait donc fait preuve Ces marins, au plus tôt chez eux. Or cela est faux. je énerles autres, tout comme eussent, l'affirmer, puis l'insurrection. et combattu condamné giquement bataillons

Nos hommes

au présents de prudence

faisaient

de marche

l'armistice, qui, après un mois lorsque plus tard. on nous de quitter Paris,

armés le point nécessaires

surtout

aux

quelques jours autour de la caserne

pendant garde la main

bâton de tente qu'un homme vint à passer, un

Un

comme

on

en voit

trop

nant.

Le marin

se

sentit

repartit

pourtant bâton.

vous qu'on pourrait » J'adoucis un peu l'homme davantage,

attendre poursuivi Il

nous les

s'en

vit moyens

par

aussitôt

les

fautcependant de mauvais possibles,

risées

de la

sur

armes, et

demeuraient, montèrent

la à

a'ayant les curieux.

ces

de

vieillis, gamins le.: les d'émeute. jours et érailla voix cynique

froissé, et, « C'est

la tète,

ces

retira

le visage creux, inculte, « Oh! ces fusils de fer-blanc

yeux lée.

fûmes

la Pépinière, pour écarter

ctans

12,000 rester

de

nous

troupes qui nos sentinelles de

des

partie obtinrent

» dit-il

en

fièrement

relevant avec

allonger

ces des

l'expression. se hâta de

rica-

fusils-là de

coups Sans

en

disparaître,

foule.

que la population œil. Bien au contraire, elle cherchait à nous

parisienne

par

tous

témoigner


LES

regorgeant des cafés

on

spectacle de soldats, et des

les plus

tumes

Paris

et sa reconnaissance.

sa sympathie un curieux

85

MARINS.

FUSILIERS

eût

dit

d'officiers

restaurants

un

immense camp Aux tables surtout. les

se rencontraient

bizarres

et les

des

des soutaches, plumes, mais aucun Ions uniforme, rait l'attention comme le

alors

offrait

partout et des ga-

coquets

plus

cos-

des

aiguillettes si brillant qu'il col bleu grand

fût, n'attiet le petit

du matelot.

bonnet

on les voyait si peu Les journaux C'était justice., ne tarissaient appelaient pas d'éloges pour ceux qu'ils les les < braves marins Dans les rues, toujours enfants en chantant à tue-tête nous suivaient petits un

sur

air

connu Les marins Montaient

« Vive

» nous

la marine

disaient

bourgeois cafés et dans

les les fois, dans des boulevards, établis le long «Les tirait son argent pour payer: pas B, lui répondait-on.

matelot

lorsqu'un marins

ne paient matin de janvier, nous suivions

date, boulevards

la 13, je n'ai pas oublié au nombre de cinq cents les du Moulin-denous revenions le

extérieurs;

Pierre, dacieuse

où,

toutun

poste

en

les

et plus d'une qui s'étaient

passant, cantines

Un

de la république le vaisseau F~t~['«r

jours

quelques

reconnaissance,

dans

auparavant, les marins

avaient

une

au-

surpris

maiscette secondcfois l'ennemi, ennemi; sur ses gardes, avait et repoussé prévenu l'attaque. Six heures nous restâmes derrière durant, accroupis du cheminde fer del'Ouest, au milieu d'une le remblai pluie

d'obus

têtes, autres

et par

devions

partir casernes

Les tain,

troupes

la flamme

qui écrêtaient un froid de

les murs 10

degrés, eussent leur opéré les derniers. du

fort

montait

d'Issy jusqu'au

au-dessus

de nos

attendant

que les car nous

retraite,

brûlaient ciel

dans avec

un

le

loin-

crépite"


et

ment

sinistre, se venaient cendie.

manteau, dangereux la suivie

sur

couverts

coteaux

les 'us

rejeter

clartés

de neige de l'in-

rougeâtres

le brouillard du jour, lorsque un vaste comme fut répandu sur nous mais il eût été nous nous pûmes retirer nous avions la route de prendre que

Enfin, matin se

du

MARINS.

FUSILIERS

LES

86

veille

au

point

au soir

venir

pour

de

On

Vitry.

nous

fit passer par Paris. nos officiers à s'éveiller ville commençait Lagrande barbes et avec leurs sous leurs longues casquettes, avaient un faux air de blancs de givre, leurs cheveux mourants de faim, tous, mythologiques les pieds meurtris harassés de fatigue, longue parune trainions nous nous marche sur un terrain péglacé, accourir On put voir alors les Parisiens niblement. du pain, on nous apportait de leur porte sur le seuil divinités

du vin, main,

Le cruel, reculer

les de l'eau-de-vie les femmes pleuraient. dénoûment inévitable,

serraient

la

dénoûment

cependant,

approchait notre que

mais encore, les esprits par tous une de prouver venait ne ses seules forces,

nous

hommes

cherchait à patriotisme était prévu qui n'en pas moins L'échec de Montretout sensés.

Le bombardement quer. à la plus fin commencé, chen des pays allemands,

fois

de

plus

parviendrait si longtemps grande

joie

réduit à Paris, à se déblopoint

que

attendu de toutes

avait

en-

les Gret-

de revoir leurs impatientes les canons criblaient la nuit, Krup fiancés; chaque de leurs énormes rive gauche projectiles, et je me rapnous montait au cœur rage quand quelle pelle encore nous

entendions

qui, dans

impuissants leur lit des

siffler contre

au-dessus nos

de nous

tranchées,

ces

allaient

obus tuer

des enfants., des vieillards. femmes, tenu malgré mais la famine arriParis aurait tout vait en aide aux le pain allait Prussiens, manquer la mortalité les bas quartiers, était dans effrayante un parlait de 5,000 décès Les habitants par semaine.


5

C S

e~ <r

5

.-]



LES

des

communes

la ville

aux

revenaient

FUSILIERS

jours sous

peu àpeu; ils fouillaient

postes, dans les champs Tous avaient

la

dans nous

de nos

avant-

chercher

pour oubliés.

traits

les maladif, de fièvre les femmes

brillants

les yeux amaigris, toutfaisaientmalàvoir

la protection terre gelée légumes hâve et

quelques le teint

8H

rentrés qui étaient de l'investissement,

suburbaines, premiers

~AHIXS.

sur-

le corps à peine couvertd'une elles traînaient à leur mauvaise robe toute déchirée, enfants transis et affamés. Les enfants suite de petits en passant un peu de notre riz. Si demandaient nous la nos armées de province avaient du moins pu tenir campagne « Eh bien nouveau

Quand

avec

j'arrivais me

vaguemestre ? » ce matin

mes

journaux

demandait-on,

de

quoi

de malheur, messager je n'apportais jamais nouvelles. Les désastres se succédaient que de tristes à l'ouest, au midi, au nord, partout, coup sur coup, le temps de respirer. nous laisser sans Orléans, Après de Dieppe celle de Saint-Quentin l'occupation après Hélas!

Rouen. nous fut porté coup par c'était notre battu, suprême Chanzy définitivement la France vaincue, dernier

Le Mans. truit, traint

de se

en ouvrant d'Ivry le cœur navré.

les

Cet

de vrai vaillait

mérite, encore

planches son pays. un

M.

officier,

Chasseriau,

instruit, spirituel, à la tranchée dans

mesurant En

Je revins

journaux.

3 pieds

arrivant, sans rien

malheur; A peine je lui tendais. et me pâlit à son tour

sur

dé-

à pas

est

con-

au

le lieutenant pli pour de Vitry la batterie auprès

porteur commandant

Pépinière.

la nouvelle

appris

du

prise

espoir Paris

d'un

J'étais seau

J'avais

rendre.

la

un

fort

lents,

de vaisde

la

homme

(il traqui travaille sa petite cahute en bien a), et qui aime

si pâle qu'il pressentit il demander, prit le journal que eut-il lu quelques lignes qu'il j'étais

regarda.

Je

détournai

la

tcte


LES

90

nous

tous

avions

FUSILIERS

de

deux

MARINS.

dans

larmes

grosses

les

yeux.

dûmes

rentrer

étions

si

restés

longtemps, osé attaquer,

même n'avaitpas des hommes prêts La les lui livrait. 30 janvier, donné. Les

ces

forts

parce

défendre,

mais

y eût trouvé de plume coup de nous. Le

qu'il un

triomphait l'ordre matinée, à quelques tous

successivement

auparavant, la barrière, franchissions

les faubourgs, Petit-Ivry, nous de l'après-midi

du

départ

pas

en arrière;

lieux

les

mois

cinq

l'ennemi

que

famine

suivaient

Prussiens traversés

avions

à les la

dans

revîmes

nous

conclu,

trop à une capitulation nous les pénibles en connaît clauses où nous dans Paris. Ces tranchées

le monde

Tout

était

l'armistice

après, jours ressemblait

Quelques cet armistice

que

fut

nous

le

du village et a deux heures le

mur

d'en-

ceinte. Ah

nous

avions

rêvé

un autre

retour

avec des chants de joie la victoire, été après d'une foule heureuse nous au milieu et des fanfares, sous les arcs de triomphe éleau passage, acclamant amère nous recevoir. vés pour Quelle déception et sombre couleur une teinte de Le ciel avait grise eût voulu elle-même s'ascomme si la nature plomb, C'eût

socier

au deuil

rons

se taisaient; car régulier,

pas gnité

Il faisait de la France. en nous marchions ces

dans le malheur. mais les fusils

salies; le sourcil les hommes, vraient gravement.

vaincus

avaient

nos froid, bon ordre, conservé

claid'un la di-

étaient et fripées capotes comme à la parade, et brillaient l'œil farouche, manœufroncé, Les

comsilencieuse, passer regardait on se monnotre douleur et la respectant prenant mordaient trait tout bas nos braves officiers, qui convulsivement la et serraient leurs lèvres de rage, inutile. Aux détours désormais de leur épée poignée La

foule

nous


nous

des

boulevards, de marins qui

d'autres

rencontrions des

revenaient

91

MARINS.

LES FUSIUEHS

forts.

Moins

troupes heureux

n'avaient leurs armes, ceux-là pu conserver que nous, canons du soldat cette dernière consolation vaincu on ne leur fallu tout il avait et chassepots, rendre sacs. avait laissé que leurs réde généreuse dans un accès furieux, Plusieurs, et ils gardaient briser leurs fusils, avaient volte, préféré musettes. cachées au fond de leurs les culasses mobiles Oh

qui

que nous douloureuse

dire

pourrait

ce

monter

au front.

choses, notre

j'aurais long

J'aurais

pardonné peut-être aux tranchées,

séjour nos misères,

souffert

?

je sens journée, me et le rouge de larmes oublié bien des peut-être

à cette je pense mes yeux se gonfler

Quand encore

avons

nos

aux nos

Prussiens

dangers, camarades

nos

frappauvres mais il est une chose que je ne leur parpés à mort du retour c'est cette honte donnerai qu'il nous jamais, a fallu subir. fait leur devoir, avaient-ils les marins et, Du moins rien à se ils n'avaient ses ouvrait si Paris portes, privations,

de l'estime ils ont emporté partant, commanennemis. de leurs M. IIamct, le fait suivant, racontait dant du fort de Montrouge, sous ses yeux passé qui s'était Un était arrivée. L'heure fixée par les conventions reprocher. même tous,

En

oflicier prussien ment que le fort grave, ment ses un s'en eu

attendait fût

évacué

raide, empesé, où les derniers

l'air

lèvres, sourire

dédaigneusement de satisfaction.

poings.sérieuse.

de

son

détache-

à son tour, pour y entrer Au mofier et méprisant. par la poterne, passaient comme eurent plissées, Un

vieux

quartier-maitre jamais qui n'ont vivoix et d'une

de mer loups droit à l'Allemand, )) dit-il en serrantles « Ne riezpasaumoins! devint sa figure L'officier sa faute, comprit ré« Rire de vous, point, je ne le voudrais

aperçut,un Il alla peur.

brante

marins

à la tète

de ces


92

FUSILIERS

LES

aussitôt

pondit-il

avec

MARINS.

la courtoisie

la

plus

parfaite,

» à vous admirer songe plutôt encore à passer Peu de jours me restaient parmi à notre retour Dès Paris, les fusiliers marins. avait de vaisseau, M. Lamothe-Tenet, pris capitaine sa en chef des trois le commandement bataillons

je

avait Bourget les plus connus et les plus fait de lui un des officiers nous comment Je ne dirai estimés de l'armée. pas comment de la Pépinière, à la caserne fumes logés fût mois nous attendîmes que l'assemblée plus d'un entre la paix ou la guerre, constituée, et, choisissant sort. décidât ainsi de notre

belle

à la seconde

conduite

affaire

du

toutes les troupes hostilités, on l'avait à Paris devaient, dit, régulières présentes de vie fut celle Notre sur être dirigées l'Allemagne. avec comme de soldats nous, tant prisonniers la dernier toutefois cette exception jour que jusqu'au et respectée maintenue fut sévèrement discipline démoraDe ces vaincus, notre dans beaucoup, corps. En

de

cas

des

reprise

et corrompus l'inaction, le malheur par par à dés ressemblaient en lambeaux, plus ivres, sales, leur uniforme et trainaicnt mendiants qu'à des soldats, cales Prussiens les boues dans toutes cependant Ah elle de la Concorde sur la place racolaient « oue Dieu enla parole est bien d'Homère, vraie, de la à ceux de leur âme la moitié lève qu'il prive lisés

liberté Nous

s. du

le respect complices pas France.

garder

l'attente

Enfin

deaux, étions

avaient libres.

me

je même.

avec

moins, de

nos

nous-mêmes, nouvelle de cette

avions

nous

armes, et

honte

les députés, cessa; les préliminaires ratifié des conditions En raison

ne

nous

su fûmes

réunis de

la

à

infligée à

paix;

Bornous

particulières à Paris congédié

d'être trouvais, j'obtins ainsi un pénible J'évitais voyage

il

m'en

eût


coûté

trop

en vaincu

de revoir

au quittée la rentrée

j'avais d'espoir frir.

nos

D'ailleurs

cette

mois

d'août, dans Paris

de Brest, de confiance

ville

plein m'avait

marin devait/selon chaque le port d'où il était sorti, et je n'aurais gner de mes au retour nombre qu'un petit d'armes.

Ceux

de Rochefort

de Cherbourg, Adieu donc, reverrez

vous

avec

plage,

vert

ses

murs

de chaume

table

vos

parents,

et le

foyer Hélas

longtemps. toujours Voici votre

une

en mer!

voici

bon

Comme

attend

vous barque qui tous vos instruments

servait

vent

vous

les

et

avez

des

avirons

Jutté

contre Au le

re-

grande

sur

usés

le

de

Allons, luttez et

canons la

au-

à une existence moi, rendu plus tranquille, où aborderont vos ne vous oublierai pas partout où flottera votre vires, pavillon, je vous partout avec

vanche, enfans, marades. nemi,

le cœur, la patrie oh!

ce

Comme nous

et

au jour lorsqu'enfin, encore à elle appellera

jour-là

nous

autrefois, reverrons les

nous nous champs

de

retrouver marcherons de

de

le tempête, des vagues

Pour

vrai

si

milieu,

absence.

le mugissement

cordages,

vous

a gagner de travail, les

l'étranger, bruit des

fracas

coupente les piquets

depuis où l'on attendra

votre pendant bonne pêche!

contre les flots. jourd'hui va succéder la mitraille grincement en courroux.

en

toit

son

place vous des familles

les paniers, voile réparée

harpons, la lourde

au

et le vent, sèchent les filets vous reverrezia amis

je sais

la vieille pain;

assise

galets,

vos

ceux

au pays; bord de la

rentrer

allez

basse,

de

compagnons

qu'effarouche la porte où

devant

plantés verrez

vous

camarades, la maison

dé-

regal'usage, eu avecmoi

d'abord, partirent et de Toulon. de Brest

ceux

puis

soufen

partagés

tachements

que et

fait

assez

s'étaient

bataillons

H3

MARINS.

LES FUSILIERS

bataille,

tous

je nasui-

la

reses

caons, à l'ennous


94

LES

FUSILIERS

MAR!KS.

dĂŠfierons encore les balles et les obus. Le ciel alors nous donne la victoire, et puissiez-vous dans l'histoire de nos triomphes avoir une page aussi belle que dans le douloureux rĂŠcit de nos malheurs!


UN

IN

VA

LI

SOUVENIRSDE 1870

DE


a &

==! Ë <D M y aS c< 0 -0' t~. a 3 cS C eo 0< & C -a?

t '3 '00

u

t.


UN

INVALIDEE SOf\'EXI!:S

DH 1~70

ettj.f

1

sur la ligne Le train courait à toute de vapeur nous avions il était alors Rouen Amiens dépasse minuit environ. Soldats du 20° chasseurs à pied, a Boulogne, où se trouvait après un mois de séjour le dépôt, nous allions à l'armée de la Loire rejoindre notre corps. Nous étions les uns contre les autres, là, pressés dans ces wagons de troisième classe aux compartiments encore anguleux, trop étroits, qu'encombraient nos nombreux militaire. Chacun objets d'équipement s'était comme il avait pu. La logé un peu au hasard, gaité, du reste, n'avaitpas manqué le long de laroute; c'étaient des rires sans fin, des jeux de mots, des plaisanteries dont les Prussiens la bonne avaient part; on entonnait en chœur des chants les patriotiques, voix se répondaient d'un à l'autre, wagon et, quand nous passions dans les gares, nos clairons par les sonnaient la charge. portières allègrement la nuit venue, toute cette effervescence Cependant, du départ s'était un peu calmée le moins exigeant eût bien voulu dormir. Pour moi, en montant dans le (1) Ce récit avril

a paru

<872. RÉCITS

D'UN

SOLDAT.

dans

la Revue

des Deux-Jlondes

le H


UN J~VAUDE.

93

retroude mon escouade, je n'avais pu train, séparé Paul V. volonde mes amis, autre ver qu'un engagé en face de fatigue, sommeillais taire. je Epuisé de lui. secousse se produit Tout à coup une épouvantable de nos nous nous sentons soulevés en même temps et se autour de nous, les cloisons vacillent places; quettes en mille

un

avec

rapprochent se

chant sions bois

désespérées qui nous

sommes

les

brisent;

pièces, en vain

craquement

et

les

vitres,

à

repousser ces fusils, étouffent et dans

volent

quinquets,

chersaisis, broyés, loin de nous en des tor-

nous-mêmes,

emportés

ban-

!es

sinistre,

de ces sacs, ces éclats nous nous déchirent, tourbillon. Cela ne dura

le

instant avec des hurlements instant, affreux, qu'un de douleur, des cris de rage, des supplications, des et dernière secousse se lit, puis une blasphèmes tout J'ai

rentra

dans

connu

plus

le silence. tard

où nous

quittions des village

petit autres, autre nous vre

prévenu

les détails

le chef

Amiens, environs, de notre

de l'accident.

avait passage. de placer

il négligea cause, eût avertis. En arrivant

A l'heure

de gare été, Soit

de

comme

un

à Critot,

Critot, les

tous

oubli,

soit

toute

aiguilleur au lieu de

qui sui-

la droite

la machine sur un chevoie, s'engagea min de garage, heurta le poteau où vientransversal nent s'appuyer les trains, du même le enfonça coup mur de maçonnerie encore qui le soutenait, parcourut une trentaine de mètres sans en terre et rails, libre, d'un dernier bond vint s'enfoncer de plusieurs pieds dans

le sol.

Lancés

rent

l'obstacle,

à la suite, les et sous l'impulsion

d.' le franchir, se poussant, uns sur les autres mais les chaînes que rompirent sauvèrent

Par

ainsi

malheur

ceux

pour

qui

moi,

wagons

rencontrè-

acquise

essayèrent montant les

se le

heurtant, choc avait au

nous

été

cinquième

si violent wagon,

e~

suivaient.

je

me

trouvais

aussi

au


99

UXI~YAUUE.

me saisit atroce Une douleur du train. Je n'eus sous la pression. mes os o'ier le flot m'enleva. de souffrir le temps plus bientôt couché en travers j'étais je me retrouvai, Lorsque de amas un énorme sous le corps de la voie, engagé De mon seule ma tête j'étouffais. débris dépassait; de me soulever resté libre, bras j'essayais gauche ne déchiré mais mon un peu poignet respirer pour de recul le mouvement Dans prome soutenait plus. sur été trainé des chaînes, duit par la rupture j'avais l'efiurt même de plusieurs que mètres; le sol l'espace servi de la main n'avait me retenir qu'à pour je faisais étaient à nu. Je retomles nerfs me briser davantage le sable de mordant des lèvres bai la face contre terre, commencement je sentis quand

la voie. A nos

le voyage, lant dormir,

de

au-dessus

hauteur

quelque camarades,

un

moi

pauvre mon

petit chasseur compartiment, à nos couché pieds.

occupait s'était

un

râlait

de

qui, pendant et qui, vouun fait Par

sur moi-même deux tours qu'après en sens contraire, à terre, renversé lui, soulevé j'étais deux Pris entre des débris. tout au haut était porté le corps et là suspendu, il restait brisé; ais disjoints, me découà larges son sang pressées, tiède, gouttes lait sur le front. dans le reste du nos camarades, parmi Cependant à une On crut d'abord était l'émotion grande. train, était descendu. Tout le monde des Prussiens. attaque les ofHleurs en hâte chargeaient fusils Les soldats leurs à rallier cherchaient sabre en main ciers, En avant! et criaient hommes réalité. Deux ou trois blesla triste enfin On connut tandis

singulier,

la sur projetés traînaient péniblement les rencontraient nants

sés

voix noire

s'appelaient qu'à

peine

voie

dans

par

la

du

violence

les le long du talus; Pas de lumière du pied.

l'obscurité à la lueur pouvais-je,

la

nuit des

se

choc surve-

des était

feux

si

de la,


UN

ïQO

INVALIDE.

échouée quelques machine près de là, distinguer silhouettes qu'en hésitant. qui n'avançaient on accourt, un ami Je crus reconnaître j'appelle, énorme la masse on écarte qui pèse on s'empresse, on je suis dégagé sur moi. En moins d'une minute, Hélas c'était trop demanveut me faire tenir debout. sur moider à mes membres rompus. Je me repliai de douleur. me même avec un gémissement Alors, du corps, doucement soulevant quatre par le haut dans une prairie en contreme portèrent camarades de fer. Quand j'y arbas qui longe la voie du chemin sur l'herbe une trentaine déjà couchés rivai, je trouvai celui près duquel on me ou mourants morts de corps, n'était plaça

autre

que

Paul

V.

mon

ami.

On venait la reconnûmes. nous Nous d'apporter des trains à l'arrière lanterne je pus qui se trouve il n'avait voir son pied droit horriblement fracassé; Jusque-là je n'avais pas perdu plus ni guêtre ni soulier. seul et je me rendais un instant, connaissance autour de tout ce qui se passait compte parfaitement seulement la douleur en temps de temps de moi sans se un cri. Paul V. m'arrachait lui, souffrait nous entendions nos Ça et là dans la plaine, plaindre. nous noms répétés cherchaient; par ceux qui nous n'avions pas la force de répondre. sordes employés étaient Aussitôt l'accident, après de leurs tis de la gare pour reconnaître yeux ce qui arriva enfin avec des Une locomotive s'était passé. En même temps les des outils. des torches, ouvriers, à s'éveiller. Critot est un gens du pays commencent Les centaines d'habitants. de quelques petit village ébranlées à la fois, tintaient deux cloches de l'église, nouvelle. la mauvaise au loin lugubrement, portant des Prussiens, et, Là aussi on croit à une attaque nos paysans et de fusils, s'armant de fourches s'aprésistance. A peine une à faire vigoureuse prêtent à ce renGrâce à l'œuvre. ils se mettent détrompés,


UN

le fort, viennent

déblaiement

s'opère en plus

de plus

prairie. La scène

101

INVALIDE.

les

rapidement s'aligner pressés

corps dans la

à la fois. Cent et lugubre étrange on nous dans la plaine couchés étaient et plus corps chasbleu des manteau du petit couverts tous avait les lèvres de moi avaient autour seurs. Quelques-uns et grands les yeux hagards les dents serrées, noires, diretournées convulsivement leurs têtes ouverts et de leurs ongles, une horrible souffrance, saient ils fouilde l'agonie, dans les dernières crispations la terre laient gelée. allait à la main, des torches Un groupe d'ombres, à cherchant officiers nos c'étaient de l'un à l'autre était

reils se baissaient pour hommes de le long et la résine les visages, dégouttait garder et le sans La nuit était toujours étoiles, leurs doigts. sur la plaine, tombant envelopdu matin, brouillard de d'un des torches qui nuage épais pait la flamme une teinte loin lui prêtait sanglante.. un un jeune marchait ofiïciers homme, les Avec de Paris, élève des hôpitaux en médecine, étudiant leurs

reconnaître

alors

de séjour

à

Critot.

Il

se

et aussi, on enlevait

lui

baissait,

il disait

mots, quelques en un endroit du talus, déposait près qu'on morts. ceux-là étaient entassés: étaient où d'autres un prêtre. venait le groupe Derrière un des de moi, ils s'approchèrent officiers, Quand le et me serra la main me reconnut un lieutenant,

regardait le corps

parfois

qui venait de quitter Paul V.considéra jeune étudiant, la souffrance. traits mes un moment décomposés par En face de moi « Bien, bien fit-il,– et il passa. se plaindre entendu était un pauvre que j'avais garçon A deux mais plus. qui ne bougeait peu auparavant, les une glace contre lui appliqua l'étudiant reprises, – a: II est mort enfin en se relevant, dit-il lèvres. et

ce

nouveau

cadavre

alla

rejoindre

les

autres.


UN INVALIDE.

;()c)

A cet

mes

s'arrêtent

endroit

souvenirs;

l'épreuve

forte, je m'évanouis. une moment où, comme à moi qu'au Je ne malheureux avec d'autres on me hissait masse inerte, se serdont roues à deux dans une de ces carrioles commodément aussi On m installa vcntnos paysans. nous à petits primes pas, et lentement, que possible, sur de la voiture secousse de Critot. la route Chaque nous nos souffrances, ravivant caillouteux, ce chemin des cahots, l'un Dans des cris de douleur. arrachait de droite; le corps atla heurter de mon voisin ma main été

avait

trop revins

il fallut

quand davre.

déjà roidi le descendre,

bras

son

je sentis

et en effet, la veste, cace n'était plus qu'un

sous

Du reste, plus très bien les objets je ne distinguais A l'entrée le délire. de moi autour je crois que j'avais l'on nous déposa où une grange se trouvait du village sur bottes de paille, épandues côte à côte quelques meurà nos de couche corps la terre nue, servirent vacillante dont la lumière tris. Un lumignon fumeux, vaste mal cette éclairait les murs, sur tremblotait et les l'ombre les coins dans laissant profonds salle, où l'on une étable, du toit. A côté était solives hautes entendait Deux ner

a. boire.

juste assez la nuit. Au

matin,

les

pourceaux. nous donde avaient été chargés avions et de soif, nous de fièvre Dévorés Ainsi se passa souffrir. sentiment de pour

grogner chasseurs

il était

déjà

grand

jour, C'étaient

nous

vîmes

les médecins cinq ou six personnes. de Rouen avec leurs internes, spécialavait qu'untrain et pormunis de leurs ils étaient trousses, amenés attachéaucou, d'opérateurs. leur grand tablier taient, et ils s'occupèrent de nous, de temps, Sans perdre Pour ma part, le premier tirent nous pansement. une autre a, la à la jambe une fracture gauche, j'avais la tête le bras gauche fendue, fracassé, cuisse droite, arriver


U~

INVALIDE.

103

toi qui. chasseur Pauvre petit plaies partout. te prometet tes vingt ans, dans ton ardeur confiant 1 à l'ennemi! si lestement tais de courir brancard installé sur un A peine je fus pansé, le train attendre qui et porte a, la gare pour pliant, de notre acciLe bruit à Rouen. conduirait nous et avait le pays, par tout dent s'était répandu déjà sur nous au passage. la foule, s'apitoyait attiré qui contenait où l'on me déposa déjà La salle d'attente des

ou cinq blessés. Je reconnusl'und'eux,Coulmy, quatre à la poiet d'Italie, de Crimée soldat un ancien il s'était de médailles: pour engagé constellée trine avait la jambe diable le pauvre gaula croix; gagner che littéralement broyée. Les s heures. de quatre là plus attendîmes Nous de la salle et regardaient autour se pressaient curieux avec des vitres exclamations les avidement par le murmure des voix, et, dans vaguement j'entendais tourles figures toutes de la fièvre, l'hallucination et semdevant dansaient m~s yeux, billonnaient, des carreaux. au travers blaient grimacer des dans on nous installa le train arriva; Enfin ne fussions à bestiaux, pas que nous wagons pour et nous partîmes pour Rouen par les banquettes, gènes horriblement m'avaient ces transbordements Tous douloureux. ne fut pas le moins dernier elle fatigué, sa grille, son avec de Rouen, Je vis l'hospice général noircis et ses vieux bàtimens de tilleuls avenue plantée une faveur Par l'humidité. spéciale, qui suintent dans étaient blessés alors transportés que les autres V. et moi, Paul nous les salles eûmes, communes, située au à part. Cette chambre une petite chambre, lits. A côté de moi couchait renfermait second, quatre de l'hospice; en face un brave homme, pensionnaire tombé un pauvre à droite, Paul V. vieux, a gauche, et monotone se dont la plainte en enfance, régulière prolongeait

bien

avant

dans

la nuit.


