A travers le monde - 1905

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A travers le monde (Paris. 1895)

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A travers le monde (Paris. 1895). 1905. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF. Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 : - La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. - La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service. CLIQUER ICI POUR ACCÉDER AUX TARIFS ET À LA LICENCE 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit : - des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable du titulaire des droits. - des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter reutilisationcommerciale@bnf.fr.



A

TRAVERS LE MONDE


PARIS IMPRIMERIE FERNAND SCHMIDT 20, rue du Dragon, 20


NOUVELLE SÉRIE

zue

~NNÉE

A

TRAVERS LE MONDE AUX PAYS INCONNUS.

EXCURSIONS. ÉCONOMIQUE.

TRAVERS LA NATURE

GRANDES COURSES DE TERRE ET DE

DANS LE MONDE DU TRAVAIL.

LA LUTTE

A

PAR1fI LES RACES HUMAINES.

MER.

LA FRANCE A L'É'fRANGEH

QUESTIONS DIPLOMATIQUES ET POLITIQUES.

MISSIONS ARCHÉOLOGIQUES.

CONSEILS AUX VOYACsEURS

L'EXPANSION COLONIALE.

CIVILISATIO:<rS ET RELIGIO:O;S

LIVRES ET CARTES, ETC.

.LeToClI'.dCl.i'\Of.)de-. ·té.fio~d~ar.Edocr~rd~CharPaT~~ ep.186o-

PARIS LIBRAIRIE HACHETTE ET C" 79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79 LONDRES, 18, KING TVILLIAM STREET, STRAND

190j, Droits de traduction et ~t .1éproduet1on réservéa.


La Flottille des

«

Terre-Neuvas ».

Terre-Neuve, French Shore, boëtte et Bait-bill ces ntots ont été souventpronorués dans le cours de laprécédenteannée. Ese décembre dernier, lors de la ratification par les chamhres de l'accord franco-anglais d'avril i9oq, les droits de nos pccheurs ont trouvé dans notre Parlement des de'fenseurs ardents. Sans doute convient-il de consacrer quelques pages aux héros obscurs des ~êcbes lointaines, qui, peu soucieux des discussions diplomatiques, peinent et souvent meurent dans les brumes de l'Atlantique.

CHAQUEannée, plus de dix mille marins de Bretagne et de Normandie partent pour les lieux des grandes pêches à Terre-Neuve. Ils sont engagés par les capitaines de pêche; il est nécessaire, avant de partir, de bien stipuler les conditions d'engagement pour la saison. Un auteur de Saint-Malo, M. E. Herpin, nous a dépeint, en

termes pittoresques

la foire des Terre-Neuvas, où se fait le plus grand nombre d'engagements pour la campagne de pêche à la morue. Cette foire a lieu, chaque année, en décembre, selon un vieil usage. Elle se tient au « Vieux-Bourg », près de Saint-Malo. A cette foire, viennent près de deux mille gars de Cancale,

Saint-Coulomb, Saint-Guignoux,

Miniac, La Ville-ès-Nonais,Saint-Suléac, Pleudihen. Tous ces gars formeront les équipages des goélettes qui armeront à Saint-Pierre; ils partiront de Saint-Malo sur deux steamers. Parmi ces deux mille marins, nous remarquons d'abord les vrais mathurins, coiffés du béret et vêtus de leur chemise de laine ce sont les loups de mer dont la démarche a

trons discutent. Les pourparlers commencent dehors, mais toujours l'affaire se conclut à l'auberge on entre au cabaret pour achever l'accord, signer et recevoir presque toujours quelques avances. Cependant cette foire des TerreNeuvas ne suffit pas à fournir les équipages complets pour l'armement des navires de Saint-Malo et des goélettes de Saint-Pierre. Les capitaines et les patrons de pêche, dès le mois de février, s'en vont faire des tournées sur la côte; car il leur importe de ne pas trop attendre, sinon ils s'exposeraient à n'avoir que le rebut des pêcheurs. Les uns et les autres boivent des bolées de cidre, débattent les conditions de l'engagement, le montant des avances, la part de pêche. Et quand tout est terminé (( Tope-là » dit le capitaine. Et on se (( tope dans la main. Le gars appose son signe' au bas d'une feuille; on

boit ensemble un dernier verre qui sanctionne définitivement le contrat. Au moment où les marins et les patrons de pêche scellent devant le

commissaire de la marine leurs engagements, les pêcheurs reçoivent gardé quelque chose du roulis. des avances. Malheureusement, le A côté de ces vrais pêcheurs, Terre-Neuva dépense presque aussise place une autre catégorie de gars, tôt cette somme pour son équipequi tiennent plus du paysan que du UN MOUSSE DES TERRE-NEUVAS. ment, pour payer la note qui s'est marin c'est la jeune génération, qui allongée chez le boulanger et l'épiD'après une plxotographie. n'a pas encore dans les veines le cier, et à son retour, le marin n'a sang du loup de mer. Mais ces jeunes gens naviguent souvent qu'un solde dérisoire à recevoir. depuis l'âge de dix ou onze ans; ils ont la vocation Voici, en effet, le compte d'un navire qui a rapde la mer, et ceux-là aussi s'engagent pour la grande porté, l'an dernier, 59 409 francs de morue. Déduisons pêche. les frais d'appât, les engins pour pêcher la boëtte, les Et longuement, Terre-Neuvas, capitaines et pagratifications données à l'équipage, soit un total de A TRAVERS LE MONDE.

N° 1.

7 janvier ~ooç.


14oS8 fr. 18; il reste donc net 45 po fr. 82. dont le tiers est pour l'équipage. soit 15 106 fr. 94. Il faut encore déduire quelques avances données aux hommes, soit 1 954 fr. 0 [, car ces gratifications sont toujours

prélevées sur le tiers destiné à l'équipage; le tiers net est donc de 13 152 fr. 93, que nous diviserons par 36; la part qui reviendra à chaque homme sera donc de 365 fi. 36. Deux quartiers surtout arment pour TerreSaint-Malo et Fécamp. Granville envoie aussi Neuve un certain nombre de navires. L'embarquement des marins à Saint-Malo offre un spectacle qui ne manque pas d'intérêt et de pittoresque. Sur le quai, on se presse, on s'interpelle, c'est une fourmilière de marins en partance. Il y a deux modes de transà bord des voiport liers, à bord des vapeurs. Deux steamers sont ordinairement affrétés pour

pagne; puis, au fond, soigneusement cachées, quel-

cidre du pays des pommiers. Les souvenirs de famille n'ont pas été oubliés des lettres, des photographies. Sur le couvercle du coffre, le marin a placé l'image de la Sainte Vierge et, à côté, retenues par une lanière de cuir, sa cuiller et sa fourchette. Ce coffre est le consolateur du marin souvent il viendra le voir; si son cœur est triste, si le travail est dur, le marin l'ouvrira, jettera un regard sur ce cher meuble, et cette vue le ranimera, le consolera. A bord des vapeurs, la traversée s'effectue en huit ou neuf jours. Le second mode de transport se fait à bord des voiliers. Les traversées sur ces bateaux sont plus dures. Les marins sont à l'étroit, 150 et 200 sur un navire qui jauge à peine 25° tonnes, et certainement ce nombre est trop considérable pour un navire ques bouteilles du

d'aussi faible tonnage. Les marins sont logés dans la ils étendent leur cale paillasse sur leur coffre, voilà leur lit. Pendant ces traversées, les pê-

le transport des Terre-

Neuvas qui armeront les goélettes ayant hiverné à Saint-Pierre sur chacun

cheurs sont inoccupés;

de ces navires s'embarqueront 1 200 et 1 500 ma-

rins.

Nos

m

leur seule distraction est le jeu, et ils jouent beaul'ivresse n'est pas coup rare non plus pendant ces traversées. Sous prétexte de se faire des amabilités, ils se payent les uns aux autres des tournées de petits verres, et de ces verres multipliés ils arrivent à tomber dans un état lamentable.

arins s'en

vont pour 8 et 9 mois; il

leur est donc nécessaire

d'emporter, outre leur équipement, leur petit mobilier. Et en quoi consiste-t-il ? En une paillasse, soigneusement préparée par toute la famille. Cette paillasse est fraîche, mais, dans quelques jours, elle ne sera plus qu'un peu de paille hachée menu, humide, sur laquelle le marin prendra ses courts instants de repos, et sur laquelle il fera aussi sécher son linge, lorsque le temps ne permettra pas de faire

Les

traversées

à

bord des voiliers sont parfois très longues. Ils

LE DÉPART DES TERRE-NEUVAS.

partent en mars, époque des mauvais temps; ils ont ainsi à lutter sans cesse contre la mer; puis les vents debout, qui rè-

gnent presque continuellement à cette saison, retardent leur marche. J'ai vu, une année, des navires mettre 6o et 70 jours pour se rendre à Saint-PierreMiquelon, et, cette même année, la moyenne des traversées a été de quarante-cinq jours. Ces traversées sont, en outre, très périlleuses. Trois dangers sont à les glaces flottantes qui se détachent, au craindre moment de la débâcle/des régions du nord, et qui sont

D'après u~te photographie.

cetteopérationsurlepont.

Le marin embarque aussi un coffre. Rien n'offre au

regard un spectacle aussi curieux que celui des quais de Saint-Malo, où se pressent ces matelots au milieu de ces amas de paillasses et de coffres, tour à tour ouverts et visités par le commissaire de la marine, qui veut se rendre compte que le marin n'embarque pas quelques litres d'alcool. Ce coffre du marin est son meilleur compagnon, son ami; c'est tout son bien. Avec quel soin il a été préparé! Pas un membre de la famille qui n'ait mis du sien pour que tout fût bien prêt et que rien ne fût oublié. Dans ce coffre je vois des chemises, des gilets, des tricots de laine rouge, le plus souvent rapiécés. J'y vois ces bottes énormes, assez semblables à celles des égoutiers de Paris, bottes que le marin ne quittera presque pas de toute la cam-

entraînées par le courant polaire dans les parages de Terre-Neuve; le brouillard qui, sur les bancs de TerreNeuve, est intense et persiste parfois pendant huit et dix jours sans un moment d'éclaircie; enfin, les paquebots transatlantiques qui prennent le banc de TerreNeuve en écharpe, marchant

à des

vitesses exagérées

au mépris de tous les règlements. Les navires que montent nos marins sont géné-


ralement solides, biengréés, quelquefois même de forme fine et élégante. On

y trouve toute la

série depuis la goélette jusqu'au troismâts goélette et trois-mâts barque. Ils jaugent de 70 à

35o et quelques-uns même 500 tonnes. Les goélettes de 70 à go tonnes ne font pas la traversée de

l'Océan, mais arment et désarment à Saint-Pierre. Nous devons constater avec plaisir que, depuis quelques années, des bateaux

neufs viennent prendre la place des vieux, et le nombre de ces vieilles coquec, qui ont beauque~,

t

6 pOS9'E DE L'ÉQUIPdCE DANS U.4E GO;:LETTEDE

ERRE-NEU~AS.

D'a~rès Icne photogra~hie.

coup navigué et

beaucoup souffert, diminue de jour en jour; et il est à désirer qu'elles disparaissent le plus vite possible. Ce sera une sécurité de plus pour les marins, car il ne se passe pas de campagne sans que plusieurs d'entre elles, faisant trop d'eau, doivent être échouées et abandonnées. Heureux encore lorsqu'elles ne sont pas victimes de quelque tempête et qu'elles

temps fermé, à cause du mauvais temps. Il ne faut pas rester longtemps au-dessus de ce panneau pour sentir une odeur indéfinissablequi s'échappe de ce triste local.

[8, 25, 3o hommes sont entassés et couchent

dans ce trou de

quelques mètres

carrés. Et là, on fait tout

on man-

ge, on boit, on fume, on dort. Les marins y apportent

n'entraînent pas

avec elles tout leur équipage! Ils sont divisés en trois parties. A l'arrière, nous avons les cabines des officiers, ainsi qu'un petit carré où ils prennent leur repas. Là, rien de

leurs vêtements mouillés, qui dé-

gagent bientôt une buée

épaisse; les

couvertures sont perpétuellement humides. On y mange,

et on jette à terre

d'une gamelle, des détritus

luxueux. Au centre

le fond

du navire, nous avons la cale, c'est l'endroit destiné à recevoir la morue; ici, tout est propre, tout est bien entre-

de poissons, un fond de verre, des os, des arêtes. Tout cela forme sur le

tenu,

c'est pour

¡'~E GO~LGi'TG ET

~'après

SA

DORtg.

plancher une couche gluante, que l'on pourrait facilement enlever, mais qu'on laisse par négligence. Il y a bien le mousse ou le novice, chargé de la propreté du poste de l'équipage; mais une fois sur Ie Banc, il faut qu'il travaille comme les autres, et il ne peut être partout à la fois d'ailleurs, les marins sur les Bancs s'habituent vite à croupir dans une saleté repoussante.

une photographie.

ainsi dire le sanctuaire du navire. A l'avant, se trouve le poste de l'équipage. Ce qu'on appelle le poste de l'équipage est toujours un trou sombre, au plancher boueux, aux cloisons suintantes, un trou qui ne communique avec l'extérieur que parun petit panneau chargé d'y amener l'air et la lumière; mais ce panneau est la plupart du


La nourriture des marins n'est ni délicate, ni variée. Les navires, en quittant la France ou SaintPierre, quand ils viennent y relâcher, emportent du pain pour huit jours et un peu dè viande fraîche; mais tout cela est bien vite consommé. Alors il ne leur restera plus que la nourriture de la mer, c'est-à-dire des pommes de terre, du lard, des haricots, des têtes de morue et du biscuit. Et tous les jours, même menu Sur la plupart des navires, les hommes touchent le graissage,c'est-à-dire 250 grammesde beurre et autant de graisse par semaine et par homme. De plus, chaque homme touche un quart de vin à midi. Le biscuit est à discrétion. Les marins sont tellement habitués au biscuit qu'ils finissent par regarder le pain comme un aliment de luxe. Comme liquide, indépendamment du quart de vin qu'ils reçoivent à midi, les pêcheurs ont droit à

une certaine ration d'alcool, ration qui est de 25 centilitres. C'est là trop d'alcool. Excellent homme quand il n'a pas bu, le marin devient ce que l'on sait quand il a avalé son horrible vitriol Les alcools dont on use à Terre-Neuve sont, la plupart, d'origine allemande, et sont achetés, par les armateurs au prix de o fr. 60 le litre, au titre de 96 degrés. On les ramène à 40 ou 45 degrés, ce qui met le

litre à o fr. 3°.

Dès son lever, le marin absorbe déjà un premier boujaron d'eau-de-vie; et cela, à jeun. Quand il aura relevé ses lignes, il boira encore un boujaron, toujours à jeun. Ce n'est qu'après ces 10centilitres d'alcool absorbé qu'il prendra son petit déjeuner. A dix heures, à midi, à quatre heures, à six heures, autres boujarons de ce funeste alcool. En plus de ces 25 centilitresd'eau-

de-vie, je dois faire mention de gratifications qui sont fort en honneur sur le Banc de Terre-Neuve, pour stimuler le zèle des marins. Avec un boujaron d'eau-de-vie, on obtient ce que l'on veut du morutier. (( L'alcool, disait un capitaine de pêche, c'est la boëtte du pêcheur, comme l'encornet est la boëtte de la morue. » Les navires de pêche américains circulent sur le Banc de Terre-Neuve, au milieu de nos navires; ils font le même métier, partagent les mêmes souffrances, et cependant l'alcool à bord est formellement interdit. Au lieu d'alcool, les marins américains ont à discrétion des boissons chaudes, thé et café, une cuisine soignée, et la propreté de ces navires et des marins forme un contraste frappant avec la malpropreté repoussante de nos navires et de nos pêcheurs. Car, avec l'alcool, la malpropreté est le vice le plus enraciné du pêcheur français; il faut avoir vu et avoir senti pour s'en faire une idée; je n'exagère rien; la constatation est douloureuse, mais elle n'est que l'expression de la vérité. Comment s'étonner, dès lors, de ces actes dignes de la sauvagerie de jadis, qui se commettent sur certains navires, et qu'il vaut mieux taire? Tout cela est le résultat de falcool, fléau du pêcheur! Salaire insignifiant, maigre nourriture, hygiène déplorable. alcoolisme; tels sont les compagnons de route des Terre-Neuvas. Et ces fléaux sont couronnés par les misères et les dangers que la campagne de pêche réserve à ces malheureux sur les Bancs ABBÉ CRAMILLON.

Ancien aumônier des bateaux-hôpitaux,

L'Émigration des Boers. Une Entente avec l'Allemagne leur est-elle possible en Afrique? Lss Boers, si l'on en croit les journaux d'Amsterdam,

ne seraient pas éloignés de prendre un parti qui renouvellerait le grand exode des années 1834-1844, époque à laquelle, ne voulant pas se soumettre au Gouvernement anglais, ils quittèrent la colonie du Cap pour chercher dans le nord un pays de liberté. Leurs tentatives d'émigration ont été jusqu'à présent peu nombreuses et n'ont pas, dit-on, donné à ceux qui se sont transplantés les satisfactions qu'ils attendaient. De petits groupes se sont établis au Chili, dans l'Argentine, au Mexique, à Madagascar, à Java, sans réussir à créer un courant continu. Il semble que le Boer ne puisse bien prospérer qu'en Afrique. Il existe, d'ailleurs, des colonies boers dans quelques districts africains non soumis à l'Angleterre. Depuis un quart de siècle, quelques familles sont établies à Mossamedes, dans l'Afrique occidentale portugaise. D'autres ont été chercher refuge sur la côte de Mozambique, mais les fièvres les y ont décimées. C'est principalementvers les colonies allemandes de l'Afrique orientale et sud-occidentale que lM Bôers se sentent attirés et que les circonstances climatiques leur sont le plus favorables. Des amitiés allemandes leur ont fait entrevoir un projet qui consisterait à créeri dans l'Afrique occidentale, un État libre boer, sous la suzeraineté de l'Allemagne. Un autre projet tendrait à ouvrir à la colonisation boer les territoires de l'Afrique sud-occidentale. Environ 2 000 Boers se sont déjà établis, depuis la guerre sud-africaine, sur le territoire de la colonie. Mais le Gouvernement colonial n'a pas montré, il est vrai, beaucoup d'empressement à les accueillir. L'Allemagne redoute la présence d'un élément réfractaire à toute organisation politique. Les Boers seraient d'un très grand secours contre les indigènes, et leur expérience agricole et pastorale mettrait les terres en valeur. Mais on sait qu'ils ne veulent pas s'astreindre au service militaire obligatoire et qu'ils sont avant tout préoccupés d'assurer la persistance de leur langue dérivée du hollandais. Une feuille natiomle boer d'Amsterdam, la Zuid-Afrikaansche-Post, recommande aux Boers de se plier, dans l'Afrique sud-occidentale allemande, à toutes les exigences du Gouvernement colonial. Une fois qu'ils seront établis dans la colonie allemande, 'ils y seront des citoyens jouissant de tous les droits, et par conséquent ils devront accepter tous les devoirs. Leur établissement dans la colonie voisine de celles qu'ils viennent de perdre serait un coup droit porté à leurs vainqueurs. d'hier. En privant l'Orange et le Transvaal du travail de leurs mains et de la force que leur présence porte à l'Angleterre vis-à-vis des indi-* gènes, ils enlèveraient aux Anglais une. partie des bénéfices de leur conquête..


La Mission Maclaud. La Délimitation de la Frontière entre la Guinée française, la Casamance et la Guinée por-

tugaise'.

frontière entre la Guinée portugaise et les possesLsions françaises voisines été fixée

i

a

par une con-

mai 1886; mais aucune tentative sévention du rieuse n'a été faite jusqu'à ces dernières années pour déterminer sur le,terrain les limites exactes des deux

colonies. La question est aujourd'hui à la veille d'être résolue grâce à la mission

commission avait réussi à délimiter les frontières sudest et une partie du parallèle 12040. Au cours de la campagne de 1904, fut achevée la détermination du parallèle 12°40' jusqu'à son intersection avec le 1 7~30' longitude ouest de Paris, et entamée la délimitation de la frontière entre ce point et le cap Roxo. Le tracé sur le parallèle n'a pas apporté de modifications bien sensibles à la situation territoriale des possessions françaises et portugaises. Il nous a fait perdre dix villages, mais nous. en avons gagné un nombre égal, et si l'on considère les dispositions des populations, il est probable qu'en fin de compte le nombre des indigènes passés sous notre protection éclipsera celui des indigènes devenus protégés portugais la décision très sage, prise par le gouverneur général de l'Afrique occidentale, d'exonérer de l'impôt, durant une année, nos nouveaux sujets, ne manquera pas d'accentuer un mouve-

ment qui montre à quel point les in-

portugaise

digènes de cette portion de l'Afri-

du Dr Maclaud et du lieutenant Mu-

que apprécient les avantagesde notre

santy.

domination. Pour déterminer la partie de la frontière comprise entre l'intersection du parallèle r a°4o nord avec le

franco

L'article 1 er de la convention de 1886 qu'il s'agissait de mettre à exécution est ainsi conçu En Art. 1 cr, Guinée, la frontière qui sépare les pos-, sessions portugaises des possessions françaises suivra. Au nord, une ligne qui, partant du cap Roxo, se tiendra, autant que possible, CARTE MONTRANT LA DÉLIMlTATI::>N DE d'après les indicaLA CASAMANCE ET tions du terrain, à égale distance des rivières Casamance et Cacheo jusqu'à l'intersection du méridien 17°)0' de longitude ouest de Paris avec le parallèle 12°40' de latitude nord. Entre ce point et le 16° de longitude ouest de Paris, la frontière se confondra avec le parallèle 12°40' de latitude nord. A l'est, la frontière suivra le méridien de 16° ouest, depuis le parallèle 12°40' de latitude nord jusqu'au parallèle 11°40' de latitude nord. Au sud, la frontière suivra une ligne qui partira de l'embouchure de la rivière Cajet, au nord de l'île Tristâo (qui sera à la France) et se tenant, autant que possible, à égale distance du Rio Kompony et du Rio Grande, viendra aboutir au point d'intersection du méridien 16° de longitude ouest et du parallèle 11°40' de latitude nord.

Au cours d'une première campagne,qui dura de

décembre 1902 à juin 1903 et qui eut pour résultat notamment de nous laisser à titre définitif le poste important de Kadé où passait déjà notre télégraphe, la 1. Voir le

vembre 1904.

Bulletin du Comité de l'Ajrsqxe fran¢aise, no-

méridien

17°30

ouest de Paris, et le cap Roxo sur le littoral de l'Atlantique, les deux missions résolu-

rent, d'uncommun accord, de tracer une ligne brisée sensiblement paLA FRONTIÈRE ENTRE LA GUINÉE FRANÇAISE, rallèle aux angles LA GUINÉE PORTUGAISE. saillants septe~trionaux du rio Cacheô et aux coudes méridionaux de la Casamance. La mission, fatiguée par une rude campagne, dut arrêter ses travaux, le 26 mai, l'ouest de Kolibantan. De ces cinq mois passés sur les confins de la Casamance et de la Guinée portugaise, la mission a rapporté de nombreux renseignements d'ordre géographique. Entre le 16° et le 17°30' de longitude ouest de Paris, la frontière traverse un pays dont le sol, comme dans tout le reste du Fouladougou, est uniformément plat et recouvert, dans presque toute son étendue, d'un épais fourré de bambous. Les cours d'eau, larges et sinueux, ont des rives basses et imprécises. Leur lit, encombré par l'humus, mais asséché à la bonne saison, est utilisé par les indigènes qui y font d'abondantes récoltes de riz. Les villages se déplacent sans difficulté, et le grand nombre des bourgades abandonnées que l'on rencontre semble indiquer que.


les Peulhs, qui habitent cette région, n'ont pas tout à fait perdu les habitudes nomades de leurs ancêtres. A côté d'eux, mais plus sédentaires, résident les Man-

dingues asservis, devenus presque étrangers dans leur propre pays depuis la victoire que les Peulhs ont remportée sur eux, il y a environ trente ans. Mandingues et Peulhs ne se mélangent pas, et presque tous les villages comptent deux groupes de cases Foulacounda, qui signifie l'endroit où habitent les Foulbès, et Moricounda, l'endroit où résident les Mandingues. La contrée est très riche et fertile. Il avait été rarement donné aux voyageurs de voir un pays où les vivres fussent aussi abondants, et leur étonnement était partagé par ceux de leurs travailleurs qui étaient origi-

naires de la Guinée. Le Fouladougou pourrait facilement nourrir une population dix fois plus nombreuse. L'abondance des champs de coton ne peut que faire regretter -que les variétés cultivées soient aussi abâtardies et qu'aucune voie de communication ne permette l'écoulement de ce produit ailleurs que sur Farim. Autour de chaque village, paissent de magnifiques troupeaux de bœufs; mais les animaux servent uniquement à la nourriture des indigènes, et c'est à peine si, chaque année, quelques têtes de bétail sont exportées vers le comptoir anglais de Mac-Carthy.Dans le Sankolla, les lianes à caoutchouc,à peine exploitées, sont très abondantes; des forêts de palmiers à huile bordent la plupart des rivières, mais les noirs ne tirent aucun parti des amandes. Les céréales sont partout très abondantes, les arachides sont de belle qualité, mais aucun indigène ne peut songer, vu l'absence complète de moyens de transport, à les vendre aux comptoirs européens, dont les plus rapprochés sont à

environ. 7 kilomètres Dans la vallée de Ja Casamance, près

de Koli-

l'aspect du pays se modifie légèrement; les clairiéres sablonneuses se font plus fréquentes; à. la flore guinéenne succèdent les essences sénégalaises, les cultures d'arachides et de mil, les champs de calebasses et de coton les villages sont moins clairsemés et l'ontrouve dans les populations de race mandingue quelques traces, bien rares du reste, d'influence de l'islam. Entre la frontière et le poste portugais de Farim, au contraire, on ne cesse pas de demeurer en plein pays guinéen. Quant au poste même de Farim, il a paru à M. Maclaud qu'il avait sensiblement perdu de son importance et que, malgré une situation exceptionnellement favorable sur les bords d'un fleuve que peuvent remonter de grands navires de mer, il était loin d'offrir l'activité commerciale que permettrait une utilisation rationnelle des admirables ressources du pays dont il est le centre. bantan,

Entre Farim et la frontière occidentale du pays des Balantes, la mission de délimitation rencontra de réelles difficultés. Le travail à travers les boues gluantes des marécages du Cacheo, à travers le fouillis de troncs et de racines des mangliers, fut extrêmement pénible. En outre, la population était plutôt hostile, et si cette hostilité ne se manifesta pas violemment,c'est sans doute par suite de l'adjonction à la mission d'une petite troupe de vingt-cinq soldats portugais que le gouverneur de Boulam amena à la mission.

Le rio Cacheo lui-même, qui est la

grande artère

du pays, constitue une merveilleuse voie de pénétration. (( De Farim à Cacheo, écrit M. Maclaud, le fleuve se présente comme un large couloir sinueux, qu'on dirait taillé à l'emporte pièce dans la nappe verte des palétuviers, Creusé dans la latérite et les grès en sa partie supérieure, son lit, qui ne dépasse pas 200 mètres de largeur à Farim, s'étale dans les alluvions voisines dela côte; sa profondeur est partout considérable à 200 kilomètres de son embouchure, elle est encore de 7 mètres à mer basse, et les grands navires peuvent, sans risque d'échouage, remonter jusqu'à Farim. a Des marigots profonds et salés pénètrent au loin dans l'intérieur des terres. Plus près de la mer, ils s'abouchent les uns dans les autres et constituent un réseau compliqué de lagunes, que traversent de violents courants marins. Ce dédale de canaux modifie profondément le régime des marées, qui se font encore sentir à 5o kilomètres en amont de Farim. dépas(( Les courants qui, en certains endroits, sent 4 noeuds, sont bien connus des marins indigènes qui les utilisent habilement pour leurs voyages entre Farim et Cacheo. Les poissons de toute sorte abondent dans le fleuve et ses affluents; la pèche et le séchage du poisson sont une des industries les plus lucrativesdu pays. Les huîtres de palétuviersfournissent un appoint considérable à l'alimentation des popula-

tions riveraines. »

Sur la Casamance elle-même et le pays qui borde immédiatement au sud cette importante rivière, la mission ne pouvait guère espérer recueillir beaucoup de renseignements nouveaux, la contrée dont il s'agit étant depuis longtemps occupée par les Européens, qui y ont installé de nombreuses maisons de commerce. Mais les relations avec les Balantes ne sont pas toujours aisées. On sait que ces populations turbulentes et farouches sont demeurées jusqu'à ce jour dans une quasi-indépendance; grâce à de sages précautions cependant, aucun incident ne s'est produit entre ces indigènes et la mission, qui a rapporté de sa traversée du pays balant, et des richesses naturelles qu'il renferme, une impression assez favorable. Le docteur Maclaud et ses collaborateurs viennent de se rembarqtier pour continuer la délimitation et l'abornement. Grâce à leurs efforts et à ceux du lieutenant Musanty, la question sera bientôt complètement réglée.

Les

Dunes'maritimes allemandes.

l'embouchure de l'Ems jusqu'au delà du Niémen,

sur un énorme développementde côtes maritimes, s'allonge un bourrelet de dunes, que les ingénieurs s'efforcent de fixer depuis un siècle. Ces dunes, qui ont fait l'objet d'un ouvrage intéressant. publié naguère sous les auspices du Gouvernement prussien, ont donné matière à une intéressante communication faite


par M. Buffault à la Société de géographie de B:>rdeaux. Les côtes de la mer du Nord sont marécageuses, fort basses et battues pardes vents violents. Sans cesse remaniées par les eaux, elles ont été en ou sont voie d'affaissement. Les dunes sont surtout sur les îles sablonneuses avancées en mer, restes d'anciens rivages engloutis; la diminution graduelle, sous l'effort des lames, de la petite île d'Helgoland, est un phénomène bien connu. Les côtes de la Baltique, plates, non précédées d'îles, se couvrent de dunes assez puissantes. Elles aussi ont subi un affaissement. La preuve en est dans des bancs de tourbe qui affleurent sur les plages, dans des troncs d'arbres en place qui subsistent jusque sous les vagues et marquent la position d'anciennes forêts submergées. Près de Warnemünde, des vestiges de forêt, trouvés à 5 mètres de profondeur, momreraient qu'avant la période historique le Mecklembourg avait une altitude plus élevée qu'aujourd'hui et se joignait aux îles danoises et au Jutland. Les dunes sont importantes en Mecklembourg, en Poméranie et surtout en Prusse, où les travaux de fixation'des dunes allemandes ont pris le plus d'extension. C'est en Prusse que se trouvent ces curieuses flèches de sables appelées Nehrungen dans le pays, l'une fermant le golfe de Courlande, l'autre celui de Pillau, la troisième constituant la presqu'île Hela, au nord de la baie de Dantzig. L'étude géologiquedu pays montre qu'il y a eu plusieurs ères de dunes. Près de Pillkoppen; par exemple, le sol est formé de trois couches de'sables d'époques différentes, la plus ancienne datant de l'âge dela pierre. Ces couches sont séparées par deux sols de forêt ou de lande.conservantdestraces de végétaux et montrant ainsi que les deux premières invasions arénacées ont été suivies de périodes de repos ayant permis à la végétation de s'installer pour un temps. La formation, la progression et l'aspect des dunes sont les mêmes sur le littoral de la Baltique et dela merduNord que sur celui de l'Atlantique. Là-bas comme ici, il y a des dunes isolées et d'autres reliées en chaînes continues, et la forme en croissant est fréquente. La vitesse de progression des sables varie suivant les lieux Im50 à 8 mètres par an en général. Dans leur marche, ces sables ont enseveli des villages, des cimetières, des forêts; les preuves en existent incontestables. Et de même qu'Élie Vinet notait, au xme siècle, que les lièvres en Médoc gitaient sur la cime des arbres, de même un conseiller municipal de Dantzig mentionnait en t824 que, quarante ans auparavant, il avait vu toute une forêt s'ensabler jusqu'à la cime et qu'à l'époque où il écrivait, on marchait au-dessus de la tête des arbres. Latechniquedestravauxdefixation est, en Allemagne, la même qu'en France dans les principes boisement des grandes dunes en immobilisant le sable par des clayonnages et des couvertures de ramilles, plantation de gourbet sur les sables proches du rivage, constitution d'une dune littorale à profil régulier. Mais dans les détails d'application, les Allemands se différencient des Français; ils y apportent, avec leur habituel esprit méticuleux, la volonté tenace d'arriver, sans se laisser arrêter par les dépenses si celles-ci sont justi-

fiées. Leur méthode de boisement en est le meilleur exemple. Ayant renoncé depuis longtemps au semis et n'ayant recours qu'à la plantation, ils plantent les pins soit en mottes, soit à-racines nues dans des potets où, l'automne précédent, on est venu apporter de l'engrais

(argile, vase, etc.), et que

dant

parfois

on arrose pen-

les sécheresses de l'été. La fixation des sables

leur revient ainsi par hectare à 1 200 marcs en moyenne (i 500 francs). La fixation des dunes allemandes fut entreprise

d'une façon méthodique et suivie au début du x~xe siècle elle est en voie d'achèvement.

Commandant Lenfant.

La Grande Route du Tchad. tirée 1 vol. in-8~ illustré de 115 gravures et d'une carte hors texte. Broché, 12 francs; relié, 17 francs.

ON sait avec quelle curiosité, quelle

sympathie, quelle admiration le public accueillit naguère le récit du dramatique voyage accompli par le commandant alors capitaine Lenfant à travers les rapIdes et les chutes du bas Niger. La nouvelle entreprise de pénétration, dont il publie aujourd'hui sous le titre La Grande Route du Tchad, le saisissant journal, ne provoquera pas de sentiments moins vifs. Au succès de cette exploration se rattache en effet d'abord tout l'avenir de nos postes militaires et de notre commerce africain. Mais, si importants que soient les résultats, l'intérêt s'en trouve surpassé, par celui du récit luimême de ce voyage « extraordinaire vrai. C'est que le commandant n'est pas seulement le chef qui s'impose par la sûreté du coup d'oeil et la netteté du dessein; il ne voit pas seulement, il sait faire voir, faire vivre ce qu'il a vu! De là, d'abord, ces descriptions si précises et si précieuses pour l'œuvre ultérieure de la colonisation ces descriptions de paysages grandioses ou charmants, fertiles ou misérables; de là surtout tant de scènes pittoresques et plaisantes, ou surprenantes et terribles, mais qui vous prennent, vous séduisent, vous attachent d'autant plus fortement que le ton du narrateur est plus simple et plus aisé. L'illustration, très abondante, suit d'ailleurs le texte de tout près; elle est aussi exacte, aussi fidèle que le récit qu'elle commente.

et

Dr Otto Nordensl5jbld.- Au Pôle antarctique. Traduction de Charles Rabot. vol. in.S", orné de 105 illustrations et cartes d'après des photographies de l'explorateur. Prix broché, 10 francs; rellUre d'amateur spéciale, 15 francs. Ernest Flammarion, éditeur, 26, rue Racine.

C'EST le récit de l'assaut donné par les Suédois pendant

cette bataille générale contre les glaces australes que nous présentons au public français. Marquée par des épisodes dramatiques qui donnent à cette entreprise scientifique l'attrait d'un surprenant voyage d'aventures, l'expédition suédoise restera à jamais mémorable. Tour à tour menacée d'engloutissement au milieu des banquises ou par la famine sur les bords d'une baie glacée, des situations les plus critiques, elle triomphe. par une merveilleuse ingéniosité et par un sang-froid qui fera l'admiration de tous les lecteurs. Et quelque angoissante que soit leur détresse, jamais ces coeurs vaillants n'oublient leur mission; torturés par les affres de ta faim, ils songent àleurs études, ils récoltent des observations glaciaires ou des fossiles dont la découverte révélera l'histoire géologique du globe, et, pour sauver leur précieuse moisson, à quel surcroît de dangers ne s'exposent-ils pas! De quelque nom qu'on la décore, seule, une flamme d'idéal donne aux individus, comme aux collectivités, rénergie nécessaire à la victoire, et dans la nuit des préoccupations matérielles les incite aux nobles entreprises qui assurent .Ie respect et la grandeur.


Le Chemin de

fer du Cap au Caire.

Une nouvelle extension du chemin de fer du Cap au Caire jusqu'à un point situé à 3~o milles au nord du Zam-

bèze a été décidée. Sir Charles Metcalfe, ingénieur-conseil de la ligne, qui, actuellement, dirige les travaux sur le Zambèze) annonce que la construction avance rapidement au nord de Victoria Falls. Il compte que le rail atteindra prochainement Kalomo, centre administratif de la Rhodesia nord-occidentale lBarotseland). De Kalomo, qui est à 100 milles au nord du Zambèze, les travaux seront, en exécution de la décision

ci-dessus, poursuivis dans une direction nord-est jusqu'à Broken Hill, distant de 2;0 milles de Kalomo.

éthiopien ), dans l'Afrique du Sud.

Le Mouvement mouvement dit

«

éthiopien », qui tend à faire de la race nègre en Afrique, mais plus particulièrement dans l'Afrique du Sud, un parti et une force indépendants, prend des proportions de plus en plus grandes. Au Transvaal, existe une « Ligue pour la défense des intérêts indigènes », qui déclare s'attacher uniquement à protéger les intérêts des noirs, sans se préoccuper des différences de religion. Elle a pour organe le journal bilingue Leible La Babaibso (l'œil des noirs), qui porte cette devise « Je suis né noir. Noir je vivrai et je mourrai. Ni l'instruction ni la richesse ne changeront rien à ma couleur. je ne désire pas imposer aux blancs ma société, mais je réclame les droits que m'assure ma qualité de sujèt anglais. » Les impressions produites par la guerre du Transvaal, la crise économique actuelle, l'importationde la main-d'oeuvre chinoise, le soulèvement des Herreros sont autant de facteurs qui favorisent à merveille ce mouvement important. Le

«

L'Organisation sanitaire de l'Inde. l'Inde vient de créer un poste de commissaire impérial sanitaire, indépendant de la Direction générale du Service médical de l'Inde, qui était jusqu'à ce jour seule à s'occuper de cette section spéciale des affaires administrativesde l'Inde. Le Gouvernement de

fonctionnaire aura pour principales attributions à la fois de diriger ou de proposer toutes mesures susceptibles d'améliorer le fonctionnementactuel du Service sanitaire et d'organiser les travaux de recherches scientifiques en matière d'hygiène publique. C'est ainsi que l'on va créer sous peu'un laboratoire central d'hygiène et de bactériologie qui sera chargé de la préparation de certains sérums curatifs et de l'étude des questions sanitaires de caractère général; cette organisation sera complétée par l'installation, dans les grandes provinces de l'Inde, de laboratoires locaux fonctionnantcomme le laboratoire central sous la surveillance et le contrôle du nouveau commissaire impérial. Celui-ci, au reste, ne doit pas substituer, en matière d'hygiène publique, son action à celle des gouvernementsprovinciaux, mais il jouera auprès de ces organismes le rôle d'inspirateur et de conseiller, et tâchera d'orienter leurs efforts au mieux de l'intérêt général. Le nouveau

La Main-d'oeuvre dans les Chantiers de la ligne Yen-Bay-LaoKay. Les travaux de construction de la ligne du chemin de fer de Yen-Bay à Lao-Kay sont en pleine activité. Tous les

kilomètres environ, des campements ont été établis à proximité des chantiers. Plusieurs magasins d'approvisionnements ravitaillent toute la ligne. La surveillance et la discipline des coolies sont assurées par une brigade spéciale de gardes indigènes sous la direction d'un, administrateur dont la résidence est à Bao-Ha. Malgré la surveillance dont ils sont entourés, les soins 10

matériels qu'on a pour eux et la forte solde qu'ils touchent, un certain nombre de coolies ont déjà déserté. Voici comment ils opèrent. Ils se font porter malades et restent au campement. De là, sans surveillance, ils se rendent dans la forêt prochaine, coupent des bambous ou des bananiers qu'ils dissimulent sur le bord du fleuve et en font un petit radeau pouvant porter deux personnes. Ils rassemblent leurs hardes, sans oublier les effets neufs et les couvertures qu'on leur a distribués, prennent des provisions et font glisser dans le fleuve le petit radeau sur lequel ils s'installent. Les voyageurs qui montent en chaloupe de Yen-Bay à Lao-Kay rencontrent généralementpar jour trois ou quatre de ces radeaux frétés par deux coolies qui descendent ainsi jusqu'à Hung-Hoa ou Viétri sans être inquiétés et regagnent tranquillement leur village. Il serait question de remplacer les travailleurs annamites par des coolies chinois que l'on recruterait à Foutchéou, en Chine. La Compagnie du Yunnan, qui ne pouvait pas trouver de coolies pour ses travaux dans le Yunnan, a déjà traité pour que 1 ooo coolies chinois soient transportés sur ses chan-

tiers.

Les Allemands en Sibérie.

Les colons allemands en Sibérie dont le nombre s'accroît de plus en plus, s'installent de préférence dans la partie ouest de la contrée et, notamment, dans la zone des steppes qui s'étend entre Pétropavlosk et Omsk. Les terres choisies par ces colons semblent se prêter très bien à la grande culture. Les autorités russes veillent à ce que l'immigration des Allemands en Sibérie ne prenne pas de trop grandes propor-

tions.

Le Chemin de fer panaméricain. Compagnie du futur chemin de fer panaméricain, nouvellement formée aux États-Unis au capital de 250 millions de dollars, vient de publier son itinéraire projeté, qui comprendra i6ooo kilomètres de lignes ferrées, dont 9000 sont déjà construits. Le point terminus, au nord, sera Port-Nelson, dans la baie d'Hudson. La ligne croisera celle du Canadian-Pacific, près de Winnipeg, puis parcourra les États-Unis; de là elle traversera le Mexique et l'Amérique Centrale jusqu'à Panama. Le chemin de fer passera ensuite par la Colombie, l'Equateur, le Pérou, la Bolivie et l'Argentine. Elle aura son point terminus, au sud, à Buenos Aires, un embranchement reliant cette dernière ville à Valparaiso. Plusieurs lignes en construction seront des tronçons du panaméricain; c'est ainsi que le Mexique est sur le point de se relier avec le Guatemala et l'Argentine avec la Bolivie. Une somme de 150 millions de dollars sera nécessaire pour achevei cette grande ligne ferrée, qui aura d'abord New York comme tête de ligne du nord. La

La Lutte d'Influences aux Nouvelles-Hébrides. l'exemple de l'AlIem<.gne, qui put s'assurer la part du lion à Samoa parce que la plus grande partie des terres était allemande, le Gouvernement australien veut mettre la main sur les Nouvelles-Hébrides. Il a subventionné dès 1897 de bateaux une maison de transports pour organiser un service allant tous les deux mois à ces îles. En 1900, il a porté cette subvention à 3600 livres sterling pour que ce service fût mensuel. Plus tard, la subvention a été portée à 6000 livres non seulement pour un service supplémentaire, mais aussi pour la location à des colons australiens de toutes les terres que la maison de transports en question possède aux Nouvelles-Hébrides. Enfin le budget fédéral australien comporte pour le prochain exercice une subvention de 10000 livres. Malgré ces efforts les Français sont encore en majorité parmi les Européens et les propriétaires français les plus nombreux. Mais il est bon de veiller. A


La Pêche sur les Bancs de Terre-Neuve. Nous avons, dans notre~récéderzt numéro, dépeint les marchazzdages de l'enr6lement, les longueurs et les dangers du voyage, le milieu znalsain ois végètent les Terre-Neuvas ~e:zdant la traversée d'Europe en Amérique. C'est là le ~rélude

d'une existence encore plus malbeureuse

celle que nos pëcheurs nzèrrent sur les

APRÈSune traversée, qui souvent a fatigué et énervé les pêcheurs, nos navires arrivent sur les bancs de Terre-Neuve. C'est le champ de bataille où ils vont lutter pendant sept ou huit mois. Les bancs sont situés au sud et au sud-est de Terre-Neuve; ce sont d'immenses territoires sous-marins séparés par des bras de mer assez étroits. Le plus grand affecte la forme d'un triangle équilatéral, ayant son sommet tourné vers l'Amérique et sa base vers l'Europe, et dont les côtés ont environ 50o kilomètres. Sa superficie est peu près celle de l'Irlande. Le grand banc de TerreNeuve

est

une

Bavrcs.

500 kilomètres de la terre la plus rapprochée. C'est là, qu'isolés, perdus, ils essaient d'arracher à l'Océan

leur pain quotidien. Aussitôt arrivé sur les bancs, le capitaine se préoccupe de trouver un mouillage et un fond de morue. C'est en effet exclusivement la morue que vont pêcher nos marins à Terre-Neuve. La morue est lin poisson extrêmement vorace qui s'attaque à toutes les proies vers,

mollusques,

crustacés, poissons, tout lui est bon. Elle possède un estomac

volumineux, dans lequel

île

digestifs, qu'en moins de six heures, elle digère en entier un poisson dans son canal intestinal. La morue habite plus parsucs

sous-marine qui repose sur les

parties les plus profondes de l'Océan. Ce plateau est recou-

vert de 6o à t

se

fait une production si rapide de

o0

ticulièrementles

mètres d'eau, et

la cime de ce

bancs de PerrePISTRIRUTIOY D'ALCOOL AUX '1'ERAL-NEU~'dS. plateau formée heune et les côtes d'Islande. La par les Viygt~s D'après zirze plzotographie. Rocs n'offre plus fécondité de la que 7 à 8 mètres d'eau. Ces roches constituent un morue dépasse celle.de tous les autres poissons. Une écueil très dangereux pour les navires la mer s'y femelle de taille moyenne pond, chaque année, près brise avec fureur, et malheur aux bateaux qui s'en d'un million d'oeufs. Les pêcheurs ne laissent pas approcheraient de trop près! A l'ouest du grand banc, perdre ces œufs, qu'ils nomment ~~ogue, ils les salent il s'en trouve d'autres moins importants le banc à pour les conserver, et pensent les utiliser pour la pêche Vert, le banc de Saint-Pierre, le Banquereau, la Mià la sardine. saine, l'Artimon, qui, tous, offrent un vaste champ La pêche à la morue, à Terre-Neuve, remonte d'exploitation à nos intrépides marins. C'est sur ce vers le milieu du xive siècle, et fut faite par des bargrand banc de Terre-Neuve que mouillent nos navires ques du cap Breton. On attribue à un marin portugais, pêcheurs, à q o0o kilomètres des rives de France, et à Corte Real, la découverte de la morue à Terre-Neuve, A TRAVERS LE MONDE.

No 2.

14

Janvier ~905.


et c'est lui qui, le premier, indiqua aux pêcheurs français cette mine féconde. Le capitaine a trouvé un bon mouillage à l' œuvre donc! La première opération consistera à boëtter les lignes, c'est-à-dire mettre aux hameçons un appât. La boëtte a toujours été une affaire importante pour nos pêcheurs. Jusqu'en 1886, nos pêcheurspouvaient facilement s'approvisionner de boëtte auprès des habitants de l'île de Terre-Neuve, à qui ils l'achetaient. Mais les Terre-Neuviens, qui n'ont jamais accepté franchement nos droits de pêche sur la côte ouest et est, ont essayé de nuire à nos pêcheurs. C'est alors, qu'en 1886, le Parlement de Saint-Jean vota le Bait Bill qui interdit aux pêcheurs anglais d'aller vendre à Saint-Pierre le hareng et le capelan, nécessaires à nos marins pour la pêche à la morue. Mais nos marins ont tourné la difficulté en pêchant eux-mêmes leur boëtte. C'est alors qu'un capitaine de pêche de Fécamp rencontra sur le grand banc les bulots ou coucous, espèce de

coquillages, qui s'y

trouvent en quantité considérable, et dont la morue est extrêmement friande. Le bulot et l'encornet (sorte de seiche, dont le corps est allongé et rond)

sont maintenant les meilleurs appâts pour

la pêche à la morue. De ce traité du Bait Bill, il est résulté pour

les naturels terre-neuviens une perte annuellede 500000francs de produits, qu'ils ne

pas, chaque année ? Chaque campagne, des doris se

perdent parce que ce règlement n'a pas été observé. Chaque doris reçoit de 2 000 à 2 500 mètres de lignes. La ligne est une longue corde de ioo mètres de

longueur. Sur cette longueur, de 2 mètres en 2 mètres, sont fixées d'autres lignes appelées emj~èyues et armées d'hameçons. A chaque extrémité de la ligne, il y a une petite amorce qui l'empêcherad'être entraînée par le courant. Les marins reconnaîtront l'endroit où ils ont mouillé leurs lignes aux moyen d'une petite

bouée. Tous les soirs, deux ou trois heures avant le coucher du soleil, le patron de pêche expédie chacun de ses doris dans une aire de vent différente, pour tendre les lignes. C'est un travail qui demande deux et trois heures de temps. Le patron du doris et son matelot(avant de doris)se placent au milieu de l'embarcation les lignes sontlevées,c'est-à-dire enrouléesdans

plusieurs mannes. Pendant que l'avant de doris fait avancer l'embarcation, le patron jette en bon ordre les

lignes à la mer. Au début de la pêche, les ma-

rins commencent à filer les lignes à une distance de cent brasses du navire. Mais peu à peu, les détritus que l'on jette à la mer chassent le poisson, et les doris sont obligés de s'éloigner chaque jour davantage. Quelquefois même les ma-

telots s'éloignent un peu trop, et les patrons peuvent plus vendre. de pêche sont obligés LE SALEUR DU BORD SUR UNE GOÉLETTE DE TERRE-NEUVAS. Le décret du Bait Bill de modérer leur arn'a donc nullementnui D'après une photographie. deur. Leurs lignes tenà l'industrie française dues, les marins rede la pêche. Il y a quelques années, nos marins emporviennent la nuit à leur bord, soupent et se couchent. taient encore un vieux cheval, dont ils dépeçaient les Le quart, sur le bateau, après la mise en campagne des doris, est fait, jusqu'à la fin de la saison,' par un seul morceaux dans de petites mannes ou chaudrettes. Ces chaudrettes sont descendues au fond de l'eau, et les homme et ne dure qu'une heure. bulots ne tardent pas à quitter leur banc pour venir se Nul ne saurait mieux les misères des pêcheurs repa. itre de cette nourriture toute nouvelle pour eux. On que ceux qui ont partagé leur existence. Un opusbrise ensuite leur coquille pour boëtter les hameçons. cule, dont l'auteur lui-même a été pêcheur à TerrePlus tard, les morceaux de cheval sont remplacés par Neuve, présente une image saisissante de la vie que les têtes de morue. Le hareng, le bulot, le capelan, les pêcheurs mènent surle banc. Quoique la campagne l'encornet, voilà quels sont les appâts dont se servent de ce témoin date de quelques années déjà, et que les les pêcheurs pour prendre la morue. choses aient quelque peu changé, l'auteur aurait peu Chaque navirepêcheur est muni de six, huit, dix, de modifications à faire s'il recommençait l'épreuve. douze petites embarcations appelées doris, petits canots Laissons-le parler ~i Le réveil, dit-il, a lieu, comme plats, très légers, pouvant s'empiler les uns dans les autoujours désormais, jusqu'à la fin de la pèche, dès la tres. Ils sont presque insubmersibles à cause de leur première pointe du jour. On se lève d'asse~ bonne hulégèreté. Chaque doris est monté par deux hommes, le les caractères ne sont pas encore aigris, les meur patron de doris et l'avant de doris. Chaque doris doit mains sont intactes; mais bientôt il n'en sera plus être muni d'une boussole pour se diriger dans la de même. On entend retentir l'appel à la goutte, brume il doit aussi avoir à son bord une certaine et chacun court fun derrière l'autre vers la dunette provision d'eau et de biscuit, dans le cas où le doris où se tient le saleur avec un vase plein d'eau-deresterait égaré pendant un ou plusieurs jours. Mais vie. Chacun reçoit son ( boujaron (soit six tenticombien d'infractions à cette règle ne constate-t-on litres) à mesure qu'il arrive. C'est le même boujaron


qui sert pour tous. Il plonge autant de fois dans le grand vase qu'il y a de rations distribuées. » Dès la première heure, les marins sont debout; ils repartent dans leurs doris pour aller relever leurs

lignes. C'est un travail très dur. Le marin doit relever ses lignes d'une profondeur de 5o à 6o mètres de fond. C'est un travail long; en temps ordinaire, il ne demande pas des efforts excessifs. Mais tirer pied par pied cette longueur de ligne, par

plus beaux jours de pluie, je suis sanglé dans un grand tablier de toile à vcile fortement goudronné. Me voilà debout, au milieu du poisson gluant, sanguinolent, que le roulis fait passer et repasser à travers mes jambes. II suffit de prendre la morue de la main gauche, et de la droite, avec un couteau, piqué près de moi dans l'établi, de faire une légère entaille de chaque côté, sous la mâchoire, et après avoir repiqué 1 porle couteau, de

ter le pouce

une marée de hâle, c'est-à-dire quand il vente, quand la mer est grosse, et qu'aux poids des lignes et du poisson il faut ajouter le remorquage de l'embarcationcontre le vent, contre la lame, contre le courant, c'est un travail exténuant, et pendant cette opération, il ne

fond de

ouver-

ture qui résulte de

l' ébrouaillage,puis de renverser, au-

dessousdel'établi, la tête du poisson ainsi maintenusur le dos, et de pous ser des deux

faut pas songer à se reposer une

seconde, il faut lutter. Le marin, pour avoir plus de

mains, de façon à

l'arracher proprement, c'est-à-dire en y laissant le moins de chairs

force, s'entoure la main de cette

ligne, et tire dessus, soit pour relever ses lignes, soit pour lutter et se maintenir contre la lame cette frêle embarcation, soulevée par la lame, fait des bonds prodigieux, et les marins doivent veiller pour ne pas chavirer. Ce travail de relever les lignes demande, en temps ordinaire, quatre, cinq et six heures; mais, surpris parfois par le mauvais temps, relever les

possible. » Il semble, à

première vue, que ce travail n'a rien de bien fatigant. C'est une erreur. Quand la pêche donne, il y a parfois ainsi 4 000 morues à ébrouailler chaque jour, et sur les bancs de Terre-Neuve, les heures de travail ne sont pas déterminées. On cesse quand le travail est fini; alors seulement les

r- a.

~:H.,o,e..f

--010 et 12

r

au

heures.

Et alors dans

quel état rentrent les marins? Ils ont les mains en sang, crispées par le froid, avec une onglée terrible, les reins brisés, rompus. Parfois, ils n'ont plus la force de remonter à leur bord, on est obligé de les aider. Et que leur don-

marins peuvent prendre quelques heures de repos. Les journées de 18 et de 20 heures de travail ne sont pas rares sur les lieux de pêche. Aussi, le

nera-t-on alors?

soir, est-on exténué, si fort soit-on. périiblement mon (( Je gagne grabat, continue l'auteur, où je goûte un repos tourmenté, L'épouvante de ce travail et des coups qui m'attendent, si je ne le domine, me suit en dormant. Mes deux ou trois heures de

Un Deu de renos. hélas! non. Uri

mar.

.1

repos ne sont qu'un affreux cauche1 'II ie ienaemam, ie uavau

on s'y prend mieux que la veille. Cependant, mes forces p'après des photographies. diminuent. Par moment, je ne peux nmrr ¿, tr"i11pr plus suffire à ma tâche. Je sens mes tempes se gonfler Les doris sont rentrés de la pêche. Les marins et mes oreilles bourdonner, mais, derrière mon dos, prendront un petit déjeuner, et il faudra, coûte que donner coûte, se mettre:à la préparation du poisson. Il faudra on agite le bâton, afin, comme on dit, de me de l'huile de bras. Un instant, je me bute, n'en pouvant d'abord décoller la morue, c'est-à-dire lui enlever la plus. Les coups me font demander grâce. On rit de tête. Ensuite il faut a ébrouailler » les morues, c'estfeignant. à-dire leur enlever les intestins en mettant de côté les mes cris en les imitant. (( Tiens, attrape, rosse, Je parie qu'il va appeler sa mère, l'imbécile! » langues. (( Je vais enfin connaître ce travail de décolPeut-être croira-t-on que ces scènes sauvages, leur, continue notre auteur qui fait appel à ses souve2o ans. Malheureusenirs de débutant, je monte dans le parc, pelleté et botté ne se produisaient qu'il y a i ment non; chaque année, de nos jours, elles se repropour la circonstance outre le cirage nécessaire aux boujaron d'alcool, et il faudra conti-

EN DORIS.

recommence

ou


duisent; et tout dernièrement, l'une d'elles ne fit-elle pas grand bruit dans un de nos ports bretons? La morue, bien ébrouaillée, est soigneusement lavée, puis jetée dans un grand entonnoir qui la conduit dans la cale où elle est reçue par le maître saleur. Celui-ci, étendant la chair à l'extérieur, répand sur la morue une couche de sel en plus ou moins grande quantité, selon que les parties sont plus ou moins char-

nues. Saler la morue comme il faut est une opération très délicate, et il faut avoir pour cela une grande expérience, car la perte de la totalité ou d'une partie de la morue peut en dépendre. Cette fonction est dévolue à celui qu'on appelle (( le saleur ». Sur le banc de Terre-Neuve, sur nos navires de pêche, c'est un travail de tous les instants Combien de fois les marins, n'en pouvant plus, appellent-ils de tous leurs voeux une tempête, carau moins, disent-ils, ils pourront se reposer! C'est ce qu'ils nomment une marée de ~ararüs. Sur le banc de Terre-Neuve, le mot

La Chute de Port-Arthur. chute de Port-Arthur, en même temps qu'elle terLmine tristement et logiquement la première partie du duel engagé entre Russes et Japonais, pourrait bien marquer un remaniement géographique de la carte d'Extrême-Orient. On se demande en effet comment les nouveaux maîtres de la citadelle pourraient n'en plus rester les possesseurs définitifs. Sans vouloir faire une trop facile stratégie, supposons que la chance tourne et qu'enfin les Russes terminent à leur avantage une nouvelle bataille du Cha-ho; que les forces japonaises soient rejetées en Corée que Kouropatkine

redes-

cende jusqu'à In-

d'ordre c'est (( Mar-

kéou et dans le sud du Liao-toung

Et bien certainement, le soleil

cette

che ou crève ».

n'éclaire pas une besogne plus rude, un travail qui expose à autant de dangers, un travail

qui demande autant de sacrifices,

d'endurance, d'énergie, de sangfroid en face du danger. Ces ma-

rins pêchent dans des parages où ils

marche

triomphanterisque fort de s'arrêter là. Quand, en

effet, les Russes

seront au sud du

Liao-toung, ils

tomberont dans la

dépendance des flottes japonaises; ils seront perpé-

tuellement à la merci d'un débarquement qui couperait en deux leur

armée d'invasion; approcheraient-ils, contre toute pruD'UNE GOÉLETTE PRÉPARATION TERRE-NEUVAS. DE DE MORUE A BORD LA LA dence, de Kintchéou qu'il fauD'après une photographie. qui font frfssonsaer drait forcer en ce les brnnmes et les napoint l'entrée de l'isthme, et l'on sait ce que cette opévires, dans des parages où il faut veiller aux glaces, auxration a coûté le 27 mai 1904 aux japonais qui étaient quelles s'ajoutent encore le danger de la brume. Les cependant maîtres de la mer. tempêtes, sur le banc de Terre-Neuve, sont fréquentes Admettons encore qu'ils passent, il resterait à et terribles. Le navire est à l'ancre, et souvent, pour pénétrer au Kouang-toung et à faire le siège de Portéviter le travail de la levée de 300 mètres de chaîne, le Arthur il faudrait que le transsibérien amenât d'Eupatron de pêche ne se décide à appareiller que si le mauvais temps met décidément le navire en danger. rope tout le matériel n'écessaire pour une entreprise de Souvent, on s'y prend trop tard on ne peut lever cette importance. C'est là déjà une difficulté presque insurmontable; elle n'est rien à côté de l'impossibilité l'ancre à cause de l'état de la mer, on hésite à perdre de procéder au siège sans être au préalable maître de la chaîne en la coupant. la mer. Une vie épouvantable pour un maigre salaire; la jamais, semble-t-il, les Russes ne reprendront tempête comme distractio'n et la mort qui plane sans Port-Arthur militairement. La citadelle leur sera-t-elle répit tel est le sort réservé aux hardis Terre-Neuvas rendue diplomatiquementet par voie d'échange, c'est Et malgré ces misères, malgré ces tortures, leurs effectifs ne diminuent pas. C'est que les gars de la côte une autre question. Il apparaît d'ailleurs qu'elle doive être résolue par la négative, car c'est précisément une ont dans le sang la mer et ses dangers. concession de ce genre arrachée auxjaponai~, en 1895, ABBÉ CRAMILLON, qui les a engagés à préparer la revanche actuelle ils ont fait la guerre d'aujourd'hui, non pour confirmer, Ancien aumônier des bateaux-hôpitaux. mais pour déchirer le traité de Simonosaki.

ont toujours à lutter contre la mer, où ils ont à essuyer de ces tempêtes


Montjoly.

Création d'un Centre de Colonisation martiniquaise à la Guyane.

QUAND le cataclysme de 1902 se fut abattu sur la Martiniqúe, la Guyane ne fut pas la dernière à offrir son aide généreuse à la colonie si cruellement

éprouvée.

Des

terrains furent mis par le Gouver-

nement à la disposition des sinistrés. Après un examen très approfondi des lieux et l'avis unanime de la Commission administrative nommée à cet effet, le choix se porta sur le domaine colonial ci" M{)nt-

joly,d'unecontenance de [64 hectares,

à

avaient donc leurs portes de sortie sur un côté, ainsi que leur cuisine, et les dix autres de l'autre côté. On évitait ainsi une trop grande agglomération. Le mois suivant, vingt-six familles purent êtte Îilrcnuc J~ _C 1 ivvccub r~nr~n uaus un autre 1.4:W oaumem ae 70 metres de tondu même le précédent. type gueur, que Entre temps, on construisait le camp fermé destiné à recevoir cent cinquante transportés, cédés gratuitement par le Département pour le débroussage du terrain et les travaux de dessèchementdes marais. Ce camp était constitué par deux grands hangars fermés et six cases pour les surveillants militaires. Pour le logement du personnel administratif, pour la resserre et la manutention des ustensiles de toutes sortes, des outils, vivres et plants nécessaires

~+4"

aux colons, on édifia aussi cinq bâtiments en bois. Les poteaux d'angles et de fermes de ces constructions n'étaient pas enfoncés dans le sol 'que déy.e.v.4 irempem, pendant six mois, les grandes pluies de ce

7

kilomètres de

pays, où la

Cayenne et

quantité d'eau

compris entre la mer et la route coloniale.L'effectifdes colons martiniquais sur le

tombéeannuellement est de plus de 3 mè-

tres.

planchéiées et

le parquet s'appuyait sur

la findel'année

un cadre en

19°3, à trois

bois qui supportait aussi la

cent dix-sept personnesdont cent trente-

charpente. Ce cadre reposait sur de petits massifsen:pierres rustiquement maçonnés. On évitait ainsi l'attaaue

trois hommes. Chaque famille avait reçu un hectare de terre, une case,

instru-

ments aratoires, des plantes, un mobilier et les usten-

siles nécessaires au ménage. Cette installation ne se fit pas sans coûter beaucoup de peine. Les difficultés surmontées pour nous procurer les matières premières, bois de sapin et tôles ondulées, nécessaires à l'édification des bâtiments de toute nature; l'acquisition des véhicules et des colliers en nombre suffisant pour assurer le chargement, le transport et le déchargement, pendant plusieurs mois, de plus de trente charrettes et camions, chaque jour, sont des obstacles inhérents à toute œuvre inopinée, entreprise en pays mal agencé. En moins devingt jours, unegrande construction en bois, de 7o mètres de longueur sur 6 de largeur et de 6 mètres de hauteur, fut édifiée. Elle pouvait recevoir vingt familles. Chaque chef de famille avait à sa disposition deux pièees, et en face de la porte d'entrée du logement se trouvait, au dehors, la cuisine, construction en bambou de 3 mètres sur 2 mètres, couverte en tôle ondulée. Ce grand bâtiment était partagé en deux par une cloison longitudinale. Dix familles

Les ca-

ses étaient

centrede Montjoly s'élevait, à

des

'1

des bois par la pluie et par les insectes. V D'ailleurs, pour plus de sécurité; le dessous des parquets était goudronné à chaud, précaution indispensable pour conserver les bois dans ce pays humide. D'autre part, on sait combien la toiture en zinc s'échauffe facilement et, bien que très commode pour la construction rapide et économique, quel danger elle constitue pour la santé de l'habitant dans un pays tropical. Afin d'obvier à cet inconvénient, nous avions fait la toiture très élevée, 6 mètres au faîtage. De plus, comme les parois en bois de sapin conserventtrès longtemps, la nuit, la chaleur qu'elles ont emmagasinée, le jour, afin d'établir une température supportable à l'in-

térieur des grands bâtiments, nous avions laissé un espace libre de 50 centimètres entre la partie supérieure des planches, formant les parois longitudinales des édifices, et la toiture. Il s'établissait entre les vides ainsi ménagés à la partie supérieure des édifices, en regard fun de l'autre, un constant courant d'air frais empêchant la chaleur de l'intérieur de devenir incommodante.


Pour empêcher les oiseaux et les animaux nocturnes, tels que vampires, chauves-souris, etc., de pénétrer dans cet espace libre, un grillage métallique assez fin le fermait. A ces abris provisoires succédèrent les habitations définitives à l'encontre des constructions en bois de sapin dont les poteaux étaient soutenus par le cadre du plancher et ne touchaient pas le sol, le système employé pour les cases isolées a été celui dit, dans le pays, des (( fourches en terre ». Chaque poteau est constitué par un tronc d'arbre nommé awara (astrocargu~n vulgare et celeis guianensis, palmiers), dont le bout taillé en cône et passé au féu est enfoncé de 50 centimètres dans la terre. Ces poteaux, à section circulaire de 15 centimètres de diamètre environ, supportent d'abord à 3o centimètres du sol le plancher qui est en sapin rouge du nord. La charpente de la toiture est constituée par des branches d'arbre qu'on trouve en abondance au moment du débroussage et qu'on emploie sans en enlever l'écorce. Les parois de la maison sont cc gauletées ». Le gauletage est un treillis quadrillé, jointif, fabriqué avec des lames plates de 3 à 4 centimètres de largeur, de 5 à 6 millimètres d'épaisseur, débitées dans un bois indigène. Dans le pays l'habitant se contente très bien de ce treillage. Moins habitué à l'humidité, le Martiniquais préfère que le revêtement soit (( bousillé », c'està-dire que le treillis soit recouvert d'un enduit de terre et de paille malaxées. Comme couverture nous employâmes des bardeaux en (( si-marouba », fébrifuge renommé, bois dont la taille est facile et que sa saveur amère protège contre l'attaque des insectes. De plus, avantage précieux pour nous, vu l'urgence, il se trouvait en grande quantité sur place. Le desséchement des terres noyées fut la partie la plus délicate de nos travaux. Le littoral entier de la Guyane est constitué par une zone vaseuse, région des palétuviers, ou par des bourrelets sablonneux, monticules plus ou moins accentués qu'alternativement enlèvent ou viennent augmenter les lames de la mer. Le littoral de Montjoly est formé de dunes de sable. Ces amas forment une barrière infranchissable à l'écoulement des eaux pluviales des terres de l'intérieur. Il y avait donc, dans les parties basses des terrains avoisinant le littoral, derrière ces onies de sable, accumulation d'eau stagnante. Vu la nature argileuse du sous-sol, cette eau ne pouvait être absorbée par ra terre imperméable, et l'évaporation intensive des marécages ainsi formés dégageait, pendant l'été, des

miasmes paludéens. Des canaux furent creusés tout d'abord dans le thalweg des marécages, et ils vinrent tous se réunir dans un collecteur sur le travers duquel fut placée une vanne verticale en tôle renforcée de madriers en bois du pays, incorruptibles à l'eau.. La porte-vanne sépare le marais d'un réservoir maçonné de grande capacité, à arêtes arrondies, de manière à être sans prise à l'eau. Deux tuyaux circulaires en fonte, partent du radier, au bas de la paroi verticale du bassin du côté de la mer, traversent en tranchée (comblée après la pose), le bourrelet de sable qui sépare le marais de la mer et viennent déboucher dans celle-ci au niveau de la baisse des basses eaux

qui à la Guyane est à 3 mètres au-dessous de la pleine mer pour les hautes marées. Voici le fonctionnement de l'appareil. A la marée montante, la vanne est fermée le bassin est vide. L'eau du marais s'accumule dans le drain collecteur, mais ne peut entrer dans le bassin que ferme la portevanne. Le réservoir forme alors avec la mer un système de vases communicants, par l'intermédiaire de la canalisation noyée dans le sable. L'eau s'y établit donc de niveau avec la mer, pendant le flot. De même, à la marée descendante le bassin se vide par les tuyaux, et quand le niveau y est égal, ou mieux, un peu inférieur à celui des eaux accumulées derrière la porte, celle-ci est soulevée à l'aide du volant-manivelle, et le marais se vide dans la mer. Au moment de la marée montante la vanne est baissée et ainsi de suite. On conçoit l'utilité du bassin intermédiaire qui sert d'accumulateur et de réservoir de chasse pour maintenir constamment, par le mouvement de va-etvient de la marée, en bon état de fonctionnement(ou en empêchant l'obstruction par le sable, les feuilles, la vase, etc.) 100 mètres de tuyaux enterrés à 2 et 3 mètres au-dessous de la surface du sable mobile et d'épaisseur croissant sans cesse avec les apports des tuyaux dont la visite est pratiquement imvagues, possible. Les résultats obtenus par ce système que nous croyons avoir imaginé, ont été merveilleux nous n'osions prévoir un succès aussi complet, aussi immédiat. Des terrains qui, jusque-là, n'avaient jamais pu être utilisés, furent, dès la première manœuvre de la vanne, desséchés d'un seul coup. Un avantage précieux du système est de permettre de maintenir constamment, dans les drains de desséchement, de l'eau derrière la vanne fermée. De cette manière le terrain n'est jamais absolument sec, et les 2 et 3 mètres du terreau merveilleusement riche de ces marécages conquis à l'agriculture sont maintenus constamment humides. Le prix d'application de cet appareil est revenu, malgré les hésitations et les difficultés de construction inhérents à toute oeuvre nouvelle, à moins de 300 francs l'hectare desséché. La question du desséchementdes marécages est de tout premier ordrepour un pays comme la Guyane. On a tout intérêt à drainer l'eau stagnante, foyer de fièvre où pullulent les moustiques. Des plantations de niaoulis, d'eucalyptus, de filaos, auraient le triple avantage de fixer le sol vaseux ou sablonneux, de purifier l'air des miasmes paludéens et surtout de mettre en valeur d'immenses espaces jusque-là improductifs. En moins d'une année, un terrain de près de 150 hectares, qui couvrait la brousse et que des eaux stagnantes rendaient en partie impropre à la culture et à l'habitation, a été transformé en un riant village de 35o habitants s'adonnant à l'agriculture. De mètres d'ouvernombreuses et larges avenues, de ture etde 500 à 600 mètres de longueur, permettent à l'air vivifiant de la mer de circuler librement là où, quelques mois auparavant, se dégageaient des miasmes fiévreux, La canne à sucre, les ananas, le manioc, les légumes de toutes sortes, ont poussé avec une magnifique vigueur dansces bellesterres au. si riche humus.

r


Un jardin d'essai y a été installé par l'administration qui y cultive les plants du pays qu'elle délivre ensuite aux colons, en leur donnant des conseils pour les soins particuliers à prendre dans ce pays dont le climat est un peu nouveau pour eux. Déjà la ville de Cayenne a éprouvé les bienfaits de ce voisinage. Les légumes ont baissé de prix. Le

charbon de bois, dont il se fait à Cayenne une grande consommation, est tombé à un taux raisonnable. Les nouveaux colons s'adonnent à l'élève. du bétail. Souhaitons que le démon tentateur de la Guyane, le placer au mirage trompeur, ne fasse pas désertercette jeune colonie agricole, qui aura à cœur de réaliser les espoirs que son établissement a fait naître dans son pays d'adoption. JOSEPH DEYDIER, Chef .du Service des Travaux publics de la Guyane.

des étranger's de langue anglaise, était formé par des Français (17), ayant leurs occupationsà Hang-kéou et à Shang-haï. La concession est gérée par une sorte, de Conseil municipal élu par l'ensemble des propriétaires. Le Conseil subvient à l'entretien des routes de la montagne qui mènent à Kou-ling, aux frais de voirie, de police et d'éclairage. La jeune cité possède une mairie et une école anglaise. Au point de vue financier, elle se suffit à elle-même au moyen de monopoles affermés entreprise des transports, location de chaises, et de redevances payées par les entrepreneurs chinois pour les matériaux de construction employés. La situation de Kou-ling en rend l'accès suffisamment facile le sanatorium n'est qu'à 24 kilomètres du port de Kieou-kiang, sur le fleuve Bleu, que des

paquebots desservent journellement. Il faut, pour s'y rendre, onze heures de Han-kéou et deux jours de Shang-haï. Le transport entre le port et Kou-ling est entrepreneurs chinois au moyen de chaises et de coolies. On fait à Kou-ling des. cures d'air et de lait; enfin il n'y a encore ni champ de courses ni assuré par des

casino.

La Station climatique de Kou-ling en Chine.

créé en Chine, y quelque dix ans, U sanatorium les missions évangéliques, il

a

par est en train de devenir une station climatiquepour les fonctiannaires européens.

Jusqu'à présent, les Européens, qu'ils vinssent de Han-kéou ou de Shang-haï, n'avaient guère d'autre ressource pour trouver un peu de fraîcheur pendant la

saison chaude, que de se rendre à Hong-kong et de s'installer au Peak'; ou de gagner, aux environs de Nagasaki, les (( Iles » près de Ning-po. Vers 1894, un missionnaire anglais eut l'idée de visiter le massif de Kou-nieou-ling (par abréviation Kou-ling), qui s'étend au sud de Kieou-kiang, port ouvert sur le Yang-tsé à sa sortie du lac Poyang. Il découvrit une vallée située à plus de i ooo mètres d'altitude, abritée des grands vents par des rebords assez élevés. Le site lui plut, il le signala à ses coreligionnaires. Un groupe de missionnaires anglais fit les démarches nécessaires auprès des autorités chinoises pour acquérir un terrain dans la vallée le sanatorium de Kou-ling était fondé.. La station, composée de quelques bungalows, prospéra vite peu à peu les membres des sociétés bibliques vinrent en plus grand nombre; les missions suédoises y construisirent; à son tour élément laïque s'y installa. En 1899, il fallut l'agrandir. A l'heure actuelle, le sanatorium comprend toute la vallée supérieure du Kou-nieou-ling; il a une superficie approximative de 4 kilomètres carrés. Il y avait, en 1904, i8o habitants. En août dernier, 727 personnes, dont 23o enfants au-dessous de quinze ans, y étaient installées; sur ce nombre, près de 500 étaient des missionnaires protestants avec leurs familles. L'élément laïque le plus important, en dehors Voir Henri Turot, Hong-kong, Tour du monde, ~go4, page 605. 1.

E. de Renty, capitaine

à

l'état-major du

J 7e corps d'armée. Les Chemins de fer coloniaux en Afrique, deuxième partie. vol. de .3.34 pages. Prix 3 fr. 50. Rudeval, 4, rue Antoine-Dubois. Paris. de Renty s'est attaché à publier une monographie consciencieuse des chemins de fer africains. Nous avons déjà signalé le premier volume de cette série consacré aux chemins de .fer des colonies allemandes, italiennes et portugaises. Lé second volume qui vient de paraître vise les chemins de fer dans les colonies anglaises et au Congo belge; il est, comme le précédent, fort documenté et résume très bien la question. Il sera particulièrement utile par la mise au point des renseignements souvent éparpillés sur les chemins de fer anglais, surtout ceux du centre de l'Afrique la documentation de M. de Renty nous semble à ce sujet particulièrement abondante et bien analysée. La conclusion de M. de Renty nous semble intéressante à donner ( Des études que nous avons faites jusqu'à présent, écrit-il, il ressort que deux peuples surtout ont su doter leurs colonies de cet instrument merveilleux qu'est le chemin de fer les Anglais et les Belges. Les premiers y sont arrivés, pourrait-on dire, par atavisme, c'est-à-dire en se laissant aller au génie colonisateur que leurs ancêtres ont acquis à la suite d'expériences séculaires. Les seconds, coloniaux d'hier seulement, sont entrés dans la lutte hardiment et, du premier coup, ont conquis la première place. Pour les Anglais, il s'est trouvé à son heure un homme qui sut remuer les hommes et les millions et condenser dans une pensée presque unique les efforts de ses compatriotes répandus aux quatre coins du globe. Les Belges, eux, ont été guidés malgré eux dans une voie dont ils n'entrevoyaientpas le but. Le roi Léopold, avec un sentiment exact de la réalité des choses, s'est jeté corps et âme dans une entreprise gigantesque, seul, sans autre appui que celui que son habileté diplomatique savait lui ménager. Et lorsque le succès est venu couronner ses efforts, lorsque la masse populaire a pu distinguer nettement le chemin que son chef lui avait tracé, lorsqu'elle s'est vue tout à coup à la tête d'un empire vaste et riche, ce fut pour elle une révélation, un éblouissement. Le roi avait bien mérité de la Patrie. Dans l'histoire de demain, Cécil Rhodes sera peut-être le roi des diamants, le roi des chemins de fer, le souverain de l'Etat indépendant du Congo restera avant tout le roi des Belges. »

M


THE MILWANKEE REVIEW

L'Idolâtrie aztèque n'est pas morte. a

Tour du cités Monde a déjà, à l'occasion, touché un mot des aztèques de l'Amérique Centrale, dont il antiques

ne reste que des ruines, et des ruines encore presque inconnues le climat horriblement malsain, les serpents, les bêtes féroces qui pullulent dans les forêts vierges, rendent l'accès de ces débris préhistoriques des plus difficiles. Le docteur américain Téobert Maler, professeur d'archéologie à l'université d'Harvard, a réussi cependant à surmonter ces difficultés et à atteindre l'emplacement de Yaxchilan, la superbe cité aztèque, dans la vallée du Usumatsintla. JI lui fallut pour cela remonter cette rivière, qui traverse une jungle si épaisse qu'il serait impossible de s'y frayer un chemin. La rivière elle-même, par endroits, est tellement recouverte de lianes et de branchages que les compagnons du docteur, ses guides mexicains, durent frayer au bateau une voie à force de coups de machete ou couteau mexicain, donnés dans l'exubérante

végétation.

Enfin, l'explorateur arriva au pied de hauts débris de murs qui devaient être l'enceinte de la ville d'Yaxchilan. Chose curieuse, cette ville n'avait pas de'rues elle consistait en terrasses séparées par des bras du fleuve, et l'on devait y circuler en bateau. Dans un vaste édifice, qui a dû être un temple, des statues et des bas-reliefs, d'une singulière beauté et remarquablement conservés, constituent la plus précieuse découverte de l'explorateur. Nous ne décrivons que l'une de ces idoles c'est littéralement un Bouddha accroupi, les jambes croisées, les yeux mi-clos, la figure béate. La seule différence est que ce Bouddha aztèque a une coiffure monum~ntale et de riches ornements à son cos-

tume.

Mais ce qui est aussi curieux, c'est que M. Maler dé-

couvrit, à des indices indéniables, que les Indiens actuels viennent toujours rendre à ces idoles un culte furtif. Ainsi, c'est avec le même soin qu'ils gardent le secret des trésors cachés et le culte t-aditionnel de leurs ancêtres aztèques.

et des animaux peut quitter le corps qu'il anime, il y a des moyens de le solliciter à sortir, de l'attirer à soi, de l'emprisonner où l'on veut il suffit pour cela de posséder certaines formules d'incantation. Aussi les sorciers jouent-ils un grand rôle dans ces populations misérables. Ils sont, à la fois, très recherchés et très redoutés, puisqu'il suffit de quelques mots tombés de leurs lèvres pour priver de son àme celui à qui ils en veulent. A partir de ce moment-là, leur victime peut encore aller et venir, manger, parler, chasser, bref, donner toutes les marques extérieures de la vie; en réalité, elle est morte, et elle en est si bien convaincue elle-même qu'elle en meurt le plus souvent, en effet, sans récriminer. Ces sorciers sont devenus inquiets, à la vue de redoutables concurrents qui viennent leur disputer l'empire absolu des àmes, dont ils jouissaient jusque-là sans partage. Ces concurrents, ces sorciers supérieurs, ne sont autres que les photographes et autres représentants du monde civilisé! Certes, les modestes praticiens de la chambre noire n'aspiraient pas à un tel excès d'honneur; et le pouvoir magique dont on les investit les gêne plutôt dans la pratique de leur métier. C'est ainsi qu'un explorateur américain, Edward William Nelson, dans un voyage d'exploration qu'il fit chez les Esquimaux, voulait photographier un de leurs villages avec sa population. Après avoir groupé les naturels, de manière à former une scène pittoresque, un tableau vivant, il voit le chef qui s'avance et, comme l'aurait fait un singe, qui met après le photographe son nez dans la chambre noire encore ouverte pour regarder à travers l'objectif. Tout à coup, il fait un bond, renverse l'appareil, se sauve à toutes jambes en gesticulant et en hurlant. j'ai vu là, là, dans la boîte du sorcier « J'ai blanc, toutes vos âmes! » A ces mots terrIbles, tout le village gesticule, hurle et s'enfuit sur les talons de son chef, aux cris répétés-de « Le sorcier blanc vient emprisonnernos âmes! »

vu.

K~'GNISCHE ZEITUNG

Les

\'ORDDEUTSCHE ALLGEMEINE ZEITUNG Berlin.

Les Voleurs

d'âmes chez les

Esquimaux.

la côte septentrionale de l'Alaska ont la de célébrer l'équinoxe du printemps par des chants, des danses et des mascarades qui symbolisent grotesquement le réveil de la nature et des puissances fécondes de la terre. C'est leur jour de Pâques, mais qui n'a rien de commun avec notre solennitéchrétienne. Leur fête est dédiée au dieu Soleil, dont le retour sur l'horizon marque pour eux l'ouverture de la chasse et de la pêche. Mais ce dieu suprême n'empêche pas l'existence d'autres déités ou génies qui, tous, figurent, à la lettre, dans ces mêmes cérémonies. Ainsi le génie de la Lune passe pour un des plus puissants, un de ceux auxquels on adresse le plus souvent des prières et des incantations. Mais tous les êtres animés de la nature sont

coutume Es Esquimaux de

censés avoir un génie qui, à un moment donné, peut quitter le corps qui. leur sert de demeure et passer dans un autre corps. Ce génie n'est pas absolument désincarné, même quand il fait le trajet d'une de ces (( demeures » à l'autre; il a, indépendamment du corps où il se cache, une forme invisible aux yeux des hommes, mais qui n'en existe pas nioins. Les Esquimaux se la dépeignent sous des traits humains, bien que grotesques; la preuve en est dans les masques hideux qui symbolisent ces esprits et qui figurent dans la fête de l'équinoxe, soit dans des cortèges où ils sont portés par des figurants, à grand renfoit de courroies qui les rattachent aux épaules des porteurs, soit au toit des huttes où on les cloue et qu'ils sont censés protéger. Dans ce dernier cas, ces masques sont gigantesques et d'autant plus horribles. Comme chez tous les peuples à demi sauvages, la religion des Esquimaux est mêlée de superstitions et fait une large place à la magie. Du moment que le génie de l'homme

Cologne.

Berbères du Maroc sont des Allemands!

sait que les chauvins d'Outre-Rhin ne pardonnent pas à leur Gouvernement de n'avoir pas protesté contre l'accord anglo-français réglant lesdestinées du Maroc. Comme Bismarck, qui décorait l'annexion brutale de l'Alsace-Lorraine d'un très beau paravent de considérations historiques, ils disent ceci ou à peu près Le Maroc est à nous, parce que les Berbères sont nos cousins germains (sans jeu de mots)! Comment cela? Voici les Berbères sont de très mauvais mahométans; ils ne renient pas Allah, mais ils se moquent de son Prophète; en réalité, ils n'adressent leur culte qu'à leur grand saint national, Abd es-Salam. « Notre Seigneur Abd es-Salam est celui qui a fait les cieux et la terre », disent-ils. Et le Prophète? Il Puisse Allah avoir pitié de ce pauvre diable! » Affreux hérétiques, objet d'horreur pour tous les orthodoxes marocains, les Berbères sont, en outre, les plus insolents sujets du sultan Moulei Abdul-Azis. Ses sujets! Ils ne sont et ne veulent être les sujets de personne; ils nomment eux-mêmes leurs chefs, leurs juges, leurs ambassadeurs. Bref, au milieu des Arabes abâtardis et des nègres puérils, les cinq millions de Berbères constituent la seule population du Maroc qui inspire à l'explorateur allemand que nous citons un respect et une sympathie intéressés. Car cet esprit d'indépendance politique et religieuse vient, à ses yeux, de leur atavisme, goth et vandale, du vieux sang germain qui coule encore dans leurs veines. Parfaitement Jamais la conquête arabe n'aurait pu s'assimiler si rapidement l'Espagne si les envahisseurs n'avaient eu dans leurs rangs les descendants des Vandales qui habitaient le Nord de l'Afrique, et qui retrouvaient en Espagne, dans les populations vaincues, des parents éloignés, mais de même origine germanique. Or ces Vandales d'Espagne, repassant en Afrique après la défaite des Maures, seraient devenus les

ON

Berbères

actuels.


Les grandes Fêtes religieuses en Russie. Malgré ses malheurs, la Russie célèbre ses fêtes. Les uns cherchent dans la paix des joies saintes, les autres dans les agapes réconfortantes l'espérance et la consolation. Au-dessus des discussions ~olitiques la masse populaire communie dans son amour pour Dieu et le t,~ar.

LE savetier de La Fontaine, qui se plaignait des chô-

mages sans nombre, aurait encore aujourd'hui en Russie de quoi alimenter sa mauvaise humeur, car si le nombre des jours fériés ne dépasse pas, en général, un mois par an pour les ouvriers russes (exactement vingt-deux jours); si les paysans selon les (( gouvernements » (provinces) n'observent pas les mêmes fêtes, il n'en est pas moins vrai que le total complet des fêtes légales (fêtes religieuses et tsarkskié dni, jours impériaux, c'est-àdire anniversaires de la naissance, du couronnement du

tzar et de latzarine,

fêtes de la famille impériale, etc.) dépasse la centaine. Bien peu de semaines

dans l'année n'en contiennent pas moins d'une, deux et quelquefois davantage. Mais deux époques

tements et collets, aveuglés par le métiel (sorte de tour-

billon de neige confondant en un nuage gris le ciel,

l'air et la terre), se hâtent vers leur logis clos où les attendent le bon poêle, la chaleur, la lumière. C'est alors qu'on achète aux tout petits le grand sapin qui

réjouit. Quelques jours avant Noël, les places des villes s'encombrent de forêts vertes, embaumantes, fraîches et animées par l'affairement des mamans, des acheteurs, des porteurs, des, i~vé.ftcbiks (cochers).

C'est .!a.,fête des tout

petits!

(2pant au mystère de Pâques, on s'y prépare dès longtemps. Aussitôt le Carême, un jeûne sévère exige une nourriture spéciale. Il faut faire provision de mets maigres le marché aux champignons s'ouvre.Qu'on se figure, sous le vent et la pluie ou la neige de mars,

marquent surtout l'an!1ée russe

Au moment de Noël, il tait grand froid sur la terre russe. La campagne est blanche à perte de vue, les toits, les rues des villes se cachent sous leur fourrure de neige, et les passants, glacés par le vent, malgré vê-

Noël et Pâques: Ce

sont les· deux foyers autour desquels et entre lesquels se concentre la vie religieuse la plus intense, les manifestations familiales ques ou littéraires les plus LC MARCHÉ AUX CHAMPIGNONS A MOSCOU. vives (expositions,théâtres, etc., etc.), les plus grandes unerangé~degrostonneaux Photographie de M. G. Cahen. solennités pour toutes les amenés sur les traîneaux classes de la société russe. Noël est plutôt la fête des de campagne. Au fond, nagent dans du vinaigre ou de enfants. Pâques intéresse petits et grands, riches et la saumure toutes les 'espèces de champignons dont foisonne la forêt russe': champignons fins, blancs et pauvres, gens des villes et des campagnes et, à ce titre, l'emporte en intérêt et en ampleur sur toutes visqueux, champignons jaunes et gluanfs, énormes les autres fêtes de rx1$~ses gélatineuses, petits fruits rouges et amers. A

l'année.

A TRAVERS LE MONDE.

Je

LIV.

.1

N° 3.

2 Janvier \9°5.


côté, pendent les chapelets de champignons séchés et enfilés; plus loin, macèrent les pommes au vinaigre et les prunes marinées. C'est aussi l'endroit où les ménagères trouvent à renouveler leurs confitures et leur miel. Les confitures s'offrent liquides ou pâteuses dans des tonneaux en plein vent, tandis que de respectables boutiques vendent le miel de différentes localités et de couleurs diverses. A côté, les fabricants de jouets, les menus vendeurs de poteries et objets de ménage crient leurs articles à la foule qui se presse, s'arrête et examine. Les marchands de rafraîchissements déposent sur un tréteau mobile le tonnelet de kvas qu'ils portent sur la tête, et, les sacs de papier passés derrière le dos dans leur ceinture rouge ou orange, ils débitent leurs tas de pruneaux peu appétissants. Le marché aux champignons ne dure que quelques jours. De tout autres dimensions est l'espèce de foire qui se tient sur la grande place de Moscou, la place Rouge, dans la semaine des Rameaux. Imaginez un immense rectangle, peu près la place des Invalides telle qu'elle était autrefois, bordé d'un côté par

plément nécessaire de la parade. Dès le samedi, à six

heures du soir, il faut que les affaires soient terminées, les boutiques enlevées, la place débarrassée. La cloche appelle à l'office de la nuit sainte. La fête laïque cède le pas à la cérémonie religieuse. Celle-ci se déroule dans le cadre original des églises russes. Dérivées, semble-t-il, des primitifs bâtiments en bois qu'on trouve encore dans les campagnes, les églises ont conservé les formes géométriques et les ornements très simples qui caractérisent les constructions anciennes. Ce qui frappe en elles, c'est d'abord la profusion des couleurs, tons chauds du rouge, du vert, du bleu crus, badigeonnage des toits de zinc, enluminure des clochetons, des murs, de tout. C'est un feu d'artifice aux lumières éclatantes. Très rares sont les églises dont le goût ou plutôt le temps a assombri les teintes dures et patiné les nuances, comme l'église de la Mère-de-Dieu à Moscou, cette délicate merveille, aux longs

toits élégamment effilés, recouverts en damier de plaques

fondues dans l'harmonie discrète d'un vert pâle, passé, charmant. Pour un étranger, tout est nouveau dans l'église russe l'édifice reluit comme une

le mur et les tours du Kremlin la cathédrale de SaintBasile et la NotreDame de Moscou forment le fond du

châsse, doré en

haut, où les cou-

tableau; des bâti-

poles surmontées de leurs croix à chaî-

ments neufs, de style russe, occupent les deux autres côtés. Dans ce ca-

dre s'agite une

masse bruyante, gaie, lourde. En-

fants, parents,

gris-violet,

nettes s'enlèvent aux rayons hori-

DANS UN CIS1E1'ICRE EN PETl'l'E RUSSIE. Photographie de M. G. Cahen.

paysans, marchanJs, bourgeois, tous sont venus acheter des rameaux de saule et les mille pètits objets qui se vendent alors. Les confiseries y tiennent une place peut-être prépondérante (( pastilles », c'est-à-dire

pâtes de fruits russes, khalva grecque (gâteau aux noix et au miel ressemblant un peu comme couleur et consistance à l'amiante), massepains de Toula, fruits secs apportés de Grèce et de Perse. A côté sont les jouets, où les oeufs en bois de toutes couleurs et à motifs variés trouvent le plus d'amateurs, les icônes, les vieux livres. Et tandis qu'au-dessus de cette foule pressée et débordante s'enlèvent les notes claires des petits ballons pour enfants, les gerbes de rameaux, les brins de saule verdoyants sèment leurs tons frais sur cette fête printanière. Dans les derniers jours de la semaine et l'après-midi du dimanche de Pâques, sous la direction de la police qui maintient libre l'espace réservé, passe le défilé des équipages c'est la promenade des fiancées venant faire admirer leurs beaux chevaux, leur gros cocher et leur luxe. Après un tour de la place au pas, une course au Petrovskoïé Razoumovskoïé (le Bois de Boulogne des Moscovites) et un retour triomphal paraissent le com-

zontaux du soleil d'hiver sur le fond transparent du ciel,

dans l'air glacé

et cristallin; la peinture fait ressortir l'étrangeté des formes sur une construction massive et carrée trône quelquefois un gros bulbe central, flanqué de quatre, huit autres « oignons ». Puis le clocher distinct n'offre, sur de courtes colonnes ventrues, qu'un long et lourd toit de pierre percé d'ouvertures pour les cloches. Les cloches sont fixes, attachées à une poutre solide; mais leur battant reste libre avec une corde qui pend seule; immobile au milieu de ces fils dont il joue comme le pianiste sur ses touches, on voit le sonneur mettre en branle tour à tour bourdon et clochettes, faire donner la basse et produire le carillon. Entre-t-on à l'intérieur de ces vastes constructions, on reste saisi c'est la nuit et, semble-t-il, dans une petite chambre. Au fond brille vaguement l'iconostase en or ou, comme à n'est question ici ni des églises du XVIIIe siècle de style pseudo-classique ni des grandes églises modernes (cathédrale de Saint-Isaac à Pétersbourg, temple du Sauveur à 1. Il

Moscou, église de Saint-Vladimir à Kiev) où la lumière pénètre au contraire à flots, mais des vieilles églises, de style russe, Saint-Basile et la Mère-de-Dieu à Moscou, SainteSophie, à Kiev, par exemple.


Sainte-Sophie de Kiev, une immense mosaïque; mais, en premier lieu, on reste étonné de cette exiguité, comparée au développement de l'extérieur, et de cette obscurité. Seules, les baies des coupoles laissent tomber un jour douteux et le projettent sur l'autel. Les yeux habitués à cette demi-teinte distinguent ensuite les chasubles d'or des officiants, for des murs, l'or des icônes et l'effet de cette profusion d'or est d'autant plus vif sur ce fond très sombre. Les églises russes n'ont point de chaises, et c'est debout,.les rangs de la société plus ou moins confondus, qu'on écoute les liturgies graves où la voix des chantres les chantres synodaux de Moscou, en particulier, déploie sa pureté et son ampleur. Peut-être n'est-il pas impossible, après ces détails, de se figurer le Kremlin de Moscou par une nuit de Pâques. L'enceinte, avec ses églises, ses palais, ses casernes, son tribunal et son immense place peut contenir des milliers de spectateurs. Or, en cette

tir de l'église en bois, enfumée et

tacle imprévu vous surprend une ceinture de points lumineux entoure l'église, ce sont les paysans des environs, venus pour faire bénir leurs provisions de Pâques, qui attendent là, près de leurs paniers, une chandelle à la main. Et c'est en Petite-Russie aussi, dans le gouvernement de Poltava, que se passe la scène suivante qui paraît propre à montrer la survivance des traditions païennes dans le culte. Dans la semaine qui suit Pâques (Fo~nanai anédiéba), les paysans et paysannes se réunissent au cimetière avec marmites et bouteilles. L'auteur de ces lignes, l'appareil photographique au côté, était parti les voir dès le matin. Une trentaine de femmes se trouvaient déjà réunies. L'une d'elles se leva, m'offrit l'œuf rouge de Pâques. J'acceptai et l'ernbrassai trois fois comme il sied. Mais j'avais compté sans mes hôtes. A la première succédèrent toutes les autres à la file, chacune avec un oeur

(j'ignorais qu'il

convenait d'offrif les œufs à mon tour) et sous condition

nuit, ils sont si nombreux qu'ils

de

s'étouffent dans les églisestrop étroites, qu'ils s'écrasent sur cette place noire de monde dans la nuit noire. Tous regardent en l'air du côté de la vieille tour d'Ivan le Terrible. Minuit approche. Aux lamentations

la tâche moins agréable qu'au début quand l'office commença. Après une courte prière du batiouchka (prêtre, mot à mot petit père et, en français, mon Père) eut lieu le festin. Par terre, en une longue ligne, s'assirent les gens du village. A

Chra'stos zos-

Christ est

ressuscité! Les

chants d'allégresse éclatent. Et l'énormebourdon,qui

les poches

bourrées et je commençai à trouver

l'église retentit du krésrë,

baiser.J'eus

bientôt

de l'office succède un cri de triomphe

cri

"comble, un spec-

une table réservée,

LE REPAS DES PÈLERINS AU COUVENT DE LA TRINITL ET DE SAINT-SERGE.

Photographie de M. G. Cahen.

ne tinte qu'une fois l'an, est mis en branle sur la plate-forme de la tour avec le bruit d'une enclume. Puis la cathédrale de l'Assomption (Ous~ienskü labor) s'illumine. Des guirlandes de feux indiquent ses formes dans la nuit. Les autres églises répondent de leur carillon et s'allument à leur tour. Près de la Moskova, on distingue le dôme du temple du Sauveur; au loin, sur toute l'immensité noire étalée au pied du Kremlin, se détachent de proche en proche les clous lumineux des clochers et une large ondée de sonneries joyeuses s'épand sur la ville dans la nuit. Alors on rentre chez soi. On échange avec tous le triple baiser de paix et le repas peut commencer. Il y a les ceufs, aujourd'hui teints uniformément en rouge, mais jadis colorés de tons divers suivant les provinces. Puis les gâteaux de Pâques tendent leurs flancs ventrus koulitchi à la crème, énormes

babas couronnés de sucre blanc, esturgeons gelés, gibier d'hiver. Plus simple est la fête dans les campagnes, mais non moins curieuse. En Petite-Russie, à minuit, au sor-

à

prirent place. le pope et les gros

bonnets de l'en-

droit (tou,~y, mot mot, les as). J'y fus convié. On servit d'abord un

énorme saladier rempli de débris de volailles. L'odeur en était appétissante, mais de couverts, point, aucun, d'aucune sorte. Force fut bien de se contenter de ses mains. Après le repas, il faut boire. On offrit au batiouchka un grand verre de vodka (eau-de-vie). Il l'avala d'un trait, à la mode russe. J'étais à côté de lui, je dus accepter à mon tour. Après cette première rasade, d'autres suivirent. A la fin, pareil régal me permit tout juste dé retrouver mon logis, mais je ne jurerai pas que j'y retournai en ligne droite et d'un pas ferme. Pâques n'est pas la seule fête qui soit prétexte à festins et beuveries. Les jours gras, Maslianitsa, sont célèbres par leurs bliny on sert tout chauds des morceaux de pâte assez analogues à nos gaufres avant d'être bien cuites. On roule ces sortes de crêpes et on les avale bouillantes; l'idéal consiste à en absorber le plus grand nombre possible; les gens raisonnables dépassent rarement la douzaine, mais on cite des


prouesses en.ce genre tout à fait incroyables. Un bon repas, au hors-d'oeuvre de poissons salés et fumés avec un petit verre de vodka, suit cette entrée. Après Pâques, une des grandes têtes est la Pentecôte (Troïtsa, jour de la Trinité). On orne les icônes placés à la porte des églises de rameaux verts, de fleurs, et la solennité rappelle un peu notre Fête-Dieu. C'est grande fête alors au couvent de laTrinité et de Saint-Serge, près Moscou. le Saint-Denis russe, Les couvents en Russie ne ressemblent guère aux nôtres. Avec leur vaste mur d'enceinte, flanqué de tours, ils donnent, dès l'abord, l'aspect d'une forteresse. Quand on pénètre au milieu de leurs nombreux bâtiments, c'est plutôt à une ville que l'on pense, une ville entière, se suffisant à elle-même, organisme complet pouvant vivre en soi, de sa vie propre. Quelques-uns de ces couvents ont des traditions historiques importantes. Au couvent des Vierges, à Moscou, fut enfermée la tzarine Sophie par Pierre le Grand la Kiew est célèbre autant par ses antres (( laure où vivaient murés les moines que par ses richesses. La (( laure » de la Trinité possède un trésor souvent mis à contribution par les tzars. Des mendiants, hommes et femmes, le plateau de cuir à la main, s'en vont encore quêter pour le couvent dont ils montrent l'image. Ces ressources ne servent pas uniquement aux moines. Ceux du couvent de la Trinité nourrissent et servent eux-mêmes les milliers de pèlerins qui, chaque jour, et les jours de fête en particulier, le jour de la fête du couvent surtout, accourent de tous les points de la Russie vers le lieu saint. La fête serait-elle parfaite si, à la cérémonie religieuse, ne venait s'ajouter la satisfaction du corps? Et c'est, peut-être, un des traits originaux de ces solennités que leur caractère à la fois spirituel et matériel. Destinées à un peuple jeune et vigoureux, succédant souvent à des périodes de jeûnes pénibles et d'austérités, comment ne frapperaient-elles point les imaginations par le mystère de leur appareil et l'éclatante joie de leur célébration Occasions aussi de rapprochements dans un pays où le climat et la distance obligent à la vie isolée, il est naturel que ces réunions périodiques suscitent et entraînent une certaine activité commerciale. Elles sont restées, jusque de nos jours, un des liens communs à toutes les classes de la société.

de

G

C AHEN.

Les Brise-glaces en Sibérie. A VECl'hiver les brise-glaces ont repris leur fonctionnement en Asie russe, et le Baïkal lui-même, malgré l'achèvement de la voie ferrée qui le contourne, n'a pas répudié son vieux serviteur. Le Bulleti:a de l'Asie fravcçaise donne sur ces bateaux spéciaux d'intéressants renseignements. C'est le prince Khilkov, dit-il, qui a tenu à ce qu'un- bateau briseglaces fonctionnât entre les deux rives du Baïkal. Construit dans les usines anglaises d'Armstrong, le bateau démonté fut amené au village de Listvénitsa;

c'est là qu'il fut reboulonné, rivé, que les travaux de charpentage et de menuiserie furent achevés, que les chaudières furent installées. Le bateau brise-glaces a été construit en acier; sa longueur est de ioo mètres environ, sa largeur de 20, la profondeur de l'avant de 6 et celle de l'arrière de 7, il a une vitesse de 2 kilomètres à l'heure; son déplacement d'eau est de 4 200 tonnes lorsqu'il est complètement chargé. Il y a sur le brise-glaces trois machines à triple détente, ayant une force totale de 3 7 50 chevaux- vapeur; deux machines sont à l'arrière, séparées par une cloison longitudinale impénétrable à l'eau ces machines servent à mettre le brise-glaces en mouvement. Une autre machine est à l'avant et met en mouvement l'hélice d'avant qui sert à briser la glace. Il y a quatre hélices à palettes; les chaudières cylindriques sont au nombre de quinze et sont placées dans deux compartiments, séparés par des cloisons longitudinales impénétrables. Le bateau est muni de citernes à lest pouvant contenir 58o tonnes d'eau. La nervure du bateau au-dessus de la ligne de flottaison est composée de lames d'acier d'une épaisseur d'un pouce le doublage est uni et est appliqué sur les solives intérieures. Pour amoindrir la force du choc contre la glace et pour donner plus de solidité à la partie intérieure, sur toute la longueur du bateau, à la hauteur de sa nervure au niveau de la glace sont placées des pièces de bois cunéiformes, recouvertes de poutres longitudinales; le bateau rappelle un peu le Fram, si célèbre aujourd'hui. Sur le pont, le long de l'axe du bâtiment, il y a trois voies munies de rails, sur lesquels peuvent être placés 25 wagons, chargés de marchandises dans les cabines on peut loger 150 voyageurs; il y a en plus un salon pour les voyageurs de ue classe. Le bateau a pour nom le Baïkal. Un bateau plus

petit, l'Angara, a été construit pour lui venir en aide; il a 65 mètres de long et file 12 noeuds et demi. Passons maintenant des bords du lac Baïkal au port de Vladivostok. L'entrée de la baie est prise ordinairement au milieu de décembre; les glaces atteignent leur maximum d'épaisseur en janvier, 72 centimètres à peu près. De 1891 à 1893, plusieurs tentatives, peu fructueuses du reste, ont été faites pour frayer un chenal dans la glace au moyen de scies ce n'est qu'à l'arrivée du brise-glaces, le Silatch, que l'on put s'occuper sérieusement d'établir une communicationentre la mer et la baie pendant l'hiver. Le plus brillant exploit du Silatch eut lieu au moment de la guerre entre la Chine et le Japon l'escadre russe, grâce à lui, apparut, alors qu'on la croyait prisonnière, en plein hiver, à Nagasaki. Cependant, il était insuffisant, et l'on fit venir un autre bateau, le Nadiejny, dont la force est infiniment supérieure et grâce auquel les grands navires peuvent entrer facilement dans la baie gelée. Telles sont les principales unités de cette flottille spéciale, inapte à guerroyer elle-même, et pourtant machine de guerre de première nécessité. Si son rôle s'est amoindri sur le Baïkal, elle a, depuis la chute de Port-Arthur, pris sur mer une importance nouvelle Vladivostock est le seul port militaire de la Russie en Extrême-Orient et Vladivostock sans brise-glaces c'est le port inutilisé pendant de longs mois.


C'est là, pourrait-on ajouter, tout le secret de la situation au Cap, au Transvaal, dans fAfrique orientale, dans la Somalie anglaise, dans l'Égypte en un mot, dans toute l'Afrique que baigne l'Océan indien. Forts de cette doctrine, les Anglais, déjà maîtres de tous les points importants de la côte orientale, se sont emparés du Transvaal, pressent le Portugal d'abandonnner Lourenço Marquès, laissent Zanzibar aux flancs de l'Afrique orientale allemande, Socotora en face de la Somalie italienne, évincent la France de l'Égypte et les actionnaires étrangers de l'administration du canal de Suez. Enfin un projet admirable et gigantesque, celui du chemin de fer qui, dans quelques années, reliera le Cap au Caire, vient économiquement couronner une œuvre d'expansion parfaitement conçue. Quand le tronçon du nord qui descend jusqu'à Khartoum aura rejoint le tronçon du sud, qui atteint aujourd'hui la région des grands lacs; quand seront construites toutes les lignes secondaires qui serviront de

Développement de la Puissance anglaise dans le bassin de l'Océan Indien.

Le

HABITUDEde considérer séparément, en Afrique ou en Asie, le développement de la puissance anglaise, a souvent empêché un observateur. superficiel d'apercevoir l'admirable unité de vues qui présidait à cette expansion continue. On voit l'Angleterre lutter en Afrique avec les Boers, des nègres, des mahdi, sans compter la diplomatie française; on la voit en Asie s'immiscer dans les choses d'Arabie, contrebalancer en Perse ou en Afghanistan l'influence russe, relancer le dalaï-lama sur les hauteurs du Tibet;

trait d'union entre la grande ligne et

l'Océan, l'Angle-

on sent sa main

dans les affaires sia-

terre sera bien près d'atteindre son but l'anglicisation de toute la côte orien-

moises. Tous ces efforts, qui semblent éparpillés surdivers points du Vieux Continent, se rattachent immédiatement à un système bien

arrêté, si l'on

rapproche dans une

même étude les deux parties du monde, et si l'on prend, comme cen-

tre d'observation, l'Océan indien. L'Océan indien tend à deveCARTE MONTRANT LE DÉVELOPPEMENT DE nir un lac anglais; c'est là tout le secret, secre facile à pénétrer, d'une politique séculaire. Déjà ses côtes et ses îles sont, en grande partie, possessions anglaises ou pays d'influence anglaise. Mais ce n'est pas tout pour s'assurer 1'.Océan, il ne suffit pas d'en posséder les côtes, il faut aussi être maître de l'hinterland. C'est vers ce but que tend inlassablement la politique anglaise contemporaine. Le vice-roi des Indes anglaises, lord Curzon, a dernièrement fait la déclaration suivante en Conseil de Gouvernement (( L'Inde est comme une forteresse, avec l'Océan comme fossé de deux côtés, et des montagnes de l'autre. Au delà de la muraille, on trouve un glacis, d'étendue variable. Nous ne demandons pas à l'occuper, mais nous ne pouvons le voir occupé par un ennemi. Nous sommes très contents de le voir rester aux mains d'alliés et d'amis mais si des influences non amicales s'insinuent et pénètrent sous nos murs, nous serons contraints d'intervenir, parce que le danger en serait augmenté et menacerait notre sécurité. C'est là le secret de toute la situation en Arabie, en Perse, en Afghanistan, au Tibet et au Siam. »

LA

tale africaine. Sur la côte asiatique de l'Océan indien, la politique anglaise n'est pas plus difficile à pénétrer. Un chemin de fer projeté lui donnerait la côte arabique de la mer Rouge jusqu'à la Mecque. Des démêlés récents entre le chérif de la ville sainte et des pèlePUISSANCEANGLAISE DANS L'OCÉAN INDIEN. rins un peu trop pressurés ont été, dit-on, portés devant la juridiction du résident britannique au Caire, lord Cromer doléances qui aboutiront à une intervention. A la sortie de la mer Rouge, l'Angleterre prépare sa pénétration dans l'hinterland d'Aden; un peu plus loin, à Mascate, elle ne reste pas inactive elle dispute à la Russie son influence dans le golfe Persique et les incidents de Koveit sont encore dans les mémoires. Le l3elouchistan est presque entièrement anglais. De même pour l'Afghanistan vers le milieu du mois d'octobre dernier, le ministère de l'Inde a communiqué à la presse anglaise une note significative cc Depuis l'avènement au trône, en 1901, du présent émird'Afghanistan,aucune occasion ne s'était présentée de ménager un entretien entre Sa Hautesse et un représentant du Gouvernement de l'Inde. Or, l'émir a proposé récemment d'envoyer dans l'Inde son fils aîné, le Sirdar Snagat-Ullah, pour rencontrer lord Curzon à son retour dans la colonie, et a fait savoir qu'entre temps il recevrait à Caboul un fonctionnaire du Gouvernement de l'Inde, autorisé à discuter avec Sa Hautesséles questions relatives à ses relations avec le Gouvernement britannique .» Depuis,


la mission anglaise a été constituée, et les deux Gouvernements de l'émir et du vice-roi sont entrés en des pourparlers qui ne seront pas infructueux pour l'Angleterre l'Afghanistan, effrayé de l'extension du Tur-

kestan russe, dont une ligne ferrée n'est plus qu'à une centaine de lieues d'Hérat, ne demande qu'à se jeter dans les bras de son nouvel allié. Déjà les Anglais, par le chemin de fer de Quetta, peuvent s'établir à Kandahar; ils sont installés militairement à Peshawar, devant la passe de Khailar, clef des routes qui mènent au Turkestan russe. Aux Indes, l'Angleterre cherche moins à s'isoler de la Russie par le maintien de zones neutres et la constitution d'États tampons qu'à empiéter sur les pays voisins pour être en bonne posture et dicter ses lois, le moment venu. Tout récemment, une expédition était entreprise contre Lhassa, et le Gouvernementbritannique a imposé à sa conquête un traité dont il n'y a qu'à parcourir le texte pour en comprendre toute la portée les Anglais occupent encore militairement la vallée de la Choumbi, et ils ne semblent pas disposés à

l'évacuer. A l'est des Indes, la Birmanie est anglaise, et l'Océan indien se termine par l'admirable pays, encore anglais, qui forme l'hinterland de Singapour. Les quatre sultanats de Perak, Sélangor, Niegri-SEmbiJan et Pohang peuvent être comptés au nombre des pays les plus prospères du monde, et les Anglais citent avec orgueil la Fédération malaise comme l'un des plus beaux succès coloniaux que l'on connaisse. Cette étude, quelque sommaire qu'elle soit, des côtes de l'Océan indien et de l'hinterland avoisinant, suffit à démontrer ce qu'il faut savoir l'Océan indien est, ou deviendra, un lac anglais.

ciants ne voulaient payer qu'une partie en espèces et une partie en marchandises, afin de réaliser un bénéfice sur l'achat des produits et un autre sur la vente des marchandises. Le Syrien, qui est souvent musulman ou fait semblant de l'être, qui parle arabe et qui, de plus, achetait contre espèces et par petites quantités le caoutchouc présenté, ne tarda pas à monopoliser tous les achats de ce produit. Six mois après leur installation, on n'achetait plus une seule boule de caoutchouc dans les boutiques. Les Syriens n'ayant à leur disposition qu'un très petit capital, quelques centaines de francs seulement, ne peuvent conserver les produits achetés et vont les revendre dans les deux jours dans les grandes maisons exportatrices. Sachant mieux calculer que les noirs, ils se rendent exactement compte des prix offerts, et vendent au plus offrant, n'y eût-il pour eux que 5 centimes d'avantage par kilogramme. Il en résulte que les exportateurs doivent toujours payer le produit au cours maximum, sous peine de ne pas faire d'affaires, et si une maison a besoin à tout prix d'exporter, il lui suffit de faire une hausse de 5 centimes par kilog. pour qu'une heure après tout ce qui est en ville lui soit apporté. Les Syriens, qu'on a empêchés de rester sur la voie publique, se sont mis en boutique et ont installé de petits magasins où les indigènes trouvent tout ce qui leur est nécessaire, tissus, quincaillerie, poudre, etc. Les caravanes n'ont plus eu dès lors besoin d'aller dans les maisons européennes, et cellesci ont vu leurs boutiques de détail se vider presque

complètement. Leurs intérêts étaient donc doublementmenacés, puisque d'une part elles ne pouvaient plus réaliser qu'un bénéfice insignifiant sur les produits, et que de l'autre leurs ventes en gros de marchandises aux Syriens ne leur permettaient pas de trouver un dédommagementdans l'écoulement des marchandises européennes.

suite d'un accord récent, les grandes maisons ont décidé de ne plus traiter aucune affaire avec les Syriens. Ceux-ci ne disposant pas de ressources suffisantes pour opérer d'eux-mêmes les expéditions en Europe, et pour attendre trois mois le paiement du caoutchouc exporté, doivent fatalement être amenés à cesser leurs affaires. Le but visé par le commerce européen a été atteint, partiellement du moins, et les A la

La Question des Syriens en Guinée française. 1898, alors que le commerce du caoutchouc Ecommençait prendre merveilleux essor qui a à

le

permis de faire de la Guinée une colonie florissante et de Konakry la plus belle ville de la côte d'Afrique, on vit arriver deux mercantis syriens porteurs de boîtes dans lesquelles se trouvait un assortiment de pacotille .diverse, d'anneaux coloriés, etc., qui s'installèrent en plein vent près du marché et se mirent à vendre aux noirs. Ils eurent du succès. Deux semaines après, les Syriens étaient au nombre de 15, l'année suivante de i 5o et, au début de 1904, nous avions à Konakry 4°° Syriens, à Boké 50, à Dubréca et à Coya 15°. Au début, cette population cosmopolite, qui n'est pas entièrement syrienne, mais comprend également des Italiens, des Juifs marocains et de Gibraltar, des Maltais, des Égyptiens, se contentait de vendre des petits articles de bazar valant quelques sous, mais elle ne tarda pas à acheter aux noirs le caoutchouc contre espèces alors que bien des négo-

Syriens qui ne disposaient que de ressources minimes ont dû quitter le. pays, mais ceux qui étaient pourvus d'un certain capital ont commencé à faire euxmêmesdirectementleurs affaires avec l'Europe, et nous aurons désormais un certain nombre de maisons syriennes faisant directement le commerce extérieur dont la concurrence viendra s'ajouter à celle des maisons déjà existantes. Il est très probable que le bénéfice résultant pour les blancs de la disparition des petits traitants syriens sera annulé par l'installation de leurs compatriotes plus fortunés. Ces derniers pourront entreprendre tous les genres d'affaires et non se borner au simple achat de caoutchouc et à la tenue de petites boutiques dans les villes ainsi qu'ils ont fait jusqu'ici. Il n'est pas dou-' teux que si l'Administration autorise cette catégorie de négociants à s'établir dans les stations qui seront ouvertes sur le chemin de fer, ils attireront à eux


toutes les transactions et supplanteront le commerce

européen. » Ces lignes, qui émanent du chef de service des Douanes de la Guinée, prouvent qu'il existe une «( question des Syriens ». Quelle en peut être la solution ? Protection ou.liberté ? Les commerçants européens de la Guinée ont voulu chasser leurs concurrents installés; l'Administration de la colonie a partagé leur avis. L'Administration supérieure l'a rejeté. On devine sans peine leurs arguments intéressés ce sont les arguments du chef de service des Douanes les partisans de la liberté leur en opposent qui ne manquent pas de valeur (( Il n'apparaît pas, écrit à ses chefs l'agent d'une société française, que la liberté commerciale accordée jusqu'ici aux Syriens et assimilés ait eu pour effet de nuire à la prospérité générale de la colonie et de ses habitants. Si la concurrence des Syriens et assimilés a amené l'élévation du prix du caoutchouc au dommage apparent des négociants, elle a, par contre, profité d'une manière très réelle à la masse des producteurs et contribué ainsi au développement du marché local de Konakry et, par extension, des autres centres d'achat de la colonie. (( Nous sommes même justifiés à nous demander si, à défaut de ce stimulant, le commerce de la Guinée, sans y prendre garde et pour se conserver une marge bénéficiaire un peu plus large, n'aurait pas favorisé indirectementles affaires des colonies voisines. » Le Bulletin de l'Afrique française s'exprime de même «( Il apparaît à tout critique impartial que l'équité, le droit des gens et les intérêts du commerce s'opposent à des mesures d'exclusion contre les Syriens et assimilés, Italiens, Maltais et Marocains. De plus, n'est-il pas à penser qu'ils iraient au Liberia ou dans les colonies anglaises apporter leur activité L'émigration générale syrienne né peut être enrayée on dit que 20000 Libanais fuient chaque année l'oppression turque, en tout cas les Messageries maritimes à elles seules en transportent, bon an mal an, vers Marseille, une moyenne de 6 000. Devonsnous les laisser échapper vers l'Amérique? Très Français de coeur, ils iraient volontiers dans nos colonies. Qui sait si demain nous ne pourrons faire d'eux des agents de pénétration commerciale au Maroc ? » La question semble donc se poser sous cette forme «( Faut-il exclure un élément qui sembledangereux ou l'amender pour en tirer parti ? » Et dès lors la réponse se dessine plus visiblement.

un projet de journal analogue pour l'Annam et le Tonkin. Ces créations, dit la Dépêche Coloniale, répondent à un véritable besoin. Les Annamites sont remarquablement studieux ils accueilleront avec empressement ces publications qui, rédigées avec tact et intelligence, auront sur eux une influence très grande et salutaire aussi bien pour leurs intérêts que pour les nôtres. Ces journaux n'auront pas un caractère officiel; c'est chose nécessaire pour inspirer plus de confiance à leurs lecteurs. Les Annamites, comme bien d'autres peuples, manifestent une certaine défiance à l'égard des imprimés de source administrative. Mais tout en

étantindépendants,cesjournauxdevront s'abstenir de

polémiques capables de nuire à l'Administration qui doit conserver son prestige intact aux yeux des indigènes. L'autorité que ces journaux gagneront rapidement dans les pays où il paraîtront leur permettra de combattre avec efficacité les fausses nouvelles, les légendes qui s'accréditent parmi les indigènes et qui sont lancées, la plupart du temps, par des gens intéressés à provoquer le trouble et l'inquiétude dans les popula-

tions.

l'instant où les Japonais cherchent, à l'aide d'une propagande secrète par l'imprimé et par l'image, A

à se créer des partisans en Indo-Chine, ces journaux

apporteront une contre-partie utile. Mais ce ne sont pas là les côtés les plus importants de l'œuvre que ces journaux auront à accomplir. Ce à quoi ils devront tendre surtout, c'est à l'éducation sociale des indigènes. De ce côté, il y a énormément à faire. Les Annamites sont restés ignorants d'une foule de choses qu'il faut leur expliquer et leur apprendre. Figés dans une civilisation millénaire, les progrès et les découvertes de la civilisation moderne leur sont in-

connus. Il faut donc s'attacher à vulgariser parmi eux notre hygiène, notre médecine, nos sciences exactes, ainsi que les questions relatives à l'agriculture, le commerce, l'industrie. Comme on peut en juger, le programme de ces journaux est vaste; il appartiendra au talent et à l'habileté de leurs rédacteurs d'en rendre l'application féconde.

H. Coupin, docteur

ès sciences, lauréat de l'Institut. Les Bifarreries des Races bumaines. grand in-80 (~9 X 28 cm), illustré de 214 jolies gravures; broché, 4 francs; relié percaline, 6 francs; relié amateur, 10 francs. Paris. Vuibert et Nony. sans la moindre crainte d'être trompé que pourra se lire cet attrayant ouvrage. La sûreté de documentation de l'auteur nous en est un gage. C'est aux sources authentiques qu'il a puisé, comme toujours. Et de même que, dans les précédents volumes de cette précieuse collection, il nous initiait tour à tour, de si aimable façon, aux industries remarquablés, aux excentricités des animaux, aux originalités des plantes, il nous promène aujourd'hui principalement parmi les races sauvages ou à demi-civilisées, nous montrant avec l'humour qui lui est si particulier, mille traits de moeurs singulières, mille faits étranges, dont le premier

vol.

EST

Création deJournauxindigènes dans l'Indo-Chine française. Le gouverneur général vient d'autoriser par arrêté la

publication en Cochinchine d'un journal en caractè-

reset languequoc-ngu,intitulé le Moniteur desProvinces.

Ce journal s'adressera spécialement à la population indigène. M. Beau est en train également de faire étudier

mérite est d'être vrais. On n'a pas manqué d'accompagner

le texte de séduisantes et curieuses gravures.


Les nouveaux cuirassés.

Le cuirassé

Braun-

schweig, qui vient d'être mis en service définitif le 15 octobre, est le premier d'une série qui doit comprendre quatre autres cuirassés du même type l'Elsass, le Lothriyrgen, le Hessen et le Preussen.

leurs-maimpriment chines, d'une force de i63oo chevaux, leur une Leur déplacement est de 1.3 200 tonnes, et

vitesse de 18 noeuds. L'armement d'artillerie consiste en 4 pièces de 28 centimètres; 14 de 17; 12 de 8,8; 12 de .3,7; 8 mitrailleuses, toutes à tir rapide.

Ces cuirassés possèdent, en outre, 6 tubes lance-tor-

pilles.

Ils sont entièrement éclairés à l'électricité, ce qui exige

pour chacun d'eux environ 1 100 lampes à incandescence, et possèdent 4 grands projecteurs, dont 2 dans la mâture, et 2autres pouvant être déplacés sur le pont selon le besoin. Le transport de force électrique s'applique au fonctionnement de 17 grands ventilateurs pour l'aération des locaux intérieurs, de 14 machines assurant le ravitaillement à munitions, du mouvement des pièces de gros et moyen calibre, et de deux grandes grues pour les canots à vapeur. C'est encore l'électricité qui actionne les machines de la glacière, les pompes pour les bains chauds et divers autres services accessoires. Au total, chaque bâtiment comporte 56 électromoteurs pouvant développer au total une force de 520 chevaux. Inutile de dire qu'un réseau télégraphique et téléphonique réunit toutes les parties du bâtiment et que celui-ci est pourvu d'appareils de télégraphie sans fil.

La force électrique nécessaire est fournie par deux stations électriques qui comportent deux dynamos à vapeur de 126 chevaux chacune et deux autres de 86 chevaux. Bref,

pour en finir avec l'électricité, nous dirons qu'on a eu soin d'établir une batterie d'accumulateurs qui permettrait, en cas d'avaries aux machines électriques pendant le combat, d'alimenter les lampes indispensables et les projecteurs pendant un certain temps. CHINE

Les arsenaux chinois.

Chine apporte actuellementtous ses soins à organiser et à grossir ses forces militaires l'activité qui règne dans les arsenaux chinois et les projets de construction de plusieurs arsenaux nouveaux sont la preuve évidente du désir qu'a la Chine de devenir indépendante de l'étranger en ce qui concerne la fabrication La

de son armement. Les Neue militcerlsche Blcetter donnent à ce sujet les

renseignements suivants La

Chine possède actuellement les grands arsenaux

ci-après

Hanyang, dans la province de Houpé. 2. Nankin, dans le Kiang-sou. 3. Kiangau, près de Shang-haï, dans le Kiang-sou. 4. Fou-tchéou, dans la province de Fou-kien. 5. Canton. Le plus important et le mieux outillé est celui de 1.

Hanyang qui possède un grand marteau-pilon à vapeur, deux hauts-fourneaux, des aciéries Bessemer et Martin, une fabrique de canons, une de fusils, et une cartoucherie, et emploie 1 100 ouvriers. On y fabrique le fusil Mauser allemand modèle 1898, à raison de 25 par jour, et 20000 cartouches, des canons à tirrapide de 3,7 et de 5,7 cm., à raison d'une quinzainepar mois.

arsenaux de Canton et Shang-haï ont également bon renom. Il est question de les déplacer et de reporter celui de Canton à Vou-chou, sur la rivière de l'ouest, et celui de Shang-haï, à Ping-siang, dans le Kiang-sou, afin de les éloigner de la côte et de les mettre, par suite, à l'abri des débarquements ennemis en cas de guerre. En outre, Pingsiang est voisin des riches mines de houille de Sheng-kungpao, et est réuni par un chemin de fer à la province de Hounan et au Yang-tsé. Les

grand arsenal est en construction à Té-tchou, sur le canal impérial, dans la province de Chan-toung. Il a Un autre

ALLEMAGNE

été fondé par le vice-roi luan-Chi-Kaï pour ses besoins parti-

culiers. Té-tchou est mis en relation avec le nord et le sud par le canal impérial, et, en outre, le chemin de fer de Tientsin à Tsi-nan-fou doit plus tard passer à Té-tchou. Les bâtiments sont déjà terminés et l'on va incessamment installer les machines, dont une partie sera tirée de l'ancien arsenal de Tien-tsin. D'autres arsenaux encore sont en construction à Noutchangchou,dans la province de Kiang-si, à Tchang-safou, dans la province de Hou-nan; à Tchen-tou-fou, dans la province de Sé-tchouen. Le dernier est déjà presque complètement installé. INDES ANGLAISES

Lord Kitchener et la réorganisation de

l'armée.

Un ordre du

jour de l'armée des Indes vient

d'être publié, qui donne au complet le projet de réorganisa-

tion de l'armée ainsi que le comprend lord Kitchener. C'est un bouleversement général, et les officiers anglais, tout en reconnaissant qu'un changement était nécessaire, pestent, au fond, contre toutes ces réformes. Le métier d'officier, dans l'armée des Indes, était un peu une sorte d'honorariat; les sous-officiersinstruisaient les hommes et les officiers jouaient au polo et étaient des sporting gentlemen. On va leur demander un service effectif et les tirer de leurs habitudes. D'après la nouvelle organisation, l'Inde, à l'exclusion de la Birmanie, sera divisée en trois commandements; chaque commandement :comprendra trois divisions, et chaque division sera formée d'une brigade de cavalerie et de trois brigades d'infanterie, avec des troupes auxiliaires de cavalerie, d'artillerie, de sapeurs, de pionniers, sans compter un certain nombre de troupes de réserve destinées à assurer l'ordre intérieur, dans le cas où la division serait mobilisée. Il est bien évident que l'adoption de cette nouvelle organisation donnera lieu à des mouvements de transports de troupes considérables et ne pourra pas être complète, tant que les nouvelles casernes et les emplacements ne seront pas terminés. Mais on peut néanmoins se rendre compte, dès maintenant, de ce que sera l'armée des Indes, une fois que la nouvelle organisation fonctionnera sur tout le territoire. PORTUGAL

Batterie automobile d'artillerie.

La dé-

fense militaire de Lisbonne vient de s'accroitre d'une batterie automobile d'artillerie, qui n'est pas seulement intéressante parce qu'elle constitue une innovation curieuse, mais aussi parce qu'elle a été construite en France par les ateliers Schneider du Havre. La batterie se compose de quatre obusiers de 150 millimètres, à tir rapide, du type Schneider-Canet, lançant un projectile de 4o kilos, sous une charge de 1 kil. 625 de poudre, à la distance maxima de 8 kilomètres. Le berceau est muni de glissières permettant un recul normal de offi98. Le poids de la pièce, y compris son mécanisme de culasse, atteint 1 335 kilos, et celui de l'affût 2 000 kilo~ environ. Ces quatre obusiers sont remorqués au moyen d'une automobile extrêmement puissante, marchant indifféremment à l'alcool ou au pétrole. Elle est à quatre cylindres et ses roues ont om90 à l'avant et Im05 à l'arrière. Un treuil actionné par le moteur et placé sous le châssis permet, par l'intermédiaire d'un câble, de gravir les pentes les plus raides. En ordre de marche, l'automobile en question pèse douze tonnes, dont cinq représentent la charge de munitions, les 180 litres de pétrole et les 3° litres d'eau qu'elle doit porter. Le colonel du Bocage, du corps du génie portugais, sur les plans duquel a été réalisée la batterie automotrice d'artillerie, assure qu'elle peut parcourir 8o kilomètres sans se ravitailler, à la vitesse moyenne de 6 kilomètres à

l'heure.


La Vie dans le

«

Dominion of Canada ».

L'activité du prenzier nzinz'stre carcadtén Sir Wilfrid Laurier a lancé son pays dans l'évolution des grandes puissances. Sur les ( arpents de neige » de Voltaire se sont élevées des villes, alignées des voies ferrées. Toutefois les dzinensior,s du Dominion laissent encore place à des solitudes zizzzzzenses où se znène la vie des anciens trappeurs. Ceux-ci trouvent de dz5nes continuateurs de leur ceuvre aventureuse dans la personne des Franco-Canadiens.

C'EST dans l'est du Dominion que vivent les Franco-

Canadiens. Ils nous semblent spécialement intéressants ces hommes qui parlent notre langue et nous tiennent de très près par le sang. Français de l'ancien Régime, ils ont gardé l'amour de la mère patrie sans toutefois se plaindre de la législation anglaise sous laquelle ils vivent absolument libres. Pauvre encore, et Il 1le 'dpeu p"uple, nada français prospère sous l'esprit d'initiative anglosaxon, et la divergence de langue et de religion empêche la fusion des deux races, bien qu'une entente des

velle-France, comme on l'appelle encore, est l'un des plus pittoresques du Nouveau Monde. Québec, la capitale, possède d'illustres et vieux souvenirs. Elle s'est vue supplantée en importance par ses cadettes, Ottawa, Montréal, 'l'oronto, Halifax, mais seule au sein de la fruste Amérique, elle a une histoiredont elle garde le culte. Les premiers, en 153 5, Jacques Cartier et ses rIrio-marins ~retons ue-

.o,

barquèrentsurson

territoire; fondée

par Champlain, un bon demi-siècle plus tard, assaillie tour à tour par des flottes bostonienne, hollandaise et anglaise, disputée sans relâche, plus cordiales rèelle fut le théâtre gne entre tous. d'une des épopées Nullement ambiles plus dramatitieux, assez insouciants, foncièreques des temps modernes. Impasment honnêtes, sible aujourd'hui, très croyants, hoselle semble s'enpitaliers jusqu'à dormir dans l'aumettre leur vie au réole de ses souservice de leur venirs. Postée en hôte, les FrancoQUÉBEC EN HIVER. UNE PETITE RUE DE avant-garde, aux Canadienssontexconfluents de la ritrêmement sympaPhotographie communiquée par Mlle Hélia. vière Saint-Charles thiQues. Leur rusticité n'est pas exempte de dignité. Grands, sveltes et et du Saint-Laurent, du haut de son roc altier elle domine les eaux, elle étincelle la nuit, en sa ceinture de robustes, coiffés de feutres mous, bottés jusqu'aux lumière électrique, cependant que la triple chaîne des genoux, ils ont belle prestance. Les femmes aux yeux noirs, doux et profonds sont gracieuses et avenantes. Laurentides déploie autour d'elle ses ondulations Ses Dieu vous garde cependant de les voir en habits du bleuâtres, en se réverbérant dans le fleuve. dimanche! Le goût français a sombré dans les neiges. rues serpentines, ses maisons grises, rappelant les Elles n'ont pas plus le sentiment de la ligne que l'harmaisons bretonnes, les donjons, les hauts remparts monie des couleurs. de sa citadelle, sa situation vraiment merveilleuse, lui Leur domaine, la province de Québec, la Nouconserventje ne sais quel cachet de romantisme et en A. TRAVERS LE MONDE.

4e LIV.

No 4.

28 Janvier ~go5.


font un décor de féerie, que la splendeur sauvage des Laurentides pare d'une poésie étrange. Si l'on contemple ce panorama en suivant des yeux les méandres du fleuve et si l'on interroge un habitant pour savoir ce qu'il y a derrière les montagnes qui les bordent, on reçoit l'invariable réponse plus rien C'est le Grand(( Là-bas?. il n'y a Nord

» Le Grand-Nord

rogue dans les remous de l'eau, en pleine solitude. Plus que l'Anglo-Saxon, le Franco-Canadien pénétra le secret des bois. Depuis trois siècles, il s'y est acclimaté jusqu'à égaler presque l'indigène. Il sait comme lui vivre de rien et endurer la privation. Il est révèle comme lui ingénieux, patient, infatigable; il se surtout courageux en hiver, lorsque, muni de son fusil, d'un paquet d'allumettes et d'une galette de pemmican pour tout bagage, il quitte sa cabane chaude et va poser ses trappes et suivre la piste des grands fauves. Au bout de deux, trois, peut-être six semaines, il rentre, ayant souvent jeûné, ayant couché par des 4o degrés sous zéro, sans autre couverture que branches de sapin dans un trou de neige; mais il est chargé d'un lot de pelleteries rares qu'il ira vendre aux grands fourreurs du pays, et le produit de son (( butin » (c'est son mot) suffit à ses moyens d'existence. Parfois cependant il ne revient pas. Il a succombé dans quelque accident. Quoi qu'il en soit, il n'eût échangé sa vie pour

Désignation suggestive Au pied d'une ville, pleine encore des gloires du passé, le Grand-Nord demeure, en sa virginale et impénétrable paix. Quelques villages riverains de bûcherons et de pêcheurs de loin en loin s'échelonnent, reliés par une méchante route et une petite voie ferrée. Ensuite tout indice cesse. Jusqu'aux falaises du Labrador, jusqu'à la baie d'Hudson,jusqu'au cercle arctique, le Grandet Nord se prolonge; c'est la sauvagerie, c'est la grandeur inviolée des bois, le silence profond du ravin, le calme insondable de l'eau où se mire furtivement la bête fauve. L'homme jeune et aventureux subit aisément aucune autre. l'attrait du mystère. Aussi Une belle peau d'ours les Canadiens, un peu moins noir vaut au trappeur 12 à positifs, beaucoup moins 15 piastres, soit environ 65 affairés que les Yankees, francs celle du loup cervier s'adonnent-ils volontiers au 10 à 20 francs; de la loutre campisig. En ce pays du 40 à 6o francs; de la martre sport par excellence, le cam(selon la qualité) 15 à 75 ping est la villégiature trafrancs; du vison 5 à 25 ditionnelle qui consiste à francs; du blaireau 4 à 15 dire adieu pour quelques francs de l'hermine, de semaines à la vie civilisée, l'écureuil gris, du rat musà s'enfoncer dans les bois qué, du skunk et du pékan et planter tente sa pour y francs; du caribou 5 1 à 5 à vivre de chasse et de francs; du renard rouge pêche. Les jeunes femmes 4 à 15 francs; des renards elles-mêmes l'apprécient. gris, croisés ou blancs 50 à Qu'on ne s'y méprendu renard ari 5o francs la bois c'est Le pas nane genté 200 à 500 francs; du ture, en sa saveur primitive, L'AUTEUR DESCENDANT UN RAPIDE EN CANOT D'ÉCORCE. renard noir 1 000 à 2 000 autres que ressources sans francs c'est avec la loutre Photographie commmtiquée par Mlle Hélia. celles dont le Créateur dota de mer la fourrure la plus les hommes aux premiers rare du pays, elle est presque introuvable. En 1900, jours du monde. On y peut revivre exactement les la Compagnie de la Baie d'Hudson en revendit une, aventures de Robinson ou du coureur de bois, à cette extraordinairement belle, il est vrai, au prix respecdifférence près que le Mohican ne guette plus dans table de r 5 00o francs et une autre, payée o0o piastres l'ombre et que les chevelures sont en sûreté sur les au sauvagequi l'apporta, fut revenduepour z5ooo fravecs On y affronte pourtant deux fléaux les crânes. à Paris. Quant au renard bleu, il faut le chercher loin orages et les moustiques. des bois, dans les régions polaires. Son prix varie Mais, qu'ils sont beaux les étés canadiens Par entre i oo et 200 francs. degrés de chaleur on se sent dispos, prêt à soutenir, A dessein je n'ai point cité le castor pendant sans fatigue, des exercices violents. Le ciel est si bleu plusieurs années, la destruction en fut interdite. Sa L'ombre, si transparente L'air circule avec une fluidisparition est si notoire, que le Gouvernement du dité si délicieuse Partout, des lacs, des cours d'eau Dominion a dû intervenir. On avait retrouvé quelques agrémentés de rapides, déchirent de leurs larges silvillages de ces intéressants rongeurs près de la baie lons l'épaisseur des fourrés. C'est donc en ca!1ots, par Saint-Paul et l'on voulait les préserver. Mais les bois les affluents du grand fleuve que l'on entre dans la du Labrador sont désormais leur seule patrie. nature vierge. Et ne sais rien de comparable au Les plus belles chasses, celles qui offrent les pécharme auquel on se laisse prendre à pagayer sa pi-

3

je


ripéties les plus mouvementéeset les plus variées sont les chasses au caribou et à l'orignal. Le caribou est le

renne du Canada. Plus grand, plus farouche que le renne d'Europe, il n'a jamais pu être domestiqué. Par malheur, il tend à disparaître. Ainsi que l'orignal, ce

grand élan d'Amérique, il est depuis quelques années sous la protection de la loi qui défend à tout habitant de tuer plus de deux caribous et plus de deux orignaux par hiver.

Le sportsman désireux de

rapporterles bois, longs mètres, qui ornent le front de ces majes-

parfois de 2 tueuses bêtes, organise son expédition à la première tombée des neiges, vers la fin de novembre. Avant la neige, il serait impossible de suivre les traces et vers la mi-décembre les mâles perdent leurs bois. La période réservée à la poursuite est donc courte. Loin de tout voisinage humain, les troupeaux de caribous habitent les endroits boisés et montagneux. Près du lac Saint-Jean et du Saguenay ils sont encore nombreux. Essentiellement nomades, ils se forlongent sans cesse tandis que les orignaux, gigantesques et pesants, incapables de courir dans l'épaisse neige, se choisissent, de compagnie, un lieu fixe

d'hivernage au

nes naturels, ce flair, qui n'ont jamais pu se développer en nous jusqu'à un point aussi subtil. Incomparables à la chasse et à la pêche, ils deviennent dans les bois nos auxiliaires précieux. Aussi, devons-nous souhaiter qu'ils durent,_doués de leurs aptitudes natives, et être reconnaissants aux missionnaires qui jadis, au temps de la conquête, humanisèrent leurs fiers ancêtres, les sauvant d'une destruction totale. Donc, notre sportsman, escorté de son Huron, a

quitté l'un des derniers villages limitrophes de Québec. Il a loué un traîneau dans lequel il a entassé son bagage la tente en coutil, le poêle de fonte, les couvertures, les raquettes à neige, les fusils, quelques ustensiles, quelques provisions, Il porte à la ceinture

une hachette et un long couteau de chasse; il est vêtu, comme les gens du pays, d'un costume en peau de caribou, coiffé d'un bonnet de laine, chaussé de mocassins. Outre le guide et le conducteur du traîneau, un bûcheron l'accompagne, qui remplira les fonctions d'homme de peine. Le traîneau, attelé d'un petit cheval au pied solide, poursuit sa route sur un

sentier perdu, à peine frayé dans la montagne. Les gorges profondes, les arbres serrés dru, les rocs amoncelés, se font impraticables le traî-

fond des

grands bois où croissent l'éra-

neau n'ira pas plus loin. Chaussant les raquettes qui

ble et le cormier, et ils se frayent un réseau de tranchées que l'on appelle (( ravages ». Le coureur de bois que sa bonne fortune amène sur un de ces ravages, n'a

plus qu'à surprendrel'animal en son fort. Gare à lui cependant s'il tire à découvert et s'il ne tue pas L'orignal attaqué charge furieusement son agresseur. Vu l'ingrate tâche de découvrir ces refuges cachés,

permettent d'avancer dans les hautes neiges, nos hom-

mes chargent le bagage sur leurs épaules et reprennent

en file indienne leur marche vers le nord. Le guide inspecte le sol. Au pied des épinettes, il a trouvé la (( mousse à caribou nourUN VIEUX MÉTIS DU

VILLAGE1DE

LORETTE.

riture principale de ces ani-

maux. Bientôt les pistes conPhotographie communiquée par Mlle Hélia. voitées sillonnent le terrain. L'endroit est bon. l'amateur de sport s'attache de préférence à la pourAlors, près d'une coulée révélant une eau de suite du caribou. source, non loin d'un lac, à l'abri du (( nordà » (c'est II convient avant tout, lorsqu'on veut entrele mauvais vent), on établit le camp. prendre cette poursuite, de choisir comme guide un A vrai dire, la chasse au caribou est fort chanbon sauvage. Celui-ci se recrute généralement dans un ceuse et se poursuit parfois de longs jours sans sucvillage accoté à la ville basse de Québec, le village de cès. L'agilité de cet animal, la finesse de son ouïe et de Lorette où vit une tribu de Hurons.. Entendonsson odorat déjouent la perspicacité,la persévérance de l'homme. Après bien des déboires, le temps neinous ces Hurons ne ressemblent en rien aux Indiens chevelus du Far West ou aux héros emplumés et bageux et l'absence de vent aidant, on tombe à un moriolés de Fenimore Cooper. Vêtus comme les Canament donné sur la voie fraîchement remuée, sur la diens, christianisés depuis longtemps, ils sont soumis voie chaude. et soudain on les voit. cinq, sept, dix caribous ils passent au-dessus du vent, le aux lois du pays, et leur bourgade populeuse ne décèle point la misère. L'appellation de sauvages leur est chef du troupeau en tête. Insouciants et paisibles à restée sans qu'ils s'en formalisent. Bien qu'abâtardis, travers le majestueux décor, ils défilent de leur long ils ont gardé par atavisme les traits caractéristiques pas souple, et ils ne pressentent point l'ennemi emde la race rouge. Modèles de silence et de prudence, busqué tout près stoïques, impassibles, fidèles à la parole donnée, ils Si du Canada français l'on s'achemine vers possèdent d'instinct cette connaissance des phénomèl'ouest, après avoir traversé l'Ontario et la région des

d'eux.


Grands-Lacs, on arrive en des pays d'aspect plus rude encore. La vaste zone centrale, dénommée la Prairie, est, de tout le Canada, la zone la plus caractéristique. C'est là que le cowboy s'élance, le lasso à la selle, à la recherche de ses troupeaux errants! C'est là que la jeune fille monte en cavalier en épaulant sa carabine; c'est là que la vie se déroule, fruste et violente, et que l'allure des rares habitants trahit l'indépendance du caractère et sa rustique fierté. Cependant, les tribus nomades de Peaux-Rouges, derniers rejetons des PiedsNoirs et des Cris, cantonnés dans leurs réserves et décimés par la famine, n'inquiètent plus guère les envahisseurs. Épave dégénérée de l'Atlantide légendaire, le sombre Indien passe, drapé dans son manteau en guenilles, fceil morne et la tête haute Il est vaincu Il est méprisé Il est impuissant sa race succombe, il le sait Et il passe, marqué par la fatalité Oubliées, les grandes chasses, unique occupation de ses pères, dis-

ne songerait point, dans le ranch, à leur construire des abris contre les intempéries de l'hiver. On sait bien toutefois, que chaque bouffée d'air perce la fourrure la plus épaisse; on sait bien qu'elle donne, tant elle est mordante, la sensation d'une flamme touchant la peau, et qu'à la moindre imprudence, la gelée attaque les chairs. L'activité soutenue du mouvement résiste à cet aiguillon, et la nuit, serrées les unes contre les autres, les pauvres bêtes conservent un calorique suffisant pour échapper à l'engourdissement mortel. Mais les froids sont impitoyables sans cesse, la barbe des hommes s'enveloppe de glaçons; l'haleine se dégage sous forme de poussière cristalline, les larmes se solidifient dans les cils, le jet de vapeur, lancé par Le soleil des zones la locomotive, retombe en neige tempérées flambloie, malgré tout, du matin au soir, et l'atmosphère garde une limpidité sans pareille. Avec des reliefs éblouissants et des ombres bleues, d'une crudité déconcertante, toute chose se dessine comme à l'emporte-pièce

parues, les troupes

Le panache de fu-

de buffles Incidem-

mée, qui surmonte le toit du ranch solitaire, ressemble à une grande plume d'autruche, inclinée par la brise. Au loin. tout au loin, le sapin isolé servant de balise, la plus insignifiante saillie rompant l'uniformité continue de la plaine immense, affirment des contours d'une net-

ment, en certains districts, on a bien retrouvé un petit

nombre de ces ruminants, mais lorsqu'on se rappelle, il y. a quelque trente ans, les trains interrompus dans leurs courses par le défilé

interminable d'un troupeau, on se de-

mande à quelle cause attribuer une extinction aussi soudaine, eu égard aux énormes espaces inhabités et restés

libres.

teté, d'une ténuité

extraordinaires.

LES PIEDS-NOIRS DANS LA PRAIRIE.

Plzotograplzle comrrulniqlltje par Mlle Hélia.

Quand je traversai la Prairie, une première fois, en 189 1, je vis les squelettes de buffles joncher le sol, par centaines; même les endroits où les bêtes avaient coutume d'émigrer, gardaient l'empreinte des sabots dans la terre; et l'uniforme des agents de police, dans les villes du nord-ouest, consistait en houppelandes en poil de buffle. Dix ans plus tard, je revins. Les houppelandes usées étaient remplacées par des pelisses en chèvre. Les ossements, les crânes aux longues cornes étaient tombés en poussière. De ci, de là, dans la plaine, des loups de prairie, affamés, flairaient le sol; en d'autres zones, des chevaux sauvages soulevaient de leur sabot la neige et cherchaientl'herbe ensevelie, mais les (( bufflaloes » n'avaient laissé nul

vestige.

Ces chevaux sauvages, au poil touffu, bouclé,

saupoudré de givre, sont assez typiques. Leur toison de mouton choquerait nos fringantes montures à' la robe lustrée. La nature prévoyante revêt pourtant

ainsi, durantla saison froide, les chevaux du Far West; car en tout temps, les troupeaux vivent dehors et l'on

Sur

cette nappe

immaculée, les rafales du vent sou-

lèvent incessamment la poudrerie, c'est-à-dire la poussière de neige qui tourbillonne et forme des stries semblables à celles des sables rÍivelés par les ondes. Jamais la brume ne flotte à ras de la terre; jamais le plus léger cirrus ne tache la voûte azurée la clarté, la transparence en lesquelles on se meut donnent l'illusion d'un éther subtil inconnu ailleurs! Survienne cependant la tempête, les nuées, plus accusées que des montagnes, se lèvent à l'horizon, et alors les éléments se déchaînent avec rage. Au printemps, il fait brusquement aussi torride qu'il a fait glacial.

Grâce à l'herbe spéciale à ces parages (une herbe sapide, appelée (( bunch grass » et fort appréciée de la gent herbivore), l'air embaume, dès les premières chaleurs, et rien ne vaut la chevauchée, au galop soutenu, dans les effluves de la Prairie en fleurs! Ainsi, dans tout le Dominion, l'activité s'impose déployantles énergies physiques inhérentes aux races jeunes; et l'habitant du Vieux Monde s'y retrempe

volontiers.


constructions sont dispersées au milieu d'un immense parc, où elles disparaissent dans un océan de verdure. Ce sont des salles de cours, des laboratoires, des bi-

L'Université américaine de Harvard (Massachusetts). ON voit se multiplier tous les jours les rapports amicaux entre les Universités d'Europe et d'Amérique. A Paris, un maître américain professe actuellement à la Sorbonne et initie ses auditeurs aux questions transatlantiques des professeurs français ont été là-bas porter leur enseignement. A Berlin, à l'occasion de la réception du jour de l'an, l'empereur Guillaume a exprimé à l'ambassadeur des États-Unis, M. Tower, le vœu qu'il fût établi entre les professeurs des Universités d'Allemagne et d'Amérique un système d'échange de conférences qui, en faisant mieux connaître les deux pays l'un à l'autre, favoriserait leur rapprochement. Les Universités de Berlin et d'Harvard ont immédiatement répondu à ce vœu. Le chef de chacune de ces deux Universités choisira les professeurs à envoyer dans une liste que soumettra l'autre Université. Les échanges ne se

bornent pas au personnel

enseignant, et il n'est plus rare aujourd'hui de voir des jeunes étudiants américains compléter leurs études en France et en Allemagne, en attendant que soient plus nombreux les jeunes Français ou AUemands allant aux États-Unis parfaire leur éducation. Il est bien tentant pour un étudiant d'Europe d'aller, pour un an ou deux, à l'Université de Harvard, par exemple, dans le Massachusetts. Les Universités d'Oxford et de Cambridge jouissent d'une renommée de conafort absolument justifiée; elles sont pourtant, de loin, dépassées par cette Université américaine qui possède 5 millions de revenus, et qu'enrichissent tous les jours de nouveaux dons. Située dans la petite ville de Cambridge, nommée d'après la Cambridge anglaise, sa marraine, Harvard est une oasis de fraîcheur, de calme et de repos, au milieu de l'agitation de la vie américaine. On y cherchera vainement les beautés architecturales et l'antiquité souriante d'Oxford. Les bâtiments ont été élevés à la hâte et uniquement pour l'utilité. Mais ici la nature fait merveille. Les différentes

bliothèques, des muséums de science, des musées d'art, et enfin des dornzitories ou logements d'étudiants. Les étudiants y vivent seuls ou à deux dans de petits appartements, qu'ils meublent eux-mêmes et décorent à leur goût. Chaque dornzitory contient une soixantaine de ces appartements. Il en est de

plus ou moins luxueux; mais tous sont confortables et plaisants. L'étudiant américain, même pauvre, n'e s'accommode pas d'un campement, comme l'étudiant français. Il a l'amour du borzze. Une collection de livres de fond, proprement rangés sur des rayons de goût simple, quelques estampes, des photographies de tableaux, une verrerie italienne ou une porcelaine anglaise témoignent des efforts faits par le proprié-

taire pour se suffire à lui-

même dans son chez soi, pour s'y entourer de souvenirs et s'y retrancher contre les dissipations. Toutes les conditions sociales sont représentées à Harvard. C'est la grande école libre, ouverte à toutes les classes d'une nation démocratique. Le fils du milliardaire vient y recevoir une éducation qu'il ne trouverait pas ailleurs. L'étudiant pauvre obtient une bourse qui le défraie des droits assez élevés de scolarité 750 francs par an. Restent les dépenses de

l'entretien matériel. Pour y subvenir, il n'est pas rare de voir des étudiants s'astreindre à un métier, tout en suivant les cours de l'Université. Ils réparent les montres de leurs camarades, servent dans

les restaurants, font de la copie à la machine à écrire, s'engagent comme conducteurs-remplaçants sur les tramways, sûrs qu'ils sont de ne pas se déconsidérer, dans un pays qui accorde toujours son estime à l'énergie et à la volonté. L'étudiant de Harvard a besoin que ses études le conduisent à une profession. Aussi l'Universitéunit-elle

aux avantages d'une éducation générale ceux d'une préparation spéciale en.vue d'objets déterminés. Elle comprend une Faculté des lettres et des sciences, une École de droit, une Faculté de médecine, une Faculté de théologie, un Institut agronomique, des Écoles scientifiques pour les Mines, les Ponts et Chaussées, la Mécanique industlielle, etc. Chacune de ces écoles décerne des diplômes spéciaux, très estimés dans le pays, et qui ouvrent l'entrée des carrières lucratives. Avant de se spécialiser dans une de ces écoles préparatoires en :vue de la profession qu'il a choisie,


l'étudiant est obligé de passer quatre années dans ce qu'on appelle proprement le Collège. Il y fait des études désintéressées. Le régime du Collège ne rappelle en rien le loisir studieux d'Oxford. On y travaille beaucoup. cc On y passe des examens difficiles. Au bout de quatre ans, on reçoit le grade de bacbelzér ès arts (A. B.), qui représente à peu près le niveau de notre licence. Après cet examen, les uns quittent l'Université, les autres commencent leurs études spéciales dans les Facultés. Ils deviennent nzaîtres ès arts et docteurs en ~bilos~hie, docteurs en tzzédecirrz, nzaîtres et docteurs en droit, etc. Outre la culture scientifique, Harvard fait aussi de la discipline morale l'objet de ses constants efforts. Ici, la tâche est répartie entre les autorités universitaires et les étudiants qui font eux-mêmes, avec un vit sentiment de leur dignité, leur propre police. Une des grandes forces morales de Harvard est la sollicitude du professeur pour ses élèves. A toute heure, en toute occasion, il est à leur disposition pour leur donner non seulement des conseils professionnels, mais souvent des conseils plus intimes. Il veut que son foyer leur tienne lieu du foyer absent; il leur ouvre sa propre famille. Dans cette cordialité de relations, la femme du professeur joue un grand rôle. De fait, la femme et la jeune fille prennent une plus grande place encore dans la vie universitaireaméricaine qu'à Oxford.Réceptions, parties de campagne, causeries, lectures en commun, tout contribue à établir des rapports respectueux et charmants entre ceux et celles qui sont appelés à se retrouver partout dans la famille et dans le monde. La jeune fille y prend plus de vigueur d'esprit, le jeune homme plus de délicatesse. L'un et l'autre y gagnent. Ce qui est très remarquable encore à Harvard, c'est le développement de l'esprit d'association. En voici un exemple bien significatif. Ce sont les étudiants eux-mêmes qui administrent le restaurant où ils vont prendre leurs repas, dans l'immense salle de Memorial Hall, pareille à une nef de cathédrale. Grâce à la puissance de l'association, ils paient très bon marché un repas qui, partout ailleurs, coûterait deux ou trois fois plus cher. Ce goût de l'association se traduit par l'existence de clubs innombrables, dont chacun a un caractère différent et est créé en vue d'un but déterminé. Voici d'abord les sociétés sportives. Elles sont soutenues par les encouragements de tout le pays. Le grand match annuel de foot-ball entre Harvard et Yale, l'Université rivale, attire à Cambridge 25 000 spectateurs. Puis ce sont les sociétés de discussion, les clubs mondains, les clubs artistiques et littéraires. Ainsi se forme un ensemble de sentiments, d'idées et d'opinions, qui composent l'esprit de l'bonmze d'Uzaiversité. Cet esprit n'a pas le défautd'isoler l'étudiant sous prétexte d'une supériorité illusoire et de le rendre étranger à l'ensemble de la nation. Au contraire, l'Université américaine est en constante communication avec la vie nationale. Indépendante de l'État, libre chez elle, elle constitue un organe supérieur du corps national c'est une école qui fait des hommes et des citoyens. A ce titre elle mérite toute notre attention; il y aurait profit à s'inspirer de sa méthode.

Le Sahara, le Soudan et les Che-

mins de fer transsahariens par M. Paul Leroy-Beaulieu.

Sous ce titre Le Sahara, le Soudan et les chemins de fer transsahariens, M. Paul Leroy-Beaulieu vient de présenter une étude qui est le corollaire et ~asfois le développenzent de la série d'articles que nous avons publiés en ~go3 sur cette intéressante questio~as. Nous donTzons ci-dessous des extraits d'une préface qui est, en mênze tent~s qu'un exposé scientifique, une véritable ~rofession de

foi.i.

n'hésite pas à dire que ce livre est la complète réhabilitation du Sahara. Une légende fâcheuse pèse sur cette immensité. On se la représente comme une continuité de sables mouvants, dépourvue d'eau et de pluie, privée de toute vie animale et végétale. (( Cette conception est on ne peut plus erronée. le sous-sol «( On se trompe et sur le sol et sur du Sahara. Ce n'est pas une étendue de sable mouvant; les neuf dixièmes de sa surface présentent, au contraire, un sol consistant et uni. Il reçoit des pluies, avec régularité même; il n'y a pas un voyageur, ayant parcouru le Sahara pendant quelques mois, en quelque saison que ce soit et sur quelque tracé que ce soit, qui n'ait reçu des pluies, parfois au point d'en être incommodé ou gêné, ou qui n'ait rencontré des traces maniJE

festes des pluies récentes. certaines eaux superficielles, le Sahara cc Outre a une abondance d'eaux souterraines. Les nomades ne se servent que de celles qui sont quasi à fleur du sol, à quelques mètres de profondeur, et comme ils n'entretiennent aucunement ces puits en quelque sorte spontanés, qu'ils les laissent combler par les éboulements, souiller par les immondices ou les débris végétaux et animaux, on en conclut que l'eau manque ou qu'elle n'est pas potable, alors que les moindres travaux et un aménagement un peu soigneux, partout où l'on s'y est livré, font ressortir des ressources précieuses en eau généralement saine. (( Les oasis peuvent être soit étendues, soit multipliées. Mais les oasis s'entendent de terres soumises à une irrigation permanente ou habituelle; en dehors de ce régime, de grandes étendues de terres non irriguées, arrosées seulement par les pluies, peuvent, tout aussi bien que dans une partie du Sahel tunisien, être l'objet de cultures. entières, non seulement dans le (( Des contrées Sahara méridional ou oriental,comme fA'ir, le Tagama, le Damergou, se prêtent à l'agriculture; il s'en trouve même, dans le Sahara central et occidental, comme le Mouydir. plus (( La végétation n'est pas rare au Sahara de vingt plantes fourragères y prospèrent. Les buissons ou les broussailles y couvrent souvent le sol les 1.

vantes.

Voir A Travers le Monde)

yo3, pages

57 et sui-


vrais arbres, formant parfois, d'après les récits des explorateurs, des bois, y sont nombreux. (( Certes, le Sahara n'est ni une Beauce, ni une Normandie; mais il pourrait être, dans une grande partie de son étendue, une vaste Crau ou une contrée reproduisanten proportionsgigantesquesnos Causses; étant donné qu'il s'agit là de 5 millions de kilomètres carrés, dix fois environ l'étendue de la France, la transformation d'une partie notable du Sahara en une région d'élevage et de modestes cultures, avec, de place en place, quelques riantes oasis, constituerait encore un domaine magnifique. (( Ce qui condamne, beaucoup plus que la nature, le Sahara à n'être guère qu'une solitude, dans les conditions passées et dans les conditions présentes, c'est l'effroyable insécurité qui le désole. Établissez la sécurité dans cette immensité, (( accompagnez ce bienfait de quelque art dans la recherche et l'aménagement des eaux, et le Sahara nourrira, au bout de quelques décades d'années, une dizaine de millions d'hommes et même plus. ((

Outre ces

((

possibilités"

pastorales, cultu-

rales, en quelques endroits peut-être forestières, le Sahara tient en réserve de précieuses ressources minérales. Certes, on ne peut compter trouver au Sàhara des mines d'or ou de diamant. Mais il suffit que l'on y rencontre du cuivre, du plomb, du zinc, d'autres substances minérales, jadis dédaignées ou inutilisées, des nitrates et autres de ce genre. Or, de ce côté, on peut avoir toute certitude le cuivre notamment abonde au Sahara. Sans parler des districts avoisinant le Tidikelt, le Touat, le Mouydir et le Hoggar, on sait que la contrée entre l'Aïr et Zinder esttrès minéralisée. Barth l'avait signalé, il y a quarante ans; l'abondance du cuivre et les usages variés qu'en font les habitants enfin M. Dorian, apen fournissent aussi la preuve partenant à une grande famille métallurgique et membre de la Mission Foureau, l'a reconnu. cc Le Soudan est plus connu et plus apprécié. (( Il n'y a aucun doute qu'un jour, si nous ne laissons pas échapper l'occasion et si nous les conservons, ces deux contrées complé7nentarres, le Sahara et le Soudan, constitueront la plus merveilleuse colonie française d'exploitation. (( Pour conserver le Soudan, de même que pour l'exploiter, ainsi que le Sahara, il est de toute nécessité que nous construisions sans aucun retard des chemins de fer transsahariens. (( Il faut pour la consolidation et l'exploitation de l'Empire français-africain, actuellement embryonnaire et dispersé, deux chemins de fer transsahariens courant chacun le plus directement possible du nord au sud, desservant d'ailleurs des sphères différentes, puisqu'ils auront, à leur point de départ en Algérie, un écart de 500 à 600 kilomètres et, à leur arrivée au Soudan, un écart de 1200 à 1 500 kilomètres. (( Il convientd'établir rapidement le Transsaharien du Niger, déjà amorcé sur plus de 700 kilomètres depuis Oran, et où il ne reste plus que i 600 à kilomètres à construire, puis le Transsaharien 1 700 du Tchad qui n'est encore amorcé que sur 33o kilomètres depuis Philippeville. (( Ces chemins de fer transsahariens sont, en eux-mêmes, des oeuvres infiniment modestes, qui ne

doivent coûter qu'une cinquantaine de mille francs le kilomètre; par exception, dans quelques rares passr.ges moins aisés, une soixantaine de mille francs. Le

Transsaharien du Niger peut être achevé avec moins de ioo millions, le Transsaharien du Tchad avec 150

ou 160 millions. (( Le trafic en vue est abondant et varié; les voyageurs ne manqueront pas, notamment les voyageurs noirs. Quant aux marchandises du nord au sud, le sel, le sucre et les produits manufacturés; dans le sens du sud au nord, les peaux d'animaux (le bétail étant abondant et très beau dans ces régions), la laine, l'alpaga, le coton surtout, le tabac, les substancestinctoriales, les minerais et autres substances minérales

(nous rappelons que, dès maintenant, par des voies longues ou coûteuses, la potasse s'exporte de l'Aïr) assurent un fret ample et varié. On arrivera rapidement à Il 000 ou 12 000 francs de recette brute par kilomètre pour chacun des Transsahariens. (( Des tarifs, qui nous ont été communiqués courtoisement par l'administration russe des chemins de fer de l'Asie centrale et de la Sibérie, il ressort que, sur ce type, le prix en troisième classe du transport des voyageurs du Soudan à la Méditerranée et vice versa serait seulement d'une quarantaine de francs, et que le tarif des marchandises communes pourrait descendre à i centime 1/4, même à i centime le kilomètre, soit 30 à 4° francs la tonne du Soudan à la Méditerranée ou de la Méditerranée au Soudan. (( Les voies de l'ouest, soit fluviales, soit mifluviales, mi-ferrées, soit complètement ferrées, allant de l'Atlantique ou du golfe de Bénin à l'Afrique intérieure, ne pourront jamais supporter la concurrence des chemins de fer transsahariens. Les voies de l'ouest ou du sud-ouest aboutissent à des ports ravagés par les fièvres paludéennes et la fièvre jaune, entravés par des barres, imposant à la navigation et aux assurances de lourdes surcharges. (( La voie du nord, celle du Sahara, a un avantage immense outre la rapidité, c'est l'absolue salubrité le Sahara est une des contrées les plus salubres du globe. Les tropiques mis à six jours de Paris, six jours et demi de Londres et de Bruxelles, sept jours de Berlin; une pareille conjonction des contrées tropicales riches et des capitales des grandes nations colonisatrices ne peut se faire que sur ce point unique du globe à travers le Sahara. » Pour la discussion de certaines parties de la question, nous renvoyons nos lecteurs aux articles cités du Tour du Monde. Ajoutons que ces articles ont été écrits avant l'organisation nouvelle de l'Afrique occidentale française, et que son unification rend encore plus pressante la construction d'un ou de deux Transsahariens.

K. Baedeker.

Les États-Unis avec une excursion au

Mexique, deuxième édition française de ce guide vient de paraître. Revue et mise à jour, elle contient 25 cartes, .32 plans de villes et 4 plans spéciaux.

L


Levés CONSEILS COMPLÉMENTAIRES SUR L'ÉTABLISSEMENT D'UNE CARTE

Nous avons dans les Conseils aux

Voyageurs de 1904 (pages 304 et 336) indiqué les procédés les plus usités pour

l'établissement d'une carte.

Il

n'est pas

probable que vous soyez appelé à dresser des cartes géograpbiques, portant sur une étendue de terrain telle que vous ayez à tenir compte de la sphéricité de la Terre. Cependant, si le cas se présentait, voici

comment on peut procéder

1 Pour les régions comprises des côtés de l'équateur entre oo et 20° deux de latitude, on adoptera la projection orthographique, c'est-à-dire qu'on divisera la carte en carrés égaux, de manière que les degrés de latitude et les degrés de longitude y aient une même longueur. 2° Pour les régions comprises entre 20° et 60° de latitude nord ou sud, il convient d'adopter la projection de Mercalor. 3° Enfin, pour les régions comprises entre 600 et 90° de latitude nord ou sud, on se servira de la projection polaire, dans laquelle les méridiens sont des lignes droites partant d'un centre, qui est le pôle, et les degrés de latitude, des cercles concentriques équidistants. Ce qui est plus simple encore, c'est de prendre les degrés de latitude et de longitude tels qu'ils sont tracés sur une bonne carte de la même région et de construire ensuite, sur ce canevas, sa carte à soi, en plaçant, d'après les mesures qu'on aura recueillies, tous les points de repère qui peuvent servir à guide'r pour le dessin des contours et des formes.

et Profils'.

habiles du reste à lever un plan ou une carte, peuvent se trouver dans des ci~constances où le manque de temps, d'instruments, peut-être même les dispositions hostiles des indigènes, ne leur permettent pas d'opérer d'une manière rigoureuse ou ostensible. A moins d'impossibilité absolue, il conviendra de faire tout au moins une triangulation régulière. Puis, si décidément on ne peut pas procéder à un levé rigoureux des détails, on se contentera alors de levés expédiés ou de levés à vue s'appuyant sur les repères fixes fournis par la triangulation. Les erreurs ne pourront plus être aussi considérables; les formes seront, si ce n'est exactes, du moins approchées, et les voyageurs qui viendront ensuite pourront plus aisément reprendre en sous-oeuvre le travail commencé. On peut aussi, comme on le sait, dresser un plan ou une carte d'après des vues photographiées, en prenantlecontrepied des principes appliqués dans la perspective. Mais c'est là un procédé qui n'est guère utile que lorsqu'on a des raisons pour opérer clandestinement. Enfin. si les circonstances ne vous ont pas permis de dresser une carte quelconque, ce ne serait pas une raison pour n'en joindre aucune à une relation de voyage, car entendre nommer des localités, des rivières, etc., sans pouvoir se rendre compte de leur situation exacte, cause un certain malaise, une confusion d'idées pénible au lecteur. Il éprouvera un bien plus vif intérêt s'il peut suivre facilement le narrateur, s'orienter et se rendre compte de chaque détail. Seulement, il ne suffit pas de prendre la première carte venue de la contrée qu'on décrit, attendu qu'elle diffère presque toujours, dans les indications ou dans l'orthographedes noms, de ce qui est contenu dans le texte de l'ouvrage; il faut que la carte soit dressée exprès pour la relation de voyage qu'elle accompagne, ou tout au moins qu'elle soit mise en parfaite concordance avec cette dernière.

la ligne suivant laquelle est tracé le profil. A chacun de ces points, on élève des

perpendiculaires auxquelles on donne une longueur correspondante à celle de leur hauteur au-dessus du plan de comparaison adopté. Le profil du terrain se trace alors en allant de l'une à l'autre des têtes de ces perpendiculaires. Pour éviter de trop longs profils et pour rendre plus saillantes les inégalités du sol, on prend généralement une faible échelle, par exemple 1/10 00o pour les longueurs, et une échelle amplifiée, c'est-à-dire 10, 20 ou 100 fois plus grande (1/1000, 1/500, 1/100) pour les hauteurs. Si l'on a des courbes équidistantes, il suffit de tracer des lignes horizontales également espacées et parallèles à celle qui représente le plan de comparaison ou de prendre du papier réglé en travers. Puis, après avoir marqué les distances, comme il a été dit, on élève des perpendiculairesjusqu'à la rencontre de la ligne hoçizontale qui figure la courbe de niveau passant par le point correspondant du terrain. Enfin, lorsqu'on a déjà une carte ou un plan topographique dont on veut déduire des profils, on se borne à y tracer des lignes d'après lesquelles le terrain est censé coupé et à mener, jusqu'au dehors du cadre, des perpendiculaires de longueur voulue depuis chacun des points où la ligne de section rencontre les courbes de niveau. VUES

Les vues sont un des moyens les plus propres à faire connaître la physio-

nomie générale du pays ou l'aspect de certains sites. LEVÉS EXPÉDIÉS ET LEVÉS A VUE En ce qui concerne le choix de ce Ce qui vous arrivera plus souvent, qu'il convient de représenter, on remarc'est d'avoir à faire des levés r.xpédiés quera qu'il y a une différence essentielle et des levés à vue. entre le voyageur et le peintre. Le derLe voyageur, en effet, n'a souvent nier recherche uniquement ce qui est ni la possibilité ni le temps de se livrer à beau; le voyageur, lui, doit ne penser opérations des aussi minutieuses que qu'au vrai. celles qui viennent d'être décrites, et Pour un paysage, il importe de déforce est bien alors de se contenter de ces terminer d'avance ce que doit embrasser deux genres de levés. le dessin. Quand on n'a pas l'œil déjà Dans le premier, on procède rapideexercé, on fait bien de former avec quatre PROFILS bandes de papier ou quatre morceaux de ment à la détermination de quelques lignes principales et l'on se borne à de La carte seule, quelque parfaite bois un cadre de la grandeur de la feuille simples estimes pour tout le reste. qu'on la suppose, ne suffit pas toujours sur laquelle on veut dessiner, et de reDans le second, on indique aussi pour donner une idée précise de la confi- garder le paysage à travers ce cadre, en le exactement que possible les cours d'eau, guration et de l'aspect d'un terrain. rapprochantet l'éloignant successivement routes, etc., qui délimitent certaines por- Dans certain~ cas, il conviendra de l'ac- de l'œil, jusqu'à ce qu'on ait trouvé ce tions de terrain, et l'on y place ensuite compagner de profils en long et de qu'il convient d'y faire entrer. objets situés dans l'espace profils en travers; par exemple pour Pour les vues de villes ou de vil« au jugé compris entre ces lignes de démarcation. mieux donner l'idée de la pente d'une lages remarquables, on choisira de préOn remarquera toutefois que pour vallée, de sa coupe transversale, de la férence le côté par lequel ils se présenêtre en état de faire de bons levés expé- silhouette d'une chaîne de montagnes, de tent généralementlorsqu'on y accède. diés ou à vue, il faut une très grande l'aspect d'une côte vue de la mer, etc. Les vues à vol d'oiseau ont cet pratique. Ce n'est qu'après de fréquents Avec les données fournies par la avantage qu'elles servent tout à la fois de exercices, accompagnés de vérifications, planimétrie et par le nivellement, ces vue et de plan. qu'on finit par avoir l'œil assez exercé profilsne présententaucune difficulté. On La photographie a, dans une large pour estimer les distances, les angles, trace une ligne horizontale marquant le mesure, supplanté le dessin pour l'exécules hauteurs, etc. Ce n'est donc pas pré- plan de comparaison (celui de la carte, tion des vues. Le besoin de vérité qui cisément l'affaire d'un débutant. Nous ou tout autre pris arbitrairement à un ni- augmente chaque jour lui promet la vicen parlons ici parce que des voyageurs, veau plus élevé afin de ménager la place). toire dans l'illustration des voyages. Mais On y porte en longueur réduite les dis- elle relève d'une technique spéciale dans i. Cf. a Kaltbrunner. Manuel du Voya- tances qui séparent les points situés sur laquelle nous n'avons pas à pénétrer. geur. »

les


L'Origine et l'Histoire de la «Croix-Rouge» de Russie. Au moment où deux nations mettaient en ceuvre les plus épouvantables systèmes de destruction, les amis de l'humanité se donnèrent rende,vous à Paris, au Grand-Palais, pour étudier le d'atténuer les horreurs de la guerre. L'Exy positabn de la Croix-Rouge russe a reconstitué les scènes de désolation qui moyen ensanglantent la terre de Mandchourie et nous a offert, à côté du nral, le spectacle consolant des blessés ~arasés, des malades soignés, de toutes les misères atténuées.

ORIGINE de la Croix-Rouge de Russie remonte au commencement du dernier siècle, lorsque Alexandre lei ordonna la création d'un Comité spécial ayant pour mission l'organisation des secours aux blessés. Très limitée au dét'ut, l'action de ce Comité s'était élargie au cours des années, et l'institution ellemême prit un notable développement. En même temps furent organisées les comrnunautés

les sympathies du public. Les communautés laïques des sceurs de charité eurent surtout une très grande po-

pularité et prirent depuis une extension considérable. Des femmes de bonne volonté, appartenant à toutes les classes de la société, des dames du grand monde, des jeunes filles de familles riches, des étudiantes, et jusqu'aux

humbles travailleuses sorties de la masse populaire, s'affiliaient à ces communautés,

laïques

des sœurs de charité qui devaient soigner

heureuses d'avoir

leur part de travail dans les services des hôpitaux. La pitié est

les blessés en temps

de guerre et les malades en temps de paix. Déjà, on les voit à l'œuvre lors

l'élément dominant

de l'âme russe et elle trouve son expansion de la guerre de Crisurtout dans le coeur mée(¡854-¡855)' L'ide la femme. La soufdée de M. Dunan france d'un être hutrouva donc en Rusmain, même lorssie un terrain tout qu'elle est due à l'expréparé, etsa propopiation d'un méfait, sition d'adhérer à la voire d'un crime, Convention de Geexcite chez le peuple nève fut accueillie russe une profonde avec enthousiasme. commisération; il ne L'impératrice Maria voit dans cé crimiUN WAGON SANITAIRE DE LA CROIX-ROUGE RUSSE. Alexandrovna s'inténel qu'un malheuressa à cette œuvre D'après une photographie. reux, et s'empresse humanitaire internad'adoucir sa misère tionale en 1867, fut fondée, sous ses auspices, la en lui offrant une aumône. Dans les villes, surtout les Société d'assista9ue aux militaires blessés jours de grandes fêtes, des quantités de victuailles ou ~nalades de Russie, qui, en 1876, prit le nom de Société de la C7~oaxsont envoyées dans les prisons pour être distribuées aux Rouge et continua à fonctionner, toujours favorisée malheureux qui y sont détenus. Dans les villages que la bienveillante protection de l'impératrice et appar traversent des convois de condamnés, faisant route puyée par l'empereur lui-même, qui se fit nommer vers le bagne ou vers l'exil, les ménagères accourent membre titulaire. La noble tâche de servir l'humanité, vers eux, leur apportant toutes sortes d'aliments dans laquelle la Société persévérait, lui acquit toutes qu'elles ont pu, à la hâte, ramasser dans la maison. A TRAVERS LE MONDE.

5e LIV.

N° 5.

4 Février ~9og.


tous les Congrès internationaux de la Croix-Rouge, les Combien [plus empressées celles qui sont appedélégués russes ne manquent pas d'insister sur ce point lées à prodiguerleurs soins, à apporterune suprême consolation aux héros tombés sur le champ de bataille et de démontrer l'opportunité d'adopter, dans tous les Durant la guerre avec la Turquie pour l'émancipays, ce mode d'action double. Dans le dernier Congrès international tenu à Vienne, les délégués de la pation des Bulgares, guerre qui fut très populaire et Croix-Rouge de Russie proposèrent un rapport rédigé provoqua l'enthousiasme du pays tout,entier, des étudans cet esprit et accompagné d'un programmede tradiantes suivaient les cours que les professeurs de l'Académie de Médecine à Pétersbourg leur faisaient paralvaux préparatoires qu'ils préconisèrent de rendre obligatoires à tout adhérent à la Croix-Rouge, quel lèlement avec ceux des étudiants et d'après le même que fût son pays. D'après le premier article de ce proprogramme, mais qui ne leur octroyaient aucun droit. S'étant rendues sur le champ de bataille, elles y furent gramme, la Croix-Rouge aurait, dans tous les pays, l'obligation de prêter son assistance lors d'une calad'un secours inestimable dans les Services médicaux mité publique, et de créer, à cet effet, des organisade l'armée; si bien qu'Alexandre Il, après les avoir œuvre sur le théàtre de la guerre, fut émertions spéciales fonctionnant régulièrement. vues à veillé de leur dévouement et de leur habileté, et qu'à Cette proposition, appuyée par les délégués de Prusse, qui développèrent au Congrès des desiderata son retour dans la capitale il autorisa la transforma analogues, a obtenu un vif tion de ces cours libres en succès parmi les congresAcadésnfe de Médecine pour sistes cela permet d'espérer les fenunes, où, dorénavant, des diplômes de doctoresse que le système d'action double, préconisé par la leur seraientdécernés!. Croix-Rouge de Russaé, ne Cependant les resso'urces de la Croix-Rouge, tardera pas à être adopté dans tous les autres pays augmentées dans des proadhérant à la Convention portions très appréciables, de Genève. Aussi, en l'apgrâce aux dons importants pliquant, la Direction de la qui affluaient dans sa caisCroix-Rougede Russie donnase, lui permirent de prendre t-elle une très grande imun plus grand essor. Elle étendit, jusqu'aux confins portance à son ceuvre. En effet, la Croix-Rouge aples plus éloignés du pays, le réseau de ses commuporte son précieux concours nautés, possédant d'imporà l'État, chaque fois que celui-ci a à lutter contre un tants et luxueux immeubles fléau décimant la populadans les capitales, de cotion ou ravageant le pays. quets établissements dans Déjà, en 1872, bien les chefs-lieux et de modestes dispensaires dans les avant sa reconstitution définitive sous le titre de Solieux moins favorisés, comciété de la Croix-Rouge de me la côte de Mourman. Russie, elle s'était portée au Bien que la CroixRouge de Russie ait pour obsecours des habitants de la jet principal l'organisation ville de Chemakha au CauA L'EXPOSITIONDE LA CROIX-ROUGE RUSSE UN CHEVAL D'AMBULANCE. des ambulances à envoyer case, entièrement détruite D'après une photographie. sur le champ de bataille, elle par un tremblement de ters'attache avec assiduité à re. Deux ans après, son aséprouvées par un prêter son secours aux populations sistance fut acquise à la population du Gouvernement pop fléau, épidémie, épizooti épizootie, famine, incendie, tremdeSamara, réduite à la famine parunemauvaiserécolte. blement de terre, Cent quinze mille personnes furent entretenuespar ses de même qu'à aider l'individu isolé, en détresse. Elle prend un soin particulier de soins en attendant la nouvelle récolte. De plus, la former à cet effet un personnel intelligent et habile; Croix-Rouge s'appliqua à procurer à cette ;population agricole, tombée dans un complet dénûment, des dans ce but, elle crée des écoles d'infirmiers et d'infirmières, organise des cours de médecine pour préparer moyens de mettre ses terres en état de culture. A cet effet, elle dégageait les chevaux abandonnés par les des officiers de santé, fonde des écoles de maternité, paysans à leurs créanciers et louait des charrues afin ouvre des dispensaires, installe des hôpitaux dans lesqu'ils pussent mettre à profit les graines que les quels les malades pauvres reçoivent des soins gratui"tement. ,~eanstvos leur délivraient pour leurs semailles. A peine ce désastre fut-il réparé, qu'un nouveau La Direction de la Société attribue une très fléau, sous forme d'incendie, dévasta consécutivement grande importance à cette sphère d'action en temps de plusieurs villes de province. A la première alerte, la paix, ce qui permet à ses membres de s'initier au rôle Croix-Rouge ouvrit une liste de souscription, et quinze qu'ils auront à remplir pendant.la guerre. Aussi, dans jours après, elle envoyait déjà des secours aux incendiés. Le total des secours distribués s'élevait à une 1. Quelques années après, cette Académie fut fermée. Ce n'est que récemment qu'on a pu obtenir sa réouverture. somme de plus de cent six mille roubles. En 1877,

l'


c'est la ville de Samara qui fut encore la proie des flammes, et qui eut également recours à la caisse de la Croix-Rouge.

L'année suivante voit le personnel de la CroixRouge conjurer une épidémie présentant les symptômes de la peste et qui s'était déclarée dans le Gouvernement d'Astrakhan. La Direction s'attacha surtout à endiguer la contagion, ce qui lui demanda des sacrifices considérables elle faisait brûler le linge et les vêtements des malades, qui leur étaient aussitôt remplacés par du linge et des vêtements neufs. Elle n'épargnait pas les maisons elles-mêmes où l'épidémie faisait son apparition, après en avoir préalablement établi la valeur qu'elle payait au propriétaire. La très grande sécheresse, en été, de l'année 1879 contribua à la fréquence des incendies, surtout dans les campagnes. La rapidité avec laquelle ils se suivirent donna naissance aux rumeurs qui les portaient sur le compte de la malveillance. Et partout la Croix-Rouge envoyait des secours, partout les sœurs de charité apportaient leur aide. Les sommes dépensées àcetteoccasion

s'élevaient à cent mille roubles.

Cependantla diphtérie qui, à la fin de cette même année et au

commencement de l'an-

née suivante,

décimait la po-

pulation du

portes clouées), il fallut aménager des boulangeries, ouvrir des réfectoires dans lesquels on servait de la soupe et du thé, créer des asiles de nuit et des crèches pour donnerl'hospitalité aux enfants. En face d'une si grande calamité, toute la nation s'émut; des sommes importantes s'amassaient dans la caisse de la Croix-Rouge. Elle put disposer d'un capital de plus d'un million de roubles qui, bientôt, fut quintuplé. Forte de cet appui matériel et du concours désintéressé qu'elle a trouvé dans toutes les classes de la société russe, la Croix-Rouge fut à même de réaliser le problème de l'alimentation des paysans affamés. Dans un admirable élan de fraternité, des hommes éminents comme Tolstoï, des écrivains de marque, des dames du grand monde s'empressaientvers les campagnards pour leur apporter leur assistance; des jeunes filles quittaient leurs confortables demeures, la jeunesse studieuse laissait ses études en suspens pour aller cuisiner dans les restaurants improvisés des villages et servir des portions de soupe chaude à cette clientèle malheureuse. En outre la Croix-Rouge

distribuait des vêtements aux

plus

beso-

gneux, assurait les semailles dans les villages les plus éprouvés. Entre temps, ses

ambulances allaient au secours des armées combattantes, aussitôt que la guerre

Gouvernement était déclarée de Poltava, fit sur un point A L'EXPOSITION DE LA CROIX-ROUGE RUSSE UNE TEN'!fi D'AMBULANCE. victimes des du globe, poraussi parmi le D'après ttne photographie. tant à leurs personnel féblessés des méminin de la Croix-Rouge, qui y était représenté par trois dicaments, des produits alimentaires, des draps, des cents soeurs de charité auxquelles incombait la plus couvertures, des vêtements, dqnt des convois entiers lourde tâche. Cinquante de ces femmes furent atteintes les suivaient. par la contagion à laquelle succombèrentdeux d'entre La guerre franco-allemande offrit à la Croixelles. Ronge de Russie la première occasion de faire un service Toujours sur la brèche, luttant sans trêve contre vraiment international, en soignant les blessés des tel ou tel fléau, multipliant leurs efforts pour ne pas deux nations. Elle dépêcha, sous les ordres de l'Agence même temps à leur rôle prépondérant,qui manquer en Interzzatzbrrale, siégeant à Bâle, un nombreux personnel est celui de prêter assistance sur le champ de combat, sanitaire, dirigé par trente médecins-chirurgiens et acles membres de la Croix-Rouge se surpassèrent pencompagné d'un convoi de divers objets recueillis en dant les mémorables années de 1891 et 1892, alors Russie au profit des blessés des deux armées belligéque la famine sévit sur la plus grande partie de la Rusrantes. Les sacrifices en espèces qu'elle y apporta monsie. Leur puissante organisation aidant, ils se dispertèrent à une somme d'environ cent cinquante mille sèrent dans toutes les bourgades, dans tous les villages, francs. et jusque dans les plus petits hameaux des régions Deux ans après, alors qu'une guerre civile écla1ë éprouvées, où ils installèrent des dépôts de farine afin en Espagne, elle envoya encore au Comité de Genè de pourvoir immédiatement aux besoins les plus presun subside de dix mille francs. En 1876, elle prit dans sants. Néanmoins, ils purent constater bientôt l'insuf sa caisse plus de deux cent vingt-six mille francs pour fisance de cette forme d'assistance. Pour venir efficavenir en aide aux Monténégrins dans leur lutte contre cement en aide à ces populations exténuées, agonisant la Turquie, pour l'indépendance de leur pays. Cette dans leurs izbas sans feu (on voyait des villages enmême année, la Serbie, qui était aussi en guerre avec tiers dépeuplés, avec des maisons aux fenêtres et aux la Turquie, réclamait et obtenait le concours de la


Croix-Rouge de Russie, pour l'organisation des services

médicaux dans son armée. Il semble inutile d'ajouter que, dans tous les conflits que la Russie, en poursuivant sa politique en Asie, se voyait forcée de régler par les armes, le personnel de la Croix-Rouge se dévouait à renforcer les services médicaux attachés aux régiments. C'est la guerre russo-turque (1877-1878) qui donna une nouvelle impulsion à l'action de la CroixRouge, la cause que l'armée défendait dans le Balkan ayant trouvé un écho sympathique dans la nation entière. A ce moment, son capital de réserve, affecté aux besoins de guerre, dépassait à peine un demi-million de roubles à la fin de cette guerre, les sommes qui avaient passé par la caisse de la Croix-Rouge se chiffraient à dix-sept millions. C'est surtout depuis cette guerre que la CroixRouge de Russie prit un développement très considérable elle forme actuellement un puissant organisme d'assistancepublique. Afin d'augmenter ses ressources, le Gouvernementlui confère le droit de mettre en circulation des cartes postales et d'en retirer, à son profit, le bénéfice entier. En 19°0, la Croix-Rouge fut appelée à lutter contre les horreurs de la guerre en Extrême-Orient. Ses moyens lui permettent déjà d'affréter des bateaux-hôpitaux. Le Tsaritsa, aménagé par elle dans ce but, répond à toutes les exigences de l'hygiène moderne. On a encoretrop en mémoire les massacres de Chine pour s'arrêter sur la tâche qui incombait au personnel de la Croix-Rouge. Les combats meurtriers qui, actuellement,se déroulent en Extrême-Orient avec un acharnement inconnu jusqu'ici, demandent à la Croix-Rouge des ef-

forts extraordinaireset à son personnel un sang-froid et une force morale supérieurs. On cite des cas de folie chez des infirmiers, provoqués par la vision de ces immenses champs de bataille semés de morts, de corps mutilés, parmi lesquels ils épient anxieusementun gémissement, le soupir d'un être encore vivant. Après la déclaration des hostilités, la société russe, dans sa surprise, se hâta d'organiser des secours, de former des corps sanitaires. MITe Vengeroff, qui dirige une école de.Jl1assage pour les aveugles, a ouvert des cours pour les frères et les sœurs de charité qui, après trois mois de préparation, purent être dirigés vers les armées combattantes. De nouvelles classes

s'y rendent périodiquement. Déjà, au début de la guerre, la Croix-Rouge aménagea, pour les envoyer en Extrême-Orient, des bateaux-hôpitaux. L'impératrice Maria Feodorovna et l'impératrice douairière organisèrent des trains-hôpitaux, avec tout l'aménagement qu'exige la science moderne. On y voit des lits système Krüger et système des chemins de fer Privislinski, des salles d'opérations, des salles de pansement, des salles de bains, des comrtiments à opération avec l'appareil Roentgen, des ~lles de bains avec douches, des salles pour désinfecter le linge, des buanderies, des stations électriques, bref tout l'appareil de la science médicale moderne, pourtant incapable de guérir l'humanité d'une folie qui lui fait faire des hécatombes humaines et exterminer des générations entières. MARIE STROMBERG.

Les États-Unis à Saint-Domingue. poursuivant.son oeuvre d'expansion, est récemment irateyvenu dans

LE gouvernement de

M. Roosevelt,

les affaires de la République de Saint-Domingue. Saint-Domingue, il faut en convenir, est le type achevé des républiques anarchiques du Sud-Amérique. Tous les peuples qui ont des intérêts dans ce pays souffrent de cette situation. La France, la Belgique, l'Allemagne, l'Angleterre, l'Espagne et les États-Unis qui sont, à des degrés divers, porteurs de la Dette extérieure dominicaine, ont subi des interruptions de payement répétées et pris des arrangements qui n'ont pas été respectés. Une affaire, déjà ancienne, celle du syndicat américain Santo-Domingo Inz~rovemevct Compary, vient d'amener les États-Unis à une démarche qui équivaut au séquestre de l'État Dominicain. Ce syndicat avait, par contrat de 1893, assumé le contrôle des douanes, des chemins de fer et des finances de l'île. A la suite de difficultés nombreuses entre la société et les gouvernements révolutionnaires qui se sont succédé à Saint-Domingue, un arbitrage intervint, qui reconnut le droit du syndicat et fixa le chiffre de sa créance. Restait à garantir le payement de cette créance. C'est à quoi s'emploientles États-Unis, par le protocole que viennent de signer le général Morales, président de la République Dominicaine, et M. Dawson, ministre des États-Unis. Aux termes de ce protocole, les États-Unis, s'ils garantissent l'intégrité complète du Gouvernementdominicain, se chargent de mettre l'ordre dans les affaires financières de la République, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Ils prendront en main les douanes, sur les recettes desquelles ils remettront au Gouvernementde Saint-Domingue, pour les nécessités du budget, 45 pour ioo restant, ils payerontles pour ioo; sur les intérêts et l'amortissement des Dettes extérieure et intérieure. Comme on le voit, il s'agit d'un contrôle financier, non seulement vis-à-vis du Gouvernement dominicain, mais aussi en ce qui concerne les rapports de ce gouvernement avec les pays étrangers. A ne considérer que leurs propres intérêts, les Européens ne pourraient pas voir un grand inconvénient à ce que, dans certains pays américains, la responsabilité des États-Unis se substituât à celle des gouvernements locaux. Mais, au point de vue moral, on ne peut voir sans quelque appréhension, l'Amérique appliquer si intrépidement la doctrine de Mo"nroe. On voudrait qu'il y eût, dans cet événement, un avertissement à l'adresse des autres pays hispano-américains. Mais, hélas au moment même où on annonce l'action des États-Unis à Saint-Domingue, le président Castro, au Vénézuéla, rompt les négociations avec les ministres étrangers, y compris le ministre américain, qui s'occupaient avec lui du règlement des questions financières en souffrance. Il était difficile d'ouvrir plus largement la porte à une nouvelle intervention.

5


Au Pays des G rèves.

Le Bassin

houiller de la Ruhr.

UrtE grève générale a éclaté, le 17 janvier, dans le pays de la houille et de l'acier. La vallée de la Ruhr a vu s'arrêter les treuils de ses mines et pâlir la lueur de ses hauts fourneaux; près de 200 000 ouvriers ont quitté leur travail pour des questions de principe plus que pour une augmentation de salaire. C'est la vie, qui cesse momentanément dans une des régions du monde où l'activité est d'ordinaire la plus intense. Cet événement est l'un des plus considérables qui, au cours des dernières' années, aient marqué l'histoire économique de l'Europe. Le bassin minier de la Ruhr occupe 270 000 ouvriers, dont 110000 sont organisés et se répartissent en socialistes, 60000;

socialistes-chré-

tiens, 40000; Po-

lonais, ioooo; syndicat Hirsch-Dunker (libéral), ooo. Sur une longueur de 8ô kilomètres, le Rhin, avec les admirables ports de Duisbourg, de Dusseldorff et de Ruhrort, sert de déversoir à ce bassin, dont les centres principaux, réunis-

Le bassin houiller de la Ruhr se prolonge à l'est dans laWestphalie, et des villes industrielles y ont, en conséquence, surgi du sol en grand nombre. Toutefois Dortmund, lacité la plus populeuse du district et même de toute la Westphalie, est d'ancienne date elle est mentionnée dans les chroniques dès le commencement du xe siècle. Fort bien située pour son commerce sur la route naturelle qui rejoint la vallée du Rhin à celle de l'Elbe et de l'Oder, au nord des massifs montagneux de l'Allemagne médiane, Dortmund appartint à la ligue de la Hanse et devint l'un des marchés prin-

cipaux du bassin rhénan; il lui reste de cette époque des tours de défense et de belles églises, dont l'une est consacrée à Renaud, l'un des quatre fils Aymon; sur les terrains mêmes de l'immense gare se trouve un monumentmémorable de ces anciens temps, le groupe de tilleuls à l'ombre duquel siégeaient les justiciers de la Sainte-Vehme, ayant devant eux sur une table de pierre l'épée nue et la corde d'osier. Dortmund est encore un très grand marché de denrées, grâce à la richesse agricole du territoire environnant et aux chemins de fer qui viennent y converger; mais c'est à ses mines de houille et de fer, à ses nombreuses usines qu'elle doit son importance' actuelle. Bochum, située à moitié chemin entre Dortmund et Essen, rivalise avec ces deux villes par son activité minière et industrielle. Les autres villes de cette

CARTE DU BASSIN DE LA RUHR.

sant à l'industrie minière une industriemétallurgiqueconsidérable, aciéries, hauts fourneaux, fabriques de machines, etc.,

sont Dortmund, Essen et Bochum. La production en charbon est de 40 millions de tonnes par an. C'est dire quelle répercussion sur la production allemande d'abord, sur la production européenne ensuite, aura la cessation du travail. La Ruhr ne sert guère qu'au transport de la houille à Duisbourg un canal de 5 kilomètres la met en communication directe avec le Rhin. Mais ses eaux ne suffisent pas au trafic, et de Olsberg à Duisbourg elle est longée par un chemin de fer sur lequel s'embranchent un grand nombre d'autres lignes. Ruhrort, situé au confluent de la Ruhr et du Rhin, est le port ou plutôt le groupe de ports le plus animé de toute la vallée rhénane, et les bacs àvapeury transportent d'un bord à l'autre les trains tout chargés. Ruhrort n'es pas seulement le centre commercial de toute la vallée de la Ruhr, et des villes industrielles voisines, Duisbourg, Mülheim, Beck, Styrum, etc. c'est aussi un lieu de chantiers et d'usines qu'alimente le charbon du bassin de la Ruhr. Ce bassin, dont la contenance est évaluée à ioo milliards de francs, est exploité depuis le xive siècle; il se compose de 74 veines ayant une épaisseur totale de 70 mètres.

partie de la Westphalie sont des ag-

glomérations de

fabriques sur des galeries de mines. Ces g¡1leries, creusées au-dessous d'un quartier de la ville d'Iserlohn, ont jadis mis ses maisons en danger plusieurs se sont effondrées, d'autres ont été démolies à temps pour éviter un désastre. La perle de ces villes-usines est Essen. Nous ne redirons pas la gloire monstrueuse de l'établissement Krupp; les 400 hectares de superficie dont 75 couverts de constructions; des milliers d'ouvriers, ses cours et ses hangars parcourus par des trains entiers; ses innombrables tonnes de métal fondues tous les ans. Du reste son armée d'ouvriers paraît se tenir à l'écart de la grève. Ce que l'on sait moins, c'est que cet antre du fer et de l'acier, Essen, possède une cathédrale qui est un des monuments religieux les plus anciens de l'Allemagne (les plus vieilles parties datent du xe siècle, la crypte du XIe, la nef et le choeur du-xue), et qu'à Essen enfin fut éditée par Wilberg la meilleure édition de

Ptolémée..

C'est sur cette vallée de labeur et d'énergie que le spectre de la grève a passé. La question sociale traverse une crise; les haines s'allument dans les yeux des travailleurs, et des souffrances se préparent.


L'Exploitation des Mines en Asie Mineure. LE dernier rapport publié par le consulat français de Smyrne contient des indications particulièrement intéressantes sur fexploitation minière en Asie Mineure. Le sous-sol de l'Asie Mineure est fort riche en minerais de toutes sortes, et leur extraction pourrait devenir une source de richesse économique dans une contrée dont, jusqu'ici, les transactions sont presque exclusivement agricoles. Dans le vilayet d'Aïdin, on rencontre du fer en grande quantité, du cuivre, quelques gisementsde manganèse,de mercure et de plomb argentifère, et l'on connaît plus de vingt-cinq gisements de sulfo-arseniure de fer aurifère, où l'or est en

proportion considérable. Parmi ces derniers, se retrouvent, dans la vallée supérieure du Pactole, ceux auxquels était attribuée la fortune des rois de Lydie. Le vilayet d'Aïdin fourniraitégalementdes substances minérales charbon de terre, d'assez médiocre qualité, il est vrai, soufre, carbonate de magnésie; des pierres meulières, des marbres, des pierres lithographiques, des sables de verrerie. Dans le vilayet de Koniah moins riche, le chrome se trouve sur le versant du Taurus qui regarde la mer. Quant aux îles de l'archipel qui ne font que continuer la côte, elles pourraient fournir des productions minières du vilayet d'Aïdin. Le chrome, le manganèse pauvre, le plomb argentifère, l'antimoine enrichissent leur sous-sol. Or la plupart de ces gisements sont inexploités, et les entreprises minières sont aussi rares que modestes. Quelles sont les causes d'un état de choses aussi regrettable pour la prospérité de l'Asie Mineure, et pourquoi cette insuffisance notoire de la mise en valeur des mines? Des difficultés matérielles d'exploitation, sans doute, paralysent l'essor industriel de ces contrées. 'Parmi ces difficultés, quelques-unes tiennent à la constitution même des gisements par exemple, l'extraction de l'or serait, aujourd'hui, très coûteuse; l'état rudimentaire des communications est aussi un obstacle fréquent. Mais, avant tout, les difficultés administratives se dressent devant l'exploitant dès le jour où il demande une concession, et le poursuivent,

quand il l'a obtenue, dans sa jouissance. La concession accordée par le Gouvernement turc constitue toujours une faveur, jamais un droit.

Des démarches sans fin, des frais élevés, des tracasseries sans nombre, l'incertitude constante de la réussite, sont le lot obligé du pétitionnaire. Une fois la concession obtenue, les aléas sont à

craindre encore du fait de l'administration. Si l'affaire paraît brillante, le Gouvernementpeut user de son droit d'exproprier le demandeur en concession en lui donnant une indemnité dérisoire. Les droits fixes sont extrêmement élevés, 17 francs par tonne, par exemple, pour l'émeri, et oscillant de Il à 22 francs pour le

chrome. Et l'ensemble des impôts est, en outre, l'objet de variations continuelles, d'augmentations subites malgré les stipulations des firmans de concessions. Le firman lui-même, très long à obtenir, est précédé de titres provisoires, souvent contestés. Les conflits avec le Gouvernement sont de la compétence du Conseil d'État, et échappent à toute action Qfficielle des représentants des puissances étrangères. L'emploi de la dynamite est interdit; et la poudre ne peut être achetée que du Gouvernement, après de nouvelles formalités. On comprend, dès lors, le peu d'importance de l'industrie minière dans un pays où le sous-sol renferme cependant d'assez abondantes richesses. Le chiffre modeste des capitaux engagés dans ces entreprises (5 ou 6 millions) semble encore élevé. La part des capitaux français dépasse 2 millions; ces 2 millions n'auraient jusqu'ici donné aucun résultat appréciable. Les carrières sont exploitées par des habitants de la campagne, sujets ottomans, et les quelques mines qui sont en valeur appartiennent presque toutes à des Anglais. De ces renseignements, conclut le Bulletin de l'Asie française, se dégage une morale pratique. Les affaires minières, en Asie Mineure, doivent être envisagées avec une extrême prudence. Il convient le plus souvent de s'en tenir à celles qui n'exigent ni grande installation industrielle, comme le creusement de galeries, ni immobilisation de capitaux considérables; mais cette prudence est nécessitée plus par le régime administratifque par la pénurie de la région.

La Situation dans l'Afrique

allemande du sud-ouest.

D'APRÈSles nouvelles officielles, il ne resterait plus de la nombreuse armée herero que de misérables débris, exténués par l'action du désert et revenant, en désordre, vers l'ouest. Mais la Kolomâl,~eitung persiste à dire que le plus grand nombre des Hereros, avec les

femmes, les enfants et le bétail, a dû se réfugier dans le Kaukaufeld, sorte d'oasis insulaire au milieu du Kalahari. Les trois routes qui y conduisent aboutissent à Kalkfontein. En occupant cette position, on se rendrait maître du pays entier. Le général de Trotha se propose sans doute de profiter de la saison des pluies pour reprendre l'offensive; mais les circonstances climatiquesdeviendront également favorables pour leurs adversaires. En effet, de janvier à avril, on peut aller du Kaukaufeld méridional au lac Ngami; parfois même, lorsque les pluies sont très abondantes, les communications sont faciles avec le Chansefeld au sud-ouest du Ngami. Les missionnaires rhénans ont offert au Gouvernement de s'entremettre en faveur de la paix. Le chancelier a répondu au pasteur Haussleiter de Barmen que l'intervention de la mission lui semblait particulièrement précieuse; mais que les autorités locales du sud-ouest pouvaient seules apprécier les conditions


prop~sées, quant à leur opportunité et à leur exécution elles seront en conséquence invitées à recourir aux bons offices des missionnaires. Cette réponse est approuvée par la plupart des journaux allemands, qui plaident la cause humanitaire. Ils se rendent compte d'ailleurs. que le concours des indigènes est nécessaire pour le développement économique de la colonie; aussi se défendent-ils de vouloir leur anéantissement. Seulement ils font exception pour les chefs. La guerre ne peut prendre fin, répète la Kolonial,~eituzag, tant que les instigateurs de la révolte ne seront pas aux mains des Allemands. Du côté de l'Amboland, la situation reste obscure et inquiétante. On dit que le roi Nechale vient d'accueillir un grand nombre de Hereros, ce qui prouve que ses sentiments hostiles n'ont pas changé. Dans le Namaland la situation est meilleure le chef insurgé Hendrik Witboi a éprouvé, le 5 décembre, une sérieuse défaite à Naris. Les révoltés se sont enfuis à l'est et au sud-est, probablement pour rejoindre Morenga. Le mois de décembre a été du reste particulièrement favorable aux Allemands qui, dans une série d'engagements contre les bandes ennemies, ont réussi à s'emparer d'un butin considérable, de voitures et de bétail. Sauf complications nouvelles, il est à espérer qu'une nouvelle campagne viendra à bout de l'insurrection.

La France au Maroc. L'Ambassade de M. Saint-- René Tailland ier. QUAND fut décidée l'ingérence pacifique de la France dans les affaires du Maroc, on crut bon de commencer par l'envoi au sultan d'une mission française dont le but était de conférer avec le maghzen sur les meilleures mesures à prendre en commun pour l'amé-

lioration du pays. Muni de pleins pouvoirs, le ministre de France. allait prendre, de Tanger, le chemin de Fez, quand on apprit subitement que le sultan était décidé à congédier la mission militaire française. A cette nouvelle, M. Saint-René Taillandier annonça qu'il ajournait son départ, qu'il rappelait le consul de France à Fez et les nationaux que nous avons dans cette ville. Cette décision énergique causa quelque émotion et ceux qui sont sceptiques à l'endroit de la pénétration pacifique déclaraientqu'ils ne croyaient pas que les événements leur donnassent aussi promptement raison. Leur pessimisme s'est encore trouvé, cette fois, en défaut. Ceux qui connaissent le maghzen pensaient qu'il serait assez facile d'obtenir un revirement quasi complet d'attitude et qu'à un ciel obscurci succéderait bientôt un ciel serein. Ce sont ces derniers qui ont eu raison. Le ministre de France a reçu du sultan une lettre où il était dit en substance (( que le sultan avait appris avec une profonde douleur et une grande surprise l'a-

journement du départ de l'ambassade et les autres mesures annoncées par le ministre de France qu'il n'avait jamais pensé se priver des services de la mission militaire française et que son serviteur, le représentant chérifien à Tanger, avait mal interprété sa pensée en annonçant le renvoi de cette mission. » Cette lettre suppliait par conséquent le ministre de France de ne pas laisser partir de Fez le consul de France, ni la mission militaire, mesures qui affligeraient le sultan, car' il n'en ignorait pas les graves conséquences. Le sultan priait en même temps notre ministre de se rendre le plus rapidement possible à Fez pour resserrer les liens d'amitié entre les deux pays et faire ensemble tout ce qui serait utile. Cette lettre mit fin à un incident dont on attendait déjà les plus graves conséquences et qui montre, somme toute, qu'il ne sera peut. être pas impossible d'amener sans violence le Maghzen à collaborer avec nous de façon féconde et suivie.

partir.

Une fois clos cet incident préalable, on put

La route de Fez paraissant peu sûre au-dessous de Tanger, l'ambassade prit la mer jusqu'à El Araïch

et c'est de ce point qu'elle s'achemina vers la ville du sultan. Malgré de fortes pluies, le voyage n'a pas été interrompu une seule journée. Les populations étaient

calmes partout; malgré le relâchement actuel de l'autorité du maghzen et la prétendue agitation que devait causer dans l'intérieur le passage de l'ambassade, les caïds et les notables des tribus par lesquelles passait la mission faisaient avec un visible empressement, à l'envoyé de la France, les honneurs de leur pays. Depuis le départ de El Araïch, on voyait arriver tous les jours au camp de l'ambassade des députations d'indigènes qui, après avoir accompli, devant la tente de l'ambassadeurla cérémonie, traditionnelle dans ces cas, de l'égorgement d'un boeuf, sollicitaient son intervention près du sultan. Toutes ces requêtes avaient le même but solliciter le rétablissement d'un régime d'ordre qui mît à l'abri des tentatives des fauteurs de troubles des gens paisibles, victimes de pillages et de l'anarchie générale. Le passage sur le territoire des Beni Hassen qui s'étend au delà du Sébou, préoccupait vivèment le chef de l'escorte officielle marocaine, sous la responsabilité duquel voyageait le ministre de France. Les Beni Hassen, toujours insoumis et pillards, avaient récemment brûlé divers villages du Gharb, et commis des déprédations qui les mettent en état de rébellion ouverte contre le Maghzen. On pouvait craindre quelque démonstration hostile de leur part. Or, il n'en fut rien. L'entrée de l'ambassade à Fez donnera le signal' des réformes utiles en proclamant officiellement notre alliance avec le sultan.

Edmond J. P. Buron, avocat

au barreau de Manitoba, ancien élève de l'Ecole normale supérieure. Les richesses du Canada. Préface de M. Gabriel Hanotaux, de l'Académie française. ln-8° de 368 pages. Prix 7 fr. 5°. Paris. E. Guilnioto, 6, rue de Mézières.


RÉPUBLIQUE ARGENTINE

Travaux du Port de Rosario. Les travaux du port de Rosario se poursuivent avec activité. Les nouveaux quais sont terminés; pour la première fois, dans l'Argentine, on a employé à leur construction une espèce de béton armé qui offre des garanties exceptionnelles de solidité. fi y a plusieurs darses. L'une d'entre elles est destinée aux paquebots de grande dimension; une autre aux petits bâtiments qui font le cabotage. Une des particularités curieuses du port de Rosario consiste en ce que l'île, qui est située en face de l'entrée du port et qui resserre le cours du Rio-Parana, était autrefois sujette à un déplacement extraordinaire. D'un côté, la vio-

lence du courant lui enlevait du terrain, tandis que de l'autre, les alluvions continuelles lui en rapportaient, si bien que l'île se déplaçait chaque année d'environ 100 mètres. \1 a fallu avoir recours à des travaux spéciaux pour la fixer. On a dû couler des matériaux de toutes sortes en vue d'atténuer les érosions, en brisant la violence du courant. Ainsi, on a pu consolider l'île et conserver au fleuve la profondeur utile à ('entrée du port. Les hangars déjà construits sont immenses, et les voies ferrées qui les desservent sont reliées à celles du Chemin de fer Central Argentin. La muraille de la digue du bassin destiné aux bâtiments qui font le cabotage a 160 mètres de longueur. Elle sera toute en grosses pierres calcaires, et comme tous les blocs en sont prêts, on peut croire qu'ils seront mis en place au commencement de l'année prochaine. On a construit d'un autre côté des digues en maçonnerie, on s'est servi de béton armé. Ces digues reposent sur des piliers en maçonnerie également, qui ont un axe de 16 mètres. II y a encore, sur une assez grande étendue, des digues sur pilotis. ARABIE

La Question de Mascate. Voici l'historique et le point de droit du différend concernant le sultanat de Mascate, qui va être soumis à l'arbitrage de la Cour de La Haye La France ré:lame le droit d'exercer sa protection, même dans les eaux territoriales du sultanat de Mascate, sur les navires marchands indigènes, propriété des sujets du sultan, qui ont, au cours de leur commerce avec la Côte orientale d'Afrique, obtenu permission d'arborer le pavillon français. Pendant le printemps de 19°2, plusieurs de ces navires refusèrent, sous ce prétexte, d'obéir aux ordres du sultan, et un navire de guerre français fut envoyé à Mascate pour faire prévaloir le protectorat rrançais. Le sultan en appela au Gouvernement de l'Inde, et lord Lansdowne fit, à ce sujet, des représentations amicales au Gouvernement français. Après un échange de notes, à ce sujet, il fut décidé entre les deux gouvernements, à la fin de 19°3, de porter la question devant la Cour de La Haye. ALLEMAGNE

Le Canal de Kiel.. L'administration impériale du canal Empereur-Guillaume vient de publier la statistique du transit par ce canal pendant l'exercice ler avril 19°3-3° mars 1904. Les résultats obtenus sont très satisfaisants et marquent un progrès important sur l'année précédente. 32038 bâtiments, d'un tonnage net de 499° 287 tonnes, ont payé les droits de transit, soit par rapport à l'année 19°2-19°3 une augmentation de 28 bâtiments et de 416 458 tonnes. 13 943 de ces bâtiments étaient des vapeurs, 15341 des voiliers, 2 7 54 des allèges et des chalands. Le transit le plus considérable a eu lieu au mois d'août avec 3 333 bâtiments. Comme pour l'année précédente, les bâtiments por tant pavillon allemand représentaientune majorité très forte Ils formaient plus de 83 pour 10° des navires et près de

6o pour 100 du tonnage. Venaient ensuite comme nombre de navires le Danemark, 4,87 pour 100; puis la Suède, la Hollande, l'Angleterre, la Russie, la Norvège, la Belgique et la France avec 0,05 pour 100. Le nombre des accidents survenus dans le canal, bien que légèrement supérieur à celui de l'exercice ~goz-~go3, est très inférieur à celui des années qui ont précédé. Les accidents ou retards ont été au nombre de 117, soit 1,92 pour 1896. 100 tandis qu'ils avaient été de ~,83 pour roc en Enfin, pour la première fois, les recettes du canal ont dépassé les dépenses, et les statistiques accusent un bénéfice de 57824 marks (2481 682 marks de recettes contre 2423 857 marks de dépenses). Ces chiffres marquent, par rapport à l'exercice précédent, une augmentation des recettes de 1999 [8 marks et une diminution des dépenses de 83 429 marks. Cette diminution des dépenses tient surtout à l'acquisition faite par l'administration du canal de trois grands remorqueurs à vapeur qui ont permis d'économiser la location des remorqueurs privés.

La Colonisation allemande. On parle depuis longtemps en Allemagne de créer un ministère impérial des Colonies. La création de cette institution ne serait plus qu'une question de quelques mois. En attendant que cette question soit résolue, la colonisation effective et pratique fait de grands progrès. Une compagnie s'était formée, en igo3, sous la présidence du prince de Hohenlohe-CEhringen,et avait obtenu la concession d'un chemin de fer destiné relier la colonie du Cameroun au lac Tchad. Les études préliminairesétant achevées et le tracé de laligne définitivement arrêté, la compagnie a décidé de faire commencer immédiatement les travaux. Ses ingénieurs espèrent pouvoir construire en 1905 environ 25° kilomètres de voie, c'est-à-dire le quart de la longueur totale. Le tracé adopté a son origine au port de Dualla. Après avoir gagné le plateau proprement dit, il pique droit au nordest, de manière à atteindre la rive sud du Tchad, à l'ouest du confluent du Chari. Le capital de la compagnie a été souscrit en majeure partie par des maisons du Cameroun et par quelques grands seigneurs, tel, par exemple, le duc Gonthier de Schleswig, frère de l'impératrice Augusta-Victoria. CONGO

Le Portage au Congo. Un arrêté de M. Gentil a créé, dans la troisième région du territoire de l'Oubanghl-Chari,une compagnie de 500 porteurs indigènes destinés à assurer le service des transports entre Fort-Libret et Fort-Crampe!. Le recrutement de ces indigènes s'opérera par voie d'engagements volontaires pour par mois, une durée d'un an. Leur salaire est fixé à 12 vivres. indépendamment d'une indemnitéjournalière de L'objet de cette mesure est de remédier aux abus qui résultent du système de portage par réquisitions il a dévasté presque complètementles abords de la route et pesait sur les indigènes qui nous étaient le plus dévoués. Rappelons qu'une mesure analogue a déjà été prise, au mois de janvier 1903, à la Côte d'Ivoire.

fr.

ILES AÇORES

Une Ile

à vendre.

L'ile de Canto, dans l'archipel des Açores, est à vendre. Elle a l'avantage de n'avoir pour habitants que des oupeaux de moutons. voie Le propriétaire cherche un acquéreur d'annonces; pour mieux allécher les amateurs, il rappelle que c'est près de l'ile de Canto que s'est passé le fameux incident d'Alabama, qui a tant occupé l'arbitrage international. On suppose qu'elle sera acquise par les Américains, comme futur point d'appui dans une guerre contre l'Europe.

par


Le Jardin colonial de Nogent-sur-Marne. Dans un coin de la banlieue est de Paris s'épanouit la flore des tro~iques. Ce n'est pas qu'en cet endroit le soleil gratifie de rayons ~lus chauds une terre plus féconde; mais c'est là que s'étend le jardin, que s'élèvent les serres destinés à parentrainer faire l'éducation de nos futurs colons. A l'beure où la colonisation prend un essor vigoureux, il a paru bon reproduit artificiellement.la végétation et même un peu la vie de nos ses adeptes par un séjour préalable dans un milieu qui

d

colon:es.

jardin colonial de Nogent-sur-Marne est un éta-

blissement de création toute récente dont l'importance tend tous les jours à s'accroître. Il est intéressant de remonter à l'origine de la fondation et de suivre l'évolution d'une oeuvre si utile à cette époque d'expansion coloniale. C'est au mois de septembre de l'année 1897 que nous retrouvons les premiers documents

tion des jardins royaux de Kew en Angleterre. Un terrain, situé à la limite du Bois de Vincennes à Nogent-sur-Marne et jadis mis à la disposition du Muséum d'histoire naturelle, fut offert au ministre des Colonies, par M. Milne-Edwards,directeur du Muséum. Le 28 janvier 1899, un décret régla les dispositions relatives au

jardin colonial,

dont la direction fut confiée M. Dybowski.

ayant rapport à cette institution si

fut décidé que les fonds nécessaires à l'organisationde l'oeuvre et à l' édification du bâtiment et des Il

en voie de progrès à

l'heure actuelle

et déjà à même de rendre de grands services à notre colonisation. Dans des articles parus à cette place sous le titre de

serres seraient

fournis par les Colonies. L'octroi de subventions nouvelles renouvelées

Les

/a~~dins d'essais co-

dans nos posses-

loniaux, M. J. Dybowski, alors directeur général de l'Agriculture et du Commerce en Tu-

sions devaient assurer la marche du service.

C'était un mince budget,

nisie, démontrait

mais,

tout l'avantage

UN COIN DU JARDIN COLONIAL DE

qu'aurait, pour la prospérité future

création d'un établissement qui, sous le nom de Jardin d'essai deviendrait comme le laboratoire où le futur colon pourrait se livrer à la culture des plantes appropriées aux pays où il se proposeraitd'émigrer. L'utilité d'une institution de ce genre ne tarda pas à être reconnue et l'exécution de cette idée fut décidée. Le ministre des Colonies fit étudier l'organisaTRAVERS LE MONDE:

68 LIV.

malgré le

peu de ressources

disponibles,

D'après une photographie.

de nos colonies, la

A

NOGENT-SUR-MARNE.

cet

établissementa pu était basé sur l'idée de

réaliser son programme. Il donner aux colons les moyens d'organiser leur vie agricole, de savoir la mettre en voie de prospérité et de leur apprendre à éviter les déboires et les mécomptes qui souvent ont découragé les émigrants ayant quitté la France sans l'expérience des diverses cultures propres aux terres lointaines situées sous No 6.

Février 19°5,


d'autres zones et d'autreslatitudes. On se mit à l' œuvre. De généreux donateurs, qui s'intéressent aux choses coloniales, les Menier, les Hamelle, fournirent des sommes importantes pour bâtir des serres où l'on cultive le cacao, la vanille, le café, si bien que nos vingt-deux colonies donnent au Jardin colonial des subventions qui ne dépassent pas la somme totale de 4° 000 francs et le Jardin colonial fait partir, chaque année, pour plus de 80000 francs de plantes qui sont envoyées dans les jardins ou chez les colons de nos

différentes colonies. L'exécutiondu programme n'était pourtant pas des plus simples, l'agriculture, dans ces colonies, n'étant pas l'application de notions pouvant être puisées dans nos Ecoles nationales d'Agriculture de France. C'est une agriculture spéciale ayant trait à d'autres végétaux qu'à ceux qui croissent dans nos pays et qui sont loin de ressembler aux nôtres. On s'est imaginé autrefois qu'il suffisait d'emporter un ba-

rieure d'Agriculture coloniale de Nogent-sur-Marne, qui reçut, au mois d'octobre de la même année, sa première promotion, comprenant vingt-cinq élèves, dont quinze à titre régulier, c'est-à-dire pourvus du diplôme des Écoles nationales d'Agriculture et dix en qualité d'élèves libres, pouvant aspirer seulement au certificat d'études. La troisième promotion est entrée au mois d'octobre dernier; les élèves des deux premières promotions sont tous placés aux colonies, les uns dans des

situations officielles, les autres, les plus nombreux, àla tête d'exploitations privées. L'un d'eux, pris parmi ceux qui sortaient de l'Institut agronomique, au moment de son entrée à l'école de Nogent où il est

venu compléter son éducation coloniale, a déjà un traitement de 8 500 frapcs par an dans une de nos colonies de l'Afrique occidentale. L'emploi du temps pour les élèves comprend, chaque matin, un cours fait en amphithéâtre, précédé

d'exercices

pratiques de

gage d'énergie, de bonne volonté et de

culture, dans

capitaux pour avoir la certitude de réussir aux colonies,

se livre à tous

connaissances spéciales. On

dans les colonies ou à leur

lesquels l'élève

les travaux

ayant trait à la multiplication

même sans

des végétaux

est, aujour-

culture.

d'hui, revenu de ces erreurs, etl'importance

Les aprèsmidi sont con-

sacrés entièrement aux travaux pratiques

d'une étude ba-

sée sur des

partagés en

données précises sur la vie du futur colon

estmaintenant reconnue.

Le

jardin

deux catégoPAVILLOH MEAIER ET PAVILLOR AERRI HAhIELLE.

D'après rsne photographie.

colonial a donc justifié son but; il est, actuellement, en mesure de rendre tous les services qu'on était en droit d'attendre d'un tel établissement. C'est la grande, la véritable école du colon. Dans le livre consacré aux colonies, lors de l'Exposition universelle de r 900, M. Dybowski explique le rôle que doit jouer un établissement métropolitain d'agriculture coloniale et prouve toute son importance au point de vue du développement agricole des colonies. L'Agriculture coloniale, cette science toute nouvelle, est indispensable à ceux qui se destinent à faire des essais de culture dans les colonies; il est pour eux de rigueur de se familiariser d'avance, par une étude toute spéciale, avec les conditions que régissent les phénomènes biologiques dans les pays où ils iront. Ceci est le point de mire de toute l'organisation du Jardin colonial, le but de tous les services dont se compose cette institution dont l'examen du fonctionnement offre le plus grand intérêt. Au mois de mars de l'année 1902, fut fondé un des principaux services de l'institution, l'École supé-

tra-

ries

les

vaux

d'ordre

botanique et

les travaux

chimiques. Dans la première catégorie se rangent toutes les recherches qui ont rapport à l'étude des plantes utiles. Presque toutes ces dernières, faisant l'objet de manipulations de laboratoire, sont récoltées dans les serres du Jardin. Les autres sont importées des colonies. Les travaux botaniques réunissent aussi l'étude de toutes les matières. premières pour lesquelles l'examen microscopique est nécessaire. La seconde catégorie est celle des travaux chimiques et comprend l'application des procédés d'analyse de toutes les matières premières ainsi que l'étude des procédés usités par l'emploi industriel de ces matières. L'enseignement n'est pas fait d'une façon abstraite, mais en plaçant sans cesse sous les yeux des élèves et dans leurs mains les objets dont il est traité dans le cours ou la leçon. Ils dissèquent et analysent eux-mêmes tout ce qui constitue dans son ensemble la matière première. En outre, des conférences sont faites aux jeunes gens par des voyageurs de retour des colonies. L'enseignement pratique est complété par des visites aux usines et des expériences faites à la station


d'essai des machines ou dans les usines qui utilisent les matières premières coloniales. L'enseignement de l'hygiène, si utile pour des colons qui vont aller vivre dans des pays où ils auront à subir un acclimatementet où ils rencontreront des maladies nouvelles, n'est pas oublié. Des cours et un enseignement pratique sur la destruction des moustiques et autres parasites sont faits au laboratoire spécial d'hygiène; enfin dans un musée d'Hygiène se trouvent réunis les appareils de stérilisation de l'eau, des objets de destruction des insectes; des

vêtements, des échantillons, des médicaments et instruments, etc, qui peuvent être utiles aux colonies. Le service des renseignements du Jardin colonial est destiné à fournir des renseignements précis sur les cultures à faire dans les colonies et sur l'utilisation des matières premières qui en proviennent. Le

service du Jardin entreprend sans cesse des enquêtes dans toutes nos colonies, afin d'établir exactement à quel point en

voir se renseigner sur toutes les plantes utiles des colonies. Le Jardin colonial possède des collections extrêmement complètes de ces dernières, réunissant toutes les espèces ou variétés connues présentant un

intérêt primordial.

Des collections de produits en tous

les questions qui intéressent la co-

lonisation et l'industrie métropolitaine, qui utilise les matières premières fournies par les colonies.

sont les questions qui intéressent la

production.

Ces enquêtes peuvent porter sur la pro-

duction du caout-

service concourt largeCe

chouc, du coton, du riz, du tabac, des matières tannantes, etc. Chaque année, le

genres

graines, bois, matières premières, herbiers, sont réunies par le service botanique. Distribution de ces documents est faite aux établissements scientifiques, aux musées scolaires, aux savants qui veulent entreprendre des recherches spéciales. Des questions d'ordre scientifique très importantes sont étudiées dans ce service. Les principaux travaux du service chimique comprennent toutes les analyses courantes, fournissant aux colonies les renseignements dont celles-ci peuvent avoir besoin, telles que les analyses de terres, d'engrais, d'eaux ou de matières premières diverses et l'étude de toutes

ment à donner aux

élèves de l'École

d'Agriculturecolaniale une solide instruction technique.

jardin co-

lonial organise, au concours général agricole, une im-

est facile de se rendre compIl

portante exposition où sont pré-

te, par cet exposé sommaire, de l'utisentés tous les prolité quepeut avoir, SERRE A CACAOYERS. duits centralisés au point de vue dans le cours de colonial, un étaD'après une photographie. l'année. blissement comme En 1905, du 20 juin aU20 juillet, une exposition celui que nous venons de décrire pour ceux qui veulent d'Agriculture coloniale réunira tout ce qui touche à la s'adonner à l'agriculture dans les colonies. Ils trouproduction coloniale: plantes, fruits, animaux, maveront dans l'ensemble des services du Jardin colotières premières qui alimentent nos industries, pronial un enseignement précieux, documenté, fondé sur duits manufacturés qui en découlent. les bases les plus solides, du plus grand intérêt, dont Les fleurs des colonies. formeronîune section à la vie du futur colon ressentira plus tard l'heureuse

part.

influence. Une section des Beaux-Arts comprendra les pho-

Dr A. LOIR.

tographies, dessins, aquarelles, peintures représentant tout ce qui touche à la vie coloniale. Le Bulletin du fardin colonial, qui paraît tous les mois, renferme tous les documents indispensables à ceux qui s'intéressent aux questions d'Agriculture

coloniale. Le service des cultures du Jardin colonial est chargé, d'une part, de préparer des végétaux qui sont expédiés aux services agricoles des colonies; d'autre part, de cultiver, en vue de la déterminationde leur caractère botanique et de leur classement, les plantes nouvelles venant de nos colonies qu'il peut y avoir intérêt à connaître, ce qui permet au public de pou-

Le

Yunnan et rlndo-C.hine~

Ls Yunnan a été représenté par

la plupart des voya-

geurs comme un pays pauvre. Cette impression, résultat d'un examen superficiel, n'est pas celle qu'en a rapportée M. Gervais Courtellemont, au dire de la Quin.~aina coloniale. On peut y constater l'état de dé-


vastation où les dix-huit années qu'a duré la révolte musulmane ont laissé la plus grande partie du pays. Mais à côté de ces ruines se manifestent de nombreux indices d'un relèvement dans l'accroissement de la po-

pulation et des superficies cultivées. Autour de HsiNing-tcheou, dans un rayon de 3 kilomètres, l'explorateur compte trente villages ou hameaux, et cette densité extrême de population continue dans toute l'admirable plaine qui s'étend sur la rive est du lac, juscju'à Yunnan-sen, véritable jardin, sarclé, biné, où pas un pouce de terre n'est inutilisé et où partout deux récoltes sont fournies sans trêve ni repos par un sol fécond. Le mode de formation du sol des grandes plaines lacustres et des vallées du Yunnan suffit à expliquer l'extrême fertilité de ce sol, auquel il ne manque que des hommes. Les terres des mamelons et des plateaux sont inférieures à celles des vallées. Mais elles peuvent encore cependant être considérées comme de bonnes terres arables, surtout aux emplacements des anciennes forêts. Ce qui fait surtout la valeur économique du Yunnan, c'est l'extrême variété de ses productions agricoles due aux différents climats dont il jouit le Yunnan possède ce privilège d'être à la fois un pays tropical, de par sa situation géographique, et un pays tempéré à cause de son altitude. Fruits, céréales, légumes, animaux, il a, en abondance, tous les produits des pays à climat tempéré qui manquent aux pays voisins, à climat exclusivement tropical. Mais, s'il les a, il est obligé de les garder pour lui, faute de voies de communication et de moyens de transport qui lui permettent de les échanger avec le dehors. Tout au plus peut-il exporter quelques produits riches, l'opium, le thé, le tabac, le musc, certaines plantes médicinales, qui peuvent supporter la dépense du transport à dos d'homme ou de mulet. Ses richesses minérales, qui sont considérables, restent également, pour la même raison, exclues de tout trafic extérieur, exception faite. pour l'or et pour l'étain, qui peuvent aussi supporter la charge d'un transport onéreux. Bien que condamné à vivre ainsi sur lui-même, et dans l'impossibilité de tirer des ressources de son sol et de son sous-sol tous les bénéfices qu'elles comportent, le Yunnan n'en a pas moins une exportation évaluée à environ go millions de francs, balançant une importation de valeur à peu près égale. C'est dire quelle importance peut prendre le mouvement de ses échanges, lorsque la voie ferrée, qui le reliera au Tonkin, viendra stimuler l'essor de son agriculture et de son industrie. Le Yunnan a aussi une valeur militaire et politique dont l'importance ne saurait être exagérée pour notre colonie d'Indo-Chine il offre à celle-ci des facilités de ravitaillement qui peuvent lui devenir précieuses en cas de guerre. On sait, en outre, qu'il est, pour nos troupes indo-chinoises, le Sanatorium idéal, et ce n'est pas un avantage négligeable pour nous que d'avoir aux portes du Tonkin un pays où ces troupes pourront conserver ou réparer leurs forces et attendre le moment d'agir. Enfin le Yunnan constitue pour notre frontière tonkinoise une couverture indispensable à sa sécurité. Le Yunnan commande le Tonkin et c'est pour cela surtout qu'il faut que nous y ayons une situation prépondérante. De cette prépondérance, l'Angleterre ne saurait prendre ombrage. La Birmanie

anglaise, appuyée sur l'immense empire des Indes, ne peut y voir une menace sérieuse et, d'autre part, elle est défendue contre une attaque venant du Yunnan par les difficultés mêmes de la route qui, de ce pays, conduit chez elle et qui en font une voie stratégique impraticable. Le Yunnan, grenier et sanatorium du Tonkin, contrefort de notre colonieasiatique, tel semble devoir être notre but dans cette partie de l'Extrême. Orient.

Bâle,

port de mer.

UNE correspondance de Strasbourg, reproduite par le Temps, vient d'appeler de nouveau l'attention sur les efforts tentés dans l'Allemagne du Sud en vue de la régularisation du Rhin moyen. En 1896, dit la feuille alsacienne, le Gouvernement bâlois offrit de contribuer pour 2 725 000 francs aux travaux nécessaires pour prolonger,de Huningue à

Bâle, le canal du Rhône au Rhin, et l'Assemblée fédérale vota un subside d'un million en faveur de cette

entreprise. Le Gouvernement allemand lui refusa son

adhésion sous la pression des Chambres de commerce de Mulhouse, Strasbourget Mannheim, qui redoutaient la concurrence des bassins houillers de France et de Belgique. Par suite, c'est le problème de la régularisation qui est passé à l'ordre du jour, et il tient dans les préocc~pations actuelles plus de place que celui du canal. Un grand pas a été fait, le mois dernier, vers sa solution. A la suite des voyages d'essai accomplis par l'ingénieur suisse Gelpke et par le directeur d'une compagnie de navigation allemande, une société d'ingénieurs, d'industriels, de commerçants, s'est fondée. Elle a pour objet (( d'étudier et de préparer les moyens propres à rendre navigable, aux bateaux de gros tonnage, le Rhin, de Strasbourg à Bâle d'abord, puis de Bâle au lac de Constance ». L'expérience a prouvé que, pendant plus de 150 jours de l'année, la navigation était possible à des bateaux de moins de 1 500 tonnes entre Bâle et Rotterdam ou Anvers. Pour parer à la médiocrité du volume d'eau durant l'époque de l'étiage, on pourrait employer des chalands de fort tonnage mais de faible tirant, remorqués par de petits vapeurs. On calcule d'autre part qu'en régularisant le niveau du lac de Constance, on augmenterait de 26o mètres cubes par seconde le débit du fleuve, et l'on prolongerait d'une centaine de jours sa navigabilité il deviendrait praticable toute l'année par un judicieux emploi des eaux d'autres lacs suisses. Quant au tronçon Bâle-Constance, les difficultés à surmonter ne proviennent pas tant de la nature que d'obstacles artificiels aisément modifiables ponts, câbles de bacs, brise-glaces, etc. Il y a bien la chute de Schaffouse, mais on estime que les ressources de l'industrie moderne lui permettent de résoudre sans frais énormes un problème de' cette sorte.


5

CI~IILISATI OI~IS

ET· RELIGIQI~IS

des Temps présents.

Les « Cowboys »

cowboys (gardiens de troupeaux) ne vivent plus de nos jours de la même manière qu'il y a quelque trente ou quarante ans. Le terrain où travaillait l'anciennegénération des cowboys, du Rio Grande au Montana, a été traversé par des voies ferrées, et les débris épars de leur ancien domaine a été envahi oar les netits fermiers et les gardeurs de moutons. En conséquence, on ne trouve plus, dans l'Ouest améri. cain, devillestelles qu'Abilèna, Dodge City, et autres cenL ES

classique cba~aT·e'o, ou peau de mouton, ainsi que leurs éperons, lorsqu'ils s'assoient sur le siège d'une faucheuse dans les champs sans fin. Rien ne leur manque, pas même les combats homériques; non plus, il est vrai, contre les Indiens, mais contre les gardiens de moutons. C'est que, lorsque le Gouvernement américain ouvrit aux cowboys des milliers d'acres de bons pâturages dans les territoires réservés, les gardiens de moutons prétendirent en avoir leur part. D'où une lutte terrible, où ces derniers eurent le dessous en vertu des serstences ar-

bitrales.

Cependant ces réserves ne sont qu'une faible partie du théâtre de l'activité des cowboys. Dans l'Arizona, le Nouveau Mexique, le Colorado, le Wyo-

tres, où d'insouciants gardiens de troupeauxsavaient, en remplissantleurs fonctions, menerdu

même coup une

existencepleine d'a-

ventures. Mais si les conditions de la vie ont changé pour eux, ils n'ont pas disparu pour au-

tant, et leur existence, moins mouvementée, ne, manque pas non plus

de" charme et de

poésie. Le dressage des chevaux offre toujours les mêmes

attraits périlleux que lorsque les troupeaux n'étaient point parqués entre des barrières de ronces artificielles. Si les troupeaux sont plus limités, leur survelllance permet toujours la vie en plein air, les chevauchées à fond de train et tout ce qui est la vie même de ces utiles et honnêtes coureurs d'aventures. Le fractionnementdesimmenses troupeaux d'autrefois a même eu pour effet de multiplier le nombre des cowboys. Les selliers ont beaucoup plus d'ouvrage, précisément parce que les demandes de selles pour gardiens de troupeaux ont augmenté. Avant la création des clôtures dans les pâturages, le cowboy était en selle de l'aube au crépuscule, et même une partie de la nuit il eût dédaigné de prendre part, à l'occa-

sion, aux travaux d'une ferme. Aujourd'hui, il fait deux parts dans sa journée de travail: il se partage entre la surveillance des troupeaux et le labourage. Beaucoup d'entre eux portent encore aujourd'hui leur

ming et le Montana, il arrive souvent qu'ils s'associent pour louer des milliers d'acres de pâturages réservés. Beaucoup d'entre ces terres sont bordées de barrières, entre lesquelles d'immenses troupeaux se répandent sous la surveillance de centaines de gardiens, tous habiles à monter à cheval, à soigner le bétail, à le marquer au fer chaud. Les travaux des cowboys et leur genre de vie changent avec les saisons. En hiver, ils doivent nourrir le bétail avec la provision de foin faite pendant l'été et, à cet égard, ils ont beaucoup de peine à adopter des mesures de sage prévoyance. Leur provision de fourrage, le plus souvent, est insuffisante; aussi font-ils des pertes sensibles, étant obligés d'abattre une partie de leur bétail ou de le vendre à vil prix. Au printemps, ils opèrent la séparation des veaux et de leurs mères; et cette opération, qui est pénible, n'est pas non plus sans danger. C'est surtout lorsque


le cowboy doit marquer au fer chaud la jeune bête, qu'elle oppose une vive résistance. Aussi se met-on à trois pour venir. à bout du sujet récalcitrant, dangereux moins encore par sa forcedéjà grande que par son

extrême pétulance, Le gardé-ur de chevaux a une existence plus variée que celle du cowboy. Il est vrai que les fermes où l'on élève les chevaux sont infiniment moins nombreuses que celles pour bêtes à cornes. On cite parmi les premières, celle du colonel W. F. Cody, qui est immense ét compte environ 2000 sujets. Il est beaucoup plus difficile de surveiller les chevaux que les bêtes à cornes. Chacun des gardiens a six ou huit chevaux dressés à sa disposition, et ce n'est pas trop pour faire de chevaux à demi sauvages des bêtes de selle dociles et sans danger. A l'ordinaire, il suffit de faire preuve de force musculaire et d'adresse pour dompter le cheval le plus rebelle et l'habituer à souffrir le mors et la selle mais il arrive que telle bête vicieuse ou particulièrement réfractaire, au lieu de tolérer sur son dos le cavalier qui croyait déjà en être venu à bout, fait le plongeon, se roule à terre en cherchant à le jeter en bas et à l'écraser. Son dompteur est prompt à se ressaisir; agile comme une couleuvre, il se cramponne à la crinière, il saute prestement sur le sol, puis s'élance sur la bête quand elle se redresse. Le cheval se lasse visiblement de sa résistance vaine; on lui glisse une selle sur le dos, qu'on boucle en deux temps et trois mouvements après une dernière résistance, le cheval arrive à la supporter. Mais il faut qu'il s'habitue encore au cavalier qui s'élance sur cette selle. Le dompteur est magnifique d'adresse, de prudence et de sûreté. Le moment critique est celui où il engage son pied dans le premier étrier; si le cheval prenait son élan à ce moment-là, le cavalier serait perdu. Mais, prompt comme l'éclair, voilà l'hommequi d'un bond apris position sur le dos de la bête; alors celle-ci a beau se cabrer, partir à fond de train, faire des plongeons cramponné à la corne de la selle, le cavalier semble ne faire qu'un avec son indocile monture, qui finit par plier sous la main de son vainqueur. Les divertissements des cowboys sont en petit nombre; le prinçipal est le troc et l'échange de ce qu'ils possèdent éperons, cravates, revolvers, passent de main en main et font l'objet de marchandages

sans fin.

En somme, l'existenc'e'des cowboys est devenue plus confortable et moins débraillée. Ces enfants perdus de la civilisation, égarés jadis dans le Far West, tendent à rentrer dans le cadre de la société. Ils ont même la faculté d'acquérir avec le fruit de leurs économies, une petite ferme avec un joli troupeau,'dont ils ont l'orgueil de se voir enfin les propriétaires. Tout cowboy qui se respecte a cet idéal-là. Il en résulte- qu'aujourd'hui le cowboy est un homme rangé, économe, plein de confiance en luimême: Son feutre à larges bords abrite une face honnête. C'est bien le cas de dire que son métier mène à

tout, puisque des auteurs et des peintres ont commencé par être gardeurs de troupeaux dans le Far West. Cest le cas d'Audy Adams, qui s'est mis à écrire, et avec succès, à l'âge de quarante-cinq ans. Charles Russel, de Great Falls (Montana), un peintre de talent, a com-

posé ses premiers tableaux dans les loisirs que lui laissait la surveillance des troupeaux, et plus d'une de ses toiles est consacrée à l'existence du cowboy. Les propriétaires de mainte grande ferme du Far West ont commencé par recevoir les petits gages des toucheurs de bœufs. Quel est l'avenir du métier de cowboy ? Impossible de le dire. A mesure qu'elle avance, la civilisation porte un coup mortel à toutes ces carrières d'aventures. Mais tant qu'il y aura de grands troupeaux à surveiller, à parquer, à marquer au fer chaud, et des chevaux à dompter dans le Far West, il y aura de ces hommes au costume pittoresque, à l'humeur vagabonde et au caractère viril, qui sont l'avant-garde de la civilisation en marche dans les vastes plaines de l'Ouest américain. D'après ARTHUR CHAPMAN.

Les Trains-foires en Russie. NOTRE distingué collaborateur, M. Paul Labbé, raconte dans la Géograpbie, qu'un singulier essai est à la veille d'être tenté en, Russie. On voudrait organiser dans ce pays des « trains-foires ». On sait qu'en Russie il y a des milliers de petites villes ou de villages qui se trouvent à l'écart des centres importants. Leurs habitants trouvent difficilement à bon marché des vêtements, des armes, des instruments, des ustensiles domestiques. Les marchands offrent de troisième ou de quatrième main des marchandises qu'ils ont fait venir des grandes villes et les vendent souvent 5o p. 100 plus cher qu'à Moscou ou à Saint-Pétersbourg, sans que pourtant leur gain soit bien considérable. Le choix n'est pas grand, d'ailleurs, dans leurs magasins, et pour avoir nombre de produits ou d'objets dont ils ont besoin, les habitants un peu fortuhés doivent aller à la grande ville la moins éloignée ou attendre l'époque de la foire qui se tient une fois l'an dans la région or le voyage à la ville coûte cher, et les foires n'offrent pas aux acheteurs tout ce qu'ils pourraient désirer; enfin, il y a bien des choses qu'on ne peut acheter pour toute une année. On compte en Russie environ 3 00o foires, où les paysans de la région, les marchands des villes et les représentants de commerce peuvent faire des échanges; mais à la vérité, de l'aveu même du ministère des Finances, 600 foires atteignent le but pour lequel elles sont créées à ce point de vue les autres n'ont aucune importance. Il faut même ajouter que ce chiffre de 600, inférieur à celui du passé, sera certes supérieur à celui de l'avenir, les foires locales perdant presque partout chaque année, un peu de leur importance, même les plus fameuses, comme les gigantesques foires de Nijni-Novgorod ou d'Irbit. Il existe en Russie l 300 villes et environ 2 000 gros bourgs ou gros villages; un cinquième d'entre eux seulement est donc favorisé par les foires. Un grand nombrede ces centres plus ou moins impor-


tants sont situés loin de toute grande voie fluviale ou ferrée. La Russie s'est pourtant beaucoup occupée, depuis quelques années surtout, de rendre les communications plus faciles; elle a amélioré les rivières, et, après avoir construit les grandes voies ferrées, elle s'efforce de compléter peu à peu son réseau par la création de voies d'intérêt régional ou local. De bons esprits ont alors pensé que l'on pourrait se servir des voies ferrées pour établir dans les villes et villages des foires ambulantes. Le principe des trains-foires étant admis, les règles suivantes ont été édictées Grouper des objets ou produits de première nécessité, achetés de première main, les transporter en train-foire dans les provinces de l'intérieur et sur les frontières même, y joindre d'autres objets intéressant le confort ou destinés à rendre plus agréable et plus facile la vie de province, et se contenter pour la vente d'un bénéfice qui ne pourra jamais dépasser io pour 100.

cette façon les habitants des plus petites villes pourraient trouver au même prix que dans les plus grands centres des objets utiles, nécessaires ou simplement agréables, dont les trains-foires leur offriraient une importante variété. Dans ce but on construirait des trains de dix ou douze wagons réunis par des plates-formes. De chaque côté des wagons, il y aurait des fenêtres-portières pouvant servir de portes pendant l'arrêt aux stations; les marchandises seraient groupées par wagon suivant leur nature. Les trains s'arrêteraient à des points désignés d'avance; au besoin, des voies de garage seraient construites à cet effet près de terrains vagues, où un public nombreux pourrait, sans difficulté, se réunir. Les arrêts seraient fixés, selon l'importance des besoins de la région, à un ou deux jours. La distance à parcourir pour chaque train varierait entre 1 600 et 2200 kilomètres, de telle façon que chacun d'eux pourrait faire 10 ou 15 arrêts par mois, et que 12 fois par an les habitants pourraient revoir le train. La construction du train, les wagons, les machines seront la propriété d'une société qui paiera au De

Ministère des Voies et Communications une redevance, mais c'est le service du Mouvement, qui, au Ministère, décidera des heures d'arrivée et du départ, ainsi que de la durée des arrêts. On ne saurait trop étudier un tel projet conclut M. Labbé. Dès que les trains-foires circuleront, l'importance économique de cette organisation nouvelle ne

pourra être niée. L'essai est évidemment à tenter, et bientôt peut-être nous en connaîtrons les résultats.

pelle celui de la ramie. Mais il a sur la ramie l'tvantage de se laisser facilement défibrer par le procédé ordinaire du rouissage,et de se comporter en tout comme le chanvre. La fibre, ainsi obtenue., possède une couleur blanche, extrêmement brillante, et supporte une tension extraordinaire. Si les qualités du nouveau textile le faisaient considérer comme utilisable, il fallait encore s'assurer que la màtière première ne manquerait pas, rechercher à provoquer sa culture sur une surface suffisamment étendue. Des semences furent faites, à titre ,d'expérience, à la fin de novembre igoo, dans un champ de ~oo mètres carrés, et, moins de deux mois après, M. Telles, appelé sur le champ d'expérience,put constater que la nouvelle culture était en pleine voie de prospérité. Le champ d'expérience ne tarda pas à devenir un champ de démonstration; dès lors, :la :culture de l'aramina était créée. Si l'aramina arrive à être utilisé pour la fabrication de tissus variés dans leur composition, leur apprêt et leurs nuances et pour la confection d'articles dé passementerie, de ficelles, de cordes, de sacs, etc., il est facile de se rendre compte de l'importance que sa culture pourra prendre. Les Compagnies de chemins de fer de l'État de Saint-Paul en ont déjà transporté, cette 'année, une grande quantité et la fabrique installée dans la capitale fonctionne activement. Tout fait entrevoir une grande augmentation de sa production; il' figurera bientôt pour un chiffre appréciable dans l'exportatiori du port 'de Santos.

Paul Doumer,

député, ancien gouverneur général de l'lndo-Chine. L'lndo-Cbine française. vol. grand in-4Q (2 X 3 1 cm) orné de 170 illustrations(dont 12 hors texte), par G. Fraipont, d'après ses croquis pris sur place, avec carte en couleurs de l'Indo-Chine et enrichi d'un portrait de l'auteur en héliogravure Dujardin; broché, io francs; relié fers spéciaux, 14 francs; reliure amateur, 18 francs. Paris. Vuibert et Nony.

ses cinq années de gouvernement en Indo-Chine, M. Doumer a parcouru les cinq provinces en tous sens, faisant parfois, presque seul, sans escorte, de longues expéditions à cheval qui effrayaient son entourage. voulait voir par lui-mème. Aussi connaît-il bien le pays. Le récit vécu qu'il nous en fait se substituera à bien des légendes dans l'esprit de ceux qui rêvent d'aller en Indo-Chine et il ravivera en foule les souvenirs des militaires, des marins, des fonctionnaires, des colons qui ont été mêlés, de 1897 à 19°2, aux événements d'Indo-Chine et de Chine. Partout l'anecdote se mêle aux vues profondes et vient doubler l'intérêt du PENDANT'

récit.

Un nouveauTexti9e « France-Brésil », organe des

l'Aramina. intérêts français,

dans la République sud-américaine, nous apprend que le Dr Telles, de Santos, vient de découvrir un nouveau textile, appelé à rendre les plus grands services aux industries locales et à devenir un article de grande exportation. Il lui a donné le nom d'aramina, qui rap-

Comme le dit l'auteur dans son Avant-Propos, le livre est écrit surtout pour la jeunesse. Nous pouvons affirmer qu'il sera pour elle une école de virilité. M. Doumer, cet homme intrépide, si dur à lui-même, a toujours inspiré l'admiration et le respect à ceux qui l'approchaient. Dans ces conditions,il pouvait obtenir beaucoup de ses collaborateurs, et c'est ce qui lui a permis de faire de grandes choses en Indo-Chine. La belle page d'histoire coloniale qu'il a écrite sur la terre d'Asie montre que de brillantes destinées sont encore réservées à un pays comme la France qui possède de tels hommes.


DEUTSCHE WOCHENZEITUNG 11~DEN

NIEDERLANDEN

Amsterdam.

Dans la Nouvelle-Guinée hollandaise. des hauts fonctionnaires hollandais

coloniaux du Gouvernement chargé, été l'année dernière, de faire un a voyage d'exploration à travers la partie la plus étroite de la Nouvelle-Guinée hollandaise, c'est-à-dire l'isthme qui sépare la baie de Geelvink du golfe de Mac Cluer. 11 devait s'assurer de l'état de viabilité de cette partie encore presque inconnue de l'île, où à peine un ou deux Européens ont pénétré. Mais M. P. E. Moolenbrugh (tel est le nom de l'explorateur),ne s'est pas contenté de dresser un savant rapport sur sa traversée; cet ingénieur a un joli brin de plume, dont il s'est servi pour écrire l'article dont nous touchons un mot. Pendant une bonne partie de son voyage, et c'est là un des résultats précieux de l'expérience qu'il a faite, il a pu faire usage de Il chemins qui marchent » le delta qui débouche dans le golfe Mac Cluer est en effet le rendez-vous de plusieurs cours d'eau, le Jakati, au nord, puis le Jensee, le Kaitong, le Saberwaar et lïdoor, dont un ou deux au moins sont navigables sur une partie de leur cours. Ils ont tous ernprunté leur nom aux localités qui s'élèvent sur leurs bords. En remontant en bateau le Jensee, M. Moolenbrugh arriva donc à la bourgade indigène de ce nom. Elle est bâtie sur pilotis, mais sur des pilotis vermoulus, branlants, qui s'inclinent sur le fleuve, ou du moins sur les maraiset la vase qui bordent celui-ci. Elle se compose d'un certain nombre de huttes qui s'ouvrent devant et derrière au moyen d'un simple trou d'un mètre de diamètre. Il faut donc se plier en deux pour entrer. Les indigènes accueillirent l'Européen avec beaucoup de défiance. ils commencèrent par disparaître tous dans leurs demeures; puis, à force d'appeler, de crier qu'il ne leur voulait pas de mal, le voyageur parvint à en rassurer un ou deux. Une vieille tête laineuse se montra craintivement, sortit lentement de son trou c'était le chef de la tribu, le sauvage (( Kapalla » ou maire du village, car sa hutte était surmontée d'un drapeau triangulaire rayé de blanc, de jaune et de bleu. M. Moolenbrugh apprit depuis que, chez les indigènes, c'est là l'étendard des razzias et des vendettas que les Néo-Guinéens se permettent trop souvent aux dépens les uns des autres, tribu contre tribu, village contre village. Le chef, pour faire marcher ses hommes, n'a qu'à déplanter le drapeau qui surmonte sa hutte et à le porter à la tête de sa sauvage petite troupe c'est un drapeau-fétiche, et le chef qui le possède est aussi une manière de prêtre. En bon fonctionnaire de S. M. Wilhelmine, le voyageur ne pouvait d'ailleurs laisser subsister cet emblème d'insubordination et de désordre; il chargea un de ses hommes d'abattre l'étendard et de hisser à la place le pavillon tricolore hollandais. Puis, unissant la douceur à la fermeté, il promit au chef des couteaux, des haches, du tabac, si celui-ci s'engageait à respecter désormais les couleurs de sa souveraine. Enfin, il embaucha dans ce village dix rameurs auxquels se joignit le chef lui-même pour les quelques jours que dura le. reste du voyage. Un curieux type de Malais, ce vieux chef! A toutes les questions qu'on lui faisait, il répondait par les mots stéréotypés a la, hu, hu » Sur les razzias et autres expéditions de brigands, il n'y eut pas moyen de tirer de lui autre chose que l'éternel Ia bu bu. Il comprenait pourtant, le voyageur parlant assez bien le dialecte des Néo-Guinéens de cette partie de l'île. Quand on lui promettait du tabac ou des couteaux, ses yeux brillaient de plaisir. Mais le sauvage Machiavel ne voulut répondre à aucune question. Il laissa pourtant l'étranger jeter, avant le départ, un coup d'œil dans sa case; elle était assez bien construite, comparée du moins à celles des autres naturels; le sol était même planchéié au moyen de pièces de bois qui, il est vrai, laissaient entre elles d'assez grandes fentes, d'où s'élevait l'horrible odeur de la boue des marais, pleine de matières en décomposition. Le flux de la mer, montant depuis le delta, UN

est sensible même à Jensee, de sorte que régulièrement, chaque jour, pendant quelques heures, le clapotis du fleuve dont le niveau monte et descend, se fait entendre sous le plancher, et l'eau affleure à la surface, surgissant par tous les interstices. Les parois sont en planches. Devant et derrière la case, deux spacieuses vérandahs seraient fort agréables pour y faire la sieste par les fortes chaleurs, n'étaient les moustiques et l'horrible odeur de l'eau corrompue. Le chef avait une épouse légitime et trois autres femmes occupant chacune, dans la case, un petit carré ou compartiment séparé de ses voisines par une simple tenture. Quand un indigène meurt, on sort le cadavre par la porte de derrière et on le suspend dans une corbeille à un arbre-fétiche sur une petite hauteur. On l'y laisse exposé jusqu'à ce que les vers et les insectes l'aient bien travaillé; alors, on sépare la tête du reste du corps on enterre celuici dans la forêt, et l'on rapporte celle-là dans la case où le mort habitait. Cela donne lieu à de grandes réjouissances, comme si le défunt ressuscité rentrait dans sa maison; on nettoie la tête inanimée, on l'embaume en injectant sous la peau une mixture sauvage, mais peut-être efficace; puis, enveloppée d'une draperie rouge, qui laisse voir le visage, elle est destinée à orner la case et à préside~ du haut d'une tablette à tout ce qui s'y passera désormais repas, veilles, sommeil, travaux divers et autres scènes de la vie familiale. Toutes ces cérémonies ont trait sans doute à des croyances religieuses encore imparfaitement connues des Européens. Toutefois, ces Néo-Guinéens ont subi l'influence plus ou moins directe de l'islam. Une des filles du vieux chef s'était même convertie au mahométisme pour épouser, dans une autre partie de l'île, un sectateur du Prophète. Les rameurs néo-guinéens ont une curieuse manière de procéder ils chantent alternativement un couplet monotone et qui ne doit pas être beaucoup plus varié que le (\ jeanFranfois de Nantes Jearr-Fran¢ois Jean-Fyanfois » des pêcheurs d'Islande que nous dépeint Pierre Loti. En somme, le trajet à travers l'isthme n'est pas seulement réalisable pour un Européen dans les circonstances actuelles, mais il peut se faire sans grand danger ni fatigues extraordinaires. L'ingénieurhollandais était escorté de quinze hommes armés;. mais le tiers lui aurait suffi, à l'entendre, pour se faire respecter des naturels, qui ne sont ni très farouches ni très belliqueux. Les cours d'eau qui arrosent cette partie de l'ile sont accessibles aux chaloupes à vapeur, qui pourraient les remonter très haut à partir du golfe de MacCluer. En outre, de simples collines aux pentes douces, qui courent à l'intérieur, ne constituent pas un obstacle bien sérieux à ceux qui veulent traverser l'isthme.

THE ENGLISH ILL USTRATED MAGAZINE Londres.

L'Hiver dans les îles du Zuiderzee. L'auteur de l'article que nous citons, Mlle Virginia Blanchard, a passé tout un hiver dans les îles hollandaises de la mer intérieure qui vient baigner les murs d'Amsterdam. Bien que relativement dans le voisinage de la grande ville, les îles Marken et Vollendam semblent alors être reléguées au bout du monde; les insulaires constituent autant de types grotesques qu'on dirait échappés d'une kermesse de Téniers

ou de Van Brower. Mais, de même que dans les tableaux flamands, la beauté, l'effet artistique se retrouvent ici, d'une façon imprévue et d'autant plus piquante; non plus dans la noblesse ou la pureté des lignes, mais dans l'éclat des couleurs joues fraîches des jeunes Hollandaises, somptueux costumes du dimanche, splendeur des aurores ou des crépuscules dans ces brèves journées d'hiver où les ombres sont roses, où les champs de neige flamboient d'un éclat pâle, mais éblouissant. Je ne parle ici que de l'île de Vollendam, dont la population est catholique et dans un état matériel relativement prospère; quant à l'île voisine, celle de Marken, dont les habitants sont protestants, elle offre l'image de la pauvreté, disons de la misère. Ici, hélas! plus de beauté d'aucune sorte, à part la mise en scène tour à tour splendide et lugubre des mers du Nord.


L'Irlande des Temps nouveaux. G'Irlaztde, qui pendant dou.~e siècles a ressemblé ~i un vaisseau sans cesse battac par la tempcte, paraît entrée depuis dou~e ans dans une izouvelle~hase de son existence. Ce changenzentest encore trop récent pour que nous puissions en garantir l'efficacité et la durée; et cependant, c'est bien une Irlande toute nouvelle qui est en train de se former sous nos yeux.

chute de Parnell a été, en somme, un bienfait pour Ll'Irlande. activité Jusque-là. elle bornait son

et

son ambition à entraver les mesures bonnes ou mauvaises de la métropole à son égard, à faire de l'obstruction dans le Parlement, à entrer dans des marchanda-

ges politiques aussi stériles que peu honorables pour elle. Aujourd'hui, tout en renon-

çant provisoirement à séparer ses destinées politiques de celles de l'Angleterre, elle est en train de conquérir une

autonomie morale bien plus réelle et bien plus féconde que l'indépendance rêvée.

de

la Ligue gaé-

La Ligue gaélique, qui va prêchant le retour à la vieille langue nationale et au génie celtique, ne recruta d'abord ses adhérents que dans la jeunesse du pays. Celle-ci lique.

a répondu

avec' empresse-

de sorte que si, depuis dix ans, la ligue n'est pas numériquement plus considérable que mainte autre association politique ou agraire qui l'a précédée sans beaucoup de succès, elle est moralement plus forte; elle a ment

hostile. Aujourd'hui, dans 3000 écoles irlandaises, on enseigne le gaélique à c~5 00o élèves, contre 313 qui l'apprenaient il y a treize ans. En outre, le gaélique est enseigné à près de iooooo enfants des écoles primaires, écoles de nuit, écoles secondaires ou collèges officiels. Les directeurs de certains de ces établissements ont déjà fait savoir au public qu'à partir de cette année ils n'admettront plus un instituteur qui ne soit versé dans la connaissance du gaélique. De leur côté, la corporation de Dublin et mainte autre association de district se sont engagées à ne plus accepter de membres ignorant cette langue. Dans beaucoup d'églises catholiques, les prières sont faites maintenant dans la langue du pays. A la dernière fête de saint Patrick, l'église protestante de Saint-Kevin, à Dublin, a célébré son service religieux en irlandais exclusivement. Les grands établissements

commerciaux

ont tout intérêt à n'admettre que des commis parlant l'ir-

landais, beaucoup de leurs clients leur adressant leurs jeté des racines plus proVIEILLE FILEUSE IRLANDAISE. commandes dans cette lanfondes, et elle augmente Photographie comt/11Illiqzsée par le World's Work. gue. Les chemins de fer, les continue d'une manière plus continue banques, les bureaux de quelle assoassoque n'importe quelle poste, après avoir regimbé contre cette croisade, exiciation irlandaise depuis un siècle. Non seulement elle gent maintenant de leurs candidats la connaissance de a arrêté la rapide décadence de l'idiome gaélique, mais l'idiome national. Plusieurs milliers de .livres, versées elle l'a restauré avec promptitude et efficacité. Elle a chaque année par des souscriptions volontaires, pervaincu et conquis le ministère d'Éducation nationale mettent à la ligue de salarier neuf administrateurs (National Board of Education), qui lui était d'abord A TRAVERS LE MONDE.

7" LIV.

No

7.

18

Février ~905.


(organizers) qui, dans tous les cantons de l'île, contrôlent et dirigent la propagande. Partout se jouent des drames, partout se chantent des chants irlandais. Une grande fête annuelle, qui dure plus d'une semaine, réunit à Dublin une foule d'orateurs, poètes, dramaturges, historiens, romanciers, étudiants, musiciens, et des prix, médailles, sommes d'argent, etc., sont donnés aux plus méritants. Cela sans préjudice de concours du même genre institués en province. La littérature gaélique, dont le bagage était si mince il y a une douzaine d'années, a déjà créé une riche collection d'oeuvres de tout genre. Outre la presse exclusivement gaélique, les journaux de l'île qui sont rédigés en anglais donnent en langue gaélique les nouvelles gaéliques. On a fait des funérailles nationales plus imposantes que celles de Parnell au Père Eugène O'Growney, dont les (( Simples leçons en irlandais »

s'inquiéter de la provenance. La Ligue gaélique a fait une guerre acharnée à cette indifférence. Maintenant, ses membres repoussent les tissus anglais, les chaus-

sures américaines, les coiffures écossaises, les encres allemandes, les cigarettes françaises, etc. Tout cela se fabrique et se vend en Irlande. On a les toiles de Belfast, les biscuits de Cork, les papiers de Dublin. L'Irlandais fume, dans sa pipe irlandaise, du tabac irlandais. Fabricants, marchands, public, se sont donné tacitement le mot pour favoriser les industries nationales, dont le développement se manifeste par l'éclosion de nouvelles manufactures. Bien que l'industrie irlandaise soit encore loin d'être ce qu'elle devrait, ces débuts sont pleins de promesses et contribueront à arrêter le flot montant de

l'émigration.

Les ressotirces

naturelles de l'indttstrie irlandctt'se. Celle de ces in-

dustries dont le développement a été

jusqu'ici le plus rapide est le filage de la laine, soit à la main, soit à la machine. Les Irlandais n'ont pas tardé à s'apercevoir que ce

qu'on leur vendait en Angleterre comme de « pure laine » n'était jamais tombé de la peau d'un mouton. Les manu-

factures irlandaises, par contre, ont toujours livré d'honnête marchandise,

età aussi

bon comp-

te que celles de l'île

WARRINGSTOWN, VILLAGE D'OUVRIERS FILATEURS EN IRLANDE.

Photographie commtetaiqtcéepar le World's Work.

ont tant contribué à répandre cette langue. La génération d'aujourd'hui et celle de demain parlent et écrivent de préférence en irlandais, soit en littérature, soit en affaires. Les coutumes et les traditions nationales sont en train de ressusciter. Et ce mouvement ne se cantonne pas dans les idées pures il donne une forte impulsion à l'industrie du pays, dont il patronne les produits, inspire aux Irlandais confiance en euxmêmes et sentiment de leur dignité, met un frein à l'émigration, et combat l'alcoolisme, fruit du découragement et de la misère. C'est il y a cinq ans que l'industrie irlandaise s'est mise à revivre. Chaque année, des millions de livres sterling sortaient de l'Irlande pour des produits bruts ou manufacturés qu'on trouve à aussi bon compte et dans d'aussi bonnes conditions dans le pays même. Les manufacturiers irlandais attendaient leurs clients les bras croisés, les négociants s'adressaient à l'étranger, et le public achetait ce qu'on lui offrait sans

sœur. Ils favorisent donc, en s'adressant à elles, leurs propres intérêts au-

tant que ceux de la

patrie. Et les laines irlandaises ayant vogue même au dehors, ont vu doubler leur débit et tripler leurs revenus. Le filage à la main a pour centre les montagnes du Danyal occidental. Les filateurs sont de petits fermiers qui travaillent à la campagne tout le jour et, la nuit, s'assoient à leur petit métier. Leurs femmes et leurs filles filent et cardent la laine. Puis, prenant les sentiers qui franchissent collines et vallons, elles vont au prochain village vendre à un gros marchand la masse de laine tissée qu'elles portent sur le dos. Ce-

pendant, dans le nord de l'Irlande, cette industrie tend à décliner, à cause de la concurrence que lui font les cotons étrangers, dont le prix est plus modique. Ce qui empêche le plein développement des

manufactures irlandaises, c'est le manque de charbon indigène. L'Irlande en produit très peu. En revanche, la hoaaille blnrache, la force motrice tirée des eaux courantes, est une source de richesses encore inexploitée, mais riche de promesses d'avenir.


L'Irlande abonde en toute espèce de minéraux et de métaux fer, cuivre, plomb, étain, or, argent, qui sont à peine exploités. Toutes ces industries ont été tuées par un acte du Parlement, arraché par les puissantes industries rivales de l'île sceur. Mais il faut que cette injustice prenne fin, bien que les conséquences désastreuses doivent survivre longtempsàune loi déjà périmée. Toutefois, les industries privées (à domicile) restent, avec l'agriculture, la meilleure ressource de l'Irlande à l'heure actuelle. Ce sont, outre les filatures de laine, les broderies, le tissage du chanvre et du coton, les dentelles, les ouvrages au crochet. Tous ces métiers à la main ont pris un grand développement grâce aux efforts de certains philanthropes, qui ont eu à cœur d'enseigner aux jeunes filles un métier utile et qui n'excède pas leurs forces. Le département de l'Education technique n'a eu qu'à compléter l'œuvre de ces hommes dévoués. Il est vrai que le profit est assez limité, et adoucit à peine l'austère existence de ces pauvres montagnards irlandais. Les lois agraires nrr'ses à l'é~rerive. Le développement de l'agriculture a suivi une marche parallèle.

sa ferme avec ses enfants, plus, dans le temps des gros travaux, un ouvrier à la journée qu'il nourrit et paie

vingt pence par jour. Le petit fermier irlandais, sans avoir encore atteint le degré de prospérité du fermier anglais ou français, ne se trouve plus dans la position

gênée, sinon misérable, de ses pères; et sa position s'améliore de jour en jour, gràce aux lois agraires, au progrès de l'agriculture et à l'argent américain. On ne peut calculer le chiffre précis des sommes importées d'Amérique en Irlande; mais il est considérable. Beaucoup de pauvres jeunes Irlandais des deux sexes qui émigrent en Amérique envoient à leurs parents, qu'ils ont laissés en Irlande, tout l'argent qu'ils gagnent en dehors de ce qui leur est strictement nécessaire, et ces secours ont équilibré le budget d'un grand nombre de fermiers irlandais menacés de la ruine. De ces émigrants, un fort petit nombre consent à rentrer dans ses foyers après fortune faite. Ils préfèrent se fixer en Amérique, où ils sont indépendants à tous égards, et où leurs enfants ont des perspectives d'avenir qu'ils n'auraient pas dans la mère patrie. Et encore, de ceux qui reviennent en Irlande, la plupart ne comptaient y faire qu'une apparition rapide, et s'y

L'ÉVOLUTION DE LA VOITURE IRLANDAISE.

Photographie commaniquée par le World's Work. Il

y a vingt ans, l'Irlande était au point de vue agricole

dans un triste état routine, misère, incurie, telle était la situation en trois mots. Aujourd'hui, on réagit, on introduit des méthodes scientifiques, des machines perfectionnées. Ce n'est, hélas! qu'un commencement. Mais, d'après. les rapports du département de l'Agriculture et de diverses sociétés agricoles, les progrès sont réels. Les diverses lois agraires qui ont été promulguées dernièrement ont affranchi le fermier de la crainte de se voir arracher tout le fruit de son travail. Les décrets du Parlement ont mis un terme à l'exploitation du fermier par son propriétaire. Il est vrai que le dernier de ces décrets a causé quelque déception aux paysans. Ils espéraient, moyennant une rente annuelle de tant pour cent, devenir tout à fait propriétaires de leur petit lopin au bout de dix-huit ans. Mais la ténacité des propriétaires a fait évanouir ces espérances ou du moins les retarde de vingt-sept ans. Un fermier irlandais, dans des conditions normales, a besoin de six à douze acres de bonne terre arable, dont deux pour nourrir quatre vaches, deux pour deux veaux d'une année, et un ou deux pour des veaux de deux ans. Il n'use pas de chevaux. Il exploite

voient retenus par surprise, soit par le coup de foudre de l'amour, soit par l'ambition de jouer facilement un rôle en vue dans leur mère patrie. Le fléaac de l'émigration. -7 L'émigration est le grand mal dont souffre l'Irlande depuis un siècle et demi, elle ne cesse de drainer le pays. Dans les cinquante-trois dernières années, 4 millions d'Irlandais ont passé l'Océan. Pour la décade de 1841 à 1851, l'Irlande n'a pas perdu moins de i 600000 de ses enfants, soit le cinquième de sa population. En 1841, elle comptait 8 200 000 âmes; en 1901, elle n'en avait plus que q ç6o 000 Et si le chiffre des naissances baisse en Irlande dans des proportions alarmantes, c'est que la plupart des émigrants sont des jeunes gens, de sorte qu'on se marie beaucoup moins dans l'ile, où ne restent, trop souvent, que des vieillards, des infirmes, du moins des gens qui ne se marient pas ou dont le mariage est stérile. De sorte que l'Irlandais, autrefois si prolifique, peut maintenant donner la main au Français. Ceux qui ont à coeur les intérêts de l'Irlande prévoient avec désespoir que si ce mouvement continue, dans cinquante ans l'île sera dépeuplée Ils ont fondé une ligue pour enrayer ce courant; ils prêchent par


tous les moyens possibles, par la presse, par l'école, par la bouche des prêtres, l'amour du sol natal, les mécomptes qui attendent l'émigré au delà de l'Océan, le tort qu'il fait à sa patrie. Ils ont réussi jusqu'ici à diminuer cet exode de 5 pour ioo ce n'est rien, hélas! les Irlandais ont dans le sang le désir d'émigrer, ils ne rêvent que de l'Amérique. Aucune théorie n'y fera rien. Pour devenir efficace, cette campagne devrait s'attacher à faire revivre les traditions irlandaises de bonne humeur et de divertissements, fêtes nationales, etc., qui viendraient dissiper la monotonie engendrée par la contrainte anglo-saxonne et la pauvreté. Littérature, musique, beaux-arts, religion, tout devrait concourirà ce but rendre sensible à cette race artiste et vibrante qu'est la race irlandaise, le charme de sa patrie et les destinées qui l'attendent. Les considérations théoriques et abstraites, qui ont prise sur l'Anglais, sont, en Irlande, un coup d'épée dans l'eau.

lui, le dimanche, et se nourrit mieux. Ses enfants fréquentent les écoles nationales, où ils reçoivent une bonne éducation primaire, et plus d'un s'en va ensuite se fixer à la ville, où il entre dans une maison de commerce. Trop souvent aussi, on en voit qui émigrent, leur passage en Amérique étant payé par des parents ou amis qui les ont précédés dans ce grand pays. D'autres entrent comme domestiques chez les grands fermiers de la plaine ou des riches vallées qui débouchent sur la mer. décret du Parlement qui, Le « Laborer's Act il y a quelques années, a autorisé les sociétés locales à élever des habitations à bon marché pour les fermiers et journaliers, sur le modèle des cottages anglais, a donné de bons résultats. Mais ces cottages sont encore trop peu nombreux. Quant aux sociétés commerciales, elles sont beaucoup plus rares que dans d'autres pays. Les relatior~s de l'Irlande et de l'Aragleler~~e. L'acte de gouvernement que

ou

local, qui

a été

accordé

quelques années, et qui est une réalisation limitée du (( Home Rule », a délivré l'île de la mauvaise à

l'Irlande, il y

a

administration dont elle fut la victime. Les Conseils de districts et les Conseils de comtés ont fait preuve de sagesse et d'esprit pratique, et ont réussi à combler partiellement le fossé entre les classes privilégiées et les autres. En outre, la

Commissionde finances, qui a démontré que l'Angleterre avait, par une taxation exagérée des impositions, lésé l'Irlande pour une somme de 2 millions de livres, a (IRLANDE). P>iCHE A ROSSAPENNA ~LOTTILLE DE BA1'EIUX DE réuni dans une protestation unanime propriétaiPhotographie communiqzzée par le World's Worle res et fermiers, lorsque le Gouvernement britannique parla de passer l'éponge La Ligue gaélique s'efforce, non seulement de sur les erreurs du passé. ressusciter la langue nationale, mais de développer Les relations entre l'Irlande et l'Angleterre sont l'industrie du pays. Il faut, en outre, qu'elle fasse dans tout ceci le point capital. La race celtique est esrevivre les vieux usages, les vieux chefs-d' œuvre de la sentiellement sentimentale et jalouse de son indépenlittérature celtique, beaucoup plus riche qu'on ne s'en dance. Elle s'insurge contre l'ombre d'une contrainte. doute en Europe, bref tout ce qui peut rendre la vie Une chaumière plutôt qu'un royaume, dira tout Irlanplus douce, le cœur plus chaud, l'âme plus noble. dais digne de ce nom, si ce royaume devait subir le L'Irlande contient dans son passé tous les éléments de plus léger vasselage! Mais les hommes d'État anglais, cette résurrection intellectuelle. Et alors, quand ce sera à l'heure actuelle, se montrent suffisamment respecfait, le prestige du Nouveau Monde pâlira aux yeux tueux des droits et des libertés de l'Irlande, et une des volages enfants d'Erin. série d'actes du Parlement sur la rente, sur les imLe journalier pour Le sort dic fermier irlandais. pôts, là visite de la reine à Dublin, la liberté des les travaux agricoles, en Irlande, ne manque pas d'oucultes, etc., ont apaisé le sentiment national, s'ils ne vrage et vit bien. S'il se nourrit à ses frais, il touche l'ont pas absolument réconcilié avec la conquête jour, et ses enfants, qu'on de 40 à 65 « cents anglo-saxonne. Dans cinq ans peut-être, à coup sûr emploie aussi au moment des récoltes, gagnent de 122 dans quinze ans, l'Irlande jouira enfin du « Home à 24 cents. Les rapports entre journalier et laboureur Rule » sont très bons. Le premier est indépendant, et aussi D'après Mr SEUMAS MAC MANUS. respecté que le petit fermier. Il s'habille même mieux

par


La Mission ichtyologique de la

Baie d'Arguin.

L'ACTIVITÉ de M. Roume, qui tient à mettre en valeur toutes les richesses de son immense gouvernement de l'Afrique occidentale française; l'abandond'une partie de nos droits à Terre-Neuve la misère des pêcheurs bretons quand la sardine vient à manquer; toutes ces raisons ont, entre autres, contribué à pousser au premier rang des préoccupations économiques, la question du Banc d'Arguin, Le Banc d'Arguin est un immense haut-fond, de 120 kilomètres de long sur 110 de large, situé sur la côte occidentale de l'Afri-

entre le cap Blanc au nord et le cap Mirik au sud, que,

et où pullule le poisson. Sauf le hareng et la morue (et encore y trouvet-on leurs proches parents), ils y sont tous, notamment les poissons dits de conserve, et particulièrement la sardine et le thon. Les mulets ou bars y vivent par bancs; leur grouillement continu y produit, diton, un bruit semblable à la pluie qui tombe sur l'eau; il y a du homard et de la langouste dans les baies de la côte. Bref, il y a là un domaine ichtyologique très LE BANC DARGUIN ET LA riche à exploiter. Du reste, depuis des siècles, les pêd pêcheurs canariens et africains viennent y pêcher. Les Portugais étaient arrivés dans l'ile, qui porte aussi le nom d'Arguin, en 1453, au commencement de leurs navigations de découvertes sur les côtes occidentales d'Afrique ils l'occupèrent l'année suivante et y construisirent un fort dont on voit encore les ruines. En 1638, les Hollandais s'en emparèrent, et un peu plus tard, les Anglais leur en disputèrent la possession les Français, qui l'avaient prise de force en 1678, y dominèrent sans conteste depuis 1724. Les approches difficiles et l'aridité du continent firent négliger et fi-

nalement abandonner cet établissement, qui est cependant resté notre possession nominale. Il y avait peutêtre mieux à faire, et des spécialistes sont en train de s'y employer. La Société de Géographie commerciale de Bordeaux, soutenue par les encouragementsde M. Roume, a organisé une Mission « pour l'étude de la faune ichtyologique du Banc d'Arguin et son utilisation industrielle ». Son but est d'étudier, non une richesse sur laquelle tout le monde est d'accord, mais les meilleurs moyens d'en tirer parti.

Aussi, outre le personnel, scientifique, très restreint.d'ailleurs, l'expédition se composera de saleurs et trancheurs de Terre-Neuve et d'Islande, d'un préparateur de conserves à l'huile, d'un fumeur et de sé. cheurs, tous gens de métier, spécialement choisis et aptes, par conséquent, à tirer le meilleur profit du matériel qui sera mis à leur disposition il sera fait des essais de préparations par le sel, l'huile, le fumage etle séchage, de manière à montrer quelles sont celles qui s'appliquentle mieux à telle ou telle espèce déterminée de la région. Des sécheries spéciales seront installées sur la côte du Sénégal, destinées à étudier le parti qu'on pourrait tirer, pour la colonie, du poisson préparé en vert et séché sur la côte même par des procédés scientifiques et rationnels. Une assez grande quantité de ce même poisson, également préparé en vert, sera conduite à Bordeaux à la rentrée de la Mission et séchée dans cette ville, qui présente des conditions particulièrement favorables au séchage du poisson. Enfin, une vaste chambre frigorifique sera installée à bord du vapeur spécialement affrété pour la Mission et permettra de faire des essais de transport de poissons frais entre les

divers points de relâche dans la colonie même et entre celle-ci et la France. Mais la Mission ne se contentera pas d'examiner elle portera ses investigations sur la côte

le Banc

qui l'avoisine, et dont l'aménagement est aussi nécessaire pour l'exploitation COTE DU SÉNÉGAL. de la pêche que la richesse même du poisson et les profits à en tirer. La presqu'île du cap Blanc abrite des vents d'ouest la baie du Lévrier, où pourront s'élever plus tard nos établissements de pêche, hangars, séchoirs, etc. la baie de Cansado, la baie du Repos, la baie de l'Étoile, situées au-dessous de la baie du Lévrier offrent également des abris sûrs. La baie de Cansado présente, même au point de vue stratégique, une certaine importance, car elle possède des fonds accessibles à des navires d'un assez fort tonnage et pourrait servir à des transbordements de vivres ou de charbon. La baie du Repos, longue, étroite, probablement sans roches, se prête admirablement à l'installation des pêcheurs. Le gros inconvénient de cette côte réside surtout dans le danger des fonds le naufrage de la Médase en est la preuve et le souvenir historique. Dans la plaine qui s'étend au nord de la baie du Repos, au pied des premières hauteurs, les puits ne donnent que de l'eau salée; sans doute on trouverait de l'eau douce en creusant des puits plus éloignés du rivage et au delà du terrain rocheux. Le climat paraît sain le soleil est très chaud, mais les brises du nord rendent en hiver la température très supportable.


Le sel nécessaire à la préparation du poisson abonde sur toute la côte; à côté des salines naturelles,

on pourrait facilement en installer d'artificielles. Un autre avantage est encore à considérer la pêche peut s'opérer à une saison qui permet de faire le débarquement des produits aux ports où on les destine avant d'armer les bateaux pour les campagnes de la morue à Terre-Neuve ou en Islande. Malgré ces avantages, on constate que les Espagnols n'ont pas fait d'établissements à terre; mais il n'en faut pas conclure à l'impossibilité.Leurs goélettes viennent dans les baies chercher un abri momentané, d'où elles envoient pêcher leurs chaloupes; la proximité des Canaries leur permet de se passer d'autre installation. N'ayant pas une ressource pareille à proximité, nous serons bien obligés de recourir à des établissementsconstruits sur la côte. La Mission de la Société de Géographie de Bordeaux nous apprendra précisément à connaître les meilleurs endroits et la meilleure manière de nous y installer.

Comment les Japonais réprimèrent naguère une Insurrection chinoise à Formose. VERS le mois de mai 1902, dans Formose, qui est colonie japonaise depuis la guerre de Chine de 1895, une nouvelle sensationnelle se répandit on avait rencontré quelque part une eau mystérieuse, mystérieuse par ses origines, plus mystérieuse encore par ses pro-

priétés. Elle avait jailli par la toute-puissance d'une

idole vénérée depuis des siècles sous le nom de Zuan-

técum.

Cette eau de bénédiction, on l'appelad'un nom charmant, poétique comme tout ce qui est chinois, on l'appela ({ Eau parfumée ». Quant à ses propriétés, elles étaient multiples et souveraines, elle débarrassait de leur vice les fumeurs d'opium les plus endurcis, rendait la vue aux aveugles, l'usage de leurs membres aux paralytiques; surtout elle communiquait une énergie nouvelle à la race chinoise pour l'aider à secouer la domination japonaise. Pour que la source produisît son effet bienfaisant, il fallait se dépouiller de tout objet sentant le japonais; c'est ainsi qu'on défendit rigoureusement le tabac, les allumettes, les bouteilles de verre et une foule d'autres articles d'importation. Au début, l'Idole n'avait pas été aussi sévère et les pèlerins avaient pu recueillir l' « eau parfumée dans des bouteilles ou des boites de conserves mais, dans la suite, Zuantécum le prohiba formellement,parce que c'étaient là des choses étrangères, et la foule docile se contenta de la puiser dans de misérables cruches de terre, ou plus souvent encore, dans de simples tubes de bambou. Les Japonais n'intervinrent pas tout de suite, ils feignirent d'ignorer ce qui se passait, c'était là, suivant eux, une ,de ces superstitions multiples comme il y en a tant en Chine. Mais ils ne tardèrent pas à s'apercevoir que quelque

chose de grave se préparait; de jour en jour, l'aversion des populations se faisait davantage sentir contre tout ce qui était japonais. Ils interdirent le pèlerinage. Il ne s'agissait pas là d'une simple superstition le peuple, c'est vrai, était un instrument inconscient, mais il y avait des têtes qui mûrissaient une insurrection. La mesure prise par les japonais le fit bien voir. En effet, au début, on venait de toute l'île puiser l' « eau parfumée un lieu unique, mais, après la prohibition du Gouvernement, les sources se multiplièrent, de façon à multiplier les centres de conspi-

en

ration. Loin de diminuer avec le temps, la foi des populations se fortifiait en même temps que les récits de guérisons se faisaient plus nombreux; on racontait que

plusieurs japonais avaient été effroyablement châtiés par Zuantécum pour avoir osé s'opposer aux pratiques de son culte. Fatigués et inquiets, les japonais invitèrent les populations à mettre fin immédiatement à cette comédie et menacèrent des châtiments les plus sévères ceux chez qui on trouverait de l' « eau parfumée r. Le peuple eut peur et il obéit. A quelque temps de là, deux ou trois postes de police furent attaqués. Les japonais virent qu'ils ne s'étaient pas trompés et qu'il ne s'agissait de rien moins que d'un soulèvement. Ils se mirent énergiquement à la recherche des rebelles. Tous ceux qui tombaient entre leurs mains et qui étaient reconnus coupables ou seulement soupçonnés de l'être étaient immédiatement mis à mort. Huit mois après cette malheureuse tentative, il tombait encore chaque jour quelques têtes, et l'implacablejustice du Gouvernementne s'apaisait pas. Enfin au mois de février 1903, une proclamation annonça l'amnistie complète pour ceux qui viendraient faire leur soumission. Les malheureux rebelles ne 'doutèrent pas un instant de la bonne foi des Japonais ils sortirent de leurs cachettes, ceux.qui s'étaient réfugiés dans les bois reparurent dans leurs familles. Les japonais les reçurent de la façon la plus cordiale et n'exigèrent rien d'eux, ou plutôt presque rien, une simple formalité, qu'ils déclarassent leur résidence, de façon qu'on pût s'assurer de la sincérité de leur soumission. Pour leur enlever tout prétexte à s'éloigner de leur village, le Gouvernementles nourrissait et même leur fournissait une petite indemnité qui leur permettait de vivre sans vaquer à leurs occupations. La période de surveillance terminée, chacun put reprendre sa liberté, son commerce, ses voyages. La confiance

était revenue entière, les ombres de suspicion s'étaient dispersées.

japonais annoncèrent un grand banquet, donné en l'honneur des amnistiés, pour fêter la paix retrouvée. Rien ne devait manquer; pour rendre ce banquet aussi agréable que possible, des comédiens furent engagés, et l'on sait combien les Chinois goûtent les représentations théâtrales. Les rebelles n'étaient, du reste, pas les seuls conviés, les autorités devaient être de la fête, ainsi que la plupart des Chinois de marque. Mais il était bien entendu que les hommes du jour, c'étaient les rebelles soumis; à eux tous les honneurs. Il convenait donc de les distinguer de la masse, et il fut convenu que les Le 25 mai, les


uns porteraient une fleur blanche, les autres une fleur rouge. Le jour de la fête, les invités se pressent nombreux dans les principaux bourgs. La salle du banquet est le tribunal ou encore la caserne. A mesure que Jes convives se présentent, des japonais les accueillent à la porte avec mille politesses et aveç mille excuses, les prient de déposer leurs armes à l'entrée; c'est là un simple dépôt, elles leur seront rendues à la sortie. Lorsque tous les invités se trouvent réunis, les portes sont fermées soigneusement, les pétards, inévitable condiment de toute réjouissance chinoise, éclatent de toutes parts, c'est le signal. Une bande de Japonais se précipitent le sabre au poing, se ruent sur ceux qui portent la fleur blanche, frappant à droite, à gauche avec une fureur sauvage. Quelques malheureux sautent par la fenêtre, mais une garde y a été placée qui les attend et les massacre impitoyablement. Dans le village de Tau-dak, un des convives est parvenu à passer un revolver dissimulé dans un de ses bas; au moment de l'attaque il s'en arme; et, coupsur coup,

abat trois

des assassins.

Dans un autre centre, les japonais n'agirent pas avec autant de barbarie, mais le résultat fut le même. La salle du festin fut envahie, les convives porteurs de la fleur blanche furent saisis, garrottés et décapités.

jour mémorable, deux cents Chinois furent mis à mort. Quoique les japonais eussent préparé leur coup En ce

avec la plus grande réserve, usant de toute la prudence possible pour n'éveiller aucun soupçon, quelques-uns des Chinois plus compromis se méfièrent et ne se présentèrent pas au banquet. Quand ils apprirent ce qui s'y était passé, ils comprirent qu'ils n'avaient rien à attendre des japonais et se sauvèrent dans les bois. Le Gouvernement craignit que ces quelques malheureux ne tentassent un dernier effort en faveur de l'insurrection; il mobilisa aussitôt ses troupes, fit une levée d'hommes du pays plus habitués au terrain, plus résistants aux intempéries du climat. Divisées en plusieurs colonnes, ces troupes se répandirent dans le pays. Qu'y firent-elles? il est difficile de le savoir au juste. A encroire des Chinois qui les ont vues opérer, il y aurait eu un nombre énorme de coupables et d'innocents mis à mort. Les massacres furent tels en certains endroits qu'on n'y épargna que les femmes. et encore, pour elles, la mort aurait mieux valu Les japonais les obligèrent à se réunir par groupes de cinquante dans des sites déterminés et leur interdirent de s'en éloigner sous peine de mort. Les rizières, les plantations avaient été détruites; les gens de la plaine, qui d'ordinaire font le commerce avec la montagne, ne se hasardaient plus à monter de telle sorte que ces malheureuses créatures en furent réduites à se nourrir de rondelles de bambou cuites à l'eau elles n'avaient même pas de sel pour assaisonner ce mets insipide. Cela dura plusieurs mois. Dans laplaine, larépression futtout aussi sévère à certains jours, personne n'osait sortir de son village dans la crainte de tomber entre les mains des farouches patrouilles japonaises; un passe-port en règle n'était même pas toujours une sauvegarde suffisante. Pour aller d'un village à un autre, il fallait un permis de l'autorité locale, et malheur à celui qui sortait sans s'en être muni sa tête n'était pas en sûreté sur ses épaules.

C'est ainsi que les Japonais arrêtèrent cette

insurrection. Dans le village

de Tau-dak, les chefs du mouvement avaient été de gros commerçants; le Gouvernement en conclut qu'il avait dû en être de même partout, et pour éviter que pareils faits ne se reproduisissent,il confisqua les biens des riches en les

frappant d'une amende exorbitante, sans preuve

aucune de leur culpabilité. Ce ne fut pas encore tout une circulaire administrative exigea de chacun qu'il déclarât son capital, le genre de commerce dont il vivait, ses recettes annuelles, ses dépenses. Les laboureurs durent sp¿cifier le nombre de leurs boeufs et faire le détail de leurs troupeaux et de leurs biens. Quelques mois après, des employés du Gouvernement sillonnèrent le pays, réclamant 200 piastres ici, 300 là; il s'agissait d'un emprunt que faisait le Gouvernement. Malheur à celui qui se refusait à payer la taxe ou qui cherchait à s'y dérober par un prétexte il y allait de sa vie. Qu'est devenu cet argent? quelles proportions a pris cet emprunt nouveau genre? c'est ce que nul ne dira. Après les massacres, le pillage; il est certain que ce sont là deux moyens singulièrement efficaces pour arrêter momentanémentune révolte mais est-ce là de la civilisation ? Les Japonais ont longtemps été des sauvages sanguinaires, ils le sont encore; ils pourront prendre de notre civilisation les dehors, les apparences, le faux luxe, ils n'en resteront pas moins des fourbes sournois, soupçonneux et vindicatifs. F. HEDDE.

Strasbourg. vol. petit in-4~, illustré de 115 gravures. Broché, 4 francs. Relié, 5 francs. (Envoi franco contre mandat-poste à H. Laurens, éditeur,

Henri Welschinger.

6, rue de Tournon. Paris, VIe.) IL suffit de prononcer le nom de Strasbourg pour éveiller aussitôt en France les plus vives sympathies. M. Henri Welschinger a traité l'histoire de la vieille cité avec une sincérité et une ardeur pénétrantes que lui inspiraient sa conscience d'écrivain et les liens indissolubles qui l'attachent à l'Alsace, sa patrie. 11 a ravivé de chers souvenirs que comprendront tous ceux qui liront son livre, et il a décrit avec compétence et avec goût les joyaux dont Strasbourg est orné, ses édifices, ses places, ses vieilles maisons, ses quais pitto-

resques et son incomparable cathédrale. C'est ainsi que sous

les yeux du lecteur charmé passent, avec de belles et fidèles gravures, les vieux croquis de la ville, les anciens costumes, les tableaux célèbres du musée, les statues de Kléber, de Gœthe, de Sabine et d'Erwin de Steinbach, les tombeaux du maréchal de Saxe, de ¡-évêque Adeloch, de Koch et d'Oberlin, les divers aspects de la cathédrale à l'intérieur et à l'extérieur, le château des Rohan, l'auvre Notre-Dame, les curieuses

reproductions du fameux manuscrit le Hortus `Deliciarum, les ponts couverts et les moulins, le Rabenhof et la Petite France, sans oublier les pompeux édifices de la nouvelle ville. Grâce au beau livre artistique et historique de M. Henri Welschinger, parmi les villes d'art célèbres, Strasbourg apparaît comme une de celles qui, à tous les points de vue, offrent le plus d'attraits au lecteur.

P. Leroy-Beaulieu. fer transsahariens.

Le

Sahara le Soudan et les chemins

vol. in-80. Guillaumin,

19°4, Paris. Nous avons consacré une chronique entière dans A Travers le Monde 19°5, p. 30 à cet intéressantouvrage. Nous y renvoyons nos lecteurs. de


Effets matériels produits par le

tillerie.

tir de l'ar-

L'on n'est pas sans avoir remarqué la disproportion flagrante qui existe entre la perfection des engins d'artillerie et le nombre relativement restreint des victimes qu'ils font à la guerre. D'où peut provenir en campagne ce peu d'efficacité de matériels d'artillerie si puissants sur le polygone ?7 Pour l'artillerie comme pour l'infanterie, le perfectionnement du matériel ne donne de résultats supérieurs que si la troupe est à même de servir correctement les pièces et de se servir avec sang-froid des appareils de pointage. La fatigue ou la surexcitation des servants, la difficulté de bien discerner les objectifs et d'observer les points de chute ou d'éclatement, la recherche de rapidités de tir excessives ramène les résultats obtenus à la guerre bien au-dessous des résultats de polygone, quelque soignée qu'ait pu être l'instruction antérieure en temps de paix. « Il est donc, remarque l'Allgevraeine scbu~eiferiscbe Militcer~eitung, extrêmement faux et très regrettable de vouloir en ce qui concerne l'armement actuel, baser des règles d'emploi tactique sur les capacités balistiques du matériel, c'est-àdire sur les résultats de polygone. Les causes matérielles principales du peu d'effets du tir de l'artillerie peuvent être ramenées à trois principales, dans la guerre actuelle: extrême 1 Tendance à engager la lutte d'artillerie à portée des armes, comme le montrent de nombreux exemples antérieurement cités par nous; 2° Difficulté très considérable, à ces grandes portées principalement, d'observer les points de chute et d'éclatement, observation qui est la base du réglage du tir; 3° En ce qui concerne les effets sur l'artillerie adverse, emploi de plus en plus grand dans les deux armées des positions de batteries hors de vue, très en contre-bas ou en arrière des crêtes couvrantes pour dissimuler même la lueur des coups de canon. Ces procédés, motivés par le sentiment de la conservation personnelle, empêchent de tirer tout le parti possible des moyens d'action du matériel, qui ne peuvent entrer en jeu que si les batteries sont animées d'un violent désir d'agir et de coopérer à la décision de la lutte en se rapprochant à tout prix de l'adversaire pour pouvoir donner à leur tir une complète efficacité et appuyer en toutes circonstances les efforts de l'infanterie. Tel est le but qu'on a voulu atteindre dans toutes les armées en augmentant sans cesse la légèreté et la manœuvra. bilité du matériel d'artillerie de campagne. Mais cela exige dans l'artillerie, comme dans les autres armes, un esprit offensit très développé, ce qui est presque en opposition naturelle avec la puissance balistique de plus en plus grande du matériel. Or cette puissance conduit tout naturellement l'artillerie à rechercher la lutte à grande distance et les longs stationnements sur les mêmes positions si le commandement ne réagit pas contre ces fâcheuses tendances. Plus le perfectionnementde l'arme donne la tentation de tirer à grandes portées, plus on doit énergiquement réagir contre ce désir naturel par l'éducation et par l'ensei-

gnement tactique. »

Les réservistes japonais.

Nous empruntons Revue die à l'Internationale uber Gesammten Armeeaz und Flottera les renseignementssuivants sur la manière dont est conduite l'instruction destinée à remettre en main les réser. vistes japonais rappelés sous les drapeaux avant leur envoi sur le théâtre de la guerre. Cette instruction commence par les exercices gymnastiques les plus simples, pour habituer progressivementles hommes à la fatigue. Après les premiers jours de travail, une semaine est exclusivement consacrée à la marche, en augmentant successivement les distances parcourues. Pendant une deuxième semaine, les distances sont encore augmentées, et l'homme porte le paquetage complet. Au bout de ces quatorze jours, l'instruction va plus rapidement. On combine avec les manoeuvres des exercices de franchissement d'obstacles de toute nature qu'on a établis en

grand nombre sur les terrains de manoeuvre.

Le premier obstacle consiste en un fossé large de

pieds, qui doit être franchi en sautant; puis vient un mur de 4 pieds de haut; puis un fossé large de 30 pieds, qu'on franchit sur des poutres d'un pied de large. Ensuite, il faut 9

franchir une palissade haute de 8 pieds et, pour finir, enlever à l'assaut un ouvrage en terre. Cet ouvrage a un fossé profond de 10 pieds et large de 20 pieds. On observe avec la plus grande exactitude les prescriptions relatives au franchissement de ces obstacles, et c'est une règle qu'on ne commence les exercices de tir journaliers que quand tous les hommes ont exécuté d'une manière satisfaisante les exercices d'escalade. Quand le réserviste a reçu ainsi une bonne instruction préparatoire, on commence les manoeuvres de compagnie et de bataillon, et, au bout de deux mois, les troupes sont transportées dans de grands camps d'instruction voisins des points d'embarquement. C'est de ces camps que les réservistes sont envoyés sur le théâtre de la guerre.

Emploi des chiens par les Japonais.

Nous

avons appris, par les journaux russes, l'emploi par les japonais aux avant-postes, de chiens dressés à signaler l'approche de l'ennemi. Cet emploi serait, d'après le Novoïé Vrémia, tout à fait généralisé chez eux, grâce à la circonstance suivante. De nombreux chiens chinois, dont les maîtres ont quitté le pays occupé par les troupes, restent sans nourriture et sont retournés presque à l'état sauvage. Les japonais les utilisent.. en traînant en avant de leurs postes des entrailles d'animaux abattus ou des animaux morts. Les chiens viennent pendant la nuit pour les manger, et inquiets à l'approche de l'homme de crainte qu'on ne les écarte de leur pâture, aboient dès que quelqu'un arrive à proximité, ce qui prévient les japonais de l'approche des patrouilles russes. A défaut d'animaux, les japonais se serviraient même de cadavres chinois pour attirer ainsi les chiens. Du moins le correspondant du Novoië lirénaia, qui semble être un officier, l'affirme d'une manière positive.

Déchets de l'armée russe par blessures et

par maladies.

Un télégramme du général Trépov, inspecteurgénéral des services sanitaires de l'armée russe en Mandchourie, adressé au Rousskii Invalid, nous apprend que tous les malades et blessés dont la guérison est espérée à bref délai sont évacués sur la zone la plus rapprochée de l'armée, zone comprenantla Transbaïkalie,la circonscription militaire de l'Amour, la Province maritime et la Mandchourie septen-

trionale.

Ceux qui exigent un traitement très long ou sont regardés comme invalides, sont évacués sur la Sibérie occidentale et la Russie. C'est cette dernière catégorie qui constitue, en

dehors des décès, les véritables déchets des troupes russes d'Extrême-Orient. En voici, l'importance numérique. Evacués au 1-14 décembre en Russie Officiers 520 Officiers

malades. blessés

blessés. Total

Troupe, Troupe, malades En

Total

570

090 5'085 5 834 12 2

003

outre, il a été encore évacué des théâtres de la

guerre et renvoyé chez eux 941 blessés et libérés à titre définitif; 956 malades libérés de tout service; 1 2 o6 blessés en congé d'un an; 3 948 malades. Total, 8 906 hommes. Le déchet définitif, en dehors des morts, est donc jusqu'à présent de 2 897 hommes seulement, considérés comme invalides. Les 6 009 hommes envoyés en congé d'un an pourront sans doute rentrer en majeure partie dans le rang au bout de ce laps de temps, mais ils n'en doivent pas moins être dès maintenant remplacés.


L'OEuvre de la Société centrale de Sauvetage

des Naufragés Parmi les czuvres de solidarité humaine, il n'en est pas qui présente plus d'intérét que l'uvre de la Société centrale de Sauvetage des naufragés. C'est une gloire bien française,faite de dévouement et de sacrifice, qui rnyonne sur la po~ulation internationale des hommes de mer. Chaque année des milliers d'existences humaines sout, par ses soins, arrachés à la mort, et nous sonanzes heureux de saluer le succès croissant de cette admirable Soczëté. soir de l'année 1864, dans l'atelier du peintre de U marine Gudin, château de Baujon, quelques au

hommes de bonne volonté se réunissaient pour s'entretenir des moyens de venir en aide aux naufragés sur les côtes de

France; de leur entretien sortit le germe de la créa-

tion de la Société Centrale i. Deux mois après, le dévouement de ces quelques personnes avait grou-

pé autour de leur projet

assez de sympathies pour que l'œuvre projetée comptât déjà un nombre

importantd'adhérents; on dut alors songer à former un Conseil d'administration. L'amiral Rigault de Genouilly accepta la présidence de la Société; un règlement et des statuts

On a coutume de dire qu'en France l'initiative privée est hésitante et timorée, et beaucoup de personnes finiraient par le croire si des exemples du contraire, comme celui de la création de la Société Centrale (et il n'est pas le seul), ne venaient donner à cette assertion décourageante un brillant démenti. La vérité est que, dans notre pays, on ne fait jamais appel en vain à la générosité du public, lorsqu'on lui montre clairement un but philanthropique à atteindre, et il n'en est pas de plus beau que celui que s'était proposé la Société Centrale et qui se résumait à ceci arracher à la fureur des flots les victimes trop nombreuses qu'elle faisait chaque année sur nos côtes. De

même qu'on procédait au balisage et à l'éclairage, au moyen de phares, des points les plus dangereux du littoral, n'était-il pas

furent élaborés; les souscriptions publiques affluè-

rent, car 12

8 54 donateurs

avaient répondu au premier appel; enfin, le 17 novembre 1865, la Société était reconnue d'utilité publique, et sa première assemblée générale avait lieu le 14 juin suivant.

nécessaire de créer une

UN CANOT DE SAUVETAGE PORTE SECOURS

UN IIATINIENT EN DÉTRESSE.

D'après une plaotographie.

Voir le rapport présenté par M. E. Duboc, au Congrès international d'Hygiène et de Sauvetage de Paris (3 septembre /904). 1.

A TRAVERS LE MONDE.

A

Se LIV.

organisationpuissante, en vue de se porter au se-

cours des navires en détresse, quel que fût leur

pavillon, et de procéder au sauvetage des épaves humaines, exposées à périr de la mort la plus affreuse? Les moyens de secours sur notre littoral, au No 8.

'5

Février ~905.


commencement de 1866, existaient déjà; ils comprenaient des canots de sauvetage, mais en très petit nombre, et quelques appareils porte-amarres, d'un système rudimentaire et d'une efficacité douteuse. Il existait, en tout et pour tout, huit stations de canots de sauvetage appartenant aux corporations ou sociétés locales ci-après dénommées les Sociétés humaines de Dunkerque, de Calais et de Boulogne; les Chambres de commerce du Havre et de Honfleur; la Société de sauvetage maritimede Provence, et la Société d'AiguesMortes. C'était bien peu pour un développementde côtes de 2 40o kilomètres, et tout le monde s'en rendait d'autant mieux compte à cette époque. qu'en cette même année 1866 la Société Centrale, tout en créant 16 stations'. d'un seul coup, publiait la première statistique qui eût été faite des naufrages ayant eu lieu sur

n'en existait pas; et, enfin, agissant par elle-même, de compléter l'action de ces associations par l'organisation sur la côte de postes pourvus de divers engins de secours reconnus les plus utiles. Tel est le programme que la Société s'était tracé, programme n'ayant qu'une raison d'être secourir les naufragés avec le concours de tous, dans un commun dévouementet une solidarité d'efforts excluant toute rivalité. Pour remplir ce programme, la Société s'organisa au Conseil d'administration s'ajoutèrent des Comités, des Commissions, des Délégations. Sur tous les points dangereux des côtes furent créées des stations de sauvetage, canot et maison-abri. L'armement réglementaire d'un canot de sauvetage comprenant io avirons, chaque station compte vingt-deux hommes, soit deux équipes complètes, plus le patron et le

sous-patron.

Ces

deux derniers sont choisis par les canotiers et nommés au

scrutin secret. Le patron et le sous-

patron reçoivent tous deux une solde annuelle. Ils sont

chargés de l'entretien du canot et de la bonne tenue de la

maison-abri.

Des

gratifications

leur

sont généralement allouées à la suite des inspections pé-

riodiques. Enfin, ils

ont droit à

des pen-

sions de même valeur que la solde LE BAPTLME DU

lorsqu'ils atteignent la limite d'âge.

CANO'1~ DE

SAUVETAGE.

D'après une photographie. les côtes de France. Elle portait sur quatre années (1862-1865) et relevait 986 navires ayant subi des accidents de mer, dont 55° pertes totales. Quatorze cent quatre-vingt-trois marins avaient péri dans les flots; et encore, dans ce chiffre, on n'avait pas eu à constater de ces effroyables catastrophes, où matelots et passagers disparaissent subitement avec le navire. Telle était la situation, sous le rapport des sinistres, au moment où la Société centrale entrait en lice. Elle déclara bien haut qu'elle ne venait ni absorber ni détruire les sociétés existantes. Loin de là, elle prenait soin d'écrire en tête de ses statuts qu'elle se proposait de se mettre en relations avec ces sociétés locales et de venir à leur aide, soit par des subventions, soit par le don d'appareils de sauvetage; de faciliter la formation d'associations semblables là où il 1. A Barfleur, Saint-Malo, Audierne, Saint-Jean-de-Luz, Gravelines, Berck, Dieppe, Portrieux, Roscoff, Lampaul (Ouessant), île de Sein, île de Groix, Etel, La Cotinière (île d'Oléron), Carteret, île Molène..

Les canotiers, y compris les pa-

trons et sous-patrons, reçoivent des indemnités toutes les fois qu'ils prennent la mer, avec des tarifs spéciaux soit pour les sorties d'exercice réglementaires qui ont lieu tous les trois mois, soit pour les sorties de sauvetage de jour ou pour les sorties de nuit. A ces indemnités s'ajoutent des gratifications si la longueur et l'importance de la sortie le comportent. Enfin, si le sauvetage accompli a été particulièrementdifficile et périlleux, il est attribué aux canotiers qui y ont pris part des récompenses honorifiques graduées suivant l'échelle suivante diplôme d'honneur, médaille de bronze, médaille d'argent de 2e et Ire classe et médaille d'or. Ceux qui pour la deuxième ou troisième fois, ce qui n'est pas rare, ont mérité des médailles d'argent ou d'or, reçoivent, en outre du diplôme, et s'ils le préfèrent, une montre en or ou des jumelles d'honneur au lieu de la médaille. En cas de mort, au cours d'une sortie de sauvetage ou d'exercice, ou d'accident grave, il est attribué des secours et des pensions aux veuves ou aux ascendants de ces victimes du devoir; si le canotier meurt


de maladie, des secours sont distribués aussitôt à sa veuve, suivant le nombre des orphelins restés à sa charge les orphelins deviennent titulaires de livrets de caisse d'épargne, dont le capital et les arrérages

leur sont remis personnellement à leur majorité. A chaque naissance survenant dans une famille de canotier, un secours est attribué à la femme, et cet encouragement à la repopulation paraît très efficace, puisqu'il a entraîné en 1903 une dépense de près de 5 00o francs. Quels sont les résultats de cette organisation? Des chiffres éloquents montreront que la Société a merveilleusement atteint son but. Depuis 1865, ioi stations de canot ont été successivement créées elles ont coûté en mOY(tnne 30000 francs pour la maison-abri, le canot, le chariot et la cale du lancement. Si l'on considère qu'en 1876 le président de la Société estimait à 6o au minimum le nombre des stations nécessai-

sente pour les économistes que le dixième de la valeur de la vie humaine, des milliers de braves marins aient été rendus à leurs familles? Il faut lire dans les Annales du Sauvetage les rapports de stations adressés par les patrons de barque au président de la Société. C'est un livre d'or de l'héroïsme simple et grand. En voici un exemple (( MONSIEUR LE PRÉSIDENT,

J'ai l'honneur de vous donner connaissance de la sortie effectuée dans la journée du 7 novembre, par notre canot Co~nte et Corntesse Foiccber de Saint-Faron. a Le temps était très mauvais, la mer très grosse; le vent soufflait avec furie et il tombait une pluie torrentielle. ((

res pour assurer le service des côtes, la

Société peut se vanter d'avoir fait plus que le nécessaire. Mais elle continue son oeuvre, améliorant les stations déjà or-

ganisées, en créant encore de nouvelles. Pour subvenir

à ces

différentes dépenses, elle dispose d'un budget annuel qui atteint 260 000 francs environ, et qui est dû en grande partie à la générosité du public. Depuis la fonUN MOUSSE AGITE SA CLOCHETTE POUR RÉUNIR L'ÉQUIPAGE DU CANOT DE SAUVETAGE. dation d-'l de la Société, il D'après une photographie. a été dépensé jusor janVier janvierIgo4, qu'au qu au 11 <, 1 904, tant pour achat de matériel, pour indemnités et récom« Prévenu à midi et demi qu'une chaloupe de pêche était en perdition sur les rochers Pénévic, à penses aux canotiers, que pour secours, entretien de matériel, etc., une somme globale de 837° 149 francs. 3 milles dans l'est du port, je fais mettre le canot à la Or la Société a sauvé 13 8 13 personnes pendant mer. Ce dernier part immédiatement; nous le suivons des yeux pendant dix minutes, mais les grains et la ce même laps de temps; le prix d'une vie humaine sauvée a donc été de 605 francs. pluie font tellement rage que nous le perdons bientôt Il nous paraît intéressant de rapprochercechiffre de vue. Cependant au bout d'une heure, une éclaircie de 605 francs de la valeur écononzique de la vie huznaine se fait dans les nuages, et au moyen de jumelles, nous pour le travailleur adulte, calculée par le Dr Rochard, apercevons à l'horizon deux points noirs, dont l'un inspecteur général du service de santé de la marine, semblable à un oiseau, tantôt visible, tantôt caché dans une conférence qui eut le plus grand retentissepar les vagues, gagnait rapidement du terrain. ment en Europe lors du Congrès international d'hy« Pendant ce temps, notre canot ne reste pas giène tenu à La Haye en 1884. L'auteur de ce mémoire inactif; trois fois il s'approche de la chaloupe qui n'est estimait que la valeur économique d'un travailleur plus qu'à une faible distance des dangereux rochers pouvait être estimée à 6000 francs. trois fois il en est éloigné par les vagues qui brisent N'est-il pas consolant que pour cette somme de avéc fureur. Mais le patron Jégou est là, dirigeant les 605 francs, relativement minime, puisqu'elle ne reprémouvements de ses canotiers avec un sang-froid et


une énergie qui ne se démentent pas un instant. Profitant d'une accalmie, il lance une remorque et réussit à faire prendre le large à la barque en détresse, qui est ensuite mouillée à un endroit où elle n'est pas exposée. Les sept hommes composant son équipage, trempés jusqu'aux os et exténués par plusieurs heures de lutte, sont embarquésdans le canot de sauvetage. où nos sauveteurs se disposaient cc Au moment à rallier le port, ils aperçurent, sous les rochers de Guilvinec, un bateau faisant des signaux de détresse. Ils n'eurent pas une minute d'hésitation. côté et recon(( Vivement ils se dirigent de ce naissent bientôt la chaloupe Louis, du port de Kérity, qui, dans la violence de la bourrasque, avait perdu voiles, chaînes, cordes, et n'ayant plus rien pour résister, s'affalait rapidement sur les rochers. « Les trois hommes d'équipage sont embarqués dans le canot de sauvetage, et la barque est prise à la

tiers, tous au même titre, pour la seule raison qu'ils sont des hommes dont la vie est en danger, vie infiniment précieuse et d'un prix inestimable pour leurs familles, trop souvent éprouvées par les naufrages et la misère affreuse qui en est la conséquence.

Allemands~7et Anglais dans le

Pacifique.

DES incidents récents prouvent qu'une importante question met actuellement aux prises l'Angleterre et l'Allemagne dans les îles de l'océan Pacifique. De tous les éléments de l'empire britannique, le dernier né, le Commonwealth australien,

est le plus

ardent dans ses

EXERCICE DE CANON POR1'E-AD1ARRES.

D'après une photographie.

remorque. Mais le temps est trop mauvais pour regagner Kérity. Jégou se décide à faire route sur Guilvinec où les dix naufragés sont mis à terre et réconfortés par la population qui s'était portée tout entière au-devant d'eux. Quant à nos braves sauveteurs, ils avaientlutté pendant six heures contre les éléments déchaînés; leur fatigue était extrême. « Le Présiclent du Conaité central,

P. COLLIN (de Kerity-Penmarck). »

Nous sommes à une époque où les guerres sanglantes sont l'objet de la réprobationuniverselle, et où les hommes de bien doivent rechercher les moyens de réaliser le rapprochement fraternel de tous les peuples. Or, parmi les 1 3 813 personnes sauvées par la Société Centrale au cours des trente-neuf dernières années, il n'a pas été fait le compte des nationalités différentes auxquelles appartenaient ces malheureux naufragés arrachés à la tempête; et c'est à dessein qu'a été évité ce calcul, car les marins, quel que soit leur pavillon, sont tous des frères etont droit audévouement des cano-

convoitises. Or l'Allemagne a dans le Pacifique d'assez importantes possessions. Depuis son éveil à la politique universelle, elle a dirigé de ce côté son ambition et son effort. Appuyées à l'ouest sur Kiao-tchéou (côte chinoise) les colonies allemandes du Pacifique îles Marshall, Brown et Providence, au nord-est; Nouvelle-Guinée allemande, avec le groupe des Carolines, Palau et Marianne, au nord les Salomon et l'archipelBismarck(Nouvelle-Bretagne), à l'est; enfin Samoa qui, plus à l'est encore, domine la ligne d'Auckland à Honolulu forment une sorte d'arc qui commande les routes de l'Australie. Dans toutes ces îles, la colonisation est des plus actives. Des milliers de plantations sont exploitées. Une base navale a été créée dans l'archipel Bismarck. Ces succès ont provoqué de vastes projets; dès maintenant il se manifeste une tendance très nette à protéger par des mesures prohibitives le développement du commerce national. C'est ainsi que les Australiens, qui, naguère, étaient en relations suivies avec les îles Marshall, ont vu élever devant eux des barrières fiscales. Ils redoutent surtout que cette méthode généralisée ne devienne une menace directe contre tout le commerce anglais dans le Pacifique. Déjà la presse australienne demande amèrement des représailles; des réclamations ont été adressées à Londres, avec prière de les transmettre à Berlin. La question présente un intérêt européen.


Belgica, soit par ce détroit même, soit plutôt, si les circonstances étaient favorables, en reconnaissant les

contours extérieurs, encore indéterminés, de l'archipel de Palmer.

Inquiétudes sur le sort de l'Expédition Charcot aux Régions antarctiques. de Buenos Ayres donné naissance Udestélégramme bruits pessimistes sort de l'expédition a

sur le

à

Charcot, dans les régions antarctiques. La corvette argentine Uruguay, qui a retrouvé naguère l'expédition NordenskjÕld et l'a arrachée à une mort certaine, est partie à la recherche du Français, et est revenue sans l'avoir rencontré. Voici la teneur du télégramme « La corvette Uruguay est arrivée à Buenos Ayres, revenant de son voyage à la recherche du Français. w

Elle parvint

jusqu'à 64° 57' de latitude sud, en traversant plus de six cents milles de glaces, au milieu desquelles elle dut se

frayer un passage à coups de proue. «

L'expédi-

tion Charcot devait laisser des signaux sur divers points; les membres de l'expédition argentine

déclarent qu'ils n'ont absolument rien trouvé. Arrivés

le 3 décembre à l'île Laurie, ils l'ont

L'expédition commencerait alors l'exploration méthodique de la côte ouest de la terre de Graham et des détroits ou baies qui peuvent s'y ouvrir, en se préoccupant tout de suite de repérer les points où l'on pourrait hiverner dans de bonnes conditions. Cette recherche serait commencée dès l'arrivée dans la baie des Flandres et continuée dans la croisière au sud, versl'îleAdélaïde etpeut-êtremêmelaterreAlexandreIrr. En tout cas, le bateau serait conduit au point d'hivernage choisi dès la première quinzaine de mars, de manière à éviter autant que possible d'être pris dans la banquise. Voici qui nous amène à l'époque présente « La

campagne d'été

aurait vraisemblablement 19°4- 1905

pour but la continuation des explorations et études

entreprises sur-ces

mêmes côtes des terres de Graham et d'Alexandre 1er. Cette fois, il ne serait pas pris de dispositions d'hivernage. Le bâtiment se retirerait suffisamment à temps pour nepas risquer d'être bloqué une nouvelle année. L'expédition serait ainsi de retour en pays civilisé au plus tard le le~

avril 1905. (( S'il n'en était

pas ainsi, ajoute le Dr Charcot, il fauL'EXPÉDITION ITINÉRAIRE DE DU Di' CHARCOT AUX RÉGIONS ANTARCTIQUES. explorée inutiledrait en inférer que le bâtiment a été avament et en sont rerié ou est resté bloyué en un point de son parcours. Crnnrne partis le ler janvier. Les passagers de l'Uru,uay ne parvinrent qu'au prix de grandes difficultés jusqu'à l'île nos vivres ne nous pernrettent de séjourner dans l'Antarctique que jusqu'à la fin de ~go5, il y aurait donc lieu Déception, dont ils explorèrent minutieusement d'équr~er une expédition qui fût en rrresure de nous rapatoutes les côtes sans trouver la moindre trace de l'extrier dans l'été fgo5-igo6. pédition Charcot. (( Pour faciliter notre recherche, disait le Dr Char« L'expédition argentine est revenue par le décot dans son programme, nous laisserons, particuliètroit de la Belgica; elle a touché ensuite à l'île de Wiencke. Les officiers craignent que le Français n'ait rement aux points énumérés ci-dessous et en nos principaux points de débarquement, des « cairns », fait naufrage au cours d'une des terribles tempêtes qui pyramides de pierres surmontées, autant que possible, ont soufflé au commencement d'avril 1904 ». d'une longue perche, et près desquelles se trouveront On se rappelle quel était le programme de l'exdéposées des instructions sur nos intentions au mopédition du Dr Charcot; elle avait pour but d'explorer la partie ouest de la terre de Graham. ment de notre passage à ces endroits. Le point d'atterrissage dans l'Antarctique devait (c Tout d'abord nous laisserons un cairn à l'île Déception, si nous avons l'occasion d'y passer; puis, être l'extrémité sud-ouest des Shetlands du sud, où un point de départ (pour le réglage des chronomètres) seen tout cas, à l'île Wiencke (extrémité sud-ouest du détroit de la Belgica). Ensuite, nous nous efforcerons rait pris dans l'île Déception. La mission n'y séjournede laisser des traces de notre passage, s'il y a lieu, rait que deux ou trois jours. Puis, le Français s'efforcerait de gagner l'extrémité sud-ouest du détroit de la aux îles Pitt et Adélaïde. Nous ferons tout notre pos-


sible pour indiquer la situation de notre point d'hivernage en un cairn placé cur l'une de ces trois îles (Wiencke, Pitt ou Adélaïde). » également considérer le cas où nous {( Il faut trouverions un détroit navigable nous conduisant à la mer de Weddell, et celui où l'expédition projetée par terre resterait en souffrance de ce côté. Nous tâcherions alors de placer un cairn dans l'une des îles des Phoques (soit l'île Larsen, soit l'île Lindenberg, soit de préférence l'île Christensen). il se pourrait que nous dussions chercher cc Enfin à gagner le cap Seymour, où un dépôt de vivres a été laissé. Il ne serait donc pas inutile d'y passer, si on venait à nous chercher sur la côte est, mais seulement après être allé à l'ile Wiencke et avoir épuisé les chances de nous retrouver sur la partie ouest de la terre de Graham. »

l'on en croyait uniquement les officiers de l'Uuuguav, nous aurions tout à redouter sur le sort de notre compatriote. Si

Une grande espérance nous vient de l'opinion

émise par les membres de l'expédition écossaise. Ceuxci considèrent le télégrammeargentin comme exagéré. A leurs yeux, la seule base sur laquelle s'appuient les officiers de l'Uracâuay pour croire que l'expédition française est perdue, c'est qu'ils n'ont pas retrouvé ses traces aux îles Wiencke et Déception. Ils se basent là-dessus pour admettre que le navire français a été coulé au cours de la terrible tourmente qui fit rage, le

avril dernier. Outre que c'est une tâche très difficile de découvrir, même dans des îles de petite dimension, les traces qui ont pu y être laissées, il est tout à fait possible, disent-ils, que, par suite de l'accumulation des glaces ou des vents contraires, l'expédition Charcot n'ait pu aborder l'une quelconque de ces îles. Les environs du 60e degré de latitude sud sont une région où règnent fréquemment de violentes tempêtes, et il n'y 4

navire a aucune raison de croire que le navire français,

bien fait pour tenir la mer, ait subi le moindre mal au co'urs d'une tempête, quelque violente que semble avoir été celle du 4 avril. Quand on navigue dans les eaux antarctiques, il faut s'attendre au risque de heurter un iceberg; mais avec un peu d'habileté, ce danger est de beaucoup diminué, et dans l'opinion des membres de la Scottish Antarctic Expedition, il n'y a pas de motif spécial de croire que le navire du docteur Charcot ait éprouvé un désastre. Il est probablement à plusieurs degrés au sud de la latitude que l'Uruguay a atteinte, et il ne faut concevoir aucune inquiétude à son sujet, au moins pendant un mois encore.

La première Année de la

Guerre ~russo-japonaise.

Uwe année s'est passée depuis la rupture diplomatique survenue le 7 février 1904 entre le Japon et

la Russie. Si les faits se sont précipités douloureuse-

ment pour l'un des belligérants, la situation morale des deux ennemis ne s'est pas sensiblementmodifiée les Japonais restent fidèles aux intentions offensives manifestées dans la nuit du 8 au 9 février par leur agression contre l'escadre de Port-Arthur; les Russes demeurènt dans une expectative conforme à leur attitude dans cette même nuit. La première conséquencé de cette tactique fut l'abandon de la Corée par les Russes à leurs adversaires ceux-ci, mettant à profit la domination qu'ils exerçaient sur la mer, absorbèrent la presqu'île coréenne en débarquant leurs troupes à Fou-san, Gensan, surtout à Tchemoulpo, et ultérieurement à Tchenampo, dès que la fonte des glaces le leur permit. C'est ainsi qu'à la fois ils prirent sur le continent une base provisoire, maîtrisèrent politiquement la Corée et préparèrent l'entrée en scène sur le théâtre de la Mandchourie de la première armée d'opérations commandée par Kuroki. Mais leur engagement en Mandchourie était subordonné aux débarquements non encore effectués des deuxième et troisièmearmées; à la fin d'avril, l'heure de ces débarquements était proche, mais les points de la côte où ils devaient se faire ne pouvaient être encore déterminés. L'amiral Togo s'était efforcé déjà de trancher la question par le combat du 9 février, par l'attaque répétée de ses torpilleurs .les 13 et 14 février, par son essai d'embouteillagedans la nuitdu 23 au 24 février, par ses tentatives du io mars, du 22 mars, du 27 mars, il indiquait assez clairement ses visées sur Port-Arthur. Le 13 avril, le hasard de la guerre le servait bien, en amenant sur une de ses torpilles dormantes le Pct~·o~nvlovsket en faisant disparaître Makarof défenses en même temps que ce cuirassé; pourtant, les navales de Port-Arthur restaient redoutables, et il ne pouvait être question de risquer dans leur rayon d'action une colonne de transports. Pi-tsé-ouo, sur la côte orientale du Liao-toung, était le point extrême au-delà duquel un débarquement n'eût pas été sûr l'état-major nippon faisait choix de ce point après qu'au ie~ mai Kuroki eut forcé à Ka-lien-tse la porte de la Mandchourie du sud, barrée par le détachement de Zassoulitch. Au mois de mai entra en figne la seconde armée japonaise; le 5, cette armée, bien couverte par la flotte, qui gardait la mer entre la côte et les îles Eliott, commençait à prendre terre à Pi-tsé-ouo. La troisième armée était également prête à cette époque; l'intérêt des Japonais aurait été de la débarquer dans le golfe de Pé-tchi-li, le plus près possible d'Inkéou. Le 15 mai, ils risquèrent un débarquement partiel près de Hyang-ge-tcheng, sur la côte occidentale du Liao-toung; mais, le même jour, la perte du Hatsusé les avertit de ramener en arrière les troupes aventurées dans cette mer peu sûre et de débarquer simplement à Ta-kou-chan la troisième armée (19 mai). La quatrième armée défilait sans intervalle derrière la première, sur le wharf de Pi-tsé-ouo, en sorte qu'aux derniers jours de mai le gros des forces japonaises se trouvait tout entier sur le continent. Port-Arthur avait eu le mérite de leur interdire la côte occidentale du Liao-toung et deleur infliger par là un retard dont bénéficiait l'armée russe, occupée à continuait à se concentrer à Liao-yang. La forteresse


remplir son rôle en détournant sur elle les premiers régiments de Pi-tsé-ouo. Le 26 mai, ces forces, destinées à former, bientôt le corps de siège, venaient enfoncer, à Kin-tcheou, l'isthme qui est la porte du Kouan-toung. Dès lors, le plan des Japonais était dévoilé c'est à Port-Arthur qu'ils en voulaient. La forteresse, avec sa garnison de 35 00o hommes et son escadre, avait de puissants moyens de résistance. Le 25 juin, une sortie effectuée par l'amiral Witheft fit reparaître le Césarévitch, le~Retva'san, le Pallada, qu'on croyait perdus, et montra en ligne de bataille six cuirassés et quatre croiseurs. Malheureusement la menace contre Port-Arthur était double, et le danger pour les navires russes ne venait pas seulement de la mer, mais encore du continent. Malgré la défense de Stoessel le corps de siège approcha de la ligne avancée des ouvrages et s'empara, le 9 août, du mont Ta-kou-chan. C'était le prélude d'une attaque brusquée, contre laquelle Witheft se pourvut en prenant la mer le 10août au matin, et cherchant à gagner Vladivostok. On se rappelle l'issue lamentable de cette tentative, le double combat du io août, la mort de Witheft, la rentrée du gros de l'escadre à Port-Arthur, tandis que le Césarévitch, le Nozn'k, l'Askold, le Grosovoï, le Driwea allaient se perdre ici et là. C'en était fait de la réaction étroite et continue que les entreprises sur mer avaient exercée jusque-là sur les entreprises du continent. Désormais, la mer était fermée pour les Russes. Cependant, lestroisarmées d'opérations avaient marché Kuroki, par Feng-hoang-tcheng; Nodzu, par Siou-yen; Oku, à peine retardé par la diversion malheureuse que Stackelberg tentait à Oua-fan-gou (13-16 juin), était devant Kaïping dès le 8 juillet. L'avance convergente des trois armées se poursuivait vers Liao-yang et donnait lieu respectivement aux épisodes de Motienling (17-18 juillet), de Ta-ché-kiao (23-24 juillet) et de Haï-tcheng, Si-mou-tcheng (1er août). Aux derniers jours d'août, la jonction stratégique des trois armées se faisait devant Liao-yang, et du 26 août au 2 septembre aboutissait à l'épreuve mémorable d'où les Japonais sortaient victorieux. L'issue de ces grandes journées, suivies pour les Russes d'un recul insignifiant, était peu décisive en ce qui concernait l'équilibre des forces de terre, mais elle impliquait la fin de Port-Arthur. C'est pour l'empêcher sans doute que Kouropatkine fit du 7 au 20 octobre sa tentative sur les bords du Cha-ho. Après cet insuccès, c'en était fait de l'héroïque citadelle. La mort de Kondratenko, le 25 décembre, marqua sa chute, consacrée peu après par la capitulation du 2 janvier. Parlà se consommait le dénouement du drame dont le 10 août et le 2 septembre avaient été les principales péripéties; la guerre, dépourvue désormais pour les Russes de tout caractère maritime, revenait à cette situationstratégique que Kouropatkine envisageait dès les premiers jours de son commandement, en ordonnant la concentration de son armée autour de Liao-yang. Une nouvelle période stratégique s'ouvre en même temps que la deuxième année de la guerre. Voir la carte de la guerre russo-japonaise publiée par la librairie Hachette et Cie. 1.

La Chasse au Lapin chez les Indiens du Nouveau Mexique. CE n'est pas seulement l'Australie qui a

eu à souffrir

de l'effroyable multiplication des lapins sauvages; dans ces dernières années, certaines régions des ÉtatsUnis, sur le versant des Montagnes Rocheuses qui regardent le Pacifique (Nouveau Mexique, Arizona, partie sud-ouest de la Californie), ont dû partir en guerre contre ces envahisseurs d'un nouveau genre. Les Indiens Pueblas, qui habitent le Nouveau Mexique, se distinguent particulièrementdans cette chasse. Leur arme favorite est et reste le boomerang, dont ils se servent avec une prodigieuse adresse. Cette arme n'est pas tout à fait analogue à celle du même nom, chez les indigènes australiens, et ne décrit pas en l'air le stupéfiant crochet qui a tant intrigué les savants, incapables d'en trouver la cause; c'est un simple bâton, légèrement recourbé, et qui va droit au but, avec la foudroyante rapidité d'une balle. Hommes, femmes, enfants, chez les Pueblas, manient le boomerang. A l'âge où, chez nous, on joue au cerceau, les petits Indiens sont déjà capables d'atteindre à la tête, l'assommant du coup, un lapin lancé en pleine carrière, à une distance de quinze, de vingt mètres, ou davantage, Et il n'est pas rare de voir rentrer le soir, à la hutte paternelle, un petit Puebla de dixans, avec sa douzaine de lapins abattus dans la journée. L'usage de cette arme bizarre, inconnue chez les autres peuplades indiennes de l'Amérique, constitue un paradoxe ethnographique quiintrigue encore les

savants. Cela prouverait-il l'origine asiatique des Pueblas, leur parenté avec les tribus de l'Ancien Monde qui usent d'armes analogues? Pour le moment, cette hypothèse ne repose sur aucune preuve solide. Quoi qu'il en soit, les Pueblas sont si habitués à leur boomerang qu'ils en dédaignent les armes à feu les plus

perfectionnées.