UN

10'1

lits

les deux

Entre

fond

d'où la fenêtre, le boulel'avenue, en Les lits la gare. sur courant blancs

s'ouvrait

successivement

embrassait

l'oeil

du

INVALIDE.

de et rentrée de l'hospice rideaux de petits fer étaient garnis tous Pour meubles, des tringles. de bois verni, une table de paille, au mur, de la salle, et, pendue un toute représentant craquelée,

vard

chaises

quelques

milieu

au poêle ancienne

un une

toile, je n'ai

dont

cardinal

le nom. pu connaître du les traits retouché avait maladroite main Une et ses moussimarre son ample rouge auquel prélat, air de un faux donnaient en croc relevées taches avec ses tons criards, La couleur nouvelle, Richelieu. de fois, terni. fond le vieux Que sur tache faisait nuits mes d'insomnie, ai-je vu cette longues pendant descendre de son cadre dédoré, se détacher figure sans sur moi son regard ma couche, et, fixant jusqu'à Le manteau mon obséder effrayé! esprit flamme, démesurément, rou2'c aux vastes s'allongeait replis levée et la main droite, minces les lèvres s'agitaient, Je de menace. des soudain avait gestes pour bénir, contre le cauchemar. tout éveillé, me roidissais, couché rester où je devais la chambre était Telle

jamais

mois. près de huit les premiers Je passai des intervalles J'avais et de de fièvre d'accès tristes les

lieu

train

Le avec sés

et la mort.

la vie

entre jours de lucidité, délire. C'est

bientôt

douzaine

une

à l'hospice les Toutes

des

bataillons

été

réunis

et enterrés

la

lentement souffrance

des avait

ils furent

marches brisé

ces

qu'eurent succombé. ramenait

dans alors troupes présentes de mobiles, hussards, quelques les tambours, la cérémonie

pour battaient

de noir, Sans doute,

de cadavres; le lendemain.

de

un

dans

encore luttait moments où ma raison des soldats funérailles qui avaient conduits à Rouen qui nous avait

nous

suivis

en

dépola

ville, avaient

drapés funèbres. moi

tout


105

UN INVALIDE.

car

ressort,

ce roulement

sourd, causait

de l'avenue

montant

une émotion me singumes oreilles, jusqu'à ma se serrer, ma gorge je plongeais lière je sentais tête sous les coussins, j'avais peur. camarades et quelques nos officiers Sur le soir, se remetils devaient vinrent nous faire leurs adieux; du jour. Tous étaient au point péniblement 150 à peine, affectés 300, ils se retrouvaient partis le mais de bataille; d'avoir vu un champ même avant Du reste, il fallait marcher. devoir était là, et l'ennemi, n'étaient-ce les plus à plaindre pas ceux qui restaient? sont les casernes Ainsi lorsque d'usage qu'il est chez été avaient chasseurs nos logés encombrées, à ne parlait morne et abattu, l'habitant. L'un d'eux, du départ; la veille ce même C'était soir, personne. silenil pleurait de la cheminée, accoudé au marbre tre en route

cieusement

et ne voulait la cause

demanda

de sa

manger. pas douleur ici un de mes

dit-il, je laisse plus je ne reverrai dans la suite J'ai rencontré Ah

lui

Lorsqu'on amis

bons

et par pur Au portrait

que les

hasard

me qu'on à ses en brosse, taillés cheveux et forts de franchise, à ses traits pleins yeux grands E. était sans Georges peine. je le reconnus réguliers, mon droit camar ades un de mes anciens je faisais ensemble. nous étions et nous avec engagés lui, d'une tomber il devait deux mois Hélas frappé après, à et je survis balle en face de l'ennemi, aujourd'hui personnes fit de lui,

celui A

qui à ses

qui pleurait vrai dire,

me

l'avaient

sur

moi.

je semblais m'arrachèrent

prodigua Bien des personnes moi

reçu. courts

en effet

la d'abord, silencieuse l'ombre

la sœur

je voyais le long des rideaux. plus je me sentais

Quand tranquille.

perdu à une

les

soins

mort

s'empressaient de notre sœur

qu'on certaine. de

autour

dont

salle,

à chaque glisser près je la devinais

instant de

moi,


UN IXVAUDE.

106

de l'hosle médecin vers sept heures, matin, certes salle. Ce n'était dans notre sa visite trois fractures affaire que de panser petite

Chaque pice faisait

pas une sur un même auprès venait

Dans

de

s'assurer

heure parfois plus d'une un jeune interne la soirée, et renouveler le panseétat,

il restait

corps; de mon lit.

notre

ment

la nuit. pour ma J'avais fait prévenir trouvais. Un petit mobile,

famille

où je me dans une des

de

l'état

couchait

qui

d'écrire la lettre. Un s'était voisines, chargé venait de sortir,le docteur la porte jour, s'ouvre~ ma mère et ma toutes et je vois entrer jeune sœur, effort fit pour deux vêtues de deuil. Quelque qu'elle salles

affreusement en voyant pâlit à reconoù elle avait ce visage livide et amaigri peine de moi, et naître les traits de son fils. Elle s'approcha baiser sur mon front. un long sans mot dire déposa et moi, dans ses yeux, De grosses larmes perlaient se

ma

contenir,

ranimé

la rassurer, êtres qui

pour deux

mère

les

après-midi de me fatiguer. pas

besoin

a

entrepris un peu

retournant

le seul

mouvement

le front

penché,

un

long

une les

Cependant mois

cigarette la mienne

dès

de la tête

les joues, effiler ardemment heureuse la doigts, lorsque et que les fils entassés peine, comme

à parler,

une

d'espérer;

me sur

de

fournir

c'était

je la voyais lui retombant

le linge de ses trame se défaisait formaient

dans

blanche. petite montagne Prussiens allaient arriver.

déjà,

on

charpie?

l'oreiller,

qui me fût permis, ses boucles blondes

sur

beille

doigts

de ces

bouffées.

trois

jamais que condamné.

soupçonna cins m'avaient

En

la présence je me mis

le principe les médeElle venait toutes passer de moi, de peur ne causant près pas, Ma soeur était là aussi bien tranquille;

ne

n'avait-elle

par

si chers, du bout des

m'étaient

à rire; je roulai même ou dont je tirai deux Le cœur d'une mère

aussi

annonçait

leur

petits sans la cor-

Depuis marche sur


INVAUDE.

UN

Rouen.

Les

communications

une

fois

coupées,

que avait

son âge grand que ? Partagée la Normandie à l'autre retenue encore. hésitait ma mère affections deux entre égales, un souhait du docteur, bonnes paroles Quelques elle finirent par la décider; promesse, qu'une plutôt seul de nouveau. et je me trouvai partit, ainsi pas là Paul n'avais-je Seul, j'ai tort de parler comme de souffrances, mon compagnon devenu V. de mes jeux et de mes plaisirs ? Le autrefois il l'était avait du pied, l'inflammation allait mal garçon pauvre sur son lit forcé de l'attacher la jambe; on était gagné ses forces Visiblement ne bouger. qu'il pût pas pour au travers il ne mangeait Quand, plus. déclinaient; ses yeux caves, blancs, des rideaux je considérais traits décharnés, effrayé. ses j'étais blême, son front et, m'acrenaître, Moi du moins, l'appétit je sentais les lits dans de bois qui à ce petit crochant trapèze à se soulever, je me dresaide les malades d'hôpital de chanter. il me pria Un jour, séant. sur mon sais bas tout je lui récitai Chanter pu je ne l'aurais tant et nous aimions des poésies que quelques-unes le Lac de Lamarensemble disions naguère que nous de Musset; d'Alfred puis je me mis à tine, des vers du passé. parler le au flot de mes souvenirs, je lui rappelai Emporté avions été élevés où nous de Sainte-Barbe, collège de notre jeunesse, au temps De là j'arrivai tous deux. si gaiment de liberté dépensés. à ces premiers jours à l'esprit, me revenaient par je revivais Mille détails entier à mon plaisir égoïste, je ne le souvenir, et.i~ut deviendrait

tarissais

notre

pas. à Paul

aïeule, de bout

le front rien plongé il souriait de larmes, mains, yeux voilés d'un à ces passé qu'il images mélancoliquement mais lui, l'attristait, doux m'était qui d'évoquer, mourir. qu'il allait parce

Quant ses dans

V. les

il ne disait


108

INVALIDE.

UN

réveillé par la voix des corneilles j'étais sur les arbres en croassant s'abattre lonJe les voyais de revenue. tournoyer et de se poser, avant sinistres par bandes

Dès

l'aube, venaient

qui

dépouillés

guement ailes leurs noires, grandes rasaient les vitres de la fenêtre. A la même de

sine,

leur

hennissement

monté

gouvernement au comble dans

délégués siasme était aux

cela

abords

de loin

nous

les

de

56 novembre,

à

des

une

la foule

aux

infortune

reçus à croix

je

et

faire

le

se

pouvions Tout les vivats.

sorte

quelque notre

et jusque dans guerre, douceur une singulière France. Le

gare,

acclamations

en

mêlait

la

par

apportant L'enthou-

la ville, et nous

toute

des

parfois

à Rouen, de Paris.

tombé

du

des

pressait entendre

était

voi-

clairons

'es

sonore,

la diane, coupée d'un cheval.

lointain

ballon

et

secouées,

de la caserne

les cours

clair

timbre

chantaient

hussards Un

dans

heure,

lourdement

faits

de

nous

trouvions

vœux

pour

lettre.

Cette

la la

lettre

cachet des ambulances; le large rouge portait un autre de nos camarades de elle était de R. parti avec nous. Dès la première affaire où il assisParis il avait une balle tait, à Saint-Laurcnt-des-Bois, reçu toutefois la blessure n'était la cuisse; pas danil espérait à l'enbien,avant peu, retourner gereuse,et s'était du reste bravement conLe 20e chasseurs nemi. dans

duit,

et avait

deux E" même en nouveau conter

été

mis

à l'ordre allaient

des

nôtres, terminant

saluait

nous réunis, nus souffrances

hétas Ce souhait, fait passer J'avais je remarquai des phrases hémorrhagie

lieu qu'au incohérentes. s'était

devait

à Paul

V.

de lire

déclarée,

et Georges en grade lui-

d'avance

pourrions et nous ne

M"*

du jour. monter tous serrer

le jour où, de les cinq nous la main.

pas se réaliser. la lettre de notre il murmurait

L'avant-veille qu'on

n'avait

ami; à part lui un& déjà,

pu arrêter


UN

INVALIDE.

10~

s'était L'infirmier qui nous veillait qu'à grand'peine. en V. Paul au cri que poussa un moment absenté dont le infirme le vieillard sa vie s'échapper, sentant sur ses jambes bondit lit était placé à côté du mien tout tout perclus, et je le vois encore, paralytiques, de la main, se trainer les murs précourbé, longeant du secoure. la porte pour appeler cipitamment jusqu'à de mon malheureux de ce jour, les instants A partir biencommença étaient L'agonie camarade comptés. heures. Une nuit, brisé de tôt, et dura quarante-huit je Lorsque et d'émotion, assoupi. je m'étais fatigue à la lueur instinctif, me réveillai, par un mouvement sur la table, je jetai les veilleuse de la petite posée vide. lit était yeux sur le lit en face; le les yeux je rehagards; Je restai muet, immobile, Alors le à comprendre. me refusant toujours, gardais vers se pencha mon réveil, qui attendait paralytique, moi et me dit à voix basse » « II est parti.

II

de décembre. au commencement étions des Prussiens l'arrivée si longtemps déjà Depuis bien des gens n'y vouavait été annoncée nous que ils parurent le 4, au matin, Quand laient plus croire. extrêfurent la surprise, devant puis l'effroi, Rouen, ou pour exécuter n'est là pour donner mes. Personne de soldats nationaux et mobilisés, les ordres gardes des vaude jeter leurs fusils; la veille, s'empressent les vitres de l'hôtel et vont casser riens s'en emparent au pillage; à l'émeute, quelques de ville. On croit des principaux une députation magisheures après, les des officiers ennemis, au-devant trats se rendait de la dans la ville. Le seul incident à entrer invitant Nous


UN

i)0

d'un qui, pauvre épicier coup de tête et fut le défilé, tira sur un officier prussien,

fut

journée pendant

le

armes parles passé de Il était tombé une

avait

INVALIDE.

dressant le froid, boulevard

la

teinte

neige et sale

pendant de mon

grise à travers la fenêtre un peu, car nous voulions voir, d'un de l'hospice couvert étaient

les alentours

blanc

immédiatement.

déserts

le ciel nuit, lit, en me reouverte malgré le je distinguais la

manteau

vaste

et silencieux.

débouchant d'abord, par le au de la main poing, Mousqueton leur monture, le corps rassemblant plié sur la gauche de la de front sur toute la largeur ils avançaient selle, au petit pas de leurs lentement, chaussée, posément, uhlans Quatre Pont-de-Pierre.

chevaux

roux,

persistance,

parurent

de droite

regardaient et n'avaient

l'air

rien

etdegaucheavec moins que rassuré.

il en vint huit, ceux-là, puis trente, puis seize, Après avaient encore. Dès que les premiers et d'autres parcents ils se rabattaient deux ou trois couru mètres, ceux

sur

quatre qui suivaient alors à leur tour pour explorer Le même se renouvelait manège de temps prolongé. éclaireurs marches

autres

se

détachaient

le terrain. dans chaque de sifflet coup

groupe;

et en temps un aigu partait des On connaît du reste la prudente tactique ainsi en s'écoula Une heure prussiens. et le gros de l'armée et contre-marches,

arriva. On de l'après-midi environ. de toute arme et de pays là des soldats passer voyait des Bavarois, des Saxons, des Prussiens, des divers, ou à les uns avec le casque à pointe Wurtembergeois. rond de drap les autres avec le béret chenille, gros Il était

alors

une

heure

en bon

bleu.

Ils

le bras

ballant par derrière, gauche où je croyais reconnaître, mesures affront,quelques

sique faire airs

marchaient

nationaux.

A part

cela,

les

ordre,

rien

serrés, rangs au son d'une mu-

comme intercalées de

plus

nous

pour de contraire

nos à


UN

i'idée

guerrière. La voix

fifre

d'une

en France

faisons

du

criarde

foires,

un

sur

tambourin, et sautillant

petit un air de

comme

saccadé pressé, cette a comparé On musique Par intervalles et c'est justice.

rythme danse.

marche

alternativement

dominait, du

ronflements

aux

mêlée

nous

nous

que

111

INVALIDE.

a

celle

de au

passait

nos

galop

à pleins officier lançant poumons supérieur, quelque au lui répétaient un cri guttural après que d'autres bataillons les on voyait s'agiter commandement, leur marche. le pas ou ralentir presser le soir. Ce fut alors dura ainsi Le défilé jusqu'au tour

des

passer

toute canons, devant l'avenue

la

nuit

la neige des coups le sol; sur

pesamment ébranlaient

et

pièces battue,

les

nous

caissons

et leurs de

entendimes roulaient

lourds

sifflet

cahots la

dirigeaient

manœuvre. notre

Dans vieil

infirme

salle, du fond

eût

le comprendre, sa plainte de pousser

s'il

comme

ne cessait

pu

car le cceur tristement serré, Moi, j'avais et je sentais de voir l'invasion, que japlus je venais et mon malheur. mon impuissance mais nouveaudéfilé. C'étaiti'arrière-garde, Lelendemain, shako en toile avec leur petit bavarois des chasseurs douloureuse.

à grande

cirée

taientpéniblement sés de fatigue. j'eus

et leur

visière

manteau

la boue, dans durant D'ailleurs, l'occasion fois

plusieurs allemandes troupes de nos stratagème

peut-être ennemis

et

ils trot-

gris-fer;

paraissaient ces premiers

de

voir

n'était-ce

passer là

harasjours, des

qu'un les mouve-

multipliant sur leur nombre.

nous en imposer pour tenait encore la campaEn effet, un corps français le canon comUn beau matin, les environs. gne dans aux auon se battait à tonner Moulineaux, mence ments

de Rouen.

dessous sites lève

de un

A cet

la Normandie, amas de ruines

endroit, et sur une

informes

l'un

des

plus

beaux

s'éhauteur, petite connuesdans lepaya


UN

112

INVALIDE.

le Diable. de château de Robert sous le nom les murs croulants s C'est là que, retranchés derrière des fossés demi et les anciens comblés, plus qu'à luttèmobiles de l'Ardèche, trahis surpris, peut-être, rent énergiquement trois heures, ménageant pendant et causant leurs cartouches comme de vieux soldats, on aux Prussiens Dans des pertes cruelles. Rouen, eut un moment de joie mal contenue la folle, par présence de l'envahisseur. et la A mesure l'espoir que la lutte se prolongeait, au cœur. Pour moi, l'oreille confiance nous revenaient tremblant aux aguets, d'émotion, j'échangeais quelle père Gosselin, ques mots avec mon voisin de droite, comme on l'appelait familièrement. lié avec lui la mort de Paul V. Depuis je m'étais et nous causions ende bonne amitié, fréquemment Ancien garde-mine semble. exposé par état à de brusde chaleur et de froid, il s'était vu ques alternatives rhumatismales qui lui l'âge de douleurs pris avant de ses jambes. Une avaient ravi peu à peu l'usage lui permettait de se modeste pension qu'on lui servait ans déjà, il à l'hospice. Depuis plus de quinze soigner il s'était fait du reste à cette vie-là n'en était pas sorti habises petites que rien ne vint déranger pourvu sa de chaque semaine retour tudes, pourvu qu'au de tabac frais, son d'écaille fût bien remplie tabatière l'excellent au pied de son lit, blanc disposé linge homme était content. nous avions Comme « Écoutez, entendre

mieux la fenêtre pour on se bat, lui disaisécoutez, B arriveront les blessés. je tout à l'heure allusion a: Oui, caporal, me répondait-il, faisant bien à mes galons pas portés jaunes, que je n'avais et j'ai grand' Ah! je ne suis guère valide, longtemps. mais, malgré peine à me tenir sur mes vieilles jambes; de céder ma place à l'un tout, cela me ferait plaisir de nos braves

petits

ouvert

soldats.

»


Ils

nous

Dès

leur

yeux

charpie. Je me sonnel

médecins

leurs

que

la

passaient

nos plaies, si c'étaient

doigt

visite.

constater bien

du

encore

rappelle

un

perdre

Il leur

mo-

les qui de tous l'hosles

parcouraient fallait toucher

nos

blessures,

sang

français

voir

du

de leurs la

tachait

qui

fut la panique quelle au premier malades

de l'hospiceetdes nous se trouvaient

Parmi

sans

prus-

régularité systématique s'étaient les Prussiens emparés vint surveiller un fort détachement

tandis et

la ville,

~auptma~

cette

caractérise, les services pice, salles

dans

entrée

avec

ment,

la

sous

seu-

le lendemain

en effet,.mais d'un conduite

arrivèrent et

lement, sien.

113

INVALIDE.

UN

du

permoment.

francs-tireurs, plusieurs diables arrêtés en route, pauvres quelques-uns par les balles le plus d'autres, nombre, ennemies, grand et le froid. Or les Prussiens par la misère passaient n'aimer

pour

point

les

corps-francs: et de fusillades?

ne parlait-on pas Aussitôt les sœurs

de représailles vareude jeter au feu les vêtements compromettants, et chapeaux à plumes de coq. Restaient ses bariolées avec les cartes de présenceappenduesaulitde chacun déjà

des inscriptions diverses: de la mort, noms pompeux maient à baptiser leurs les

changer

cartes,

et,

/tMssa?v/s :~n(;'eursdujHaure, dont nos volontaires aide s'empresse un terme pieuse supercherie, à cheval, dc~reu)~ remplace bataillons.

et plus modeste, unique les titres suspects. Les Allemands ignoraient gné

ne régulière est-il qu'ils leur défiance

armée

notre

toujours

Cependant en défaut. je dormais l'épaule. devant

Le

RÉCITS

D'UN

et avec 1 SOLDAT

lui un

doute

que jamais ainsi dési-

de corps compta se tinrent pour copvaincus. n'était pas facile a mettre

surlendemain

encore, je me Je me retourne

moi,

sans

On

de sens

légèrement l'économe de homme

comme

l'occupation,

brun

sur

frappé l'hospice de haute

était taille, 8


UN ~VA~DE.

H4

noires. moustaches aux a. l'air rébarbatif, épaisses de m'interroger. C'était le docteur chargé prussien de hautes à liseré la petite casquette Il portait rouge, couvrait une vaste aux pieds bottes pelisse jaunes de larornée bleue sa petite sans la cacher tunique décorasur la poitrine, dorés plusieurs ges boutons la Croix de Fer;deuxgalons tions, parmi lesquelles s d'autres entendait sur les manches. On d'or couraient causer à voix haute dans le couloir. ofïiciers me demanda-t-il sèchement. « Votre nom du doigt mon livret de chasseur Je lui désignai posé au chevet de mon lit. Il le prit, et sur une planchette se mit – bout

à lire. «

Ou

d'un

été

avez-vous

continua-t-il

blessé?

au

moment.

de fer, à Critot de chemin un accident pour moi l'économe. répondit s'était de la table l'Allemand approché Cependant des notes. où il prenait cherchant « Ah! oui, fit-il, parlant par saccades, fortement ses mots, avec un accent tudesque prononcé, des wagons avons vu cela en passant; nous oui, brisée: oh malheur, la machine les uns sur les autres, « Dans

gros malheur Mais bientôt, vers

s'avança

comme moi,

et

les couvertures. sans doute,

releva rassura mon

»

livret

sur

la

planche,

il subit, soupçon d'un geste brusque, vivement, Ce qu'il vit de mon état le car il n'insista plus; il replaça saisi

toucha

d'un

légèrement

sa

cas-

La même visite et sortit. du bout des doigts, quette tous les huit jours. devait se renouveler blessés En même quelques temps que les nôtres, Comme bien à l'hospice. avaient été portés prussiens ne s'étaient nos vainqueurs pas fait faute on pense, des bâtitoute une partie soldats à leurs d'attribuer eux. abondaient les malades du reste, parmi ments de l'avenue ils traversaient par bandes matin, Chaque


115

UN IXVAUD!

vino-tà

trente,

défaits,

hâves,

suivis

camade quelques et les sacs. les fusils

qui portaient plus valides, se trouvaient réservées étaient salles qui leur de sur les derrières à part, de logis un corps dans convails n'y restaient mais pas. A peine l'hospice; tous les couloirs, dans ils se répandaient lescents, les chasser, fouillant, rôdant, d'où l'on n'osait trop et lourd Leur à pénétrer pas cherchant partout. au passage. se reconnaissait pesant chez entrait l'un d'eux Parfois nous; par l'embra-

rades Les

une large j'apercevais inculte de tête, à la barbe face aux air un moment d'un l'intrus et roussâtre; regardait notre silence, disparaissait effaré, par puis, gêné il était venu. comme du goût des Allemands On a beaucoup pour parlé de la

entre-bàiHée, porte à fleur ronds yeux

sure

du moins, ne songeaient ceux-ci, qu'à manger, ils avaient aux réquisitions, toujours quelet, grâce de l'hospice était aux sœurs Force à cuire. que chose leurs les contre sans cesse de défendre prétentions les aliments des malades. où chauffaient fourneaux l'idéal

la tête et se retiils baissaient éconduits, reveraient dociles en murmurant ya, ya, mais pour d'heure un quart nir à la charge après. chose encore. bien autre c'était Dans Rouen, Nettement

Des les

rixes

sanglantes

à tout

entre

propos

et il n'y et les gens du pays, étrangers à l'hosoù l'on n'amenât de jour pas la tête ouverte malheureux, d'un coup au même endroit et appliqué, toujours

soudards

avait

éclataient

presque

pice quelque bien de sabre

de la figure. par le travers du monde à ce il est vrai, perdaient Eux-mêmes, fut-il bientôt interAussi supérieur jeu-là. par ordre Leur couvre-feu soir dans les rues. dit dese montrerle de même

sonnait lugubre gémissement

façon,

dès que

neuf le

heures, nôtre,

prolongé.

plus quelque

triste

encore

chose

et

comme

plus un


UN

11G

INVALIDE.

qui me revedix soldats c'étaient Tantôt de la ville. prusnaient tué de leur avoir décorés siens pour publiquement tantôt au d'officiers nombre français; main un égal de en pleine fusillé un des leurs était place contraire Rouen

à

désobéissance

pour

les

tous

avidement

J'accueillais

bruits

ses

chefs une

en

même

la discipline discipline prussienne, pays conquis, D'autres fois, rien de ses droits. de fer, n'abdiquait de ses blessures, mourait des suites olucicr lorsqu'un encore assez souvent, – et le fait se renouvelait tes les funérailles; on célébrait en grande pompe et des airs funèbres, des régiments jouaient musiques de cuivre instruments au loin les gros j'entendais comme des d'église. orgues pleurant les hurle prince Frédéric-Charles Un jour arriva au le saluaient mille fois répétés, rahs des Allemands, bien des maisons mais dans la ville occupée passage; à d'avoir au risque arboré le drapeau avaient noir, double de garniun nombre dès le lendemain loger ce qui eut lieu en effet. saires, de sur les événements circulaient En même temps et les plus contrales plus les bruits Paris étranges avait les lignes, Ducrot le général dictoires percé le roi

Guillaume

nale

marchait

tion

avec

Le

soir

de

sur

la

Versailles, où devait

ainsi

d'un sentiment cruel abattement,

au plus et nous croire,

à l'

natio-

garde

s'opérer

Étampes, de province. les troupes tout était démenti. même,

Ballottés borne

fuyait

la jonc-

autre, de lajoie nous ne savions

sans

pius l'avenir.

à peine envisager d'un la lettre d'un si quelque parent, billet, la vérité dans nous, portant ami, fut parvenu jusqu'à même de nos ses plis, qui sait si l'échange patriotine nous eût pas rendu et le courage douleurs ques avaient mis ordre Mais les Prussiens et la confiance? que Encore

à

Les

tout.

avec

le

osions

étaient

communications

dehors,

aucun

courrier

interrompues n'arrivait plus,

et


UN

INVALIDE.

11'

cause du succès de n'est-ce peut être pas la moindre cette atmosphère nos ennemis que ce vide, ce silence, de faire autour de doute et d'ignorance qu'ils surent du nous dans dans ville, chaque chaque province si bien la France, et disjointe occupé, que pays elle-même et ne se trouvant se cherchant démembrée, plus sa force ni son unité. pas, ne sentait Un peu avant l'entrée des Prussiens dans la ville, du 20e chasseurs avait passé par Rouen un homme au combat de Villepion, il regagnait le dépôt. blessé Par E. avait jusque-là lui, j'appris que Georges et je m'empressai à tout danger, échappé d'envoyer à la vieille mère de mon ami. cette bonne nouvelle encore le de recevoir la réponse, c'est J'eu~ temps – – du reste la dernière lettre qui me soit arrivée. remerciait de l'intérêt à Mm' E. m'y que je portais sur le présent, faisait des vœux son fils, et, rassurée futur. pour notre bonheur Pauvre femme! ce que j'ignorais ce que je alors, c'est que le soir tard, n'appris que six mois plus le succès même de Villepion, à Loigny, de la après comme nos soldats débordés étaient conjournée, de se replier, dans une dernière à la traints charge E. fut frappé d'une balle en baïonnette, Georges camarades le virent front. Quelques tomber plein il ne fut pas relevé, son nom ne parut par malheur, sur aucune sur aucun liste d'ambulance, registre d'inhumation, était seulement

et longtemps prisonnier

plus d'un put croire qu'il mais il n'a pas reparu.

mon état commençait à s'améliorer. Cependant l'un après les appareils de J'avais, l'autre, quitté et je ne saurais dire quel bien-être fracture, j'éproule supplice durait depuis vai àmesentirenfin dégagé les remuer mes jambes mois. Bien me qu'à quatre comme du plomb, lourdes ie parussent j'entrevoyais me lever. jour où l'on pourrait


!18

UN INVALIDE.

Les peine;

mon

déplacer

pour

la

fois, rien

premières il ne fallait sur

chose

ne

moins

que inerte.

corps

se

fit

sans

pas

quatre Avec

personnes

précaution, deux coussins

un

fauteuil, grand mes sous Je n'avais voulu, pour rangés pieds. pas des vêtements de l'hospice sur ma prière, m'habiller, bleu et on avait soin de réparer mon pantalon pris veste de de ma petite chasseur gouttes quelques déposé

j'étais

tachaient sang dra un sentiment lequel pour vait à mes

encore bien

propres

qui voude soldat, et me rele-

me

consolait,

yeux. de la fenêtre, mais pour En vain aurais-je voulu

m'approchait instants seulement.

surmonter

moi-même,

Plaisante ce costume

légitime:

souffert,

j'avais

On

per me

les galons.

la

quelques me trom-

le

fatigue bien

grand

air

et il fallait vite. m'emporter grisait les forces me revinrent, Peu à peu et je cependant de rester levé plus Je passais la fus libre longtemps. de longues couché dans mon fauteuil, heures, regarla fenêtre ouverte. L'hiver allait dant l'horizon par le

finir, chaud

sait mes

se

montrait

déjà

dans

gonflés loppe. En

soleil

les

l'avenue, de sève, faisaient face

de l'hospice, une haute colline, de leur cailloux,

leur

âpre dos

delà

brune

le boulevard,

et rocailleuse, rond et luisant,

plus arbres, envese dres-

oit

d'énor-

perçaient

ni maisons ni cultures, voyait à mi-côte un large simplement espace clôturé de murs en pisé; c'était le cimetière particulier de l'hospice. Grâce a la disposition du terrain qui s'élevait en pente, en saisir les moindres je pouvais détails. le sol grisâtre. on apercevait

Rien champ

de des

monuments; hautes noir,

On

fréquent des bourgeons

craquer par

et

plus

n'y

rien de plus plus nu morts. Point de pierres à peine de deux

quelques pieds.

croix De vastes

désolé tombales de bois

ce que ni de

en peintes tertres formant


1 j



UN

121

INVALIDE.

comla place des fosses communes, et la maladie l'autre blées par la misère s'anles tombes nouvelles sur le fond gris et sombre, fraîchement remuée. nonçaient par leur terre de la chapelle faisait en temps, la cloche De temps d'un à cet appel, entendre sa voix fêlée et suraiguë du bas sortait la voiture des morts des bâtiments pord'un mince à peine recouverte tant une bière étroite, carré

indiquaient l'une après

drap

noir;

long

surplis

en

blanc,

pauvres tement

montait

l'enclos

pente cherchait

Alors,

aidé

des

enfin vieillards

se mettait

fossoyeur

Prussiens quelques d'insouciance.