Lieutenant de vaisseau Hourst. du fleuve Bleu

`Dans les rapides

(seconde mission Hourst).

Ce livre, animé de l'éloquence des hommes d'action, ajoute

une page brillante à l'épopée de nos efforts coloniaux. C'est le récit documenté du voyage de la seconde mission Hourst, de l'exploration de la première canonnière française sur le haut Yang-tsé-kiang. Avec deux bâtiments le lieutenant Hourst réussit à passer où avaient échoué les Allemands, à rejoindre au See-tchoun, les Anglais qui se croyaient en possession d'un monopole, à fonder à Tchong-king et à Suifou des établissements pleins d'avenir, à faire flotter le pavillon de son pays plus loin qu'aucun autre, à lever les cartes du Yang-tsé et de ses affluents, à étouffer enfin un mouvement xénophobe menaçant. Des dessins originaux, dus à un membre de la mission, l'enseigne de vaisseau Térisse, rehaussent cette expédition de leur pittoresque commentaire.


L'Extraction des Caoutchoucs dans le Matto Grosso (Brésil intérieur). UN

article publié par France-Brésil, qui s'est fait une spécialité des questions économiques dans la République sud-américaine, vient ajouter son contingent de documents précieux aux études que nous avons nous-mêmes fournies sur l'extraction des caoutchoucs. La région du Matto Grosso, dit notre confrère, a successivement relégué au second plan l'extraction de l'or et des diamants et donné la première place à l'exploitation du caoutchouc. Les caoutchoucs les plus connus et exploités dans cette région sont d'abord et principalement celui des arbres siphonia elastica et bevea bra~rZiensis, ensuite celui du hancornia speciosa connu sous le nom de « mangabeira ». Le premier se récolte du rer mai au 3o août et le second du ter septembre au 20 avril. L'hevea braîilierzsis est un arbre droit, gros et fort, élevé de 20 à 25 mètres, qui croît sur les rives des grands fleuves, rivières, lagunes; il couvre la surface des trois quarts du Brésil. La récolte cesse en septembre, car les feuilles tombent et le lait se raréfie; il réapparaît en octobre en abondance, mais les pluies continuellesentravent et empêchent finalement les travaux. LE PERSONNEL ET LE MATÉRIEL D'EXPLOITATION

En mars le propriétaire des « se-

ringales engage une « commission o de camarades (ouvriers) et leur donne

suivant la coutume des avances qui montent parfois à (000 ou 2000 francs, d'après la valeur du travail de l'ouvrier. D'autre part, on prépare les vivres, marchandises, outils et munitions, pour la durée de la récolte, le tout chargé soit à dos de mulets, soit à dos de boeufs portrouve teurs, et la Il commission

en liberté, les chiens veillent, des feux

sont allumés, les ouvriers mangent, chantent et fument, puis ils s'endorment dans les hamacs amarrés aux arbres voisins, et la nuit s'écoule calme, tranquille, et silencieuse. Quand la caravane est arrivée à l'endroIt décoré pompeusement du nom de « factorerie », le travail commence. Le chef de la « commission » désigne à chaque homme ladirection dans laquelle il doit aller, droit devant lui, pour trouver les arbres à gomme qu'il devra saigner. Les ouvriers opèrent par deux; en partant de l'endroit indiqué par le chef, ils se fraient, à travers la forêt, chacun dans une direction différente, un sentier à coups de sabre; des deux côtés de l'allée, chaque homme aura ainsi cent ou cent-vingt-cinq arbres formant son

estrada.

Lorsque les estradas sont compo-

sées, les hommes se réunissent au point de jonction de leurs deux allées respectives pour construire le rancho qui leur servira d'abri pendant la campagne. Ces

huttes sont formées de branches d'arbres recouvertes de larges feuilles de burutis (palmier et roeau). En faisant la cueillette des feuilles, nos seringheros ont soin de les séparer en deux et d'en garder

les côtes qui forment rigole. Ces tiges concaves sont ensuite placées autour des arbres à lait, sur un plan légèrement incliné, maintenues par de la boue et terminées par un bec. C'est en ce point que ce robinet d'un nouveau genre laissera écouler le lait dans une coupelle en noix de coco, ou vase de terre, ou godet de fer battu.

Chaque matin, au lever du jour, l'ouvrier parcourt son estrada. Il pique l'arbre en trois endroits, au-dessus de la rigole, à l'aide d'une hache spéciale et va ainsi jusqu'au bout de son sentier. Là, il s'arrête pendant deux heures enviréunie à jour fixe pour le départ. ron et s'occupe généralement à pêcher ou La petite troupe étant complète, à chasser les sangliers, lapins, cerfs, chaque homme est armé d'un « garru- chevreuils, etc. quelquefois c'est lui cho », pistolet à deux coups à longs qui est chassé par le tigre ou même par rapidecanons, d'un fusil à baguette, d'une l'Indien. Puis il revient et versede chament dans un seau le contenu « faca » (sabre court) et d'un couteau, et, à la file indienne, le cortège s'ébranle et cune des coupelles où a coulé goutte à goutte le lait précieux. s'éloigne de la ville. Le« « capataz Rentré au rancho, il fait chauffer contremaître suit à cheval, tandis que les ouvriers, à peine vêtus, pieds nus, un peu d'eau dans laquelle il fait discommencent, par étapes de 5 à 6 lieues soudre quelques grammes d'alun, et verse portugaises (6 666 mètres chacune), un cette solution dans le lait qu'il a déposé dans une auge en bois creusée dans des voyage de 50 à 60 lieues. Chacun a emporté avec soi une sta- troncs d'arbres. L'opération de la coagulation dure tuette en bois de son saint préféré (saint Antoine de Padoue est très en faveur), quelques minutes. Il recouvre ensuite le pain obtenu par une planchette et, à pour faire une bonne récolte. La troupe campe où elle se trouve l'aide d'un madrier placé dans une à la chute du jour. Les animaux broutent encoche d'arbre, il pèse de tout son poids sur ce levier primitif pour exprimer du caoutchoucs des ouvriers se Les caoutchouc l'eau alunée qu'il contient l, des à seringheros ici precause nomment ensuite le bout libre de tuières expériences de nI. le comte de encore. Il charge La Condamme qui faisait jaillir la sève des son levier de grosses pierres qui contiarbres, comme un jet de seringue, au moyen nueront l'opération. de petits tubes de métal enfoncés dans Quelques jours après il retirera les

se

ou

l'écorce.

pains de leur moule et les exposera au

soleil qui achèvera la dessiccation. Ces pains ont alors de 6o à 7, centimètres de long, 17 à 15 centimètres de large et autant d'épaisseur; ils pèsent 2, kilos. environ. De temps en temps, les deux camarades porteront sur leur tête, en un ou plusieurs voyages,:lespains de caoutchouc à la factorerie où ils seront pesés et portés à leur crédit suivant les conditionsdéterminées à l'avance par le ca,bata~. La récolte se termine à l'arrivée des pluies. En hâte les boeufs sont rechargés avec les pains de caoutchouc; les camarades abandonnent le campement et leurs ranchos qu'ils retrouveront peut-être l'année suivante. Ils reprennent le chemin du retour dans le même ordre et rentrent avec plaisir sous leurs chaumes respectifs. Mais avant, leurs comptes sont apurés et réglés, et c'est quelquefois avec de beaux bénéfices qu'ils reviennent près de leur compagne et de leur famille. Un ouvrier peut récolter jusqu'à ,00 kilos de gomme dans sa saison et même plus. Les caoutchoucs de mangabeira se récoltent sur les terrains élevés, rocailleux, secs, et s'exploitent généralement autour des fermes agricoles, car les pluies s'opposent à des transports de longue durée, néanmoins ce n'est pas d'un rapport à dédaigner, car cette seconde qualité est également fort appréciée. En outre, ces arbres fournissent beaucoup de lait; mais comme il se coagule à l'air plus vite que celui des héveas, le procédé d'extraction est plus énergique. L'arbre est saigné brutalement dans tous les endroits où l'ouvrier croit que le lait se rencontre et il place sur le même arbre autant de godets qu'il a fait de piqûres Il en est quitte pour ne recommencer l'opération que dans quinze jours ou trois semaines jusqu'au moment où l'arbre meurt des suites de ses blessures. RÉSULTATS ÉCONOMIQUES

Les gommes ainsi récoltées sont entrées dans les magasins de Diamantino, .cuyaba, Corumbà d'où elles sont expédiées en Europe où on les transformera en mille objets dont la consommation devient considérable. Le prix de revient du produit de ces exploitations est relativement peu élevé les concessionnaires ne déboursent guère, tous frais compris (droit de sortie du Matto-Grosso, qui sont d'ailleurs très faibles, frais de transportsen Europe, etc.) que de 3 fr. 50 à 4 fr. le kilo. Quant aux prix de vente de ces gommes, ils sont assez rémunérateurspour tenter les industriels et assurer un bel avenir à la région productrice.


Le Chemin de fer de la Côte Est de Madagascar. Le voyageur qui de Tanannrzi~e veut yagner la côte de l'océan Indien et le port de Tnsnatave peut varier ses plaa'sirs avec ses nroyens de trans~ort; de la capitale à Amparafara, il fait route ezz nutonzobile; d'Anz~arafara à Brickaville, le chenain de fer lui offre ses wagons; de Brickaville à la mer, c'est en bateau qu'il suit la rivière d'Andevornnte et le canal des Pangnlanes. Un de nos correspondants a, ~endnnt Ic voyage, noté l'état de la ligne en constructzôza et l'aspcct de la ligwc

construite.

revenir de Tananarive en France, j'ai cru intéressant de suivre le tracé du chemin de fer, non seulement pour constater l'importance des travaux accomplis, mais aussi pour me rendre compte de ce qu'il restait à faire afin d'achever la ligne. A YANT à

Je prenais à 6 heures du matin une automobile

spéciale du service de la poste pour me conduire jusqu'à Famoava-

na'. Nous partons à

toute allure. Les

Malgaches se collent aux murs et nous

chers de gneiss pointent et donnent une note pittoresque. Après Manjakandriana, les mamelons succèdent aux mamelons, les vallées aux vallées, sans un bouquet d'arbres. Nous gravissons en lacets une longue pente, et nous entrons dans la forêt de la Mandraka, qui couvre le dernier contrefortsur lequel s'appuie le plateau de l'Imerina. Des arbres, des broussailles, de l'herbe! Quelle délicieuse sensa-

regardent

pour celui quiavécu pendant tion

passer avec effroi,

Les bourjanes abandonnent sur

un an dans la

route leurs voitures chargées de riz et se jettent à traversla brousse

atteignons le torrent de la

brousse!

Par un col,

les bas-côtés de la

nous

Mandraka, que la route suit pendant un certain

pour éviter notre bolide.

temps.

Jusqu'àManjakandriana la route est excellen-

tombe en cascades au milieu de rochers qui luisent au soleil des

te, sans côtes sérieuses, en tranchée ou en remblai

ARR1:T DE L'AUTOMOBILE DES l'OS'IES

A

MANJAKANDRIANA.

arbressepenchent sur les bords et

Pltotographie de M. Cltaplin.

trempent danss

elle traverse

le tunnel du génie ». Le paysage est celui du plateau central de l'Imerina, avec ses éternels mamelons dénudés, couverts d'une herbe dure et jaune qui sert pour le chauffage, et que le bétail ne peut manger. Par ci, par là, de beaux ro1. On trouve aujourd'hui le chemin de fer quelques une colline par un tunnel,

({

kilomètres en deçà, à Amparafara. A TRAVERS LE MONDE.

L'eau

9" LIV.

l'eau le bout de leur feuillage, tandis que plus loin, la forêt, sombre, impénétrable, montejusqu'au sommet de la montagne, ne laissant pas voir la moindre éclaircie. C'est là-dedans que va passer le chemin de fer Le passage de la Mandraka est déjà tout piqueté j'aperçois sur le versant en face de nous une longue bande de 6o mètres de large, sur laquelle les arbres N° 9.

4 Mars ~905.


ont été coupés. Au milieu, des piquets marquent l'axe de la plate-forme. Rien n'est laissé au hasard, on marche à coup sûr, car toute la région a été levée avec précision. Aux environs immédiats de la voie, les courbes de niveau ont été déterminéestous les mètres. Maintenant, nous descendons sur le versant est de la montagne. A 200 mètres à pic en dessous de nous s'étend la vallée du Mangoro avec tout un moutonnement de collines qui nous cachent le fleuve. A notre gauche, le torrent tombe avec fracas dans une gorge étroite; plus loin, on voit se dessiner nettement sur la pente de la montagne le tracé de la voie qui descend en pente douce, se dirigeant en ligne droite vers le nord pour rejoindre ensuite par un grand

coude le fond de la vallée du Mangoro. Ainsi, comme disent les ingénieurs, le chemin de fer se développe il doit,'en effet, gagner par des pentes maxima de 4 pour ioo les 150 mè-

tres de différence de niveau

entre le fleuve et le col de la Mandraka.

Et

nous apercevons au loin des armées de petites fourmis qui

s'agitent le long de ce tracé. On vient de mettre les travaux en train. Nous recommençons à

monter et à descendre de légers mouvements de

terrain, noustraversons à toute allure le curieux

A Moramanga, les

travaux sont en pleine activité un des ouvrages d'art les plus importants de la ligne, le tunnel de Tangaina, est déjà complètement terminé. Il y a là 4 kilomètres de plate-forme qui relient Moramanga à la route de l'est, que la voie ferrée doit utiliser jusqu'à Amparafara. Sur cette route, jusqu'à Amparafara, tout est prêt pour remplacer les ponts en bois par des ponts en fer; à chaque passage de ruisseau, la route est détournée et des passerelles de fortune ont été construites. De cette façon, on pourra exécuter le travail sans gêner la circulation. Nous avons vite franchi les 3o kilomètres qui séparent Moramanga d'Amparafara. Là, je quitte l'automobile pour visiter en détail les chantiers en activité. Le lendemain, je me lève de bon matin, un'peu ému à l'idée de voir enfin cette forêt mystérieuse, dont j'ai tant entendu parler, non plus en suivant une belle route

macada-

misée, parcourue par les automobiles, mais en

pénétrant dans

son plein cœur, de la voir telle

qu'elle apparut en son silence solennel, aux premiers colons qui prirent de Tamatave à Ta-

nanarive le sentier malgache. La forêt n'est ni solennelle ni mystérieuse elle est

gaie, éblouissante de lumière, et de toutes parts se

dégagent la

village de Mahaforce de l'être et LE TRAVAIL DANS UNE TRANCHÉE. zima avec ses la douceur de échoppes malgaPhotographie de M. Claaplin. vivre. Ainsi, elle ches en bordure m'apparut au de la route, et nous arrivons brusquement sur les sortir de la case en feuilles de hofa, dans laquelle bords du Mangoro, que nous cherchions vainement j'ai passé la nuit. Je trouve rassemblés les 12 porteurs à apercevoir de loin. Les bords sont animés; un conque le génie a mis aimablement à ma disposition, et voi de marchandises pour Tananarive est en train de me voilà en route. Les charrettes à bras s'égaillent sur les berges; passer. D'Amparafara à Famoavana la plate-forme est chacune porte 500 kilos et exige trois bourjanes pour terminée sur environ io kilomètres. Elle longe la rive la traîner; ces braves noirs, demi-nus, n'ayant qu'un droite d'une petite rivière, la Sahantandra qui tanlambeau d'étoffe autour des reins, la peau luisante tôt descend en pente rapide au milieu des rochers, sous la sueur, avec des reflets de bronze, le ventre tantôt s'étend en nappe paisible. La voie ferrée, avec la les côtes saillantes, la poitrine large et les creux, pente maxima qui lui a été imposée, court au flanc de membres musclés, sont autour de leur voiture, les uns la vallée, s'élevant au-dessus de la rivière ou se rapcherchant sous la caisse une ombre rare, les autres prochant de son lit, selon les caprices de celui-ci. Des rajustant leur chargement. Tous nous saluent humbletranchées, des remblais, peu d'ouvrages d'art l'exément avec des mines de gros chiens craintifs et dociles. cution de la plate-formen'a rencontré aucune difficulté. Sur l'autre rive, un grand plateau nous conduit Comme sur la Mandraka, l'œuvre délicate a été la déjusqu'à Moramanga. Les travaux du chemin de fer ne termination du tracé. A droite et à gauche de la voie, sont pas encore commencés sur ce plateau mais le s'élève un mur de verdure qui ne permet pas de voir à cube de terre à déplacer pour établir la voie sur les plus de 10 mètres; et pourtant, il y a deux ans, on a 16 kilomètres qui séparent Moramango du Mangoro débroussaillé sur une largeur de 6o mètres. Pas de est insignifiant. beaux arbres, mais une ossature de longs poteaux


blanchâtres, minces, biscornus, surmontés d'un maigre panache de feuillage raide et dur; autour, grimpent des lianes formant au pied une frondaison épaisse, s'amincissant vers le haut. D'autres lianes s'élancent directement du sol, nues, comme des haubans, s'accrochentaux branches et retombent en masse de verdure; près de terre, toute une flore que nous

avons l'habitude de voir dans nos serres, des tiges noueuses, toutes tordues, portant à leur extrémité un bouquet de feuilles rudes en forme de lames de sabre, des bambous ondulant et légers, des fougères arborescentes semblables à de la fine dentelle, des lataniers, des dracoena, et de tous côtés, sur les troncs morts, sur les vivants, des orchidées les plus variées. Ce n'est point pourtant la forêt tropicale; il a manqué ici la terre végétale; sur les tranchées je vois à peine io centimètres d'humus, et les racines des arbres, au lieu de s'enfoncer dans le sol, s'étalent à la surface. Enfin, partout où les lianes peuvent s'accrocher, elles montent, s'entrecroisent, forment un lacis inextricable, remplissant tous les espaces vides. Il est impossible d'avancer à travers cette masse de verdure autrement que la hache à la main. Cette forêt est inhabitée. On entend seulement quelques oiseaux chanter

allègre, riant, bavardant, se moquant les uns des autres, parfois partant au pas de course à toute allure, pour rien, pour jouer. Brusquement, la plate-formes'arrête;devantnous s'ouvre un immense hiatus, profond de 5o mètres, sorte de cirque de ioo mètres de diamètre, à parois presque verticales. A notre droite, au fond de ce cirque, un torrent tombe en une cascade haute de 3o mètres. C'est la vallée de Vohimano. Dans les premiers projets on avait résolu de passer l'obstacle au moyen d'un pont, et il avait été prévu pour ce travail un crédit de 170 000 francs. Après sondages et études du sous-sol, il fut reconnu que les fondations des culées auraient nécessité des dépenses considérables. Le commandant Ozil et ses deux collaborateurs, le capitaine Girod et le lieutenant Rousseau, étudièrent un nouveau tracé de la ligne. Un examen minutieux, d'abord sur le terrain, puis sur un levé fait à grande échelle, permit de tourner la difficulté, grâce à deux tunnels en plein roc. La solution est élégante et économique. Un peu en amont du grand hiatus de Vohimano que nous venons de rencontrer, la Sahantandra descend en rapides au fond d'un étroit couloir, entre deux parois verticales de rochers. La plate-forme se trouve

CARTE DU CHE~UN DE FER DE L'EST DE MADAGASCAR.

ils ont probablement suivi les Européens qui, les premiers, ont animé ces solitudes. Les anciens Malgaches sont d'accord pour dire' qu'autrefois le silence n'était troublé que par le cri plaintif des maki, qui retentit

lugubre comme l'appel désespéré d'un voyageur qu'on égorge. Aujourd'hui résonne la cognée des bûcherons qui doivent fournir une adjudication de 55 000 traverses. Quelques cases isolées, en bordure de la voie, abritent les surveillants des femmes betsimisarka lavent le linge dans la rivière, tandis que leurs enfants jouent sur les bords. Puis au loin, de distance en distance, en général sur une hauteur, au milieu d'un fouillis de verdure, on aperçoit les restes d'un ancien campement qui a servi aux travailleurs de la plateforme. Ce sont des paillottes en feuillage, hautes au plus de Im50, ayant 2 mètres sur 3, dans lesquelles le Malgache se glisse pour dormir; ils s'entassent ainsi 7 ou 8, serrés les uns contre les autres pour se garantir contre le froid de la nuit. Aujourd'hui, ces paillottes sont abandonnées; la forêt est redevenue silencieuse, mais elle est irrévocablement conquise, avant même que la locomotive ne vienne siffler dans ses solitudes. Déjà, les Malgaches utilisent la plate-forme de la voie comme route, et l'on en voit des files portant sur leur épaule un fort bambou, aux bouts duquel est suspendueunecharge. Mes porteurs marchentd'unpas

en quelques centaines de mètres à 50 mètres au-dessus du niveau de la rivière. Il a fallu gagner ces 5o mètres

sur les 4 kilomètres qui séparent Vohimano de Famoavano, où la ligne rejoint le fond de la vallée; aussi la voie serpente en épousant les ondulations du sol. Les travaux sont en pleine activité. Ici on achève un remblai; les travailleurs noirs s'échelonnent .sur la pente et répartissent les terres; des wagons en file roulent sur le Decauville de la partie déjà terminée, et se vident successivement; le chef d'équipe, un grand Sénégalais, au masque de diable, la peau noire et cirée comme un cuir de botté, le pantalon bouffant à la zouave, en petite veste courte et les pieds nus, règle le mouvement des wagons, pousse les uns, menace les autres de son bâton. Mais voici un groupe de chanteurs alignés sur plusieurs rangs et serrés les uns contre les autres; je les vois de loin agiter les bras, d'un mouvement régulier. Je m'approche, ce sont des dameurs qui frappent le sol en cadence. Toutes les terres rapportées sont damées de la sorte par assises successives, et les talus, ainsi tassés, ne menacentpas de céder. Puis, sur les pentes de la vallée, encore des Malgaches ils arrachent des mottes de terre végétale, descendent en file leur charge sur la tête et viennent la poser sur le

talus. On aligne ces mottes avec soin, on les dame et,


dans un mois une belle végétation de bambous fera disparaître toute trace de travail. Quelques tranchées ne sont pas encore finies d'être percées, et les terrassiers, pressés les uns contre les autres, échelonnés sur les talus, font ébouler dans les wagons de grosses mottes de terre rouge. Un peu avant Famoavana, on construit les culées d'un pont métallique qui est là tout monté, et qu'on va bientôt lancer. Puis nous débouchons dans une

grande cuvette, au centre de laquelle se trouve la gare. Quelques cases en feuillage, des baraquements en bois abritent provisoirement les marchandises et la population, en attendant qu'on ait terminé les constructions en cours. On achève de grands hangars, charpente en fer, couverture en tôle, simples, légers, robustes toutefois et économiques. La gare a de l'air autour d'elle; de grands espaces ont été réservés, et

une belle route la relie à Ambavaniasy. Au sortir de la cuvette de Famoavana, le lit de la Sahantandra se resserre entre deux hauteurs, que la ligne ne peut contourner; elle est donc obligée d'entrer en tunnel dans la montagne. Au sortir du tunnel, je regarde avec étonnement le fond de la vallée, qui est

à 70 mètres au-dessous de nous; nous venions de quitter son niveau, une céntaine de mètres avant. Ce sont les chutes de Koma, que je désire voir de près. Et nous descendons à pic au milieu des rochers, à travers de hautes herbes, au risque de nous rompre le cou. La vue méritait la fatigue. La Sahantandra débouche au-dessus de nous entre deux croupes boisées, qui la serrent en un étroit couloir puis elle s'ouvre en forme de V et tombe à pic de 5o mètres. De grosses masses de rochers la séparent en deux filets parfaitement égaux, Des colonnes de vapeur montent vers le ciel, et au travers, brille un arc-en-ciel. Il y a là 2000 chevaux; l'étude d'une installation hydraulique a été faite pour le cas, peut-être probable, où on se déciderait à remplacer la traction à vapeur par la traction électrique. La situation est ex-

cellente, et, à première vue, il semble qu'on puurrait créer à peu de frais la force motrice. Plus loin, la rivière fait encore une chute de quelques mètres et forme une série de rapides, si bien qu'entre Famoavana et la gare d'Ambatovola,il y a une différence de nivea de 130 mètres pour une distance à vol d'oiseau, de 4 kil. 700. On comprend de suite les difficultés à vaincre pour établir judicieusement le tracé. On a dû développer la ligne pour gagner cette différence de niveau et lui donner une longueur de I4 kil. 5°0. Je vois sur une hauteur une vaste construction en bois et fer, recouverte de tôle ondulée. C'est le service médical avec ses annexes. Il a fallu organiser là tout un service qui n'est pas des moindres et qui a coûté fort cher; car les prescriptions du gouverneur ont été très minutieuses, et on a tenu la main à ce qu'elles fussent appliquées strictement. Tous les 3o kilomètres, il y a une ambulance avec un médecin européen et 3 médecins indigènes. Chaque travailleur, avant d'être embauché, est soumis à la visite, et s'il offre des signes de mauvaise constitution, il est renvoyé dans son village. Aussi, la mortalité, qui a été très grande au début pendant la construction des 1 er 9t 2e lots, a considérablement diminué. A nos pieds, sur les bords de la Sahantandra,

s'échelonnent des campements. avec échoppes, où se vendent toutes sortes de marchandises épicerie, boucherie, vêtements, etc Constructions primitives, en bois et feuilles de hofa. La hofa est une plante qui donne des feuilles longues et dures, en forme de gouttière, larges de 7 à 8 centimètres. Accolées les unes contre les autres, et maintenues par des traverses en bois, elles donnent des parois qui, de loin, ont une vague ressemblance avec de la tôle ondulée. La case

est montée sur pilotis à om50 au-dessus du sol; une toiture en herbes sèches la protège très efficacement contre la pluie. Dans les campements, tout le monde s'agite les femmes circulent avec des cruches d'eau sur la tête, les hommes fendent le bois pour le dîner, les enfants jouent. Une voie Decauville les relie au point terminus de la ligne et sert pour le transport des approvisionnementsaux différents chantiers. A Famoavana, nous prenons le train. Nous longeons la rive droite de la Sahantandra, dont le cours est assez régulier, et la ligne n'a que de faibles sinuosités, jusqu'au confluent de la Vohitra. Un peu en aval de ce point, un petit bras de la rivière forme un grand marais, qu'on traverse sur une digue. Déjà, la végétation a recouvert le tracé des travaux les talus sont verts et la voie a l'aspect de nos vieilles voies européennes; on n'est plus saisi par

l'immense effort qu'il a fallu déployer. Le paysage est très pittoresque; à nos pieds, la Vohitra coule sur un lit de rochers. Les pentes de la vallée sont escarpées; les grands arbres ont été détruits par les indigènes qui, chaque année, changent les terrains où ils cultivent le riz et y allument des incendies sur les points choisis. JI ne reste plus que des buissons et de la brousse qui forment néanmoins un riant fond de verdure; au loin, on voit des sommets élevés, recouverts de grands bois. Nous abandonnons la Vohitra pour traverser le tunnel Galieni, long de 800 mètres. Aniverano devait être le point terminus et le port d'embarquement sur la rivière. Le premier projet fut modifié, et on trouva plus rationnel de prolonger la voie de io kilomètres jusqu'à Brickaville; le trajet en bateau est raccourci d'autant, et on n'a pas à craindre la baisse des eaux. Néanmoins, Aniverano est resté le centre du chemin de fer; c'est de là qu'émane la direction, et c'est là que se font les réparations et les montages. Sous de grands halls simples et commodes sont les machines outils; un moteur de 35 chevaux actionne les ateliers. Ceux-ci sont outillés de façon à assurer l'entretien de tout le matériel des machines à bois permettent de faire les wagons, dont on ne reçoit de Franceque la carcasse. Aniverano est l'âme du chemin de fer; si aujourd'hui sur la ligne et sur les travaux tout marche avec une régularité mathématique, si le train de pose avance d'un mouvement égal et sans àcoup, faisant par jour ses 600 mètres de voie on le doit à l'organisation centrale d'Aniverano. Il reste, pour achever la ligne jusqu'à Tananarive, à construire le pont sur le Mangoro, et à exécuter le passage de la Mandraka. Sur une grande partie du parcours la plate-forme est achevée. On peut prédire que dans deux ans au plus tard, c'est-à-dire vers la fin de 1906, la locomotive fera son entrée à Tananarive.

CHAPLIN.


La Mission de M. Maximilien

Foy en Extrême-Orient. Projets de Voies ferrées en Chine.

Maximilien Foy, récemment voyage de quinze mois en

rentré à Paris d'un Extrême-Orient, a

retracé, dans une conférencefaite à la salle de Géographie, sous la présidence de M. F. Deloncle, ministre plénipotentiaire et député de la Cochinchine, et sous les auspices de la Société de Géographie commerciale, les circonstances de son expédition qui est des plus intéressantes au point de vue de notre expansion commerciale et industrielle. Chargé par le Gouvernement français d'une mission d'étude, M. Maximilien Foy a quitté Paris, en septembre 1903, pour prendre à Moscou la voie transsibérienne et ne la quitter qu'à Dalny. Puis, après avoir poussé une pointe en Corée, d'où 'il a

désespérés, à échapper à la mort, c'est pour constater la disparition de son malheureux ami, dont le corps ne sera jamais retrouvé. Neuf indigènes ont été également engloutis dans les tourbillons de la rivière. Bien que la dernière partie de son expédition ait été assombrie par ce deuil, dont il garde un souvenir poignant, le distingué conférencier rapporte, des dix mois qu'il a passés en Chine, des impressions et des observations qui nous montrent en lui, quant au pittoresque de ce pays où tout fait tableau, un déterminé sinophile. Mais il s'est attaché surtout à dégager les possibilités d'avenir de ces régions, dont certaines possèdent de très grandes richesses minières à peine exploitées ou mal connues encore au point de vue de leurs relations avec la France et ses colonies d'Extrême-Orient. Ce qu'il faut avant tout, pour que notre influence puisse y devenir prépondérante,ou,toutau moins, lutter d'ici là à armes égales avec celle des autres puissances, c'est créer entre l'Indo-Chine française et la Chine des moyens de communication assez complets pour nous devenir, dans un temps donné, des moyens pacifiques de pénétration. Cette thèse paraît facile et ne saurait, en principe,

rencontrer d'adversaires.

rapporté de très curieuses observations sur la cour de Séoul, il a suivi par Pékin, Hankéou, Canton, les

montagnes du Kouang-si et du Koei-tchéou jusqu'au Se-tchouen et au Tibet, et enfin Yun-nan-sen un itinéraire qui lui a fait traverCARTE DE séjournant à les tous ser, en points se rat1achant particulièrement à son thème d'études, neuf des dix-huit provinces chinoises. En outre de ce très long et parfois très pénible voyage à travers la Chine, M. Maximilien Foy, complétant le plan qu'il s'était tracé, est redescendu du Yun-nan au Tonkin, qu'il a traversé, ainsi que l'Annam, le Laos, le Cambodge et la Cochinchine, où il s'est embarqué pour rentrer en France. Sur les confins du Tibet, le convoi de M. Foy fut pillé par les Lolos indépendants. Effets, bagages, argent, tout fut perdu. Au Laos, l'attendait une catastrophe, dont l'issue devait être tragique. Un ami retrouvé à Hanoï, M. Pécoul, appartenant comme lui à la société parisienne, lui avait demandé de le suivre, dans la partie finale de son voyage, à travers la presqu'île indo-chinoise. Arrivés à Tchépône, les deux voyageurs s'embarquent sur la Sébanghien pour atteindre le Mékong. Mais leurs pirogues chavirent et coulent au passage de rapides, et si M. Maximilien Foy parvient enfin, au prix d'efforts

LA hfISSIOIQ FOY.

Encore ne peut-elle que gagner à être défendue par un homme dont la conviction est basée sur l'observation directe, et qui s'est rendu compte, au préalable, de l'absence d'empêchements naturels à la réalisation du plan qu'il se fait un devoir de préconiser. L'idée essentielle, et très neuve, qui se dégage

de la conférence de M. Maximilien Foy, est la suivante l'avenir économique de la Chine, et par conséquent l'ouverture de

ce vaste débouché aux capitaux européens, est lié au développement de son système de voies ferrées. Ce système doit avoir pour armature la croix formée par

les deux grandes directions Pékin-Hankéou-Canton et Tchingtou-Hankéou-Shanghaï, chaque branche de cette croix représentant une longueur de i ooo à i 500 kilomètres, et l'un des bras, celui de Hankéou-Shanghaï

étant formé par le Yang-tsé dans son cours inférieur. En outre de ce réseau principal, dont, au point de vue international, la création s'impose par-dessus tout, il est d'un intérêt non moins grand, au point de vue du commerce français comme au point de vue de l'homogénéité de l'Empire chinois, de construire une ligne que l'on pourrait appeler le Grand Central chinois, qui souderait, d'un côté au Tonkin; et de l'autre à Pékin, les provinces de l'intérieur de la Chine et traverserait 1~ Chan-si, le Chen-si, le Se-tchouen, le Koeitchéou et le Yun-nan.


Déjà, d'une part, la ligne d'Haïphbngà Yun-nan-

sen (à voie d'un mètre comme tout autre réseau indochinois) et, d'autre part, la ligne du Chan-si (à voie d'un mètre également) peuvent être considérées comme les amorces de ce vaste système, dont l'un des plus gros avantages, au point de vue français, serait de faire d'Haïphong le port le plus rapproché de cette immense et admirable province le Se-tchouen. M. Foy, qui plaidait si chaleureusement l'autre soir la cause de l'expansion française en Chine, ne saurait manquer de convaincre le Gouvernement, duquel il tenait sa mission, de la nécessité et de l'urgence des efforts qu'il indique. Les pouvoirs publics ainsi stimulés et l'initiative privée, mise de son côté en éveil, se devront de tenir compte de l'avis probant qu'on leur donne.

Curiosités météorologiques du Far-West canadien. l'hiver canadien l'électricité se dégage très fortement de tous les corps terrestres et donne

DURAN1'

lieu à des expériences si curieuses qu'elles soulèvent, lorsqu'on les rapporte, l'incrédulité générale. Au Canada, on le sait, les contrastes entre les

périodes estivales et hivernales sont extrêmes. A Winnipeg, le thermomètre monte en été à 38 degrés centigrades et descend en hiver à 43 degrés sous zéro. Ce fut en cette dernière saison que je m'y rendis, et que je ressentis, sans avertissement préalable, les effets climatiques de la contrée. Comme j'entrais en l'hôtel où des parents m'avaient invitée auprès d'eux, je me trouvai en une vaste salle, éclairée de grandes fenêtres doubles, sans rideaux; le soir tombait. La chaleur sèche du calorifère, les portes calfeutrées, les tapis moelleux, offraient un brusque contraste avec la bise du dehors. On me fit un accueil chaleureux une cousine vint vers moi, la main tendue; j'avais ôté mon gant et je perçus, au contact de sa main, une vive piqûre à la paume et une secousse au coude. Quant à ma cousine, pour témoigner sans doute la joie qu'elle éprouvait à me voir, elle exécuta un tour de valse et, se précipitant, me donna sa joue à embrasser. Le même élancement aigu me traversa les lèvres. Fort experts, ils connaissaient, comme tous les habitants du pays, la puissance des effluves électriques. Ils rirent de ma stupéfaction et de mon ignorance. car ils savaient que partout en ce moment il leur était loisible de constater l'électricité ambiante sous forme de petites décharges, telles qu'en produisent les piles électriques à l'usage des écoliers. Je fus initiée au jeu, et voici l'expérience que j'essayai séance tenante on me fit marcher d'un pas glissant et rapide, en évitant d'effleurer même du bas de la robe, aucun meuble, afin de garder en moi-même le fluide accumulé (ceci m'expliqua le sens de la valse de tout à l'heure). On ouvrit t3n bec de gaz, j'en touchai l'orifice du bout du doigt. instan-

tanément l'étincelle bleue

et. la lumière fut

éclata. le

gaz s'enflamma

l'avais provoquée avec le fluide de ma main. Le hérissement de la chevelure électrisée par quelque frottement ou bien sous l'empire de la colère ou de la peur, les crépitements et les phosphorescences du poil de certains animaux, sont connus de tout le monde, et tout le monde sait que le froid sec Je

accentue le phénomène. Au Manitoba, celui-ci surpassa tout ce que nous pouvions supposer. Heurter de la main un métal (surtout un ornement de cuivre), arriver en contact avec l'eau froide ou avec un objet quelconque, bon conducteur d'électricité, c'est provoquer une commotion souvent douloureuse! Il faut évidemment plusieurs circonstances réunies dans l'atmosphère et dans l'entourage. En plein air, sous la tente ou dans une cabane, rien ne se produit. Les cloisons de toile ou de bois résineux offrent probablement un milieu défavorable, tandis que les isoloirs et le frottement des semelles sur la laine se font indispensables, si l'on veut être transformé en torpille. Une chambre sans tentures, construite en briques, avec de grandes fenêtres vitrées, semble réunir les meilleures conditions. Bien entendu la température extérieure doit être très sèche, très pure, surtout, très basse. alors, vers midi et vers six heures du soir, elle arrive à son maximum d'électricité. Aucune menace de neige ne doit cependant troubler l'air, ni même avoir passé à quarante-huit heures près. Au surplus, le thermomètre remonte sensiblement avant son apparition et, lorsqu'elle s'abat, des heures durant, silencieuse et infatigable, elle ne ressemble guère aux flocons vaporeux et adhérents de nos climats. Pluie fine et dense de paillettes hexagonales ou de grêlons minuscules, elle emplit toute l'atmosphère et forme, sur le sol, une couche pulvérulente et sèche. N'est-il pas étrange que des phénomènes aussi curieux soient si peu connus de ce côté-ci du globe, alors que là-bas ils sont couramment observés, -dans certaines conditions, je le répète, et ce, non seuManitoba, lement au mais à Québec, à Montréal, à Ottawa et même à Chicago, quoique diminuant d'intensité dès que l'on va au sud? Les tempéramentsvigoureux, dont la circulation est active et les nerfs aiguisés, sont impressionnés les premiers. Les constitutions débiles ou usées semblent moins imprégnées de fluide. Chose curieuse au Canada, les étrangers ressentent moins le froid durant leur premier hiver et y subissent plus fortement l'influence électrique. Les forces vitales prennent aussitôt une recrudescence remarquable; les battements du coeur s'accélèrent, la voix devient plus sonore, une activité prodigieuse circule dans les veines. Les effets électriques ont plus d'éclat dans la prairie que dans les montagnes Rocheuses ou les régions boisées de l'Est. Est-ce que précisément la surface plane les favorise? Un Américain à peine lettré me disait ,( L'électricité répartie sur le monde, la chaleur et l'humidité la soutirent à la terre pour l'amonceler dans les nues où elle se décharge sous forme d'orages; c'est pourquoi nous nous sentons lôurds en ces moments. Mais au temps des froidures, elle s'emmagasine à profusion dans la matière palpable et ses manifestations sont nombreuses. o


pourrait y avoir là (pour le physiologiste tout au moins) d'intéressantes études à faire; un champ Il

inexploré s'ouvre pour la science en ces contrées à

peine sorties de l'enfance.

HÉLIA.

singulière Profession les Fouilleurs de Tombeaux.

Une

LES détrousseurs de morts, dont il est ici question, ne sont rien moins que des criminels répugnants, comme les tribunaux sont quelquefois appelés à en juger ce sont d'honnêtes et utiles ouvriers de la science, et les tombeaux, dont ils violent le mystère, sont des tombeaux préhistoriques. Sur la côte du Pacifique, dans toute la région californienne, d'incontestables vestiges de populations très anciennes ont, depuis vingt-cinq ans, attiré l'attention des archéologues. Des expéditions ont été organisées, qui ont amené la découverte d'un grand nombre de sépultures indiennes, et, au milieu d'ossements, on a recueilli beaucoup d'objets ustensiles, bijoux, armes, qui avaient été manifestement enterrés avec les cadavres. Ces découvertes ont permis de créer, soit à New York, soit dans d'autres villes américaines, et même à Londres, des musées entiers d'antiquités indiennes. Les particuliers s'en sont mêlés, ontvoulu avoir leurs collections à eux, et la récolte funèbre continue, toujours abondante, toujours lucrative, et lucrative pour les intermédiaires, tant et si bien qu'une profession toute particulière s'est constituée dans ces régions, et qui nourrit des centaines d'hommes, uniquementoccupés à la recherche de nouvelles tombes préhistoriques. La plupart de ces déterreurs se trouvent dans le sud-ouest de la Californie, tout autour de la baie d'Avalon et dans l'île de Catalina, où a dû s'élever, à une époque qu'il est impossible de fixer, une grande ville indienne. Les vestiges des habitations, aujourd'hui ensevelies ou réduites en poussière, sont encore reconnaissables aux traces de fumée, dont certaines pierres sont restées empreintes, à des pieux, à d'informes pans de murs, etc. Traces à peine visibles pour le profane mais le flair des explorateurs un peu entraînés les découvre tout de suite, et aussitôt ils se mettent à creuser une longue et large tranchée, avec embranchements à droite et à gauche, dans le sol où ils devinent une ville ensevelie ou, mieux encore, une nécropole. Quand un indigène de Santa Catalina, faisant partie de ces populations préhistoriques, venait à mourir, on l'enterrait avec les objets dont il avait aimé à s'entourer pendant sa vie, ou dont il pouvait avoir besoin dans l'autre monde armes, vases, mortiers, hameçons, etc. C'est ainsi que M. le professeur C. F. Holder, dont nous traduisons le récit, a déterminé à lui seul l'emplacement de plus de quarante villes, villages ou campements indiens, soit, pour le plus grandnombre, au bord de la baie d'Avalon, soit à l'issue de presque tous les canons ou gorges des montagnes de la contrée.

Ces découvertes se rapportent à des périodes historiques bien distinctes. Les plus profondément enfouies de ces localités appartiennent, en général, à l'âge de la pierre pas un objet en métal n'y a été dé-

couvert. Haches, bracelets, montres, bijoux, formés de coquillages ou de pierres brillantes, mortiers et vases de diverses dimensions; telles sont les trouvaillesfaites

dans ces parages. Mais, quelquefois, dans une couche de terrain, moins profonde et au-dessous même de ces localités préhistoriques, d'autres localités, d'autres tombeaux, ont livré à l'explorateur quantité d'objets de métal d'origine espagnole, cloches, couteaux, etc. A quatre-vingts milles au nord-ouest de Santa Catalina, se trouve une station encore plus riche, celle de San Nicolas, qu'on pourrait appeler la Mecque de l'archéologie préhistoriqueindienne. Et pourtant, cette région, déshéritée au point de vue de la verdure, est continuellementbattue des vents, qui bouleversent le sol sablonneux, recouvrant, découvrant tour à tour le même emplacement. C'est ainsi qu'ils se constituent les auxiliaires des archéologues qui, dans un coup de pioche, découvrent parfois de vastes champs d'ossements blanchis et épars. La passion qu'ils prennent à leurs recherches est d'ailleurs bien nécessaire pour leur faire supporter un séjour, auprès duquel celui de Robinson paraît une existence de Sybarite, tant les nuages de sable, soulevés par le vent, la chaleur torride et le manque d'eau rendent inhospitalières ces régions, d'ailleurs stériles, à part de larges moissons de crânes dans les champs désolés de la mort.

élève de l'École normale supérieure, agrégé des lettres. L'Onabrie. L'âme des cités et des paysages Cortone; le lac de Trasimène; Pérouse; de Pérouse à Assise; Assise; Spello; Montefalco; la source et le temple de Clitumne; Spolète. in-16. Broché, 3 fr. 50.

René Schneider, ancien

vol.

ILsemblait difficile d'écrire un livre nouveau, sinon un

nouveau livre, sur les beautés-de l'Italie. Chacune de ses merveilles a été examinée, scrutée, décrite avec art et précision. Mais si la matière d'étude reste pour tous identique, la gamme des impressions, la palette des sensations, peuvent varier à l'infini. Chaque auteur, en mettant un peu de son âme dans son oeuvre, saura lui donner un aspect encore inconnu. Certes les splendeurs diverses de Venise ou de Naples, de Rome ou de Florence ne laisseront jamais le voyageur indifférent; mais on nous les a bien souvent décrites. Au contraire, le charme de cette Ombrie, « aussi peu connue qu'elle est belle », belle par ses paysages, par ses artistes, par son histoire, qui donc essaya jamais de le traduire? Estce peut-être qu'il fallait, pour y réussir, une sensibilité trop délicate et trop nuancée? C'est ce charme si particulier qui respire à travers toutes les pages du livre de M. René Schneider. Et quelle variété dans ce livre C'est Pérouse et ses peintres, dont l'étude critique est ici, pour le dire en passant, renouvelée de main de maître; c'est Assise et la délicieuse poésie de ses mystiques souvenirs; c'est Spolète, avec ses bois sacrés, ses murs romains, qui virent fuir Annibal, où rêva peut-être Lucrèce sa fière citadelle, où régna Borgia.

Livre vraiment évocateur, pittoresque et précis, sincère et fin, l'un des plus capables qui soient de renouveler ou d'éveiller dans l'âme du lecteur la sensation pénétrante des merveilles de là-bas.


EUROPE

Création de Jardins alpestres dans les Vosges. Deux jardins de plantes alpestres ont été récemment installés en deux points différents de la chaîne des Vosges, permettant aux botanistes et aux touristes d'admirer les richesses de la région et les essais d'acclimatation des représentants de la flore des Alpes. On se contenta d'abord de transporter et de transplanter au sommet de la cime du ballon d'Alsace quelques plantules déjà développées et jugées suffisamment fortes pour pouvoir supporter le climat de cette haute altitude. Malheureusement, les troupeaux qui paissent sur ces hauteurs détruisaient fréquemment nombre de ces plants. Aussi, on décida d'aménager spécialement en jardin un terrain d'une superficie de 4 ares et de l'enclore de façon à préserver les sujets saxatiles et des animaux et du vent très violent qui souffle constammentsur ce sommet. Ce jardin, situé à une altitude de 150 mètres, estvoisin de la frontière qui sépare les Vosges de l'Alsace et a son sol quelque peu incliné vers l'ouest. Les plantes s'y com-

portent très bien, et plusieurs espèces fleurissent très régulièrement chaque année.

Un deuxième jardin alpestre a été créé, l'année dernière, près de la Schlucht et du Hoheneck il est situé à 250 mètres d'altitude, sur la hauteur où la Meurthe prend sa source; son terrain a une superficie de 1 ooo mètres

carrés.

AFRIQUE

La Vente des Lots de Colonisation en Algérie. longtemps réclamée par l'opinion entrera très prochainement en application il s'agit de la Une réforme depuis

vente des lots de colonisation à bureau ouvert. Prochainement, des lots d'une étendue variant de 12 à à zoo hectares seront mis en vente dans six centres de colonisation du département d'Alger, huit du département d'Oran, douze du département de Constantine. Les lots propres à la culture des céréales et à l'élevage du bétail se trouvent situés dans les départements d'Alger et de Constantine,ceux favorables aux cultures diverses dans les départements d'Oran et de Constantine, tandis que les terres propices aux cultures d'arbustes sont situées dans l'Oranais, La vente aura lieu au bureau des Domaines du cheflieu du département. L'acte de vente sera signé séance tenatite. S'il y plusieurs acquéreurs pour un même lot, des enchères seront ouvertes immédiatement et le lot deviendra la propriété du plus offrant. Peuvent seuls être acquéreurs les Français d'origine ou Européens naturalisés jouissant de leurs droits civils, n'ayant jamais été acquéreurs ou concessionnaires de terres de colonisation. II ne pourra être attribué qu'un seul lot à une même personne. L'acquéreur doit transporter son domicile sur la terre acquise dans un délai de six mois et y résider avec sa famille d'une façon effective et permanente; l'exploiter personnellemeht pendant dix années successives ou bien se substituer une famille de nationalité française ou d'origine européenne. II lui est interdit, pendant cette même période, de louer ses terres à des indigènes et de les revendre à d'autres que des Français ou Européens naturalisés, sous peine d'annulation de la vente.

École de Culture du Caoutchouc en Afrique occidentale française. On a maintes fois signalé les conséquences fîcheuses qu'entraînent les procédés primitifs employés par les indigènes pour la récolte du caoutchouc ils déprécient souvent la marchandise par leur préparation défectueuse et tarissent la source des produits par la destruction des lianes.

Pour remédier à ces

inconvénients, le Gouvernement

général de l'Afrique occidentale a créé, à Bobo-Dieulasse, et à Banfora, deux écoles pratiques, où sont formés des moniteurs indigènes qui, de retour dans leurs villages, apprennent à leurs compatriotes à récolter utilement le caoutchouc, à le traiter convenablement, et à assurer la conservation et la multiplication des lianes. Deux mois suffisent à enseigner aux élèves les principes et la pratique de la méthode. Les résultats obtenus sont déjà très satisfaisants on a pu constater une amélioration sensible dans la préparation des produits, et les services rendus par les deux écoles n'ont pas échappé aux colonies étrangères voisines. Le haut commissaire britannique de la Nigeria du sud, désirant créer des écoles semblables, a demandé à M. Roume, gouverneurgénéral de l'Afrique occidentale, de vouloir bien mettre deux moniteurs à sa disposition et de recevoir à l'école de BoboDieulasse deux natifs de la Nigeria. L'inspection de l'agriculture a l'intention d'instituer de nouvelles écoles dans les centres producteurs de la Côte d'Ivoire le bénéfice de cette mesure sera ensuite étendu aux autres régions productrices de caoutchouc de l'Afrique occidentale française.

L'Italie au Benadir. Le Benadir était depuis plusieurs années

administré par

Bertadir, une compagnie à monopole, la Société italeénrre dulombards. ayant son siège à Milan et constituée avec les capitaux Mais l'administration de cette société ayant donné lieu à de graves reproches exprimés tant dans la presse qu'au sein du Parlement, le Gouvernement italien a décidé d'administrer directement la colonie, et a ordonné la dissolution et la liquidation de la société pour le 15 mars prochain. Aux termes d'un accord intervenu avec l'assentiment du sultan de Zanzibar, entre l'Italie et l'Angleterre, le Gouvernement italien a la souveraineté absolue sur les ports du Benadir déjà confiés à son administration. L'Italie paiera en compensation une somme de 3600000 francs au sultan de Zanzibar. Le Gouvernement anglais cède en outre à l'Italie l'usage d'une station dans le territoire de Kismajou.

La deuxième Voie du Transsibérien. Pour la résolution de la question de la deuxième voie

du chemin de fer de Sibérie, a été créée une conférence spéciale, sous la présidence du comte Solsky. La conférence a exprimé l'avis unanime que la construction de la deuxième voie ne pouvait absolument pas être achevée pendant la ans guerre actuelle, et qu'il fallait au moins deux ou trois assiGouvernement voie. Le construction de cette a la pour gné dix millions de roubles pour les travaux préliminaires de la construction à laquelle on procédera, en même temps qu'on prendra une série de mesures dans le but de renforcer la capacité de transport du chemin de fer de Sibérie. Jusqu'ici, il n'y avait en circulation sur cette ligne que seize paires et demie de trains par jour, dont douze trains militaires; maintenant on a construit de nouvelles voies d'évitement et le nombre des trains en circulation s'élèveà dix-huit paires par jour. Outre cela, on se propose de construire plusieurs deuxièmes voies sur différentes sections de 100 verstes de longueur. La conférence spéciale a fait aux usines de construction de wagons russes une commande de 2400 nouveaux trois fois plus wagons d'un type spécial et d'un tonnage circulation. Les grand que celui des wagons actuellement en nécessaires pour la feuilles d'acier et les parties repoussées construction de ces wagons sont commandées en France, et tout ce on espère que, vers le mois d'août ou de septembre, destinées à locomotives transmatériel roulant, ainsi que 500 porter d'énormes charges, seront prêts. On aura donc la possibilité, sans augmenterle nombre des trains, de transporter de plus grandes cargaisons, qui exigeront maintenant vingtdeux paires de trains. Le nombre des trains militaires se chiffrera alors à seize par jour.


Les Ruines phéniciennes de la Rhodésie. La terre d'Afrique est féconde en surprises une des plus curieuses est l'existence, en pleine Rhodésie, de ruines dont l'origine remonte probablement aux Phéniciens. Ainsi (( ce pays neuf » était ex~loité quelques siècles avant Jésus-Christ; les chercheurs d'or n'ont rien trouvé qui ne fût connu dès la ~lus haute antiquité, et M. Cécil Rhodes marchait, dit-on,

sur

les traces de

la reine

de Saba.

A 25

kilomètres de la ville de Victoria, sur le bord du plateau central de l'Afrique du Sud, le long de la côte est, s'étend, dans le territoire de la Chartered Cy, sur les bords de la Sabi, à Matindela, un ensemble de ruines, qu'on croit être d'anciens vestiges de la civilisation phénicienne, importée dans la contrée par des colons venus du pays de Tyr et des rives de la Méditerranée. Ces monuments, d'une épo-

accumulation de débris au pied de cette colline, et, un peu plus bas, dans la plaine, une grande enceinte circulaire. Celle-ci, la plus curieuse, est un fouillis d'arbres et de broussailles; on y voit des champs de maïs, des Cafres, auxquels ces ruines servent d'enclos. Les murailles sont admirablement conservées; construites en granit, la végétation n'a eu aucune prise sur elles et ne leur a causé aucune détériora-

tion.

que barbare et su-

perbe, destinés

La grande en-

ceinte est de forme

vraisemblablement à protéger les tré-

elliptique; son

grand diamètre est d'environ 8o mètres et le plus petit de

sors enfouis dans

la terre,

à

la fois

forteresses et temples voués au culte

6o mètres. La hauteur des murs varie de 5 à i i mètres et leur épaisseur, à la base, de 2 à 5 mètres. La partie sud,

des astres, sont si-

tués sur l'emplacement où, récemment, ont été dé-

couverts les filons aurifères de la ré-

faite de pierres d'é-

gales dimensions et taillées avec une précision mathématique, est la plus

gion du Zimbabwé, dans le Mashoualand.

Dans cette

puissante et la zone aride, où, sur LES RUINES PHÉNICIENNES DE ZIMBABWÉ (RHODÉSIE). mieux construite. le sol rouge, semAilleurs, les blent seules pousPhotographie communiquée par le Dr A. Loir. pierres, rangées ser des pierres de moins régulièrement, semblent dater d'une époque toute dimension et de toute forme, s'élève un kopje, différente. sorte de roche mégalithique rappelant les dolmens de Il y a trois entrées la principale est au nord, notre Bretagne, mais, à l'encontre de ceux-ci, se dressant à pic en gigantesque colonne de granit et poren face de la colline où s'élève la forteresse, et n'a que tant, sur son sommet couronné de ruines, comme un i mètre de largeur. Elle se trouve placée obliquement château fort du Moyen Age. C'est Zimbabwé, avec ses dans la muraille, et le seuil conduit l'intérieur par des trois groupes de ruines entièrement constituées de degrés descendants, cimentés avec du granit pulvérisé. granit, comprenantune forteresse s'élevant sur le somLes deux autres portes sont encore plus étroites. Bien que très vague, l'idée architecturale est met d'une colline, à l'origine même de la vallée, une A TRAVERS

tH MONDE.

IOe UV.

No i o.

Il Mars 1905.


apparente, cependant sur la paroi extérieure d'une des murailles, on voit deux lignes figurant des chevrons grossièrement taillés dans le granit. Ces ruines produisent: de prime abord, l'effet d'un labyrinthe. Un corridor, en forme de boyau, situé à l'entrée principale, se prolonge, resserré entre deux hautes murailles, hautes de près de io mètres, en moellon de granit très régulièrement taillé. Une assez large ouverture, exécutée avec une régularité remarquable, se trouve à un certain point de la muraille., le long de ce passage. Ce dernier, d'un parcours de 40 mètres environ, aboutit à une issue où des rainures, situées entre les deux contreforts qui terminent le couloir, indiquent l'ancienne existence d'une porte à cet endroit, servant probablementà mettre à l'abri la partie du monument où s'accomplissaientles cérémonies des rites. C'est de là, en effet, que l'on pénètre dans l'enceinte la plus inaccessible. Celle-ci est en forme de croissant au milieu se dressent

mètre de diamètre, alternant avec des monolithes, abrite, à l'ouest, le temple-forteresse. chacune

1

Au sommet de la colline, le passage se bifurque; d'un côté, on aboutit sur le rebord du précipice et de l'autre on arrive à une petite terrasse, au pied d'énormes blocs de granit de 15 mètres de hauteur. Sur cette terrasse, on voit des monolithes et de hauts piliers. Au pied de la plate-forme est un assez large espace dallé et cimenté; au centre, se trouve un autel de granit recouvert aussi de ciment. C'est le plus vaste espace

libre de la forteresse. Un dédale de couloirs tortueux, de murailles, recouvre le sommet de la colline, où l'on trouve encore quelques salles arrondies, reproduction du grand temple circulaire. Au sud du temple est un escalier conduisant à des caverne5' creusées dans le roc, dans lesquelles on a découvert des creusets, des fours à fusion pour l'or et d'autres objets destinés à servir à l'exploitation du

deux tours, une

grande et une pe-

métal. Actuellement, ces cavernes

servent parfois

tite, en forme de

d'habitation à des individus représen-

tronc de cône. Dans le sol, en

tant une curieuse

grosses pierres cimentées, a été fixé

variété de l'espèce

humaine qu'on

un monolithe. Deux

portes seulementt conduisentàcelieu. La grande tour a à peu près i i mètres

croyait disparue. Des pygmées, originaires, croit-on, du centre de l'Afrique, hauts àpeine

de

de Iffi20,

hauteur; bien

que tout entière en granit, son som-

dans le plus complet état de sau-

met a, d'un côté, subi quelques altérations. Il est légèrement écroulé.

vagerie, s'abritent maintenant dans les anfractuosités de roche, où s'élaborait autrefois le mystère de l'or. On

Lesdeuxtours

sont de forme circulaire, et la plateforme de la grande devait avoir plus de i mètre de dia-

vivant

se demande quels

habitants ont pu être les construcPhotographie comnxuniquée par le D= A. Loir. teurs de ces ruines, mètre. C'était, probablement, l'autel où se faisaient en présence desquelles le touriste, qui a visité fanles incantations et d'où les prêtres invoquaient les cienne Armorique, fait un retour vers les monuments astres.. celtiques des druides. Cette construction, qui repose directement sur Si l'art et l'élégance manquent à ces construcle roc, a aussi, près du sommet, des pierres formant un tions antiques, elles n'en sont pas moins remarquables dessin en chevrons. par la régularité de la taille et la pose de toutes ces De divers côtés, ainsi que sur la forteresse, on pierres de granit. voit un grand nombre de monolithes et aussi d'énormes On trouve dans la même zone d'autres ruines, blocs de granit superposés. celles du petit Zimbabwé, situées à 12 kilomètres de Autour de ces ruines, on n'a découvert aucune celles que nous venons de décrire. trace de cimetière. Comme les mahométans de Perse, Près de la rivière Lundi, à 5o kilomètres au les anciens habitants de Zimbabwé devaient emporter sud-est de Victoria, on rencontre les ruines d'une tour leurs morts au loin pour les enterrer. Nous avons bâtie sur une légère éminence de granit, ayant 20 mètres remarqué que cet usage existe dans les tribus cafres. de diamètre. Des pierres non cimentées en forment les La forteresse est protégée par des obstacles et murailles de Im50 d'épaisseur. des travaux de défense. Des degrés sont taillés dans Ces pierres ont, au nord, la configuration d'arêtes de poisson. Ces dessins avaient, croit-on, un rapport un passage très étroit, dans une fente de granit de la colline. Celle-ci est à pic du côté sud et forme un préavec l'adoration du soleil. cipice de plus de 3o mètres de hauteur. Une puissante A Matindela, sur la rivière Sabi, est un autre muraille, ornée à l'extérieur de sept tours rondes ayant groupe de ruines ressemblant aux précédentes. LA GRANDE MURAILLE DES RUINES PIIÉNICIENES DE ZIhiBABWÉ,


Les anciens constructeurs de ces ruines ont dû

venir autrefois dans le Sud-Africain, en passant par le port de Sofala. On sait que ce port est aujourd'hui presque complètementenvahi par les sables. La colonisation, le commerce et surtout l'exploitation de l'or paraissent avoir été l'objet des voyages de ces hommes qui, certainement, n'appartenaient pas à la race nègre, et qui ont dû aller se fixer jusque bien au delà du nord de Salisbury, sur la rivière Majoë, dans le Mashoualand. Ce fait est prouvé par la

présence, dans ces parages, de murailles identiques à celles des ruines des deux Zimbabwé. Des remarques géométriques, astronomiques et architecturales peuvent être faites sur ces différentes ruines. Les premières ont regard aux mesures des constructions; les secondes, relatives à l'observation du soleil et des astres, sont surtout intéressantes. Si, d'après leurs recherches et leurs calculs, il est évident que ces peuples étrangers con-

naissaientlagéométrie ancienne

et

pouvaient

Des fouilles ont été autrefois exécutées à Zim-

mais, abandonnés depuis de très longues années, ces travaux commencés ont disparu sous les broussailles, et tout ce qui a été trouvé, au cours de ces recherches, a dû être emporté. On ne voit pas, auprès des murailles qui ont été ébranlées, la moindre pierre dont la forme se rapproche des blocs de quartz régulièrement taillés, ayant servi à la construction de cet ancien bâtiment. Un fait certain est que ces morceaux de granit n'ont pas été enlevés par les noirs, mais probablement par les prospecteurs des reefs aurifères des environs, venus depuis l'occupation anglaise. M. Bent, archéologue allemand, venu en mission en Rhodésie pour étudier ces ruines, a fait récemmentdenouvelles fouilles à Zimbabwé. Tous les objets trouvés proviennent du temple de la forteresse, lieu constammentà l'ombre, ce qui lui donnait une fraîcheur redoutée par les noirs. C'est la raison qui, sans doute, aura tenu les inbabwé

digènes à distance ils ne se

être

d'origine sémi-

de

sont donc emparés que de ce qui se trouvait dans les endroits exposés au soleil.

conclure que

Tous les

tique, leurs ob-

servations astronomiques permettent

trouvés dans le temple sont en stéa-

Zimbabwé a été jadis construit par des hommes

objets

schiste, roche schisteuse, sa-

venus du nord,

peut-être de l'Arabie et de l'É-

vonneuseautoucher, qui existe au voisinage des ruines. On trouve, fabriqués en cette sorte d'argile, des oiseaux

gypte i.

En effet, on paraît avoir disposé de tous les points favorables pour l'é-

tude

des cons-

tellations de

OBJETS CONSERVÉS DANS LE MUSÉE DE BULAWAYO.

perchés sur des

qui, autrefois, decolonnes

l'hémisphèreboPhotographie communiquée par le Dr A. Loi~ réal c'est seuvaient décorer lement à celles-là que les peuples du nord rendaient les murailles des temples. Par leur forme, le dessin de leur 'bec et de leur plumage, ces oiseaux, malgré un culte, et de ces astres que leurs prêtres tiraient leurs horoscopes. Ce qui fait aussi supposer que le leur esthétique barbare, pourraient rappeler le vauculte du soleil a dû partager celui des autres astres, tour. On sait que ce dernier se rapporte à l'adoration c'est qu'au moment le plus chaud de l'année, les pardu soleil créateur et fécondateur. D'après d'anciens ties décoréesdes murailles font face au soleil levant. C'est bas-reliefs et d'anciennes monnaies, les tours pointues l'astre de la fécondation à son lever qui a réglé les dédes temples avaient la même signification. Des lignes géométriques, tracées sur des piliers, cors des constructions de Zimbabwé, comme, la nuit, des pierres, des fragments de bassins à bord arrondi, ce sont les astres du nord qui ont seuls attiré l'attention. Cependant c'est au soleil couchant, soit au solstice décorés de bœufs, de zèbres, de scènes de chasse, d'été, soit au solstice d'hiver, que font face les murappellent le style phénicien. On a aussi découvert un railles décorées, et il est évident qu'on a voulu régler peu de poterie qui pourrait être de style perse et des l'année d'après l'un de ces solstices. objets de fer cloches, doubles pinces, pelles, haches, Quant à l'époque à laquelle ces ruines ont été lames, flèches, etc. construites,les opinions des archéologues sont diverses. Malheureusement la moindre inscription indicaD'aucuns disent que ces constructions remontent trice fait totalement défaut, et le problème de ces ruines à l'an 1500 avant Jésus-Christ; d'autres les donnent reste encore à résoudre. comme Sabéennes. Il est certain toutefois que, dans ce passé mystérieux, les colons avaient déjà pour but principal 1. C'est l'opinion de l'archéologue allemand Bent.


l'industrie aurifère. Un petit four, destiné à la fonte de l'or, au ciment de granit pulvérisé, muni d'une cheminée, des creusets en argile avec des traces d'or encore visibles, adhérentes à la partie vitreuse, due à la chaleur du feu, et un moule pour lingots ont été pris dans les cavernes de Zimbabwé. Le moule pour lingots, en croix de Saint-André, est de même forme qu'un lingot d'étain portant le poinçon phénicien, trouvé à Falmouth, en Angleterre. Si l'origine de Zimbabwé n'est ni phénicienne, ni arabo-phénicienne, il se peut que, du moins, elle soit due à un peuple

ayant subi l'influence des Phéniciens. D'après Héro-

dote, ces derniers, au service du pharaon Necho, celui qui, le premier, creusa l'isthme de Suez, firent le tour de l'Afrique,six cents ans avant Jésus-Christ, et ce furent les premiers navigateurs qui dirent avoir vu le soleil à leur droite en naviguant vers l'occident. Il est certain qu'ils ont connu la côte est de l'Afrique. De tous temps, l'Arabie a été célèbre pour produire de l'or; maintes citations dans la Bible, dans les auteurs romains, affirment l'existence de ces trésors dont fait mention l'inscription assyrienne de TeglathPhalazar, qui remonte à sept cent trente-trois ans avant

l'ère chrétienne.

Qu'est donc Zimbabwé, avec son ensemble de

ruines grandioses, ses filons aurifères? N'aurait-ii'pas été autrefois la plus riche contrée du monde antique, le pays de Pont ou celui d'Ophir? Mais le passé est muet et les traditions se taisent. Dès fan trois cent trente-cinq après Jésus-Christ, les Arabes possèdent la côte est de l'Afrique. Leurs auteurs citent ce pays aux IX. et x. siècles et nomment trois villes du nom de Sabae, que porte encore aujourd'hui la rivière de Sabi qui longe ces ruines. Le voyageur Vasco de Gama trouva, sur cette côte, des marchands arabes faisant le commerce de la poudre d'or et, à Sofala, deux bateaux arabes chargés

d'or. Les Portugais avouent n'avoir jamais connu les ruines de Zimbabwé. On n'en parlait presque plus au siècle dernier. C'est en 1871 que le voyageur allemand, Carl Mauch, les découvrit et les attribua aux Juifs. « Je restai ébloui et presque sans parole, écrit-il, en présence de ces immenses gisements aurifères où

des milliers et des milliers de travailleurs peuvent venir travailler sans se gêner les uns les autres et où les Juifs, du temps de Salomon et de la reine de Saba, ont laissé des monuments qui, à travers les âges; attesteront les splendides richesses enfouies dans le sol de cette contrée. » L'étude ultérieure de la contrée a confirmé l'opinion du savant allemand. Des chercheurs d'or nous ont affirmé que les prospecteurs, ayant fouillé le sol aux alentours duquel se voyaient quelques vestiges d'anciennes ruines, s'étaient trouvés en présence de ruines d'une grande richesse. Il se peut donc que les travaux, dus peutêtre au génie des Phéniciens, soient, dans cette contrée de trésors miniers, le guide le plus sûr pour les recherches de la prospection. On ne saurait, en tous cas, les négliger sans préjudice et perte de temps. Dr ADRIEN LOIR.

Après le Percement du Simplon. Projets divers des Lign es f ran çaises d' accés au Tunnel. LES journaux ont célébré à l'envi le percement du Simplon; et c'était justice. Il y a dans œuvre accomplie une victoire admirable contre les forces de la nature et un résultat pratique de tout premier ordre 1. Avantageux incontestablement pour la Suisse et l'Italie, le nouveau tunnel servira-t-il maintenant les intérêts français ou les intérêts allemands? Sera-t-il une concurrence ou un auxiliaire pour le SaintGothard ? La voie du Simplon doit normalement relier l'Italie à l'Angleterre. Sera-ce par l'intermédiaire de la France? Là est aujourd'hui pour nous toute la question. Il s'agit qu'entre l'Angleterre et le Simplon la France offre le plus court chemin. Or la France peut choisir pour atteindre ce but entre divers projets, correspondant à des remaniements ou des constructions de nouvelles lignes d'accès au Simplon2 10 Sur la ligne de Lausanne, par Dijon et Pontarlier, faire un raccourci entre Frasnes et Vallorbe avec un tunnel percé sous le mont d'Or. Projet d'exécution rapide, peu coûteux, mais qui contrarie les intérêts de Pontarlier, des cantons de Neuchâtel et de Berne, et servirait bien mal ceux des bassins de la Loire et du Rhône. 20 Sur la ligne de Genève, par Lons-le-Saunier, construire une ligne directe de Saint-jean-de-Losne à Genève, avec percement de la Faucille; on aurait ainsi la plus courte distance entre Paris et Milan; mais le projet est long, coûteux et mécontente la Savoie. 30 Celle-ci demande qu'on lui substitue le projet d'une ligne Saint-Amour-Bellegarde; mais outre le coût du projet, qui serait considérable, il faut avouer qu'il intéresse fort peu et Genève et le restant de la Suisse. Ce sont là les principaux projets il en est, il en surgira peut-être d'autres. Des questions d'intérêt local, si respectables qu'elles soient, n'empêcheront pas trop longtemps, nous voulons l'espérer, un choix de la rapidité duquel dépend notre succès futur sur nos

l'

concurrents. Le Gouvernement semble, d'ailleurs, vouloir s'occuper de cette question. Peut-être aurait-il pu et aurait-il dû le faire plus tôt. Mais ne soyons pas trop exigeants. Mieux vaut tard que jamais.

1. Voir la série d'articles que nous avons consacrés à dans,4 travers le Monde Le Tunneldu Simplon, question la 1900, page 101; Le Percement du Simplon, 1902, p. 343 i Les Lignes d'accès françaises vers le Simplon, 190), p. 69; Le Percement du Simplon, 19°), p. 383; Autour du Simplon, 1904, p. 269; Au Tunnel du Simplon, 19°4, p. 108.

2. Voir la carte des lignes d'accès au Simplon dans Travers le Mo~tde, 19°4, page 269. A °


leur parler constamment du charme d'une vie hyginique, de la nécessité d'une maison gaie et salubre, si l'on ne tâchait, d'autre part, de leur en fournir sérieuse-

Les Maisons ouvrières. LA question des maisons ouvrières, résolue théoriquement, mais loin de l'être au point de vue pratique, est restée en France dans le domaine privé. L'initiative de quelques-uns seulement a conduit à tenter des expériencesdansdivers ordres d'idées et à produire de rares effets utiles. Le Congrès international, tenu à Dusseldorf en juin ic~o2, a montré, une fois de plus, combien notre pays est en retard sur les autres, notamment sur l'Angleterre, l'Allemagne et la Belgique, relativement aux habitations à bon marché,construites avec l'hygiène et le

confort résultant des progrès de la science moderne. On ne peut méconnaître aujourd'hui la portée d'un logementsain,

dont la préoccupa-

tion s'impose à la sollicitude des pouvoirs publics. La grandeur du problème à

résoudre

devrait éveiller

ment les moyens. Les habitations ouvrières saines, édifiées par les villes, les administrations des comités d'assistance, ou par des sociétés de construction, et louées à bon marché, seules, aideront à lutter avec avantage contre la tuberculose. Les statistiquesont montré que la mortalité, par

suite de maladies contagieuses', est en raison directe de la densité de la population par quartiers dans les villes. Or l'on ne s'est pas assez préoccupé de rechercher la relation existant entre le mode d'occupationdes maisons et la mortalité. L'intensité de l'effort patronal, le nombre des sociétés créées depuis dix ans et l'œuvre des habitations à bon marché ont fait faire quelques progrès à la question, sans rendre cependant d'importants services à la classe ouvrière. Les encoura-

gements

officiels

furent, du reste, fort peu efficaces, et les municipalités françaises ne contribuèrent en rien à l'amélioration des

petits logements. Le Conseil municipal de Paris s'occupa de la chose, nomma en 1884 une

commission d'étucette sollicitude et des, examina une faire trouver des foule de projets, moyens assez puismais aucun d'eux sants pour lui donMAISON OUVRIÈRE DE BEAUNE. ne fut mis à exécuner une solution. tion. Les rapports Photographie communiquée par Mme L. Fiedler. Les règlepubliés dans tous les États civilisés par les Conseils supérieursd'hygiène ments de la ville de Paris ne favorisent pas la construction des petits logements. La viabilité des rues permettent de mesurer les conséquences de meilleures classées, coûtant quatre cents francs I~ mètre linéaire, conditions de salubrité des habitations ouvrières. Du rend leur édification impossible. Les rues tracées par reste, puisque de réels efforts se produisent pour lutter la Ville ne la facilitent pas davantage; car les grands contre la tuberculose, fléau qui, sans nous effrayer, habitués que nous y sommes, tue autant d'hommes percements qui ont amené la démolition de tant de taudis dans les quartiers encombrés, en déblayant le que le choléra, la variole, le typhus, la diphtérie réuterrain, font fait revenir à un prix tropélevé pour pounis, n'y a-t-il pas lieu d'agir avec plus de méthode, de vaillance et d'efficacité contre ces milieux, où le défaut voir l'affecter à la construction de maisons ouvrières. d'aération, le manque de lumière débilite les orgaD'autre part, les municipalités des environs de Paris, ne tenant pas à attirer sur leur territoire des pernismes, et où la malpropreté ne favorise que trop les progrès de ses ravages? sonnes peu aisées, sont en général hostiles aux maisons économiques. Dépister les tuberculeux pauvres, les guérir, les éduquer, désinfecter les locaux qu'ils ont occupés, La question des petits logements a été étudiée sont certes d'excellentes armes, mais on ne doit point sous toutes ses faces. Grâce aux enquêtes de la Société française des habitations à bon marché, elle a fait un oublier qu'elles n'auront pas une influence décisive sur la disparition de la tuberculose si, parallèl~ment à leur pas en avant, et il faut espérer que la loi récente sur la santé publique lui donnera une nouvelle impulsion. emploi, les pouvoirs publics ne font pas l'effort indisIndifférent à l'heure actuelle, le Gouvernement pensable pour faire profiter toutes les classes de la société des bienfaits que l'hygiène a déjà prccurés aux intervint sous l'Empire. C'est ainsi qu'en 1848 il accorda une remise aux propriétairesde petits logements; favorisés de la fortune. Ce serait vraiment puéril d'inviter les travailleurs à la croisade antituberculeuse,de en 1852, il mit une somme de dix millions à la dispo-


sition des constructeurs des habitations ouvrières, et lui-même, en 1859, édifia 17 maisons, dont une pour travailleurs célibataires. Comme ces maisons ne furent pas occupées par ceux auxquels elles étaient destinées, l'Etat les loua, et renonçant bientôt à les élever luimême, offrit une subvention d'un tiers de la dépense à des propriétaires pour le remplacer. Mais, à cette époque, les maisons rapportant des intérêts très rému-

nérateurs,lesentrepreneurs préférèrentsepasserdesfaveurs gouvernementales et bâtir à leur guise. Aussi l'empereur, ne trouvant pas l'emploi des six millions restant en caisse, les affecta à la fondation de deux œuvres de bienfaisance les asiles de convalescence pour femmes, au Vésinet, et pour hommes, àVincennes. Ce dernier, admirablement dirigé par le Dr Bourrillon, s'appelle maintenant Asile national des Convalescents de Saint-Maurice. Les départements français, pas plus que les communes, ne se sont intéressés à la demeure des humbles. Seule, la Ville de Paris, dans un bon mouvement, a établi le casier sanitaire de ses maisons; mais jusqu'à présent, oubliée dans les cartons administratifs, l'en-

quête n'a donné aucun résultat pratique, malgré finsistance et les travaux remarquables de M. Ambroise Rendu. 11 faut, néanmoins, espérer qu'au prochain Congrès des habitations ouvrières de Liège, la France pourra montrer le profit des travaux de Dusseldorf, au point de vue de l'hygiène et du bon marché des petits

logements. 11 est regrettable que les sociétés d'assurances, en France, n'interviennent pas, comme en Allemagne, dans la question. Là, trente-trois institutions d'assu~ rances contre l'invalidité, en prêtant des sommes importantes, sur inscription hypothécaire à 3 pour ioo, amortissement compris, ont accordé de grandes facilités. Les prêts d'argent, s'élevant à 75 millions, sont consentis à des sociétés d'intérêt général et à des sociétés coopératives de construction. Aussi y at-il en Allemagne 3oi de ces sociétés, ayant construit 8 478 maisons et 24 °75 logements ouvriers, représentant une somme de io3 millions, tandis que nous ne pouvons leur opposer, en France, pas même le quart de sociétés de construction avec un actif bien inférieur. C'est dans les maisons ouvrières de Berlin que l'on trouve la protection sociale la mieux comprise, par les nombreuses mesures destinées à améliorerles conditions d'existence de ses habitants. Des mesureslégales pour l'amélioration des logements ouvriers en Allemagne étant l'objet de continuels perfectionnements, des inspecteurs des logements, institués dans les dernièresannées, en surveillent l'exécution. Cette législation, différente dans chacun des États confédérés, est, avant tout, de nature prohibitive. De récentes ordonnances de police règlementent la distribution des villes en zones, la hauteur des édifices et le nombre de leurs habitants. Comme l'insalubrité et l'encombrement des locaux sont les facteurs avérés de la propagation de la tuberculose, la question du logement, dans la lutte rationnelle entreprise en Allemagne contre ce fléau, est sur le point d'être résolue par une loi de réforme sociale, succédant aux lois de réformes ouvrières et appelée à les compléter. Acheter des terrains au compte de l'État, les em-

pêchant ainsi de devenir l'objet de spéculations, pour les céder ensuite aux sociétés de construction, est la réalisation d'un projet conçu par le secrétaire de l'Empire, le comte de Posadowski-Wehner. Le ministre Von Miquel, avant lui, par le décret du 21 juin 1889. assignait déjà aux communes, aux associations et aux patrons le soin de bâtir et d'administrer les logements ouvriers. Du reste, depuis longtemps, dans les provinces occidentales, notamment, les patrons se sont préoccupés de résoudre cette question pour le bonheur de leur personnel. L'influence du logement sur la santé a été prouvée depuis longtempspar la statistique des décès. Quand les décès dépassent 20 pour ioo dans un quartier urbain, il est certain qu'il y existe des foyers d'infection. L'encombrement,par son action sur la tuberculose, augmente la mortalité générale de Io pour ioo. De nombreuses expériences démontrent que les travaux d'assainissement, effectués dans les villes, ont pour effet de prolonger la durée de la vie moyenne et d'amoindrir le taux de la mortalité enregistrée auparavant. Tous les auteurs s'accordent pour constater la diminution des décès dans les maisons salubres. Il reste donc à désirer que des mesures de protection sociale soient rapidement prises en France pour réagir contre les conditions déplorables des logements ouvriers qui, en engendrant la tuberculose, contribuent à la dépopulation et à la déchéance physique et morale de notre

pays.

Mme L. FIEDLER.

Un Peintre en Océanie à la recherche de la Couleur locale. LES romantiques de i83o, pour trouver de la couleur locale, n'avaient qu'à se rendre en Espagne, en Bretagne ou au Tirol. Aujourd'hui, où les nègres eux-mêmes se coiffent du haut de forme, et où les Esquimaux se paient un journal à eux, que faire pour fuir l'odieuse banalité? C'est ce que s'est demandé un peintre américain, M. Théodore Were, qui s'est rendu aux îles Sandwich, puis aux îles Samoa, pour trouver des sauvages, de vrais sauvages nus et, si possible,

anthropophages.

Les îles Hawaï lui ménageaient une déception profonde. Plus de tatouage, plus de ces gracieux costumes dits lavalava, et qui rehaussaient la beauté piquante des brunes filles de l'île: celles-ci s'habillent à la mode de Paris ou du moins elles le croient. Hélas elles ont plutôt l'air de guenons costumées en vue d'une représentation de cirque. Le peintre eut

beaucoup de peine à en décider quelques-unes à poser dans leur costume national, qu'elles gardent encore au fond d'un coffre, comme nous gardons, nous, sous la poussière de nos greniers, tel uniforme du premier Empire. Et pourtant, les Hawaïens ont mille raisons de se plaindre de la civilisation, surtout depuis qu'ils sont annexês à la puissante confédération américaine.


Cette absorption a fait s'abattre deux graves fléaux sur le pauvre archipel océanien. D'abord, les lois américaines concernant l'émigration chinoise, étendues aux îles Sandwich, ont eu

pour éffet d'en écarter tous les jaunes qu'on employait à la culture de la canne à sucre, pour laquelle les bras des naturels ne suffisent pas; quant aux ouvriers blancs, mieux vaut n'en pas parler le climat ne leur convient pas. En second lieu, le budget des îles, absorbé par celui de la grande république, ne peut plus consacrer à des travaux d'utilité générale, dans le pays même,

des sommes suffisantes. En résumé, les Hawaïens sont une race qui se meurt l'alcoolisme a fait ici le même effet que chez tant de tribus nègres ou indiennes. La politique américaine a fait le reste. Les îles Samoa ménageaient au pauvre peintre une gracieuse revanche. L'alcool n'y cause pas encore ses ravages; les naturels n'ont pas l'air de goûter beaucoup le rhum ni le gin. D'ailleurs, les Allemands et les Américains, co-propriétaires de l'archipel, en ont fort sagement limité la vente. Ainsi, il est interdit aux naturels d'offrir des liqueurs aux hôtes qu'ils reçoivent. Dans la partie américaine de l'archipel, la sévérité de la loi va même plus loin, et un hôtel à Tutuila a dû fermer parce que sa principale ressource, la vente des liqueurs, était soumise à des restrictions qui équivalaient à la prohibition absolue. La conséquence? C'est que les naturels de ces îles sont restés beaux, pleins de santé, actifs, joyeux et braves. Ah ceux-là ne rougissent pas de se montrer dans leur costume national, et les jolies filles au teint cuivré sont une joie pour les yeux d'un artiste, quand elles se drapent dans leur lavalava, dont se revêtent là-bas les deux sexes. Ce n'est pas seulement le costume qu'ils portent en commun, les femmes ont autant d'activité, de vaillance et d'intelligence que les hommes. Certains travaux publics leur semblent particulièrement dévo.. lus; ainsi, c'est elles qui font l'office de bateliers pour traverser les rivières. Quant aux hommes, ils n'ont plus à partir en guerre, puisqu'ils sont devenus des sujets, forcément pacifiques, de grandes puissances étrangères; mais ils ne peuvent se décider à ne pas paraître dans la rue sans toutes leurs armes; toutefois, pour montrer qu'ils sont civilisés, ils ont adopté la hache américaine Il est vrai qu'elle n'est pas un simple ornement entre leurs mains vigoureuses; et, ne pouvant plus la lancer dans le crâne de leurs ennemis, ils s'en serventpour abattre des arbres et faire des travaux de charpente. Mais avec quelle dignité ils la portent Un hidalgo n'a pas l'air plus noble et plus fier. Eh bien, ces hommes superbes, qui semblent être nés pour faire la guerre, sont les plus soumis des sujets et les plus pacifiques des hommes. Lors de l'anniversaire de l'empereur Guillaume, en 1903, les naturels de la partie allemande des Samoa ont manifesté en l'honneur de leur nouveau souverain avec le loyalisme de vieux Brandebourgeois, et les policen'avaient qu'un signe men des naturels aussi à faire pour que la foule se rangeât devant les fonctionnaires européens ou se retirât chez elle, lorsque la

fête fut déclarée close. Deux ou trois mauvaises têtes, un peu vivement bousculées par les sergents de ville malais, n'ont eu à leur adresser qu'un sourire contrit,

comme des enfants qui promettent de ne plus recommencer. Décidément, là-bas, ce ne sont pas seulement les agents qui sont de braves gens les vauriens euxmêmes sont honnêtes Ce n'est pas à la seule hache américaine qu'on reconnaît que les indigènes des Samoa sont civilisés ils ont adopté le chapeau melon, mais seulement le dimanche. Ce chapeau est même chez eux une profession de foi, un signe d'orthodoxie. Ils en recouvrent leur tête crêpue pour se rendre au culte. Car ils sont chrétiens ils le sont même avec un zèle à faire rougir tous les plus fervents puritains ou méthodistes de chez nous, car on les voit, dans la même journée du dimanche, écouter d'un air béat deux et quelquefois trois sermons. Le respect du repos de dimanche est poussé si loin chez eux qu'ils préparent, le samedi, les repas qu'ils prendront le lendemain, et qu'ils ne se permettraient pas de ramasser une épingle « le jour du Seigneur ». Voilà une jolie peinture, et telle qu'on pouvait l'attendre d'un artiste comme M. Were. Toutefois, n'oublions pas le proverbe (( Grattez le Russe, et vous trouverez le Cosaque. » Lorsque les îles Samoa ont été le théâtre de troubles, et que les naturels se sont soulevés contre les étrangers, ils ne faisaient pas de quartier aux prisonniers européens. Le général allemand, dans une entrevue, ayant réclamé d'un des chefs indigènes le respect des us et coutumes de la civilisation (( Eh quoi, lui répondit le sauvage, vous trouvez barbare l'usage de couper des têtes! Mais dans votre livre sacré, David a bien coupé celle de Goliath » On ne s'attendait pas à trouver un théologien dans la peau d'un naturel des Samoa! Ne croirait-on pas un passage de l'Ingénu de Voltaire?

Gaston Loth, docteur

ès lettres, professeur au lycée de Tunis. Le PeupZement italien en Tunisie et en Algérie. 1 vol. in-So raisin. Librairie Armand Colin, rue de Mé-

zières, 5, Paris. Broché, 10 francs.

Tunisie, L'ÉTABLISSEMENT et le

développement, en Algérie et en d'importantes colonies étrangères constitue-t-il, comme on l'a prétendu parfois, un péril pour notre domination dans l'Afrique du Nord M. Loth ne le croit pas, et, tout en reconnaissant la nécessité d'amorcer sur l'AlgérieTunisie un courant d'émigration française plus intense, il estime que ces milliers d'étrangers sont pour nous de très utiles auxiliaires, dont nous aurions le plus grand tort de vouloir nous passer. S'occupant seulement des Italiens, il expose d'abord l'ensemble des causes politiques, économiques et sociales qui les poussent vers l'Afrique. Il étudie ensuite les formes diverses de l'activité de tous ces immigrants italiens, ouvriers ruraux, pêcheurs, industriels, commerçants. Puis il passe en revue les différentes classes de la société italienne et les œuvres qu'elle a fondées. Il trace enfin le programme politique et économique qu'il appartient à la France de réaliser pour assimiler cette masse d'étrangers et en faire d'actifs éléments de sa puissance et de sa prospérité. On voit par ce bref aperçu l'importance du très intéressant ouvrage de M. Gaston Loth. Il est désormais indispensable à quiconque s'intéresse à l'avenir de l'Afrique franÇaise du Nord.


DIE ZEIT 7

Un Coin de la Turquie

Vienne.

d'Europe

absolument inconnu.

pionniers de l'Afrique forment, en France comme en Allemagne ou en Angleterre, une imposante phalange. Le Pôle Sud, si délaissé jusqu'à la fin du XIX. siècle, a fini par détourner, à son profit, du chemin du Pôle Nord, plusieurs expéditions devenues célèbres. Et pourtant, il existe en Europe tel canton si peu visité, qu'on peut le regarder comme absolument inexploré, et, en tout cas, moins connu que le centre de l'Asie ou de l'Afrique c'est cette partie de la presqu'île des Balkans qui forme le massif montagneux d'Istrandscha Dagh, et qui, partant de la frontière bulgaroturque, longe la mer Noire dans la direction du sud-est. Il y ade bonnes raisons pour que les voyageurs s'en détournent prudemment cette contrée est, à tous égards, inhospitalière. Bien que les bandes de brigands y aient été mises à la raison, n'y règnent plus en souveraines comme autrefois, il convient d'y prendre plus de précautions encore qu'en Sicile ou en Calabre; en tout cas, l'opinion publique est, à cet égard, lente à se rassurer. Et, quand on aurait surmonté ces terreurs, il faudrait encore faire son deuil, en visitant ce pays, non seulement des douceurs, mais encore du nécessaire que nous assure la vie civilisée la plus sale auberge serait, dans l'Istrandscha Dagh, saluée comme la Terre L Es

Promise. Malgré tant d'obstacles, le Dr Franz Schaffer a visité cette sauvage contrée. Inutile de dire que l'explorateur dont nous traduisons ici les impressions est un Autrichien. On trouve des Autrichiens dans tous les coins de la Turquie;

partout ils intriguent, épient, s'informent, travaillent doucement l'opinion, acheminant les esprits à goûter les douceurs de la domination autrichienne. Le Dr Schaffer ne donne dans la revue viennoise que des détails géographiques et des traits de 'mœurs; mais nous ne jurerions pas qu'il n'ait, sous main, envoyé un rapport confidentiel au Gouvernement austro-hongrois et que sa mission ait été purement scientifique.

Quoi qu'il en soit, parti d'Andrinople,d'où l'on aperçoit déjà la crête tourmentée de l'lstrandscha Dagh border l'horizon du nord-est, il s'y dirigea par une chevauchée pénible qui dura dix heures, et lui permit de poser le pied sur les imposants avant-monts de ce massif. A la fin de la journée, il atteignait la ville de Kirk-Kilissé, qui est située au milieu de vallées et de plateaux bien arrosés, dont l'opulente végétation offre au regard des points de vue ravissants. Il y aurait là, tant pour le zoologue que pour le botaniste, un large champ d'études, riche en découvertes des plus surprenantes. Mais le voyageur avait sans doute mieux à faire. Ce paradis terrestre est le paradis des déserteurs bulgares, qui sont bien accueillis par la population indigène et s'y trouvent en sûreté. Kirk-Kilissé elle-même est une ville de 16000 âmes, au centre d'un vignoble où l'on récolte le fameux vin dit des Balkans, apprécié de tous les Européens qui voyagent en Orient. Et pourtant, malgré un commerce assez florissant, rien n'est moins sûr, au dire des bourgeois, que les environs mêmes de la ville. A les en croire, il n'en est pas un qui n'ait été, une fois dans sa vie, à moins d'une demi-heure des portes de Kirk-Kilissé, fait prisonnier par des bandits, dont il n'a pu être délivré que par une forte rançon. Mais M. Schaffer n'a pas l'air de prendre leurs récits mélodramatiquesau pied de la lettre il y a eu, certainement, des coups de main tentés sur les bourgeois par les campagnards de la banlieue; mais, comme ces derniers ont été souvent pressurés, volés de mille manières légales ou autres par les usuriers que sont la plupart des citadins, on comprend qu'ils aient à coeur de rentrer en possession de leur argent, fût-ce d'une manière assez violente. La rançon tempère le prêt à la petite semaine. Non pas que toute cette contrée offre beaucoup de sécurité ou jouisse d'une paix même relative. Asile de déserteurs et de repris de justice, habitée par des populations

mixtes de Bulgares et de Turcs, de chrétiens et de musulmans, les querelles, qui y naissent tous les jours, se vident trop souvent à la façon de celles de nos apaches. M. Schaffer n'a donc pas pu visiter tous les plis et replis du mystérieux massif, dont les nombreuses vallées cachent encore bien des choses qui feraient l'étonnement du monde savant. C'est ainsi qu'on lui a parlé d'un village du nom de Kosti, dans le district de Wilika Dere, et qui est habité par une population d'adorateurs du feu. C'est assurément le seul point de l'Europe où ce culte ait des sectateurs.

TVEST AFRICA

Moeurs

Liverpool.

et Coutumes des Nègres de la Côte d'Or.

LA, condition de la femme, chez les indigènes de la Côte

d'Or, est celle d'une bête de somme, ni plus ni moins. On l'achète au prix d'une vache, et souvent celle qui est la moins estimée des deux n'est pas celle qu'on pourrait penser. Voici, du reste, la cote de cette marchandise, puisqu'on la traite comme telle une vieille femme, ou une femme chargée d'infirmités, vaut cinquante francs, c'est le minimum; qu'elle soit robuste, qu'elle ait des charmes, des charmes conformes aux principes de l'esthétique nègre, les prix montent à proportion. Le maximum est cinq cents

francs à ce taux-là, on pourrait se rendre acquéreur de la Vénus hottentote, sans doute, si du moins elle a son pendant à la Côte d'Or. Cette dépense une fois faite, non seulement le mari n'a plus rien à dépenser pour sa femme, mais elle est pour lui une source de revenus. Le mariage, qui cause tant de soucis en Europe, est, pour les joyeux nègres de cette partie de l'Afrique, une excellente affaire. Et plus on a d'enfants, plus on y gagne c'est que la femme doit, tous les jours, aller chercher le bois, l'eau, les aliments; elle pêche, elle laboure, elle soigne le bétail; et les enfants, dès qu'ils ont quelque vigueur physique, sont obligés de la suivre et de l'aider. Dès l'âge de cinq ans, ils deviennent pour leur père et tyran d'utiles esclaves, et le comble de la richesse, dans ce monde renversé, est d'avoir une famille

très nombreuse. Et pourtant, ces pauvres femmes ne trompent jamais leurs peu aimables maris, sauf quand elles entrent en contact avec les Européens. En cas d'adultère, du reste, la peine n'atteint que le séducteur j la femme, appartenant corps et âme à son époux, ne saurait être punie sans faire tort à celui-ci. Et puis, le noir Sganarelle ne voit dans cette peccadille qu'une excellente affaire il a le plaisir de soutirer la'maladresse de se laisser 125 francs à l'amant qui a eu surprendre. On raconte même que, volontaire Othello, le

mari ne demande qu'à lais~er les coupables récidiver ils lui feront honneur et profit. Pourtant, au milieu de ces populations d'un niveau intellectuelet moral fort bas, on remarque, à la station d'Accra, une tribu spéciale qui se distingue des autres par une vive intelligence et des traits physiques tout différents. Bien que de peau noire, les naturels d'Accra ont un type sémitique très reconnaissable. En outre, une famille particulière exerce chez eux la prêtrise d'une manière exclusive, se la transmettant de père en fils. De plus, ils possèdent une arche où ils enferment des objets mystérieux qu'il n'a pas été donné à l'auteur de l'article que nous analysons de contempler ni de près ni de loin. Ils ont leurs voyants (seesar) qui prédisent l'avenir. Quand un homme de la tribu vient,à mourir, ils immolent sur sa tombe une brebis ou un bouc, et ils teignent du sang de la victime le linteau de la porte de la maison mortuaire. Ils pratiquent la circoncision. Que conclure de tous ces traits et de toutes ces coutumes, assurément paradoxales chez des nègres? Que ces naturels sont des descendants d'Israélites émigrés ou transportés sur la Côte d'Or, à une époque et pour une cause inconnues? L'auteur de l'article, M. E. R., n'hésite pas à aller jusque-là.


Comment on applique la Justice'en Chine. Au plein arur du Tcbi-li, sur la route qui conduit de Tien-tsin à Pao-ting fou, existe une petite localité chinoise qui s'appelle Hibung-hien. Pendant l'occupation internationale de igoo-tgoi, un poste français y avait été établi comme centre du commandement de la ligne d'étapes qui reliait ces deux grandes villes occupées par nos troupes. C'est là que notre correspondant eut le loisir d'étudier, sur le vif, les différentes manifestations de la justice en Cbine.

DANS les petites localités chinoises, telles que les sous-préfectures, le tcbe-bien (tel est le titre du mandarin placé à la tête de l'arrondissement), est tout à la fois administrateur et juge. Ses audiences n'ont pas lieu à jour fixe, mais sont assez fréquentes; il rend

l'oreille que le brave Sou n'y entend rien, tandis que lui, outre qu'il possède la loi à fond, il est au courant de toutes les affaires du pays, il connaît tout le monde. De telle sorte que Sou est bien obligé de suivre docilement ses avis. Au surplus, il se targue la justice dans son yamen. d'être inflexible et incorruptible mais il le répète trop Comme toute habitation chinoise, le yamen se pour qu'on le croie. Vantant la justice et l'impartialité de la loi chinoise, il ajoute qu'il est interdit au légiste, compose d'une succession de cours dont les différents dans n'importe quel corps de logis constiprocès, d'entendre dituent les côtés. A Hioung-hien,parexemrectement les parties. ple, le tribunal est Il doit se borner à donsitué au fond de la ner son appréciation deuxième cour. C'est sur le vu des pièces. Sage précaution une pièce rectangulaire, fermée sur trois II n'y a pas de côtés seulement; la pays où la justice exige quatrième face est ouplus de formalités et verte sur la cour où se soit plus vénale qu'en tient le public, les Chine, et cependant il jours d'audience, à n'en est pas où il y ait l'air libre. Seuls le eu plus de procès. mandarin et ses assisQuand un individu a quelque contestation tants, légistes, greffiers, scribes, occupent avec un autre et qu'il la pièce. Le plancher croit de son intérêt d'en saisir le tribunal, est élevé de quelques marches au-dessus du il se rend au yamen, MANDARIN A SUN TRllH;NAL. sol, de telle sorte que s'abouche avec un le ju&e est comme sur greffier et s'arrange à D'après une photographie du D~ G. l'amiable avec celui-ci une estrade. Une table constituent tout le moet quelques sièges rustiques rm pour lui faire rédiger son accusation; celle-ci affecte bilier. toujours la forme d'une complainte. De là il va, touSi le mandarin est en principe le chef de la jusjours dans le yamen, au bureau dit de l'administration tice dans son district, il n'est en réalité que l'exécuintérieure, et y dépose sa plainte; on prend note de son teur officiel des décisions d'un de ses subordonnés, le nom, de son domicile, et en même temps on lui fait légiste. Le légiste est un personnage de haute imporverser une petite somme en guise de provision. Le légiste examine la cause, dit s'il y a lieu de la retenir et tance il a charge d'examiner les affaires qui sont portées devant la justice du mandarin, il tient les soumet son avis au mandarin qui décide ou plutôt qui dossiers. Il nous confie, d'ailleurs, maintes fois à est censé décider. Cette première instruction traîne A TRAVERS LE MONDE.

N~

Il.

18 Mars

19°5.


aussi longtemps que possible, afin d'impatienterle plaignant et l'inciter à venir plusieursfois dans les bureaux demander où en est son affaire. Chaque fois, on lui fait une réponse dilatoire; mais pour prix du dérangement on exige quelques taels. Quand on estime que la comédie a duré assez longtemps, on se décide à l'envoyer prévenir que sa plainte est prise en considération. Naturellement, il paie la bonne nouvelle. En même temps les satellites chargés de cette communication sont porteurs d'un mandat de comparution destiné à la partie adverse. Aux yeux de celle-ci, on fait luire l'espoir d'un acquittement facile et on lui soutire tout l'argent qu'on peut. Le malheureuxaccuséhéberge le courrier, héberge son cheval s'il en a uri, lui rembourse les chaussures qu'il a usées s'il est venu à pied. Il est ensuite conduit au yamen, mais on a soin de ne pas le laisser se rencontrer avec le mandarin on lui fait croire que celui-ci ne le recevra que moyennant une grosse somme, et on ne lui laisse aucun répit qu'il ne se soit dépouillé de tout ce qu'il a. On le met à la portion congrue, tandis qu'on se régale devant lui, avec les friandises que ses parents et amis lui envoient. On a soin toutefois de ne le vo-

ler

que parpersuasion

afin que s'il portait

plainte on puisse lui

vilain tour à son agresseur, très honorable Chinois, qui lui a donné une simple chiquenaude; il cherchera même à s'entendre avec ce dernier, et si celui-ci y met le prix, il affirmera quelamort estle résultat d'un accident, découvrira des traces de roues sur le corps de l'infortuné et verbalisera dans ce sens. Rien de moins solennel que les jugements. Le mandarin est assis à une table placée sur l'estrade; autour de lui, debout, les serviteurs accoutumés. Des greffiers inscrivent les demandes et les réponses. Dans la cour, au pied du tribunal, à genoux, plaignants et accusés; ceux-ci sont toujours enchaînés, quelque futile que soit le délit qui leur est reproché. Les séances sont longues, aussi n'exige-t-on pas de tous ces malheureux agenouillés une tenue extrêmement correcte; nous avons vu des femmes en jugement allaiter leurs enfants et répondre aux questions, un marmot suspendu au sein. Avant l'audience, on entend un grand remueménage par tout le yamen ce sont les appariteurs qui appellent les greffiers, les chefs des bureaux, les bourreaux c'est le peuple qui entre, très friand de pareils spectacles. Le Chinois, toujours prêt à recevoir la bastonnade pour son propre compte, se

réjouit de la voir donner aux autres. Au-

répondre qu'il n'a donné, somme toute, que ce qu'il a bien voulu. Le Chinois est

cune cause n'est jugée

huis clos. La profession d'avocat est inconà

tellement crédule

que, quoique déjà instruit par sa propre expérience etparcelle de ses amis, il donne quand même. Quand il s'agit

d'ungrosdélitoud'un

nue en Chine; cepen-

dant, à titre privé. CHINOIS CONDAMNÉSAU SUPPLICE DE LA CANGUE.

D'après une photographie du

crime, le mandarin est à la fois juge et procureur; le mandarin se rend de sa personne sur les lieux, dès qu'il en est avisé soit par une plainte, soit par la rumeur publique. Il est accompagné de tout le personnel du bureau, dit de la justice, qui comprend des greffiers et des experts. L'expert, en cas d'assassinat, est un homme ou une femme, selon que sa victime est elle-même un homme ou une femme. C'est à lui qu'incombe le soin d'examiner le cadavre. Il détermine si la mort a été naturelle ou violente, si l'assassin s'est acharné sur sa victime ce dernierpoint est très important, car la peine en ce cas pourra être plus forte, et comme, le plus souvent, elle se traduira par une indemnité allouée à la famille, celle-ci a tout intérêt à ce que la malheureuse victime ait subi les plus grandes violences. On va jusqu'à payer l'expert pour qu'il conclue dans ce sens, et celui-ci simule alors très habilement des traces de coups de bâton, de coups de sabre. Par contre, s'il ne reçoit rien, il déclarera que les blessures étaient légères, que l'homme n'aurait pas dû en mourir, et laissera entendre qu'il a eu un bien mauvais caractère pour trépasser sans raison et qu'il a joué un bien

D~'

G.

certains individus à la parole facile font

d'intermédiaires entre les plai-

office

deurs. Ils cherchent à arranger les procès, mal vus, d'ailleurs, des gens officiels de justice, qu'ils privent de leurs bénéfices. Ceux-ci finissent cependant par se résigner en extorquant encore quelque somme de ceux qui viennent retirerleur plainte. Les intermédiaires, pour opérer plus facilement les réconciliations, invitent les adversaires à un repas dont ceux-ci paieront, du reste, les frais; puis quand ils sont bien repus et un peu ivres, ils cherchent à provoquer leur hilarité. Ils obtiennent ce qu'on appelle l'éclat de rire forcé; cet éclat de rire est le signe de la réconciliation.Les intermédiaires ont encore recours à un autre expédient ils conseillent à l'accusé de se faire de fausses blessures et d'affirmer que son accusateur, commençant à se faire justice lui-même, l'a frappé ainsi; puis ils vont trouver l'accusateur et lui persuadent que le tribunal se laissera influencer par de tels arguments et le déboutera de sa plainte; celui-ci, devant laperspective d'un contre-procès, hésite et finalement renonce. Au surplus, sort-il des mains des intermédiaires,c'est pour tomber entre celles des satellites qui lui réclament leur dû pour avoir porté le mandat de comparution à son


adversaire, pour avoir amené celui-ci, pour l'avoir gardé; se refuse-t-il à payer, on fait évader le prisonnier, ou mieux on le cache, et c'est alors de celui-ci qu'on exige une rançon. La moitié des Chinois passe son temps à exploiter l'autre moitié, et c'est toujours fortement allégés que plaignants et accusés compa-

raissent devant le tribunal.

La cause a été examinée à l'avance par le légiste, celui-ci a donné son avis, et les débats, de pure forme, n'y changeront rien. Ils seront conduits de

telle sorte, avec tels arguments frappants à l'appui, qu'il fa4dra bien que chacun se range à cet avis. Un accusé nie avec indignation, n'importe, le légiste a déclaré qu'il était coupable, il faut qu'il le soit. On le torturera jusqu'à ce qu'il avoue: D'abord, ce sera la petite torture l'homme, couché sur le ventre, est frappé à nu de vingt coups de lame plate. Puis, nouvelles questions, nouvelles dénégations; alors on recommence coups sur les mains, soufflets au visage, et de nouveau

ordinaires habitent pêle-mêle, on ne leur coupe ni les cheveux ni la barbe, ils ne se lavent pas. On ne change

jamais leurs effets à moins que leurs familles ne leur en envoient. Aussi, pour la plupart, couverts de hail-

lons, présentent-ils un aspect hirsute et répugnant. Quelques-uns, toutefois, ceux que leurs parents n'oublient pas, peuvent obtenir à des prix très élevés quelques adoucissements au régime, un local séparé, des ustensiles de toilette, la visite d'un perruquier. Cette visite n'a d'ailleurs jamais lieu qu'en présence des geôliers, car ils auraient tôt fait de se précipiter sur le rasoir et de se trancher la gorge. Malgré les précautions prises, le suicide est extrêmement fréquent dans les prisons, comme partout, du reste, en Chine. Les criminels sont enfermés dans des cellules d'où ils ne sortent jamais; de grosses chaînes les retiennent par les mains, les pieds et la ceinture, de telle sorte qu'ils peuvent à peine remuer. En

cinquante,centcoups

d'après les lois de l'empire, les prisonniers devraient être traitéshumainement;

de verge,jusqu'à ce que la. chair soit à vif et que le sang coule. Moins nerveux que l'Européen, le Chi-

mais en cela comme en tout, la loi est lettre morte, et qui croirait connaître la Chine par ses textes

nois résiste d'abord assez stoïquement, mais à la fin la douleur l'emporte, et il avoue le vol qu'il n'a

se tromperait étran-

gement. Cependant,

pas commis. Vite

on prend soin des malades, mais pour cette raison seulement que le traitement se fait aux frais

alors on lui fait signer sa soumission, son

aveu; le plaignant signe à côté, et l'affaire

de l'empereur; le

est réglée. La justice chinoiseestsatisfaite.

S'il est riche, on

maintiendrale voleur

principe,

mandarin ne paie pas VOLEURS CONDAMNÉS A AVOIR LA NATTE COUPÉE.

le médecin, et dans

ces conditions n'hé.

D'après zrrte photograplxie du D= G. site pas à l'envoyer en prison et on le libé. chercher. D'autre rera quand sa famille part, ce fonctionnaire doit envoyer, chaque mois, l'état aura remboursé le volé, avec intérêts cela va de soi, et quand elle aura envoyé des gratifications à tous ceux des décès survenus; s'ils paraissent trop nombreux, un qui, de près ou de loin, se sont occupés de la cause. inspecteur vient visiter la prison et fait un rapport. S'il est pauvre, il restera enfermé autant de temps que Malgré cela, les décès dans ces établissements privés cela conviendra au mandarin, qui peut le libérer dès le de toute hygiène sont très fréquents. On les dissimule lendemain aussi bien qu'il peut le conserver enchaîné au public, et le corps du défunt n'est jamais sorti par jusqu'à sa mort. la porte, mais bien par un trou qu'on rebouche ensuite. Telle est l'interprétation de la loi chinoise, juste, Les Chinois d'un certain rang, quand ils se sentent en humaine, quand on n'en considère que le texte; telle danger de mort, demandent en grâce de sortir de la prison avant d'expirer, supplient leurs parents ou amis est cette civilisation si renommée, mais qui n'est

.qu'une apparence. A Hioung-hien la prison est contigue au yamen; elle est ceinte d'un mur épais. Une porte massive donne sur la rue; on traverse une première cour, puis une seconde, au fond de laquelle est un pavillon qui sert d'habitation aux geôliers, tous gens de mine pati-

bulaire. Rien d'étonnant, d'ailleurs, ce sont tous d'anciens prisonniers, qui ont monté en grade. De l'autre côté de ce pavillon est unegrande cour carrée, dont les autres faces sont tenues par les logements des prisonniers. Aux angles sont construites les cellules réservées aux plus dangereux. Les prisonniers

d'acheter leur rançon quelque prix qu'on leur demande, car ils ne considèrent rien de plus infamant que de passer par ce trou. Une des plus graves injures qu'on puisse adresser à un Chinois est de lui dire (( Puissestu être traîné par le trou de la prison » L'emprisonnement n'est cependant pas considéré comme un châtiment. On ne condamne jamais à tant de jours, de mois ou d'années de prison. C'est tout simplement une salle d'attente, mais quelquefois une salle d'attente à perpétuité. On y reste jusqu'à ce qu'on ait payé ses dettes, jusqu'à ce qu'on ait remboursé un vol commis; en général, mais toujours


selon le bon plaisir du mandarin, jusqu'à ce qu'on ait réparé par le don d'une somme suffisante un méfait commis à l'égard d'un individu ou de la société. Les individus passibles de la peine de mort y attendent également la décision de l'empereur, qui seul peut prononcer cette peine après une série de formalités. La loi chinoise prévoit une foule de châtiments mais les plus usités sont la bastonnade et la cangue. En pratique, d'ailleurs, toute faute peut se racheter à prix d'argent. Le délinquant reçoit en sus quelques coups de bâton, mais comme disait le mandarin Sou, ceci n'est pas une affaire. Ce genre de correction est plutôt considéré comme paternel; une vingtaine de coups sont appliqués pour des fautes légères, pour des paroles trop vives, pour des rixes. Ces rixes sont d'ailleurs rares; le Chinois discute beaucoup, mais il n'aime pas en venir aux mains. La preuve que cette bastonnade a un caractère tout paternel, c'est que celui qui vient de la subir doit se prosterner trois fois devant le juge pour le remercier du soin qu'il prend de son éducation, en le corrigeant comme il le mérite. Par piété filiale, il arrive souvent quele fils se propose pour recevoir les coups de bâton à la place de son père. Enfin cette correction n'a rien d'infamant, et elle est quelquefois appliquée par ordre de l'empereur aux plus hauts fonctionnaires de l'État. Lorsqu'un mandarin sort, il est toujours accompagné de satellites, munis de verges, afin de pouvoir relever, séance tenante, les fautes qu'il constate sur son passage. Qu'un homme à cheval, qui se trouve sur sa route, ne descende pas assez vite de sa monture, aussitôt on l'appréhende au corps et on le fustige cinq ou six fois qu'un autre traverse la rue devant le cortège, ce sera encore quelques coups. Le mandarin n'est pas seul à avoir qualité pour faire fouetter les gens le professeur a les mêmes droits vis-à-vis de ses élèves, grands et petits, le père à l'égard de ses enfants, le maître sur ses domestiques. contraire, le mandarin est seul dans son district à posséder le droit de prescrire le châtiment de la cangue. On connaît ce supplice le condamné, le cou emprisonné dans un large carré de bois, ne peut plus ni voir ses pieds ni porter ses mains à la bouche; il a besoin de quelqu'un pour manger. Il porte ce fardeau nuit et jour. Sur le plateau, on colle une bande de papier sur laquelle on écrit en gros caractères la nature du délit et le degré de la punition. Les condamnés au supplice de la cangue doivent rester parfois libres, parfois enfermés en un endroit fixé, qui est toujours un endroit fréquenté, afin que l'infamie de leur châtiment soit plus complète et serve mieux d'exemple à leurs concitoyens. La cangue est donc un véritable supplice, et il y en a qui en meurent, soit que la douleur causée par le poids du fardeau, l'impossibilité de se nourrir soi-même si on n'a pas de parents ou d'amis qui s'en chargent, ou encore le manque de sommeil les terrassent; soit, enfin, que certains succombentà la honte. Mais il faut bien dire qu'il est souvent difficile, surtout dans les grandes villes et la nuit, de surveiller les nombreux porteurs de cangue. Les uns font soutenir l'appareil aux quatre coins par des amis, d'autres l'appuient au bord d'un mur ou au dos d'un siège. Il y a encore des loustics qui se couchent sur le

Au

ventre, laissent reposer un des côtés de la cangue par terre et se servent des trous par lesquels leur tête est passée comme d'une fenêtre par laquelle ils regardent effrontément tout ce qui se fait dans la rue. Quand la

punition est expirée, on amène le coupable au mandarin, il lui fait une petite semonce, on lui applique quelques coups de bâton et on le congédie. Les femmes participent si peu à la vie publique qu'il est rare que le mandarin soit appelé à les juger et à les punir. Pour les fautes commises à la maison, le mari ou les beaux-parents s'en chargent. Rien n'empêche, cependant, de leur mettre la cangue et de les emprisonner. Pour les lettrés, une punition consiste à apprendre par coeur certains textes d'auteurs fameux! Le bannissement est encore une peine assez commune; on l'emploie surtout à l'égard des rebelles, des pirates, ou encore des grands personnages qui ont déplu à la cour. Il est à temps ou perpétuel. Le condamné n'est, d'ailleurs, pas banni de tout le territoire de l'empire, mais seulemènt d'une ou de plusieurs provinces; il est ordinairement relégué dans les pays plus

ou moins sauvages', qui sont encore placés sous la domination chinoise, en Mongolie, par exemple. La peine de mort ne se subit pas, pour tous, de la même façon. Les hauts mandarins, condamnés pour crimes politiques, ont ordinairement la faveur d'être autorisés à se faire mourir eux-mêmes, par la corde, le. poignard ou le poison. Les homicides par imprudence sont étranglés dans la prison. Les assassins ont la tête tranchée; peine bien plus sensible, car le Chinois, par piété filiale, tient à conserver intactes toutes les par-

ties de son corps. Quand un criminel doit être exécuté, il comparait devant le mandarin qui lui fait servir un léger repas; il lui lit ensuite la sentence. Si le condamné se répand en invectives, on le baillonne; le cas n'est, du reste, pas fréquent, et la plupart du temps le Chinois accueille stoïquement la nouvelle à laquelle il est depuis longtemps préparé. S'il est d'une classe un peu élevée, on le conduit au lieu du supplice, souvent fort éloigné, en voiture ou en chaise. L'homme du peuple va à pied. Près du supplicié, on place une petite cage à claire-voie, destinée à recevoir sa tête dès qu'elle sera tranchée et à être suspendue ensuite à quelque mât, aux portes de la ville. Particularité curieuse tous les condamnés à mort sont exécutés en Chine, dans toute l'étendue de l'empire, au même jour, fixé en automne. On trouve en Chine des lois très douces, très humaines, toutes les garanties données à l'accusé, une procédure à plusieurs degrés, une revision de l'accusation par plusieurs cours successives, la condamnation sur l'aveu seulement; tout cela serait parfait si, justement, le point capital, l'aveu n'était pas extorqué par les tortures les plus cruelles. Le code chinois est peut-être le meilleur qui existe il semble que les législateurs n'ont rien oublié, qu'ils ont prévu les moindres cas; ils n'ont omis qu'une chose, c'est d'indiquer le moyen d'appliquer les lois. Or ceux qui en ont charge, avides et cruels, ne songent qu'à emplir leur bourse, et d'un bout à l'autre de l'échelle gouvernementale,ce n'est que mensonge et fourberie. Lieutenant-colonel

VERRAUX.


et irrespirable. Les rares habitants de cette rive malsaine sont les grenouilles, qui font entendre dans le silence de la nuit un inexprimable concert. Dans cer-

tains endroits privilégiés s'élèvent cependant des vil-

La « Riviera » de la Russie.

L merancien son

Noire se mettrait-elle en mesure de mériter nom d'hos~italière? Naguère encore la

Crimée seule offrait son réconfortant climat aux poumons délicats et ses riants paysages aux amateurs de villégiature. ° Voici qu'une autre côte maintenant, la côte que longent et abritent les arêtes parallèles du Caucase, voit sa « Corniche » se peupler d'élégantes villas et les Russes du Nord y fonder des stations climatiques l'Abasiefait concurrence à la Riviera Concurrence que n'a pas à redouter beaucoup l'heureuse Riviera de France ou d'Italie, si généreusement dotée par la Nature, mais qui s'explique par des analogies curieuses dans la situation respective des deux contrées même latitude, mêmes montagnes qui les protègent des vents froids du nord et constituent leur « hinterland »; même végétation même soleil une bonne partie de l'année ou peu s'en faut. Mais si la Riviera francoitalienne jouit sans contrepartie de tous ces avantages, il n'en est pas encore de même pour la Riviera de Russie. La première n'est pas, comme la seconde, en train de se faire. Celle-ci, en effet, est l'œuvre des Russes autant que de la Nature. Les 700 kilomètres de côtes qui s'étendent d'Anapa à Batoum, offrent des CARTE DE LA garanties de salubrité qui vont en diminuant de l'ouest à l'est. La partie occidentale avec sa corniche pourvue d'une voie carrossable, ses rives assainies, ses jardins et ses villas, constitue déjà le petit Éden qui rappelle la Riviera. Mais à mesure qu'on avance vers l'est, la côte comprise entre les derniers contreforts du Caucase et la mer présente une suite presque ininterrompue de marais dont l'assèchement est une condition indispensable pour l'établissement de la population. Les eaux qui descendent de la montagne s'étalent en marécages dans la terre d'alluvions qui ferme l'issue de leurs vallées; depuis l'embouchuredu Kelasury, près de Soukhoum, jusqu'au cap Tsichidir, près de Batoum, la côte tout entière a été constituée par l'apport des matériauxdévalant du Caucase avec les torrents. La déclivité en est très légère: insuffisamment drainé, le terrain est très marécageux. Les fougères, les roseaux qui croissent en abondance sur les pentes avancées des montagnes contribuent aussi à l'insalubrité du pays. Hautes de plusieurs mètres, leurs tiges se corrompent sur pied et forment un sol putride alors s'exhale un air fétide

lages, se développent quelques routes, premiers jalons d'un travail d'assainissement qui donnera peut-être à cette région, qui semble peu favorisée, la seule chose qui lui manque en somme la salubrité. Mais ce n'est là que projets d'un avenir apparemment lointain la Riviera actuelle est plus à l'ouest. Entre l'embouchurede la Kouban et Soukhoum, la côte, resserrée entre la mer et le Caucase, est saine et d'agréable climat. Parallèlement à la mer, dont il est séparé par une admirable corniche, le Caucase allonge sa chaîne principale sur plus de 300 kilomètres, s'élevant à 1000 mètres derrière Novorossiisk, à 3000 derrière Touapse, à 4000 derrière Pitounda. Là, le Caucase cesse de longer la mer et continue sa marche vers l'est, parti de la mer Noire, aboutissant à la mer Caspienne, à cheval sur l'Europe et l'Asie, dans une position analogue à celle qu'occupent les Pyrénées, à l'ouest du vieux continent. Entre la principale chaîne et la mer, deux chaînes secondaires, parallèles à la première, séparées l'une de l'autre par de profondes vallées, atteignent souvent la même altitude que la principale. Coupées par de profondes dépressions qui détachent

leurs pics, ces chaînes ont l'aspect de scies parallèles. Pour les parcourir, ce sont des ascensions et des descentes perpétuelles qui en rendent l'accès infiniment laborieux, surtout du côté de la mer. En revanche, l'aspect chaotique des montagnes produit une grandiose a RIVIERA » RUSSE. impression, et la multiplicité des pics et des vallées diversementorientés donne naissance à une grande variété de climats, par suite de productions. Dans des mains expertes, les vallées de cette partie du Caucase pourraient devenir de vrais paradis. Le climat

y est naturellement très varié mais on peut le dire, en général, chaud et humide. Les

observations météorologiques sur la contrée sont d'ailleurs très pauvres à Sotchi seulement elles ont été faites sérieusement. La moyenne est en hiver de 5° 9; au printemps de 11° 4; en été, de 21° 7; en automne de 15° 4. A qui veut avoir une idée générale des beautés de la Riviera russe, la Com~agnie russe de Navigation et de Commerce offre ses confortables paquebots. La ligne va de Novorossiisk Batoum avec des escales assez nombreuses. Elle longe la côte, qui jusqu'à Soukhoum présente au touriste une admirable succession de paysages tout composés falaises et rocs à pic, collines qui viennent mourir dans les flots, pentes cultivées

dont les hauteurs

se

couronnent de la verdure des


forêts, gorges et défilés avec découpures fantastiques; tours en ruine, chàteaux forts ou monastères dont la silhouette romantique se découpe sur le ciel; derrière, faisant toile de fond, les sommets du Caucase et les neiges éternelles. Au delà de Soukhoum, l'aspect se modifie peu à peu, et la route devient même fastidieuse. Novorossiisk, point d'embarquement,est bien un des meilleurs ports de la mer Noire, vaste et profond, facile d'accès, insuffisamment protégé, il est vrai, contre le bora, les marins italiens et grecs qui fréquentent la mer Noire ont donné à ce vent du nord-est qui le même nom qu'au fléau du golfe de Trieste, descend des derniers contreforts du Caucase et bouleverse la mer. Touapse, Pitsounda, Soukhoum sont des ports qui, sans valoir Novorossiisk, offrent cependant de suffisants abris. C'est autour de ces centres que la vie commence à renaître. L'émigration, des guerres continuelles, ont dévasté trop longtemps la région; mais il ne faut pas oublier qu'elle fut jadis prospère, que des villes florissantes s'y élevaient pendant les civilisations hellénique et byzantine. Actuellement, elle compte un peu plus de 500 villages; malgré les efforts du Gouvernement russe pour la peupler, il n'y a encore que 8 habitants par kilomètre carré (Suisse = i 15). La population est infiniment variée Russes, Mingréliens, Grecs, Turcs, Arméniens, Circassiens, Géorgiens, Bohémiens, Juifs, on trouve de pour ne citer que les plus connus, tout. Et c'est là un gros obstacle aux progrès du pays; de sourdes rivalités séparent ces races et empêchent toute sécurité, toute initiative, toute application durable des lois. la Russie, à qui les Telle est cette « Riviera Russes ont donné ce nom peut-être plus encore dans l'espoir de la voir ressembler un jour à son modèle que parce qu'elle lui Tessemble effectivement.

de

G. ROBERT.

des États-Unis sur Saint-Domingue.

Les Vues

DANS un banquet donné à Pittsburg, le 27 avril 1902, pour célébrer l'anniversaire du général Grant, M. Swan, secrétaire du Trésor, après avoir rappelé l'écrasement de la marine espagnole par les escadres américaines, ajoutait les déclarationssuivantes « Nous avons fait savoir à l'univers que nous nous préparions à faire la police de la rue où nous habitons. Si la porte laissée entr'ouverte au printemps 1898 vient jamais à se rouvrir toute grande, les États-Unis feront non seulement la police de la rue dans laquelle ils vivent, mais dans l'hémisphère occidental et dans tous pays baignés par le Pacifique. États-Unis aient la flotte mar« il faut que les chande la plus considérable qui ait jamais navigué sur l'Océan et que la richesse et l'énergie américaines, en

possession d'Hawaï et du canal isthmique, transfèrent la souveraineté du Pacifique à l'étendard étoilé. » Ces paroles synthétisaient nettement la tendance nouvelle de l'impérialismeaméricain. Sous une forme un peu plus modérée, M. Roosevelt, dans le message adressé au Congrès après sa réélection, exprimait, en définitive, la même idée, quand il disait « Tous les pays dont le peuple se conduit bzen peuvent compter sur notre sincère amitié. Si tous les pays baignés par la mer des Antilles progressaient dans la civilisation, nous n'aurions plus de raison pour nous i~~amacer dans leurs affaires. Nous n'interviendrons qu'à la dernière extrémité, et seulement s'il est évident que leur incapacité ou leur ~nauvaise volonté a porté atteinte aux droits des États-Unis ou a ~rovoqué une agression étrangère. »

Pour le moment, et sans doute en attendant mieux, c'est la République de Saint-Domingue qui ne ~rogresse pas dans la civilisation et qui attire les convoitises non dissimulées des États-Unis. On sait que Saint-Domingueest un type achevé des Républiques anarchiques de l'Amérique centrale. Mitoyenne de la République d'Hâiti, dans une île de la mer des Antilles, la République dominicaine n'occupe qu'une surface de 45 200 kilomètres carrés et n'a qu'une population de six cent cinquante mille habitants mais sa situation géographique, déjà très enviable, le sera bien plus encore quand le canal de Panama se trouvera terminé, et ses ressources minières, presque inexploitées jusqu'ici, sont assez abondantes pour tenter un peuple aussi entreprenant que le peuple américain. Ce pays est malheureusementbouleversé par les révolutions; son peuple ne se conduit ~as bien, comme dit le président Roosevelt, et la grande République voisine peut, en vertu de l'application de plus en plus étendue de la doctrine Monroe, s'immiscer dans ses affaires. Les troubles successifs et presque continus qui agitent la République de Saint-Domingue ont ruiné le pays. D'après les évaluations de l'Économiste européen, les recettes peuvent, en temps normal, s'élever à deux millions de dollars; un million doit couvrir les dépenses du Gouvernement, et le solde servir à la liquidation de la dette. Avec une administration sage, ces

revenus pourraient atteindre rapidement 2 5°0000 dollars, mais ces temps heureux relèvent de l'âge d'or1 La dette remonte à 1869. Cette année-là, le Gouvernement emprunta 20 millions de francs pour la construction de routes et de chemins de fer. Dès 1872. les paiements de cet emprunt étaient suspendus. Ce qui n'empêcha pas le Gouvernementde contracter, en 1897, un nouvel emprunt de plus de i io millions de francs, qui, dans la pensée de ses auteurs, devait servir à la liquidation des dettes antérieures et au remboursementdes emprunts extérieurs précédemment contractés. Dès le second semestre de 1898, le service de la dette cessait d'être fait régulièrement, et à partir du 1 er avril 1899, les paiements étaient complètement suspendus. De nouvelles combinaisons ébauchées en 1901, 1902 et 1903 n'amenaient aucune amélioration dans les services financiers dominicains. Les porteurs


de titres s'émurent et firent appel à leurs propres gou-

vernements. Le Gouvernement des États-Unis, menacé de voir les puissances européennes reprendre à SaintDomingue l'action coercitive qu'elles avaient exercée

dans différentes nations sud-américaines, se décida alors à prendre lui-même en mains la sauvegarde des intérêts des créanciers d'Europe, et c'est dans ces circonstances qu'il se fit remettre par le Gouvernement dominicain, .outre l'administration de la douane de Puerto Plata, déjà sous sa direction, la gérance de toutes les autres douanes, y compris celles de SaintDomingue et de Macoris, formant les garanties spéciales de la dette extérieure. C'est ce qui ressort d'une déclaration publiée le 2, janvier dernier par le département d'État de Washington. Quelle solution les États-Unis donneront-ils à cette question purement financière? C'est ce qu'on peut se demander avec quelque inquiétude. L'extension donnée par le président Roosevelt à la doctrine de Monroe peut amener le Gouvernement de Washington à se livrer à une sorte d'expropriation qui mettrait, en fait, la République dominicaine sous la dépendance directe du pavillon étoilé. Jonathan s'est habitué depuis peu à avoir la main lourde en pareille matière.

L'OEuvre de l'Expédition Charcot dans les Régions antarctiq

u

es.

Nous avions raison d'espérer encore

le retour du

docteurCharcot unesériedetélégrammesnousont annoncé le salut de l'expédition, son arrivée en terre Argentine; l'un d'eux nous a même donné le résumé de l'œuvre magnifiqueaccomplie par nos compatriotes dans les régions antarctiques'. Après avoir quitté Ushuwac, télégraphie de Puerto-Madryn l'explorateur, nous avons commencé à relever la côte de l'archipel Palmer, puis nous sommes entrés au sud du détroit de Gerlache. Nous avons vainement cherché un point d'hivernage favorable à nos travaux. Nous y avons laissé un « cairn » puis nous nous sommes frayé un chemin jusqu'aux îles Biscoc sans trouver un endroit pour hiverner. Après dix jours de tempête effroyable et de navigation terrible, nous avons trouvé en mars un excellent point d'hivernage dans une anse de l'île Wandel. Pour nous mettre à l'abri des glaces, nous avons fermé l'entrée de notre baie par une chaîne.

L'hivernage s'est effectué dans de très bonnes conditions. Les excursions sur la glace étaient rendues difficiles par des changements de temps .brusques et très prononcés. Nous en avons pourtant exécuté de

ont été admirables pendant l'hiver. Nos provisions étaient excellentes et nous n'avons manqué de rien. Au printemps, nous sommes partis au nombre de cinq hommes, traînant avec nous des embarcations et nous avons relevé ainsi toute l'étendue de la côte nouvelle et élucidé une question géographique importante, celle qui a trait au détroit de Bismarck. En décembre, j'ai scié et fait sauter les glaces pour dégager le bateau. La mer étant toujours prise au sud et à l'ouest, nous avons été obligés de faire un grand détour par le nord; et, pour gagner une mer relativement libre, nous nous sommes dirigés vers le sud par un temps affreux, avec neige, vent, brume; de véritables paquets de glace s'abattaient sur nous. Nous avons reconnu la terre Alexandre, rendue inabordable par une banquise que nous avons cherché en vain à forcer. Nous avons longé la terre de Graham et, nous étant frayé un chemin à travers des blocs gigantesques de glace, nous sommes parvenus à une côte inconnue qui ne figurait encore sur aucune carte antarctique. Nous avons suivi cette côte inexplorée à une distance d'un mille environ, passant entre des icebergs monstrueux. Là, échouage violent sur une roche noyée le bateau fut engagé jusqu'à la passerelle. Plusieurs chocs violents se succédèrent, puis le navire retomba brutalement à flot. Notre situation était très critique au milieu de ces icebergs, entre une falaise de glace inabordable et un (( pack épais. Enfin, nous parvînmes à retraverser les glaces, tout en relevant la côte que nous venions de découvrir. Le soir, même temps affreux; mais, après trois jours, heureusement, la voie d'eau diminua spontané-

ment.

Nous avons ensuite exploré une nouvelle étendue de la côte de Graham qui était absolument inconnue puis nous avons terminé le relevé complet de l'archipel Palmer. Nous avons découvertun mouillage splendide où nous nous sommes reposés quelques jours. Après cela, nous avons continué l'exploration de la baie Bower, puis celle de l'île Houseason. Nous avons quitté l'antarctique le 17 février, et nous

sommes venus directement ici. Nos camarades de l'état-major ont fourni avec ardeur un travail considérable. Nous rapportons un gros bagage scientifique. Tout l'équipage a été admirable d'entrain, de courage, de résistance.

Nous aurons occasion de revenir sur cette magnifique expédition. Mais nous voulons dès aujourd'hui adresser nos hommages à l'homme qui en face des Scott, des Drygalski, des Nordenskjold a repris la glorieuse tradition des Bouret, des Marion, des Crozet, des Kerguelen, des Dumont-d'Urville et après soixante-cinq ans d'abstention a fait flotter nos couleurs dans les régions du pôle antarctique.

courtes mais fréquentes. Le courage et l'endurance de mes compagnons 1. Voir A Travers le Monde, 19°5, page 69 la carte de l'expédition Charcot.

A.Vincent.

Six mois dans les Neiges (Tarentaise et Mau-

rienne). Journal d'un officier, avec 20 illustrations hors texte. F. Duclos, éditeur à Moutiers-Tarentaise.


FRANCE

Places fortes modernes.

Sous ce titre, le commandant du génie breveté V. Devrez publie dans la France militaire un article qui donne à réfléchir sur le sort de nos modernes places fortes. doit Il La prise de Port-Arthur, dit-il en substance, être un enseignement. Les effets des obus à mélinite ont été

considérables; dès qu'il s'est agi de ceux lancés par des pièces de 250 à 300 millimètres, cela a été un écrasement général. Et la portée des pièces est de 10 à 12 kilomètres. Dans ces conditions, on peut se demander ce que deviendraient nos grandes places à forts détachés où le noyau central est encore appelé à jouer un certain rôle. Avec le tir de précision tel qu'il peut être pratiqué maintenant, aucun arsenal, aucun magasin ne peut être à l'abri des projectiles

destructeurs. Il Jusqu'à présent, on avait la conception d'un arsenal central relié aux forts de l'enceinte par une voie ferrée, de manière à pouvoir approvisionner au moment voulu le secteur qui serait choisi comme point d'attaque par l'assiégeant. Avec les nouvelles portées et les explosifs à grande puissance, le ravitaillement du secteur attaqué devient problématique. La sécurité de l'arsenal central sera absolument dérisoire s'il n'est pas installé sous abri bétonné. « La place nouvelle idéale ne doit plus avoir de population civile, ou du moins n'en avoir qu'une excessivement réduite, celle juste nécessaire pour les besoins de la garni-' son. Une grande agglomération de maisons ou d'usines sera la ruine des places fortes futures. Ou alors il faut une place ayant un camp retranché excessivement développé et permettant d'y entretenir une garnison de roo à 150000 hommes. Dans un pays, on ne pourra tolérer plus de deux ou

trois places de guerre, et en France je ne vois que Paris et Lyon qui puissent remplir ce rôle. frontière de l'Est, il ne faudrait pas que c< Sur notre Verdun et Toul prissent un trop grand développement industriel; c'est d'ailleurs ce que je reprocherais à Belfort et à Maubeuge, par exemple. En ce qui concerne Lille, il faudrait raser aussi bien son enceinte que les forts qui l'entourent, qui ne répondent nullement aux progrès de l'artillerie moderne et pour lesquels il faudrait dépenser des sommes considérables si l'on se décidait à les mettre en état ce serait une dangereuse illusion de croire que la place fitt en état de supporter un long siège. Les obus à mélinite en auraient vite fait un monceau de décombres. « Il faut aux places fortes modernes un ou plusieurs arsenaux souterrains, et de nombreux abris à l'épreuve des projectiles à mélinite pour tous les hommes et tous les approvisionnements en vivres et en munitions. Il faut pouvoir vivre dans l'enfer moderne que devient la place ravagée par les obus à mélinite. Sans abris certains pour le personnel et le matériel, la situation est absolument précaire, la place est indéfendable. « Le siège de Port-Arthur nous indique aussi que les forts doivent être munis d'un système de mines permanentes. Il ne paraît pas que les forts de la place russe aient eu, dès le temps de paix, un réseau avancé leur permettant de faire sauter l'assaillant dès son arrivée sur les glacis. Les Japonais paraissent avoir pu cheminer souterrainement tout à leur aise; ils y ont mis le temps, parce que le terrain était' dur; mais ils y auraient mis bien plus de temps s'ils avaient dû lutter pied à pied contre le mineur de la défense. Les Russes se sont bien servis de mines; mais c'étaient des mines de fortune. » L'auteur conclut en conseillant un remaniement complet de nos places fortes.

Hygiène et Casernement.

M. Lachaux, qui a

entrepris une intéressante campagne en faveur de l'hygiène et du casernement de nos troupes, propose l'institution mensuelle d'une journée destinée à assurer la bonne santé de nos

soldats.

« En outre, dit-il, des dispositionsspéciales qui peuvent être prises pour améliorer l'hygiène du soldat, je voudrais que le ministre prescrivît ce que j'appelle une journée

d'hygiène, par compagnie ou par bataillon, et cela une fois par mois. Le matin, les hommes emportenttout leur fourniment et laissent les chambrées absolument vides. Celles. ci sont désinfectées, soit avec du formol, soit avec le gaz sulfureux anhydre. Les fourniments sont placés à l'air, lorsqu'il fait beau temps, dans un local suffisamment vaste, lorsqu'il pleut. Les hommes vont à la douche; l'après-midi, ils passent la visite hygiénique. « Je voudrais encore que dans les écoles primaires et dans les oeuvres post-scolaires, qui prennent de jour en jour plus d'importance, une large part fût faite à l'éducation physique. Deux grandes divisions peuvent être signalées dans la constitution de l'armée les lettrés et les illettrés. Par lettrés, j'entendsles jeunes gens qui, jusqu'à leur entrée au régiment, ont plus fait travailler leur cerveau que leurs bras; par illettrés, ceux qui ne sont restés à l'école que de 8 à Il ans. Les premiers sont généralement minces, fluets et ne semblent pas pouvoir résister aux fatigues de l'entraînement militaire; les seconds sont vigoureux, et les exercices les plus durs ne sont qu'un jeu pour eux. Mais au bout de quelques mois de caserne, la situation est complètement transformée. Les lettrés résistent très bien au surmenage physique; les illettrés deviennentcandidats à toutes les maladies, parce que ceux-ci n'arrivent qu'au prix d'une grande fatigue cérébrale à s'assimiler les connaissances qui sont exigées du soldat. Il y a, dans cet ordre d'idées, beaucoup à faire à l'école, pour éviter le surmenage du jeune homme à son arrivée au régiment.

»

ASIE RUSSE

Les soeurs de charité dans les hôpitaux

russes.

Les services sanitaires de l'armée russe font

des sœurs de charité un emploi considérable dans les hôpitaux. L'autorité militaire vient de décider d'en augmenter encore le nombre, qui sera porté De 4 soeurs à 6 dans les hôpitaux de 210 places; de 8 sœurs à 10 dans les hôpitaux de 420 places; de 12 sœurs à 15 dans les hôpitaux de 63o places; de 5 soeurs à 10 dans les trains sanitaires de 200 à 400 places. Toutes les correspondances relatives au Service de santé parlent avec éloges des services rendus par elles. Plusieurs ont été blessées, et d'autres décorées de médailles au ruban de saint Georges.

La nouvelle tactique de l'artillerie.

Le

journal militaire russe, le Rousskii lnvalid, croit nécessaire de modifier sur certains points la tactique de l'artillerie de campagne.

temps des belles mises en batterie à découvert, sans souci et à grande allure, a disparu pour jamais. Il a fallu abandonner bien des choses auxquelles notre tactique tenait depuis 25 ans, et par la force des circonstances, notre artillerie s'est trouvée en période de création il s'agit de régler toute une série de procédés d'entrée en action et de tir, en vue d'utiliser complètement les propriétés puissantes de la 5 millimètres). nouvelle pièce (canon de « La question capitale est certainement celle des modes de conduite du feu. Jadis, le commandant de la batterie était attaché à ses pièces. Maintenant, il en est toujours éloigné de 200 à 600 mètres, et il lui faut, à cette distance, savoir diriger son tir avec précision dans tous les cas. « La batterie ne voit pas les objectifs, mais le chef voit, et il doit transmettre ses impressions à la batterie. Cela peut se faire soit par des moyens techniques, soit au moyen d'un matériel qu'on a toujours avec soi. Les moyens techniques, il faut en user avec mesure, car le fil du téléphone peut être rompu, si bien que la batterie risque de se trouver sans direction à la minute critique. « Restent les moyens dont dispose toujours le commandant de la batterie ce sont ses propres membres. Comment, transmettre des ordres à 600 mètres de distance? » L'auteur préconise l'emploi de gestes simples, faciles à distinguer, une sorte de télégraphieoptique, mettant en communication la batterie avec son commandant. « Le

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L'Histoire d'une Ville racontée par son Architecture Le Vieux-Bar. Bar-le-Duc est une des villes de France où les souvenirs sont le plus fréquenrment et le plus curieusement attestéspar l'architecture. Les rnonuments, les maisons, tout porte la snarque caractéristique d'époques diverses, et l'on pourrait lire sur les pierres de Bar la chronique du Barrois. La visite du Vieux-Bar est un régal po~,y les archéologues et les historiens.

La côte abrupte de Sainte-Catherine,

qui longe la

rive droite de l'Ornain, et que l'on gravit par un escalier rocailleux de 242 marches, offre un excellent belvédère pour jeter un coup d'oeil d'ensemble sur la ville et le paysage riant au milieu duquel elle est située. Plaçons-nous de manière à avoir devant nous, presque à nos pieds, dans l'étroite vallée que nous dominons, une assez vilaine tour carrée, surmontéed'un dôme à pans en ardoises, construction du xviiie siècle, dont le type, peu gracieux, se retrouve

en plusieurs endroits du pays lorrain c'est la tour

niques sous le nom de Castrum Barrum, Burgur~~ Barri, actuellement le quartier du Bourg. Vers le milieu du xe siècle, ces bourgades étaient dans le domaine d'un comte, Frédéric ¡e., auquel on attribue la construction d'un château sur une espèce de contrefort qui se rattache à la rangée de collines de la rive gauche de l'Ornain. A côté du château ne tarda pas à se constituer un nouveau groupe de maisons, qui, naturellement, s'entoura d'une enceinte fortifiée. Ce fut la Ville-Haute. Au pied de la VilleHaute, à l'est du Bourg, se fait, avec le temps, une nouvelle extension de

l'agglomération barrisienne. C'estla Neuve-Ville, que le duc Robert fortifia

de l'église NotreDame. Là est le berceau de la cité.

en

C'était, dans

les premiers siècles de l'ère chrétienne, une bourgadegalloromaine, sur la voie de Reims à Toul, Caturigas ou Caturices. Elle

137

I. cc

Ces agré-

gations successives d'enceintes, solide-

ment défendues et se prêtant un mutuel appui, dit l'auteuranonyme d'une

intéressante brochure Bar-le-Duc z~za

LE COLLÈGE GILLES DE TRÉVES.

s'étendit

Photographie communiquée par M. A. Martin. un peu, du pied de en deux heures, firent la colline où nous de Bar la principale citadelle du pays lorrain sur l'exsommes, jusqu'à la rivière, et devint, sous les Mérotrême frontière et sur la route de France. Aussi, jusque vingiens, Barrivilla, nom conservé par la tradition à ce quartier, qui s'appelle encore actuellementBar-la-Ville. vers la fin du XVIIe siècle, l'histoire de cette cité estelle par-dessus tout celle d'une place de guerre. » De l'autre côté de la rivière, dans la vallée, en Démantelé en 1670, Bar-le-Duc eut au x~xe siècle face de Barrivilla et jusqu'au pied de la colline qui longe la rive gauche de l'Ornain à l'opposé de notre un boulevard à la moderne, celui de La' Rochelle, dont il est fier encore, et où afflue, le dimanche, la belvédère de la côte Sainte-Catherine, s'éleva un autre foule des promeneurs. C'est sans intérêt d'art ou groupe d'habitations, ceint d'un mur flanqué de d'archéologie; mais pour la plupart des indigènes, tours, qui est désigné dans les chartes et les chroA TRAVERS LE MONDE.

1

2' UV.

No 12.

25 Mars

yo5.


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A

TRAVERS LE MONDE.

c'est le plus bel ornement, la gloire du chef-lieu de la Meuse. Nous descendons les 242 marches que nous avons gravies tout à l'heure; en quelques minutes, après avoir traversé un chemin qui était la voie romaine de Reims à Toul, nous sommes dans Bar-laVille, à l'église Notre-Dame. C'est l'ancienne église d'un prieuré bénédictin, et le plus ancien édifice reli.gieux de la ville; elle appartient à trois époques distinctes l'abside et le transept sont de la transition, les nefs latérales du xute siècle, la grande nef de la fin du xm° siècle. A cette dernière époque, le duc Robert avait fait élever, à côté du transept, une tour carrée de pierre surmontée « d'une excellente et très haulte flèche ». Cette tour, incendiée par la foudre, fut remplacée, désavantageusewent, au XVIIIe siècle, par celle sous laquelle se trouve l'entrée principale de l'église. Notre-Dame est pauvre en œuvres d'art. A l'un des angles intérieurs du transept, près de l'autel du Rosaire, se trouve un bas-relief intéressant du xv. siècle figurant la Vierge Immaculée. Par la rue Bar-la-Ville, nous gagnons le pont sur l'Ornain qui porte le même nom que l'église voisine; il date de 13 5o; l'une de ses piles est surmontée d'une chapelle à toit pointu, qui lui donne un aspect pittoresque on s'en rendra encore mieux compte, en allant le regarder du pont de la Liberté, situé à quelques mètres en amont. Une réparation malencontreuse a fait disparaître plusieurs des vieilles maisons qui se trouvaient à ses deux entrées. Theuriet décrit ainsi, dans son roman Au Paradis des Enfants, l'une de celles qui existent encore (( Basse d'étage, n'ayant que deux pièces au rez-de-chaussée et deux au premier, avec un faux grenier régnant sur le tout, elle s'élevait en encorbellement, et, soutenue par une charpente compliquée, surplombait en partie au-dessus de la rivière; on y était bercé jour et nuit par le bouillonnement de l'eau. » Du pont, la rue Notre-Dame, courte et large, nous conduit à l'entrée de celle du Bourg; là, nous nous amuserons à regarder un curieux monument, élevé naguère par les Barrisiens à un de leurs compatriotes, dont la manie vélocipédique a fait une sorte d'illustration, Michaux, qui passe pour l'inventeur de la pédale. Un génie enfantin, tout nu, s'appuie debout sur une bicyclette au repos. La niche qui abrite le génie du vélocipède, et le fronton qui la surmonte, méritent d'être remarqués; ils datent de 17 56, et sont d'un style élégant. « Les maisons aux façades richement ornementées qui bordent la rue du B~urg en plusieursendroits, dit l'auteur de Bar-le-Duc vu en deux heures, datent pour la plupart des dernières années du XVIe siècle et du commencement du xvu°. Las de l'inaccessible et sombre Ville-Haute, nombre de gentilshommes émigrèrent à cette époque dans le quartier, plus agréable et tout aussi féodaldu Bourg, et confièrent l'édification de leurs nouvelles demeures à des architectes et à des sculpteurs dont beaucoup revenaient d'Italie. » Arrêtons-nous devant le numéro 26. C'est la maison datant de 1618, que tous les Barrisiens lettrés connaissent sous le nom de la Maison des Deux Barbeaux, depuis que Theuriet a eu l'idée d'y faire vivre Hyacinthe et Germain Lafrogne, personnages d'un de ses

plus jolis romans. Cadre merveilleux ettrès suggestif! Nous venons de voir, dans la rue du Bourg, les premières, et ce ne sont pas les moins remarquables, des anciennes maisons à façade décorée qui donnent à certains coins de Bar un si réel intérêt pour l'architecte et l'archéologue. « Cette série de maisons de toutes les époques, dit l'auteur d'un savant travail sur lesOrigines de Z'arcbitecture de la Renaissance à Bar et les vieilles maisons de la ville, M. Charles Demoget, se succédant depuis 1500 jusqu'à 1770, groupées dans des zones restreintes, parfois presque contiguës, est une rareté que l'on ne retrouve plus que dans quelques vieilles villes de province. Chacune de ces habitations, prise isolément, montre dans son ordonnance la volonté d'un homme qui était quelqu'un, qui avait lui-même présidé à l'organisation de son logis, à sa décoration, et qui entendait bâtir non seulement pour lui, mais pour toute sa descendance. » En sortant de la rue du Bourg, on traverse une dérivation de l'Ornain, faite de main d'homme à une date très reculée, qui s'appelle le canal des Usines, parce que l'industrie moderne l'a utilisée, mais qui fut sans doute à l'origine un travail de fortification, et l'on arrive à la place de la Couronne. A main gauche, une porte assez élégante du xvm" siècle, construite en 175 1, dont les piliers sont décorés des sculptures de Louis Humbert, remplace la vieille porte Tête-Fendue, ainsi nommée peut-être parce que le lieu des exécutions capitales et la demeure du bourreau étaient tout près. Nous gravissons la rue Gilles de Trèves, ancienne côte des Prêtres. Le parapet qui la borde à droite est établi sur les substructions de l'ancien mur d'enceinte. Si l'on n'était averti, on passerait avec indifférence devant la façade insignifiante de l'ancien collège de la ville, abandonné en 1857, pour le lycée Impérial qui le remplaça, et occupé maintenant par une école primaire de filles. Cependant il ne s'agit que de franchir la porte pour voir l'une des curiosités architecturales les plus dignes d'attirer l'attention dans le vieux Bar, la grande cour intérieure du collège élevé en 1573 par Gilles de Trèves, doyen de Saint-Maxe. On lit dans le journal des voyages de Michel Montaigne qui visita Bar en 15 54 « Je trouvai de remarquable,la despense estrange qu'un particulier, prestre et doyen de Bar, a employée et continue tous les jours en ouvrages publiques il se nomme Gilles de Trèves; il veut'faire un collège, le doter et mettre en trein, à ses despens. ». Le bâtiment forme un quadrilatère, avec cloître intérieur surmonté d'une galerie à balcon, qui donne communication dans les pièces du premier étage. La façade sur la rue a été démolie et remplacée par une construction sans caractère, mais trois des côtés de la cour sont encore à peu près intacts. Au XIX. siècle, deux des élèves du collège Gilles de Trèves sont arrivés à l'Institut, André Theuriet, de l'Académie Française, et Edmond Laguerre, de l'Académie des Sciences. Theuriet l'a décrit dans plusieurs de ses livres Le Filleul du Marquis,Années de Printenz~s. Quelques pas nous mènent à l'enceinte du château. Avant d'y pénétrer, du haut de la rue Gilles de Trèves, nous jetterons un coup d' œil sur l'une des plus plus jolies vues de Bar; à notre droite, dans le vallon du bas, monte la longue et populeuse rue de Veel; au fond, c'est un fouillis de verdure, où, à travers de


grands arbres, on aperçoit un coin des blancs bâtiments de la nouvelle École normale d'institutrices; à gauche, les maisons de la Grande-rue de la Ville-Haute chauffent au soleil leurs toits de tuiles et leurs façades postérieures, qui longent les substructions de l'ancien mur d'enceinte, et sur lesquelles on peut étudier les formes les plus variées du délabrement; la vieille tour Heublot s'y encadre; au pied du mur, c'est la pittoresque ruelle du Rossignol, avec ses masures et ses mystérieux jardins. La porte romane qui s'ouvre devant nous, et qui s'appelait la Belle Porte, était l'entrée principale du château des ducs de Bar, construit en 964 par Frédéric Irr, et développé, remarié par ses successeurs jusqu'au xvue siècle, époque où commence pour cette noble demeure l'abandon, la décadence et la ruine. a Là, dit M. l'abbé Renard,

auteur d'une monographie du château de Bar, pendant près de sept siècles, ont vécu les comtes et les ducs qui ont régné sur le Barrois là, sur les confins de la France et de l'Allemagne, se concentraientles intérêts

d'une principauté qui, sous le régime féodal, eut un rôle assez important; là sont nés des personnages célèbres dans l'histoire; là fut le berceau des princes

dontla descendance devait un jour constituer l'illustre maison d'Autriche. » L'en-

capitale du Barrois, peut encore loger au château avec la reine Marie-Thérèse, le duc d'Orléans et un grand nombre d'officiers. Mais, au siècle suivant, après l'annexion de la Lorraine et du Barrois à la France, la salle des États était transformée en magasin à blé. Une manufacture de tissage, filage et triçotage envahissait les appartements où avait séjourné la cour brillante des Valois. Ses affaires ayant prospéré, elle s'étendit sur place; elle obtint, en 1773, d'élever sur les murs de la grande galerie un vaste bâtiment qui existe encore, et qui, acheté en 1832 par les religieuses dominicaines, est devenu un couvent de leur ordre. C'est ce bâtiment, sans intérêt artistique, mais auquel le temps a déjà donné un air vénérable, qu'on aperçoit de plusieurs points de la Ville-Basse, dressant sa haute façade, percée d'innombrables fenêtres, à côté de la tour de l'Horloge. En 1859, les dominicaines eurent l'heureuse idée'd'y ajouter une élégante chapelle de style XIIIe siècle. Le chevet de cette chapelle, la flèche élancée qui la surmonte et la statue de la Vierge qui, posée sur le fronton du chœur, domine la VilleBasse,. forment un enserrible

extrêmement pittoresque avec l'ancienne manufacture transformée en couvent,lesjardins en terrasse qui recouvrent l'emplacement d'une partie de la demeure des ducs de Bar, et la tour de l'Horloge, seul

ceinte extérieure formait un quadrilatère, avec de grosreste visible de la forteresse féodale. ses tours aux quatre angles. Il ne subsiste des bâLa tour de l'Horloge, timents du château des au sud-est, est la seule ducs que ceux qui sont ocqu'aient épargnée les démocupés aujourd'hui par des litions ordonnées par Louis écoles communales, et où XIV. Elle fut ainsi nommée, résidait la Chambre du Condepuis qu'en i38~ le duc LE COUVENT DES DOMINICAINES. seil et des Comptes du duché Robert y fit installer la première horloge de la ville, de Bar. Ils constituent ce Photographie communiquée par M. A. Martir:. et que cette machine, toute que les hab.itants du pays nouvelle pour les bons Barrisiens, se mit à sonner les regardent à tort comme l'ancien château ducal. Quittant le château, par la rue Phulpin, nous heures. Quoique le grand roi, pour se venger des princes lorrains, ait démantelé le château et enlevé à entrons dans la Ville-Haute..« Nul, en pénétrant dans la ville sa plus fière parure, il faut le remercier tout de ce quartier, dit excellemment l'auteur de Bar-le-Duc même de lui avoir laissé son beffroi, son gros borloge, vu en deux heures, ne saurait se soustraire à l'impression de grandeur solennelle qui se dégage encore de cette pour employer le solécisme local qu'explique très bien nécropole peuplée de silence, de misères et de souvela grammaire de l'ancien français (gros reloge). nirs. Partout, jusqu'au fond des rues les plus détourL'habitation du seigneur duc, avec ses dépennées, de nombreux débris de façades évoquent, sous dances, longeait à l'intérieur l'enceinte de l'est et, par la lèpre qui les ronge, le souvenir de ce qu'ils furent conséquent, dominait comme elle la vallée. Il n'en autrefois. Toutes ces ruines lamentablesabritaient, en reste que des substructions. effet, les familles patriciennesde la ville, officiers des La décadence du château de Bar commença à l'époque où les ducs, désormais fixés à Nancy, n'y troupes ducales, conseillersde la Chambredes Comptes, conseillers du Bailliage, membres du haut clergé. firent plus que de rares séjours. Il est négligé, mal Jusqu'à la Révolution, la Ville-Haute vit concentrés entretenu. Un incendie le ravage en 1649; il est démantelé par ordre de Louis XIV en 167°' Le grand dans ses murs les sièges de tous les pouvoirs publics, de toutes les juridictions, de toutes les dignités eccléroi, qui vient en 1678 contempler son oeuvre dans la


siastique's, civiles et militaires, et chacun, obéissant à une tendance naturelle, plaçait son logis à proximité du lieu où l'appelaient ses fonctions. » Sans plus tarder se présentent à nos yeux, sur le côté droit de la rue Phulpin, de vieilles maisons gothiques. Arrivés sur la place de la Fontaine, nous remarquons la fontaine qui lui a donné son nom, surmontée d'un charmant édicule du XVIIIe siècle; et, à gauche, les trois maisons à cordons et chéneaux en forme de torsade, datant des premières années du xm· siècle. A gauche de la place de la Halle, commence la place Saint-Pierre,que nous visiterons tout à l'heure, et à droite, passe la rue des Ducs, dans laquelle nous nous engageons. C'est la grande voie de la Ville-Haute. Elle présente un aspect des plus pittoresqueslorsqu'on la regarde dans le sens de la descente au fond, se dresse la tour de l'Horloge; à main gauche, on aperçoit quelques-unes des plus intéressantes parmi les vieilles façades qui décorent la rue. Au n° 41 est la maison de l'Escale, contemporaine du duc Charles III, avec ses deux frises ornées d'attributs militaires;on y reconnaît l'influence de l'architecture allemande; au n° 47, est la maison de La Bessière, avec ses six gargouilles. Plus haut, en montant la rue, nous passons devant la maison Rodouan n° 69. et nous arrivons à la grande maison de la rue Tribel, devant laquelle se termine la rue des Ducs, noble et vaste demeure de style Louis XVI, dont les ornements, quelque peu délabrés, attestent encore l'ancienne opulence. Tout près de là, est l'ancien Pâquis de la VilleHaute, qui conserve encore des arbres vénérables,

entre autres un vieil orme, réparé par l'édilité barrisienne. « Au dire d'une note trouvée dans les papiers d'un magistrat de l'ancienne Chambre des Comptes, gardien pieux et croyant des annales de Bar, ce colosse, que deux de ses contemporainsavoisinaient encore, il y a une vingtaine d'années, serait le dernier survivant d'une dynastie remontant à 1 176. » Revenant sur nos pas dans la rue des Ducs, par la rue du Musée, nous gagnons la place Saint-Pierre. Si nous regardonscette place, du parvis de l'église qui lui a donné son nom, à gauche, des arcs à plein cintre nous signalent ce qui reste d'une série de maisons

adossées aux anciennes halles, que le duc Antoine fit bâtir vers 1542 sur un plan uniforme à droite, se succèdent immédiatement sept maisons, qui, toutes, offrent de l'intérêt par la décoration de leurs façades. Deux constructions remarquables de la place Saint-Pierre sont tout proche de l'église et presque contiguës; l'une est l'hôtel qui renferme aujourd'hui le musée de la Ville, l'autre est une maison particulière qui date de 16°4. Dans toutes deux, M. Demoget reconnaît l'influence de l'art allemand. Quoique modeste, le musée municipal installé place Saint-Pierre n'est pas dénué d'intérêt. Dans une de ses salles, ont été classés avec méthode, par le savant archéologue et numismate M. Maxe-Werly, les débris mis au jour par les fouilles pratiquées sur l'em-

placement du Bar gallo-romain, Catur:'ces, et de la ville également gallo-romaine de Nasiunz, aujourd'hui le village de Naix-aux-Forges, à quelques lieues de Bar. Une galerie spéciale réunit les portraits de tous les officiers généraux nés sur le territoire de l'ancien

Barrois. Signalo'ns aussi quelques bons portraits de princes lorrains, en particulier ceux des ducs Antoine, Charles 1lI, Charles IV, de François et de Henri de Guise, etc. Les gens du pays donnent le vocable de SaintPierre à la vieille église qui fait un fond si pittoresque à la place de ce nom, entre la prison et le musée. Officiellement, aujourd'hui, c'est Saint-Étienne, paroisse de la Ville-Haute. Là était, avant la Révolution, établi un chapitre de chanoines qui valait à cette église le titre, de collégiale. La construction de Saint-Pierre ne semble pas remonter au delà du XIVe siècle, époque à laquelle appartiennent les travées centrales; les extrémités sont du xv. siècle. Le portail, avec ses deux tours, dont l'une est inachevée, fut édifié en dernier

lieu. Si Saint-Pierre n'est pas pour le chercheur éru-

dit, artiste ou simple dilettante un trésor inépuisable, comme nos grandes cathédrales, du moins faut-il reconnaître que cette petite église est des plus intéressantes, et qu'elle contient un chef-d'œuvre tout à fait hors de pair, le squelette de Ligier Richier. Nous irons d'abord devant cette sculpture célèbre. Le squelette de Ligier Richier est en pierre de Saint-Mihiel, passée dans un bain de cire et d'huile pour lui donner la résistance et le poli du marbre. Il se trouve aujourd'hui dans le transept (côté de l'épître) de l'église SaintPierre mais il fut placé primitivement dans l'église Saint-Maxe, aujourd'hui détruite, qui servait de chapelle au château ducal, au-dessus des restes de René d'Orange, gendre du duc Antoine. Lorsque les ossements des princes lorrains furent portés à Saint-Pierre, le squelette fut placé, au-dessus de la crypte où on les

déposa, dans une sorte de retable, encadré de deux colonnes corinthiennes et de douze petites niches. La. tête du mort est surmontée d'un cartouche composé d'un heaume fermé et d'un écu entouré du collier de la Toison d'or; le fond offre en peinture une draperie funéraire. Du même côté de l'église, dans la grande nef, le visiteur ne manque pas de remarquer, suspendues à trois piliers, les statues du Christ et des deux larrons. Elles sont en bois peint. Attribuées par la tradition à Ligier Richier, ces statues ont été l'objet de discussions assez vives. Si les larrons paraissent bien inférieurs au Christ, que l'on peut regarder sans trop de scrupule comme un morceau de premier ordre, surtout pour la tête, et s'il est permis de ne pas y reconnaître la même main, du moins trouvons-nous qu'il y a beaucoup de hardiesse et de mouvement dans cette œuvre de décadence, et que les larrons ne produisent pas un effet banal en se contournant sur leur gibet. La chapelle des Stainville, derrière le squelette, mérite un instant d'attention, avec son élégante clôture ogivale, ses trois niches qui furent autrefois des tombeaux, et où un autel sans caractère, un confessionnal, une châsse de Saint-Maxe, remplacent les statues funéraires disparues on ne sait à quelle époque, et son fragment de reliefdu xv. siècle, représentant le sacrifice d'Abraham. Toutes ces curiosités assignent un rang très honorable dans l'architecture sacrée à l'église Saintttienne, qui est un morceau artistique dans l'artistique ville de Bar. ALEXANDRE MARTIN.


mencent à en remplir les paniers. La poussière monte de plus en plus épaisse et enveloppe le navire d'un

Le

Charbonnage à Port-Saïd.

stations de charbon situées sur la route de l'Extrême-Orient,il n' y en a pas de plus intéressante que celle de Port-Saïd. Là, ainsi qu'à Aden, le charbonnage a lieu sans l'aide d'aucune machine; ces deux ports sont néanmoins réputés pour la rapidité du charbonnage, détail important pour les navires. Une autre conséquence de l'absence des machines, c'est que, par suite de la multitude d'hommes employés pour le chargement d'un bateau, le charbonnage offre un pARMI les

spectacle bien curieux à observer. Dès qu'un bateau entre dans le port, on voit

venir à sa rencontre d'énormes barques remplies d'hommes noirs, en vêtements flottants, la tête entourée de fichus en loques, en guise de

turbans.

Tassés au

nombre de quarante à soixante, ils s'avancent lentement, conduits par deux bateliers, debout au milieu, et qui rament. D'autres hommes pareils

nuage noirâtre. C'est le moment où les voyageurs s'empressent de quitter leur bateau, pour aller respirer un air moins noir sur la rive et visiter la ville. Aussitôt que les premiers paniers sont chargés de charbon, nos hommes noirs s'en emparent et vont les décharger sur le navire. Ils se rangent en file pour gravir les planches, disposées par deux, l'une pour monter, l'autre pour descendre. L'obliquité et l'étroitesse de cette route sans appui et haute en l'air n'est point faite pour les embarrasser; cela n'entrave en rien la vitesse de leur course qui plus est, au retour, certains d'entre eux préfèrent-ils, à mi-route, sauter directement dans le chaland, au lieu de terminer le parcours de la planche. Ce n'est plus de l'indolence orientale Dès le début du travail, les charbonniers s'entraînent par un chant monotone, cc alla-ha-al-lah r, sonnant comme les antiennes et les répons d'une litanie, interrompu par de brefs appels des surveillants qui, pour stimuler leur zèle, leur octroient de temps à autre un petit coup de bâton. La

du travail est telle qu'on aperçoit tout justeledéplacement des paniers qui se vident en haut et qui, en bas, dispa-

arrivent, groupés

raissent dans le

en masses sur des

chaland, tandis que des ombres noires

radeaux traînés par

des remorqueurs; à

en chargent d'au-

leurs pieds, on dis-

tingue des mon-

rapidité

UN PAQUE]301' FAISANT DU CHARBON A

PORT-SAlp.

tres sur les épaules des porteurs.

ceaux de paniers et Photographie communiquée par Mme la doctoresse Schut~. de pelles à charbon. Lé chaland A mesure qu'ils s'approchent, ces radeaux apparaissent présente comme un grouillement de fourmis; quant comme de gros chalands pleins de charbon et plonaux silhouettes noires des porteurs, elles ressemblent à geant profondément dans l'eau. des diablotins faisant de la gymnastique pour s'amuser. Sans attendre que le bateau soit bien amarré, Mais c'est la nuit que le charbonnage offre un bousculant toutes les embarcations sur leur passage, tableau étrange et pittoresque. L'obscurité par places, les hommes noirs, dans leurs. barques et leurs radeaux, tranchant sur la lueur rouge, vacillante des flambeaux s'approchentdu navire avec un vacarme assourdissant. (braseros suspendus à de hautes tiges recourbées) le Certains d'entre eux, comme des singes, grimpent le bruit cadencédu chant monotone, mêlé des cris rauques long des cordes qu'on leur jette du haut du bateau. des surveillants; les formesnoires quicourent,grimpent, Parvenus au niveau de l'entrepont ou des soutes extédescendent, sautent, disparaissent; toute cette conrieures, ils y fixent l'extrémité supérieure des planches fusion de feu, de bruit, d'obscurité, de silhouettes qu'on leur tend d'en bas et dont l'extrémité inférieure noires, donne l'impression d'une vision d'enfer. Rien d'étonnant que des voyageuses sensibles soient saisies va s'appuyer sur le radeau qui, en ce moment, se trouve poussé tout près contre le bord du navire. de frayeur à ce spectacle imprévu Ces planches, servant de passage pour monter Quand le charbonnage est terminé, les rembrsurle navire, celui-ci se trouve en un instant envahi queurs emmènent les chalands vides, flottant haut sur l'eau. Les hommes, leur pelle sur l'épaule, regagnent par les charbonniers, comme par une horde de saules barques. Le silence s'établit autour du navire penvages. Bientôt on voit la poussière de charbon s'élever dant que les barques s'éloignent doucement avec leurs au-dessus du chaland c'est que les hommes qui s'y passagers fatigués. Barques et hommes, ils sont si peu trouvent, armés de leurs fortes pelles de fer, comdistincts, à la lueur des flambeaux, qu'ils semblent~des


fantômes allant disparaître dans la nuit, comme des ombres de l'enfer de Dante. Doctoresse SCHUTZ.

Les

Japonais chez eux.

Las Japonais sont un peuple bien élevé. Vous pouvez

circuler de l'une à l'autre extrémité de Tokio; les façades des maisons et la largeur des rues diffèrent suivant que le quartier est riche ou pauvre, mais l'aspect de la foule ne se modifie pas. Dans les parties les plus pauvres de la ville, aussi bien que dans le voisinage immédiat de la résidence du mikado, il ne vous arrivera jamais de rencontrer un ivrogne. Vous n'assisterez pas davantage à des scènes de pugilat. Les discussions violentes et même les altercationsquelque peu animées sont égalementinconnues. Lorsqu'une contestation s'élève entre deux passants, elle se poursuit de part et d'autre avec dignité et courtoisie. Les jurons sont complètementinconnus dans la langue japonaise, idiome privilégié entre tous, où les grossièretés n'ont pas de mots qui puissent les traduire. Polis envers leurs compatriotes, pleins de déférence envers les étrangers, c'estsurtoutpour les sergents de ville que les Japonais réservent les témoignages du respect le plus profond. Ce n'est pas au pouvoir dont ils disposent, mais à l'origine aristocratique de leur famille que ces agents de l'autorité doivent le prestige général dont ils sont entourés. La révolution de 1868 a fait disparaître la haute féodalité représentée par les daïmïos, et elle n'a laissé à la petite noblesse d'autre ressource que d'entrer au service de l'État. Tous les descendants des anciens samouraïs recherchent avec ardeur les grades dans l'armée, la marine, les administrations civiles, et comme le nombre des candidats

dépasse de beaucoup celui des emplois disponibles, les héritiers de la vieille noblesse japonaise s'estiment heureux d'être appelés à des fonctions de policemen. Dans un pays où, suivant un préjugé répandu, le cultivateur le plus pauvre a le pas sur le gros marchand et même sur l'industriel qui a fait fortune, les jeunes gens issus des classes aristocratiques manifestent une si vive répugnance pour le négoce qu'ils aiment encore mieux être agents de la force publique qu'employés dans une manufacture ou un magasin. Aux yeux de tout sujet du mikado, le sergent de ville n'est pas seulement le représentant de l'autorité qui dresse des procèscverbaux et conduit les perturbateurs au poste, il est surtout l'héritier d'une vieille race dont la puissance politique a été supprimée, mais dont le prestige historique n'a pas disparu. Ce nouveau samouraï est très pauvre sans doute, mais qu'importe! Le royaume du Soleil Levant est le pays du globe où la frugalité humaine a reculé le plus loin ses limites. Un écrivain anglais, qui a passé plusieurs années à Tokio, a publié dans le Pall Mall Magasine une description très complète des habitudes et du genre de vie

d'une familledans la classe moyenne de la société japonaise. Les Japonais se lèvent de très bonne heure. Un homme qui n'est pas debout avant six heures du matin a la réputation d'être un incorrigible paresseux. Sans distinction d'origine, de métier et de rang, ils se font un pointd'honneurd'être les hommes les plus propres de l'univers. Après les ablutions de rigueur, ils procèdent avec une attention minutieuse aux soins prescrits pour l'hygiène de la bouche, car ils sont particulièrement fiers de la beauté de leurs dents. Le premier déjeuner vient immédiatementaprès la toilette du matin. Ce repas se compose d'abord d'une soupe aux légumes secs, puis d'un plat de riz assaisonné de légumes verts et de légumes marinés, et enfin d'oeufs ou de poisson salé, le tout abondamment arrosé de thé vert sans sucré. Après ce festin, le chef de la maison sort de chez lui pour se rendre à ses occupations professionnelles et rentre à midi pour dîner avec sa femme, qui, sous aucun prétexte, n'a le droit de s'éloigner de son domicile pendant la matinée.

Encore du riz; c'est le plat de résistance de tout repas japonais. La famille entière s'accroupit sur des 8 centinattes autour de toutes petites tables de mètres de hauteur, chacun y remplit de riz son bol de laque et choisit les légumes qu'il préfère. Les racines de lotus et de bruyère, dont la saveur paraît si désagréable aux Européens, sont très appréciées des Japonais. Les pauvres gens ignorent l'usage de la viande, mais dans les classes aisées, il n'est pas rare qu'une petite quantité de bœuf ou de poulet, découpé en lanières très minces et bouilli avec des légumes, soit servie au dîner. Quand au plus fort de l'été la chaleur est intense, la famille fait une sieste de deux heures, puis le maitre de la maison se rend à son bureau et rentre chez lui vers cinq heures du soir. Il se débarrasse alors de ses vêtements européens qui sont de rigueur dans les administrations publiques et les grands établissements de crédit ou de commerce, et est heureux de reprendre son costume national. Vers huit heures, toute la famille se baigne et ensuite elle prend le repas du soir. Le souper est encore plus sommaire que le déjeuner et le dîner; il ne se compose que de l'inévitable bol de riz. A cette nourriture nationale et obligatoire viennent, pendant la belle saison, s'ajouter quelques fruits de qualité très médiocre, en général; seules les pastèques et lesoranges ont une agréable saveur. Les japonais ignorent la gourmandise et n'ont pas la moindre notion du confort. Telle est une des principales causes de leur puissance. Pour eux les questions culinaires n'existent pas. Ils peuvent visiter tous les pays du globe sans se préoccuper du repas qu'ils trouveront en arrivant à l'hôtellerie, ni de la couche où ils passeront la nuit. Ils s'accommodentaussi bien de la cuisine chinoise et de la cuisine coréenne que de la cuisine hindoue, de la cuisine russe ou de la cuisine française. Habitués à dormir sur des nattes, ils sont affranchis du perpétuel souci de l'Européen en voyage qui se demande sans cesse si, dans l'hôtel où il a l'intention de descendre, il trouvera un bon lit. C'est grâce à ce parfait mépris pour les délicatesses de la table et les raffinements de la vie matérielle, que les officiers japonais ont pu se travestir sous les déguisements les plus divers pour faire de l'espionnage, et ont

ou


pu visiter des pays où des O.:cidentaux, obligés, sous peine de tomber malades, de s'inquiéter sans cesse de la question du logement et de la nourriture, ne pourraient pas s'aventurer sans péril. G. LABADIE-LAGRAVE.

Rome port de mer. port de mer vient d'être ravivée par la création d'un comité local qui s'est assuré l'appui de tout le haut commerce romain. Le prince Colonna, maire de Rome, en est le président honoraire; l'ingénieur Paul Orlando en est le président très actif. Rome n'est éloignée de la mer que de 25 kilomètres (dans l'antiquité elle en était même plus rapL,A question de Rome

prochée) et, malgré son association classique au Tibre, n'a jamais été un port fluvial; au contraire, pendant sa longue décadence, Ostie d'abord et Porto ensuite ont été deux ports maritimes dans toute l'acception du mot. Ils étaient reliés au fleuve par un canal servant au déchargementdes navires et aboutissant aux contreforts de la ville. Malheureusement, le port d'Ostie, creusé par le roi Ancus Martius, et le Portus que l'empereur Claude lui substitua, agrandi par Trajan, embelli par Septime Sévère, se comblèrent à cause du courant méditerranéen qui, remontant la côte italienne de l'est à l'ouest, refoulait les terres d'alluvions charriées pendant le printemps et l'automne par le Tibre.

Jules César, selon Plutarque, aurait poussé ses ingénieurs à étudier une nouvelle voie qui, de la ville d'Ostie, serait venue aboutir à la mer vers l'est, dans un repli de la côte abrité contre la force du courant. Cet endroit favorable existe encore, et un canal d'écoulement des eaux d'égout s'y jette dans la mer. Il existait même au temps des empereurs et servait d'exutoire aux marais salants exploités par le fisc impérial. M. Orlando, dans un projet qu'étudie d'une façon fort intéressante M. J. La Bolina dans le Yacht, reprend l'inspiration de Jules César, que Claude eut la mauvaise idée d'abandonner. S'étant assuré, par une série d'expériences pratiques, des résultats dus aux courants, aux vents et aux crues périodiques du fleuve, expériences inspirées par celles que M. Vernon-Harcourt a faites pour l'embouchure de la Seine, M. Orlando a élaboré un projet complet en toutes ses parties. Il se compose du creusement d'une grande darse près de la basilique de SaintPaul hors les murs, d'un canal de 8m50 de tirant d'eau, avec une largeur de 63 mètres, qui se développe pendant 15 kilomètres dans la vallée du Tibre et pendant io kilomètres dans la plaine d'Ostie, en se servant de la fosse d'écoulement précédemment mentionnée, dont la largeur actuelle est de io mètres. Devant l'embouchure, un port sur le modèle de celui de ljmuiden, en Hollande, présente deux jetées qui le protégeront contre les ensablements. En ajoutant

encore à cet ensemble de travaux hydrauliques un petit canal de raccordement entre la darse et le Tibre, et un chemin de fer électrique entre Rome-ville et Rome-port, on arrive à une dépense totale de 59 millions, exigeant à peu près cinq ans de travail. Quand on pense, ajoute M. La Bolina, que le transport par le chemin de fer Civita-Vecchia-Rome, pour le charbon, pour le blé et pour une quantité de marchandises indispensables à un grand centre de consommation comme Rome, est supérieur, comme prix, au fret maritime de Cardiff et même de Newport News à Civita Vecchia, on comprend aisément que le Comité de cc Rome port de mer conquis immédiatementles sympathies de l'élément commercial et industriel de la capitale du royaume d'Italie.

ait

Albéric Cahuet, docteur en droit, avocat

à la cour d'Appel de Paris. Préface de M. Frédéric Passy, membre de

l'Institut. La question d'Oreënt dans t'histoire contemporaine (i82i-~go4). fort vol. in-IS de 50o pages, franco par poste, 4 francs. Dujarric et Cie, éditeurs.

ON

a dit justement que la question d'Orient était un brûlot attaché aux flancs de l'Europe; mais les étincelles susceptibles d'enflammer ce brûlot jaillissent de divers points. Avant-hier l'Arménie et la Crète étaient en feu. Hier, c'était la Macédoine et l'Albanie. Aujourd'hui, la Macédoine

brûle encore, et l'on sait que l'Arménie s'enflamme de nouveau. Les foyers de révolte ne sont point d'ailleurs en Orient les seuls foyers d'incendie. Les compétitions et les rivalités des petits Etats balkaniques, entraînant les compétitions et les rivalités des grandes puissances européennes, prépareront, plus sûremer~ encore que les insurrections locales, l'effroyable guerre de demain. La crise en Orient est continue, mais elle change d'aspect. C'est une maladie qui se manifeste sous divers symptômes. Ces temps derniers, on a beaucoup étudié les symptômes; il convenait d'étudier la maladie elle-même, et tel est le but de l'ouvrage de M. Albéric Cahuet. La question d'Orient est un tout. Son étude comporte un ensemble de notions historiques d'où se dégagent des idées générales. Ce sont ces notions historiques et ces idées générales qu'il est indispensable de s'assimiler pour apprécier, dans leurs diverses manifestations, toutes les crises orientales. La question d'Orient dans l'histoire contemporaine, ou, si l'on veut, l'histoire contemporaine de la question d'Orient, est un ouvrage d'ensemble net, précis et complet dans lequel l'auteur suit l'œuvre des puissances européennes en Orient, depuis le début du XIXe siècle jusqu'auxderniers événements de Macédoine. Ce n'est p~s seulement un examen critique des négociations et des traités où, d'ailleurs, le document est présenté sous une forme fondue et attrayante; c'est encore et surtout une étude curieuse du développement des diverses nationalités balkaniques et de leurs premiers pas dans la vie politique et sociale autonome. Et les pages consacrées aux zadrougas serbes et monténégrines, aux princes patriarches de Cettigné, à l'origine et. à l'antagonisme des dynasties serbes, aux conspirations de Belgrade, d'Athènes et de Sofia ne sont pas les moins intéressantes de l'ouvrage. La question d'Orient dans l'histoire conterrtporarize a sa place dans la bibliothèque de tous les étudiants en histoire, en droit et en sciences politiques, auxquels il évitera de longues et pénibles recherches. Ce livre sera également le précieux auxiliaire des diplomates, des journalistes et de tous ceux qui s'intéressent à notre politique extérieure. Ajoutons que, malgré le caractère scientifique de cet ouvrage, sa forme claire et son prix si modeste en font un véritable précis de vulgarisation.


Le Tourisme au Maroc. B1EN des années se passeront encore des achats, :vous dissuadera-t-il de lui ou kasbah, dans laquelle on trouvera de

avant que la « pénétration pacifique » ait doté le Maroc des voies ferrées qui rendront rapides et faciles les communications. Les « voyageurs circulaires », les représentants de commerce auront alors beau jeu. Pour l'instant; l'expédition ou, pour ainsi dire, le tourisme supérieur est seul admis à jouir des curiosités d'un pays, en somme peu connu, et c'est pour ce sport, que nous sommes amenés à donner quelques conseils pratiques. Tout le monde ne peut pas s'offrir la belle équipée de notre consul, allant à grande escorte, de Tanger à Fez, offrir au jeune empereur des cadeaux et des projets d'alliance; mais les grandes excursions, dans ce magnifique pays, sont à portée de quiconque jouit de deux ou trois mois de liberté, d'une bonne santé et d'une bourse bien garnie, et n'a pas peur des coups de main, possibles en certaines régions, qui ont enlevé M. Perdicaris et M. de Segonzac. COMPOSITION DE LA CARAVANE

Qii'on attaque le Maroc par Tanger, Larache, Mazagan ou Mogador, les préparatifs de l'expédition sont identiques. La petite caravane sera composée de même manière un guide, un cuisinier, un mokba~ni, des mules, des muletiers et des cadeaux avec cela on va partout. L'adjonction d'un guide est nécessaire. Comme le guide sert d'interprète, il s'impose à qui ne sait pas l'arabe, et ce sera probablement le cas de bien des touristes; à qui même est versé suffisamment dans la langue de Mahomet, il sera, sinon indispensable, du moins, de la plus grande utilité. Le guide est l'intendant général de l'expédition; il organise les étapes, réquisitionne les guides locaux, les muletiers et les mules, achète les vivres, s'abouche avec les autorités. C'est un auxiliaire assez coûteux: il prélèvera sur tous achats, dans toute entremise, une petite commission qui n'a

qu'un rapport très lointain avec le traite-

associer un cuisinier. Qu'une économie mal entendue ne vous fasse pas suivre son conseil. Outre qu'un cuisinier n'est pas une dépense excessive, c'est un auxiliaire dont le rôle s'exerce précisément aux mêmes heures que celui du guide, lors de l'arrivée à l'étape. Si le guide ne doit commencer à dresser votre couvert qu'après les pourparlers sans fin qui accompagnent une installation, vous risquez fort d'attendre de cruelles heures avant de vous mettre la moindre bouchée de couscous sous la dent. Un troisième individu s'ajoute généralement au personnel c'est le mokhazni, qui représente à lui seul l'escorte militaire. Soldat de l'entourage des caïds, il joue le rôle de gendarme; c'est le compagnon et le protecteur;

Notez qu'un bon guide e~f un oiseau rare. La pénétration du Maroc en

fera probablementsurgir une corporation; mais pour l'instant on les compte; il est vrai qu'en petit nombre et épars ils n'ont pas encore eu la ressource de se syndiquer pour l'exploitation rationnelle de l'Européen. Ça viendra. Tout guide se targue de savoir faire la cuisine, et Il a raison la cuisine musulmane n'est pas tellement compliquée qu'il faille des années d'études avant de mériter le cordon bleu. Aussi le guide, désireux de s'assurer le monopole

les hommes. Le climat

du Maroc, généralement sain, est trop différent, suivant les régions, pour qu'on puisse recommander un type unique de costume. Alors que la zone du littoral n'éprouve pas de froids rigoureux ni de chaleurs insupportables,la zone des plaines intérieures se trouve exposée à des températuresétouffantes pendant l'été et à des pluies torrentielles pendant l'hiver; la zone montagneuse connaît la neige en hiver. La précaution indispensableà prendre partout c'est de se prémunir contre le refroidissement de la nuit, d'autant plus sensible qu'il est très rapide. Aussi l'usage de la laine est-il tout indiqué.

sa présence en-

gage la responsabilité du magbien. C'est le personnage le moins nécessaire inutile dans les endroits tranquilles, il ne serait pas d'un grand secours, à lui seul, dans les régions troublées. Hâtons-nous de dire que celles-ci sont l'exception et que, si les tribus vident leurs querelles sur quelques points du territoire, la plupart des naturels accueillent le voyageur avec sympathie, surtout quand il se montre généreux. Un bon cavalier sera tenté de se servir d'un cheval. L'expérience lui apprendra la supériorité de la mule; c'est la meilleure monture pour tous. Quatre mules constituent une cavalerie très suffisante une pour le voyageur et trois pour le guide, le cuisinier et le muletier. Ces dernières portent en outre de 75 à o0 kilogrammes de bagages. Un deuxième muletier-domestique n'est peut-être pas inutile et amène ainsi à se pourvoir dé cinq animaux. On peut louer ou acheter les mules; l'achat revient moins cher qu'une location un peu prolongée. Mais le voyageur encourt ainsi tous les risques d'accidents et de vols dont les animaux peuvent être

l'objet.

ment régulier que vous croyez devoir lui VIVRES ET COUVERT octroyer pour ses multiples services. Mais il évitera bien des désagréments, bien Il faut naturellement se munir de des erreurs coûteuses; et il est encore toutes les provisions que l'on est exposé moins onéreux d'être rançonné par lui à ne pas trouver en route, et d'une quanque pillé en détail par une clique mal- tité, variant suivant les étapes à fournir, honnête, toujours disposée à abuser de de denrées dont les principales sont la notre ignorance et à profiter de nos em- semoule, le sucre, le thé, le pain, la boubarras.

l'orge pour les bêtes et de la viande pour

gie. II ne faut pas oublier que les Marocains passent leur journée à prendre du thé mélangé de menthe et de diverses autres plantes aromatiques. Il est donc nécessaire de s'en pourvoir abondamment ainsi que de sucre, dont les indigènes consomment plus d'une demi-livre par jour. r. On loge le plus souvent sous la tente; quelque désir qu'on ait d'al1éger son matériel, il faut néanmoins emporter au moins deux tentes, dont l'une servira d'abri au personnel. Chaque soir, le campement s'installe près d'une habitation plus ou moins importante dar, ~aouia

ÉCHANGES, CHÈQUES ET ESPÈCES

L'habitant, en général, vous fournit gratuitement les provisions dont il dispose. Mais cette générosité ne va pas sans un retour de bons procédés toujours coûteux; il faut la reconnaître par des cadeaux en espèce ou en nature, et le plus clair de l'opération consiste à payer au donateur ce que l'on a déjà payé au guide-fourrier. Quoi qu'il en soit, il faut se munir,

avant d'aborder

au

Maroc, de cadeaux

qu'on aura meilleur compte d'acheter en Europe fusils, revolvers,jumelles, montres, bijoux, etc. Il est prudent de déclarer à l'habitant qu'on prend à sa charge la nourriture des bêtes et des hommes; mais il faut, dans ce cas, se munir de cette nourriture au moins pour une journée. Tout compte fait, les dépenses journalières pour une caravane composée comme nous l'avons dit, se répartissent

Guide. ainsi

Cuisinier

3

fr.

t 50

prise). t» Mokhazni. Nourriture. Cadeaux. ) Location de quatre mules et de deuxmuletiers (nourriturecom-

4 6

10

» » 0 »

Soit environ 35 fr. par, jour. Les paiements se font dans tout le Maroc intérieur avec des pièces d'argent dites bassani (du nom de Mouley Hassan) ou a~i~i (du nom de Mouley Abd elAziz). L'argentespagnol, la peseta alfonso, a également cours. Ces monnaies perdent au change, la marocaine environ 65 pour ioo; l'espagnole 37 pour 100. 100 francs d'or français valent donc t3~ alfonsos ou 165 bassani ou a~i~i. Les chèques sur Paris, Marseille ou bien préférables aux chèques sur Tanger, sont changés chez tous les commerçants de la côte ou de Marrakech. L'or peut être changé à peu près partout.

res,

ALBERT B.


En descendant les Rapides du Haut Yang-tsé-kiang. qu'en n9o2 M. le lieutenant de vaisseau Hourst les a fait franchir à une canonnièrefrançaise l'Olry. Pyécédemment, une canonnière allemande, qui tentait la méme aventure, s'était totalement perdue au ~assage de l'un de ces rapides. M"'e Bons.d'Anty, femme de notre consul à Tching-tou, les a descendus dans une jonque; l'entreprise était beaucoup moins d~cile, cependant les dangers ne manquèrent ~as et le récit de cette traversée ordinaire est intéressant à lire. Les rapides du Yang-tsé sont célèbres depuis

Ai

quitté Tchong-king, septembre A cette époque, le fleuve est trèsengros; il l'était1903. surtout cette année-là, qui fut très pluvieuse. J'ai eu du mal à trouver une jonque assez solide pour pouvoir résister aux chocs et à la violence du courant. On ne voyage guère à ce moment-là, octobre est bien plus favorable.

J'étais accompagnée de mon gros cuisinier, qui me servait de garde du corps, et de mon petit boy de quinze ans, qui parlait un peu le français. Le cook baragouinaitquelques mots de mauvais anglais. L'équipage se composait du patron, qu'on appelle laopan et qui se tient au gouvernail. Il y a vingt-quatre rameurs au moins, six ou

ping-meun, la porte centrale de Tchong-king, mais pour aller seulement jusqu'au bas de la ville, au faubourg de Ouankiato, qui se trouve au delà d'un gros rapide, de l'autre côté du fleuve. On le traverse en plein c'est effrayant de vitesse vingt minutes à peine pour descendre, alors qu'on met presque une demijournée pour remonter en se cramponnant avec des gaffes à toutes les jonques qui sont amarrées le long de la ville. Nous partons le lendemain à deux heures, après la cérémonie des. pétards, car tout bon batelier ne démarrerait point sans ce feu d'artifice préalable et indispensable pour faire un voyage sans accident. On passe

aussitôt devant

septpourchaque

une pagodeavec

grosse rame,

un énorme bouddha qui représente le dieu du fleuve; on l'invoque au pas-

très lourde à ma-

nier, et les au-

tres à l'avant avec des rames

ordinaires. Ils sont surveillés

sage pour se préserver d'un

de près par un

chef tenant à la main un bâton servant à marquer la mesure, et quelquefois aussi à rappeler à l'ordre celui des rameurs qui aurait l'air de mollir. Je m'embarquai sans la moindre appréhension, enchantée de la vitesse du courant, qui nous ferait arriver en cinq jours au lieu de dix ou quinze qu'on met en hiver. Mais je ne me doutais pas de ce qu'était le fleuve; on ne s'en rend pas bien compte en montant, car on suit les côtes, et quand on le traverse, on choisit un endroit où le courant est moindre, afin d'être entraîné le moins loin possible en arrière. Du reste, j'avais fait la montée en juin, et la grande crue n'était pas encore survenue. Nous sommes partis vers quatre heures dé TaiA TRAVERS LE MONDF.

naufrage tou-

LE COURS DU YANG"TSÉ-K[ANG.

l.3e

uv.

jours possible. Le premier jour se passe sans accident. Nous mouillons à cinq heures à Tankiato, la station de la douane qui se trouve avant chaque ville ouverte au commerce européen. C'est là qu'on vise les papiers, qu'on visite les bagages. Le lendemain, nous arrivons vers une heure à Feou-tchéou,jolie ville, bien mal située par rapport au fleuve qui est très mauvais à cet endroit. On ne peut pas s'arrêter en face de la cité chinoise. Il y a un gros rapide que nous passons à toute vitesse; mais nous tombons ensuite dans un tourbillon qui est effrayant à voir. Cela vous semble un gouffre avec un trou gigantesque, et l'eau tourne avec 'une vitesse No ~3.

1er

Avril

i9o5..


folle. Je m'y voyais plonger; cela arrive en effet, et aussitôt nous tournons comme un manège. La grosse rame se casse avec fracas. Elle n'avait pas été relevée assez vite, car quand on est pris dans le tourbillon, on

doit lever toutes les rames précipitamment et se laisser tourner. Ce n'est pas précisément agréable, mais il n'y a que ce moyen pour éviter de tout briser. La tête me tournait si bien aussi que je dus me mettre sur ma couchette une seconde pour ne pas tomber. Mais je voulais voir ce qui allait se passer, et je me précipite à la fenêtre en appelant mon cuisinier. Nous ouvrons les portes qui nous séparaient des rameurs et nous regardons la manoeuvre. Le passage était si mauvais que je n'étais pas sans inquiétude et je me demandais comment on sortirait de ce remous avec notre seule grosse rame etlespetites. Le moment était palpitant d'anxiété. On ramait à toute vitesse, la jonque se balançait et craquait sous la violence des eaux à croire qu'elle allait éclater. Enfin nous sommes de l'autre côté, et le patron s'empresse d'aller au rivage, abordable heureuse-

ment, pour y réparer sa grosse rame. Une heure et demie d'arrêt pour ce travail. Je descends faire un tour de long en large sur

commence un couplet monotone et chante sans discontinuer pendant que les autres reprennent le refrain en chceur. Cela dure des heures et des heures, jusqu'à la fin de la journée. Nous arrivons à Wan-hien, à michemin de la descente. Nous voulons mouiller au bas de cette ville, assez considérable, construite en terrasse mais le courant est mauvais, aussi nous descendons assez loin. Nous avons fait la moitié de la course, car c'est bien une vraie course, 870 lis, 87 lieues environ en deux jours et demi, alors qu'on en met 15 à 20 pour remonter. Le troisième jour, nous arrivons à l'entrée des gorges de Payang, où le fleuve n'a pas 200 mètres de largeur. Pas moyen d'y pénétrer elles forment une sorte de couloir, où il y a toujours du vent, et il nous est contraire. Nous stoppons à Ouan-yang-tsé une jolie petite pagode s'élève en face de moi. J'ai tout le temps de l'admirer jusqu'à midi. Gênée alors par les indigènes, je commande le départ. Le vent est toujours debout. Bientôt nous tombons dans un gros tourbillon qui nous fait valser. Avec beaucoup de précautions, on s'en tire, mais il faut s'arrêter de nouveau après un quart d'heure de descente seulement. Les coolies, enchan-

tés de ce repos forcé, se une petite plage de sable. faisait délicieux et je 11 mettent à jouer avec des fiches en carton qui resn'étais pas fâchée de respisemblent à nos jeux de carrer un peu après cette alertes. Je les regardais faire, te. Mon cook pour me rasquand j'aperçois une quansurer me dit qu'elle recomtité de jonques qui montent mencerait souvent et que voiles' déployées, poussées nous valserions encore de plus belle. Ça n'a pas manpar le vent qui nous gêne. qué en effet. J'ai appris à Leurs bateliers sifflent un air pour appeler la brise. Je connaître les tourbillonsque le trouve superflu, car il y je ne m'imaginais pas si terribles. Je croyais aussi en a bien assez pour eux et V ANG-TSÉ-KIANG. RAPIDE UN DU qu'on pouvait les éviter, trop pour nous. Enfin à deux mais ce n'est pas possible, heures, le vent tombe, Photogoaphie de Mme Bo~ts d'Anty. il y en a trop, et le courant nous repartons. Le paysage est plutôt monotone des montagnes découpées et nous y pousse; forcément il faut y aller. Nous mouillons, le soir à six heures et demie, dans une jolie petite striées de bandes de terre de tons différents. Beaucoup baie, et les hommes prennent un repos bien gagné. de cascades par exemple. Il y en a tout le long du fleuve, et elles sont fortes, il a assez plu pour les Le troisième jour, nous passons de bonne heure à grossir. Fongtou, où il y a un pèlerinage à une pagode très intéA quatre heures, nous traversons le Sinloungressante que j'avais visitée en montant. On gravit la montagne, pendant une heure au moins, par un joli tan (rapide du Dragon), un des gros rapides du HautYang-tsé. En 1896, après une pluie violente, tout un chemin, et on rencontre tout le long des temples jusqu'au sommet, où se trouve une dernière pagode, avec plusieurs millions de mètres cubes pan de colline tomba, projetant jusqu'au milieu du fleuve d'énorde jolies terrasses ombragées de beaux arbres, ainsi qu'une vue splendide sur la vallée et le Yang-tsé. mes blocs de pierre formant des écueils. Cette annéelà, durant les basses eaux, on ne put plus passer, des Vers le soir, nous arrivonsdevant Loutai. Encore vingtaines de jonques s'y perdirent. Quelques travaux un très mauvais passage entre deux chaînes de rochers. entrepris par des mandarins chinois l'améliorèrent, On va à toute vitesse droit sur les roches, où il semmais il n'en reste pas moins, aux eaux basses, le plus ble qu'on aille se briser. Je sors voir le coup d'ceil. Le difficile à franchir. chef des rameurs redouble de vigilance et surveille Après le rapide nous passons devant Yuen-yen, attentivement son personnel. On dirait un chef d'orjolie petite ville campée d'une façon très pittoresque. chestre qui bat la mesure pour faire aller les coolies ensemble, car il faut filer plus vite que le courant pour Ses toitures, de toutes couleurs, et ses yamens, aux pouvoir diriger la jonque, et il est fort à cet endroit. Il façades de céramique tout le long de la berge, font le plus gracieux effet. On y remarque surtout le temple y a aussi une chanson qui aide les rameurs. L'un d'eux


de Yu, un empereur légendaire de l'ancienne Chine. De superbes figuiers sont accrochés aux roches. Nous arrivons à Koueï-tchéou à six heures un quart. Nous mouillons en face de la ville, cette fois-ci, mais au milieu d'un tas de jonques, ce qui fait mon désespoir, car les équipages de ces bateaux sont très bruyants la nuit et font une cuisine qui répand une odeur des plus désagréables. Le quatrième jour fut aussi palpitant. Nous partons assez tard, .sous prétexte que nous sommes mal placés il faut laisser passer les premiers. A peine en route, nous entrons dans. une gorge splendide. On dirait un beau décor de théâtre, on ne sait où regarder, mais nous allons si vite qu'il n'y a pas assez de temps pour contempler ces merveilles. C'est grandiose et sauvage à la fois. Une heure à peine, et nous en sortons. Je m'aperçois que tout à coup le fleuve change de couleur, sur un côté il devient

d'un joli vert glauque.

Nous sommes obligés de stopper pour pénétrer dans une autre gorge à

Ouchan; il y a encore trop de vent. On repart enfin, en manœuvrant en zigzag, dans le sens du courant, je suppose. Il nous faut toute

la place pour naviguer de

cette façon sans danger. Nous rattrapons un gros quatzé, jonque pour les voyageurs, qui s'arrête pour nous laisser passer. Nous en faisons autant un instant après. Nous repassons ensuite, et cette fois-ci je demande qu'on reste en avant puisque nous allons plus vite. Je m'installe à la fenêtre, car le spectacle est curieux. Il y a des tourbil-

mais en descendant, si par malheur on heurtait un rocher, on serait infailliblement perdu avant que cette petite barque ait eu le temps de nous recueilir. On arrive à Nioukeoutan (la bouche de baxcf). Nous passons au beau milieu, en plein remous. On dirait que ça va chauffer, car les rameurs quittent prestement leur veste. Le chef d'orchestre lève son bâton et donne le signal de la danse. Aussitôt tous se mettent à trépigner et à ramer comme des fous, sans cesser leur chanson. Le spectacle est effrayant à voir. Des vagues énormes nous roulent dans tous les sens. La jonque craque. Malgré le danger réel, car nous étions à la merci d'un faux coup de barre, j'avais envie de rire en voyant mes coolies s'agiter de cette façon. C'est pourtant un quart d'heure d'angoisse pour ceux qui ont peur et ne sont pas maîtres de leurs nerfs. Enfin on respire nous entrons dans le calme, mais pas pour longtemps. La danse reprend de plus belle. Nous arrivons devant une jolie pagode située audessus des rochers à pic Violent courant et remous. On s'arrête deux fois et on laisse dériver la jonque en travers en tournant un peu. C'est le meilleur moyen, il faut croire, pour franchir les passages périlleux. Il est six heures, le soleil se couche dans un beau ciel orange. Nous marchons toujours pour trouver le mouillage. 11 fait presque nuit quand nous passons le Yétan (le Sauvage),troisième gros rapide, mauvais en été, ce qui nous fait avancer plus vite, jonques

tant le courant est violent.

DANS LES GORGES DU

YANG-TSÉ-KIANG.

Photographie de Mma Bons d'Ant~

lons énormes, le fleuve étant très resserré entre les gorges. De belles jonques montent facilement avec leurs voiles. Elles ne nous gênent pas, se tenant près du bord. Le fleuve semble tout petit entre ces masses de montagnes il est comme un torrent furieux. Nous zigzaguons de plus belle, importunés par les cris des Chinois qui ne peuvent rien faire sans bruit. En montant, on les entend moinspuisqu'ils sont à terre, mais en descendant, ils ne quittent pas l'embarcation, et s'il y a le moindre danger en perspective, ce sont de tels hurlements qu'on se croit toujours en perdition. Vers deux heures, nous pivotons trois fois sur nous-mêmes; une heure après nous sortons des gorges de Ouchan. A Patoung-tsien, j'aperçois la tour bien avant d'y arriver. Le passage est mauvais, je le connais de réputation. En effet, quatre fois de suite nous tournons. II y a fréquemment des accidents en montant, car on frise les roches. Des officiers de la canonnière anglaise y avaient fait naufrage, quelques mois auparavant, leur jonque s'étant brisée sur les rochers. Ils avaient perdu une partie de leurs bagages et s'étaient sauvés, grâce à la barque de sauvetage qui suit toujours les

Enfin on stoppe dans une petite crique. Nous n'avons fait que 330 lis (H lieues); mais quelle journée d'émotions Le dernier jour, le

départ s'effectue plus tôt. Tapage infernal qui me réveille. Comme il n'est que cinq heures du matin, il fait à peine jour, je me rendors jusqu'au passage d'un rapide. C'est le Sintan (nouveau ~~apide), un des plus mauvais quand il forme chute, mais il est encore, à cette époque, recouvert d'eau, on ne voit rien. Les rames balancent si doucement qu'on est plutôt bercé. Avant Kong-lin, rapide où s'est perdu le Siushang, vapeur allemand montant à Tchong-king, nous entrons dans les gorges de Nicoukoumafei, ce qui veut dire foie de bceuf et ~omnon de cbeval. Je les admire en hâte, car on n'y reste pas longtemps. Elles sont pourtant belles et différentes d'aspect des autres. A l'entrée, fort jolie cascade dans un fond ravissant. Nous avons marché si vite qu'à onze heures, pendant que je déjeunais, nous voici devant Pingchangpa. C'est la station de la douane qui précède l-tchang. La situation est charmante à la sortie des gorges. Toute une petite flottille de jonques et de bateaux y stationne. La plupart sont pavoisés de pavillons de différentes couleurs. L'aspect est fort joli. Il n'y a plus que 70 lis (7 lieues), que nous faisons très vite.


Voici la ville qui s'étend à perte de vue le long du

fleuve; celui-ci change complètement; on ne dirait plus le même, il s'élargitd'une façon considérable. Quelques collines de chaque côté qui me paraissent éloignées. Une île est en face qui s'allonge en pointe. Le Yangtsé me paraît calme malgré tous ces rapides et gros tourbillons. Nous arrivons au premier ponton, il n'y la même chose, a pas de place. On va plus loin, c'est tout est encombré. Je prends patience, sachant que c'est la dernière étape. Dès la veille, j'avais mis en ordre tous mes nombreux colis. Après plusieurs essais d'abordage, nous finissons par nous amarrer devant la douane.j'aperçois de loin un gentleman qui s'avance, c'est le commissaire dés douanes, son parapluie d'une main et son casque de l'autre. Il s'empresse de me souhaiter la bienvenue et m'offre l'hospitalité.J'avoue que je quitte avec plaisir ma jonque et son équipage pour la terre ferme. Je ne m'arrête qu'une journée à l-tchang. Le soir même, je m'embarque sur un vapeur qui me conduit en deux jours et demi à Hankoou, où je passe encore une journée. Trois jours et demi encore et je débarque à Chang-haï; j'avais mis douze jours, arrêts compris, depuis Tchong-king, tandis que l'année précédente, il nous avait fallu plus d'un mois et demi

pour y monter.

Mme BONS D'ANTY.

L'Accord anglo-italien et la fin des Hostilités au Somaliland. DEPUIS que les Anglais sont installés au Somaliland, ils n'ont pas cessé d'y guerroyer. Ils avaient à étouffer l'insurrection toujours renaissante des naturels soulevés par le mullah fou. Or c'est M. Pestalozza, représentant de l'Italie, qui vient de conclure un traité avec ledit mullah. L'accord établit la paix générale, que le mullah s'engage à faire respecter, envers l'Italie et envers l'Angleterre; il promet de délivrer les protectorats italien et anglais des continuelles razzias et dévastations de la part des tribus. Le mullah s'établit dans le territoire de l'ancien protectorat italien, à lui assigné par l'accord, et établit sa résidence habituelle sur un point de la côte, entre Rasgarad et Rasgabhé, en se mettant lui-même sous le protectorat italien. Le Gouvernement italien aura la faculté d'établir son .résident près du mullah. Dans le territoire assigné au mullah, le commerce sera libre, sauf que tout trafic d'armes et d'esclaves y sera formellement interdit. L'Italie a vraiment bien mérité de l'Angleterre. Le traité signé par son représentant marque l'heureux résultat des négociations engagées, depuis plusieurs mois, en vue de mettre un terme aux expéditions du Somaliland. Il consacre surtout l'unité d'action, manifestée déjà en diverses occasions, des Gouvernements italien et britannique dans cette région. On sait quelles surprises la campagne du Somaliland a réservées à l'Angleterre, et que bien malaisément elle a, au cours des derniers mois, évité les échecs

infligés naguère à ses troupes par ce mullah, dont le colonel Hayes Sadler, administrateur du protectorat, signalait en avril 1899 l'activité naissante. En obtenant du mullah une promesse générale de paix, tant en ce qui regarde l'Angleterre qu'en ce qui concerne l'Italie, et l'engagement formel de renoncer, sur le territoire des protectorats italien et britannique, aux razzias continuelles dont il était l'auteur ou l'inspirateur, M. Pestalozza a rendu au Gouvernement anglais un signalé service le général Swayne, gouverneur du Somaliland, et lord Lansdowne ont exprimé publiquement la satisfaction que leur cause ce résultat. Depuis plusieurs mois déjà, l'Italie a assuré à la Grande-Bretagne dans l'affaire du Somaliland le concours le plus utile. Dès cc~o2, elle a pris des dispositions énergiques pour empêcher l'importation des armes, et le Gouvernement de Rome a autorisé le passage des troupes anglaises en territoire italien. En 19°3, le comte Lovatelli, commissaire italien, et le capitaine Finzi ont pris part aux négociations engagées entre l'amiral anglais Chas. C. Drury et Yousouf Ali, sultan d'Obbia. La même année et l'année suivante, les croiseurs italiens ont fraternisé dans l'océan Indien avec les vaisseaux de guerre anglais, et le commandant George L. Atkinson-Willes télégraphiait à son .Gouvernement pour lui signaler ,( la loyale coopération » des officiers italiens. Cette coopération a déjà été récompensée. Au mois de février dernier, un accord anglo-italien a cédé à l'Italie, au sud de ses possessions, le port de Kismayu et le territoire voisin. Dès le mois de mai 1904. M. Tittoni, ministre des Affaires étrangères, avait annoncé l'intention du Gouvernement d'administrer directement la (( colonie de la Côte du Benadir », jusqu'alors concédée à une compagnie à charte. La cession de Kismayu, complétée par l'octroi à l'Italie de droits souverains sur la côte du Benadir, ouvrira à la compagnie reconstituée de nouveaux débouchés. La Grande-Bretagne a, par cette cession, comme aussi par l'autorisation donnée à l'Italie de débarquer des troupes à Kismayu, payé la dette contractée par elle depuis 1902 vis-à-vis du cabinet de Rome. Le traité'signé par M. Pestolazza est une manifestation nouvelle de l'amitié anglo italienne. Les journaux anglais y applaudissent; avons-nous les mêmes raisons d'en être satisfaits?. Les visées des deux puissànces ne dépassent-elles pas, dangereusement pour nous, les bornes du Somaliland? Répondant en quelque sorte à cette question, l'Éclair disait dernièrement (( C'est en Abyssinie que les deux puissances unies récolteront le plus large butin en se partageant nos dépouilles; une banque se fonde à Addis-Ababa avec de l'argent anglais, italien et français. Quand on aura ainsi donné une couleur internationale à ce qui était autrefois français, il sera plus facile de s'en emparer complètement. A moins que la puissance qu'on a soigneusement laissée en dehors, l'Allemagne, ne vienne déranger ces calculs. mission auprès de Ménélick, la (( L'envoi d'une conclusion d'un traité de commerce avec l'Abyssinie feraient croire que Guillaume II est décidé à préférer la défense des intérêts allemands au plaisir d'avoir des relations cordiales avec l'Angleterre. C'est un point de vue qui surprendra bien des Français. »


La Mission Segonzac au Maroc.

-'Capture de l'Explorateur.

LE Cm~aité du Maroc, qui, sous les auspices du

Comité

l'Afrique française, avait, en fin d'année dernière, organisé une mission d'exploration sou: ladirection de M. de Segonzac, a reçu récemment une fâcheuse nouvelle M. de Segonzac, trahi par un de ses guides indigènes et dénoncé comme chrétien. a été fait prisonnier par les Seketânas berbères de la région compriseentre de

l'ouedSousetl'oued Drâa, située sur le versant méridional

la gigantesquemasse de l'ari Aiachi,

toute blanche sous la neige. »

Cette

partie

de l'itinéraire de M. de Segonzac est

de l'Anti-Atlas, à une soixantaine de

particulièrementintéressante. Elle couvre le plus grand blanc qui restait sur la carte du Maroc,

kilomètres au nord

du cours du Drâa.

On comprend aisé-

ment l'émotion

qu'une pareille nouvelle a

Comité du Maroc, à Ferkla, dans la vallée de l'oued Gheris qui forme, avec l'oued Ziz, les oasis du Tafilelt, il venait d'explorer la partie centrale du Grand-Atlas. Parti de Merrakech, il avait d'abord longé le versant septentrional de cette chaîne par Si-Rahal et Demnat, puis s'était engagé en pleine montagne, en remontant la vallée de l'oued El-Abid, le principal affluent de l'Oumer-Rebia. De ce couloir, il avait passé dans celui de la Moulouya, fleuve sur le cours supérieur duquel il a relié cet itinéraire nouveau à son itinéraire de 1901. Sur ce passage, M. de Segonzac écrivait Ce n'est pas sans quelque émotion que j'ai vu tout à coup, du haut du seuil qui sépare le bassin atlantique du bassin méditerranéen, les sommets que j'ai reconnus en 1901, les cimes hérissées de cèdres du Moyen-Atlas et

au principal noeud

produite

montagneux de ce

dans les milieux

pays. Il semble que la Moulouya prenne sa source plus loin encore à. l'Ouest qu'on ne l'avait cru jusqu'ici, et, ce qui

coloniaux. M. de Segonzac était à la fin

d'une très intéres-

sante exploration. Sa mission, composée de MM. Gentil, maître de conférences de géologie à la Sorbonne; R. de Flotte- Roquevaire,

peut présenter un

intérêt pratique, qu'un passage relativement facile, ré-

pondantdansleSud à ce qu'est la trouée

cartographe; Boulifa, interprète de

de Teza dans

berbère, professeur à l'école des lettres

CARTE POUR SUIVRE LA

d'Alger; Zenagui

Abd-el-Aziz, interprète d'arabe, était partie le 1 er novembre 1904 pour explorer le pays insoumis au magzhen qui a nom Bled-es-Siba. Dès leur arrivée à Mogador, M. de Segonzac et ses collaborateurs se rendirent compte immédiatement qu'il leur était impossible de voyager en groupe, à cause de la nécessité de passer inaperçus. Ils résolurent donc de se séparer et se distribuèrent la tâche de la façon suivante M. Gentil se chargea d'explorer la région de Merrakech, des Ida ou Tanan et des Sous, au point de vue géologique. M. de Flotte se réserva la triangulation de la

région Mogador-Merrakech (Grand-Atlas). Enfin, M. de Segonzac résolut d'explorer le Grand-Atlas et son versant méridional, en reconnaissant le nœud orographique d'où partent les rivières desMaroc. cendant de ce u château d'eau D'après une lettre qu'il écrivait le 4 février au

du

le

Nord, relie les versants de l'AtlantiMISSION SEGONZAC. que et de la Méditerranée par les vallées opposées de la Moulouya et de l'oued El-Abid. Des bords de ce cours d'eau, M. de Segonzac était descendu sur le versant saharien en franchissant l'Atlas près de l'ari Aiachi. Pour se rendre dans la région du Tafilelt, il avait pris la vallée de l'oued Gheris de préférence à celle de l'oued Ziz, déjà reconnue par de Foucauld. écrivait en fé(( Au point de vue géographique, vrier dernier l'explorateur, l'intérêt de mon itinéraire est d'être neuf et de relier le Sud-Est marocain exploré par de Foucauld et par moi au Sud-Ouest mieux connu. J'ai pu faire le point tous les soirs (sauf deux ou trois jours de neige), mes montres se sont bien comportées et j'ai pu étayer mes observations sur quelques occul-

tations d'étoiles. renseignements \( Au point de vue politique, les que je rapporte permettent de fixer d'une façon précise


la région de l'Atlas. Nous avons fréquenté tous les personnages influents de ce pays. Les relations que nous avons nouées avec eux peuvent, si on le veut, être continuées. Le chérif d'Ahansal, dont l'influence s'étend sans limites précises, de part et d'autre de l'Atlas, nous a pilotés pendant cinq jours sur son territoire. Le chérif Sidi Ali Amhaouch, le grand pontife berbère, nous a hébergés pendant deux jours dans sa zaouïa d'Arbala et nous a accompagnés pendant trois

jours.

«Nos observationssociologiques nous permettent de généraliser les études que j'avais pu faire des mœurs et des coutumes berbères du Moyen-Atlas. Nous rapportons des documents curieux lettres de 'différents sultans aux tribus du Bled-es-Siba, texte tamazirt,

autographes,etc. \<

Ma collection botanique

est pauvre; ma récolte

entomologique est nulle nous sommes en hiver! \< Je vous envoie aussi ma collection géologique. Elle est plus heureuse que celle que j'ai rapportée de

mes précédents voyages. Les fossiles abondent dans

les régions que j'ai traversées. \< Enfin, vous trouverezdans mon envoi mes carnets d'itinéraires et mon journal de route. » Du Ferkla, M. de Segonzac comptait gagner Tamgrout sur l'oued Draâ, puis l'oued Noun par le versant méridional de l'Anti-Atlas. C'est sur cette partie de son parcours qu'il vient d'être arrêté. L'explorateurvoyageait avec des chérifs d'ordre secondaire, qu'il avait engagés pour le mener où il voudrait et qui n'ignoraient pas sa qualité de chrétien. M. de Segonzac se rendait compte du péril qu'il pouvait courir et écrivait cc L'inconvénient de cette méthode de voyager est qu'elle fait de nos serviteurs des complices, et, partant, des tyrans et des gens redoutables. Ils se querellent, n'obéissent plus aux chérifs qu'ils méprisent, veulent les tuer et s'entre-tuer. Notre pire danger est celui que notre escorte nous fait

courir. »

La région où M. de Segonzac est captif, étudiée par de Foucauld, est morcelée entre des cheiks héré-

ditaires, véritables barons féodaux, et de petits municipes berbères. Le maghzen y est sans influence et, s'il faut jusqu'à un certain point recourir à ses bons offices pour tirer le voyageur de ce mauvais pas, on devra surtout faire appel à l'action de commerçants et auxinfluencesreligieuses. Le pays est morcelé au point de vue religieux comme au point de vue politique, entre les chérifs de Tamgrout, abordables par leurs zaouïas du Maroc septentrional, et les chérifs du Tazeroualt, avec lesquels notre consulat de Mogador a eu l'occasion d'entretenir de bons rapports. Par leur intermédiaire et aussi par celui des commerçants français qui ont des relations, indirectes, il est vrai, avec l'Anti-Atlas, on pourra traiter cette affaire, qui ressemble beaucoup à l'affaire Perdicaris, et obtenir la mise en liberté de M. de Segonzac. Un télégramme complémentaire de M. Zenagui, l'interprète arabe de la mission, est venu confirmer cette probabilité et parle d'une rançon. Il ajoute que notre compatriote est en bonne santé et que ses compagnons de route sont sains et saufs, aux environs de Merrakech.

Le Vieux-Bar', DISONSencore un mot sur cette curieuse ville avant

de la quitter définitivement. Pour redescendre à la Ville-Basse, nous prendrons la place Saint-Pierre, les rues Chavée et de l'Armurier. A l'extrémité de celle-ci, nous verrons le haut pan de l'ancien mur de ville au pied duquel elle passe, ainsi que les vieilles maisons dont il soutient les jardinets en terrasse. Tout en dévalant sur la pente fort rude de la rue de l'Horloge, nous jouirons de l'aspect si pittoresque que donnent à la crête et au flanc du coteau les façades délabrées de la Ville-Haute, qui regardent la vallée, la Tour, le massif du couvent des dominicaines et son élégante chapelle. Des touristes,

blasés sur l'Italie et l'Espagne, nous ont dit qu'ilsavaient retrouvé là quelques-unes des sensations éprouvées dans les plus curieuses villes de ces pays classiques. Au bas de la rue de l'Horloge, entre deux maisons à façade en encorbellement, s'ouvre la rue Rousseau, par laquelle on entre dans l'ancien quartier de Neuve-Ville. Il faut s'arrêter sur le ponceau qui franchit le canal des Usines pour remarquer l'un des plus jolis coins du vieux Bar. Faisant équerre avec la façade postérieure, en style Renaissance, d'une vénérable maison qui baigne son pied dans l'eau courante, le le vaisseau de l'église Saint-Antoine, sous laquelle passe le canal, s'éclaire à cet endroit par deux hautes fenêtres ogivales du xve siècle. L'église Saint-Antoine, commencée au xme siècle, terminée au xve, est l'ancienne chapelle d'un couvent de religieux augustins. L'intérieur offre peu d'intérêt. La place Reggio étend son morne espace devant la rue Voltaire. Trois de ses côtés sont formés par des maisons quelconques; le quatrième présentait un bâtiment massif, plus laid encore; c'était le derrière de la Préfecture; il va être remplacé par une construction neuve, dont on attend le meilleur effet. La statue du maréchal Oudinot, duc de Reggio, relève un peu ce triste ensemble. Heureusement, pour réconforter le touriste, il y a l'admirable vue de la Ville-Haute dont on jouit d'un coin de la place. Jetons-y un suprême coup d'œil, car c'est ici que nous quittons le vieux Bar. Pour retourner à la gare, en suivant la rue Rousseau, on passe devant une haute façade, très décorée là est le théâtre et aussi un café \( d'une originalité singulière, célèbre dans toute la région de l'Est, le café de la Comédie ou des Oiseaux, brasserie et musée à la fois ». On prend la rue de la Rochelle, où sont les principaux hôtels, les cafés les plus animés de la ville. Mais, depuis qu'il déambule dans cette partie de la Ville-Basse, ({ ouverte et gaie, qui concentre dans ses rues, généralementlarges et bien bâties, toute l'activité et toute la vie de Bar », le touriste d'une certaine espèce, qui est la nôtre, ne regarde plus guère; cela pour lui est du banal, du déjà vu en maints endroits. t. Voir A Travers le Monde, 1905, page 89.


C'est la vie moderne dans la petite ville, qui s'épuise en vain à singer la grande, et ce n'est pas des plus intéressants. Le vieux Bar, au contraire, présente des aspects curieux, des vues pittoresques, des coins charmants qui ont leur caractère original, et que l'on ne trouverait pas ailleurs. Il a son cachet tout particulier. Ce n'est, sans doute, ni Bruges, ni Nuremberg, ni Sienne, ni Tolède; mais cela se voit encore avec intérêt, même après ces lieux fameux, et c'est presque inédit. ALEXANDRE MARTIN.

La Mort du baron Toll aux Régions arctiques. LE Pôle vient de faire de nouvelles victimes; la

découverte, dans l'archipel Bennett, d'une lettre enveloppée dans un morceau d'étoffe ne permet plus de douter que le baron de Toll et ses compagnons sont morts de faim dans les glaces. Dans cette lettre, M. de Toll fait le récit de ses aventures et déclare qu'il n'a plus de vivres que pour vingt jours. Mais bien des jours se sont écoulés entre le moment où il écrivit cette lettre et celui où la mission Koltchak, en juillet dernier, la découvrit. L'expédition du baron de Toll avait pour but l'exploration spéciale d'une terre, l'île ou terre de Sannikof, située au nord de la Nouvelle-Sibérie, et aperçue en 188 5- 1886 par l'expédition Toll et Brunge. Le baron de Toll acheta en Norvège un navire pour son expédition, le Harald-Haarangen, qu'il rebaptisa du nom de Zaria (l'aurore). Rappelons que l'état-major comprenait le baron de Toll, chef de mission (géologue); le lieutenant Kolomezow, commandantdu navire; Th. Matthiesen, second (géodésien et météorologiste), le lieutenant A. Koltchak (océanographe), le Dr Binoulia (zoologiste), M. Zeberg (astronome, chargé en outre des observations magnétiques), le Dr R. Walter (médecin, bactériologiste et zoologiste). Le personnel de l'expédition ne dépassait pas vingt hommes. Le 22 juillet 19°0, l'expédition quittait Tromsoë, en route pour l'océan Glacial. En octobre, l'Académie impériale de Saint-Pétersbourgrecevait les premières nouvelles de l'expédition. Elles étaient bonnes. Une très petite quantité de glaces était en vue, et la saison paraissait favorable. Le même jour, le baron se disposait à pénétrer dans la mer de Kara. A dater de ce moment, on ne devait plus recevoir de nouvelles de l'expédition. Cependant, en août igoi, par la voie de lenisseisk, on apprenait l'arrivée de la mission à l'entrée du golfe de Tâimann.

Le baron de Toll se proposait d'entreprendre, en

compagnie du lieutenant Koltchack, une exploration dans l'intérieur de la presqu'île de Tcheliouskine. Voir A Travers le Monde 19°), page 93, un article avec carte et 1904e page go. 1.

La débâcle des glaces s'était produite le 25 août. Le navire délivré avait mis le cap sur l'île Kotelnyi, et

bientôt une masse de glace impénétrable l'arrêta.

Il

dériva au nord-ouest, fut roulé vers l'île Bennett, où il

arrivait le i septembre.

Une banquise côtière, large de douze milles, empêcha l'expédition de débarquer. Le long de cette glace, M. de Toll put avancer jusqu'au 77° 22 de latitude nord. Au printemps i c~o2, il s'achemina sur la banquise, en compagnie de l'astronome Zeberg, vers l'île Bennett. Ils étaient accompagnés de deux Yakoutes. Le Zarrâ devait aller les rechercher aussitôt que la na-

vigation deviendrait possible. Malheureusement, l'état des glaces fut très défavorable; malgré de nombreuses tentatives, le Zaria ne put se frayer un passage vers le nord. Il fallut donc abandonner l'espoir de délivrer le baron de Toll de sa prison de glace sur l'île Bennett et se diriger vers l'embouchure de la Léna, où l'on hiverna. Au printemps 1903, le navire fut vendu à un marchand de la localité voisine et les membres de l'expédition, avec leur riche moisson de collections, remontèrent la Léna pour revenir à Saint-Pétersbourg. La Société de géographie russe décida alors d'organiser deux expéditions de secours. L'une, commandée par M. Koltchak, s'embarqua sur des canots indigènes à la rencontre de l'explorateur vers l'île Bennett; l'autre, sous la direction de M. Brouznew, s'établit vers l'île de la NouveUe-Sibérie pour y attendre le retour éventuel du baron dans le cas où il se dirigerait de ce côté. En janvier 1904, un membre de l'expédition du lieutenant Koltchak envoyé à la recherche du baron de Toll arriva à Yakoutsk, rapportant des nouvelles inquiétantes sur le sort de l'explorateur. L'expédition Koltchak n'avait trouvé le baron de Toll, ni aux îles de la Nouvelle-Sibérie, ni à l'île Bennett. On ne douta plus guère à Saint-Pétersbourgque l'expédition eût été emportée par les glaces. Cependant l'Académie des sciences promit une prime de 5000 roubles à qui parviendrait à retrouver tout ou partie de l'expédition, ou 2 500 à qui fournirait une première indication incontestable. On a maintenant la certitude du désastre. La mission du lieutenant Koltchak apporte la lettre dans laquelle l'infortuné voyageur raconte sa tragique odyssée et fait savoir aux compagnons qui viendront à son secours que la faim aura fait son oeuvre avant leur

Collection des Guides Joanne.

Toulorr, Hyères et les

Maures. Monographie contenant 10 gravures, 2 plans et 4 cartes. vol. in-i6, broché, i franc. Saint-~aphaël et l'Estérel. Fréjus, Valescure, Boulouris-surMer, Agay, Anthéor, Le Trayas, Théoule, La Napoule, La Corniche de l'Estérel. Monographie contenant 1 plan, 3 cartes et 9. gravures. vol. in-16, broché, 1. franc. Bruxelles et

Monographie contenant 5 plans, vol. in-16, broché, 1 franc. Hachette et Cie, éditeur, Paris.

ses environs. et cartes 14 gravures. 2


ASIE

09 qu'on lit al! Japon. M. H:trmand, ministre de France au Japon, vient de faire une enquête sur l'importation des livres étrangers au Japon pendant les trois dernières années en voici les résultats pour les pays les plus importants; ils sont exprimés en yens; le yen valant 2 fr, 55 de notre monnaie

Chine. Belgique France

Allemagne Grande-Bretagne

Russie Etats-Unis d'Amérique. total

igoi 264.3 14.31.3 12 52.3

¡~2 1

9.30

15705 15625

igo3

2945 11496

15 191

96 394 87 608

942177 63 98

93 990 315 5188

334

123 7z 704

55856

47 340

Il.39

367011 265087 504 538 La France, comme on le voit, ne tient qu'une place modeste dans les lectures des Japonais elle importe surtout des livres de droit et des romans les ouvrages scientifiques viennent d'Allemagne, d'Angleterre et des Etats-Unis. Au

La Délimitation franco-siamoise entre la mer et le Grand-Lac. Les territoires à travers lesquels doit passer la frontière franco-siamoise, dont la commission de délimitation mixte, qui a comme chef français le commandantBernard, notre collaborateur, poursuit en ce moment l'établissement, ne sont pas sans présenter un intérêt propre. Il ne faut pas oublier, en effet, qu'en arrière de Muong-krat se trouve un pays où existent des mines de rubis et de saphir. Il y a là une richesse qui fait vivre un certain nombre de mineurs, Birmans pour la

plupart, et qui pourrait sans doute être augmentée. Nous espérons que, dans toute la mesure où la chose sera possible, la délimitation mettra de notre côté de la frontière les endroits où se trouvent des gisements miniers. Nous avons déjà fait

une assez mauvaise affaire en évacuant la ville de Chantaboun et en renonçant par là même à une province qui rapporte un million environ par an au budget siamois, pour que du moins la délimitation du territoire qui nous est reconnu en arrière de Muong-krat ne se borne pas à nous donner un port qui semble n'avoir en lui-même qu'une importance des plus médiocres.

Serpents et Fauves dans les Indes anglaises. On sait que, chaque année, dans \'Inde, un nombre considérable d'êtres humains et d'animaux de ferme sont tués soit par les serpents, soit par les fauves. En 190.3,24576 personnes et 96 226 têtes de bétail ont ainsi trouvé la mort sous la morsure des reptiles ou sous la dent des tigres, des léopards ou des ours. Ce sont des chiffres véritablement très élevés, d'autant plus qu'ils ne s'appliquent qu'à la portion de l'Inde qui est placée sous l'administration directe de l'Angleterre et qu'il est à croire que pour les Etats feudataires, dont la population totale dépasse 62 millions d'habitants, la proportion est plus forte, car les territoires protégés offrent aux animaux sauvages des retraites nombreuses et sûres. Sur les 24 576 personnes mortes ainsi, 2 827 ont succombé à la morsure des serpents. Pour les bestiaux, au contraire, le principal ennemi est le grand fauve; 80000 animaux sur 96 226 ont été tués par des léopards, et le reste par les tigres, les ours ou les loups. A ce fléau véritable, il n'est guère de remède efficace. L'administration anglo-indienne accorde des primes pour la destruction des bêtes sauvages, et chaque année le nombre de celles qui sontdétruites augmente- 1 285 tigres, 4370 léopards, 2 000 ours, 2086 loups en 190.3 mais le nombre des victimes ne diminue pas. Bien au contraire. Il est vrai que la lutte est rendue très difficile par les préjugés religieux .de la population. Il n'est guère, en effet, de district de l'Inde où les serpents, et surtout le terrible cobra, ne soient l'objet

d'un respect superstitieux, On comprend que, dans ces conditions, les mesures que propose l'administration pour la destruction des reptiles en sont d'une application presque impossible.

AFRIQUE

Les Pêcheries de la baie d'Arguin. Nous avons signalé en son temps le départ de Bordeaux d'une mission organisée par la Société de Géographie et l'Université de Bordeaux, et dont te but était d'explorer la côte occidentale d'Afrique, du côté du banc d'Arguin, en vue d'y installer des pêcheries et de procurer ainsi du travail aux pêcheurs morutiers de Terre-Neuve qui, par suite des traités ou de la disparition du poisson, sont contraintsde transporter leur industrie dans d'autres régions. Cette mission, placée sous la direction de M. Gruvel, professeur de zoologie à l'Universitéde Bordeaux, a commencé ses travaux à Nonakchott, situé à environ zoo kilomètres au nord de Saint-Louis du Sénégal. Une sécherie démontable a été installée sur ce point, et les bateaux ont aussitôt commencé à rayonner dans une zone de 10 à 15 kilomètres. Le produit de la pêche a dépassé toutes les prévisions. Avec un seul chalut, en une heure et demie, on a ramené 500 kilogrammes de poisson, des soles énormes et des morues d'une espèce particulière, pesant chacune de 25 à 3o kilogrammes.Et cette zone est, paraît-il, la moins poissonneuse de la région. Au passage de la mission à Dakar, M. Roume, gouvergénéral de l'Afrique occidentale, s'est intéressé vivement neur à ses travaux et a félicité M. Gruvel et ses collaborateurs pour les résultats qU'Ils ont obtenus. OCÉANIE

Nouvelles voies de communication entre l'Angleterre et l'Australie. On étudie fort sérieusement à Londres un projet qui permette de se rendre sans arrêt d'Angleterre en Australie, par la Belgique, l'Autriche, la Russie, l'Afghanistan, l'Inde, le Siam, Sumatra et Java. L'exécution de ce projet n'offre pas de difficultés réelles, et les seuls inconvénients du voyage ne seraient que quelques traversées fort courtes, d'ailleurs celle de la mer Caspienne, et pour les voyageurs se rendant en Australie, celles des détroits de Malacca, de la Sonde et de Java à PortDarwin. A l'heure actuelle, on peut prendre un billet de chemin de fer pour l'Afghanistan, jusqu'à Merv, en passant par Vienne et Moscou. C'est à partir de Merv que les travaux les plus importants du projet seraient à accomplir, car il n'existe pas encore de ligne qui rejoigne Peshawar. Mais des sociétés russes et anglaises ont déja levé des plans et résolu sur le papier les difficultés du terrain. De Peshawar à Calcutta existe, depuislongtemps déjà, un bon chemin de fer qui transporte en quatre jours d'une ville à l'autre. De Calcutta à Singapour, on ne trouve que quelques tronçons de lignes en exploitation, mais tout serait facilement et rapidement relié. De Singapour, il faut s'embarquer pour Sumatra; mais de même que de Sumatra à Java, la traversée n'est que de quelques heures, celle de Java à Port-Darwin, par contre, est de quatre jours. On voit qu'un tel projet n'est pas sans attraits pour un trajet au milieu de pays si différents et tous intéressants.

Le Chemin de

fer

de la Nouvelle-Calédonie.

Les travaux de construction sont poussés avec une très grande activité. La voie définitive vient d'être posée sur toute

la section Nouméa-Dumbéa, soit sur 16 kil. 4°0, La gare provisoire de Nouméa est terminée, ainsi que la remise des wagons à voyageurs. Enfin, le matériel roulant est prêt à fonctionner.


De Mombasa au lac Victoria Nyanza, et

à.

l'Ouganda.

qui fut jadis une expédition est devenu une promenade. Les Frazzçais eux-ménzessecouent leur légendaire apathie et vont chercher au loin des plaisirs et des sports. L'excursion du Victoria Nyanxa, pour n'être~as à la portée de toutes les bonnes volontés, est néanmoins l'une des plus faciles qu'on puisse faire dans Le tourisme étend tous les jours sowdoznaz'ne, et ce

le cceur de l'Afrique.

CE n'est pas une exploration que d'aller dans l'Ou-

ganda, c'est un voyage d'agrément. En vingt et un jours de navigation, un paquebot vous conduit de

Marseille à Mombasa,sur la côte orientale de l'Afrique. 11 est prudent de choisir un navire français et de se défier des lignes anglaises qui font le service de l'Inde et vous obligent à changer de bateau à Aden. En débarquant sur un territoire qui a la réputation d'être la partie du littoral africain la plus inhospitalière et la plus stérile, le voyageur éprouve une agréable surprise. Avec ses co-

aléatoire et fort irrégulier. M. Hattersley raconte dans le Sunday at Hozzze que, dans cette seconde partie du trajet, il fallut deux heures à la locomotive pour parcourir une distance de 200 mètres. Lorsque la voie a été endommagée par les pluies torrentielles, qui ne sont pas rares en certaines saisons, les arrêts de deux ou trois heures en pleine campagne sont assez fréquents. Les touristes qui vont, pour leur agrément, visiter un pays peu connu des Européens et ne sont pas impatients d'arriver à heure fixe, sur les bords du lac Victoria, afin de ne pas manquer le

quettes habitations européennes, dont

départ du bateau à vapeur, profitent de ces arrêts prolon-

les murs se déta-

chent, comme des

gés pour prendre

points blancs, au milieu du vert intense de la végétationn équatoriale, Mombasa ressemble plutôt à une station d'hiver qu'à l'entrepôt de com-

des instantanés ou

aller à la chasse

dans les environs. Il ne faudrait pourtant pas que la

poursuite du gros gibier entraînât trop loin ces intrépides chasseurs. Pour se remettre en marche, la locomotive n'attend pas

merced'unerégion, dont les indigènes vivent à l'état de complète barbarie.

UN ARRÊT DU 1'RAIN EN PLEINE CAMPAGNE.

Une gare,

Photogl~apllie communiquée par le Sunday at Home.

construite sur le

modèle le plus fréquemment adopté dans la banlieue de Londres, se trouve à peu de distance de la ville, et le voyageur n'a qu'à se présenter à un guichet et à prendre un billet pour l'Ouganda. Ici, les déceptions commencent. Nous nous apercevons bien vite, que nous ne sommes pas à Cannes, à San Remo ou à Abbazia le train ne part que trois fois par semaine, et il s'arrête à Neirobi, c'est-à-dire à moitié chemin du lac Victoria. Le voyageur, une fois arrivé à Neirobi, ne peut plus compter que sur un ou deux trains par semaine, et leur marche est soumise à un horaire fort A TRAVERS LE MONDE.

14e

uv.

toujours qu'ils

soient revenus de leur excursion à travers la forêt équatoriale. S'ils commettent l'imprudence de trop s'écarter de la voie ferrée, ils courent le plus grand risque de s'égarer et d'être obligés d'attendre, pendant toute une semaine, le passage du train suivant. Cette mésaventure pourrait avoir des conséquences mortelles dans les régions absolument désolées, où il est impossible de découvrir la moindre trace de vie. Fort heureusement, ces déserts sont rares dans le pays qui s'étend entre le littoral de l'océan Indien et les bords du lac Victoria. Bien au contraire, à chaque station No 14.

8 Avril

19°5.


apparaissent des cohues de noirs, où toutes les races indigènes de cette partie de l'Afrique se trouvent représentées, et à chaque instant, le bruit du train en marche donne l'alarme à d'innombrables troupeaux de bêtes sauvages, qui s'enfuient dans toutes les directions. Les voyageursarrivent enfin au port d'Ugowe, à l'extrémité de la ligne. C'est de là que part, de temps en temps, un bateau à vapeur qui va à Mempo, capitale de l'Ouganda. Le lac Victoria a 1600 kilomètres de tour et une superficiesupérieure à celle de l'Irlande. Cette immense nappe d'eau n'a pas de flux ni de reflux, mais elle subit des variations de niveau de plus de 3 mètres. Faute de navires assez grands pour emporter une provision de charbon suffisante, le centre de cette mer intérieure n'a jamais été exploré. A peu de distance

du rivage, sont échelonnées un grand nombre d'îles, où s'épanouissentles splendeurs de la végétation équatoriale et qui sont presque toutes habitées. Dans le lac, les indigènes pêchent, au filet ou à la ligne, de très gros poissons qui ont, en général, un excellent goût. Malheureusement, en dehors de ces poissons, qui sont une inépuisable ressource pour l'alimentation des tribus indigènes, des milliers d'hippopotames et de

crocodiles prennent, sans être in-

d'années, un orage fut accompagné d'une chute de grêlons si énormes que toutes les personnes atteintes furent tuées du coup. Aux désagréments qui résultentde l'extrême chaleur et de la fréquence des orages, vient s'ajouter une insuffisance de pression atmosphérique à laquelle ne peuvent s'habituer les Anglais. L'Ouganda est à

1500 mètres au-dessus du niveau de la mer. Des montagnards des Alpes, des Pyrénées ou du Caucase s'ac-

commoderaient très bien de cette altitude mais des Anglo-Saxons d'Europe, nés dans un pays dont le niveau moyen ne dépasse pas de beaucoup celui de

l'Atlantique, ne trouvent pas assez dense l'air qu'ils respirent sur les hauts plateaux de l'Afrique centrale. Le malaise produit par une atmosphère, qui n'est pas assez lourde, est aggravé par de fréquents accès de fièvre paludéenne. On sait maintenant que les moustiques sont les agents de transmission de ces maladies. La plus dangereuse de toutes ces formes de malaria, appelee « la fièvre d'eau noire », est inoculée

par un insecte appelé le Culoxanopheles. Dans cette

malfaisante espèce de moustiques, il

est à observer que la femelle seule transmet la contagion, parce qu'elle se nourrit de sang pendant la période de la ponte et transmet les microbes infectieux à toutes

quiétés, leur ébats les personnes dans les eaux du qu'elle pique sucgrand lac africain. cessivement. Les Les hippopotames Européens pouront mauvaise réraient, à la rigueur, putation à Paris, éviter ces périls en P~CHE FILETS DE DU VICTORIA NYANZA. depuis que l'un construisant leurs d'eux a assassiné habitations aussi Pkotograpltie comm:Iniquée par le Sunday at Home. loin que possible son gardien, au Jardin des Plantes, mais ils sont considérés comme des des eaux stagnantes et en se tenant à l'écart des indianimaux à peu près inoffensifs sur les bords du lac gènes mais il est des précautions que des Européens, Victoria. Ils se défendent avec vigueur, lorsqu'ils sont venus sur les bords du lac Victoria pour faire du attaqués, mais ils prennent rarement l'offensive. commerce ou fonder des exploitations agricoles et, par Pourtant, il n'est pas sans exemple qu'ils fassent chaconséquent, forcés d'être en rapports avec les nègres, virer un canot sans provocation d'aucune sorte, et il ne peuvent guère prendre. d'une façon permanente. 11 est très rare que de pareils naufrages n'aient pas des serait, par exemple, difficile à un négociant, qui seconséquences mortelles. Les crocodiles sont infiniment rait obligé de faire transpo"rter ses marchandises par plus dangereux que les hippopotames. Dans ce lac où des noirs, pour les offrir aux tribus de l'intérieur, de ne il est imprudent de se baigner, la navigation est lajamais permettre à aucun indigène de s'approcher de borieuse et difficile. Il ne faut pas moins de deux jours lui à une distance de moins de 5o mètres, limite indide voyage au bateau à vapeur qui fait le trajet entre quée par l'expérience pour éviter la contagion. Ugowe Bay et Entébé les passes qui séparent cerIl semble, d'ailleurs, que les bénéfices recueillis taines îles sont si dangereuses, que les pilotes n'osent par les colons établis dans l'Ouganda ne répondent pas s'y aventurer dans l'obscurité et que les bâtiments pas aux dangers de toute nature dont ils sont menacés et à la dépense d'argent, de travail et d'énergie restent à l'ancre pendant la nuit. M. W. Kattersley, qui a fait un séjour de pluqu'exige toute entreprise tentée sous un climat déprisieurs années dans l'Ouganda, donne de ce pays une mant et insalubre. En même temps que les moustiques description peu attrayante pour les colons européens. communiquent la fièvre aux hommes, des myriades Il y fait si chaud que la terre s'y dessèche jusqu'à une d'autres insectes détruisent les plantes apportées en profondeur de 2 mètres. Les tempêtes y sont fréquenAfrique par les Européens. Toutes les tentatives que les autorités anglaises ont faites pour découvrir le tes et causent parfois d'épouvantables ravages. Suivant les récits des indigènes, il y a une trentaine genre de. culture qui convenait le mieux au sol de


l'Ouganda,ontjusqu'àcetteheurecomplètementéchoué. Dans ce pays ingrat, les commerçants n'ont pas obtenu plus de succès que les agriculteurs. M. Hattersley nous apprend, dans le Sunday at Home, que la Grande-Bretagne n'est représentée sur les bords du lac Victoria, que par des fonctionnaires, et que les spéculateurs, venus de la métropole avec l'espoir de faire for-

tune dans l'Afrique équatoriale, n'y ont pas du tout réussi. Les seuls négociants dont les affaires aient prospéré à Entébé et

à

Mongo sont des Hindous ou

des descendants des Portugais de Goa. Ce serait une erreur de croire que les indigènes de l'Ouganda soient des sauvages. Bien au contraire, ils sont plus avancés en civilisation que les Abyssins et même qu'un certain nombre de nations de race blanche, car ils ont un Parlement. Il est vrai que les lois votées parcette assemblée sont soumises à la sanction du haut commissaire anglais, qui réside à Entébé, mais le représentant du protectorat britannique ne fait presque jamais usage de son droit de veto. Les riverains du lac Victoria n'ont pas seulement une

Chambre législative, leurgoûtpour la civilisation se traduit sous une autre forme plus pratique, du moins dans les forêts de l'Afrique équatoriale, nous voulons dire par la passion

pour les routes

unies et bien entre-

tenues. Les voyageurs peuvent aller

figuiers qu'il est à peu près impossible de les apercevoir, et que personne dans cette forêt ne soupçonnerait l'existence d'une nombreuse population. Les roseaux ne sont pas la seule plante qui prenne facilement racine dans le sol de l'Ouganda. Les troncs de jeunes arbres, fraîchement coupés, dont les ingénieurs anglais s'étaient servis pour faire des poteaux de télégraphe, n'ont pas tardé à se couvrir de feuilles et de branches et à devenir absolument impropres à leur destination. Dans les jardins des colons, il n'est pas rare que des bâtons, enfoncés dans le sol pour soutenir des tables rustiques, deviennent des arbustes vivants, lorsqu'ils n'étaient pas suffisamment secs et n'avaient pas été dépouillés de leur écorce. Il semble que, sur une terre capable de produire de pareils miracles, une nombreuse population doive vivre dans l'abondance. Malheureusement, dans l'Ouganda, les agriculteurs sont obligés de compter avec les insectes qui dévorent les récoltes au moment où

elles sortent de

terre. Lesindigènes n'ont guère d'autre nourriture que le plantain. C'est un fruit qui a beaucoup de ressemblame avec la banane. Hachez en-

semble un arti-

chaut, un navet et une pomme de terre, ce mélange

vous donnera une idée exacte du modeste régal dont se

contentent les populations riveraines du lac Victoria. Comme le plantain,

pourarriveràpleine bicyclette de EnUN HIPPOPOTAME DU VICTORIA NYANZA. maturité, exige une tébé, la ville où Photographie communiquée par le Sunday at Home. température à la résident les étranfois très chaude et très humide, une effroyable disette gers, à Mengo, l'ancienne capitale du pays. Il est vrai se ferait sentir pendant les périodes de sécheresse, si que ce chemin a été tracé à une époque assez récente; les inJigènes n'avaient pas soin de cultiver la pomme mais de Mengo part une autre grande et belle route de terre et des légumes qui ressemblent aux épinards, qui va jusqu'à la frontière du pays, et que les indigènes avaient construite tout seuls, longtemps avant l'araux poix ou aux fèves, mais sont de qualité très médiocre. Quant à manger de la viande, c'est un luxe inrivée des Eurl)péens. Cette route est bordée d'une haie faite d'une espèce de roseaux que les indigènes appelterdit aux pauvres gens, c'est-à-dire à la très grande majorité des indigènes de l'Ouganda. lent de l'herbe d'éléphant. Il n'existe peut-être pas, dans la création, une plante qui pousse avec plus de facilité. G. LAB.4DIE-LAGRAVE. Il suffit d'en couper une tige et de l'enfoncer dans le sol, pour qu'elle prenne racine à la première averse. Il n'est rien de plus simple et de moins coûteux que de border une route ou d'entourer un jardin d'une ceinture de ces barrières artificielles qui se transforment, au bout de très peu de jours, en haies vives, lorsqu'on les plante pendant la saison des pluies. Dès qu'ils sont devenus vivants, ces roseaux forment une muraille droite, unie, impénétrable et si haute qu'el1e empêche de voir les habitations. Dans la ville de Mengo, il n'y a pas moins article de la Dépèche Tunisienne de quarante mille indigènes; mais les voies publiques UN récent nous apprend que l'année 1904 a vu s'élever à 80609 sont bordées de haies si élevées et les maisons entourées d'une végétation si luxuriante de bananiers et de le nombre des Italiens résidant en Tunisie. à

L' Immigration italienne en Algérie et en Tunisie.


en

D'autre part, le recensementde 1901 a relevé 38791 en Algérie. Qu'est-ce qui attire ces étrangers en si grand nombre dans nos possessions? Quel rôle y jouent-ils? Leur présence est-elle un bien, est-elle un mal? M. Loth, professeur au lycée de Tunis, a examiné successivement ces questions (Voir son livre sur le Peu~lementitalien en Tunisie, librairie Armand Colin). Ce qui provoque l'émigration italienne, c'est, d'une part, la misère des classes pauvres, résultant d'un régime de la terre encore tout féodal dans les provinces méridionales de l'Italie, misère aggravée par les ravages du phylloxéra, la maladie des oliviers, la mévente des céréales; d'autre part, ils sont attirés en Afrique par la similitude du climat et des productions, et par les salaires plus élevés qui leur sont offerts. La proximité exerce aussi son attraction. On s'est alarmé de voir les immigrants se tourner vers l'agriculture plus nombreux que les Français, s'ils s'emparaient de la terre, ils allaient transformer la régence en un pays italien. On parla de plusieurs millions dépensés en acquisitions de propriétés; on prétendait que c'était le Gouvernement italien qui les fournissaitsecrètement à des compagnies de colonisation dans un but politique; on montra des villages italiens se formant systématiquement aux points stratégiques du pays, comme pour en commanderun jour

toutes les routes.

La réalité, examinée par M. Loth, est infiniment moins dangereuse trois sociétés italiennes seulement

ont acheté de grands domaines pour y appeler des colons italiens. L'une est en liquidation; la seconde a

renoncé à la colonisation et est devenue une exploitation rurale ordinaire; la troisième est une simple spé-

culation.

Toutefois, il s'est fondé une trentaine de villages italiens en Tunisie, depuis une dizaine d'années; mais ce sont les propriétaires français qui les ont créés pour la plupart, dans le but de tirer un meilleur parti de leurs terres. Malgré ces villages, les agriculteurs ne forment encore qu'une minorité dans la colonie italienne; il y en avait environ 11000 en 1903, possédant environ 40000 hectares, dont 1 o6~ hectares de vigne; en présence de la colonie française, qui possède plus de 600000 hectares, il y a encore de la marge avant qu'on puisse craindre leurs empiètements. Le reste de la colonie est composé surtout de maçons, de cordonniers, de mineurs et de manœuvres, qui se portent aux endroits où ils trouvent du travail et qui vont autre part quand le travail cesse. Mais si la terre a des chances de rester française, la population ne deviendra-t-elle pas italienne, grâce à son afflux perpétuel? Ce serait déplacer le mal, mais non y remédier. En Tunisie, la disproportion est forte entre les 30000 âmes de la colonie française et les goooo âmes de la colonie italienne. Ces immigrants, en réalité, ne prennent pas la place d'immigrants français; ces derniers ne pourraient pas accepter les faibles salaires dont les Siciliens se contentent, et ils rendent les plus grands services économiques pour les travaux qu'ils exécutent. D'autre part, et c'est là un point intéressant, dès la seconde génération, étant nés en Tunisie, ils se considèrent comme Tunisiens. Il n'y a réellement que la classe bourgeoise qui défende

vigoureusement son italianité. Les autres envoient leurs enfants aux écoles françaises, apprennent eux-

mêmes un peu de français. Autre considération de haute importance les mariages mixtes sont fort nombreux; ils forment une race belle et vigoureuse, chez laquelle la natalité est plus grande que chez les Français de race pure. Ces mariages se font toujours au profit de l'élément françai-s. D'abord les mariages entre Français et étrangères sont plus fréquents que ceux de Françaises avec étrangers 5 073 contre 1808 sur 6881 mariages étudiés, et le mari impose sans peine sa langue dans le ménage même dans le second cas, l'influence de la femme, s'appuyant sur celle du milieu ambiant, suffit pour faire triompher le français; la famille parle français et devient française de fait. Il importe de faciliter ces mariages, comme aussi de multiplier les écoles françaises. Les enfants italiens y viennent en foule, attirés par le besoin d'apprendre la langue du pays où ils vivent. Le penchant est tel que pour le combattre les écoles italiennes de Tunisie ont dû se résigner à enseigner elles-mêmes le français. 11 faut enfin faciliter la naturalisation, en Tunisie du moins, car en Algérie fonctionne la naturalisation automatique. Ce dernier système, en raison de la grande disproportion du nombre des Français et des Italiens, n'est point adaptable à la Régence. Mais on y devrait rendre la naturalisation facultative plus accessible. Jusqu'à présent, on l'a plutôt découragée qu'encouragée, ce qui fait que le nombre des naturalisés reste insignifiant. Ces mesures prises, sans compter naturellement les efforts faits en vue de l'immigration purement française, M. Loth pense que nous pourrions envisager sans alarme l'avenir dans l'Afrique du Nord et plus spécialement en Tunisie Tout en reconnaissant, dit-il dans sa conclucc sion, qu'il serait préférable d'avoir en Tunisie, comme dans le département de Constantine, une proportion de Français supérieure à celle des étrangers, tout en préconisant un ensemble de réformes susceptibles d'accroître nos moyens d'action sur la population italienne, nous ne croyons pas que la présence de ces milliers de travailleurs, venus de Sicile ou des pro-vinces voisines, constitue un danger pour notre domination. Nous estimons, au contraire, qu'il convient de se féliciter d'avoir ainsi à sa disposition une maind'œuvre peu coûteuse. « Interrogez individuellement les Français établis en Tunisie. Tous, négociants, agriculteurs, administrateurs, fonctionnaires de tous ordres, considèrent comme un bienfait pour la Régence le courant d'immigration sicilienne. Mettant leurs actes J'accord avec leurs paroles, la plupart de nos compatriotesassocient à leurs travaux les membres de la colonie italienne. Il n'est pour ainsi dire pas d'oeuvre française en Tunisie à laquelle les Italiens ne participent. « Et enfin tous ceux à qui un long séjour dans le pays tunisien permet de comparer l'état d'esprit de la population italienne, aux premiers temps de l'occupation, et sa manière d'être actuelle, savent combien les progrès réalisés dans un sens français sont considérables. Il est aujourd'hui hors de doute que l'assimilation des deux races se fera naturellement. »


DébouchésduSoudan égyptien. La Ligne de Berber-Souakim et le Port de Cheik-elBarghoud. DANS les régions mêmes où « Le Cap au Caire n'est pas encore achevé, on s'occupe déjà, à juste titre d'ailleurs, de trouver des débouchés au trafic considérable que son exploitation ne saurait manquer de faire naître.

Gouvernement égyptien, en prévision de l'essor que prendra Le

le Soudan, et en particulier l'im-

mense territoire compris entre Ouadi-Halfa, les Grands-Lacs et la mer Rouge, avait décidé l'établissement d'une ligne de chemin de fer entre Berber et Souakim. Il vient de rectifier et de compléter ce projet en cours d'exécution par le choix d'un port sur la mer Rouge, qui sera le terminus de la nouvelle ligne et présentera plus d'avantages que Souakim c'est le port de Cheikel-Barghoud, situé à 3o milles au nord de cette dernière ville. La création de la nouvelle voie ferrée et du futur port amènera vraisemblablement une révolution complète dans le transport des l'froduits de la région intéressée. Actuellement, les marchandises sont dirigées d'Atbara (près Berber) à Ouadi-Halfa, par le chemin de fer, dit du Soudan, sur un trajet de 586 kilomètres; de OuadiHalfa à Assouan, par voie fluviale (36o kilomètres), et finalement, d'Assouan à Alexandrie, où elles viennent s'embarquer par la ligne principale passant par le Caire (1 092 kilomètres). Elles ont ainsi

à parcourir, par terre et sur eau, 2 038 kilomètres, tout en subissant

deux transbordements. Les résultats financiers de ce trafic sont édifiants: en 19°3, la ligne de Ouadi-Halfa dut réduire ses tarifs, qui étaient et sont encore excessifs

Souakim, déjà en cours, et qu'il convenait aussi d'examiper si le port de Souakim, dont l'entrée est rendue très dangereuse par la présence de nombreux récifs de corail, ne pouvait pas être remplacé par un autre port. Pour atteindre son but, le Gouvernement égyptien a chargé une commission spéciale. envoyée sur les lieux, de rechercher l'emplacement qui conviendrait le mieux, et c'est sur Cheik-el-Barghoud que la commission a fixé son choix; l'accès en est protégé contre les vents du large par un chenal de 3 kilomètres de longueur sur 200 mètres de largeur, et est exempt des dangers que présentent les abords de Souakim. Récemment, un croiseurfrançais,qui faisait route vers la Chine et escortait des torpilleurs dirigés sur Madagascar, s'arrêta dans la rade du futur port et en constata toute la valeur. Les conclusions du rapport de la commission ont été adoptées le Gouvernement a déjà mis en adjudication la constructiond'un phare à 15 milles au nord de Cheik-el-Barghoud, et des dispositions sont prises, en outre, pour amener l'eau potable sur ce dernier point. La distance qui sépare Berber de la mer Rouge étant de 500 kilomètres seulement, il est bien probable que tout le trafic du Soudan, dont les trois quarts viennent s'embarquer à Alexandrie et le restant à Souakim (où il est transporté depuis Berber à dos de chameau), reviendra à la nouvelle ligne de Berber à la mer Rouge. Il faut s'attendre à ce qu'à l'achèvement de la nouvelle voie ferrée, c'est-à-dire en 1907, la ligne de Ouadi-Halfa-Assouan-Alexandrie et le transport par chameaux de Berber à Souakim soient abandonnés, et que tous les produits du Soudan viennent s'embarquer à Cheik-el-Barghoud. Le mouvement total, vi~ï Alexandrie à Souakim, n'est pas encore très important, et la valeur des marchandises exportées ou importées ne dépasse pas 800000 livres égyptiennes; mais il est hors de doute que le commerce du Soudan est appelé à se développer rapidement et dans de grandes pro-

portions.

elle en vint à travailler à

perte, et comme son trafic devint plus considérable, ses bénéfices diminuèrent à mesure qu'augmenta LES DÉBOUCHÉS DU son transit. Il devint trop évident qu'il fallait achever rapidement la construction de la voie ferrée entre Berber et

SOUDAN ÉGYPTIEN.

D'ailleurs, on peut s'attendre également à ce queles marchandises des Indes et de la Côte orientale de la mer Rouge, qui sont destinées à la Haute-Égypte. s~ient acheminées par la voie de Cheikel-Barghoud, au lieu de l'être par Suez ou par

Alexandrie, comme'. précédemment. Déjà plusieurs commerçantsd'Alexandrie, en re-


lations d'affaires avec le Soudan, se proposent d'ouvrir

des comptoirs à Cheik-el-Barghoud, et il est question d'établir dans la mer Rouge une ligne de navigation, sous pavillon hellénique, dès l'ouverture de la nouvelle voie de chemin de fer. C'est un pays nouveau qui s'ouvre à une exploitation intense; la voie ferrée ainsi que le nouveau port semblent appelés à un heureux avenir.

La Religion des Javanais.

Néo-Mahométisme.

Un

conquête musulmane laissé des traces dans les Lpays les plus éloignés de son centre d'action làa

La Lutte contre la Grêle. Une Artillerie pacifique. n'ignore Onant

pas que c'est à coups de canon mainteque les agriculteurs, et notamment les viticulteurs, luttent contre la grêle et ses méfaits. M. Violle, membre de l'Académie des Sciences, vient d'exposer devant la docte Assemblée les résultats obtenus, en 1904, par cette artillerie pacifique. Il a rendu compte particulièrement des expériences faites par le syndicat du Beaujolais, syndicat puissamment organisé, ne comprenant, pas moins de 24 sociétés munies de 432 canons, la plupart de gros calibre et à cône de 4 mètres de hauteur. Ces expériences couvrent un champ de plus de i2ooo hectares, sur lequel elles forment une aire centrale continue de large surface avec des prolongements latéraux et quelques îlots isolés. La partie centrale, qui avait éprouvé pendant les dix années antérieures à la défense (1891 1 9°0) pour plus de 13 millions de pertes, n'en a plus éprouvé dans les quatre années 1901-19°4 que pour moins de 1 million; d'autre part, tandis qu'une seule année dans la première période de dix années avait été indemne de tout dégât, il y a eu dans la deuxième période, de quatre années seulement, deux années totalement indemnes. Ces résultats, bien que la deuxième période soit encore trop courte pour permettre une conclusion ferme, sont très encourageants. D'autre part, les expériences ont mis hors de doute certaines conséquences du tir éclaircissement du ciel, chute fréquente de grêlons ramollis ou de gouttes blanchâtres, d'une sorte de neige fondue, cessation à peu près totale des phénomènes orageux. S'attachant à cette dernière circonstance, M. Violle a montré l'importance et donné une explication des appareils grélifuges, canon, fusées ou bombes, par les gaz chauds et ionisés qu'ils produisent et qui tendent à ramener l'équilibre électrique dans les nuages orageux. Cette explication a l'avantage de rendre compte de l'action plus d'une fois constatée des canons pour provoquer la pluie, action constatée encore au mois d'octobre dernier dans une grande bataille devant

Port-Arthur.

C'est un chapitre à ajouter à l'histoire trop courte des bienfaits du canon

bas, dans les régions extrêmes de l'Extrême-Orient, dans l'île de Java, les habitants dont le 8r Hochrentiner, de Genève, a minutieusement étudié la religion, sont, à part quelques milliers de chrétiens et de bouddhistes, mahométans, mais des mahométans quelque peu schismatiques, modifiant leur religion suivant leurs petites commodités, y introduisant cent éléments parfaitement étrangers aux rites officiels. Ainsi, le commun des Javanais ignore l'existence du Coran et de ses prescriptions, et il est rare d'en rencontrer faisant les prières quotidiennes. Ils n'ont aucun scrupule de faire des statuettes de pierre, des marionnettes et des figures sculptées sur bois. Ils ont même une vénération particulière pour les antiquités hindoues, surtout pour les tombeauxque l'on rencontre au sommet de tant de montagnes. Au mont Wajang, près de Bandong, au mont Pantjar, à l'est de Buitenzorg, sur les flancs du mont Salak et au Bourouboudour dans le centre de l'île, s'élèvent des tombes où l'on va faire des pèlerinages, ainsi qu'en témoignent leur entretien et l'état des voies d'accès. On y dépose des fleurs et des fruits, ce qui montre bien l'originebouddhiquedecettecoutume. En réalité, les indigènes n'ont adopté qu'un certain nombre des pratiques extérieures de l'Islam la Allah il Allah, la circoncision, le jeûne du Ramadan, l'horreur de la v~ande de porc et la saignée des animauxdont on consomme la chair. Ces pratiques extérieures sont en général toute leur religion. Sauf quelques exceptions, ils ne vont guère à la mosquée, et un très petit nombre seulement sont affiliés à des confréries religieuses. Elles sont inconnues de l'immense majorité du peuple, qui distingue tout au plus l'orazag slana, c'està-dire l'homme qui remplit ses devoirs religieux, de l'orang ka~sapong, ou homme des villages, lequel ne sait même pas les formules et les prières les plus cou-

rantes.

Vu cette ignorance générale, les santris ou santons font d'excellentes affaires. Ce sont des moines

nomades, vivant de charité et payant l'hospitalitéqu'on leur donne par la lecture de versets du Coran. Au fond, les Javanais sont restés des fétichistesanimistes, adorant des statuettes, des arbres, des sources chaudes, et leur offrant des sacrifices. On craint aussi et l'on conjure des diables (djourigs) qui rôdent la nuit et qui ressemblent étonnamment aux rephaïm des Hébreux de la première période. Faut-il rapporter le culte des ancêtres à l'action des Chinois? C'est ce que nous ne saurions dire. Quelle qu'en soit l'origine, ce culte est si bien acclimaté qu'une fête spéciale est consacrée aux morts, au milieu du Ramadan. Ce soir-là, des mets délicats sont placés


dans une chambre obscure; un chœur y fait entendre une mélopée qui va crescendo, pendant que l'âme descend pourgoûter aux offrandes; puis le chant diminue graduellement jusqu'à s'éteindre dans un souffle.

Mahométisme, bouddhisme, polythéisme des Chinois; il est resté un peu de tout dans la religion de ce peuple. Il est donc très difficile de dégager les pratiques autochtones, conservées depuis les temps antérieurs à la domination hindoue. Faute de pouvoir les rattacher aux autres religions, peut-être doit-on mettre dans cette catégories les deux superstitions suivantes la sainteté des repas qui constituent un véritable acte rituel, au point qu'un indigène troublé au milieu de son diner ne viendra plus reprendre sa place devant son assiette de riz; le mauvais sort jeté par une feuille morte tombant près d'un passant. Le christianisme est d'introduction trop récente pour avoir exercé déjà une action sensible le catholicisme semble plus approprié au caractère de l'importante population de métis des Indes néerlandaises. La religion réformée ne fait que peu de prosélytes. Il y a une colonie d'indigènes protestants à Depok, mais, de l'aveu de son propre pasteur, elle n'y fait pas de nouvelles recrues. Dans le centre et dans l'est de l'île règne un schisme singulier, provoqué par" un indigène du nom de Sadrag. Mécontent des missionnaires, il se fit noml'Église irwinmer apôtre par la branche hollandaise de gienne il combina un mélange de bouddhisme et de christianisme des plus curieux. Il y a greffé naturellement une foule de superstitions et de pratiques magiques, qui n'ont pas peu contribué à son succès, de sorte qu'il a entraîné après lui une importante fraction de la petite communauté de Java. On peut donc affirmer que si le christianisme pur n'a pas exercé une bien grande influence sur les croyances des populations, cependant, sous cette forme particulière, il a entamé l'islam d'une façon sensible. 11 n'est pas rare de voir d'anciens musulmans se rendre au prêche en veston de drap et en chapeau de feutre. Ils ont renoncé à la polygamie et au turban. Ainsi sur les confins de la sphère d'influence du prophète, le christianisme a pu faire des prosélytes parmi les mahométans. Pourquoi n'essayerait-il pas par cette fissure de pénétrer l'islam?

(née princesse d'Oman et Zanzibar). Mémoires d'une princesse arabe. vol. traduit de l'Allemand par L. Lindsay. Dujarric et Ci. Paris. 1905.

Emily Ruete

de ces Mémoires est une princesse arabe des plus L'AUTEUR

authentiques c'est, du reste, une contemporaine. Fille du sultan de Zanzibar, Sejjid Saïd, elle devint Mme Ruete, en épousant un Allemand, qui lui fit donner une instruction et une éducation européennes complètes. Les Mémoires de cette princesse ont eu de nombreuses éditions en Allemagne et en Angleterre ils constituent le tableau le plus complet, le plus sincère, le plus vivant que nous ayons de la vie, des idées et des moeurs de la grande aristocratie musulmane. La vie des riches Orientaux y est retracée fidèlement, et nulle part ailleurs on ne saurait trouver de détails plus exacts sur les harems, sur la famille et la société arabes, sur la condition des femmes des grandes familles, sur l'éduca-

tion des enfants, sur la vie économique même des grands. Mille Ruete nous parle de tout; de la vie à la ville et à la campagne, de la vie intime et mondaine des dames arabes visites, modes et toilettes; naissance, éducation, mariage, deuils, cérémonies et plaisirs; des fêtes familiales et publiques; de la gestion des biens et des intrigues politiques des maladies, des superstitions et des esclaves. Grâce à ce curieux ouvrage, on peut ne rien ignorer de la manière dont vivent les femmes arabes de condition, rJen de ce qu'elles pensent des femmes de notre civilisation et le parallèle que fait çà et là l'auteur entre les moeurs, les idées, la vie des Orientales et ceux des Européennes n'est pas ce qu'il y a de moins curieux dans ce livre. Mmc Ruete nous met aussi au courant des petites intrigues qui préparèrent la mainmise de l'Angleterre sur Zanzibar, et de celles par lesquelles l'Allemagne eÚt voulu y introduire son influence. Fille et sœur des sultans du pays, Mme Ruete, qui avait, à ce titre, à revendiquer sa part de l'héritage paternel, fut conduite à Zanzibar par un vaisseau de guerre allemand, le Gouvernement allemand appuyant, d'ailleurs, ses réclamations. Mais elle ne put rien obtenir et ne rapporta en Europe que le souvenir de la réception sympathique qüe lui avaient faite ses anciens coreligionnaires. Le Mexique au début du XXd stëcle. :.1 vol. in-8~ avec cartes, 3 Planches de Monnaies en taille-douce et une Carte Phy-

sique et politique du Mexique au '/2000000. Ch. Delagrave, éditeur, 15, rue Soufflot, Paris. Prix de l'ouvrage broché 30 francs. exécuté dans les Ce magnifique ouvrage a été conçu pui§ Émile circonstances suivantes qu'expose M. LEVASSEUR, membre de l'Institut, dans son Introduction générale « Les deux périodes de l'histoire contemporaine du « Mexique » ont des caractères très différents, pour ainsi dire opposés. Pendant la première qui précède l'époque à laquelle le général Porfirio Diaz prit possession de la présidence de la République, une suite ininterrompue de convulsions politiques et d'anarchie. Pendant la seconde, c'est.à-dire depuis .1877, s'ouvre une ère de paix publique dont il y a lieu d'espérer la continuité dans l'avenir. Paris et le monde entier ont pu apprécier, à l'Exposition Universelle de 1900, quelques-uns des résultats dus au nouvel ordre de choses. » Or, aprèsla clôture de cette exposition, M. Sébastian de Mier, ministre plénipotentiaire et envoyé extraordinaire, qui était investi du titre de commissairegénéral de la section mexicaine, a conçu la pensée de faire former un tableau des progrès accompl's depuis la pacification, et de dresser l'état actuel des choses, Pour donner plus d'autorité au témoignage, il a demandé ses collaborateurs à la France et, avec un zèle infatigable, leur a fourni les matériaux statistiques et administratifs, qui ont assuré l'exactitude dans les lignes générales et la précision des détails. Pour mettre en oeuvre ces documents, M. Sébastian DE MIER a groupé autour de lui MM. Elisée RECLUS, géographe, pour la descriptionphysique du pays; le prince Roland BONAPARTE pourla population et la colonisation; Léon BOURGEOIS, ancien président du Conseil des ministres, pour les institu· tions politiques, judiciaires et administratives; H. GOMOT, sénateur et ancien ministre, pour l'agriculture; L. DE LAUNAY, professeur à l'Ecole des Mines, pour les nzzires et industries rninières; Alfred PICARD, président de section au Conseil d'Etat, pour l'industrie, la navigation, le commerce; Camille KRANTZ, ancien ministre, pour les cbemins de fer et les travaux publics; Michel LAGRAVE, pour les postes et lélëgraphes; A. DE FOYILLE, ancien directeur de la Monnaie de Paris, pour les monnaies, le change et les banques Paul LEROY-BEAULIEU,membre de l'Institut, pour les finances; O. GRÉARD, de l'Académie française,pour l'instruction publique; Albin HALLER, de l'Académie des Sciences, pour les sciences; Jules CLARETIE, de l'Académie française, pour fart et la littérature; le général NIDX, pour l'armée et la marine, D'EsTOURNELLES DE CONSTANT, député et ministre plénipotentiaire, pour les relations extérieures. Tout le passé, toute la vie actuelle d'un grand pays tiennent dans ces deux volumes, édités luxueusement. Et ce magistral ouvrage est l'équivalent, selon l'expression de M. E. LEVASSEUR, de l'œuvre de Humboldt, publiée au commencement du siècle dernier, et qui révéla le Mexique au Vieux Monde.


DE UTSCHE R UNDSCHA U

Berlin.

Une barbare Coutume indienne les Sutties. T ou-r

le monde a entendu parler des holocaustes plus ou moins volontaires des femmes de l'Inde à la mort de leur

époux, Quelles que soient les critiques qu'on puisse diriger contre l'administration anglaise dans ce vaste pays, il faut reconnaître que les maîtres actuels de l'Inde ont bien mérité de l'humanité en supprimant cette horrible institution. Mais, dit un écrivain allemand, M. Richard Garbe, dans le très intéressant article que nous analysons, ce serait une erreur de croire que les sacrifices de femmes soient une des particularités de la civilisation aryenne dans la presqu'île asiatique la plupart des peuplades sauvages ont pratiqué ou pratiquent encore l'immolation des veuves sur le tombeau de leur époux; et cela, non seulement en Afrique dans telle île reculée de l'Océanie, mais en Europe, où, dans l'antiquité, des tribus de race. indo-germanique ont offert de nombreux exemples de sacrifices humains. Thraces, Gètes, Scythes, Hellènes, Germains et Slaves ont tous admis comme un article de foi que la femme doit suivre son époux dans la mort comme dans la vie, et, dans la plupart de ces races, on a agi en conséquence. Ainsi, à cet égard, rien ne distingueraIt l'Inde de tant d'autres pays, sinon la persistance de cette coutume et le contraste qu'elle offre avec une civilisation si remarquable sous tant de rapports. On peut même aller plus loin les holocaustes de veuves, loin de caractériser la culture aryenne dans la magnifique presqu'île, n'y ont fait leur apparition qu'au moment où cette culture tendait à dégénérer, c'est-à. dire dans le Moyen Age indien, soit dans la seconde moitié du millénaire qui précède l'ère chrétienne. Les quatre livres des Védas ne disent mot, dans leurs préceptes de religion et de morale, d'une obligation quelconque pour une veuve à cet égard. Dans les deux grandes épopées, la Bamâyânâ et la Mahâbbârâtâ, qui forment la transition entre la littératurevédique et la littérature sanscrite, les sacrifices de femmes ne jouent qu'un rôle insignifiant. Dans la première de ces épopées, toutes les veuves, et, dans la seconde, la plupart restent en vie. Nous en conclurons que les trop célèbres sulties constituent, pour la civilisation indienne, une lamentable régression vers la sauvagerie primitive et trahissent sans doute l'influence déprimante de populations autochtones de l'Inde sur les nouveaux venus aryens, beaucoup plus civilisés. Mais, par une conséquence logique encore que fort curieuse, en empruntant une cérémonie aussi inhumaine,les Aryensen ont ennobli la signification religieuse. Chez les sauvages, d'une manière générale, on immole sur le tombeau du défunt ses femmes et ses chevaux, ou tel autre animal domestique, pour qu'il ne se trouve pas dans l'autre monde au sein d'une affreuse solitude. C'est dans la même pensée que les anciens Vikings brûlaient son vaisseau ou ses armes. Dans l'Inde, la veuve se laisse brûler, ou plutôt court d'elle-même au bûcher, avec la conviction que les péchés de son époux et les siens propres seront expiés par cet horrible sacrifice, qui désarmera le courroux de la divinité. C'est ainsi, étant donnée la passion avec laquelle une âme sincère peut embrasser une croyance religieuse, qu'on peut s'expliquer l'incroyablefanatisme de ces pauvres femmes, dont l'exaltation est si grande qu'elles en arrivent à une anesthésie complète elles ne sentent plus le contact de la flamme. Voici, à ce propos, une histoire authentique, et qui jette une lumière singulièrementvive sur l'influenceque peut acquérir l'idée religieuse. Elle décrit un sacrifice qui a eu lieu dans le premier tiers du siècle dernier. C'est un témoin oculaire, le Bengalais Shib Chunder Bose, qui l'a raconté dans un livre paru en 1881 sous ce titre Tbe Hindoos as they are. Son rapport est d'autant plus -intéressant que la sacrifiée était sa propre tante. Il était tout petit garçon lorsqu'un jour, sa mère, les yeux pleins de larmes, lui annonça que son oncle était mort et que sa tante

allait monter sur le bûcher, où on la brûlerait avec le cadavre. Sans se rendre bien compte de l'horreur de cette cérémonie, et plutôt poussé par une curiosité enfantine, il suivit sa mère chez la veuve, dans la maison du mort. La malheureuse était revêtue d'une superbe robe en soie rouge, et couverte de bijoux. Son front et ses pieds étaient peints également en rouge. Elle mâchait du bétel avec tranquillité. Tous ses gestes étaient calmes, et son attitude exprimait la plus parfaite sécurité, ou plutôt le ravissement. Plusieurs femmes de ses parentes ou de ses amies l'entouraient, agenouillées pour la plupart, pour lui témoigner leur admiration. Une vieille dame brahmane entre avec un flambeau et prie la veuve de donner une preuve de sa constance en mettant un doigt dans la flamme. Cette dernière obéit et laisse carboniser son doigt sans donner la moindre marque de faiblesse. A onze heures du matin, un prêtre annonce que le moment est arrivé. La victime monte sur un palanquin et apparaît sans voile aux yeux de la foule qui entoure le bûcher. Or, jusque là, se montrer sans voile dans la rue lui aurait fait pousser des cris d'horreur. Mais aujourd'hui, elle se regardait déjà comme hors de ce monde, elle goûtait déjà le charme de la mort. Au pied du bûcher, un policeman indigène l'invita à réfléchir encore, à refuser de se laisser brûler. Elle lui dit non, doucement, mais avec fermeté. On lui fit faire sept fois le tour du bûcher, au sommet duquel on avait déjà placé le cadavre du mari. Au septième tour, elle semble donner un léger signe de frayeur. Le policeman en profite pour renouveler son injonction. Sans lui répondre, la veuve monta d'un pas ferme sur le bûcher, s'assit aux côtés du mort, et, plaçant l'une de ses mains sur la poitrine et l'autre sous le menton du cadavre, elle cria d'une voix à moitié étouffée: Hari! Hari! (c'est un des noms de Vischnou.) La flamme jaillit. Un cri d'admiration s'éleva dans la foule, et ne cessa qu'au moment où le bûcher et les deux cadavres ne furent plus qu'un monceau de cendres.

S

UNDA Y

TRIB UNE

Chicago.

et le Célibat chez les Sauvages.

Le Mariage

SI l'amour éveille dans le cœur des sauvages une

extraordinaire ardeur, il n'a rien d'idyllique pour cela, et les Roméos à peau noire ou cuivrée se voient soumis à des épreuves, auprès desquelles pâlissent les plus romanesques mésaventures de nos amoureux classiques. D'une manière générale, chez tous les peuples primitifs, l'existence est un combat, et celui qui veut prendre femme doit prouver qu'il saura la défendre et la faire vivre par le produit de sa chasse ou du butin fait à la guerre. Voilà pourquoi, à Bornéo par exemple, un joli cadeau à faire à sa fiancée consiste en une collection de têtes fraîchement coupées, que le Roméo est allé récolter avec sa hache en territoire ennemi. Dans quelques tribus indiennes,deux rivaux qui aspirent à la même Juliette s'empoignent par les cheveux et ne lâchent prise que lorsque le vaincu est devenu littéralement chauve. Dans la Nouvelle-Zélande, toujours en cas de rivalité, la jeune fille se place entre ses deux prétendants qui se l'arrachent (sans métaphore). Chez les Arabes de la Haute-Égypte, l'amoureux doit recevoir, le sourire aux lèvres, tous les soufflets que les padonner. Chez rents mâles de celle qu'il aime se plaisent les Sakalaves de Madagascar, un archer habile, placé à quelque distance du fiancé, décoche flèche sur flèche en visant l'imperceptibleespace qui sépare le bras retombant du flanc

lui

qui y correspond. Si l'amoureux ainsi visé montre la moindre frayeur ou ne parvient pas à retenir la flèche au passage en la pressant du bras contre son flanc, il est disqualifié avec mépris. D'autre part, il est presque impossible de se soustraire épreuves, car le célibat chez les sauvages est cruelles à ces honni, maudit et redouté plus que la mort, comme un état contre nature. Chez les Santals, le célibataire est traité de voleur. Chez les Cafres, il n'a pas le droit de parler dans les conseils. En Corée, on déclare qu'il n'est pas un homme.


Les Houngouses' et le'Brigandage en Mandchourie. Les Houngouses,sur l'existence et le nonz même desquels on discutait au commencementde la guerre en Extrême-Orient, se sont chargés de faire connaître à l'Europe ce qu'ils étaient ~ar leurs violences et leurs atrocités. On ne les confond Plus maintenant avec l'inoffensive peuplade des Toungouses. Ces bandits, qui ont mis leurs troupes franches au service peu scru~uleux des Japonais, ont une histoire; elle est peu édifiante, mais curieuse et mérite d'être contée.

L ES Houngouses, dont le nom en chinois veut dire (( brigands », ont été confondus longtemps avec de paisibles chercheurs d'or qui ne commettaient pas d'autre crime que d'exploiter, pour leur propre compte, les nombreux gisements aurifères de la Mandchourie. C'est seulement, après une récente expédition chinoise, que bandits et mineurs se sont fondus, pour devenir un peu plus tard d'implacables ennemis des Russes. Si l'on en croyait une information, reproduite au mois de janvier dernier par la presse parisienne, on aurait découvert,

territoire mandchou, des placers d'or qui doivent assurer la prospérité de à la fin de 1904, en

ce pays après la cessation de la

guerre.

Le seul

tort de cette nouvelle est de retarder, de 6o ans environ, attendu que les gise-

trouvait le précieux métal en si grande abondance. On apprit ainsi qu'il existait en Mandchourie plusieurs régions aurifères. Les plus riches étaient situées dans le bassin de la Soungari, près de la. frontière russe, dans le massif du Tchan-bo-han, à l'endroit où il sépare la Soungari et le Yalou, enfin sur les bords de la Chetounga, affluent de l'Amour. Le Gouvernement chinois résolut de se réserver le produit des placers et recruta partout

des ouvriers pour1es envoyer en Mandchourie. De nombreuses caravanes de Célestes quittèrent ainsi leurs pays plus ou moins

volontairement.Les mandarins, chargés de la direction de cette entreprise, créèrent sur les terrains aurifères des magasins de vivres, de vêtements et d'outils, construisirentdevastes casernes,

établirent des routes à travers les montagnes et les forêts, mais ne purent, malgré tous leurs efforts, assurer le ravitaillement

ments aurifères de Mandchourie sont exploités par les Célestes, depuis le milieu du xixe siècle. des mineurs. A cette époque, la MandLa famine décima bientôt chourie était presque ignorée cesderniersdéjàfortéprouvéspar des Chinois. Ils ne connaissaient le climat glacial de cette région, où l'onvoit la température s'aque quelques grandes villes, baisser jusqu'à 40 et 450 au-descomme Moukden,Tsitsikar, etc., AGENTS DE POLICE CHINOIS. et ne pensaient guère que le sous de zéro pendantl'hiver. Par sol de cette région pût recéler D'après une photographie. contre, la chaleur est intolérable de l'or, lorsque des marchands pendant l'été. Beaucoup de ces mandchous apportèrent à Pékin des pépites qui vamisérables se laissèrent aller au désespoir et cherchèlaient plus de dix mille francs. La cour du Fils du rent dans le suicide la fin de leurs souffrances. Les Ciel s'émut de cet événement et fit interroger les plus résistants s'enfuirent et trouvèrent un refuge dans les forêts, où il était à peu près impossible de les pourvoyageurs, qui durent indiquer les endroits où l'on suivre. 1. Le mot s'orthographie par un H ou par un K; la Ce furent les premiers Houngouses. Les mandaprononciation est celle d'un H guttural ou d'un K aspiré. A TRAVERS LE MONDE.

15e LIV.

N~ 15.

15

Avril ~9og.


rins chinois les désignèrent sous ce nom, en les mettant hors la loi comme déserteurs. Les Houngouses menèrent d'abord une existence

fort dure. Sans vivres, sans vêtements de rechange, à peine protégés contre le froid par des abris de branchages où ils n'osaient allumer de feu que la nuit, de crainte d'être trahis par la fumée, ils vivaient des maigres ressources que la forêt leur offrait. Pour se défendre contre les bêtes féroces qui pullulent dans cette région, ils possédaient seulement leurs outils de mineurs; aussi beaucoup succombèrent-ils sous la dent des fauves. Le sort daigna enfin les favoriser. Ils découvrirent, dans les montagnes où ils s'étaient réfugiés, d'abondants gisements aurifères qu'ils s'empressèrent d'exploiter. A cette nouvelle, des marchands coréens, chinois et même russes apportèrent aux proscrits des vivres, des vêtements, des armes, des munitions, etc. Bien entendu ces négociants réalisaient sur chaque objet un bénéfice considérable, mais ce n'était qu'un dédommagementdes risques qu'ils couraient en commerçant avec des hommes hors la loi. Les désertions devinrent si fréquentes dans les mines d'or impériales que les mandarins, chargés de les exploiter, se trouvèrent dans l'embarras. L'exécution de quelques Houngouses, qui avaient eu la maladressede se laisser reprendre, fut impuissante à enrayer le mouvement. Pour remplacer les fugitifs, on réclamait sans cesse de nouveaux mineurs à Pékin. Mais en dépit de la distance, le triste sort des ouvriers des placers d'or avait fini par

être connu, et personne ne voulait

plusieurs sociétés chargées de lui prêter assistance pendant sa vie. Son Gouvernement se souciant fort peu de lui venir en aide, il a pris l'habitude de former des

associations de protection mutuelle. A l'étranger, il agit de même. C'est ainsi que dans toutes les régions où il émigre, notamment à Singapour, au Siam, en Indo-Chine, etc, on rencontre de puissantes congrégations, avec lesquelles les autorités européennes sont souvent obligées de compter. Les Houngouses se sont conformés à cet usage séculaire, en fondant des associations pour protéger l'existence de chacun et pour procurer à tous ce qui leur est nécessaire. Parmi ces sociétés, la plus intéressante était certainement l'association de mineurs, installée près de la frontière russe, sur les rives de la Chetounga. Il existait là une véritable petite république, qui avait pour base un véritable communisme. Ses membres avaient consenti à faire partie d'une société étroite, régie par des règles sévères, dans laquelle chaque citoyen ne constituait qu'un simple rouage de la machine sociale. Tout appartenait à l'association, les outils, les machines et le produit du travail de chacun. Cette association était certainement le groupe le mieux organisé parmi ceux que créèrent les anciens mineurs du Gouvernement impérial. Grâce à la perfection et en même temps à la simplicité de sa constitution, elle avait pu parvenir à une

prospérité vraiment surprenante dans cette région désolée. Il est vrai que sa population

n'a jamais été supérieure à trente

mille âmes. Un plus grand nombre de ciUN CHEF DE HOUNCOU5E5. toyens eût exigé une organisation D'après une plaotograplaie. plus compliquée, des rouages administratifs moins rudimentaires. Les plaientlesprisonsduCélesteEmpire. chefs de la Chetounga le comprenaient fort bien aussi A peine arrivés, ces gens sans aveu s'empress'opposèrent-ilstoujours à ce que ce chiffre fût dépassé. saient de prendre la fuite, malgré la surveillance dont Les associations de pillards ressemblaient fort à on les entourait, si bien qu'après quelques années celles des chercheurs d'or. Les châtiments y étaient il y avait dans les montagnes mandchoues des milliers peut-être encore plus rigoureux. Leur code pénal ne de proscrits. reconnaissait qu'une peine unique, la mort. Celle-ci Les premiers Houngouses avaient constitué des frappait tous les membres de la société qui cherchaient fédérations qui s'occupaient paisiblement de l'exploià s'enfuir après s'y être fait admettre. Il ne fallait pas tation des gisements d'or. Ils se refusèrent à recevoir de renégats, parce qu'après leur départ il leur eût été parmi eux les voleurs et les vagabonds qui eussent mis facile de donner aux mandarins du Céleste Empire de le désordre dans leur association et ils les écartèrent précieuses indicationssur les retraites et sur le nombre sous prétexte que les placers regorgeaient de monde, des Houngouses. Chose curieuse, ces voleurs de grand et qu'il n'y avait plus de place pour les derniers venus. chemin châtiaient le vol plus rigoureusement que tout Alors ceux-ci, qui n'auraient pas voulu d'ailleurs autre délit. Le Houngouse, coupable d'avoir soustrait s'astreindre au rude travail de leurs devanciers, se quelque chose à ses associés ou de s'être approprié le mirent à piller le pays environnant. produit d'un de ses vols, était impitoyaHement mis à C'est à partir de ce moment qu'il y eut deux camort; cela s'explique, si l'on considère qu'un pareil tégories bien distinctes de Houngouses, les mineurs et méfait était la négation même de l'organisation. Le les bandits. Les uns et les autres formaient de curieuses coupable devait périr, et son châtiment n'était, en organisations,dont il est intéressant d'exposer le fonctionnement. somme, qu'une indispensable mesure de protection Un Chinois est toujours membre d'une ou de contre l'atteinte portée aux droits de tous. plus se rendre en Mandchourie. Il fallut y expédier les mendiants, les vagabonds et même, ceux-ci ne suffisant pas, les condamnés qui peu-


Les exploits des brigands houngouses furent

d'abord timides. Peu nombreux, dépourvus de vivres et d'armes, à peine munis de mauvais sabres, ils devaient se contenter de détrousser les passants isolés ou sans défense. Quand ils étaient trop faibles pour les attaquer ouvertement, ils attendaient avec patience une occasion propice pour leur enlever leurs bagages. Fré-

quemment ils se mêlaient aux indigènes dans les marchés ou dans les foires pour explorer les poches à leur portée. Malheur à celui qui se séparait de sa sacoche, ne fût-ce que quelques secondes, il avait bien des chances de ne plus la retrouver. Le volé n'avait qu'un moyen pour recouvrer au moins une partie de ses taels, c'était de s'adresser au représentant des brigands dans le pays. Les Houngouses avaient, en effet, partout des correspondants chargés de leurs relations avec le public. Si leurs victimes faisaient preuve de quelque adresse, elles parvenaient le plus souvent à rentrer en possession de leur bien, après prélèvement, bien entendu, d'un droit qui ne s'élevait guère au delà de 40 pour ioo de la somme

l'abri des entreprises des Houngouses. Ils arrêtaient les plus gros bâtiments, notamment sur la Soungari et sur l'Amour, si bien que ces navires avaient dû se munir d'armes et de petits canons pour. pouvoir résister à leurs agresseurs. Le plus souvent les brigands profitaient de l'obscurité pour attaquer les bateaux que la crainte de s'échouer forçait à jeter l'ancre pendant la

nuit. Il

arrivaitfréquemmentqu'un Houngouse se ren-

dait, en plein jour, chez un négociant chinois, de Mandchourieou de Sakhaline, lui ordonnait de le suivre en avertissant sa famille qu'elle reverrait seulement son chef le jour où elle aurait verséau représentantdes brigands une indemnité proportionnée à la fortune du marchand. Celui-ci accompagnait son ravisseur sans tenter la moindre résistance, sans même appeler à son secours les agents de police qu'il croisait dans les rues. Il n'ignorait pas, en effet, que toute rébellion entraînerait infailliblement sa mort et attirerait les pires malheurs sur les siens. Sa famille aurait pu se rendre chez le gouverneur chinois, le supplier de faire poursuivre les Houngouses. Elle dérobée. s'en gardait bien, car une Les brigands évipareille démarche ne poutaient ainsi de trop bruyanvait être d'aucune efficacité. plaintes la tes de part des Son seul résultat eût été de volés qui, de leur côté, faire exécuter le captif par étaient ravis de retrouver les brigandsrendus furieux. On se hâtait, au conune partie de leur argent. C'était la même chose traire, de trouver, le plus rapidementpossible,lasompour les bagages, les marchandises, les équipages, me exigée, et un parent se etc., que les Houngouses chargeait de la remettre à s'appropriaient. l'agent des Houngouses. Comment revendre Nous, Français, nous aurions tenté d'obtenir une réces objets souvent encombrants ? Il était bien plus duction sur le chiffre de la aisé de les restituer à leurs rançon. Les Chinois ne proCOUPLE MANDCHOU, MANDATAIRE DES HOUNGOUSES. propriétaires, moyennant cédaient pas de la même faune redevance qui satisfaiD'après une photograpJxie. çon. Ils versaient intégralesait tout le monde à la fois. ment la rançon demandée. Les représentants des Houngouses étaient touTout marchandage eût permis de croire que la fortune jours d'honorables indigènes du pays, connus de tout de la famille avait été évaluée à un prix trop élevé, et le monde et jouissant de la considération générale, en leur amour-propre en aurait souffert. Bien mieux, le raison même des services que leur situation spéciale représentant des Houngouses recevait, en outre, un leur permettait de rendre. cadeau supplémentaire afin de concilier à la famille Les brigands assassinaient parfois quelque voyaainsi rançonnée les sympathies des brigands et de la mettre ainsi pour l'avenir à l'abri de leurs convoitises. geur qui avait la prétention de ne pas vouloir se soumettre à leurs exigences, mais ces accidents étaient Les exploits des Houngouses, d'abord circonscrits à certaines régions de la Mandchourie, s'étaient rares, et les autorités chinoises s'en préoccupaient fort étendus peu à peu sur tout ce pays et avaient fini par peu. La vie d'un homme est si peu de chose en Extrême-Orient, surtout quand il s'agit de petites gens! dépasser le Yalou et le Toumen, les deux fleuvesqui séPeu à peu, cependant, le nombre des bandits parent la Mandchourie de la Corée. houngouses s'accrut, et ils devinrent extrêmement auLes provinces du Nord de la presqu'He coréenne dacieux. Ils installèrent sur divers points des postes se virent mises en coupe réglée par ces audacieux band'observation qui leur signalaient les coups fructueux dits. Les mandarins eux-mêmes n'étaient pas en sûà tenter, enlevèrentdescaravanes importantes,pillèrent reté. Plusieurs d'entre eux eurent la désagréable surmême les convois appartenant à l'administration impéprise d'être enlevés, en cours d'inspection, sur les terriale. Les petits villages se virent à chaque instant viritoires qu'ils administraient. sités par eux, et ils exigèrent des rançons des petites C'est même à fun de ces mandarins, resté pluvilles. Leur autorité était plus redoutée dans toute la sieurs mois captif des Houngouses et mis en liberté Mandchourie que celle des mandarins chinois. moyennant une forte rançon, que l'auteur de ces lignes La navigation fluviale elle-même n'était pas à doit une partie des renseignementsqui précèdent.


Un frère de l'empereur de Corée, qui visitait le nord de la presqu'île, fut attaqué avec son escorte par les brigands et faillit tomber entre leurs mains. Une plainte adressée à la cour de Pékin n'obtint

aucun résultat, et il fallut, pour délivrer provisoirement la Corée et la Mandchourie des Houngouses, que ceuxci s'attaquassent à la personne même du Fils du Cielou, plus exactement, à son effigie. Tous les dix ans, l'empereur de Chine envoie à Moukden son portrait, ainsi que de nombreux présents destinés aux temples de cette ville. Les bandits eurent l'audace d'attaquer, un jour, le convoi impérial et d'enlever le portrait et les présents du Fils du Ciel. La cour de Pékin ne pouvait laisser un pareil méfait impuni. Elle fit un grand effort et envoya une véritable armée contre les Houngouses. Mais les brigands, essentiellement nomades, réussirent, pour la plupart, à s'échapper, et se réfugièrent dans des repaires inaccessibles, où les troupes chinoises ne pouvaient songer à les poursuivre. Elles se vengèrent de cette déception en anéantissant les associations paisibles, comme celle de la Chetounga. Les survivants abandonnèrent les gisements aurifères et s'enfuirent dans les montagnes où ils n'eurent que la ressource de se joindre aux bandits. Lorsque l'armée chinoise se fut retirée, les Houngouses reparurent. Il fallait bien vivre. Leur existence fut d'abord assez pénible. Ils n'osaient plus se risquer dans les régions les plus riches de la Mandchourie, où étaient restées des garnisons célestes chargées de surveiller le pays. Ils s'aventurèrent alors en Mongolie; mais là, il leur fallait parcourir des distances énormes pour piller quelques pauvres huttes. Force fut donc de se rabattre sur la Mandchourie, qui, d'ailleurs, grâce à l'arrivée des Russes, allait devenir pour eux un superbe champ d'exploits. A l'instigation d'émissaires moscovites, les Houngouses franchirent l'Amour en 1900 et pillèrent quelques villages sibériens. Le coup fait, ayant touché leur récompense, ils s'empressèrent de repasser le fleuve. Mais l'armée russe avait enfin le prétexte qu'elle attendait pour occuper la Mandchourie. Au mois d'octobre 1900, il n'y avait pas une ville importante qui ne possédât une garnison moscovite. La concorde ne régna pas longtempsentre Russes et Houngouses. Ils avaient trop de raisons de se détester. En 1902, ces bandits détruisaient une partie du Transmandchourienainsi que plusieurs dépôts de matériel. Un peu plus tard, ils passaient du côté des Japonais. Bien pourvus d'armes et de munitions par leurs nouveaux alliés, qui ont compris tout le parti à tirer de ces hommes dépourvus de scrupules, entreprenants et résolus, ils harcèlent sans cesse les avantpostes russes, massacrent les détachements isolés, poignardent les sentinelles. Ces pillards sont devenus des partisans dangereux pour nos alliés, sous la direction d'officiers japonais. Leur parfaite connaissance du pays où ils opèrent leur permet de se glisser entre les troupes moscovites et d'échapper à toutes poursuites. Ils sont parvenus à inspirer une véritable terreur aux soldats du tzar qui redoutent plus les Houngouses que les Nippons eux-mêmes. Ils en voient partout. L'inoffensif paysan mandchou leur paraît un brigand déguisé, qui surveille leurs mouvementset les signale à ses compagnons cachés dans le voisinage.

C'est à cette obsession qu'il faut attribuer les massacres dont les troupes moscovites se sont rendues coupables, à maintes reprises, depuis le commencement des hostilités. Des hommes, des femmes, des enfants, ont ainsi péri, victimes indirectes des Houngouses. Aujourd'hui, les Japonais peuvent compter sur le dévouement absolu de ces bandes de brigands, car le triomphe des armées russes serait le signal de l'anéantissement des Houngouses. Ils ne peuvent plus espérer trouver grâce devant les généraux du tzar après tout le mal qu'ils ont fait à leurs troupes. Désormais, autant de Houngouses pris, autant de Houngouses pendus. Il est vrai que cette éventualité ne semble guère à redouter actuellement. Le dieu dela guerre ne regarde il pas précisément nos alliés d'un oeil favorable, et pourrait bien arriver que les Russes se voient contraints d'abandonner la Mandchourie avant d'avoir tiré vengeance des Houngouses. FRANCIS MURY,

Ancien commissaire des Colonies.

La Mission de Brazza au Congo. LES faits qui ont dernièrement ému l'opinion publique et motivé l'envoi au Congo de M. de Brazza se rattachent exclusivement aux rapports de l'Administration avec les populations indigènes. Ces rapports ne sont naturellement pas aujourd'hui ce qu'ils étaient quand M. de Brazza a quitté la colonie. Sous son administration presque exclusive-

ment orientée vers l'extension territoriale du Congo,

la population indigène demeura, en quelque sorte, abandonnée à elle-même, exempte de sujétion et de charges. Cet état de choses devait se transformer, lorsque, la période de pénétration étant achevée, l'Administration se préoccupa d'organiser le pays et de rendre ses richesses exploitables.Elle dut alors demander à l'indigène, appelé à bénéficier le premier de cette transformation, de participer aux charges de la colonie, de payer un impôt, si faible qu'il soit, ou d'acquitter la prestation du portage, plus vexatoire, il est

vrai, mais inévitable dans un pays souvent dépourvu d'autre moyen de transport. Les indigènes, qui ne connaissaient auparavant de l'Administration française que les cadeaux dont elle les gratifiait à l'issue des palabres, ont pu, sur certains points, mettre peu de bon vouloir à accepter cette interversion de rôles, et obliger ainsi l'Administrationà faire acte d'autorité. Ce qu'il s'agit de savoir, c'est si l'Administration française, dans les procédés dont elle a usé vis-à-vis des populations indigènes, s'est écartée des principes d'humanité dont elle s'était jusqu'alors inspirée, ou si les faits qui ont récemment occupé la presse, en admettant qu'ils soient prouvés, ne sont pas isolés et exceptionnels, imputables à l'état pathologique plus qu'à la perversion morale de ceux qui en sont incriminés. Nul mieux que M. de Brazza n'était qualifié pour une pareille mission.


La plus ancienne des Égtises de Paris. Saint-Julien-le-

Pauvre.

ancienne et aussi la moins connue des églises LdeplusParis, est celle de Saint-Julien-le-Pauvre. Située dans le quartier misérable, mais pittoresque, de l'ancien Hôtel-Dieu, entre l'étroite et vieille rue Galande et la rue qui porte le nom du saint, le passant, s'il ne la connaît déjà, ne pourra l'apercevoir. Cette église est au fond d'une cour, et la porte d'entrée, sur la rue Saint-Julien, n'a rien de particulier. Ce n'est qu'après avoir franchi cette premièreporte que l'on aperçoit le

firent un hospital en ce désert pour faire pénitence et pour porter oultre ceux qui voudraient passer, et pour recevoir en hospital tous povres. » Comme beaucoup d'édifices religieux de son époque, Saint-Julien-le-Pauvre fut détruit par les Normands, en fan 886, sous le règne de Charles le Gros, puis, restauré, réédifié en fan io3i; c'est à cette époque que commence l'histoire actuelle de l'église Saint-Julien. Les moines de l'abbaye de Longpont la possédèrent pendant une partie du xne siècle; au Moyen Age, elle devint le siège des corporations des couvreurs; des fondeurs etdes marchandsde papiers. Au xiiie siècle, l'Université y donna plusieurs grandes assemblées. En 1524, eut lieu sous ses voûtes une manifestation d'étudiants qui, mécontents d'un vote, brisèrent les vitraux et enfoncèrent la porte. L'église, en fan 1612, fut changée en prieuré; mais mal entretenue, elle tomba en ruines; il y eut un long procès elle fut mal

réparée; l'argent manquant, on la

monument.

rcta~a sans souci de

Son appa-

son architecture et on accola, aux voûtes gothiques de la partie ancienne, des voûtes de plein cintre son portail, fort beau, fut détruit et remplacé par le portail banal qui existe encore aujourd'hui et qui n'a d'intéressant que son âge.

rence extérieureest celle d'une ruine curieuse des pierres grises, rongées et noircies par le temps. Dans la petite cour d'entrée, le visiteur remarque un ancien puits, qui était autrefois situé dans l'église, alors beaucoupplus grande son armature en fer forgé est du XVIIe

Au xvne siè-

cle,

Longpont céda

siècle.

Cette église, construite dans les premiers temps du

l'abbaye de

Saint-J ulien-le-Pauvre à l'Hôtel-Dieu, et ce monument fut D'après une photograpltie. christianisme en considéré comme la Gaule, fut dédiée à saint Julien, dont nous voulons chapelle de l'hôpital. La Révolution le transforma en citer ici la curieuse légende: Étant un jour en chasse, magasin de sel, et ce ne fut qu'en 1826 que la messe le cerf que Julien poursuivait se retourna et lui dit put de nouveau y être célébrée. Jusqu'en 1873, les cérémonies de la prise de voile des sœurs de l'Hôtel-Dieu \( Tu me suis, toi qui occiras ton père et ta mère! » Julien, terrifié, pour éviter la fatale prédiction se passèrent à Saint Julien-le-Pauvre. du cerf, s'enfuit en des pays lointains où de glorieux En 1889, enfin, cette église fut livrée au culte exploits lui valurent le titre de chevalier et où le roi grec uni ou Melchite. On appelle de ce nom le culte L~ÉGLISE SAINT-JULIEN-LE-PAUVRE.

lui donna un castel. Le père et la mère de Julien cherchaient leur fils dans tout l'univers; ils arrivèrent, enfin, en sa deJulien était absent. La femme de ce dernier, meure fort bonne, donna l'hospitalité aux deux vieux; Julien, rentrant, trouva les deux mendiants couchés dans le lit de sa femme; furieux, il les tua de deux coups d'épée. Sa femme en revenant de la messe lui apprit le crime qu'il venait de commettre. Julien et sa femme vécurent dès lors ensemble en frère et soeur, faisant autant de bien que possible. \( Ils partirent, dit la légende, delez un moult grant fleuve (la Seine) où moult gens périssaient, et

des catholiques grecs qui sont unis à l'église romaine et par conséquent reconnaissent le pouvoir du pape. Il ne faut pas les confondre avec les grecs orthodoxes qui sont des schismatiques au regard de l'église romaine. Avec l'approbation du pape Léon XIII et de Mgr Richard, cardinal archevêque de Paris, dont on peut voir actuellement un mandement affiché dans l'église, la messe catholique est célébrée à Saint-Julien, tous les jours et le dimanche à io heures, sous les deux espèces du pain et du vin, comme aux premiers temps du christianisme; la messe, les offices y sont récités dans la langue grecque. Le Père qui officie actuellement


étant syrien, son costume est syrien; la cinquantaine de Syriens qui suivent la messe, tous les dimanches, disent leurs prières en arabe; des catholiques romains assistent d'ailleurs en assez grand nombre à la messe et disent naturellement leurs prières en français. Sauf la communion donnée sous forme d'un petit morceau de pain baignant dans quelques gouttes de vin, la cérémonie de la'messe ne diffère pas sensiblement de la

cérémonie catholique romaine. Mais les baptêmes et les mariages rappellent d'une façon plus frappante les premiers temps du christianisme pour les baptêmes on procède encore à l'immersion complète de l'enfant dans une cuve d'eau tiède; quant aux mariages, ils ne sont pas accompagnés d'une messe autour d'une grande table rectangulaire se tiennent debout les fiancés, en face le prêtre, sur les côtés la famille. Une fois donnée la bénédiction nuptiale, les assistants boivent une coupe de champagne faute de vin du Liban et la cérémonie est terminée. L'intérieur de cette église grecque, quoique assez modeste, est curieux la nef centrale est appuyée sur des piliers fleuronnés, tous fort jolis et dissemblables. L'abside, la partie la mieux conservée, est d'une forme très élégante avec ses colonnettes filant jusqu'à la voûte. L'iconostase fort joli, qui a été rapporté de Smyrne, sépare la chapelle des assistants; des tentures syriennes, dernièrementencore, y étaient suspendues; suivant les rites orientaux, on ne les écartait qu'au moment de la communion pour laisser voir l'autel aux fidèles; mais le prêtre actuel, contrarié de voir que son église, à cause de ces tentures, était prise par les visiteurs pour une église orthodoxe, les a fait sup-

primer.

Ajoutons que s'il y a des tentures en moins, il y a des autels en trop; au point de vue strictement oriental, il devrait n'y avoir qu'un'autel, et il y en a plusieurs. Le bas-relief de l'autel date du XIVe siècle; il est curieux et représente Jésus crucifié à sa droite est Marie, à sa gauche, saint Jean et deux autres personnages inconnus. Dans la nef méridionale, une pierre tombale sculptée est celle d'un nommé Rousseau, avocat de la Cour d'appel; il est à demi allongé, les mains jointes, adressant une prière au Jésus en croix placé devant lui; des écussons, aux quatre coins de cette sculpture, sont marqués de trois acacias. Des paroles que Rousseau adresse au Christ sont sculptées en latin et vont de la bouche du défunt vers le Christ. Dans la petite nef de droite, se présentent la statue de saint Vincent de Paul et quelques tableaux; dans la petite nef de gauche, la statue de Montyon, conseillerd'état, célèbre bienfaiteur. Plusieurstableaux, reproductions de maîtres, sont à remarquer dans la nef, entre autres, au-dessus de la porte d'entrée, une grande toile de Leroy, Jésus guérissant les lé~reuac. La voûte et des sculptures de la petite sacristie sont aussi intéressantes. Le vieux sacristain montre aux visiteurs une très curieuse statue de la Vierge au Tombeau et un Cbarlemagneen terre cuite, assez ridicule, découvert dans le sol de l'église, au XVIIIe siècle. 1. Partie

d'une église grecque formée de bois sculpté,

de mosaïque et de tentures, séparant le public de l'autel.

Les curiosités artistiques de Saint-Julien-le-Pauvre sont, en somme, assez modestes ce qu'il y a de plus remarquable en cette église, c'est qu'elle existe encore. Hâtez.vous de l'aller voir avant que l'ait balayée le souffie hygiénique qui purifiera bientôt ce coin de Paris. RENÉE ALLARD.

La Conférence de Fez.

Le dé-

nouement retardé par lintervention de l'empereur d'Allemagne.

C'EST le 20 février que les négociations de l'ambassadeur de France avec la Cour marocaine ont commencé, et les résultats semblent se faire bien attendre. La partie protocolaire a été assez longue. Le Maghzen n'aurait pas mieux demandé que de prolonger l'échange de ses politesses orientales. Mais M. Saint-René Taillandier, qui, depuis son arrivée, n'avait laissé passer aucune occasion de préparer les esprits des vizirs du sultan au caractère positif de sa mission, s'empressa de mettre fin à ce prélude et d'attaquer la besogne sérieuse. On a commencé, dit le correspondantde l'Afriquefrançaise, par régler la question de procédure, et il a fallu négocier pendant quelques jours avant de faire adopter

aux membres du Maghzen des méthodes régulières de travail. Cette question offrait un côté délicat, en raison de la position vague des délégués des villes, formant le Conseil des notables, que le sultan avait voulu adjoindre au Maghzen. Tout en laissant le Maghzen libre de recourir aux lumières de ces délégués, notre ministre ne pouvait pas admettre le principe de la discussion directe avec eux mais il ne convenait pas d'avoir l'air, en les empêchant de suivre les débats, de craindre le résultat de cette prétendue consultation nationale. La difficulté a été enfin aplanie; quelques-uns des membres de ce Conseil assistent, comme simples auditeurs et sans prendre part aux délibérations, aux conférences officielles. On s'est beaucoup occupé, dans la presse française et étrangère, de ce Conseil des notables. Quelques critiquesl'ont représenté comme un corps consultatif s'inspirant du plus sombre fanatisme et sous la pression duquel le Gouvernement marocain se verrait obligé de repousser nos propositions; les optimistes, au contraire, lui ont dénié toute importance. Ces deux appréciations sont excessives. Le Conseil en question ne représente à aucun degré le sentiment national; il est absolument dans la main du Maghzen, mais il n'en a pas moins par sa composition une importance réelle, et quel que soit le sens dans lequel le sultan veuille s'en servir, il représente dans les conjonctures actuelles un facteur assez important du problème marocain.

On sait déjàquelle est cette composition peu de jours avant le départ de Tanger de l'ambassade française, le Maghzen convoqua à Fez, en les désignant


lui-même et en les choisissant parmi d'anciens fonctionnaires ou des employés en activité de service, deux délégués pour chacune des villes importantes du Maroc. La chose aurait passé inaperçue si le Maghzen n'avait en même temps désigné, pour représenter la capitale au sein du Conseil, vingt-quatre délégués pris parmi de gros négociants, des cadis, des oulémas et des membres de la famille du sultan. Cette mobilisation des forces morales du pays ne pouvait manquer d'éveiller l'attention des habitants de Fez; on a vu succéder, au calme parfait des premiers jours de l'arrivée de l'ambassade française, une émotion qui, en s'étendant aux campagnes, a paru créer une petite agitation. Le Maghzen, s'il est disposé à discuter loyalement les propositions de notre ministre, ne peut pas ignorer le danger qu'il y a à laisser croire à la population de Fez qu'il se voit obligé, pour échapper à la pression de notre diplomatie, dé faire appel à la clairvoyance des notables de la ville. A-t-il voulu dégager sa responsabilité vis-à-vis du sultan ou de l'opinion, en la partageant avec le Conseil des notables; faut-il voir dans le chiffre, évidemment excessif, de vingtquatre représentants pour la ville de Fez, une manœuvre destinée à impressionner le ministre de France par l'agitation publique qui devait en résulter?L'absence d'entente dans le Maghzen rend ces deux hypothèses également possibles. Ceux de ses membres les plus éclairés nous sont relativement acquis; ils se rendent compte qu'il faut, pour remédier à la détresse du trésor chérifien et pour mettre fin à l'état d'anarchie qui désole le pays, un concours étranger que, seule, la France peut leur offrir, et ils acceptent sincèrement les conséquences de cette situation. Mais il y a, à ,côté de ceux-là, d'autres hauts fonctionnaires, non moins influents dans le Conseil de Sa Majesté chérifienne. Ils n'envisagent la situation qu'au point de vue de certains intérêts personnels, et ces intérêts, ils les sentent gravement menacés par l'épuration des mceurs administratives et financières qu'apporterait avec elle la direction de la France. Les réunions ont lieu chez Si Feddoul Gharnit, premier vizir du sultan. Ce dignitaire est un personnage intéressant. Il a, pendant presque tout le règne de Mouley el-Hassan, dirigé le service des Affaires étrangères, et il a laissé dans toutes les légations de Tanger des souvenirs de sa façon spéciale de traiter les affaires diplomatiques; très souple, très rusé, il avait su élever à un degré extraordinaire l'art de temporiser. A la mort de Mouleyel-Hassan, le grand vizir Bâ Hmed dont la rudesse s'accommodait mal de la forme d'esprit de Feddoul Gharnit, le mit à l'écart. Il vécut pendant quelques années retiré à Marrakech dans une gêne voisine de la misère. A la mort de Bâ Hmed, il devint premier vizir. C'est sur sa demande et en raison de son grand âge que le sultan a désigné la résidence de Si Feddoul pour y célébrer les conférencesdiplomatiques. Dans la première de ces réunions, M. Saint-René Taillandier a fait un long exposé de la France vis-à-vis du Maroc; puis il a commencé à développer, en les motivant, les diverses propositions constituant le programme des réformes qu'il est chargé de soumettre au Gouvernement marocain. 11 faudra sans doute vaincre de sourdes résis-

tances et déjouer bien des manœuvres avant d'obtenir les demandes contenues dans notre programme. La tâche n'est pas au-dessus des forces de notre diplomatie, mais il faut être bien convaincu que le meilleur moyen de favoriser les travaux de l'ambassade, c'est de donner au Gouvernement marocain le sentiment bien net que nous sommes fermement résolus à ne pas laisser péricliter par une longue inaction les droits que nous tenons des accords du 8 avril et du 7 octobre 1904.

Cette difficulté d'aboutir vient encore d'être entravée par l'intervention inattendue de l'empereur d'Allemagne. Comment expliquer son voyage et ses protestationsd'amitié au sultan autrement que par un désaveu du silence approbatifdont il accueillit naguère l'entente franco-anglaise? Il veut faire respecter des droits que jamais personne ne songea à violer Point n'était besoin d'une pareille péripétie pour retarder encore le dénouementde la pièce politique qui se joue là-bas.

Émile Bertaux, docteur

ès lettres, maître de conférences à la Faculté des lettres de Lyon. Rome, (de l'ère des catacombes à Jules 11). Rome, (de l'avènement de Jules 11 a nos jours). 2 vol. in-4° iIlustrés de 100 gravures. Broché, chaque vol. 4 francs. Relié, 5 francs. (Envoi franco contre mandat-poste à H. Laurens, éditeur, 6, rue de Tournon. Paris-VIe.)

deux volumes, comme dans le précédent consacréà l'antiquité, l'auteur s'est attaché à unir l'art et l'histoire. Le lecteur suivra sans effort, en regardant les nombreuses illustrations, le développement de la pensée chrétienne et de la puissance pontificale depuis le temps des persécutions jusqu'aux années où Alexandre VI Borgia occupait le trône de saint Pierre. Les chapitres sur le Moyen Age romain, particulièrement riches en observations nouvelles, tirées des études personnelles de l'auteur, seront pour les lecteurs français une véritable révélation. Une très large part a été faite, dans les analyses du texte et dans les gravures, aux oeuvres exquises laissées à Rome par les artistes du Quattrocento qui ont travaillé pour les papes. Le troisième volume termine heureusementl'important ouvrage sur Rome qui tiendra une place exceptionnelle dans la série des ViIles d'Art. L'auteur y devait étudier d'abord les chefs-d'oeuvre universellement célèbres, dans lesquels, suivant l'expression de Maurice Maeterlinck, « Rome a donné d'elle-même l'image qu'elle promettait au monde ». Pour parler, après tant d'autres, des épopées créées à Rome par Michel-Ange et par Raphaël, M. Bertaux a consulté toutes les recherches de la critique moderne et il en a montré les résultats d'une manière aussi savante et complète que littéraire et accessible à tous. Après avoir étudié avec toute l'ampleur qu'elle méritait période la épique de l'histoire de l'art à Rome, celle qui comprend les glorieux pontificats d'un Jules 11 et d'un Léon X, M. Bertaux a voulu promener ses lecteurs à travers les monuments et les oeuvres injustement dédaignés de la Rome baroque. Son large éclectisme a su faire valoir les créations emphatiques du Bernin aussi bien que les oeuvres pures d'un Raphaël. Des pages originales et très vivantes sont consacrées aux peintres français, Poussin, Claude Lorrain, pour qui Rome a été la vraie patrie et qui ont passé leur vie à célébrer sa beauté. Un dernier chapitre, tout d'actualité, où l'on trouvera plus d'une révélation piquante, fait le tableau de la Rome d'aujourd'hui, celle que Gabriel d'Annunzio a appelé la « Rome de la troisième Italie ». D ANS ces


Jeux d'Hiver en Engadine. la mode s'est glissée dans les mœurs d'aller passer l'hiver en Suisse, les sports de neige et de glace ont pris un essor merveilleux. Les bains de

D EPUISque

donnant les plus vives sensations. Avec de l'aplomb, tant au moral qu'au physique,

un amateur de ski se tire d'affaire après quelques chutes. Ces longues chaussures paraissent d'abord un peu gênantes au débutant; couché sur son bâton ferré qu'il serre nerveusement, il commence sa glissade; elle lui paraît un peu rapide et

soleil savourés au-dessus des nuages, à quelque 6000 pieds d'altitude, s'accommodent fort bien d'exercices violents, et les « baigneurs s'ingénient à les multiplier et à les diversifier. naïvement il cherche à se retenir; d'un mouvement instinctif, il penche le corps en arrière. Aussitôt le ski, pressé par le LES SUCCÉDANÉS DU PATIN talon, dresse sa pointe en l'air, et le débuLe simple patinage commence à tant termine sur le dos la glissade comètre un peu vieux jeu ». Ce n'est pas mencée sur les pieds. C'est à recommencer; qu'il ait disparu complètement de la ca- mais l'apprentissage est vite fait, et le tégorie des sports à la mode. Il y a même à Saint-Moritz, la capitale des stations d'hiver en Engadine, une Académie de skating où n'est pa~. admis tout patin qui se présente; tout

proche, une école de patinage prépare les admissions, etunjury prononce, après sérieux examen, le droit au brevet de patineur.

un siège sur lequel on s'assoit commodément la position du plat ventre n'est plus guère en usage que chez les naturels du pays ou les fanatiques de la tradition. Les étrangers ont inventé le tobogde société, dit le bobsleigh; on y tient gan quatre; le quatrième, le brakesman, dirige avec un crampon de fer la machine qui, grâce à son poids, ac-

quiert desvitesses con-

les virages

sidérables

sont terribles et les chutes fréquentes, tres rarement dangereuses; la neige est un mol

oreiller à recevoir les corps lancés comme des Les joies de la descente ont eu long-

temps comme contre-

partie la peine de la montée. jadis on remontait son traîneau en le poussant de la poitrine et s'arc-boutant dans la neige; c'était pénible et fastidieux. On a main-

et l'ingéniositédesamateurs s'est appliquée à lui infuser une vie nouvelle en le compliquant

tenant construit toboggans et bobsleighs de telle façon qu'ils peuvent s'accrocher les uns aux autres. Quand ils

des sports qui se

jouent généralement sur la terre ferme. Une de ces combinaisons,. qui

jouit actuellementd'une

sont arrivés en nombre suffisant au bas de la descente, on en forme un train, que remorque

faveur marquée, est le

lawn-tennis au patin.

Grande est la difficulté de ce double jeu, et ses partisans ramassentsouvent autre chose que la balle. Le hockey, encore plus pratiqué, est plus accessible; c'est le polo appliqué au patinage. Le champ est plus vaste; la canne à bout

uncheval jusqu'au haut

de la montée. Les ama-

teurs restent dans leur traîneau,naturellement. LE SAINT-bIORIT2

LE D'ÉPART DES AhIATEI:RS DE SKI.

D'après uste plxotographie.

recourbé, la crosse, qui

remplace le maillet des joueurs de polo à cheval, est plus maniable que la raquette du tennis; les chutes sont moins fréquentes. 11 y a des chances pour qu'on applique au patinage bon nombre des sports usités ailleurs que sur la glace. Nul doute que nous verrons un jour s'y disputer des parties de foot-ball et même de golf.

toboganning a

créé deux espèces de

ce

est

les

sports les plus favorisés parce qu'ils sont les plus rapidement accessibles, tout en

CURLING

Les gens de goûts paisibles, pour qui le ski ou le toboggan offrent

des sensations trop viodébutant devient après quelques essais lentes, à qui le tennis ou le hockey demanun amateur convenable, sinon un artiste dent des muscles trop exercés, ont inventé capable des descentes vertigineuseset des un sport des plus pacifiques, c'est le curling qui participe du jeu de quilles sauts prodigieux. D'ailleurs si l'assiette vous manque, et du cochonnet. On voit fréquemmentà Saint-Moritz vous avez toujours la ressource du bon sérieux gentlemengroupés en équipe et tobbogan, qui vous en offre une généreu- de sement. Le succès toujours croissant du qui portent sur l'épaule un superbe balai.

rapide et simple traîneau. Le vrai, nous l'avons dépeint 1. pour personne seule, et la position du plat ventre est l'ordinaire position; le solitaire, qui est

FAVEUR CROISSANTE DU SKI ET DU TOBOGGAN

Le ski et le toboggan sont

sa botte pour imprimer la direction. Mais la généralisation de ce sport en a modifié la méthode et les instruments; le bout de la botte est souvent remplacé par des griffes de fer placées l'avant du traîneau et qu'on dirige de la main. On a installé

boulets.

Malgré ces institutions, le simple patinage est en décadence,

d'un

l'amateur classique, se sert du bout de

1. Voir à Travers le :¡onde » 1904, p'ge 80. Conseils aux Voyageurs.Le sport du

loboggan.

Ce ne sont pas là des cantonniers du

grand monde, mais des amateurs de curling qui se rendent à leur jeu favori. Chaque joueur peut en effet déblayer de la neige qui la recouvre la place où il va lancer son palet, et c'est ce qui explique le port inattendu de l'accessoire. J. ROB6RT.


Le Régime économique du Congo français et le Système des Concessions. théorique et stérile sur l'avantage et le danger dans le Congo « Il ne peut s'agir au~burd'bui d'ouvrir une discussion français du système des concessions. Un fait domine la situation c'est que le Gouvernements'est lié, il y a cinq ou six ans dans une et pour une durée de trente années, envers des compagnies dont quelques-unes semblent à l'heure actuelle entrer sauf à voie de pros~érité. Il importe seulement de veiller pour le bien général à l'application loyale des contrats intervenus, permettent au Gouvernement de se servir, notamment la user, quand il est nécessaire, des armes dont ces conventions déchéance. » Colonies, à AI. de Brazza, chef de la Mission du Congo.) (Instruction de

~1-

Clémentel, ministre des

Congo, constitués à l'origine par les anciens corrIptoirs du Gabon, agrandis rapidement à la suite de s voyages de Brazza et de ses émules les Crampel, les Dybowski, lesMaistre; délimités par les conventions de 1885 et 1894 avec l'Allemagne;~ de 1888 et 1894 avec l'État du Congo; de 1885 et 1899 avec l'Angleterre organisés politiquement et ad-

Nos établissements

dlu

dans notre colonie, songèrent à er tirer les bénéfices que nous y négligions, et, en 1897 proposèrentla fondation d'une société franco-belg pour laquelle ils demandèrent une concession de 25 millions d'hectares dans l'Oubanghi. Les capitalis-

tes français, en

voyant les propositions de nos voisins, comprirentenfin qu'il y avait sans doute au Congo de grandes richesses inexploitées, et les deman-

ministrativement par le décret

de

19°3, se sont ouverts très tard à la vie économique. En 1899 rien,

ou

des en concessions

affluèrent au Ministère des Colonies. Pour 1es examiner

presque rien,

et décider

n'avait encore été tenté pour tirer par-

le Ministère créa la

Commission des Concessions, qui donna au développement économique de notre colonie un essor trop

longtemps retardé. La Commission se trouva en présence de grosses difficultés il était

voyant que nous

faisions

rien

A TRAVERS LE MONDE.

con-

naissance de cause,

ti de nos immenses et riches possessions. Pendant ce temps, l'État du Congo, dont l'existence remontait seulement à la Conférence de Berlin du 26 février 1885, prenait un rapide essor. Les Belges, ne

en

impossible de don-

CARTE DU CONGO FRANÇAIS.

16e LIV.

No 16,

22 Avril

19°;.


ner des concessions dans un pays où il n'y avait ni organisation du domaine public, ni régime forestier, ni régime foncier. Le ministre pensa qu'il fallait d'abord tirer le Congo de l'état inorganique dans lequel il se trouvait, déterminer les parties du territoire qui pouvaient devenir propriété privée et celles qui devaient constituer le domaine public, régler les servitudes qu'il y avait lieu d'imposer aux propriétés qui allaient se créer. Tel fut l'objet des décrets de février et mars 1899. Le domaine public fut constitué dans des conditions analogues à celles de la métropole et de nos autres colonies; mais, étant donné le rôle important que les fleuves et rivières allaient avoir à jouer dans la mise en valeur du Congo le décret classa dans le domaine public non seulement les cours d'eau navigables, mais encore une zone dé passage de 25 mè-

tres

rive.

de large sur chaque

Pour empêcher l'anéantissement rapide des richesses forestières, le décret posa les règles et les

fallait lui donner une base solide, qui assurât la sécurité des transactions immobilières; les décrets y ont songé et fondé un véritable code foncier du Congo. Le domaine public et le domaine privé étant ainsi constitués, les conditions de la propriété soigneusement établies, il n'y avait plus qu'à mettre en train le régime des concessions. M. Georges Teissier, ancien secrétaire général du ministère des Colonies, qui nous a fourni sur la question de précieux renseignements, estime que la comparaison des chiffres du commerce du Congo belge et de ceux du Congo français montrait comme nécessaire le régime des concessions; il s'imposait dans ces pays trop grands et trop neufs pour que la seule initiative individuelle pût les mettre en valeur. Il fallait, dit-il, dans ces vastes territoires inexploités où on ne pouvait songer, à cause du climat, à organiser la colonisation de peuplement, amener de gros capitaux et, par conséquent, créerde puissantes Sociétés pouvant attendre, pendant un certain temps, la rémunérationdes avances faites; il importait, pour que ces Sociétés consentissent à se former et pour que

conditions auxquelles seraient autorisées les exploitations forestières. Dans les les capitaux s'intéressasforêts où il existe des essent aux affaires congolaisences de grande valeur, il obligea l'exploitant à faire ses que des privilèges et planter, chaque année, à des monopoles territoriaux leur fussent concédés. Sans ses frais, un nombre de plantes de même essence doute, quelques rares Compagnies de colonisation et ou d'une essence aussi riche, au moins double de de commerce colonial, fondées sans privilèges et sans celuides arbresabattus dans concessions territoriales, le cours de l'année. En avaient assez brillamment même temps il exigea que l'exploitant plantât annuelréussi dans quelques-unes lement un nombre d'arbres de nos colonies de la côte d'Afrique; mais elles n'aou de lianes à latex, qui ne pourrait être inférieur à vaient opéré que dans celles CE QUE REMPLACERONT LES CHEMINS DE FER: PORTEURS CONGOLAIS. de nos possessions où elles 150 pieds par tonne de caoutchouc ou de guttajouissaient d'un régime D'après une photographic. percha récoltée dans l'andouanier protecteur, qui née. Toutes les forêts, sauf celles acquises par des parleur donnait un avantage considérable sur les concurticuliers, firent, comme toutes les terres vacantes et rents étrangers, et ne s'étaient pas occupées réellement de la mise en valeur de terrains concédés. Les mêmes sans maîtres, partie du domaine privé de l'État. En se réservant ainsi la propriété d'un vaste causes de succès ne se présentaient pas pour elles au domaine privé au Congo, il n'entendait point conserCongo. Tout d'abord, la partie côtière n'était point la seule riche, car la région qui commence au Stanleyver pour lui les produits domaniaux qu'il en devait retirer; il les attribua au budget local à titre de subPool et qui s'étend tout le long du Congo et de ses vention pour les dépenses de colonisation. affluents navigables jusqu'au bassin du Nil, constitue Aux termes du décret, les terres domaniales du un vaste réservoir d'ivoire, de caoutchouc et d'essences Congo peuvent être aliénées 10 par adjudication puprécieuses. D'autre part, au Congo, le Gabon exblique 20 de gré àgré, par lots de moinsde 1 oooheccepté, on ne pouvait, de par l'acte général de la Conférence de Berlin, compter sur aucun droit protares 30 à titre gratuit, au profit de l'exploitant d'une concession de jouissance temporaire, en ce qui contecteur. Le principe des concessions une fois admis, une cerne les parcelles qu'il aura mises en valeur. Enfin, puisque la propriété privée allait se consquestion subsidiaire se posait les concessions detituer par la mise en valeur de terres concédées, il vaient-elles être gratuites ou à titre onéreux? Il fallait dans ce pays dépourvu d'outillage économique ne pas i. Entre temps, le Ministère de M. Guillain avait sucimposer trop de charges aux futurs concessionnaires cédé au Ministère de M. Trouillot (novembre 1898),


et néanmoins assurer à la colonie des ressources suffisantes pour s'organiser rapidement. C'est en s'inspirant de cette double nécessité que fut rédigé le décret et le cahier des charges des grandes concessions du Congo. Tout d'abord la concession octroyée ne devient définitive que lorsque les concessionnaires se sont valablement substitué une Société anonyme, constituée suivant la loi française et dont le décret de concession détermine le capital. Pour sauvegarder les droits existants sur le territoire de la concession et assurer aux personnes qui s'y sont déjà installées ou qui y ont entrepris des opérations commerciales, les résultats de leurs efforts, le décret réserve les obligations résultant pour les concessionnaires des dispositions des actes généraux de Berlin et de Bruxelles de 1885 et de i8c~o; et les droits acquis par des tiers jouissant de propriétés, au jour de la promulgation dans la colonie du décret de concession. Pour assurer

le respect des situa-

tions acquises et aussi pour permettre le développement des agglomérations existantes et l'établissement dans toutes les ré-

gionsdetrafiquants et de petits colons, des réserves, dont

l'étendue varie suivant les régions, ont été imposées à presque tous les

concessionnaires. Afin de préserver les indigè-

des charges précise, avec une rigoureuse exactitude,

la composition et le mode de calcul. Le concessionnaire est

tenu dé concourir, pour

une somme déterminée par chaque décret, à l'établisse-

ment

des postes de douanes, rendus nécessaires par

ses opérations commerciales et, en outre, au logement

du personnel et des milices chargées d'assurer l'action administrative et la sécurité sur le territoire concédé. Il était de la plus urgente nécessité de créer, sur le réseau fluvial de la colonie, la flottille indispensable pour assurer les communications le cahier des charges exige donc que chaque société mette en circulation un certain nombre de bateaux à vapeur de modèles déterminés, et lui impose l'obligation de se charger, sous certaines conditions et suivant un tarif prévu, des transports de matériel et de personnel pour le compte de l'État. Enfin, dans le but de prévenir les inconvénients qui résulteraient d'une exploitation excessive des

lianes

à

caout-

chouc,les concessionnaires sont tenus de planter et

de maintenir jusqu'à la fin de la

concession, en remplaçant

ceux

qui viendraient à disparaître pour

une cause quelconque, au moins cent cinquante nou-

veaux pieds de

plantes à caoutchouc par tonne

de caoutchouc ex-

porté.