Le

son

l'office

des

ou trois

convoi

len-

entrait à

trou

à l'oeuvre.

avaient qui Du sommet

inoccupés

regardaient

dans les

travers

d'un

auprès

avec

deux

cortège,

à l'hospice. raboteuse, son chemin

la

tombes,

prêtre à demi-voix

tout

pour nourris

funèbre, et s'arrêtait

un

récitait

qui

derrière, vieillards

trépassés

marchait

avant

béant.

le suivi de la côte, d'un air

là un de car j'avais silencieux, je songeais Je et c'est ainsi que s'en était allé Paul V. le lieu de sa tombe il reposait fait indiquer

Et moi, mes amis, m'étais tout

en haut,

lui

promettait et de verdure. Tout tête

à coup je rompais comme chasser pour

dais

autour

était

de moi.

tait ma

mère,

connaître

avec revenaitjoyeux de fleurs. Les arbres formaient nouvelles, cachaient

faisant on

était

m'apportait

la vue

le charme, mes idées

Le temps

l'armistice finie, au milieu de nos

me

à ses pieds planté un peu d'ombrage

à gauche un arbre les jours d'été pour

avait

Une signé. malheurs

le sort son

noires, marché,

du

d'odorantes chargé à l'envi chaque

enfin

res-

revoir

Le printemps de beaux jours

cortège

boulevard, déjà comme du cimetière.

me

j'allais amis.

la

je regarla guerre

consolation

de mes gai

secouant

et,

de

leurs

un

rideau

L'air

chaud

senteurs. matin

les

et

feuilles et vert. et bienDu

jardin

premières


UN

1~2

violettes

et

les

gues grappes à pleines lit tête au milieu parfum. sensation renaissais

lonet les lilas aux roses, premières en tas sur mon mauves. On les déposait ma et, plongeant mains, je les prenais, traits le a longs des fleurs, j'en buvais

Aussitôt de

INVALIDE.

je me fraîcheur

à l'espoir,

sentais

ranimé, tout

pénétrait heureux, j'étais

une

indicible

mon

être je vivre. je voulais

ni Dieu aidant, Grâce à la jeunesse et aux bons soins, comme se consolidaient, Mes fractures je vécus. le On me faisait les médecins. disent déjà espérer la. sur des béquilles, quitter jour où je pourrais, l'avenue. chambre, parcourir mon dans ces chères Oh impatience béquilles à bien excusable, je les avais fait faire trois semaines là dans un coin de la salle, elles étaient l'avance d'un de cuir, et je les regardais toutes capitonnées sur deux bonnes Avoir couru œil d'envie. jambes, être âgé de vingt ans, et soupirer après ces morceaux douloureux Du reste, changement quel à cela, pour n'être qu'au de penser de plaisir j'évitais me retrouver debout. Il arriva enfin, ce jour tant désiré. Après quelques à descendre. essais préparatoires, je me hasardai Bien lentement, avec précaution, marcher, croyant de tous les côtés, me trainant à peine, et, soutenu dans la cour. le trajet, et me trouvai j'accomplis de printemps illuminait la Un magnifique soleil la pelouse, et sur les arbres avenue, touffus, longue les bas-côtés la double allée en coupée d'espace de bois peints en vert. Je vis à espace par des bancs c'est de là que sortait la voidroite l'amphithéâtre tout au fond, la grille ouvrant ture des morts, puis, avec la loge du portier. sur le boulevard, de

bois


U~

~3

INVALIDE.

vieillards

Des

pensionnaires impotents, goutteux, et causaient au soleil se chauffaient de l'hospice assis sur un banc, un aveugle, l'un d'eux, entre eux de petits confectionnait un mauvais eustache avec objets

de bois

quelques aux jouaient

ceux-là, jeunes gens la J'allai jusqu'à

passer, qui leurs

cartes, vinrent Or

me

causeries la main.

serrer

ce

fis

jour-là, je Louis Chapelle

pelle, en 1841-1815 comme

sable.

un fauteuil, où m'attendait grille, mais mon malla fatigue sentant venir; Jeunes et vieux, en me amis. fait des de avaient interrompu qui leur partie

et je m'assis, heur m'avait voyant

des

convalescents, sur le cartes

loin,

plus

et

de

la connaissance du

M.

et Cha-

volontaire

Havre, engagé de du fort

défenseur

Vincennes,

lui-même.

à dire

il se plaisait

se levèrent,

plusieurs

mon grandrappelait ancien soldat égaj'avais perdu, que père avait autant lement et simple que bon. M. Chapelle bien mais il ne voualors ans sonnés, quatre-vingts et nous le taquinions lait pas avouer son âge, quelau demeurant, le plus travers que peu sur ce léger rencontré. charmant que j'aie jamais petit vieillard Vif,

ardent, maternel

il

expansif,

me

le mauvais me quand temps la chambre, arriver d'un de garder forçait je le voyais au chevet de mon lit, et les air dégagé il s'asseyait causeries. nous en longues heures s'écoulaient pour Aux

de

heures

une

Après comme

en

de

midi,

existences

ces

cache

tant

je ne saurais sans famille, retiré à l'hospice,

oupapetier, prenant s'était quille. Chose

étrange,

intermédiaire trace temps

dans

aventureux

de.

vendu

son

moins

il

toute

que sans

sa

il était

du

existence

monotones libraire

la vieillesse

dire, il avait

souvenirs

et

province,

il semblait de son

ses

la

ternes

n'eût cesse

jeunesse.

le suret fonds, était tran-

cette

laissé pas il revenait Ah

c'est

partie de aux qu'il


UK INVAUDE.

124

avait

bien

pouvait

des

vous

choses faire

à raconter, du toucher

ie père Chapelle de bien près doigt,

Il la

d'un reste cicatrice une petite coup blanche, tempe, à sa et qui ajoutait d'un Cosaque, de sabre qu'il tenait vieille tête une ride de plus. conservé il avait de commerce, fonds De son ancien n'en voit telles enluminures, qu'on plates quelques d'estampes. que chez les marchands aujourd'hui plus du du bleu, de chaque ou huit grenadiers côté, Sept un sur le premier canon une roue de plan, rouge, tant dans la fumée, à cheval figuraient perdu général batailles du mal les bien premier grandes que ou Iéna. Austerlitz ou Friedland, Wagram empire, au ces grossières couleurs, prisme sous Eh bien nos homme retrouvait le brave de ses souvenirs, il s'échauffait

victoires tant, Quand,

à en

parler, même

sacrant la voix, défilaient nos fenêtres, sous en tête, c'est alors musique

enflant

mandes, tendre. – « Allons, vous chagrinez

se

levant, s'agiun peu au besoin. des

troupes qu'il fallait

allel'en-

ne ami, me disait-il; courage, peude nous aujourLes voici chez pas tant. rien. Il mi, ça ne prouve rien, d'hui ça ne prouve seconde visite, en sont à leur je les ai est vrai qu'ils les Français mais vous parle déjà vus ici, moi qui ils les choses font bien aussi, quand s'y mettent. en une fois. Tenez, nous je vais vous Nous paierons dans ai chantée le une chanson chanter que je leur mon lieutenant C'est à leur nez, à leur barbe. temps, un

moi, faite; j'étais sergentqui l'avait comme vous ne nous étions pas rendus, il avait bien fallu XVIII Louis revenant, savez mais, officiers étranet quelques à l'amiable, s'entendre le fort visiter bien voulu avaient je leur récitai gers ils étaient furieux, du lieutenant voyezla chanson fait fusiller, s'ils l'avaient pu; l'un vous, ils m'auraient me l'a dit. Écoutez d'eux plutôt. ? :II de

Vincennes Nous major.


d'une

Alors

mais qu'animait l'âge, ce vieux couplet

par

il entonnait

la passion,

encore

cassée

voix.

t55

INVALIDE.

UN

Contents de vos nobles prouesses, vos guérets Allez cultiver nos richesses. Si vous emportez Vous n'emportez pas nos regrets Et quand, nous prenant pour des nous avoir vaincus. Vous croyez Souvesez.vous que vos moustaches.

Chapelle, o: Mais, monsieur donc est la sœur, quel aujourd'hui. que vous

ment tend

ma

« C'est le

bien, homme

brave

sœur.

tout

lâches,

interrompait ce

je

tapage

me

tais

et

la

interdit,

graveOn n'en-

», répondait en chanson

restait!à.

A mon grande

tour, allée.

Chaque n'eût pas

couvert, Autour de

et moi,

causaient jouaient, du victimes seurs, des soldats blessés un

les

uniformes

ou

retombant

familiers

des

convalescents

on

aux

trop

étaient

spectacle pour larges

reconnaissait

s'approcha peuple, étendu à l'ordinaire, les sous caché corps

et

mon

couvertures.

vrai-

c'était

celui

que

les. corps un sur

de

tous

amaigris membre

et au nous, air d'un

âge, qu'à son femme pour une

sans peine des barreaux. dans

d'autres

moi,

que

Moulineaux,

languissamment

du

comme J'étais, le fauteuil, grand me regarda Elle

temps, puis je la vis fouiller quelque décolorée d'indienne de sa vieille robe ner

dans

la

poche et se détour-

un peu. Caporal,

la

marchaient, chasdes

amputé. devant s'arrêtaient Les gens du dehors nous considéraient de la travers grille certain une femmed'un de pitié. Unjour, extérieur

de

diner,

plusieurs accident même

douloureux

ces

l'un

le ciel que pourvu chaudela chambre, je quittais de la grille, m asseoir venais près le

jour après de menaces,

ment

ment

devenu

j'étais

caporal

»

fit-elle;

et un petit

paquet


i26

tomba

INVALIDE.

UN

à mes pieds il y avait

on

le ramassa dans sous sept

pour moi je le un morceau de

dépliai papier. la pauvre femme Que vous dirai-je ? Je fus ému un fils blessé peutavait sans doute un fils à l'armée, donné sa faible à lui, elle m'avait être, et, songeant obole,

sept

sous,

tout

ce

qu'elle

avait

pu.

Comment

aumône ? comment refuser une repousser pareille cette main qui se tendait vers moi, voulant soulager mon malheur? Je ne m'en sentais pas le courage. la tête pour remercier la bonne Quand je relevai mère, elle avait déjà disparu. De l'endroit la place que j'avais choisi, j'apercevais de la gare, où gravement, des journées enpendant les Prussiens. En revanche et tières., manœuvraient com ne contraste, à l'arrivée des trains, sur le boulevard passaient files nos soldats par longues désarmés, et lignards, artilleurs cavaliers et mobiles, pauvres diables chez eux, sans pain, sans que l'on renvoyait sans chaussures leur air minable et piteux habits, faisait la risée de nos ennemis. Soldat moi aussi, eux de français je souffrais pour ces rir es, et ma haine de l'étranger s'en fût accrue au besoin. Nombre d'Allemands étaient encore soignés à l'hospice; venaient les soir, leurs médecins chaque visiter. L'un à cheveux à la d'eux, un homme gris, douce et bonne, me salua un jour en physionomie M'avait-il mais il revint passant. déjà vu ? Je ne sais tout à coup sur ses pas, et, après un léger moment s'arrêtant d'hésitation, près de moi « Les deux jambes? Vous êtes blessé des deux » me dit-il en mauvais français. jambes? son porteComme je ne répondais pas, il chercha et me l'offrit. Je refusai de uigares, y prit un londrès, la main. « Oh ne pas accepter Vous pourquoi ? reprit-il. si je pouvais chose bien triste faire quelque paraissez


UN

INVALIDE.

~27

J'ai une heureux, croyez-le. vous, j'en serais pour et de petits enfants; femme à Berlin je ne fais pas la les blessés. médecin, je soigne moi, je suis guerre, }) Acceptez, je vous prie. et toudit d'un ton persuasif cela était En vérité, sur cette feinte s'entendre Il faudrait chant. cependant à moi, je les tiens des Allemands. Quant bonhomie braves gens égoïstes que tendres, pour plus sensibles dans leurs larmes, pleurant parce qu'il est doux jusque de pleurer, coup sur les malheurs après s'apitoyant mutilant votre vous offrant uncigareet qu'ils causent, patrie. d'un œil si froid mon homme Je regardai qu'il se dans sa poche, il prit quelques seulement cigares tut et partit les jeta sur ma couverture, précipitamment. il saluait, bien souvent; ce jour, je l'ai revu Depuis son salut. mais ne s'arrêtait je lui rendais plus ne me suffisaient dans l'avenue Déjà les promenades un générale, je vaguais plus. Fort de la bienveillance de l'hospice. dans les bâtiments peu partout et causer Tantôt j'allais voir les vieux pensionnaires à la guerre chambres leurs avec eux dans petites la guerre la Commune, avait succédé civile étrangère et journaux. nouvelles du dehors ils me rapportaient des malades, en détail les salles Tantôt je visitais fourneaux coiffés aux vastes les cuisines le réfectoire, ou bien encore en cuivre jaune, marmites d'énormes de bois et ses fresques ses bancs avec la chapelle à sortir. naïves. Enfin, je demandai être pour le cimetière devait visite Ma première des héliotropes, des marfleurs, quelques j'achetai de Louis Chapelle et en compagnie j'allai les guerites, mon ami où repose au pied de la tombe déposer Paul V. dans faire une promenade Une autre fois, je désirai On m'emla ville, que je ne connaissais pas encore. matinaurait comme un enfant, maillotta car l'airvifdu


UN

1M

me saisir,

pu

la tête seule qu'à demi couché, sur couvertures, place je pris à côté Mon vieil ami s'assit

et, plus des hors

émergeant une voiture

IXVADUE.

découverte.

de moi. cette

Pour habits*

et sa

métal, ruban

brillant neuf.

La ville,

rues, sur et des cafés, les

officiers,

d'autres, sept ou

vis

ses

d'un

autre

spec-

dans des

toutes casernes

les

leurs Allemands, traînant le long des faiUn bataillon saxon

guindés, démesurés.

de la cathédrale; des la devant garde Grand'Rue, en lourds,

à pas

bout

un

Partout, au coin

et

la

beaux plus dont l'orbe de au

point

entier.

places, retrouvions

nous

dans huit

la

les

toutes

auprès montaient

silésiennes

ne

je

tout

rogues des sabres

quais sait l'exercice

mis

de Sainte-Hélène, de l'or, comme pendait

m'absorbait

tacle

il avait

occasion, médaille

sentinelles la

mairie

se

promenaient fumant sans mot

par dire

de porcelaine. pipes longues lentela voiture, ils s'écartaient Quand approchait le rebord de la chaussée, puis fixaient ment,gagnaient si souvent ce long regard sur nous vague qui semble leurs

chez

eux

On eût pensée. redresser fièrement la

remplacer se

Louis

Chapelle d'un vainqueurs

air

de

menace

et

pu voir et toiser

alors nos

Haine mépris. la seule qui nous nous nous trou-

de

sans

mais c'était doute A nous tels fût permise deux, que vieillard aux glorieux vions souvenirs, là, lui, le brave au corps n'étions-nous enfant brisé, moi, pas pauvre de la France? la vraie image inle séjour de l'hospice m'était devenu Cependant inoffensive

spectacle

mes

il

me à

fallait

cet air

de misères. ma

l'intendance.

que la confusion rendait peut-être

papiers..

de fuir

de tant

attristant

maguérison, Je m'adressai délais, nements

hâte

J'avais

supportable.

mère Après

amenée

par

inévitables,

et

et le empesté Pour achever le pays de trop

les derniers on

me

natal. longs évédélivra.


UN

129

INVALIDE~

sur ma en les parcourant me frappa Un détail des blessures, à la colonne feuille de convalescence, celles noter en détail fait défaut la place avait pour le docteur avait dû abréger. que j'avais reçues tout ? J'étais Eh 1 qu'importait libre, j'étais après vu la mort sauvé. Je dis adieu à cette salle où j'avais mon ami de si près, et où j'avais perdu je dis adieu à ces aux médecins, aux soeurs qui m'avaient soigné, m'avait donnés vieux pour pauvres que le malheur d'un infirmier, je quittai et, sous la garde les murs de l'hospice. pour toujours Au moment du départ, je crus voir le père Gosselin une pièce dans la main discrètement d'argent glisser à lui. Dans la de mon guide et me recommander couraient désarroi les employés ça gare, général sur les ne sachant et là tout effarés, entendre auquel sans souci de la pluie, quais et les voies de garage, des malles, des d'énormes amas de marchandises, les salles regorgeaient pêle-mêle; colis, attendaient ne faisait était telle qu'on de voyageurs. L'affluence se plaçait à sa chacun de classes plus distinction camarades,

guise. Dans

de prisonniers cette qu'on foule, beaucoup leurs leurs traits Leurs tirés, yeux caves, rapatriait. faisalis par huit longs mois de captivité, vêtements Plusieurs saient vraiment s'approchèpeine à voir. ils me mon uniforme rent de moi en apercevant la leur et me racontaient demandaient mon histoire, ils avaient comme en retour longtemps quoi trop de bouillie infecte nourris d'une vécu en Allemagne, des casemates, dans entassés millet, par centaines malades la plupart de misère et de désespoir. Le serle voyage. durant J'eus à souffrir beaucoup les la ligne; rétabli sur toute vice n'était pas encore et ne avaient été coupés d'Elbeuf par l'ennemi, ponts le fleuve je dus, prenant plus de passer permettaient Mantes aux la route de Serquigny, remonter jusqu'à BÉCITS

D'UN

SOLDAT

9


UN

~30

iNVAMDE.

se renouvelaient Les temps d'arrêt de Paris. dix heures à chaque gare. Après passées presque n'étions encore nous le train, dans qu'à quelques Nous arrivâmes enfin à Argentan. lieues de Rouen. ses flèches levé à l'horizon, d'or s'était Le soleil de buée les vitres du train couvertes venaient frapper Je mis la tête à la portière. le sommeil. et dissipaient moi s'étendaient à perte de vue bien au loin devant semées de trèfle de la Normandie, ces riches plaines fleurs où de grosses et de luzerne, rouges perçaient et formant les des prés autour le tapis vert; lisière, de petites à peine forpommes chargés pommiers, terre leurs jusqu'à mées, inclinaient paresseusement environs

branches

alourdies.

au vol les jeunes poulains en Je distinguais vaguant et les troupeaux de les moutons peureux liberté, un moment de rousses vaches belles qui cessaient et nous regardaient passer. paitre le jour de la Fête-Dieu. De C'était précisément le gai carillon des cloches nous arrivait toutes parts et les sentiers à traqui serpentaient par les routes allaient en groupes leurs la plaine, vers animés, à la main, les bonnes femmes avec la livres d'heures les gars en habit du dimanche haute coiffe du pays, Ces champs, toutes enrubannées. ces et les fillettes ces villages, m'étaient bien connus; c'est pommiers, c'est à au milieu d'eux que j'avais passé mon enfance, si souvent sur mon lit de douleurs, eux que je pensais d'eux c'est auprès à que, mourant, je venais puiser les forces et la santé. nouveau nous avions encore deux A Vire, le train s'arrêta nous. L'air du matin devant m'avait mis en heures comme une petite odeur appétit; j'y retrouvais salée, de la mer. l'odeur Je sortis de la gare; non loin de là s'offrait une fermée d'une clôture en treillis, humble à guinguette et avenant. Dès que je me présenl'extérieur propret


UX

IXVAUDE

131

de moi accourut au-devant la maisonnée tai, toute le vieil aïeul, brave la mère, ingambe paysanne filles ses soixante-dix ans, et les petites encore malgré de la elles revenaient sous leurs plus beaux atours table en plein air; une modeste On m'installa messe. le mets bien simples, sur la nappe blanche, quelques de les gouttelettes du pays, où scintillaient beurre et l'une de ces du cidre de l'an dernier petit-lait, Pende nos ménagères. omelettes qui font la gloire familièrement les poules venaient dant le déjeuner, En partant, j'embrasjusque sous mes pieds. picorer mes béquilles d'un air sai les enfants, qui regardaient et deux heures après j'étais à Granville. étonné, ma mère et ma soeur; Là m'attendaient je descende autour moi les recueillant dis du train, marques cOh doux Jésus le paude pitié et de sympathie. – les braves s'exclamaient vre monsieur villageoiet les doucereux et traînant, ses en leur parler bien bas. J'arrivai ainsi jushommes se découvraient au haut de la. ville et conperchée qu'à notre maison, fouettée tinuellement par le vent de mer; je revis la sur ses fait tout enfant sauter bonne Lise, qui m'avait avoir soigné le vieux grand-père, qui, après genoux, sur le petit fils désormais doit veiller je revis la teret son bel a~ea. aux feuilles notre rasse, petit jardin aux grosses fleurs tardives. vernies et métalliques, Et rien n'était la mer et la plage. Je revis changé que moi la vie famille tant me fut douce de Combien après tant de maux tant de de jours d'absence, soufferts, sans chacun le devinera désirs ardemment caressés, me poursuivait Une qui pensée cependant, peine. m'attriste encore. Je venais de retrouver quelquefois à Granville un ami d'enfance, parti depuis longtemps. l'infanterie de marine, et avait eu II avait servi dans de la guerre la jambe droite dès le début emportée nous eûmes renoué biento* Égaux par le malheur,


t;N

i32

INVALIDE

nous Nous camaraderie. ancienne les liens de notre un sur la plage, et j'éprouvais le soir réunissions à l'interroger. amer plaisir il avait respiré avait fait campagne, Lui du moins~îl il avait entendu l'odeur de la poudre, gronder le canon un jour de bail était tombé la mitraille, et siffler ennedes morts au milieu du succès, taille, à l'heure mis.

C'était

à

Bazeilles.

L'infanterie

de

marine

venait

les en avoir chassé de pénétrer après dans le village, Bavarois cents Allemands trois tenaient encore, On enfonce la porte à coups dans l'église. barricadés en baïonnette et nos soldats de canon, s'élancent, d'autres les tombent avant. Les premiers foudroyés; à pas lents, se faisant un remsuivent, et, courbés, de franchissent la porte avec les cadavres, part l'église. fut horrible. En vain les Bavarois, Alors la mêlée leurs demandent et jettent aux murs, acculés grâce on les poursuit fusils jusjusque dans les tribunes, fous de peur, les orgues. Quelques-uns, que sous leurs de grimper le long des tuyaux, essayaient sur les parois à glissaient polies crispes doigts à coups de crosse, les nôtres de baïonnette, coups sans relâche, et, par grappes sanglantes, frappaient dans le vide allaient se briser contre les corps lancés heurtées le pavé, pendant gémissaient que les orgues instants mon ami sourdement. Quelques plus tard, mais il avait pu savourer la venà son tour, tombait geance. et à ces récits de guerre, Voilà ce que j'entendais, tout mon sang bouillonner de massacre, je sentais mon cœur battait dans mes veines, plus fort, ma tête au brave une fou. J'enviais bC perdait, garçon j'étais d'un œil jaloux je regardais aussi glorieuse blessure; sa jambe de bois. fait son me plaindre D'ailleurs, ? Avoir pourquoi une consolation ? Si la donc n'est-ce devoir, pas


133

UN INVALIDE.

sachons à tout notre a droit vraiment amour, patrie de nos petites vanités. le sacrifice lui faire encore Paris au commenceNous étions cinq en quittant envahissait ment du mois d'août, alors que l'ennemi ensemble la frontière nous nous étions pour engagés le même sort et affronter les mêmes périls. partager un auSur ce nombre,deux sont morts,un a été blessé; au Mans, comme tre, fait prisonnier je l'ai su plus et en France tard, n'est rentré que trois mois après, malheureux de tous peut-être, moi, le plus je reste invalide à vingt ans maintenant boiteux, estropié, pour tout jamais inutile. Ah! j'eusse aimé voir un jour en face cet ennemi et que je n'ai pu combattre que j'étais allé chercher, de nouJ'aurais au premier voulu, signal, m'engager ma part de la le sac et le fusil, prendre veau, porter mais j'ai revanche. Cet espoir ne m'est pas permis tous animés de la haine des frères, des amis, sainte, de la France, et tous pleins de foi dans les destinées du présent en appelant à l'avenir. injuste C'est à eux que j'ai confié ma dette.

de ma demandé, ami, l'histoire la voici telle que je l'ai écrite pour campagne d'une convalescence. longue per les ennuis Tu m'avais

triste trom-

F. DEG.



LE

IIOFF

SERGENT ÉI'ISODE

DU

SIÈGE

DE

PARIS


~-– LesergenttfuiT.


LE

ÉPISODE

Il fut célèbre chasseM!'

HOFF~

SERGENT DU

deux

mois et

d'ho~t~es,

SIÈGE

les

DE

PARIS

entiers Parisiens

on l'appelait avaient fait

le de

lui leur héros. C'était bien là en effet le type du franc-tireur, un do ces hommes comme il en fallait pour harceler l'endonner du temps aux arnemi, lui tuer du monde, mées de province. A l'ordre du jour, sur les rapports le nom de Hoff revenait sans cesse, partis de la place, et les plus étaient forcés de croire des sceptiques choses invraisemblables. Au 10 novembre, presque n'avait-il Pruspas déjà tué de sa main plus de trente siens ? Seul ou presque la campagne, seul, il courait taisant la guerre en vrai partisan, enlevant les sentinelles les postes. Un jour il ennemies, surprenant les Prussiens de l'île des Loups, une autre délogeait fois il s'emparait de Neuilly. De Nogent à la Ville-Evrard, sur toute la rive droite de la Marne, il était roi du pays. Pour tant de hauts faits, il avait reçu la croix. Des reporters allèles gazettes rent le voir aux grand'gardes, publierent sa biographie,son courut les rues,et portrait plus que (<) Ce

récita

Vter<8~3.

paru

dans

la

7!ee'<e

des

Dcux-3/on~f.

le

jnn


138

LE

SEUGENT

HOFF.

de surprises, de sorties, on parla jamais dans Paris et de guerilleros. de francs-tireurs Janvier traînait en longueur. le siège Cependant se fermaient les cœurs était venu, et invinciblement mauvaion ne s'attendait à l'espérance; plus qu'aux Hoff avait On sut qu'à ses nouvelles. Champigny disparu. s'informa devenu? Un journal chercha, Qu'était-il accablantes. Le fameux furent les révélations sergent de son vrai nom il s'appelait n'était espion qu'un dans en premier et avait grade de lieutenant Hentzel, si bavarois. Ses exploits de chasseurs un régiment à la faveur ne s'expliquaient vantés que trop bien nos lignes, il traversait librement de sa réputation, leur révélait et nos mots chez ses camarades, passait de faciles et nos projets, d'ordre chargé puis revenait à nous ou fusils, qui lui servaient casques dépouilles, sur son véritable rôle. tromper des hommes En vain qui avaient quelques-uns de son innoavec Hoff voulurent-ils marché protester connaître ses états de service en vain firent-ils cence de les croire. Le faux et le détail de sa vie. On refusa n'avait à recevoir son d'ailleurs pas tardé sergent dans une des francs-tireurs de la Seine, châtiment et fusillé reconnu l'avaient surpris, petite expédition, de procès; ils citaient autre forme sans l'endroit, rive de la Seine, du côté de Bezons. c'était sur l'autre Avec la même n'était Dès lors le doute plus permis. la popuson héros, avait mise. à exalter ardeur qu'elle les bruits accueillit lation parisienne outrageants qui d'avoir on s'étonna couraient sur lui pu s'engouer même le on accusa des Prussiens ainsi d'un agent de s'être mystificaprêté à cette triste gouvernement le mot alors était à la et plus d'un tion. s'écria, trahis nous sommes mode Le pauHoff existait bien réellement. Or le sergent était innocent il avait fait son devoir vre garçon jus-


LE

SERGENT

139

HOFF.

où on le traitait même et, à l'heure bout, qu'au il était forcé de en Allemagne,, prisonnier d'espion, sa tête aux Prussiens dérober de nom pour changer de retour mois de captivité, mise à prix. Après quatre et de Versailles de l'armée il a fait partie en France, une blessure à Paris, qui désormais a reçu, en entrant il encore Récemment au service. le rend impropre sa retraite; attendant était au fort du Mont-Valérien, c'est là qu'il m'a conté son histoire. de d'un ton exempt sobrement, Il parle lentement, et ces tours de phrase ces hésitations forfanterie,avec Ne cherchez alsaciens. aux paysans point particuliers une de ces physionomies qui une tête expressive, d'une abord. Hoff est un homme au premier frappent aux yeux de taille moyenne, d'années, quarantaine de une bonne et calme, à l'air doux figure bleus, ses cheveux en un mot. Son dos déjà voûté, soldat, le font paraître plus vieux que fatigués gris, ses traits vite au métier qu'il a fait. Simple son âge; on s'use de se livrer, il craint un peu gauche même, d'allures, mais sous ces une certaine réserve; et garde toujours tremfortement se cache une nature dehors humbles Il ne mandévoûments. des plus beaux pée, capable la lèvre ni d'intelligence ni de finesse que d'ailleurs il s'anime, tout particulier. Quand mince a un sourire ses traits des éclairs, lanoer l'œil, petit et vif, semble sintout à coup une expression d'énergie prennent <tMais le mot juste. et il sait alors trouver gulière, à fait pour en tuer autant donc avez-vous comment Comme un général. j'ai vous seul ? lui demandait », répondit-il. caractères en principe Il est admis que les grands ou non, Hoff heure de bonne préjugé se révèlent en rien ce qu'il fait pressentir n'avait avant la guerre dans le canIl est né en Alsace, être un jour. devait kilomètres de Saà quelques ton de Marmoutiers, pu

verne.