Une fois la

nes contre des spoconcession deveCE QUE REMPLACERONT LES STEAMERS PIROGUES CONGOLAIS liations toujours nue définitive, la possibles, les conSociété concessionD'après une photographie. cessionnaires ne naire n'est pas, ipso peuvent exercer les droits de jouissance et d'exploitafacto, propriétaire des terrains concédés. Elle n'action qui leur sont dévolus par le décret de concession quiert le droit de propriété, en échange du droit de qu'en dehors des villages occupés par les indigènes et jouissance et d'exploitation que lui confère le décret terrains des de culture, de pâturage ou forestiers qui type, que sur les terres mises par elles en valeur. leur sont reconnus. Trois modes d'extinction, soit totale, soit parDans son ensemble, la législation établie est instielle, ont été prévus le rachat, la déchéance et le pirée par un esprit de sollicitude à l'égard des popularetrait. Le rachat total ou partiel pourra être prononcé, tions installées sur le sol de la colonie. Le Gouverneà toute époque, pour un motif d'intérêt public, par un français n'a pas voulu que l'on eût à regretter, ment décret rendu en Conseil d'ttat, le concessionnaire sur le territoire de notre Congo, des actes de spoliation entendu; la déchéance, mesure qui s'applique. fenla de nature de ceux qui ont eu pour théâtre certains semble des terres de la concession, exception faite des autres pays tropicaux. terres devenues la propriété du concessionnaire, si ce Ces conditions supposées remplies, et ces clauses dernier ne se conforme pas aux conditions du décret exécutées, quelles charges l'Etat va-t-il imposer à la de concession, ou du cahier des charges; le retrait, Société, en échange des droits qu'il lui concède? enfin, est prononcé lorsque le concessionnaire ne peut Pour prix de la concession, la Société doit payer justifier qu'il s'est conformé aux prescriptionsdu décret une redevance fixe annuelle proportionnelle à sa superen ce qui concerne les plantations de caoutchouc à ficie. Cette redevance, qui n'est due complètement faire pour compenser l'appauvrissement résultant de qu'à partir de la onzième année, est réduite à un tiers l'exploitation de ce produit. pour les cinq premières années et aux deux tiers pour Conformément aux termes du décret et du les cinq années suivantes. La Société paie, en outre, cahier des charges, quarante-deux grandes concessions de furent octroyées dans le courant de l'année r8c~9. son revenu net, revenu dont le cahier 15 Pour i oo


Chacune de ces concessions comprenait, autant que possible, le bassin entier d'un fleuve ou d'une rivière, afin d'assurer le transport des produits et des marchandises. Le partage par bassin a, en outre, l'avantage très appréciable de faciliter les délimitations et d'éviter les difficultés entre concessionnaires limi-

trophes. Des Sociétés anonymes, constituées conformément à la loi française, se substituèrent aux concessionnaires primitifs dans les conditions prévues par le décret. Le capital consacré par ces diverses Sociétés à la mise en valeur de la colonie s'éleva à 5o millions

environ.. D'autre part, le budget local, indépendamment des 15 pour i oo sur les bénéfices de chaque Société, devait toucher, à titre de redevance, 275 000 francs pendant les cinq premières années, plus de 325 000 pendant les cinq années suivantes, enfin près de 600000 à partir de la onzième année jusqu'à la fin des concessions. Les Sociétés concessionnaires devaient participer, en outre, à l'établissement des postes de douanes pour une somme totalé de 900000 francs environ, assurer le logement des administrateurs établis sur la concession et des miliciens chargés de veiller à la sécurité des transactions. Certaines sociétés s'engagèrent même à construire des lignes télégraphiques et à assurer le service des transports par dix-huit bateaux de grand modèle et quarante-cinq de moindre importance. Le cahier des charges, pour éviter une déperdition des capitaux, parfaitement inutile, avait prévu que les concessionnaires pourraient s'affranchir des obligations qui leur étaient imposées au point de vue de la navigation, en rétrocédant à des Sociétés spéciales les obligations et avantages résultant de ce service. Le ministre espérait arriver à grouper en. une ou plusieurs Sociétés puissantes les divers concessionnaires d'une même région, intéressés au bon fonctionnementdu service des transports, et il a abouti à des résultats satisfaisants. Un certain nombre de Compagnies de navigation françaises se sont créées les Messageries fluviales du Congo, l'Usaion des Chargeurs du Congo, qui a groupé dix Sociétés sur l'initiative des Compagnies françaises du Congo; la Compagnie de Navigation et Transport Co~tgo-Oubanghi, etc. En même temps qu'il assurait le fonctionnement des grandes entreprises, le ministre faisait une largeplace, dans son plan général de la mise en valeur du Congo français, à la moyenne. et à la petite colonisation, compléments indispensables de la grande, et se prêtant facilement à la culture et à l'élevage. Il la prévoyait tout ensemble sous forme de filiales des grandes concessions et sous forme de concessions directes, octroyées sur le territoire même des grandes concessions, dans les enclaves, ou dans des régions spécialement réservées près de la côte à des agglomérations déjà existantes. Le plan de M. Guillain a abouti à jeter dans la colonie plus de 6o millions, à y créer un service de navigation intérieure, à procurer à l'administration des ressources importantes sans engager le budget métropolitain. Une déception se produisit quand le Congo fut visité autrement que sur les bords du fleuve et de ses affluents. Les richesses naturelles apparurent infé-

rieures aux prévisions. Des territoires concédés n'étaient pas conformes au cadastre établi par les cartes; d'autres étaient recouverts d'eau pendant 9 mois de l'année, ce qui en rendait l'exploitation difficile. Mais ce furent là des exceptions rares; des 42 sociétés formées, 6 seulement ont disparu. Celles qui ont subsisté paraissent se féliciter de leurs concessions. Quelques-unes ont prospéré au point de donner des dividendes à la suite dû quatrième exercice social. Cette année, il semble que sera plus grand le nombre des sociétés se trouvant dans cecas. Quantaux autres, elles espèrent fermement le succès définitif. A un point de vue plus général, les résultats sont encourageants la moyenne annuelle du commerce du Congo est en augmentation de 5 millions sur celle de la période des trois années qui ont précédé l'ère des concessions. Quant à l'outillageéconomique,il est en train de suivre une marche que favorise le succès des exploitations

particulières;et les travaux entrepris ou à l'étude sont importants, aussi bien dans le domaine des télégraphes que dans celui des voies ferrées. A la suite de pourparlers engagés entre l'État indépendant du Congo et la colonie du Congo, il a été décidé que l'on procéderait entre Brazzaville et Kinchassa à la pose d'un câble sous-fluvial destiné à assurer le raccordement des lignes télégraphiques de l'un et l'autre pays. Cette opération devant avoir lieu prochainement, la colonie du Congo a été amenée à améliorer son réseau télégraphique. Elle a, notamment, commencé la construction d'une première ligne de Libreville à N'Djolé dont 5o kilomètres sont terminés, et d'une seconde Braz-

zaville-Bangui-Fort-Sibut-Fort-Crampel-Fort-Archambault-Fort-Lamy. La partie Bangui-Fort-Lamy ayant été réservée jusqu'à nouvel ordre, tout l'effort a été concentré sur la partie Brazzaville-Bangui. Pour arriver le plus tôt possible à un résultat utile, on a décidé que, le câble

entre Brazzaville et Kinchassa devant être prochainement immergé et la ligne télégraphique belge existant sur la rive gauche du Congo entre Kinchassa et Irébou, sur un parcours d'environ 69o kilomètres, on emprunterait cette ligne belge et on ne commencerait les travaux sur notre territoire qu'au point Liranga. Dès lors, deux sections ont été déterminées. Le 15 décembre 1904, la première de ces lignes

était construite jusqu'à

kilomètres de son point de départ au 28 novembre 1904, la seconde ligne atteignait le i7e kilomètre de Bangui. Quant aux voies ferrées, deux projets ont été tour à tour envisagés. L'un a pour tête de ligne Libreville, et, passant par N'Djolé, Lopé, Booué (sur l'Ogooué). atteint, après avoir longé l'Alima, le Congo à un point à déterminer qui pourrait être Bonga. L'autre partirait de Libreville, et parviendrait à Ouesso sur la Sangha par Kandjama. Ces résultats acquis ou ces espérances prochainement réalisables sont la justification du système des concessions. L'inconvénient qui résulte de toute tentative est compensé par l'impossibilité de rien trouver qui soit assurément meilleur. L'État ne saurait trop les encourager; en favorisantles concessionnaires, il favo51

rise la colonie. C. DESFONTAINES.


Tching-ouan-tao.

Un

Port

naissant de la Chine du Nord et la Traite des Jaunes.

Trois mots chinois qui signifient TCHING-OUAN-TAO. « île du roi Tching ». Cependant l'île n'est plus, le chenal qui la séparait du continent a été comblé depuis des siècles par les apports incessants de la marée reliée maintenant à la plage plus basse, elle forme comme un promontoire élevé, à l'abri duquel les bateaux trouvent un mouillage commode et sûr. Quant au « roi Tching », il mourut il y a quelque mille ans, et ses droits à ce territoire et

ceux de sa descendance devinrent, de par la force, en 1900, la propriété des nations alliées. Tching-ouan-taofut en hiver leur port de débarquement. Ce point de la côte du Petchili est le seul, en effet, qui ne soit pas encombré par les glaces durant la saison froide, et tout le trafic de Pékin,Tien-tsin et de la Chine septentrionalese fait alors par là, l'embouchure du Peïto et le Peïto lui-même étant rendus impraticables quatre mois environ du fait des froids ri-

goureux.

De même que par le « droit de la force », ce coin

de terre chinoise devint international en 1900, de même avec le secours de la ruse, ce territoire sera bientôt une concession exclusivement anglaise. En l'occurrence, CARTE DU PETCHILI: LE c'est une compagnie anglaise qui fait le jeu du Gouvernementanglais, trop prudent ettrop habile pour trahir à cette heure son espérance secrète. Mais soutenue ou tout au moins encouragée par lui, cette compagnie s'attribue ou revendique chaque jour des droits nouveaux. Et l'époque n'est pas éloignée, où, tout comme les descendants du « roi Tching », nous nous verrons exclus en gêneurs d'un territoire dont nous étions les propriétaires; et cela par l'habileté patiente d'une compagnie d'abord, mais aussi par l'indifférence de notre diplomatie d'Extrême-Orient, encline à se désintéresserparfois trop vite de questions

d'apparenced'unordresecondairequimenacentdedevenir des prétextes d'ennuis. On liquide pour restreindre

le champ des questions épineuses, et l'Angleterre, plus tenace et moins désireuse de situations nettes trop rapides, fait naître à dessein les complications qui las-

seront nos diplomates.

Depuis six mois environ, ce port a pris une importance extraordinaire. Les constructions s'élèvent et

s'étendent comme par magie. Warfs, quais, jetées, se multiplient, s'aménagent ou s'allongent; les bateaux se font plus nombreux, le mouvement s'amplifie avec une progression constante. Et cette activité inattendue, insoupçonnée il y a quelques mois, a comme point de départ une cause singulière et non moins cinq imprévue l'exportation de la chair jaune, cent mille Chinois doivent, dit-on, en cinq années

C'est prendre le chemin des mines du Transvaal. ici qu'ils s'engagent et c'est ici qu'ils s'embarquent. La Compagnie anglaise la ,( Mining », toute-puissante en ce lieu, s'est chargée du recrutement moyennant i livre sterling par sujet, et ses (( contractors » parcourent la Chine à la recherche de cette avantageuse marchandise. Elle est particulièrementabondante dans la Chine septentrionale, moins riche et plus montagneuse, où le froid.est rigoureux et le dénuement parfois absolu en hiver, surtout à cette heure, dans la Mandchourie ravagée par la guerre, d'où, chaque jour, les trains emmènent de nombreux convois d'émigrants. Déjà cinquante mille Chinois sont partis, et le mouvement se continue sans répit. Les recruteursaugurent bien de l'avenir aussi se sont-ils installés ici d'une façon sérieuse et définitive. Des bâtiments immenses ont été construits et très intelligemment aménagés pour y recevoir les émigrants six mille peuventy tenir à la fois, et, de quinzaine en quinzaine, des paquebots anglais, par détachement de deux mille, les emmènent vers les mines de l'Afrique australe. Et devant ce gigantesque exode, à peine à son dé-

but, s'éveille à l'esprit et sous

une forme nouvelle ce péril

PORT DE TCHINr.-OTIAN-TAO

jaune, dont s'inquiète à juste

titre l'ancien monde. Aujourd'hui; c'est l'Afrique australe; hier, c'était l'Indo-Chine, l'archipel malaisien, le continent américain demain, ce sera quelque point du continent européen où l'activité commence à faiblir, où la main-

d'oeuvre menace faillite. Bientôt, sur tous les points du globe, des petits hommes jaunes se seront installés, se seront étendus et multipliés. En raison de cette solidarité sociale qui fut leur force, ces colonies ne se mélangeront, ni ne se disperseront parmi l'élément indigène qui les aura accueillies. Elles resteront indépendantes, homogènes, et par le zèle, la ténacité et la patience, la probité et l'adresse de leurs membres, elles deviendront puissantes et entreprendront la lutte avec le commerce et l'industrie des contrées mêmes où elles auront pris racine. Et quand, plus tard, le mouvement nationaliste, qui se développe maintenant en Chine et réveille ce peuple de sa longue torpeur, aura fait de ce pays ce qu'il doit être, c'est-à-dire un foyer inépui-


sable d'activité et de production; quand toutes ses forces seront mises en œuvre et toutes ses richesses

en exploitation; quand les Européens, ses initiateurs, seront à leur tour devenus ses tributaires, alors ces colonies, répandues sur tout le globe, seront comme les points d'attache, comme les solides noeuds de ce filet gigantesque sous lequel le monde d'Extrême-

Ajoutez à cela le cortège des bronchites et des congestions, vous aurez l'inventaire de la douleur physique en Afrique occidentale. Tels sont les adversaires que devront combattre les médecins appelés à la conquête pacifique de l'indigène, par M. Roume.

Orient s'efforcera d'envelopper, d'étreindre et d'étouffer l'existence lasse et épuisée des barbares d'Occident. PONT-PINET.

dans un Harem de Perse.

Une Anglaise

Appel de M. Roume, Gouverneur général de l'Afrique occidentale, aux Médecins français. Roume, gouverneur de l'Afrique occidentale française, est en ce moment de

passage à Paris. Il y recrute des médecins pour le vaste territoire qu'il administre avec vigilance. Soucieux de conserver à la France des populations qui sont décimées par l'absence de soins; convaincu d'ailleurs que ce souci de leur santé et les cures de nos praticiens. sont un admirable adjuvant pour s'assurer la sympathie des noirs, il fait aux jeunes docteurs de nos facultés un appel qui a bien des il demande quatre-vingtchances d'être entendu neuf médecins pour en faire les apôtres de l'hygiène et de la civilisation dans quatre-vingt-neuf cercles de l'Afrique occidentale française. Les deux fléaux les plus redoutables qu'ils auront à y combattre sont le paludisme à l'état endémique, la fièvre jaune à l'état épidémique. Cette dernière n'atteint que les blancs. Mais le paludisme ruine l'enfance et dégénère la race noire. Les découvertesde Laveran et de Ronald Ross ont démontré que ces deux maux ont pour véhicule un moustique. Parmi les trois cents espèces de moustiques qui sifflent aux oreilles de l'homme, en Afrique, deux sont dangereuses l'anophèle, qui dbnne le paludismé; le stégomya, qui porte la fièvre jaune. L'un et l'autre se propagent par la ponte sur les eaux croupissantes. Il faut donc apprendre à l'indigène fart d'assainir, le goût de supprimer les plus petites mares. Il faut imposer les grillages et les moustiquaires. Il faut indiquer l'isolement du malade. Les enfants atteints de paludisme propagent le mal à l'infini comme les indigènes adorent leurs enfants, le médecin sera toujours bien reçu en ses soins. A côté de ces deux fléaux, le médecin trouvera à exercer son art sur les maux de notre Europe la variole fait des ravages cruels. Et, chose curieuse, c'est le seul mal que l'indigène essaye de combattre autrement que par des pratiques de sorcellerie ou de superstition. Il combat la. variole en s'inoculant le pus du variolé c'est une vaccine antérieure à la vaccine, mais fâcheuse en ses effets.

ne sont pas timorées; on en voit qui se hissent au sommet du Cervin et du Weisshorn,

Lss Anglaises

ou qui s'aventurent toutes seules dans les coupe-gorge de la Macédoine; mais la perspective de vivre dans un harem, en qualité d'épouse d'un Osmanli, qui a droit de vie et de mort sur ses femmes, ferait reculer les plus intrépides. Elle n'a pas effrayé cependant une femme anglaise, fille d'un officier de l'armée coloniale, Miss Muriel Babington. Rencontrant à Téhéran le prince Abdullah Hussein Khan, cousin du shah de Perse, elle s'en éprit. Ses charmes permirent à 1.'imprudente de réaliser son voeu. Et les portes du harem d'Abdullah se refermèrent sur elle'. Il faut dire que le Persan se montra bon prince, etlui adoucit l'épreuved'initiation à la vie conjugale du pays. Elle reçut le nom de Beebee Khanung ou de Dame des Dames, en d'autres termes de première épouse, et le titre de princesse. Elle eut son appartement particulier, meublé à l'anglaise, avec un joli jardin qui lui rappelait ceux de son pays. Son mari paya des robes qu'elle faisait venir de Paris. Il eut pour elle les manières d'un gentleman. Toutefois, pendant les cinq années que dura son séjour au harem, la petite princesse ne put se soustraire au sort réservé aux pâles recluses des unions musulmanes il lui était interdit de voir un homme; elle ne pouvait se montrer en public qu'en dérobant ses traits sous un voile épais; elle dut subir la surveillance odieuse des 'eunuques; enfin elle dut se convertir à la religion musulmane. Elle n'en mourut pas; elle n'a pas l'air d'en avoir souffert outre mesure à son retour en Europe, elle parle de tout cela d'un air dégagé, qui n'est pas d'ordinaire celui des martyrs. Ame légère et peut-être un peu superficielle, les ennuis de l'exil, du sérail et de

l'abjuration n'ont faitqueglisser sur elle. Le piquant de la nouveauté, la bizarrerie de sa situation, les mystères du harem excitant sa curiosité féminine, lui ont fait oublier tout le reste. Les Persanes, qu'un Européen n'aperçoit que voilées, ont, à en croire la princesse Beebee, les traits rudes et le visage anguleux. Elles passent leurs journées à se maquiller, à promener le pinceau sur leurs sourcils de manière à les rendre d'un noir su-

perbe et à faire se rejoindre les deux arcades sourcilIères, ce qui est l'idéal de la beauté aux yeux des Perelles font subir à leur chevelure jusqu'à sept sans

page 395, le l, Voir dans A Travers le Monde, 1904, récit d'une aventure analogue arrivée à des Américaines.


lotions par jour, pour la teinire d'un noir de jais Toute autre couleur, dans cet ardent pays, est considérée comme fade. En dehors de ces soins minutieux de toilette, qui leur prennent le meilleur de leur temps, les Persanes ne font rien, ne pensent à rien, ou s'amusent comme des enfants des choses les plus niaises. Leur ignorance est absolue; et, en dehors du désir de plaire à leur époux et maître, et de la crainte qu'il leur inspire, rien ne fait battre leur cœur; leurs enfants leur s'ont indifférents elles les abandonnent aux soins de vigoureuses nourrices arabes. Les vexations ou la complicité intéressée des eunuques entr'ouvrent la porte aux seuls incidents qui rompent l'affreuse monotonie d'une vie pareille furtives infidélités, rivalités, plaintes et querelles, viennent troubler pour quelques heures le silence de mort qui règne" derrière ces portes closes. L'arrivée d'une Anglaise mit cependar1t tout en révolution chez le prince Abdullah Hussein Khan. Son charmant caractère, sa facilité à s'accommoder des situations les plus inattendues, lui concilièrent vite les sympathies de toutes les favorites dont elle devenait la compagne. Ses toilettes européennes, la manière dont elle se coiffait, tout devint pour elles un sujet d'hilarité, de curiosité, d'admiration on lui fit mille questions naïves. Pour la première fois, des Persanes, pour faire comme elle, emprisonnèrent leur poitrine dans un corset, et elle raconte avec satisfaction qu'une des épouses du shah, ad0ptant ses toilettes, toutes les dames de la cour firent comme elle, et qu'ainsi la princesse Beebee eut la gloire de lancer dans les harems de Perse les dernières modes de Paris Il fallait bien ces petites distractions pour supporter une vie pesante, où, à part ses compagnes. à part les eunuques et, de loin en loin, son époux, elle ne voyait âme qui vive. Les favorites se faisaient raconter les merveilles de la vie européenne; et quand la petite Beebee leur disait qu'en Angleterre la femme mariée est respectée de tous, hOl1orée chez elle, qu'elle a le droit d'aller et de venir, d'agir et de parler sans avoir rien à craindre de la part de son mari, elles gémissaient « Oh comme nous voudrions vivre en Angleterre! » s'écriaient-elles. Sauf leur mari, leur grand-père ou leur père, aucun homme ne peut entrer dans le harem. Seul, le shah de Perse a le droit de voir de près et non voilées toutes les sujettes de son empire. Quand la princesse perdit son époux, de riches Persans briguèrent sa main mais elle en avait assez, et annonça son intention de rentrer en Angleterre. Vif émoi à Téhéran, car la loi interdit à toute fille, femme ou veuve d'un Musulman, dedisposerlibrement de sa personne; d'autant plus que la princesse pouvait dévoiler les mystères du harem, autre scandale qui, en Perse, est puni de mort. Et, de fait, elle fut victime de trois tentatives d'empoisonnement.Jamais elle ne serait sortie vivante de ce pays-là, si l'ambassade d'Angleterre n'avait pas veillé sur elle jusqu'au jour de son départ. Le Gouvernementpersan fut averti que l'Angleterre le rendrait responsable de tout ce qui pourrait arriver de fâcheux à la jeune femme, qui s~ réclamait de sa qualité de fille d'un citoyen anglais. La princesse Beebee vit maintenant à Londres avec son fils, âgé de huit ans. Allah Nosrit (Donné de

Dieu) est le nom de ce petit b~nhomme, qui est fier comme Artaban, fume des cigarettes et traite les Européens de singes. C'est, paraît-il, la coutume en

bon Musulman, il a horreur des chiens, repousse le vin et les liqueurs et refuse de manger du porc. Quand on lui dit qu'il est maintenant citoyen anglais, il se récrie et veut rester l'heureux sujet du Roi des Rois. Contrairement aux Parisiens de Montesquieu, ce petit bout d'homme ne peut pas comprendre comment on peut être autre chose qu'un Persan.

Perse

zEn

Le président Th. Roosevelt, des Allegbanys au Mississipi

La conquête de l'Ouest

(t~6J-t~).

Albert Savine. Paris. Dujarric et CIe, Saints-Pères. ~9oj. Prix 3 fr. ;0.

Traduction éditeurs, 5°, rue~des

LES œuvres du président Roosevelt ne laissent en Amérique

l'auteur, son goût de l'action, son rôle dans l'orientation politique mondiale, font qu'un livre de lui mérite de retenir l'attention de tous les gens cultivés. Il faut donc louer M. Albert Savine d'avoir traduit pour le public français la Conquête de l'Ouest, personne indifférent. Mais la personnalité de

qui parut en 1889 et qui est le récit des exploits accomplis par les pionniers hardis qui, il y a un siècle et demi bientôt, s'établirent dans l'ouest des monts Alleghanys, en refoulant

les Indiens qui y vivaient. M. Th. Roosevelt,.qui a vécu de longues années dans « l'Ouest » actuel, c'est-à-dire dans la région des montagnes rocheuses, y gardant ses troupeaux de bêtes à cornes, y chassant rours, le bison, le daim, et y établissant le gouvernement civil, était qUllifié mieux que quiconque pour écrire l'histoire de luttes anciennes qui eurent pour théâtre le Ken tucky et la vallée du Mississipi, et qui ressemblaientà celles que lui-même eut à soutenir. Son ouvrage est à lire. Il intéressera en instruisant.

Pierre L9coy-Beaulieu.

Les États-Uais ars XXr siècle.

fort vol. in-18 jésus, de ¢go pages. Librairie Armmd Colin, 5, rue de Mézières. Paris. Bro~hé 4 francs. 1

CE nouveau livre de l'auteur des

Nouve les Sociétés Au~lode la Rénovation Saxonnes et de l'Asie vient à son heure Les Etats-Unis, qui convient en ce moment toutes les nations à venir contempler à l'Exposition de Saint-Louis le spectacle de leur merveilleux progrès, débordent de plus en plus sur le monde. Au moment où s'affirme leur concurrence politi-

que, où redouble leur concurrence économique, il est indispensable de bien connaitre les forces de ces redoutables rivaux et de se rendre compte de l'œuvre qu'ils ont déjà accomplie. C'est ce que permet de faire le livre de M. Pierre LeroyBeaulieu, qui constitue un tableau complet de l'activité du peuple américain et des productions qu'il tire de son territoire. L'auteur débute par l'étude de la population des EtatsUnis. passe ensuite à la production agricole et industrielle puis il en décrit toutes les principales branches, indiquant les résultats obtenus, les causes qui accélèrent ou retardent leur développement. Il termine par l'étude de l'industrie des transports, des. cheminsde fer dont le réseau est si étendu et l'exploitation si bien organisée, et enfin par celle du commerce extérieur et de la navigation. M. P. Leroy-Beaulieune s'est pas borné à une étude purement statistique. Connaissant le milieu américain par un séjour prolongé qu'il a fait aux Etats.Unis, il y a peu d'années, il met en relief le côté social aussi bien que le côté économique des diverses questions qu'il aborde, et il recherche les facteurs moraux, aussi bien que les facteurs matériels des succès des Américains. Ce substantiel ouvrage, riche de faits et d'idées, s'impose à l'attention de tous ceux qui veulent comprendre le sens et la direction du prodigieux essor de la démocratie américaine,


La réorganisation militaire du Maroc par

la France.

Un article de la Nouvelle Revue explique quel est le programme du commandant Fariau, chef de la mission militaire de Fez, pour la réorganisation militaire du Maroc par la France. Il faudrait, de l'avis du commandant, non pas constituer un organisme nouveau, mais étendre les attributions de la mission militaire française; le sultan accepterait en efïet, plus volontiers qu'une innovation, le développement d'un rouage existant. Et en trois ans, on arriverait à des résultats

définitifs. Actuellement, l'armée marocaine se compose de contin-

gents formés

certaines tribus (dites du Guich ou Maghzen" fournissant des contingents permanents, en échange de cer10

Par

tains avantages;

les tribus de Naiba, payant l'impôt et fournissant les contingents Nouaib pour les expéditions de guerre. En principe, ces contingents sont groupés suivant leur origine; mais pour certains corps spéciaux, tels que les artilleurs, il existe des groupements d'origine diverse. Ainsi, le Il tabor » des Harraba, corps d'infanterie instruit par le caïd anglais Mac Lean, qui atteint plusieurs milliers d'hommes (1 500 sont présents à Fez actuellement), est dans ce cas. Il cavalerie du major anglais en est de même du « tabor Ogilvy. La mission française instruit un corps de cavalerie de même nature. L'unité administrative est le « tabor », qui comprend théoriquement 1 5 12 hommes et est subdivisé à un certain nombre de « mia », ce qui signifie centurie, la plupart du temps, d'ailleurs, inférieure à cent hommes. Il suffit, pour donner de la cohésion à cette troupe, d'y supprimer les non-valeurs, de lui payer régulièrement sa solde, de l'habiller, la loger, la vêtir honorablement, enfin d'unifier l'armement. Notre mission militaire devrait comprendre, pour être complète, 20 officiers français, 5 officiers indigènes algériens, des sous-officiers français, 47 sous-officiers et un certain nombre de soldats indigènes algériens. Un sous-officier et un soldat modèle, chargé de la garde, de l'entretien et de la démonstration pratique des armes, seraient en outre placés dans chaque mia », Le chef de chaque section recevrait le contrôle de tous les hommes, chevaux, matériel, etc., des troupes placées sous sa direction et en assurerait la surveillance sans vexations inutiles. Il devrait, en outre, être formellement investi du droit de punir, pour assurer l'exécution de ses ordres, et dans des limites stipulées d'avance. 20 Par

de

Corps d'automobilistes en Allemagne.

Le M:lrtcer Wocbenblattnous apprend l'existence d'un corps d'automobilistesallemands qui s'engagent à servir en temps de paix et de guerre. Ils doivent être de nationalité allemande, posséder des moteurs d'au moins douze chevaux, avoir le certificat de conducteur. Pendant quatre ans, ils s'engagent à fournir trois périodes de service dont chacune ne doit pas

dépasser dix jours; en cas de guerre, il n'y a aucune limite de temps à leur service. C'est l'Automobile-Club allemand qui a pris l'initiative de cette organisation, et communique les noms des volontaires au ministère de la guerre, auquel doivent obéissance ensuite ceux qui ont pris cet engagement.

Les blessures faites par les fusils d'infanterie en Extrême-Orient. Les Russes recon-

naissent la nature bénigne des blessures faites par le fusil d'infanterie japonais. Si une blessure ne cause pas immédia-

tement la mort, elle guérit après un temps remarquablement court. Les journaux russes publient des communications faites par des médecins d'après lesquelles une série. de blessures, que l'on considérait jusqu'à présent comme mortelles, ont presque sans exception été suivies de guérison. Récemment, les blessures graves par le tir d'infanterie paraissent être devenues plus fréquentes, de sorte qu'on a soupçonné :es Japonais d'avoir modifié leur balle d'infanterie. L'effet du fusil d'infanterie est généralementdésigné comme grave, du côté russe comme du côté japonais.

1

J,

Une comparaison des armes n'est pas sans intérêt. Le fusil russe a calibre 7 ,62mm; poids du projectile, gr. vitesse, 620. Le fusil japonais Meidji de toute l'infanterie de ligne,

calibre, 6, 5; poidsdu projectile, 1) gr.; vitesse, 725, Le fusil Murata, de toute l'infanterie de réserve, calibre, 7,5 poids du projectile, 13 ou 14 gr.; vitesse, 6.30. On peut supposer que les blessures plus graves observées récemment du côté russe ne sont pas dues forcément à un changement du projectile japonais, mais proviennent du fusil Murata, dont les données. balistiques correspondent parfaitement au fusil russe. Le War Office a Le nouveau fusil anglais. donné ordre de pousser activement la fabrication du nouveau fusil à canon court. Les fusils de l'armée métropolitaine et ceux de l'armée des Indes seront transformés immédiatement. Le coût de la transformation sera de onze shillings par arme. Les ateliers nationaux d'Enfield ont centralisé les commandes. Les usines de Birmingham ne seront chargées que des réparations; en cas d'urgence, elles pourront fabriquer, elles aussi,. des quantités de fusils. Le Gouvernement pousse activement l'achèvement du nouvel arsenal construit aux Indes, afin d'assurer la réfection de l'armement des troupes anglo-indiennes. a

a

L'espionnagejaponais.-L'espionnage afourni, au cours de la guerre actuelle, aux Japonais des renseignements d'une étonnante précision, ce qui a été d'autant plus important pour eux que c'était à peu près leur seule source d'information. Ils ont pourtant toujours été bien renseignés sur la situation et les effectifs de l'armée russe. Cela n'a été possible que par le soin avec lequel ils avaient préparé avant la guerre le fonctionnementde l'espionnage dans toute la Mandchourie. Au cours de l'été de 1904, a été signalée la présence, sur le champ de bataille même et au milieu des troupes russes, de nombreux Chinois faisant aux Japonais des signaux au moyen de miroirs ou de fanions pour leur signaler les emplacements occupés par leurs adversaires. Des espions chinois

arrêtés et interrogés ont reconnu avoir été spécialement préparés à ce rôle avant la guerre par des émissaires japonais, et avoir reçu une solde du Gouvernement nippon plusieurs mois déjà avant l'ouverture des hostilités. Le Novoié Vrémia nous apprend maintenant que peu avant les batailles autour de Moukden, la police militaire russe avait découvert dans cette ville un bureau de renseignements japonais parfaitementorganisé, dans lequel le service était fait par 17 Chinois. On y trouva des cartes indiquant toutes les positions russes autour de Moukden, et des rapports explicatifs détaillés et fort exacts y étaient joints, prêts à être envoyés. Interrogés, ces Chinois avouèrent avoir reçu une instruction spéciale pour les préparer à ce service, et ils déclarèrent que d'autres bureaux de renseignements fonctionnaient dans des localités occupées par les Russes.

La Réorganisation de la Marine chinoise.

Sous l'influence marquée des conseillers japonais du Gou-

vernement chinois, l'étude de la réorganisation de la marine

chinoise est activement poussée. D'autre part, l'Amirauté anglaise autorise l'envoi de cadets des écoles navales chinoises à bord des navires de l'escadre anglaise des mers de Chine pour y compléter leur instruction. A l'heure actuelle, six d'entre eux, envoyés par Tuan Sang, gouverneurdu Hounan, ont déjà été embarqués. Un plan de refonte de la marine chinoise, proposé par le grand état-major sous la présidence de Yuan Shi Kai, assisté du prince Pu Lung, commissaire du Gouvernement chi. nois à l'exposition de Saint-Louis, du prince Ching et de Tich Liang, prévoit la création d'un ministère de la marine et d'écoles navales. La dépense annuelle prévue serait de 48 millions de francs, que l'on demanderait aux provinces. Mais les estimations faites jusqu'ici ne permettent pas d'espérer plus de 10 millions, ce qui compromet la réalisation de ce plan.


Le Commerce étranger au Congo français. Dans notre précédente chrmtt'que, nous avons étudié le système des concessions en vtgueur au Congo français; mais cette étude sur le régime économique de notre colonie serait incomplète si nous n'indiquions pas la part qu'a ~rise le commerce étranger dans son exploitation Hollandais, Portugais, Allemands, Anglais et Belges y ont des comptoirs et des plaxtations ils absorbent une grandepartie des forces vives du ~ays.

C' ESTsans aucune entrave, en toute liberté et avec

les mêmes facilités dont jouissent nos propres

nationaux, bénéficiant ainsi ad libituna et au même titre que notre commerce, des sacrifices importants auxquels nous astreint la possession de notre grande colonie noire, que s'exerce le commerce étranger au Congo français. Aussi, presque toutes les nations commerçantes de l'Europe y possèdent-elles, soit sur la côte, soit dans l'intérieur, des établissements plus ou moins nom-

d'une incroyable diversité, l'abondance et la qualité des «( chops (ravitaillements), complètent les bienfaits d'une installation pratiquement conçue et assurent au personnel des maisons hollandaises la santé, si nécessaire à la prospérité des affaires.. Négociants sérieux et probes, d'une sûreté de relations à citer en exemple, les Hollandais que j'ai connus au Congo se livraient surtout au commerce de détail, faisant en même temps le gros et le demi-

gros, à l'usage des trafiquants

breux qui, après avoir

de moindre importance obli-

longtemps rivalisé avec les maisons françaises, y sont

gés de s'approvisionner sur

pourla plupart, à se placer aux premiers rangs. Parmi les étrangers qui, pacifiquement, recueillentavec nous les fruits

d'autre

place.

Ce sont,

parvenus,

part,

les Portugais,

qu'un mélange indiscutable de

races

a

faits

presque sémites dans leur pays d'origine

et qui ont conde notre occuLIBREVILLE.VUE DE LA JETÉE. servé des Arapation, je citebes, leurs anD'après une photographie. rai d'abord les ciens maîtres, Hollandais, les premiers en date dans nos territoires du Haut-Congo. cette indifférence absolue du confort que nous pouLeurs factoreries sont en général bien aménagées et vons constater, encore aujourd'hui, chez nos sujets musulmans. Ceux-là sont d'une âpreté qu'on ne réunissent à peu près les conditions essentielles de bien-être et de confort si indispensables aux blancs retrouve guère que chez les Mozabites ou les Juifs d'Algérie, et s'accommodent parfaitement du plus dans tous les pays intertropicaux. La grâce coquette misérable logis, le plus souvent même d'une case des habitations, spacieuses et commodes, réservées au unique sans air et sans lumière, boutique humide logement de leurs agents, contribue largement à préet malsaine où s'entassent, dans un pittoresque douserver ces derniers des atteintes de l'ennui qui, sous teux, les marchandises d'échange les plus disparates ces latitudes déprimantes, est une maladie mortelle. L'activité salutaire que doivent, au reste, déployer des et les denrées les plus odorantes. Une simple natte leur tient lieu des meubles les plus usuels et compose commerçants tous les jours occupés à des travaux A TRAVERS LE MONDE.

1 7e

LIV.

N~ 17.

29 Avril ~9os.


parfois tout leur mobilier; il n'est, par surcroît, aucune des imprudences si fatales aux autres blancs, dont ils ne soient impunément coutumiers, allant et venant à toute heure du jour, tête nue sous l'ardent soleil des tropiques, sans en éprouver jamais le moindre inconvénient. Quant à leur nourriture, à peine différente de celle des aborigènes, laquelle est à peu près exclusivement composée de manioc ou de cassave (farine de manioc), agrémentée de poisson sec ou, plus rarement, de viande boucanée, elle serait pour nous tout à fait insuffisante et bientôt nuisible même à nos estomacs plus délicats. Ces demi-nègres, comme on les nomme au Congo, à cause sans doute de leur teint hâlé, façonnés en quelque sorte par leur nature ou par une longue accoutumance et largement métissés, d'ailleurs, depuis l'époque reculée de leur arrivée en Afrique, ne poussent cependant pas toujours jusque-là leur mépris intéressé des ma-

goûts et à leur activité naturelle. Leurs comptoirs toutefois achètent également du caoutchouc, dont ils exportent, chaque année, d'importantes quantités. Partout essentiellement pratiques et d'ailleurs fort bien outillés, car ils ne manquent jamais de ce qu'on est convenu d'appeler le nerf de la guerre et qui pourrait être aussi bien dénommé celui du commerce, ils n'ont d'autre objectif que les affaires et réussissent sûrement là où bien d'autres échoueraient peut-être. Ils sont favorisés, il est vrai, par une endurance remarquable; certain directeur de société, au Gabon, par exemple, compte actuellement huit ans de présence non interrompue dans la colonie et ne paraît nullement souffrir de cette pérennité de séjour dans l'étuve équatoriale, où se renferme entièrement le cycle de ses opérations commerciales, tenant très brillamment, après quelques missionnaires évangéliques, le record. de la résistance aux débilitantes moiteurs des régions tropicales. Le commerce des bois cependant est des plus ingrats, et n'est susceptible de rapporter des bé-

térialités de la

vie, et l'on peut voir chez eux,

dans l'Angola, sur la rive gauche

du bas fleuve, et dans le Cabinda, au nord de l'Angola et sur la rive droite, des installations moins ru-

néfices qu'à la

condition de s'y

faire sur une grande écheIIe.II

faut donc, dans cette branche in-

dimentaires et d'un extérieur

téressante de l'ex-

ploitation industrielle au Congo, ,1 é pen s e une somme d'efforts

plutôt gracieux. Mais, ici ou là, ils professent, en général, la plus grande indifférence pour les

.11 Il.

élémentaires de l'hygiène et sont affligés d'une ré-

personnels infini-

ment plus considérable que dans toute autre et y surmonter, à cha-

> ENTRÉE DE LA RÉSIDENCE A I3AF'10.

D'après une photographie.

Dutation oui. au moral, ne rend pas leur portrait plus séduisant. Il convient néanmoins de leur reconnaître, au point de vue commercial, des qualités maîtresses qui nous font malheureusement trop souvent défaut. Economes par tempérament et par volonté, totalement dénués d'aspirationsdispendieuses,ils peuvent limiterleurs prétentions et savent n'exiger dans leur trafic que des bénéfices raisonnables, bien qu'encore très élevés eu égard aux faibles capitaux qu'ils ont engagés. Aussi grâce, au surplus, à leur familiarité native pour les noirs, dont ils connaissent bien la langue, les goûts et le caractère, parviennent-ils rapidement à gagner une aisance que leur grande aptitude pour le commerce spécial de ces pays ne tarde pas à transformer en véritable fortune. Viennent ensuite les Anglais, qui ne possèdent aucun établissement dans l'intérieur, mais détiennent sur la côte, de Loango à Libreville et de Libreville au Mouni, une grosse partie de l'exploitation des bois. Sans résignation pour la monotonie dangereuse d'une existence casanière, ceux-ci ont choisi et adopté le genre de commerce qui répondait le mieux à leurs

que

instant, les

difficultés que soulève la pénurie de la main-d'oeuvre; or la châleur interdit formellement aux blancs toute occupation manuelle, et les noirs, qui ne travaillent que contraints et forcés, ne se décident bénévolementà se charger de la rude manipulation des bois qu'à la dernière extrémité, et grâce encore à l'appât d'un salaire déjà relativement important, mais qu'ils exigent de jour en jour plus élevé. En dépit de si fâcheuses difficultés, les exploitants anglais ont pu, en ces dernières années, donner à leur industrie une extension telle, que le chiffre de leurs affaires, approximativement évalué suivant une mercuriale établie pour le calcul des droits de douane, atteignait déjà en l'année 1902 et dans cette espèce seulement, jusqu'au tiers de l'exportation totale de la colonie, soit 4°0000 francs. Les exportations générales, effectuées au profit de l'Angleterre, atteignaient environ i million et demi, chiffre sensiblement égal au quart des exportations étrangères totales et au cinquième de l'exploitation annuelle. L'ivoire figure dans ce calcul pour la somme

ou


minime de i 5oooo francs, le piassava pour une valeur un peu supérieure; mais le caoutchouc, qui est avec les bois l'article capital des exportations anglaises, arrivait au chiffre de 700000 francs environ, représentant le quart des exportations françaises et étrangères totalisées. Les importations anglaises consistent principalement, comme sur toute la côte occidentale d'Afrique, en tissus imprimés, unis ou de dessins variés, de dimensions inusitées dans nos métiers et qui sont celles que les nègres désirent et recherchent à l'exclusion de toutes autres et au mépris même de la qualité. Le chiffre total des importations de toute nature, originaires de l'Angleterre, dépasse annuellement i million et demi et balance à peu près celui des exportations. Le commerce anglais au Congo est donc, en chiffres ronds, de 3 millions de francs, soit des trois cinquièmes environ du commerce français. Encore ces chif. fres, qui résultent de comparaisons faites à l'aide de statistiques douaniè-

coup de produits introduits viâ Anvers et classés aux importations belges étant en réalité d'origine allemande. Enfin les Belges, auxquels ne paraissent pas suffire les immenses étendues du Congo indépendant et les débouchés nombreux qu'y peut encore briguer leur ardeur coloniale, ont aussi cherché au Congo français l'emploi d'aptitudes réelles, mais longtemps insoupçonnées.Ils ne sontpoint, à vrai dire, très nombreux mais il est, en tout cas, bien peu de sociétés concessionnaires qui n'aient pas eu recours aux capitaux étrangers et ne comptent dans leur sein une grande quantité d'actionnaires belges. C'est là, sans doute, une constatation douloureuse et inattendue; elle est cependant strictement conforme à la réalité des faits, et prouve une fois de plus l'excessive prudence et la timidité de nos capitaux. Une partie plus ou moins importante du commerce national estainsi détournée au profit

d'associations

quasi étrangères qui, heureusement tenues par un cahier des charges à certaines obligations inéluctables, ont, il est vrai, leur siège social à Paris et des di-

officielles, restent-ils forres

cément au-dessous de la vérité car nombreux sont les produits an-

glais,

recteurs

alle-

çais en Afrique.

mands ou belges, qui n'ont fait que passer en France et, après avoir été

ainsidénationalisés, sont importés dans la

fran-

Encore,cesobligations ne sontelles pas tou-

PAYSAGE CONGOLAIS: LA VALLÉE DE LA WOM.

D'après une photogoaphie.

colonie comme marchandises françaises, la provenance immédiate de ces marchandises étant seule en cause. Le commerce anglais est donc plus important encore que ne le montrent les chiffres de la Douane, et l'on peut l'évaluer approximativement, sans craindre de tomber dans une exagération pessimiste, au quart au moins du commerce total du Congo. Les Allemands, moins nombreux, ne possèdent également de comptoirs que sur la côte. Le chiffre de leurs importations n'était en 1902 que de 400 à 450000 francs, presque égal à celui de leurs exporta-

tions.

Le commerce de l'Allemagne ne représente donc guère, en apparence, qu'un peu plus de la dixième

partie du commerce étranger. dont la totalité peut être évaluée à plus de 7 millions et demi c'est à peine le tiers du commerce de l'Angleterre et le cinquième seulement de celui des autres pays étrangers réunis; mais ici, plus encore que pour les autres nationalités, il convient de faire des réserves, beau-

joursrespectées dans la pratique je connais au moins une

société qui

n'estpasdirigée tourné la difficulté en ne nommant pas de dirécteur et en se sur place par un agent français. Elle

a

faisant simplement représenter par un agent belge, qui est supposé n'en remplir les fonctions que provisoirement et par intérim; grâce à cette adroite violation des règlements, la société en question n'a pas de directeur français et ne se gêne pas plus pourrecruter presque tous ses agents en Belgique. Indiquées en bloc, sous la rubrique « autres pays dans les statistiques de fin d'année, les importations étrangères, autres que celles de l'Allemagne et de l'Angleterre, comprennenttoutes les marchandises, généralement d'origine belge et hollandaise, qui sont expédiées dans les régions de Brazzaville et au delà, par la voie belge d'Anvers-Matadi. Ces importations dépassent annuellement 800000 francs, les ÉtatsUnis figurant dans ce chiffre pour une soixantaine de mille francs. Les exportations, classées dans la même catégorie et quittant pour la piupart le Congo par la même


voie à destination de la Belgique, se chiffraient par une somme de 3 millions et demi. En résumé, le mouvement commercial étranger au Congo français atteignait au commencement de 19°3

Pour les

importations. exportations.

2 5oo ooo Fr.

5 500000

D'où une différence approximative de 3 millions de francs en faveur des exportations. Le commerce général était desservi par une centaine de navires parmi lesquels 15 anglais, 15 allemands et une trentaine environ provenant de colonies étrangères. Ces 6o bâtiments représentaient un tonnage d'à peu près 85000 tonnes et comportaient plus de 2000 hommes d'équipage. Or le nombre des navires français visitant les ports de la côte congolaise n'arrivait tout au plus qu'au chiffre de 4°, et se trouvait être ainsi en minorité sensible par rapport au nombre total des navires étrangers. Ce nombre est d'ailleurs proportionné au développement encore peu considérable de notre commerce, l'ensemble des importations et des exportations françaises pour l'année 1902 étant à peine supérieur à 5 millions de francs, alors que les mêmes opérations donnent pour l'étranger le chiffre approximatif de 8 millions. Voilà, certes, des constatations qui parlent suffisamment d'elles-mêmes pour que je me dispense d'en tirer plus clairement une conclusion. Il apparaîtra certainement aux lecteurs de cette rapide étude que l'avantage retiré par le commerce national d'une possession qui coûte encore à la France tant de sacrifices, n'est pas tel qu'il pourrait et devrait être. Il faut que notre grande colonie africaine, qui ne sera jamais une colonie de peuplement et ne doit être considérée que comme un débouché réservé à notre industrie et à notre production, devienne un marché plus français, et il semble que ce résultat puisse être aisément obtenu par l'application d'un système de taxes approprié. Aussi, est-il indispensable de créer d'abord, en vue de faciliter cette solution, un courant d'opinions favorables la revision des tarifs et conventions actuellement en vigueur et si peu profitables à l'accroissement de notre commerce colonial. Le régime douanier que nous imposent l'acte de Berlin et le protocole de Lisbonne, jusqu'au 2 juillet bassin 1905, pour toute la région comprise dans le conventionnel du Congo, est un obstacle absolu à la mise en pratique immédiate d'une organisation nouvelle, mais il serait bon, pour la défense de nos intérêts en Afrique. de mettre d'ores et déjà les pays contractants à même d'envisager l'éventualité d'une modification importante à introduire dans nos conventions douanières. Les difficultés que soulèvera sans aucun doute

la question, en seraient probablement atténuées à l'heure, déjà prochaine cependant, où pourra s'ouvrir l'ère nouvelle et désirée dont devra dater la prospérité du commerce national au Congo français.

J.

PERVIEUx DE LABORDE, Adminiarateur-adjoint des co~onics. iy

L'Infiltration japonaise en Extrême-Orient. LES Japonais ne se contentent pas d'agir en-ExtrêmeOrient les armes à la main en Corée, ils travaillent à une main-mise définitive sur le Gouvernementet le pays. M. Megata, conseiller financier, a supprimé les prélèvements d'impôts que l'empereur avait attribués à son usage propre(mines, monopoles, ventes de charges, grades, fonctions et dignités). M. Stevens, le nouveau conseiller pour les Affaires étrangères,s'est vu conférer le droit de pénétrer en toute occasion au Conseil d'État et à la Cour, il devient le maître du souverain. En matière de travaux publics, même activité la ligne Fou-san-Séoul est ouverte au trafic depuis le re~ janvier; on espère terminer pour la fin de l'année celle de Séoul à Gen-san qui, reliée au tronçon Tchemoulpo-Séoul, formera d'une mer à l'autre le Transcoréen. La ligne de Séoul au Yalou est achevée jusqu'à Ping-yang. On travaille activement à la seconde moitié, de Ping-yang à Antoung. En Mandchourie, le chemin de fer à voie étroite d'Antoung à Liao-yang fonctionne depuis plusieurs mois. La ligne de l'EstChinois est donc à la veille d'être normalement rattachée aux voies coréennes. Enfin le trajet de Tokio à Séoul, qui durait sept jours, n'est plus que de cinqùante-sixheures. Et l'immigrationjaponaise bénéficie largement de ces facilités nouvelles de communication. On donne comme probable l'organisation d'un protectorat militaire du Japon sur la Corée, de même que l'administration intérieure et l'instruction publique passeraient sous le contrôle d'agents japonais. En Chine, l'influence nipponne n'est pas moins envahissante. Le Gouvernement chinois redoutant les conséquences d'une intervention dans la guerre actuelle voudrait ne pas bouger. Mais ses vice-rois sont ardemment japonophiles, et prêtent leurs bons oftlces à la pénétration de leurs amis qui, sous le couvert de toutes fonctions, s'introduisent partout. D'aillrurs, le Japon attire les Chinois sur son territoire; le nombre des étudiants chinois y est de plus de deux mille. L'école dé Chan-hou compte trois cents élèves officiers chinois, qui, après deux ans d'études, font un stage dans un régiment japonais. Si l'on rapproche de cette vaste organisation le mouvement créé par l'association indo-japonaise pour détourner les femmes indiennes des leçons de l'Angleterre et les attirer au Japon; si l'on se souvient de certains voyages mystérieux que des missions japonaises ont faits aux Indes, en Afghanistan et jusqu'en Perse, inquiésans ouhlier l'Indo-Chine; si l'on se rappelle les tudes causées naguère aux Australiens par l'importance croissante de l'immigration japonaise dans le sud de leur territoire, on est amené, même en écartant la théorie du péril jaune sous sa forme brutale de menace militaire contre l'Europe, à considérer comme un fait chaque jour plus digne d'attention la main-mise du Japon sur l'Asie orientale.


ne saurait tarder désormais où la ligne sera livrée à l'exploitation. sur tout son parcours. Les travaux de Tourane-Hué et de Saïgon-Tanline, qui ont dû être mis en régie, sont moins avancés. Néanmoins on peut prévoir leur achèvement pour la fin de 1905 et, au plus tard, pour le commencement de 1906. Déjà. la section Saïgon-Tan-line, qui comprend 132 kilomètres, est en service sur 7 kilomètres. Cette première série de travaux a semblé être assez près de sa fin pour que le ministère songeât à mettre en main la seconde, et le décret du 27'janvier

La Construction des Voies ferrées en Indo-Chine. Résul-

tats acquis. Seconde phase des Travaux.

igo5 a autorisé l'ouverture des nouveaux travaux il Sur la section de l'embranchement du Langbian, comprise entre Tan-line et Lang-bian; 20 Sur la section de l'embranchement du Langbian, comprise entre Tan-line et Phan-Rang; ~o Sur la section de ligne de Tourane à Hué et à Q!.¡ang-trï, comprise entre Hué et Q!.¡ang-trï. La première section comporte environ 300 kilomètres la seconde 120 kilomètres la troisième 7o ki-

LaA construction des voies ferrées de l'Indo-Chine, dont un plan d'ensemble suivi d'un commencement d'exécution avait été élaboré en 1897 par M. Doumer, se poursuit activement sous l'administration de M. Beau. Un

décret, qui

porte la date du 27 janvier

19°5, a autorisé l'ouverture des travaux de trois nou-

velles voies, qui constituent la seconde partie du réseau indo-chinoisi. On sait que les lignes prévues par la loi de décembre 1898 sont au nombre de cinq Ligne de Haïphong à Hanoï et Lao-kay; Ligne de Hanoï àNamDinh et à Vinh

lomètres. C'est donc, au total, 500 kilomètres environ de voies ferrées qui vont être mises en construction. Pour compléter le réseau prévu par la loi de

1898. il restera à en construire la troisième partie, à savoir la seconde section

Ligne de Saïgon à Khan-hoa et au Lang-bian Ligne de Tourane à Hué et à Quang-trï Ligne de Mytho à Can-

Tho. Une première série de décrets autorisant les travaux sont intervenus dans le courant des six dernières années 10 pour la ligne de Haïphong à Hanoï et à Lao-kay; 2° pour celle

de Hanoï à Nam-dinh et à Vinh; 30 pour la section CHEMINS DE Saïgon-Tan-1ine de la ligne de Saïgon à Khan-hoa et au Lang-bian et 40 pour la section Tourane-Hué de la ligne Tourane à Quang-trï. La construction de la ligne de Hanoï à NamDinh et de Vinh est terminée. La mise en exploitation de la dernière section de cette ligne, en deçà de Vinh, longtemps retardée, est aujourd'hui un fait accompli. Sur la ligne Haïphong-Hanoï-Lao-kay, la locomotive atteint déjà Traï-hutt, a 94 kilomètres de Laokay, dépassant les rapi,ies du Ta-kay, qui sont, aux basses eaux, l'obstacle le plus sérieux que rencontre la navigation du fleuve Rouge jusqu'à la frontière chinoise. Un effort considérable est fait pour vaincre les difficultés inattendues qui se sont fait jour dans la dernière section de la ligne. En admettant que la date primitivement prévue doive être dépassée, le moment i. Voir A Travers le

Monde, ~9oz, page

285.

FER

de l'embranchement du Lang-bian, soit unecentaine de kilomètres, et la ligne de Mytho à Can-Tho 93 kilomètres. M. Beau, dans le discours qu'il a prononcé à la dernière session du Conseil supérieur de l'IndoChine, le 25 août 1904, évaluait à trois ou quatre ans environ la durée d'exécution de ce qu'il appelait INDO-CHINOIS. le réseau du sud, comprenant la ligne de Saïgon à Khan-hoa et l'embranchement du Lang-bian. La construction de la ligne HuéQuang-trï, qui ne mesure que 70 kilomètres et qui ne présente aucune difficulté spéciale, sera certainement achevée avant l'expiration de ce délai. Si ces prévisions se réalisaient, la totalité du réseau ferré prévu par la loi de 1898 serait en exploitation, au plus tard à la fin de 1909. y compris la ligne de Mytho à Can-Tho, dont les études touchent à leur fin, et dont la construction pourrait être menée rapidement. On sera loin encore, toutefois, du but à atteindre, qui est de mettre en communication les divers pays de l'Indo-Chine. Il restera, en effet, à assurer la jonction des différents tronçons de la ligne du littoral et à combler, par conséquent, les deux lacunes que le réseau en cours d'exécution y laisse subsister, savoir, d'une part, au nord, entre Vinh et Quang-trï, sur


300 kilomètres environ; d'autre part, au sud, entre Khan-hoa et Tourane, celle-ci représentant un peu plus de 600 kilomètres. C'est donc encore 900 kilomètres de voies ferrées à construire pour relier Hanoï à Saïgon. L'utilité de ce travail, au point de vue économique, n'est plus à démontrer. Au point de vue poli-

tique et stratégique, il s'impose avec un caractère d'urgence plus marqué encore, et que les événements actuels d'Extrême-Orient ont mis en lumière. Tout retard apporté à son exécution peut compromettre la sécurité de l'Indo-Chine.

l'intermédiaire des prophètes. A la fin des temps, les bons se réuniront à Dieu et croiront en lui, participant à ses perfections et à ses félicités; les méchants seront

anéantis.

La morale du bâbysme est aimable et douce elle prescrit les sentiments les plus ncbles, l'affection, l'hospitalité, la politesse et la charité. Elle condamne la polygamie et le divorce. Elle répudie le célibat, resserre les liens de la famille, relève la condition de la femme, dont elle fait l'égale de l'homme, se préoccupe de l'éducation et de l'instruction des enfants et prohibe les punitions corporelles.

n'est pas une secte communiste; il ne recommande point le partage des biens il protège les arts, l'industrie, le commerce, et n'est pas non plus hostile au luxe, mais il fait de l'aumône un devoir esLe bâbysme

Le Bâbysme, levain des Révolutions en Perse. EN Perse, le levain de toutes les révolutions est le bâbysnae; l'année dernière encore, la découverte d'un vaste complot politique tramé contre le shah compromit, outre deux princes qui durent prendre la fuite, un grand nombre de dignitaires de la cour impériale et de fonctionnaires de l'Etat ils appartenaient tous à la secte religieuse des bâbys.

Tous les peuples d'Asie, qui ont pu conserver leur indépendance, ont pour base essentielle de leur existence politique une constitution théologique, leurs livres sacrés se trouvant être en même temps des codes de droit commun et de législation. Or quand l'unité de la politique intérieure d'une nation a pour corollaire l'unité de confession, il est évident que la moindre atteinte portée à cette dernière affaiblit la force de cohésion des éléments constitutifsde l'État. L'adaptation de ces formules politico-sacrées à la vie quotidienne et à ses progrès ne s'opère jamais, ou rarement, sans de graves scissions théologiques qui, nées de la même source, seront désormais antagoc nistes entre elles. C'est ainsi que prit naissance le bâbysme, vers le commencement du siècle dernier. Le réformateurde la Perse fut Ali-Mohammed, né à Chiraz, en 1812, et qui était seyd, c'est-à-dire descendant direct de Houssein, le fondateur de l'islamisme chiite. Jeune encore, il devint célèbre par l'étendue de sa science, la hardiesse de ses vues et par son imagination éveillée, toujours en quêtede nouveautés. Sa vaste culturethéologique lui permit d'évaluer à leur juste mesure les diverses doctrines religieuses, d'établir des parallèles et d'y puiser les préceptes qui s'adaptaient le mieux à la vie humaine et à sa des-

tinée.

Voici les formules qui constituent la base et le fond de la doctrine bâbyste. Par cet exposé, on verra combien elle est opposée au Coran et aux institutions politiques qui en découlent; ce qui explique la croisade que la Perse officielle a menée, depuis près d'un siècle, contre les acolytes de cette secte innovatrice. Le bâbysme admet, ainsi que l'islam,

l' éternité de Dieu;

l'unité et

mais son Dieu n'est pas séparé du il est vivant et agissant. 11 admet desrapports monde ininterrompus entre le créateur et la créature, par

sentiel, et ordonne aux riches de se considérer comme les préposés de Dieu pour le soulagement des pauvres. (luant à la forme du gouvernement qui découle de la doctrine, Ali-Mohammednela discute pas, par prudence. Mais cette doctrine tout entière, qui repose sur les aspirations et les sentiments les plus purs du coeur humain, est la condamnation même de l'atroce despotisme persan. Ali-Mohammed s'attaquait moins aux principes de l'islam qu'aux formes extérieures et à l'interprétation du culte officiel. Il flétrissait avecvigueur l'orgueil et la corruption des mollahs, la rapacité et les vices des fonctionnaires de l'État, et le relâchement des mœurs publiques et privées. Ainsi conçue et établie, cette doctrine, d'abord prêchée publiquement à Chiraz, se répandit, en très peu de temps, dans tout le Farsistan, et fit des adhérents dans toutes les classes de la société. Il faut dire que l'éloquence d'Ali-Mohammedtrou vait un milieu propice dans la Perse de son temps. L'influenceduchristianisme et dela Révolution s'était, en quelque sorte, propagée dans l'Iran; la lumière de la civilisation occidentale avait filtré à travers les ombres de la société persane, faisant peserplus lourdement le despotisme féroce du Gouvernement et la cruelle tyrannie des gouverneurs de province. En face des mollahs chiites, partisans déterminés d'une politique conservatrice, grandissait une opposition latente, qui se manifestait sous une forme religieuse. Rien ne pourrait mieux faire valoir l'attraction irrésistible que cette secte exerça autour d'elle que de retracer, en quelques lignes, les péripéties de son évolution. Le bâbysme se propagea avec une rapidité inouïe, du golfe Persique à la mer Caspienne. Le Farsistan, l'Irak, le Ghilan, le Mazanderan comptaient par milliers les nouveaux croyants. Les mosquées se vidèrent bientôt. En vain les prêtres exhortaient les fidèles à fuir les tentations de l'hérésie, en vain ils réfutaient publiquement la foi nouvelle en la proclamant absurde, chimérique, démoniaque, les disciples d'Ali-Mohammed continuaient, avec un courage et une imperturbabilité admirables, leur oeuvre de rédemp-

tion. Les membres du haut clergé s'en émurent enfin, et intercédèrent auprès du shah pour faire cesser cette violation flagrante de leur ministère. Le


Gouvernement central ne connaissait pas encore la portée du bâbysme; il se contenta d'interdire aux deux partis opposés les conférences contradictoires sur les doctrines nouvelles et défendit au Bâb de sortir de sa maison. C'est ainsi que s'était fait appeler Ali-Mohammed, Bâb signifiant en langue persane j~orte c'est-àdire la porte par laquelle seule on pouvait parvenir à la connaissance de Dieu. Le prophète obéit, mais ses disciples devinrent ses apôtres, et la foi nouvelle conserva toute sa force d'expansion. Parmi les prosélytes les plus ardents du bâbysme, on compta bientôt des femmes, entre autres, Gourret-oulh-Aïn, fille d'un savant jurisconsulte de Kazvin et mariée au fils d'un chef distingué du clergé de cette ville. Instruite, éloquente et belle comme elle était, elle devint une missionnaire acharnée et intrépide, bravant tout pour atteindre son but. Les conversions qu'elle fit dans sa ville natale et dans le Ghilan furent nombreuses et convaincues. Mais l'heure de l'épreuve allait bientôt sonner et l'ère des persécutions commencer. Le premier signal vint du Khorassan, où les mollahs étaient le plus menacés. Deux armées royales marchèrent contre les bâbys, mais elles furent vaincues et mises en déroute. Une troisième armée vint à la rescousse et bloqua le village de Cherkh-Echersky, où les bâbys s'étaient retranchés. Épuisés par un long siège, affamés, réduits à une poignée de combattants, les assiégés durent capituler. On leur avait promis la vie sauve, mais tous, hommes, femmes et enfants, furent impitoyablementmassacrés. Pendant qu'on suppliciait les chefs et qu'on égorgeait les familles bâbystes, dans le Mazanderan, à Zendjan, dans le Khamseh, éclatait une formidable insurrection, organisée et dirigée par un mollah passé au bâbysme. Ici la lutte prit des proportions épiques. Pendant six mois, les bâbys tinrent en échec les armées du shah, et tous les combattants, plutôt que de se rendre, tombèrent dans la mêlée. Les traces de cette tragédie sociale sont encore aujourd'hui très visibles, car la ville, à moitié détruite et rasée, ne se releva plus. Au début de cette guerre religieuse, le roi de Perse, Mohammed-shah, était mort et avait été remplacé par son fils Nasr-ed-din. Celui-ci, plus énergique que son prédécesseur, résolut d'en finir avec le bâbysme, et, pour mieux extirper l'hérésie, songea à en supprimer le foyer. Le Bâb fut enlevé de sa maison, amené sous bonne escorte à Tabriz, avec deux de ses lieutenants, traduit devant un tribunal de lettrés et de mollahs et abattu à coups de sabre. Cette mort tragique, loin de calmer les esprits, exaspéra les partisans de la doctrine persécutée, qui tinrent des assemblées secrètes et jurèrent aux shahs kadjars une haine implacable. En 1852, un attentat commis contre la personne du shah par trois bâbys provoqua une nouvelle et san-

glante répression. On donna l'ordre aux gouverneurs d'arrêter et

de juger toutes les personnes suspectes de professer la foi bâbyste. Parmi celles-ci se trouva Gourret-oulhAïn, la belle apôtre, qui, crânement, devant le tribunal chargé de la juger, déclara être bâby et prête à

donner sa vie pour Dieu. Elle fut brûlée vive dans la citadelle de Téhéran et ses cendres seméts au vent. Les ministres et les grands dignitaires du palais se disputèrent le triste plaisir de martyriser les captifs, dans les supplices les plus agréablement féroces que chacun d'eux put inventer. Nasr-ed-din, le père du shah actuel, paya de sa vie les cruautés qu'il avait autorisé son entourage à commettre. Mozaffer-ed-din, déjà à maintes reprises, a essuyé le contact de ses peu agréables sujets bâbys. Placé, comme il est, sous la tutelle étrangère qui l'honore d'un corps de garde spécialement destiné à sa personne, il a pu encore échapper à la vengeance des

sectateurs.

Le bâbysme, à dire vrai, ne vise nullement à supprimer les personnes, mais bien à démolir le triste

état de choses qui règne en Perse, ou plutôt, en donnant un grand coup de balai à la pourriture politicoreligieuse qui paralyse l'essor individuel et anéantit l'activité nationale, il aspire à reconstituer la patrie d'une manière non indigne de son ancienne splendeur. Désormais, en Perse, tout esprit cultivé, indépendant, ouvert aux innovations des temps modernes, ne peut être qu'un bâby. A l'heure actuelle, les partisans du shah sont encore les maîtres, parce que, toutpuissants, ils peuvent encore, à leur guise, dépouiller et massacrer les faibles. Mais l'heure de la revanche n'est peut-être pas très lointaine, et alors il se passera

quelque chose de grave dans l'Iran.

Jules

BROCHEREL.

RaymÓnd Recouly, correspondant de guerre du Temps. Drx mois de guerre en Mandchourie. vol. in- 18 jésus de 35o pages à 3 fr. 50, Librairie Félix Juven, 122, rue Réaumur. Paris.

Voici, sur

la guerre actuelle, le livre de quelqu'un qui l'a M. Raymond Recouly, déjà connu par un Voyage vue. à Fe~ pendant J'insurrection, se trouvait en Chine quand écla-

tèrent les hostilités. Il fut l'un des premiers correspondants officiellement accrédités auprès de l'armée russe, vécut l'émouvante vie des avant-postes chez les cosaques de Samsonof, participa à tous les engagements, à la lente retraite, aux grandes batailles de Liao-yang et de Chaké. Aux côtés du général Stackelberg, sur le pic de Chôchan, il vit l'horrible tuerie de Liao-Yang, dont il a fait une magnifique description. Ses articles si remarqués, reproduits par tant de journaux, n'avaient touché qu'à une partie du sujet, et ce sont ses impressions complètes que M. Raymond Recouly nous donne aujourd'hui.

Ch. Mourey, chef du Service commercial à l'Office colonial

Brunel, docteur en droit, en collaboration avec E. Chemin Dupontès, chargé du service de statistique et L.

à l'Office colonial.

L'Année coloniale. Nouvelle série, quatrième année 1902-19°.3. 1 vol. in-18 broché, de 35° pages et tableaux. Pnx 4 francs. Librairie Chevalier et Rivière. )0, rue Jacob. Paris (6"). LA quatrième Année coloniale, qui vient de paraitre, a conservé le plan et la méthode de ses devancières. Tout autant que par le passé, les Directeurs de cette très intéressante publication ont tenu à lui laisser son caractère essentiellement documentaire, tout en s'efforçant de la rendre vivante. C'est un recueil des plus complets retraçant l'histoire politique et économique de nos possessions coloniales.pendant les années 1902 et 1903,


Pour faire un Voyage en Asie Mineure. s'élancent presque à pic, et que surmonte bon que le voyageur eût une selle à lui, un château ruiné de l'époque byzantine, car celles que l'on loue avec les chevaux LES principales attractions de l'Asie Mi- d'où lui vient la seconde partie de son sont rarement bonnes.

MOYENS DE TRANSPORT ET ITINÉRAIRE

neure sont les sites merveilleux que l'on traverse et la grande quantité de ruines phrygiennes, byzantines et romaines que l'on y rencontre, sans parler de l'étude à laquelle on peut se livrer sur les mœurs et le caractère des curieux habitants de la contrée. Le voyage peut s'effectuer de plusieurs manières 10 tout entier par terre; par la ligne de l'Est de Paris à Constantinople et de là par le chemin de fer d'Anatolie de Haïdar-Pacha à Angora ou Konia, et retour par la même voie; 20 par bateau de Marseille à Smyrne ou Constantinople et de l'une de ces villes par chemin de fer à l'intérieur de l'Asie Mineure; retour par la même voie. Nous conseillerons une troisième solution, qui permettrait de combiner les deux moyens de transport, par mer et par terre, et qui éviterait de revenir par le même chemin qu'à l'aller. L'itinéraire serait le suivant départ de Paris pour Constantinoplepar l'Orient-Express (72 à 84 heures). De Constantinople à Angora parchemin de fer. Plusieurstrains partent, tous les jours, de Haïdar-Pacha, mais il est préférable de prendre un train du matin pour arriver dans la soirée à Eski-Chehr, après avoir traversé Ismid, longé le lac

Sabandja et les gorges du Kara.Sou, un des sites les plus sauvages qu'il soit possible de voir. Eski-Chehr (en turc, vieille ville) est une ville assez pittoresque, devenue depuis quelques années un centre de colonisation allemande; elle est remarquable par ses gisements d écume de mer, qui se trouvent à 6 ou 7 heures au sud-est de la ville, près du village de Sari-Odjak un certain nombre de puits étroits et verticaux s'y terminent par des galeries horizontales assez basses. De Eski-Chehr,levoyageurserendra à Angora, encore en chemin de fer; le tra.

jet est d'environ douze heures. Angora, chef-lieu du vilayet du même nom, est bâtie sur l'ancienne Ancyra. C'est une des

villes les plus consIdérables de l'Asie Mineure; elle compte de 1.3 à 15000 maisons avec une population de 6o à 7 5 000 âmes, La ville se développe, du côté de l'ouest et du sud, au pied d'une éminence que couronne le château. On y rencontre un assez grand nombre de vestiges romains du temps d'Auguste,etsurtout le fameux marbre sur lequel cet empereur fit graver son testament en grec et

nom (Kara Hissar ou Château noir). On rencontre beaucoup de ruines phrygiennes à quelques heures de la ville. Nous conseillons au voyageur, avant de quitter Afiou-Kaia-Hissar, de visiter Koutaïeh, qui se trouve à environ 55 kilomètres de Eski-Chehr, par une bonne route carrossable. Koulaïeh est l'ancienne Cotyacium, ville très grande, très peuplée et très riche, et l'une des plusconsidérablesderEm pire ottoman. On ne manquera pas de demander à voir le jardin dit « des Français », tout rempli d'amandiers que plantère'nt les prisonniers de l'armée d'Egypte; le château d'origine byzantine; les fabriques de tapis et surtout celles de briques peintes, qui sont renommées. De Afiou-KaraHissar, le voyageur prendra la ligne de Smyrne-Kassaba et prolongement pour se rendre à ce port, d'où il s'embarquerapour le retour. Nous conseillons au voyageur de s'arrêter un jour à Ouchak, ville de 15 5 00o habitants; elle est entourée de champs qui donnent le meilleur opium d'Anatolie; elle est surtout renommée par ses fabriques de tapis, les plus beaux de ceux qui s'exportent de Smyrne. Environ 4000 ouvrières travaillent, en plein air, devant des cadres en bois ou métiers ru-

dimentaires.

est indispensable que le voyageur se munisse, à Constantinople, d'un « teskéré » ou passeport pour voyager à l'intérieur de l'Empire. On peut se le procurer par l'entremise de l'hôtel ou du Consulat. Le voyageur aura soin de prendre de la petite monnaie et surtout de se mettre au courant du système monétaire usité; enfin il débattra tout prix qui lui sera fait, pour les locations ou les achats. Une précaution que le voyageur devra toujours prendre est celle de s'assurer, une fois qu'il aura choisi sa chambre dans un hôtel, que les draps de lit, taies d'oreillers, ont bien été changés, et de toujours exiger que cela soit fait. Il

DURÉE DU VOYAGE ET DÉPENSES

Le voyage ci-dessus peut se décom-

poser comme suit De Paris à

Constantinople (che-

fer)

min de 4 jours Arrêt à Constantinople 8 De Constantinopleà Eski-Chehr (chemin de fer) 1 Arrêt à Eski-Chehr, z De Eski-Chehr à Angora (chemin de

fer). Angora. .3 1

Arrêt à

Smyrne, la plus importante ville de De Angora à Eski-Chehr (chel'Anatolie, est célèbre par sa beauté. La min de ville se divise en quatre quartiers le De Eski-Chehr à Koutaïeh (à quartier franc à l'ouest, le quartier turc 1 au sud-est, le petit quartier juif, qui s'é- Arrêt à Koutaïeh tend entre les deux, et enfin le quartier Retour à Eski-Chehr (à cheval). 2 arménien à l'est. De Eski-Chehr à Afiou-KaraDe Smyrne, le voyageur prendra, Hissar (chemin de pour rentrer en France, un des paquebots Arrêt à Afiou-Kara-Hissar, .3 des Messageries Maritimes, qui ont un De Afiou-Kara-Hissar Ouchak service régulier entre ce -port et Mar(chemin de 1 seille. Ce mode de voyage, pour le retour, Arrêt à Ouchak lui permettra de visiter les ports de la De Ouchak à Smyrne (chemin 1 Grèce et de l'Italie où ces paquebots font de 1 escale. Arrêt à Smyrne 4 Retour en France (paquebot).. 5

fer)

cheval). fer).

fer),

fer)..

HOTELS

Total. 4° jours

Toutes les villes que nous avons Ce serait donc un voyage de 4° jours conseillé au voyageur de visiter possèdent des hôtels j les plus confortables au plus et qui coûterait, tous frais comsont ceux qui se trouvent à proximité pris, de i ooo à 1 200 francs. Nous ne parlerons pas de Constandes gares, où, en général, se sont fondés des quartiers neufs. Il est urgent que le tinople et des nombreuses curiosités qu'il a à visiter, sans compter les sites admivoyageur fasse bien son prix et spécifie yrables du Bosphore, de la Corne d'Or, des s'il prendra ses repas ou non à l'hôtel. Les prix avec nourriture varient entre 8 Iles des Princes, etc., etc., qui ont été. en latin. décrits à maintes reprises et sur lesquels D'Angora, le voyageur reviendra et 10 francs par jour. le voyageur trouvera tous les renseignesur ses pas jusqu'à Eski-Chehr, pour y ments désirables dans le guide Joanne« « de prendre l'embranchement conduisant à PRÉCAUTIONS DE VOYAGE Paris à Constantinople », qui lui fournira Konia par Afiou-Kara-Hissar; de Eskiaussi toutes les données nécessaires pour Chehr à Afiou- Kara- Hissar, le trajet est Pour un voyage comme celui dont bien remplir les 8 jours de son séjour dans d'environ six heures. il est question, il n'est pas indispensable cette ville. Afiou-Kara-Hlssar est remarquable de prendre une grande quantité de vèteDans les prévisions de numéraire, la par culture de lopium, qui se fait dans ments. Il serait utile de se munir d'un il sera bon de tenir compte des nomles plaines qui l'environnent, et d'où lui bon manteau, d'un imperméable, ainsi breux achats l'on est tenté de faire, vient une partie de son nom. Le voya- que d'une bonne paire de bottes légères. surtout dans que un pays comme l'Orient. geur ne sera pas sans remarquer un rocher Les excursions aux environs des villes se très élevé, dont les flancs noirâtres faisant presque toujours à cheval, il serait


verte dans l'Ouest de la France et son Utilisation par l'Électricité.

La Houille

La science nous offre parfois des surprises aussi étonnantes que ses progrès mêmes; les transports sur route, tués jadis par les chernins de fer, ressuscitentgrâce aux voitures à moteurs; voici naaintenant que la force hydraulique de nos petites rivières, abandonnées naguère ~our les neachines à vapeur, est so?licitée par les dynanzos de leur prêter son aide znjustement rné~risée.

le terme de houille blanche; si l'on sait même que Cavour le prononça le premier en désignant les Alpes que l'Italie abandonnait à la France avec la Savoie; si l'on sait encore qu'une des premières et des plus remarquables applications de l'emploi des chutes élevées fut faite aux papeteries de

SI l'on connaît

L'entrée en jeu de la turbine et de la dynamo a permis, depuis peu, l'exploitation pratique des ressources d'énergies contenues dans les glaciers des Alpes ou des Pyrénées, énergies tout aussi puissantes que celles des véritables mines de houille, et qui ont, de plus, l'avantage d'être inépuisables. Mais en exa-

Lancey dans 1'1sère, on ignore

minant une carte physique de la

plus généralement et le nom et les

France, on voit que les massifs montagneux des Alpes

applications nouvelles de la a houil-

et des Pyrénées sont seuls couverts

le verte ». ((

sion de

L'expres-

houille

de neiges éternel-

dit M blanche Bresson, qui s'est

les, et n'occupent

constitué le champion de la nouvelle

restreinte du territoire de la France.

force, n'est plus

Pour appli-

applicable aux

quer ces richesses

prennentnaissance

il faudra aller à

au pied des glaciers appelons-la, si vous préférez, la houille grise, sa qualité étant inférieure à la pre-

elles

qu'une partie fort

auterritoire entier,

cours d'eaux qui

ou qu'elles

viennent à

nous

dans la première hypothèse, on se UN PAVILLON DONT LES MACHINES SONT ACTIONNÉES PAR LA HOUILLE VERTE. trouve limité à certainesindustriesne D'après une photographie. nécessitant pas un mière, ou bien très grand nombre d'ouvriers; car ces contrées, au clijaune quand le limon d'une crue la colore; verte, et mat rude, n'attirent guère les populations denses; dans ce sera le terme qui lui restera, quand elle provient la seconde, on peut dire que si de grands progrès se des égouts des forêts et des prairies qui couronnent font journellementdans la voie des transports d'énerles collines du Perche et de la Normandie; la couleur d'ailleurs n'y fait rien quand j'allume une lampe gie par l'électricité, la généralisation du système ne électrique à Paris, je me préoccupe peu de savoir si semble pas réalisable dans un avenir prochain les dangers des lignes à hautes tensions, le prix de revient mon secteur brûle de l'anthracite d'Écosse ou du charélevé de leur établissement, les précautions nécesbon gras de Belgique. » A TRAVERS LE MONDE.

1 Se

UV.

No 18.

6 Mai

i go5.


saires à prendre seront encore, sans doute, des obstacles difficiles à vaincre. En regard de ces grands transports d'énergie applicables, d'une façon exceptionnelle, à des buts déterminés, les autres parties de la France ne peuvent-elles pas connaître, elles aussi, l'économie du charbon? Grâce à la houille verte, nous sommes en droit de l'espérer. Cette houille, d'importance souvent minime en ses unités,peut deveniraussi puissante que la houille blanche, lorsqu'on réunit plusieurs de ses éléments; de plus, elle aura l'avantage de se répartir sur toute la surface de la France, se contentant de rayonner sur des petites distances, sans avoir besoin de ces hautes tensions si difficiles à

manier.

Il est une raison qui milite en faveur de l'écono-

mie du charbon dans notre pays, et elle est sans réplique la France, consommantplus qu'elle ne produit, se voit obligée d'emprunter cet excédent à l'étranger, et ce n'est pas sans grands frais. Pour actionner les machines que nous créons sans cesse, qu'est-ce que nous possédons? La houille noire employée sous forme de vapeur, de gaz d'éclairage ou de gaz pauvre le pétrole qui, naturel ou sous forme d'essence, paraît vouloir se spécialiser dans l'automobile ou les petits moteurs, que l'on commence à voir dans nos bourgs, actionnant l'outillage des petits industriels, la houille blanche des glaciers et enfin notre petite mais précieuse houille verte, qui apporte son concours dans des conditions où l'on n'eût jamais songé à employer le charbon ou les autres producteurs d'énergie. Avant d'en généraliserl'application, il était utile d'en faire l'inventaire; c'est à quoi M. Bresson s'est employé; il a étudié déjà les ressources hydrauliques de l'Orne, de l'Eure-et-Loir, de la Sarthe, de la Mayenne et de la Manche, la partie nord du Maine-etLoire. A ces études, publiées dans des journaux locaux, il a joint d'ingénieuses cartes indiquant les points où la houille verte a été ou pourra être appliquée. Les résultats se font déjà sentir les petites chutes qui, autrefois, avaient été utilisées sur place et avaient dû être abandonnées, par suite du développement des grandes usines, reprennent faveur; depuis quelque temps, des hommes hardis et d'initiative ont montré à leurs voisins, tant par leur exemple que par leurs écrits, la façon dont on pouvait utiliser les moyennes et grandes chutes, grâce à l'électricité; une réaction se produit, et toutes les petites chutes sont regardées comme pouvant être utilisées malgré l'existence des grandes. Les propriétaires ont compris les ressources qu'elles procurent, tant pour l'éclairage des habitations que pour l'actionnement de l'outillage des fermes placées à proximité. Les exemples d'application sont nombreux, si l'on en juge par l'analyse, même incomplète, de l'inventaire dressé par M. Bresson. Le département de l'Orne, étudié le premier, ne présente pas de grandes forces; cependant, sur la Vère, près de Tinchebray, une chute de 12 mètres donne soixante-dix chevaux de force brute; d'autres, moins fortes mais nombreuses, sont utilisées par des filatures, des clouteries, des fabriques d'épingles, des scieries qui, établies depuis longtemps dans le pays, y sont encore prospères et résisteront, il faut l'espérer, aux grandes usines. Les villes de Domfront et Putanges

sont toutes deux éclairées par leur rivière. Domfront fut même une des premières ville de France à connaître l'éclairage électrique, puisque son installation remonte à 1880; en ce moment, on y utilise trois chutes d'anciens moulins à blé. La chapelle Montligeon, but de pèlerinage, utilise également un ancien moulin à blé pour l'éclairage de ses établissements hospitaliers. Le château des Masselins utilise une ancienne chute de l'Iton, qui traverse la propriété, pour son éclairage et celui des bâtiments de service; pendant le jour, la turbine se charge de faire mouvoir les quelques outils qu'on rencontre dans toutes les exploitations agricoles. C'est une intéressante et fructueuse tentative à recommander aux particuliers. Le département de l'Eure-et-Loir, comme celui de l'Orne, présente peu de chutes élevées; ces deux départements sont placés à l'origine des rivières que nous retrouverons plus fortes ailleurs; cependantdans la commune de Saunay, à 20 kilomètres de Dreux, sur l'Eure, une chute, de soixante-dix chevaux environ, fournit l'éclairage électrique et distribue la force dans l'atelier familial qu'elle ressuscite. Le département de la Sarthe présente déjà une rivière importante la Sarthe reçoit, en traversanttout le département du nord au sud, de nombreux cours d'eau lui assurant un débit de 10000 litres par seconde en eaux moyennes; et les installations hydro-électriques y sont plus nombreuses au Lude, chef-lieu de canton de 3 7(?o habitants sur le Loir, une chute, distante de 2 kilomètres, distribue l'électricité servant tant à l'éclairage qu'à la force motrice une scierie notamment emploie deux moteurs de 12 et 18 chevaux. La Charte-sur-Loir, Vass-sur-Loir,doivent également à leurs chutes d'eau leur lumière; la ville de Sablé utilise une chute renforcée d'un moteur à gaz et d'une machine à vapeur; c'est l'administration du gaz qui a installé l'électricité, ce qui tendrait à prouver que le gaz et l'électricité peuvent vivre côte à côte sans

pour cela se gêner.

La Mayenne, dans le département du même nom, présente la plus grande quantité de force inutilisée et pourtant, on trouve à Rochefort, canton d'An-

douillé, une des plus importantes usines hydro-électriques de cette partie de la France. Les chutes transmettent leurs 700 chevaux à un tissage d'amiante et des dynamos chauffent des fours électriques où l'on extrait le chrome de son minerai la société Néo-Métallurgique a installé ces usines, qui peuvent rivaliser avec les plus belles installations de la houille blanche. On a reproché à la Mayenne d'être une rivière capricieuse et de ne pas être régulière dans son débit. Les terrains qui constituent son bassin sont essentiellement imperméables, d'où trop d'eau en hiver et pas assez en été; c'est vrai, mais s'ensuit-il que, parce que trois mois de l'année on ne peut se servir qu'imparfaitement d'une source d'énergie, on doive la négliger ? Nombre d'industries hydrauliques sont dans ces conditions, et ne songent pas pour cela à s'éloigner d'une force dont l'établissement ne comporte qu'un amortissement minime, comparé à celui des machines à vapeur. N'y aurait-il pas d'ailleurs un remède à ce mal? On n'a qu'à jeter un coup d'œil sur ce qui se fait à l'étranger et sur ce que l'on commence d'ailleurs aussi à faire en France. Pour obvier à ce


défaut,

il suffirait de créer des barrages réservoirsi.

En ce moment une puissante société se propose d'établir sur le Cher un barrage de 45 mètres de hauteur où l'on emmagasinera l'eau suffisante pour fournir ioooo chevaux de force, même en été. Cette société se propose d'alimenter d'eau la ville de Montluçon et de fournir la force motrice à ses nombreuses usines, grâce à son bas prix de revient.

Emmagasiner l'eau nécessaire pour assurer un débit constant à la Mayenne serait peut-être difficile; mais par sa disposition et celles de ses affluents souvent encaissés entre deux collines, on peut constituer des réserves qui amélioreraient considérablement ses chutes d'eau. Le département de la Manche est certainement

actionner des minoteries. On trouve à Cheffes une fabrique d'accumulateurs utilisant deux cents chevaux. La commune de Seiche, avec une chute de Om72, parvient, grâce à des accumulateurs, à alimenter l'éclai-

rage de trois cents lampes dans un rayon supérieur à 2 kilomètres.

Bien d'autres installations hydro-électriques seraient à citer, notamment celle de la ville de Vire qui ne comprend pas moins de neuf mille lampes et

dont l'usine est renforcée d'accumulateurs; mais l'énumération complète serait fastidieuse, quoique le travail accompli soit insignifiant en regard du travail à

accomplir. Quelle peut être la conclusion à tirer de cette croisade en faveur de la houille verte?

ÉTAT COMPARATIF DES FORCES HYDRAULIQUES DANS LE DÉPARTEMENT DE L'ORNE.

Carte dressée par M. Bresson. celui où l'on rencontre le plus grand nombre de chutes d'eau utilisées au point de vue hydro-électricité. Mortain utilise une chute de 15 mètres, les cascades de la Cance; pendant la nuit, la ville s'en sert pour son éclairage; le jour, l'eau rendue à son lit naturel permet aux touristes de ne pas regretter les inconvénients du

progrès.

C'est à Ducey que l'on a appliqué pour la première fois dans la contrée les courants triphasés et les hauts voltages; l'usine est à 3 kil. 500 de la ville. Dans le départementde Maine-et-Loireles chutes diminuent, il est vrai, de hauteur; mais leur débit est plus important; presque toutes sont occupées à 1. Le bulletin que publie la Direction de l'hydraulique agricole du Ministère de l'Agriculture (fascicule 28, 1902) est intéressant à ce sujet.

D'abord, grâce à l'électricité, il n'est pas de chute d'eau utilisée autrefois qui ne puisse servir pour de nouveaux emplois dans un rayon proportionné à sa force et cela sans grands frais. D'autre part, les chutes plus importantes situées sur les rivières et abandonnées depuis longtemps, vont être de nouveau recherchées. Enfin, résultats pratiques, valant mieux qu'une conclusion théorique 44 villes, 12 propriétés privées, 252 usines, ont fait des applications hydro-électriques depuis quelques années. S'il avait fallu employer du charbon, il est vraisemblable qu'on n'eût jamais songé à faire toutes ces applications. C'est bien grâce à la houille verte » qu'on a pu arriver à ce résultat. ROBINET.


La Jeunesse de 1-'Amiral Togo. LE Révérend Capel, répétiteur à l'Université de Cambridge qui avait été chargé de donner au jeune Haïhachi Togo des leçons d'anglais et de mathématiques ne se doutait guère du bruit que le nom de son élève ferait un jour dans le monde. Le petit étudiant nippon ne se distinguait par aucune faculté de premier ordre, tandis que la plupart de ses camarades envoyés en même temps que lui en Angleterre, au lendemain de la révolution de 1868, par le gouvernement du Mikado, pour s'initier à la civilisation occidentale, étonnaient leurs professeurs par la prodigieuse rapidité de leurs progrès. Le jeune Togo, qui était âgé d'une vingtaine d'années, croyait avoir appris la langue anglaise dans une des écoles les plus célèbres de Tokio, mais il fut bien vite obligé de renoncer à cette illusion. Les conversations qu'il entretenait avec le Révérend Capel étaient laborieuses. Pendant les repas qu'il prenait avec la famille de son répétiteur, le futur amiral était assis entre deux énormes dictionnaires in-quarto. A chaque parole qui lui était adressée, il était obligé de chercher les mots dans le dictionnaire anglais-japonais ou japonais-anglais. Au bout de trois mois de séjour à Cambridge, le jeune Haïhachi ne connaissait guère mieux la langue anglaise qu'au lendemain de son arrivée. S'il éprouvait tant de difficulté à s'initier à la langue de Shakespeare, il comprenait mieux la langue universelle des chiffres, des signes d'algèbre et des figures de géométrie mais bien qu'il réussît à résoudre assez promptement un problème, rien ne faisait pressentir en lui un mathématiciende premier rang. Les facultés intellectuelles de l'étudiant japonais n'avaient donc aucun éclat, mais en revanche son caractère était intéressant à étudier. Très réservé, très courtois et très poli envers ses camarades, le jeune Togo paraissait par-dessustout préoccupé de ne pas froisser les sentiments et les préjugés d'une société étrangère dont les idées et les mœurs lui étaient inconnues. Il laissait pourtant, de loin en loin, échapper un mouvement de colère lorsqu'il se sentait attaqué dans son orgueil nobiliaire ou son amour-propre national. En dehors de courts et rares accès de vivacité, le jeune étudiant japonais se distinguait par une égalité d'humeur à toute épreuve, une conduite irréprochable, et manifestait à l'égard de son maître de pension une docilité et une déférence que celui-ci n'obtenait peutêtre pas toujours de ses propres enfants. Il assistait régulièrement aux offices célébrés par le Révéren~i, et écoutait ses sermons avec un si profond recueillement que le pieux clergyman eut une lueur d'espérance. Quel triomphe pour l'Église anglicane, si un jeune Japonais se convertissait à la religion établie du Royaume-Uni! Cette illusion fut de courte durée; le jeune samourai donna très clairement à entendre à son professeur qu'il éprouvait le plus vif plaisir à écouter ses sermons et à entendre les chants de la liturgie

religieuse, mais qu'il n'avait aucun désir d'abandonner la foi de ses ancêtres. Tandis que la très grande majorité de la population japonaise est bouddhiste, l'aristocratie est restée fidèle au shintoïsme, religion assez vague où l'adoration des grandes forces de la Nature s'est combinée avec le culte des aïeux. En général, les grandes vocations sont précoces, et il semble que le futur amiral aurait dû manifester de très bonne heure le désir d'entrer dans la marine. Il est bien vrai que, pendant son séjour à Cambridge, le jeune pensionnaire du Révérend Capel témoignait déjà l'intention de se faire marin, mais il voulait l'être à sa manière. Comme on lui demandait, un jour, quelle carrière il se disposait à suivre, il répondit qu'il avait l'intention d'être (( marin à terre. » On ne comprit d'abord pas très bien ce qu'il voulait dire en fait, l'ambition de Togo était d'obtenir un emploi civil au Ministère de la Marine. Malheureusement pour les Russes, cette vocation bureaucratiquea été contrariée; l'excellent jeune homme qui rêvait de gagner sa vie par un travail régulier, inoffensif et paisible, a été obligé de servir sur mer, on sait avec quel succès G. LABADIE-LAGRAVE.

Le Fonctionnarisme anglais

aux Indes.

c 5 ESTune opinion très répandue que nous ne savons peupler nos colonies que de fonctionnaires, tan.

dis que les Anglais! N'a-t-on pas dit et répété que l'Angleterre administrait son empire de l'Inde avec 900 fonctionnaires Une population de plus de 300 millions d'habitants menée par 900 fonctionnaires, tandis que Saint-Pierre et Miquelon, avec ses 600000 habitants, a un personnel administratif de 107 agents, n'y avait-il pas là un

contraste prêtant à d'ironiques récriminations? M. Chailley, le distingué secrétaire général de l'Union coloniale, qui vient d'accomplir aux Indes une mission d'études, nous donne à ce sujet de précieuses

indications. La vérité, dit-il, est qu'il y aux Indes près de i naillion de fonctionnaires et que cette formidable armée est conduite par 900 fonctionnaires supérieurs. Cette élite se distingue par l'élévation des traitements qui lui sont assurés. Pas moins de 8 000 ou 9 ooo francs 00o à 40 000 comme solde au début, pas moins de francs comme rémunération certaine des emplois auxquels chacun est sûr d'arriver et, comme retraite, pas moins de 25000 francs Il y a, d'ailleurs,. plusieurs fonctions (( dont quelques-unes sont payées jusqu'à 250000 francs ». Voilà des chiffres qu'il est bon de retenir pour couper court à de trop malveillantes comparaisons entre le régime colonial anglais et celui que nous pra-

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tiquons nous-mêmes. Nous avons, certes, beaucoup d'abus à réformer dans nos colonies, et il serait temps qu'on y songe.


Le Palais berlinois

des Syndicats ouvriers.

L' ORGANISATioN des syndicats ouvriers est des plus solidement établies sur tout le territoire germanique. Ils sont loin cependant d'avoir acquis dans ce pays une forme aussi puissante qu'en Angleterre, et c'est dans l'attitude du parti socialiste qu'il faut en chercher la raison. Les syndicats se proposent le plus souvent d'exciter les ouvriers contre les patrons, tandis que les corporations professionnelles, formées sur le modèle des

Trade-Unions anglaises n'ont d'autre programme que de prêter appui aux ouvriers dans un esprit pacifique. Les syndicats n'étant

point mixtes, c'est-à-dire composés de patrons et d'ouvriers, sont évidemment animés d'un esprit plus ou moins révolutionnaire. Leurs représentants, en relation constante avec les groupes correspondants de l'étranger, établissent

élevées. De plus, tout ouvrier étant à l'heure actuelle obligatoirement assuré en Allemagne, le rôle des caisses syndicales se réduit surtout à améliorer les conditions de la vie ouvrière et en particulier à fournir aux travailleurs la possibilité de se rendre d'un endroit à un autre. Le Reiseuszterstütiung (secours de voyage) y pourvoit; le Arbeitslosev~asntersti.it~ung(assurance contre le chômage) fonctionne également grâce à une cotisation spéciale et fort minime. Les « compagnons cherchant du travail trouvent asile dans le palais berlinois des Syndicats ouvriers, qui s'est ouvert en avril 1900. Ce palais tient dernières une place dans l'histoire sociale de ces années. Nulle part il ne serait aussi aisé d'étudier le

mouvement ouvrier mo-

derne et ses manifestations que dans cet édifice, où l'on peut se faire une idée de la puissance corporative en Allemagne. La vue de ce

monument en apprend plus long que bien des définitions. Cette installation colossale, ces grands halls

aérés, les magnifiques salles s'étendant et se répartissant en trois grands bâti-

ments, séparés par autant

de vastes cours, font une

impression grandiose. Dans la partie affectée aux divers syndicats, chacun a suivant son importance une, deux ou plusieurs pièces servant de bureaux et, comme un ministère, sa propre direction ces liens internationaux dont les événements qui se avec des employés, son office du travail, son coffredéroulent un peu partout en fort et sa bibliothèque, ainsi Europe montrent le danger que le journal particulier à pour la paix sociale. son groupement. La loi de 1878, «( loi La division de ces bucontre les socialistes », PALAIS DES SYNDICATS OUVRIERS, A BERLIN. reaux est comme la reprédonna un coup de massue sentation graphique du déD'après une photographie. au mouvement syndical, et velopperrient des associail ne se releva que peu à tions syndicales berlinoises, en tête desquelles l'impopeu et fort lentement. Aujourd'hui les syndicats en sante association métallurgique, qui n'occupe pas Allemagne ont plusieurs centres d'action à Hambourg, moins de six salles. à Berlin, etc. D'autres, moins puissantes, se contentent d'une Le Geweykschaftshaus de Berlin constitue un de seule pièce; quelques-unes même sont à plusieursdans leurs sièges principaux. Les syndicats donnent à leurs membres l'assistance en temps de chômage et une salle. Elles y logent chacune leur caisse et leur office de travail et montrent ainsi le chemin à franchir même lorsque le travail ne peut suffire aux besoins de avant d'atteindre la puissance et le nombre d'adhéla famille. rents de leurs soeurs plus anciennes. Cette assistance comprend les mêmes secours C'est un intéressant symbole de puissance que ceux fournis par les sociétés d'assurance l'aide en argent ou en nature en cas de maladie, invalidité, acque présente cette série de coffres-forts renfermantles trésors de chacun de ces syndicats. Il est évident que cidents, vieillesse ou décès, aide d'ailleurs bien plus considérable que celle des caisses d'assurances de ces « rochers de bronze », supports qui étayent ce l'État, par suite de la cotisation de tous les syndiqués. g~uatrième état de la société allemande, sont de nature à suggérer bien des réflexions. Cette épargne formée des fonds communs met Mais les bureaux seuls ne remplissent pas tout le travailleur en possession de sommes relativement


le bâtiment. On y voit encore des salles de réunion et celle du grand conseil. A l'étage supérieur se trouve

un immense salon dès fêtes, avec galeries superbes, qui peut contenir plusieurs milliers de personnes. Chant, danse, musique, théâtre ou jeux de quilles y

divertissent les habitués.

Au rez-de-chaussée, un splendide restaurant, est ouvert à toute heure du jour. Les peintures murales, les lustres électriques, les boiseries sculptées, les jolies tables, tout cela forme un ensemble bien différent de ce que nous sommes accoutumés à voir dans les restaurants ouvriers. Ce confort luxueux se retrouve dans toutes les parties de l'édifice, même dans celle réservée à la Herberge, hôtellerie destinée aux « compagnons » de

pas-

sage.

rentrant, les compagnons sont tenus de donner leurs noms et prénoms, de se faire inscrire à un guichet. De là ils se rendent aux bains, partie de l'établissement installée d'une façon modèle avec treize salles de douches. Pendant le bain, qui ne coûte que En

pfennigs (6 centimes), y compris savon et linge, les vêtements sont passés à l'étuve à désinfection. Dans une buanderie attenante, le linge se lave et se repasse 5

à la vapeur. La cuisine ainsi que les bureaux des employés occupent le rez-de-chaussée. A l'entresol, se trouvent le restaurant de la Herberge et une grande salle de lecture où il est défendu de consommer. Les étages supérieurs sont convertis en chambres à deux, quatre, six et onze lits, en tout cent quatre-vingt seize, où logent les passagers, moyennant 40, 50, 60 ou 70 pfennigs, selon le nombre des dormeurs dans la chambre. Un bon calorifère leur assure une température tiède; chaque lit a son lavabo avec eau chaude en hiver et eau froide en été. Le sol, recouvert de linoleum, est journellement lavé, et jamais, en parcourant ces locaux si bien entretenus et si propres, on ne se douterait de l'affluence

des visites quotidiennes. Ce monument qui témoigne de la force d'organisation des syndicats ouvriers allemands, en est à Berlin à la fois le symbole et le bastion. L. FIEDLER.

La Participation de la France

à l'Exposition de Liège.

la Belgique, jetant les bases de son ExposiLORSQUE tion internationale de Liège, sollicita des nations étrangères leur participation artistique, industrielle et commerciale, la France fut la première à répondre à son appel. Les exposants, toutefois, n'y mirent d'abord pas tant de zèle que le Gouvernement; les sceptiques étaient nombreux; l'effort tenté pour Saint-Louis était, disait-on, trop récent pour qu'on pût le renouveler avéc succès; on insinuait que Liège n'était pas

une ville assez importante pour attirer beaucoup de

visiteurs.

Heureusement les plus audacieux ne s'arrêtèrent pas à ces arguments très discutables, et leur exemple entraîna si bien les timides, que les 8000 mètres de halls concédés d'abord aux exposants français devinrent vite insuffisants on dut redemander par trois fois une extension; et, aujourd'hui, la surface occupée par la France atteint près de 3000o mètres. L'impossibilité de concéder de nouveaux emplacements réduisit seule le nombre des exposants qui sont néanmoins plus de 5000.

La France occupe ainsi le premier rang parmi les participationsétrangères, et c'est le commissaire

général du Gouvernement français, M. Chapsal, qui est auprès du Gouvernement belge le porte-parole des autres commissaires généraux. Parmi les Exposants français, les agriculteurs et les horticulteurs occupent une place importante. Ils ont eu la sagesse de ne pas se reposer sur les lauriers

qu'ils ontcueillis récemment à Dusseldorfetontvoulu affirmer à Liège, dans un cadre encore plus flatteur, la perfection de leurs méthodes. Leurs demandes furent bientôt si nombreuses qu'on a construit pour eux un palais spécial. Les jardins qui l'environnent ont été concédés à la. Ville de Paris et permettront, par une exposition florale permanente, de mettre en lumière l'habileté et le goût de nos jardiniers. Les producteurs qui exposent dans le Groupe de l'alimentation, sachant à quel point les vins de France sont estimés en Belgique, ont, eux aussi, en si grand nombre, tenu à participer à l'Exposition, qu'on leur a construit également un pavillon spécial sur une des rives les plus pittoresques de la Meuse. Les sections commerciales et industrielles franla Section çaises sont brillamment représentées d'Électricité qui sera particulièrement intéressante; l'Exposition de nos grandes Compagnies de chemins de fer, qui n'ont pas craint d'envoyer un nombre relativement considérable de machines d'un nouveau modèle; les derniers chefs-d' œuvre de nos constructeurs d'automobiles constitueront des attractions de

tout premier ordre.

La place réservée dans le Palais des Beaux-Arts à la Section Française était malheureusement bien étroite; aussi le Jury, qui s'est constitué sous la direction de M. Pol Neveux, commissaire des Beaux-Arts, a-t-il été obligé de se montrer rigoureux, ce qui, d'ailleurs, aura l'avantage d'élever le niveau des oeuvres admises et de préparer ainsi une manifestation remarquable de fart français. Celui-ci est représenté aussi en dehors du Groupe même des Beaux-Arts par un salon d'honneur et sur-

tout par un salon moderne d'art décoratif, qui fera sensation. L'art moderne est encore en Belgique très artificiel; il s'est développé jusqu'ici presque uniquement sous l'influence étrangère, et les oeuvres des Belges, d'ordinaire si artistes, sont souvent lourdes ou contournées. Ce serait un titre de gloire pour la France qu'elle pût, grâce à l'Exposition de Liège, faire éclater sa supériorité dans une branche de l'art souvent discutée, mais où nous occupons, sans contredit, une des premières places, et entraîner dans ce mouvement les artistes belges.


importait aussi que, dans un pays comme la Belgique, passionné pour les questions sociales et ouvrières, toutes ces oeuvres qui sont à l'ordre du jour en France syndicats, organisation du travail, ceuvres d'assistance et de prévoyance, habitations ouvrières, fussent représentéesd'une façon marquante. Grâce aux efforts du commissariat général français, la section française d'économie sociale réunit aujourd'hui plus de huit cents exposants. L'Enseignement français trouvera à Liège une manifestation toute nouvelle et fort originale. On ne verra plus seulement une exposition matérielle de publications, de cahiers d'élèves qu'un nombre restreint de spécialistes prennent la peine d'examiner; les plus éminents parmi nos professeurs et nos savants se rendront à Liège, où se trouvera réuni, grâce à de multiples congrès, un auditoire formé de l'élite intellectuelle de l'Europe, et y exposeront en une série de conférences nos méthodes originales d'enseignement, nos découvertes les plus récentes, mettant ainsi en lumière le grand effort intel1ectuel de la France. En outre, obéissant aux préoccupations les plus hautes des pédagogues français, on a voulu montrer par une exposition spéciale, extrêmementintéressante, ce qu'est et ce que pourrait être l'art à l'école. Pour ce faire, la participation de l'Instruction publique a été 11

complétée par une collection de maquettes, qui, exécutées par quelques-uns de nos plus célèbres artistes, ont été conçues et réalisées en vue de renouveler l'imagerie scolaire. 11 y a là une tentative tout à fait curieuse pour habituer l'enfant, dès le début de son éducation, à ne s'intéresser qu'à de véritables manifestations artistiques, une sorte d'éducation du goût. Les Colonies françaises, enfin, ont voulu se montrer dignes de la métropole, et quatre pavillons destinés l'un à l'Algérie, un autre à la Tunisie, un autre aux colonies d'Afrique et le quatrième aux colonies d'Asie, compléteront un ensemble significatif. Une maison coloniale, un hôpital démontable et une serre, renfermant les plantes les plus curieuses et les plus rares de nos colonies, donneront aussi une idée apparente de nos installations lointaines. Telle est l'œuvre française, préparée dans un espace de temps relativement restreint, grâce à la direction habile et énergique de notre commissaire général

Elle occupera une place digne de la France, dans cette exposition qui, comme la nôtre en 1900, est divisée en deux groupes l'un, le plus important, situé dans une des parties les plus pittoresques de Liège la plaine des Aguesses, à cheval sur la Meuse et sur l'Ourcq, et qui englobe dans son enceinte de ravissants jardins; le parc de la Boverie et de la Fragnée et le Jardin d'acclimatation l'autre, qui correspond à ce qu'était Vincennes, situé un peu en dehors de la ville, sur la colline boisée de Cointe, et qui est consacrée aux

expositions temporaires et aux concours sportifs. Faire la description détaillée de tous les palais, de toutes les attractions prévues, dépasseraitde beaucoup les limites de cet article; certaines oeuvres comme le Palais de l'Art ancien, pour lequel les principaux musées et les plus riches collections particulières ont été mis à contribution, le Palais de la Dentelle, le Vieux Liège, les Arènes. le Pavillon de la ville de

Liège, assurent à l'Exposition qui vient de s'ouvrir un légitime et durable succès.

Les Progrès de l'Industrie aurifère à Madagascar. continu du rendement aurifère de L 'ACCROISSEMENT Madagascar, qui s'est chiffré en 1904 par près de 2 millions de plus-value sur 1903, paraît s'affirmer dès le début de l'année 1905 par la création de nouvelles entreprises.

Une Société s'appuyant en grande partie sur des capitaux réunis dans les colonies anglaises de l'Afrique du sud vient de se constituer pour l'exploitation de l'or dans le delta de la Tsiribihina, fleuve le plus important du versant ouest de Madagascar. La nouvelle Société s'est assuré déjà des concours dans le pays pour assurer la bonne marche de l'entreprise. Elle a commencé aussi à introduire du matériel. Une drague à alluvions, d'un modèle très perfectionné, est arrivée sur la Tsiribihina où elle sera mise prochainement en service. La même Société a jeté également ses vues sur les vallées de plusieurs rivières de la côte où elle se propose de faire des installations analogues. Ce n'est pas tout un filon aurifère vient d'être découvert dans la région de Béforona, entre la route et le chemin de fer. L'administration locale a immédiate-

ment envoyé un contrôleur des mines, qui a reconnu l'existence de ce gisement sur deux points, distants l'un de l'autre de 1500 mètres, et qui estime que la richesse de ce filon est considérable. Cette découverte est très importante et augmente considérablement les espérances fondées sur la présence des filons aurifères dans la Grande Ile.

et

Émile Jottrand.

Au Siam. 1 vol. in-16 de 4 francs. Emile Jottrand a résidé pendant près de quatre années dans le royaume de Siam, où il a rempli les fonctions de conseiller juridique du gouvernement siamois. M. et Mme Jottrand étaient donc bien placés à Bangkok pour observer les moeurs, les coutumes, la législation, les pratiques religieuses, d'un pays qui confine de si près à nos intérêts indo-chinois. Ce n'est pas un récit de voyage qu'ils nous offrent, à vrai dire, mais un relevé d'impressions rapides et précises, mises en commun et disposées dans l'apparent désordre qui est un effet de l'art, une sorte de défilé cinématographique, où s'inscrivent au jour le jour les moindres mouvements, où se fixent au passage, d'un trait s(¡r, les aspects ondoyants et divers de la société siamoise aux prises avec la pénétration européenne, sourdement travaillée déjà par l'impérialisme japonais. Par intervalles, des incidents d'un pittoresque inattendu, des figures d'un reliéf particulier se détachent de l'ensemble décoratif et du fouillis curieux des anecdotes le prince Henri de Prusse en visite, M. Doumer, le comte de Turin, M. Rolin-Jacquemyns,dont le rôle a été si considérable là-bas, la chasse royale aux éléphants, les chanteuses siamoises, les fêtes de la cour, etc. M.

Mme

529 pages. Paris, Plon, 1905. Prix

M


EUROPE

Au Congrès archéologique

d'Athènes.

M. Homolle, dans la dernière séance, a énuméré les

vœux formulés et les décisions prises pendant le congrès. L'une de ces décisions convoque le prochain congrès au Caire, avec un programme identique à celui du congrès d'Athènes. D'après d'autres décisions, les congrès archéologiques se réuniront à l'avenir tous les deux ans; la section byzantine sera constituée en comité et chargée de publier un album iconographique des empereurs de Byzance; les musées possédant plusieurs copies de la même pièce devront échanger entre eux les doubles de ces pièces; les directeurs de musée s'entendront pour former une sorte de ligue contre les faussaires; ils se signaleront mutuellement toute pièce fansse qui leur serait présentée; de même si un vol était commis, tous les musées seraient immédiatement prévenus afin que la pièce pût être reprise si le voleur offrait à un autre musée de l'acheter; les monnaies précieuses que possèdent les musées seront moulées pour les cas d'accident ou de vol. AFRIQUE

La Naturalisation en Algérie et en Tunisie. naturalisations algériennes, en 1904, avait été, en rgo3, de 754, Les 724 naturalisations algériennes accordées en 1904 se divisent en 429 'accordées à l'élément militaire (au lieu de 420 en 1903) et 305 à l'élément civil (au lieu de 334 en 1903), savoir 201 hommes et 104 femmes. Parmi les 419 naturalisés militaires, 1.3 avaient moins de vingt-cinq ans, 164 de vingt-cinq à trente ans et 120 de plus de trente ans. On compte parmi eux 153 Allemands, gi AlsaciensLorrains, 47 Suisses, 36 Belges, .30 Italiens, 19 Autrichiens, 15 indigènes algériens, 8 Espagnols, 7 Luxembourgeois, 2 Hongrois, 2 Russes, 1 Anglais, 1 Marocain et 7 individus de nationalités diverses. Quant aux 201 hommes naturalisés, appartenant à la population civile, parmi eux, 61 étaient nés en Algérie i3o pour 100 au lieu de 41 pour 100 en 19°3), et 14° hors d'Algérie (7° pour roo au lieu de 59 pour 100), 15 résidaient en Algérie depuis moins de dix ans (7 1/2 pour 1°° au lieu de 6 pour 100) et 186 depuis plus de dix ans (921/2 pour 100 au lieu de 94 pour 100~82 habitaient le département d'Oran (41 pour 100 au lieu de 32 pour i oo en I go3 et de 40 pour t oo en 1902); 81 le départementd'Alger(40 pour 100 au lieu de43 pour 100 en r go3), et 38 le département de Constantine (19 pour r o0 au lieu de 25 pour 100). En Tunisie, 66 naturalisations ont été accordées, en 1904, à 52 hommes et 14 femmes, qui comprennent notamment 34 Italiens, 7 Anglais, 5 Maltais, 4 Espagnols, 2 AuLe nombre des

est de

7 24. Il

trichiens,

1

Belge.

33 enfants mineurs comprenant 25 Italiens, 3 Anglais, Autrichien, ont été compris aux 2 :'vlaltais, 2 Espagnols, décrets de naturalisation de leurs parents.

Les Pêcheries du Banc d'Arguin. Les résultats donnés à ce jour par les Pêcheries du Banc

d'Arguin sont des plus satisfaisants. La question principale

trancher était de savoir si le poisson africain pouvait être séché et utilisé sous cette forme pour la consommation, ou s'il devait être conservé dans l'huile. La question était des plus controversées. Or les deux modes de conservation peuvent être employés, mais non pour les mêmes poissons. Dans la sécherie qu'elle a établie sur la côte d'Afrique, la mission a séché 5o kilos de poisson, qu'elle a rapportés. On pourra juger de la réussite en France, comme on l'a constaté là-bas. La sécherie a été transférée à Saint-Louis, et on va à

apprendre aux noirs du Sénégal à sécher le poisson suivant la méthode instituée par la mission. Ce poisson est un succédané de la morue, et à ce titre il peut rendre de sérieux services à la consommation. La solde est extrêmement abondante et de qualité excellente; la mission en rapporte des filets conservés dans l'huile. Les mulets ou muges sont aussi en quantité prodigieuse en deux heures on a pêché 3 5°° kilos. Enfin il existe des langoustes qui, contrairement à ce qui avait été affirmé, peuvent rivaliser comme goût avec les langoustes de France. Tout le long de la côte mauritanienne se trouvent des salines dont le sel, légèrement rose, devient blanc dès qu'il a été un peu lavé. C'est ce sel qui a servi à saler le poisson que rapporte la mission. On peut espérer qu'il y a au banc du Levrier un tres gros avenir pour l'exploitation du poisson et du sel qui s'y

trouvent en abondance.

AMÉRIQUE

La France et les Syriens en Haïti. Des émeutes populaires contre les Syriens se produisirent en Haïti en 1904, un certain nombre furent molestés et maltraités, on parla de les expulser en masse.

L'expulsion ne se produira pas. Le Gouvernement haïtien se bornera à appliquer la loi qui leur fixe, comme aux autres étrangers, les villes et ports où ils peuvent exercer le commerce de consignation, et qui leur interdit le petit commerce de détail réservé aux seuls sujets haïtiens. La loi d'août 19°.3, prohibant d'autre part l'immigration des Syriens, ne sera pas trop rigoureusement appliquée. Ce ne sera qu'une arme éventuelle contre le débordement de ces immi-

grants. Intrigants, souples, tenaces, les commerçants syriens se sont attirés, en cherchant à monopoliser le petit commerce, une bonne partie de la haine que les étrangers rencontrent souvent en Haïti. On les a accusés d'accaparer la petite monnaie de billon, d'exporter l'argent du pays, d'être en partie les auteurs de la misère régnante. On leur reproche aussi, probablementplus à tort qu'à raison, de se compromettre dans les menées révolutionnaires et d'être un élément de corruption.Enfin, récemment, une enquête du Gouvernement dans les douanes a fait découvrir une vaste contrebande dans laquelle des commercants syriens surtout étaient impliqués. Bien que la France ne soit tenue d'exercer son protectorat sur les chrétiens d'Orient, Syriens, Maronites, etc., que dans les pays musulmans et nullement en pays chrétiens, les Syriens, par tradition et par habitude, continuent à s'adresser aux représentantsde la France dans toutes les contrées où ils émigrent. Nos ministres et consuls déclinent toute intervention partout où il y a un représentantdu Gouvernement ottoman, mais ils interviennent officieusement là où il n'y en a pas. C'est le cas de Haïti. La légation de France à Port-au-Prince est donc intervenue pour protéger les Syriens dans la mesure légitime. Certaines informations américaines, d'après lesquelles les Etats-Unis ou l'Allemagne pourraient être amenés à prendre en main la protection des Syriens de Haïti, sont absolument infondées. ASIE

Délimitation de la Frontière entre le Cambodge, le Luang-Prabang et le Siam. La délimitation de frontières, entre nos protectorats du Cambodge et du Luang-Prabang et le Siam, durera trois ans et reviendra à deux millions de francs environ. On procédera pendant la première année à la délimita-

tion jusqu'à Luang-Prabang; pendant la deuxième année, on ira de Kratt au Grand-Lac, et pendant la troisième année on opérera dans la région du Grand-Lac.


Les Villages pélasgiques des monts des Volsques. En Italie on cherche le plus souvent des im~ressions d'art. Les gloires de la scul~ture et de la peinturefont trop facilement oublier, grâce à leurs manifestations magnifiques et innombrables, que l'Italie fut autre chose qu'une terre d'élection pour les Muses. Ce fut pendant des siècles un cbana~ de bataille, et les monts des Volsques, avec leurs citadellespélasgiques, redisent les combats acbarnés, les sièges, les invasions, qui s'abattirent sur la riche ~éninsule, dès la plus haute antiquité.

d'une part, les marais Pontins, de l'autre, DOMINANT, la vallée du Sacco, de ses pentes rapides, isolé dans la chaîne dont il fait partie par les profondes dépressions de Velletri et de Piperno, le massif montagneux des Volsques forme une forteresse naturelle, qui fut, en effet, la citadelle d'où cette peuplade inquiéta, pendant près de trois siècles, Rome naissante et les cités du La-

forêts et maigres pâturages à proximité des bourgs, des vergers d'oliviers font, avec quelques cultures de tabac, la seule richesse du pays. Il a peu changé, certainement, depuis les Volsques, et cette immutabilité à travers les siècles fait son principal intérêt on peut, en s'y promenant, en s'arrêtant dans ses peu confortables villages, y revivre

dans leur décor des pages émouvantes

tium, par ses raz-

zias répétées. Tout, ici, est

de

l'histoire ro-

maine.

resté sauvage, habitants et pays; ce fut un des derniers

Bâties par un

peuple dont l'histoire nous est totalement inconnue, les Pélasges, à une époque préromaine sur laquelle nous ne

repaires des brigands classiques de l'Italie, comme si le souvenir de leurs prédécesseurs, les Volsques, tribu de

possédons que des

légendes, plusieurs

bandits sur terre

bourgades ont conservé jusde ces

et de pirates sur la rive tyrrhénienne, eût continué à inspirer cette population sur une lon-

qu'à nos jours leurs murailles d'enceinte, d'appareil cyclopéen, et leurs temples plus jeunes élevés par Rome sur les substructions de sanctuaires

gueur de 5o kilo-

mètres de montagne, aucune route LE VILLAGE DE NORMA; AU PREMIER PLAN, LES MURAILLES DE L'ANTIQUE NORBA. ne traverse la chaîdes sommets Photographie de M. Ch. Maumené. dédiés à des divinine de 1000 à 1500 tés locales, démomètres forment une barrière pittoresque, mais difficile dées. Norba, dressée en sentinelle sur la falaise qui à franchir; les bourgades, éloignées les unes des domine la plaine marécageuse de l'ancien Pomptiautres, communiquent par de simples chemins mulenum », peut être considérée comme le type de ces tiers, souvent impraticables par le ravinement des petites citadelles des premiers âges italiotes, qui respluies. Et du reste, à part les villages de Gavignano, tèrent sans changement jusqu'à une époque avancée Segni, Montelanico, Carpineto, s~ar le revers du Sacco; de la République, probablementjusqu'à Sylla, auquel Cori, Norma, Sezze et Piperno sur le versant du maelle eut la fatale idée de s'opposer, pendant les guerres rais Pontin, la montagne est déserte: maquis, maigres civiles. Ce fut sa mort. Détruite alors et inhabitée depuis A TRAVERS LE MONDE.

I9° LIV.

N° 19.

1.3

Mai 19°;.


cette année 82, elle doit à cet abandon d'avoir conservé très nettes ses curieuses murailles et les bases de ses principales constructions, alors que les autres villes pélasgiques, Cori, Segni, Preneste, etc., ont subi des remaniements tels, que le plan primitif de leurs

fortifications et de leurs édifices est difficilement reconnaissable. Tout au moins avons-nous ici, telle qu'elle était au premier siècle avant notre ère, la disposition d'une de ces petites places de guerre de la confédération latine. La ville forte, en ce temps, est encore simplement le (( refuge »; les Romains avaient bien pu exterminer les Volsques, mais l'enceinte impérissable des Pélasges avait préservé la ville de tout agrandissement Norba, arrêtée dans la première phase de son évolution, avant que la wc Paix Romaine pu lui permettre, comme aux autres vieilles forteresses, ses contemporaines, de se transformer. en cité, d'éventrer ses murailles pour s'agrandir et de faire entrer les campagnards deve-

ait

nus citadins, nous fait lire, à livre ou-

vert, l'histoire pri-

miti ve de toutes ces

villes latines, l'histoire de Rome ellemême. Norba s'élevait sur un escar-

pement d'unepart, la falaise, à pic sur

le marais Pontin, forme

l'enceinte;de

ce côté, la nature

a fait presque tout

l'ouvrage, c'est inaccessible; partout ailleurs, sur le

pourtour qui regarde la montagne,

tion des ouvertures d'ouvrages, forçait l'assaillant à se partager en deux bandes sous les coups des défenseurs qui couronnaient les terre-pleins. Le défilé pénétrait dans la ville par une voie qui est encore pavée de ses larges dalles, roches équarries à fleur du sol. A l'intérieur, 1'« Arx », capitole ou citadelle, et les énormes soubassements sur lesquels se dressaient les temples ces édifices occupaient le sommet de la position, et cette « place de l'Église» un merveilleux observatoire, d'où l'on découvre tout le c< Pomptinum» jusqu'à la mer; et, dans le lointain, comme un nuage suspendu entre le ciel et l'eau qui le reflète, cet étrange « monte Circeo » émerge du marais légendaire, asile de Circé la magicienne. Cette

est

place était le rendez-vous évident des flâneurs vols-

ques, et pas un être ne pouvait, à une distance considérable, traverser la plaine sans être aperçu et signalé. Dans l'enceinte, peu ou point d'habitations privées; les ruines qu'on y trouve proviennent de monuments publics palais des juges, maison commune ou {( municipio », chacun de ces

édifices,

très

petits, avait sa citerne, en outre de la citerne publique,

superbe construction en appareil cyclopéen, vaste et d'une profondeur telle, que les apports de terres amenées par les eaux pluviales, depuis vingt et un siècles, ne l'ont pas encore comblée les gens du village voisin, Norma, qui a succédé à l'antique Norba, com-

la muraille pélas- LA « PORTE SARRASINE» DE SEGNI, MANIFESTATION PRISIITIVEDE LA VOUTE AltCHITECTURALE. gique, défiant l'esPhotogra~hie de M. Ch. Maumené. calade avec sa pame ceux-ci aux roi lisse de 5 à 6 mètres de haut, formée de blocs Volsques et aux Romains, ont transformé ce fond de énormes, dont quelques-uns ont plusieurs mètres de citerne, bien abrité du vent, en un verger où les. longueur. Arrachés aux assises calcaires du sol, ils figuiers prospèrent, et, dans les parties de la ville que ont été largement aplanis sur leurs faces, de façon à n'encombrent pas les pierres, ils ensemencent et culprésenter des surfaces à peu près droites, permettant tivent des céréales; et ces parties vides de ruines de les superposer et juxtaposer sans ciment, la soliétaient bien, du vivant de la cité, vides de construcdité étant absolument assurée par le coincement de ces tions c'étaient des espaces herbeux réservés aux troumasses d'un poids considérable. En certains endroits, peaux, où le bétail pouvait trouver un peu d'herbe ces pierres ont été cintrées avec un art parfait, et les pour se nourrir pendant quelque temps, alors que le ingénieurs militaires pélasges, lointains prédécesseurs refuge avait reçu entre ses murs la garnison momende Vauban et de Brialmont, ont atteint, avec des tanée qu'un danger extérieur y renfermait, et qui cantonnait dans des cabanes improvisées, au milieu de moyens mécaniques pourtant primitifs, une puissance défensive étonnante. A la gorge et le long de l'ences parcs non bâtis. ceinte, point de tours pour battre le pied du remUne pareille ville, avec les moyens d'attaque du part la formidable muraille assure la garde de son temps, était à peu près imprenable de vive force; il entrée, formée par elle-même ramenée à angle droit fallait la ruse, la trahison, la famine ou line galerie souterraine pour s'y introduire. sur sa direction primitive, elle constitue un défilé, Et, du reste, Sylla ne la prit pas, pas plus qu'il que divise en deux, dans sa longueur, une terrasse supérieurement appareillée en blocs cintrés à son ne se rendit maître des autres (( refuges » de l'armée saillant. Ce « cavalier »p moyen de défense encore du jeune Marius, de Preneste sur la voie Latine, ni de usité dans la fortification moderne pour la protecSegni, que nous visiterons tout à l'heure. Après un


siège de plusieurs mois, les gens de Norba apprenant que Sylla était définitivement vainqueur et maître de Rome, que Preneste s'était rendue et que Telesinus et Marius s'étaient tués, évitèrent le massacre qui les attendait en brûlant leur ville et en s'égorgeant euxmêmes. Tout ce petit massif montagneux n'était, dans la pensée politique des premiers conquérants, qu'une solide forteresse, destinée à leur assurer les bons terrains de la plaine et à fermer à de nouveaux envahisseurs l'accès des passages qui se trouvent à ses pieds, la vallée du Sacco d'une part, le Pomptinum de l'autre, lignes naturelles de pénétration, dont les Romains firent la voie Latine et la voie Appienne. Au-dessus du marais, ils avaient créé les refuges fortifiés de Cori, de Norba, de Setia; de Privernum, et barré le Sacco par Segni et Preneste. Et il ne faut pas nous étonner de trouver ainsi l'intérieur de ces enceintes vide d'habitations, n'ayant que des édifices publics et des parcs à bétail. Telle est la conception de la cité, à l'époque pri-

mélangées les Pélasges, les Volsques, les Romains, le Moyen Age, les Italiens de la Renaissance et ceux d'aujourd'hui sont intimement confondus. Un temple du temps de Sylla domine la ville, une église s'est logée dans son péristyle; des pans de murs cyclo-

péens emboîtent des couvents, et des arcades de cloîtres reposent sur des colonnes antiques. Partout on voit la ville fortifiée primitive, et il est impossible d'en démêler le plan détruite à plusieurs reprises, puis reconstruite sans aucun autre souci que d'employer de nouveau les matériaux en place, les fondations des anciens édifices et les monuments encore debout. Bàtie en escalier, avec des rues qui montent à l'assaut de la montagne par les pentes les plus rapides, il faut bon souffle et bon jarret pour arriver jusqu'au temple qui était peut-être, primitivement, dédié à Hercule. Le dieu de la force a cédé la place à saint Pierre; c'est celui-ci qui, dans la plupart des villages de la montagne, a remplacé la principale divinité du lieu, occupant toujours la si-

tuation dominante. Ici, il s'est logé

mitive de la fon-

dans la cella d'Hercule, qui me paraît avoir lui-même cédé la place à Mi-

dation de ces repaires, et même encore beaucoup plus tard. On vivait les aux champs rudes labeurs

nerve. C'est en cet

endroit, en effet, que fut trouvée la belle statue de mar-

de

l'agriculture et de

bre polychrome, qui, transportée à Rome, orne d'une

pastorale étaient, avec le brigandage, les

la vie

façon si charmante la fontaine de la

seules occupations, le principal, sinon

l'unique moyen

place du Capitole,

symbolisant la

d'existence de ces sociétés; mais comme il fallait pour-

tant abriter les récoltes, mettre les femmes en sûreté

CORI EST PERCHÉ SUR UN ÉPERON QUI S'AVANCE AU-DESSUS DE LA PLAINE.

puissance romaine. Et même ce temple, aux assises préromaines. fut-il

d'abord dédié au Soleil car dans l'intérieur de l'église actuelle, se dresse un autel païen, en marbre, peut-être encore à sa place primitive. Ce petit monument, outre sa haute antiquité, est intéressant sur trois de ses pans se détache, sculptée eh relief, la face large et joufflue d'une divinité jeune; cette figure était, autrefois, entourée d'un nimbe de cheveux flottants, ou de rayons, tel le soleil; cet attribut fut martelé, probablement à l'installation du culte chrétien dans cet édifice, de façon à laisser à ces têtes l'apparence de têtes d'anges, et la foi incurieuse des

Photographie de M. Ch. Maumené.

en cas d'alerte, avoir un centre où se réunir pour les transactions et la

discussion des affaires communes et des coups de main projetés, cette nécessité, comprise de bonne heure par les tribus les plus intelligentes, fut l'origine de la « ville », d'abord magasin, forteresse et place publique, Acropole et Agora, Capitole et Forum. A quelques heures de Norba se trouve Cori, reliée à elle par un chemin muletier aussi pittoresque qu'inconfortable, où l'on se rencontre, de temps en temps, nez à nez avec les mulets chargés de bois des montagnards volsques; mais, de ces endroits-là, on jouit d'une vue splendide sur l'immensité des marais et de la campagne romaine. Cori est perché sur un éperon qui s'avance au-dessus de la plaine, et, avant d'y arriver, on a, par-dessus les verdures des vergers d'oliviers, un ensemble amusant de cette cascade de maisons et de ruines, dont on est séparé par un profond ravin; une arche faite de débris romains, soutenue encore par ses piles primitives, réunit les deux versants. Ici, toutes les époques, toutes les ruines sont

dévots de Cori leur a donné, à force de baisers pieux, un poli vénérable et un flou artistique d'un effet

charmant.

Segni est en vedette sur la vallée du Sacco, comme Norba et Cori sont suspendues au-dessus du marais Pontin, de l'autre côté du massif des Volsques. La légende fait remonter sa fondation, comme du reste celle de Cori, à des Troyens, compagnons d'Énée. Là aussi, les Romains ont fortement remanié le vieux refuge des Pélasges, et, au xme siècle, les Sforza, seigneurs du pays par leur comté de Segni, reconstrui-


sirent à la mode féodale toutes ces petites forteresses; mais sur un développement de près de 2 kilomètres, on retrouve, presque intacte, l'imposante muraille, frappant l'esprit par la dimension de ses matériaux; seule, une race de géants a pu remuer de pareilles masses de pierres et les entasser à une telle hauteur. Au sommet du village, sur une terrasse en observatoire analogue à celle de Norba, se voient les assises du temple; ces hauts gradins superposés, faits de blocs cyclopéens, très bien alignés et nivelés, malgré l'irrégularité de leurs faces, forment un escalier de Titans, et l'on se demande avec inquiétude quels monuments étranges devaient se dresser sur de pareilles bases, montagne de pierre superposée par les hommes à la montagne primitive. Très pauvres, tous ces villages, et ce qui devrait faire leur richesse, la surpopulation, est pour eux une cause de ruine et d'abandon. Nulle part, peut-être, on ne voit autant d'enfants grouiller dans les rues l'air de ces montagnes est sain et prolifique, autant

que celui de la plaine marécageuse où elle se dresse est fiévreux et mortel, et l'on se demande comment toute cette multitude d'enfants, qui encombrent les places, peut être contenue dans ce peu de maisons étroites, qui constituent ces villages. Aussi l'exode vers les villes, et davantage encore l'émigration au delà des mers, sévit-elle sur cette région. Le pays est peu productif, la population très nombreuse; cela fait qu'au moment des récoltes, la main-d'oeuvre agricole est d'un prix dérisoire. J'ai vu des gens s'engager pour la cueillette des olives' à raison d'un franc cinquante par journée, Les impôts sont trop élevés pour ce pays de misère, qui n'a même plus la ressource du brigandage,industrie florissante jusqu'à ces vingt dernières années. Aussi, à Segni, à Cori, centres de 5 à 6000 habitants, on compte jusqu'à i5o ou 200 émigrants qui partent, chaque année, pour l'Amérique, et à Norma, petit village de 2 500 habitants, ce nombre s'élève jusqu'à 7 pour ioo. CH. MAUMENÉ.

La nouvelle Constitution du

Transvaal.

Prétoria la nouvelle Constitution du Transvaal. Ainsi se trouve résolue, pour un laps de temps qui comptera sans doute plusieurs années, cette question qui était restée en suspens depuis le traité de Vereeniging. Jusqu'à présent, les deux anciennes Républiques du Transvaal et de l'Orange avaient vécu sous le régime des colonies de la Couronne. Le Gouvernement, nommé par le Gouvernement métropolitain, était assisté d'un Conseil

LE 25 avril,

a été proclamée à

législatif, composé de fonctionnaires et de quelques notables désignés par la métropole. L'Angleterre avait promis à ses nouvelles colonies l'autonomie, ou self goverias~~ent, sans cependant fixer de date, ni trancher la question de savoir si l'on procéderait d'un seul

coup ou progressivementà l'institution de ce régime. Au Transvaal même, s'étaient formés deux partis à propos de cette question constitutionnelle. L'un demandaitl'autonomie complète accordée en une seule fois. Il se composait de tout l'élément boer, puis d'une partie de la population anglaise, qui estimait que les Boers étaient suffisamment réconciliés avec le nouvel ordre de choses pour qu'on pût faire fond sur leur loyalisme à l'égard de l'Angleterre. Ces partisans du Gouvernement responsable avaient en face d'eux un autre parti, qui se composait du reste de la population anglo-saxonne. Ces Anglais estimaient que l'octroi de l'autonomie rendrait aux Boers leur prépondérance dans la nouvelle colonie. Ils demandaient donc un simple Gouvernement « représentatif », étape intermédiaireentre le régime des colonies de la Couronne et le self government complet. Ils étaient en minorité vis-à-vis du parti adverse; mais comme ils avaient de leur côté le Gouvernementde la métropole, c'est eux qui ont fini par l'emporter. M. Lyttelton, ministre des Colonies, a pensé qu'il ne serait pas prudent d'octroyer d'un seul coup au Transvaal le self govermnent, sa Constitution antérieure ne l'y ayant pas suffisamment préparé, Mais il a voulu lui octroyer le maximum de liberté compatible avec la sécurité et la stabilité de l'administration. L'innovation principale, réalisée par la nouvelle Constitution, consiste à introduire dans le Conseil législatif un élément électif, qui n'y avait pas figuré jusqu'à présent, La nouvelle Assemblée législative comprendra le lieutenant-gouverneur du Transvaal; des membres officiels, au nombre de six au moins et de neuf au plus des membres élus, au nombre de trente au moins et de trente-cinq au plus. De cette manière, l'élément électif sera en majorité dans l'Assemblée. Auront le droit de vote 1 les burghers inscrits sur la dernière liste des burghers de la République Sud-africaine qui avaient le droit d'élire les membres du premier Volksraad; 2° toute personne ayant occupé pendant six mois au moins avant la date de l'inscription des immeubles ayant avec les terres une valeur de 2 500 fr. ou une valeur locative annuelle de 250 fr.; 3° toute personne ayant reçu, pendant six mois au moins avant la date de l'inscription, un traitement ou salaire d'au moins 2 500 fr. par an. Tous les électeurs doivent être âgés d'au moins vingt et un ans. L'Assemblée pourra légiférer en toute matière, et ses membres auront le droit de proposer des lois, sauf lorsqu'il s'agira de questions financières, auquel cas l'initiative appartiendra seulement au Gouvernement qui fera partie de l'Assemblée. Les lois votées par l'Assemblée seront promulguées après avoir été approuvées par le gouverneur, mais celui-ci devra les transmettre au Gouvernementmétropolitain qui pourra les abroger dans les deux années suivantes. Le gouverneur aura le droit de proroger l'Assemblée dont les membres seront" élus pour quatre ans. L'article 26 de la Constitution oblige tous les membres de l'Assemblée à prêter serment de fidélité au roi d'Angleterre. Tels sont les traits essentiels de cette Constitution transvaalienne, qui cherche à concilier l'autorité de l'Angleterre sur sa nouvelle colonie avec les principes de libéralisme qu'elle applique à sa politique culoniale en général.


Tout le reste, dans le wagon, cabinet de toilette, etc., est à l'avenant, réunissant confort et propreté.

Dans le wagon-restaurant, où des tables pliantes sont rangées le long des parois, la cuisine est excel-

Dans un Wagon du Chemin de fer de Laponie. LE Tour du

Monde a

consacré à la voie ferrée la plus

septentrionale du globe un article très complet, avant qu'elle fût mise en exploitation. Un touristeautrichien, qui vient de faire le trajet de Stockholm à Narvik, c'est-à-dire du point de départ au point terminus de la ligne, nous donne ses impressions de route, quand, bien installé dans les lu-

xueux wagons de la Com-

pagnie des Chemins de fer lapons, il n'a eu qu'à laisser ses regards errer sur les merveilleux paysages polaires qui se déroulaient aux

Rappelons brièvement, avant de lui donner la parole, que la construc-

des ouvriers qui ont travaillé à construire la ligne y sont demeurés en qualité de gardes-voie ou de colons. Tout le long du chemin de fer se multiplient fermes, cottages, maisonnettes à un étage, dont la couleur, à

au tableau. Les trois principales stations de la ligne, en dehors de Stockholm,

tion de la ligne, commencée en automne 1898, fut terminée à la fin de yo2; le 15 novembre de cette an-

sont Gellivara, Kirunavaara et Narvik. Elles comptent

née-là, eut lieu l'inauguration de cette nouvelle con-

déjà de cinq à sept mille âmes. Or, avant le chemin de fer de la Laponie, c'est à peine si elles existaient.

quête sur les frimas du cercle polaire. Le roi Oscar II présidait la cérémonie, La ligne mesure 1 588 kilomètres, soit la distance de Munich à Bucharest par Vienne et Budapesth. On la parcourt en cinquante heures en train express et en soixante-deux heures et demie en train ordinaire. Le premier est pourvu de wa-

taurants, tandis.qu'avec

20

l'ordinaire d'un rouge vif, se marie harmonieusement à celle de la verdure ou des sapins qui serviront de fond

portières.

gons-lits et de wagons-res-

lente, et les nappes, couverts, etc., resplendissent à la lumière septentrionale, comme si l'on se trouvait dans une salle à manger hollandaise. Notons seulement que si la carte des vins et des bières est bien fournie, les spiritueux sont rigoureusement bannis du service de la ligne. On n'a pas encore fait beaucoup de kilomètres que l'on constate l'effet civilisateur d'une voie ferrée sur des contrées jusque-là quasi-inhabitées. La plupart

Cependant,lespaysages se déroulent, se succèdent, se chassent, varient à l'infini, tandis que le train file à toute vapeur. La vaste plaine d'Upsal,

CARTE DU CHEMIN DE

l'autre on doit, dans les arrêts de plusieurs heures aux principales stations, descendre aux buffets des gares. S'embarquantà Stockholm, dont la gare est déjà presque trop petite, le train de luxe, où prit place notre touriste, comptait trois longs wagons, marqués des lettres A. B. C. et divisés en compartiments pour une ou deux personnes, avec couloirs latéraux, fumoirs et salons de lecture ou de conversation. Un wagon-restaurantcomplétait le convoi. Tout cela était reluisant de propreté. Les compartiments sont spacieux, bien aérés et éclairés, Dans les filets on plie, pendant le jour, tout le matériel de la literie. De petits placards renferment une carafe d'eau fraîche et deux verres. Des rideaux de feutre garantissent au besoin du froid. J. Au Pays des Lapons, par M. de Launay, Tour du Monde, 1902, pages 529 et suivantes.

célèbre dans les fastes de la science et de l'histoire ecclésiastique, n'a rien qui charme l' œil. Après la station de Krylbo, où s'emFER DE LAPONIE. branchent plusieurs lignes ferrées, on franchit la cascade de Doleff, dont l'énorme volume d'eau écume sous l'arche hardie d'un viaduc. C'est la Dalécarlie, le centre de l'industrie du fer; ce ne sont, le long de la voie, que cheminées géantes, fabriques et hauts fourneaux une véritable fourmilière A Okelbo, la (( porte du Nord », la plaine fait place à des collines, où commence une immense étendue de forêts semées de lacs. Les vallées sont une bruyère inculte, les hauteurs des pâturages déserts. Partout des cascades et des torrents, qui s'échappent de la chaîne séparant la Norvège de la Suède et se jettent dans le golfe de Botnie au nord du Jemtland, l'Indals, l'Umea, le Skellefled, le Pitea, le Lulea, le Kalix, sont les noms des principaux d'entre eux. La voie ferrée, qui les franchit tous, ménage ainsi aux voyageurs une série de spectacles saisissants, au milieu du fracas de tonnerre des eaux écumantes. Il y a là une


source inépuisable d'énergie électrique, et, pour un pays encore peu habité, les promesses d'un avenir économique, d'une prospérité inouïe. On parcourt, dans toute la traversée du Jemtland,un district d'aspect idyllique. De Bracke, dans le Jemtland, se détache une ligne secondaire qui se dirige sur Trondhjem, la perle de la Norvège. Cette ligne elle-même ménage aux voyageurs les plus ravissantes perspectives. Puis la nature se fait de plus en plus. sauvage c'est le nord dans toute son horreur. Boden Cette station est un point stratégique de première importance, la clef de la Laponie. De là, une ligne secondaire de 36 kilomètres, dans la direction du sud-est, a pour point terminus le fort de Lulea, sur le golfe de Botnie. Un autre embranchement se dirige à l'est vers la Finlande un trait d'union sous forme de tronçon de ligne, va, par Haparanda, souder aux réseaux finlandais et russes les chemins de fer suédois. Nous voici dans le territoire réservé aux Lapons, où le Gouvernement suédois leur permet de mener une vie nomade et, sous certaines conditions, de garder leurs mœurs et coutumes originales. C'est l'extrême nord il n'y a presque plus d'arbres, à peine quelques arbustes encore. C'est la solitude nue, cou-

verte de rochers et de neiges. L'atmosphère est d'une pureté incomparable, qui permet d'apercevoir dans le lointain, avec une absolue netteté. la crête

déchirée des Alpes scandinaves. Nous franchissons la latitude de 660 33' un nom de station frappe nos oreilles Cercle Polaire! Voici où l'on entre dans les mélancoliques domaines du soleil de minuit. A Gellivara, qui est la station la plus voisine, le phénomène s'observe du 6 juin au 11juillet, Il va sans dire que ce-laps de temps s'allonge à mesure qu'on s'avance

vers le nord. Au moment où le voyageur autrichien atteignit Gellivara, à minuit, il faisait clair comme en plein jour, et nul ne songeait à prendre du repos. La bizarrerie du phénomène était soulignée par une foule bariolée qui assiégeait la gare Lapons, Suédois, Norvégiens, même des Finlandais, chacun, dans son costume national, attendait le roi de Suède, qui se trouvait précisémentdans ce train-là. Et c'étaient partout des mâts où flottaientles couleurs,suédoises, desguirlandes,

des draperies décorant les maisons, un QuartorzeJuillet sur le cercle polaire, et qui battait son plein, passé minuit! Mais, pour rehausser ce décor trop connu par un peu de couleur locale, les Lapons étaient là, petits, la tête énorme, avec leurs yeux bridés et leurs dures pommettes de Mongols; ils avaient revêtu les costumes les plus hétéroclites, car ce peuple aime les couleurs voyantes et même criardes. De Gellivara, deux courts embranchementsconduisent à Kirunavaara et à Luossavara qui sont les mines de fer les plus riches du monde. Rien de plus imposant que l'aspect du rocher de Kirunavaara (vaara, en suédois, signifie montagne), au sommet duquel, à i ooo mètres d'altitude, un étendard gigantesque fait flamboyer le monogramme du roi de Suède O. II, visible à de très grandes distances. Les couches de minerai sont disposées par bancs horizontaux, d'une longueur de 35 kilomètres. Plusieurs sommités les surmontent et dominent l'exploi-

tation. On a mis au jour une infime portion seulement de ces richesses naturelles, qui livrent chaque année 1 700000 tonnes de minerai. La ligne de Kiruna, en se prolongeant, se dirige

vers le lac de Tornea, de 65 kilomètres de long, de io kilomètres de large, et d'où sort la Tornea, un des principaux tributaires du golfe de Botnie. La grande ligne de Laponie, à partir de Gellivara, s'enfonce dans des solitudes désolées, remonte péniblement les gorges d'Abisko, où elle doit se protéger, par des toits et autres travaux d'art, contre les avalanches, incessantes au printemps. Puis c'est une succession ininterrompue de tunnels et de viaducs. C'est ici que les ingénieurs ont dû surmonter des difficultés sans nombre et l'État engloutir millions sur millions. On dirait qu'aux approches de la frontière norvégienne, la nature elle-même se soulève, se hérisse, prend une attitude hostile et divise les deux peuples frères par des remparts de géants. Sur 20 kilomètres, on ne compte pas moins de quarante et un

tunnels.

Après l'ascension, marquée par les halètements de la locomotive et la marche ralentie du train, voici la descente nous sommes en Norvège Quel pays sauvage! C'est une Suisse boréale, mais absolument déserte, et où Manfred, délaissant son Valais, aujourd'hui trop couru et trop exploité, viendrait abriter de préférence sa noire mélancolie. Et c'est dans ce cadre austère qu'on arrive au point terminus, Narvik, sur le magnifique Ofotenfjord, véritable fenêtre ouverte sur l'Océan. Narvik elle-même est entourée de verdure, et cette verte banlieue de la coquette petite ville maritime repose un moment les yeux, rassasiés des sublimes horreurs de la nature polaire.

Les Fondements solides de la Domination anglaise aux Indes. Joseph Chailley, le distingué secrétaire général de M

l' Uniov~ colovczi~le, a rapporté de son récent voyage

aux Indes, où il avait été étudier la colonisation anglaise, l'impression la plus favorable aux maîtres du pays. L'Angleterre est, à son avis, installée aux Indes avec une inébranlable solidité, et cette solidité est due à une triple assise dont M. J. Chailley nous explique

éloquemment les vertus. La première est constituée par les forces militaires de la péninsule. L'Inde est couverte sur deux côtés par la mer où la flotte anglaise est sans rivale, et sur un troisième par l'Himalaya. Elle n'est vulnérable que sur le quatrième, dans cette région qui s'étend de l'Himalaya à la mer, par laquelle sont venues toutes les invasions. Or i 5o millions de roupies viennent d'être affectés à réorganiser la défense et à concentrer tous les efforts stratégiques sur cette partie de la frontière. Entre l'Afghanistan et l'Inde, vivent des tribus


montagnardes fanatiques, énergiques et turbulentes, qu'on avait d'abord essayé de soumettre en installant des postes chez elles. Mais ces postes étaient fréquemment attaqués, et il fallait des expéditions pour les délivrer. On y renoncé. On se contente aujourd'hui d'investir des chefs et de leur organiser des milices locales. S'ils se battent entre eux, le Gouvernement indien n'intervient qu'autant qu'il le juge utile. Au total, le système paraît lui avoir donné plus d'empire sur ces tribus que l'ancien. Dans le Beloutchistan, où les indigènes sont beaucoup plus paisibles, on a maintenu au contraire le principe des postes d'occupation. Cette organisation des tribus forme la première ligne de défense. Derrière, on est en train de créer de grosses garnisons, où la plus grande partie de l'armée angloindienne sera cantonnée. On ne laisse presque point de troupes dans le reste de l'empire. Les Anglais ont, pour ainsi parler, constitué leur seconde assise avec le régime qu'ils ont imposé aux princes indigènes protégés. Sur 300 millions d'habitants, 65 millions environ ont conservé leurs chefs héréditaires. Ils se répartissent entre 68o principautés, beaucoup insignifiantes, quelques-unes formant de véritables États, comme le Nizam qui a i millions d'âmes. Les Anglais voient avec raison dans cette multiplicité des Etats une condition de sécurité. Jusqu'en 1857, ils supprimaient le plus qu'ils pouvaient les princes indigènes l'insurrection de 1857 leur ouvrit les yeux. Ils comprirent que plus le pays serait unifié, plus un mouvement de rébellion aurait de chance de l'entraîner dans son entier. Dès lors, ils conservèrenttoutes les principautés qui subsistaient encore et en ont même rétabli quelques autres. Ils veillent à ce qu'elles ne puissent former aucune coalition entre elles. Elles sont généralement séparées par des territoires d'administration directe. Un résident, un political officer, installé auprès des princes régnants, veille à ce qu'ils gouvernent sagement. Dans ces conditions, les États indigènes ne sauraient jamais devenir une menace pour la domination anglaise. Troisièmement enfin, l'administration directe de l'Angleterre sur ses 235 millions de sujets est incomparable. M. J. Chailley a fait justice de l'opinion courante qui montrait l'Angleterre administrant sa colonie avec 900 fonctionnaires seulement. En fait; ces 900 fonctionnaires sont un état-major dirigeant un petit million de sous-ordres; mais cette élite, de qui dépend toute l'impulsion,avec quelsoin est-elle choisie Outre que les traitements sont faits pour tenter les plus hautes intelligences et les jeunes gens des meilleures classes, on ne veut que des Anglais d'Angleterre, c'est-à-dire nés et élevés en Angleterre. Une série de concours, auxquels tout le monde sans exception doit se soumettre, est placée au bas de la hiérarchie. Il faut en même temps que les candidats produisent un certificat de bonne santé, un certificat de bonnes vie et mœurs et qu'ils prouvent qu'ils sont bons cavaliers. Ceux qui sont déclarés admissibles vont alors faire des études spéciales sur l'Inde dans une Université. S'ils ont été reconnus avoir une préparation suffisante, ils vont dans l'Inde, où ils font un stage de trois ans, pendant lequel ils doiventapprendre à fond une des grandes langues du pays. Ce délai passé, s'ils ne la savent pas, ils sont impitoyablement

éliminés. Ces avantages et ces épreuves permettent de constituer un personnel qui est certainement unique au monde. Quelle est maintenant la méthode d'administration ? Le pays est divisé en districts que dirige un administrateur cinq à six districts forment une circonscription placée sous les ordres d'un commissaire. L'Angleterre considère que les indigènes lui doivent les impôts et qu'en retour elle leur doit la justice. Le titre de l'administrateur de district s'inspire de ces obligations réciproques il s'appelle collector and magistrate. Pour remplir son double office, il doit sans cesse parcourir son territoire, tout voir de ses yeux, tout entendre de ses oreilles. L'administrationde l'Inde est une administration essentiellement ambulante. Du haut en bas de l'échelle, elle est toujours sur les routes. Un chef de district est dehors neuf mois sur douze. Le vice-roi lui-même, pour donner l'exemple, fait chaque année un voyage de six semaines à deux mois. Il en résulte que le pays est merveilleusement inspecté, surveillé, protégé contre les abus et tenu en main. Tous les ans, le collector and magistrate fait un rapport qui est annoté par son supérieur, imprimé avec ses annotations, distribué aux différentes administrations, souvent même communiqué à la presse. Les Anglais ne cherchent pas à gagner les sympathies des Hindous. Leur Gouvernement est résolument despotique, à l'imitation de tous ceux qu'à connus l'Inde, mais il s'efforce en même temps d'être paternel et juste. Les seuls sentimentsqu'ils prétendent inspirer à leurs sujets sont l'estime pour leur équité, le respect pour leur fermeté, la crainte pour leur force ils y sont parvenus. Des côtes et des frontières fortement protégées, un pays bien administré et dont les éléments constitutifs sont soigneusement opposés les uns aux autres pour maintenir l'équilibre; avec de pareils atouts, l'Angleterre peut résister longtemps et aux visées de la Russie et aux tentatives d'émancipation indigène.

Ed. Clavery.

Hong-kong. 1 vol. in-8o de 58 pages. Paris, Chevallier et Rivière, 1905. Prix 1 fr. 75.

Clavery, consul de France, s'estspécialement attaché

à

l'étude du mouvement économique de cet emporium anglais. Cette étude puise ses informations dans les rapports consulaireset documents anglais. Notamment, une des questions qui présentent le plus d'importance pour le futur développement de la colonie de Hong-kong est celle de son rattachement au réseau de chemins de fer actuellement en construction en Chine. M. Clavery nous explique clairement, d'autre part, la connexité d'intérêts existant entre notre Indo-Chine et Hongkong. Dans le total du commerce extérieur de l'Indo-Chine, la proportion des échanges avec Hong-kong a été de 28.6 0/0 en 1902 et 3 .6 0/o en i go3. En outre des intérêts anglais de Hong-kong sont engagés dans un grand nombre d'entreprises indo-chinoises, filatures de coton de Nam-dinh, charbonnages du Tonkin, etc. Deux grandes banques britanniques la « Chartered Bank of India » et la « Hong-kong and Shanghaï Bank » ont des agences ou des correspondants à Saïgon, Pnom-penh, Haïphong. Par contre, on sait que la Banque de l'Indo-Chine possède succursales les plus occupées.

à

Hong-kong une de

ses


FRANKFURTER ZEITUNG

De Téhéran à Kum. la Perse est chose assez malaisée, vu l'état des routes, ou de ce qui porte ce nom, et le fanatisme de certaines populations persanes. C'est ce qui ressort avec évidence de l'intéressante relation d'un Allemand établi à Téhéran, M. von Seedorf. Le trajet de Téhéran à la fameuse ville sainte qui porte le nom de Kum demande deux jours. La première ville importante que traversa le voyageur fut le lieu de pèlerinage Schah Abd-ul-Azim, où Nassredin, le père du souverain actuel de la monarchie persane, fut assassiné, il y quelques années, au moment où il allait franchir le seuil de la mosquée, A Kerisek, une raffinerie de sucre, dirigée par un consortium de

UN voyage dans l'intérieur de

financiers belges, constitue un petit foyer de culture et d'idées européennes, et n'est sans doute pas étrangère au bon état des routes, qui permirent au voyageur d'enlever sans encombre la première étape. Mais, à partir de là, il n'eut plus qu'un chemin persan, c'estdevant lui, -c'est tout dire, à-dire une succession de casse-cou, dont sa pauvre voiture ne se tira pas indemne, ni celui qui la montait. En gravissant une colline, une des roues du chariot se rompit. En descendant du haut d'une autre colline, chariot, cocher, voyageur et chevaux tombèrent précipitamment,les uns sur les autres, dans une jolie prairie où les chevaux se mirent incontinent à brouter et le cocher à lever les mains au ciel, pour remercier Allah de l'avoir préservé de tout dommage. En effet, par miracle, tous se tiraient sains et saufs de l'aventure, sauf le voyageur, qui s'était luxé le genou. Il continua sa route cahin-caha, avec une mélancolie assez compréhensible et qu'une lugubre rencontre ne pouvait qu'accentuer. Trois cavaliers l'atteignirent en route, trois cavaliers de la mort cela a l'air d'une ballade allemande, et cependant c'est ainsi qu'on désigne en Perse les croque-morts chargés de transporter les cadavres, parfois venus de fort loin, à la ville sainte de Kum. Ces trois compagnons avaient donc chacun un cercueil qu'il tenait devant lui, sur sa monture, ce qui ne les empêchait pas de chanter à tue-tête et de rire à belles dents. Cette aimable escorte devait s'attacher, pendant le reste du voyage, au voyageur meurtri sur sa voiture disloquée Au prochain caravansérail, cèlui d'Ali-Abad, les deux invalides, voiture et voyageur, s'adressèrentà leurs rebouteurs respectifs. Pendant qu'un charron rafistolait la roue, un médecin persan, sous l'oeil sympathique des cavaliers de la mort, fit son entrée à pas comptés dans la chambre du voyageur, en portant sous le bras un exemplaire du Coran. Il commença par palper la place douloureuse; puis tirant 'le livre saint d'une triple boîte de brocart, de velours et de soie, il l'ouvrit à la page où il devait, paraît-il, trouver le remède décisif; car, au bout de quelques heures, on le vit revenir avec une fiole contenant un liquide noirâtre. Agiter avant de s'en servir, avaler et guérir les deux premiers de ces termes étaient des ordres, et le troisième une promesse formelle. Le malade n'agita rien, n'avala pas davantage, et guérit avec le

temps.

Non loin d'Ali-Abad s'est formé, il y quelques années, un lac d'eau salée, une véritable mer Morte, qui a inondé le pays sur une étendue de plusieurs milles. La cause? Les Persans ne sont pas d'accord là-dessus. Les uns prétendent qu'un grand vizir, connu par son avarice, a fait rompre une digue pour abîmer sous les eaux la vieille route et détourner

les caravanes vers un chemin où il avait établi un péage; d'autres parlent d'un tremblement de terre. Quoi qu'il en soit, pas une seule embarcation ne sillonne ces eaux lourdes, dont la nappe immobile semble également faire fuir les oiseaux. Au moment où il allait entrer à Kum, le voyageur fut arrêté par un dernier obstacle un énorme bloc de marbre gisait à travers la chaussée. Ce bloc était destiné à servir de socle au tombeau du shah défunt. Mais, soit manque de moyens de transport, soit par le fait de l'ignorance des ingénieurs du pays, on ne put le transporter jusqu'à la ville, et on le laissa là. En France, cela aurait fait l'objet d'une inter-

pellation à la Chambre; en Perse, on se contenta d'y voir l'effet de la volonté d'Allah. Kum, en sa qualité de ville sainte, se doit à elle-même d'être un foyer de fanatisme; le voyageur fut donc regardé de travers par la foule, qui se mit à se presser sur ses pas avec une curiosité assurément plus malveillante que celle dont se vit accueilli à Paris le Persan de Montesquieu. M. de Seedorf se proposait d'aller visiter l'intérieur de la célèbre mosquée où se trouve le tombeau de Fatime, la fille d'Ali, c'est-à-dire du gendre du Prophète, du fondateur de la secte des Schiites, à laquelle se rattachent les Persans, par opposition aux Sunnites (Arabes et Turcs). Mais, quand le « Franc impur » se présenta aux portes de la mosquée, surmontée d'une coupole dorée, le gardien lui en barra l'entrée. L'étranger offrit jusqu'à 25 tomans (ioo francs) pour adoucir l'humeur du cerbère. Même refus. ii On vous tuerait, et l'on me mettrait moi-même en pièces pour cette profanation », fit observer le Persan, en repoussant, non sans regret, mais d'un geste ferme, ce présent d'Artaxercès. sont partout les mêmes,-profita Mais le cocher, immédiatementde l'hostilité dont l'étranger était l'objet pour menacer de fausser compagnie à son client, malgré le marché formel qu'il avait conclu avec lui. Il exigea prix double pour le ramener à Téhéran. Le Prussien pensa, non sans raison, qu'il y avait des juges à Kum aussi bien qu'à Berlin, et se présenta devant le gouverneur, qui le reçut d'un air glacial. Cependant, on lui donna à moitié raison, en condamnant le cocher à tenir sa promesse, mais en refusant de le punir. Or, au sortir du tribunal, trois domestiques du gouverneur offrirent à l'Européen de fesser le cocher coupable, moyennant un honnête pourboire. Sur le refus du plaignant, ils se rabattirent sur le cocher, qui ne se tira de leurs mains qu'au prix d'un toman (5 francs), pour éviter une bastonnade extralégale. Au fond de la Perse, comme chez nous au Palais, ce sont les faux frais qui rendent la justice onéreuse! Toutefois, au milieu de toutes ces faces hargneuses et malveillantes, le voyageur distingua le bon sourire d'un vieux prince. (Pyinces, chameaux et poux sont nombreux che~ nous, dit un proverbe persan.) Ce prince affirma à l'étranger qu'il avait beaucoup voyagé en « Rup » (Europe), qu'il connaissait très bien l'Allemania et qu'il avait vu à Paris, la capitale de cet empire, legrand vizir Bismarck!

-ils

COLLIERS WEEKLY New York.

Les petits Crieurs de Journaux à New York. vendeurs DANSl'immense métropole américaine, les petits gesticulent, de journaux vont, viennent, s'époumonnent,

fourmillent aux abords des gares, du port, des théâtres, des

Extry! Extry! Extry! » crient, en nous secouant sous le nez leurs immenses feuilles toutes fraîches sorties de l'imprimerie, des gamins de huit à dix ans, qui semblent jaillir du sol et y rentrer, sans qu'on sache comment, ainsi que des légions de rats. Comme les rats, en effet, ces minuscules citoyens ont leurs trous, leurs nids, où ils dorment quand ils peuvent, le plus souvent dans l'après-midi, aux cc heures neutres » de la journée. C'est de huit heures du soir à deux heures du matin, placer leur maren effet, qu'ils ont le plus de chances de chandise. Mais la vente des journaux n'est qu'une des mille et en outre une occupations de ces petits Yankees, qui sonttoute une d'enragés parieurs, ayant leurs bookmakers et fumeurs des aussi qui sont mutuels, et de paris organisation d'opium se glissant dans les cabarets borgnes du quartier chinois, des pickpokets à l'occasion, parfois d'honnêtes commissionnaires, trop souvent d'effrontés mendiants. Beaucoup finissent par échouer sur les bancs de la correctionnelle;mais beaucoup aussi s'élèvent avec les années, de degré en degré, financiers ou sur l'échelle sociale, et deviennent de puissants industriels; car la rude école de la rue vaut, pour ceux qui tournent bien, les meilleures écoles du monde. cafés.

«


L'Italie et la France en Tripolitaine. L'bunaanité est nerveuse en ce moment; de toutes ~ârts surgissent des difficultés internationales que les di~lrnnaties anxieuses ont bien de la peine à aplana~ Les bons rapports qui unissent la France à l'Italie ont failli récemment faire place à une querelle venue de Tripolitaine. Le sultan aurait concédé à des Français la construction et l'ex~loitation du ~ort de et ne les Tripoli. D'oàe grand émoi dans la~resse italienne. Tout compte fait, le sultan a cnis les travaux en adjudication

a même pas adjugés.

CE n'est pas un phénomène politique d'une rare nou-

veauté que de voir deux puissances aux prises pour la jouissance effective d'un territoire, qui en droit ne leur appartient pas. Mais l'histoired'aucune époque n'a pu l'observer aussi fréquemment qu'à l'heure présente comme si les luttes meurtrières ou diplomatiques qui se livrent autour de la Corée et du Maroc ne suffisaient pas, voici que l'Italie vient disputer à la France la suprématie de la Tripolitaine,sansconsidérer qu'en somme ladite Tripolitaine ne

relève pas plus de l'Italie que de la France, mais bien du sultan. On connaît la cause, occasion-

Mais de cette aventure résulte avec évidence que les prétentions de l'Italie sur la Tripolitaine sont toujours aussi vives qu'elles le furent jamais, et que le problème tripolitain subsiste encore avec ses données complexes et ses dangers latents. Le pays sur lequel l'Italie rêve d'étendre son

influence mérite d'ailleurs qu'elle s'y intéresse ardemment. La Tripolitaine, dont la côte s'aligne en face de la Sicile, a pour pour l'Italie une autre valeur que sa situation géographique. Le territoire lui-même, connu en somme depuis

assezpeudetemps, n'est pas la plaine de sable qu'on s'est

trop longtemps figuré qu'il fut.

nelle de ce dissen-

La Cyrénaï-

timent, aussi vite apaisé d'ailleurs qu'il s'était rapidement élevé, Une

que,

Akhdar des Arabes, est une ver-

doyante oasis;

parue dans

note

d'autre part, on a pu comparerle pla-

une feuille italien-

ne, le Journal des T"ravaux publics,

TRAVERS LE MONDE.

teau de Barka au Sahel algérien, Ce plateau occupe, au point de vue maritime, une situation importante et forte dans la Méditerranée orientale Benghasi, le golfe de Bomba, la baie de Tobrouk, sont susceptibles de devenir, sur la route de Suez et du Levant, des ports excellents: c'est de Tripoli que partent, vers le Fezzan d'une part, vers Rhadamès d'autre part, les pistes les plus fréquentées qui conduisent au Sahara tous ces avantages expliquent suffisamment que les ambitions de l'Italie se soient naturelle~ ment orientées vers les vilayets turcs de la Tripolitaine.

CARTE DE LA TRIPOLITAINE.

annonça que la Porte avait concédé à une compagnie française la construction et l'exploitation du port de Tripoli. La presse s'en empara et spontanément fit naître en Italie une crise assez. aiguë de gallophobie. Comme la nouvelle était parfaitement inexacte, la fièvre des revendications tomba tout de suite, et la presse italienne dut, un peu penaude, rendre hommage à la bonne foi et à la loyauté de la France, dans cette querelle évidemment suscitée pour nuire aux bons rapports des deux pays latins. A

le Djebel-

20.

LIV

No 20.

20 Mai 1905,


d'Italie s'était-il senti mûr pour la politique d'expansion coloniale, qu'il jeta les yeux sur cette belle proie. Dès 1885, sous le couvert d'une mission scientifique et d'exploration commerciale, le duc de Gênes organisa une société qui envoya dans la région de Barka un officier en congé, chargé de créer des stations agricoles. Depuis lors, tout a été fait pour que le commerce italien ne cessât pas d'y progresser. En 1900, la Compagnie de navigation subventionnée Florio Rubattino établit un service bimensuel A peine le royaume

Malte-Tripoli-Misrata-Benghasi-Dernah-Ia Canée. En 1901, les autorités turques persistant à refuser l'autorisation nécessaire à la création d'un bureau de poste italien à Benghasi, les soldats italiens, débarqués par une division navale envoyée tout exprès, installèrent de force le bureau. Dans Je même temps, des députés italiens conseillèrent une action à Tripoli, comme un remède facile et certain à la misère qui règne dans les Pouilles et dans les Calabres. Enfin, le Gouvernement dépensa sans compter pour le développement de

enfin entre elle et la France la plus désirable des explications. En effet, les politiciens qui dirigeaient les affaires italiennes, il y a quinze ans, avaient toujours compté sur l'abaissement de la France par la Triple Alliance pour réaliser les rêves de l'Italie dans la Méditerranée. Quand l'Italie commença de s'apercevoir qu'elle ne tirait pas de sa participation à la Triplice tous les bénéfices espérés, elle se tourna du côté de la Grande-Bretagne. Or l'Angleterre traitant après Fachoda et délimitant avec nous les sphères d'influence dans l'Afrique du Nord, oublia complètement de réserver les prétentionsitaliennes à Tripoli. C'est avec la France que l'Angleterre traitait, pour elle et pour nous seuls. Les Italiens, également froissés par l'Allemagne et par l'Angleterre, comprirent la nécessité d'un rapprochement qui s'était dessiné déjà l'année précédente par la signature d'un traité de commerce, et s'ouvrirent franchement de leurs intentions au Gouvernementfrançais. La question prenait enfin la tournure qu'elle

LE PORT DE TRIPOLI.

D'après une photograpkie.

l'influence italienne; c'est ainsi, par exemple, qu'il donna une subvention annuelle de 80000 francs à l'école laïque italienne de garçons, ouverte pour faire concurrence aux établissements français des Marianistes et des soeurs de Saint-Joseph de l'Apparition. C'était bel et bien la ~énétration ~acifiqzae de la Tripolitaine par l'Italie; mais pour en sauvegarder les résultats, le consentement de la France, installée à Tunis, était indispensable; orle Gouvernement italien n'étaitpas sans s'inquiéter de notre résistance possible; il se souvenait de la déclaration de M. BarthélemySaint-Hilaire affirmant, en 1881, que la (( Tripolitaine fait incontestablementpartie de l'empire ottoman »; bien plus, pour tâter notre opinion et susciter une protestation qui le rassurât, il nous prêtait à tout instant l'idée de pousser vers Tripoli et Benghasi une nouvelle expédition analogue à celle des Kroumirs. Un événement inattendu fit faire un grand pas à la question; le 21 mars 1899, la conventionfranco-anglaise, destinée à liquider l'affaire de Fachoda, fixa la limite orientale de nos possessions africaines. Cette convention fit d'abord naître une nouvelle inquiétude en Italie et amena

aurait dû prendre d'abord. Abstraction faite du sultan, c'est bien l'Italie et la France, voisines en Afrique comme en Europe, qui devaient régler entre elles la répartition de leurs droits ou de leurs prétentions sur la Tripolitaine et la Tunisie. L'explication eut lieu, loyalement. Le 15 décembre 19° 1, le ministre français des Affaires étrangères déclara que la France ne dépasseraitpas, dans l'hinterland tripolitain, leslimites fixées par la convention de 1899. Quelques mois après, il manifesta à un journaliste italien notre volonté de laisser à l'Italie les mains libres à Tripoli en échange de notre liberté au Maroc. Peu après, notre ambassadeur M. Barrère affirma publiquement que les deux nations « avaient écarté toute cause de mésintelligence

dans le bassin de la Méditerranée ». Enfin, dans un discours prononcé devant la Chambre, M. Delcassé ajouta, le 14 mai ic~oa, que « les aspirations légitimes de la France et de l'Italie ne sauraient se heurter nulle part ». Cette entente, vieille de trois ans, a gardé, au point de vue français. sa pleine valeur; elle reste, au regard de notre diplomatie, la loi de notre action dans la Méditerranée. Comment dès lors une partie de la


s'est-elle si vite courroucée à l'appari.. tion d'une nouvelle que tout rendait invraisemblable? Voici probablementquelle en est la raison. C'est un lieu commun bien français d'affirmer que laTunisie est envahie par l'élément italien; il faut, pour faire justice de cette erreur, des chiffres maintes fois cités, des preuves fréquemment renouvelées. Or, par un juste retour des choses d'ici-bas, l'opinion italienne est convaincue que la Tripolitaine, malgré les droits reconnus par la France, est envahie par l'élément français. Le Giornale cfltalaâ, organe très écouté de M. Sonnino, se fait l'écho de cette opinion et s'alarme, sinon de la nouvelle même de la concession du port de Tripoli à une entreprise étrangère, du moins des progrès de l'influence française, en général, tandis que l'influence italienne en Tripolitaine se développe insuf fisamment et rencontre maint obstacle. Ce journal publie, pour en approuver le contenu, une lettre d'un résident italien à Tripoli qui presse italienne

énumère les

ment satisfaction, ce qui n'arrive pas pour les réclama-

tions du consul

pas moins fait pour exaspérer l'amour-propreitalien, des indices notables de progrès anglais et allemands. \( Il est inutile, a-t-il dit, de reproduireles preuves trop connues de l'influence très notable acquise par les Français dans la partie occidentale de la Régence, au point de vue commercial le peu de trafic qui ne prend pas la voie de Rhadamès et de la Tunisie aboutit tout de même, en bonne partie, dans les mains françaises. La France ne néglige pas d'envoyer, en attendant mieux, des missions archéologiques qui explorent les vieilles cités de Oca et de Leptis, riches de monuments romains. \( D'autre part, l'Angleterre, ou l'administration anglaise de

l'Égypte, a un grand intérêt à ouvrir une

çaise

1 Protec-

voie dans la Cyrénaïque, pour être en contact avec ce centre agricole. Un chemin de fer est en construction qui, d'Ale-

tion des missions catholi2° Pro-

tection des écolesfranciscaines

etdeshôpitaux; Administration des impôts 3°

indirects;

xandried'Égyp-

te aboutit

Administration 5°

à

Solloum, port important aux

de la régie des

tabacs;

»

Le sénateur Vigoni, qui a fait récemment un voyage d'études dans le pays, y a constaté, lui aussi, la faiblesse relative de l'action italienne, la force de l'action et des intérêts français, et encore, ce qui n'est

causes de l'influence fran-

ques

italien.

confins

Ad-

de la

ministration

Cyrénaïque;

des phares ma-

sera vraisem-

ritimes

6° Ser-

vice postal; Une

70

ligne de

LA DOUANE A

TRIPOLI.

il

blablement prolongé u s q u'àà Dernah, cheflieu de la Cyré-

D'après une photographie. navigation qui relie Tripoli en naïque. L'administration britannique attache à cette région tant ligne directe avec les Échelles de la Tunisie et Marseille 80 Délivrance de passeports (français) aux indid'importance qu'elle a établi récemment une ligne de gènes qui prouvent leur origine tunisienne; go Un transports anglais entre Dernah et Alèxandrie d'Égypte. consulat général avec des fonctionnaires énergiques, « En face de cette activité des autres puissances, résolus, qui savent par-dessus toute chose se faire resles exemples de la négligence italienne sont inépuisables. Le sultan montre le désir d'établir une station pecter eux-mêmes et leur pays; 100 Monnaie au cours tunisien (français) ayant cours légal sur la place. radio-télégraphique en Tripolitaine; le télégraphe MarLa lettre en question met en regard de ces avanconi est un peu chose nationale; c'eût été une petite victoire pour l'amour-propre italien de faire exploiter tages, dont l'énumération comporterait toutefois certaines réserves, la situation modeste des Italiens une station du système Marconi par les employés italiens au lieu de cela se présente l'Allemagne, qui a \( Des écoles qui sont fréquentées par les seuls israélites, tandis qu'on prétend les avoir instituées obtenu la faculté d'établir à Dernah des appareils du pourlesindigènes; système allemand et un personnel allemand. » Ces aveux, comme un cri du cœur, expliquent, « Une section de la Société Dante Alighieriqui, au fond, n'est qu'un cercle internationalcréé pour l'usage en montrant la situation mal assise de l'Italie dans la de peu de personnes Tripolitaine, l'irritabilité de toute la Péninsule quand éclata la fausse nouvelle relative au port de Tripoli. « Un dispensaire de médicaments gratuits, jugé L'Italie n'a pas jusqu'à présent été bien heureuse dans moyen efficace de se concilier la population. les entreprises coloniales après des échecs à Tunis et \( Ajoutez, continue la lettre, une nonchalance absolue des autorités consulaires. Quand le consul dans la mer Rouge, elle a craint de voir lui échapper français fait une représentation, il obtient immédiateencore un territoire duquel elle attendait des compen-


sations. De là une explosion de colère peu philosophique, il est vrai, mais pardonnable; pardonnable, d'autant plus qu'il s'est produit ultérieurement une salutaire réaction. Le Poj~olo rorraano, la Tribuna, ont reproché leur manque de bonne foi à ceux qui se sont trop vite exaltés et rendent pleine justice à la loyauté et à l'amitié de la France. Les déclarations de M. Tittoni, ministre italien des Affaires étrangères, et de M. Fortis, président du Conseil, faites en plein Parlement, ont ratifié officiellement ce revirement heureux de l'opinion publique. Cette fausse alerte resserrera peut-être les liens qui unissent l'Italie à la France dans la question méditerranéenne.

Les Progrès de Johannesbourg. LES villes de l'Afrique australe qui ont été créées lors de l'invasion des chercheurs d'or, après avoir tout d'un coup considérablement grandi, ont subi, depuis quelques années, des fortunes diverses. Tandis que Boulawayo, par exemple, sur qui l'on fondait les plus grandes espérances, n'arrive pas à se peupler et se ruine lentement, Johannesbourg, la « Cité de l'Or », la reine du Transvaal malgré Prétoria, s'est développée avec une rapidité incroyable alors qu'en 1887 elle n'avait que 3 00o habitants, elle en comptait 26300 en 1890; 102078 en 1896 (51 171 nègres, 50907 blancs), et i 58 580, dont 74678 noirs et 8J 902 blancs, en 1904. Cette progression du nombre des habitants a eu pour effet immédiat d'augmenter parallèlement la superficie de la ville et d'accroître la valeur des terrains et de la propriété, d'une façon fantastique. A l'origine de la ville, il n'y avait pas d'hôpital

les malades étaient soignés sur place, dans des

tentes dressées à cet usage. Devant l'accroissement de la population, on comprit qu'il devenait indispensable

que la ville possédât un hôpital des souscriptions s'organisèrent en 1888, au produit desquelles vinrent s'ajouter des dons particuliers et des subventions du Gouvernement. Aujourd'hui, cet établissementcouvre une superficie de 5 hectares et comprend 298 lits; il y a encore 62 places réservées aux malades sous des tentes, mais on est en train de construire une annexe qui renfermera 52 lits et supprimera définitivement l'emploi des tentes. Les moyens de transport sont assurés par un réseau de lignes de tramways qui s'étendent sur une distance de 18 kilomètres. La traction se fait encore au moyen de chevaux, mais ce mode de locomotion ne répond pas aux exigences d'une circulation de jour en jour plus intense, et l'on espère qu'avant la fin de l'année courante des tramways électriques auront remplacé les voitures à chevaux sur plusieurs lignes. A cet effet, une usine génératrice d'électricité va être établie pour répondre à toutes les demandes immédiates. Au mois de janvier dernier, le Conseil municipal de la ville espérait pouvoir assurer à ses administrés un courant suffisant Four l'éclairage de la

ville et de la banlieue vers le milieu du mois de juin. Plusieurs sociétés assurent l'approvisionnement de la ville en eau. La municipalité et le Gouvernement n'ont rien négligé pour assurer le développement matériel et moral de Johannesbourg. Johannesbourg,en effet, compte vingt-une écoles primaires, cinq écoles secondaires pour les blancs et quatre écoles primaires pour les nègres, ainsi que plusieurs établissements privés. En 1889, une souscription fut ouverte pour l'établissement d'une bibliothèque. Jusqu'à la fin de 1904. elle fut réservée aux seuls souscripteurs; depuis le commencement de l'année, elle est ouverte au public. Le Gouvernement et la ville lui allouent un crédit annuel de 32 500 francs. L'ordre est maintenu dans la ville par un corps de police comprenant 2 commissaires délégués, 2 commissaires-adjoints, 2 inspecteurs, 8 surveillants, 74 sergents, 530 agents et 6o indigènes, ce qui donne une proportion de i agent pour 250 habitants environ. Les oeuvres de bienfaisance ne manquent pas à Johannesbourg;la ville vote annuellement35 00o francs de subventions aux différentes sociétés de secours aux indigents. La seule charge qu'elle veuille assumer est d'enterrer, à ses frais, ceux qui meurent sans ressources sur le territoire de la municipalité. Si l'on ajoute qu'au point de vue sanitaire la ville ne laissera bientôt plus rien à désirer, il est permis de considérerjohannesbourg comme une des villes les plus rapidement florissantes de l'Ancien Continent.

L'Établissement français de Cam-ranh.

leM.

marquis de Barthélemy, concessionnaire avec

de Pourtalès, près de la baie de Cam-ranh, de ioooo hectares de terres, a voulu créer à Camranh un centre maritime destiné à aider au passage difficile du cap Padaran au cap Varela, où les courants de la mousson de nord-est mettent en relâche les navires qui font la ligne de Chine. Ils ont donc établi à Cam-ranh un dépôt de charbon et de ravitaillement. (Voir la couverture de ce numéro.) Dans une notice rendue publique, MM. de Barthélemy et de Pourtalès disaient ( Les disponibilités du dépôt de Cam-ranh seront, pour i9o4-cc~o5, de 600 à 700 tonnes; 500 tonnes de briquettes de Honegay; 200 tonnes de charbon japonais. Quatre allèges de i oo tonnes assureront le service du charbon avec deux mahones, ainsi que celui des marchandises en transit. Un petit water-boatpermettra de donner 8 tonnes d'eau

par voyage. »

Cela n'a pas été écrit pour les besoins de la cause un entrepreneur cherchant à se créer une clien-

tèle fàit une énumération aussi complète que possible de ce qu'il peut fournir. Or c'est de ce centre encore minuscule que les Japonais nous ont accusés d'avoir fait un lieu de ravitaillement pour une flotte russe de 5o

navires!


Les gîtes ordinaires avaient comme garnison

Les Lignes de communications japonaises en Corée et en

Mandchourie.

procéder à l'invasion de la Mandchourie, les japonais ont utilisé successivement ou concurremment de'nombreuses lignes de communication dont il nous est possible aujourd'hui de dresser le plan. Au début de la guerre, ils durent débarquer en Corée et la traversèrent pour marcher vers le Yalou mais après le passage de ce fleuve, ils purent utiliser successivement de nombreux points de débarquement plus rapprochés du théâtre des opérations Ta-kou-chan, Pitsé-ouo, Dalny et enfin Inkéou.Ilsonten conséquence fréquemment eu à organiser ou à modifier ces lignes de communications. La première, partant de Tchemoulpo, passait par Séoul, Phiœng-yang, Ouidjou, Feng-hoang-tcheng; c'est celle qui aboutit, en août, à Liao-yang. p

OUR

une section commandée par un officier actif ou de réserve; dans les gites principaux, il y avait une compagnie de quatre-vingts à cent hommes à Phioengyang et à Oui-djou un bataillon. Dans chaque gîte était installée une station télégraphique, et, à mi-chemin, entre les ,gîtes voisins, une station de contrôle. Il n'est pas probable que dans la guerre actuelle les japonais aient moins efficacement aménagé leurs lignes de communications. Quand les troupes ont pu débarquer à Ta-kouchan, elles ont marché d'abord sur Siou-yen, puis sur le front Haï-tchéou-Haï-tcheng, Il leur a bien fallu au début une ligne de communications spéciale. Mais le terrain situé derrière elles étant des plus difficiles à parcourir, les Japonais ont dû abandonner cette ligne le plus tôt possible, c'est-à-

dire dès que leurs progrès leur permirent de se relier aux armées des ailes et d'assurer leurs communications, soit vers Saï-ma-tsé, en arrière de leur droite, soit vers Dalny, en arrière de leur gauche. Les progrès desJapo-

nais vers Liao-yang leur permirentd'utiliser, comme lignes de communications, deux autres routes très importantes Dalny-Liaoyang, et In-kéou-Liao-yang. Ce sont ces deux routes qui ont essentiellement consti-

Du Yalou à Liaoyang, ils ont pu utiliser une des meilleures routes de la

tué

les artères nourricières

des armées japonaises penMandchourie, qui avait, du dant l'automne et l'hiver. reste, été déjà aménagée Les Japonais ont naturellepar les Russes ceux-ci y ment utilisé la voie ferrée avaient organisé soigneusede Dalny à Liao-yang et, ment les gîtes d'étape. Les maintenant, jusque vers Japonais ont, dit-on, consMoukden et l'embranchetruit sur cette route un chement Ta-che-kiao-In-kéou, min de fer de campagne à qui a augmenté singulièreJO~=C~~ak traction de chevaux, qui, ment le rendement de leurs CORÉE LES LIGNES DE COMMUNICATIONSJAPONAISES EN ET EN prolongé, atteindrait sans lignes d'étapes principales. MANDCHOURIE. doute Liao-yang. A cet effet, ils ont diminué Les dépôts principaux, destinés à expédier les l'écartement des rails et amené du matériel roulant divers matériels par cette ligne de communications, se du Japon. On estime qu'ils peuvent faire marcher sur trouvent sur le Yalou. On y a établi des appontements cette voie ferrée neuf trains par jour dans chaque sens. et des magasins, où se déverse le chargement des naDalny et In-kéou sont devenus de grands dépôts, vires venus du Japon, Le gîte d'étape le plus important où ont été amenés par mer toutes les denrées et tout au delà du Yalou est Feng-hoang-tcheng, où se trouvent le matériel nécessaires aux armées, ainsi que les renaussi de grands magasins. forts d'hommes et des chevaux. Si l'on n'a pas de renseignements précis sur la Pendant l'hiver, comme les locaux existants manière dont sont organisés les gîtes d'étape japonais n'auraient pas suffi à abriter tous les approvisionnedans la guerre actuelle, on peut se rappeler ce qui a ments amenés, on a fait hiverner un certain nombre été fait par eux en 1894-1895. A cette époque, sur la de navires qui ont servi de magasins flottants. section Oui-djou-Phiœng-yang, longue de 204 kiloQuand In-kéou a été bloqué par les glaces, les mètres, ils avaient six gîtes ordinaires et deux gîtes Japonais ont utilisé le port chinois de Tsinvandao et le principaux d'étapes. Chacun de ces gîtes était organisé chemin de fer chinois de Chan-haï-kouan à In-kéou, pour loger du personnel et du matériel, et il y était bien qu'ils soient, le fait est à noter, situés en zone prévu des locaux sanitaires. neutre, pour une partie de leurs transports. Pendant k.


l'hiver, de grands magasins furent aussi établis à proximité des troupes, notamment à Liao-yang, Chi-li-ho, et Pen-si-kou.

Ultérieurement,pendantl'opération deMoukden, ils ont utilisé, pour ravitaillerl'armée du général Nogi, la

ligne ferréechinoise In-kéou-Koou-pan-tsé,Sinmin-ting, bien qu'elle se trouvât, elle aussi, sur la zone neutre. De même que les Japonais évitèrent la traversée d'une partie de la Corée et débarquèrent à l'embouchure du Yalou dès que l'état de la mer le permit, de même aussi, depuis l'ouverture de la navigation du Liao-ho, ils se servent de cette artère fluviale, navigable pour les jonques du pays jusqu'au nord de Tie-ling, sur une longueur de 55o kilomètres. Elle leur rendra les plus grands services elle était largement utilisée avant la guerre et, par suite, bien aménagée. Les Japonais ont déployé une grande activité pour construire ou améliorer les voies ferrées qui peuvent être utiles à leurs opérations de ravitaillement en Corée, la voie Séoul-Fou-san est à peu près terminée; la voie Séoul-Oui-djouest très avancée. En Mandchourie, une voie ferrée est en construction à partir de Moukden dans la direction de Girin; on construit en outre deux lignes à voie étroite, l'une de Haï-tcheng à Feng-hoang-tcheng, pour être réunie avec le chemin de fer de Séoul, et l'autre de Moukden à Sin-min-ting. Quant à leurs communications télégraphiques, elles sont assurées par Chang-haï; le câble Vladivostok-Nagasaki est coupé. Telle est la situation actuelle, dont la fin ou la confirmation dépend vraisemblablement des résultats de la rencontre entre la flotte des amiraux Rodjestvensky et Togo.

L'Allemagne au Maroc. LES visées de Berlin sur le Maroc datent de loin; elles remontent à l'époque où la ville n'était encore que la capitale de la Prusse. Suivant la méthode, depuis longtemps adoptée par son Gouvernement,les savants ont marché à l'avant-garde. L'explorateur Rohlfs fut, en réalité, un agent prussien qui menait de front les découvertes géographiques et la propagande au profit de sa patrie. Ses premiers voyages dans le Sahara coïncident avec l'avènement du prince Guillaume à la Régence, et quelques années plus tard, nous le trouvons au Maroc. Jamais le célèbre voyageur n'a mis plus d'activité dans ses explorations que pendant les premières années du ministère de M. de Bismarck. De 1862 à 1866, Rohlfs n'a cessé de parcourir l'hinterland de la Tripolitaine et de l'Algérie, et c'est lui qui a eu la gloire d'être le premier Européen qui ait visité le Maroc méridional. En même temps que l'explorateur rendait service à la science, il fournissait au Gouvernement de Berlin des renseignements précieux sur l'avenir de l'Allemagne au Maroc, et la propagande organisée par le Gouvernement de Berlin prit dès l'abord un caractère commercial. Les tentatives faites par un syndicat d'ex-

portateurs de Hambourg, avec la protection du pouvoir central, pourouvrir un débouché aux marchandises allemandes, n'eurent toutefois qu'un médiocre succès. En 1880, le nombre des sujets de l'empereur Guillaume établis au Maroc était tout juste de dix, et encore fallait-il comprendre dans ce chiffre les six personnes qui faisaient partie de la Légation. Malgré cet échec, les sociétés de colonisation et de commerce ne se découragèrent pas, et lorsqu'elles furent assez puissantes pour obliger le Gouvernement à s'engager à fond dans une politique coloniale, qui inspirait à l'origine une assez vive répugnance à M. de Bismarck, une armée de commis voyageurs se mit en campagne pour faire apprécier aux Maures les mérites des manufactures allemandes. Les sociétés subventionnées par des syndicats d'exportateursont provoqué ce mouvementd'expansion qui, à partir de 1884, a fait de l'Allemagne une puissance coloniale. La plus ancienne de ces associations, dont l'origine remonte aux années qui suivirent la fondation du nouvel empire, futle DeutscherKolonialvereaia, dont les ramifications se multiplièrent à mesure que la politique d'expansion mondiale faisait de nouveaux progrès. Le Westdeutsc)~er Verein für Kolonisation und Export, la Deutscbe Kolonialgesellschaft, la Gesellscbaft für deutsche Kolonisation, furent en réalité des filiales de la première société coloniale, dont l'activité ne pouvait s'étendre sur toutes les parties du globe. Deux associations, très puissantes l'une et l'autre, se formèrent pour l'exploitation de l'Afrique, la première fut la Deutscbe Ostafrika Gesellschaft et la seconde l'Afrika Gesellschaft in Deutscbland; c'est de ces deux sociétés africaines qu'est sortie la trop célèbre société, dont le but est d'établir la suprématiepolitique etcommerciale de l'Allemagne sur l'empire du Maroc. Cette société a pour président le comte de Pfeil et pour directeur le Dr Fischer, professeur à l'Université de Marbourg. Le premier est un explorateur qui a pris part à l'expédition allemande envoyée au secours d'Emiff-Pacha, le second est un savant qui connaît à fond les questions africaines et a publié, en 1887, sur la Tunisie devenue colonie française, une étude où percent les arrière-pensées de l'Allemagne sur une compensation à obtenir dans la partie occidentale de l'Afrique du Nord. Dans un discours récemment prononcé à Leipzig, le président de la Société allemande du Maroc ne

craignait pas d'affirmer que toute la partie occidentale des états du chérif serait une acquisition précieuse pour l'Allemagne. \( Cette conquête, disait-il, fournirait un débouché au trop-plein de la population de l'empire qui, tout en continuant de vivre sous le drapeau de la patrie, pourrait s'installer dans un pays fertile et dont le climat tempéré et salubre est extrêmementfavorable aux Européens, Ce n'est pas tout; en même temps qu'un champ presque illimité s'ouvrirait à l'immigration allemande, la flotte impériale pourraitavoir sur les côtes de la nouvelle colonie un ou deux points d'appui. » Les Allemands eux-mêmes se sont chargés de faire justice de ces ambitions exagérées. Il ne leur a pas fallu de longues réflexions pour s'apercevoir qu'une prise de possession violente se heurterait à une résistance acharnée de la part des indigènes et à un veto formel des puissances européennes qui ont des inté-


rêts politiques et territoriaux à défendre dans la partie nord du continent africain. A ces considérations vint s'ajouter l'avis de deux hommes du métier. Dans un article publié par la Kolonial Zeitung, du 21 juillet 1904. l'amiral Rosendhal avait mis en lumière l'impossibilité de créer, sur la côte occidentale du Maroc, des stations navales qui pussent fournir des points d'appui efficaces aux opérations des escadres allemandes dans l'Atlantique. Le colonel Hübner signala dans le même journal les dangers que rencontrerait une expédition contre les tribus de l'intérieur, et ne craignait pas d'affirmer que la France seule"disposait des moyens d'action nécessaires pour initier le Maroc aux bienfaits de la civilisation. Revenue de ses rêves de conquête, l'Allemagne n'avait plus à poursuivre au Maroc qu'une politique d'expansion commerciale; mais ici encore de nouvelles déceptions l'attendaient, Pendant la période comprise entre i88o et i go3, le nombre des sujets de l'empereur Guillaume II établis au Maroc s'est élevé de dix à cent quatre-vingttreize mais dans ce nombre sont compris une cinquantaine ou une soixantaine de protégés qui ne se rattachent à la nationalité allemande que par une pure fiction. Suivant une statistique récemment mise en lumière par un journal de Berlin, la sollicitude de chaque consul d'Allemagne au Maroc n'aurait pas à s'étendre sur plus de cinq ou six de ses nationaux. Voici quels seraient, d'après des documents empruntés au tableau des douanes et aux publications, et à la Société de Géographie de Hambourg, le chiffre des importations allemandes au Maroc pendant les cinq dernières années En En En

En En

~90~ 19°0.

1902 19°3. 19°4..

3369605 francs.

3365485 4521312 3 °45 920 3248000

Ces chiffres étant d'origineallemande doivent être quelque peu supérieurs à la réalité; mais en admettant qu'ils soient d'une rigoureuse exactitude, ils seraient loin de justifier le coup de théâtre de Tanger et le langage de M. de Bülow au sujet \( des intérêts considérables » que le commerce allemand doit défendre au Maroc. En réalité, les trente-deux maisons allemandes disséminées dans les états du sultan Abd el-Aziz ne représentent que 14 pour ioo des transactions com-

merciales traitées avec l'Europe. L'Empereur Guillaume Il et son chancelier, qui affichent un zèle si vif pour la défense des intérêts commerciaux de l'Allemagne, paraissent trop oublier qu'ils sont encore bien insignifiants. G. LABADIE-LAGRAVE.

Transport des Forces hydrauliques par l'Électricité.

Le

LES transports de la force hydraulique par l'électricité se multiplient, dans des conditions qui étonneraient fort les premiers organisateurs des installations de ce

genre. L'exploitation des forces naturelles devient de

plus en plus complète, Nous avons, dans un précédent article sur la Houille verte, montré le cas que l'on commence à faire en France des chutes d'eau, de force

-même très restreinte. Dans les pays de grandes chutes les progrès vont à pas de géant. En Norvège, ce sont les chutes du Glommen dont l'électricité s'empare. Ces chutes ont une hauteur utilisable d'un peu plus de 19 mètres, avec débit moyen de 250 mètres cubes à la seconde. L'Elektricitüt-Actiengesellscbaft s'est chargée de construire une usine hydraulique de 45 ooo chevaux et une station d'électricité de 9 ooo chevaux. La station hydraulique de Veykkelsrud sera la plus puissante de l'Europe. L'électricité produite est, par les transformateurs, élevée à la tension de 20000 volts. La ligne de transport a environ go kilomètres de longueur, passant le plus souvent dans des terres de labour; là où elle passe en forêt, on a abattu les arbres jusqu'à 15 5 ou 20 mètres des poteaux. Des précautions spéciales ont été prises pour la partie électrique de l'usine. Il en faut au voisinage de conducteurs, où le courant a 20000 volts de tension. Aux États-Unis, dans l'Orégon, ce sont les chutes du fleuve Clackamas qu'on utilise. Ces chutes peuvent donner 25 000 chevaux, et l'énergie servira à fournir la force et la lumière à plusieurs villes voisines et à faire marcher deux lignes de chemin de fer ayant respectivemerit 25 et 61 kilomètres de longueur. Tension 33 000 volts. A Mexico,

c'est de 60000 volts qu'il s'agit. La chute d'eau donne 8000 chevaux; on pourrait s'en

procurer davantage en captant quelques torrents.

L'énergie est transportée à 160 kilomètres par triphasés. L'utilisation par l'électricité des forces hydrauliques tend tout bonnement à révolutionner l'industrie.

Jean Duchesne-Fournet. Guyanes. vol. in-8o. Prix 6 rit et

La main-d'~euvre dans les francs. Librairie Plon-Nour-

rue Garancière, Paris, 6e. famille du vaillant explorateur, emporté si brusquement dans la fièvre même de ses légitimes espérances, à la veille d'une nouvelle expédition en Abyssinie qui allait couronner ses efforts, a entrepris d'élever à sa mémoire un monument digne de l'œuvre qu'il avait si brillamment ébauchée. Voici, pour commencer, une étude sur les trois Guyanes, pays dont la constitution intime est semblable et la fortune bien diverse. Jean Duchesne-Fournet, dans cet ouvrage détaché d'un vaste plan, s'est attaché, à l'aide de constatations scrupuleusementvérifiées,d'observationspersonnelles étayées sur des autorités indiscutables,à faire ressortir les conditions particulières du travail dans les trois colonies de la France, de la Hollande, de l'Angleterre. Nos voisins surent apporter des remèdes aux crises qui les assaillirent en combinant habilement l'action administrative avec celle de l'initiative privée. La Guyane française, après avoir traversé la période de colonisation féodale représentée par les Jésuites, les essais de la Mana auxquels se dévoua l'héroïque Mme Jahouvey, après avoir expérimenté l'immigration des Hindous, des Sénégalais, des Annamites et des Arabes, en est réduite encore à chercher sa voie dans une organisation informulée du travail pénal. Sévère conclusion, qui devrait éveiller l'attention des amis éclairés de la plus grande France!

L

C~e, 8,


ALLEMAGNE

La télégraphie sans fil dans l'armée allemande. C'est en 1904 que la télégraphie sans fil est en-

trée définitivement dans le domaine de la stratégie en Allemagne d'une part, aux manœuvres impériales; d'autre part, en campagne, au cours des opérations contre les indigènes révoltés de l'Afrique sud-occidentaleallemande. Aux manoeuvres de Mecklembourg, on a vu la flotte et J'armée en liaison constante, grâce à la télégraphie sans fil,

correspondre sûrement jusqu'à une distance de ioo kilomètres. Sans compter les appareils de la marine, on mit en action cinq stations roulantes et une fixe. Parmi les stations roulantes, une, du type sur charrette, fut embarquée à Travemunde en même temps que la brigade mixte que devait transporter une partie de la flotte, et mise à terre près de Wismar. Les résultats obtenus furent, d'après tous les comptes rendus, absolument irréprochables. Dès le début de l'insurrection de l'Afrique sud-occidentale, on organisa en avril un détachement de 4 officiers, 4 sous-officiers et 27 hommes avec trois stations roulantes de télégraphie sans fil; ce détachement entra en action dans la colonie au commencement de juin. Deux des stations étaient du type ordinaire (voitures à 2 trains); la troisième, du type léger, sur 3 charrettes. Chacune d'elles était munie du modèle le plus récent d'appareil auditif électrolytique de la Société Telefi~s:ken, qui leur a permis de correspondre jusqu'à des distances de i 5o kilomètres. Ces trois stations ont assuré pendant la marche concentrique sur le Waterberg la liaison des colonnes et la transmission des ordres et renseignements, épargnant ainsi presque complètement les communications par estafettes qui auraient été fort dangereuses et pénibles. Le climat n'a pas trop abîmé les appareils, et l'influence de l'électricité atmosphérique ne s'~st pas fait sentir plus fréquemment qu'en Europe. A la fin de 1904, le détachement de télégraphie sans fil a été renforcé par trois nouvelles stations établies toutes sur le modèle léger (charrettes) et en tenant compte des enseignements de la campagne précédente. On a eu soin de donner aux charrettes la voie usitée dans la colonie. On compte qu'avec les appareils perfectionnés qu'elles comportent, on pourra communiquer avec l'appareil enregistreur, jusqu'à 20o kilomètres, avec l'appareil auditif, jusqu'à

joo kilonaètres.

Voilà donc ce mode de communication organisé chez voisins de l'Est; ils disposent déjà d'une troupe spéciale nos pour en assurer le service, et d'un matériel léger, transportable, d'un maniement facile, pratiquement expérimenté aux manœuvres et en campagne, permettant enfin d'assurer la liaison et la transmission des ordres entre la flotte et les troupes de terre. C'est là un résultat considérable qui n'a encore été obtenu au même degré par aucune puissance militaire. On n'a certainement pas négligé dans l'armée et la marine françaises l'étude et l'emploi de la télégraphie sans fil. Mais il ne faut pas se dissimuler que si, au point de vue théorique et scientifique, nous ne le cédons pas aux Allemands, nous sommes en retard, au point de vue pratique, surtout en ce qui concerne la construction de stations roulantes légères et facilement mobiles. MANDCHOURIE

L'ordre du jour du général Kuroki avant la bataille de MOUkden. Le Bund, journal de Berne,

publie, d'après le lieutenant-colonel Gertsch, attaché militaire suisse à l'état-major du général Kuroki, le texte de l'ordre du jour que fit paraître le général Oku, un peu avant la bataille

de Moukden. Nous le citons parce qu'il est moins un ordre du jour prononcé à l'occasion d'une bataille que le résumé de la morale

guerrière des Japonais. « Le secret de la victoire gît dans la vaillance, l'énergie, joie la de combattre et l'endurance avec laquelle les troupes

tendent au but recherché jusqu'à ce qu'il soit complètement atteint. Les chefs doivent enseigner dans leurs instructions à leurs subordonnés que le moindre mouvement d'hésitation et d'indécision est de nature à augmenter le nombre des morts et des blessés, tandis qu'au contraire l'élan à l'attaque et l'audace joyeuse sont seuls en état de diminuer les pertes. C'est pourquoi nous devons toujours avancer, coûte

que coûte.

véritable base d'une forte discipline réside dans la confiance absolue que le chef doit savoir inspirer à ses infé« La

rieurs.

Commela guerre durera encore longtemps,notre armée doit se distinguer à tous égards. Les jeunes officiers doivent continuer à acquérir de nouvelles connaissances, et les réservistes doivent à chaque occasion propice être instruits à «

nouveau.

Dans le cas où une subdivision de la première ou de la troisième armée (voisines) viendrait à battre en retraite, en exécution d'un ordre donné ou à la suite d'un échec, mes troupes ont à rester, jusqu'à nouvel ordre, dans les positions qu'elles occupent. « Les chefs doivent se tenir continuellementau courant, non seulement de ce qui se passe dans leur entourage, mais aussi de la situation générale. Dans le cas où une subdivision serait particulièrement en danger, les troupes les plus proches doivent incessamment se porter secours sans attendre l'arrivée des réserves, et, dussent-elles pour cela engager jusqu'au dernier homme, ne rien négliger pour l'aider à conserver ses positions «

son

».

FRANCE

Marine offensive et Marine défensive des puissances étrangères et de la France. D'un

tableau comparatifentre l'état des flottes étrangères et celui de la flotte française, il résulte que celle-ci avait, en 1896, une composition analogue à celle des autres flottes et que la proportion établie entre les navires offensifs et les navires défensifs était à peu près la même; mais que, depuis cette époque, par suite du manque de programme naval de 1896 à 1900 et de l'arrêt de toute mise en chantier de gros navires depuis ~9oz, la marine défensive s'est développée dans des proportions considérables aux dépens de la marine offensive. A l'heure actuelle, les cinq marines (Angleterre, Russie, Allemagne, Italie, Etats-Unis) comparées à la marine française, ayant continuellement augmenté la proportion de leurs navires de haute mer, ne possèdent comme navires de côtes que 48 pour 100 de l'effectif total de leurs flottes, tandis que le nôtre a plus de 68 pour 100 de son effectif en navires défensifs. Les navires en construction ne font qu'accentúer cette disproportion. Les cinq marines comparées ne donnent plus en effet que 28 1/2 pour 100 du nombre des navires en construction aux bâtiments défensifs, soit les torpilleurs et les sous-marins. En France, nous devons avoir 154 navires en construction pendant l'exercice 1905, soit à nous seuls plus de la moitié comme nombre des bâtiments que les cinq autres puissances construisent; mais la proportion entre les navires offensifs et défensifs est toute différente; on peut en juger 6 3.84 0/0 Cuirassés 8 Croiseurs cuirassés. 5.19 Destroyers 12 7.79 96 62.33 Torpilleurs 20,78 32

Sous-marins.

154

99~93 o{o

Ainsi les étrangers donnent comme proportion à leur marine offensive 71 1/2 pour 100 du nombre de leurs navires en chantier, tandis que nous nous ne donnons que 17 pour ioo, réservant 83 pour ioo à la marine défensive. Cette constatation doit nous inciter à modérer, dans l'avenir, la mise en chantier de torpilleurs, et à donner plus d'extension à la construction de navires de haute mer.


Sur la Ligne du Cap au Caire; l'État des Travaux. L'ccuvre.giaaantesque entreprise en Afrique pour relier le Cap au Caire par une voie ferrée est~lus qae'à moitié achevée. Les Plus grandes difficultés sont aujourd'hui vaincues et, dans la partie qui sépare encore le ZambèZe de Khartoum, la voie ferrée trouvera un puissant auxiliaire dans la navi~atz'on des lacs. C'est ainsi que, suivant son plan avec ténacité, l'Angleterre conquiert l'Afrique australe par ses armes, l'Egvpte par sa di~lomatie et relie ces deux colonies par ses ingénieurs.

l'attention du monde est presque exclusivement tournée du côté de la guerre russo-japonaise, les Anglais poursuivent sans bruit la réalisation d'un projet grandiose, dont la conception est due au pENDANT que [

génie de Cecil Rhodes la longue voie ferrée destinée à relier, à travers le continent noir, le sud de l'Afrique aux rives de la Méditerranée. Nous

que dure la saison des pluies, l'apparence monotone de la prairie est légèrement modifiée. Au loin, des troupeaux d'autruches grisés et blanches se promènent en liberté, en agitant gravement leurs longues plumes. On voit aussi des chèvres, des brebis, des vaches, mais nous nous demandons si ces animaux peuvent trouver une pâture sur ce sol

avons parcouru naguère

desséché.

la partie qui, alors, était en exploita-

C'est sur cet-

te route du Cap, en Rhodésie, que s'est déroulée la récente guerre sud-africaine, qui pendant trois ans a attiré l'attention des peuples sur le pays de l'or rouge. A chaque arrêt du train, nous reconnaissions le nom de la

tion dans l'Afrique centrale.

mois

Auu

d'août

1903, un mercredi soir, nous

prîmes

à

Cape-

Town le train de luxe qui, en trois jours devait nous emmener à Boulouwayo. A ce moment, c'était encore le ternzinus de k ligne. Le train o-!3t organisé avec

station pour l'avoir

vu dans les dépêches qui, depuis le commencement de la guerre, nous arrivaient en Europe.

tout

le confort mode rne

et contient ur~waLE LONG DE LA VOIE ENTRE LE CAP ET BOULOUWAYO. Nous pougon-restaurara, une D'apr'ès une photographie. bibliothèque,l,un savions reconstituer Ion, une ~aJ tie de bain, enfin toutes les commodités. entièrement le théàtre où la tragédie sanglante s'était En q aittant la colonie du Cap, on voit s'étendre déroulée. En quittant Kimberley, les premiers blockhaus apparaissaient, pour continuer tout le long de une vaste laine sans verdure, où l'ardeur du soleil a desséché 1 es rivières dans leur lit. Les seules traces de la ligne pendant plus de trente-six heures. On en végétation qu'on, rencontre dans ce désert sont voyait encore longtempsaprès avoir dépassé Mafeking. quelques 1 ntisques et des chardons poussés, comme à Il y en avait un ou deux par kilomètre, et ils regret, par, étaient désignés par le numéro du kilomètre devant jaunes broussailles, qui donnent à cette lande ride l'aspect d'un immense paillasson. lequel ils se trouvaient. Ces édifices variaient de On not IS a dit que pendant les courtes semaines formes et de dimension les uns étaient carrés, les

es ·

TRAVER-1~LE A

MONDE.

2

le LIV.

N° 21.

27 Mai 19°5,


autres ronds, quelquefois ils affectaient la forme d'une pagode chinoise. Certains pouvaient contenir une petite troupe de cinquante hommes, tandis que de plus petits ne semblaient pouvoir abriter que quatre ou

cinq soldats et quelquefois un seul. Toujours protégés par cinq rangées de fil de fer à offi50 les unes des autres, les blockhaus étaient construits, tantôt dans la plaine, tantôt sur une colline, souvent aussi dans une sorte d'entonnoir creusé dans

la terre. l'époque où nous avons traversé cet immense A

champ de bataille, que la ligne du chemin de fer de Rhodésie longeait pendant près de quarante-huit heures,

tout était redevenu calme des oiseaux de proie débarrassaient peu à peu ces lieux de carnage, des cadavres puants, des chevaux et des mulets qui jonchaient encore la route. Les camps de soldats anglais, qu'on rencontrait souvent auprès des gares, rappelaient que la fin des hostilités datait à peine de quelques semaines. De temps à autre, une

large tache claire, aux cou-

leurs riantes des verts jardins de France, animait pour un instant le morne paysage. C'était l'apparition d'une ferme boer avec sa jolie maison toute blanche et sa vérandah fleurie. Même au dire des habitants du pays, très peu de ces habitations ont été brûlées pendant la triste épopée sud-africaine. Sur notre route, nous n'avons guère rencontré que les ruines de

deux fermes. A de fréquents intervalles, nous rencontrons des villages et des campements de nègres. L'arrivée du train produit des rassemblements, et nous pouvons étudier les différents types de la population indigène du sud de l'Afrique, depuis le Hottentot à la peau jaune jusqu'au Cafre à la haute et svelte stature, ÉTAT ACTUEL DU CHEMIN DE aux membres grêles, aux extrémités fines. Tous s'approchent avec curiosité. Quelques-uns s'amusent à courir après le train, et leur aspect fait songer aux anciens coureurs africains dont Rome et Carthage se servaient comme courriers, Ils ont les bras et les genoux ornés de bracelets des pagnes bizarres, faits avec la peau d'une

cachent leur nudité. Les femmes sont vêtues d'une courte jupe de calicot allant de la taille aux cuisses, et les jeunes enfants, tout nus, portent une amulette autour de leur cou. Après avoir parcouru les solitudes mornes du Gouph et du Karou et les immenses étendues herbeuses du Betchouanaland, le train arrive, le matin du troisième jour, à Boulouwayo.On est ici à 1 3 54 mètres au-dessus de la mer. La ville, bâtie sur une éminence, a le caractère d'une grande cité moderne. Toutes les rues, tracées en ligne droite, ont une largeur uniforme de 3o mètres et sont orientées, les bête,

unes du sud au nord, les

autres de l'est à l'ouest. Elles sont généralement plantées d'arbres et traversées de

nombreux fils électriques, car toute la ville et aussi toutes les maisons de quelque importance sont éclairées, le soir, à l'électricité. Dans la rue principale, Mainstreet, à l'endroit où elle coupe une des avenues (toutes les voies transversales portentce nom et sont désignées par des numéros), se dresse, sur un socle massifde granit, la statue colossale de Cecil Rhodes. Pllis loin, on aperçoit un monument consacré aux 259 victimes du soulèvement des Matébélé, en 1892. C'est dans Mainstreet que se voient les plus beaux magasins, mais les acheteurs sont rares. Le climat est relativenient sain mais trop souvent, en hiver, on est incommodé par\Sa poussière que soulève un vent violent, et pendant la sais`on pluvieuse, on pa-

tauge dans, un bourbier. Du samedi midi au lundi matin, la v`ie semble éteinte. Les rues s ont désertes, ani-

mées seulen~ent parfois par le passage d'i\;n Cafre monté sur sa bicycle te. Du reste, les espérances randioses conçues par le.. fondateurs ne se sont pas r '~alisées. La FER DU CAP AU CAIRE. superficie de la yille pourmoins mai, mai; ilIl yy a des aes nts au moins; rait contenir 60000 habitants les onfiles entières de rues sans maisons; ailleu r structions sont fort éloignées les unes de autres et, en bien des endroits, subsistent encore le. primitives baraques en tôle ondulée. Le mauvais éta des affaires n'est pas pour attirer les étrangers, bien au contraire.


Les faillites se multiplient, et ceux qui partent abandonnent le pays sans espoir de retour. Aussi, de jour en jour, la population diminue-t-elle. De 8000 habitants, il y a quatre ans, elle est tombée à 3000 à

peine.

Les environs immédiats offrent à la vue des jardins et de jolies villas. A 3 milles au nord, sur l'emplacement du grand kraal de Lobengoula, roi des Matébélé, C. Rhodes a fait construire le palais du Gouvernement, dans le style d'une vaste mai'son d'ha-

bitation boer.

est inhabité, mais toujours prêt à recevoir des hôtes de distinction. Le tombeau du « Napoléon du Cap » a été creusé dans le roc de la colline de Matoppo, à 27 milles de Boulouwayo, point de partage des bassins du Zambèze et du Limpopo, où l'on peut contempler un immense panorama. Tout à côté, un monument, qui a coûté 30000 livres, rappelle le souvenir du major Wilson et de ses officiers. Des chasseurs venus du Cap, et qui avaient dû déjà se munir de plusieurs autorisations auprès des diverses autorités, apprirent, à Boulouwayo, qu'il leur Il

un câble puissant de 270 mètres de longueur environ. La gare, une boutique, quelques maisons d'habitation pour les ingénieurs et un bon hôtel éclairé à la lumière électrique, pourvu de salles de bains et d'une salle de réunion sont les seules constructions, toutes en bois et en fer galvanisé, qui existent encore à cet endroit. Bien que les travaux se poursuivent activement, on pense que le pont ne sera achevé que dans le courant de yo5, au plus tôt. Pour la première fois, au mois d'août dernier, un train, parti du Cap, a dépassé Boulouwayo et est arrivé au Zambèze. La distance à parcourir était de 2645 kilomètres, soit, à peu près, celle qui sépare Bayonne de la première station russe, sur la ligne Berlin-Saint-Pétersbourg. La section du Cap à Boulouwayo (2191 kilomètres) avait été terminée au mois d'octobre 1897. Il aura fallu un peu moins de sept années pour achever les 454 kilomètres de voie ferrée qui mettent cette dernière ville en communication avec le grand fleuve de l'Afrique australe. Le voyage entier, aller et retour, coûte en première classe 30 livres 19,

LA GRANDE PLACE DE BOULOUWAYO.

D'après une photographie.

fallait encore un permis de chasse coûtant pour chacun 25 livres, mais qu'il était défendu, sous 'peine de 500 livres d'amende, de tirer les « animaux royaux », éléphants. autruches, girafes, rhinocéros, etc. Désappointés, ils résolurent d'aller, au delà du Zambèze, dans le pays des Barotse, où la chasse est encore libre. C'est près des chutes, en un lieu où la gorge a environ 2 10 mètres de large, que le chemin de fer franchira le Zambèze, sur un pont métallique, L'industrie américaine a remporté ici encore la victoire, car c'est une compagnie des États-Unis, la \( Cleveland bridge and engineering Co » qui a obtenu la concession de ce grandouvrage,qui nécessitera l'emploi de 16000 tonnes d'acier. Le pont aura trois travées, de i 8o mètres d'oumètres verture pour celle du milieu, de 29 et de pour l'une et pour l'autre. Pour la construction d'une des piles, on a utilisé une plate-forme naturelle, qui se trouve à 45 mètres au-dessous du bord de la falaise sud-occidentale. De l'autre côté, on a dû employer la dynamite. Les matériaux sont transportés au delà du Zambèze par le moyen d'un chemin de fer aérien; à cet effet, l'ingénieur a fait tendre., au dessus du fleuve,

t

c'est-à-dire environ 783 francs. Les wagons-salons sont aussi confortables que possible, et si bien suspendus que la trépidation est à peine sensible. Au nord, le train qu'on prend au Caire amène

les voyageurs jusqu'au barrage d'Assouan, d'où, par le Nil, on gagne en bateau à vapeur Ouadi-Halfa, où l'on retrouve le chemin de fer allant à Khartoum. Ainsi, deux grandes amorces de cette immense voie ferrée s'avancent à la rencontre l'une de l'autre. Il reste à achever l'espace intermédiaire sur une distance de 5500 kilomètres environ mais on n'aura pas une semblable longueur de voie à poser pour

constituer la grande méridienne du Cap au Caire, qui mesurera une longueur totale de i o 00o kilomètres. De même que la ligne égyptienne a emprunté le Nil, o.n utilisera, entre le Zambèze et Khartoum, les lacs et les cours d'eau navigables que l'on rencontrera. Dans ces conditions, le trajet total demandera quarante-trois jours, c'est-à-dire beaucoup plus de temps que par les lignes maritimes actuelles, mais cela n'enlèvera rien à l'importance économique et politique de la nouvelle voie, qui cherche moins à gagner du


temps qu'à créer la vie et le mouvement du nord au sud du continent. Malgré le désir et les efforts des Anglais, il leur a été impossible de maintenir la ligne du Cap au Caire exclusivement en territoire britannique. Après des pourparlers délicats, un accord est enfir~ intervenu, et même il a été convenu que le Transcontinental africain servirait d'artère principale à toute une série de raccordements, aboutissant au littoral de la mer Rouge et à la côte occidentale d'un côté, et rejoignant, de l'autre, les lignes du Congo belge. Sans un différend d'ordre politique qui en a retardé l'exécution, la ligne du Cap au Caire serait bien près d'être terminée; mais ces difficultés ne pourront être de longue durée; aussi, dans un laps de temps relativement court, verrons-nous la réalisation complète de cette entreprise gigantesque et superbe. Celui qui, le premier, eut la conception de l'œuvre magnifique qui s'achève, n'assistera pas à l'apothéose de son rêve Cecil Rhodes, le Napoléon du Cap, le rêveur d'empire, qui, aux yeux des peuples, porte le poids de la guerre anglo-boer, l'homme de génie qui, par delà le Zambèze, l'équateur et les sources du Nil, avait su, à travers les déserts et les lacs mystérieux, voir la route colossale pouvant relier la vieille .t.gypte à la jeune Afrique australe, dort pour toujours dans son sépulcre de granit, au sommet de la colline du Matoppo. Les déboires du déclin de sa vie politique ont hâté la fin des jours de l'ex-premier ministre du Gouvernement du Cap. Comme des nombreux meneurs d'hommes, dont la faute a été de s'illusionner sur les proportions de l'obstacle, et qui finissent dans la tristesse et l'abandon pour n'avoir pas su résister au vertige des grandeurs, on pourra dire du célèbre antagoniste du président Krüger Trop de chimères et pas

rivera à un total moyen de 30 francs au moins d'impôts par contribuable indigène et par an. C'est là un prélèvement de 16, 66 pour ioo. Cette âpreté fiscale a amené l'administration de .la colonie à frapper les miliciens des mêmes impôts que les autres indigènes, De sorte que ces hommes, qui rendent des services très réels et qui ont derrière eux d'assez beaux états de service, puisqu'iln'y a guère de colonnes ou d'opérations militaires auxquelles ils n'aient pris part pendant l'insurrection, se sont vus traités de la même façon que n'importe quel Malgache sur un maigre salaire annuel de 300 francs avec lequel ils doivent se nourrir, on ne leur payait guère en réalité que 270 francs. C'est la principale raison, peutêtre même la seule, qui ait amené les miliciens à se joindre aux insurgés. On l'a si bien compris en haut lieu, que dès qu'on sut à Tananarive que quelques miliciens étaient passés aux rebelles, le gouverneur général fit paraître une circulaire exemptant les miliciens du payement de la taxe personnelle et de la taxe d'assistance médicale. On a dit que l'impôt avait surtout pour but d'obliger l'indigène et le milicien au travail; au moins faudrait-il qu'ils pussent vivre une fois l'impôt payé. C'est une loi économique constante et bien connue que plus l'impôt augmente, plus la matière imposable se dissimule il n'en a pas été autrement ici. La capacité d'achat de l'habitant a diminué en raison directe de l'augmentation de ses charges fiscales, et la colonie traverse en ce moment une crise économique dont il ne faudrait pas en France se dissimuler la gravité. Heureusement les exportations qui suivent une marche ascendante permettent de bien augurer de l'avenir.

assez d'idéal!

Le Canada contre les États-Unis dans la Baie d'Hudson.

Les Causes de l'Ins~rrection du sud-est de Madagascar. LaA dernière insurrection de Madagascar vit, on s'en souvient, dans les mêmes rangs les Antaisakas révoltés et les miliciens. Un correspondant du Tevt~s explique cette union si regrettable, par la communauté des vexations fiscales endurées par les indigènes et les soldats. On peut estimer, dit-il, que l'ouvrier indigène gagne en moyenne de 180 à 200 francs par an. Sur ce salaire la colonie prélève 10 une taxe de capitation de 20 francs par an; 20 une taxe d'assistance médicale de 3 francs par an; 30 une taxe d'habitation de 1 franc par an par maison ou case sans étage, de 2 francs par an s'il y a un étage. Voilà déjà un total d'impôts de 24 à 25 francs; qu'on ajoute à cela les taxes sur les rizières, sur chaque tête de bovidé, les droits de péage pour les traversées de rivières, enfin les droits de douane et de consommation qui font que les allumettes et le pétrole coûtent aussi cher qu'en France, et on ar-

LE Canada se propose d'affirmer sa juridiction sur certains points de la mer de Baffin et de la baie d'Hudson contre les prétentions éventuelles des ÉtatsUnis à la souveraineté de ces eaux, en raison des droits de pêche qu'ils y exercent. Le Canada soutient que, par le traité d'Utrecht, de 17 13, la France a cédé à la Grande Bretagne la baie d'Hudson comme une mer fermée; que, par le traité de Washington, de 1818, les États-Unis ont reconnu la souveraineté britannique et que, par le décret royal de 1870, les droits de la couronne britannique sur la région ont été transférés au Canada. Mais, depuis plus de soixante-dix ans, les baleinières américaines ont fréquenté la baie, les États-Unis s'y considèrent dans leurs eaux, et, dernièrement, ils ont réclamé des portions de la côte pour des établissements ayant trait aux pêcheries. L'affaire de l'Alaska, tranchée par une commission mixte au bénéfice des États-Unis, a ouvert les yeux du Gouvernement canadien sur les dangers que comporte la politique du laisser-faire, et le Dominion est résolu à soutenir ses droits sur la baie d.Hudson.


naires, Matsusbinra, Itsukushinta, Hashidate, Takasago, Kasagi, i, Chitose, Naniu~a, Tahacbiho, Akitsushima,Niitaka, Tsusl~inaa, Suttaa, Akasbi, l~uttzi, dont la plupart sont

très rapides, mais dont tous manquent, comme les navires de ce type, de la cuirasse de flanc si nécessaire à

Sur le Théâtre de la Lutte maritime en Extrême-Orient. jonction de la division Nebogatoff et de l'escadre LRodjestvensky large de la côte s'est opérée au

d'Annam

les for-

ces navales russes

sont réunies

en

un groupe compact de 20 navires de haut bord et de

contre-torpilleurs, qui s'est élancé vers seS i

1

destinées, emportant avec lui la fortune etpresque le suprême espoir de la Russie. Vers quel but marche-t-il? Évidemment vers

Vladivostok,

puisque ce port fournit seul à l'amiral russe la base

d'opérations dont il a besoin. Pour

parvenir,

un navire de combat. Du côté des Russes

i

cuirassés, dont 5,

Knia~-

Souvarof, Alexandre III, Borodino, Orel, Osslabia, sont très modernes; dont les 6 autres, Sissoï-Veliky, Navarin, Nicolas le~, Anriral-Sevzzâvine, Anzzral-Oushekof, Atniral-Apraxine, sont moins forts, étant moins mo-

dernes; seurs Anza~a

l

croicuirassés, 3

Nahbimof,

Dmitri-Donskoï, lfladianir-Mononzack, tous d'un

modèle ancien; 6 croiseurs ordinaires, Aurora,

Oleg Alnaa

lesntcboug l,~oumroud,

Svietlana,sonttrès modernes et très rapides, mais ont le même défaut, c'est-à-dire le même manque de protection sur les flancs que les na-

vires similaires japonais. Ce sont là

les 20 bâtiments

le détroit

que Rodjestvensky a sous son commandement. Mais il faut aussi

de Corée, route la plus directe, mais

compter à l'actif

des Russes les

vraisemblable-

trois navires de

ment barrée par

la division de Vla-

le détroit de

les croiseurs cui-

y

la

flotte peut choisir entre trois chemins

la flotte de Togo;

Tsoungar, très

divostok,quisont

rassés Rossia et Gromoboï, assez resserré, peu promodernes, aussi fond, admirablementaménagé par bien armés que bien protégés, et la nature pour abriter des torpille croiseur ordinaire Bogatyr, très les le détroit de rapide et très mola Pérouse, plus derne, mais que sûr, mais nécessicertains renseitant un assez THÉATRE DE LA GUERRE MARITIME RU550-JAPONAI~E. gnements dongrand détour. Laissant de côté le rôle dangereux de prophète, nent comme n'ayant pas encore réparé les avaries constatons les réalités. Les deux flottes ennemies qu'il a subies à la suite d'un échouage à l'entrée du mises en présence se chiffrentainsi, en tant que navires port. de haute mer ou d'offensive Numériquement, nous avons donc 26 navires jaDu côté des Japonais, 26 navires, savoir 4 cuiponais contre 23 russes. Mais il faut remarquer que les rassés, Mikasa (peut-être détruit), Asabi, Shikisbima, Japonais doivent avoir devant Vladivostok quelques Fuji, tous de 1 er rang, très modernes; 8 croiseurs cuinavires pour tenir le blocus des 3 croiseurs russes. rassés, Asama, Tokiwa, lavate, I,~umo, A~unaa, Yakunzo, Combien sont-ils ces navires japonais bloqueurs? Nul Nissbin, Kasuga, très modernes; 14 croiseurs ordine le sait en Europe. On peut estimer:qu'ils sont 3, ce


qui réduiraità 23 l'effectif des bâtimentsjaponais pouvant être opposés aux 20 bâtiments de l'amiral Rodjestvensky, si toutefois aucun navire japonais cité ci-dessus n'est en réparation dans quelque port, à la suite des combats de l'année dernière.. Quant aux flottilles, voici leurs effectifs pour les Japonais, 20 contre-torpilleurs, 6o torpilleurs, 6 sous-marins (?); pour les Russes, i i contre-torpilleurs avec Rodjestvensky, 9 torpilleurs et 5 sous-marins à

batailles qui se préparent sur mer est donc singulièrement grave. On suivra avec anxiété les mouvements de ces escadres qui s'en vont à la rencontre l'une de l'autre, l'une espérant cueillir de nouveaux lauriers, l'autre souhaitant de faire enfin sourire la victoire à son drapeau.

Vladivostok. Les Japonais ont donc sur les Russes l'avantage

du nombre, mais non pas dans des proportions qui constituent pour ceux-ci une infériorité notoire. Où les Japonais l'emportent nettement, c'est sous le rapport de la vitesse et de la puissance de l'artillerie. Sur les 12 bâtiments cuirassés de la flotte de Togo, 4 ont filé 18 noeuds à leurs essais, 8 autres ont donné 20 ou 2 1 noeuds. Sur les 14 bâtiments cuirassés de la flotte de Rodjestvensky, 5 ont donné 18 nœuds, 6 ont donné 16 nœuds, 3 ont donné 15 nœuds seulement. Sur les 12 bâtiments cuirassés de l'amiral Togo on ne trouve que des canons de modèles récents, tirant à de grandes vitesses initiales, ayant beaucoup de portée et de force de pénétration. Sur les 14 bâtiments cuirassés de Rodjestvensky, 5 seulement ont des canons modernes, les autres ont une artillerie très bonne sans doute, mais cependant moins puissante que celle des navires japonais. Dans ces conditions, l'amiral Togo peut théoriquenzent engager le combat à une distance telle que son artillerie fasse du mal aux navires russes sans que ceux-ci puissent riposter efficacement. Il est aussi, par sa vitesse, maître d'accepter ou de refuser le combat. Il peut enfin manoeuvrer, en cas de rencontre, de manière à envelopper son ennemi. Mais ce sont là, il faut se hâter de le dire, des vues théoriques, que la pratique a bien des chances d'infirmer. La précision du tir ne dépend pas seulement de la qualité des pièces, elle varie suivant l'habileté des tireurs. La vitesse ne dépend pas seulement de la qualité des machines ou des chaudières, elle varie suivant le charbon employé, suivant l'usure dés chaudières, suivant l'aptitude professionnelle des chauffeurs ou des mécaniciens. Le moral des équipages, leur sang-froid, leur ardeur guerrière sont des facteurs que la statistique ignore. C'est l'avenir seul qui nous dira dans quelle flotte ces précieux éléments se trouvaient à un plus

haut degré.

L'issue de la lutte que Rodjestvensky va entreprendre contre Togo pourra changer la face des choses,si c'est le premier qui l'emporte. Que la flotte de Togo soit vaincue, qu'elle perde l'empire de la mer que ses succès répétés lui ont valu, et aussitôt l'armée japonaise de Mandchourie voit son service de ravitaillement entravé, annihilé peut-être. Elle qui jusqu'ici a pu recevoir, avec la régularité et la facilité du temps de paix, ses approvisionnements, ses munitions, ses rechanges de matériel et ses relèves de personnel, elle est tout à coup contrariée dans ses desseins, gênée dans sa subsistance. Et sa situation, si forte aujourd'hui, devient subitement précaire, sinon critique. L'enjeu de la bataille ou, pour mieux dire, des

L'Insurrection du Yémen. L'Arabie aux Arabes. INSURRECTION est victorieuse au Yémen; les Arabes soulevés contre la puissance ottomane sont les maîtres du pays. Sana est tombée entre leurs mains; ils y ont pris trente canons, vingt mille fusils et une quantité considérable de munitions. Quand, à la mort de son père, le cheikh Yahia fut reconnu par les tribus révoltées comme chef du mouvement insurrectionnel contre les Turcs, le gouverneur du Yémen pensa que, le nouvel Imatii n'exerçant pas l'influence dont disposait le vieux cheikh auprès de ses coreligionnaires, il lui serait facile d'en avoir raison. Aussi ne fut-il pas peu surpris quand il vit surgir un homme dont l'énergie et les capacités militaires dépassaient celles de son père, Yahia somma le général ottoman de lui livrer immédiatement Sana, en le menaçant, s'il n'obéissait pas, d'aller l'en chasser. A Constantinople, on ne s'émut d'abord pas de cette provocation; on pensa que le jeune cheikh cherchait surtout par sa jactance à rallier des Yéménites dissidents. Mais quand les autorités du Yémen virent que, par ses prédications enflammées et ses appels au patriotisme arabe,Yahia gagnait, chaque jour, plus de partisans et qu'il devenait de plus en plus entreprenant, 21les se décidèrent à demander des renforts. Avec la lenteur qui préside à ses décisions, la Porte hésita d'abord à faire droit aux réclamations de ses généraux, et lorsque enfin les renforts, attendus vainement durant plusieurs mois, arrivèrent à Hodeidah, la rébellion était maîtresse de tout l'intérieur du Yémen. La situation des Turcs devenait intolérable. Des vingt-quatre bataillons de soldats syriens prélevés dans le 5e corps, équipés et expédiés à la hâte, une partie avait succombé entre Maan, le point terminus actuel du chemin de fer du Hedjaz, et le golfe d'Akaba, et avant d'arriver sur le théâtre de la guerre, la colonne expéditionnaire avait perdu un quart de son effectif. Les survivants, nous dit la Dép~cbe coloniale, manifestaient si peu d'ardeur à combattre les insurgés qu'on prétend que, la veille de la bataille qu'il livra sous les murs de Sana, Riza-Pacha, chef des troupes régulières, fut obligé, pour faire avancer ses troupes syriennes, de faire fusiller un certain nombre d'officiers et d'hommes qui refusaient de marcher sous le prétexte que, les insurgés étant Arabes, les Yéménites et les Syriens sont de même nationalité et ne peuvent, par conséquent, s'entretuer pour asseoir en Arabie une domination étrangère.


Depuis, une partie du contingent syrien est passée à l'ennemi avec armes et bagages ou a franchi la frontière pour aller se réfugier en territoire anglais. On rencontre aujourd'hui dans les rues d'Aden des bandes de déserteurs turcs déguenillés qui, ne trouvant pas de travail, mendient tranquillement leur pain et vivent de la charité publique. Comme les autorités britanniques ne voient pas sans appréhension augmenter constamment cette foule de réfugiés, elles ont pris le parti d'évacuer les déserteurs sur Port-Saïd, d'où ils sont réexpédiés vers la Grèce; de là, ils iront sans doute grossir les rangs des insurgés en Macédoine, Les Arabes sont convaincus du triomphe final de leur cause. Ils saluent déjà l'imam Yahia du titre de sultan de l'Arabie, et si, comme le bruit en court avec persistance, le cheikh wahabite Ben Saoud Nedjed, tente une jonction à travers l'Arabie centrale avec son allié du Yémen, il est dès maintenant certain que les deux chefs marcheront ensemble sur La Mecque à la tête d'une centaine de mille hommes, et que les Turcs seront peut-être forcés de se replier sur les villes du littoral de la mer Rouge. La situation, ajoute la Dépêche coloniale, paraît des plus graves, puisque le Gouvernementturc aurait décidé d'organiser et d'envoyer au plus tôt au Yémen un second corps expéditionnaire exclusivement composé d'Albanais et d'Anatoliotes pour prévenir les défections. Mais la saison chaude a déjà commencé en Arabie, et des troupes prises dans des régions tempérées ne supporteront pas facilement le climat torride du Yémen, Dans ces conditions, il est à supposer que la lutte ne pourra pas reprendre entre Turcs et Arabes avant le mois d'octobre prochain, et d'ici là l'imam Yahia restera le maître absolu du Yémen, Les insurgés auront donc le temps de se fortifier et de se pourvoir suffisamment d'armes et de munitions. Il faudra que les Turcs fassent une nouvelle conquête du Yémen ce sera bien difficile, sinon impossible. Décidément l'Homme malade souffre en ce moment d'une crise aiguë.

du

La Croisière du duc d'Orléans dans les Mers arctiques. duc d'Orléans, qui s'est mis à la tête d'une croisière dans les mers arctiques, n'a pas l'intention qu'on lui a plusieurs fois prêtée, de gagner le pôle LE

Nord ou de battre un record. Son but est plus modeste, mais plus pratique, et peut-être plus utile. Il va faire un voyage d'études océanographiques dans la région qui s'étend de l'île Jan Mayen au Groenland. Cela n'est qu'une indication approximative, car il faut compter avec les banquises; mais d'une façon générale, ce sera là le champ de ses

opérations.

Il existe, comme on

sait, une Commission internationale d'études des mers polaires, dont le siège est

à Bergen. L'Angleterre, la Belgique, la Hollande, l'AlI. Voir A Travers le Monde, 1904, page 279. Le Sou-

lèvement des GYababites en Arabie.

lemagne y ont des délégués, et chacun de ces pays a une zone d'études qui lui a été assignée. La France n'y est point représentée, et il a semblé à l'explorateur qu'il y avait là une lacune à combler. Il se propose donc d'explorer et d'étudier, au point de vue de l'océanographie, de la flore et de la faune sous-marines, la région qui s'étend au nord d'une ligne imaginaire, tirée du cap Nord à la pointe nord-ouest extrême de l'Islande. Le commandement de la Belgica, navire éprouvé choisi pour l'expédition, est confié à M. de Gerlache. M. Mérite s'occupera des collections d'animaux et de la partie artistique. La partie scientifique proprement dite reviendra à M. Koefad, de Bergen, membre de la Commission internationaled'études des mers polaires, un océanographe connu. Enfin, l'état-major est complété par le docteur Récamier, ° Le duc d'Orléans compte être de retour dans les premiers jours de septembre.

René Moulin,

Une année de politique extérieure. 1 vol. in-16. Prix 3 fr. 50. Librairie Plon-Nourrit et Cie, 8, rue Garancière, Paris. 6e. PEU d'années ont été plus fertiles en événements marquants, d'une influence décisive sur la marche de la civilisation, que celle qui vient de s'écouler. Elle méritait une place à part dans l'histoire contemporaine, et l'on ne saurait trop louer M. René Moulin d'avoir tenté de rappeler, en un volume substantiel, les grands faits dont nous venons d'être témoins et dont nous commençons à entrevoir les conséquences générales. L'ouvrage de M. Moulin, qui résume les événements considérables par leur importance qui se sont déroulés au cours de l'année 1904, sera lu par tous ceux qui voudront avoir rapidement une connaissance précise et documentée de ces événements, connaissance nécessaire à la compréhension de l'évolution diplomatique qui se dessine dans le monde. C'est d'abord, par ordre d'importance,l'accord franco-anglais, « expression d'une situation internationale nouvelle », puis la prise de possession du Maroc par notre influence pacifiante. Le rapprochement franco-italien est venu transformer le caractère de la Triple Alliance en accentuant l'isolement de l'Allemagne militariste. La question d'Orient appelle à bref délai une entente des grandes puissances sur le terrain du traité de Berlin. Enfin l'expédition du colonel Younghusband a ouvert le Tibet impénétrable à l'Angleterre, et les EtatsUnis, en s'assurant la propriété du canal de Panama, ont prouvé que leurimpérialisme dépassait les limites de la doctrine de Monroë. Ce livre, si rempli d'habiles déductions et d'enseignements de la plus haute portée, se clôt, comme il convient, par une magistrale étude sur l'origine, les phases connues et les résultats possibles du conflit russo-japonais. L'auteur a tenu à consacrer un chapitre spécial à la crise qui vient de soulever le grand corps russe; la connaissance particulière qu'il a du pays et de ses habitants, lui a permis d'en faire une analyse pénétrante. Pour conclure, il s'est attaché à montrer combien les événements intérieurs de Russie modifiaient les prévisions les mieux établies, et quelle répercussion allait résulter du soubresaut national sur la durée et l'issue du conflit.

Émile Johandiez.

Les Iles d'Hyères. Imprimerie parti-

culière de l'auteur. Carqueiranne (Var). Prix 12 francs. M Johandiez en présentant cette intéressante monographie, illustrée de nombreux dessins, comble très heureusement une lacune fâcheuse. On parlait des îles d'Hyères, on les connaissait mal elles ont aujourd'hui leur géographe et leur peintre.


Pour faire un Voyage aux États-Unis. collaborateur M. 0, Guerlac vient chands savent ce que c'est. Quant à une qui lui sont parallèles sont coupées par N OTRE Guide de publier valise, un

franfais aux

Etats-Unis qui n'a pas la prétention de faire concurrence au Baedeker. Il n'enseigne pas comment on va de ChristopheStreet au Parc Central, ou de New York au Yellowstone Park. Mais il indique où il faut aller pour se procurer une boîte d'allumettes ou un timbre de deux sous; il dit ce que coûte une taille de cheveux

ou une barbe, comment on monte dans les chemins de fer élevés (elevated trains), combien il faut payer pour faire blanchir une chemise combien il faut donner de pourboire au garçon qui vous sert au restaurant. Il vous épargne certains solécismes de conduite en vous enseignant qu'il ne faut pas mettre vos chaussures à la porte dans une maison où vous recevez l'hospitalité. Il vous renseigne sur les journaux qu'il faut lire, les tabacs qu'il faut fumer, les théâtres qu'il faut fréquenter, etc., etc. Bref, il sera pour le voyageur transatlantique la plus agréable introduction à l'étude des moeurs anglosaxonnes aux Etats-Unis, et fournira tous les renseignements pratiques indispensables. LA DOUANE La formalité de l'examen des ba-

gages a, quand on aborde à New York, un caractère inquisitorial et gênant. La douane apparaît déjà sur le bateau, à la station de Sandy Hook, sous la forme de deux ou trois messieurs extrêmement courtois qui s'installent dans le grand salon avec des feuilles. Les voyageurs doivent se mettre à la queue pour défiler devant eux. Il est bon de s'installer aussi vite que possible près de l'extrémité de la table où l'agent va s'asseoir, afin d'en avoir plus vite fini et de pouvoir contempler le spectacle de l'entrée de la rade de New York. C'est au débarcadère que la formalité de la douane revêt le caractère le moins agréable. Il faut attendre que les garçons de cabine aient sorti vos bagages du navire et les aient portés sous la lettre correspondant à votre nom. Ces lettres sont très faciles à trouver sous le hanQuand tous vos bagages sont réunis, il vous faut aller à un petit pupitre installé près de la sortie, décliner votre nom au fonctionnaire assis là il vous désigne un employé de douane, qui vient, avec la déclaration que vous avez signée sur le bateau, examiner vos malles. Il en ouvre une ou deux. Ensuite, vous êtes libre de les confier à un des employés des compagnies de transport, qui circulent sous le grand hangar du débarcadère, et qui transporteront vos bagages à cette adresse pour 50 cents (2 fr. 50) par colis. Vous pouvez avoir entière confiance dans les employés qui ont le nom de leur compagnie sur leur chapeau. Néanmoins, prenez votre reçu.

gar.

CONSEILS PRATIQUES POUR LES MENUS ACHATS

Prenez pour le voyage une malle de cabine pas trop lourde. Tous les mat-

attendez d'être en Amérique pour acheter un dress suit case, sorte de valise plate très aisée à porter, où vous pouvez glisser votre linge de rechange, un vêtement de soirée, etc. Achetez, avant de partir, tout ce qu'il vous faut en fait de vêtements, caleçons, tricots, cravates, gants, chemises et faux-cols. Tout cela coûte plus cher aux Etats-Unis. Achetez vos chaussures aux EtatsUnis elles sont aussi bon marché et infiniment meilleures qu'en France. Si vous ne désirez pas vous faire montrer du doigt comme un étranger, achetez une coiffure américaine, dont la coupe est différente de la nôtre. LES MOYENS DE TRANSPORT

Le moyen de

transport universel

aux Etats-Unis c'est le tramway. Le fiacre (back, cab) constitue un luxe, dont le prix est d'au moins dollar (un peu plus de 5 francs), et, si l'on a des bagages, 2 dollars. En revanche, le transport des bagages se fait aux Etats-Unis avec plus de commodité et à moins de frais qu'en Europe. On n'a presque jamais de supplément de bagage à payer en chemin de fer, et les bagages sont transportés de la station d'arrivée à domicile d'une manière extrêmement expéditive. suffit, en arrivant à la gare, de remettre son ubeck ou jeton (qui remplace le bulletin d'enregistrement), à un des employés des compagnies d'express et de transfert stationnés là. (On les reconnaît à leur casquette). Pour une somme variant de 25 à 50 cents (1 fr. 25 à 2 fr. 50), ils transportent votre bagage à domicile dans l'espace de deux heures en moyenne. Les agents de ces compagnies sont officiellement accrédités. Ils sont de toute confiance. COMMENT ON S'ORIENTE DANS UNE VILLE AMERICAINE

est très facile de s'orienter dans les villes américaines, car elles sont presque toutes disposées d'une façon uniforme. Le principal conseil à donner au voyageur est de ne pas perdre la boussole, au propre ou au figuré. Estce une survivance des temps pas très lointains où les Américains devaient, la hache à la main, se frayer une route à travers les forêts vierges ? Toujours est-il qu'ils font un usage constant des points cardinaux. La connaissance exacte du sud et du nord, de l'est et de l'ouest est indispensable à qui veut se reconnaître dans une ville et comprendre les indications qui lui sont fournies. Avant de sortir de votre hôtel, regardez soigneusement le ciel et assurez-vous de la place du soleil. Toute ville américaine se compose le plus souvent d'une rue centrale, spacieuse et large, qui s'appelle généralement Broadway. Cette avenue et celles Il

un grand nombre de rues perpendiculaires qui, dans les quartiers les plus récents, sont marquées par des chiffres. Si vous voulez aller, par exemple, à la rue 1)0 Est à .New York, vous n'avez qu'à prendre un tramway qui remonte Broadway et descendre quand le chiffre des rues aura atteint 1)0. On désigne sous le nom de bloc l'ensemble des maisons comprises entre deux rues parallèles. Les maisons sont généralement comptées comme s'il y en avait cent dans chaque bloc. Ainsi, à Saint-Louis, si l'on va au no 45 17 Olive Street, on le trouvera entre la 45e et la 460 rue. Il ne faut jamais traverser les avenues ailleurs qu'au coin des blocs, où il passages et où les tramways sont y tenus de s'arrêter.

des

LE COUT DE LA VIE AUX ÉTATS-UNIS

est entendu que la vie est plus chère aux Etats-Unis qu'en Europe. Le loyer d'une chambre meublée des plus modestes, dans le quartier le moins élégant, coûte au moins 40 francs par mois. Un homme seul doit compter, s'il se contente d'une chambre meublée et s'il est dans une pension, de 40 à 6o francs de dépense par semaine. A cela s'ajoutent les innombrables dépenses accessoires. Aussi les journaux de New York ont-ils agité récemment la question de savoir si l'on peut se marier avec un traitement de 5000 francs par an. Les hôtels américains ont une réputation uniyerselle pour leur splendeur et leur confort. Malheureusement, on chercherait en vain, dans les grandes villes, de ces modestes hôtels de deuxième ou de troisième ordre où des voyageurs de goûts simples et de ressources limitées trouvent en Europe tout ce dont ils ont besoin. Comme il n'y a guère d'hôtels convenables qui aient des chambres à moins d'un dollar (plus de 5 francs), par jour, ceux qui veulent vivre d'une façon économique et jouir en même temps de la vie moins isolée d'une pension de famille doivent se mettre en quête d'une boarding bouse, cette institution classique 1I

des Etats-Unis. Les pensions ordinaires

fournissent des chambres pour des prix variant de 3 à 5 dollars par semaine ( 16 à

26 francs). La pension complète serait de 7 à 12 ou 15 dollars par semaine (36, 62 ou 78 francs). Il n'y a pas de cafés aux Etats-Unis

(sauf exceptions). Ils sont remplacés par les bars, où l'on prend sa consommation debout. S'il veut causer, jouer ou lire, faire sa correspondanee ou fixer un rendez-vous, le voyageur a d'ordinaire les grandes et spacieuses salles des hôtels. LE POURBOIRE EN AMÉRIQUE

Importé d'Europe à une époque relativement récente, il n'a pas encore eu le temps de s'acclimater partout; mais dans les grandes villes il fonctionne royale-

ment.


Les récentes Fouïlles de la Crète

Le Palais de Minos.

Des foteilles sont entreprises en Crète Cnossos et Phaestos ont, sous la ~ioche prudente des ouvriers, vu surgir de leurs Rancs des palais et des tenz~les. L'antique cité de Minos va revivre à nos yeux étonnés. Comment ce pays, gardien de merveilles sans nombre, peut-il encore celer des rzystères? Il semble que les entrailles du sol soient incommensurables comme le temps lui-nzênze et que les ~rofondeurs de la terre soient infinaés comme le recul des siècles.

A

l'heure où la Crète est en pleine anarchie, la coopération intelligente de quelques riches Anglais vient de reconstituer le palais de Minos, le roi législateur de la grande île, Minos n'a peut-être jamais existé; mais le palais qui porte son nom et le conserve dans l'histoire de l'archéologie, ne nous révèle pas moins une civilisation très avancée, si avancée qu'elle semble finalement plus près de nous que du siècle de Périclès. Et pourtant, elle date du

venir des formidables citadelles de Mycènes et de Tyrinthe, dominant toute la plaine d'Argos, ou de

l'Acropole d'Athènes. Toutefois, la puissance de Minos et de sa dynastie n'en est pas rabaissée à nos yeux. Si le monarque crétois a négligé d'entourer son palais de courtines et de murailles, s'il a choisi un terrain plat, où l'architecte pût, à loisir, développer les appartements, les salles, les locaux de tout genre, n'est-ce pas le trait d'un roi

puissant, qui, goûtantles douceurs de la paix, n'a rien à craindre des incursions du dehors et proclame ainsi sa

xve siècle avant Jé-

sus-Christ, d'une époque antérieure à la guerre de Troie et caractérisée pai la suprématie maritime de la Crète, où régnait celui à qui la légende, plutôt que l'histoire, a donné le nom de Minos. En

grandeur mieux que par un donjon inaccessible?

« De tous côtés, raconte M. Georges Nicole, un jeune savant genevois, qui nous a

quittant

Candie par une pocommuniqué, avec terne percée comme ces notes, d'intéresun tunnel dans l'enceinte vénitienne, santes photograGÉNÉRALE DES NOUVELLES FOUILLES DE CRÈ1'E, A CNOSSOS, VUE phies, les équipes on suit une route bordée d'oliviers de terrassiers dégaPhotographie com>nuniqzcée par tYT. G. Nicole. qui, soudain, à un gent les avenues du palais. MM. Mackensie et Tyfe, les actifs collaborateurs contour, nous découvre le cône majestueux de l'Ida, chanté par les poètes. Son cône neigeux, de forme de M. Evans, s'arrachent an instant au devoir de la noble et dégagée, sans contreforts parasites, a été jussurveillance pour nous faire, avec une parfaite courtoisie, les honneurs du champ de fouilles. La plus tement comparé au Fouzi-Yama japonais. Au bout de quelques heures de chevauchée degrande activité y règne, et l'on nous annonce qu'on puis Candie, on arrive à Cnossos. Le site n'a rien d'imvient de découvrir un arsenal préhistorique, muni du récolement complet du matériel. Ce catalogue est dresposant et cause une légère déception. Le palais de Minos est là, en contre-bas de la sé sur des tablettes d'argile, au moyen de cette écriture crétoise encore si peu déchiffrable, M. Evans eut, plus route, et il faut quelque effort pour se dégager du souA TRAVERS LE MONDE.

22° LIV.

No 22.

3 Juin ~905.


tard, la bonté de me montrer ces archives, qui prouvent que, contrairement à l'opinion courante, l'écriture existait en pays grec bien avant la formation des poèmes d'Homère. Jusqu'ici, M. Evans n'a pu y déter-

miner que les noms de nombre, groupés selon le système décimal. » Ainsi, les Anglais ont, à Cnossos, retrouvé et exhumé le fameux labyrinthe. II ne possède aucune des complications architecturales que semblerait indiquer son nom. Le plan en est très simple et très net. Un chemin dallé conduisait-à de larges escaliers qui aboutissent à un corridor orné de fresques nombreuses. Sur le corridor, s'ouvrent une série de chambres qui étaient des magasins. Le corridor aboutit à une cour qui communique avec une esplanade d'où l'on dominait les appartements particuliers du palais. L'étage inférieur de ce dernier bâtiment reposait sur la pente d'une colline qui dévale de ce côté-là dans le ravin de Kaisatos. L'ensemble de ces corps de bâtiments, avec cour qua-

drangulaire servant de trait d'union à tous les locaux, formait un vaste rectangle de deux

l'orientale les chairs sont marquées d'un ton brique foncé, selon la convention égyptienne. A

l'orient, trois groupes de bâtiments attirent

notre attention une salle de réception, une chapelle de culte et l'appartement des femmes, ou gynécée.

La salle de réception, que M. Evans appelle la salle du trône, contient en effet un siège adossé à la paroi, qui constitue sans contredit le plus ancien trône

du monde. Il est d'une forme bien inattendue le dossier est découpé comme une feuille, et la tablette incurvée du siège est supportée par des arches ogivales et des moulures, singuliers précurseurs de l'architecture gothique. Des deux côtés de ce meuble étrange, des banquettes basses recevaient les dignitaires et les ministres. En face, et pour éclairer la salle, une ouverture rectangulaire, percée dans le toit plat, canalisait l'eau pluviale dans une piscine de même forme, qui maintenait dans la salle royale une perp~tuelle fraîcheur. C'est tout à fait l'impluvium des maisons de Pompéi, avec cette différence que les colonnes sont ici

des supports évasés vers le haut, commedes pieds de table ou de chaise. Des fresques figurantdes griffons sur un fond de paysage de la vallée du Nil achevaient de faire de cette pièce une vraie salle de gala. L'aspect de la chapelle voisine est plus austère. L'en-

hectares.

Tout près de

l'entrée, les intendants de Minos avaient disposé une série de grandes jarres de deux mè-

tres de haut, à décoration mamelonnée, où ils serraient le grain et l'huile. Quantité de ces récipients sont encore en place.

Ces mêmes jarres remplissaient les magasins, où

tout révèle les bien-

trée était précédée

d' unn

L'APPARTEMENT DES I'E4IhIES DANS LE PALAIS

DE:

MINOS.

Photographie cornmmaiquée par M. G. Nicole.

faits d'une sage administration. Des canaux sont pratiqués sous les réservoirs d'huile pour l'écoulement du liquide en cas de rupture ou de suintement. Les mêmes précautions sont encore prises dans les grandes caves d'Épernay ou de Reims. Enfin, on remarque des cachettes, sortes de coffres de pierre dissimulés habilement sous le pavé des magasins. Le trésor de l'intendance pouvait y dormir à l'abri des surprises. L'administration et la gérance des biens étaient confinées dans la partie occidentale du palais. Le corridor dont nous avons parlé, et qui s'ouvrait au sud, était orné de fresques figurant une procession de tributaires. Après le corridor, venait un propylée décoré d'une frise de rosettes très élégantes, en gypse dur, et de fresques peintes à la détrempe. Le musée de Candie conserve une de ces fresques; on l'appelle le Porteur de Vase: un jeune homme, dans une attitude élégante, soutient de ses deux mains un grand vase en forme de cornet. Le torse est cambré; la tête est rejetée en arrière pour faire contrepoids. Il porte des anneaux autour du bras et un pagne richement semé de rosettes, à

sarcophage peint de vives couleurs une procession s'avance, dont

les figurants sont revêtus de longues robes aux teintes vives et diverses. C'est d'abord une porteuse d'eau, puis une

autre femme tenant sur l'épaule, aux deux bouts d'une branche qui équilibre ses fardeaux, des paniers de

fleurs et de fruits. Suivent un homme jouant de la lyre et des esclaves en pantalon bouffant et rayé, qui portent l'un un taureau, l'autre un tigre, le troisième une défense d'éléphant, Le temple vers lequel ils se dirigent était orné, à sa porte, de deux arbres surmontés de la « double hache », qui est un symbole particulier à la civilisation crétoise elle se retrouve sur les piliers du palais, et c'est peut-être elle, disent les archéologues, qui lui a donné le nom de labyrintbe. Le culte de la double hache s'est en effet conservé au Caire, où le vocable labrys, labryntbos, signifie hache à deux tranchants. Ce n'est que plus tard que ce mot de labyrinthe aura pris l'acception d'un dédale de corri-

dors.

Quant à la chapelle elle-même, ce qu'on y a retrouvé de saillant est peu de chose deux piliers, en forme de prisme triangulaire, se dressent encore sur


le pavé de la salle. Les blocs de chaque assise, incisés à la surface, portent la hache à deux tranchants. L'adoration du pilier est la survivance du culte plus ancien des bétyles, ou pierres tombées du ciel. Mais passons au gynécée qui nous réserve des

découvertes infiniment plus riches et plus gracieuses. C'est aux sujets féminins qu'on a reconnu le gy-

nécée de Minos; les fresques ont été transportées au

musée de Candie. Elles sont d'une grâce si provocante et d'un charme si piquant, elles ont l'air si modernes en un mot, qu'on les croirait détachées d'un album de la l~ie~~arisienne.

Ces figures de femmes sont d'une coquetterie charmante. L'une surtout, par son profil, sa coiffure, son attitude, est si (( parlante » que les savants français font tout de suite surnommée u la Parisienne ». Voici ce qu'écrit sur elle un grave membre de l'Ins-

titut

Cette chevelure ébouriffée, cette mèche provocante en accro-

(

Les hommes sont brun-rouge. Toutes les figures de

cette longue frise doivent représenter une foule assistant à quelque spectacle, très probablement à une de ces courses de taureaux qui étaient à la fois une fête religieuse et le divertissement favori des « Minoens ».

Plusieurs fresques du palais et des pierres gravées permettent de reconnaître des jeunes gens et des

femmes voltigeant et faisant des tours d'acrobatie autour des animaux lancés en pleine course dans l'arène. Voici d'ailleurs, non loin des appartements féminins où nous sommes, le propylée monumental une fois traversé, le théâtre de ces joutes singulières.Deux grands escaliers se coupent à angle droit. Ils recevaient les spectateurs qui venaient s'asseoir sur les larges gradins. Ce n'est que bien plus tard que le théâtre affecta la forme circulaire classique. Un escalier à triple révolution et quadruple palier assurait la communication entre les divers niveaux de l'édifice, qui, nous l'avons vu, plongeait, à l'orient, ses

che-cœur sur le

rieurs jusque dans les ravins de Kaisa-

front, cet oeil énorme et cette bouche sensuelle, ce flot de rubans rejetés dans le dos à la mode des « suivezmoi, jeune homme », ce mélange d'archaïsme naïf et de modernisme pimenté, cette pochade qu'un pinceau a tracée sur les murs de Cnossos, il y a plus de

tos. Même à Pompéi, où la conserva-

tion des monuments est si parfaite, on n'a aucun

exemple d'escaliers ainsi superposés. Le pavé des salles inférieures est à vingt-cinq pieds environ au-dessousdu

plancher supérieur. La plus belle

d'entre elles,

dénommée par

trois mille ans,

pour nous donner la sensation d'un Daumier ou d'un Degas, cette Pasi-

étages infé-

M. Evans la chambre « aux doubles UN WAGASIN DE VIVRES: JARRES AYANT CONTENU LES

LIQUIDES ET LES GRAINS.

haches », à cause

de la répétition fréphaé qui ressemble quente du symbole Pltotographie commur:iquéepar ~l. G. Nicole. à une habituée du que nous avons déBois parisien, tout contribue ici à nous surprendre, jà vu, est précédée par un double portique qui rappelle les beaux palais florentins de la Renaissance. et, pour tout dire, il y a dans la découverte de cet art inouï quelque chose qui nous ahurit et nous scandaLes débris de mobilier exhumés des diverses lise. » salles ne révèlent pas un « modernisme moins signiEt notre Parisienne » est au repos. Que seraitficatif. Telles de ces petites plaques de porcelaine incrustée constituent une mosaïque qui servait sans ce si elle était en mouvement? Une autre fresque nous doute de revêtement à un coffret à bijoux ou à une boîte en donne l'idée. Si vive est l'animation de cette jeune Crétoise, que ses cheveux s'écartent violemment à à parfums. On y voit les murs et les maisons d'une droite et à gauche des épaules, en lignes ondulées. ville. Or ces maisons ont trois étages, avec des fenêtres C'est probablement une bayadère dans le feu de la à quatre faces et des doubles fenêtres à trois faces. Le danse. Un boléro à manches courtes, ornées de franges, détail du travail prouve que ces fenêtres étaient muet une rangée d'accroche-cœur sur le front attestent nies de quelque chose qui tenait lieu de vitres. Or toute l'antiquité classique n'a connu que des maisons ses goûts d'élégante. D'autres dames de la cour sont représentées sur à un étage, munies d'une fenêtre unique. A Cnossos, la céramique, la glyptique, les arts une longue frise; elles sont assises sur des balcons et engagées dans des conversations animées. Leurs toidécoratifs, comme le grand art, suggèrent des remarlettes éclatantes, et des manches à gigot relevées par ques du même genre. Ainsi, les fragments de hautdes bretelles croisées, la jupe à volants fixée sur une relief sont des chefs-d'oeuvreà l'aspect tourmenté, que taille très mince et rejetée en arrière par une tournure, l'on a composés à la manière des grands maîtres de la Renaissanceitalienne ou de Rodin. en sont les parties essentielles. Les chairs, selon la convention égyptienne, sont marquées d'un ton blanc. Les autres palais explorés en Crète nous réser-


vent des surprises analogues. Ainsi, à Phaestos, acropole de la plaine de la Messara, au sud de l'Ida, non loin de la côte, des savants italiens, MM. Halbhen et Pernier, ont déblayé, en 1899, un vaste palais qui, sans être un doublet de celui de Cnossos, en rappelle tou-

tefois les dispositions essentielles. Phaestos est d'un accès difficile. Aucun service de cabotage ne dessert l'embouchure du Léthé, ni BeauPort (Kaloi Limenes), le mouillage le plus voisin. Il faut donc traverser toute l'ile du nord au sud. De

Candie, on suit d'abord, jusqu'à Daphné, une longue vallée, bordée de collines riantes, où les champs d'avoine ondulent sous le vent. La route dévale ensuite dans la région des contreforts de l'Ida, plantée de chênes, qui lui donnent l'aspect riant du Centre français. Puis, à mesure qu'on s'élève de nouveau, la nature se fait plus âpre, jusqu'au moment où, un col étant franchi, on débouche dans la fertile plaine de la Messara, que la mer borde à l'ouest. De là, par Gortyne, on parvient à Veros, le quartier général de la mission italienne, à 2 kilomètres seulement de Phaestos. Le coup d'ceil des ruines de Phaestos est plus majestueux qu'à Cnossos. Plus exigu, le palais de Phaestos a mieux échappé aux ravages du temps et à ceux des hommes; il a conservé un aspect architectural d'une grandeur imposante. La disposition générale du palais est, d'ailleurs, la même que celle de Cnossos une grande cour centrale de forme quadrangulaire sert de trait d'union à tous les locaux et corps de bâti-

ments. Quant aux objets trouvés à Phaestos, ils sont en petit nombre. Les murs, recouverts de stuc, n'ont eu qu'un décor sommaire. Sous ce rapport, l'explora-

tion de Cnossos a été bien plus fructueuse.

La Mission militaire française au Pérou. DANS les derniers mois de l'année 1896 fut signé, entre le général Billot et M. Canevaro, ministre du Pérou à Paris, le contrat aux termes duquel le Gouverment français mettait à la disposition du Gouvernement péruvien quatre officiers qui devaient se charger de réorganiser les troupes de cette république sudaméricaine. L'engagementde la mission était dû à l'initiative du président Pierola. Celui-ci, dès son arrivée au pouvoir, à la suite du'mouvement insurrectionnelde 189 5, avait considéré comme une nécessité primordiale la transformation complète, par des instructeurs étrangers, de cette armée qui, continuellementen butte aux intrigues politiques, avait à maintes reprises favorisé des p~~onu~ca~znziesitos. Les débuts furent pénibles. Nos officiers arrivaient dans un pays où tout était à créer. Ils avaient à lutter, d'un côté, contre les préjugés des militaires de carrière arrivés dans les grades supérieurs, soit par de

longues années de service, soit pour faits de guerre, lors de la campagne du Pacifique (1881-1883); de l'autre côté, se dressait contre eux l'antipathie bien compréhensible d'une foule de colonels de parade, créatures de révolutions périodiques, et qui voyaient d'un mauvais oeil s'approcher l'ère des réformes. Néanmoins, aidée par les autorités et encouragée par les sympathies de la haute société péruvienne, la mission sut triompher de tous les obstacles. Des règlements furent établis; une ancienne École de cadets située à Chorrillos, à 12 kilomètres de Lima, fut transformée en un vaste établissement militaire. L'instruction y fut donnée à un certain nombre de soldats destinés à former les cadres; enfin, l'on y annexa une école

préparatoire pour les jeunes officiers. Le contrat étant expiré, on le renouvela pour

deux années; de nouveaux venus continuèrent avec entrain l'œuvre de leurs précédesseurs. Une École supérieure de guerre fut créée à Lima, on adopta une loi qui normalisait le recrutement de l'armée. Sur ces entrefaites, des sentiments d'hostilité non déguisés de la part du président Romana s'étant manifestés contre la mission, elle se trouva dans une

situation critique. Il ne fallut rien moins que l'attitude aussi digne qu'énergique de son chef et la fine diplomatie de M. Larrouy, notre représentant d'alors au Pérou, pour mettre fin à un. conflit tournant à la rupture. Cette attitude du président fut une des causes qui déterminèrent certainement MM. Clément et Bailly-Maître, chefs de la mission, à ne pas renouveler en 1903 le contrat pour une nouvelle période de deux ans. Ils quittèrent le Pérou au milieu des regrets unanimes de la population. Le capitaine breveté d'infanterie Naulin et le capitaine d'artillerie Chaumeton remplacèrent ces deux

officiers. Cependant, à peine M. Candamo eut-il succédé à M. Romana, que sa première préoccupation fut de demander avec de vives instances le retour de M. Clément, auquel il désirait confier la direction générale de l'armée; mais on ne parvint pas à vaincre les résistances de cet officier qui désirait avant tout étudier avec soin les progrès si merveilleux faits dans son arme, durant six années d'absence. La mort aussi prématurée qu'inattendue du chef de l'État péruvien fit laisser les choses en suspens jusqu'à l'avènement du président Pardo. Celui-ci reprit aussitôt les pourparlers engagés par son prédéces-

seur.

Pressé de tous côtés, M. Clément, aujourd'hui chef d'escadron, accepta enfin de se charger de réorganiser la mission dont il avait été pour ainsi dire le créateur, C'est ainsi que le personnel rentrant étant remplacé, on va lui adjoindre un officier du génie, un adjudant de cavalerie et un brigadier maréchal-ferrant. La mission se composera dès lors de neuf officiers et de trois sous-officiers.

d'ici peu un lieutenant de vaisseau partira prochainement pour le Pérou y prendre la direction de l'École navale, on peut juger par là du résultat obtenu au profit de notre influence, et dans un pays où les Français ont toujours rencontré de si nombreuses' sympathies. Si l'on ajoute à cela que


Les Cyclones de Madagascar.

1 ne se passe guère d'année sans que notre grande île

africaine soit rudement éprouvée par le passage de ces terribles fléaux. Aussi les cyclones de Madagascar ont leur histoire et leur historien; le R. P. Colin, directeur de l'Observatoire de Tananarive, les a étudiés dans leur marche, leur violence, leurs dégâts, et a tracé de leurs trajectoires une carte dontl'examen présente le plus vif intérêt. Mais d'abord, qu'est-ce exactement qu'un cyclone? On appelle de ce nom de vastes tourbillons aériens, d'un diamètre plus ou moins considérable, dans lesquels la force du vent augmente de tous les points de la circonférencejusqu'au centre, où règne un calme d'une étendue variable. Quel est exactement le mode de formation des cyclones? La question est controversée. On sait d'une ma,pière positive

10

qu'ils

qu'à g z6o mètres, les ballons-sondesjusqu'à 14 kilomètres ils ont fourni des données très précieuses sur les variations brusques de température, qui se produisent à la même hauteur,durant de courts intervalles de temps. La conclusion qui se dégage de ces expériences, c'est que les signes précurseurs des tempêtes et des moindres changements de temps se trouvent dans les plus hautes régions de l'atmosphère; les deux théories contiennent chacune une part de la vérité. De même que la terre dans l'espace possède deux mouvements distincts, l'un de translation autour du soleil, l'autre de rotation sur elle-même en 24 heures, de même les cyclones ont deux mouvements, l'un de translation, l'autre de rotation. Le mouvement de translation s'effectue suivant une forme plus ou moins parabolique, qu'on appelle la trajectoire; sous les latitudes de Madagascar, elle prend la direction nord-est à sudouest dans la première branche, décrit ensuite une courbe plus prononcée vers le sud, et se dirige, dans sa

deuxième branche, du nordest au sud-est. Lent dès le début, ce mouvementse propage avec une vitesse de 2 à 9 kilomètres à l'heure; puis à mesure que le tourbillon descend vers l'ouest et traverse des latitudes plus basses, il augmente de vitesse 10a à 20 kilomètres à l'heure parvenu enfin dans les latitudes élevées, et si aucun obstacle n'a paralysé ses forces vives, il atteint de 20 à 33 kilomètres à l'heure; on a même constatéen 185" àTerre-Neuve,

sont produits par la raréfaction de l'air sous l'influence de la chaleur solaire 20 que la région où ils prennent naissance se trouve dans la zone des calmes, c'est-à-dire entre 50 et 100 de latitude, par conséquent dans les régions équajusqu'à go kilomètres à toriales. A défaut de docul'heure. ments suivis au moment Le deuxième mouvemême où ils se forment, ment de rotation est variaon admet aujourd'hui deux CARTE INDIQUANT LA TRAJECTOIRE DES CYCLONES OBSERVÉS suivant la vitesse, il ble théories. La première estapA MADAGASCAR. pelée thermique ou physidonne lieu à un ouragan ou à un coup de vent, ou à une simple bourrasque. Dans que la seconde, mécanique. En voici les grandes lignes Dans la première théorie, les causes de la producles violentes tempêtes, on estime que les molécules d'air tournent autour du centre avec une vitesse de rotion du cyclone setrouvent dans les couches inférieures tation de 50 lieues à l'heure, ce qui correspond à une de l'atmosphère. ,Cette hypothèse explique assez facilepression de 300 kilogrammes par mètre carré. Au plus ment la formation des tempêtes dans les zones tropifort d'un cyclone, qui eut lieu, le 20 octobre i 882, à l'Obcales, mais elle devient erronée dans les dépressions servatoire des jésuites, à Manille, la vitesse du vent ind'hiver que l'on observe aux latitudes moyennes. Ces dépressions paraissent produites plutôt par le mélange diquait à l'anémomètre 54 mètres par seconde, soit près violent des couches d'air indiqué dans la théorie mécade aoo kilomètres à l'heure. A un moment donné, nique. l'instrument fut arraché de son support par la tempête La théorie mécanique place la production des cyet emporté à une assez grande distance. Cette vitesse clones dans les couches supérieures de l'atmosphère. et cette pression du vent expliquent les ravages et les Dans ces dernières années, on vient d'étudier les phédésastres qui accompagnent d'ordinaire ce terrible ménomènes atmosphériques à des altitudes élevées, au téore. Dans la région de Madagascar, le mouvement de rotation se fait dans le sens direct, c'est-à-dire dans moyen de cerfs-volants et de ballons-sondes munis d'instruments météorologiques enregistreurs. A l'Obune direction semblable à celle des aiguilles d'une servatoire de Blue Hill, aux États-Unis, à celui de montre. Trappes, en France, les cerfs-volants sont montés jusSupposons maintenant un cyclone qui arrive par


nord-estde Madagascar, se transportant suivant une trajectoire dirigée de l'est à l'ouest. Il est évident qu'une molécule d'air en un point de l'ouragan sera sollicitée à la fois par le mouvement général de translation et celui de rotation autourdu centre; par conséquent, à droite de la trajectoire, ou, si l'on préfère, au nord du centre, les vitesses de translation et de rotation se contrarient, les vents y sont faibles tandis qu'à gauche de la trajectoire, ou, au sud du centre, les deux vitesses précédentes s'ajoutent, les vents y sont forts. La première partie du tourbillon est appelée par le

les météorologistes l'hémicycle maniable, et par les marins le bord maniable. La deuxième est appelée l'hémicycle dangereux ou le bord dangereux. Un navire qui, dans la première branche, naviguerait à gauche de la trajectoire avec vent d'arrière, arriverait fatalement au centre du cyclone, il se trouverait dans le bord dangereux; tandis que celui qui naviguerait à droite, dans le cercle maniable, serait rejeté à l'arrière du centre. Par sa proximité des régions où se forment les cyclones, par sa forme allongée et sa vaste superficie, Madagascar est particulièrement exposée à subir les effets des ouragans. La côte orientale, en particulier, se trouve fatalement sur le passage du météore. Circulant en toute liberté à travers l'immensité de l'océan Indien, la tempête vient se heurter avec toute sa force initiale contre les rivages, contre ces rades foraines qui

n'offrent aucun abri sûr. ;/¡ Le cyclone du 28 janvier au ier février 1893 passa sur Vatomandry, qu'il dévasta; le baromètre descenditjusqu'à 7 19 millimètres.L'ouragan se dirigea ensuite au sud de Tananarive. A l'Observatoire, le baromètre baissa de 13 millimètres au-dessous de sa moyenne la vitesse du vent, pendant ces quatre jours, atteignit 3 278 kilomètres; le total de la pluie s'éleva La rivière l'Ikopa brisa ses digues. L'une à 138 des coupoles de l'Observatoire faillit être emportée par la tourmente; le toit du pavillon magnétique fut soulevé tout d'une pièce et lancé au loin. L'ouragan se dirigea vers le cap Saint-Vincent et revint à l'océan Indien, en passant près de Fort-Dauphin. Vingt-quatre jours plus tard, les 21, 22 et 23 février, le centre d'un autre cyclone passe sur SainteMarie, Fénérive et éprouve Tamatave; dans cette dernière station, le baromètredescendit à 739 millimètres. La tempête se dirige vers Tananarive. Arrêtée dans la partie sud du lac Alaotra par l'arête faîtière, elle est déviée vers le nord-ouest et passe à l'ouest de la capitale la vitesse du vent, pendant ces trois jours, fut de 2 27o kilomètres; la quantité de pluie égala 59 m/m 7 1 Le cyclone atteignit l'ouest et le sud de Fianarantsoa. Les io, et 12 décembre 1902, un cyclone passe d'abord sur Antalaha le baromètretombe jusqu'à 729 millimètres; le tourbillon monte ensuite vers Mandritsara, contourne, le 1 i, les plateaux nord et ouest du Tompoketsa et va vers Mevatanana de là, il traverse le plateau de la Menavava et suit la chaîne du Bongo-Lava. Dans la journée du 12, il s'engouffre dans la vallée du Haut-Mangoky, passe à 8o kilomètres nord 4'lhosy et se dirige vers l'océan Indien par la vallée de la Mananara. féLa trajectoire du cyclone des 9, io et vrier 1903 est remarquable par la courbure très prononcée de la parabole. L'ouragan part de Vohemar,

45.

descend près d'Analalava sur la côte occidentale, s'infléchit dans la baie de Baly, revient vers l'ouest du lac d'Itasy, passe au sud-ouest et au sud de Tananarive dans cette dernière station, le baromètre baisse de o rn/rn environ la vitesse du vent, pendant ces trois journées, égale 17 14 kilomètres, le pluviomètre La tempête rejoint l'océan Indien indique 91 vers le nord de Mananjary. Les 2 2, 23 et 24 mars 1903, un nouveau cyclone traverse le littoral oriental; sa trajectoire trace, cette fois, une courbe sinueuse. Vatomandry est d'abord atteint, le 22, par le centre de la tempête; la baisse du baromètre est considérable 734 millimètres. A minuit, le 2~, le centre s'abat sur Mahanoro. L'ouragan passe à l'ouest de Mananjary. Le 24 au matin, il évolue près de Farafangana; dans la soirée, Ihosy et Farafangana signalent la présence du météore dans la cuvette où l'Itomampyprend sa source; il s'infléchit vers le sudest dans l'océan Indien. Le cyclone du 21 au 27 janvier 1905 s'avance du nord du canal de Mozambique vers les régions sudouest de Madagascar. Le 2 1, le centre de la tempête se trouve à 800 kilomètres nord-nord-est de la grande île. Le 22, l'ouragan se rapproche de Majunga. Le 23, il occupe approximativement le milieu du canal de Mozambique, au nord-ouest du cap Saint-André. Le 24, il se rapproche de Tomboharana, situé au sud du Cap. Le 25, la tempête pénètre sur la côte sud-ouest de Madagascar, suit la vallée du Mangoky et passe à 5o kilomètres nord-est d'lhosy, Pendant la nuit du 25 au 26, elle rejoint l'océan Indien au sud de Farafangana. Lors du dernier cyclone, qui s'abattit sur file du 1er au 7 avril 1905, la tempête aborda Madagascar aux environsd'Antalaha. Le 2, elle passa sur Mandritsara et s'est dirigée vers le sud-est, puis vers le sud de Majunga. Le 3, l'ouragan tourna au sud du cap SaintAndré. Le 4, il est à l'ouest de Maintirano et décrit la deuxième branche de sa parabole. Le 5, il aborde de nouveau Madagascar par la vallée du Mangoky. Le 6, il s'est déplacé très probablement à l'est de Tulear. Le 7, le centre du météore passe sur Fort-Dauphin à 6 heures du matin. Ces cyclones ont détruit des villages etdes plantations, semé sur terre la mort et la terreur. Sur mer, ils ont accumulé les naufrages. C'est la corvette le Berceau qui sombra, en 1846, non loin de Sainte-Marie.

40.

En 1852, l'Indienneestjetéeàlacôte; en 1885, l'Oa'seet le Dayot subissent le même sort. En 1893, le La Bour-

donnais est perdu; l'Eure en 1904. Liste funèbre qu'on

redoute toujours de voir s'allonger!

i

i

Les Conclusions du marquis de Segonzac sur la Pénétration commerciale au Maroc. LE marquis de Segonzac, qui, après la captivité que 1 on sait, vient de rentrer en France, a, dans une interview récente, donné ses intéressantes conclusions


sur la question de la pénétration commerciale au Maroc. L'enquête à laquelle il a procédé avec MM. Louis

Gentil, René de Flotte Roquevaire, Si Saïd Bouliffa et Abd el-Aziz Zenagui, a porté sur le tiers environ du Maroc. La région étudiée par eux est comprise entre une ligne tracée du cap Cantin au Djébel-Aïachi d'une part, le Sahara d'autre part, enfin l'Océan. Dans ces limites, l'explorateur ne craint pas d'affirmer que si rien jusqu'ici n'a été fait, tout est à faire assez aisément. L'anarchie qui règne au Maroc, et qui s'est si fort étendue depuis la mort de MoulaïHassan, a accusé les tendances séparatistesqui, de tout temps, ont régné dans le sud, opposant au \( royaume Marakech ». Les grands de Fez :c royaume de caïds du sud, dont Moulaï-Hassan avait augmenté l'autorité, sont aujourd'hui complètement indépendants. Ils n'obéissent et ne payent l'impôt que dans la mesure qui leur convient. ll~ sont maîtres chez eux. Dans ces conditions, il est évidemment insuffisant de traiter à Fez seulement du sort du Maroc. Il faut négocier directement avec ces tribus, nous mettre en rapports avec elles, leur rendre les services qu'elles attendent de nous. Or, malheureusement, il n'y a pas même, à l'heure où nous sommes, un commencement

le

d'action.

A Marakech, seconde capitale du Maroc, métropole de tout le sud, résidence du frère du sultan,

ville d'intrigues politiques et d'affaires commerciales, où une population sédentaire de 60000 habitants se double d'une population flottante presque égale, il n'y a pas un seul Français, ni fonctionnaire, ni négociant. L'agent consulaire indigène est sans autorité. Les représentants indigènes des maisons françaises de Mogador sont hors d'état de lutter utilement avec les maisons anglaises et allemandes qui y sont installées. \( Le rôle que nous avions à jouer, dit M. de Segonzac, était cependant tout tracé, Le pays (non pas seulement les environs de Marakech, qui sont accessibles, mais le sud, où les caïds sauvegardent jalousement leur liberté) nous serait ouvert si nous voulions. Les indigènes ont un besoin qui domine tous les autres le besoin d'eau. A tout prix, ils essayent d'y remédier. Mais pour atteindre les nappes souterraines, qui sont souvent à une grande profondeur, ils ont besoin du concours d'ingénieurs européens. Les ingénieurs hydrographes seront dans cette région les premiers agents de pénétration. D'autres chefs, soupçonnant des richesses minières, réclament des prospecteurs. Partout, enfin, des médecins seraient les pionniers indiqués derrière lesquels passeraient les commerçants. \( Cette initiative est d'autant plus désirable que les six caïds, qui sont les maîtres du Sud désirent entrer en relations avec nous; ils ne demandent qu'à nouer avec la France des rapports réguliers. \( Par l'intermédiaire et sous les auspices de ces chefs, il nous est loisible de faire dans tout le Sud un chiffre d'affaires important. Sans doute, cette partiedu Maroc n'est pas foncièrement aussi riche que le Nord. Mais outre le progrès certain du rendement du sol quand auront été accomplis les travaux nécessaires d'irrigation, l'élevage y est très florissant, et indépendamment de l'huile, des amandes et des palmeraies, lestroupeaux, nombreux,'biensoignés, sont une source

de fortune qui permet aux habitants de faire des achats importants. Pour ces achats, ils s'adressent actuellement à Mogador, qui est loin, à Marakech, où notre situation est nulle, et partout les Marocains payent ce qu'ils achètent 6o pour ioo trop cher. Si nous leur offrions à un prix moins élevé les objets d'usage courant qui leur sont nécessaires, ils deviendraient des clients excellents de notre commerce et de notre in-

fluence. « Mais pour cela, il faut que le Gouvernement français se décide à s'occuper directemerit sur place des tribus du Sud. Il faut notamment qu'il installe à

Marakech un consul actif, qui organise la pénétration commerciale et qui rayonne par ses agents de l'Océan au Tafillet. Il faut ensuite qu'à Taroudant, capitale du Sous, à Ilir, dans le Tazeroualt, à Goulimine, centre de l'Oued-Noun, nous placions des agents consulaires et des médecins, qui seront les éclaireurs des maisons françaises et les guides de nos négociants. Il faut enfin que dans les ports de la côte, dont le premier soin de notre diplomatie devrait être d'obtenir l'ouverture, nous envoyions des représentants, Quant au Tafillet, c'est par l'Algérie qu'il y faut pénétrer. Et dès maintenant, grâce au chemin de fer de Beni-Ounif, qui leur apporte les marchandises pour un prix de moitié inférieur à celui qu'ils payaient naguère, ses habitants, si soucieux soient-ils de leur autonomie, sont devenus les clients de la France. « Ce n'est malheureusement qu'une exception. Et de là jusqu'à la côte, c'est-à-dire dans toute la région que nous avons parcourue, il faut construire sur une table rase. Le champ, à coup sûr, est encore libre. Mais il est grand temps de s'y engager. })

Ernest Piriou, agrégé des Lettres. L'Inde contemporaine et le mouvement national. 1 vol. in-t6 de la Bibliothèque d'Histoire contemporaine. Prix fr. 50, Félix Alcan, éditeur.

ARLERde l'Inde est une raison suffisante de se faire

lire

tant de souvenirs, tant de visions ou terribles ou charmantes sont évoquées en nous par cette terre mystérieuse! L'ouvrage que publie aujourd'hui M. Piriou emprunte, en outre, aux circonstances actuelles, un intérêt vivant et immédiat à l'heure critique où l'Asie fermente par le levain japonais, l'auteur de l'Inde contemporaine, qui a visité le pays, qui a écouté ses chefs politiques et religieux, qui a entendu les doléances, du Congrès national Indien, nous montre la croissance et les efforts du jeune parti national qui, troublant la fête anglaise, réclame une place à la table servie chez lui pour des étrangers. D'autre part, le vieil Hindoustan aujourd'hui s'anglicise et se modernise, les fils des ascètes et des brahmanes délacent les bandelettes de mort, rompent les barrières de caste et de race qui les séparent, et s'unissent contre la lourde exploitation étrangère. Le peuple même s'éveille un sentiment national pénètre dans les masses amorphes, et le jour ne tardera point où l'Angleterre et l'Europe même devront compter avec le réveil du vieux lion déchainé. Dans ce livre, il faut lire les chapitres, abso!ument neufs, sur la vie économique du village, sur la condition des femmes, sur les musulmans, sur le Congrès national des Indes. L'ouvrage de M. Piriou, plein de vues originales, est une importantecontribution à l'étude de ce grand pays mystérieux.


L'Exploitation des Plumes d'Oiseaux dans le Matto Grosso (Brésil intérieur). LE commerce des plumes d'oiseaux, ai-

grettes ou crosses, qui tremblotent sur les chapeaux de femmes, prend de jour en jour une plus grande importance. Il est fort heureux qu'au moment où les volatiles qui les fournissent ont disparu d'Europe, et que les chasseurs les exterminent au Sénégal, à la Réunion et en Indo-Chine, s'ouvrent les ressources inconnues du Matto Grosso, qui, pour longtemps encore, promet d'être le pourvoyeur de ces plumes recherchées dans le monde entier. C'est en vain qu'en Tunisie les éleveurs ont essayé de domestiquer ces animaux et de les conserver en volières spacieuses; les frais d'entretien sont trop considérables pour que l'élevage soit rémunérateur, et les 10 à 15 grammes de plumes récoltées, chaque année, par oiseau, même à des prix variant de 5 francs à 1 fr. 25 le gramme, présentent de trop maigres ressources pour couvrir les frais d'achat et de mise en exploitation. GARZAS ET TUYOUYOUS

M. Ch. Cadiot, conseiller du Commerce extérieur de France à Cuyaba, vient de publier dans l'intéressante Revue France-Brésil un long article qui jette un jour tout nouveau sur la question. Ainsi que le nom l'indique, les plumes d'aigrette sont droites, rigides, hautes de 15 à 2o centimètres, blanches et régulières; celles qui sont jaunes et

constituent une seconde qualité. Quant aux « crosses », en forme de crosse d'évêque, elles sont également blanches, frêles, délicates et hautes de usées

centimètres. Elles sont fournies par les garias, espèce d'échassier haut de 40 à 6o centimètres, entièrement blanc, qui vit en bandes innombrables au bord des rivières, lacs, marais et ruisseaux, voisinant en bonne intelligence avec les tuyouyous, autre échassier, et de grands sauriens qui trahissent la confiance de ces oiseaux en les happant à l'occasion. Ces oiseaux revêtent leur plus joli costume à l'époque de la nichée, et c'est aussi le moment où, ayant leurs plumes au grand complet, les chasseurs s'en emparent et les dépouillent de leur délicate et luxueuse parure. 10 à 12

LA CHASSE AUX PLUMES

chasses, raconte France-Brésil, se font de différentes manières, suivant qu'elles sont pratiquées par des Indiens ou des Brésiliens. Les premiers, avisant, au soir, les arbres sur lesquels les hérons sont juchés pour y passer la nuit, s'y rendent sans bruit en canot. Ils allument discrètement des feux aux fumées stupéfiantes et, durant le sommeil forcé des oiseaux, ils s'emparent prestement des plumes précieuses et relâchent les patients avant que ceuxci aient pu revenir de leur surprise. Les

est évident que pour des sauvages c'est assez bien raisonné, et s'il y a quelque cruauté à plumer ces oiseaux vivants, il y a, malgré tout, quelque prévoyante générosité à leur laisser la vie. Les chasseurs se contentent, en effet, de l'usufruit d'un capital qu'ils conservent soigneusement. Quand ce procédé ne réussit pas, les flèches à pointe ou à tampon exterminent aussi des quantités très grandes de ces volatiles. Ces Indiens, Cadiéos, Botocudos, Croados et autres, viennent quelquefois de très loin pour exercer cette amusante chasse et la façon dont ils réalisent la valeur de leur récolte n'est pas moins originale. En fin d'opération, le chef de la troupe choisit cinq à six de ses Indiens, et dansleur costume primitif qui se compose notamment de vives couleurs s'étalant en dessins originaux sur leur peau brune, ils arrivent dans les villes d'échange et particulièrement à Cuyaba. Laissant au fond de leur étroit et long canot d'écorce d'arbre le diadème en plumes de perroquet, ou la coiffure en plumes quelconques qui orne leur tête, enlevant la baguette de cire dure et blonde qui leur traverse les narines de part en part, ne conservant pour tout vêtement qu'une petite pendeloque de coquillages polis, insérée dans la lèvre inférieure et qui leur retombe sur le menton, ils se dirigent vers les magasins les plus proches, marchant, c'est bien le cas de le dire, en file indienne, par rang de qualité et d'âge. Leur premier soin est de présenter à la vente de petites pincées de plumes pour en obtenir un ou deux costumes complets de toile de couleur, que l'Allemagne et l'Angleterre importent à très bas prix, et dont ils se partagent les pièces. Chacun, ayant une minime partie de costume, reprend place dans le cortège étrangement habillé, et le monôme commence sa promenade par la ville en quête de nouveaux magasins. Cette procession est le plus souvent interrompue par les agents de la municipalité, qui ont pour mission de veiller à la décence dans la rue, et les délinquants sont conduits au poste où la charité municipale, bienveillante, les revêt à peu près complètement de l'indispensable et les remet aussitôt en liberté. C'est alors triomphalement que la file indienne reprend ses pérégrinations dans les magasins, où le « cacique cute âprement et longuement le prix des articles qu'il achète en échange de ses produits, cependant que la troupe attend à la porte. Il a choisi du guarana (panacée indienne universelle), des liqueurs, couteaux, haches, pistolets à long canon, poudre, plomb, parfums violents et de l'eau-de-viede canne à sucre (cachasse), Lorsque la vente est terminée, la troupe gagne joyeusement, parfois bruyamment, le chemin qui la ramène au Il

dis-

débarcadère, et le canot où les hommes seront accroupis, pendant plusieursjours, reprendra la direction de leur village. Ils ont ainsi vendu fructueusementles plumes et conquis gratis un habit complet. La chasse par les Brésiliens est plus brutale, rapide, cynique et sans pitié. Les chasseurs se forment en petites troupes, qui en canot indien, qui à cheval, les uns rabattant les oiseaux vers les autres, et c'est à coups de fusil que les hérons sont abattus, sans aucun ménagement des récoltes futures. Il est vrai de dire que ces oiseaux sont en nombre incalculable. Lorsque les chasseurs ont terminé leur récolte de plumes, et cette chasse dure près de quatre mois sur un espace immense, ils réalisent leur valeur, soit par livraisons divisées, soit en une seule fois dans les magasins des villes, et de là elles sont expédiées en Europe, en suivant le chemin accoutumé du Paraguay, de l'Ar-

gentine, de l'Uruguay.

Où vont ces oiseaux pendant les mois de leur absence complète? La question de leur émigration reste \ln mystère, comme la plupart des migrations d'oi-

seaux. AUTRES OISEAUX RECHERCHÉS DANS LE MATTO GROSSO

D'autres plumes sont aussi fournies

dans le Matto Grosso par les oiseaux suivants

Oiseau de Paradis(miraflorès),dont la queue est tout un panache de plumes dorées, miroitantes, légères et de forme particulière, ce qui fait que le public les désigne sous le sobriquet d' « arêtes de poisson ». Cette espèce tend à disparaitre. Héron gris qui fournit des plumes grises, compactes, tombantes; elles sont peu en faveur et ne paraissent sur les marchés que de temps à autre, suivant les caprices de la mode; espèce assez nombreuse. Nandous qui vivent à l'état sauvage en troupede 15 à à 25 individus. Les plumes, où le roux sale domine, servent à la fabrication des plumeaux, et leur valeur marchande est insignifiantecomparativement à celle des plumes des autruches véritables. Il serait impossible, en examinant les statistiques, de se rendre compte de l'importance même approximative de ces commerces de plumes. D'une part, les états de douane au Matto Grosso ne tiennent pas compte des sorties; d'autre part, les marchandises sont dénationalisées en traversant les pays qui les exportent en Europe ou aux Etats-Unis. Tout ceci explique pourquoi les acheteurs ne connaissent pas du tout ou mal l'origine de ces plumes, négligent d'établir des relations directes avec le Matto Grosso, qui est cependant un trésor inépuisable, inestimable, et qui devrait tenter les amateurs de chasses productives, dans un pays sain, merveilleux et tranquille.


La

«

Matanza

»

des Thons dans les Pêcheries du Sud-Tunisien.

L'expérience nous prouve tous les jours que la Tunisie est une des plus ~récieuses ~arties de notre domaine colonïal. La stratégie, le commerce et l'agriculture y trouvent chacun leur com~te. Les eaux territoriales de cette beureuse régrôn apportent aussi leur contribution à là fortune du pays, et nulle part la faune maritime n'est plus abondante et variée. Toutes les ~êcbes s'effectuent sur les côtes; mais il n'en est pas de Plus curieuse que celle qui massacre les gigantesques thons pour réduire ces monstres en savoureux bors-d'a'uvre.

S' ILs n'obéissaient pas, chaque année, à leur goût immodérédes voyages, les thons n'encombreraient pas de leurs cercueils en fer-blanc les boutiques des marchands de comestibles du monde entier, et couleraient des existences sans trouble dans les mystérieuses profondeurs où ils se retirent lorsque leur

Pour s'être laissé dériver de quelques milles, elle a causé la ruine de nombreuses populations, et il a été aussitôt question de faire émigrer des villages entiers de la côte bretonne sur la côte tunisienne, comme si, en ce dernier pays, la sardine avait pris l'engagement absolu de ne jamais s'écarterde sa route

annuelledeTabarka au nord, à Mahedia

humeur nomade s'est calmée et leurs retraites, inconnuesàl'homme,

au sud.

les

protégeraient contre la voracité

dernières

de cet ennemi. Cette passion de la vie errante

nisie, autrefois exclusivement entre les mains des Arabes et des Siciliens; des sociétés financières se sont montées pour l'exploitation de la mer et des lacs qui ont été allotis et affermés

On a beaucoup développé, ces

années. les pêcheries de Tu-

sévit sur le thon à

époque fixe, avec

une périodicité

aussi régulière

qu'elle sévit sur nous en été, au moment des vacances; mais le poisson a, par le Gouverneen outre, la régument du bey; on a larité de l'itinéraire, étudié et décrit les il passe toujours mœurs, les habituPCCHEURS DE THONS HISSANT LEURS FILETS. les mêmes chepar des de ces centaimins sous-marins, Photographie communiquée par M. Ch. Maumené. nes d'espèces de poissons qui vivent avec une fixité telle et se promènent depuis Bizerte, au nord de la Tunisie, que s'il s'avise, une année par hasard, de dévier de sa route, le pêcheur, habitué à ce périple immuable, se jusqu'aux Bibans, à l'extrême-sud, dans le golfe de la lamente et crie presque à la trahison. Nous avons vu Syrte. récemment quelle révolution a faite en, Bretagne une Il semble; tant est nombreuse la variété, que ces de ces fugues de la sardine, ordinairement aussi routiparages soient les Eaux promises du poisson. Mais on, nière que le thon dans ses villégiatures. a peu parlé de l'originalité de certaines de ces pêches A TRAVERS LE MONDE.

23e LIV.

N° 23.

10

Juin 1905.


leur pittoresque celles du sud, notamment, entre Sousse et Gabès, empruntent au cadre du pays, étincelant de soleil, et à la merveilleuse lumière de la saison dans laquelle elles se pratiquent, un charme tout particulier des scènes de tuerie grandiose caractérisent les « matanza » de thons des îles Kouriat et de Monastir, et rappellent la barbarie des âges primitifs, où l'homme luttait corps à corps contre des animaux fabuleux. Pour celui qui s'y livre, cette pêche est un rude combat, et pour celui qui y assiste, un spectacle de

impressionnant. C'est d'avril à juin, époque où leur humeur amoureuse les entraîne vers les eaux tièdes et claires de la côte d'Afrique, que, d'une façon immuable et de temps immémorial, les thons défilent en masses successives et serrées, depuis la hauteur de Bizerte, en contournant le cap Bon, jusqu'au golfe de Gabès.

Plusieurs thonaires (établissements de pêche de thons et de fabrication de conserves) se sont installés à proximité de leur

itinéraire, capturant au passage des corps d'armée tout entiers; le plus an-

Dans les années où rien ne trouble la régularité de leur itinéraire, les thons qui échappent aux filets de Ras-ed-Djebel et de Sidi-Daoud, viennent se prendre dans ceux de Monastir, aux îles Kouriat. Heureusement pour l'espèce, quelques bataillons retardataires ou flanqueurs de la horde évitent les engins de ces dangereux parages, et regagnant les abîmes ignorés où ils cachent la phase sédentaire de leur existence, se donnent douze mois de survie, et de nouvelles

myriades de descendants qui tourneront, eux aussi, dans le cycle de leurs ancêtres. La migration du thon entraîne automatiquement la migration du Sicilien. A l'époque où les scombres commencent à se mettre en branle, des villages entiers abandonnent la côte de Sicile, ne laissant au logis que la population féminine ou trop faible pour ce rude labeur de la pêche. Les hommes quittent leur métier ordinaire le boulanger, le barbier, le menuisier, souvent même le curé, arrivent d'un bloc dans ces îlots déserts tout le reste de l'année, et, de père en fils, de génération en gé-

nération, ces Siciliens se sont fait

cien de ces établissements est, à SidiDaoud, celui du comte Raffo, un Italien, dont l'aïeul, émigré en Tunisie, obtint du bey Ahmed, en 1826, la

une spécialité de cette pêche. Peut~être même cela remonte-t-il à une très haute an-

tiquité; entoutcas,

la méthode em-

concession, pour

ployée par eux de

harponner le poisson se pratiquait, sur ces mêmes côtes, à l'époque romaine, et un grand

une centaine d'années, du droit de pêche des thons sur cette partie de la côte. Cette thonaire a servi de modèle aux autres, et suc-

nombre de lampes T10NASTIR AU FOND, L'ILOT DE SIDI-EL-GHADAMSI funéraires, retrouvées dans la région, cessivement, se Photographie communiquée par M. Ch. Maumené. sont fondées les soen font foi par leurs vignettes représentant des thons ou des cétacés percés ciétés de Ras-ed-Djebel et la société Cassisa, en 1894, de harpons. à Monastir et aux îles Kouriat. En face de Monastir, entre les îlots de Kouriat et Rien de plus aléatoire que la réussite de ces sola côte, les fonds de 40 mètres, qui constituent la passe ciétés qui exigent une importante mise de fonds; indé, préférée des thons, sont barrés, surune longueur d'enpendammentdu capital nécessaire à l'achat de la conviron un kilomètre, par d'immenses filets, et cette barcession ou au paiement du fermage des pêcheries, à rière se termine par un cul-de-sac. l'installation des bâtiments et des usines, il faut consAssombrissant la transparence bleue des eaux tituer, au moment du passage des thons et pour les trois mois de sa durée, un fonds de roulement de par la masse de ces grands corps serrés les uns contre les autres, la tribu des thons arrive. L'avant-garde,~ 150 à 200000 francs pour la location des bateaux, le étonnée de l'obstacle, le longe et s'engage dans la renouvellement des immenses filets et leur mise en place, la paie des hommes et des employés, les appronasse. Au moment où, heurtant la paroi de la prison, elle veut faire demi-tour, il est trop tard; la queue de visionnements de sel et de charbon, de métal pour la la colonne pousse la tête; des centaines, souvent un confection des boîtes, millier de ces énormes poissons, empêtrés dans ce laCette mise de fonds, je ne saurais mieux la combyrinthe, y tournent en ronds, affolés c'est la panique parer qu'à la masse pontée sur la rouge ou la noire dans la foule spectacle étrange à regarder, à travers d'une table de jeu. Les thons passeront-ils par leur cette profondeur de 40 mètres d'eau, qui fait paraître route accoutumée? dévieront-ils de quelques centaines de mètres, évitant ainsi les filets tendus? Dans le pregros à peine comme des maquereaux, ces,monstres, dont la plupart dépassent i mètre de longueur. Les mier cas, le capital peut être doublé dans ce court intervalle des quatre-vingts journées de pêche; dans le guetteurs de la pêcherie, pour se rendre compte de la situation, se servent d'un appareil aussi original que cas contraire, c'est la ruine complète,

etc. etc.


compliqué: un tuyau de fer de diamètre assez large., souvent un simple seau défoncé, dont on a remplacé le fond par une plaque de verre, est immergé verticalement,de façon que les remous de la surface de l'eau, aplatis par la vitre, ne troublent pas la vision, et, en mettant les yeux à l'ouverture de ce télescope primitif, on aperçoit distinctement les scènes d'affolement de la bande. Les vieux pêcheurs n'ont pas même recours à ce procédé et télégraphient en signaux, à l'usine, le nombre, évalué souvent à une vingtaineprès, des thons ainsi emprisonnés. Un jour de juin, à deux heures du matin, on nous signalait six cents thons dans les filets; la veille, on en avait pêché cinq cents, et l'avant-veille, trois cents. A l'usine, aussitôt, le branle-bas commence; les chaudières, 'les boîtes, l'huile et le sel sont préparés pour la cuisson et l'emboîtage de ces futures victimes, pendant que les lourdes barques des Siciliens sont amenées sur le lieu du combat. Petit à petit, l'énorme popeu

che aux mailles

se soulève sous les formidables coups de queue et de nageoires. N'ayant plus sur le corps la pression d'eau nécessaire, à demi asphyxiés, sentant l'angoisse de la fin,

ces gigantesques poissons, dans un effarement indescriptible, cherchant une issue, se heurtent les uns les autres avec une violence terrible, se brisent la tête contre les bords des bateaux, crèvent par places ces solides réseaux qu'ils ne peuvent, malgré tout, rompre

complètement. C'est une vertigineuse sarabande qui transforme cette turquoise étincelante, qu'est la mer en ce coin et à cette époque, en une montagne croulante d'écume dans laquelle apparaissent, comme des éclairs, les ventres d'argent et les dos nacrés des thons. Le carré s'est rétréci de plus en plus; les barques se touchent et sont amarrées les unes aux autres, la e chambre de mort » est formée, la matan,~a, la tuerie, va commencer. Les pêcheurs sont alignés derrière le bordage d'une des barques; les uns assomment à coups de barre les pauvres thons, les autres les harponnent et les his-

sent à bord,jetant

pourtant assez ser-

dans le fond du bateau, derrière eux, pêle-mêle les uns

rées,faites d'un câble de près d'un centimètre de dia-

sur

mètre, est halée par

les autres, ces

grandscorps pantelants ils s'aplatissent à leur passage

une équipe d'une

centaine d'hom-

ceux-ci, montés sur quatre longs bateaux, les rap-

pour éviter les

mes

coups de queue ou de nageoires des

prochent de plus en plus, de façon à

agonisants, encore

assez forts pour briser un bras ou une

formeruneenceinte rectangulaire, la

épaule. C'est un massacre où le sang

chambre de mort. Au centre de ce carré. une barque plus

jaillit partout, en

gerbes qui vous petite, celle où se giclent sur les vètiennent, debout, tements et lafigure, Photographie communiquée par M. Ch. Maumené. dans le remous inet vous aveuglent. fernal, qui augmente de plus en plus, le \( reiss », caLa mer, maintenant, est devenue rouge, faisant une pitaine, qui commande la manoeuvre, avec le curé, et énorme tache de pourpre dans cette enceinte et autour quelques-uns des patrons de la société. des bateaux, et ce carnage continue pendant des Les hommes, hissant à grands efforts de bras le heures, jusqu'à ce que le dernier membre de cette filet qui se fait de plus en plus lourd, chantent en patribu ait été tué, que toute vie ait cessé, dans le filet tois sicilien, sur un rythme de mélopée, les litanies des tout à l'heure si tumultueux. saints et des saintes les plus populaires dans leur vilAlors le (( reiss »,le capitaine de ces forbans, lage « Santa Catarina, Santa Rosalia, Santa Barbara toujQurs debout dans son bateau, au centre du carré », les appelant à l'aide et à favoriser leur pêche. C'est, au devenu silencieux, prend un seau, le remplit d'eau de milieu du vacarme des vagues, un hymne d'une relimer rougie du sang des victimes, et le passe au curé; giosité barbare qui pourrait s'adresser bien mieux au et celui-ci, d'un geste majestueux et large qui occupe dieu Océan ou à quelque féroce divinité de la mer, à tout cet horizon démesuré, trempe son bras dans cette une époque de civilisation primitive. eau et en asperge à pleine main ces pêcheurs,les béLes thons sont ainsi remontés peu à peu, chaque nissant en remerciant Dieu et les saints et les saintes verset de cette prose de mort scandant un mouvement de leur avoir accordé une bonne pêche. du filet, une étape de plus vers l'agonie. Quelques-uns, La litanie reprend, entrecoupée de signes de dans des bonds démesurés, apparaissent par moments croix; puis le \( reiss » proclame le nombre de thons à la surface, et l'on commence à se rendre compte de tués, et la part de prise à laquelle a droit chaque la dimension de ces monstres qui atteignent parfois le homme, ainsi que la ration de vin de Trapani au retour poids d'un boeuf; des gerbes d'eau, de plus en plus à l'usine. hautes, jaillissent, inondant tout; la barque centrale Avant d'immerger de nouveau les filets et de les LE DÉBARQUEMENT ET LA PESÉE DES THONS.


remettre en place pour la pêche du lendemain, il faut les raccommoder, et ce n'est pas la partie la moins curieuse de l'opération, car ce travail de broderie à la corde se fait en partie sous l'eau, les pêcheurs se mettant dans la mer, soutenus seulement par le fond de la poche, pour renouer les mailles brisées au cours de la bataille. Puis on ramène, à la remorque d'un vapeur, le bateau-cimetière jusqu'à l'île de Ghadamsi où est l'usine, cn débarque les morts et on les pèse; le poids varie de 70 kilogrammes pour les petits à 35o pour les gros. On les charge sur des trucs que des Arabes hissent jusqu'aux boucheries et aux chaudières. Là, tout est prêt pour recevoir les victimes on pend les thons par la queue à des gibets; les pêcheurs du matin sont devenus bouchers, découpeurs, saleurs, chauffeurs et cuisiniers en peu d'instants, un thon, quelque gros qu'il soit, est décapité, dépouillé de ses nageoires, dépecé, découpé, car tout dans l'animal est utilisable; avec les œufs et les laitances on fait de la boutargue; avec les entrailles et les os, de l'huile pour la préparation des cuirs; on racle les squelettes et on les broie pour en extraire l'huile, tandis que la chair, jetée dans des chaudières différentes, suivant la beauté des morceaux, est mise sous huile ou sous sel; on cuit ou on sale, on met en barils ou en boîtes de toutes grandeurs, que l'on stérilise et le lendemain matin, au moment où nous repartions pour une nouvelle pêche, les six cents thons qui folâtraient encore la veille à 40 mètres de profondeur, dans les eaux bleues de la Méditerranée, étaient enfermés en des milliers de boîtes en fer, étagées en pyramides et prêtes à embarquer pour aller, dans les coins les plus reculés du monde, nourrir les gens les plus divers. CH. MAUMENÉ.

l'encontre du but proposé. Les fabricants ne- veulent plus exposer, aux yeux de leurs concurrents et imitateurs, leurs modèles pour l'exportation, dont la création est souvent le fruit de longs efforts et de grandes dépenses. Ils ont, d'autre part, reconnu que l'on ne saurait se passer de la relation directe, verbale, entre le vendeur et l'acheteur. Les Export-Musterlager » de Hambourg sont donc des musées commerciaux à

privés, organisés par telle ou telle maison de commerce, ,dont l'entrée est interdite au public, mais dont l'accès est largement ouvert à toute personne reconnue susceptible de faire des achats ou des commandes pour l'étranger. La plupart de ces collections particulières sont organisées de manière à donner l'idée la plus complète d'une branche déterminée de l'exportation ou du commerce avec un pays déterminé. Le musée Harder et de Voss, fondé par une des plus grosses maisons d'exportation de Hambourg, contient les échantillons de produits alimentaires de toute provenance, français aussi bien qu'allemands ou anglais, mais destinés principalement aux colonies, aux pays tropicaux. On y voit nos conserves de légumes, nos chocolats, champagnes,vins de Bordeaux, cognacs, eaux de Vichy, aussi bien que les jambons allemands, les vins du Rhin et de la Moselle. Voici comment fonctionne le mécanisme du musée commercial imaginons un acheteur anglais, venant d'Australie à Hambourg pour y faire des commandes. En parcourant les collections exposées par une maison de comestibles, cet acheteur pourra faire des commandes de chocolat, de champagne, de cognac français; les produits commandés seront directement expédiés du lieu de fabrication à Marseille, d'où ils parviendront, par la voie des Messageries Maritimes, au lieu dedestination, Sydney ou Melbourne. On voit, par, ce simple exemple, tout le parti que nos industriels pourraient tirer d'une représentation plus complète dans les divers musées d'échantillons de Ham-

bourg.

Les Musées commerciaux de Hambourg. souvent Oextraordinaire

fait ressortir que le développement du commerce d'exportation de l'Allemagne tient, non pas à l'excellence des produits allemands, ni à leur bon marché, mais à l'activité, à la science des négociants allemands, aux méthodes vraiment nouvelles qu'ils ont su mettre en oeuvre pour diffuser leurs produits dans l'univers entier. Parmi les moyens les plus utilement employés par les négociants allemands, il en est un dont le succès croissant mérite assurément d'attirer et de a

retenir l'attention. Il s'agit des musées d'échantillons ou, plus exactement, des magasins d'échantillons pour l'exporta-

tion (Export-Musterlager) installés à Hambourg et en d'autres grandes métropoles commerciales. Les Export-Musterlager » sont des entreprises privées; depuis nombre d'années on a, et avec raison, renoncé aux musées d'échantillons officiels, ouverts à tout venant, et dont les résultats allaient, le plus souvent,

Pour profiter du mécanisme des musées d'échantillons, il n'est pas nécessaire que les marchandises viennent s'embarquer à Hambourg à destination des pays d'outre-mer; il suffit que nos produits soient représentés par quelques échantillons dans les collections hambourgeoises. Dans certains cas, toutefois, nos produits devront venir s'embarquer à Hambourg, mais ce détour ne sera nécessaire que s'ils sont destinés à un pays avec lequel nous n'avons pas de

relations maritimes directes. Ainsi, grâce à leur savante organisation et clas-

sification, les musées commerciaux de Hambourg permettent aux acheteurs, aux commissionnaires venus d'outre-mer de constituerimmédiatementleurs approvisionnements les ordres reçus sont exécutés sans aucune perte de temps. En quelques instants, l'acheteur peut trouver, sans difficulté, l'article désiré, quel qu'il soit, et parcourir les collections méthodiques d'échantillons comme on feuillette un dictionnaire. Nos producteurs pourraient donc, par l'entremise de ces musées commerciaux, s'assurer, en bien des cas, des débouchés dont ils ne soupçonnent peut-être pas l'existence. La supériorité incontestable des produits français leur assurerait une situation privilégiée.


Du côté sud et du côté est, le

Le Port de Vladivostok. Al'heure néfaste où la destinée frappe sur les Russes à coups redoublés, un précieux secours s'offre aux

débris de l'escadre de Rodjestvinsky, dans le port de Vladivostok. Ce port qui, avec un succès de l'infortuné amiral et l'arrivée d'une escadre même endommagée aurait pu servir de base à de nouvelles opérations et changer la face de la guerre en permettant aux Russes de couper du Japon les troupes nippones de

Mandchourie, ce port va devenir le suprême refuge de la Russie en Extrême-Orient, la citadelle où s'abriteront l'honneur et le dernier effort de nos infortunés alliés. La situation du port et ses défenses devenues formidables en font une base d'opérations plussolide que ne fut le malheureux Port-Arthur. Sa rade est une des meilleures et des plus vastes du monde entier. La topographie de la presqu'île MouraviewAmoursky, à l'extrémité de laquelle

trouve Vladivostok, démontre bien se

port de Vladivos-

tok est abrité naturellement. Une haute chaîne de montagnes, qui forme l'ossature de toute la presqu'île, descend en pente douce vers le golfe Amour et est très escarpée vers le golfe Oussouri. Ce dernier est largement ouvert. Cependant, du côté de la haute mer, il est assez abrité, d'un côté par l'île Skryplev à l'entrée du Bosphore oriental, et de l'autre par l'île Askold qui est très élevée. L'Askold masque l'entrée du golfe Amérika qui est profond et tranquille; cette entrée très dangereuse est très facile à défendre, même au moyen de petites batteries. C'est la seule baie qui pourrait servir de base d'opérations contre Vladivostok. Toutefois, opérer un débarquementdans cette baie pour menacer la ville, ressemblerait, au point de vue de la distance à parcourir, à un débarquement fait près d'Odessa, en vue d'agir contre Sébastopol. La hauteur des chaînes de collines le long de la presqu'île, varie entre 175 et 250 mètres. En un seul point, du côté de l'est, elle est de ioo mètres environ. La chaîne de collines qui contourne

la rade du côté sud

est fort haute, et rend impossible un bombardement de Vladivostok. Du côté sud, se

trouve l'île Rous-

ki

elle est monta-

gneuse, maréca-

geuse et découpée

en golfes nom-

breux.

C'est entre

son importance. cette île et la presCette vaste presqu'île que se trouve qu'île s'étend dans le Bosphore orienla mer du Japon, tal faisant office PLAN DE VLADIVOSTOK ET DES ENVIRONS. c'est-à-dire dans le d'un canal qui réugolfe de Pierre-le-Grand, et sépare ce golfe en deux nit les golfes Amour et Oussouri avec l'entrée dans la parties le golfe Amour et le golfe d'Oussouri rade de Vladivostok, rade qu'on appelle \( Corne d'Or ». qui ne se ressemblent ni par leur largeur, ni par la Les sorties, dans ces deux golfes, sont défendues par configuration de leurs côtes. Le golfe Amour n'est pas des batteries de premier ordre. large et a peu de profondeur. Le port n'est accessible La baie Novik, qui coupe presque l'île Rouski et à une sortie sur le golfe Amour, est très commode que par un chenal qui longe la côte. La majeure partie du golfe est couverte de récifs visibles ou invisibles. pour abriter les détachements de torpilleurs; elle est Parmi ces récifs, il y a des rochers appelés « têtes de réunie par un canal avec le Bosphoreoriental. L'entrée sucre », et qui sont extrêmementdangereux. en est barrée par les batteries de la ville aussi bien Il n'y a, du côté de ce golfe, qu'un seul point que par ses propres batteries. d'où Vladivostok, la ville et la rade comprises, soit Le port de Vladivostok est donc protégé dans physiquementdécouvert et exposé au feu de l'ennemi des conditions exceptionnelles au point de vue de la c'est la courbure située au nord de la péninsule Scott, topographie et de la défense. occupée par des maisons; et parcourue par le chemin Il semble imprenable du côté de la mer, et, du de fer. Mais il est peu probable qu'un ennemi, quelque côté de terre, la ville possède une enceinte fortifiée entreprenant qu'il soit, puisse se placer dans cet endes mieux construites. droit. Pour y arriver, il faut absolument passer devant II serait très difficile d'établir le blocus du port les batteries établies le long de la péninsule et sur le pour atteindre ce but, il faudrait deux escadres indéflanc gauche de Vladivostok et qui protègent la ville pendantes, parce que la distance entre les deux sorties du côté sud-ouest. Ces batteries, que les canons des du Bosphore est fort considérable. navires ne peuvent pas atteindre, détruiraient rapideOn a souvent agité la question des glaces qui ment tout navire qui se risquerait à passer devant bloquent ce port pendant la mauvaise saison. elles. Si Vladivostok est gelé pendant l'hiver, il est


néanmoins accessible pendant toute l'année. Ainsi, en 1874, une expédition américaine d'astronomes, qui travailla à Vladivostok, repartit, vers le 10 décembre, sur une corvette en bois, du type Kearsage, entrée le ier du même mois. En 1876, en plein hiver, arriva un transport de commerce, portant des munitions de guerre. Ne pouvant pas pénétrer dans le port qui était gelé, ce transport mouilla près de l'île Skryplev; et la cargaison, étant légère, fut déchargée sur la glace. En 1882, tout à fait au commencement du printemps, le navire Moskva, appartenant à la flotte volontaire, entra librement dans la rade où il fut déchargé. C'était la première fois que la flotte volontaire envoyait d'Odessa à Vladivostok un navire apportant des marchandises russes. A cette époque, on

n'avait pas encore imaginé les brise-glace. Les croiseurs qui se trouvaient l'hiver dernier à Vladivostok, après un ordre reçu, ont très facilement pris la mer par le canal fait par le briseglace, et sont rentrés, Des torpilleurs ont aussi suivi la même voie. Ainsi, quoique la rade de Vladivostok soit prise par les glaces, elle est parfaitement accessible à n'importe quel type de navire. Vladivostok possède un dock énorme, sec et excellent, bon pour la réparation des plus grands navires. Les usines du port sont presque aussi bien installées que celles de Cronstadt. Les locaux destinés au charbon et à d'autres provisions sont encore mieux installés, plus vastes et plus commodes que ceux de Cron-

stadt.

Tout semblait désigné pour faire de Vladivostok une base d'opérations de tout premier ordre. La bataille du détroit de Corée et la défaite de Rodjestvinsky amoindrissent, hélas! le rôle qu'elle était appelée à jouer. Aujourd'hui, il s'agit moins de vaincre l'ennemi, que dé sauver l'honneur.

dernier; on établit actuellement les diverses canalisa-

tions et le pavage. La Municipalité construit six longues avenues de 17 mètres de largeur, destinées à relier les quartiers les plus populeux de la ville au port et à la grande avenue, et elle élargira en outre un certain nombre de rues trop étroites pour la circulation qui devient chaque jour de plus en plus importante. Elle étudie en outre l'enlèvement d'une colline, le Moryo do Castello, qui se trouve dans la ville, au bord de la mer, de façon à permettre de construire un quartier nouveau sur son emplacement, et de faciliter l'aération des quartiersvoisins; c'est un travail colossal, qui demandera plusieurs années. Les travaux du port comprennent 10 la construction d'un quai ayant 3 500 mètres de longueur, avec io mètres de profondeur d'eau aux marées moyennes; 20 le remblaiemententre ce quai et le littoral actuel; 3° le dragage d'un chenal pour l'accès et le service du quai. Ces travaux devront être terminés au plus tard en i 9 i o, et livrés ail commerce successivement au fur et à mesure de l'achèvement des diverses parties. Ils constitueront une amélioration notable des conditions dans lesquelles s'effectuent actuellement le chargement ou déchargement des marchandises, et l'embarquementou le débarquement des passagers. Commencés depuis le mois de juillet 1904, ils sont activement poussés. La dépense totale dépassera probablement cent millions. M. FICATIER, 1 ngénieur en chef des

Ponts et Chaussées.

Les Déboires de 'l'Angleterre

en Afghanistan.

Les Transformations de Rio de Janeiro. ON exécute en ce moment à Rio de Janeiro une série

de travaux qui vont transformer la ville d'une manière notable. Les travaux de voirie ont été conçus d'après un plan d'ensemble et sont destinés, non seulement à embellir la ville, mais surtout à faciliter la circulation très engorgée actuellement dans les rues les plus commerçantes qui n'ont pour'la plupart que 8 mètres de largeur, trottoirs compris, et à assainir la ville en faisant pénétrer largem'ent l'air et la lumière dans les quartiers insalubres. Le Gouvernement prend à sa charge le percement d'une grande avenue de 1 800 mètres de long et de 33 mètres de large, destinée à compléter les travaux du port de Rio, et qui reliera deux points de la baie à travers le centre de la ville; elle facilitera l'accès des nouveaux quais en construction. Cette avenue est complètement percée depuis le mois de septembre

IL n'est

guère possible de donner le nom de traité à

engagement vague au bas duquel M. Louis Dane,

envoyé de l'Angleterre, et l'émir Habibulla khan ont apposé dernièrement leurs signatures. C'est à la demande de lord Curzon, et pendant son dernier séjour à Londres, qu'a été décidé l'envoi d'une mission en Afghanistan. A ce moment on avait estimé nécessaire de régler la question, vieille de vingt-cinq ans, de la subvention de 3 millions de livres que l'Angleterre s'est engagée à payer à l'émir pour l'aider dans sa défense, et que depuis 1883 le gouvernement afghan a toujours refusé de toucher. Il y avait aussi des affaires de commandes militaires et télégraphiques; enfin différents points de délimitation étaient à trancher de façon définitive. Or, le traité se borne ,à' renouveler les engage. ments pris avec le père de l'émir actuel par le Gouvernement anglais. Si nous nous reportons à la convention du 12 novembre 1893, à laquelle il est fait allusion, nous y trouvons que « l'émir d'Afghanistan s'engage à exécuter l'accord russo-anglais de 1873, en évacuant les


territoires au nord de l'Oxus, à condition qu'on lui remette ceux qui sont au sud ». Deux ans plus tard, le anglo-russe, délimitant les 11 mars 189 5, un accord

sphères d'influence de ces deux puissances dans l'Asie centrale, renfermait les articles suivants Art. 4. Le gouvernementde Sa Majesté britannique et celui de Sa Majesté l'empereur de Russie s'engagent à s'abstenir d'exercer une influence politique, le premier au nord, le second au sud de la ligne de démarcation allant du lac Victoria à la frontière chinoise. Le gouvernementde Sa Majesté briArt. 5. tannique promet que le territoire situé dans la sphère d'influence britannique entre l'Hindou-Kouch et la ligne de démarcation sus-mentionnée fera partie du territoire de l'émir d'Afghanistan, ne sera pas annexé par la Grande-Bretagne, et qu'aucun poste militaire ou fort n'y sera établi. Le renouvellement de ces engagements, tenus d'ailleurs très incomplètement, n'a de sens que si l'on dit comment l'exécution en est garantie. Or, le traité n'en souffle pas mot. L'Angleterre, dans sa politique afghane qui n'est qu'un des éléments de sa politique de défense de l'Inde, a rencontré deux sortes d'obstacles. Les uns venaient de l'Afghanistan lui-même dont l'attitude était plutôt hostile. Les autres venaient de la Russie qui, dans sa pénétration progressive à travers l'Asie centrale, s'était trouvée portée, non sans incidents militaires, jusqu'aux confins afghans. L'émir Habibulla khan n'est point un souverain désarmé. Son père lui a laissé un pouvoir solidement établi sur un empire de 550000 kilomètres carrés et une armée de 85 ou 90000 hommes sur le pied de paix. En cas de guerre tous les Afghans prendraient les armes. Abdurrhaman se vantait de pouvoir mettre sur pied et armer un million d'hommes pour défendre ses États; on admet que l'émir actuel pourrait équiper au moins 300000 hommes; il a des réserves d'armes et des arsenaux qui peuvent produire 100 fusils avec leurs munitions par semaine. Il semble que, de ce côté une détente se soit produite et que, si M. Dane n'a pu obtenir ni lignes de chemin de fer nouvelles, ni concession de télé-. graphe, ni d'autres avantages analogues, -car s'il en les relations du moins eût obtenu, cela se saurait, soient correctes et courtoises, ainsi qu'en témoignait déjà fan passé la visite à Calcutta du fils de l'émir. La question russe est moins facile à résoudre l'Afghanistan ayant été élevé à la dignité d'État tampon, le problème de \( l'invasion de l'Inde » devient le problème de \( l'invasion de l'Afghanistan » par une armée russe; il ne se présente pas dans des conditions fort avantageuses pour l'Angleterre. Trois lignes de chemins de fer russes raccordées avec le Transcaspien et le Transsibérien menacent la frontière afghane. Par Merv et Kouchk, par Samarkand et Khelif, par Faizabad et Kataghan, des armées russes pourraient entrer rapidement en Afghanistan; si les Anglais imitaient cet exemple sur la frontière indienne, et qu'un partage ait lieu, les provinces qui resteraient entre les mains des Russes (au nord de l'HindouKouch) étant les plus riches du pays, les Anglais feraient un partage de dupes.

Un des buts visés par M. Dane était de faire entrer l'Afghanistan dans la politique anglaise, de le soustraire à l'influence russe; à ce sujet, il est difficile de juger du résultat obtenu. Les Afghans sont singu-

lièrement méfiants; Russes et Anglais rivalisent d'habileté chaque jour auprès des puissances de l'Asie centrale; qui aura le dernier mot? on ne le sait. Les relations anglo-russes, si tendues qu'elles aient toujours été, n'ont pas empêché l'accord survenu en 1895; il faut souhaiter qu'on les oriente de plus en plus résolument dans les voies de la conciliation. L'idée seule d'une telle entente provoque d'ordinaire des deux parts des tempêtes de protestations. Ce n'est point un motif suffisant pour renoncer à la soutenir. Elle a en Angleterre et en Russie de chauds partisans les défenseurs qu'elle compte en France et qui considèrent le rapprochement anglo-russe comme aussi utile aux deux grandes nations qu'à notre pays lui-même, se doivent de rester fidèles à leur opinion. La raison et le droit finiront peut-être bien par triompher.

Foucher.

L'art gréco-bouddbiquedu Gartdbâra, vol, in-4° de 638 pages avec )00 illustrations, planche et

A.

carte. Paris, E. Leroux, 1905. Foucher, auteur d'un très captivant ouvrage sur La Frontière indo-afgbane, que publia naguère la librairie Hachette, vient de nous donner une étude pittoresque et puissamment documentée sur l'art du Gandhâra. Cette publication est une de celles de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Elle porte en sous-titre « Etude sur les origines de l'influence classique dans l'art bouddhique de l'Inde et de l'Extrême-Orient. » Il faut savoir que les sculptures du Gandhâra (Gandhâra est l'ancien nom du pays qui forme le présent district de Peshawar, sur la frontière N.-O. de l'Inde), en dépit de leur provenance indienne, ont un caractère hellénisant. De tait, quelques-unes des reproductions photographiques du livre, notamment la figure 87, qui représente un atlante de facture élégante qu'on trouve au musée de Calcutta et qui est détaché de la frise d'un pilier de la balustrade du temple de Mahâbodhi, évoquent d'une façon frappante le type hellénique, Par contre, dit M. Foucher, la signification et la destination exclusivement bouddhiques de ces monuments deviennent de plus en plus manifestes avec le progrès des recherches. Cet art apparaît comme la combinaison d'une forme classique et d'un fond bouddhique, comme l'adaptation de la technique hellénistique à des sujets strictement indiens. Et c'est en ce sens qu'on peut l'appeler gréco-bouddhique. Il s'ensuit que la tâche de l'interpréter, appartient à l'indianiste. M. Foucher, qui est un indianiste, s'est attaché à dégager l'allusion légendaire ou l'intention religieuse que recèlent les nombreuses sculptures qu'il étudie dans son ouvrage, bas-reliefs et édifices. Le fond de son travail est constitué par des notes recueillies au cours d'un voyage d'études dans les musées et sur la frontière N.-O. de l'Inde en 1896-1897, complétées depuis par des visites aux collections de Londres et de Berlin. Il donne l'état civil de presque tous les monuments publics. Ce travail, dédié à M. E. Senart, membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, nous paraît être d'un haut prix pour la critique d'art historique. 1

M

F. Schrader et Anthoine.

Carte du circuit d'Auvergne. (Coupe Gordon Bennett 1905). Prix 3o centimes. Carte des euvirons de Paris au 400000e dans un rayon de 8o kilomètres à l'usage des cyclistes et des automobilistes. Prix franc. Librairie Hachette et Cie. Paris, 1905.


AFRIQUE

Les Recettes du Chemin de fer du Niger. Le trafic du chemin de fer de Koulikoro-Bammako à Kayes réalise largement les espérances de ses promoteurs. On sait que la ligne n'a été achevée jusqu'à Bammako que le 20 juin, et jusqu'à Koulikoro que le 15 décembre de l'année dernière, Malgré cela son trafic kilométrique s'est élevé à 4 150 francs par kilomètre exploité, et il y a eu sur la recette totale de 1 943 000 francs, 1 400 000 francs de recettes com-

merciales.

Ces chiffres ne concernent que les importations et ils ne sont pas exceptionnels. Les importationsde tissus et de sel (on a importé 5 000 tonnes de cette denrée en (904) s'accentuent à Bammako, qui dès le mois de février n'avait plus d'approvisionnements. Les nouveaux tarifs, qui ont pour objet de détaxer des produits exportés, augmenteront

l'activité et par conséquent les recettes.

Retour de la Mission francoportugaise de Guinée. La Mission

internationale chargée de déterminer les

limites entre les territoires de la Guinée française et ceux de la Guinée portugaise a terminé ses travaux. Ceux-ci avaient été commencés en 1899, par le capitaine Payn pour la France et le lieutenant de vaisseau Muzanty pour le Portugal. Ils furent continués ensuite, sous la direction du docteur Maclaud, par MM. Leprince et Brocard pour la France; par MM. Muzanty et Fortes pour le Portugal. La dernière campagne de la Mission a attribué à la France le réseau des rivières navigables aboutissant à la Casamance.

Mission d'Études pour le Tracé d'un Chemin de fer au Congo français. Commissaire général du Gouvernement au Congo a demandé et obtenu du ministre des Colonies qu'une mission d'études fût constituée, aux frais exclusifs du budget local, pour effectuer la reconnaissance d'un tracé de chemin de fer entre Libreville et le fleuve Congo. M. Gentil estime en effet qu'il est absolument nécessaire de relier, en partant de Libreville, le Congo à l'Océan, sur un tracé de 750 kilomètres environ. La Mission, composée d'un capitaine du génie, chef de mission, le capitaine Cambier; d'un capitaine de l'artillerie coloniale, M. Fourneau; de deux lieutenants du génie, MM. Thuillier et Cans; d'un officier d'administration du génie, d'un stagiaire du génie, M. Brémond, et de huit sous-officiers, aura pour but de reconnaître le terrain entre Libreville et N'Djolé, la vallée de l'Ogôoué et enfin la zone comprise entre l'Ivindo et le cours supérieur de la LikoualaMossaka, de déterminer la direction générale à adopter, les points de passage, en un mot d'établir les bases d'études précises et définitives qui seraient entreprises ultérieurement. Le

ASIE

Une nouvelle Voie de Pénétration en Asie à travers l'Oural. On vient de reprendre activement les travaux de construction de la nouvelle ligne de Bogoslovsk qui a été entreprise aux frais de l'arrondissement minier du même nom, le plus riche de la région de l'Oural. Le mouvement des trains a été provisoirement ouvert voie nouvelle de Bogoslovsk, mais seulement pour le la sur transportdes compagnies d'ouvriers se dirigeant vers les usines de l'Oural et pour les nombreux trains chargés de transporter le minerai nécessaire à la fabrication des rails commandés

par l'administration du Transsibérien, ou d'amener sur les lignes les matériaux nécessaires à la construction de la ligne elle-même. On pense qu'on peut affirmer aujourd'hui que, dans le courant de juin, le service régulier sera inauguré. Le chemin de fer de Bogoslovsk a incorporé le réseau ferré du nord-ouest de l'Oural, les usines de Bogoslovsk et la ville de Verkthotourié dans le réseau du chemin de fer de- l'empire. Ayant diminué de 280 kilomètres le parcours des marchandises arrivant du bassin de la Volga et de la Kama à destination de celui de l'Ob et de l'Irtych, la nouvelle ligne ne desservira pas seulement les intérêts purement locaux, mais sera certainement une ligne d'intérêt général. La preuve en est déjà facile à donner on pense plus de marnouvelle voie, la année, grâce à dès cette que chandises pourront entrer en Sibérie que l'an dernier, et que, toujours grâce à elle, les voies fluviales correspondantes, Ob, Tom, léniséi, etc., pourront servir même au transport des soldats.