Plâtrier

de profession,

dès

l'âge

de

quatorze


140

LE

SERGENT

HOFF.

la maison pour commencer ans, il quittait paternelle le prit, En 1856, la conscription son tour de France. au régiment. et il entra il savait un peu lire, rien alors Il ne savait presque c'est au service et encore en allemand; un peu écrire, son avancement fut-il Aussi le français. qu'il apprit D'ailil mit dix ans à passer bien pénible; caporal. dans ce long espace de hasard, leurs, par un curieux fait aucune et ce il n'avait deux campagne, congés vieux soldat, jours du siège de qui dès les premiers et d'habileté, tant d'audace Paris devait déployer n'avait jamais vu le feu. Tout au plus avaitjusque-là avec l'armée d'occumois à Rome il passé quelques La guerre pation. Belle-Isle-en-Mer,

instructeur le trouva sergent le dépôt du où était caserné

à

25" de

ligne. fait ? On ne saurait dire, – son devoir, Qu'aurait-il disà coup sûr, car il passait pour un bon serviteur, mais un événement vint et solide imprévu cipliné son énergie et décupler tout à coup surexciter ses Vers le milieu du mois d'août, il apprenait facultés. de soixante-quapar une lettre que son père, vieillard été pris et fusillé par les Prussiens torze ans, avait de défendre son foyer. Heureusement la en essayant comme il le sut plus tard; nouvelle était fausse, mais Dès ce moment, la guerre le coup était porté. devele ressentinait pour Hoff une question personnelle; en lui à cette haine ment privé s'ajouta imprescriptinourrit au fond du cœur contre ble que tout Alsacien côté du Rhin, et durant la les gens de l'autre toute il ne songea son père. qu'à venger campagne Il voulait fût-ce en simple partir sur-le-champ, on avait besoin il put garder son soldat; d'hommes; il passa à En quelques de Belle-Isle jours, grade. à Paris; il fut incorporé Vannes et de Vannes au T avec le corps du géde marche, pour Châlons partit au matin il se trouvait néral Vinoy, et le 1~ septembre


LE

SERGENT

HOFF.

i~

dans On entendait en avant de Reims. de grand'garde et les détonale canon de Sedan, le lointain gronder disaient assez l'acharsans relâche tions se succédant du désarriva la nouvelle nement de la lutte. Bientôt de battre en retraite. astre, puis l'ordre entraient à Reims Il était Les Prussiens temps. nous. Déjà la veille, aux à peine deux heures après dire une femme était venue que trois avant-postes, dans une ferme voiennemis se reposaient éclaireurs mais l'officier à les poursuivre, Hoff s'offrait sine. fut congédiée. la bonne femme n'avait pas d'ordres fois inmot dire, Alors seul, sans pour la première le sergent se lança dans la campagne. Il chersoumis, il ne connaissait trois cha pendant heures pas le il était parti. il s'égara et dut rentrer comme pays, du reste, ne perdaient rien Les Prussiens, pour attendre. on En sortant de Paris par le bois de Vincennes, de Nogent, avec ses à main gauche le village trouve habitations et blanches dans rouges perdues petites ses ruelles désertes l'odeur le feuillage, qu'embaume et, dans le fond, son beau viaduc aux arches des jardins, franchissant la Marne en deux qui, gigantesques, décroit de chaque côté et graduellement enjambées, comme se dessine à l'horizon une dentelle de pierre. à gauche et suivant-le fleuve, passe la route Toujours du Perde Strasbourg, qui de Nogent par le faubourg et à la Ville-Evrard. De cet enrcux mène à Neuilly la vue embrasse tout l'autre côté de la Marne droit, et ses dans le bas, Petit-Bryavec son clocher rustique maisons

à gauche groupées par étages Noisy-leà droite la vaste ferme du Tremblay, et plus Grand, tous ces villages loin, dans le haut, Villiers, Cœuilly, de la banlieue aux noms si riants parisienne jadis, devenus car la guerre aujourd'hui sinistres, étrangère a passé par là, et partout les traces en sont restées, comme si les choses, la elles aussi, voulaient garder


142

LE

SEHGEKT

HOFF.

de la Marne, souvenir. Sur les deux berges piétinées rare et poudreux, souillé le gazon au pas des soldats, deux ans, n'avoir et de débris,semble,après de plâtras fraicheur. son ancienne encore Ça et là, pu retrouver ce d'un demi-mètre dans le sol, des trous profonds sont les trous des sentinelles perdues puis des arbres morts la terre. Les les troncs dont percent coupés à la hâte, et des maisons, murs des jardins réparés la place des meurainsi que des cicatrices, montrent, blancs font tache carrés sur le et ces grands trières, brisé les ont cassé les treillis, fond noirci. Des balles à ce spectacle, et cependant L'œil s'attriste clôtures. voitures de matéde pesantes voici venir chargées des en chanla au tournant de route, peintres riaux d'un cabaret, tandis tant rétablissent qu'aux l'enseigne du fer sur la pierre s'entend le grincement environs le pont de des ouvriers et le marteau qui réparent Bry. sa légende. C'est là en Tout ce pays a maintenant se battre et se distinguer c'est effet que Hoff devait dans ces jardins et ces là, à quelques pas de Paris, de ruses et d'emenclos, qu il allait faire cette guerre les romans de dont les détails buscades rappellent à la vie des et semt)!ent Fenimore empruntés Cooper, Prairies. nos troupes, Aux premiers jours de l'investissement, la ligne des forts, et on le sait, ne dépassaient guère bien au delà des limites avancé l'ennemi s'était qu'il était alors devait conserver plus tard. Le 7° de marche mais de Vincennes, en avant pas n'occupait posté les éclaireurs Pendant la nuit, prusslens Nogent. des reconnaissances jusque dans le village, poussaient à la clarté de la lune, au galop, et, quand ils passaient se profiler leurs ombres sur les on voyait rapides Hoff s'adresse murs.– venirauxmains, Impatientd'en il obtient à ses chefs; l'autorisation, àgrand'peine d'hommes une quinzaine réunit résolus, part à la t~m-


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LE

SEMGEXT

HOFF.

14o

le village, bée de la nuit, et, tournant va s'embusquer le long de la Marne, dans un fossé en face des premaisons de Bry. L'oeil mières aux aguets, le fusil heures. armé, on attendit quatre grandes sur le chemin Tout à coup de Petit-Bry, de halage, descend vers la rivière, par la rue qui de la mairie un détachement de cavalerie débouche ils arrivaient en nombre, défiance brillaient

trois

cents

pour

le

moins,

fumant

sans

et causant entre eux; les cigares des officiers dans la nuit. C'était le moment. Au signal les quinze fusils s'abaissent et font un feu de donné, dans cet étroit espace entre le fleuve Surpris peloton. les Allemands et les murs des enclos voisins, ne peuni reculer; vent ni avancer les chevaux se éperdus les cavaliers l'escadron se débande cabrent, tombent, tiraient Il y eut un moment nos hommes toujours. de Enfin confusion des maisons indescriptible. de Bry des fantassins sortent à riposter; qui commencent en même temps de feu éclatent quelques sur la coups d'être Hoff donne Craignant l'ordre gauche. tourné, lui-même de la retraite; la partie le dernier. quitte Le lendemain, les Prussiens, quand le jour parut, comme avaient d'habitude enlevé soigneusement leurs morts et leurs mais une cinquantaine blessés; de chevaux encore le terrain. jonchaient En se retirant, Hoff avait l'endroit d'où remarqué sur notre rive étaient des coups de fusil: partis là être leurs devaient En effet, à l'abri grand'gardes. des ruines du pont, ils avaient établi un poste de qua. tre hommes matin, ils paschaque pour les relever, saient la Marne en bateau. Le sergent résolut de s'en assurer. Un soir, seul cette vers la fois, il se dirige moitié Marne, et, moitié arrive rampant, marchant, sans être entendu. Accoudé à un tas de pierres, un Bavarois faisait la faction il regardait mélancoliquement couler l'eau et rêvait sans doute au pays. Hou s'élance et lui fend le crâne.d'un seul coup de sabre, RÉCITS

D'UN

SOLDAT.

~)


14C

LE

SERGENT

HOFF.

sur la rive gauche, debout puis il avise une sentinelle du pont, il prend son fusil, et l'abat. extrémité à l'autre le manque, tire sur le sergent, Un Allemand accourt, balle. Tout cela d'une et tombe à son tour frappé minutes. C'est ce que Hoff deux duré n'avait pas Prussien. son premier appela Hoff méritait bien certains Un tel début privilèges la guerre et faire s'écarter à sa guise put dès lors même on lui confia comme il l'entendait quelques il mettait Du reste, hommes l'accompagner. pour ses petites soin à préparer et, touexpéditions, grand mille fois sa vie au feu, il exposait jours le premier Ii partait seul celle de ses camarades. avant d'engager au côté, le à la brume, le fusil sur le dos, un revolver des haies, dans la ceinture. Le long nu passé il se glissait, ramau fond des fossés, par les sillons, des yeux les à plat ventre, fouillant pait sur les mains, s'arrètant au moindre bruit, ténèbres, puis reprenant sa marche. contre terre il mettait l'oreille De temps en temps, une pierre, et écoutait. une branche Un arbre, cassée, tout lui était des traces de pas sur l'herbe, bon, tout Il s'approlui servait d'indice ou de point de repère. à loisir. chait ainsi des lignes ennemies et observait Parfois il était entendu. Wer da ? qui vive ? criait la sabre

sentinelle. la même

bon ami! dans Gut Freu?~ répondait-il et le bon ami aussitôt sortait de sa langue, tombait sabre en main sur l'Allemand surcachette, seul coup bien asséné lui fendait le casque pris, etd'un et la tète. Les coups de sabre ne font pas de bruit. Certain entre Nojour, sur la route de Strasbourg, vers l'endroit gcnt et NeuiUy-sur-Marne, qu'on appelle te Four-à'Chaux, deux cavaliers ennemis se trouvaient en reconnaissance. Hoff par aventure cherchait fortune du même côté. Au bruit des pas, il se dissimule derrière une palissade, tire son sabre et attend. L'un des uhlans avait mip ~'cd à terre, et, laissant son


i

Sentinelles

prussiennes.



LE

SERGENT

149

HOFF.

était parti en avant. Un à un, camarade, de la route, le dos courbé, il suivait les arbres prêtant il aperçut l'oreille; juge de son épouvante quand qu'on deux yeux ardents àtrois qui le regarpas dans l'herbe cheval

à son

daient.

Sans

lui laisser

le temps de la réflexion, Hoff à l'autre fond sur lui, le tue raide, cavalier, puis court dans les rênes, essaie en vain de prises qui, les mains mort et l'étend Les deux chese défendre, également. au galop. Hoff les a toujours vaux partent regrettés. il est Quelquefois, simplement: pas aussi ennemi poste Notre est sergent à prodiguer

ne

la

se

passaient l'alarme, du fusil.

donnait

il fallait s'armait, un excellent tireur,

le

pas

les choses vrai, une sentinelle

jouer mais il n'aimait

poudre.

il ne s'agit « Voyez-vous, me disait-il, de tirer pas voilà trois cents la bonne Deux, mètres, beaucoup. à trois cents sûr de mon distance mètres, je suis J'ai fait mieux coup. que ça une fois, mais J'étais avec mon lieutenant le cas ordinaire. maison

de

Nogent, on

de la Marne

une voit

du près j'avais percés sur l'autre nous rive, à cette noir distance, on

dit une

aurait

sa

lorgnette. il y dit-il

a

les

toit.

Tout

d'arbre.

c'est

un

chose

quelque

en

la lorgnette, avec tour; un grand beau bien garçon, à casquette Je voudrais plate. mon

haut

un Je

faire.

on

pour fois;

bout

d'un

moment,

au

point moins,

prend me officier, à

regarde

fort distinguait ma foi à favoris blonds, le reconnaitre, s'il vivait le

sur le parapet, il prenait Appuyé à quatre Je mets la hausse cents mètres, et par-dessus le parapet tire, il s'affaisse, dans le chemin creux côté qui de chaque Au

bord

Le lieutenant

encore.

viaduc.

un

mètres

pas une

que viaduc,

du

comme

homme, à

dans

au rouge créneaux

trois

aperçûmes cents quatre

branche Mais

maison

petite encore

ce n'est

un

des

des

notes.

j'épaule, je va rouler conduit leurs

au arrive

le ramasser Je tire une seconde j'y comptais. l'homme ne tomba la balle sans doute pas, mais


LE

t5Q

bien

avaitpassé J'attendis

près,

car il

en vain

le corps Outre

qu'à son

HOFF.

SERGENT

jusqu'au » la nuit.

s'enfuit soir.

dont il se chassepot, avec lui, dans lesderniers

emportait carabines

et ne reparut plus. enlever Ils n'osèrent servait

si bien,

Hoff

temps, une de ces de salon, qui partrente pas, pourvu

Flaubert, fusils appelées et qui à sans tent presque bruit, un encore renverser vise à la tête, peuvent qu'on de son été remise homme. Elle lui avait par l'aumônier d'une le don c'était personne qui voulait régiment de l'état-major rester inconnue. Un capitaine du généil d'une ral d'Exéa lui fit aussi un cadeau lorgnette; s'en

servait

pour

étudier

de

loin

les

positions

de

l'ennemi. il étaient toutes ses mesures Quand prises, quand choisi sa route son terrain, avait pied à pied reconnu Hoff revenait son et combiné pour d'attaque, plan bien douze ou ils étaient chercher ses l,ommes Barbaix, gens déterKlein, Huguet, Chanroy, quinze: du corps et ne les exercices à tous habiles minés, pas leur peine. craignant la chose, tel il leur En quelques mots, expliquait à surprendre tel poste bois à fouiller, puis, prudemse mettait en la petite à la file indienne, ment. troupe eut ainsi sa Dans la suite, marche. régiment chaque compagnie parlé

pendant on leur

franche le

régulièrement de ces siège

formée: francs-tireurs

on

a peu de la

les chaéclatantset les vestons préférait rendu ils n'en ont pas moins de coq à plumes peaux selon Au matin, services. et réels l'imporde grands faire Hoff revenait obtenus, des renseignements tance ligne,

son

rapport. cales troupes était l'émotion alors Grande parmi tous nationaux et mobiles, à Nogent sernées gardes ces vaillants, et, à les accouraient contempler pour couverts de boue, noirs voir rentrer ainsi, déguenillés, des à des bandits semblables et plus de poudre, qu'à


LE

SERGENT

HOFF.

i5t

les moins timides demeuraient soldats, stupéfaits. Au régiment, c'était à qui leur ferait fête les camafiers les félicitaient rades étaient les officiers d'eux, encore et leur serraient la main mais le plus heureux était leur colonel. Court et fort, les traits peut-être sévère aux autres et à la parole brève, énergiques, le colonel ne plaisantait lui-même, Tarayre pas dans « un rude homme les affaires de service: », disaient les soldats avec cela, le cœur grand et bon. Son régi~ ment était pour lui comme une famille, et dans cette famille ses francs-tireurs étaient les plus aimés. Lors« C'estvous, mes soir qu'il les voyait partir chaque enfants ? leur demandait-il de sa grosse voix. Allons! très bien bon courage! Et maintenant me voilà trances gaillards-là sont Quand dehors, quille. je puis » aller me coucher et dormir sur les deux oreilles. Au fond, le brave colonel dormait un peu moins fois la nuit on le dire, et plus d'une qu'il ne voulait rencontra au poing, faisant sa ronde à seul, revolver travers nos lignes, au risque lui-même un d'attraper coup de fusil. La discipline la plus sévère chez les comrégnait de Hoff; lui-même, dans un langage pagnons énergi« Vous voulez que, avait pris soin de les prévenir marcher avec moi, c'est fort bien mais le premier de vous qui dort en faction, le premier qui bat en retraite sans avoir attendu mes ordres, je lui brûle la cervelle. De votre côté, si vous me trouvez en faute, B ne m'épargnez pas non plus. Chacun ainsi le sabre d'eux, que lui, portait nu, s-ms fourreau, ce perpétuel dû pour éviter cliquetis fer qui de loin si souvent a trahi nos soldats. Tout homme enrhumé était et impitoyablement congédié à l'hôpital à quelques renvoyé pour un franc-tireur, mètres de l'ennemi est venu un qu'il surprendre, accès de toux ne vaut rien. de fumer: la Défense on allume sa pipe, et l'on se fait nuit, par habitude,


SERGENT

LE

tô'2

ciaient

maison.

mais

Hoff

ils ne

guère,

d'emporter était Nogent

et

siens

les

songeaient

mais

l'astuce,

encore

plus

avec des qualités Français, Par chaleur trop souvent. par

une

mode

sorte

com-

du

de sang,

s'en

du

sang-froid.

de

manque par

souà

courage aussi, Or le

l'adresse

de

il

ne

calme même,

gloriole

inconsidérée,

s'accom-

moyens

qu'il juge trop peu son pour un instant prouvé la lutte, il se découvre tout il a hâte d'égaliser noblement au moment mêmcet se fait tuer

le but; mieux vaudrait tuer demandait de Nogent, un soir, sortant Tous ceux qui étaient l'accompagner. d'atteindre

hésiter

moin-

Prussiens

il faut

réelles,

bravoure

de longtemps content d'avoir

pas

généreux adresse, à coup

de

ne

qu'aux de dormir.

le temps peine prenaient-ils Pour cette de sauvages, guerre sans de courage, doute, beaucoup de

le alors

dans tous les villages et, comme les habitants, surpris par l'annonce leur et abandonnant linge partis,

désert, plètement autour de Paris, étaient du siège, mobilier

aussi

défense

une balle envoyer dre objet d'aucune

leur

HOFF.

un mobile

l'ennemi.

quelqu'un pour là semblaient

mobile un petit alors, tiré un coup de fusil.

s'offrit

Hoff,

de la

Vienne, qui n'avait jamais si bon air pourtant sa longue Il avait sous capote il paraissait si bien décidé, l'acgrise, que le sergent Tous deux à pas de loup, et, s'engacepta. partirent dans la vaste de geant plaine qui sépare Nogent Neuilly-sur-Marne, de bâtiment plat,

arrivèrent où

les

près Prussiens

d'une

sorte ferme, établi un avaient

Une première sentinelle tombe sans important. de Hoff; un coup de carabine sous le sabre fait Ce que voyant, notre mobile vise justice de la seconde. et tir e mais il avait sans son chasà son tour compté poste bruit

dont sepot, tout à coup da les ~er sortent

la détonation le calme se

le poste les hommes s'agite, en avant de la ferme. Ils position

croisent,

et prennent

vient troubler plus bruyante de la nuit. A ce bruit bien connu,


!t!

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S 3 'o n 5 o '5

U c~



LE

SERGENT

HOFF.

i55

et nos lignes n'étaient pas moins de deux compagnies, le mobile Sans hésiter, à trois kilomètres. se trouvaient cents trois au canon, et seul contre met baïonnette En vain Hoff le danger le grisait. à charger s'apprête entendre veut-il lui faire l'arrêter, raison; il fallut l'entraîner de force, à coupsdepied,àcoupsde poings, les buissons. sous une grêle de balles qui hachaient il n'était Parvenu à l'autre bout de la plaine, pas encore calmé. Plus tard, il reconnut sa folie, car il avait vu la mort de bien près, et comme après tout il avait du bon, suivoulut bien s'ocdu sergent, celui-ci vant les termes et de la il apprit l'escrime du sabre de lui cuper à faire un vrai et en peu de temps réussit baïonnette, la Il a suivi Hoff plusieurs soldat. fois, et a reçu médaille militaire. tenaudacieuse ainsi quelque Chaque jour amenait à venait-il l'ennemi. Le coup tative qui inquiétait Hoff un Peau-Rouge, comme manquer persévérant sur de nouun peu, recommençait puis patientait les Tôt ou tard, si méfiants qu'ils fussent, veaux plans. à ses ruses. Prussiens se laissaient prendre En effet, pour leur faire du mal, il n'y avait pas de Ne s'avisa-t-il tour qu'il n'imaginât. pas un jour de les côté de la De l'autre avec du gros plomb? effrayer une longue haie en face du Perreux, Marne, règne c'est ce un enclos vive couvrant d'arbustes; planté Au derrière de la haie, les la Pépinière. qu'on appelle et de là, bien Prussiens avaient creusé des tranchées, tout à leur défiant les balles, ils tiraillaient abrités, ne poun'était aise. Le Perreux personne pas tenable, vait plus sans s'aventurer déjà près du fleuve; péril été tués, avaient des mobiles, des gardes nationaux, sur la abandonnés cadavres et leurs pourrissaient il dépêHoff cette fois semblait joué. En secret berge. et avec l'argent de sa paie à Paris, che un des siens de plomb numéro se fait apporter 5, pour neuf francs


LE

i56

HOFF.

SERGENT

le chevreuil, puis il embusqui sert à tirer la cartouche hommes. ses Chacun, par-dessus que et au de plomb, une bonne charge ordinaire, glisse Le succès tire à la fois. toute la bande donné signal les branches le plomb bruissait, fut complet sifflait, semblait la haie entière s'agiter. en éclats, volaient là Virent-ils les Prussiens? durent Que s'imaginer d'un nouveau mitrailleuse genre ? Toujours quelque bien vite et ne revinrent détalèrent est-il plus. qu'ils celui

avec

Quelquefois un

la paille, rusés nos

rouge, pantalon confectionnaient que mal, et. cela le tout d'un képi, siens.

Le

lieu

de

la

une

de

vieille

compères,

un

mannequin. à occuper servait était

scène

bien

choisi

tunique, bien tant On

coiffait

les

Prus-

c'étaient la

en terrasse qui bordent jardins étaient Marne au delà du Perreux, et qui tous alors brèches. reliés entre eux de vastes Lentement, par au-desbras hissaient le bonhomme deux posément,

d'ordinaire

ces

voir un moment, encore pour montait, s'éclipsait disparaissait puis les ce temps, un peu plus loin. Pendant reparaître un casque camarades et si, trop curieux, guettaient, le à pointe à l'horizon, ou un béret bleu se trahissait il est Ce jeu-là, châtiment ne se faisait pas attendre. eux n'était car les Prussiens, vrai, point sans danger, sus

d'un

aussi,

mur,

tiraient

un

d'être vait

rouge

avec

fureur sur

ricochant

arrivaient, treillis. Par

la tête

beau

jour

chaudement là,

un

l'Ecole, qui, sait. Alors

tout

du

se laissait

de toutes les

mois

murs

les balles parts, cassant les et

la partie d'octobre, venait se trouUn lieutenant

engagée. homme, jeune habitué au feu,

peu un des

récemment se troublait

sorti et

de

pâlisavec

d'un ton bourru, hommes, cette familiarité brutale le danger: –«Ah! quedonne vous lui dit-il, si vous tremblez savez, vous, toujours comme emmènerons ça, nous nevous plus avecnous. Le

pauvre

lieutenant

pâlit

encore

sous

le

repro-


LE

SERGENT

HOFF.

157

sa lorgnette, il ne répondit che pas; mais, prenant du mur, et au-dessus il se dresse de toute sa hauteur Un feu nourri se mit à regarder. là, bien à découvert, lui ne broncha salua sa présence; pas, et tranquillemè« Où visez-vous ? – A cent cinquante ment à cent cinquante tres. Oui, c'est bien cela, la hausse – toutirer. Et il regardait vous mètres, pouvez l'emmener de force. A partir durent ses soldats jours on ne l'a plus vu trembler. de ce jour, redoublaient les Prussiens de tels ennemis, Contre et Dieu sait si à l'occade prudence, de précautions, Pour se garder être prudents. sion ils savent près du chien de ferme ils avaient un gros Four-à-Chaux, ne permettaient pas inquiets vedetleurs relever ils venaient Quand d'approcher. derrière en déniant à plat ventre, tes, c'était toujours de s'embarrasser sans de crainte les haies, armes, le fusil de son en faction celui qui entrait prenait voulu un moment, Ils avaient, camarade. grimper mais les nos lignes et de là observer dans les arbres, ne par le vent d'automne, branches, déjà dépouillées essais les cachaient moitié quelques après qu'à La nuit, ils se rassemils y renoncèrent. malheureux, un gémissement au cri de la chouette, blaient sourd, par deux fois, puis tout à coup un poussé prolongé., se servait du Hoff avec ses hommes cri plus aigu. dont

les

aboiements

sifflet. à trouver Eux aussi quelque parfois s'ingéniaient non loin de l'enbonne ruse. En avant de Petit-Bry, la veille de de bateaux droit où furent jetés les ponts en forme s'élève la berge brusquement Champigny, à plusieurs des de colline. reprises, jour, Chaque des ordres ils uhlans porter passaient par là pour car la route se trouve au à bride couraient abattue, de la crête sommet mais, si rapide que fût leur allure, les arrêtait en chemin. Un une balle bien souvent faisaient le guet aux Hoff et sa troupe comme matin,


158

LE

SERGENT

HOFF.

de loin une vieille voiture, ils virent venir environs, dans recueillie de berline quelque sorte démodée, d'un air bien elle avançait cahin-caha, ferme voisine sur au petit pas de deux chevaux maigres honnête, de paysan. une façon et menant le siège, l'attelage, sans l'invention était trop grossière En vérité, s'y les un moment, nos Français tirent, laisser prendre s'élancent hommes ou quatre chevaux trois tombent, à fuir. On ne leur en donna et cherchent de la voiture pas le temps. le plus Ici se place un des faits d'armes qui firent du sergent. et à l'intrépidité d'honneur au courage est coupé de Nogent, le lit de la Marne par Auprès et de brousd'arbres deux longues iles couvertes la première bie n Parisien les connaît sailles. Tout de en museau elle se termine est l'ile des Loups, ses deux arcades et le viaduc princilièvre, y appuie Toutes l'Ue des Moulins. l'autre se nomme pales des Prussiens. alors au pouvoir deux étaient Depuis Hoff explorait la rive il avait plusieurs jours déjà, un banc de sable encomen aval du fleuve remarqué et près de là une petite bré d'ajoncs, barque engrala barque à la nage, dégage à grand'vée. Il se glisse deux ou trois hommes, bons napuis réunit peine, à la nuit, l'un d'eux plonge et va comme lui geurs de l'ile des Loups, fixer la sous l'eau, au bout même à remonter le bac. Des rames, on corde qui doit servir bruit le moindre d'ailleurs eût tout n'en avait point; entier s'écoule. Du milieu Un jour presque perdu. nos hommes des joncs où ils se tenaient blottis, pouennemi se promener vaient voir le factionnaire paisiau bras. l'arme Profitant d'une minute où blement, ils sautent dans la barque il a le dos tourné, l'autre mais trop tard, les aperçoit, lâche son coup de fusil En même une escouade de quinze et se sauve. temps à l'abri des arches du viaduc, la hommes, passait et se répandait dans l'ile. Plus de Marne en bateau


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HOFF

l6i

Prussiens les cents ensuite; trois rejoignirent avaient fui. avec cette promptitude de la place, A peine maître Hoff s'occupe fait la moitié du succès, qui à la guerre La fusilde l'ennemi. offensif un retour de prévenir En quelques sur la gauche. lade continuait toujours des terrassesont creusées, des tranchées minutes, ses lui même Le sergent ments construits. place sont pour les plus périlleux et les endroits hommes, ses vieux amis. du côté qui regarde de l'ile des Loups, A l'extrémité s'élève un chêne gigantesque dont l'ile des Moulins, de trois au-dessus formé le tronc, souches, penche Un singulier des eaux ce fut le poste de Barbaix. la tête en avant, homme que ce Barbaix! petit, courbé, les allures d'un vieux sanglier: toujours, grommelant surnommé Le Rouge, à cause l'avaient ses camarades un brave garçon de sa barbe; de la couleur d'ailleurs, contre les Allemands. bien qu'enragé le long de son arbre, un serpent comme Couché il tirailla. En face a la nuit ciel et eau, toute entre les Prusun arbre trente également, pas, derrière hommes se Les deux une sentinelle. siens avaient Dès que l'un d'eux risquait surveillaient, s'épiaient. le bras ou la tête, l'autre montrait un mouvement, hachée par était littéralement des arbres tirait: l'écorce ne fut pas même mais Barbaix, les balles; plus adroit, et fut remplacé deux fois le Prussien tomba, touché, Le Rouge lo on vint trouver Au matin, pour quand et demanil ne voulait relever de faction, pas partir le troisième. les Allemands Cependant ils crurent imprévue attaque dait

à tuer

émus de cette sortie se prépaqu'une dans le on enterdit Toute la nuit, rait vers Nogent. et le leurs rouler leurs voitures, lointain caissons, on pousur les hauteurs de Chennevière, lendemain, des batteries vait avec la lorgnette déjà distinguer RÉCITS

D'UN

SOLDAT.

s'étaient

11


LE

i()2

SERGENT

HOFF.

en force de ce côté n'étions guère Un seul régiment, choc sérieux. à peine à garder suffisaient mobiles, Nogent quelques de la Marne. Ordre fut donné d'évaet la rive droite mais auparavant le général cuer l'ile des Loups d'Exéa voulut en personne visiter les positions il était suivi de tout son état-major. Il complimenta le et en terminant lui attade sa belle conduite, sergent cha sur la poitrine le ruban d'honrouge de la Légion neur. C'était la première croix donnée par la républiil faut convenir avait été bien gagnée. qu'elle que Or nous installées. un soutenir pour

II vers

Ceci

se passait de Hoff était

nom

du

Parfois, tel ou

réputation. on lui montrait le

pour même de

insoucieux gloire, Hoff saluait et passait, naux redisaient les avec

d'octobre.