En outre de la ligne principale, on a construit nombre d'embranchements tantôt à voie large, tantôt à voie étroite, qui sont intéressants au plus haut point pour la vie économique de la région, mais qui n'ont point pour la Sibérie et les Sibériens l'importanceincomparable de laligne de Bogos-

lovsk.

Les Missions japonaises en Chine. Les Japonais semblent avoir trouvé un nouveau moyen d'exercer leur action en Chine. Il y a environ deux ans un

décret impérial avait été pris, confisquant une partie des biens des bonzeries et autres monastères, pour consacrer cette mainmorte à la fondation et à l'entretien d'écoles enseignant les sciences occidentales. Pour échapper à cette confiscation partielle, un nombre grandissant de bonzeries s'affilient aux missions japonaises. Leurs biens passent ainsi nominalement en la possession de sujets japonais qui ne seront sans doute pas disposés, une fois le péril passé pour les moines, à les restituer à leurs anciens propriétaires. Le Gouvernement chinois cherche à s'opposer à cette tactique, en déclarant qu'on ne saurait assimiler les missions japonaises aux missions européennes venues pour propager dans le Céleste Empire des doctrines entièrement nouvelles, tandis que la religion professée par les missionnaires japonais est en réalité celle des communautés bouddhiques indigènes. Mais les subtilités théologiques permettront sans doute aux Japonais de s'en tirer, et à l'heure actuelle on constate que les taoïstes chinois recherchent les liens qui pourraient les unir aux shintoïstesjaponais, pour s'assurer ainsi la protection japonaise. Les mandarins commencent à s'émouvoir de cet état de choses, et il en résulte une hostilité contre les moines des différentes confessions religieuses.

La Réorganisation des Communes

indigènes en Cochinchine.

L'arrêté du 27 août 1904 qui a réorganisé les communes annamites d'une manière plus conforme à l'esprit des institutions indigènes, a été accueilli, en Cochinchine, avec une notables a été affichée faveur marquée. Cette « charte en grande pompe dans toutes les maisons communes, dans de magnifiques cadres dorés et sculptés. Ne craignant plus désormais les représailles dans l'exercice de leurs fonctions, ce qui était auparavant le grand écueil de l'autorité communale, des compétiteurs nombreux et autorisés ont brigué les fonctions de notables pour lesquelles les Annamites riches ou influents montraient naguère une certaine répugnance. Il est intéressant de constater qu'à mesure qu'on s'efforce de consolider les cadres administratifs indigènes, les Annamites montrent moins de répugnance à envoyer leurs enfants dans nos écoles, à adopter nos principes d'hygiène, Les élèves-médecins vaccinateurs, ainsi que les sages-femmes de l'Ecole de médecine indigène, commencent à rendre de grands services dans les provinces.

des


Une Visite à la Capitale

des Shahs de Perse.

Il ne se ~asse guère un grand nombre d'années sans que Mou.~a_(f'er ed Dine, actuellement shah de Perse, vienne en France ~our des raisons de convenances diplomatiques, ou, plus fréquemment, ~our des raisons de santé. Actuellement encore il est en route, par le chemin des écoliers ou des monarques, pour Contrexéville. C'est surtout en l'absence des propriétaires qu'on visite leur cbâteau profitons du séjour du sbab en France, ~our faire un tour dans sa capitale.

A milieu d'une immense plaine limitée au nord par

les hauts sommets de l'Elbrous, et doucement inclinée vers le sud, la ville de Téhéran, capitale de l'empire persan depuis la fin du XVIIIe siècle, est située à une altitude de 1 i6o mètres au-dessus de la mer. Avec ses 225000 habitants et sa vaste enceinte, elle ne paraît cependant, à vol d'oiseau, qu'un point perdu dans ce dé-

sert sans bornes qui semble le royaume du silence et de l'a-

l'Empire, rien n'annonce qu'on approche d'une grande ville; il se trouve tout à coup devant des remparts de terre aride, bordés de fossés dépourvus d'eau, sans avoir encore aperçu ni dôme, ni tour de quelque importance. On pont de briques jeté sur le fossé permet d'arriver à l'une des treize portes de la ville, surmontées toutes d'une ogive que décorent des mosaïques et que terminent des minarets.

L'enceinte de Téhéran a la forme d'un carré aux angles coupés, dont le centre géométrique et l'endroit le plus animé est la place des Canons (Meïdan

ridité. Quelquesvillages, de grandes propriétés entourées de murs de

terre, parsèment comme de rares oasisl'étenduedésolée dont la sauvage grandeur isole farouchementla capitale du reste de l'empire. Au sud et à l'est de la ville, il y a cependant des parties assez bien

Top Khcené). A cette

place rectangulaire

aboutissent, par six portes monumentales, les avenues lesplusimportantes

de la ville. Au milieu de la place ellecultivées, ainsi que même, un terreplein renferme un dans quelques valTÉHÉRAN SOUS LA NEIGE. lées des montagnes bassin qui distribue avoisinantes. l'eau aux arbres enPhotographie communiquée par la Société Royale de Géographie Ces îlots de vironnants et qui de Londres. verdure et la ville sert de bains puelle-même sont arrosés par des canaux souterrains ou blics. Autour de ce bassin, d'anciens canons reposent par des ruisseaux amenant l'eau des montagnes envisur leur affût. Le grillage qui enclôt le terre-plein est ronnantes. Ces canaux sont en général la propriété du formé par de vieux fusils à pierre. Les bâtiments qui Shah, qui, moyennant une redevance fixe, permet à entourent la place servent d'arsenal à l'artillerie du souverain. ses sujets d'en arroser leurs jardins, et d'en remplir des bassins ou des citernes. Une curieuse coutume, qui est en train d'ailleurs Pour le voyageur qui arrive à Téhéran après de tomber en désuétude, confère au plus gros des avoir quitté le Golfe Persique ou la partie orientale de vieux canons de la place un véritable droit d'asile. A TRAVERS LE MONDE.

24e LIV.

No 24.

17 Juin 19°5.


Quiconque peut toucher le gigantesque et inoffensif tube de bronze, ou seulement se réfugier à son ombre, se voit soustrait à toutes les tentatives de c'est la juridiction la plus usitée vengeance privée dont il pourrait être l'objet, fût-il un banen Perse queroutier, un voleur, un criminel ou un incendiaire. Le nombre de ces asiles est d'ailleurs très grand dans le pays. Les Persans se font un devoir de nourrir ceux qui y ont recours. Ils agissent ainsi moins par humanité que pour mériter les récompenses promises dans le ciel par le Coran à tous les Musulmans qui sauvent leur prochain dans la détresse. La ville est divisée en un certain nombre de quartiers dont deux, en particulier, retiendront notre attention. D'abord, celui qui est au sud de la place des Canons, et qui constitue la partie la plus ancienne de la ville. Il renferme le palais du shah, et le plus grand bazar de Téhéran. Les rues y sont généralement étroites et tortueuses, et beaucoup ne sont que des impasses. La plupart des rues de la ville ont

d'ailleurs le même

caractère. Comme celles de Constantinople, elles sont encombrées par des chiens errants ou couchés dont la circulation despiétons ne trouble guère le sommeil. Ces rues sont bordées de maisons d'un aspect misérable, qui, parfois, appartien-

et où nagent des cygnes. Au fond, s'ouvre la grande salle du trône, où le fauteuil qui porte ce nom, entouré à l'ordinaire d'un rideau, apparut aux yeux de l'explorateur A. Henry Savage Landor, à qui nous empruntons quelques-uns de ces détails, comme une merveille digne des Mille et une Nuits. Le baldaquin, les marches accédant au trône, la plate-forme du trône et le trône lui-même sont un étincelant assemblage de marbre et de bois précieux, d'or et d'ivoire constellés de gemmes. Le siège du souverain est supporté par des figures de démons. Le siège lui-même est en albâtre doré du plus bel effet. De là, le visiteur pénètre dans une seconde cour bordée d'un bâtiment à un étage, de style européen, qui renferme les salles de réception du souverain, une vaste salle de billard, etc. A ces pièces, succède un très long hall divisé en cinq sections, et qui forme un musée. Quel musée! C'est un fouillis de merveilles d'art et de choses communes,de merveilleux cloisonnés de Chine et du Japon voisinant avec des statuettes de plâtre sans valeur; des vases de Sèvresdetoutebeauté sont exposés pêlemêle avec des bouteilles et des verres de restaurants européens. Despierres précieuses se mêlent à des fossiles. Aux murailles sont

accrochéesdespeintures européennes en général assez mé-

nent à de très riches propriétaires. Passez la porte basse derrière cette façade lépreuse et ces rares fenêtres,

PORTE MONUDIENTALEA TÉH$RAN.

Plzotograplzie commzwiqztée par la Société Royale de Géographie de Londres.

vous verrez s'ouvrir des salles magnifiques, étincelantes tapis de Perse, riches tentures, orfèvrerie, armes, meubles, bijoux, rivalisent de splendeur. La raison de ce contraste? Les riches, en Perse, sont rançonnés par l'État, ou tout désignés à des pillards que ne réprime pas suffisamment une justice boiteuse. Aussi, l'on met ses trésors à couvert comme on peut. Et puis, dit la sagesse orientale, si l'on est riche, c'est pour soi, non pour le public. Qu'importe la façade, qui frappe les regards des passants, et non pas ceux du propriétaire! L'essentiel est qu'on soit bien chez soi. Le quartier où réside le shah est cependant percé de quelques larges avenues plantées de beaux arbres, comme celles qui conduisent de la place des Canons au palais, ou à Chasdé-Abd-ul-Azim, ou à la porte de Khasbris, ou encore à la porte dite Bagh-Shah. On accède au palais du shah par une première immense dite la Cour du Trône d'Albâtre, cour et qui est entourée de jardins ou de bâtiments d'un gracieux aspect. Au milieu de cette cour, se trouve une grande pièce d'eau rectangulaire bordée d'arbres,

diocres, des Saintes Familles, et des laissés pour compte de marchands de

tableaux parisiens

C'est un musée précieux avec des airs de bric-à-brac. Du musée, on passe dans les appartements du salles à manger, salons, etc., etc. Partout la shah même profusion de magnificences et de bric-à-brac européen confondus des tapis de Perse contrastent avec des globes terrestres pour écoles primaires sur un magnifique piano à queue, dans la salle dite des Miroirs et qui scintille en effet de milliers de petites glaces, sont accrochées les photographies de chanteuses de café-concert qui ont conquis l'admiration du

shah dans ses voyages en Europe. Une planche illustrée du Petit Journal représente la mort de Nasr ed Dine, le père du shah actuel. Les bustes de Bismarck et de Moltke, un grand portrait du tsar de Russie, à la place d'honneur, un tout petit et médiocre portrait de la reine Victoria, dans un coin, ont frappé les yeux de M. Landor qui a vu dans cet arrangement, et non sans raison, une signification politique, encore plus que pittoresque. Il est vrai que la guerre actuelle, en Extrême-Orient, pourrait bien avoir fait descendre d'un cran l'image auguste de Nicolas!


Au nord du quartier royal, à peu de distance de la place des Canons, se trouve le champ de manœuvre (Meïdan), immense espace rectangulaire entouré de murs avec arcades en ogive. Au milieu de la place, sur une petite butte, sont braqués vers le

sud deux gros canons. Chaque jour, une détonation annonce l'heure de midi, et, pendant le mois du Ramadan ou carême musulman, l'heure du commencement et de la fin du jeûne diurne est annoncée par un coup de canon. Au nord du champ de manoeuvre, se trouve la caserne des Cosaques (persans), commandés par un officier instructeur russe, le général Kossackowski, assisté d'officiers de la même nation. Grâce à eux, la cavalerie persane, bien armée, bien équipée, bien entraînée, constitue le noyau solide d'une bonne armée. qui n'existe pas encore, car l'infanterie en particulier est au-dessous de tout. Uniformes sales et usés, soldats qui se traînent et qui seraient incapables de soutenir le moindre combat, tel est l'état présent de l'armée persane. Comme M. Landor demandait à un officier si l'infanterie

faisait des exercices en été

Non, répondit le Persan; il fait \(

trop chaud.

-Etenhiver,

il fait trop froid?

-Vous

l'avez

dit », fit placidement le sectateur

ces ont été en rivalité en Perse, les Russes l'emportant dans la partie septentrionale, et les Anglais dans la partie méridionale de la monarchie. Mais un troisième larron pourrait bien réconcilier les deux concurrents et les unir pour le.combattre M. Landor est d'avis que l'Angleterre a tout intérêt à s'entendre avec la

Russie pour contrecarrer le commerce allemand, qui envahit tout, et défie la concurrence par la modicité de ~es prix et l'esprit remuant de ses agents. Si la Perse offre des perspectives encourageantes au commerce européen. les financiers, par contre, se heurtent à l'esprit de timidité et de défiance des Persans, qui préfèrent enfouir leurs capitaux plutôt que de les faire valoir. Seuls, en dépit de la loi de Mahomet, les usuriers font ici des affaires d'or, c'est-à-dire qu'ils prêtent à des intérêts de quinze, vingt, cinquante et parfois cent pour cent Cependant, la Banque Impériale de Perse (anglaise), la Banque d'Escompte et de Prêts (russe), l'Agence de la Banque Internationale de Commerce de Moscou, et d'autres établissements financiers de Téhé-

ran, travaillent à guérir de son atonie financière un empire dont les res-

sources naturelles

sont si grandes, dont la position

économique et politique est si avantageuse, qu'avec l'esprit des affaires, un peu d'initiative et de foi en l'avenir, il pourrait certainement devenir une des grandes puissances de l'Asie.

d'Allah. TÉHÉRAN: UN DES JARDINS DU PALAIS DES SHAHS. On n'exerce les soldats qu'à faiPlzotographie coznmuniquéepar la Société Royale de Géographie de Londres. re la parade, le jour Mais, outre la de la naissance du déjours d'entraînement préashah, ce qui exige quelques paresse et la défiance proverbiales des Persans c fiance, hélas trop fondée, car ils ont souvent été exlable ploités par les Européens, Le second quartier de Téhéran qui offre un intéon se heurte, en Perse, à un fanatisme aveugle, intransigeant, qui voit dans rêt particulier est le quartier Européen, qui occupe la partie septentrionale de la ville, au nord de la place toutes les institutions européennes autant de machinations du démon. Les mollahs ou prêtres se sont oppodes Canons. C'en est aussi la partie neuve; il possède des rues droites, dont plusieurs sont macadamisés à la plupart des projets de voies ferrées dont on voulait sillonner le pays. Un modeste petit tramway sées et ombragées par des arbres mùriers, platanes, qui relie Téhéran au lieu de pèlerinage Shah-Abd-ulormes, acacias. C'est là que se trouvent les légations étrangères, sauf celle de Russie, enclavée dans le Azim, à six milles de la capitale, n'a pas encore pu' détourner à son profit le flot des pèlerins, qui préfèrent quartier des bazars. Deux rues très animées et paralle pénible trajet à lèles partent de la place des Canons, et se dirigent vers leurs mulets, leurs chameaux, pied. Quelques rues de Téhéran sont parcourues par de le nord de la ville. L'une d'elles, la rue Allah-ed-Dooulez, vilains omnibus commandités par des juifs. Bref, les est bordée des légations de Belgique, d'Allemagne, d'Angleterre, de Turquie, du club de Téhéran, des moyens de communication, comme le mouvement commercial et financier indigènes, sont encore à l'état deux seuls hôtels européens de la capitale, enfin de embryonnaire. plusieurs magasins européens et arméniens. Cependant, la vie immobile et contemplativedu Dans la rue Halézar, se trouvent la poste centrale Persan ne manque pas de charme, une fois qu'on y est et d'autres magasins européens, Parmi les ambassades, celles d'Angleterre et de habitué, et l'on finit par regarder, ainsi qu'ils le font eux-mêmes, les Européens comme des « lunatiques », Russie sont les plus en vue. Jusqu'ici, les deux puissan-

ou.


c'est le mot dont on se sert à Téhéran, qu'agite une perpétuelle.fièvre de changement et de mouvement. Les fils d'Allah, s'ils sont favorisés de la fortune,

passent leurs journées dans un doux farniente, au fond de superbes jardins, au bord de pièces d'eau comme on en trouve en grand nombre à Téhéran. Les Persans de condition plus modeste savent encore trouver de la fraîcheur, dans les jours les plus chauds de l'année, à l'abri des murs très épais de leurs demeures. Celles-ci sont couvertes de terrasses où, sur des troncs de peupliers non équarris, et sur une couche de briques, de planches ou de nattes, on tasse et comprime fortement une épaisse couche de terre. C'est sur ces terrasses

qu'on passe les nuits chaudes de l'Orient.

Où le bois fait défaut, on couvre les habitations par des voûtes sphériques en briques séchées au soleil. Les maçons persans sont très adroits pour faire toutes espèces de voûtes, qu'ils maçonnent sans faire usage de cintres. Quelques maisons de Téhéran ont des pièces voûtées au rez.-de-chaussée mais, le plus souvent, ce sont des pièces en sous-sol, dont les baies sont garnies de mosaïques ajourées au lieu de fenêtres. C'est là qu'on se réfugie pendant les grandes chaleurs de l'été. Ces maisons n'ont ordinairement, sauf les plus récentes, qu'un rez-de-chaussée. Souvent, elles se trouvent au fond d'un jardin ou d'une cour. Chacune d'elles se compose de deux parties distinctes les ap-

partements extérieurs, le birourn, où se trouvent les salles de réception pour les étrangers, et findérouna ou appartements privés de la famille, où l'on n'admet que les proches parents. Des vérandas, soutenues par des colonnes de bois, garnies d'ornements, bases et chapiteaux en plâtre, empêchentles rayons du soleil de pénétrer dans les appartements. Les Persans ont la coutume de

se

déchausser

pour entrer dans un appartement; mais ce serait une grave impolitesse de leur part, s'ils se découvraient la

tête.

Comme l'usage des meubles tables, chaises, canapés, n'a été introduit que récemment par les Européens, beaucoup de Persans conservent l'habitude de se tenir assis par terre les jambes croisées, ou assis sur leurs talons. C'est dans cette position qu'ils mangent et qu'ils écrivent en tenant leur papier à la main. Pendant les froids de l'hiver assez rigoureux pour que la neige s'amoncelle dans les rues de Téhéran durant de longues journées, un grand nombre d'habitants de la ville se chauffent en s'asseyant sur des tapis ou des nattes, les pieds reposant sous une petite table basse, sur un réchaud au charbon de bois. Ils dorment également dans cette position. Telle est la vie que l'on mène à Téhéran. Je parle des indigènes. Celle des Européens est à peine plus variée, bien qu'ils ne soient pas tenus, comme les gens du pays, d'être rentrés chez eux à dix heures du soir. Du moins dans les quartiers européens, la circulation n'a pas été interdite dans les rues aux heures nocturnes, comme dans les autres parties de la ville. Et même les portes de Téhéran, qui se ferment irrévocablement pour les indigènes à la même heure, font des exceptions pour les étrangers les portes dites de Kasbris, de Dowelet-Abad et de Chasdé-Abd-ul-Azim se

rouvrent pour les retardataires, s'ils ont l'avantage d'être des Infidèles venus d'Europe. Mais c'est là une mince consolation. A Téhéran,

en dehors des deux hôtels cosmopolites où l'on parle toutes les langnes du monde civilisé, la vie sociale n'existe pas, puisque la femme est recluse dans les mystères du harem. En dehors des rendez-vous d'affaires et des conférences politiques ou financières, il n'y a rien, rien, rien. Si il y a la vie religieuse. Les mosquées sont le seul endroit, à Téhéran, où les Persans se rencontrent en grand nombre. Elles sont fermées jalousement aux Européens, qui ont à peine la consolation d'en admirer l'architecture extérieure, car, parmi les très nombreuses mosquées de la capitale, il n'y en a pas beaucoup qui offrent un beau coup d'œil: la Mesjid-i-Shah, ou Mosquée du Shah, dont la façade est imposante, fait à peu près seule exception. La Mosquée de la Mère du souverain, elle-même, n'a rien qui la distingue parti-

culièrement des autres. Ainsi, dans son immense plaine de silence et de mort, la capitale de la Perse n'est elle-même qu'une cité de silence, de mystère et de profonde torpeur.

Nouvelle phase de la Question marocaine une Conférence

internationale.

LaA réunion d'une Conférence internationale, en vue de régler la question marocaine, a été inopinément proposée par le sultan qui a demandé qu'elle ait lieu à Tanger, et qu'elle comprenne, comme autrefois la Conférence de Madrid, toutes les puissances européennes. Quels seront les concours que trouvera la France au sein de cette assemblée, pour défendre ses intérêts?

Parmilespuissancesméditerranéennes,l'Espagne, fidèle aux engagements récents, soutiendra nos revendications. 01) ne saurait en espérer autant de l'Autriche, alliée de l'Allemagne, de la Grèce et de la Turquie qui gravitent dans l'orbe de l'empire germanique: ces trois puissances se rallieront à la politique de Guillaume Il.

La situation de l'Italie est plus délicate elle a signé avec la France un accord aux termes duquel elle

nous donnait carte blanche au Maroc, tandis que nous lui abandonnions la Tripolitaine; mais elle est, d'autre part, engagée dans les liens de la Triplice. Il est à craindre que l'Allemagne exige d'elle une attitude bienveillante. Nous pourrons sans doute compter sur les encouragements de l'Angleterre. La Suède et la Norvège ont plus à craindre les représailles germaniques, qu'à espérer de nous la récompense d'un dévouement éventuel. Quant au Portugal, tout en étant l'ami de l'Angleterre, il s'est nettement séparé d'elle dans la question marocaine. La situation est des plus compliquées, et toute la diplomatie de nos hommes d'État devra se mettre en œuvre pour conserver l'équilibre européen.


Le Chemin de fer

Transindochinois.

p

les graves questions qui ont amené M. Clémentel, ministre des Colonies, à projeter un voyage en

ARMI

Cochinchine, il n'en est guère de plus intéressante (surtout depuis les derniers événements d'Extrême-Orient), que celle des chemins de fer transindochinois, dont M. Ch. Lemire, administrateur des Colonies, a examiné avec compétence les différents projets dans la Dépêche coloniale.

Lorsque, il y a sept ans, le projet d'un réseau ferré indochinois fut approuvé (loi du 25 décembre 1898), le tracé adopté devait être naturellement la route mandarine qui suit le littoral de la mer. Les enseignements de la guerre actuelle forcent à reconnaître qu'il y

aurait peut-être avantage à suivre la route des montagnes. Il s'agit de relier

Hanoï à Saïgon par la voie la plus courte; or, on s'est rendu compte et que la voie mandarine n'était pas la plus sûre, et que l'objectif à atteindre en premier lieu était le Mékong. De nombreuses missions ont recherché les passes les plus avantageuses à travers la chaîne annamitique; mais ces études préalables et nécessaires n'ont pas encore provoqué une décision ferme pour LE CHEMIN DE FER l'adoption d'un tracé. Considérons, d'autre part, que le réseau siamois se poursuit avec ensemble une voie se dirige de Bangkok sur Battambang et Pnôm-penh; celle de Korat sera prolongée sur Oubôn d'une part, et sur Nongkhaï, d'autre part. La ligne du Nord ira de Bangkok à M'Long, M'Pray et M'Nan, d'une part, et à M'Lampoun et Xieng-mai, d'autre part. Elle sera poursuivie par Xieng-haï sur Xieng-khong, chef-lieu des pays shans. Nous sommes donc investis depuis le sud jusqu'au nord de notre frontière par cinq lignes ferrées siamoises, stratégiques et économiques, constituant un double danger, un blocus et un drainage qui seront réalisés avant sept ans. Puisque le traité franco-siamois de 1904, entré en application au ier janvier dernier, nous autorise à faire passer notre voie ferrée sur la rive droite du Mékong, il est urgent de se prononcerpour l'adoption d'un nouveau tracé répondant à toutes les conditions économiques et stratégiques.

Les deux premiers tracés qui s'offraient à notre choix étaient ceux de Quang-tri à Kemmarat ou à Savannaket par Ai-lao, et l'autre de Vinh à Outhen. Ce sont les deux voies les plus courtes et la seconde est la moins facile. M. Lemire, ancien administrateur des provincesdeVinh,Hatinh et decellesdeQuang-binh,Quangtri, de 1889 à 1893, avait préconisé l'une de ces deux voies et surtout celle d'Ai-lao. Il reconnaît aujourd'hui, d'après les travaux des missions récentes, que la ligne la plus courte et.la meilleure serait celle de Hatinh par Tanap et le col de Mengia à Lakhôn ou à Savannaket. De l'un de ces deux points, la ligne se dirigerait perpendiculairementsur Oubôn et Mélouprey et entrerait en territoire cambodgien à Dam-phka. Elle traverserait tout le Cambodge pour aboutir à Tay-ninh et à Saïgon. C'est celle qui offrirait le plus d'avantages. II y a lieu, en effet, de remarquer qu'entre les

villages de Sam-pan-ha, en amont de Vien-tiane et de Huen-hin, en aval de Sa-

vannaket, existe un bief du Mékong, de 600 kilomètres environ, facilement et commercialement navigable aux chaloupes à vapeur en toutes saisons; que, dans cette région, le Mékong se rapproche beaucoup du golfe du Tonkin et notamment des ports de Vinh et Hatinh et de la voie ferrée du NordAnnam. Donc, si l'on relie ce bief à cette voie ferrée par un chemin de fer allant, par exemple, de Tanap à Lakhôn, en passant par le col de Mengia qui permet de franchir la chaîne annamitique à une altitude de 230 mètres, tout le HautLaos siamois, riche et peuplé, voisin de la boucle du TRANSINDOCHINOIS. Mékong, de Savannaket à Vien-tiane, comprenant Sakon-Lakhôn, Kalassim, Makeng, trouvera un débouché vers le Nord-Annam et le Tonkin, bien plus avantageux que vers Korat et Bangkok. Cette région se trouvera ainsi sous notre prépondérance économique. Et il suffit, pour atteindre ce but, d'une voie ferrée de 200 kilomètres, de Tanap à Lakhôn,

Puisque, d'autre part, la convention du 13 février 1904 nous donne le droit de doubler le Mékong par une voie ferrée en territoire siamois à hauteur des i 5o kilomètres de rapides du Kemmarat, commercialement infranchissables; que, d'ailleurs, on sera obligé d'éloigner un peu ce chemin de fer du fleuve afin d'éviter les massifs montagneuxqui l'enserrent et aussi afin d'aller passer la chaîne des Dang-Rek au col de DamPhka (70 mètres d'altitude), on sera ainsi amené à la construction d'un chemin de fer franco-siamois par Oubôn, traversant tout le Cambodge pour aboutir vers Kompong-kiam, point à partir duquel le Mékong


devient constamment navigable aux chaloupes et cargos d'assez fort tonnage. Il est, du reste, tout indiqué de prolonger ce chemin de fer jusqu'à Saïgon, avec embranchementsur Pnôm-penh. Ces voies ferrées auront non seulement pour effet de nous permettre d'exercer enfin notre légitime action

politique et économique dans la vallée du Mékong, mais encore celui, au moins aussi important, de relier Hanoï à Saïgon par la ligne la plus courte et la moins vulnérable aux entreprises d'un ennemi maître de la mer.

Nous ne saurions, conclut M. Lemire, trop insister sur la nécessité pour nous de faire un effort sérieux dans la vallée du Mékong, étant donné, d'une part, nos revendications et prétentions légitimes de ce côté, et, d'autre part, les travaux très importants de chemins de fer exécutés ou projetés par le Siam. Le Siam a dépensé jusqu'ici 5o millions pour ses chemins de fer dont 45o kilomètres sont construits. \(

Notre réseau a une urgence beaucoup plus grande; aussi l'adoption du tracé doit-elle avoir lieu de façon que ce tracé puisse être compris dans les travaux de la commission de délimitation, afin qu'une entente se fasse sur le terrain entre nous et la commission siamoise. Ces deux commissions ayant commencé à fonctionner, les deux questions de 'délimitation et de voies

ferrées paraissent connexes. Les travaux de ces commissions devant durer deux ans, nous ne saurions remettre à des dates aussi éloignées des travaux si nécessaires à tous les points de vue. Le ministère des Colonies, celui des Affaires étrangères et le Gouvernementgénéral de l'Indo-Chine ne peuvent manquer d'unir leurs efforts pour faire aboutir le projet dans le plus bref délai possible et dans les conditions jugées indispensables pour la sécurité et la vitalité commerciale de l'Indo-Chine française, »

disposent, est venue donner aux insouciants moujiks comme un semblant d'inquiétude pour l'avenir. Entre ces deux idées la foi et la terre, il n'est rien qui occupe leur esprit; non qu'ils soient naturellement inintelligents, mais parce qu'aucune pâture intellectuelle ne leur est fournie. Les écoles sont peu nombreuses; puis, elles sont en général fort mauvaises, par suite des entraves apportées par le Gouvernement à l'extension des écoles des zemstvos et des particuliers, auxquelles on a cherché à substituer des écoles dites paroissiales, dont il est impossible d'affirmer qu'elles sont toutes des foyers de culture intellectuelle. Les bibliothèques sont plus rares encore. Les paysans sont considérés comme des mineurs, et les livres qui ont traversé la censure russe ne sont pas encore bons pour eux. Pour ces mineurs, il existe une censure spéciale plus restrictive encore que toutes les autres si bien que les oeuvres qu'elle autorise et qui sont les seules que légalement un moujik puisse consulter, sont vaines ou enfantines. On conçoit aisément que cet incroyableisolement intellectuel du paysan russe soit favorable à l'éclosion de légendes, En effet, les légendes naissent perpétuellement dans ce milieu légendes religieuses qui dégénèrent aisément en pratiques de secte, et légendes relatives à la possession de la terre. Il suffit que, par hasard ou avec intention, un individu fasse voir dans un village un papier orné de cachets, et soutienne que ce papier accorde aux paysans le droit de mettre la main sur les terres limitrophes des leurs, pour que ces bons moujiks soient persuadés incontinent. Ils ont toujours quelque bonne raison, que les ({ anciens » leur ont expliquée, de se croire lésés par le partage qui a suivi l'affranchissement. Les paysans n'ont que deux idées la foi et la terre; mais si puissante que soit leur conviction religieuse, plus profonde encore est leur foi dans la puissance libératrice de la terre, dans cette idée que le bonheur est en fonction directe de l'étendue de terre possédée.

Les Moujiks et le Soulèvement agraire en Russie. a beaucoup discuté sur les causes qui avaient amené en Russie le soulèvement agraire des moujiks. Il en est de deux sortes des causes occasionnelles qui, dans l'espèce, sont les contre-coups de la guerre,

Ort

et des causes plus profondes, chroniques, qui, d'après un correspondant du Tenzps, résident dans l'ignorance absolue d'une malheureuse population, son isolement administratifet le manque de terres. L'ignorance des moujiks est incommensurable. On se fait difficilement une idée de ce qui emplit l'esprit d'un paysan russe moyen. Complètement illettré, inoccupé une partie de l'année en raison de la rigueur du climat qui lui interdit alors les travaux des champs, son âme est uniquement bercée par deux rêveries relatives, l'une à la religion, l'autre à la possession de terres considérables. Cette dernière préoccupation semble s'être superposée à la première, depuis que l'abolition du servage, en limitant les terres dont ils

Mourant de faim sur des champs où d'autres paysans européens vivraient sans peine, n'ayantaucune idée d'une culture et d'une exploitation tant soit peu rationnelles, ils ne voient de remède à leur misère que dans la possession de domainesplus vastes. Comme le Gouvernement a toujours eu pour politique de les maintenir dans cet état d'infériorité morale, et de leur faire accroire qu'il s'occupait d'eux comme un père de ses enfants, il en résulte que ces pauvres êtres n'ont aucun sentiment de responsabilité personnelle. A cette grande cause d'ignorance, à cet isole-

ment intellectuel, s'ajoute l'isolement administratif. Les paysans russes sont, de par la loi, écartés de tout le reste de la nation; ils ont leurs institutions, leurs droits et leurs devoirs à eux, et il n'est pas permis aux représentants d'une autre classe sociale de venir se mêler à leurs affaires, ou leur donner des conseils. Par suite, dès qu'un homme adroitement déguisé pourra, en temps de troubles, s'introduire dans les villages pour y répandre des doctrines subversives, il risquera d'obtenir plus de succès que si les paysans étaient librement soumis à toutes les influences contradictoires, bonnes ou mauvaises.


A ces deux causes, il en faut sième le manque de terres!

ajouter une troi-

La situation économique des moujiks est, en

beaucoup de cas, intolérable. Depuis l'abolition du

servage, la population rurale s'est démesurément accrue, si bien que le lotissementdes terres opéré en 1861 i n'est plus suffisant à l'heure actuelle. Les paysans se trouvant maintenus dans une ignorance complète, les différentes causes du progrès économique n'ont pas pu les atteindre le mode d'exploitation du sol est resté chez eux ce qu'il était il y a cinquante ans, et peut-être même il y a deux ou trois siècles. Si les paysans ne se sont pas mis à une cultùre rationnelle, ils n'ont guère plus cherché dans l'industrie une source adventice de revenus. L'essaimage par l'émigration est tout récent et fonctionne encore mal. Ainsi, ils sont toujours ramenés à cette terre inaliénable; mais, comme ils la possèdent en quantité de plus en plus insuffisante à mesure que la population s'accroît, et comme on ne sait pas lui faire rapporter plus que jadis, il suit de là que la misère s'aggrave. On comprendra aisément comment, sur un terrain aussi bien préparé, peuvent germer dans l'âme des moujiks les revendications les plus folles. On comprendra en même temps combien, en raison de son ignorance qui la prive de toutcontrepoids intellectuel, la masse des paysans offre un aliment propice à toutes les excitations qui la toucheront par son côté sensible la question de la terre. C'est sur ce terrain qu'ont admirablement germé les semences de révolte jetées par la guerre.

Le Conflit suédo-norvégien.

corps diplomatique de Suède et Norvège, au moins autant de Norvégiens que de Suédois, Quant au personnel des consulats, il est composé en majorité de Norvégiens. La Norvège ne dit donc pas toute sa pensée, lorsqu'elle proteste avec tant de véhémence contre une situation où elle est en quelque sorte privilégiée. Il y a autre chose, et cette autre chose c'est le désir de rompre le pacte d'union, de vivre d'unevieautonome, et de jouer un rôle dans le monde. La crise dite des consulats n'est qu'un prétexte. Elle dissimule des aspirations qu'il est bien facile de discerner. Quoi qu'il en soit, le Storthing a voté récemment, à l'unanimité, une loi qui institue des consulats séparés pour la Norvège. Mais les lois ne sont définitives qu'après l'approbation royale. Le veto est la prérogative principale, et à peu près unique, de la couronne. Le roi de Norvège peut opposer deux fois le veto; mais si une troisième le Storthing vote encore la même

loi, elle est exécutoire. Ainsi le roi peut retarder l'application d'une loi pendant six ans; il ne peut pas briser le voeu populaire trois fois réitéré, Le roi Oscar n'a donc pas abusé de son pouvoir lorsqu'il a refusé de sanctionner le vote du Storthing. Puisque les représentants du peuple norvégien étaient unanimes, il semble qu'ils auraient pu attendre avec la conscience de leur force. Ils n'ont pas voulu laisser la Constitution fonctionner normalement, et le ministère norvégien a donné sa démission. Le roi Oscar n'a pas pu le remplacer, étant dans l'impossibilité de trouver des Norvégiens qui ne partagent point l'opinion et les passions que le vote

unanime du Storthing a révélées. Il en est résulté que le Storthing a voté la motion dont nous parlons plus haut, en se basant sur ce que le roi « s'était déclaré incapable de donner au pays un nouveau gouvernement », et qu'il avait par là même « cessé d'exercer ses fonctions comme roi de Norvège ». C'est donc une révolution, révolution calme et pacifique, mais qui ne se dénouera pas aisément.

LE Storthing norvégien, c'est-à-dire la Chambre représeritante de Norvège, vient d'adopter à l'unanimité, moins cinq voix, une motion tendant à la déposition constitutionnelledu roi Oscar, en tant que roi de Norvège, et à la dissolution de l'union avec la Suède. La Chambre a, d'ailleurs, déclaré qu'elle n'éprouvait aucun sentiment défavorable à l'égard du roi et de la nation suédoise. Elle a même prié le roi Oscar, qui s'y refuse, il est vrai, de désigner le prince qui devait monter sur le trône de Norvège. Quelle est l'origine de ce grave conflit? Les Norvégiens se plaignent que le ministre commun des Affaires étrangères, en Suède et Norvège, ne puisse être qu'un Suédois. De plus, ils réclament une représentation consulaire séparée, Sur le premier point, ils ont raison, à n'en pas douter; et la Suède ne le conteste ou ne le conteste plus. Si l'on cherche un terpas, rain d'accord, il est acquisd'avancequele ministre des Affaires étrangères de Suède et Norvège pourra être indifféremment suédois ou norvégien. Quant au second point, la Norvège en fait une question d'amour-propre. Les Norvégiens ont leur part, et plus que leur part, dans la représentation extérieure du royaume. A l'heure actuelle, il y ai dans le

Félicien Challaye.

Au japon et en Extrême-Orient, in-18 vol. jésus. Librairie ArmandColin, rue de Mézières, 5. 1 Paris. Broché,3 3 fr. 50. Challaye a réuni en cet ouvrage un certain nombre M d'études consacrées au japon et à l'Extrême-Orient, qu'il a visités récemment comme boursier de voyage de l'Université de Paris. Il s'est proposé d'étudier ce que devient, hors d'Europe, la civilisation européenne, et comment elle modifie les civilisations extrême-orientales; comment se transforment à son contact, les institutions traditionnelles de l'ancienne Asie. Dans la première partie de son livre, l'auteur cherche à établir que le japon moderne a beaucoup plus conservé du vieux japon qu'il n'a emprunté à la moderne Europe. Dans la seconde partie, il raconte quelques-unes des plus intéressantes aventures de son voyage en Extrême-Orient comment il a été expulsé de l'Empire Russe à Vladivostock; comment il a été accueilli par les sauvages Moyis de la chaîne annamitique ce qu'il a vu à java de la colonisation hollandaise; ce qu'un moine bouddhique, à Ceylan, lui a dit de l'avenir du Bouddhisme; ce que lui ont confié, sur la situation politique et sociale de l'Inde actuelle, les Hindous cultivés qui travaillent à la création d'une Inde nouvelle, plus consciente et plus libre.

F.


GERMANIA

Berlin.

Comment on devient Marabout. NOUS avons déjà noté dans nos extraits de revues étrangères, et cela bien avant la visite de l'empereur Guillaume à Tanger, l'intérêt jaloux que prennent les Allemands aux choses du Maroc, et l'étrange parenté que la KcelnischeZeitung prétend~ établir ethnographiquernententre les Berbères du a Maroc et les Germains de Tacite! Il est impossible, depuis quelques mois, d'ouvrir une revue allemande touchant de près ou de loin à la géographie, sans y voir des thèses de ce genre ou des récits d'explorateurs, qui, à vrai dire, sont beaucoup plus intéressants, C'est à l'un de ceux-ci que nous empruntons les détails suivants sur les marabouts ou moines mendiants et saints personnages de l'islam. Ce qui fait la force de résistance pour ainsi dire incompréhensible du mahométisme, c'est la superstition. Pénétration pacifique ou militaire, écoles et chemins de fer n'y feront rien, assure le correspondant de la Germania, qui nous aurait-il intérêt à semble d'ailleurs un peu pessimiste ignorer les écoles françaises en Algérie, en Tunisie, à Tanger même, et les précieux résultats qu'on y a déjà obtenus? Mahomet, dans la sixième partie du Coran, a annoncé qu'un jour la terre verrait apparaître son successeur, qui serait le dernier de tous les prophètes. C'est de cette assertion des plus sommaires, et qu'aucun autre passage du Coran n'explique ni ne confirme, que vient la force et la faiblesse du mahométisme, et c'est là ce qui le rend dangereux pour la civilisation. Dès qu'un musulman quelconque présente une

particularité physique ou intellectuellequi le fasse remarquer, dès que lui-même se met en tête qu'il est un être à part et ainsi désigné par un décret spécial d'Allah, aussitôt on le sa-

lue, et il se considère lui-même comme le prophète annoncé par Mahomet. Alors, il ne parait plus en public qu'en haillons, la barbe négligée et pleine de vermine, et couvert de crasse jusqu'au blanc des yeux. Il ne vit plus qu'aux dépens de la charité publique qu'il sollicite, ou plutôt dont il exige impérieusement des aumônes, aux abords de la ville ou du village qu'il honore de sa présence. Que ce fou ou ce fourbe il est souvent l'un et l'autre se mette à la tête"d'un mouvement populaire contre les Infidèles, et voilà tout de suite un soulèvement qui peut s'étendre assez loin. Par bonheur, la plupart de ces saints dont pullule l'islam n'ont qu'une influence toute locale; mais le souvenir du fameux mahdi nous montre que l'incendie peut prendre d'assez grandes proportions pour devenir un péril international.

THE GAZETTE Montréal. U

ne nouvelle Race de Sauvages.

les aborigènes de l'Australie avaient partagé avec les Aïnos du Japon le triste honneur d'occuper à nos yeux le dernier échelon de l'humanité, Il faudra désormais y ajouter encore un degré inférieur dans le sens de l'abrutissement, pour y installer une tribu dont deux explorateurs, MM. Roth et Hedley, ont visité l'île, il y a quelques mois. Cette île, il est vrai, avait été déjà signalée par Flinders en 1802; mais il ne paraît pas qu'il y ait abordé. Elle se trouve dans le golfe de Carpentarie, la seule grande échancrure un peu caractéristique du continentaustralien. C'est l'ile de Mornington, et ses sauvages habitants appartiennent évidemment, par leurs traits essentiels, à la race australienne; mais depuis de longues générations, ils sont restés confinés dans leur île, sans jamais mettre le pied, soit en Australie, soit sur aucune des grandes terres océaniques qui les entourent, et ils en ont contracté un caractère particulier, qui n'est, je le répète, qu'une nuance plus accentuée de stupidité. Et d'abord, notons un trait qui semblerait les mettre audessous même des animaux supérieurs, un trait qu'on a déjà relevé chez les Aïnos de l'ile Yéso l'absolue incapacité de s'étonner de rien. Eux qui n'avaient jamais vu de Blancs, ni même d'étrangers quelconques, et surtout d'hommes portant des vêtements, car hommes et femmes, dans l'île, sont tout JUSQU'ICI,

nus comme Adam et Eve, ne manifestèrent aucune surprise à la vue des inconnus; on eût dit qu'ils les coudoyaient depuis longtemps. Cependant, s'ils sont nus, ils ne sont pas sans armes; ils portent des lances en bois et le classique boomerang des aborigènes australiens: une preuve, entre autres, d'anciennes relations entre l'île et le continent, ou peut-être d'une émigration dans l'île. Les Anglais durent même rester sur leurs gardes, et ne jamais quitter leurs armes à feu, qui inspiraient

aux sauvages une salutaire frayeur. Mais le docteur Roth et son compagnon n'étaient pas venus pour semer l'épouvante ils s'ingénièrent à entrer en relations avec les insulaires, ce qui ne fut pas facile. Par bonheur, les voyageurs avaient avec eux un aborigène australien qui, au bout de quelque temps, parvint à s'entendre avec les indigènes, dont l'idiome rudimentaire n'est pas très différent de celui des Australiens autre preuve de parenté entre les deux races. Par cet intermédiaire, quelques relations purent s'établir, et les Anglais constatèrent une chose curieuse chez ces sauvages, comme chez les Australiens, il existe une division sociale en classes; mais ces classes ne proviendraient ni de conventions, ni d'une différence de fortune ou de bravoure, elles résulteraient simplement de la nature diverse des relations familiales. Les pères, beaux-pères, oncles, bref, tout ce qui se rattache aux ascendants, forme une classe à part. Quelle est l'origine et la raison de ce rudiment d'organisation sociale? Cela reste un mystère. Mais en fait de culture intellectuelle et morale, c'est à peu près le seul trait un peu saillant que le docteur Roth ait relevé, Hommes et femmes ont entre eux les relations les plus libres, à condition qu'ils appartiennent à la même classe. 11 a été impossible à l'explorateur de remarquer chez eux aucune pratique religieuse ni aucune superstition fétichiste quelconques, ce qui ne prouve, sans doute, que l'impuissance où se trouve leur esprit à personnifier, même grossièrement, les forces naturelles. Ils n'ont pas plus de maisons que de vêtements, et dorment sur la terre nue. Tout au plus savent-ils s'abriter sous les arbres et les rochers. lis vivent essentiellement de pêche et de chasse.

JOURNAL DE GENÈVE

En Anatolie

Eski Scheher.

W.

Deonna, un alerte globe-trotter genevois, est en train de fouiller les coins les plus reculés et les moins connus de l'Asie-Mineure, d'où il envoie au grand journal suisse des chroniques du plus haut intérêt. Détachons-en un joli croquis, pris dans la plaine de l'antique Dorylée, au sortir des sauvages défilés qui séparent la vallée du Sakaria, le Sangarios des Anciens, de celle du Poursak, son principal affluent. Dorylée elle-même n'existe plus elle a cédé la place à Eski Scheher, la « vieille ville », qui se blottit au pied d'une ligne de collines bordant les eaux vives du Poursak, l'ancien Tymbris. Les rives en sont ombragées de quelques saules, au feuillage argenté, qui tremble au souffle du vent. Dans les airs, des cigognes volent; d'autres se promènent gravement dans la vase, avançant avec précaution leurs pattes rouges, inclinant la tête à droite et à gauche, à la recherche de leur nourriture; aucune d'elles ne s'inquiète des femmes bavardes qui lavent leurs haillons multicolores, accroupies sur les rives marécageuses, Plus loin, des gamins nus, à la peau bronzée, s'ébattent bruyamment dans l'eau. A mon approche, ils se cachent entre les branches flexibles des saules; leurs grands à la vue de ce giaour en yeux noirs me suivent longtemps, étonnés chapeau de paille. Pas un nuage au ciel d'un bleu intense; pas d'ombre sur les collines jaunes, pelées, arides, dont l'ossature de rochers gris erce par endroits la couche de gazon desséché par le juillet, soleil de L'avenue, large et banale, qui mène de la gare à la ville, est bordée de maisons basses, demeures de la colonie européenne. Le quartier turc, lui, se presse autour des minarets blancs et des mosquées, dont la flèche effilée perce le ciel bleu; de petits rues étroites, bordées d'échoppes à droite et à gauche, où de vieux Turcs, à barbe blanche, à la peau brunie, vendent les étoffes gaies de l'Orient. Parfois, au détour d'une ruelle qu'obscurcissent les toiles tendites au-dessus des boutiques, se laisse entrevoir la clarté d'une mosquée blanchie à la chaux. Des enfants sales et débraillés, aux larges pantalons bouffants, selon la mode turque, à la ceinture qui couvre toute la poitrine, le fez déformé sur la tete, mettent une note rouge parmi cette blancheur éblouissante.


Excursion aux Iles d'Hyères. A yue~ques kilomètres de la côte de Provence, le trio des îles d'Hyères offre au touriste une très intéressante excursion. Porquerolles, île Cros, île du Levant, les trois îles sceurs ont de beaux sites, des souvenirs historiques, des ruines et des curiosités; on se dérange à moins. Malheureusement, les moyens d'accès sont rares et incommodes; aussi le petit archi~el profite-t-il trop peu souvent du détour que devrait ~ourtant faire le voyageur, toujours ~ressé.

Le groupe des îles d'Hyères ou lIes d'Or, ce joyau de

la côte de Provence, au large de la ville de ce nom et du massif montagneux des Maures, se compose de trois îles principales et de quelques îlots rocheux

Porquerolles, la plus proche du continent; Port-Cros; enfin, fîle du Levant ou du Titan. En avant de la ville d'Hyères, la presqu'île de Giens, qui dirige son éperon hardi vers Porquerolles, pourraità la rigueur

Rien de plus gracieux que l'aspect du port, animé par la présence fréquente des balancelles et des tartanes qui viennent s'y réfugier, Quant au village de

Porquerolles, son unique rue est bordée de beaux eucalyptus, acacias, arbres d'essences diverses ormes, micocouliers; car autrefois chaque habitant était tenu de planter un arbre devant sa porte. A gauche de l'église et dominant le village, se

trouvent les constructions et baraquements qui constituent le sanatorium militaire et les casernements de la garnison. Plus haut

être considérée comme une île, n'étant soudée au continent que par deux isthmes presque au ras des flots. Çe cordon, sa-

encore, le vieux château blonneux, à une époque fort Sainte-Agathe offre, qui n'est pas très éloignée, de sa terrasse, une belle a certainement été subvue sur la rade de Pormergé par la mer. querolles. L'île de PorquerolLe petit village, qui les, la plus grande et acrenferme presque tous les tuellement la plus peuplée habitants de l'île, compte du groupe, est en commuà peine trois cents âmes. nication avec Toulon, le La population est restée grand port voisin, par un stationnaire depuis un service de bateaux à vademi-siècle, bien que le climat remarquablement peur qui, trois fois par semaine, se dirigent sur doux et uniforme de l'île L'ILE DE PORT-CROS. Porquerolles et sur Portpermette aux malades du Cros. Après avoir longé continent d'y séjourner Photographie communique=°. par M. Jahandie~. les pittoresques rivages dans les meilleures conde la presqu'île de Giens, \( ce doigt presque détaché », ditions, aussi bien l'hiver que l'été, dans l'unique, mais excellent petit hôtel du village. comme dit George Sand, le bateau accoste à l'extrémité de la jetée du petit port de Porquerolles. L'arrivée L'excursion du phare de Porquerolles, par de jolis sentiers montant et descendant à travers des du vapeur réunit sur le quai une partie des insulaires soldats de corvée envoyés pour recevoir les approviforêts de pins d'Alep, est une de celles qu'accomplissent sionnements de la garnison, et civils venant prendre le plus volontiers les visiteurs de l'île. Non loin du possession des denrées et marchandises commandées phare est le ravissant petit promontoire de l'Oustaou de Diou, ou Maison de Dieu, ainsi nommé à cause du par le précédent courrier, car, pour les vivres, les habirefuge très sûr que le port qu'il abrite offre aux tants dépendent en grande partie du continent. A TRAVERS LE MONDE.

25°

LIV.

N~

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24 Juin 19°5


pêcheurs surpris par la tempête. Une autre excursion, un peu plus longue, mais également intéressante, est celle qui a pour but l'imposante croupe rocheuse dite des Mèdes, vraie masse de quartzite curieusement découpée sur la côte orientale de l'île. Une petite batterie, édifiée vers 1813, et aujourd'hui déclassée, montre que le plus remarquable belvédère de l'île a eu, de plus, une certaine importance stratégique. Pour bien jouir de l'aspect grandiose du cap des Mèdes, il faut longer les murs du fortin jusqu'à une sorte d'échelle que l'on descendra; ensuite, traverser l'isthme étroit qui se trouve en face, et escalader le dernier bloc rocheux, surmonté d'un mât et d'une petite guérite en planches. De ce point on domine un des paysages les plus étranges de ces îles si pittoresques. On a d'abord, en dessous de soi, un chaos de roches schisteuses, d'un noir intense du côté ouest, et argentées de l'autre. Ce premier plan est dominé par l'extrémité du puissantmassif des Mèdes, s'élargissant à sa base en une formidable assise de rochers découpés par les flots. Au milieu de, cet ensemble imposant, la petite batterie fait l'effet d'un jouet sur les genoux d'un enfant. Sur la gauche, les hautes falaises dites du

Gros-Mur, prolongent l'arête escarpée des Mèdes alors que de l'autre côté on a le contraste des belles

sonnettes sur le flanc d'une montagne. L'habitation la plus en vue attire tout d'abord le regard par cette enseigne compliquée

POSTES. CAFÉ, TABAC. AGENT SANITAIRE

disposée sur

un panneau au-dessus d'une porte

d'entrepôt. Cette maison sert en même temps d'hôtel. Qui le croirait?

ily a

ici deux hôtels, aussi modestes,

mais aussi bien tenus l'un que l'autre. Dominant le village du côté nord, s'érige la masse imposante du vieux château construit sous François ler et presque complètement détruit par les Anglais, en 1793. A droite de la forteresse, un sentier conduit au cimetière de l'He. Dominant une falaise abrupte, un tout petit lopin de terre entouré de murs renfermant quelques tombes couvertes de géraniums, et, dans un coin, la fosse commune où furént ensevelis les soldats morts au lazaret de PortCros, à leur retour du Tonkin, voilà toute cette étrange et minuscule nécropole. La porte d'entrée ne doit s'ouvrir que rarement, car elle est obstruée par les ronces. « Ce détail, raconte M. Jahandiez dans l'intéressante étude qu'il a consacrée aux îles d'Hyères me remet en mémoire une conversation que j'eus un soir avec l'hôtelier, adjoint spécial. Comme je lui disais: -Mais vous n'avez ici ni médecin,

lignes, simples et reposantes, des collines et de la ni pharmacien; comment côte nord de Porquerolles. faites-vous lorsque vous En mer, à peu de disêtes malades? Nous ne tance du rivage, se voient sommes jamais malades, les trois rochers des Mèdes, ici; puis, le médecin-major dont le plus septentrional de Porquerolles vient deux attire les regards, avec sa ou trois fois par semaine; cime percée de part en part. quant aux médicaments, il LE ROCHER ET LA BATTERIE DES MÈDES. Du sommet des Mèfaut compter trois ou quatre des, on jouit d'une vue suPhotographie commur:icluéc par M. Jahandie~. jours pour les recevoir. perbe sur tout le groupe des Vous avez le temps de mouîles d'Hyères et sur la côte de Provence. Mais ce qui On ne meurt pas, à Port-Cros. rir, en attendant! frappe le plus le regard, c'est la seconde de ces îles, Nous avons été trois ans sans inscrire un décès sur celle de Port-Cros, où nous allons maintenant nous les registres de l'état civil. }} diriger. Il est certain que le climat de l'ile, sans assurer 1 Port-Cros, Port-Creux! Ce nom vient sans doute l'immortalité à ses habitants, est très sain. L'hiver, la de la baie profonde, entourée de collines escarpées, température moyenne est pendant le jour de go à 140, qui forme le port principal de l'île. Quand le vapeur et l'été de 240 à 28°. Les épidémies y sont inconnues. C'est la seule des trois îles, dont la population progresse y aborde, en vue d'un hameau lilliputien, on se croirait de ,0 habitants en t 8oq., elle est montée à 95 en 1901. sur un de ces jolis lacs de Suisse, environnés de montagnes. Mais le soleil éclatant et le bleu intense de la Du village, une route en lacets monte au fort de l'Estissac. Construit par Vauban, ce vieux fort en mer nous rappellent que nous sommes sous le beau ciel de Provence. vol. orné de nom1. jahandiez. Les lles. d'Hyères, Le petit village de Port-Cros égrène ses maibreusesiltustrations.Chezl'auteur,àCarqueiranne(Var),1905.


étoile est déclassé depuis longtemps; ses murailles, « belles cuirasses de pierres inutiles et vides aujourd'hui » comme dit si bien M. de Vogüé dans son roman Jean d'Agrive, n'abritent plus que les oiseaux de passage, et ses fossés, remplis d'un épais tapis de ficoïdes aux fleurs pourpres, ne sont plus fréquentés que par les couleuvres et les lézards. De là, le chemin monte encore, et passe devant l'important fort de l'Éminence, ouvrage moderne, armé d'une puissante artillerie, d'où la vue est fort belle sur l'ile, dont le relief est plus accidenté que celui de ses voisines. On a au-dessus de soi le dangereux rocher de la Gabînière et toute la ligne des imposantes falaises de la côte sud. \( Nulle falaise bretonne ou normande, dit M. de Vogüé, ne peut rivaliser d'élévation et de pittoresque avec ce pan de montagne coupé à pic sur l'abime. Une robe de pins tordus par le vent du large, tremble perpétuellement sur les flancs de la roche, descend par endroits jusqu'à ses pieds. Ailleurs, la paroi lisse et nue reçoit le soleil sur son miroir aveuglant, phare diurne que les navigateurs distinguent de très loin. » Toute cette partie de l'île n'est qu'un vaste

maquis couvert de

bruyères arborescentes, d'arbousiers, de cistes,

de romarins et de chênes verts. La germandrée maritime abonde dans cette région. Elle couvre littéralement Port-Cros et l'île du Levant, où sa

noble famille des Cibo, de Gênes. Une vive passion qu'il avait éprouvée pour Eliz des Baux, comtesse d'Avelin, dut fortifier en lui le goût de la poésie et de la solitude. Il était, dit un de ses biographes, Jean Nostradamus, « singulier et parfait en toute science et langage; il écrivait divinement bien de toutes façons de lettres, et enfin, quant à la peinture et enluminure, il était souverain et exquis. « Chaque année, au

printemps et à l'automne, accompagné d'un sien ami, religieux, amateur de la vertu, il se retirait à son petit ermitage; aux îles

d'Hyères, où le monastère de Lérins avait de longtemps une petite église dépendant d'icelui, qu'est la cause qu'il fut surnommé des Iles d'Or. » « Là (à l'île du Levant), il se plaisait au murmure des ruisseaux et fontaines, au chant des oiseaux dont il contemplait la diversité des plumages, et en fit un beau recueil qu'on trouva après sa mort parmi ses livres, auquel il avait dépeint en beaux paysages tout le quartier de la plage de la mer et des villages qui y sont assis, toutes sortes des herbes et plantes les plus exquises, les fleurs et les fruits d'icelles et des arbres qui croissent naturellement, les bêtes et les autres animaux de toutes espèces; la perspective des montagnes, des prairies et de tous ces champs délicieux,

arrosés de belles et

claires fontaines, des poissons de la mer, des puissante odeur d'éther vaisseaux qui la traverfrappe le voyageur qui sent à voile; le tout bien débarque y au gros de rapporté et contrefait au l'été. vif, qu'on eût jugé que Nombre d'autres c'était la même chose. » L.'ILE DU LEVANT ET LE PHARE DU 'I I'l'AN. excursions recommanLouis Il et la reine Photogz·aphie communiquée par M. Jahandie~. dent au touriste cette Yolande réussirent à petite île, que M. de attirer à leur cour le Vogüé a si justement qualifiée du nom de « Corse en Monge des Iles d'Or; seulement, après chaque séjour, miniature ». Il est assuré d'y trouver, à défaut de luxe, il revenait à son ermitage. Il y mourut en 1408. hospitalité cordiale, de collines et Un autre souvenir, moins gracieux, celui-là, une conservera ses nous boisées et de ses beaux vallons solitaires un souvenir servira à montrer, sans multiplier nos exemples, quel ensoleillé. avantage pouvaient offrir les îles d'Hyères à tous ceux A Port-Cros, nous nous sommes encore trouvés qui nourrissaient des intentions hostiles contre la France. en pays civilisé. L'ile est même assez souvent visitée en été par des touristes venus d'Hyères, de Cannes ou de Malgré les incursions des pirates barbaresques, Toulon. Il nous reste maintenant à parcourir l'île du l'île était encore habitée en 1536, lorsque le redouLevant, la plus sauvage et la moins .connue du table Kaïr ed-din Barberousse, alors allié du roi de France, vint séjourner aux îles d'Hyères. groupe. Ce n'est pas qu'elle n'ait une histoire comme \( Parmi les iles où la flotte musulmane était mouillée, ily en avait une (sans doute l'île du Levant) ses voisines, elle a reçu la visite des Grecs, des Romains, des Maures, etc., bien qu'elle ait joué, dans les plus éloignée que les autres; elle était cultivée, et annales des attaques dont les côtes de Provence ont soixante-dix chrétiens l'habitaient. Ils se mirent dans été l'objet, un moins grand rôle que Port-Cros et Porleurs bateaux et vinrent trouver Kaïr ed-din, auquel querolles, qui ont trop souvent servi d'avant-posteaux ils offrirent en présent soixante-dix gobelets d'argent, écumeur~des mers, ouauxmarinesétrangèresenguerre, quelques jarres de miel, du beurre, des poules, des France. la En revanche, Île contre vierge garde le cette cailles et différents fruits. Le dey d'Alger leur rendit gracieux souvenir d'un religieux qui vint s'y fixer, et les gobelets d'argent, mais il accepta d'un air gracieux qui est connu aujourd'hui sous le nom de « Monge les autres objets; puis il leur demanda s'il n'y aurait (moine) des Iles d'Or ». Cet anachorèteappartenait à la point possibilité de prendre Toulon. Ces paysans lui


répondirent avec un accent de sincérité qui le frappa « Seigneur, l'entreprise n'est point aisée, attendu les fortifications qui défendent cette ville; d'ailleurs, comme on se défie sans doute de tes projets, on n'aura pas manqué d'y rassembler beaucoup de monde. » Ces raisons parurent plausibles à Kaïr eddin, il renonça à son idée 1 ». trois

Le Titan, qui fait le service de l'ile du Levant fois par semaine, est une simple barque à voile,

bien suftlsante pour des passagers infiniment rares quelques pêcheurs venus aux provisions à Port-Cros, quelquefois des femmes et des enfants des gardiens de l'île ou du phare. Pour arriver dans l'anse du GrandAvis, qui est le meilleur mouillage de l'île, le bateau en longe la côte sauvage et peu découpée, que recouvre un maquis inextricable, et que surmonte le vieux fort de l'Arbousier. L'anse du Grand-Avis n'est pourvue que d'une mauvaise estacade en planches, en face de la maison du batelier c'est la seule demeure habitée, du petit port. Elle est placée au pied d'une colline élevée, où l'on monte par un chemin en lacets bordé de grands pins. Au sommet, le voyageur a la surprise de se trouver en présence d'un village tout entier, assez bien conservé. sans âme qui vive Ce sont les ruines d'une importante colonie pénitentiaire établie par le comte de Pourtalès, et qui pouvait contenir jusqu'à

trois cents jeunes détenus. On arrive, en continuant sonchemin,àlademeure du gardien de l'ile, qui renferme aussi le bureau de poste, c'est-à-dire une chambre nue contenant une

table et une chaise dépaillée, que recouvre une vieille planche. Sur la table, un vieux buvard, un tampon et un pèse-lettre c'est tout. II est vrai que les quelque dix ou quinze habitants de l'île ne font pas des débauches de correspondance Plus loin encore, on remarque un château entouré d'un étrange fouillis de plantes exotiques palmiers, agaves, figuiers de Barbarie, mimosas, grenadiers, lauriers-roses, tous vigoureux, redevenus sauvages sous le climat quasi-africain de l'île. Tout cela est navrant d'abandon. Bien plus lamentable est cependant l'intérieur de l'habitation, qui montre encore des traces de la magnificence d'autrefois les portes sont arrachées et pourrissent sur le sol; les plafondsdesvastes salles sont craquelés, le marbre des cheminées est tombé en morceaux; dans la cuisine, les éviers ont été descellés; les escaliers s'effondrent. Mais, de là, la vue est splendi¡le sur les trois îles et le

littoral.

l'Arbousier, dans le sud de l'île, est un but d'excursion intéressant, mais difficile à atteindre. Le voyageur un peu pressé fera mieux de se diriger dans la partie nord-est, du côté du phare du Titan, construit en 1837. La terrasse où il se dresse s'élève à 77 mètres au-dessus de la mer. Près de là, le vallon du Titan, verdoyant, animé d'une belle source limpide, contient les terres les plus fertiles de l'île. On y trouve une ferme abandonnée, et, plus loin, sur la petite plage à l'issue du vallon, une maison également vide. Cette île sauvage est décidément une terre couverte de ruines La vieille tour du Titan, ce Le fort de

1. DENIS (F.) Régence d'Alger.

et

SANDER RANG,

Fondation de la

débris d'un autre âge, ajoute à ce caractère de désola-

tion.

Et pourtant, l'île du Levant a nourri autrefois une population relativement nombreuse; elle a eu des

monastères, des fermes, un jardin d'acclimatation, une colonie pénitentiaire, une garnison. Aujourd'hui, non seulement elle est presque inhabitée, mais certaines de ses parties sont quasiment inaccessibles, tant la végétation vierge y est touffue; et si rares, si mauvais sont les chemins qui la parcourent Selon l'heureuse expression d'un romancier, la plus délaissée des îles d'Hyères ou Iles d'Or \( offre au soleil sa beauté abandonnée, dont les hommes n'ont pas voulu ».

Le Retour du

général Gallieni. La Situation à Madagascar.

-général Galliéni,

vient de rentrer en France pour y prendre unequi année de repos, nous a apporté

de Madagascar des nouvelles très encourageantes. Les révoltes qui ont éclaté dans des tribus

encore insoumises ou tout au moins mal soumises, touchent à leur fin l'apaisement n'est qu'une question de temps. Quant au chemin de fer, qui, déjà, sillonne une partie de la grande île, le gouverneur général déclare que c'est une excellente affaire, non seulement pour le commerce, mais encore pour la civilisation. Cette dernière fait, chaque jour, d'immenses progrès, et a réussi à pénétrer jusqu'aux hauts plateaux où se trouvent, à l'heure présente, plus de six cents écoles fréquentées par près de cinquante mille indigènes. En prenant congé de ses collaborateurs civils et militaires, le général a établi, comme en 1899, un rapport qui contientl'historique complet, de 1896à i 905, de œuvre de pacification et d'organisation militaire et administrative accomplie à Madagascar. La situation financière de la colonie est toujours favorable. L'exercice 1904 laisse un excédent d'au moins i 600000 francs. D'autre part, des renseignements communiqués par le service des douanes pour les quatre premiers mois de 19°5 font prévoir déjà un relèvement notable des importations, particulièrement pour les tissus qui, si les moyennes actuelles se maintiennent, donneraient une importation de 14 millions en i go5, contre 9 millions seulement en 19°4.

l'

Enfin les exportations continuent à augmenter, et on fonde toujours de grandes espérances sur l'or, à la suite des récentes découvertes de filons. Déjà on compte sur une exportation de i i à 12 millions en 1905 contre 7 millions en 1904. Les essais de culture de coton entrepris aux environs de Majunga et sur plusieurs autres points de la côte ouest ont donné également des résultats très

favorables. Plusieurs colons, disposant de capitaux sérieux, vont commencer la culture en grand de cette plante. En résumé, la situation générale est entière-

ment satisfaisante.


emmènent par troupe de 2000 au pays des mines; d'ici peu, ils serontlégion: on parle d'en introduire 500 000! Quels sont, en regard, les résultats présentement acquis?

rendement global des mines a augmenté depuis la guerre, c'est vrai mais cela provient de l'entrée en productiond'un plus grand nombre de Compagnies la production d'or par tonne est, pour la plupart des mines, moindre qu'avant la guerre. Que résultera-t-il de cette modification dans le travail? la nécessité de faire appel à un nombre toujours plus grand de Chinois, car, à chaque nouvelle exploitation, correspondra l'arrivée d'un nouveau personnel et le nombre de 500000 paraîtra très insuflîsant à bref Le

Le Péril jaune au

Transvaal.

L A situation politique et économique au Transvaal ne

laisse pas d'être embarrassée. Une Constitutionpour la colonie, des coolies chinois pour les mines semblent avoir été le dernier mot des organisateurs de la victoire. On peut se demander si ces deux solutions, la dernière surtout, ont donné ou donneront à leurs promoteurs toute la satisfaction qu'ils en attendaient. L'immigration des Chinois a été sanctionnée le mois dernier en la Chambre des Lords par l'approbation unanime des conservateurs et des libéraux. Les membres de

l'Assemblée,

qui

avaient fait jadis de

l'opposition à l'introduction de leur maind'œuvre, ont reconnu

que les craintes res-

senties ne s'étaient pas réalisées.Lord Carrington, lord Stanmore, l'évêque de Hereford, l'un des premiers et des plus déclarés adversaires de la mesure, l'archevêque de Can-

torbery, ont reconnu que les Chinois étaient

délai.

Mais supposons ce nombre approximativement atteint, et même dépassé. Qu'est-ce que pourra faire le Transvaal, de cette formidable armée, quand les mines

du Rand auront livré tous leurs trésors? Au l, dire des spécialistes, les mines d'affleurement n'ont que fort peu d'années à vivre. « Si l'on prend les grands trustes Rand Mines, East Rand, Gold-

fields (qui ont eux, des deep-levels), on peut

admettre approximativement que la durée des mines qui leur appartiennent peut être de vingt ans environ,

presque au maximum. o les meilleurs des miQue deviendront neurs et les plus heules coolies engagés, à reux des hommes. l'expiration des traL'archevêque-primat vaux ? Pense-t-onqu'ils avait bien quelques retourneronten Chine? réserves à faire au point DESTIN~S AU TRANSVAAL. CHINOIS L'exemple de l'Austrade vue de l'influence lie et de l'Amérique morale des Chinois sur D'après une photographie. les indigènes. Mais prouve surabondamment que les Ch~nois savent se cramponner au pays lord Lansdowne a assuré qu'une étroite surveillance d'élection qui leur donne le pain. était exercée. Lord Minto, ancien gouverneur du L'introduction du Chinois était peut-être nécesCanada, a parlé de l'expérience faite lors de la conssaire l'industrie minière souffrait incontestablement truction du Canadian Pacific Railway, à laquelle beaudu manque de main-d'oeuvre; l'indigène ou le Cafre coup de Chinois ont été employés; et ce fut pour se fournissait un travail très insuffisant; le mineur euroféciliter de l'emploi des travailleurs jaunes. péen, d'ailleurs peu attiré vers le Transvaal, eût eu des On a constaté enfin que l'introduction de la prétentions incompatibles avec les bénéficesdes mines. main-d'oeuvre chinoise, en développant la prospérité Le recours au coolie chinois paraissait donc s'imposer, du Transvaal, y avait fourni du travail à des Anglais puisque la Chine regorge d'une population qui est venus de la métropole; elle n'a même pas porté préjuobligée d'émigrer, et qui travaille pour un modique dice à ceux des Cafres qui veulent travailler dans les salaire. mines. Mais le résultat final de cette émigration provoVoilà qui va fort bien, et l'on aurait mauvaise quée peut être infiniment redoutable pour la colonie grâce à ne pas partager l'optimisme anglais, si ce séduianglaise. Nous ne parlons pas ici des objections très sant tableau n'avait en réalité une fâcheuse contresérieuses faites à cette introduction de l'élément jaune partie. Les Chinois, immigrés au Transvaal, doivent au Transvaal. La Chambre des Lords fut satisfaite, et aujourd'hui atteindre, ou peu s'en faut, le nombre de nous ne pouvons être plus exigeant que ses membres 70 000; tous les quinze jours, des paquebots anglais, l'Économistefranfais, du 3 juin ~905. partis des ports de la Chine septentrionale, les 1. Voir ri~ais


mais malgré cet optimisme, il est certaines de ces objections qui conservent toute leur force le travailleur anglais se voit exclu d'un champ d'exploitation qu'il pouvait croire sien le Chinois, empêché de s'adonner au commerce ou à l'industrie, séparé de la population blanche, parqué dans des compounds où, paraît-il, il est bien traité, a vu rétablir à son égard une organisation qui ressemble de bien près à l'esclavage. Déjà il s'insurge une bande de mineurs chinois; écrit-on de ]ohannesbourg, a attaqué les travailleurs blancs d'une mine la Crésus; il y a eu mort d'hommes. Et le vrai péril est plus grave encore une fois commencée, l'immigration chinoise devra continuer, et même s'accentuer. Entre temps, les mines s'épuisent; et un beau jour les Anglais auront sur les bras une population de Chinois qui se seront installés dans le pays, et s'efforceront d'y faire la loi. Ce n'était pas la peine d'exproprier les Boërs. J. ROBERT.

En Mauritanie. L'~uvre et la Mort de M. Coppolani. L'ASSASSINAT de M. Coppolani est survenu dans des circonstances particulièrement graves. Il y a peu de temps encore, le Sénégal était dans une situation humiliante la sécurité n'était pas assurée aux portes de Saint-Louis. Pour permettre aux caravanes descendues du Nord avec un chargement de sel, de gomme, ou de poudre d'or, d'arriver jusqu'aux escales du fleuve, nous payions aux roitelets maures de la rive droite un tributauquel on donnait le nom de coutumes. Primitivementconsenties à titre gracieux et accidentel par certaiRs négociants, elles étaient devenues un impôt régulier; elles figuraient chaque année au budget de la colonie. Moyennant ce paiement, ces chefs de bandes s'engageaient à ne jamais piller les caravanes traversant leur territoire, et à respecter les'navires montant à Kayes. Mais cette tranquillité théoriqueétait souvent troublée. Des chalands furent plus d'une fois attaqués sur le fleuve, des caravanes dévalisées. Chacun, au Sénégal, déplorait cet état de choses. Les Maures nous y considéraient comme une puisque payant tribut incapable race inférieure de les forcer à obéir, et nos indigènes sénégalais musulmans n'étaient pas loin de partager cette façon de voir. Le premier Français que la question préoccupa sérieusement, fut le général de Trentinian, ancien gouverneur du Soudan. Il comprit de quelle importance ce serait pour nous de nouer des relations avec nos voisins musulmans. Il s'adressa, dans ce but, au Gouvernement général de l'Algérie, et demanda que l'on mit à sa disposition un homme intrépide, le plus au courant possible du monde de l'Islam. M. Coppolani lui fut désigné. Envoyé au Sénégal en 1898, il visita les tribus

maures de la rive droite, sut lier de précieuses relations avec les chefs réputés les plus hostiles à notre influence, et en revint convaincu que nous pourrions, par la seule persuasion, arriver à nous faire des amis de ces populations. Son plan était simple. Hostile à une expédition militaire, se basant sur les relations nouées par lui pendant son voyage, il proposait d'utiliser ces amitiés, de se servir surtout de la rivalité existant entre les différentes tribus, pour pénétrer pacifiquement dans le pays. Les tribus maures se partagent, en effet, en deux classes bien distinctes les tribus maraboutiques, riches, vivant du produit de leurs troupeaux et de leurs cultures, et qui, respectées à cause de la sainteté de leurs chefs, n'ont jamais cru utile de s'armer pour repousser les attaques de leurs voisins; et les tribus guerrières, dont le vol à main armée est le seul moyen d'existence. Tant que notre influence ne fut pas solidement assise sur la rive gauche du Sénégal et au Soudan, les Maures des tribus guerrières ne molestèrent pas les tribus maraboutiques. Le jour où, se heurtant à notre domination mieux établi~, elles payèrent d'amendes et de leur sang toute incursion sur notre territoire, elles furent obligées, pour vivre, de rompre la paix séculaire ayant existé entre elles et leurs frères de même race. Les tribus maraboutiques furent razziées; trop faibles pour se venger à main armée, elles s'adressèrent à M. Coppolani qui fit comprendre aux chefs qu'avec notre appui ils n'auraient plus à craindre les incursions de leurs frères pillards il obtint d'eux la promesse de bien nous accueillir, et basa toute son opération future sur ces concours. Son succès fut considérable. Tous les marabouts se rangèrent sous notre domination. Se voyant isolées, les tribus guerrières firent leur soumission; de tributaires nous devînmes protecteurs; au lieu de payer l'impôt, n01Js le perçûmes. Ce résultat étonnant avait été obtenu avec une dépense qui ne dépassaitpas 400000 francs. Un demiescadron de spahis, deux postes établis, l'un à 65 kilomètres de Podor, l'autre 85 kilomètres plus loin, assuraient notre domination. On découvrit que ce pays, réputé désertique, est fertile, boisé, cultivé par places, pourvu d'eau, susceptible d'un bel avenir. Aussi, lorsque intervint le décret du 18 octobre 1904, réorganisant l'Afrique occidentale, M. Coppolani fut-il appelé au gouvernement de ces territoires dont il venait d'agrandir le domaine colonial de la France. En même temps, on lui confiait une nouvelle mission afin d'étendre aussi loin que possible vers la zone de notre influence du Nord-Africain la domination effective du vieux Sénégal. Elle accomplit au début sa tâche avec succès. S'enfonçant au Nord à travers le pays Tagant, elle rencontra partout un accueil favorable. Elle put constater que cette région, jadis empire noir des Gongaris, est fertile, et susceptible de produire beaucoup lorsque auront disparu les guerres de tribu à tribu. Avant d'atteindre TidJikdja, capitale du pays Tagant, elle avait traversé des centres importants, comme Rasel-Barka, et la riche bananeraie d'El Haoussima. En entrant chez les Douaïchs, il avait fallu, il est vrai,


livrer bataille; mais la résistance avait été brisée. On organisait un poste à Tidjikdja; la plus riche tribu du pays, les Doualis, avait fait sa soumission. Le succès paraissait assuré. C'est à ce moment que se produisit une attaque de nuit, facilement repoussée, du reste, au cours de laquelle M. Coppolani fut tué. La mission

est restée à TidJikdja. Tels sont les faits. La mort de M. Coppolani met le Sénégal et surtout les contrées qu'il avait pacifiées, dans une situation critique. Il a été remplacé par M. Montané-Capdebosq, lieutenant-colonel d'artillerie coloniale, qui est immédiatementparti de Dakar pour rejoindre son poste. Le colonel possède les qualités de son prédécesseur en même temps qu'il hérite de sa glorieuse mission; et si la France pleure un de ses serviteurs, elle peut être certaine que son ceuvre sera dignement continuée.

LaRivalitécommercialedel'Angleterre et de l'Allemagne. Le

rivalité commerciale de l'Angleterre et de l'Allemagne prend tous les jours un caractère plus aigu. En 1840, l'Angleterre, nation exclusivement commerciale et industrielle, tenait en ses mains la clé des échanges entre les diverses parties du monde. La suppression des tarifs douaniers entre elle et ses colonies, tarifs basés sur des concessions réciproques, et la proclamation du libre échange, réclamées par l'école de Manchester, lui avaient procuré ce monopole indiscuté. Le seul pays qui pût alors lui faire une certaine concurrence sur le marché industriel était la France. Les États-Unis ne produisaient encore que pour eux-mêmes, et l'Allemagne moderne n'était pas encore née. L'Angleterre était donc la reine des mers non seulement sa marine marchande suffisait aux échanges mutuels de la mère-patrie avec ses colonies mais elle servait encore de véhicule à ceux des autres nations. Cet état de choses dura jusqu'en 1870, ou peu s'en faut. De cette époque datent les gigantesques efforts de l'Allemagne sur le terrain industriel et commercial. La Ligue hanséatique. longtemps comptoir anglais établi sur les côtes du nord de l'Europe, se débarrassa vite de ses. protecteurs étrangers, et marcha seule. L'Angleterre se sentit menacée, et prit des mesures défensives; les doctrines unionistes lui offrirent leur rempart; les articles d'importation allemande eurent à porter la rubrique Made in Germany (Fait en Allemagne); des subventionsfurent accordées aux lignes maritimes anglaises; on parla de protection douanière. Il y a vingt ans, le commerce extérieur allemand était de 6444 millions de marks (i mark = i fr. 25); en igo3, malgré la crise industrielle et, partant, commerciale, il s'élevait à i 1 0 17 millions de marks. Dans ce laps de temps, l'Angleterre n'avait augmenté

le sien que de 4139000000 shillings, à savoir 15582 millions. 11443 en 1895 + 4139 en 1903 Et cette augmentation portait, en grande partie, sur l'importation. L'exportation anglaise se chiffrait à la 5 932 millions l'allemande, à 5015 millions; première, avec des produits bruts, fer et charbon; la seconde, avec 64 pour ioo d'objets manufacturés. D'où il ressort que, par rapport à ces derniers, l'Allemagne avait déjà pris la tête. Quant à la production brute, elle croît elle-même d'une ascension rapide. En trente ans, le rendement des mines allemandes de charbon, qui n'était que le quart du rendement anglais, est arrivé à la différence de 162 millions de tonnes, contre 234, c'est-à-dire à plus de la moitié. L'extraction du fer donnait(en 1903) 10,02 millions de tonnes, contre 8,95 en Angleterre, à savoir 2,07 millions de plus. C'est, du reste, un fait, que l'importation du fer d'Angleterre en Allemagne est bien inférieure à la réciproque. Ce dernier pays envoie, en effet, au premier, toujours en i go3, pour 102 millions de fers bruts

=

et manufacturés, 46 millions de 'quincaillerie, et 39 millions de machines et instruments il n'en reçoit, par contre, que 21 millions, 3 millions et 22 millions respectivement. Dans la navigation, nous constatons une marche analogue. En 187 l, le tonnage allemand était de 982355 tonnes, dont 90036 pour les navires à voiles. En 1904, il donnait le chiffre de 1739690 tonnes, dont seulement 227 778 pour les navires à voiles. L'activité desportsallemandsa augmenté de 3oop. ioo, Le tonnage du Royaume-Uni est encore quintuple de celui de l'Allemagne; mais l'Angleterre ne possède pas de Compagnies maritimes ayant la grandeur et puissance de la Hamburg-Amerika-Linie et du Lloyd

la

allemand. Ces chiffres éloquents expliquent l'attitude actuelle de l'Angleterre contre l'Allemagne dont la flotte militaire, bien que devant compter d'ici peu 38 fortes unités, est encore au-dessous de sa mission, qui est de protéger la flotte marchande et les colonies. Ne serait-il pas opportun de l'affaiblir dans une lutte immédiate? Les échos du Parlement anglais ont retenti naguère de discours qui ressemblaient fort à

des provocations. En attendant, l'Angleterre construit deux cui-

rassés contre un allemand, organise une station navale en face de son ennemie, et fortifie sa route maritime des Indes.

Élisée Reclus.

Introductsbu à la Géographie de la France. (Extrait du Dictionnaire de la France par M. Paul Joanne). vol. de 84 pages in-40, 3 colonnes, conte76 figures (cartes, diagrammes, graphiques) et nant 2 cartes en couleurs hors texte. Broché, 5 francs; relié, 8 fr. 75. Librairie Hachette et Cie, Paris.

Agostini.

Tabiti. 1 vol. in-8o. J. André, éditeur, 27, rue

Bonaparte, Paris.

Durand.

Madagascarpar province. 1 vol. in-4°. Garnier,

éditeur, 6, rue des Saints-Pères, Paris.


RUSSIE

de

Conduite du Tir de l'Artillerie au moyen Signaux.

La conduite du tir au moyen de signaux

est, depuis quelque temps, préconisée dans l'artillerie; elle présente, au dire de M. Swnilovski, écrivain militaire du Rousskii lsavalid, les avantages suivants 10 Elle permet de diriger le tir en toutes circonstances, même quand il devient impossible de le commander à la voix; 2° En raison du bruit qui accompagne soit les déplacements, soit le tir de l'artillerie, il n'est pas possible dans la plupart des cas que tout le monde entende les commandements du chef. Il en est de même dans la conduite du tir par téléphone, où l'homme qui se trouve à l'appareil récepteur doit répéter les commandements. Au contraire, des signaux optiques sont visibles à la fois pour tout le monde; ;° Dans la méthode de commandement à la voix ou même par téléphone, le commandant de batterie ne peut pas s'assurer s'il a été compris. Dans le cas de l'emploi de signaux, la répétition de ceux-ci par un poste récepteur placé dans la batterie lui sert de vérification, et lui permet de rectifier des

erreurs;

4° Une troupe conduite par signaux sait qu'elle ne peut s'y conformer que par une attention constante. 11 en résulte une habitude de suivre des yeux avec soin le chef en

toute circonstance;

5° La conduite du tir par signaux reste applicable quelle soit la distance à laquelle se tient le commandant de la que batterie; si celle-ci s'accroît, il suffit d'installer un ou plusieurs postes de relai; 60 Les signaux optiques sont toujours utilisables. Il n'en est pas de même du téléphone qui a parfois des caprices, et dont le fil peut facilement être coupé par un projectile; la rupture est facile à réparer, mais elle est souvent longue à trouver; enfin, l'appareil lui-même peut être brisé ou mis hors de service. Le téléphone ne peut pas dispenser d'un autre moyen de transmission, destiné à le suppléer en cas d'accident. Seuls, les signaux optiques peuvent fonctionnerdans tous les cas. Bien entendu, il ne s'agit pas de renoncer à se servir de la voix ou du transport des ordres par ordonnances pour commander, mais seulement de se borner à employer ces procédés quand ils sont judicieux et possibles. .ANGLETERRE

Sous-marins anglais et Sous-marinsfran-

çais.-Les Anglais jouent de malheur avec leurs sous-marins.

Après le A. r, abordé et coulé en rade de Portsmouth par un paquebot allemand, en Mars 1904, et le A. 5, explosant en rade de Queenstown, au moment où il venait de terminer son chargement de gazoline, voilà le A. 8 qui explose à son tour et coule, avec son équipage, en rade de Cawsand; et c'est encore, comme pour le A. 5, l'inflammation des vapeurs de la gazoline la cause de la catastrophe. Peut-être même le premier accident de sous-marin, celui du A. r, est-il également dû aux émanations de la gazoline. Des experts navals, après le renflouement du A. i, ont, en effet, déclaré que les officiers et les hommes d'équipage de ce sous-marin avaient été asphyxiés par des gaz délétères avant la collision, .\aquelle n'avait eu lieu précisément que parce que le A. r, son équipage asphyxié, ne naviguait plus qu'à l'état d'épave. Les Anglais ont cru jusqu'ici que, bien que la France fût de plus de dix ans en avance sur eux en matière sousmarine, ils parviendraient, avec leur intelligence des choses de la marine, à reprendre aisément l'avance perdue. Ils se sont trompés. Les sous-marins français sont infiniment supérieurs aux leurs. Pour établir la supériorité du sous-marin français, énumérons les faits suivants il le sous-marin français peut opérer de nuit, alors que.le sous-marin anglais ne peut être utilisé de nuit, et qu'on n'a même tenté, chez nos voisins, aucun essai dans cet ordre d'idées; 2° le sous-

marin anglais reste à peine trois heures sous l'eau, alors que le sous-marin français peut y rester plus de douze; 3° les

sous-marins français n'ont jamais eu d'accidents; 4° ils ont

toujours marché plus vite que les anglais, et manœuvré mieux et sans arrêts; 5° les sous-marins français ont pu affronter la haute mer (traversée de Cherbourg à Brest), et opérer seuls à volonté, ce que n'ont jamais fait les sous-marins anglais; 6° neuf fois sur dix, pendant des périodes consécutives d'exercices, les sous-marins français ont réussi leurs attaques contre les gros navires de surface, et ne se sont fait voir que parce qu'ils l'ont bien voulu; 7° une dernière supériorité, enfin, de la flottille sous-marine française, réside dans la formation du personnel d'élite, officiers comme marins, affecté à la conduite et à l'armement de ces redoutables engins. Nous avons la grande chance, en France, d'avoir cherché, trouvé et construit le sous.marin pratique pour le combat; il semble que nous ne puissions rester plus longtemps sans en construire le plus possible, tant contribuerà travailler et à perfectionner cette arme qui peut tant contribuer à assurer l'inviolabilité de nos côtes métropolitaines et de nos côtes coloniales. ALLEMAGNE

Les Mitrailleuses en Allemagne.

L'~9llgerreeine Zeitu~zg publie sur la mitrailleuse allemande et son emploi un curieux article dont nous extrayons le passage

suivant

Chaque mitrailleuse peut tirer jusqu'à 600 coups à la minute, et son mécanisme permet d'en faire usage à la manière d'un arrosoir. Le tireur, couchéàterre, derrière la mitrailleuse qui repose sur une espèce de traîneau, peut constammentviser le but. Il peut donc maintenir sous son feu pointé et ininterrompu, une zone déterminée du terrain, sur laquelle se trouvent des tirailleurs ou une colonne. Les munitions sont exactement les mêmes que celles du fusil d'infanterie, de sorte qu'un détachement de mitrailleuses, ayant épuisé ses munitions, peut être ravitaillé par un détachement d'infanterie, et vice versa. L'efficacité du tir de la mitrailleuse est donc comparable à celle de l'infanterie; son emploi tactique est cependant apparenté, sous plusieurs rapports, à celui de l'artillerie. La mitrailleuse, que ses servants traînent ou portent sur son traîneau dans la position de tir, se transporte pendant la marche sur une espèce d'affût qui sert en même temps à porter les munitions. Cet affût est accroché à un véritable avant-train qui renferme également des munitions. En outre, le détachement est pourvu encore d'un certain nombre de caissons à munitions spéciaux, de sorte que chacune des 6 mitrailleuses d'un détachementdispose de (1 o0o cartouches. On place la mitrailleuse avec son traîneau sur des coulisses qui se trouvent à la partie supérieure de l'affût. Le détachement est composé de 6 mitrailleuses, 3 caissons, 2 chariots de batterie, voiture à fourrage, i voiture à bagages et voiture à vivres. Toutes ces voitures, à l'exception des deux dernières, sont attelées à quatre chevaux. Ce détachement prend presque la même place dans une colonne de marche qu'une batterie, et exige les mêmes mesures de sûreté. » «

ITALIE

La Réforme de la Marine italienne.

L'amiral Candiani, qui est un des officiers les plus compétents de la marine italienne, déclare qu'avant de songer à l'augmentation de la flotte, il faut chercher à la pourvoir de bons ancrages et de bases utilisables, là où il est le plus probable que la flotte pourrait être appelée à défendre le drapeau

national.

Or, d'après l'amiral, toute la côte italienne sur l'Adriatique est dépourvue de base militaire. A Venise, les grands navires ne peuvent entrer que sans chargement; à Ancône, le port est ensablé, et ouvert à toutes les attaques; Brindisi et Bari ne sont que des ports commerciaux. Il suffirait, suivant lui de 3o millions pour créer de bons ports militaires dans l'Adriatique. Tout amiral, estime-t-il, renoncerait à la construction d'un et même de plusieurs cuirassés, pour avoir une bonne base navale.


Excursion au Figuig par le

«

Sud-Oranais ».

Figuig fait souvent parler de lui. Il nécessitait, voilà deux ans, une expédition militaire. L'é~ineuse question du Maroc lui donne aujourd'hui un regain d'actualité sa situation aux ~ortes du Maroc nous donnera peut-ëtre le j~rivilège porter raj~idement des troupes a poussé à la construction d'une voie ferrée de faire la police des frontières. La nécessité dite du Sud-Oranais, et l'on ~eut actuellement « prendre son billet » ~our le Figuig. Le

d

L'OASISde Figuig, impénétrable jusqu'à ces dernières années, est, à l'heure présente, d'un accès facile. La route du Sud-Oranais est la voie la plus directe et la plus agréable, peut-être, pour atteindre le désert, grâce aux communications bien établies entre les chemins de fer français, espagnols et algériens, et par le service maritime Carthagène à Oran traversée brève à l'intention surtout de ceux que fait reculer l'appréhension du mal de mer D'Oran part la ligne ferrée, à voie étroite, du Sud-Oranais, jadis ligne de la FrancoAlgérienne, appartenant

mais du moins la région peut être considérée comme mise en valeur; au delà ce ne sont plus que de vastes plaines monotones où pousse la plante d'alfa, sur l'utilisation industrielle de laquelle il paraît inutile d'insister; son exploitation est affermée par soumission, et à un prix qui semble prouver tout le parti

rémunérateur qu'on peut en tirer.

Dans ces solitudes désolées, dans cette «( Mer d'alfa », c'est tout au plus si quelque profil de loin-

taines montagnes vient échancrer le ciel sur la ligne d'horizon; parfois aussi se montrent isolées, comme égarées, de rares silhouettes de bergers escortant quelque maigre troupeau. La vie semble presque absente,

aujourd'hui à l'Etat. Suffisamment confortable déjà, son matériel, où l'on trouve des compartiments à couchette, est en voie d'amélioration bientôt, paraît-il, il comportera un wagon-res-

et l'introduction de notre civilisation n'est

rappelée que par les stations espacées, véritaurant la vitesse tables redoutes qui n'ont moyenne des trains doit de raison d'être que la s'accélérer par la suite, protection ou mieux la réduisant ainsi la durée surveillance de la voie duvoyage au point qu'on ferrée. Parfois le sol fléUNE ~IOSQUÉE DANS LE FIGUIG; AU FOND, LE COL DE ZENAGA. ne mettra à peine que chit, se creuse légèrele temps nécessaire aux Photographie de M. E. Gallois. ment en des sortes de trains rapides pour dépressions, réservoirs temporaires où viennent atteindre Nice de Paris L'horaire est calculé de telle mourir les oueds ce sont les chotts, comme celui fastidieuse du tracé est façon que la partie la plus 1 d'Ech-Bergui, où le sable saturé de sel et de sulfate franchie de nuit. de chaux provoque dans ses scintillements sous l'effet Longeant d'abord le littoral, ou peu. s'en faut, de la lumière de fantastiques mirages. Le vent souvent la ligne se dirige ensuite vers le sud pour escalader, fait rage sur les surfaces dénudées où il ne trouve par de fortes rampes parfois, les assises successives des plateaux de l'Atlas; elle s'élève ainsi de plusieurs aucun obstacle, et il souffle parfois en véritable temles orages passent aussi en grondant; la pluie pête centaines de mètres, pour atteindre les cotes de 500, fouette et tombe di,luvienne, quelquefois; la neige, 800 mètres, altitude même dépassée quand elle a gagné Saïda, point qui fut terminus pendant des assez fréquente à une certaine époque et à ces altitudes élevées de plus d'un millier de mètres (le point années. Jusque-là le sol est plus ou moins cultivé; A TRAVERS LE MONDE.

26° LIV.

No 26.

lce Juillet ~905.


culminant de la ligne dépasse 1 300 mètres), couvre le pays de sa nappe blanche, tandis que les djebels, avec leurs 2 000 mètres, prennent des allures de chaînes alpestres. Mais, le sommet de la route atteint, on redescend rapidement par un large corridor de montagnes sur Aïn-Sefra, qui pendant des années est resté le point terminus du chemin de fer sud-oranais. Le site n'offre rien de particulièrement intéressant, avec son cadre de montagnes plus ou moins proches. Aïn-Sefra est placé dans une sorte de cuvette au bord d'un oued qui s'est rendu tristement célèbre puisqu'en un débordement furieux il a presque anéanti la modeste bourgade qui s'était constituée

là, en face des Établissements militaires. Aïn-Sefra est, en effet, le chef-lieu de la subdivision militaire qui égrène ses postes dans le sud à des milliers de kilomètres, reliant ainsi au monde civilisé nos pointes d'avant-garde établies dans les oasis sahariennes du Touat et du Gourara. Par une de ces fantaisies inexpliquées de la nature, se dresse là, tel un minuscule chaînon montagneux, une haute bande de dunes de sable dont l'éclattranche sur le fond du paysage. Au delà d'Aïn-Sefra

la voie ferrée se prolonge plus intéressante,se fau-

toitures en terrasses. Lors de mon passage, cette agglomération, qui trouve de l'eau à proximité dans un sol pierreux peu propice à la végétation, ne comportait, malgré son millier d'habitants, ni mairie, ni église, ni cimetière (du moins, on n'avait pas encore enregistré de décès au 1 er janvier dernier); mais elle possédait une école modeste, et suffisamment fréquentée. L'élément de cette population était surtout recruté dans le personnel du chemin de fer et des travaux de la ligne, mais diverses branches de commerce étaient exercées par des Européens. C'était ainsi qu'on trouvait d'abord un

hôtel convenable, le Grand-Hôtel du Sahara, avec café (on attendait un billard !), puis des sortes d'auberges, des restaurants, des débits de boisson (naturellement !), des salons de coiffure, des épiceries, en un mot tout ce qu'il faut, à l'exception, il est vrai, d'établissement de bains et Je théâtre; cela viendra plus tard. Nous ne parlons pas de l'élément militaire, variable, mais représentant toujours un certain contingent; il est cantonné hors la ville, plus près de l'oued venant de l'oasis, et sur les bords escarpés duquel se dressent les demeures chancelantes, plus ou moins ruinées, constituant le village arabe, avec ses maigres jardins à moitié

filant entre des djebels abandonnés. Là encore au travers d'une région s'élèvent une mosquée montagneuse où il a fallu avoir recours à des aux blanches cOl,lpoles et le « bureau arabe », travaux d'art assez imainsi qu'une infirmerie portants. Il est malheuindigène. reusement des ponts Ajoutons qu'on dont la solidité laisse traitait alors pour enviparfois à désirer, s'il faut rontrois cent mille francs en croire l'accident dont d'affaires par mois. fun d'eux avait été vicAu sud de Benitime fan dernier, ainsi LE GRAND-HOTELDU SnHARA, A BENI-QUNIF, Ounif se dresse un tertre qu'il nous a été donné rocailleux, puis au delà, les piles de le voir Photographie de M. E. Gallois. à perte de vue, le vrai en maçonnerie avaient désert. tandis qu'au nord et en infléchissant vers été rasées, et le tablier métallique, en trois tronçons, l'ouest la vue se butte à de rougeâtres collines deravait été projeté à des centaines de mètres. Sur cette rière lesquelles s'étend l'oasis fameuse du Figuig. Elle partie de parcours se dressent encore de ces gares forapparaît, du reste, verdoyante, avant d'arrivèr par le tifiées, auxquelles il a déjà été fait allusion. Auprès col de Tarla qui livre passage à la Zousfana, comme d'elles flotte parfois le pavillon national à l'abri duquel veillent quelques soldats, comme à Djanienpar celui de Zenaga, le plus proche de Beni-Ounif et la véritable porte de la plaine figuiguienne. Ce dernier a Bou-Rezg, Duveyrier. Lors de notre passage, le point terminus de la ligne était Beni-Ounif de Figuig vu du reste son nom livré à la publicité après l'accueil depuis le début de cette année l'exploitation a été peu aimable qu'y reçut le Gouverneur général. On se rappelle qu'à la suite de cette démonstration hostile, il ouverte jusqu'à Ben-Zireg, en attendant que le rail fallut agir et faire un exemple. La voix du canon tonna, atteigne Béchar de Colomb, ce qui ne saurait tarder. De là, la ligne, déviant légèrement, se dirigera vraiet les gens du Figuig comprirent que toute résistance était vaine. semblablement vers Kenadsa au sud-ouest, c'est-à-dire Pénétrons donc par cette porte aujourd'hui vers le Tafilet, le Maroc, au résumé Beni-Ounif, quoique ayant un certain prestige, ouverte à tous, non pas seulement pour le présent, mais pour ,l'avenir, il faut bien l'espérer; les gens du avec la demeure du commandant de la garnison et ses Figuig ont dû comprendre que si nous assurons la bureaux surmontés d'une coupole, avec les tours sécurité de leurs foyers, si leurs remparts de terre crénelées de l'Entrepôt franc, avec le blockhaus de la sont désormais inutiles pour les protéger contre les gare, avec quelques maisons importantes, Beni-Ounif surprises des maraudeurs du désert, grâce à la proxin'était il y a quelques mois et n'est encore qu'un mité d'un centre français et surtout du poste militaire modeste village disposé en damier, avec des maisonnettes en pierres ou simplement en terre, plus ou sur lequel flotte notre pavillon, symbole de paix et talisman protecteur, c'est à condition que nous serons moins badigeonnées de couleurs claires, avec des


traités en protecteurs dignes de toute reconnaissance.

Moins d'une lieue de plaine à traverser, et l'on atteint le col garni de palmiers au milieu desquels apparaissent quelques blanches koubba. Le sol est raviné, l'oued qui coule à Beni-Ounif passe au surplus par là, et le chemin qui circule entre les levées de terre des jardins semble bien propice à un guet-apens. Il nous souvient même d'avoir jeté quelques regards de défiance, involontairement, en cheminant là. A un endroit resserré du col, au pied des roches, on peut remarquer quelques-unes de ces inscriptions rupestres comme on en trouve à Tiout, non loin d'Ain-Sefra, et même plus au sud à Taghit dans la vallée de la Zousfana. Objet de controverses, ces inscriptions n'auraient pas l'intérêt précieux qu'on était tenté de leur attribuer tout d'abord mais ce sont là des questions

d'un ordre spécial sur lesquelles nous n'oserions dis-

cuter.

Le col franchi,

apparaissentbientôt les murs de

Zenaga avec la masse de l'oasis derrière, et au fond les montagnes qui l'encadrent, grises et roses, et parfois blanchâtres, comme givrées. En effet, il ne faut pas oublier que l'altitude moyenne du Figuig est d'environ ~oo mètres, et que parmi les sommets l'avoisinant,

ces hautes murailles crevées de distance en distance, dans leurs parties basses, de portes en bois, au rus-

tique mais ingénieux verrou, et laissant déborder de l'alignement des sortes de gouttières, faites de troncs creusés de palmiers, pour permettre l'évacuation au dehors, de l'eau des rares pluies. Les gens que nous

croisions nous lançaient quelque « salam. », ou nous saluaient militairement, en général, quoique certains nous jetassent bien un regard de méfiance; d'autres manifestant une profonde indifférence. Il nous souvient cependant d'offres aimables, qui nous furent faites, d'entrer prendre le thé ou le café. Nous avions été frappés de la propreté des rues, sans voir de trace apparente d'une application de règlement de voirie municipale; mais notre surprise devait être portée au comble (on excusera la trivialité de ce détail), à la vue de cabinets d'aisances publics, rudimentairesil est vrai, mais installés au-dessus de conduites d'eau courante, le « tout-à-l'égout », en un mot, au

Sahara

L'oasis du Figuig, très vaste, large et longue de plusieurs kilomètres, de plusieurs lieues de tour, comprenant des milliers

d'hectares, compterait trois à quatre cent mille palmiers-dattiersen rapport, sans parler des arbres fruitiers d'espèces

variées. Comme dans tout centre saharien culcomme les djebels tivé, on y voit surtout Grouz, Maïz, et autres, de l'orge, et également il en est qui dépassent des légumes, à l'abri du i 500, i 800 et même rideau d'arbres qui ta2000 mètres. Dans ces mise les rayons parfois murailles, non loin d'une trop ardents du soleil porte, apparaissait d'Afrique. La richesse encore béante la brèche LE VILLAGE DE ZENAGA; AU FOND, LE DJEBEL GROUZ. végétale de l'oasis tient à pratiquée par nos obus. l'abondance relative des Dès l'entrée en ville se Photographie de M. E. Gallois. présente une place irrésources qui y jaillissent, gulière, avec « des marabouts », tombeaux de saints et qui, bien distribuées, grâce à un système compliqué de canaux souterrains (foggara; feggaguirs, au pluriel), personnages, et un bâtiment à triple arcade, la munis de sortes de regards et de vannes, y entre« Medraca » ou Palais de Justice, rappelant par son architecture certains édifices de Tanger, prouvant bien tiennent une fraîcheur constante. De plus, des réserainsi leur aftlnité marocaine, comme du reste la mosvoirs ont été aménagés par endroits, formant de graquée en partie ruinée par notre artillerie. On se percieuses pièces d'eau, miroirs où se reflète la verdure drait facilement dans le pittoresque dédale de ces environnante. Sans avoir pu obtenir de chiffre exact ruelles étroites dont certaines se transforment en sur la population, nous pouvons dire qu'elle oscille curieux passages couverts, souvent sombres corridors entre quinze et vingt mille individus répartis dans sept qu'inonde parfois quelque crevée lumineuse ou un centres Zenaga, El-Aabid, Oudaghir, Oulad-Sliman, indiscret rayon de soleil se glissant par une invisible El. Maïs, Hammam-Foukani,etHammam-Tartani,petites fente. On y est quelquefois frappé par quelque subite villes d'importance diverse, placées sur la bordure -et magique apparition, comme lorsque s'ouvre inopinord de l'oasis, à l'exception de Zenaga, comme on l'a nément une de ces portes insoupçonnées révélant une vu. Les Figuiguiens s'adonnent surtout à la culture de scène d'intérieur éclairée par la cour sur laquelle les leurs jardins; mais certains se livrent au tissage ou à demeures arabes pre'nnent jour et air, et par où, diverses petites industries; c'est ainsi que se fabriquent ajoutons-le, s'échappe aussi la fumée, à défaut de de petits marteaux de cuivre plus ou moins ouvragés, -cheminée. Nos peintres orientalistes ont au reste qui servent à casser le sucre importé en petits pains. Par une disposition spéciale, digne d'être souvent rendu ces scènes de genre si originales. Le silence règne d'ordinaire dans ces petites cités aux signalée, se profile dans la largeur de l'oasis une sorte maisons toutes construites en briques de sable séchées de falaise, haute parfois de quinze à vingt mètres, plus au soleil, élevées parfois d'un et même de deux ou moins escarpée, dite « djorff », et qui constitue étages; et les rencontres de passants sont rares, entre comme deux étages dans la palmeraie, les centres


habités se

trouvant pour la plupart sur le plateau

supérieur. Sur la corniche de la falaise se dressent, de distance en distance, des tours d'observation, et de défense à l'occasion; on en trouve d'autres ainsi répandues sur divers points de l'oasis. Désormais sans intérêt, elles paraissent du reste déjà abandonnées, et certaines commencent à menacer ruine. Nous pourrions encore ajouter que nous avons pu constater la présence de nombreux pigeonsramiers et de colombes dans la verdure des jardins, de même que nous signalerons la rencontre encore assez fréquente de gazelles à une distance relativement faible de Beni-Ounif et de l'oasis. Nous espérons avoir donné une idée de ce coin du Sud-Oranais, et prouvé l'intérêt que présente cette région, ne fût-ce qu'au point de vue de l'art ou du tourisme. Des spécialistes en démontreront facilement l'intérêt économique et militaire, qu'elle doit à sa proximité du Maroc. EUGENE GALLOIS.

Le Commerce des États-Unis. -Faiblesse à l'extérieur.Puis-

sance à l'intérieur.

A

l'encontre d'une opinion trop répandue, le commerce des États-Unis n'est pas actuellement très florissant à l'extérieur. Il résulte en effet des dernières statistiques

publiées par l'Administration fédérale que, en Asie, les importations américaines ne représentent pas 4,66 pour ioo des importations totales; que l'Amérique du Sud achète, en un an, du Vieux Monde, autant qu'à l'Amérique du Nord en huit ans. Les chiffres publiés par le Gouvernement de Washington prouvent que les îles du Pacifique, considérées pourtant, aux États-Unis, comme la grande route promise à leur destinée commerciale, achètent, en Europe ou dans ses dépendances coloniales, la plus grande partie de leurs produits manufacturés; l'exportation américaine, dans toute l'Océanie, est inférieure en chiffre à l'importation des seules Philippines. « Non seulement, dit M. H. Bolce, dans le numéro d'avril du Booklovers Ma~a~ine, nos publicistes et nos hommes d'État ont gardé un silence patriotique (?) quant à la lamentable stagnation de notre chétive exportation de produits manufacturés, dans l'Amérique méridionale, en Océanie et en Asie, mais ils ont volontairement ignoré le fait que nos envois dans plusieurs de ces contrées vont diminuant. Le total de nos exportations dans les trois parties du monde susmentionnées, a représenté, en J 904, le chiffre ridiculement bas de moins de quinze cents, par mois et par tête. Pour tout résumer en trois mots, la situation en face de laquelle États-Unis est celle-ci la dimise trouvent placés les nution rapide et croissante dans l'exportation des produits agricoles, et l'impuissance prouvée où se

trouve l'exportation manufacturière, de compenser cette diminution ». Une contre-partie intéressante à cet état regrettable de choses est offerte aux Américains dans le développement rapide de leurs industries exploitées à l'étranger. Dans toute l'Europe se créent des fabriques

américaines, installées par des Américains avec des capitaux américains. Plusieurs sont déjà en pleine activité, et on estime à 50 millions de dollars les capitaux engagés dans ces diverses industries américanoeuropéennes. Surl'ancien continent, grâce aux salaires moins élevés du travail que dirigent des directeurs américains, il se produit actuellement des machines à coudre américaines, des chaudières américaines, des appareils électriques américains, des presses américaines et des machines américaines, pour ne parler que des produits les plus importants. Cette conquête de l'Europe, non pas au moyen de marchandises venues d'Amérique, mais par le génie industriel américain commandité par les dollars du Nouveau Monde, est un des incidents les plus remarquables dans « l'histoire du commerce » mais ajoute M. Bolce, « s'il y a là, à première vue, de quoi chatouiller agréablement notre orgueil national, il n'en résultera pas moins une diminution croissante de l'exportation d'Amérique en Europe. » En regard de ces données relatives au commerce extérieur des États-Unis, se dressent victorieusement les proportions gigantesques auxquelles atteint le commerce intérieur. Celui-ci s'élève, annuellement, au chiffre énorme de 22 milliards de dollars, soit i io milliards de francs, et ce chiffre est double de celui que représentent les exportations combinées de toutes les nations du monde entier. C'est une moyenne de plus de 6o millions de dollars par jour. Si l'on fait exception des huiles minérales, un seul jour d'affaires, aux États-Unis, se chiffre plus haut que deux années d'exportation dans toutes les républiques sud-américaines; plus haut qu'une année d'exportation manufacturière dans tout le Nouveau Monde situé au sud de Panama, et dans toutes les îles du Pacifique; plus haut enfin que dix-huit mois d'exportation dans toute l'Asie, tant continentale qu'insulaire, même en comprenant dans cette dernière catégorie les huiles minérales. Il semble que les États-Unis soient assez grands et encore assez neufs pour absorber la plus grande partie de leur activité commerciale.

Reconnaissance officieuse de l'Indépendance norvégienne. Le roi Oscar a pris son parti de la dissolution de l'Union scandinave. Il a autorisé le Riksdag suédois à entamer les pourparlers avec le Storthing norvégien

pour fixer les rapports futurs entre les deux nations. vraiment pénible, dit le roi Oscar, de cc Il m'est contribuer à la dissolution d'une union dans laquelle j'ai cru voir le bonheur des royaumes unis. Si pourtant je suis prêt à agir ainsi, c'est pour éviter un mal encore pire, et dans la conviction qu'une union sans accord mutuel ne causerait à la Suède aucun avantage réel. »

sl`


Aux Frontières de l'Est. DEPUIS quelques années, nos voisins de l'Est ont multiplié les casernes, les ouvrages fortifiés, les lignes ferrées à double et quadruple voie" les quais

voie de Bouzonvilleà Dillingen, destinée à être poussée vers Simmern et Coblentz, d'une autre de Lutzelbourg à Deux-Ponts par Bitche desservant le camp retranché de cette place, d'une ligne à simple voie de Wissembourg à Lauterbourg. et d'une de Saint Louis à Cernay frontières par Ferrette et Dannemarie, le long des suisse et française; doublement de la ligne d'Alzey à

Neustadt. L'état-major allemand considérait tous ces travaux comme répondant à de pressants besoins. Jusqu'en 1900, les défenses de Metz pouvaient être facilement tournées par une armée française concentrée entre Frouard et Verdun les neuf forts de cette place, formant un périmètre de 28 kilomètres à peine, n'auraient pas garanti la ville contre les coups des

pièces de 155 et 22o des deux équipages de siège employés par l'attaque, et n'auraient pu arrêter notre marche par les vallées de la Sarre et de la Nied sur la plaine du Rhin. Pour étendre la valeur offensive et défensive de Metz, le génie a donc entrepris en 1901 la construction des quatre forts Lothringen, Kaiserin, Kronprinz et Haeseler, portant à 45 kilomètres le périmètre défensif; et dès maintenant une armée française serait obligée, pour prononcer sa marche en avant, de faire tomber Metz, en réduisant les forts Lothringen, Kameke et Alvensleben, ou de remonter vers le nord elle se en longeant la frontière du Luxembourg, mais heurterait alors aux deux nouveaux forts établis sur le mont Gentring, près de Thionville. Pour parer au danger d'une force française traversant le Rhin au nord de Mayence, un camp retranché est installé à Bitche, et toute la chaîne des

LA

FRONTI~RE DE L'EST EN 1876.

de débarquement et de garage, à proximité de nos

frontières. L'Almanach du Drapeau a récemment publié sur ce sujet quelques renseignements, qui ne sont que trop d'actualité. En 1900, dit notre confrère, le général de Schlieffen, chef du grand état-major allemand, se rendait en Alsace et arrêtait un vaste plan, dont l'exécution commençait aussitôt construction de quatre forts autour de Metz, et deux autour de

Thionville; de casernes, redoutes, batteries et retranchements nouveaux à Molsheim et le long de la voie ferrée de Strasbourgà Saales, de fortifications à'Mulheim et Tullingen en face de Bâle transformation de Bitche en grand camp retranché création de champs de tir à Villé et à Ferrette; de quais de débarquement à Morhange, de nouveaux ponts sur la Moselle, d'un hôpital d'évacuation à Forbach, d'une ligne à simple voie de Metz à Château-Salins; doublement de la ligne ThionvilleFontoy-Aumetz établissementd'une ligne à double

LA

FRONTIÈRE DE L'EST EN 19°4.


Strasbourg à Saales par Molsheim et Schirmeck, est armée, sur 70 kilomètres de longueur plus de cinquante canons ont été hissés sur les hauteurs des baraquementsont été construits à Schirmeck et à Saales; des redoutes, des tranchées, des chemins couverts relient le fort Guillaume près de Mutzig à un nouveau fort élevé entre Molsheim et Avolsheim des quais de débarquementsont projetés à Barr, Dumbach, Virmatt. Enfin, pour couvrir la Haute-Alsace, des batteries ont été construites en avant de Mulhouse, et un camp d'exercice a été installé près de Ferrette. Il y a trois ans, on admettait que les dix lignes de concentration amèneraient sur la frontière française treize des corps destinés à opérer contre nous; les S" et i 8e corps, ayant leurs quartiers généraux à Coblentz et Francfort-sur-le-Mein, devaient gagner à pied leur destination; les 14", i5eet 161 corps, occupant l'AlsaceLorraine, avaient un rôle de couverture. Une nouvelle Vosges, de

ligne à deux voies, de Bouzonville à Dillingen, qui doit être ultérieurement prolongée jusqu'à Coblentz par Simmern, pourra amener le 8e corps vers Thionville, Fontoy, Aumetz-Longwy, et l'arrivée rapide du 18e corps sera assurée par la nouvelle ligne Lutzelbourg-Eichenbach et le dédoublement de la voie simple Alzey-Neustadt. Le nouveau camp retranché de Bitche défend la trouée de Sarrebrück, et tient la communication la plus importante des Vosges, à 3o kilomètres en arrière de la ligne de manœuvreMetz-Saverne, sur laquelle les Allemands comptent opérer leur cO!1centration. Les travaux entrepris semblent indiquer que nos voisins ont adopté un plan de campagne mi-défensif, mi-offensif. L'attaque de notre frontière s'opérerait par la trouée de la Meuse sept corps d'armée, débarqués entre Thionville et Remilly, et s'appuyant au Luxem-

et

Metz, pénétreraiententreConflansetLongwy, bourg tourneraient la forêt de Woèvre et les Hauts de Meuse, et viendraient nous offrir la bataille du côté de Montfaucon d'Argonne. En arrière, 4 ou 5 corps réunis à Bitche appuieraient les 2 ou 3 corps de couverture sur la trouée de la Moselle, et se porteraient sur nos derrières, si nous voulions prendre de flanc la principale armée d'invasion à sa traversée de la Meuse; le 4e corps (Magdebourg) protégerait contre nos incursions les Vosges méridionales et la Haute-Alsace.

L'axe de marche des armées allemandes, que l'on considérait, il y a quelques années, comme devant passer par Nancy, se trouve donc reporté au nord de Verdun.

La Mise en valeur du Haut Fleuve-Rouge. se compose de deux pays bien distintcs une plaine triangulaire, le Delta, de près de

Le Tonkin

t z o0o kilomètres carrés, formée par l'incessant travail

des alluvions du Fleuve-Rouge, sillo~rrrrêe de cours d'eau qui en entretiennent la fertilité et y facilitent les communications, habitée par une population de 6 à 7 millions d'âmes, qui s'y presse en groupes compacts; puis, faisant autour du Delta comme un demi-cercle, une zone montagneuse, couvrant une superficie de iooooo kilomètres carrés, en majeure partie inculte, où vivent de un million à quinze cent mille indigènes dont l'éparpillement donne parfois à cette région l'aspect d'une contrée inhabitée. Elle ne l'a pas toujours eu. 11 fut un temps, qui n'est pas encore très éloigné, où tout au long des fleuves de cette région et notamment dans la vallée du Haut Fleuve-Rouge et dans celles de ses affluents du Haut pays, régnaient la vie et l'activité. La piraterie en a chassé les populations paisibles qui l'habitaient et en a fait ce désert qui, pour les Annamites du Delta, est aujourd'hui « le pays de la mort ». Le Gouverneur général de l'IndoChine, à la suite d'un voyage effectué vers la fin de l'année dernière dans la contrée comprise entre YenBaï et Laokay, et qui lui avait permis d'en constater par lui-même les richesses naturelles, a pensé qu'il ne serait pas impossible de la remettre en valeur en faisant appel aux populations qui vivent à l'étroit dans le Delta. Les circonstances, remarque la Quin,~aine Coloniale, sont éminemment favorables à une tentative de cet ordre. Les travaux de construction du chemin de fer ont amené dans la vallée du Haut Fleuve-Rouge des effectifs considérables de travailleurs qui, eux aussi, ont pu se convaincre des ressources de cette région et de la fertilité de son sol, et dont un certain nombre seraient, sans doute, disposés à s'y fixer à demeure. C'est à cet élément que M. Beau a décidé de faire appel tout d'abord. Une circulaire adressée récemment, par le Résident supérieur du Tonkin, aux résidents-chefs des provinces du Delta, invite ces fonctionnaires à faire connaître à leurs administrés indigènes, et en particulier à ceux qui ont été ou qui sont encore employés sur les chantiers du chemin de fer, que des terres seront distribuées gratuitement à ceux d'entre eux qui consentiront à s'établir dans le pays, et à y défricher les terrains susceptibles d'être mis en culture. On ne saurait trop souhaiter que cette entreprise réussît. Si le Haut' Tonkin souffre d'une pénurie de population, le Delta subit les inconvénients de l'excès contraire, et est devenu trop étroit pour les habitants qui s'y pressent; son sol, malgré sa fertilité, n'arrive plus qu'à grand'peine à assurer leur subsistance. L'émigration apparaît pour eux comme une nécessité vitale. En encourageant leur exode vers la haute région, l'Administration rend donc au pays un double service elle dégage le Delta du trop-plein de population qui l'encombre, et elle améliore ainsilesconditions d'existence de ceux qui continueront à y vivre, plus au large et plus à l'aise. En même temps, elle prépare, pour les entreprises européennes que les richesses naturelles du Haut Feuve-Rouge ne peuvent manquer d'attirer et qui commencent déjà à s'y porter, la constitution de la main-d' œuvre qui leur est nécessaire pour la mise en œuvre de ces richesses. Le chemin de fer a ouvert cette région à la colonisation; mais, pour que celle-ci puisse y faire ceuvre utile, il faut qu'elle soit assurée d'y trouver des bras. Il y a donc, on le voit, un double et puissant intérêt à ce que les


populations indigènes du Delta répondent à l'appel

qui leur est adressé par l'Administration.

A

l'Assaut de l'Himalaya. Un nouveau Projet de M. Jacot-

Guillarmot. ON

se souvient de l'expédition à laquelle M. JacotGuillarmot prit part en 1902; l'objectif des huit hommes qui la tentèrent était alors le Chogori, dans le Kachmir, à l'extrémité occidentale de la chaîne de l'Himalaya. Cette expédition échoua, et son échec a été attribué avec toute apparence de raison à la trop grande distance entre le sommet à gravir et la base de ravitaillement. Les provisions n'arrivaient au dernier camp qu'au bout de douze jours de portage, et la base de ravitaillement se trouvait elle-même à une distance considérable de la dernière station du chemin de fer. Beaucoup de temps fut ainsi perdu, pendant lequel les forces des grimpeurs s'épuisaient sous l'influence de la raréfaction de l'air jointe à une alimentation insuffisamment réparatrice; dans sa partie occidentale, l'Himalaya est extrêmement ramifié, et les hauteurs principales s'y trouvent situées derrière de multiples remparts de

chaînes parallèles. La Ga~ette de Lausasane nous annonce qu'une

nouvelle ascension de l'Himalaya va être tentée par

l'intrépide voyageur.

La nouvelle expédition a voulu éviter les erreurs passées, et c'est pourquoi les efforts des ascensionnistes vont se diriger cette année vers l'extrémité orientale de l'Himalaya, où la chaîne est simple, et beaucoup

plus rapprochée du dernier point habité. Le plus haut sommet de l'Himalaya, qui est aussi le plus haut du globe terrestre, est le mont Gaourisankar-Everest. Il mesure 8 842 mètres. Le Chogori vient ensuite. Le troisième rang appartient à l'une ou l'autre de deux cimes dont une n'a pu être mesurée exactement, car elle se trouve dans le Tibet, et l'on sait que ce pays est fermé aux étrangers l'autre est le Kantchindjinga, qui dépasse 8500 mètres. C'est cette crête, située sur la frontière de l'Inde et du Népal, que se propose d'atteindre la nouvelle expédition. Il faut renoncer en effet pour longtemps à s'approcher du mont Everest, situé en plein Népal, pays fermé aux Européens. Le Kantchindjinga offre de nombreux avantages, et les chances de succès y paraissent assez grandes. Il est relativement bien connu, car une expédition, sous la conduite de M. Freshville, en a complètement fait le tour, et en a dressé la carte. Le pied de la montagne n'est qu'à dix jours de portage de Darjiling, le point terminus du chemin de fer. Les porteurs, au nombre de cinquante seulement il en avait fallu trois fois plus en 1902, seront recrutés en partie dans le Baltistan, où se trouvent de bons montagnards, et placés sous la conduite du « chikari » qui assista déjà l'expédition au Chogori. Le

régime des pluies étant différent dans cette région, il a été possible de fixer le départ beaucoup plus tard qu'en 1902. M. Crawley, chef de l'expédition, est en route pour Darjiling, où il fera les préparatifs surplace. M. Jacot-Guillarmot, chargé de la partie des préparatifs qui peut se faire en Europe, ne partira que dans trois semaines. L'expédition compte quitter Darjiling dans les premiers jours d'août, aussitôt après la saison des pluies, qui est en juillet. Au Kantchindjinga, les dernières habitations ne sont qu'à trois jours de portage du point choisi pour attaquer la montagne. Toutes les conditions les plus favorables paraissent donc réunies.

H.Ricbardot.

Sept semaines en Tunisie et en Algérie. in-18 vol. jésus, broché. Prix 1 50. Ancienne librairie Furne; Combet et Cie, éditeurs, 5, rue Palatine, Paris. Nous connaissons bien des récits de voyage en Tunisie et en Algérie il nous manquait encore un guide sûr, pratique et intéressant. Sept semaines en Tunisie et en Algérie, par H. Richardot, le volume que vient d'éditer la librairie Combet et Ce, comble cette lacune. Guidés par l'auteur, nous visitons les principales villes de la Tunisie et de l'Algérie orientale, Tunis, Sousse, Sfax, Kairouan, Constantine, Biskra, Alger; à mulet nous gagnons les merveilleuses oasis du Djérid, Toyeur, Neftah sur les bords du grand chott; dans les montagnes de l'Aurès, nous recevons l'hospitalité des cheiks arabes; grâce à nos vélos, nous visitons les environs de Tunis, les ruines romaines de Douggâ, de Timgad, les montagnes de la Kabylie. L'auteur n'est plus un jeune homme, il ne nous fatigue pas, mais il emploie bien tout son temps; il sait voir et sait nous faire voir. Ajoutez que dans une annexe il nous indique son itinéraire, le nom des hôtels où il est descendu, et même, par une innovation heureuse, le détail des frais journaliers. Chacun peut donc d'avance établir son budget de voyage, et ce n'est pas le moindre mérite de ce guide véritablementmodèle.

fr.

Tours et les châteaux de Touraine. vol. petit in-4° illustré de 1°7 gravures. Broché, 4 francs; relié,

Paul Vitry.

francs. (Envoi franco contre un mandat-poste à H. Laurens, éditeur, 6, rue de Tournon. Paris-Vle.) Paul Vitry a voulu, dans son ouvrage sur Tours et les châteaux de Touraine, ouvrage enrichi d'illustrations abondantes et en grande partie inédites, donner non seulement une description de la ville de Tours, mais un tableau de l'activité artistique de cette ville, aux différentes époques de son histoire. Il a insisté comme il convenait sur ce qu'il a appelé la grande époque tourangelle, c'est-à-dire sur les xve et XVIe siècles; il présente l'ensemble très brillant de l'art tourangeau de ce temps architecture, peinture, tapisserie, etc.; il s'est intéressé aussi aux manifestations locales des siècles suivants. Avec son allure historique et son information exacte, ce livre pourra être en même temps un guide très précieux et très sûr pour les nombreux voyageurs qu'attirent chaque année dans cette Touraine qui a vu naître Jean Fouquet et Michel Colombe, Rabelais, Descartes, Balzac et nombre d'autres célébrités, la beauté de son ciel, le charme de ses paysages et la réputation méritée de ses trésors artistiques. Un chapitre spécial contient des indications précises sur les principaux des célèbres châteaux groupés aux environs de Tours (Chenonceaux, Loches, Chinon, Langeais, Ussé, Amboise, Villandry, Azay-le-Rideau). Une table topographique très claire permet de se rendre compte, d'un coup d'œil, de toutes les curiosités que renferment la ville et ses environs, et que l'auteur a successivement étudiées au cours de son livre. 5

M M.


La Coupe Gordon Bennett pour 1905. retrouvé ses Grands jours; ils appartiennent non plus à la politique, mais à l'automobile. C'est là en effet que le 5 juillet se disputera entre les champions internationaux, la Coupe Gordon Bennett que détient la France depuis l'année dernière, grâce à Théry qui fut vainqueur dans la réunion internationale organisée en Allemagne. C'est là que le les cham16juin dernier s'est courue entre pions français l'épreuve éliminatoire terminée par une nouvelle victoire dudit Théry, qui se trouve ainsi qualifié avec MM. Caillois et Duray, arrivés second et troisième, pour représenter à l'épreuve définitive du 5 juillet l'industrie automobile française. L'AUVERGNEa

Le Circuit d'Auvergne.

LES VÉHICULES

Ils ont tous été établis en vue du

parcours extrêmement dur qu'ils ont à fournir. Il n'a plus suffi de mettre, comme jadis, un moteur très puissant avec un restant du mécanisme extra-léger. Le règlement qui oblige à ne pas dépasser le poids de ooo kilos a contraint les constructeurs à faire de véritables tours de force, car les fortes voitures de tourisme ont des châssis plus lourds que ceux de ces coursières. On a dû doser savamment le poids de chaque partie de la voiture, pour essayer de faire un tout harmonieux; les changements de vitesse, le différentiel et les freins ont été l'objet de soins particuliers. Très basses sur le sol, les voitures L'ITINÉRAIRE' sont plus courtes que l'an dernier (2ffi65 environ d'axe en axe). Les roues ont 120 11 touche de près aux localités suiClermont-Ferrand, à l'arrière et 90 à l'avant; elles sont Royat, Rochevantes fort, Laqueuille, Bourg-Lastic, Herment, presque toutes munies de suspensions Pontaumur et Pontgibaud. La Bourboule n'est pas non plus

très éloignée d'un des points intéressants du Circuit. C'est une piste de 137 kilom. 444 de tour, qu'il faut couvrir quatre fois, soit un parcours de 55o kilomètres. L'an dernier, on s'était élevé contre l'étroitesse de la route et les virages des circuits des Ardennes françaises et allemandes. Or ceux-ci étaient des pistes faciles, comparées au Circuit d'Auvergne. Au sujet de ce dernier, l'opinion est unanime, toutes les difficultés s'y trouvent réunies côtes terriblement dures (le 14 pour 100 n'est pas rare), virages nombreux, sol médiocre, routes très souvent étroites. La victoire, dans ces conditions, appartient bien au meilleur conducteur et à la meilleure voiture. Les accidents sontils plus à craindre? Peut-être que non dans un parcours dangereux les plus téméraires hésitent à se lancer à fond, et restent maîtres de leur machine. Le fait est que dans l'éliminatoire du 16 juin, les accidents furent insignifiants, et ce circuit en steeple-chase a été plus favorable aux concurrents que les routes longues et droites de la course Paris-Madrid, de sinistre mémoire. Ajoutons que depuis trois mois, des représentants de l'Automobile Club de France séjournentsur le circuit, pour tâcher de l'améliorer et de pallier à ses inconvénients. Des parapets ont été dressés, des virages relevés, des passerelles construites, Je sol de la route remis en état autant que possible, et recouvert d'un produit qui empêchera la poussière, etc. i. La Librairie Hachette a publié sous

une couverture élégante et pratique un plan très détaillé du « Circuit d'Auvergne

autres ont la transmission Cardan et un train baladeur. Ajoutons que les Richard-Brasier ont pour le refroidissement conservé seules le thermo-siphon. LA VITESSE

Sur un parcours aussi difficile, il ne faut pas s'attendre à des vitesses fantastiques. Le vainqueur de l'éliminatoire a couvert les 550 kilomètres du circuit en 7 h, 34' 49" j le deuxième et le troisième, qui se suivaient de près, en 7h.43' Il'' et ce qui fait une moyenne 7 h, 44'47" approximative de 73 kilomètres à l'heure. Le vainqueur avait l'an dernier atteint des vitesses plus considérables, ayant fait le circuit des Ardennes à une vitesse moyenne de 99 kilom. 16 à l'heure, et celui du Taunus avec une moyenne de 96. Heureusement l'on commence à comprendre que si la vitesse est un élément intéressant de l'automobilisme, elle ne doit pas tout dominer, et que l'adresse à se tirer des difficultés pour le conducteur, la résistance à toutes les fatigues de la route pour la voiture, sont des éléments à ne pas négliger; au. contraire. C'est à ce résultat que l'on s'efforce d'arriver, comme on a été amené à le faire pour les canots auto-

CARTE DU CIRCUIT D'AUVERGNE.

spéciales et d'un mécanisme ingénieux. Les châssis sont toujours en tôle emboutie.

mobiles. Quoi qu'en pensent certains esprits chagrins, ces efforts, cette activité, ce labeur ne sont pas inutiles, ne suffiraient-ils qu'à prouver que l'esprit d'initiative et la bravoure sont toujours des qualités françaises. Les conducteurs et mécaniciens sont partis souriants, le matin, au-devantd'un danger qu'ils connaissaient bien. Pas une seconde d'hésitation devant un péril

qu'ils envisageaient froidement; ils ont tous fait preuve d'une habileté prodigieuse, vaux environ les plus puissants, 125 che- d'un sang-froid étonnant. Cette course à travers les montagnes était semée d'emvaux. Toutes les soupapes sont comman- bûches de toute nature tous, ou presque, dées. L'allumage est double il y a une en sont sortis sains et saufs. On avait La puissance des moteurs est très variable. Les moins puissants ont 8o che-

magnéto et, en cas de panne, des accumulateurs ou des piles. Le refroidissement s'opère, pour presque toutes les voitures, par pompes centrifuges. Les radiateurs sont à nids

d'abeilles.

freins sont extrêmement puisles voitures à chaîne en ont jusqu'à

Les

sants

cinq!

,Quant à la carrosserie, inutile d'en

elle est insignifiante dans l'établissement d'une voiture de course. Remarquons que les voitures Richard-Brasier et Dietrich, qui représenteront les couleurs françaises, sont parmi les rares voitures qui ont conservé la transmission par chaînes, alors que les parler

prévu des catastrophes sans nombre, il ne s'est produit que des accidents sans importance. Nous souhaitons à la grande épreuve, le même succès qu'à l'élimina-

toire. Notre carte indique le circuit couvert ou à couvrir par les automobiles; elle indique en même temps les localités où il sera le plus facile de se loger sans s'éloigner de la piste. La Compagnie d'Orléans a organisé le transport de façon à donner toute satisfaction au public.

-79~T


Les Monuments des Incas dans la Province de Canar (Équateur) qui forment aujourd'hui l'État de l'Ecuador (Equateur) appartenaient, avant la conquête espagnole, d'abord au~eu~le Quiebua, puis aux Incas (grands chefs) du Pérou, qui en firent la conquête cinquante ans environ avant l'arrivée des Castillans. C'est à cette période d'occupation des Incas qu'il faut rapporter les monuments étudiés ci-dessous. Canar et le massif d'A~uay auxquels on accède par la voie ferrée de Machala (sur le Pacifique) à Cuença sont situés au sud Les territoires

de

la République de l'Ecuador.

C ANAR est une petite ville située à 3 176 mètres d'altitude, en pleine région inter-andine, près du « noeud l'Azuay. A l'Équateuron appelle cc nudos » ou noeuds les massifs montagneux qui relient les deux

de

Cordillères; celui de l'Azuay est à la fois le plus élevé et le plus sauvage. Entre tout ce que les environs

parfois prodigieuse; il est à craindre que ses ancêtres ne furent souvent pas plus véridiques. 11 paraît pourtant probable que les Péruviens adoraient le soleil et la lune comme principaux dieux, les étoiles comme divinités secondaires. Tous les Indiens attribuaient

l'existencedu Chimborazo à un caprice du soleil; et, voyant ce chef-d'œuvre, la

peuvent offrir de

curieux, s'offrent particulièrementles monuments incasiques.

lune jalouse aurait créé le Tungunigua. Les Péruviens

Nombreuses

neconnaissaient

sont les traces du séjourque les Incas

que l'or et le cuivre,

du Péroufirent dans la région après avoir vaincu et soumis les {ndiens Canaris. La

généralementpar le

ils les travaillaient

martelage, quoiqu'on trouve quel-

ques objets fondus. conquête de la réLeur nourri;gion de l'Azuay fut ture enfin était plus faite par l'Inca Tuou moins celle des pac-Yupanqui en Indiens de nos personne. Les misjours des pommes sionnaires espade terre, du maïs, ,gnols relatent londe la quinox, petiLE MONUMENI' INCASIQUE D'INGA-PIACA. guement et minutes graines amères D'après photographie de l'auteur. une tieusement tous les ressemblantau milrécits que les Indiens nouveaux convertis leur firent sur let, et enfin comme mets de luxe des cobayes rôtis. la période pré-espagnole; nous leur devons des pages Les Indiens racontèrent aux Espagnols que pleines d'intérêt. et que n'eussent jamais écrites les Huayna-Capac, fils et successeur de Tupac-Yupanqui, « conquistadores », plus occupés d'or que d'histoire. Il organisa le gouvernement, bâtit des monuments, leur fut malheureusement impossible de vérifier ce établit des « tamboo », greniers où les collecteurs qu'on leur racontait, et l'expérience m'a prouvé que réunissaient les impôts. Il fut le premier Inca qui crut devant un étranger curieux et quelques grains de au monothéisme, et choisit le soleil pour unique dieu. verre coloré l'imagination de l'Indien moderne devient Le « Grand Inca)) s'avança jusqu'à Quito et A TRAVERS LE MONDE.

2~e LIV.

N° 27.

8

Juillet ~go5.


épousa la fille du chef Scyri qu'il avait vaincu; de ce mariage naquit le malheureux Atahualpa qui devait périr plus tard brûlé par ordre de Pizarre; mais quand Huayna-Capac, jusqu'alors vainqueur, voulut pénétrer dans les forêts du bassin de l'Amazone, il essuya une sanglante défaite en combattant la tribu sauvage des Ivaros, et se replia au plus vite sur Quito. Dans tous ces récits il est bien difficile de démêler où s'arrête l'histoire, et où commence la légende. Mr. Bandelier, attaché au « Museum of Natural History de New York, a publié dans le Harper s' Maga,~ine, The de mars dernier, une étude très intéressante Trutb about Inca Civili~ation, dans laquelle le savant auteur attaque l'idée d'une civilisation avancée, et même l'existence des Incas en tant que famille royale. Mr. Bandelier a consacré onze ans au Pérou et en Bolivie à l'étude des races indiennes et il se base pour démolir beaucoup de légendes sur l'état de choses que les Espagnols trouvèrent et qui souvent était en contradiction avec les récits merveilleux qu'on leur faisait. Savants et archéologues ont là une mine riche et inépuisable, mais s fermée aux profanes. Néanmoins ceux-ci, dont j'avoue faire partie,

peuvent

trouver

beaucoup d'intérêt dans l'étude de trois monuments relativement assez bien conservés pour ne

tures à la file indienne trottant chaque fois que les pentes n'étaient pas trop abruptes. Cette chevauchée présentait un coup d'œil fort pittoresque, car mes compagnons étaient revêtus de l'élégant costume national chapeaux panamas à larges bords, ponchos clairs rayés d'éclatantes couleurs drapés avec grâce sur leurs épaules et flottant par derrière, « calzon de montar » qui sont d'amples pantalons de coutil blanc, recouvrant presque entièrement le pied, et que retroussaientcavalièrement les molettes d'énormes éperons en cuivre doré. Ces pantalons ressemblent beaucoup à ceux que portent les montagnards des Alpes bavaroises.

Nous voyageâmes pendant deux heures au milieu

d'un de ces décors d'une beauté grandiose et mélancolique, que revêtent fréquemmentles sommets andins. A ces hauteurs (c'est la pampa appelée ici « paramo »), la végétation se raréfie quelques valérianes, de maigres saxifrages et partout la stipa-ichu, graminée sauvage dont le bétail fait sa nourriture. Il y a pourtant à l'Équateur une exception dans la désolation

générale des hautes

altitudes

jus-

qu'aux neiges perpétuelles on trouve le petit «( quinde »

ou colibri des An-

des, volant çà et là,

plongeantson long bec dans le calice

des rares fleurs, et étincelant comme une émeraude au moindre rayon de soleil. pas exiger d'érudiEnfin nous tion spéciale. Ce aperçûmes Ingasont Inga-Pirca et Pirca couronnant LA PLACE DE LA FONTAINE, A CANAR. Inga-Chungana, à deux heures de un mamelon. Après D'après une photogrcphie de l'auteur. avoir gravi quelmarche dans l'est de Canar, et Hana-Huari, à 4 ou 5 kilomètres au nord. ques minutes encore une montée si resserrée entre deux parois de roche que nos bêtes avaient peine à y Les religieuses françaises qui m'avaient ouvert les portes de leur collège de jeunes filles avec l'affabilité passer, nous mîmes pied à terre près d'une « choza » Alabado d'Indiens qui nous saluèrent d'un religieux et la franche cordialité qui les caractérisent, me mirent « Asi sea », répondîmes-nous; et en rapport avec l'un des rares Équatoriens s'intéressant sea Jesu-Cristo ». confiant à ces braves gens montures, ponchos et proaux questions historiques et géographiques de leur visions, nous nous rendîmes au pied du monument. pays, M. Dario Espinosa, un des plus grands amis dd Il est de forme ovale; le mur, haut de 5 à progrès que Canar puisse compter parmi ses préfets ou chefs politiques. 6 mètres, en a 2 d'épais,seur, et ne porte plus aucune Les Équatoriens sont extrêmement aimables et trace d'un toit qui lui soit contemporain; point de complaisants pour l'étranger qui traverse leur pays, fenêtres pour seule ouverture la porte près de laquelle moyennant toutefois que celui-ci ne soit pas proteson voit des niches assez grandes pour petmettre à un homme de s'y tenir debout, et une tigè en pierre tant, car dans ce cas il n'est plus que « el heretico, arrondie et parfaitement polie sortant de la muraille el gringo » auquel personne ne consent à parler. Don Dario Espinosa s'offrit donc immédiatement à me sur une longueur de 40 à 5o centimètres. Le grand conduire lui-même à Inga-Pirca. Dès le lendemain il axe de l'ovale peut avoir de 3 5 à 40 mètres, et la porte arrivait à cheval, accompagné d'un « page », ou est située à son extrémité ouest. La muraille est formée de blocs de pierre de la domestique, tenant en main une superbe mule qu'il mettait à ma disposition. taille que les Italiens appellent bugnato ces blocs, Notre excursion se fit, comme tous les voyages plus longs que hauts, ont la face extérieure convexe; à l'Équateur, par des sentiers de chamois, nos monchacun d'eux mesure environ 6o centimètres sur 40 et


ils sont si exactement joints les uns aux autres qu'il

serait impossible de glisser même une épingle entre leurs rainures. Les vieux historiens espagnols attribuent la construction d'Inga-Pirca à l'Inca Huayna-Capac. Ils racontent que Huayna.Capac se trouvait dans la ville dont le mamelon conserve encore les fondations, lorsqu'on vint lui annoncer qu'on avait aperçu sur la côte des hommes à peau blanche, ayant le visage couvert de cheveux. Le malheureux Inca fut si bouleversé par cette nouvelle, qu'il s'enfuit à Quito où, il mourut. On racontait encore dans le pays, lorsque les Espagnols y arrivèrent, que Huana-Capac avait fait venir de Cuzco, la ville sainte; toutes les pierres d'Inga-Pirca. Cette légende est difficile à admettre, pour qui se rend compte de l'énormité du travail, surtout si l'on songe qu'à cette époque les tamas étaient les seules bêtes de somme que possédassent les Péruviens. Ces ruines, pourtant si curieuses, tendent à disparaître de plus en les Indiens plus ont la funeste habitude de découronner Inga-Pirca d'un rang de pierres chaque fois qu'ils

honneurs d'u.n lunch essentiellement équatorien du « carnicho », fromage blanc pilé avec du sel et du piment, des pommes de terre bouillies, de petits

gâteaux carrés frits dans de la graisse, et enfin des oeufs à la coque. Comme je manquais de cuillère pour déguster ce dernier mets, une bonne Indienne demeurant près d'Inga-Pirca, m'en offrit aimablement une, qu'elle essuya préalablement avec grand soin dans les langes de son bébé! Je dus en prendre mon parti en brave. A 3 200 mètres au-dessus du niveau de la mer on ne saurait exiger d'être servi comme dans un hôtel de marque. Notre retour s'effectua sans encombre. Le soleil perçant les nuages enveloppait les crêtes imposantes des deux Cordillères; nos montures allaient au « paso llano », c'est-à-dire trottaient l'amble, allure très agréable pour le cavalier, qui, ne sentant presque aucune réaction, peut sans fatigue rester dix ou douze heures en selle, quand les chemins sont passables. Le mois de novembre à Canar est le mois de a las almas ». Ne

veulent construire une « choza », et les autorités locales ne font malheureu-

l'honneur des dé-

funts, je remis à un peu plus tard ma visite à Hana-Huari, qu'on appelle aussi le Colluctor,

curieux rocher

sement rien pour les arrêter dans leur

creusé et

sculpté

par un peuple primitif qui n'avait à sa disposition que des outils de silex et de cuivre. Ce fut seulement en décembre que je fis deman-

ceuvre de destruc-

tion.

Ce fut par un

sentier semé de débris abandonnés par les Indiens que don Dario Espinosa me

conduisit à pied à

Inga-Chungana,

voulant perdre aucune des fêtes indiennes qui se font à cette époque en

LE MONUMENT INCASIQUE DE HANA HUARI.

der à la famille

Carrasco la perappelé par les EspaD'après une photographie de l'auteur. mission de pénétrer gnols « El luego del dans son hacienda de la Condesa pour visiter HanaInca ». C'est une espèce de baignoire de 2 mètres de Huari qui s'y trouve enclavé, ainsi qu'un guide indien long sur i de large, creusée dans un rocher qui surplombe la vallée du rio Gulan. Les bords en sont sculppour me conduire. Comme j'attendais la réponse, je vis arriver le tés avec soin, et couverts d'arabesques; à une des extrémités on a taillé un siège, et sur le côté la roche Dr don Miguel, fils aîné de la famille, escorté d'un Indien tenant en main un magnifique cheval qui est coupée soit pour permettre d'entrer de plain-pied portait une selle de femme, en velours bleu, à mon dans la piscin~e, soit pour laisser l'eau s'écouler. intention. Don Miguel m'expfiqua fort gracieusement Dans son genre cette œuvre est aussi curieuse qu'Inga-Pirca. qu'il avait tenu à être lui-même mon guide. Nous partîmes immédiatement,et trois quarts d'heure après Quelle pouvait être la destination de ces deux étranges travaux d'architecture? Les anciens chroninous mettions pied à terre à la Condesa, dont les propriétaires me reçurent avec une grande cordiaqueurs de l'Amérique espagnole et après eux La Condamine et le baron de Humbolt ont émis des lité et une politesse exquise. C'est d'ailleurs une opinions différentes. Ils ont appelé Inga-Pirca le famille de vieille souche espagnole, qui, avant l'abotemple du Soleil, le château de Huayna-Capac, sa lition des titres à l'Équateur, portait celui de comte, forteresse, etc. Inga-Chungana d'après eux aurait été d'où le nom de Condesa donné à leur immense hacienda. Nous causâmes quelques minutes, puis nous un jeu de boules, un poste pour la sentinelle chargée repartîmes à cheval pour Hana-Huari. de surveiller l'Azuay, une baignoire. Tout cela est possible, mais rien de tout cela n'est sûr; aussi est-il Le Colluctor est un immense bloc de diorite, plus simple de confesser notre ignorance sur ce point. mesurant environ 30 mètres de long, sur 2o de large Avant de repartir, don Dario Espinosa me fit les et Iode haut. Il se termine par une surface plane sur


laquelle une famille d'Indiens s'est bâti une hutte il y a quelques années; on y accède par deux escaliers creusés dans le roc; les rampes et la face verticale des marches sont couvertes d'arabesques; le long de ces

escaliers, des bancs sont disposés deux par deux. La façade du monument est assurément la partie la plus curieuse. A i mètre environ de la base, deux grands bassins ont été, de même que les marches, taillés dans la pierre un peu plus haut, encore deux vasques semblables; puis enfin une série de gradins atteignant le sommet; le tout curieusement décoré d'arabesques, En contemplantce travail si long et si minutieux, la même question que pour Inga-Pirca vous vient aux lèvres. A quel usage les adorateurs du soleil le destinaient-ils ? Mgr Suarez, le savant évêque d'Ibarra, propose deux hypothèses Hana-Huari était un autel sur lequel s'accomplissaient les sacrifices, ou bien tout simple-

ment un appareil primitif devant servir au lavage des sables aurifères abondants dans tous les rios de la

région. Dans les environs de Canar, comme autres vestiges de la domination incasique, on découvre de temps en temps des tombeaux renfermant des choses fort curieuses urnes, boucles d'oreilles d'or et de cuivre, sifflets en terre cuite, 11 y a quelques années, on trouva dans un sarcophage quatre grandes flûtes en or massif,qui payèrentmalheureusementleur valeur de leur destruction, car elles furent vendues au poids et fondues, par un acte de vandalisme inqualifiable. La « Quebrada del Sol », très rapprochée à vol d'oiseau, mais assez éloignée à cheval d'Inga-Pirca, est également célèbre dans l'histoire de la conquête de l'Équateur par les Incas. Lorsque Tupac-Yupanqui, père de Huayna-Capac, franchit l'Azuay; les prêtres

etc.

péruviens sculptèrent secrètement dans la pierre l'image du soleil, et firent croire aux Indiens que ce signe avait été miraculeusementtracé pour prophétiser

l'inévitable succès des Incas.

Le baron de Humbolt, qui descendit jusqu'au fond de la quebrada, dit y avoir vu un banc grossier taillé dans la pierre, dont il fait la description et qui se trouvait, paraît-il, au-dessous de l'image du soleil. Toutes les personnes que j'ai interrogées à ce sujet à Canar m'ont affirmé qu'il ne restait plus aucune trace, ni du siège ni de l'image soi-disant miraculeuse; soit que les Indiens les aient détruits, soit que le temps, ce grand niveleur de toutes choses, les ait peu à peu sapés et désagrégés. Quoi qu'il en soit, étant certaine qu'il n'y avait plus rien de particulièrement curieux à examiner à la Quebrada, je renonçai à m'y rendre, d'autant plus que le sentier qui y conduit offre de réels dangers à cheval, et que le mal des montagnes, à ces hautes altitudes, rend la marche extrêmement pénible, pour ne pas

dire impossible. Je me contentai donc des monuments que je viens de décrire plus haut, et qui, tout en me donnant

uneidéesuffisantedefarchitectureincasique,m'avaient

inspiré cette réflexion philosophique, à savoir que l'homme, à n'importe quelle époque et sous n'importe quelle latitude, est toujours le même mélange de

grandeur, de vanité et de néant, puisque les souvenirs tangibles qu'il laisse de son passage sur la terre, sont des temples, des palais et des sépulcres.

GENEVIÈVE DE MÉHÉRENC DE SAINT-PIERRE.

Les Iles Aléoutiennes

et l'Impérialisme américain. UN des navires de gu.erre chargés de la police des îles Aléoutiennes par le Gouvernementde Washington, a profité de sa croisière du printemps de 1904, autour des phoques et des autres animaux protégés de la mer de Behring, pour faire une véritable exploration de la longue chaîne d'ilots, îles, écueils et rochers, éparpillée de l'Alaska au Kamtchatka. La géographie économique seule préoccupait le commandant de ce bateau, un cutter, le Manning. Il a trouvé d'immenses bancs de saumons dans les rivières de l'île Attou. A Bouldi, par g2° 30' latitude nord, il a relevé un nouveau gite de phoques à toison. Or, malgré les lois internationales qui réglementent l'abatage annuel de ces animaux, la chasse pratiquée sur les plages du groupe Pribiloff a produit plus de cinquante millions de dollars. Le Manning a découvert un port naturel dans l'île Unimak, une baie, large de douze cents mètres, et longue de six kilomètres. Les observations sur la température de l'air et de la mer ont mis hors de doute que l'afflux des eaux du Kouro Siwo crée, dans les Aléoutiennes, un milieu climatique plus agréable que celui de la côte atlantique au nord du cap Hatteras. Il n'en a pas fallu davantage pour mettre en mouvement les actives populations de l'Orégon, de Washington et de la Colombie britannique. Elles ont formé une Compagnie pour coloniser tout l'archipel aléoutien. On a jeté les fondations d'une ville, Jarvis, dans Lost Harbor. On lui prépare des quais, des entrepôts. Sur divers îlots, on étudie l'emplacement de factoreries. Sur Akoun, une ferme est en voie d'établissement. On estime que cinquante mille têtes de bétail pourraient trouver à paître toute l'année sur ses pelouses. Des essais de cultures ont été également faits et ont donné des résultats satisfaisants. Des gisements de cuivre, d'or, de pétrole et de houille ont été relevés, et un très grand nombre de rapides, torrents et chutes d'eau, assurent un vaste approvisionnementde force motrice gratuite. Quelquesunes des lignes de navigation qui relient la Sibérie et r Alaska à r Amérique, passent non loin des meilleurs emplacements naturels des Aléoutiennes. Tout serait donc réuni dans cet archipel, où les statisticiens-géographes croyaient probablement n'avoir jamais à enregistrer que des phoques, des baleines et des pingouins, pour en faire une position avancée des États-Unis, vers le Japon et la Sibérie. VILLE-FARD. DE LAGUÉRIE.


Les travauxet études en cours ont été continués conformément aux voeux émis par la Conférence Consultative, et aux décisions prises par les Pouvoirs

publics.

Le Progrès des Chemins de fer

tunisiens.

Parlement a voté,

en avril 1902, une loi autorisant la Tunisie à compléter son réseau de chemins de fer; depuis cette époque, les travaux ont marché avec activité la Direction des Travaux publics a exposé dans sa dernière séance, à la Conférence Consultative,

l'état d'avancement du pro-

gramme général. Rappelons que ce programme comprenait 10 Les lignes dotées sur les fonds de l'emprunt de 40 millions, autorisé par la loi du 3o avril 1902, savoir a) la ligne du Pont-

du-Fahs à Kalaat-es-Senam avec embranchementsur El Kef;

b) la

ligne de Kai-

rouan à Henchir-Souatir (Aïn-Moularès); c) la ligne de Bizerte aux Nefzas;

le

raccordement de Sfaxau réseau de Sousse. 20 Deux embranchements ou prolongementsdes lignes existantes, savoir d)

La ligne du Pont-du-Fahs à Kalaat-es-Senam a été poussée avec activité; elle est en exploitation jusqu'à Gaffour. La pose de voie est actuellementterminée jusqu'àEiKef, etl'embranchementcorrespondantpourra être ouvert prochainement à l'exploitation. Quant à la ligne principale et à l'embranchementde Kalaat-Djerda, ils seront livrés au commencement d'octobre. Sur le prolongement Moknine-Mehdia, qui est

entièrement exécuté par l'Administration, sauf la pose de voie et les bâtiments, l'activité n'a pas été moindre; on peut compter que la ligne sera ouverte à l'exploitation pour l'été 1906. L'opération corrélative et même préliminaire

de la constructionde laligne Moknine-Mehdia, c'est la transformationde la section antérieurepartant de Sousse

de manière à substituer une voie plus résistante, en rails de 25 kilos et traverses métalliques, à la voie de 2o kilos et traverses en bois qui existe actuellement. Les

travaux ont été entrepris dans le courant du prin-

temps, et seront terminés vraisemblablementpour le 1er mai 1906. Rien n'empê-

chera par suite de pousser avec toute la diligence nécessaire, la pose de voie sur la première section de la a) le prolongement ligne de Kairouan à Henjusqu'à Mehdia de la ligne chir-Souatir, près d'A'inSousse-Moknine Moularès. Les mesures qui b) leprolongementde ont été prises par le Gouverl'embranchement Smindjanement tunisien pour la Zaghouan. construction de cette voie 30 La ligne de MetLigne explaitée..ao.Ligne en constructibn. ferrée, permettent de consilaoui-Tozeur,classéeen prinPro/ét adopté, dérer comme réglée la quescipe en mai 1899 aux condition du chemin de fer du tions d'un avenant dont les CARTE DES CHEMINS DE FER TUNISIENS. centre. grandes lignes ont été expoLe moment est donc venu de passer aux autres sées à la Conférence, et ont reçu son approbation. voies qui sont destinées à desservir la région de Bizerte. 4° Deux lignes ayant pour but de desservir des Ces voies sont au nombre de deux gisements de phosphates, et permettant de vivifier la première ligne, la ligne de Kalaat-es-Senam, et la 10 La ligne de Bizerte aux Nefzas; 2° La ligne de Béja à Mateur. seconde, la ligne de Kairouan, savoir La première est prévue dans le programme des a) l'embranchementde Kalaat-Djerda; chemins de fer dont la construction a été autorisée b) le prolongement sur Henchir-Souatir, près d'Aïn-Moularès, de la première partie de la ligne par la loi du 3o avril 1902. Le tracé de cette ligne avec prolongement évenSousse-Kairouan. tuel sur Tabarka a été étudié par la Direction des 5° La transformationen chemin de fer électrique, Travaux publics, et le projet a été communiqué à suivant un nouveau tracé, du réseau Tunis-Goulettel'Autorité militaire. Les études définitives et les travaux Marsa. Il y a lieu d'ajouter à cette nomenclature la ne pourront être entrepris que lorsque le Ministre de la Guerre aura formulé son avis sur l'exécution de ce ligne stratégique Béja à Mateur, qui a été prévue à la chemin de fer qui intéresse la défense de Bizerte. convention du 17 mars 1902 approuvée par la loi du Il sera possible à ce moment de donner une 6 avril 1902.


réponse définitive à divers demandeurs qui ont sollicité la concession de lignes à voie large ou à voie étroite, se rapprochant plus ou moins du tracé visé à la loi du 3o avril 1902. Quant à la ligne de Béja à Mateur, elle a été prévue par la convention du 17 mars 1902 qui a mis à la charge du Gouvernementtunisien la garantie de la ligne de Medjerda. Le Gouvernement tunisien s'est engagé à construire cette ligne et à en assurer l'exploitation dès que le Gouvernementfrançais lui en fera la demande. Un avant-projet du tracé a été étudié en 1900 par une mission militaire. L'Administration se propose d'exposer au Gouvernement métropolitain, au cours des conférences engagées pour la ligne Bizerte-NefzasTabarka, que le moment semble venu d'entreprendre la ligne Béja-Mateur; elle sollicitera en conséquence le versement de la subvention correspondante. Un avis favorable à cette prétention a d'ailleurs été émis par le rapporteur du budget de la Tunisie, à la Chambre des Députés. En ce qui concerne le chemin de fer électrique Tunis-Goulette-Marsa, la combinaison exposée à la dernière session de la Conférence subsiste dans ses grandes lignes; mais elle a reçu, sur l'initiative personnelle de M. le Résident général, une amélioration très importante qui est de nature à faire disparaître les seules objections que le projet avait soulevées. Cette amélioration consiste dans le maintien de la ligne directe Tunis-Marsa dont la suppression avait été tout d'abord envisagée par raison d'économie. Cette ligne est conservée avec son emplacementactuel, mais elle reçoit le même matériel électrique que le reste du réseau. Les habitants riverains des deux voies reçoivent ainsi toute satisfaction. Les derniers accords nécessaires pour la mise à exécution des travaux seront prochainement réalisés.

Le nouveau Vaisseau du Commandant Peary pour son Ex-

pédition arctique.

Ls vapeur qui a été construit tout exprès par le Com-

mandant Peary, qui projette une nouvelle expédition arctique, fut lancé à l'eau le 23 mars dernier. L'explorateur lui a donné le nom de Roosevelt, pour marquer sa gratitude à l'égard du Président des ÉtatsUnis, qui a montré le plus grand et le plus sympathique intérêt à son entreprise. Le navire est un schooner-trois-mâts, avec gréement à voiles comme moteur auxiliaire à la vapeur. Les

principales dimensions en sont longueur totale 182 pieds; travers (beam) 35,5 pieds; profondeur 16,3 pieds; tonnage brut 614 tonneaux; le déplacement est évalué à i 500. Le vaisseau est construit sur le modèle des modernes baleiniers à vapeur, mais la forme en est plus élancée, grâce à la longueur et à la hauteur inusitées de l'avant, et à la poupe en sur-

plomb. D'ailleurs, la carène est taillée en forme de cône, afin de pouvoir se dégager plus facilement de l'étreinte des glaces. Le navire a une charpente en chêne blanc les couples sont triples et fortement serrées entre elles, avec double planchéiage, de sorte que les parois ont de 24 à 3o pouces d'épaisseur. La quille est large de 16 pouces; les fausses quilles et les carlingues forment une épine dorsale saillante de 6 pieds sous toute la carène. L'avant du navire est doublé d'un billot (dead wood, bois mort) de 12 pieds. Les chaudières ont une force de 1 ooo à 1 500 chevaux-vapeur. Le total des dépenses, quand le navire sera en état de naviguer, est évalué à cent mille livres sterling. C'est le Peary Arctic Club de New York, qui a assumé la responsabilité financière de l'entreprise.

Les Progrès de la Norvège au Xlxe Siècle. L'ÉMANCIPATION politique de la Norvège a été précédée au xixe siècle d'une série de progrès accomplis dans toutes les branches de la civilisation en quantité comme en qualité, la nation norvégiennen'a pas cessé de prospérer.

La population s'est rapidement accrue. En 1801, la Norvège ne comptait que 883 000 habitants en 1900, elle en avait 2 millions 110000. Christiania ne possédait, au commencement du dernier siècle, que 12 000 âmes; elle en a, aujourd'hui, 222000. Devant une hygiène intensive, la santé publique s'est améliorée. Il y avait, en Norvège, une terrible maladie la lèpre, qui faisait d'affreux ravages. On l'a combattue énergiquement par des lois et par la création d'hôpitaux spéciaux dans les environs de Bergen, de Molde, de Trondhjem. Les lépreux sont soignés

gratuitement, et leur isolement a donné les résultats

les plus appréciables. Depuis 1885, une loi donne le droit de surveiller les lépreux qui ne sont pas traités dans les asiles, et de les forcer à une séparation relative, dans les maisons qu'ils habitent avec des individus sains. Le Dr Armaüer Nansen, inspecteur des léproseries, a calculé que si les diminutions constatées persistaient, ce fléau aurait disparu dans une quaran-

taine d'années. La lutte contre la tuberculose n'est pas entreprise avec moins de vigueur. L'assistance médicale est d'ailleurs organisée d'une façon supérieure. L'alcoolisme a été sévèrement enrayé par une série de mesures ingénieuses et qui n'avaient pas un caractère vexatoire, puisqu'elles étaient proposées par une sorte de référendum. Aujourd'hui, dans les villes, il n'y a plus qu'un débit de boissons par q o0o habitants. Pour l'ensemble du pays, il y a seulement un débit par 16000 habitants. Des associations privées ont aidé à l'action des lois. La criminalité a diminué, de ce fait, ainsi que la folie. L'état de la moralité publique est bon, puisque les dernières statistiques


établissent qu'il n'y a, aux assises, que 151 condamnations de tout ordre pour ioo 00o personnes. Dans la dernière période quinquennale,il y a eu 38 assassinats, suivis de mort, sur 58 dans la période précédente. Dans un autre ordre d'idées, l'instruction primaire

est obligatoire en Norvège depuis près de cinquante ans. Dans les campagnes peu peuplées, l'institution de « l'école ambulante », se transportant de hameau en hameau, peut être signalée comme une particularité intéressante. Il faut noter encore la fondation, relativement récente, « d'écoles populaires supérieures)) qui, quelle que soit la profession choisie par les jeunes gens, complètent leur éducation, en leur donnant des notions générales, les préparant, en quelque sorte, à

leur rôle de citoyen. L'instruction est obligatoire même pour les Lapons nomades, sujets norvégiens; et c'est l'été, au moment où les familles se réunissent, gagnant les

côtes et formant de passagères agglomérations, qu'elle leur est donnée. Les Norvégiens, depuis un siècle, ont soigné le corps et l'âme; ils méritaient de gravir quelques échelons dans l'ordre social.

L'Instruction en Chine. Un Cycle scolaire de trente-trois ans. LE règlement de l'instruction, dont la revision avait

été confiée le 29 juin i go3 à Tchang Tchi Toung et aux deux chanceliers de l'Université de Pékin, vient d'être mis à jour, et forme cinq volumes dont on ne saurait faire l'analyse, mais dont on peut extraire quelques détails intéressants. L'instruction du Chinois, commencée à l'école primaire à l'âge de sept ans, dure vingt-six années; soit cinq ans à l'école primaire simple, quatre à l'école primaire supérieure, cinq à l'école moyenne, trois à l'école supérieure, quatre à l'Université et cinq au Collège des Hautes études. Le Chinois lettré, qui a assidûment suivi toutes ses classes, termine donc ses études à l'âge de trente-trois ans. L'école primaire est gratuite et non obligatoire. Les autres écoles sont également facultatives. Les frais généraux sont à la charge des autorités, les élèves ne payant de rétribution qu'à partir de l'école moyenne. L'étude des langues étrangères ne commence que dans l'école moyenne, quand l'élève entre dans sa seizième année. Il apprend obligatoirement l'anglais et le japonais, et facultativementle français, l'allemand et le russe.

Dans toutes les écoles, l'instruction est confucianiste, et la fidélité envers l'empereur et la dynastie fait

partie du programme à enseigner aux jeunes Chinois. Le règlement traite aussi des écoles enfantines et crèches qui seront ouvertes à côté des orphelinats et

des refuges de veuves. C'est là que l'on formera spécialement les nourrices et les gouvernantes.

Le règlement se tait sur les écoles de filles, ou plutôt il dit que les moeurs chinoises ne permettent pas pour le moment d'ouvrir des écoles de filles, et il émet la crainte que des jeunes filles trop instruites ne

veuillentprendre la liberté de se, choisir leur mari, et de se soustraire à l'autorité de leurs supérieurs mari,

père, mère, beau-père et belle-mère. L'Extrême-Orient est ouvert à bien des nouveautés occidentales, mais pas au féminisme

Jules Sottas.

Histoire de la Compagnie royale des Indes

orientales (1664-1719). Une escadre française aux Indes en 1690.

vol. in-8°. Prix

10

francs. Librairie Plon-Nourrit

et Cie, rue Garancière, Paris (6e).