Le

mais son connu, dont il venait d'être

à Nogent, venu tout exprès

nage,

mois

à sa

le comble

rentrait

Il

fin

bien

déjà distinction

la

exploit, mirent

la

ce et le

voir.

dernier l'objet,

tel

Ignorant

personde sa

qu'on pouvait lendemain les conversations

longues

il

quand

dire, jourtenues

lui. recevait

écrites ampoulé.

aussi la

pour J'ai c'était

plupart eu moi-même

un yeux et de mots çaises on y reconnaissait femme,

des

écriture

tuez père

une

lettres

d'inconnus, un style bizarre de ces lettres sous

curieux

de phrases mélange de signature allemands, point sans le style et la main peine

anglaise a Je

mystique. presque de la mort Hoff. Sauvez Bismarck, et votre

lettres, dans

Guillaume; sera vengé.

nette

et

prie pour des milliers

déliée, vous,

et les

franmais d'une

ton

exalté, disait-elle à

tuez d'innocents; alors la paix sera conclue, » Et plus conloin des


LE

SERGENT

HOFF.

163

ne vous compromettez du fulmi-coton » A diverses Gott wtH es Dieu le veut pas. J'espère. de la même écriture Hoff reçut des lettres reprises, même plus. il ne les ouvrait il avait et Guillaume, En effet, sans tuer Bismarck les Prussiens notre départ, bien assez à faire. Malgré dans l'ile des Loups, mais n'avaient point osé rentrer d'un des bras de la Marne, maîtres ils étaient toujours de canotiers leur servaient à et d'anciennes barques se jette à un soir le parcourir. Hoff, sans prévenir, à la nage. les deux bras et traverse l'eau tout habillé étaient amaroù les barques Arrivé près de l'endroit les chaînes étaient en rées, il essaie de les détacher dire qu'il s'est dérangé fer. Du moins ne pourra-t-on pas sur la berge était un trou, pour rien. A quelques Il se glisse doucement le trou. dans un factionnaire le buste car hors de l'eau, les bras d'abord, ensuite, trahir sa ses vêtements pourraient qui ruissellent et le sabre. A sur l'Allemand puis s'élance présence, le de nouveau il plonge pour rejoindre peine aperçu, bord. les deux entre à mi-chemin Par malheur, îles, un Son fusil, qu'il avait en tout à coup l'arrête. bas-fond les herbes, sa capote s'accroche bandoulière, parmi En même ses mouvements. d'eau gêne imprégnée rive Prussiens et Français de l'une et l'autre temps, lui les balles venaient en sifflant tiraient par-dessus il se de sa tète. Un moment l'eau autour fouetter même lui a rendu des mais cette pensée crut perdu il réussit à se dégager Par un suprême forces. effort, On s'empresse auIl était temps. la berge. et atteint de ses armes, on fait sétour de lui, on le débarrasse une poignée A la lame du sabre, cher ses vêtements. attachée. roux était encore de cheveux Hoff est mandé chez le général Sur ces entrefaites, Il s'agissait de de la guerre. Le Flô, alors ministre enfermé Bazaine, au maréchal porter des dépêches seils

« Usez


HOFF.

LE SERGENT

164

d'investissement, forcer la Pour Metz. ligne dans traverde pays occupé, de pays, lieues cent franchir une armée toute d'arriver, fois, avant ser une seconde choisir on n'avait que le brave pu mieux assiégeante, ses mois deux par déjà déjouait qui depuis sergent le En peu de mots, de l'ennemi. les précautions ruses en reconnon sans lui exposa ministre l'entreprise, comme les périls. Hoffaccepta,et naitrelesdifïicultés, d'officier le grade en récompense on lui offrait « Non, répondit-il, Mais alors que

je n'ai voulez-vous

Oh

je réussirai, donc donnez-leur

Réussir! ensuite, C'était

à la fois

tout

d'instruction. pas assez Ce ? je que sûr mais, j'en suis une

demander

bonne

bien

peu

veux? 2 vous

ro~ee et

B –

beaucoup.

sa périlleuse mission, remplir plus facilement ou !a sur l'effectif de détails Hoff avait besoin précis allemande. de l'armée des différents corps position le avant dès Débarrassée Voici ce qu'on imagina. la vaste les plus ordinaires, prison de ses hôtes siège à nos réservée avait été spécialement de la Roquette Ils n'étaient de guerre. guère prisonniers trop rares des Hanovriens, des Bavarois, centaine, plus d'une Du dehors bien nourris. tous bien traités, des Saxons, Pour

on

leur

même

ce qui retour

apportait leurs laissé s'est ont

pauvres dû penser

vivres

des sacs.

vin,

Quel

frappant Ah Allemagne!

en passé la misère pu voir

soldats

et du

prisonniers,

et le

on

leur

contraste si

au

de

nos

dénûment

franchement

de leurs

l'habitd'un

des

gardiens d'un air

de

ia maison

avec

ceux-là

qu'ont-ils

compatriotes, et qui ont-ils ?2 ou du vaincu du vainqueur grand plus Hoff moins les soupçons, Afin d'éveiller vêtu

avait

le

jugé avait

re-

il s'aps'adressait

bon enfant, des détenus prochait les faisait leur offrait des cigares, à eux en allemand, tirait il n'en Eh bien! s'il faut le dire, causer. pas moraillé nos pauvres On a beaucoup grand'chose. biles de province, qui, jetés tout d'un coup dans cette


LE

SERGENT

HOFF.

tj5

ne connaissaient pas, ballottés vie de:- camps qu'ils cesse de sans à l'autre, d'armée d'un corps passant en bataillon, et de bataillon en régiment régiment la défaite, ahuris par affamés, perdus, épuisés, dont ils nommer l'escouade tout au plus pouvaient eux moins sévères~ faisaient pour Soyons partie. Allemands ces lourds depuis longtemps au métier de la guerre, la plupart ignoraient façonnés de leurs de leurs mouvements, tout de leurs armées, se taisaient par déet, si quelques-uns positions, rien parce aussi ne disaient qu'ils fiance, beaucoup n'avaient rien à dire. avait été fois retardé, Le départ de IIoff, plusieurs en route le soir, il devait se mettre fixé au 28 octobre Son de paysan. sans arme aucune et sous le costume de se sur les bords de la Moselle, plan était, parvenu ainsi dans la place aslancer à la nage, et de pénétrer au à l'heure dite, il se présenta Mais, lorsque, siégée. ses dernières instructions, ministère pour prendre de Metz une on attendait encore rien n'était prêt pas. Un lit de camp lui fut insqui n'arrivait dépêche il de l'état-major tallé au milieu même des bureaux Enfin on l'apattendant la nuit, toujours. y passa il entre. Le vieux du ministre, pelle dans le cabinet main fiéet d'une abattu, triste, paraissait général barbiche blanche. sa longue tourmentait vreuse dit-il à Hoff précipitam<tVous ne partez pas, sergent, mais cette fois, bien fini ment. Non, c'est fini pour besoin d'un homme nous avons si jamais énergique, – Il lui adressa encore que vous êtes là. je saurai et le congédia. Deux bienveillantes paroles quelques dans Paris heures que plus tard, le bruit se répandait Parmi

Metz

avait

capitulé. d'une certaine indéet bien qu'il jouit Jusque-là, attaché à son régtHoff était resté toujours pendance, de ses officiers. Par une far les ordres ment, recevant lui accorda en le congédiant, le ministre veur insigne,


LE

~66

de n'être douze

soumis

plus hommes

qui désirait

Hoff que mouvements,

SERGENT

HOFF.

à personne, relèveraient de

lui

le

désormais

Libre

plus.

il redoubla

et

d'audace

de

s'adjoindre seul. C'est

et

ce

de

ne

vécut

ses

plus travers

allant et venant sans cesse au dehors, qu'au Il emportait des lignes sur lui une carte prussiennes. Des paysans de l'état-major. aussi le conduisaient, du pays instruits de tous les détours et de tous gens L'un les sentiers. ouvrier d'eux, Merville, maçon, garet intelligent, çon adroit néral d'Exéa. Justice

est

en eut

encore

armées,

par soit

guides,

quelques-uns, leur connaissance comme

espions, eux aussi, sans

comme bien

mis

à ces pauvres

due

et patriotes, utiles, leur vie à ce métier eneffet.Ilfallait, mais siens,

s'était

plus

de lieux, cherchèrent

vieux

chapeau

et

gé<

et il y de nos

soit

comme

à se rendre

bravement risquèrent Le dangerétait double

des

tionauxoucorps francs, qui, dans eussent fusillésans choisir amiset les carrières d'explorer qu'il venait de Nogent, pour s'assurer Merville hasard nées, par reurs en reconnaissance.

du

service

campagnards, qui au-devant

gloire. de raison,

encore

au

se garderdes Français, leurzèle

na-

gardes

intempestif, ennemis.-Un jour

à plâtre, n'étaient

qu'elles tomba Avec

Prus-

sur sa

au

mipoint francs-ti-

des

blouse

delà

son bleue, il devait

son

misérable, aspect on l'arrête. Restait à l'interroger. Il paraitre suspect eut beau se réclamer du général fixer la place d'Exéa, où l'on trouverait ses papiers non loin de là, cachés, au bout d'un sous une grosse nos champ, pierre guerriersd'occasion ils l'avaient fait fusiller, comme on

lui

on

le

jours,

nevoulaient mettre à genoux

soudain quand quelqu'un Réflexion pris de scrupule. lie les poings, et haut le conduit au fort de Noisy. au

bout

desquels

il

fut

rien

entendre.-

et s'apprêtaient de la bande faite, pas,

à

on

Déjà à le fut

le relève,

grand

II y demeura On renvoyé.

tapage,

cinq s'était


E p –<

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<U a 1



LE

SERGENT

HOFF.

169

mais

ce temps-là nos pendant généraux plus d'espion. Hoff s'était avancé par Merville, jusqu'aux maisons de Neuilly-sur-Marne premières il s'était rendu compte du nombre des ennemis, il connaissait leurs positions, leurs ouvrages, et il avait résolu de tenter un grand coup. Tout ce charmant pays est admirablement une de disposé pour guerre surprises des des bouquets partout plis de terrain, de bois, des haies vives. Au milieu et plantée de beaux arbres, la route de passe Strasbourg, que continuent Neuilly et sa Grand'Rue. On arrive alors sur la place de édifice roman du xm" siècle, à cintres l'église, bas et rapprochés, à clocher tuiles en forme carrée coifféde trompé n'avaient Conduit

de pignon. Dans toute sa la Grand'longueur, Rue avait été dépavée, et les blocs de grès arrachés, puis l'un sur l'autre, méthodiquement fairangés saient comme un immense damier. En cas de sortie, notre artillerie eût été arrêtée dès les premiers à travers pas, forcée deprendre champs; mais l'ennemi n'avait tout Par les pas fossés prévu. la route qui des deux côtés bordent de Strasbourg, Hoff a fait avancer sa troupe dans la déjà il pénètre de fusils Grand'Rue, quelques coups s'échangent, trois ou quatre hommes tombent du côté des Prusles autres s'enfuient. On combattit siens, encore ur la place de l'église, mais ce ne fut qu'un instant. Ils avaient été si bien surpris réunis dans que plusieurs, l'ancien café du village, s'amusaient alors à jouer au billard ils n'eurent de s'échapper que le temps par les jardins, laissant les billes sur le tapis. Dans où ils avaient établi un poste l'église, de cavalerie, l'autel était souillé, les vitraux des vêtements brisés, sacerdotaux mis en pièces étaient épars sur le sol. La du sergent première fut de courir pensée à la cloche et de sonner le tocsin pour épouvanter les fuyards !a corde ne se trouva Hoff prit aussitôt plus. toutes les


170

LE

mesures

SERGENT

nécessaires

grimpèrent allèrent

dans

deux le

clocher, la route,

HOFF.

hommes, par en observation,

son

ordre, d'autres

surveiller du côté de la Villele reste se répandit un peu partout, Evrard aux endroits les plus exposés. Hien n'était fini en effet vers la gauche, à l'abri d'un rideau d'arbres d'où l'on ne pouvait les guère les Prussiens déloger, avaient leurs réserves. Hofl s'attendait à être attaqué il le fut, et par des forces telles toute résistance devenait que Les impossible. à leur durent se replier nôtres, en hâte, tour, il fallut même abandonner les deux hommes qui occupaient le clocher. C'étaient un simple soldat et un caporal, du nom de souffreteux et débile, du moins Chanroy, en apparence, mais d'un à toute courage épreuve. Par bonheur ne songea pour eux, sur personne l'heure à visiter le clocher; mais leur situation n'en était pas moins Du haut de la poutre où ils critique. se tenaient ils avaient vue sur le poste accroupis, les rentrés dans cavaliers, et repasl'église, passaient saient sous leurs pieds. Un mot, un accès de toux, se détachaitt quelque plâtras les perdre; pouvait au moindre l'ennemi bruit, montait. Une

seule

consolation

leur

à outrance, merci, jusqu'à dans l'étroit escalier de leur vie. Hoff

cependant il a fait

ne

les

restait

la la

alors

dernière tour

oubliait

lutter

sans

cartouche, vendre chèrement sans

et

de perdre demander du renfort temps, au village le plus voisin. Des francs-tireurs francss'y trouvaient, tireurs de la Presse, une trentaine qui lui envoient d'hommes et un lieutenant; le sergent commandera comme de raison. Ainsi seul, renforcée, par le même la se remet chemin, en marche. petite troupe Mais il a fallu attendre la nuit. sont Que devenus Chanroy et son camarade ? Auront-ils cachés si long. pu rester bondit en avant; temps ? Hoff le premier une seconde pas;


LE

SERGENT

HOFF.

171

fois tes Prussiens se sauvent'presque sans surpris combattre. Au pas de charge., on enfile la Grand'sur la place en ce moment, contre Rue, on arrive toute attente, les deux hommes sortaient de l'église, mais les traits à creusés, pâles, méconnaissables la force de tenir leurs fusils. peine avaient-ils Ils avaient heures dans cette passé quarante-huit tour ouverte à tous les transis de serrés froid, vents, au mur, n'osant ni broncher ni parler, sans autre nourriture biscuit ils chancelaient qu'un chacun; comme des hommes ivres. Ils essayèrent de manger, mais ne purent; avait été trop on l'épreuve pénible, dut les envoyer et depuis lors à l'ambulance, ni l'un ni l'autre bien relevé. ne s'est jamais cette fois nous à appartenait. Renonçant Neuilly les ennemis s'étaient retranchés l'offensive, plus au loin dans les vastes bâtiments de la Ville-Évrard, l'asile d'aliénés bien connu, où devait plus tard périr le général et de là ils promenaient la nuit Blaise, des feux toute nouvelle électriques pour prévenir attaque. Ils avaient du reste en deçà de Neuilly conservé un avancé. C'était le cimetière, situé au centre poste d'une vaste plaine le plateau et que domine d'Avron, Ils s'y glissaient isolé de toutes parts. le soir par der. en rampant le long des sillons. Avec de rière, l'audace et pourvu fût lestement conque l'affaire encore les surprendre. Ainsi duite, on pouvait pensa de sa lorgnette avait reconnu Hoff, qui au moyen des chasseurs saxons. La nuit venue, à plat ventre, selon nos hommes se dirigent vers le cimetière. l'habitude, à la porte, Se présenter il n'y fallait point songer; elle devait être barricadée. Le plus court était de tourner le mur et de gagner la brèche d'enqui servait trée à l'ennemi; mais dans cette immense toute plaine dénudée il n'était facile de s'avancer sans être guère Ils approchaient aperçu. cependant; déjà le mur était


172

LE

SERGENT

HOFF.

un Wer da retentissant se fait enten< tourné, quand Hoff enallemand; tais-toi! dre. –-«St~,s~n répond s'élance se~i le sergent saxon 1 –Et officier aussitôt; une lutte terrible hommes le suivent; s'engage corps En un instant, une vingà corps au milieu des tombes. le reste s'échappe taine de Saxons périssent égorgés, éperdu. des Allemands, leur être la colère Quelle devait d'un tel adversaire! Un en présence terreur aussi, d'en juger. A droite nous permettra naïf témoignage est une petite au bord de la route, de la Ville-Evrard, bâtis de plâtre et de bois basse avec appentis maison dans le mur, et auil y a trois meurtrières percées bien suivante dessous faut mourir l'inscription ~Ubert Lo/Yarc~, Sa-~OK. de Prusse. jeune pouWero~ ces caracbelle écriture Voilà bien cette gothique, un peu retrouve et inclinés tères parqu'on longs souillant les murs de la guerre, tout, hélas! depuis et qui du Rhin à la Mayenne nos maisons, marquent de l'étranger. le passage est répété deux ou trois Le nom Albert Lo ftardt tes longues Pauvre chasseur fois. saxon, pendant heu res de faction sur la terre de France, peu t'importait, alleles succès de la grande n'est-il patrie pas vrai? ne te rassurait t du vieux roi Guillaume mande,et lagloire du sergent Hoff! sur le dangereux voisinage guère n'étaient Du reste, les ennemis pas seuls à souffrir. du En dépit des précautions, Hoff, lui aussi, perdait au ne revint et sa petite troupe monde, pas toujours surtout étaient Ces murs crénelés terribles; complet. on ne pouil arrivait par là deux feux de file auxquels bien du mal. Quand un et qui faisaient vait répondre ses était tombé, avec leurs sabres-baïonnettes homme une fosse et l'enterraient au camarades lui creusaient son rapport, Hoff faisait Au retour, même endroit. un autre sa donnait le nom de l'homme mort, prenait place, et tout était dit.


Combat

'~eNeuii誰y-sur-Marne.



175

LE SERGENT HMT.

nul qui s'effrayât les survivants, Parmi pour si peu et leur rage en étaient leur ardeur tout au contraire de les retenir, Plus d'une fois Hoff fut forcé accrues. N'est-ce sur les cadavres. acharnés ils se seraient leur attestent ainsi que les peuples sauvages point n'y peut victoire ? Il faut bien le dire, et notre orgueil au fond ou au Mexique, chez les Peaux-Rouges rien: sur

les

bords

de

la

ou de la Kabylie montagnes à des périls la même est partout cette guerre Seine, de ruse et d'astuce, dans une lutte toute incessants, féroles instincts la tête se perd, le sang s'échauffe, civilisé bien vite a et sous l'homme ces se réveillent, l'homme sauvage. reparu tandis que ses camaque personne, plus S'exposant Hoff à ses côtés, tombaient l'autre l'un après rades avait failli périr. fois Lorsqu'il aussi plus de mille il avait de la guerre, le ministre allé trouver était

des

en quatorze son képi, percé endroits; du remplacer littéralement étaient sa capote, criblés; son pantalon, il n'avait été jamais étrange, mais, par un bonheur de Près de la route atteint. sérieusement lui-même une balle au mollet droit, il reçutunefois Strasbourg, en expédition, il était alors pour ne pas et, comme entiers deux jours il la garda sur ses pas, revenir elle lui fut enlevée dans les chairs: par un chirurgien de près par deux autre Une de mobiles. fois, serré au d'eau et large un fossé plein en sautant uhlans, un effort. Il n'en il se donna moins de quatre mètres, ne semla souffrance continua pas moins à marcher: enfin, blait pas avoir prise sur lui. Le 2 décembre un coup de baïonau bras gauche il recevait à Villiers, sans gravité. nette, également à l'époque Nous touchons où, sans que personne Hoff disparut soudain, pût dire ce qu'il était devenu, dans Paris à de si étranqui devait prêter disparition on déjà, Depuis quelques jours ges suppositions. Le sortie du côté de la Marne. une grande préparait


LE

~6

SERGENT

HOFF.

ainsi sur il prit part à son corps fut rappelé sergent de Champigny, de bataille aux deux jours la gauche les rangs dans qu'il fut fait en combattant et c'est lui qu'étant devant Comme je m'étonnais prisonnier. à se rendre: consenti il eût caractère son donné Ah! me répondit-il. parbleu! « Cela vous surprend? car j'avais étonné moi-même, bien plus j'en ai été Que voulez-vous? mes idées ûxéeslà-dessus. d'avance Enfin s'est ce qu'on promis. on ne fait pas toujours arelle m'est comme la chose dire vous je vais rivée. avions nous bien: tout allait passé « Le 30 encore, il est vrai, avec des pertes enlevé Petit-Bry, la Marne, de grand'on s'arrêta, je fus placé et le soir, quand du parc de en face ma compagnie avec juste garde mur blanc ce grand bien? savez qui vous Milliers, Toute sont restés. et où nos zouaves le plateau coupe sur Villiers. tonna artillerie notre la nuit, foi je de bonne le jour parut, « Au matin, lorsque Avec mes de l'avant. marcher allait qu'on croyais ainsi J'arrive nos lignes. déjà sorti de hommes, j'étais de à dix pas ils étaient moi, Prussiens: jusqu'aux dans nous nous regardions trous: dans leurs enfoncés ils ne tiraient on dit, mais comme des yeux, le blanc chercher en arrière Je dépêche m'étonnait. pas. Cela vite que je ne au plus on me répond des instructions vient d'être armistice qu'un dois pas ttrer le premier, formel. blessés et les les à relever nous mettons « Nous de ce côi.e, des Franbeaucoup il y en avait morts: étaient les les Allemands mais des Allemands; çais, un de leurs Je rencontrai majors qui plus nombreux. bien de nous avez donné « Ah! oui, vous me dit il regardait avec sa lorgnette » – et debout l'ouvrage! cherchant à reconnaitre de neige, couverte la plaine d'un était le cadavre trou d'un Près les siens. grand dans une le trou, tué avec son cheval saxon général conclu.

L'ordre

était


u 'T3 &~

RÉCITS

D'UX

SOLDAT.

12



LE

SERGENT

HOFF

179

c'est là qu'ils de blessés des deux pays: quinzaine avaient la nuit par un froid terrible plusieurs passé étaient l'un des PrusQuand déjà morts. j'arrivai, siens donnait à boire à un mobile qui, la jambe fraPlus cassée d'un éclat râlait d'obus, péniblement. des artilau milieu des vignes, loin, le long des haies, noirs. dans manteaux leurs couchés leurs grands à les enterrer. Les travaillaient Leurs camarades d'un pied à peine, fosses n'étaient pas bien profondes, mais à chacar la terre était toute durcie par le froid cun des morts, les autres un sous la tête, glissaient obus chargé. Il parait que c'est l'usage dans ce corpslà leurs plus tard, quand on retrouvera os, on saura. étaient la croix artilleurs. Des brancardiers, qu'ils les voitures et repassaient; rouge au bras, passaient d'ambulance arrivaient à vide et partaient remplies. les blessés; mais en Oui, c'est fort bien de relever attendant les Prussiens leur Par renforçaient ligne. au travers des bois, on les voyait files noires, longues arriver sans cesse, et se masser devant nous. arriver, Voilà leurs furieux. réserves Moi, j'étais qui vont me disais-je, et demain nous serons battus. donner, Je ne m'étais pas trompé. a Le lendemain, comme vers cinq heures, j'allais mon café, car je voulais être prêt à tout, des prendre cris aux armes! La première sur ma gauche. partent d'avancée laissé s'était On compagnie surprendre. m'a dit depuis étaient arrivés que les Prussiens jusrelevé des cadavres à qu'à la Marne, et qu'or. avait mètres du bord. quinze Notre régiment tint sans faiblir dans par bonheur mais nous, nous étions Il y eut tournés. Petit-Bry un moment de mêlée à l'arme c'est là que blanche saxon un coup de baïonnette j'ai reçu d'un chasseur au bras la panique se mettait gauche. Cependant mon capitaine,avec les hommes le plus grand parmi se lance vers la droite et tâche de rejoindre nombre,


LE

180

SERGENT

HOFF.

Bien le gros de nos troupes. peu y sont parvenu?. de rallier les derniers un d'eux, Moi, je m'occupe couché s'était dans un sillon, et par terre épouvanté, les mains se cachait la tête entre ne rien voir et pour ne rien

C'était

entendre.

le tailleur

de

la

compagnie. ce fusil prends

lui dis-je, le fusil d'un homme tué il ne remuait de nous. Comme pas, je lui assénai 'près si violent de crosse sur la tête un coup le sang que sans rien Il se leva alors le fusil et dire, jaillit. prit revu Je l'ai marcha. plus tard en Allemagne je me de lui. moquais « Allons, et suis-moi.

« J'avais

allons, » -Je

lève-toi, lui tendais

de la

pu

sorte

je les égrène nous la droite, de Petit-Bry près du parc Par le parc était occupé. Vous

des côtés, connaissez

mène

au

plants res

de vignes nous nous

une

d'hom-

poignée en tirailleurs, nous et, de nous essayons dégager

mes, vers

deux

réunir

d'aller

impossible

faufilant mais plus loin, sur les

devant, par derrière, des Prussiens Prussiens, partout. la hauteur de Bry qui du village de Villiers. Il y a là, à mi-côte, des

plateau

et des

entremêlés vergers blottîmes comme nous

de

cultu-

au pûmes et, demeu-

aux creux des sillons, vignes, dans ce grand rant inaperçus tumulte de la bataille, à brûler nos cartouches. nous commençâmes Chaque les miennes furent Quand coup portait. épuisées, je d'un mobile petit qui gisait près de moi, je pris celles revers

ne

des

sais

me permit « Or, vers

cela

de dix

trailleuses, venaient

installées les

coteau.

Ions

allemands

Par

malheur,

les

ouverte,

plus longtemps. évidemment heures,

dessous; les nôtres

échoué,

tête

bras

en

croix:

tirer

le

avaient

du

la

comment,

leur

les

mouvement

Prussiens

tournant

avait

l'offensive.

reprenaient de l'autre

côté

de

Nos

mi-

la

Marne. les flancs

et balayaient d'écharpe à voir que ces épais batail plaisir fauchés tombant entiers! par rangs

prendre C'était

nous

étions

en

leur

compagnie-


LE

et

SERGENT

HOFF.

i8t

les arrivaient balles nous. également pour < Je connaissais si particulier déjà ce bruit rauque d'une mitrailleuse mais c'est là que j'ai pu qui part; curieux connaître le bruit non moins de la décharge arrive. On dirait, par un coup de vent, la lorsqu'elle sur un toit. Les les cailbranches, grêle frappant autour de nous. En quelloux, la terre, s'éparpillaient furent étendus mes hommes il morts, ques minutes, n'en restait avec moi; encore l'un plus que deux avait-il les deux genoux celui-là ne compfracassés, tait pas. L'autre il s'est fait plus Besançon; s'appelait tard tuer dans Paris en revenant de captivité. Je le vois encore derrière un poirier avait choisi qu'il l'arbre mais l'homme était était criblé, pour s'abriter sans blessure. Je n'avais rien attrapé, moi non plus. « Cependant les Prussiens avaient une conopéré version à droite; sous cette lentement, par échelons, le plateau ei, se rappropluie de feu, ils remontaient nous allions être ramassés. Je n'avais chaient plus une seule, que j'avais tenue en récartouche, qu'une serve pour ce moment-là. Je pressais déjà la détente, j'en tuais encore un,et c'était fini. « Sergent, sergent, me cria Besançon,vous voyez bien qu'on ne peut plus à quoi bon nous faire massacrer se défendre ici ? J ai une femme et deux enfants, » Je le resergent il était toujours là derrière son poirier, me gardai tendant les bras d'un air si étrange que je me sentis ému. Je détournai la tête et je jetai mon fusil. Quand les yeux, ces s. Allemands étaient je relevai déjà sur nous. }) Pendant ce récit de Hoff, nous étions arrivés sur le de Villiers il avait tenu à revoir l'endroit. plateau C'était par une belle après-midi d'automne. Le soleil, à son coucher~ et cette vaste ensanglantait l'horizon, récemment avait une tristesse plaine, moissonnée, indicible. Peu ou point d'arbres ils ontétécoupés, la mitraille les avait hachés. Seulement aux flancs du


Î82

LE

SERGENT

HOFF.

au sommet une foule de tertres de coteau, surtout, diverses des couronnes, sur ces tertres, des formes; croix de bois blanc avec des inscriptions tracées au la plupart crayon, pieusement banales; quelques-unes de ces croix portent des noms allemands. C'est là qu'ils dorment tous ceux pêle-mêle, qui en ce jour luttèrent et succombèrent en pour leur patrie sombres chasseurs saxons et zouaves combattant, bavarois à grand éclatants, manteau bleu et dragons à capote grise petits mobiles Chemin nous heurtions du pied des éclats faisant, de vieilles d'obus, des morceaux de cuir gamelles, racornis autrefois des képis par la pluie, qui furent ou des casques. Par le sol bosselé endroits, était fendu de sinistres et des essaims crevasses, de mouches bleues grosses bourdonnaient à l'entour. 11 et le terrain y a là aussi des corps enterrés, vaut ':her de ce côté, les paysans vous le diront. Petit à petit, le plateau se nivelle, le nombre des tertres diminue, la charrue étend loin ses sillons. chaque jour plus moissons et ces traces Quelques encore, de mort auront sous les efforts pour toujours disparu réunis de l'homme et de la nature qui oublie, qui pardonne.

III en se voyant Hoff circonspect, s'était pris, bien vite de ses papiers, de ses galons et son identité; qui eût pu établir il savait la générosité trop quel sort lui réservait prussienne, s'il était jamais reconnu. Sa présence le d'esprit sauva. Sur l'heure, il fut saisi, déboutonné, fouillé, et, comme il avait encore sur lui sa montre et son couteau, on les prit inutile de dire qu'on ne les lui a pas rendus. C'est assez l'habitude chez ces gens-là; du Toujours débarrassé de tout ce


LE

SEHGEXT

HOFF.

183

au petit, la guerre est pour eux comme une grand vaste et la victoire ne leur commerciale, opération est glorieuse des profits qu'en proportion qu'elle Hoff les suivit deux heures encore dans leur apporte. il fut joint à d'autres mouvement de retraite, puis et dirigé sur Lagny. prisonniers Dans étaient réunis deux ou trois cents l'église hommes tombés aux mains de l'ennemi dès le début Hoff reconnut de l'action. le capitaine qui le matin, avec sa compagnie, s'était laissé et que surprendre, des soldats accablaient de reproches lui exaspérés Un autre un lieutenant, était assis oflicier, pleurait. tristement à l'écart on l'accusait de s'être évadé de Sedan après la capitulation, d'avoir à ses donné l'ordre hommes de tuer les blessés; et ils allaient le fusilier. Celui qui l'avait dénoncé était un Alsacien, un petit homme de dix-huit volontaire ans, jeune engagé Le fait, à notre honneur, pour la durée de la guerre. a été rare, et, durant les épreuves d'une longue capnos malheureux ont su rester tivité, compatriotes mais il y a des misérables unis partout. Quelquesuns sans intention se laissaient aussi, mauvaise, aux façons de prendre trop facilement engageantes nos ennemis on les faisait causer, on les faisait boire, ils en disaient ne et, le vin aidant, parfois plus qu'ils voulaient dire. -le petit traitre Quand rentra dans d'où il était sorti a l'heure du diner, il était l'église, amis les Allemands eurent l'ativre, et ses nouveaux tention de l'étendre sur une botte de p aille les autres couchèrent sur le pavé. Les Prussiens furent-ils pris de pitié ? eurent-ils honte de condamner un homme sur le seul témoid'un enfant aviré? Le fait est qu'avant d'exégnage cuter leur menace ils interrogèrent d'autres soldats ces explications nouvelles les satisfirent sans doute, fut épargné. car l'officier Seulement tout le long de la route on le surveilla de près.


184

LE

SEMENT

matin et sous De grand formés en convoi, niers, avant marchait un fort

HOFF.

bonne avaient

poing,

accompagnaient s'écarter un s'arrêter, de crosse grands coups

prisonEn Lagny.

quitté

détachement

un second saxons, peloton les flancs des cavaliers qui

les

escorte, de

venait

fantassins

en

arrière, en serre-file, la la colonne. Quiconque

et

sur

lance

au

voulait

à peu, impitoyablement, ou de bois de était lance, dans les rangs. Hélas il s'est renouvelé bien rejeté des fois, ce triste sur les routes de France. défilé, Plus il allait

le lieutenant, un autre des prid'une attention était toute l'objet spéciale; et entre baïonnettes. seul, par devant quatre

C'était

un

cheveux

gris, blanche.

sonniers

blouse

encore

que

d'une

homme

d'années, sombre

quarantaine un

portant Il avait

pantalon été pris dès

le

30, non

aux et une loin

de

–un de nos espions très probablement. Pépinière, « Oui, oui, espion, » fusillé! criaient les fusillé, Prussiens d'une voix en lui montrant les rauque Le malheureux devenait blême et essayait de poings. « Il n'était se défendre. Il qu'un pauvre paysan. allait chercher du vin. On l'avaitarrcté, pourquoi? II l'ignorait. II ne sortait pas de là, et il avait il parlait l'air si sincère, d'un ton si simple et si la

naturel

les

Mais

bourreaux

ne

voulaient

les

la autres, par ils avançaient, seuil lorsqu'au

rien

croire. à IIoff, Quant quant comme bouc et la neige, et lorsqu'ils traversaient

à

des

les

maisons

les enfants,

tous

un un

les regardaient leur, passer, ne la tête pour saient qu'on alors de grosses pleuraient rage et d'humiliation. On arriva ainsi, et

de

l'église.

Mitry Les

à

toujours Dammartin.

malheureux

troupeau

village, muettes femmes, eux brusquement vit

la

bais-

et figure, des larmes

pas

larmes, à pied, Là

de dou-

de on

marchaient

ils de

Chelles fit

à Mitry halte dans

depuis

deux


Par

la boue,

par

la neige,

comme

un

troupeau

i!s avanรงaient.



LE

SERGENT

HOFF.

187

bien repus, mais les convoyeurs, semblaient se jours à peine que ces hommes douter avoir faim; pussent avait encore donné du pain qu'une on ne leur fois, Du moins et en quantité dérisoire. fut-il permis aux de venir les voir aussitôt toute gens de Dammartin cette bonne population d'accourir portant qui de la soupe une bouteille de qui de la viande, qui était venu vin. Le maire lui-même et présidait aux distributions. Les

officiers

l'attirèrent à l'écart ne prisonniers de façon ou autre, faire évader deux pourrait-il, à qui tout le monde hommes un vif intérêt ?2 portait Hoff et le lieutenant. C'étaient Le maire, un vrai n'eût mais aucun patriote, pas demandé mieux n'était réellement nos moyen praticable. Cependant soldats et, mêlés à eux, les habitans de mangeaient, la ville s'étaient dans l'église. Les Prusrépandus siens semblaient se relâcher un peu de pour l'instant leur vigilance. évasion tenter en effet hors de Quelle cet édifice nu et dépouillé, dont toutes les issues étaient soigneusement gardées? lui-même avait été rendu à une liberté L'espion relative. Hoff venait de l'apercevoir: il se tenait près la tête en avant, de la porte, les narines dilatées, le d'un tout tremblement corps agité fébrile, regarEn même dant au dehors. une petite temps passait vieille d'un et d'une Hoff chargée panier soupière. saisit la soupière, la met entre les mains du malheureux, puis fait le geste de la retirer.–s Allons, sauve» lui dit-il tout bas. L'homme toi a compris. Une lutte s'engage entre lui tirant d'un Hoff eux, côté, de l'autre, comme s'il réclamait un reste de soupe, et ainsi bataillant ils se rapprochaient de la porte. En fin de compte, le factionnaire impatienté, attrape notre espion dehors il l'avait par le bras et le pousse un des habitants de la ville. pris pour Ah le pauvre et comme il quelle joie pour diable,


188

l.E

SEhGEKT

HOFF.

dut avec bonheur de respirer le grand air de la liberté! 1 Ii eut du reste la présence de n'en rien mond'esprit trer, et Hoff le vit disparaître au tournant d'une rue, marchant d'un pas aussi égal et d'un air aussi insouciant à la mort. Le que s'il ne venait pas d'échapper au départ, les Prussiens lendemain, quand passèrent leurs en revue, les officiers les d'abord, prisonniers soldats sur trois rangs, ils ne trouvèensuite, placés rent plus leur nombre. Ils eurent beau compter et reil leur manqua compter toujours quelqu'un. A partir de Soissons, le reste du voyage se fit en chemin de fer; il n'en fut pour cela ni plus rapide ni Le train avançait dans la plus agréable. lentement, crainte des francs-tireurs, fois déjà qui plusieurs avaient coupé la voie, et nos pauvres soldats, empilés dans des wagons à bestiaux brisés par les cahots et grelottant de froid, en étaient à regretter presque de ne pouvoir En chemin, faire à pied la route. à plusieurs de longues bandes de prisonniers vinreprises, rent s'adjoindre au convoi ceux-ci avaient fait partie de l'armée de la Loire tous du reste étaient dirigés sur le camp de Grimpert, aux environs de Cologne: ils y entrèrent le 8 décembre, et la vie de captivité commença pour eux. Bien d'autres, ont eu à raconter les par malheur, mêmes misères ces baraques de planches par où passaient les vents et la neige, le travail forcé de chaque la brutalité des soldats allejour aux fortifications, mands à coups de crosse activant En cas l'ouvrage. d'évasion les prisonniers avaient dû possible, quitter leurs souliers et chausser d'énormes sabots. Chacun d'eux en outre, comme nos anciens forçats, portait, sur l'épaule cousue une large bande de toile droite, d'un numéro matricule. Ils ne recevaient de marquée vivres fois par jour du pain noir. du riz, des qu'une lard quelquefois la ration secs, du mauvais légumes de trois hommes n'aurait pas même sufu à satisfaire


LE

SERGENT

HOFF.

i89

d'un seul. Encore les vieux de lonl'appétit soldats, leur gue date faits aux privations, pouvaient prendre mal en patience et ne souffraient mais il y pas trop; avait là des jeunes gens, des mobiles force qui dansta de l'âge, accoutumés chez eux à bien vivre et à bien mouraient de faim littéralement. manger, A l'heure des repas, ils allaient crainpar groupes tifs rôder autour des versant des postes prussiens; la main larmes et tendant de leurs enpour obtenir nemis quelque reste de soupe. Ceux-ci l'estomac alors, leurs content, plein et le cœur prenaient gamelles vidées et les remplissaient aux trois quarts d'eau jusle tout aux pauvres bords, puis ils offraient qu'aux et de rire Ils trouvaient cela plaisant. A affamés, on le comprend,, la santé la plus robuste ce régime, n'aurait toussaient pas résisté longtemps beaucoup traînaient parmi ces hommes, quelques jours, et moumatin sortait du camp un long fourgon raient chaque les blessés de cadavres mal soignés étaient rempli les premiers. partis Heureux avait un peu d'arqui dans cette misère en payant se procurer gent sur lui etpouvait quelques la douceurs! mais de tout. C'était plupart manquaient Hoff. A Paris, le cas du sergent ses longues pendant il négligeait souvent de toucher son prêt, expéditions, dont il n'aurait eu que faire au dehors, et lorsqu'il fut il se trouvait sans un sou vaillant. Peu pris à Villiers, du reste, car son argent, lui importait à coup sûr, eût des Saxons suivi aux mains la même route que sa et que son couteau. montre Le camp de Grimpert restait affecté aux proprement soldats. Des officiers en prisonniers, lesunslogeaient ville à Cologne les autres, ceux qui ne pouvaient une chambre, ceux aussi n'avaient payer qui pas voulu donner leur parole, étaient internés dans le bâtiment de la manutention, de l'autre côté du Rhin. une corvée Un jour, comme sortait du camp pour


1~0

LE

SERGEXT

HOFF.

furtivement chercher du pain,Hoff s'étaitglissé parmi il voulait voir son lieutenant, les hommes désignés avaient celui même que les Prussiens M. Magnien, les voitures il Tandis failli fusiller. charge qu'on et entre chez le lieutenant. à s'esquiver, Pluréussit là réunis, de toutes armes étaient officiers les sieurs de Sedan. Au nom de uns venus de Metz, les autres connaissaient et vinbien, tous se levèrent Hoff, qu'ils on le fit asseoirpour la main; rent lui serrer déjeuner, du de la guerre. On on causa de ses exploits, pays, la chose parût quoique parla même un peu d'évasion, Le déjeuner tirait à sa fin, lorsqu'un malaisée. assez de la garde, sans à mal officier des zouaves songer donc ce qu'on –aA dit Hoff, s'écria-t-il, voyez propos, et il lui tendait un là-bas c'était vous de journal de l'Indépendance un numéro belge, où se trouvaient les récits tout au long fantaisistes des reproduits de Paris. journaux le pauvre Dès les premières lignes, garçon changea s'étaient de larmes, ses yeux et de couleur; remplis On essaya dans ses mains. le papier tremblait de le ne de telles inventions méritaient consoler point d'ailleurs ? y croire s'y arrêtât qui voudrait qu'on N'était-il son toujours pas bien connu ? Lui, contenait comme en ce moment de la émotion puis, l'appel corvée se faisait dans la cour, il salua et sortit. Il marau milieu des rangs, ne parlant cha quelque temps le coup l'avait atterré; rien: mais, pas, n'entendant du Rhin arrivé sur le pont mène à qui de Cologne il vit en face do lui ses malheureux Deutz, quand des baïonnettes compagnons qui, sous la surveillance travaillaient allemandes, pour nos ennemis auxépaud'une nouvelle lements il songea à redoute, quand tout ce qu'ils avaient à tout ce qu'ils devaient souffert, souffrir alors la rage le mordit au cœur. encore, lui avaient Que Lui, un traître lui, un espion donc servi son dévoûment, son courage, ses longues


LE

SERGENT

HOFF.

191

ennemis nuits passées et trente-sept sous la neigé, sa Tournant tués de sa main en combat singutier? il mit sa capote eïii<mibeaux; fureur contre lui-même, et couveril brisait rentré au camp, tout; planches – Je la baraque. dans tures volaient rouge, voyais un de ces hommes eût été là, je j'étais fou, disait-il; ]) le tuais à le calmer; A la longue, ses camarades parvinrent désormais rentrer mais il n'eut plus qu'une pensée chercher ceux dans Paris, qui l'avaient calomnié, au besoin même se faire obtenir d'eux réparation, justice. vint pour un moment terrible Un danger occuper 'lA. V \.AV de ses ~v de vengeance. et et le distraire \A.LO\l&. son projets J l'a. esprit it Il avait pris le nom de Wolff et se disait natif de Colune imprudence mais avec tant de monde était mar offert alors pour faire la cuisine; Il s'était à craindre. il parlait bien les comme Prussiens l'allemand, Un de ses vieux camarades, l'avaient Huguet, accepté. marché avec lui autour de Paris, qui avait toujours d'aide cuisinier, distribuaitla lui servait soupe, décoului évitait enfin tout rapport avec les pait la viande, Cela dura près d'un mois. Chaque autres prisonniers. les sous-ofïiciers allemands venaient matin, prélever bien chaud sur le maigre ordinaire des un bouillon A part cela, ils ne s'occupaient soldats français. guère ni de son aide. du cuisinier surveillé un depuis peu Hoff se sentait Cependant brave garçon avait même eu soin Hanovrien, celui-là, Sans doute, mot inconsidéré de le prévenir. quelque au vol dans les baraques avait donné l'éveil surpris mieux que nos journaux à quoi s'en tenir et, sachant les Prussiens le cherchaient sur le faux espion, partout. Un jour qu'il se trouvait dans sa cuisine, en appaà ses fourneaux: « Sergent rence tout Hoff » lui crie-t-on de la porte. Il fit la sourde oreille et ne bou-


LE

192

SERGENT

HOFF.

« Sergent Hoff r répète-t-on par deux fois. gea pas. allemand à se C'était un officier qui, pour l'obliger à cette ruse. Un peu déconavait eu recours découvrir, de lui, et, lui tapant certé d'abord, l~o iYicier s'approcha « Vous êtes le sergent sur l'épaule légèrement bien vite le vieux Hoff? lui dit-il. Moi? reprend soldat

en

se

retournant

d'un

air

étonné

vous

vous

-et trompez, je m'appelle Wolff, je suis de Colmar à raconter L'Allemand son histoire. déjà il commençait haussa les épaules, sourit complaisamment d'un épais sourire rendre et sans discuter qu'il voulait malin, le fit conduire au cachot. davantage tant de rigueurs, et comment Pourquoi expliquer tardives contre un ennemi vaincu? ces représailles inS'il faut en croire d'autres prisonniers qui furent de l'Allemagne et qui de ternés dans divers camps lu l'affiche, la tête de Hoff leurs propres yeux auraient milliers avait été mise à prix de thapour plusieurs lers. On lui reprochait de faire la guerre d'une façon A ce compte, non en soldat, mais en assassin. déloyale, levèdes Bavarois qui le matin de Villiers, que penser rent la crosse en l'aircomme s'ils voulaient se rendre, et les mitraillèrent laissèrent les nôtres à approcher bout portant aussi de ceux qui, en bas ? Que penser du plateau en deux d'Avron, partagés lignes, pour nos mobiles, tiraient à blanc mieux tromper les uns un engagement sur les autres et simulaient entre et Prussiens? Au bon moment, ils se retourFrançais nèrent et firent feu tous ensemble. Ce sont ruses permises après tout, et nous ne nous en indignerons pas. Dès l'instant il faut l'admettre qu'on admet la guerre, dans toute son faite de haine et voulant horreur, tuer. Jusque-là nos ennemis demeuraient donc, logimais où l'on a mauvaise c'est lorsqu'en ques grâce, étant si peu scrupuleux soi-même on voudrait pour d'autrui la générosité. toutes exiger d'âme, lagrandeur belles vertus ne pratique qu'on pas.


LE

SERGENT

Hoff

HOFF.

193

trente jours entiers à la citadelle de Cologne., dans un cachot de six plongé et nourri au pain et à l'eau, pieds sur quatre sans même qu'il lui fût permis de changer de linge. On le de questions, mais il persistait pressait à n'avouer rien. C'est alors qu'une lettre arriva pour lui au camp de Grimpert. dès les premiers du Lui-même, jours Quoi

mois

qu'il

de

en

soit,

avait

décembre,

passa

écrit

à

ses

parents

un

petit

billet qui se terminait sans plus ainsi, et j'ai changé, il signait comme de vrais paysans, Wolff. Madrés ceuxci comprirent à demi-mot et répondirent au nom indiétaient qué. Pour le coup, les Prussiens déroutés. On le fit comparaitre encore un conseil devant de guerre, on interrogea même ses camarades à plusieurs tous furent unanimes à reconnaitre reprises en lui le nommé de Colmar. II fallut bien le relâcher, Wolff, et il rentra dans les baraques. Le temps marchait l'armistice était cependant; les prisonniers signé, la guerre finie allaient revenir en France. rien à craindre N'ayant plus désormais, Hoff se donna le plaisir de laisser voir sur sa capote un petit bout de ruban les ofRciers allerouge mands jetaient un coup d'œil de travers et passaient. du nord étaient évacués. Déjà les camps Hoff revit son frère cadet, à pied dans l'armée qui, chasseur de de Kœnigsberg, Metz, rentrait où il avait été interné il apprit de lui que leur vieux père vivait mais encore; un troisième soldat de Metz également, frère, était tombé à Gravelotte. Les premiers troubles de Paris, la proclamation de la Commune, le prétexte spécieux tirèrent les qu'en Prussiens tout à coup le rapatriement pour arrêter de nos prisonniers, tout cela prit un mois encore. Quand l'ordre du départ arriva Hoff réussit à faire enfin, mais dans quel état d'abaispartie du premier convoi; sement trouvait-il la France A la guerre étrangère avait succédé la guerre civile. Autour de Cambrai, BÉcrra

D'pN

SOLDAT,

tj


194

LE

SERGENT

HOFF.

où le train le général Clinchant en formait s'arrêta, toute hâte avec les captifs d'Allemagne un corps d'ar. mée qui devait marcher sur Paris. Les nouveaux venus furent inscrits dans des régiments trois provisoires on partait jours après, pour Versailles. Les natures et rudes ont parfois une sensisimples bilité exquise, une délicatesse de cœur qu'on chercherait

en

vain

chez

les

hommes

de

classes

plus

élevées.

En voyant de si tristes le pauvre Hoff fut pris choses, de désespoir. Que lui importait la vie, puisque son son zèle avait été inupays semblait perdu, puisque son bras était armé tile, puisque encore et ne pouvait les Prussiens? 2 plus frapper H se trouvait alors au-devant d'Issy; il avait résolu de se faire tuer, mais l'occasion ne se présentait pas. Du haut des forts et des remparts, les fédérés faisaient et brûlaient leur plus de bruit que d'ouvrage au vent. Dans Paris la lutte devint poudre cependant, coin de rue plus sérieuse; chaque position, chaque était défendu et les insurgés, se voyant pied à pied, résistaient en désespérés. Rue de Lisbonne, perdus, Hoff s'était élancé résoprès de la gare Saint-Lazare, lument à l'attaque d'une il marchait seul, barricade; en tête, bien à découvert, ses hommes encourageant et cherchant la mort il ne la trouva pas, mais il reçut une balle, une balle française, le bras qui lui fracassa La blessure était grave; il fut soigné d'abord gauche. à l'hôpital et de là, avec d'autres Beaujon, blessés, où il sur Arras, expédié passa plus d'un mois en convalescence. Dès qu'il revint, à peine guéri et le bras encore en il se rendit aux bureaux des divers journaux écharpe, fait courir sur lui la triste qui avaient histoire que l'on sait. Quelques bien connues l'accom. personnes sa blessure d'ailleurs assez pagnaient; d'elle* parlait même.

s'excusa

L'accueil

du

courtois qu'il reçut fut des plus on rejeta la faute malentendu;

on

sur

les


LE

SERGENT

t95

HOFF.

les de contrôler sur la difficulté aux abois, des espions il sur cette manie de voir partout nouvelles, du siège; on lui proqui fut comme une des épidémies et le jour même, dans les mit une réparation éclatante, articles du soir, feuilles qui renplusieurs parurent et à l'honorabilité au courage daient pleinement justice du brave sergent.

reporters

Lui,

peu

méchant

après

tout,

se

tint

pour

satisfait.

en ce moment tous les esprits dont la événements les terribles Paris était le théâtre. presque trahison lu la grande Beaucoup, qui avaient les pas en province gent Hoff, ne connurent En France on d'ailleurs, qui le réhabilitaient. n'aimons nous vite de l'admiration pas trop Par malheur, distraits par venait d'être

étaient France désert. du ser-

preuves se lasse reconet, pour avoir les supériorités naitre qui nous gênent, même les services nous nions le droit d'être ingrats, bien des gens ne voulurendus. encore, Longtemps avec Que de fois, me trouvant rent pas être détrompés. le sergent, j'avais laissé échapper lorsque par hasard « Ah! l'espion a –faisait en se son nom quelqu'un Le pauvre soldat ne disait d'un air curieux. retournant la tête sous cette honte imméririen, mais il courbait devenait sombre. tée, et son visage et aucune Hoff ne demandait récompense simple ou il n'a jamais songé à tirer de ses exploits modeste, même est mais ce désintéressement vanité ou profit, la Commune, un titre de plus. Quelque temps après dans une armée officier un personnage, supérieur notre sergent, et là, en présence fit appeler étrangère, Hoff reun brevet de capitaine. lui offrit du consul, servi et ne servirai a Je n'ai fusa. jamais que Au ton dont cette mon pays simplement. H, –dit-il et n'insista était comprit faite, l'étranger réponse mais il saisit la main de Hoff et la serra cordiaplus; lement. de et touchante on a eu l'idée généreuse Depuis


196

LE

SERGENT

HOFF.

confier au sergent Hoff le poste d'honneur de gardien de l'Arc de Triomphe. Il y attend savraie rĂŠcompense il-veut revoir le drapeau tricolore flotter sur le clocher de Saverne.


LA

HACIENDA

ÉPISODE

DE

DE

LA

GUERRE

CAMARON

DU

MEXIQUE


p S3 X* 3 S K !=


LA

DE

HACIENDA ÉPISODE

L'armée et s'était

française

DE

LA

CUERRE

CAMARON') DU

MEXIQUE

de lever le siège de Puebla serrée de près par les Orizaba,

venait

sur repliée victorieuses. troupes ville est dominée del Bon'pgo, Cette par )e Cerro haute de autrement dit la montagne de l'Agneau, 400 mètres environ et si abrupte pas cru qu'on n'avait du d'abord nécessaire de l'occuper. Dans la soirée du 9ge de 13 juin seulement, une des deux compagnies l'ordre en avant-garde de ce côté reçut ligne placées au plus tôt; mais déjà un corps de de s'en emparer la tournant avait 3,000 ennemis, par les bois, gravi et s'y était retranché avec quelques position pièces d'artillerie. A minuit, le capitaine Détrie commence l'escalade. Les ténèbres étaient si épaisses ne distinguait qu'on le rien à deux pas les hommes, sac au dos et dans à la file, en s'aidant silence, grimpaient plus grand le long de ce mur à pic qui, des pieds et des mains, même en plein jour, avait paru inaccessible. Enfin, au predes efforts ils touchaient surhumains, après du Cerro, une décharge mier palier quand imprévue, des broussailles, leur révèle la présence de partie l'ennemi. Détrie fait mettre sac à terre et entraine sa petite en même temps, tromtroupe à la baïonnette; pour (t) Ce récit a paru dans la Revue des Deux-Mondes let i878.

le t5 juil-


200

LA HACIENDA DE CAMARON.

à il ordonne sur ses véritables forces, per l'ennemi sans ses deux clairons de sonner lui-même, relâche; tout un à commander enflant la voix, il feint d'avoir les ofnciers d'armée par corps imaginaire, appelle et les leurs noms, les bataillons numéros, par leurs lance en masse à l'assaut. on les poursuit; Les Mexicains reculent en désordre, mais à mesure ils se reforment et réapqu'on avance Pendant paraissent plus nombreux. plus d'une heure, on lutte ainsi pied à pied; mais il est à craindre que enfin de notre nombre, l'ennemi, s'apercevant petit ne parvienne à nous Détrie arrête ses envelopper. les embusque et leur recommande de rester hommes, en place sans tirer; le bruit du combat a sans aucun des nôtres doute attiré l'attention demeurés dans le sur un prompt secours. bas, et l'on peut compter En effet, vers

trois

heures

et demie du matin, arrive Leclère, l'autre compagnie commandée par le capitaine et toutes les deux réunies l'offensive reprennent En vain les Mexicains reviennent-ils deux fois à la sur les assaillants un feu tercharge et font pleuvoir de toutes les crêtes, à rible délogés attaqués corps ils lâchent corps, pied et se débandent. Saisi de panique à son tour, le gros de leurs troula plaine, dans de lever pes, qui campait s'empresse 140 soldats le siège; avaient mis en fuite une français armée. Cette coûta aux vaincus 300 tués ou surprise dont un grand nombre d'officiers blessés, supérieurs, trois obusiers 200 prisonniers, de montagne, trois fanions et un drapeau; nos pertes ne dépassaient pas Le capitaine 6 morts et 28 blessés. Détrie, qui, par sa et sa présence avait décidé du sucd'esprit, vigueur fut en récompense chef de bataillon. cès, promu Nommé tout récemment, il portait encore capitaine en montant sur sa tunique, au Borrego, les simples de lieutenant. galons A Camaron, le dénoûment ne fut pas aussi heureux


LA

HACIENDA

DE

CAMARON.

201

ne donmais il est des échecs qu'on pour nos armes, de J'ai eu l'honneur nerait pas pour des victoires. de cette affaire. Quaconnaître un des rares survivants ans environ, la taille que plutôt petite rante-cinq et vifs, les ]e teint les yeux petits bistré, moyenne, dans les gestes cette allure traits ouverts, énergiques, l'ancien militaire un peu brusque que garde toujours le capitel est au physique sous l'habit bourgeois, taine Maine, aujourd'hui en retraite. en Crid'une balle qu'il reçut A sa joue, marquée à la une large mée et qui lui fait comme fossette, sans ornant sa boutonnière, rosette d'officier peine on reconnaît qu'il a dû passer par de rudes épreuves. de Camaron, Souvent l'épisode prié de nous raconter non par fausse modestie sans il s'y refusait toujours, si honorable disait-il, doute, mais ce souvenir, qu'il Un soir pourfût, ne laissait pas de lui être pénible. le pressions, il dut céder à nos comme nous tant, et c'est son récit, instances, écouté, religieusement de reproduire. que j'ai essayé

1

« Nous

faisions des renforts de toutes armes partie de à la suite du général l'échec envoyés Forey après Puebla. Le régiment étranger, qui avait fait si souvent de lui en Algérie, allait trouver au Mexique do parler nouvelles occasions de se distinguer. Sitôt débarqués, nous avions été dirigés sur l'intérieur notre 3e bataillon s'était arrêté à la Soledad, à huit lieues environ de Vera-Cruz les deux autres, avec le colonel avaient continué Jeanningros, jusqu'à la chaine du Chiquihuite, en bas duquel ils s'étaient tenant ainsi la route mène établis, qui de Vera-Cruz à Cordova.


202

LA

HACIEXDA

DE

CAMARON.

Le Chiquihuite est pour ainsi dire le premier gradin qui sépare les Terres-Chaudes des Terres-TemVous connaissez pérées. déjà par la carte l'aspect du territoire on l'a comparé particulier mexicain; fort exactement à une assiette renversée qu'on recouvrirait d'une les deux soucoupe également renversée; rebords de l'assiette et de la soucoupe ngureraient l'un la zone des Terres-Chaudes, tout qui comprend le littoral et qui dans l'intérieur

s'enfonce du pays;

d'une

de lieues vingtaine la zone intermél'autre, dite des diaire, Terres-Tempérées; l'espace plan situé au sommet formerait la troisième celle zone, des Terres-Froides ou hauts Ainsi que la plateaux. des noms de lieux au Mexique, plupart Chiquihuite a un sens précis et signifie en langue indienne une hotte ou mannequin comme en portent nos chiffonla montagne niers par sa forme en effet, rappelle assez bien un de ces paniers retournés. Quoi qu'il en soit, dès notre arrivée le colonel s'était empressé d'établir à certaine sur les hauteur, de la chaîne, un poste d'observapremières pentes de là on dominait une partie de la plaine, tion et Paso del Macho, du mulet, principalement le pas où s'étendaient nos avancées. Une longue-vue, mise à la disposition des soldats du poste, leur permettait de fouiller au loin la campagne, alors infestée par les bandes et de signaler sans retard tout mexicaines, mouvement suspect. Un mois s'était sans grave et déjà écoulé incident, de garde la montagne sur avec j'étais précisément de ma compagnie, deux escouades commandées par le 29 avril, vers un sergent, onze heures du quand, nous vint de rallier aussitôt nos camasoir, l'ordre rades dans le bac. qui campaient Dès que nous eûmes on prit le café, et vers rejoint, une heure du matin la compagnie se mit en marche. Juste au même un immense convoi miliinstant,


LA

taire

HACIENDA

DE

CAMAMN

203

concentré à la Soledad à quitter ce s'apprêtait de Puebla, dont le second point à destination siège de deux était commencé nous depuis plus mois d'aller à sa rencontre et d'éclairer étions tout chargés le terrain en avant de lui, entre le Chiquihuite et la Soledad. Une belle compagnie la nôtre, la 3° du i" que comme on dit à l'armée, et qui passait à bon droit de la légion Il y avait là pour une des plus solides de tout un peu comme nationalité, c'est assez l'habitude du corps, des Polonais, des Allemands, des des Italiens, des Espagnols, Belges, gens du nord et mais les Français étaient encore en gens du midi majorité. Comment ces hommes, si différents de d'origine, mœurs et de langage, se trouvaient-ils les partager mêmes à tant de lieues du pays périls natal ? Par quel besoin poussés, soif d'aventures, par quelle par série et de déceptions? quelle Nous d'épreuves ne nous le demandions même pas mais la vie en comle voisinage du danger, mun, avaient les assoupli effacé les distances, et l'on eût cherché caractères, vainement entre des élémens aussi une disparates entente et une cohésion Avec plus parfaites. cela, tous tous anciens braves, soldats, disciplinés sincèrement dévoués à leurs chefs et à leur drapeau. Nous comptions dans le rang au départ 62 hommes de troupe, les sous-officiers compris, plus 3 officiers le capitaine Danjou, lesous-lieutenant adjudant-major, Vilain etle sous-lieutenant Maudet, porte-drapeau, qui, bien qu'étranger à la compagnie, avait obtenu de faire de la reconnaissance. Notre partie malieutenant, couché au camp du Chiquihuite. lade, resta Nous avions la tenue d'été veste petite bleue, pantalon de nous du toile et, pour garantir l'énorme soleil, so~rero du pays en paille de latanier, dur et fort,


204

LA

HACIENDA

avait été qui nous Nos armes, comme

DE

fourni

par les magasins des autres troupes

celles

la

étaient expéditionnaire, tout alors dans forcée, Deux mulets baïonnette. tant

carabine

son

provisions d'une bout

heure

de

por-

marche

lieu

et

d'observation

de

nous

environ, le bord d'un

grand torrent. Ce

un de

grenadiers tour en rui-

le

nes,

sabre-

accompagnaient,

une vieille Saussier capitaine dominant le ravin, servir tout pouvait

sous

corps à balle

le

et

Paso del Macho, sur atteignimes ravin au fond duquel coule sinueux, était occupé poste par une compagnie

de

du

Minié

prestige,

nous

militaires.

de bouche.

des

Au

CAMARON.

Nous

refuge.

à n'y

la

fois

demeu-

râmes

les officiers instant; qu'un échangèrent quella main, avoir mots, puis se serrèrent ques et après franchi le torrent sur une étroite d'un passerelle, pas nous continuâmes notre chemin. relevé, Nous

sur

suivions

il faisait route fort accidenté dans

la

deux

serrés rangs nuit encore, couvert partie,

pleine cette

le milieu

de

et

le terrain, de bois et de

hautes

cacher embusbroussailles, pouvait quelque cade. A certains des deux côtés de la voie, endroits, de larges s'étendaient éclaircies faites dans l'épaisseur du fourré la hache ou l'incendie, lors du par des convois. passage à la route

Quant cée par dénié était tinct

les

incessant presque que

Camaron, bizarre taines

en d'un de

ne pour des ornières

du

espagnol petit ruisseau

mètres

et

qui,

l'hiver,

et

des

caissons,

il

nous

fallait

de

la

rouler profondes

marche tout

qui

coule

parait-il,

elle

cet

ins-

dans

les

à

du il

le

par

coup comme des

approchions écrevisse

défon-

réparée, de

et

pas

nous

jour,

jamais

voitures

impraticable, donne l'habitude

vierges pays ou (les trous cipices. Au point

pluies des

elle-même, torrentielles

village tire ce

à quelques abonde en

dans préde nom cencrus-


1~

Hacienda

de Camaron.



LA

HACIENDA

DE

CAMAROK.

207

sans et d'une saveur tacés d'une grosseur pareilles. aux alentours, tous les villages Comme presque D'ailruiné était complètement celui-ci par la guerre. sur l'imporse méprendre leurs il ne faudrait pas fort bas un méchant toit de chaume tance du dégât tant bien soutenu presque jusqu'à terre, qui descend ou ou trois mal dégrossis deux pieux que mal par de une poignée branches d'arbres, parfois quelques les trous, voilà ce qui constitue boue pour boucher de s'écroud'un Indien, et si elle risque l'habitation coûtedu moins n'en ler dès qu'on a le dos tourné, vraiLes maisons t-il pas beaucoup pour la rebâtir. sont construites ment dignes de ce nom et solidement la grande exception. toujours sur le n'en comptait alors Camaron c'était, qu'une mesucarré un vaste bâtiment côté droit de la route, mètres en tous sens et consrant à peu près cinquante ou fermes du truit dans le goût de toutes les haciendas la tournée vers le nord et bordant pays. La façade, à la et blanchie était élevée d'un étage, crépie route, Le reste de tuiles avec le toit garni chaux, rouges. fait de d'un mur très se composait épais, simple de 3 hauteur et de torchis et d'une moyenne pierres ouest Deux larges s'ouvrant à la partie mètres. portes nommée donnaient accès dans la cour intérieure, corral c'est là que chaque ordinaire, soir, en temps des on remise les chariots et les mules, par crainte très nombreux et très entreprenants voleurs, toujours dans ces parages comme dans tout le Mexique. La maison était vide Nous entrâmes. point de meudes vieilles nattes seules, bles pourries, quelques' à terre là par les muledébris de cuir gisant laissés En face et de l'autre côté de la route, tiers de passage. constructions il y avait encore deux ou trois pauvres et désertes, à demi écroulées elles aussi. se parAu sortir du village, le gros de la compagnie à gaul'une à droite, l'autre tagea en deux sections,


208

LA HACIEXUA DE CAMAHOX.

battre les bois le capitaine, avec une che, pour escouade en tirailleurs et les deux mulets, continua de suivre la route. Rendez-vous était donné pour tout le monde à Palo-Verde, taillis vert, lieu où les convois s'arrêtent d'ordinaire à cause d'une fontaine et qui fournit une eau excellente. qui est proche De fait, après une assez course sous longue bois, comme nous n'avions trouvé nulle part trace de l'ennous rabattions sur Palo-Verde. nemi, nous A cet le terrain, est entièendroit, qui s'élève légèrement, rement dans un rayon de plusieurs centaines dégarni de mètres mais la forêt reprend bientôt plus verte et plus touffue que jamais. Nous marchions il déjà depuis plus de six heures était grand jour, et le soleil, dardant tous ses feux, nous promettait une chaude On fit halte. journée. Des vedettes sont placées autour de la clairière en d'une surprise, les mulets sont déchargés, prévision et le caporal la fontaine avec une Magnin part pour Un grand escouade. en planches, couvert de hangar était établi sous un bouquet à l'abri chaume, d'arbres, du soleil. Tandis qu'une partie des hommes coupe du le café, d'autres s'étendent bois, prépare pour dormir. Une heure ne s'était l'eau bouillait pas écoulée, et l'on y mettait dans les gamelles, le café, quand, du côté de Camaron et sur la route même que nous venions de quitter, deux ou trois de nous signalèrent chose d'anormal. quelque La poussière montait vers le ciel en gros tourA cette distance billons. et sous les rayons aveuglants du soleil, il n'était davanpas facile d'en distinguer Pourtant nous n'avions rencontré en tage. personne mouvement de troupes et, si quelque chemin, avait dû se produire sur nos derrières, on nous en eût tout cela ne nous présageait avertis rien de bon. Le capitaine avait pris sa lorgnette. Aux armes "– s'écria-t-il L'ennemi tout à coup. Et en effet, avec


LA

HACIENDA

DE

209

CAMAROX.

cafort b!en.C'étaientdcs apercevait !alorgnette,onles national aux larges coiffés du chapeau bords, valiers sur le selon la coutume, leur veste ils avaient, déposé devant de la selle et allaient ainsi en bras de chemise. Comme nous l'apprîmes plus tard, depuis plusieurs s des libéraux, forte de près de jours déjà une colonne et comtant cavaliers 2,000 hommes, que fantassins, mandée était sur les par le colonel Milan, campée bords de la Joya, à environ deux lieues de notre ligne du convoi. de communication, le passage guettant Une chose les avait l'annonce de 3 attirés surtout millions enormonnayé, et que le trésor dirigeait solde

des

enfermés dans les fourgons, la sur Puebla pour payer

assiégeantes.

troupes

des Ueux et à à leur parfaite connaissance vraiment merveilleuse qu'ils déploient pour on ne leurs marches, au camp de Chiquihuite même d'une soupçonnait pas la présence pareille Par contre, force sur ce point. toute la campagne était remplie de leurs éclaireurs. Aussi la compagnie n'avait Paso del Macho, pas encore quitté que déjà et 600 cavaliers notre marche était signalée, montaient en selle pour nous suivre. Ils nous accompagnèrent insu. On toute la nuit, à certaine distance et à notre avait compté nos hommes on les savait peu nomeux-mêmes n'eût breux craignant que leur position résolu de nous enété éventée, les Mexicains avaient lever pour ne point manquer le convoi. Au premier cri d'alarme, on donne un coup de pied on rappelle en grande hâte l'esdans les gamelles, de la fontaine, on recharge les bête couade et, nous étions tous sous moins de cinq minutes après, Pendant ce temps, les Mexicains avaient les armes. une embuscade se préparait Évidemment disparu. le mieux était en ce cas de revenir sur nos derrières à voir de plus sur nos pas et de chercher près l'ennous avions affaire. nemi auquel Grâce l'habileté couvrir

RÉCITS

D'UN

SOLDAT.

Il


LA

210

HACJENDA

DE

CAMARON.

en colonne, Palo-Verde Nous précédés quittons mais au lieu de en tirailleurs d'une escouade alors, la compagnie du capitaine sur l'ordre suivre la route, sous bois. Nous et s'engage y prend par la droite nos mouce double de dissimuler trouvions avantage à l'occasion vements et de pouvoir plus repousser facilement

les

attaques

de

la

cavalerie

libérale.

de la dans la. direction à l'infini Le bois s'étendait de hautes des buissons et des touffes Joya. Au-dessus reliés les uns aux autres herbes par de montaient, les magnolias, tombant en guirlandes, lianes longues les acajous, tous les les caoutchoucs, les lataniers, les essences de toutes arbustes rares, précieuses devenait si Parfois le fourré cette nature privilégiée. avec le tranfallait un chemin s'y ouvrir épais qu'il d'étroits chant du sabre-baïonnette. Ça et là couraient connus des seuls indigènes. sentiers, Nous marchions depuis plus d'une heure sans avoir de l'ennemi. Sorti l'un des premiers même aperçu estimé des chefs, l'Ecole de Saint-Cyr, jeune encore, était ce qu'on des soldats, le capitaine adoré Danjou un officier d'avenir. Grièvement blessé en appelle du bras gauche, il s'était fait Crimée et resté manchot dont il se servait avec beaufaire une main articulée même pour monter à cheval. Autant coup d'adresse, ce qui le distinguait c'était surtout, que son courage, cette promptitude du coup d'œil qu'on cette sûreté, ne trouvait jamais en défaut. Ce jour-là, il portait sur lui une carte du pays, très de l'étatdressée à la main complète, par les officiers A quelque et qu'il consultait souvent. major français, en face de nous, coulait la rivière, distance, profonà pic et gardément encaissée entre ses deux bords dée sans doute par un ennemi nombreux s'engager il nous fit davantage pouvait paraitre dangereux faire volte-face et tendre de nouveau vers Camaron. Au moment mcme où nous débouchions sur la


LA HACIËKDA DE CAMAMX.

211

à 300 mètres enviion du pâté de maisons, un d'une fenêtre vint blesser l'un de coup de feu parti nos camarades à la hanche. La compagnie s'élance au pas de course à l'entrée du village, elle se dédouble, tourne par les deux côtés et se retrouve à l'autre simultanément bout, sans que de l'ennemi. rien de nouveau ait conurmé la présence au pied, tandis Nous nous arrêtons, l'arme qu'une escouade fouille les maisons. En soigneusement il fait très même temps, comme chaud et que la soif à nous tourmenter, avec leurs commence des hommes bidons descendent vers un petit ravin, situé à quelet où l'on trouve ques pas sur la droite quelquefois de l'eau dans les creux du rocher. Par malheur, la saison des chaleurs était et nous dûmes déjà arrivée, rester sur notre soif. Dans le village, on eut beau l'adroit tireur ne s'y trouva sans chercher, plus doute quelque vedette ennemie fui à notre qui avait route,

approche. Nous reprîmes alors la route du Chiquihuitc. Nous une fois partagés allions encore en deux sections, une sur chaque avec les mulets et flanc, le capitaine une escouade au centre, d'arrfèreplus une escouade à 100 mètres de distance. garde A peine avions-nous fait quelques pas., nous aperçûmes tout à coup, sur un monticule à droite et en arrière de nous, les cavaliers mexicains samassés, bre au poing et s'apprêtant à charger. Ils avaient leurs vestes de cuir sur leurs épaules, remis et nous les reconnûmes très le coup de feu de leur bien vedette les avait A cette vue, le capitaine appelés. ralliant les deux sections et l'escouade d'arDanjou, nous fait former le carré pour mieux sourière-garde~ tenir la charge; au milieu les mulets; de nous étaient mais les deux maudites de tous côtés bêtes, pressées leur ancienne et regrettant liberté d'allures, sautaient, faisaient un train force nous fut de ruaient, d'enfer;


212

LA

HACIENDA

DE

CAMARON.

les rangs, et ils partirent ouvrir au triple galop la campagne, où ils n'allaient à être pas tarder capturés. Les ennemis avaient sur nous du lieu, l'avantage car le terrain, et dégarni aux abords de la route, plan favopisait les évolutions de leur au petit cavalerie le coteau, en deux pas, ils descendirent se séparèrent colonnes afin de nous envelopper, à 60 et, parvenus fondirent sur nous avec de grands cris. mètres, Le capitaine avait dit de ne point tirer aussi les laissions-nous venir sans le doigt sur la broncher, un instant et leur masse, comme une détente; encore, nous passait sur le corps au comavalanche, mais, mandement de feu, une épouvantable rendécharge, versant montures et cavaliers, met le désordre dans et les arrête leurs rangs tout net. Nous continuions le tir à volonté. Ils reculèrent. Sans perdre de temps, le capitaine nous fait frand'une haie de cactus chir un petit fosségarni épineux, formant la route sur la gauche et clôture, qui bordait remontait Camaron. Outre jusqu'à que cet obstacle devait arrêter l'élan de la seconde nous espécharge, atteindre .rions les bois, dont on apercevait la lisière à 400 ou 500 mètres de là, et sous leur couvert regaLe tout était d'y gner Paso del Macho sans encombre. arriver. une partie Par malheur, des Mexicains nous avait de la hacienda; les autres déjà tournés par le nord-est de franchir avaient essayé la haie de cactus, mais leurs S s'étaient dérobés. Une sechevaux, pour la plupart, en carré, et comme conde fois, nous nous fm niâmes étaient les assaillants moins nombreux, comme ils ne nous souchargeaient plus avec le même ensemble, cette attaque encore résolument tînmes plus que la Ils reculèrent de nouveau. précédente. notre situation devenait Cependant critique. Rejoindre les bois? il n'y fallait la hacienda au plus songer leur dans


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LA

DE

HACIENDA

CAMARO~.

215

avec du sang-froid, contraire était peu éloignée du nous pouvions et tenir bonheur aussi, nousy réfugier l'arrivée les murs, d'un derrière jusqu'à probable secours. fut bientôt sur son ordre, Le parti du capitaine pris au canon, baïonnette nous mettons tour, puis à notre sur les cavaliers nous fonçons tête basse, groupés mais ils ne nous attendent devant nous pas et détaSi le Mexicain fait preuve soulent comme des lièvres. face des balles d'un courage et venten incontestable, il semble même un peu fanfaron, que tout engagement soit beaucoup moins de son goût. blanche à l'arme franchissons la distance Du même élan, nous qui dans le pénétrons la défense. s'occupe d organiser corral puis chacun terrifié de notre impéne se voyait L'ennemi plus il s'était de l'autre toute française, tuosité réfugié A défaut de portes côté du bâtiment. depuis longnous barricadons tant bien que mal absentes, temps avec des madriers, des planches les deux entrées et sous la main. tout ce qui nous tombe à occuper avions d'abord la maison Nous songé mais nous n'en eûmes tout entière, pas le temps nous n'étions d'ailleurs pas en nombre. Déjà l'enenvahi en avant, avait les aeux revenu nemi, predu rez-de-chaussée où l'on mières chambres par avec l'étage Une seule ressupérieur. communiquait à l'angle nord-ouest et ouvrant à la tait libre, située et sur la cour. Nous nous hâtâmes fois sur le dehors d'en prendre possession. de la seconde du corral, et à gauche Dans l'intérieur deux hangars en planches, s'élevaient entrée, adossés le premier fermé et à à la muraille complètement celui du coin, tout ouvert, à l'autre, peu près intact et soutenu d'un toit branlant par deux peine abrité sur un petit mur de bouts de bois portant ou trois En face, à l'angle crues à hauteur d'appui. briques nous

de

sépare

la

ferme

et

nous


216

LA

HACIENDA

DE

CAMARON.

semblable avait existé auun hangar correspondant, mais la charpente avait disparu, et il ne restrefois, tait plus de briques, à demi que le soutènement dans le mur d'enau même endroit s'ouvrait ruiné une brèche assez ceinte déjà. ancienne, large pour un homme à cheval. laisser passer Par les soins du capitaine une escouade Danjou, des deux entrées fut placée à chacune deux autres la chambre avec mission les de surveiller occupèrent du bâtiment ouvertures sur la r oute qui donnaient de garder la brèche. une autre fut chargée Un moment créneler le mur qui faisait face aux portes on voulut mais il était si épais, si bien construit de d'entrée de sable et de cailloux, paille, qu'on n'y put percer personne n'y demeura. que deux trous, àgrand'peine; le sergent un Polonais, Enfin fut envoyé Morzicki, sur les toits avec quelques hommes les pour observer de l'ennemi. mouvements Le reste de la compagnie entre les deux portes, place en réserve prit ayant l'œil à la fois sur les quatre coins de la cour et prêt à se porter où le danger deviendrait partout trop pressant. Ces dispositions nous attendîmes fièrement prises, il pouvait être en ce moment neuf heures l'attaque et demie.

II

Jusque-là on avait tir aillé de part et d'autre, échangé de mais sans en prît quelques feu, coups que l'ennemi occasion à fond. Au contraire, il sempour s'engager blait hésiter à commencer et nous n'étions l'attaque, Nous fûmes vite pas loin de croire qu'il se retirerait. détrompés. Morzicki

venait

d'être

aperçu

tandis

qu'il

s'avançait


LA

HACIENDA

DE

2i7 7

CAMARON.

chambres par occupées blanc à l'ennemi. Un ofïicier son mouchoir mexicain, la main, lui-même pied du mur s'approcha jusqu'au au nom du extérieur en bon français et, parlant colonel Milan nous somma <: Nous de nous rendre nous allions étions disait-il trop peu nombreux, nous faire inutilement mieux valait nous massacrer; sur

les

à

résigner

des

au-dessus

toits,

notre

sort

et

déposer

les

armes

on

nous

» la vie sauve. promettait de Ce parlementaire était un tout jeune homme du nom à vingt-trois vingt-deux ans; fils d'un Français, de Laisné, du port établi depuis longtemps capitaine milià Vera-Cruz, il avait passé lui-même par l'école taire de Chapultepec, J'eus occasion de -r jr près Mexico. rmes camarale connaitre tous plus tard et, comme des, je n'eus jamais qu'à me louer de sa bienveillance il avait grade Pour le moment, et de son humanité. les fonctions d'officier de capitaine et remplissait du colonel Milan. d'ordonnance auprès nous les Morzicki était descendu pour apporter le capitaine le chargea do de l'ennemi propositions avions des cartourépondre que nous simplement pas. ches, que nous ne nous rendrions nous étions à la fois à Alors le feu éclata partout eût été dès lors dix, et, si l'attaque peine un contre comment conduite, vigoureusement je ne sais trop nous Heureusement eussions nous pu y résister. n'avions affaire forcés de mettre qu'à des cavaliers pied à terre., embarrassés pantalons par leurs larges de cheval, d'ailleurs à ce genre de compeu habitués ou par petits bat, ils venaient, groupes, séparément à nos balles s'exposer cylindriques qui ne les éparnous savions tirer. gnaient point car A vrai dire, ils n'étaient à souffrir, pas seuls nous ment

nous

trouvions fort nous-mêmes imparfaiteétaient et déjà plusieurs des nôtres abrités, tués ou blessés. Dans la chambre surtout, tombés,


218

LA

HACIENDA

DE

CAMARON.

la lutte était de l'envahir

les Mexicains épouvantable essayaient du dehors; ceux en même temps, qui les chambres voisines s'étaient mis à peroccupaient cer de meurtrières les murs et les plafonds les dé ainsi pressés, à faiblir. fenseurs, commençaient au milieu du tumulte, le capitaine Calme, intrépide se multiplier. semblait Je le reverrai Danjou toujours avec

sa

belle

tête

intelligente

énergie

se

tempérait

la douceur: il allait d'un poste à l'autre, des balles dans la cour, qui se croisaient les hommes nous encourageant par son exemple, disant à chacun de ces nopar nos noms, appelant le cœur et rendent le bles paroles qui réchauffent de la vie moins au moment du sacrifice pénible Avec de pareils rien d'imchefs, je ne sais danger. si bien par sans souci

possible. Vers onze heures, et lui-même chambre

il venait de visiter le poste de la avait reconnu qu'on n'y pourrait la réserve, il longtemps, quand, regagnant plustenir d'une balle en pleine il tomba fut atteint en poitrine; la main sur sa blessure. de portant Quelques-uns nous coururent mais le coup était pour le relever, le sang sortait à flots de sa poitrine et ruissemortel; lait sur le sol. Le sous-lieutenant Vilain lui mit une sous la tête encore ses pierre pendant cinq minutes roulèrent dans leur orbite, il eut deux yeux hagards ou trois soubresauts se convulsifs, puis son corps et il expira sans avoir repris connaissance. raidit, avant de tomber, il nous avait fait Quelque temps tous jusqu'à la que nous nous défendrions promettre extrémité: nous l'avions dernière juré. Sur ces entrefaites, la chambre était évacuée. Les à coups de crosse, étaient à enMexicains, parvenus foncer une cette porte intérieure qui unissait pièce aux autres du rez-de-chaussée et d'où ils fusillaient nos hommes à bout portant; ceux-ci furent contrainta de se retirer, au début, mais de quatorze qu'ils étaient


LA

HACIEKDA

DE

CAMARON.

2t9

renforcer les plus que cinq qui allèrent de la cour. divers postes Lesuus-iieutenant Vilain le commandement prit lui revenait de droit; petit, fluet, qui, comme titulaire, il sortait blonds les cheveux enfant, frisés, presqu'un un et n'avait des sous ofïlciers que six mois de grade le brave cœur du reste, et qui ne boudait pas devant il

n'en

restait

danger. continua. Les Mexicains étaient maîtres La défense tout mais ils ne jouirent de la maison entière, pas de leur avantage. dans la cour, Embusqués longtemps contre toutes les ouvertures un feu si nous dirigions durent la place à leur vif et si précis qu'ils quitter le premier tour, étage d'abord, puis le rez-de-chauset sée. Dès lors ils n'y reparurent que par intervalles mais à peine une tête, un bras, un en petit nombre; dans bout d'uniforme l'encadrement apparaissait-il balle bien dirigée d'une porte ou d'une fenêtre,qu'une cette imprudence. châtiait Vers midi, on entendit au loin la voix du clairon. Nous n'avions tout espoir et nous pas encore perdu un moment venaient que des Français pûmes croire .à notre secours; de joie, déjà même, frémissants nous à sortir du corral nous au-deapprêtions pour courir vant de nos camarades soudain battirent les tamces petits tambours bas des Mexicains, au bours, roulement et plat comme celui du tambour de rauque toute basque, jouant une sorte de marche sautillante, différente de nos airs français et à laquelle nous ne pouvions plus nous méprendre. C'était l'infanterie du colonel Milan qui s'annonlaissée au matin dans le campement de la Joya, çait avertie du combat à Camaron, elle plus tard engagé venait le poids de ses armes dans une lutte ajouter déjà trop inégale. Morzicki nous nous dans !a cour;

avait

rejoints comme souple

et combattait un jaguar

avec et s'a:-


220

LA

HACIENDA

DE

CAMARON.

moindres de la muaspérités sur les toits son poste raille, il alla reprendre périlleux d'observation. Il aperçut, en avant de massée la hacienda, toute cette infanterie. On n'y comptait bataillons forts pas moins de trois de 400 hommes en moyenne et portant chacun le nom du district où ils avaient été levés CorVera-Cruz, dant

pour

grimper

des

dova, Jalapa. Comme il arrive dans une armée toujours improet c'était le cas pour les Mexicains, l'envisée, semble du costume et de l'équipement laissait beausous ce désordre, on sentait coup à désirer; pourtant, une préoccupation méritoire de bonne tenue et percer de régularité. Les hommes du bataillon de Vera-Cruz avaient tous, ou presque et la tous, le large pantalon veste de toile grise à liseré bleu, pour coiffure le grand de paille; Cordova ne différait couchapeau que parla leur de la toile qui était bleue; Jalapa, le mieux habillé des trois, avait également le pantalon de toile grise, la veste bleue ouverte et au lieu du sompar devant, brero mexicain le képi, avec l'indispensable couvresur les épaules. Le plus grand nombre nuque tombant chaussaient des brodequins en cuir fauve lacés sur le les autres avaient conservé leurs sancou-de-pied; dales ou guaraches, à semelles de cordes, assez semblables aux espadrilles espagnoles. Les chefs étaient vêtus à peu près de même façon, sauf la qualité à liseré plus fine de l'étoffé pantalon bleu ou rouge, tunique de campagne à petites basques, ornée de boutons d'or sur le devant, avec l'attente sur Tous les officiers chaque épaule. supérieurs portaient la botte molle et le revolver à la ceinture. à la cavalerie, elle se composait surtout Quant dans l'appareil d'irréguliers, guerilleros, le plus ordinaire au cavalier mexicain et que tout le monde connaît: aux jambes, des caleçons de peau collants, ouverts de bas en haut, s'évasant sur le pied et garnis


LA

HACIENDA

DE

CAMAMN.

221

le long de la couture d'une de boutons triple rangée autour des reins la ceinture de laine métalliques, le gilet et la veste de cuir, agrémentés à prorouge, de soutaches et de broderies fusion sur la d'argent, tête le chapeau de feutre ailes horigris aux vastes zontales la toquilla, qu'entoure large galon d'argent des éperons ou d'or; d'énormes puis démesurés, étriers de bois, en forme de sabots recouverts carrés, de métal, la lourde selle à pommeau; tout cela faisait un curieux contraste avec la taille de leurs chevaux, la plupart, mais d'une repeu élevés pour vigueur et merveilleusement dressés. marquable Un escadron seul l'uniforme militaire portait de drap bleu à petits bleu tunique pans, pantalon terminé par le bas de cuir, buffleteries blanches; képi et couvre-nuque c'étaient des Du reste, dragons. ces troupes toutes étaient armées, supérieurement avec des armes de provenance améperfectionnées aux cavaliers, le sabre, le revolver et le mousricaine bon nombre de guerilleros avaient aussi la queton la carabine et le sabrelance; aux fantassins, rayée En vérité, baïonnette. il ne leur manquait plus que du canon mot dire dès ce Nous nous sans regardâmes moment et nous avions compris que tout était perdu Pour ne nous restait bien mourir. qu'il plus qu'à le vent ne portait dans la comble de malheur, pas direction de Paso del Macho, d'où le capitaine Sausla fusillade~ n'ausier et ses grenadiers, entendant raient d'accourir à notre aide. pas manqué Morzicki avait été vu de nouveau, et Cependant fois le chef des Mexicains nous fit pour la seconde sommer de nous rendre. Le sergent était encore tout bouillant de lutte ivre de poudre et de colère, il en vrai soldat, un mot répondit par peu parlemenne laissait taire, mais qui du moins plus de doute sur et traduinos intentions, puis il se hâta de descendre


252'

LA

HACIENDA

DE

CAMARON.

sit sa réponse au sous-lieutenant Vilain, qui dit seuren« Vous avez bien fait, nous ne nous lement drons ». pas l'assaut Le premier Au même commença. instant, de tous fut terrible ils se ruaient élan des Mexicains vodans la cour, criant, côtés pour pénétrer hurlant, et les injures, missant contre nous les imprécations en pareil cas avec cette abondance qui leur est propre encore richesse du vocaet que facilite l'inépuisable A « Dehors les chiens de Français! bulaire espagnol bas la canaille A bas la France Mort à Napoléon! » Je ne puis tout répéter. à notre chacun Pour calmes, silencieux, nous, ne tirant froidement, poste, nous ajustions qu'à coup au bout nous tenions bien notre homme sûr et quand le flot des les plus avancés du fusil tombaient en frémisassaillants oscillait d'abord, puis reculait A à la charge aussitôt après. sant, mais pour revenir le temps de glisser une nouvelle peine avions-nous ils étaient Leurs cartouche au canon, déjà sur nous. et de étaient d'aùdace officiers surtout magnifiques bravoure Rentrés

de logis, les uns en force dans le corps d'ouvrir avec des pics et des pinces dans s'occupaient brèche sur la une large le mur du rez-de-chaussée établis dercour. En même temps, d'autres s'étaient rière la partie du mur d'enceinte face aux qui faisait à profit les créneaux de là, mettant grandes portes; avions nous-mêmes nous et que que nous percés n'avions en perçant de nouveaux, pas pu défendre, le niveau du sol extérieur était plus élevé que comme celui de la cour, ils dirigeaient sur nous un feu plonde ce côté encore ils parvinrent, non geant quoique à ouvrir sans peine, une brèche de près de 3 mètres. Alors nous dûmes nos Le changer dispositions. dont je faisais et qui tenait partie poste de réserve entre les deux entrées se trouvait le milieu pris à do-


LA

DE

HACIENDA

223

CAMARON.

nousréunissantauxdéf~nseurs couvert delaporte de droite tous ensemble nous qui n'était plus attaquée, fimes retraite dans sud-ouest de la cour, l'angle sous le hangar d'où nous continuâmes à tirer. ouvert, Vers deux heures et demie, le sous-lieutenant Vilain revenait de visiter le poste de la brèche et traversait la cour en diagonale dans la direction des grandes du bâtiment portes, quand une balle partie l'atteignit en plein front. Il tomba comme foudroyé. En ce moment, il faut bien le dire, un sentiment d'horrible tristesse nous fond de l'âme. pénétra jusqu'au La chaleur était accablante le soleil en son zénith tombait sur nos têtes, un soleil dévorant, d'aplomb impitoyable,

comme

il

ne

luit

qu'aux

tropiques;

sous

ses rayons à pic, les murs de la cour paraissaient tout blancs et la réverbération nous brûlait les yeux; nous ouvrions la bouche il quand pour respirer, nous semblait avaler du feu; dans l'air, pesant couraient ces tressaillements, ces comme du plomb, sur les plaines désertes ondulations qu'on voit passer la poussière dans les après-midi d'été; que soulele sol de la cour vaient les balles perdues frappant la terre et lentement montait en avait peine à quitter surchauffé tout à la fois par les lourdes spirales de notre tir, le canon du soleil et la rapidité de rayons sur nos mains du fer nos fusils faisait l'impression était l'ardeur de l'atmosphère Si intense dans rouge. en fournaise ce réduit transformé que les ccwps des à vue hommes tués en d'œil s'y décomposaient la chair des plaies se couvrait moins d'une de heure, teintes livides. Pêle-mêle avec les morts, car il n'y avait aucun les blessés de les secourir, moyen gisaient à la place même où ils étaient ententombés; mais tandis qu'on ceux des Mexicains dait au dehors de gémir et hurler tour à tour invoquant la Vierge ou maudisdouleur, sant Dieu et les saints, les nôtres, par un suprême


224

LA HACIENDA DE CAMAMN.

silenrestaient en dépit de leurs souffrances, etïbrt, d'accules pauvres cieux. Ils eussent craint, garçons, à l'ennemi. ser ainsi nos pertes et de donnerconnance la veille; ni bu depuis Nous n'avions rien mangé nos allées avec les mulets; les provisions s'en étaient à Palo-Verde, étaient bidons à sec, car, en arrivant nous les avions vidés dans les gamelles qu'il fallut retraite dans notre renverser ensuite, et, précinous n'avions pitée, pas eu le temps de les remplir le ravin, nous n'avions de nouveau; enfin, dans pu d'eau. Seul, au départ, l'ordonnance du capitrouver taine portait en réserve dans sa musette une bouteille de vin que M. Danjou lui même, au moment d'organiser

la

résistance,

avait

distribuée

entre

les

hommes.

A peine y en avait-il chacun, quelques gouttes pour de qu'il nous versa et que nous bûmes dans le creux la main. Aussi la soif nous étreignait à la gorge et ajoutait encore aux horreurs de notre situation une écume aux coins blanche nous montait de la bouche et s'y nos lèvres étaient sèches comme du cuir, coagulait; notre tuméfiée avait peine à se mouvoir un langue souffle nous secouait la poitrine; haletant, continu, battaient à se rompre, nos tempes et notre pauvre tête s'égarait; de telles souffrances étaient intoléraseuls peuvent bles. Ceux-là me comprendre qui ont vécu sous ce climat malsain et qui connaissent le d'un d'une par expérience prix verre, goutte d'eau. J'ai vu des blessés se traîner à plat-ventre, et, pour la fièvre les la tête en avant, léqui dévorait, apaiser cher les mares de sang déjà caillé qui couvraient le sol. fous de douleur, J'en ai vu d'autres, se pencher sur et aspirer leurs blessures avidement le sang qui sortait à flots de leur corps déchiré. Plus forte que toutes les la soif était là qui répugnances, que tous les dégoûts, nous pressait. et puis on avait juré. le devoir!


LA

HACIENDA

DE

CAMARON.

225

de nous apile temps ce n'était guère de nos sur nous-mêmes ou sur les souffrances toyer vers tous les Il fallait avoir l'œil tourné camarades. à gauche, en avant, vers les à la fois à droite, points vers les brèches de la cour, car fenêtres du bâtiment, on voyait briller les canons de fusil, et de partout Les balles, venait la mort. pl~s drues partout que la grêle, s'abattaient sur le hangar, ricochaient contre les murs, faisaient voler autour de nous les éclats de et les débris de bois. Parfois un de nous tompierre le voisin fouiller se baissait ses pobait, alors pour ches et prendre les cartouches qu'il avait laissées. il n'en restait D'espoir, plus personne cependant ne parlait de se rendre. Le porte-drapeau un Maudet, vaillant lui aussi, avait remplacé un fusil à la Vilain; avec nous sous le hangar, car déjà main, il combattait les progrès des ennemis ne permettaient plus de traverser la cour et de communiquer des ordres aux différents Au fait, il n'en était pas besoin; la postes. de tous était bien connue tenir jusqu'au consigne la mort. bout, jusqu'à Les Mexicains à se lasser; mais commençaient notre ils imagialors, pour mieux vaincre résistance, nent de recourir à une manœuvre de guerre fort en honneur eux ils entassent de la paille et du parmi bois à la partie nord-est du bâtiment et y mettent le dévora d'abord un hangar extérieur feu; l'incendie et qui de là gagna qui faisait face à Vera-Cruz rapideles ment toits. Le vent soufflait du nord au sud et rabattait sur nous une épaisse fumée noire ne tarda qui pas à envahir la cour; nous en étions aveulittéralement nous preglés, et cette odeur âcre de la paille brûlée, nant à la gorge, rendait l'horrible encore plus ardente soif qui nous tordait les entrailles. au bout d'une heure et demie, l'incendie Enfin, de lui-même, faute d'aliments; cet s'éteignit C} r_ pourtant A

la

vérité,

RÉCITS

D'PX

SOLDAT-

15


226

LA

HACIENDA

DE

CAMARON.

incident nous avait été funeste à la faveur de la fumée dérobait leurs mouvements, les Mexicains qui nous avaient et nous tirer pu s'avancer davantage plus de la brèche sûrement. Les postes et de la porte de avaient la plus grande de leurs gauche perdu partie défenseurs. Vers cinq heures, il y eut un moment de répit; les assaillants se retiraient les uns après les autres comme pour obéir à un ordre reçu, et nous pûmes reprendre Tout bien compté, nous n'étions haleine. plus qu'une douzaine. Au dehors, le colonel Milan avait réuni ses troupes de lui et les haranguait autour sa voix sonore arricar tout autre bruit avait cessé, et nous, vait jusqu'à à. mesure sous le un ancien qu'il parlait, hangar, soldat de la compagnie, Bartholotto, d'origine espatué raide à côté de moi quelques instants gnole, plus mot par mot son discours. tard, nous traduisait Dans ce langage chaud et coloré qui fait le fond de Milan exhortait ses hommes l'éloquence espagnole, à en finir avec nous; il leur disait que nous n'étions mourant de soif et de fatigue, plus qu'une poignée, qu'il fallait nous prendre vivants, que s'ils nous laissaient la honte serait échapper, pour eux ineffaçable; il les adjurait au nom de la gloire et de l'indépendu Mexique, dance et leur bien haut la promettait reconnaissance du gouvernement libéral. il Quand eut fini, une immense clameur s'éleva et nous apprit était prêt pour un nouvel effort. Touteque l'ennemi Milan nous fit adresser une fois, avant d attaquer, troisième nous même sommation; n'y répondimes pas.


LA

HACIENDA

DE

CAMAROX.

227

III

l'ennemi que jamais; plus terrible à la fois. A la ouvertures se précipitait sur toutes les debout le caporal Berg seul restait grande porte, saisi par les bras, par le cou, enlevé il fut entouré, en était libre, et les Mexicains s'y jetèrent l'entrée enfilions de notre coin, nous foule. Nous cependant, dans tous ceux qui se montraient le mur en longueur; en moins aussitôt demi-tour; faisaient cette direction cadavres en il y eut là plus de vingt de dix minutes, et arrêtaient le passage monceau qui obstruaient venus. l'élan des nouveaux l'entrée de l'anPar malheur, vers le même temps, hommes cienne brèche était forcée s'y défenquatre L'assaut

reprit

daientencore:Kuwasseg,Gorski,PinzingeretMagnin; du dehors, mais tandis qu'ils repoussent les assaillants les Mexicains et fenêtres, franchissant par derportes sont connos camarades la cour rière envahissent de faire face à cette attaque imprévue traints qui les résister à l'arme à revers; en vain veulent-ils prend et pris. ils sont à leur tour désarmés blanche, la poitrine nous tenions Sous le hangar, toujours sans les doigts répit chargeant crispés, haletante, d'un geste inconscient notre carabine, puis l'armant toute notre attention réservions et fébrile, nous pour un trou dans leurs viser. Chacun de nos coups faisait mais pour un de tué, dix se présentaient. rangs, l'entrée oudéfendue La porte par Berg, naguère et la porte les fenêtres verte dans le mur d'enceinte, et se à flots les assaillants, vomissaient de la hacienda derrière le petit dissimulés sur les genoux, trainant dans détru't avançait mur du hangar qui à cet endroit


228

LA

HACIENDA

DE

CAMARON.

nous arrivaient la cour, d'autres adversaires continuellement brèche. par l'ancienne Il faisait dans le ciel d'un bleu grand jour encore brillait le soleil aussi aussi cru, sans nuages, ardent, et ses rayons à peine midi, implacable qu'en plein comme -acharnant fouillaient inclinés, nous, après tous les coins de la cour. des blessés, Plusieurs frapet en proie au délire, ne pouvaient pés d'insolation leurs et demandaient à boire plus retenir plaintes d'une voix déchirante les mains contractées, les yeux et saillants, les malheureux se tordaient dans injectés les angoisses dernières de l'agonie et de leur tête nue battaient

lourdement

le

sol

desséché.

le matin, rien fût-ce un Depuis je n'avais perdu, ni de mon sang-froid, ni de ma présence seul moment, tout à coup je pensai mourir. d'esprit que j'allais Souvent entendu dire dans un péril j'avais que, l'homme revoit passer en un instant, extrême, par les tous les actes de sa vie entière. Pour yeux de l'esprit, ma part, et bien qu'ayant fait la guerre, je me fusse trouvé dans des circonstances parfois assez difficiles, rien observé de semblable. Cette fois, jamais je n'avais il devait en être autrement. Ce fut comme un de ces nuits des tropiéclairs qui par les chaudes rapides de l'orage, déchirent subitement la ques, précurseurs d'un pôle à l'autre, illuminent sur une nue, et, courant les montagnes étendue immense et les plaines, les les villes et les hameaux; la durée de forêts, pendant secondes à peine, chaque détail du paysage quelques en son lieu, puis la nuit reprend distinct tout. apparaît Ainsi mon passé soudain. Je revis mon m'apparut et Mussidan beau et vert pays de Périgord, où j'étais assis entre ses deux tout né, si gentiment rivières, de l'odeur embaumé des jardins, et les petits camarades avec qui je jouais enfant. Je me revis moi-même aux jeune soldat, engagé bientôt la Crimée, blessé dans zouaves, partant pour


LA

HACIENDA

DE

CAMARON.

229

les tranchées, à l'assaut prenant part un des premiers du Petit-Redan, décoré Je me revis plus tard en Afrientré aux chasseurs à pied et faisant parler la que, lieu rendant avec les Arabes; poudre puis en dernier mes galons de sous-officier faire de la pour partie nouvelle et visiter cette terre du Mexique expédition où j'allais laisser mes os. En effet, l'issue nous n'était douteuse. pour plus Acculés dans notre coin comme des sangliers dans leur bauge, nous étions prêts pour le coup de grâce. De moment en moment un de nous tombait, Bartho lotto d'abord, puis Léonard. à placé ma gauche, et le sous-lieutenant Maudet à ma droite. Tout à coup Morzicki reçut à la tempe une balle partie du coin de la brèche; son corps s'inclina et sa tête inerte vint s'appuyer sur mon épaule. Je me retournai et le vis face à face, la bouche et les yeux grands ouverts Morzicki est mort, dis-je au lieutenant. Bah! fit celui-ci un de plus; ce sera froidement, bientôt notre de tirer. tour, et il continua Je saisis à bras-le-corps le cadavre de Morzicki, je l'adossai à la muraille et retournai vivement ses voir s'il lui restait encore des cartoupoches pour il en avait deux, je les pris. ches Je

me

Nous

trouvais

entre

le

sergent

Morzicki,

n'étions le sous-lieutenant plus que cinq un Prussien nommé ConsMaudet, Wensel, Cattau, tous les trois fusiliers, et moi. Pourtant nous tantin, tenions l'ennemi en respect mais notre toujours résistance tirait à sa fin, les cartouches allaient s'éil ne nous en resta encore, puisant. Quelques coups à chacun; il était six heures et nous qu'une environ, combattions le matin. Armez vos fusils, dit depuis le lieutenant vous ferez feu au commandement; puis nous chargerons à la baïonnette, vous me suivrez. Tout se passa comme il l'avait dit.


230

LA

HACIENDA

DE

CAMAROK.

Les Mexicains ne nous voyant plus tirer; avançaient, la cour en était pleine. Il y eut alors un grand silence autour de nous; le moment était solennel les blessés même s'étaient tus dans notre réduit, nous ne bougions plus, nous attendions. Joue! feu! dit le lieutenant; nous lâchâmes nos

cinq

coupa

de

fusil,

et,

lui

en

tête,

nous

bondî-

mes en avant, baïonnette au canon. Une formidable nous accueillit, l'air tremdécharge bla sous cet ouragan de fer, et je crus que la terre allait s'entr'ouvrir. A ce moment, le fusilier Cattau s'était jeté en avant de son officier et l'avait ses bras pris dans pour lui faire un rempart de son corps il tomba de frappé dix-neuf balles. En dépit de ce dévoûment, le lieutenant fut également atteint de deux balles l'une au flanc droit, l'autre la cuisse droite. qui lui fracassa Wensel était tombé, lui aussi, le haut de l'épaule mais sans que l'os eût été touché traversé, il se releva aussitôt. Nous étions trois encore debout ConsWensel, tantin et moi. Un moment interdits à la vue du lieutenant rennous nous apprêtions versé, à sauter parcependant dessus son corps et à charger de nouveau mais déjà les Mexicains nous entouraient de toutes et la parts de leurs baïonnettes pointe effleurait nos poitrines. C'en était fait de nous, un homme de haute quand taille, aux traits distingués, qui se trouvait au premier les assaillants, reconnaissable à son képi rang parmi et à sa petite tunique galonnée pour un officier supéde s'arrêter et d'un brusque rieur, leur ordonna mouvement de son sabre releva les baïonnettes qui nous nous dit-il. menaçaient – Rendez-vous Nous nous rendrons, si vous répondis-je, laissez nosarmcset notre fourniment, et si vous

nous vous


LA

HACIENDA

DE

CAMARON.

23

à faire relever et soigner notre lieutenant engagez que voici là blessé. L'officier consentit à tout, puis, comme ces premiers mots avaient été échangés en espagnol: Parlez-mci i sans en français, me dit-il, cela vaudra mieux; quoi ces hommes un Espagnol, vont vous prendre pour ils voudront vous massacrer. et neut-être ne pourraia je pas me faire obéir. On reconnaît bien là cette haine inexpiable que les Mexicains, et avec eux tous les colons gardent de l'Amérique contre la mère patrie espagnole, de tant d'injustices et de cruautes comjuste retour conmises trois siècles dans ces belles pendant trées de Pizarre et de Fernand par les successeurs Cortès. l'officier à l'un de ses hommes; Cependant parlait il se retourna et me dit Venez avec moi. – Làdessus il m'offrit le bras, donna l'autre à Wensel et se dirigea vers la maison Constantin nous blessé, suivait de près. Je jetai les yeux sur notre ofïicier que nous laissions par derrière. me dit-il, j'ai donné ordre Soyez sans inquiétude, le chercher on va venir pour qu'on prit soin de lui sur un brancard. Vous-mêmes, comptez sur moi, il ne vous sera fait aucun mal. » Pour dire vrai, je m'attendais à être mais fusillé, cela m'était indifférent je le lui dis. non, reprit-il -Non, vivement, je suis là pour vous défendre. Au moment même où, sortant du corps de logis, nous débouchions sur la route, à son bras, toujours fond sur nous un cavalier avec de grands irrégulier des deux cris et lâche mains sur Wensel et sur moi deux coups de pistolet sans mot dire, l'ofïicier prend son revolver dans sa ceinture, froidement et ajuste casse la tête au misérable, qui roule de la selle sur la


232

LA

HACIENDA

DE

CAMARON.

chaussée

route sans nous ;puis nous continuonsnotre autrement de lui. occuper Le colonel avait été élevé en Franee Cambas et parlait notre langue militaire admirablement; par occade ceux qui nous combattaient sion, comme beaucoup et que l'amour de la liberté avait armés contre nous, il appartenait, ainsi que Milan, à cette classe des licenciados à elle seule tous les qui comprend presque hommes les plus instruits et les plus influents du pays. Excellentes l'un et l'autre, et qui eussent fait gens, honneur même à une autre car pour leurs armée, en disoldats, je ne crois pas les calomnier beaucoup sant que les trois quarts n'étaient que des bandits. Nous étions arrivés ainsi dans un petit pli de terdistance dela hacienda, où se tenaient rain, à quelque le colonel Milan et son état-major. <: C'est là tout ce qu'il en reste? demanda-t-il en nous apercevant. On lui répondit que oui, et, ne « Pero non son hombres, contenir sa surprise pouvant ~Ce ne sont pas des hommes, s'écria-t-il, son denionios. ce sont des démons! Puis s'adressant à nous en fran« Vous avez soif, messieurs, sans doute. J'ai çais chercher de l'eau. Du reste, ne craignez déjà envoyé nous avons de vos camarades rien déjà plusieurs nous sommes des gens revoir que vous allez bientôt les égards civilisés, quoi qu'on dise, et nous savons à des prisonniers tels que vous. » qui se doivent On nous donna de l'eau et des <o?'~Has, sorte de de maïs dont le bas peuple au Mexique se sert crêpes comme de pain et sur lesquelles nous nous jetâmes avec avidité. Au même moment arrivait le lieutenant Maudet, couché sur un brancard et entouré d'une nombreuse escorte de cavaliers; d'autres blessés venaient après lui. La nuit était tombée tout à coup sous les tropin'existe ques. le crépuscule point non plus que l'au-


LA

DE

HACIENDA

CAMAHON.

233

s'éteint comme il naît, sans rore,etlejour presque transition. En compagnie de nos vainqueurs, nous fimes route vers leur campement de la Joya, où nous arrivâmes assez tard il y régnait une émogrande encombraient tout. Là, malgré la tion, et les blessés du colonel nos armes, nous parole Cambas, qu'on avait laissées nous furent il fallait d'abord, enlevées; on nous réunit alors à nos camarades s'y attendre avant nous. et prisonniers Épuisés par la fatigue noirs de poudre, de poussière et de par la souffrance, les traits les yeux nous sueur, défaits, sanglants, n'avions humaine. Nos vêtements, nos plus figure faits

à jour; les miens pour chapeaux étaientcriblés, percés leur part avaient mais reçu plus de quarante balles, durant cette par un bonheur inouï, lutte, longue je n'avais pas même été touché. Comment en étions-nous sortis sains et saufs? Nous ne le comprenions et les Mexipas nous-mêmes, cains pas davantage seulement le lendemain je me tâtais les membres, doutant encore si c'était bien moi, et si j'étais réellement en vie.

IV

Tel est ce glorieux fait d'armes où 65 hommes de l'armée sans française, sans eau, sans vivres, abri. dans une cour ouverte, sous les ardeurs d'un soleil tinrent en échec meurtrier, de dix pendant plus heures près de 2,000 ennemis. Grâce à leur dévoûment, le convoi fut sauvé. Lentement il remontait dans ia direction de Cordova et n'était plus qu'à deux lieues de Camaron, lorsqu'un de loin avait assisté aux Indien, miliqui opérations taires de la journée, vint annoncer détachequ'un ment avait été enveloppé dans la hacienda, français


234

LA

HACIENDA

DE

CAMARON.

en nombre et qu'ils barétaient que les Mexicains raientia route. Il était alors cinq heures et environ, la 3e compagnie était presque anéantie. Outre les grosses d'artillerie de siège, les pièces du trésor, les prolonges et les voitures de fourgons l'intendance de matériel et de. mumilitaire, chargées traînait à sa suite une foule de charnition, le convoi rettes du commerce et près de 2,000 mules portant les provisions des cantiniers cela faisait un civils; défilé interminable, encore le mauvais que ralentissait état de la route. Dans ces conditions, toute surprise devait être fatalement le capitaine Cadésastreuse des voltigeurs, de la conduite bossel, du conchargé avec lui que deux voi, n'avait du régicompagnies ment étranger et point de cavalerie il fit faire halte aussitôt et dépêcha un exprès à la Soledad répour clamer de nouvelles il reçut l'ordre de instructions; revenir sur ses pas. A la même heure. le colonel Jeanningros, également faisait demander des renforts prévenu par un Indien, à Cordova. On lui expédie deux bataillons d'intanterie de marine il en laisse un au Chiquihuite conpour server la position avec la légion étrangère lui-même, et l'autre se porte en avant au milieu de la bataillon, en passant les grenadiers du capinuit, et ramasse taine Saussier, qui prennent 1 avant-garde. Au point du jour, la colonne était en vue de Camade son arrivée avait mis en ron, mais déjà l'annonce fuite les Mexicains d'enterrer les qui s'occupaient et Milan levaiten toute hâtesoncampde morts, laJoya. On rencontra, à 170 mètres environ du village, évanoui au pied d'un buisson et grièvement le blessé, tambour de la vaillante Pris mort compagnie. pour visité le par les Mexicains qui la veille au soir avaient de bataille et jeté parmi les cadavres de ses champ le froid de la nuit l'avait réveillé il s'était camarades, trainé droit devant dégagé peu à 'peu et s'était lui,


LA

HACIENDA

DE

CAMAROK.

235

et l'épuisement ce que la douleur l'obligeasjusqu'à sent à s'arrêter. Dans la cour de la ferme, le désordre était affreux et n'attestait de la lutte que trop bien l'acharnement de sang desséché, d'énormes plaques partout partout le sol piétiné, les murs défoncés ou éraués par les des baïonnettes balles puis ça et là des fusils brisés, et des sabres des sombreros, des képis, des tordus, effets d'équipement militaires, déchirés, en lambeaux, cela du sang. Parmi ces débris et sur tout on radu capitaine. la main articulée massa les cadavres avaient été enlevés on les Cependant découvrit en deux tas plus tard séparés distincts, ceux des Mexicains au nord de l'autre côté de la ceux des Français dans un fossé au sud-ouest route, de la hacienda. Une cinquantaine de Mexicains étaient mais il en restait encore déjà enterrés plus de deux cents. Les Français avaient homperdu vingt-deux mes tués dans l'action huit autres, il est vrai, moururent aussitôt des suites de leurs blessures, presque et parmi eux le sous-lieutenant Maudet, quL transsuccomba le 8 mai. Les Mexicains porté à Huatesco, s'honorèrent eux-mêmes en rendant à ses dépouilles les honneurs militaires. Il y eut de plus 19 soldats et sous-ofïiciers blessés. Chez les Mexicains comme chez nous, par une particularite le nombre des morts fut plus concurieuse, sidérable du reste, on remarque celui des blessés tous les hommes qua que des deux côtés presque avaient été frappés a la tête ou dans le haut du corps. aux survivants Quant ils suivirent prisonniers d'abord la colonne traités avec mexicaine, parfois aussi souvent mais nous égard, malmenés, injuriés n'avons leur odyssée à travers les vilpas à décrire des Terres-Chaudes, sans lages et les forêts vierges cesse forcés de fuir avec leurs gardiens devant l'apdes proche troupes françaises.


236

LA

HACIENDA

le bruit

Pourtant

de

DE

leur

l'administration

cette

sorte

trois

n'étaient

mois longs convoi de

mier

Maine, mexicains

caporal colonel Dans

à

de souffrances, dont faisait

nous

avions

en

que bon

nombre

des

quelques-uns,

des

restaient

les

mains Dès

saisis

à

< Jesu-Maria, leur arrivée au au

tard.

plus un

pu

triomperpétuel où ils passaient, les

et

se

leur

vue

acclamait; frappe d'une en

plus sorte

joignant

les voilà le chef de corps, alors par intérim et place du colonel

commandait

Regnault, qui ment étranger,

n'avaient

et s'écriaient

superstitieux

pouvoir. avaient

blessés

dans les phe villages la foule à leur rencontre se portait les Indiens dont surtout, l'esprit aisément, d'étonnement

prele partie soldats et un

qui fut

prisonniers villes et les

Après un

notre

rentrèrent

Jalapa,

de

négociations conduire.

200

de

retour

les

contre

l'hôpital

Ce

et

la liberté; se débattait

8 prisonniers, fut échangé

succombé

quitter

rendre

incroyable

d'attente

l'intervalle,

encore

amis tous, autorités Les

faire

libérale, aisées pas

s'était

chez

unanime.

de leur

s'occupèrent le désordre dans

mais, alors

défense

héroïque et avait excité

dans le pays répandu ou ennemis, une admiration françaises

CAMARON.

lieu

bataillon le régiJeannin-

à Vera-Cruz, de rédiger un appelé s'empressa circonstancié du combat de Camaron dont on rapport les encore détails. Ce rapport très émouignorait gros,

très

vant,

jusqu'au A son ture

à

et dans

bien général

tour, toutes un

celui-ci les

ordre

voulut

troupes du jour

ral

de Mexico, le 31 août braves soutenu qui avaient il

il disait, mérité des donc

des

voie

fait, parvint par en chef Forey.

déclara

qu'une

récompenses à pouvoirs

qu'il

hiérarchique

en fût

lec-

du

corps expéditionnaire, daté de son quartier généavoir glorifié les 1863, après cette lutte de géants,comme si

belle

conduite

extraordinaires. lui

donné

conférés,

avait En

Maine,

vertu

sergent


LA

le corps; Schaffner, recevaient Brunswick, la autres neur, quatre

dans

les

Europe

rial,

le

après,

médaille

au Moteur

anciennes

maisons,

en

rappelé décret

sur

les

en- face

de

fondations la hacienda

impé-

des en

Non village. les héros, s'élève un brisée en qu'entoure

une

lois qu'un détachement français chaque pation, les tambours battaient sait devant Ca.ma.ron, les soldats les armes et les présentaient champs, cicrs

de

de lauriers guirlande point d'inscriple gouvernement c'est y supplée gloire de l'entretien mais depuis qui lait les frais toute la durée de l'occumémorable, pendant

serpentant tion leur le jour

par

Peu

le 9 août J864. tmzuerse~, de fer de Vera-Cruz à Mexico

détruite pourl'agrandissementdu partie ou dorment loin de là. à la place d'une surmonté colonne tertre,

mexicain

était

confirmées

le chemin Aujourd'hui Camaron et passe traverse deux

militaire.

étranger

régiment

nominations,

parurent

devait être décoré, promu vacance à la première Wensel, Fritz, Pinzinger, la croix de la Légion d'hon-

et déjà lieutenant

son retour depuis de sous au grade

temps

237

CAMARON.

DE

HACIENDA

saluaient

de l'épée.

pasaux ofB-


TABLE

DES

MATIÈRES

Pa~M LUCIEN-LOUIS

LES

UN

FUSILIERS

LANDE.

Introduction

par

Emite

FAnuET..

5

MARtKS.

INVALIDE.

LESEURENTHOFF.

J

jgg

LAUAC)EXDADECAMAHOX.

POtTtERa.

1~

TYPO(.!tAPHtB

CPDtX.


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