Ls

point de départ de cette savante leçon de choses est emprunté à la relation du voyage d'une escadre française

aux Indes en ~69o-~69i, due à la plume du Parisien Grégoire de Chasles. Cette expédition, retentissante à l'époque, fut tentée par la Compagnie des Indes Orientsles, avec l'appui du gouvernement de Louis XIV, et confiée à un Duquesne, neveu du célèbre lieutenant général. En rééditant un ouvrage rarissime, M. Jules Sottas en a pris texte pour rétablir dans

leur jour véritable des faits historiques peu connus ou complètement négligés. Il est entré dans le détail des opérations commerciales et financières de la Compagniejusqu'à safusion avec la grande Compagnie des Indes; il a passé en revue son personnel, ses établissements, ses moyens d'action; donné une idée précise de son matériel d'armement; défini avec exactitude sa constitution, son fonctionnement, l'évolution de l'organisation commerciale conçue par Colbert. Enfin, dans le cadre de sa monographie, déjà si complexe, il a fait entrer l'analyse des principaux événements coloniaux du règne de Louis XIV, des entreprises des missionnaires et des jésuites, de l'antagonisme de la Hollande et de l'Angleterre. L'oeuvre se complète par un chapitre de matière navale indispensable à l'appréciation des faits, par la liste des armements de la Compagnie, par des gravures et des graphiques du plus haut intérêt. C'est une brillante préface à l'histoire du grand duel qui occupa le XVIIIe siècle, et aboutit au triomphe. de la domination britannique dans les Indes.

Louis Leger, membre

de l'Institut, professeur au Collège Souvenirs d'un Slavophile (~863-~ Sg7). 1 vol. de France. in-16, broché. Prix 3 fr. 5°.

ANS

les Souvenirs d'un Slavophile, M. Leger raconte quelles circonstances l'ont amené à étudier ce monde slave autrefois si dédaigné, et qui joue aujourd'hui un rôle si considérable dans la politique, dans les arts et dans la

littérature. L'auteur a visité tous les pays slaves, a été en rapport avec leurs hommes les plus éminents. Nous relevons dans ce volume, au hasard de l'Index alphabétique, les noms de Wanda de Boncza, Charcot, Cherbuliez, les deux

Chodzco, Mme Cornu, Prince Ladislas Czartoryski, le président Faure, Joseph Fricz, Garachanine, Klaczko, Krasinski, le général Le Flo, Alfred Maury, Mérimée, Henri Martin, Mickiewicz, Nicolas Il, Palacky, l'abbé Perreyve, Pisemsky, Pogodine, Pouchkine, Rambaud, Rieger, Saint-René Taillandier, Jules Simon, l'évêque Strossmayer, Thiers, Ivan Tourguenev, WronskL Ils suffisent à faire deviner le piquant intérêt de ces pages la présence de ces noms bien français au milieu de noms aux syllabes exotiques prouve surabondamment quels sont et quels furent de longue date les rapports continus des deux civilisations. L'auteur nous transporte tour à tour à Prague, à Agram, à Belgrade, à Varsovie, à Péters= bourg, à Moscou. Chacune de ces villes, minutieusement étudiée dans son esprit plus encore que dans ses monuments, présente au lecteur un tableau animé qui donne l'impression de vivre dans un milieu nouveau.


Le Camping. ON

ne

peut pas dire que ce soit un

c'est un retour sport nouveau consenti à la bonne nature, la transformation momentanée de l'homme des villes en la personne légendaire du trappeur sans l'Arkansas. Faire du carupz~eg, c'est en somme vivre la vie de campement avec la belle indépendance et le charme de son imprévu. Le camping se fait le plus souvent à l'aide d'un canoë qui permet de chercher au fil des rivières les endroits privilégiés pourl'installation; on fait dès lors du canoëing. SON HISTOIRE

La véritable patrie du

camping et

du canoëing est l'Amérique. Au Canada, aux Etats-Unis, dans la région des grands

lacs, sur les fleuves immenses qui coulent librement sans barrages ni écluses, les canoëistes se lancent à la découverte pour de grandes expéditions de chasse, de pêche et de plein air. On part en groupe de I5 à 20 personnes parfois, et comme, dans ces contrées perdues, on ne peut songer à se ravitailler régulièrement, non plus qu'à trouver des gites préparés à chaque étape, on fait là-bas du véritable camping. Les canoës emportent les provisions nécessaires et le campement. En Angleterre, le camping n'est déjà plus un départ à la découverte. C'est plutôt un sport, mais un sport très bien vu qui, pour l'amour de l'art et non plus par nécessité, conduit aussi parfois à la même pratique. Certes les relais sont assurés et l'on peut, en toute occurrence, être sûr le soir de coucher à l'auberge et d'y trouver de quoi manger. Mais il n'est pas rare pourtant de voir des yachtsmen anglais préférer le plein air et l'indépendance absolue en faisant du camping à la façon de leurs frères d'Amérique. Le TouringClub de France, toujours à l'affût des améliorations à apporter au Tourisme, s'est, avec le Canoë Club, institué le protecteur du camping en France. Un de ses membres, M. Glandaz, nous donne dans sa Revue quelques renseignements précieux à retenir.

Mais, pour une expédition plus longue et surtout pour la mer, un tel canoë serait de trop faible tonnage: il en faudra un plus défendu, ponté à l'avant et à l'arrière, plus haut sur l'eau, et, par conséquent, plus stable. Il devra marcher à l'aviron aussi bien qu'à la pagaie ou à la voile; devra pouvoir emporter des provisions, des rechanges, le matériel pour les expéditions de camping. En conséquence, il lui sera aménagé à l'avant et à l'arrière deux compartimentsbienétanches, sous la partie pontée. Enfin, nous avons le canoë le plus adopté en France qui, jusqu'à présent, n'était qu'un genre d'embarcation à l'aviron. Bien qu'il fût ponté à l'avant et à l'arrière, ses formes effilées ne permettaient pas d'arrimer grand'chose à bord, et, d'ailleurs peu stable, et très fragile, il ne pouvait être utilisé pour une excursion bien sérieuse. Le type précédent doit lui être de beaucoup préféré, puisqu'il doit réunir de bonnes conditions de stabilité, de solidité, de légèreté et de capacité puisque, aussi, il doit pouvoir, dans les estuaires ou sur les grands fleuves éventés, marcher à la voile, tandis qu'il sera mû à l'aviron sur les rivières, et à la pagaie sur les cours d'eau très étroits, impraticables autrement.

réchauds spéciaux ou des gamelles

hoc en

aluminium.

ad

Une petite lampe à alcool sera très utile pour faire cuire les oeufs, préparer le thé, faire le café, Enfin, si l'on veut un couvert préparé, il existe des cantines de voyage avec ce qu'il faut comme verres, assiettes, etc. Les articles de toilette sont indispensables petite trousse de voyage, cuvettes, tubs et seaux de toile. Il faut du linge, linge mou de préférence, ou surtout des flanelles, des vêtements de voyage avec quelques rechanges et aussi des imperméables un ciré pour la mer, un simple caoutchouc en rivière. Comme provisions de bouche, il ne peutêtre question d'embarquer à bord que des conserves, du jambon, des oeufs durs, des condiments, du sucre, du pain ou du biscuit, du café, un peu (très peu) d'alcool, du thé surtout. Un bon coup de fusil de temps à autre fournira le rôti. Le poisson pris fera l'entrée, Ne pas oublier l'eau douce, l'essence ou le pétrole ces liquides seront conservés dans des bidons spéciaux. Une petite trousse à pharmacie pourra être fort utile, ainsi qu'une trousse à outils pour faire les réparations voulues et urgentes.

ORGANISATION DU CAMPING

ETABLISSEMENT DU CAMPING

Le camping peut se comprendre seul ou en groupe. Dans le premier cas, il est bien certain que le canoë, si pratique qu'il ait été conçu, ne pourra emporter grand matériel à lui tout seul. Aussi la ou les deux personnes qui le

Une question très délicate, c'est l'établissement du campement. Bien entendu, les premières fois on s'organisera un peu à la diable; mais plus tard on fera mieux, et l'on deviendra vite des bohémiens distingués, pratiques et raffinés. Le choix du campement est toujours très complexe. Il le faut bien abrité, sous un bois de préférence, et le plus près

monteront devront-elles renoncer à emporter une tente. Le canoëiste, dans ce

cas, couchera dans son canot tiré à terre, la voile lui servant de tente. Un canoë solitaire pourra tout au plus emporter, avec les agrès nécessaires, la ligne, le fusil, les vêtements indispensables et quelques provisions pour l'étape de midi. Mais si l'excursion se fait en groupe, alors on aura beaucoup plus de facilité pour organiser une véritable expédition de camping. Et d'abord, la troupe s'organisera et la division du travail, l'attribution des rôles, rendront l'administration du voyage plus facile. Qu'emporter, en dehors de l'armement du canoë avirons, pagaies, voiles; et de celui des canoëistes ligne et

possible de la rivière, car à l'arrivée à

l'étape on n'a pas encore le droit de se reposer il faut faire le portage, c'està-dire tirer le canoë hors de l'eau. Ensuite, l'on plante la tente, on fait la corvée d'eau, de bois; le feu est

allumé, la marmite se met à chanter. les canoëistes aussi. Le délassement il se poursuit dans le somcommence meil ou la rêverie. Le camping peut s'approprier aux EMBARCATION obligations et aux goûts de chacun. Telle équipe en vacances fera sa randonnée Le canoë indien, dit M. Glandaz, très simple construction. de est sans discontinuer. Pour telle autre, le \1 est ouvert sur toute sa longueur, camping sera un sport de dimanche on laissera à l'étape le canoë dans une très léger, et facilement transportable. \1 la pagaie la marcher qu'à à fusil? ou grange, et on viendra, la semaine suine peut D'abord, la tente. La toile devra en vante, le reprendre au même point pour voile avec vent arrière. C'est le canoë primitif fait simplement d'écorce de être tout à fait imperméable, La monture continuer le voyage. Le chemin de fer offre pour cela toutes les facilités désibouleau. Le canoë fait en atelier est sera de noyer. Comme matériel de couchage, le rables. C'est ainsi également que l'on beaucoup plus solide on le construit en prix sapin généralement. Son est naturel- hamac avec, si l'on veut, ces matelas et peut envoyer le canoë par la voie ferrée lement plus élevé. Le Canoë Club a fait oreillers de caoutchouc que l'on gonfle en au point de rassemblementindiqué. Par exemple, si l'on veut organiser une venir des canoë canadiens tous frais de soufflant. payés, l'unité est Les ustensiles de cuisine devront descente de rivière, le bateau sera dirigé transport et de douane revenue à 175 francs. En France, la être réduits au strict nécessaire. S'il est sur l'endroit où le cours d'eau est indiqué construction d'un tel bateau sera ou possible d'embarquer un petit fourneau comme flottable. Pour éviter des surdevra être aussi très bon marché, et un portatif, on en trouvera de très pratiques prises, on fera mieux de choisir pour pareil canot sera excellent pour le tou- chauffant à l'alcool ou au pétrole. Si c'est époque de l'excursion, les hautes eaux risme. trop lourd, emporter du moins des du printemps.


Tetouan

le Port -méditerranéen du Maroc.

A gauche et à droite du détroit de Gibraltar, l'un sur l'Atlantique, l'autre sur la Méditerranée, se trouvent les deux principaux ports du Maroc Tanger et Tetouan, le premzér Plus connu de beaucoup, le second de beaucoup Plus pittoresque. Les transformations qui guettent le Maroc donneront probablement à Tetouan une importance qui lui fait encore défaut.

CE fut le dimanche 2 mai de la présente année, que,

de Tanger, je m'embarquai, vers les neuf heures

du matin, sur le Djebel-Mousa, honnéte vapeur à aubes de 374 tonneaux, appartenant à la Ci. Bland, de Gibraltar, et spécialement destiné, ce jour-là, à conduire à Tetouan un pèlerinage juif. La mer est belle, mais il bruine et les montagnes sont embrumées, ce qui est d'autant plus fâcheux que nous devons, pendant tout le trajet, longer la côte marocaine. En attendant, j'inspecte mes compagnons de voyage, qui, presque tous (il y en â plus de

deux cents), sont enfants d'Israël. Tous les types sémitiques sont ici représentés, quoique, à vrai dire, il y en ait peu de beaux. Les hommes, uniformément revêtus d'un long cafetan noir, sont coiffés d'un fez de même couleur replié sur l'occiput d'une façon particulière; il y en a de tout âge, depuis les enfants au sein jusqu'aux

vieillards chenus;

aux moissons jaunissantes, mais point de villages. Nous sommes maintenant plus qu'à moitié du détroit, entre les fabuleuses Colonnes d'Hercule à gauche, c'est Gibraltar, monstrueuse silhouette de bête à l'affût dans la brume; puis à tribord, à quelques encablures, le djebel Mousa, parrain de notre bateau, dresse ses cimes altières, couronnées de tours rondes. Le paysage, d'une sauvage grandeur, a un aspect plus septentrional

qu'africain. Serais-je

influencé par l'absence de soleil, par cette verdure encore si printanière?Mais

les

femmes ont leurs cheveux couverts de foulards écla-

LE BASTION DE BAB EL-OKLA, A TETOUAN.

D'apnès une photographie.

tants.

Tout ce monde, empilé sous la tente du pont et dans l'unique salon (car il n'y a qu'une classe, vu la modicité du prix, IQ francs environ), tout ce monde, encombré de provisions de bouche, s'apprêteà festoyer; il comptait sans son hôte, le bon bateau rouleur. Mais détournons nos yeux de ce triste spectacle pour les reporter vers les monts du Maroc, qui, malgré la pluie, déroulent nettement à notre droite leur profil altier; c'est la chaîne verte de l'Andjera, région sauvage, et, pour l'instant, peu sûre, dont est caïd

Er Raissouli.

A TRAVERS LE MONDE.

moment, les notes aiguës d'une musette arabe se font entendre, accompagnées par une guitare, et tous les pèlerins d'entonner une mélopée traînante, interminable, au leit motiv qui revient sans cesse, scandé de battements de mains. Pendant ce temps, la côte déploie sgn long panorama de montagnes boisées entre lesquelles, parfois, on entrevoit de fertiles vallées A ce

28.

LIV.

je repense au lac des Quatre-Cantons, à des falaises de fleuves amé-

ricains. Presque aussitôt après, au sortir du détroit, nous découvrons Ceuta, étendue sur son isthme, dans son corset de remparts. Ce préside espagnol, que nous aurons l'occasion de revoir, fait bon effet, du large, avec sa ville coquette, les batteries basses de son front de mer et ses mamelons tout hérissés de forts dorés par le soleil comme des croûtes de pâté. Vers deux heures, enfin, une tache blanche apparaît, droit devant nous, dans une échancrure de montagne c'est Tetouan. Branle-bas général sur le navire. Heureusement, la pluie a cessé. Tous les pèlerins No 28.

15

Juillet 1905.


s'agitent, et leurs bagages. Nous sommes bientôt en face de Martil, point de débarquementsitué à l'embouchure de l'oued el-Zelou. Le vent d'ouest, qui nous a amené la pluie, va, par contre, permettre aux barcasses que l'on voit s'avancer à force de rames, de nous conduire à terre; car lorsque les vents d'est soufflent un peu fort, toute escale devient impossible,

par suite de la barre infranchissable qui se forme à la bouche du fleuve. L'apcre est jetée à environ un mille. Tous ces points noirs que l'on voit sur le sable sont les montures qui nous attendent. Les barques accostent; le pèlerinage entier veut descendre à la fois, paquets en main la bousculade devient indescriptible on entend des cris aigus de femmes; des enfants à la mamelle manquent d'être étouffés.Notre esquif, chargé à couler, ne quitte toujours pas le flanc du vapeur tout le monde commande, personne n'obéit; des disputes éclatent entre les bateliers arabes; des malles sont brandies, qui manquent de tomber à l'eau, puis de nous écraser; la confusion

voyageant pour leur commerce; devant moi, justement, une vieille duègne trotte, pas assez vite au gré de mon Arabe qui frappe sa mule en répétant sans cesse:

Anda, anda, naujer! Cette chevauchée de deux heures a ceci d'intéressant, qu'elle donne en raccourci une idée de ce que sont les voyages dans l'intérieur du Maroc. Malgré le transit important qui, journellement, se fait de la ville à la côte, il n'y a pour ainsi dire point de route, mais de nombreuses pistes plus ou moins praticables qui, tantôt se rejoignent, tantôt divergent pour se rejoindre encore. Après avoirlongé une grande construction passée au lait de chaux, sorte d'entrepôt à l'embouchure de l'oued, on traverse d'abord une région marécageuse peuplée d'aigrettes blanches qui se faufilent entre les, joncs marins. Quelques ponceaux construits en dos d'âne aident à franchir des affluents de l'oued el Zélou dont on suit pour un instant le cours, aussi large et profond que le cours moyen de nos rivières de France.

PANOAA1IA DE TETOUAN.

D'après une photographie.

augmente, ponctuée de clameurs. Malgré tout, on part

enfin, par la force des choses, et quelques minutes après nous sommes sur la grève, traînant nos malles au milieu des montures qu'il faut maintenant choisir. Alors commence une vraie Bourse les cours oscillent entre io et 20 pesetas. Je jette mon dévolu sur un petit cheval et un vieil Arabe, tous les deux gris et fort accommodants. L'homme met ma malle dans un cacolet, équilibre l'autre avec des pierres, m'aide à grimper sur l'énorme barda où je m'installe « en dame », et puis en route dans la grande caravane de plus de 200 pèlerins qui, par petits groupes, parfois distants les uns des autres, va s'égrenant à travers la plaine d'environ dix kilomètres, qui sépare Tetouan de la mer. Elle est vraiment curieuse, cette caravane juive, par la diversité des types, des montures, des bagages; et la ville blanche qu'on ne perd pas de vue, au bout de la plaine, entre deux chaînes de montagnes, semble, en effet, quelque Jérusalem vers laquelle tend notre marche à l'étoile. Par-ci par-là, parmi les Hébreux, quelques profanes se sont glissés, touristes ou Espagnols

A mesure que l'on s'éloigne de la mer, le sol, insensiblement, devient meilleur ce sont d'abord de vaines pâtures où errent en liberté des bandes de vaches, puis des labours et des récoltes jaunissantes

d'orge et de blé. Et toute cette plaine, humide encore de la pluie matinale, exhale une odeur balsamique délicieuse, qui donnerait envie de s'y attarder. -Nous approchons maintenant de la ville, dont les remparts crénelés et la haute kasba se dessinent nettement, malgré le ciel gris. Les abords immédiats en sont

plantés de figuiers énormes, puis on aperçoit les tas d'immondices, caractéristiquesde toute ville arabe, et, sous les regards curieux d'une foule indigène, nous franchissons la porte qui mène au quartier espagnol. La première chose à faire est de se mettre en règle avec la douane qui se trouve sur le sokko, ou place du marché. Un préposé enturbanné, fort majestueux dans son cafetan bleu sombre qui laisse dépasser de belles babouches jaunes, me serre d'abord la main en signe de bienvenue; puis, par une série de gestes, me fait comprendre qu'il va ouvrir ma malle, et bouleverser toutes mes affaires, à moins que. (Sourire; il lève le


coude, et fait mine de boire.) L'accord, tout de suite, est conclu entre nous dernière poignée de main, et me voilà libre. Il est près de cinq heures. Tetouan, qui fut fondée en 1492 par les Maures chassés d'Espagne, est une des plus jolies villes de toute l'Afrique du Nord; elle est, en tout cas, la plus homogène par l'absence presque totale de l'élément européen. Sa situation, au bout de cette plaine fertile, entre deux montagnes qui font involontairement songer à Grenade, est merveilleuse, et bien que n'ayant pas de monuments de premier ordre, elle est, dans son ensemble, construite avec tant d'art, que tout concourt pour en faire un échantillon peut-être unique de ville arabe intacte où, jusqu'à ce jour, s'est conservée la tradition fastueuse des Maures andalous. Contrairement à Tanger dont la population semble plutôt sordide, Tetouan possède une bourgeoisie fort riche, en partie composée de réfugiés algériens du temps de la conquête. Si les vêtements, de couleur sombre, paraissent moins riches qu'en Tunisie où l'on affectionne les teintes éclatantes, les maisons de

l'est, s'étend la plaine fertile tapissée de moissons, avec, au bout, la mer d'un bleu profond. En bas, c'est la ville blanche, d'un blanc éclatant, toute en terrasses surmontées çà et là d'élégants minarets ornés de faïences polychromes; puis les remparts aux créneaux acérés, et tout autour des vergers, des jardins, font à Tetouan une ceinture fleurie. Mais il est un autre aspect de la cité, que l'on ne peut voir d'où nous sommes c'est la kasba elle-même, adossée à la montagne dénudée qui fait face au djebel Beni-Hozmar. Pour ce faire, il faut sortir de l'enceinte, et la ville apparaît alors sous son aspect guerrier, avec sa ceinture crénelée, ses portes, ses bastions hérissés de canons, et sa couronne de forts d'où pend, comme un ruban, le long de la colline, un grand mur blanc très décoratif. A

Tout en contemplant

cet ensemble si harmonieux de ville arabe, il sera pru-

dent de consulter sa

montre, car dès six heures

les portes ferment, et l'on

risquerait de coucher

dehors, ce qui faillit m'arriver si je ne m'étais hâté de suivre la dernière bande de vaches rentrant au berTetouan ne le cèdent en cail. C'est même un spec= rien, par le luxe raffiné de tacle des plus pittoresques leur intérieur, aux plus que de voir, au coucher du belles de la Régence. soleil, converger les trouJ'ai pu, grâce fi. notre peaux de tous les points de agent consulaire, pénétrer la plaine vers la ville. dans quelques-uns de ces Cette mesure quotimodernes alhambras dont dienne est nécessitée par l'élégance et les jardins l'insécurité du pays. Elle délicieux reportent l'esprit est telle, qu'il y a quelques de Boabdil. De-ci au temps années, les montagnardsdes de-là, pourtant, quelque environs vinrent assiéger pendule Louis-Philippe, des Tetouan qu'ils auraient mise fleurs artificielles sous leur à sac sans ses murailles. Ces globe de verre, ou même fortifications moyen âge, piano dont le transport un qu'un coup de canon démodut coûter cher, sont autant lirait sans peine, n'en sont de notes discordantes; nos UNE REVUE SUR LE SOHKO DE TETOUAN. pas moins, comme on le moquettes, aussi, m'ont voit, absolument indispenD'après photographie. une paru avoir une fâcheuse sables. L'anarchie du Maroc tendance à remplacer les en est d'ailleurs arrivée à beaux tapis d'Orient aux coloris si harmonieux. un tel point, et l'autorité du maghzen est si méconnue Avec la grande place du sokko comme trait que, pratiquement, les villes sont à peu près indépend'union, la ville se divise en trois quartiers de dantes, et veillent elles-mêmes, comme elles peuvent, grandeurs bien inégales le quartier musulman, qui à leur propre sécurité. compose à lui seul les trois quarts de Tetouan; le Le principal commerce de Tetouan consiste dans ~~7ellab, ou quartier juif, fermé la nuit, et le quartier ses babouches qui sont célèbres dans le monde espagnol de création récente. C'est là que se trouvent musulman. Il y a aussi un nombre assez considérable les rares fondas où peuvent, tant bien d'armuriers. Ils fabriquent ces longs fusils arabes si que mal, descendre les touristes. élégants qui sont condamnés à disparaître d'ici peu Pour, d'un coup d'oeil, embrasser toute la ville, devant l'importation européenne. il faut, par des ruelles étroites, bordp.es de décombres, Là, comme dans tout le Maroc, l'esclavage monter jusqu'à la kasba devant laquelle se déroule un existe, mais les expositions publiques et les ventes panorama merveilleux en face, au sud, c'est la à l'encan de jadis sont remplacées maintenant par un montagne verte de Beni-Hozmar aux contreforts trafic discret concentré dans les mains de quelques parsemés d'une multitude de points blancs qui sont matrones expertes qui font le placement des négresses des villas de plaisance pour les riches Maures. à domicile. Une bonne cuisinière se paye très cher. Un


e,clave mécontent de son maître a toujours le droit d'exiger de lui sa vente, et le sort de ces noirs n'est, en général, pas malheureux. Le znellab, ou quartier juif, est très important à Tetouan. Malgré sa réputation, il ne m'a pas paru plus sale que les autres parties de la ville dont la voirie est très sommaire. Sur une population d'environ 23000 habitants, les Juifs comptent pour 6 500, plus du quart. Beaucoup sont fort riches, car une grande partie de la fortune du pays est entre leurs mains. Les juives de Tetouan ont une réputation de beauté très justifiée, mais leur costume, non plus que celui des hommes, n'a ni l'éclat ni la diversité de couleurs que l'on remarque chez la plus grande partie de leurs coreligionnaires tunisiens. Grâce à l'école de l'Alliance Israélite dont on ne saurait trop louer et encourager les efforts, le français est compris et parlé au naellah. Celui qui voülut bien me guider pendant mes promenades à travers Tetouan, était un jeune employé de la poste française, âgé de dix-huit ans, ancien élève de l'Alliance, et qui n'est encore jamais sorti de la ville; il possède notre langue dans ses moindres détails, et n'a aucun accent. Cette école, fondée en 1862, reçoit, à l'heure actuelle, 182 élèves (dont 89 payants et 93 gratuits). Elle a un budget de plus de ioooo francs provenant de subventions de l'Alliance (pour plus de moitié), de la communauté israélite et de rétributions scolaires. A côté d'elle fonctionne une école de filles (299, dont 84 payantes, et 2 [5 gratuites), avec un budget de près de 7 500 francs, alimenté par l'Alliance, les rétributions, fAzzglo-Jewish Association et le Board of Deputies de Londres. Ces deux écoles, dirigées par M. et Mme Lévy, sont au-dessus de tout éloge, et les résultats obtenus prouvent mieux que de longs discours à quel point ces institutions sont acquises à nos idées, et précieuses pour notre influence. Il nous reste à dire quelques mots de la znedersa franco-arabe de Tetouan qui a été ouverte au mois d'octobre dernier sous les auspices de l'Alliance française. Cette jeune école, dont est chargé Si Abdallah ben Kourbel, sujet algérien et notre receveur des postes, a déjà recruté 15 élèves musulmans (5 de 12 à 15, 6 de 6 à 9, et 5 de 9 à 12 ans). Sa tentative, qui paraîtra peut-être bien modeste, n'en est pas moins très méritoire pour qui connaît les difficultés de tout ordre contre lesquelles on est obligé de lutter dans ce pays, en matière d'enseignement.La colonie espagnole, qui pense que Tetouan fera un jour partie de sa sphère d'influence, n'a pas vu d'un très bon oeil l'ouverture de cette medersa qui a eu aussi à se défendre contre le fanatisme musulman. Souhaitons vivement que ce grain de blé puisse germer, mûrir et multiplier si jamais la France préside à l'organisation du Maroc, il arrivera pour le français ce qui s'est produit en Égypte pour l'enseignement de l'anglais, et l'on nous enverra plus d'élèves indigènes que nos écoles n'en pourront contenir. Il y a dans ce sens un effort sérieux à faire, surtout à l'heure où le Maroc va voir s'ouvrir l'ère des sphères d'influence. G.

DU

BosCQ

DE BEAUMONT.

L'Ouvrier allemand et l'Ouvrier anglais. difficultés récentes qui se sont élevées entre la France et l'Allemagne, et se sont heureusement apaisées, ont eu pour contre-coup de prouver une fois de plus l'animosité de l'Allemagne. contre l'Angleterre. Cette animosité, malgré les apparences, n'est

Les

pas uniquement politique. Certes l'Allemagne envie à sa voisine sa flotte et ses colonies, mais il y a dans l'âme de l'ouvrier allemand des germes de haine qui tiennent peut-être plus encore à des raisons industrielles et commerciales. Plus exactement encore, l'ouvrier allemand voit dans l'ouvrier anglais la cause de toutes ses souffrances. Des études ontété faites surlaposition sociale des ouvriers allemands. Le professeur Ashley avait, il y a quelque temps, parlé avec enthousiasme des progrès survenus dans la classe ouvrière en Allemagne. Mais le correspondant berlinois du World's Work and Play a, lui aussi, fait une enquête dont les conclusions accusent moins de progrès qu'on ne se l'ima-

ginait. admet que l'opulence et le bien-être du peuple allemand ont certainement augmenté durant la dernière génération. Les salaires sont plus élevés l'épargne s'est accrue; la journée de travail est plus courte, et la législation sociale a beaucoup fait pour assurer les ouvriers contre les accidents et .contre la vieillesse. Néanmoins, il faudra encore un quart de siècle pour que l'ouvrier allemand atteigne au niveau de l'aisance de son compagnon britannique. Celui-ci est encore mieux rétribué, pour un temps de travail moins long. L'ouvrier des mines de charbon gagne de 1000 à 1 500 francs l'an, et celui des mines de fer un peu moins de 800 à 1 too francs. 2, 19 pour too des mineurs allemands sont tués dans leur travail, contre 1,29 pour 100 seulement en Grande-Bretagne. Les verriers, dans le Haut-Palatinat, travaillent de 110 à Il

heures par semaine, soit plus de 17 heures par jour, pour la somme de 15 à 18 francs par semaine. C'est une misère si l'on compare cette situation à celle qui est faite aux verriers anglais qui font un travail hebdomadaire de 46 à 54heures, et en retirent de 50 à 70francs. Les ouvriers les mieux payés, les souffleurs de bouteilles, ont, en hiver, 27 francs, en été 24 francs, par semaine. Ils travaillent to heures chaque jour. Ainsi, le prolétariat allemand serait dans une situation précaire; et la patrie germanique fonderait sa puissance commerciale sur la misère des ouvriers. Ceux-ci seraient, par laforce des choses, frustrés d'une fraction de leur salaire légitime, afin que le patron retrouve une partie des frais d'exportation qui permettent à la marchandise allemande d'entrer en concurrence dans le monde entier avec les produits britanniques. Il n'est pas étonnant dès lors que les revendications ouvrières se fassent avec tant d'âpreté de l'autre côté du Rhin. 1

12


son numéro et contenant un nid, peuvent être installés dans chaque pièce. Chaque pigeon, pour être facilement reconnu, porte un numéro-matricule, reproduit sur un registre où sont inscrits les voyages qu'on lui fait effectuer; de à

La Poste aérienne et les Pigeons voyageu

rs.

ADMINISTRATION compétente a fait dernièrement le recensement des pigeons voyageurs qui, en temps de guerre, trouveraient leur emploi dans la Poste aérienne. Les progrès accomplis dans la Colombophilie depuis une quarantained'années, sont considérables, et nous sommes loin des trois cents pigeons qui, pendant le siège de Paris, servirent d'intermédiaires entre la capitale et les places environnantes. Aujourd'hui, le nombre des pigeons voyageurs utilisés en France s'élève à six cent mille L'Almanacb du Drapeau donne sur ces utiles auxiliaires

renseignements très curieux, qui nous initient au quelques

fonctionnement de cette armée ailée.

plus, une tache, de couleur variable suivant chaque

direction, permet de séparerrapidement les pigeons du colombier, et de les grouper d'après leur destination. Le pigeon est incorporé à l'âge de trois ans et

sert jusqu'à seize ans! L'État le nourrit généralement de 5o grammes de nourriture journalière pois, maïs, sel et autres friandises. Sa ration et son entretien reviennent à o fr. 5o par mois. Il n'a pas de sou de poche! Pendant les périodes d'exercice, on transporte les pigeons dans des paniers où ils ont été placés la veille, d'abord à io kilomètres du colombier, et on les lâche entre 5 et 8 heures du matin après leur avoir donné à boire et à manger une heure auparavant; la distance est portée progressivement à

20, 30, 50, 80, i3o, 210 et 300 kilomètres la première année, toujours dans la même direction; elle est augmentée les années suivantes.

Colombiers MiliLes dépêches que l'on taires, dit-il, comprennent veut confier aux pigeons sont, io les colombiers de Paris, où soit écrites sur papier pelure, soit photographiées en réducse font les études et expériences concernantl'emploi des tion sur pellicule, et enfermées pigeons voyageurs et l'instrucdans un petit tube en plume tion du personnel colombod'oie, où elles sont maintenues phile 20 les colombiers inspar deux fils en croix travertallés dans les diverses places sant le tube à chaque bout. Au désignées par le ministre. Des moment du lâcher, ce tube est colombiers mobiles, affectés à enfilé sur une des plumes caucertaines formations de cavadales médianes du pigeon, ou lerie, seraient en outre orgabien y est attaché extérieurenisés en temps de guerre. ment par deux fils de soie. Les Le réseau fixe des colomdépêches officielles doivent biers militaires a été organisé toujours être chiffrées. CARTE DU RÉSEAU DES COLOMBIERS MILITAIRES. de telle sorte que les pigeons Nosfacteursde campagne n'aient pas à parcourirplus de 30o kilomètres entre deux vont à bicyclette; le pigeon va à cheval. A la suite points reliés directement entre eux. Paris, station cend'expériences concluantes, le général Paul de Benoist, trale, qui a dix directions à desservir, communique nommé, en juillet 1895, au commandement de la ainsi directement avec les diverses forteresses de la Ire brigade de chasseurs à cheval, à Châlons-surfrontière du nord, dont la plus éloignée est à 239 kiloMarne, où se trouve un colombier militaire, démontra mètres seulement. Celles-ci sont également reliées que la correspondance par pigeon pouvait rendre égaentre elles; mais entre Paris et les forteresses de l'est, lement les plus grands services aux divisions de cavala distance est parfois trop longue; aussi, deux stations lerie qui ont mission de renseigner le commandant en intermédiaires, Châlons-sur-Marne et Langres, ontchef des armées sur les mouvements de l'ennemi; et elles été organisées. Dans chaque colombier, toutes les il a inauguré le transport des pigeons par cavalier. opérations sont exécutées, sous la direction d'un chef Ce transport comprend 10 un panier de transde service, par des sapeurs colombopbiles. port, en osier, contenant trois pigeons placés dans des Le colombier est une caserne où le pigeon-ne revient compartiments superposés, où ils sont protégés contre si elle confortablement est installée sol recouvert que les chocs par un rembourrage d'ouate recouverte de d'une couche de 2 à 3 centimètres de sable, nettoyé molleton 20 un panier de repos démontable en fer et chaque jour, murs blanchis à la chaux; chambres 'osier, que l'on monte à terre en arrivant au lieu de de 2 mètres à 2 m. 2o de haut à claire-voie avec jours repos, et dans lequel six pigeons peuvent marcher, de 2 à 3 centimètres,dont 2 pour les mâles et femelles manger et boire après avoir été retirés des paniers de à isoler et 4 pour les pigeons amenés jeunes transport; 30 un auget en zinc que l'on place dans le ou nés dans le colombier. 5o couples, ayant chacun une case panier de repos, et que l'on remplit d'eau pour les de 0 m. 70 de longueur et o m. 35 de.hauteur, marquée pigeons. Le panier de transport, auquel un cavalier sur Les


deux ajoute le complément du matériel, est fixé sur le dos du cavalier au moyen de larges courroies disposées en croix, de manière à se boucler en se croisant sur la poitrine; chaque cavalier porte-pigeons emporte dans son paquetage des vesces, pois, féverolles en quantité suffisante pour nourrir les pigeons, à raison de 3 repas Vers Baie de 40 grammes par jour. En cas de guerre, trois des cavaliers de chaque reconnaissance emportent des pigeons de choix. Au point d'observation choisi par « ». r officier pour surveiller l'ennemi, un cavalier retire du Kiel panier porté par un de ses camarades un pigeon qu'il tient tout prêt pendant que l'officier écrit sa dépêche. Celui-ci place rapidement le petit tube contenant la L baie de la Seine va être, à la fin de ce mois, le théâtre d'une manifestation maritime doublée d'une dépêche, écrite sur papier pelure, ou, à défaut, sur fête navale comme n'en a jamais contenu ce cadre une simple feuille de papier à cigarettes, à la plume magnifique. Des courses internationales de yachts, médiane de la queue; l'oiseau est lâché et arrive en canots automobiles, bateaux de pêche, etc., vont avoir droite ligne à son colombier, d'où la dépêche est translieu, qui, patronnées par de hautes personnalités du mise aussitôt par le télégraphe au commandement. monde de la marine, sous la présiOn doit les colombiers roudence de l'amiral Gervais, encoulants au capitaine de cavalerie ragées par le Gouvernement, orgaReynaud, qui a cherché à remédier nisées par la Ligue maritime franà la perte de temps qu'occasionne çaise, dotées de récompenses nomla transmission par télégraphe des breuses, peuvent légitimement dépêches envoyées par pigeons, en espérer le plus grand succès. substituant au colombier fixe un Voici quel sera le programme colombier mobile qui peut se déplade cette brillante semaine cer avec les troupes. On élève des Vendredi 28 juillet. Première jourpigeons dans une voiture-colombier, née, au Havre. et, par un entraînement spécial, on A 8 h. 1/2. Course internales habitue à rejoindre cette voiture tionale de yachts à voile. dans ses déplacements. Parti de A A 4 h. r/2. Course de canots le pigeon revient en A, de B en B, automobiles de l'Hélice Club de de C en C, etc. Toutes les divisions France. de cavalerie et quelques brigades Samedi 29 juillet. Deuxième jourde cavalerie de corps ont été dotées née, au Havre. d'une voiture-colombier; cette voiA 9 heures. Course internature, attelée d'un cheval, est à deux tionale de yachts et canots autoroues, elle contient deux coffres mobiles. latéraux, et, sous une couverture Dima,ncbe 3o'ûillet. Troisième joursupportée par des cerceaux, un née, au Havre. grillage de cage en fil de fer. Cette A 9 heures. Courses à l'aviron. installation sommaire a ses fidèles. A 5 heures. Épreuves de naDRAGON TRANSPORTANT UN PIGEONNIER. Le pigeon s'en contente. Il est

la

de Seine. Création

d'une grande «Semaine maritime Les Semaines » étrangères. et Cowes.

d'ailleurs attaché par tempérament, et, de tous les serviteurs de l'armée il n'est pas celui sur lequel elle peut le moins compter, car il a bon œil et bonne aile. Il adore sa garnison ambulante, et fait

son service avec ponctualité. Même blessé, il apporte le message qu'on lui a confié, et vient, traînant l'aile et tirant le pied, mourir au colombier, dans la main amie qui l'a dressé et nourri. Ces braves petites bêtes sont de précieux auxiliaires, les seuls utilisables quand les communications par voie postale, par estafettes ou par télégraphie optique, sont interrompues. Ce sont des éventualités assez fréquentes à la guerre, pour que l'on songe à y parer. Le siège de Port-Arthur en a démontré, récemment, et une fois de plus, l'absolue nécessité. Ce nous est une satisfaction de penser que nos' pigeonniers militaires peuvent prendre place au

premier rang.

tation

Lundi 3r juillet. Q1¡atrième journée, au Havre. A 9 h. 1/2. Courses des Embarcations de l'Escadre.. A 2 heures. Concours de la Ligue maritime frav~çaise pour embarcations au pétrole lampant.

Mardi 1er août. Cinquième journée, à Trouville. Régates du Cercle de la Voile de Paris. Mercredi.2 août. Sixième journée à Trouville. A 9 h. 53. Courses du Cercle de la Voile de Paris. A 2 heures. Concours de la Ligue maritime française pour bateaux de pêche à moteur à explosions de toutes sortes. A 3 heures. Courses de yachts-modèles à moteur. Mercredi août. Sixième journée, à Honfleur. A 9 heures. Courses libres de canots automobiles de Trouville à Honfleur. Jeudi août, Septième journée, à Trouville. Courses du Cercle de la Voile de Paris.


Courses à la voile des Embarcations de l'Escadre et courses des Embarcations de yachts. Vendredi 4 août. Huitième journée, à Trouville.Courses de canots automobiles de l'Hélice Club de France. En dehors des courses, auront lieu des fêtes de nuit, bals, illuminations, exercices effectués par l'Escadre du Nord, qui feront de cette belle semaine le pendant des Semaines fameuses de Kiel et de Cowes. Car si nous nous efforçons d'atteindre du premier coup à la hauteur de nos voisins anglais ou allemands, c'est à eux qu'il faut attribuer la paternité des grandes semaines nautiques. Il y a quelques annés seulement que la semaine de Kiel existe. Kiel fut choisi parce que, port militaire, situé au fond d'une rade admirable, au débouché du canal de la mer du Nord, ses eaux offraient un cadre merveilleux à des solennités nautiques destinées non seulement à unir, dans une action commune, la flotte à de guerre et le yachting, mais aussi et surtout compléter, par le retentissementqu'auraient ces fêtes, œuvre accomplie en Allemagne en vue de la diffusion des questions maritimes dans le pays. Tout étranger, quelle que soit sa nationalité, qui va à Kiel sur son bateau, petit ou grand, est, en quelque sorte, l'hôte du Kaiserlicher Yacht Club. Il est invité à toutes les réceptions de ce Club, cadre somptueux où se rencontre, pendant toute une semaine, sous les auspices de l'empereur lui-même, toute la société européenne. Et, par une disposition fort ingénieuse, une partie en est affectée au public, qui peut ainsi bénéficier, d'une façon presque directe, des fêtes qui y sont journellement données pendant la « Semaine ),. Ce qui est plus remarquable peut-être encore, c'est la façon dont la flotte y est mêlée à toutes les manifestations du yachting. Les importantes régates qui y sont données sont accompagnées par des bateaux de l'État, et chaque soir c'est la flotte qui fournit les éléments de fêtes nautiques différentes, et dont le caractère théâtral souligne la portée. Cette recherche du côté théâtral, à Kiel, est absolument voulue les Allemands, en agissant ainsi, le font non pas seulement pour donner à leurs hôtes de leur part, et à eux-mêmes un spectacle; il y une des manifestations de la conduite qu'ils se sont imposée, et l'importance de cette réunion annuelle dépassela portée d'une simple fête. Le public, pendant leur « Grande Semaine », accourt en foule; des paquebots, spécialement affrétés, y amènent des milliers de touristes des ferries boats y promènentd'innombrablesspectateursattirés là par la seule volonté du Gouvernementallemand. Et d'ailleurs, l'affluence populaire n'est-elle pas l'indication la plus certaine de l'intérêt qu'on a su développer là-bas en faveurdesquestions maritimes? A Cowes, le caractère est différent; il est moins officiel chez les Anglais, le sentiment maritime est si développé que le yachting est non seulement l'apanage des classes riches, mais aussi bien du public, et. que tout ce qui touche au navy prime tout. Il faut avoir vu, pendant cette semaine, le Solent, c'est-à-dire le bras de mer qui s'étend depuis Southampton jusqu'à Portsmouth, et depuis Cowes

l'

là,

jusqu'à la pointe ouest de l'île de Wight, couvert

d'innombrablesyachts, sillonné de grands paquebots, de ferries boats transportant des milliers de touristes, pour se rendre compte de l'impression de puissance et de prospérité que donne une semblable manifestation. Mais, pour n'être pas si officielle qu'à Kiel, la

participation de la flotte anglaise à la semaine de Cowes n'en existe pas moins, par le fait même d'ailleurs que Portsmouth le grand port anglais commande l'entrée du Solent. Ce qui fait bien toucher l'importance que les souverains anglais attachent au succès national de cette réunion annuelle, c'est que non seulement le roi vient y passer régulièrement chaque année la semaine de Cowes à bord de son yacht, mais que s'il y manquait, cela serait considéré, en Angleterre, comme une abstention fâcheuse. En face de ces manifestations de haute portée, nous n'avions jusqu'ici rien de semblable à opposer. La lacune va être comblée, etnous ne doutons pas que ce coup d'essai sera pour notre marine un coup de maître. Déjà, de toutes parts, les excursions s'organisent la coïncidence des fêtes, avec l'époque où affluent d'ordinaire les étrangers, promet une manifestation grandiose à laquelle une pointe de patriotisme ajoutera sa saveur.

André Chevrillon. Sanctuaireset paysages d'Asiz. Cey-

lan bouddhique; le \JIatin à Bénarès; la sagesse d'un Brahme; la Mort à Bénarès le Bouddha birman. vol. in-16, broché, 3 fr. 50. Hachette'et Ci., Paris. Ce livre n'est pas un récit de voyage, mais une suite de tableaux où l'auteur évoque les idées et les paysages de l'Asie panthéiste et dionysiaque, de cette Inde extatique, surtout, dont les attributs tropicaux suivaient le cortège de Bacchus, de cette mère des religions mystérieuses, dont le rêve s'est propagé à l'Orient jusqu'au Japon, à l'Occident, par Alexandrie gnostique, jusqu'au monde gréco-romain. Dans les sanctuaires bouddhiques de Ceylan et de Birmanie, M. André Chevrillon nous montre l'extase cherchée par l'alanguissement tendre, l'ivresse des parfums, les scintillations sacrées, en des lieux clos, d'ors et de lumières; par la monotonie bourdonnante des litanies; dans les temples brahmaniques de l'Inde, par les frénésies, les vertiges, les hypnotisantesdisciplines, les ascétismes des cultes sivaïques. A ces mystères, il nous prépare par d'essentielles et brèves visions d'une Nature excessive, et d'abord de la lumière et de la nuit tropicales. Dans l'Inde proprement dite, il n'a voulu nous arrêter, cette fois, qu'à la Rome du Brahmanisme, à Bénarès. Le Matin à Bénarès fait apparaître la multitude brahmanique au pied des palais de rêve, au bord du Gange, les mains tendues vers le Soleil naissant, dans la gloire de l'Aurore. C'est le triomphe de la Vie. La Mort à Bénarés nous évoque la ville et le fleuve au crépuscule; puis dans la nuit, quand se révèlent l'épuisement, la vétusté de ce monde, quand les seules clartés sur la berge déserte et fiévreuse sont celles des bûchers où brûlent les cadavres humains. Et ce pourrait être le triomphe de la Mort si, pour l'esprit hindou, le triomphe de la Mort n'était encore celui de l'éternelle Vie. Entre ce matin et ce soir, l'auteur nous emmène dans une petite chambre blanche où un brahme, nourri de pensée occidentale presque autant que de vieille sagesse hindoue, nous fait descendre par-dessous les surfaces jusqu'au coeur de la pensée de l'Inde, nous montre dans le monisme védantique les principales formules du moderne monisme européen, et nous fait entrevoir là des principes d'une morale et d'une religion de l'avenir, d'originetout aryenne.

j


EUROPE

allemand:c ligne de Kustenji à Constantinople.

Le Réseau télégraphique

L'inauguration, qui a eu lieu le ¡er juin, du câble

établi par la Société allemande des télégraphes de l'Europe orientale entre le port roumain de Kustenji et Constantinople, met Berlin en communication avec Constantinople, par des fils télégraphiquesappartenant tous à des sociétés allemandes ou au Gouvernement allemand. Mais ce n'est là qu'un début une ligne télégraphique est en construction le long du chemin de fer qui doit aboutir à Bagdad. Elle se terminera à Fars, sur le golfe Persique, à l'endroit même où s'arrête le câble indo européen du Gouvernement des Indes. L'Allemagne ouvrira ainsi une voie télégraphiquenouvelle, et sur laquelle, déclare+on à Berlin, les transmissions seront meilleur marché que sur les câbles sous-marins, entre l'Europe d'une part, les Indes et l'Extrême-Orient d'autre part. Si l'on se rappelle que les Allemands viennent de poser une ligne de câbles qui les méttent en communication directe avec l'Asie orientale, on se rendra compte de la méthode avec laquelle l'Allemagne tend à ce but créer un réseau télégraphique mondial qui soit purement allemand.

les indigènes, à savoir le droit à la propriété immobilière, la législation et les tribunaux indigènes, les écoles, et enfin le droit électoral, La cour suprême du Transvaal, par un jugement récent, vient de solutionner la première de ces questions, celle de la propriété immobilière individuelle. Les Cafres, jusqu'ici, ne pouvaient acquérir la terre; or, la Cour vient d'autoriser un pasteur indigène à enregistrer l'achat d'une propriété qu'il avait achetée près de Krügersdorp, au Transvaal. Ce jugementdonne aux Cafres au Transvaal une situation que les Anglo-Saxonstrouvent privilégiée, les Européens n'ayant pas le droit d'acquérir des terres dans les réserves cafres.

Comme l'on connaît les prétentions des Cafres, prétentions que la puissance électorale qu'ils ont dans la colonie du Cap et la propagande politico-religieuse de l'Eglise éthiopienne augmentent de jour en jour, il importe de signaler cette nouvelle victoire c'est une étape vers un affranchissement vis-à-vis duquel ('administrationanglaise se trouvera appelée dans un proche avenir à prendre d'importantes mesures. ASIE

Organisation de l'Enseignement au Cambodge.

AFRIQUE

L'Enseignement dans la Région du Haut-Sénégal-N iger.

gouverneur général de l'Indo-Chine a mis à l'étude tout un programme de réorganisation de l'enseignement au Cambodge, dont voici les grandes lignes. Après avoir acquis les premiers éléments d'instruction,

fréquentent nos écoles dans

qui leur seront donnés par les bonzes dans les pagodes, les enfants, vers l'âge de douze ans, entreront aux écoles dites proviszciales créées dans les principaux centres de l'intérieur, et y passeront deux ans afin de posséder à leur sortie la connaissance de leur langue nationale, tant écrite que parlée, les éléments du français, du calcul décimal et, en général, de toutes les matières que les jeunes Français reçoivent dans les écoles primaires de France. Des écoles dites préparatoires recevront, après examen éliminatoire, les élèves désireux de poursuivre leurs études. Ces écoles, au nombre de cinq, dirigées par un professeur français, prépareront des candidats pour l'Ecole primaire supérieure, établie à Pnom-Penh, et qui formera des fonctionnaires subalternes, secrétaires ou interprètes des administrations publiques, et des élèves pour l'Ecole de médecine de l'lndo-Chine. Enfin un Collège sera uniquement réservé aux futurs fonctionnaires et aux futurs professeurs. On n'y entrera qu'à la suite d'un concours annuel et en échange de la certitude

Le nombre des élèves qui

la région du Haut-Sénégal et du Niger s'élève peu à peu. Pour une population de 5000 indigènes, Kayes a une primaire école et une école régionale, avec chacune 68 élèves, dont 3 vont se présenter aux examens d'admission de l'Ecole normale de Saint-Louis; une école professionnelle comportant 4 sections 1 Moniteurs, avec 10 élèves-moniteurs pour nos écoles; 2° Télégraphistes,avec 9 élèves; 3° et 4° Travaux manuels, avec 12 élèves pour la section du fer et 12 élèves pour la section du bois. L'école des filles compte 22 élèves. L'école de Timbouctou compte 53 élèves. Les cours d'adultes réunissent, en outre, 6o militaires ou travailleurs indigènes. L'école primaire de Segou a 74 élèves, l'école régionale 38, l'école des filles 30, L'école primaire à Bafoulabé a 3o élèves, l'école régionale 75. L'école primaire de Bobo a 35 élèves, celle de Médine en a 45. Les 34 écoles des cercles ont chacune une moyenne de 3o élèves. L'école d'agriculture de Koulikoro avec 5o élèves, et les écoles de Bouforo et de Bobo créées en vue d'apprendre aux indigènes la culture et la récolte rationnelle et prévoyante du caoutchouc, semblent en mesure de rendre un jour les plus grands services. En résumé, des écoles se construisent un peu partout, dans le Haut-Sénégal et le Niger, et les indigènes ne se refusent plus à y envoyer leurs enfants. Les marabouts eux-mêmes, convaincus que nous n'y faisons aucun prosélytisme, ne marquent plus leur hostilité à l'enseignement français.

Les Droits des Cafres au Transvaal. On sait que parmi les problèmes que l'administration anglaise doit résoudre dans l'Afrique du Sud, celui des indigènes cafres est l'un des plus difficiles. Déjà, les Boers avaient cherché à le résoudre en refusant purement et simplement aux Cafres la plupart des droits civils et politiques, afin de supprimer toute compétition de la majorité indigène contre la minorité blanche. Le Gouvernement anglais, plus libéral en cette matière, a récemment nommé une commission, présidée par sir Godfrey Lagden, pour enquêter sur les prinçipales questions touchant

Le

d'une situation administrative, judiciaire ou professorale; les jeunes gens souscriront un engagement de dix années de service à l'Etat.

En outre, une école professionnelle fonctionnera à Pnom-Penh, qui sera réservée aux élèves désireux uniquement de devenir d'habiles ouvriers. Ce programme d'instruction publique très complet va être incessamment mis en pratique, et l'on est en droit d'en

attendre les meilleurs résultats.

Fondation d'un Musée d'archéologie et d'Histoire khmères à PnomPenh.

Un musée d'archéologie et d'histoire khmères va être incessamment installé à Pnom Penh, sous les auspices de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Un prochain arrêté du gouverneur général de l'Indo-Chine viendra fixer les détails du règlement à donner au nouvel établissement. Le musée khmer de Pnom-Penh, qui serait pour ainsi dire une succursale du musée de l'Ecole française d'ExtrêmeOrient, serait provisoirement installé dans un pavillon de la Pagode Royale, mis gracieusement à la disposition du Protectorat par le roi du Cambodge.


Notes de Tourisme dans le Japon méridional. Après avoir trop longtemps considéré le Ja~on comme le ~ays des Kakémonos, des Samouraïs, des mousmés

et des temples, on a maintenant une tendance excessive et contraire à le regarder comme le dernier modèle de la civilisation occidentale. Les notes qui suivent, prises avec sincérité, et enregistrées à la façon d'un instantané, donnent une impression moyenne et plus exacte celle qu'offrirait le Japon méridional à un~romeneur~lus curieux de voir les choses, que d'étudier les états d'âme et la transformation de l'Extrême-Orient.

DE Chang-haï à Nagasaki la traversée dure quarante-

huit heures. Nous arrivons le soir à huit heures par un beau clair de lune. On entrevoit la baie, qui me semble superbe au milieu des rochers.

Le lendemain matin, je m'empresse de descendre

terre. Je traverse la baie dans un petit sampan, où l'on peut à peine se tenir assis. La ville est extrêmement pittoresque, bâtie en terrasses. Il fait un soleil magnifique qui éclaire ce ravissant paysage. Mon à

impression pre-

mière sur ce pays, dont on parle tant, est d'autant' meilleure, que c'est le jour de la fête d'au-

C'est bien comme en Chine pour la procession du Dragon, mais le costume japonais diffère un peu et fait encore plus d'effet. Je vais reprendre le paquebot; je repasserai ici à mon retour. On part à midi. En avant la musique C'est la fanfare du bord qui ne manque pas de jouer un morceau à l'arrivée comme au départ. Je suis sur la malle allemande, vraiment luxueuse on s'éloigne lentement entre les collines boisées et bizarrement découpées. C'est d'un effet enchanteur. Plusieurs ca-

nonnières de toutes nationalités sont

mouillées dans

tomne qui précède celle des chrysanthèmes. je monte en djinrickschâw (ou djin) et j'ai peine à me frayer un passage au milieu des gens endimanchés qui se pressent dans les rues. Ils montent au Temple apporter

cette jolie baie. Une

heure

son de

trompe pour an-

noncer le déjeuner. On se dépêche d'en finir, pour aller admirer la mer Intérieure, qui me paraît avoir un air de déjà vu, car elle ressemble à la baie

leurs offrandes.

d'Along auTonkin; LA GRANDE RUE NIHON BASHI, A TpKIO. Quantité de mouscelle-ci a même un D'après une photographie. més qui semblent aspect plus granenfants encore, portent leurs bébés joufflus des entants diose. Toute la journée, nous démons devant des sur le dos, marchant courbées, en faisant claquer séries de collines qui semblent fermer le passage; sur le sol leurs socques en bois. Je suis la foule jusqu'au mais on entre lentement dans un étroit couloir qui Temple. L'escalier gigantesque est noir de monde. rappelle les gorges du Yang-tsé. Quelques rocs isolés Inutile de tenter l'ascension. Je reviens par une autre plus petits que dans la baie d'Along. Il faut une je et rencontre une procession. Mon courouma rue grande habitude pour naviguer dans ces parages. Il (traîneur) s'arrête pour la laisser passer. C'est très se met malheureusement à pleuvoir, et le temps curieux à voir elle est surtout composée d'enfants devenant brumeux assombrit le paysage. Le soir, la bizarrement habillés portant des bannières, des orilune éclaire un peu. A chaque passage dangereux se flammes, des dragons en papier de toutes couleurs. trouve un phare; on en voit, de loin, des quantités, A TRAVERS LE MONDE.

29"

L1V.

N° 29.

22 Juillet 1905.


qui font un très joli effet d'étoiles dans la nuit. Nous arrivons à Kobé, le lendemain, à trois heures et demie. On met tous les passagers en ligne, et les petits médecins japonais en uniforme nous examinentconsciencieusementet d'un air méfiant. On mouille assez loin de la ville. Pluie et vent en chaloupe jusqu'à la douane, où l'on visite les colis. Je descends au Great Eastern Hotel, près du quai, où j'ai la chance de retrouver un passager qui parle français. La pluie continuant, je ne puis sortir. Le lendemain matin, je vais chez le Consul il m'invite à aller voir sa femme qui est aux environs, à Takatory. La petite maison japonaise qu'elle habite est tout à fait sur le bord de la mer; elle .possède un parc charmant avec des pins parasols, et de jolis arbustes avec des fleurs variées; on y passerait volontiers quelques jours. La ville de Kobé n'a de remarquable que sa baie. La concession s'étend sur le bord de la mer et fait une jolie promenade. On va de là dans la colline, où il y a des temples et la cascade célèbre de Nunobiki. Je prends le train de luxe de Tokio; mais je 111

amc~c a

vaana,

grande ville japonaiseoù setrouvent des fabriques nom-

breuses. je vais déjeuner dans un

hôtel japonais. Pas fameux le menu. Je

de politesse. Je n'ai jamais vu un pays où les gens soient si aimables et si polis pour les étrangers. Le lendemain, j'ai la chance qu'il fasse beau. J'en profite pour aller visiter la ville. J'entre dans une boutique et l'on m'introduit dans un atelier où l'on fabrique les admirables émaux cloisonnés que tout le monde connaît. Dans la journée, je vais voir le Musée où j'admire un bouddha gigantesque en bronze doré. On prend un ticket pour faire le tour et on le remet en sortant; on fait de même dans les Temples qu'on ne visite jamais sans payer, et après avoir mis des chaussons sur ses chaussures, afin de ne pas salir les dalles qui sont toujours soigneusement lavées. Mon djin me fait ensuite traverser le grand parc de Kinadzu qui est un vaste cimetière avec des arbres séculaires de toute beauté. Le Japonais a le culte de~ arbres. Toutes les pagodes célèbres en sont entourées. Je monte ensuite au sommet d'un grand temple d'où l'on jouit d'une vue merveilleuse, la ville d'un côté et le parc de l'autre. Il y a toujours des quantités de touristes étrangers et de pèlerins. De nombreuses boutiques avec des étalages variés. On m'offre de voir les danseuses du temple; je ne savais pas qu'il en existàt dans ce lieu saint. Je rentre d'un autre côté par la rue des Théâtres. On la traverse à pied,' les

prends un djin

pour voir la ville. Je traverse quantité de ponts, et on m'emmène visiter la manufacture de la Monnaie par une jolie route, plantée d'arbres. Mais je .suis pressée; jedois reprendre le train à

djins vont nous

attendre de l'autre

côté. Je suis la

foule, composée de

toute espèce de UN FAUBOURG DE TOKIO.

D'après une photographie.

trois heures pour arriver le soir à Kioto, la ville sainte. J'y suis à six heures et demie. Le courama me fait traverser toute la ville pour aller à un hôtel délicieusement situé sur une petite élévation d'où l'on jouit d'une vue magnifique. Le soir, de la terrasse de ma chambre, j'admire le panorama de la ville, éclairée à l'électricité. On est un peu à la campagne, je fais un petit tour dans les environs avant le dîner, qui est gentiment servi sur de petites tables par de gentilles bonnes japonaises, en costume propre et coquet, avec des chaussettes blanches aux pieds, ce qui supprime le bruit insupportable des socques. Elles trottinent silencieusement sur le parquet avec leur serviette sous le bras. Elles ont une façon exquise de vous présenter les plats en vous faisant une gracieuse petite révérence. La mienne est toute jeune, presque une enfant. Elle aurait du succès à Paris les gentlemen, plus nombreux que les dames, les regardent d'un oeil bizarre; mais il paraît qu'elles sont irréprochables; à la moindre incartade, elles seraient renvoyées. Le menu est excellent. Après le repas, je vais faire un tour aux étalages de bibelots exposés dans l'hôtel même. Les marchands vous offrent de voir leurs marchandises avec force révérences et gestes

gens. Toujours des mousmés avec leur marmot sur le dos.

Quantité de boutiques où l'on s'arrête. Toutes sortes de gâteaux, de jouets; même des marchands de marrons. Je ne manque pas d'en acheter, ils sont excellents. J'aperçois d'énormes affiches sur de grandes baraques qui sont les théâtres. L'un deux, plus grand que les autres, termine cette rue pleine d'attractions. Je m'assois un instant sur le banc d'une boutique, pour attendre mon courouma. Personne ne me dit rien. Je rentre à l'hôtel et je donne deux yens, environ six francs, à mon traîneur, pour cette journée si bien remplie. Malgré la pluie qui tombe le lendemain, je vais faire l'excursion de Nara, qu'on m'a recommandée. Je déjeune à Kokutaki, à l'entrée d'un parc célèbre qui est de toute beauté. En attendant le beau temps, je me fais servir dans une salle à manger propre et coquette, au fond d'un jardin. Une petite Japonaise s'empresse de m'apporter des plats européens assez mal accommodés. Pendant ce frugal repas, elle m'examine sous toutes les faces, n'ayant jamais vu de si près, sans doute, une Européenne. Jetermine et je demande un véhicule pour me conduire au parc. Le temps s'élève, mais il fait très humide sous les sombres allées. Je descends pour visiter Kofukudji, Nigatsu, etc., toute une série


de jolies pagodes. Nous revenons par le Daihutsu Hall où s'élève le fameux Bouddha. Ce parc est immense je finis par en sortir, et je me fais conduire à la gare, car je reprends l'express ce soir pour Tokio. Je dîne avant

les autres, ainsi qu'un Italien qui part aussi sans doute. Nos petites bonnes nous offrent de gentils bouquets en faisant les plus bellesrévérences, nous ce qui vaut bien un pourboire; en tout cas, c'est une gracieuse façon de le demander. J'arrive à la gare et je monte en sleeping; ce n'est pas luxueux, mais enfin on dort passablement, couché sur les banquettes de cuir, qu'on transforme en lits. Le lendemain, on arrive à Yokohama vers 8 heures. Temps brumeux. La plupart des voyageurs descendent. Je continue sur Tokio, où l'on débarque une heure après. Je me fais conduire à flmperial Hotel. C'est splendide, avec tout le confort désirable. On ne se croirait pas au Japon. Il y a dans le quartier des bâtiments neufs immenses ce sont des ministères, me dit-on. Après une toilette rapide, je prends un djin et je me fais conduire à la Légation de France. La pluie

se

met à tomber dru, et c'est assez loin. On passe devant le

palais impérial en-

touré d'un canal: on ne peut y pénétrer. Je suis un long

boulevard où circule un tram électrique il y en a, du reste, sur toutes les grandes voies. La ville est immense, mais peu in-

téressante. Il y a

vient admirer du plus loin. Elle commence à la station voisine, Imanchi, et se termine à la gare de qu'on

Niko.

A mon entrée à l'hôtel, quantité de petites bonnes japonaises se précipitent pour me porter mon sac et

mon manteau. Toujours le même empressementde la part des hôteliers, qui vous donnent avec la politesse la plus exquise tous les renseignements que vous leur demandez. Aussi, rien n'est-il plus facile que de voyager au Japon, même pour une femme seule. C'est plus sûr que la descente du Yang-tsé. La soirée est assez fraîche on sent le voisinage de la montagne. Un torrent coule près de là, on croirait voir un gave, aux Pyrénées. Malgré la saison un peu avancée et le temps incertain, je prépare une excursion au lac Chuzenski, la promenade classique. Je pars le lendemain à 8 heures, car il faut deux heures et demie de cheval. Je prends un guide, qui me suit de loin; mais il n'y a qu'une route nul moyen de s'égarer. Elle suit d'abord le torrent Daiya pendanttrois milles jusqu'à Futamiya, où elle fait un cou-

de. Première étape à une maison de thé, où soufflent un instant le guide et le cheval. On monte ensuite graduellement sur une route en lacet, durant une heure et demie. Second arrêt à une hutte où se trou-

vent deux jolies

cascades, Honga et Hodo. Trois quarts

beaucoup de terd'heure encore LE PARC D'UYENO, A TOKIO. rains vagues, cela pour monter à Nuressemble à un D'après une photographie. kanachaxa, maison grand village; toude thé, près d'une des jours grande roche plate. Fort jolie vue, au-dessus d'une parcs et des temples. Dans la journée, je vais à Shiba, où se tient un grand bazar. Je termine magnifique chute de 350 pieds de haut, qu'on appelle la journée en visitant des magasins de soieries et de Koga. Je repars à travers un joli sentier sous bois où je bibelots. Il y a de jolis objets en argent. Je rentre vois toutes espèces d'arbres, des pins et des hêtres surpour le dîner, qui est très bien servi par des garçons tout. Ceux-ci ont déjà leur feuillage d'automne toute japonais en costumes européens. La salle à manger est la gamme du rouge qui, dans la masse, fait le plus magnifique, on dîne assez bien par petites tables. Des ravissant effet. Me voici enfin à Chayenski, après avoir dames anglaises, comme toujours, en grande toilette. rencontré pas mal de touristes à pied, venus en djin; Jusqu'à présent, je n'avais vu rien de bien mais, la plupart.du temps, ce sont les traîneurs qui remarquable, sauf Kioto. Mais tout le monde me dit portent le léger véhicule sur leur dos, en prenant des rien n'est comparable à Niko. Je poursuis donc que raccourcis. Je vais déjeuner à l'hôtel situé près du lac mon voyage jusque-là. C'est assez loin, on met presque que je vais explorer ensuite. Le vent est frais, et il n'y toute la journée pour y parvenir; ce n'est plus a pas de soleil. Le tour de ce petit lac, qui est une l'express. Je vais à Niko-Hôtel, un peu en dehors du miniature de ceux de Suisse, me paraît charmant de village, d'agréable aspect d'ailleurs, ainsi que l'hôtel. coquets chalets sont cachés dans la verdure. Ils sont La porte est tout illuminée dès que la nuit tombe. Tout déserts maintenant, mais à la belle saison les Européens près, les inévitables boutiques de cartes postales, de de Tokio y viennent en villégiature. Un joli sentier bibelots en bois sculpté du pays, bois de toutes sortes ombragé entoure le lac, d'où l'on a des échappées sur d'essences. Un petit parc est à côté, je vais y faire une les collines qui l'encadrent et forment un paysage du courte promenade. De jolis cryptomérias m'appaplus ravissant effet. On ne se lasserait pas de le conraissent de toutes parts. On en voit beaucoup dans le templer, mais il faut songer au départ si je ne veux pas où pays, se trouve l'allée célèbre de ces beaux arbres rentrer à la nuit. On repart par le même chemin et


on s'arrête aux mêmes endroits. Les petites Japonaises m'offrent du thé et des bonbons à la menthe pour quelques menues pièces de monnaie. J'arrive à l'hôtel vers 6 heures, juste à temps pour éviter la petite pluie qui commence. Le lendemain, je vais, naturellement, visiter les temples les plus célèbres. Les parcs sont de pures merveilles, avec des arbres gigantesques de toute beauté. Les cryptomérias et les pins reparaissent, on m'en fait admirer qui sont centenaires. Les Japonais ne sont pas comme les Chinois, qui coupent presque tous leurs arbres, sauf ceux des pagodes, qui sont sacrés. On connaît la façon originale dont les Japonais taillent certains arbustes, les torturant pour les empêcher de

croître.

Je m'arrête, en revenant, chez un grand marchand de bibelots, qui a vraiment des choses anciennes merveilleuses, entre autres des boîtes en laque d'or, d'un prix inestimable. Mais il me faut repartir pour Tokio en route, je vois très bien le Fusiyama. Il domine de beaucoup toutes les autres montagneset se distingue facilement avec son sommet carré. J'arrive en gare à la nuit tombante; aussi, le chemin me paraît intermi0 nable jusqu'à l'hôtel. Le lendemain, qui est un dimanche, je vais à la cathédrale, où je rencontrenotre attaché militaire avec sa famille. N'ayant plus rien à voir, je pars pour Yokohama. Il fait un temps superbe, par extraordinaire il faut en profiter pour faire une belle promenade. Mon djin me fait passer par le bluff, où se trouvent *les- plus jolies maisons européennes tout entourées de jardins fleuris. Elles sont bâties sur une petite colline d'où l'on aperçoit la mer par échappées, car c'est un nid de verdure. Le djin me fait faire un grand tour sur une belle route où je rencontre quantité d'équipages garnis de dames aux superbes atours. Je m'arrête un instant près du champ de courses pour prendre du thé sur une petite terrasse d'où l'on jouit d'une vue merveilleuse sur la mer et les rochers qui la surplombent. Je m'arrête, en rentrant, chez un marchand de fleurs et chez quelques marchands de curiosités. La ville me plaît beaucoup c'est moins grand que Kobé, et que Tokio surtout; mais l'aspect en est beaucoup plus agréable. A l'Hôtel Oriental, superbe et tout flambant neuf, dîner en compagnie de dames américaines et anglaises en toilettesde soirée tapageuses et du plus mauvais goût. Toute la société, non moins bruyante, s'assoit un instant dans le hall; mais j'en ai vite assez et je regagne ma chambre très jolie et d'un confortable tout moderne. C'est ma dernière journée, si je veux rejoindre à Kobé le paquebot qui doit me ramener à Chang-haï. Le temps redevient sombre, pour me laisser moins de regrets de quitter ce joli pays. Je vais au Consulat, très bien situé près de la mer, au bout du bund. Le Consul, très aimable, m'introduit dans son salon où se trouvent entassées, pêle-mêle, des collections de vieilles gravures. La journée se passe à errer dans les boutiques, et à préparer mon départ par l'express du soir. Enchantée de mon petit séjour au Japon, je me retrouve, néanmoins, avec plaisir, le lendemain matin, à l'hôtel de Kobé. Je vais déjeuner au Consulat, situé au pied de la colline. Il a un très joli jardin avec de

beaux palmiers. La journée passe très vite à revoir la ville et les boutiques. On ne s'embarque qu'à minuit sur la chaloupe pour aller retrouver dans la baie le grand paquebot du Canadian Pacific Railway, qui fait le service de Vancouver à Hong-kong en passant par le Japon. C'est peut-être moins raffiné comme élégance que les bateaux allemands, mais c'est tout aussi confortable. Il n'y a pas de musique, mais on s'en passe, surtout du clairon les cabines sont plus grandes et le pont-promenadetrès vaste. Le voyage s'effectue heureusement sans roulis. Je revois la mer Intérieure et je m'arrête de nouveau dans la jolie petite ville de Nagasaki et le ravissant paysage de collines qui

l'encadrent d'une façon si pittoresque. Le lendemain, j'arrive à Wousoung, d'où l'on gagne Chang-haï en chaloupe à vapeur. Mme BONS D'ANTY.

Les Japonais à l'tle Sakhaline. Auu moment où des conciliabules précurseurs de la paix sont sur le point de s'engager entre les représentants des Russes et des Japonais, ceux-ci ont voulu mettre un atout de plus dans leur jeu, en s'emparant de l'île Sakhaline. Ils considèrent, d'ailleurs, que cette prise de possession est une simple restitution, car jamais ils n'ont accepté franchementlesconditions diplomatiques qui leur avaient arraché l'île en 187 5 « Notre histoire,dit l'Asabi, journal officieux de Tokio, tend à prouver que Sakhaline est une chose japonaise, c'est-à-dire que cette île doit nous revenir. La nation a regretté maintes fois la faute initiale commise par notre Gouvernement en l'abandonnant; elle comprend que le moment est venu de corriger notre erreur. « Sakhaline doit être à nous, avant que les négociations pour conclure la paix soient commencées; nous devons donc en prendre possession maintenant. « La rétrocession de Sakhaline, dit le Taiyo, est la quatrième des conditions à demander par le Japon. Au commencementde l'ère du Meïji, nos gouvernants se sont laissé jouer par la diplomatie russe, et ils ont consenti à la légère à l'échange de Sakhaline contre les Chishima (nom japonais des îles Kouriles). Les Russes possession des se sont installés à notre place, ont pris pêcheries, imposé des taxes, et, sans travailler le moins du monde, ont recueilli la plus grande partie des profits. Sakhaline étant une possession japonaise qui nous a été enlevée par fourberie, nous devons exiger de la Russie, non qu'elle nous la cède, mais qu'elle nous la rende. » Outre qu'elle renferme de grandes richesses minières et autres, file prise par les Japonais fermerait à la Russie le libre passage de l'océan Pacifique, le détroit de Lapérouse appartenant au Japon. Resterait le détroit de Behring, mais celui-ci est gelé neuf mois de l'année. On comprend dès lors l'importance que les Japonais attachent à sa possession.


Les Étrangers à Tanger. TANGER,qui a été si souvent décrit, est, on peut le dire, le vestibule par où le monde entier a pénétré dans le Maroc. Cette ville de 25000 habitants, cosmopolite par excellence, forme un curieux contraste avec le reste du pays si réfractaire à toute pénétration, fûtelle pacifique. A l'heure actuelle, c'est le seul point de l'empire chérifien où la sécurité soit à peu près complète, grâce à une sorte de condominium exercé par toutes les légations, et dont une des principales manifestations consiste dans la Commission d'hygiène, qui a organisé un service de voirie plutôt sommaire. Tanger faisant partie du caïdat de l'Andjéra, région montagneuse qui se profile à droite de la baie,

setrouve,parcelamême, gouverné,au moins pour la forme, par Er Raissouli, que le sultan a bien

involontairementpromu caïd

mais le vieux

renard se méfie, et pour ne pas s'exposer à subir à son tour le sort de M. Perdicaris, il se garde

bien de descendre en ville, et se borne à faire

rendre, certains jours,

sur le grand sokko, ou place du marché, la justice en son nom par son

dement implanté une vingtaine de familles nouvelles, venues, la plupart, d'Algérie, pour faire du commerce, ou exercer les métiers les plus divers. Les deux sokkos, entourés des légations de tous les pays, dont le vent agite les pavillons multicolores, sont une Europe en miniature, où se donnent carrière des ambitions et des intérêts souvent contradictoires, Au mois de mai dernier, ce petit monde était fort agité, par suite du départ presque simultané pour Fez, des missions allemande et anglaise, sans compter l'arrivée du nouveau ministre d'Espagne. Les départs pour ces longs trajets ne se font pas sans provoquer une grande affluence, quand il s'agit de caravanes diplomatiques, et le sans-gêne apparent des éminents voyageurs en costume de voyage, n'enlève cependant pas à leur exode une certaine solen-

nité, qui provient des préoccupations du jour, et des graves intérêts qu'ils sont chargés de défendre. La petite gravure qui accompagne cet article, provient d~ un instantanéque j'eusl'occasiondeprendre, le 19 mai, vers 2 heures et demie, sur le grand sokko, lors-'du départ de la

miss'ion

anglaise.

Comme elle s'était égrenée sur un assez long espace, il fallait renoncer à une vue d'ensemble, et se contenter de saisir chaque groupe au fur et à mesure qu'il défilait devant l'objectif. Ce furent d'abord les trois porte-étendard du sultan, à cheval sur une seule ligne, majes-

tueusement drapés

dans leurs grands voiles khalifat. blancs, puis fescorte de Cette sécurité de cavaliers Magb,~enis, arDÉPART DE LA MISSION ANGLAISE, A TANGER. Tanger est d'ailleurs més de fusils à répétiD'après photographie. une strictement limitée à la tion. Letroisièmegroupe cité, et ne s'étend nullement à sa banlieue immédiate. que nous donnons ici, était composé du ministre, de M. Harris, correspondant d'un grand journal lady Lowther, du fameux caïd Mac Lean, aisément anglais, qui possède une fort jolie villa très agréablereconnaissable à son turban et à son cheval blanc, et de ment située sur le bord de la mer, à une lieue environ quelques autres seigneurs de moindre importance. du port, a été obligé de l'abandonner, sur le conseil Les autres groupes étaient formés par le reste de des autorités qui se sont déclarées impuissantes à la la mission et presque tout le corps diplomatique europrotéger. C'était même, en mai dernier, une des dispéen, qui avait tenu à faire au ministre anglais un tractions que l'on pouvait s'offrir de la terrasse de bout de conduite. l'hôtel Cecil, que de voir passer en brillante cavalcade Venait enfin la chaise à porteurs de lady Lowtoute la famille Harris, escortée d'un peloton de cavather, pour le cas où elle eût été fatiguée du cheval, et liers du Maghzen allant et venant entre la ville et la la longue théorie des mulets de bât, chargés du campropriété consignée. pement et des bagages. Quant aux provisions, on sait Un des notablesde notre colonie, dont la maison, qu'elles sont chaque jour perçues, sous le nom de un peu isolée, n'est cependant à guère plus de 500 mèmouna et par les soins des caïds, sur les populations l'enceinte de fortifiée, a dû demander un factiontres dont on traverse le territoire. naire indigène, pour éviter toute surprise. Cet impôt en nature, plusieurs fois répété, par Cette anarchie, cependant, qui n'a jamais été si suite de la multiplicité des ambassades à Fez, aura été, grande, n'a pas, depuis, et même avant l'accord francocette année, très lourd à supporter, d'autant plus qu'à anglais, empêché les Européens, et principalement nos cette heure le Maroc souffre de la disette. compatriotes, d'affluer à Tanger; depuis deux ou trois Cette disette permet aux importateurs de ans, la colonie française a presque triplé en nombre, produits alimentaires, surtout de semoules, de réaliser et si une élimination salutaire a été la conséquence de de très beaux bénéfices. De tous les ports marocains cet accroissement rapide, il ne s'en est pas moins solide l'Océan, les commandes affluent; et les courtiers


allemands se multiplient. Le hasard m'en ayant fait rencontrer un, fort intelligent, très « représentatif sa profession et qui voyage depuis longtemps dans ce pays, je m'efforçai de le faire causer, pour essayer d'entrevoir les aspirations du commerce allemand dans cette partie du Maghreb. Après bien des paroles qui ne menaient à rien, il finit par admettre qu'un port de l'Atlantique, tel que Rabat, serait une solution très acceptable. Cette conversation, d'il y a six semaines, m'est revenue à la mémoire, en lisant, ces jours derniers, que le parti colonial allemand avait inscrit dans son programme une conces~ion de ce genre. Pour le moment, Tanger, porte du Maroc inviolé, se recueille, attendant avec anxiété le courrier qui lui apportera la nouvelle d'où doit dépendre sa destinée.

de

G.

DU BOSCQ DE BEAUMONT.

Mort d'Élisée Reclus. Géographie vient de perdre un de ses maîtres, et le Tour du Monde un de ses plus illustres collaborateurs Élisée Reclus est mort, à Thourout, en Belgique, à l'âge de soixante-quinze ans, des suites d'une mala-

LA

die de cœur. La science n'a pas absorbé toute son activité. L'hérédité et l'éducation avaient formé en lui une âme d'apôtre pour qui les questions sociales et le culte de l'Idée primaient toute autre espèce de préoccupation. Disciple exalté de Rousseau, poussant aux dernières limites les droits de l'homme et leurs conséquences, il était arrivé à formuler une doctrine libertaire, où les anarchistes, dont il réprouvaitcependantles violences, ont pu trouver des excuses à leurs actes. Après avoir fait son devoir de patriote pendant le siège de Paris, il se trouva engagé dans les rangs de la Commune, fut fait prisonnier au plateau de Châtillon, et condamné à la déportation. Sa peine commuée, il alla s'établir en Italie, puis en Suisse, enfin en Belgique où il professait à l'U7aiversité nouvelle de Bruxellesdepuis 1894. Si sa vie publique et intime, quoique empreinte

de la plus irréprochable austérité et illuminée par une bonté sans bornes, peut prêter à la critique, son oeuvre elle-même est un monument admiré de tous, sans res-

trictions.

Sa collaboration au Tour du Monde, à la Revue de Géographie; l'apparition de petits traités sur la Terre, les Mers ont précédé la publication (1885 à 1893) :de Géogr~csa grande oeuvre, les dix-neuf volumes de sa

~bie Usaiverselle'.

Ce n'était point là une ceuvre ordinaire. Aussi éloigné de la sèche nomenclature des Balbi que des arides recherches géologiques de la jeune école géowaphique dont l'Autrichien Suess est le protagoniste, Elisée Reclus donna réellement des pays, des régions, des races dont il parlait, une idée complète et vivante. Non seulement il étudia, avec la juste mesure qui convient, le sous-sol terrestre et sa réaction sur la surI

Librairie Hachette et Cie, Paris.

face, les modifications que le climat et les agents

atmosphériquesapportent à son habitat, mais il étudia, en philosophe, en artiste, en savant, les fleuves, éléments de vie, et les villes où cette vie s'est concentrée. Il tenait compte de tout ce que l'histoire, l'ethnographie, la linguistique, les statistiques commerciales lui apprenaient, pour nous mieux faire connaître la terre et l'homme. Le premier, non content de décrire avec cette pittoresque fermeté de style où il excella, il voulut que cette description se gravât plus profondément par l'usage de cartes qu'il multiplia, en les fragmentant, dans son colossal ouvrage. Avant de mourir, il a mis la dernière main à l'œuvre qui est la conclusion de tous ses efforts scientifiques L'Homrne et la Terre. Il y développe l'idée si belle qu'il .a exprimée dans le dernier volume de sa Géographie Partout je me suis trouvé chez moi, dans mon pays, chez des hommes, mes frères. Je ne crois point m'être laissé entraîner par un sentiment qui ne fût pas celui de la sympathie et du respect pour tous les habitants de la grande patrie. »

Cette élévation de la pensée commande le res-, pect. La dignité et la droiture de sa vie le commandent aussi, même à ceux qui ne partagèrentpoint ses idées; l'ampleur et la valeur de son œuvre s'imposent à l'ad-

miration de tous.

La Surproduction de l'or et l'Activité industrielle. énorme, presque invraisemblable, AUGMENTATION dans la production de l'or, est un des phénomènes économiques appelés à modifier profondément dans le courant de ce siècle les conditions des échanges. En 1875, on estimait tout for qui circulait alors dans le monde, et qui s'était accumulé pendant quelque vingt siècles auparavant, à la somme approximative de sept milliards et demi de francs, au maximum. A la fin de 1905, soit trente ans plus tard, cette somme se trouvera quad~~ujhlée, et atteindra le chiffre de trente mil-

liards. Donc la production de ces trente dernières années a été le triple de ce que le monde avait produit

et manié jusqu'en 1875. Ajoutons que de 1895 à 1905, soit pendant les dix dernières années, la quantité de for extrait du sol a égalé celle qu'avaient obtenue trois des siècles précédents, le XVe, le XVIe et le XVIIe. Et l'on cherche et l'on découvre tous les jours de nouveaux gisements aurifères! La première impulsion, dans la production de l'or, fut donnée par la découverte des gisements de Californie, en 848, bientôt suivie de celle des placers australiens, en 1851. A la même époque, les mines russes se firent plus productives. Résultat une véritable explosionde l'activité industrielle dans le monde entier. Les découvertes des régions aurifères de l'Afrique méridionale, de l'Alaska et du Colorado produisirent leurs effets vers 1892; l'extraction atteignit à des


résultats fabuleux tandis que la production de l'or, pendant toute la première moitié du XIX. siècle, s'était élevée à quatre milliards; elle fut de près de trentecinq milliards pendant la seconde moitié du même siècle. Résultat une nouvelle explosion d'activité industrielle, celle qui a marqué les dix dernières années du siècle qui vient de s'achever. Tout porte à croire que cette progression parallèle du rendement de l'or et de l'industrie,

continuer.

va

Une des causes principales de la production intense du métal jaune, c'est, abstraction faite de la

découverte de nombreux et riches gisements, le perfectionnement très grand apporté dans les méthodes d'extraction. Autrefois, presque tout l'or provenait des sables aurifères, et s'obtenait par le lavage à la main, bien qu'on se servît du mercure pour parfaire fceuvre du lavage. Or, dans les quinze dernières années, la méthode minière hydraulique et le traitement au cyanure ont eu le double effet de faire faire aux résultats obtenus des pas de géant, et de ramener le coût de l'extraction, de 25 à 40 francs, que coûtait approximativementl'ancien procédé, à 10-40 centimes par tonne de minerai. Surtout, les méthodes nouvelles extraient les moindres parcelles, et permettent même de traiter à profit les résidus accumulés d'anciens lavages. C'est donc bien au perfectionnement des procédés d'extraction, s'ajoutant à la découverte des gisements du Transvaal et du Klondike, que peut s'attribuer la richesse grandissante des rendements annuels de la période actuelle. Et cela ne va point s'arrêter là; tout porte à croire, au contraire, que l'augmentation va s'accentuer davantage encore. En 1896, la production dépassait le milliard pour la première fois en 1903, elle s'élevaità un milliard six cent vingt-cinq millions, et l'année dernière à un milliard sept cent cinquante millions. Au Transvaal comme au Colorado, la production courante promet pour cette année des résultats supérieurs encore. Ces résultats et ces espérances font prévoir, si l'on en croit les analogies que nous montre le passé, une ère inouïe d'activité industrielle.

André Bellessort.

La Roumanie contemdoraine. Hier et aujourd'hui. Juifs et paysans. Le Danube et la Dobrodja. 1 vol. in-¡6 avec une carte. Prix 3 fr. 5°. Librairie académique Perrin et Cie. Paris. Roumanie Contemporaine,que M. André Bellesort publie à' la librairie Perrin, est, tout à 'la fois, l'étude la plus exacte et la peinture la plus vivante de ce jeune royaume si peu connu et qui mérite tant de J'être. Comment, sur une terre balayée par les invasions, asservie par les Turcs, menacée par les Russes, ces Latins d'Orient ont-ils pu se reformçr et reconquérir leur indépendance ? Comment cette ancienne patrie est-elle sortie de ses ruines et s'est-elle recréée en plein x~xe siècle? C'est ce que nous montre tout d'abord l'auteur: et l'on peut dire qu'il n'y a guère de spectacle plus passionnant et plus réconfortant, que celui d'un peuple qui, sous une oppression plusieurs fois séculaire, garde encore assez de vie et de personnalité pour se relever et affirmer ses droits à l'existence.

L

Mais ce peuple se trouve aux prises avec des difficultés dont la plus grave vient assurément des trois cent mille Juifs qui sont installés là. On sait que la question juive, en Roumanie, a été souvent agitée dans la presse européenne, M. Bellessort a parcouru toute la Roumanie; il a pénétré sous le

chaume des paysans; il est entré dans les plus sordides échoppes juives; il a séjourné chez de grands propriétaires; il a été reçu chez des rabbins. De cette enquête si scrupuleuse et si impartiale, il a rapporté toute une galerie de tableaux étranges, pittoresques et vrais. Jamais la question juive, en cet Orient de l'Europe, ne nous a été exposée avec plus d'art et de réalité. Enfin il a descendu le Danube; il a visité le Delta et les vastes plaines de la Dobrodja, où se mêlent et s'éparpillent tant de peuples divers. Ceux qui l'ont déjà suivi sur les plateaux boliviens, sous les ombrages des Philippines et dans l'archipel du Japon ne seront pas surpris des qualités de poète et d'observateur qu'il a déployées dans la description de ces étonnants pays, dont beaucoup d'entre nous ne soupçonnaient pas même l'intérêt.

Collection des grands artistes.

Praxitèle, par

Georges PERROT, de l'Institut; Lysippe, par Maxime COLLIGNON, de l'Institut; Douris et les peintres de vases grecs, par E. POTTIHR, de l'Institut. Chaque volume petit in-8° avec 24 gravures broché, 2 fr. 50 j relié, 3 fr. 50. (Envoi franco contre mandat-poste à H. Laurens, éditeur, 6, rue de

Tournon, Paris-Vie,)

Lart antique,

Collection des Grands Artistes devait embrasser aussi cet où l'art moderne, lors de la Renaissance, avait été chercher des inspirations et des modèles. Dans son Praxitèle, M. Perrot, ancien directeur de notre Ecole normale supérieure, cherche à définir le génie de l'auteur du célèbre Hermès retrouvé comme par miracle à Olympie, et de cette Aphrodite de Cnide à l'égard de qui les anciens ont professé la même admiration que les modernes pour les Vierges de Raphaël. M. Collignon, dans son Lysippe, étudie le sculpteur attitré d'Alexandre, celui avec lequel finit le siècle qui termine la période classique. M. Pottier, dans son Douris et les Peintres de vases grecs, s'applique à donner une idée de ce que fut, au ve siècle avant notre ère, cette peinture sur argile

dans laquelle nous aimons à saisir comme un reflet fidèle et une réduction simplifiée des grandes fresques et des tableaux de chevalet qui, vers ce même temps, firent la gloire des Polygnote et des Zeuxis, fresques et tableaux dont il ne subsiste pas le plus léger débris. Ces trois études sont dues à trois maîtres de l'archéologie, mais ces érudits sont franchement entrés dans l'esprit de l'entreprise à laquelle ils avaient tenu à honneur de s'associer. Ils se sont imposé le devoir de dissimuler l'effort que leur avait coûté la préparation de ces essais, et d'écarter de ces pages tout appareil scientifique. Ce qu'ils ont voulu, c'est fournir à des gens de goût, auxquels manquait une éducation spéciale, les moyens de se reconnaître au milieu de tant d'œuvres du génie antique qui se pressent dans nos musées, et d'arriver ainsi à mieux comprendre l'originalité de l'art grec et son infinie variété,

Guido Rey.

Le Mont Cervin. Ouvrage traduit de l'italien

par Mme L. Espinasse-Mongenet, contenant un avantpropos de E. Pouvillon et une préface de E. de Amicis. in-16, illustré de 16 gravures: broché, 3 fr. 50, Hachette 1 vol. et Cie. Paris. livre pour une montagne; si grande que soit celle-ci, cela paraîtra à plusieurs un petit sujet pour un gros volume. Mais que ceux-là lisent, et ils verront que, de page en page, le sujet s'élargit et s'élève, la montagne prend de la vie, acquiert l'importance et la force attirante du héros d'un poème, si bien que l'oeuvre finit par sembler trop brève. Celui qui n'a point vu la montagne entrera, par ce livre, dans un monde absolument différent de celui dans lequel il vit, un monde où il trouvera des caractères, des passions, des formes de vertu et de hauteur d'âme qu'il ne soupçonnait point auparavant. 11 y verra aussi comment est né l'alpinisme italien, dont la conquête du Cervin fut tout juste la première gloire. Et,. de la passion pour la montagne, il connaîtra l'essence intime et les fruits les meilleurs. T 1N


GAZETTE DE LAUSAlVNE

Pâques

athéniennes.

plus en plus au grand carême, observant seulement le jeûne de la semaine sainte. Ils se nourrissent alors chichement, se contentent de pain, de légumes cuits à l'eau, câpres, ail, poivre long qui met leur palais en feu. Le jeûne ainsi compris donne des résultats déplorables; mais, la tradition l'exigeant, elle continuera de transmettre aux siècles futurs ses lois et ses gastralgies. Cette fatigue d'estomac s'augmente des fatigues endurées au long des stations interminables dans les églises. Chaque jour de la semaine sainte a ses cérémonies, qui demandent parfois de six à huit heures de présence. Pas de chaises pour se reposer. C'est à consterner les Anglaises curieuses qui n'ont même compas la place pour ouvrir leur pliant, tant la foule estéglises pacte. Le soir du vendredi saint, en particulier, les regorgent de monde. Chacun s'est muni de rameaux bénits et de cierges qui, tout à l'heure, vont scintiller dans les rues le pappa d'Athènes. A la fin du service, le prêtre asperge l'assemblée d'une eau puisée à l'Ilissos; puis, sur les derniers nasillements du chant byzantin, le cortège figurant l'ensevelissementdu Christ se prépare les cierges s'allument, et de chaque église sort la mélopée plaintive qui accompagnera la marche du saint-suaire. La foule se presse sur son passage. Toutes les fenêtres s'étoilent de lumières. Derrière une de ces fenêtres, une femme a appuyé la geste paume de la main contre la vitre. Par malheur, c'est un écartés. doigts de malédiction que d'étendre ainsi la main, les De la foule montent des huées, des insultes; et peut-être ferait-on un mauvais parti à l'imprudente, si un citoyen moins fanatique ne l'avertissaitde son crime involontaire. Le cortège, un moment interrompu par cet incident, s'est remis en marche. Toutes les églises se vident ainsi dans la rue, comme autant de ruisseaux qui se joignent à un fleuve, et bientôt toute la ville étincelle de milliers de petites lumières. Semblables à des feux follets, d'autres lumières courent au dehors, sur les flancs de la colline du Lycabète. Le samedi saint, à la nuit tombante, les fidèles se réunissent de nouveau dans les églises, attendant la résurrection du Sauveur. Les prêtres éteignent l'.une après l'autre les lu. mières du culte. Un d'entre eux se dirige alors vers le porche d'entrée, invitant chacun à allumer son cierge à la flamme de celui qu'il tient à la main, ce qui ne s'accomplit pas toujours sans bousculades. Puis, d'une voix retentissante, le cri mille fois répété « Cbristos anesti! » (Le Christ est ressuscité !) s'élève glorieusement. De morne qu'elle était tout à l'heure, la foule a passé à des accès de joie indescriptibles. On s'embrasse, en se souhaitant une bonne fête. Chacun Il est songe au dimanche qui est là, clôture du jeûne pénible, officiers minuit. De la cathédrale sortent les princes et les chamarrés que le devoir y avait appelés. Le dimanche se lève enfin, au bruit des coups de fusil, de l'éclat des pétards qui crépiteront sans discontinuer. C'est jour de bombance, et l'animal qui est dans l'homme se réjouit en songeant au charmant agneau acheté la veille et qu'on a transporté chez soi, autour du cou, avec un foulard. Le voilà à présent bien parfumé d'herbes aromatiques, piqué d'ail et enfilé sur une broche de bois, la tête sanglante de la bête allongée vers la pointe, tandis que les pattes de derrière broche. Posé sur deux se tendent vers l'autre extrémité de la pieux en fourche fichés en terre, l'agneau tourne lentement passe sur un lit de braises ardentes; de temps à autre, on lui l'opéjusqu'à l'échine, de ce que la moitié d'un citron le long trois à parfois demande qui satisfait, déclare ce rateur se strictefête car c'est une quatre heures. Chaque famille pascal. Cette façon ainsi l'agneau ment familiale mange de fêter la Pâque se perd dans la nuit des temps. Moïse déjà défendait à son peuple de bouillir l'agneau, et ordonnait de rôtir au feu la tête, les pattes et les entrailles. Ce dimanche clôt aussi les cérémonies religieuses, terminées de manière bizarre. Au dernier service, abandonné à la valetaille, le prêtre a l'habitude de lire un fragment d'Evangile, en trente-six langues imprimées en caractères grecs. Ce

Les Athéniens reviennent de

charabia sacré est encore une tradition singulièrementaltérée, puisqu'elle symbolise la descente du Saint-Esprit sur les apôtres, à la Pentecôte, Or, nos pappas orthodoxes les font discourir en français, en anglais et en allemand! (Les lignes qui précèdent sont extraites d'une série de chroniques sur la Grèce, écrites par un Genevois, M. Frank Choisy, établi à Athènes depuis de longues années,)

DOWNS AGRICULTURIST Toowoomba (Queesland, Australie).

Port-Arthur. Impressions de Siège. australienne que nous citons, La correspondant de la Revue longue lettre où il raconte

ce adresse à ses lecteurs une oculaire, témoin été le qu'il a vu du terrible siège dont il a et même un des acteurs, puisqu'il était adjoint du délégué Balachof. Il a séjourné en chef de la Croix-Rouge, général J. à Port-Arthur pendant tout le temps qu'a duré le siège.

Port-Arthur, le 11/24 janvier ~go5. Eh! oui, nous voilà encore en vie après onze mois Il de guerre durant huit desquels nous avons été enfermés comme dans une souricière! Pendant ces longs mois, nous avions tous les jours des milliers de bombes de onze pouces, six pouces, etc., qui sifflaient sur nos tètes, et éclataient tantôt devant nous, tantôt derrière, ou à droite ou à gauche. Pendant la nuit, c'étaient des incendies à éteindre, allumés par les bombes japonaises. Bien des fois, j'ai vu des hommes et des chevaux tués raide à mes côtés. Eh bien, maintenant chairs que cela a cessé et que tout est calme, on se tâte les pour savoir si l'on est encore de ce monde. commencement de la campagne, la Croix-Rouge Il Au avait ici trois hôpitaux, J'avais, en outre, fait construire des ateliers de serrurerie, de charronnage, de forge, de sellerie, etc. La Croix-Rouge a ici pour des millions de francs de meubles et immeubles. Maintenant que la ville s'est rendue, nous n'aimerions pas abandonner tout cela, et nous sommes en pourparlers pour en sauver autant que possible. ressemble à aucune de celles que j'ai Il Cette guerre ne vues jusqu'ici, et pourtant j'ai assisté à la guerre russo-turque et à l'expédition de la Transcaspienne. Dans ces temps-là, on près de se canardait avec des canons et des fusils à peu forteresses en se plonmême force; on montait à l'assaut des geant les uns les autres des baïonnettes dans le ventre ou dans le dos. Pour tirer du canon, on devait mettre les pièces d'où l'on pût pointer et tirer en quelque endroit bien en vue, celle-ci, est en ligne directe. Maintenant, la guerre, et surtout positivement une chose affreuse. de la guerre est dessiné sur des cartes diIl Le théâtre visées en carrés. Les batteries sont placées derrière et en contre-bas des collines, et masquées de manière à ne pouvoir être vues. De là, elles tirent par-dessus les montagnes, et la trajectoire est si bien calculée que les obus tombent précisément dans le carré que l'on désire. Avec un point d'observation un peu élevé, on arrive à une précision surprenante. » Après avoir décrit les diverses sortes de canons et de bombes dont se servent les Japonais, et dont les effets sont si meurtriers, le correspondant de la Revue australienne pour-

suit en ces termes de plus terrible, ce sont ces petites Il Mais ce qu'il y a

grenades à main que les soldats lancent sur l'adversaire. Rien de plus décourageant ni de plus meurtrier. Elles vous cassent les jambes, vous brûlent le corps, car elles sont aussi chargées de matières explosibles. incroyable. Tantôt ce « Ce qui se dépense de ruse est sont de faux canons en bois qu'on met en position pour faire dépenser des projectiles à l'ennemi, ou des postes, ou des batteries masquées par des buissons artificiels, ou bien des lignes des mannequins pour faire croire à l'ennemi qu'il tire sur des hommes. j'ai souvent visité les forts et les « Durant le siège, avant-postes. On disait ici que partout où il y avait du danla Croix-Rouge, ger, on était sûr d'y rencontrer le délégué devoir, et nous conou son adjoint. Les soldats aimaient à nous

naissaient tous.

»


Les Paysans du Tchi-li. On est tenté de croire infranchissable le fossé qui sépare fEuropéen du Chinois. Cependant, si l'on s'écarte des classes dirigeantes, lettrées et riches des deux mondes, et qu'on descendejusqu'à la foule des travailleurs, surtout des travailleurs des champs, on voit s'effacer bien des distinctions, alors que les traits communs prennent de plus en Plus de valeur. Dans les provinces du nord de la Chine la population campagnarde perd rapidement aux yeux de l'Européen son caractère d'exotisme.

DANS le Tchi-li, l'année se divise, comme en France, en quatre saisons distinctes et de durée sensiblement égale. Aux grands fr,oids de décembre, de janvier et de février succèdent les mois de printemps indécis et venteux. En juin la température s'élève rapidement pour atteindre son summum à la fin de juillet ou en août. L'automne se prolonge,délicieux, tiède et clair, jusqu'à la fin de novembre. Le sol, de

même

excep-

tion faite des boues malsaines, semées de lagunes saumâtres qui forment la vallée du Peï-ho en aval de Tien-tsin, et des montagnes

0

s'abritant derrière une floraison d'étendards et d'exergues. Mais, dès qu'un repli de terrain ou un bouquet d'arbres a caché ces témoins irrécusables, les

longs sillons ou les friches nous font un paysage familier. Le pays devient-il accidenté ? Au bas de ce côteau broussailleux que crèvent les rocs, ce champ de blé noir et ces pommiers rabougris évoquent un coin de Bretagne. S'approche-t-on d'un autre ? Les

villages s'entou-

rent de cultures maraîchères, comme ceux qui sont semés autour de nos grandes villes.

abruptess'élevant à l'anciennelimite de

La flore de la

la Mongolie orien-

Chine du nord est,

tale, incite à des rapprochements par sa configuration et par son aspect,

à peu de chose près, la flore de

l'Europe centrale. Mais

vain qu'on chercherait une prairie, une belle étendue

sinon par sa na-

ture

comme en France, la campa-

PAYSANNE DU

gne s'étend en

ondulations douces auxquelles sont habitués nos yeux. Certes, il est des sites qui se réclament de la Chine; ici, un étalage de rochers où des pagodes se dressent comme de gigantesques bibelots; là, une vieille ville murée aux donjons massifs coiffés de toits cornus; plus loin, une tour de vigie aux découpages follement orientaux; ailleurs, un édifice imprévu A TRAVERS LE MONDE.

TCHI-LI EN VOYAGE.

d'herbe grasse et

Photographie du docteur P. Richard.

grandes plaines, en

3°.

LIV.

c'est en

drue comme celles

qui fontl'honneur de certaines de nos provinces. Le sol jaune, poudreux, se montre entre les pièces de céréales et de cultures industrielles telles que le coton et le sésame. Une herbe maigre y pousse, broutée par un bétail nombreux et mal soigné. Voisins de la Mongolie et de la Mandchourie, sans cesse molestés jadis par les hordes des Khans et N~ 30.

29 Juillet 1905.


par les armées tartares, les habitants des campagnes du Tchi-li sont certes bien distincts de leurs envahisseurs.

Le paysan de la Chine du nord mesure en moyenne de ¡ffi60 à ¡ffi65. On trouve peu d'individus dépassant ¡ffi7°' mais les gens de petite taille sont

également peu nombreux. La vie active combat chez eux la tendance à l'obésité caractéristique de la race chinoise; ils sont, d'ailleurs, bien proportionnés leurs membres sont droits mais sans musculature bien

apparente. Malgré tout, lorsque l'on n'analyse pas minutieusement le type, on ne se sent guère surpris de rencontrer dans les champs à la place de nos cultivateurs, ces gens vêtus comme eux de cotonnade bleue, et dont le teint n'est guère plus foncé que le leur. La bride mongole se perd dans les rides de la « patte d'oie" la tresse relevée, enroulée autour du crâne, se dissimule sous la

de l'humidité qui crée un milieu favorable au déve-

loppement des épidémies, d'autant que l'eau n'est guère utilisée pour le nettoyage des chemins, des cours et des maisons. La maison chinoise (fan-t,~eu) se compose généralement de trois pièces (tien). La pièce médiane sert de cuisine, de débarras et de grenier; elle donne accès de part et d'autre à une chambre rudimentairement meublée. Quelquefois la fan-tzeu comprend cinq Ce corps de bâtiments, dans pièces au lieu de trois. les fermes, est situé au fond d'une cour petite, entourée d'appentis, encombrée de charrettes, empestée par des tas de fumier, envahie par les porcs et par la volaille. Les matériaux usités pour la construction sont les moellons pour les soubassements, et la brique grise pour le reste des murs; une charpente mal équarrie, mais ingénieusement agencée, étrésillonne ces murs peu épais, et supporte la toiture. Dans

de plaine, le toit des fermes est en dos de tortue, fait de paille recouverte d'un mortier assez dense et résistant

toque de feutre ou sous le chapeau de paille. Ils ont un air de famille manifeste, bien qu'artificiel. La vie adricole de ces paysans, si rapprochés des nôtres, est sensiblement la même que celle de nos

à la pluie,

les vallées, au pied des montagnes, les toits sont à deux

pans, couverts en tuiles ou plus simplement de chaume ainsi que cela se voit aux abords de la Mongolie orientale. Dans ces villages, la vie est

n'arrêtera-t-elle pas notre récit. Selon qu'ils sont riches ou pauvres, les villages

rale.

mais

très lourd. Dans

contrées; aussi

du Tchi-li sont plus ou moins propres, d'aspect plus ou moins riant, mais ils ont tous la même configuration géné-

les pays

simple et rude.

SCÈNE AOR1COLE AU

TCHI-LI.

Photographie du docteur P. Richard.

Un chemin suffisant.pour que les massifs et solides chariots puissent y passer sans craindre de se briser, réunit un point important du pays à un autre sur ce chemin aux coudes brusques, aux bifurcations imprévues, de

loin en loin s'élève un village. Il en est la principale rue, ta seule rue. Des maisons qui le bordent, les unes s'élèvent directement sur la chaussée ce sont généralement des boutiques de marchands, les autres s'ouvrent au fond d'une cour enclose d'un mur de briques ou d'une palissade faite avec des stipes de

sorgho.

Les villages chinois sont toujours en plaine ou dans une vallée, à proximité d'un cours d'eau; il n'est

du reste pas rare de voir celui-ci emprunter la rue du village pour y creuser son lit. Des villages que je connais dans le Tchi-li oriental, il n'en est pas qui soit à plus de ioo mètres au-dessus du niveau de la mer. Ces dispositions répondent à la nécessité de se mettre à l'abri des vents violents qui dominent en hiver, mais elles entraînent de graves inconvénients du fait

Comme tous les êtres primitifs, les paysans du Tchi-Li

lèvent avec le jour. Nous ne dirons rien de leur toilette le Chinois est sale de sa nature, et tout au plus se passe-t-il sur le se

visage un torchon suspect trempé dans l'eau chaude. Les femmes ont devancé leurs maris, leurs frères ou leurs fils; elles atlument le feu dans le fourneau bas et rond de la pièce médiane sur lequel, dans une grande bassine hémisphérique en terre ou en fer, cuit la pitance commune, et le soleil n'est pas encore bien élevé sur l'horizon que le laboureur et ses aides prennent leur repas. C'est une maigre nourriture que celle des paysans du Pe-tchi-li Ils n'ont pas comme les habitants des provinces du sud et comme nos Annamites, le luxe du riz, du beau riz blanc; dans le nord, les Pour le cultivateur, fortunés seuls en sont munis. pour le travailleur des villages comme pour l'humble artisan, il n'y a que le millet, ce grain de peu de saveur et de peu de valeur nutritive; cuit à l'étuvée, il se présente sous forme de bouillie peu appétissante et fait le fond de chaque repas.


On a vanté la façon qu'ont les Chinois d'accommoder la viande, de la servir désossée, débarrassée de graisse et de tendons, coupée par petits morceaux. Je ne contredis pas à ces approbations; mais qu'ils sont de peu nombreux, les petits morceaux de viande viande de porc le plus souvent qu'on trouve dans le plat de choux, d'épinards ou d'oignons qui accompagne le millet! Veut-on varier le menu? Alors paraissent les

pâtes lourdes nouilles et vermicelles, galettes molles assaisonnées de vinaigre; plus rarement, c'est la pâtede haricots ou les tiao-tzeu, ravioli compacts et indigestes. Cette nourriture prédispose peu, ainsi qu'on l'a fait remarquer, à l'artério-sc1érose, à l'arthritisme, mais sa valeur nutritive est médiocre et l'accumulation de farineux et de cellulose dans l'estomac amène presque immanquablement une dilatation de cet organe et des dyspepsies- inguérissables. Quoi qu'il en soit, notre famille a mangé lestement à l'aide des peu

nuelle au foyer et, de plus, les coutumes les plus anciennes de l'Empire font d'elle presque une recluse. Si cette réclusion est beaucoup moins absolue elle s'adonne au jardinage et à pour la paysanne certains travaux de la récolte il n'en est pas moins vrai qu'en plein air elle s'affole rapidement, prise de panique, n'ayant même pas la plupart du temps la ressource de fuir l'étranger ou l'être quelconque qui frappe son imagination superstitieuse. Car tout son- fait n'est pas que servage mongol et pudeur orientale; la faiblesse de la femme chinoise, son incapacité tient à la mutilation de ses pieds, à cette infirmité imposée qui entraîne l'atrophie secondairede la totalité des membres inférieurs. Cette déchéance physique la rend d'abord impropre à n'importe quel labeur pénible, et, par l'immobilité qu'elle impose, elle crée une sorte de contrainte morale qui contribue à faire de la Chinoise un être diminué à tous les points de vue à la fois. Les femmes du Tchi-li ne se risquent à un dé-

placement qu'en

chaise, si elles sont riches, qu'en charrette ou qu'à âne, si

commodes baguettes auxquelles les

elles sont de la

classe de celles qui

doigts viennent

nous occupent. Et

encore, faut-il

souvent en aide, et

les voilà lestés jusqu'au soir. En été les hommes rentreront passer à la maison, dans la fraî-

cheur relative des pièces sombres, les heures chaudes du milieu de la journée ils en profiteront pour faire une collation peu suc-

culente et une

qu'elles soient ac-

compagnées par un de leurs proches parents!

Ce n'est donc

qu'à l'intérieur de la maison que les

femmes chinoises

agissent vraiment;

UN CHAMP DE NOYERS DANS LA CAMPAGNE DU

TCHI-LI.

soins du ménage, cuisine, nourriture des bestiaux, tout leur incombe; les

Photographie du docteur P. Richard. courte sieste. unes c01!!sent, les S'ils sont trop éloiautres filent; cellesgnés, ils se mettent à l'abri d'un bouquet d'arbres et ci lavent le linge, et celles-là surveillent la meule. La achètent à l'un de ces marchands ambulants qui pulmère de famille inspecte tout, tyrannique, terrible lulent sur les routes de Chine, quelques galettes, pour sa bru sur laquelle elle se venge de toutes les que~lques patates, des comestibles au-rabais. avanies qu'elle-même a subies du fait de sa belle-mère. En fait de boisson, l'habitant des campagnes Son autorité indiscutable brise les résistances qui parfois s'élèvent. comme celui des villes ne connaît que l'infusion de thé et lorsque ses modiques ressources le lui Nous avons dit que les femmes filent et cousent. la rasade de « chao-tjiou » âpre et permettent C'est elles, en effet, qui pourvoient en tout à l'habilleviolent alcool de grain. ment de la famille. Eh bien, c'est encore la rareté des absorptions Le vêtement chinois semble avoir été prévu alcooliques qui différencie le plus le régime du paysan pour les pays chauds ou tout au moins tempérés; chinois de celui de nos paysans, car, à tout prendre, aussi, bien adapté aux conditions climatiques des c'est pour les uns comme pour les autres la même belles saisons du Tchi-li, manque-t-il tout à fait prédominance de l'alimentation végétale, et la même d'à propos lors des froids rigoureux de l'hiver. Pantafrugalité. lon ample retenu à la taille par une ceinture, souqueEn Orient comme en Occident, les soins domesnille lâche et large de cotonnade bleue voilà d'avril tiques sont abandonnés aux femmes; mais la Chinoise à octobre la vêture habituelle du paysan qui, s'il en quelle que soit la classe sociale à laquelle elle sent la nécessité, jette par-dessus le matin ou le soir la appartient est presque exclusivement confinée grande robe fendue sur le côté. Comme coiffure, le dans les fonctions qui réclament sa présence contichapeau de paille conique traditionnel; comme chaus-


sure, des souliers d'étoffe de forme mal comprise et des chaussettes de toile facilement lavables, mais Vienne le froid, on commence à jamais lavées. superposer les habits robes sur souquenilles, surcots sur robes; les pantalons sont ouatés, les manteaux de même, et ce matelas, gardé jour et nuit pendant des mois, crée les conditions hygiéniques les plus déplorables. Si l'on ajoute à cela la nécessité de se serrer

dans des chambres trop petites, de dormir sur le « kang », ce lit de camp en maçonnerie, dur, simplement recouvert d'une natte et chauffé par-dessous, on doit avouer que la vie de ces gens est misérable. Peu de Français, à moins qu'ils ne soient complètement démunis, vivent d'une façon aussi désolante dans une telle promiscuité de tous les âges et sur des grabats aussi crasseux. Si peu confortables que soient encore chez nous beaucoup d'installations rurales, elles ne vont pas jusqu'à cette négligence absolue de toutes les commodités. Le Chinois, du reste, se soucie peu d'améliorer son sort; on peut même dire qu'il se soucie davantage de le maintenir tel quel. C'est grâce au soin jaloux qu'il apporte dans le maintien intégral de la coutume des ancêtres et des traditions, que le peuple chinois garde son caractère spécial en dépit du déclin, au moins apparent, de sa prospérité. La répulsion de l'homme moyen pour tout ce qui est nouveau, cet attachement à la routine qui a fini par céder en France après trente ans de lutte contre les progrès de l'esprit scientifique, tous ces travers des cultivateurs de tous les temps et de tous lès pays, se compliquent en Asie des préjugés avec lesquels on accueille tout ce qui vient de « par delà les mers. » Pour l'emporter sur leur insouciance fataliste d'Orientaux, les habitants du Tchi-li n'ont aucun intérêt primordial qui puisse les engager à chercher la surproduction. Les céréales, les cultures ordinaires des provinces du nord ne sont pas objets de négoce comme la soie et le thé, produits de zones tempérées et chaudes; elles sont consommées sur place, et la récolte suffit bon an mal an à la vie misérable de la population autochthone. Aussi le paysan des environs de Pékin ou d'Young-ping-fou garde-t-il sa charrue primitive et ses procédés très imparfaits de culture d'un sol peu enrichi. Les transactions se font dans les marchés régionaux; bétail et grain s'y vendent et s'y achètent au coin le plus calme d'une cohue sans nom s'attardant entre deux rangs d'éventaires où les corbeilles de légum~s et de fruits voisinent avec les cages à poulets et à canards. A intervalles réguliers, ces marchés se répètent dans un centre quelconque qui réunit pour un moment les habitants des communes qui l'entourent. A certaines époques, ces marchés prennent plus d'importance, deviennent de véritables foires, de véritables fêtes aussi, et les fêtes sont assez peu nombreuses dans l'année chinoise, du moins celles que chôment les travailleurs, pour qu'on n'y compte pas tout ce qui peut interrompre le labeur discontinu et la vie monotone. Dans les villages, théâtre, mascarades et pétards caractérisent moins les jours fériés, que l'abondance des repas et la durée inusitée donnée aux flâneries

sur la porte. Malgré le 'fracas des gongs et des tambours, malgré les sauts forcenés des comédiens et des masques, ces réjouissances ne donnent pas l'impression de gaîté populaire; guindée dans ses habits trop riches, la foule reste calme, indifférente presque. Devant les familles assemblées, le mouvement et le bruit des cavalcades fantasmagoriques semblents'efforcer de gagner le public sans y parvenir, et certaines de ces fêtes comme le Kouo-Nien (fête du Nouvel an), durent jusqu'à quinze jours sans qu'à aucun moment se montre cette liesse populacière que nous nous attendrions à voir. A quelque classe qu'il appartienne, le Jaune répugne à l'effort inutile; dès qu'il n'est plus contraint à travailler par la nécessité ou par la force même de ses habitudes, il s'abandonne à l'oisiveté. Manquant de nervosité, n'est ni gai ni triste, il est impassible mais son indolence est un peu contemplative, il s'y plaît, il se délecte des longues heures passées sur le pas de sa porte, immobile. Il n'a ni la bonne humeur ni les désespoirs du fermier européen; il n'a pas son entrain, non plus, cette exubérance,. ce surplus de vitalité qui fait qu'on cherche une tâche qui puisse remplacer la tâche habituelle, quand celle-ci fait défaut; une fois la récolte finie, il s'arrête, méprisant toute agitation qu'il considère comme indigne d'un homme, content de sa médiocrité, et même, s'il y a quelque bonheur à vivre ainsi, ignorant son bonheur.

i

D, PIERRE RICHARD.

Le Recensement

des Populations russes. pOUR la première fois, la population de l'empire russe l a été recensée officiellement et intégralement. L'opération remonte à 1897; mais les résultatsviennent

maintenant. Le chiffre de la population totale de l'empire russe est fixé à 125680682 habitants 62 5 12 698 hommes

et 63 167 984 femmes. Par régions, la population se distribue de la manière suivante dans les 5o gouvernements de la Russie d'Europe, 93 442 864 âmes; dans les gouvernements de Pologne, 9 402 253; dans les i prQvinces du Caucase, 9 289 36 1 dans les 9 gouvernements de Sibérie, 5 ~58822; dans les 9 territoires d'Asie Centrale, 7 746 7 18. Il y a un reliquat, en dehors des limites de l'Empire, de 40 6Gi habitants. Le nombre def illettrés est considérable 99070436, soit 79 pour ioo de la population; 26 569 584 seulement, soit 2 pour 100, savent lire. La classe sociale la plus nombreuse est naturellement celle des paysans 96 896 648 âmes; puis vient celle des meschtcha~ès (petits bourgeois des villes), 13 386392; la noblesse 1 850285. Il y a 281 179 marchands et 588 947 personnes appartenant au clergé des différentes confessions chrétiennes. Les cosaques sont comptés à part, 2 928 842.

i


Le

Cannibalisme dans les Iles allemandes de l'Océanie.

les Allemands ont voulu fonder un empire LORSQUE colonial dans la Mélanésie, ils ont décidé que la Nouvelle-Irlandeet la Nouvelle-Bretagnes'appelleraient désormais le Nouveau-Mecklembourg et la NouvellePoméranie. Cesdeux îles et leurs dépendances ont reçu le nom d'archipel Bismarck, et comme si cet hommage, rendu à la gloire du chancelier, ne suffisait pas, le nom de mont Bismarck a été donné au pic le plus élevé du Kaiser's Willhem Land, c'est-à-dire de la portion assignée à l'Allemagne dans le partage de la Nouvelle-Guinée. Les 'noms ont changé, mais les moeurs des insulaires ne se sont pas adoucies sous

aux démonstrationsd'amitié que leur prodigueront les indigènes. Un cannibale doit être traité comme une bête féroce. Il ne faut jamais le laisser approcher par derrière, car ses instincts sanguinaires peuvent à chaque instant reprendre le dessus. Les fonctionnaires, cantonnés dans une enceinte fortifiée, peuvent, à la rigueur, ne pas trop exposer leur vie, à la condition de se résigner à une captivité à peu près absolue, mais les planteurs ont beau palissader les abords de leurs demeures, ils ne peuvent s'absenter un instant sans courir le risque de trouver en rentrant chez eux les plus épouvantables surprises. Les anthropophages de l'archipel Bismarck tuent leurs victimes avant d'en faire leur nourriture leurs voisins, les insulairesdel'archipeldes Épices, préfèrent les dévorer vivantes. Il y a deux ans, un bâtiment de

l'influence d'une domination européenne. Il semble même que le cannibalisme, expulsé du reste de la terre, se soit réfugié à l'ombre du drapeau allemand. Le témoignage d'un voyageur anglais, qui a récemment visité ces dépendances lointaines de l'empire des Hohenzollern, ne laisse malheureusement aucun doute sur les scènes abominables qui se renouvellent à de courts intervalles, dans une contrée soumise à un gouvernement civilisé. Après avoir doublé la L'UNIQUE APPONTEMENT DE HRRBLRTSHÛHE pointe méridionale de la Nouvelle-Poméranie, M. Alan BurPhotographie commnniquée par le Pall Mali Magazine. goyne et ses compagnons de voyage passèrent près de l'île Adèle, dont le nom est commerce, qui s'était engagé dans le détroit de Pitt, peu connu en Europe, mais éveille de lugubres sounon loin du groupe d'îles hollandaises, le plus rapprovenirs parmi les navigateurs qui s'aventurent dans le ché de l'extrémité ouest de la Nouvelle-Guinée, envoya voisinage des côtes de la Nouvelle-Guinée. une douzaine d'hommes sur la côte voisine pour faire Herbertsh6he est la capitale du cannibalisme. des provisions de bois et d'eau. A peine les matelots Les quarante Européens qui vivent dans cette future européens eurent-ils débarqué sur le rivage que les inmétropole de la Mélanésie allemande, sont obligés de digènes les entourèrent, et, après les avoir liés à des arbres, se mirent à tailler à vif, dans leur corps, des se tenir sur une continuelle défensive. Ils ne peuvent sortir de l'enceinte fortifiée, qui protège leurs demorceaux de chair, qu'ils dévorèrent aussitôt, toute palpitante. Puis ils eurent soin d'enduire d'une couche meures, sans se mettre en danger de mort. Une centaine de Boukas, recrutés dans d'autres îles de l'Océade poix les blessures, afin d'arrêter l'effusion du sang. nie et armés de fusils Mauser, montent la garde autour Le lendemain et les jours suivants, le supplice de ces de cette forteresse de commerçants et de fonction. malheureux, dépecés et mangés tout vifs, recomnaires. Deux mitrailleuses, pivotant sur des plat~smença et ces scènes abominables cessèrent au moment formes de bois, sont toujours prêtes à repousser les où l'épuisementet la douleur eurent mis fin à la vie des assaillants. victimes. Le reste de l'équipage assistait impuissant à Il est recommandé aux voyageurs qui visitent cet épouvantable m:lrtyre, car il n'y avait à bord aucette ville inhospitalière de ne pas se laisser prendre cune arme à feu.


Le châtiment que les autorités européennes infligent aux cannibales est presque toujours sans efficacité, parce que des supplices assez horribles pour intimider les Papous exigeraient un déploiement de bar-

barie, que des hommes civilisés ne pourraientatteindre. Le surlendemain d'un attentat dont la famille d'un M. Wolff avait été victime, un navire de guerre allemand, la Mouette, arriva dans le port de HerbertshÕhe. Le capitaine mit à terre une compagnie de débarquement et organisa une expédition contre les cannibales. Le plus grand nombre furent fusillés sur place d'autres furent mis en jugement et condamnés à la peine capitale. La tête du chef de la bande fut envoyée à Berlin. Les Allemands mirent le feu à la jungle et ravagèrent méthodiquement le territoire de la tribu à laquelle appartenaient les coupables. Après ces exécutions, le cannibalisme continua de se développer dans farchipel Bismarck, plus florissant que jamais. A défaut de représailles énergiques et terribles, dont un gouvernement civilisé ne peut faire usage, fûtce contre des Papous, une administration vigilante, ayant sous la main des forces toujours prêtes à agir avec promptitude et avec énergie, peut, à la longue, venir à bout des mauvais instinctsdes anthropophages. Les habitudes de cannibalisme, qui étaient très répandues dans la Nouvelle-Calédonieà l'époque où cette île fut découverte par Cook, ont à peu près disparu au bout d'un demi-siècle de dominationfrançaise. Il est à prévoir que dans un délai plus ou moins rapproché, toutes les îles de l'Océanie, soumises à des puissances civilisées, seront délivrées d'un fléau qui est une honte pour le genre humain. Le progrès sera plus lent dans les îles qui auront conservé leur indépendance. Ce né fut pas une des moindres déceptions de M. Alan Burgoyne et de ses compagnons de voyage, que de trouver le cannibalisme universellementpratiqué dans une île dont le roi est un aventurier euro-

péen.

Lorsque les marins anglais débarquèrent dans file Deslacs, le premier matelot qui descendit à terre ne fut pas peu surpris de s'entendre saluer par les mots Wie geht's, Herr Kapitan? de Capitaine, com41 ment allez-vous? » Le personnage qui adressait au visiteur étranger cette formule de bienvenue, avait la peau aussi foncée que celle des autres indigènes, et ne se distinguait de ses compagnons que par un caleçon, qui avait dû être blanc à l'époque lointaine où il était neuf. L'ancien matelot allemand, que les hasards de la destinée ont appelé à régner sur un archipel qui n'a jamais appartenu à notre pays et ne doit son nom d'Iles Françaises qu'à la nationalité des premiers marins qui font découvert, assiste aux discordes de ses sujets avec une sérénité inaltérable. Les tribus voisines se font, entre elles, perpétuellement la guerre, pour les motifs les plus futiles, et les vainqueurs mangent les vaincus, suivant les principes du droit public de la Mélanésie. Le souverain n'intervient que de loin en loin pour obliger ses sujets à préparer de la copra. Peter Hausen vend deux cent cinquante francs la tonne sa marchandisetrès recherchée par les spéculateurseuropéens. Au pays des anthropophages, la royauté a ses petits profits. G. LABADIE-LAGRAVE.

L'Italie moins connue. Berga~ne.

le train a festonné les derniers contreLENTEMENT, forts des Alpes. Il franchit le Brembo, et Bergame apparaît, sur un pic, noyée dans la verdure que percent gaîment des clochers roux, aigrettes ou

bonnets pointus. Les remparts protecteurs d'autrefois sont couronnés d'arbres accueillants qui attestent, mieux que toute glose, le changement survenu chez

les enfants des Soardi et des Rivoli. Osio raconte que, au temps des guerres civile~, jusqu'à la: manière de se promener, de claquer les doigts, de bâiller et de couper les pommes, soit en long, soit en large, tout était signe de parti. Aujourd'hui, le banabino qui maraude dans les jardins de la ville basse, ne s'inquiète plus du sens dans lequel ses dents mordent au fruit, et le riche industriel de la Seriana, lorsqu'il fait son tour de ville, ne se demande pas s'il laissera connaître son opinion politique en commençant sa promenade par la gauche. Ces remparts n'abritent plus, le soir, que des amours. Colombine et Arlequin, qui parlaient le dialecte bergamasque, onf dû souvent se moquer de Truffaldin à leur faveur complaisante. Ils sont paisibles, ils sont joyeux avec calme et sérénité. Leur mission n'est-elle pas toujours tutélaire? Ils sourient à la plaine lombarde; ils sourient aux montagnes. Les faîtes et les tours s'enveloppent d'un frémissant manteau vert; leur chair brune, qui perce au travers, est drapée comme un beau corps de Campanienne. La cita alta de Bergame, pleine d'aménité, a renoncé jusqu'à veiller sur la ville basse, bruyante et large, qui s'étend à ses pieds. Celle-ci, lorsque je descends du train, m'accueille d'un même sourire de frondaisons. Une longue avenue s'offre à mes pas, solennelle, bordée d'une double rangée d'arbres qui se rejoignent par-dessus la chaussée, comme des nefs gothiques. Pour qui a gardé de l'Italie des souvenirs plus méridionaux, ces voûtes somptueuses, mollement agitées sous le vent des montagnes, évoquent tout de suite à son esprit notre Midi français. Lorsque Virgile couchait Tityre à l'abri d'un chêne, il les plaçait tous deux en son Mantouan, en ce nord italien toujours frais sous la pluie des Alpes, en ces plaines du Pô, du Mincio ou de l'Adda, .où le foin, dit-on, se coupe jusqu'à douze fois par an. Qu'elles sont aimables, brillantes et coquettes, ces villes-soeurs, l'aînée un peu plus grave dans sa maturité et dans sa parure, la cadette aux bras ouverts, toutes deux avenantes et « braves », comme on dirait en cette Provence où elles me ramènent un instant. Arlequin et a~zoussou Pantalon, auxquels je pensais tout à l'heure, sont-ils nés ici, sur cette Fiera qui, chaque San-Bartolomeo, a vu et voit peut-être encore déplier dans ses boutiques les plus beaux draps et soies d'Italie? Ils devaient s'ébattre à l'aise parmi ce peuple trivial que Bandello nargue dans ses Nouvelles. Il n'est pas jusqu'à Donizetti, qui ne confirme le juge-


ment du conteur, par son art vulgaire et braillard. Mais ce ne sont point eux que je suis venu chercher. Rien n'est plus douloureux lorsqu'on demande aux choses d'éveiller quelque sentiment élevé et pur, que l'importunité de ces rappels mesquins, de ces souvenirs un peu bas. Lorenzo Lotto va m'en délivrer. Je le poursuis dans les trois églises pour lesquelles il a peint ses trois plus grandes œuvres. Vasari, dont le scrupule est quelquefois naïf, nous dit, voulant rester véridique, que Lotto imita pendant un temps la manière de Bellini, et prit ensuite celle de Giorgione. Si on ajoute, avec Burckhardt, que Lotto se rapproche du Corrége et qu'il l'indique comme le précurseur du Parmesan, il sera bien permis, en ce pays de la farce italienne, de conclure que voilà Lotto bien loti! suis pas savant et ne puis assurer que Lotto imita tant de maîtres. Il n'est pas, assurément, Je ne

l'un de ceux auxquels on demande, et qui nous procurent, une exaltation, ce vertige dont on est saisi devant un Giovanni ou le Concert. Mais quel charme

se dégage de ses vierges et de ses saints Toute la science picturale, Lotto la possède; cela se voit, du reste, à ces clair-obscur si habiles et si tendres, à ce coloris d'une clarté si douce et éclatante à la fois. Cette science, il la met au service d'une âme subtile. Ses têtes ont une grâce reposée qui n'appartient qu'à lui. L'arrangement des groupes, leur rapport avec la figure. centrale, est d'un agrément plein de finesse. J'aime, dans le retable de San-Bartolomeo, la modestie sereine de la mère du Christ au milieu de ces saints, respectueux sans humilité. Et je verrai longtemps dans mon souvenir heureux, les anges de San-Spirito. Je me hâte pourtant, après ce salut à un peintre aimable, de gagner, par des rues enfin tortueuses et raides, la vieille cité du comte Grandulf, la ville arienne que Théodelinde saccagea. La porte San-

Agostino, au bout d'un chemin étroit bordé d'acacias fleuris, ouvre sa gueule noire. Je passe devant SanMichele, aux fresques diluées par les pluies, je pénètre sur une grande place, où Torquato Tasso se dresse, éclatant, et je retrouve avec ivresse le spectacle familier des cités italiennes, cet ensemble majestueux et riant des monuments civiques et religieux autour desquels la vie bouillonnait. En face, le Broletto, l'ancien palais communal, au gothique éloquent le Broletto est la signature de Bergame au bas du traité qui la donnait à Milan. A droite, en encoignure, une masure nue, au toit plat, persiste rageusement à défendre la personnalité de la ville, à côté de son esclavage gothique, par le dessin de son escalier en échelle, par sa tour massive que décore une horloge multicolore arrachée, semble-t-il, pour être accrochée là, au dos ensoleillé de Truffaldin. Cependant, à travers les voûtes ouvertes du Broletto, le tombeau du condottiere étincelle, SantaMaria rougeoie, et me font signe, deux lions débonnaires qui portent allégrement les ogives et les clochetons du porche gothique. La place est petite, exiguë, à se cogner les coudes aux murailles. On est au fond d'un puits. L'ombre du Broletto vient se projeter jusque sur la chapelle. Le baptistère, à droite, au milieu de son petit jardin, semble seul être à l'aise. Il est fier de sa fraîcheur, de son apparente jeunesse,

et, aussi, d'avoir gardé, en dépit de ce grattage récent, tout le galbe du temps où il fut construit. Tant de choses en un si petit espace! Ce n'est pas tout, pourtant. Voici qu'à gauche un autre monument s'avance encore. Oh bien modestement. C'est à peine s'il ose montrer le nez de son porche; lui aussi veut faire voir qu'il a des lions pour le défendre. Mais il se retire aussitôt, craignant d'être indiscret; il lui suffit d'avoir signalé sa présence. Et c'est à peine s'il osera tout à l'heure murmurer « Entrez chez moi, monsieur; je vous ferai voir mon Bellini! » Tout à l'heure, mon bonhomme. Et laissant là cette cathédrale, qui mériterait mieux, je l'avoue, négligeant les marquetteries et l'ampleur assez noble des nefs de Santa-Maria-Maggiore,je me hâte vers le

fastueux tombeau du capitaine orgueilleux. Sous un dôme sans lourdeur, la chapelle Colleoni présente une étroite façade Renaissance, très pure. Les fenêtres, rectangulaires, sont surmontées d'un petit fronton arrondi. Une rose est découpée au-dessus de la porte. Aux angles, des colonnes engagées, surmontées de clochetons. De chaque côté des frontons, des statuettes au-dessus, devant le dôme, dont elle cache la base, une galerie qui trahit la main fine d'Amadeo. Le tout saupoudré d'or, de vert, de rouge, de blanc, se mêlant, se heurtant, semblant jouer entre eux pour notre plaisir. Le marbre blanc de Carrare, le marbre rouge de Sienne, le marbre vert de Prato, se sont retrouvés ici encore, et sous le ciseau du maître de la Chartreuse, en ce nord gothique, c'est une joie de recevoir ce salut toscan et pérugien. Enfantin, un peu mièvre, cet art de la Renaissance, lors« joujou qu'on le voit dans ces petits monuments; mais quelle grâce, quel charme, et surtout quelle harmonie, sous ce ciel éclatantet dans ces paysages chatoyants1 l'intérieur, c'est une salle de palais, et non point un asile de prière. Dieu s'en est aperçu, car il s'est réfugié dans une rotonde, à droite, sur un autel modeste, et tapi en son coin. Au plafond, des Tiepolo, qui ne sont rien moins que confits; le long des murs, des marquetteries et des marbres. Le tombeau de Colleoni occupe tout le fond. Lui non plus ne cherche pas à édifier. Sans doute, le sarcophage que supportent, là aussi, quatre lions, le dos percé d'une colonne, le sarcophage est couvert de bas-reliefs, au modelage un peu sec, représentant des scènes de la Passion, mais, ces scènes chrétiennes, vite, Amadeo les a couronnées d'une frise d'enfants joufflus et dansant au milieu de guirlandes. Colleoni avait vécu à Venise, il voulait reposer dans le même éclat; on se croirait ici, non dans une sépulture, mais dans un palais du Grand-Canal. Je regarde alors la figure farouche du condottiere dont la statue dorée surmonte le sarcophage, et me voici irrésistiblemententraîné dans son camp. ANDRÉ MAUREL. (A suivre.)

et

A

Jean de Nettancourt-Vaubecourt. Singapour à Moscou, Notes de Route. Paris, 1905.

En ~ig~ags de

vol. Librairie Plon,


Les combats de nuit. Nécessité d'un matériel spécial. La France Militaire, constatant plupart des attaques de positions, couronnées de succès, ont été faites de nuit par les Japonais, conclut à la nécessité d'un matériel spécial pour se défendre contre cette que la

nouvelle tactique. Le succès des attaques de nuit doit être attribué à ce fait que l'obscurité supprime l'efficacité du feu. Comme conséquence, il faut chercher les moyens de supprimer l'obscurité, et doter les troupes. de campagne du matériel nécessaire pour conduire à bonne fin les opérations de nuit. Dans la défensive, ce matériel devra permettre de fouiller l'horizon et d'éclairer les abords de la position. Dans l'offensive, il devra permettre d'éclairer un point de l'horizon à donner comme point de direction aux troupes d'attaque. Ce matériel devra donc comprendre 1° Des fusées permettant d'éclairer les abords immédiats d'une position; elles trouveraient place sur les voitures

à

munitions;

zo Des projecteurs électriques

permettant, soit d'éclairer un point de l'horizon, soitde fouillerles positions de l'ennemi. Ce matériel pourrait être confié aux sections télégraphiques

de campagne; 3° Des projectiles éclairants. Les projectiles de l'artillerie sont naturellement lumineux la nuit, par suite des fragments de poudre encore en ignition qu'ils entraînent avec eux. Il suffirait de les enduire d'un produit résineux, pour augmenter leur pouvoir éclairant.

Contre-torpilleurs blindés, en

France.

La Marine ne commencera pas cette année moins de quinze

contre-torpilleurs, soit sept dans les arsenaux et huit dans les chantiers privés; outre que ce nombre est de beaucoup supérieur à celui des mises en chantier des années précédentes, l'année 1905 sera signalée par un essai fort intéressant qui marque une orientation nouvelle dans la construction de ces petits navires. Le reproche que l'on peut adresser à notre type de contre-torpilleur qui cependant, avec son tonnage minime de 330 tonneaux, présente des qualités surérieures à tous autres navires de même déplacement est la perte de vitesse par grosse mer, et surtout sa vulnérabilité. La vulnérabilité du contre-torpilleur réside principalement dans ses appareils moteurs et évaporatoires; le moindre projectile estcapablede l'arrêter dans sa course s'il cause une avarie, même de peu d'importance comme dégâts matériels, dans sa machine ou dans sa chaudière, ainsi que dans sa tuyauterie. Les blessures de la coque proprement dite peuvent n'avoir qu'une importance très secondaire dans le combat; elles sont toujours graves lorsqu'elles affectent les appareils qui donnent en quelque sorte la vie au bâtiment. Cette constatation amène vite à l'idée qu'une protection effective de ces appareils serait des plus utiles, et quesa mise en pratique pourrait donner d'excellents résultats, Un essai dans ce sens va être tenté par la Marine. Deux des contretorpilleurs à mettre en chantier vont recevoir un blindage dont l'épaisseur n'est pas encore absolument arrêtée, mais dont les limites ont été cependant déterminées. Le blindage aura de 40 à 50 millimètres d'épaisseur et recouvrira les appareils moteurs et évaporatoires et les parties vitales du navire. Ce blindage rendra le contre-torpilleur invulnérable à tous les projectiles de 47 et de 57 millimètres, quelle que soit la distance, et aux projectiles de 76 millimètres (nouveau calibre adopté par les marines étrangères pour la défense contre les torpilleurs), jusqu'à une distance de 2000 à 3000 mètres, suivant l'épaisseur du blindage. Cette légère cuirasse, en raison de son poids, entraîne l'augmentation du déplacement, qui sera par suite porté à 450 ou 470 tonneaux, déplacement déjà dépassé par d'autres marines. notamment oar la marine britanniaue dans ses nou-

pour ses destroyers mis l'année dernière en chantier. Au surplus, la perte de deux noeuds de vitesse ne sera pas très sensible, car les nouveaux contre-torpilleurs conserveront une vitesse se rapprochant davantage, par mer agitée, de la vitesse des essais. D'autre part, les deux contre-torpilleurs, d'une même longueur que ceux de 33o tonnes, auront les mêmes facilités d'évolution. Ajoutons qu'à l'avant et à l'arrière, dans les parties non blindées, seront des turbines d'épuisement pour évacuer l'eau qui pourrait s'introduire par des avaries causées par des projectiles. Il y a déjà eu dans notre flotte des essais de torpilleurs blindés; les torpilleurs de haute mer type Siroco ont reçu une légère cuirasse de 3o millimètres d'épaisseur. Ces torpilleurs ont donné de très bons résultats, mais ils ont un défaut le poids de la cuirasse a été gagné sur l'approvisionnement en combustible,de telle sorte qu'ils n'ont qu'un rayon d'actionabsolumentinsuffisant. Les dimensionsdes nouveaux contre-torpilleurspermettent de remédier à cet inconvénient grave.

Canon français et canon allemand.

Le

canon de campagne français parle actuellement plus fortet

plus vite que le canon de campagne allemand. Notre canon de 75 millimètres lance un projectile animé d'une vitesse initiale de 530 mètres; celle du projectile allemand n'est que de 465 mètres. Un appareil de pointage remarquablementperfectionné rend le canon français également apte au tir direct et indirect j ce dernier tir n'est exécuté que difficilement par la pièce allemande. Nos affûts portent un bouclier mettant le personnel à l'abri de la balle, le canon allemand n'a pas d'appareil de protection. Enfin, notre canon est muni d'un frein qui évite la remise en batterie après chaque coup, d'où vingt coups par minute au une rapidité de tir extrême besoin. Cinq coups à la minute est au contraire la vitesse maxima atteinte par la pièce allemande, privée de frein et dépourvue de fixité. On voit donc l'incontestablesupériorité de notre artillerie de campagne; mais l'Allemagne est en train d'opérer une transformation qui pourrait, si nous n'y prenons garde, ne pas nous laisser le premier rang. Les exigences pratiques de l'emploi de notre canon de 75 nous avaient conduits l'adoption de la batterie à 4 pièces; ces batteries avaient été substituées, à nombre égal, aux anciennes batteries de 90 à 6 pièces. 11 en résultait donc pour nous une diminution de la quantité de nos canons. Mais cette diminution quantitative était compensée par la supériorité qualitative que nous assurait notamment la rapidité de tir dont notre matériel conservait le privilège exclusif. Ces conditions de supériorité sont appelées à se modifier totalement. Le nouveau canon allemand, aussi rapide que le nôtre, sera substitué, en outre, pièce par ~ièce, à l'ancien. L'armée allemande disposera al'nsi de 3500 pièces environ, auxquelles nous ne pourrons plus en opposer que 2000, en chiffre rond. On voit la gravité de la situation qui nous menace. On a calculé que deux ans seraient nécessaires à la réfection du matériel allemand. Mais des renseignements officieux permettent de croire que ce travail sera terminé en une seule année, Son exécution, en effet, a été confiée non seulement aux usines Krupp, qui habituellement sont les seules à recevoir les commandes militaires, mais aussi aux usines Ehrhardt, de Dusseldorf. Ces deux usines déploient la plus grande activité; dans le courant des mois d'avril et de mai, ¡ 2000 ouvriers de renfort, environ, ont été embauchés 7 000 chez Krupp et t. 5 000 chez Ehrhardt. A l'heure où l'hypothèse d'une guerre semble sortir du domaine de la chimère, une mesure s'impose sans retard l'augmentation importante de notre matériel d'artillerie de campagne.


Moukden, capitale de la Mandchourie. Moukden, la Ville florissante, a attaché son nom à la Plus effroyable tuerie des temps ~assés et ~résents; elle a monaentanément changé de maîtres. Mais, dans la guerre comrne dans la paix, mandchoue, chinoise, russe ou japonaise, elle conserve tristesse et apathie. Le berceau de la dynastie chinoise possède, coanme la Chine elle-même, le calme des choses éternelles. sa son

MOUKDEN fit longtemps partie de cette pléïade de

villes mystérieuses, qui, comme Lhassa, La Mecque et Timbouctou, parvinrent, avec une obstination jalouse, à se garantir de l'invasion occidentale. Un voile d'ombre et de mystère semblait planer sur elles, dont la main profane de l'Eu ropéen'hé sita, pendant des siècles, à violer la quasi-sainteté. Il y a dix ans, Moukden, dont le nom mandchou veut dire « la Florissante », était pour les Célestes la Ville sacrée et fameuse, le berceau des fondateurs de

portes mêmes de la ville, troublant du halètement de ses locomotives le calme auguste des tombes

impériales.

Ce qu'on voit aux abords d'une grande cité, Ce sont des abattoirs, ce sont des cimetières!

Aux abords de Moukden, on ne rencontre point d'abattoirs. Ces établissements n'existent pas, et l'abatage se fait dans la rue même, devant la boutique du boucher. Mais les cimetières entourent la 'ville, et

UN ANGLE DE LA niURAILLE DE MOUKDEN.

Photographie du capitaine Bertin.

la dynastie des Tsing, qui préside depuis deux cent cinquante ans aux destinées de l'Empire du Milieu. Quelques rares voyageurs n'avaient fait qu'y passer. « L'Étranger », « le Diable des Mers d'Occident n'était pas autorisé à y séjourner. Seuls, les missionnaires y étaient tolérés, vivant là modestes et

presque ignorés. Mais, un beau jour, le télégraphe s'était glissé dans ses murs; puis, le long ruban d'acier qui devait réunir la capitale des Tzars à Port-Arthur, profitant des troubles suscités par les. «( Boxeurs », se détournait brusquement de. son tracé primitif,. passait aux A TRAVERS LE MONDE.

jl° LIV.

Moukden repose au milieu des tombes. Tout autour d'elle, sur une étendue de plusieurs kilométres, la terre est hérissée de taupinières de terre, hautes de ¡m60 à I"'ô0, sous lesquelles reposent des Célestes défunts. Ils n'y reposent, hélas! pas tous, car en

maints endroits vous trouvez des groupes de cercueils simplement déposés sur le sol, parfois recouverts d'un morceau de natte. Peu à peu, sous l'influence du temps, de la pluie, des gelées, du soleil, les planches se sont effritées, les cadavres sont devenus la proie des chiens, et des crânes, des tibias, des bas-.

sins, des fémurs, blancs .et, propres cornmes'ilssorN°

3i.

5

Août 1905.


taient d'un musée d'anatomie, errent au hasard, sur la terre.

Ces découvertes macabres sont choses courantes, quand on circule autour de Moukden. Il est surtout

fréquent de voir des chiens, dont personne n'assure la nourriture, en train de se partager, à belles dents, les restes de quelque pauvre diable, récemment inhumé, dont ils ont ouvert le cercueil. Moukden est bâtie au milieu d'une plaine triste, jaune, pelée et monotone, fermée au nord et à l'est par une petite ligne de collines qui ne protègent guère la ville contre les terribles vents glacés de la Sibérie, soufflant en tempête, pendant l'hiver et au printemps. Un calme parfait règne sur toute cette paisible campagne que, hier encore, troublait l'épouvantable fracas des centaines de mille hommes en

siège en règle pouvait en venir à bout, non par la force, mais par la famine. Elle se dressait, citadelle fière et inviolable, en rase campagne, à quelques kilomètres au nord de la rivière Houn. Mais, peu à peu, des faubourgs se bâtirent à l'abri des remparts, et bien-

récolte prochaine. Et celle-ci sera belle, car le sol a été engraissé par les effroyables amoncellements de

tôt une véritable ville entoura Moukden, plus grande et plus populeuse que la capitale elle-même. Aujourd'hui, Moukden présente deux enceintes. Celle des faubourgs, faite d'un mur de terre de 3ffi50 de hauteur et de 2ffi50 d'épaisseur, presque circulaire, longue de 8 à kil., est trop large pour laville qu'elle doit abriter. Les espaces vagues abondent à l'intérieur. Toute la partie nord n'est qu'un vaste cimetière. Dans la partie sud on plante le blé et on fait les cultures maraîchères intensives, grâce à cette inépuisable mine d'engrais qu'est toute grande agglomération chinoise. La vraie muraille de la ville, dont le périmètre est d'environ 5 kil., est faite de pisé, recouverte d'un épais manteau de briques grises. Sa hauteur est de près de 12 mètres; sa largeur est d'au moins 8 mètres à la base et 6 mètres au sommet. Un mur crénelé,

cadavres d'animaux et d'hommes plus de cinquante mille Russes et Japonais, tués dans la dernière bataille, dorment leur dernier sommeil autour de Moukden. Celui qui conçut, il y a quelque deux siècles et demi, le plan de Moukden, voyait large, et ses conceptions en matière d'hygiène urbaine devançaient de plus de deux cents ans les races européennes sur ce même sujet de salubrité publique. La ville, de forme rectangulaire, est orientée nord-sud, et une légère pente du terrain, qui suit cette même direction, facil'écoulement des eaux lite ou plutôt facilitait vers les fossés d'enceinte. De larges rues se coupant à angle droit, assuraient à la cité une ventilation parfaite, et permettait au « Si-Peï-fou » le vent du d'entraîner nord-ouest, qui est le plus constant hors de la ville tous les miasmes, et d'emporter dans la pourtant insoupcampagne les nuées de microbes çonnés dans les épais tourbillons de poussière. Telle qu'elle sortit des mains des architectes, la ville devait avoir grand air, et l'Empereur pouvait être fier de sa capitale, ceinte d'une haute muraille crénelée, flanquée d'imposants bastions surmontés de miradors à trois étages de toitures, légers et puissants tout ensemble. Pareille cité défiait l'ennemi, et seul un

haut de 2 mètres, court sur tout le bord extérieur du rempart, protégeant le chemin de ronde contre les coups venus du dehors. La muraille est percée de huit portes, deux sur chacun de ses côtés, protégées par de puissants bastions carrés, de la même hauteur que la muraille elle-même, dans lesquels sont creusées deux portes latérales, en véritables tunnels. Certes, encore aujourd'hui, la ville murée a très grand air. Mais Moukden-la-Florissante rappelle un peu trop au voyageur ces sépulcres blanchis de l'Évangile, qui très beaux à l'extérieur, renferment la pourriture au dedans. Franchissons une des portes des bastions, dont les créneaux regardent menaçants, et dont les machicoulis semblent toujours prêts à vomir l'huile bouillante ou la poix en fusion. A peine avez-vous pénétré dans la ville, qu'une odeur pénible vous prend à la gorge. L'analyse de pareilles senteurs ferait perdre son latin à M. Berthelot lui-même. Elles sont le produit des fermentations d'ordures ménagères et humaines, depuis longtemps accumulées dans les rues, les ruelles et surtout les impasses. Le système du tout-à-l'égout, qui fut la victoire, péniblementgagnée d'ailleurs, par l'hygiène moderne dans les contrées occidentales, est remplacé ici par ce procédé plus simple et ¡:lus

train de s'entre-tuer; aujourd'hui, à l'endroit où des bataillons entiers ont été fauchés par la mitraille, le placide Chinois laboure son champ, escomptant la

i


économique du tout-à-la-rue. Le service de la voirie n'existe pas', et les mandarins de Moukden s'en rapportent, pour ces questions de nettoyage sommaire, aux chiens et aux cochons qui trouvent dans les ordures répandues sur la chaussée une nourriture sinon saine, du moins abondante et variée. Grâce à ce procédé d'épandage, la chaussée s'élève, tous les ans, sous des amoncellements d'ordures; le sol sur lequel vous marchez a une élasticité quasi-organique, et la poussière qu'on respire doit être un vrai bouillon de culture microbien. La poussière est une des caractéristiques de Moukden. comme de toutes les villes chinoises du nord, d'ailleurs. Les rues ne sont point dallées, leur mouvement est considérable en chevaux, piétons, mules, ânes, qui marchent,

s'agitent, courent, trottent, se

roulent. Ajoutez à cela les innombrables charrettes chinoises, à la fois instruments de torture pour le voyageur qui ne peut s'y tenir qu'accroupi « en tailleur pour les rues qui sont hachées par leurs roues minces et tran-

Pour bien juger de l'ensemble de la ville, la muraille est un observatoire excellent. A la hauteur de chaque porte et du côté intérieur, une large rampe d'accès conduit sur le rempart; c'est un lieu de promenade charmant,abrité du vent et de la poussière par la ligne des créneaux extérieurs. L'état de cette muraille n'est pas brillant. Çà et là, sur les côtés, de larges étendues ont glissé tout d'une pièce, à la suite des pluies de l'été qui se sont infiltrées dans la terre battue, et des terribles froids mandchouriéns qui ont tout fait craquer le chemin de ronde, par endroits, est réduit de la sorte de la moitié de sa largeur. Par places, des restaurations ont été effectuées, qui ont permis aux entrepreneurs chargés d'exécuter les travaux, et surtout aux mandarins qui devaient en assurer la surveillance, de s'offrir, aux frais de leurs administrés, de copieux pots-devin. Sur la muraille les herbes folles, des arbrisseaux, des arbres même ont poussé, disjoi-

gnant les briques, abattant les pans de murs, témoins vivants de l'incurie et aussi

et

de la concussion des fonctionnaires qui mettent dans leur

chantes, comme par des charrues. La vie quotidienne de la rue se manifeste déjà par de la poussière. Mais quand le

poche l'argent annuellement destiné au service de l'entretien. vent vient à souffler, le ciel Les miradors qui coms'obscurcit et on n'y voit plus mandent les portes et les à dix pas. quatre angles de la muraille ont Cependant, malgré cette un aspect plus minable encore saleté, ces immondices, cette que la muraille qu'ils dominent poussière et toutes les causes de 20 mètres. Leurs toitures d'infection à elles inhérentes, sont en partie effondrées, des la santé publique n'est pas maupoutres de charpentes se dresvaise, et la mortalité-excepsent dans l'air, comme des tion faite pour les périodes bras désespérés. Il semble de grandes épidémies n'y qu'un bombardement ou un guère est plus élevée que incendie est venu détruire ces dans nombre de nos villes tours imposantes, faites pour d'Europe. Et ce résultat est dû défier le temps, si elles avaient soleil, à au ce soleil radieux été un peu entretenues. Seule, ENSEIGNE DU MONT-DE-PIÉTÉ. tout qui temps, le plus est en une des tours de l'est paraît économique, le plus sûr et le Photographie du capitaine Be~-tin. en assez bon état. Sa réfection plus énergique de tous les est récente, et son air de jeudestructeurs de microbes; le plus vigilant des édiles. nesse et de force tranche singulièrementsur la sénilité En revanche, la moindre pluie il pleut caduque de ses sceurs. relativement peu, sauf pendant l'été transforme Du haut de la muraille, Moukden paraît comme ces mêmes rues en cloaques et fondrières, dans lesquelles quelque chose de vague, de flou, tant est uniforme et les bêtes s'enfoncent jusqu'au poitrail, les charrettes monotone la teinte grise des toitures de ses maisons jusqu'à l'essieu. La circulation des piétons devient sans étages. Sur cette vaste étendue, sans couleur et des plus laborieuses. Ils doivent chercher les petites sans relief désespérante pour le photographe, crêtes glissantes émergeant de la boue, sauter d'un se dressent les toits jaune d'or de l'ancien palais point à un autre, car la chaussure chinoise, impérial, profilant sur l'azur du ciel le galbe élégant avec ses hautes semelles de papier, est peu faite pour ces de leurs arêtes. rues qui ressemblent moins à une voie urbaine qu'à Deux grandes avenues parallèles, allant des une à terrain fraichement mare ou labouré, tant sont un portes est aux portes ouest, coupent à angle droit profondes les ornières creusées par les deux avenues symétriques allant du nord au sud, et roues des lourdes voitures. partagent la ville en neuf grands quartiers, dont ceux de la périphérie sont peu habités. Les espaces vagues n. Les Russes avaient commencé et les Japonais ont fait continuer avec énergie les travaux de voirie et de y sont très étendus, transformés en lacs dans lesquels pro-

preté des rues, tout à fait indispensables.

viennent se déverser

les eaux de pluie. Chacun des


quartiers est transformé par les rues, les ruelles, les

impasses multipliées à l'infini, en un damier des plus compliqués, dans lequel l'œil s'égare rapidement. De chaque porte de la ville, le regard enfile une avenue; et c'est là un spectacle fort intéressant, que d'y suivre la vie de la population grouillante, bariolée qui s'y agite. De toutes ces voies, la plus curieuse est celle qui va de la porte Siao-si à la porte Siao-toung. Elle est très commerçante, passe sous les deux tours de la Cloche et du Tambour, mais surtout et c'est elle renferme un grand là son côté pittoresque nombre de monts-de-piété. Chacun d'eux est reconnaissable à un grand mât de 10 à 12 mètres de hauteur, surmontéd'un lion, d'une chimère, d'un paon, et portant en son milieu un énorme dragon polychrome de bois sculpté, tordant convulsivement ses anneaux dans les airs. Ce motif, qui est un des plus répandus, est du plus heureux effet, et les quelque 12 ou 15 montsde-piété qui voisinent dans la rue, donnent à celle-ci un cachet très spécial, qu'on ne retrouve dans aucune autre ville du nord de la Chine ou de la Mandchourie. Ces monts-de-piété sont des maisons de prêts, très prospères, très solides, organisées

comme des banques, en dehors de tout contrôle de l'autorité. Leurs avances nous paraissent très chères elles ne sont pas exorbitantes, en Mandchourie où les taux de 12 et 15 pour ioo sont.courants, et où le taux de 30 pour 100 est parfaitement accepté, sinon légal. L'activité commerciale se limite à quelques rues, pour ainsi dire. Et celles-ci sont seules intéressantes, les quartiers non commerçants étant absolument morts. Les rues marchandes ont leurs boutiques largement ouvertes, leurs longues affiches en bois doré tombant à droite et à gauche. Certaines professions ont des enseignes parlantes les cordonniers, les chapeliers, les fabricants de chaussettes, les changeurs, accrochent à leur porte des bottes de sept lieues en bois sculpté et doré, des chapeaux gigantesques, des chaussettes en carton pâte, grosses comme des sacs, de monumentales piles de sapèques alternant avec les « sabots d'argent. Dans les quartiers industriels, comme chez nous au moyen âge, les diverses professions se sont, en quelque sorte, réparties par rues fondeurs, argentiers, tanneurs, fabricants de cercueils. Le cercueil joue un rôle prépondérant dans la vie des Chinois. Un beau cercueil est une chose de luxe, très dispendieuse, imposante par son volume et par son poids, car il est toujours très lourd, souvent ouvragé, parfois laqué; fait un devoir de l'offrir à ses un « fils pieux parents, à l'occasion d'un anniversaire de leur soixantième ou de leur soixante-dixième année. 11 y a plus de Chinois, à Moukden, que de Mandchous. Ceux-ci, d'ailleurs, ne se distinguent plus, ethniquement, des Célestes, et les différences d'angle facial que pourraient donner les mensurations, ne peuvent être perçues par notre œil. Un peu avant le milieu du XVII" siècle, une poignée de guerriers, conduits par un chef énergique et audacieux, Tsaé-tsoung, s'emparèrent du trône de Pékin, et imposèr~nt leur loi au Céleste-Empire. La Chine accepta, sans trop regimber, ses nouveaux maîtres, comptant sur sa force d'inertie et surtout sur

se

sa rare puissance d'absorption. Cette conquête violente fut un véritable suicide pour la race victorieuse. Au contact du Chinois policé, le Mandchou, peu à peu, perdit sa rudesse primitive. Et, comme autrefois la Grèce vaincue le fit pour Rome, la Chine asservie

conquit, à son tour, son farouche vainqueur, envahit même son territoire qui devint une véritable colonie chinoise. Le Mandchou oublia ses moeurs, ses traditions, sa langue même. Aujourd'hui, le mandchou est une langue morte, qui ne serait pas plus comprise des marchands de Moukden, que le latin de Ciceron ne le serait des épiciers de Rome. S'il est, dans la rue, impossible de reconnaître un Mandchou, il n'en est pas de même pour une femme mandchoue. Elle porte le même costume que la femme chinoise longue blouse boutonnée sur le côté droit, pantalon serré sur la cheville, caraco de couleurs plus ou moins voyantes. Mais elle n'a pas les pieds déformés, ces affreux « lis d'or que la coquetterie et la mode imposent à la femme chinoise. Cette déformation est assez peu pratiquée à Moukden. La Mandchoue se reconnaît surtout à sa coiffure. Les femmes de Moukden, chinoises ou mandchoues, ont un goût très marqué pour les couleurs voyantes. Elles sont horriblement fardées; elles s'élargissent la lèvre inférieure avec du carmin. La coquetterie ne désarme pas même avec l'âge, et l'on rencontre des septuagénaires portant, crânement planté. dans leur maigre chignon, de rutilants bouquets de fleurs artificielles dans lesquels le jaune, lc vainement pour notre œil violet et le bleu essaient d'harmoniser leurs teintes. La population de Moukden est estimée à environ 300000 habitants. Elle fut longtemps considérée comme turbulente et xénophobe. Elle est, en effet, composée d'éléments fort divers. La Mandchourie était. il n'y a que peu d'années encore, un pays d'exil où l'on déportait les criminels politiques ou de droit commun. Beaucoup de musulmans y furent transportés après la grande révolution du Yun-nan, et Moukden compte plusieurs m05quées. Moukden fut un grand centre d'agitation des Boxeurs, qui mirent la ville à feu et à sang; incendièrent, sous couleur de xénophobie, pour les mieux piller, beaucoup de boutiques de malheureux commerçants qui avaient quelques objets d'exportation européenne, et brûlèrent dans la cathédrale quelque trois ou quatre cents chrétiens, avec leur évêque, Mgr Guillain, qui n'avait pas voulu se séparer de son troupeau. Moukden est un grand centre religieux. Les monastères abondent autour de la ville, et le Dalaï Lama y a son représentant, personnage très important, habitant aux portes de Moukden le temple impérial, le Hoang-sen, dont les abords sont marqués par deux élégants arcs-de-triomphe en bois sculpté. Comme en Mongolie et en Chine, les lamas représentent le bouddhismeindien réformé au xwe siècle au Tibet par le célèbre Tsong-kaba, et qu'on désigne couramment du nom de lanuiïsme. Médecin-major L. MATIGNON, En mission aux armées japonaises de lllandchourie.

(A suc'vye.)


La Catastrophe du Sous-marin français «Farfadet» à Bizerte (Tun

isie).

L'ÉPOUVANTABLE catastrophe qui a causé la mort de quatorze hommes ensevelis dans les flancs du sousmarin Farfadet, a profondément ému le monde entier l'agonie particulièrementdramatiquedecesmalheureux a angoissé tous les coeurs! A aucune époque, les annales maritimes n'avaient eu à enregistrer un naufrage offrant des péripéties aussi poignantes, des alternatives aussi douloureuses de découragement et d'espérance, l'anéantissement irrémédiable au mo-

Brusquement, leur prison est secouée; les chaînes enserrent les parois du navire en grinçant ils sont projetés les uns sur les autres ils sentent que le sous-marin est soulevé, et remonte. Un grand espoir leur revient! toutes les souffrances sont oubliées; c'est la vie! Maintenant, on frappe à coups significatifs. sur la tôle d'un hublot qui donne dans leur réduit; vite, du dedans, ils l'ouvrent; une bouffée d'air frais, un rayon de belle lumière pénètrent « Portez le bonjour à ma femme'. » dit l'un; « Dépêchez, dit un autre; nous n'en avons plus pour longtemps » Mais un immense fracas leur répond! L'eau, à nouveau, les submerge; la nuit se fait, c'est la fin,c'est la mort! La mâture du ponton qui soutenait le sous-marin s'est abattue sous le poids qu'elle supportait; le Farfadet a disparu, emportant en ses flancs les malheureux prêts à lui échapper! Voilà le drame qui s'est déroulé pendant trente

ment où, après

trente heures d'ef-

forts surhumains, la voix des victimes

venait de retentir aux oreilles des sauveteurs si

Aux faits

dramatiques par

eux-mêmes est venue s'ajouter

dans le cœur de chacun l'évocation des souffrances atroces de ces malheureux

le- tableau le plus

horrible que puisse l'imagination surexcitée ne peut être qu'une pâle tracer l'imagination image de la réalité. Quatorze hommes sont là. entassés dans une étroite prison de tôle, sous dix mètres d'eau; l'obscurité est complète, l'eau envahit lentement le réduit, l'air se comprime, devient lourd et impur aux poudes heures et des heures se passent. Enfin, mons quelques bruits parviennent à leurs oreilles. Nul doute on travaille à les sauver! Ce bruit, c'est, le frôlement des chaînes dont on entoure le Farfadet, ces coups sont des appels de scaphandriers; bientôt, ils vont revoir le jour, renaître! Quellejoie délirante dut être celle de ces hommes après les premières heures d'angoisse! Mais les heures s'écoulent Combien? Toute notion de durée leur échappe; voilà longtemps, longtemps qu'ils sont là, longtemps qu'ils épient les chocs et les grincements des chaînes; ils commencent à respirer avec peine la faim, la soif surtout, les torturent, leurs membres sont rompus; ils ont de l'eau maintenant jusqu'à la ceinture, et le niveau monte toujours. Que disent-ils entre eux? La raison ne les a-t-elle pas abandonnés, dans cette attente indéfinie de la délivrance ?

UN

SOUS-MARIN.

D'ap~~ès une plTOtographie.

heures, affreux, horrible, dans les eaux bleues du grand lac tunisien, drame qui a torturé, peut-on dire, le monde entier Que de larmes, que de deuils pour ceux, mères, épouses, enfants, parents, qui chérissaient ces hommes, et s'enorgueillissaientde leur valeur! Que de larmes aussi ont versées les sauveteurs vaincus par la nature et la fatalité! Mais le récit des faits dans sa vérité, dans sa simplicité, est plus poignant encore que l'évocation des

tortures endurées Le 6 juillet, à neuf heures du matin, les deux sous-marins de l'arsenal de Sidi-Abdallah appareillent pour exécuter des lancements de torpilles dans le lac de Bizerte. Le commandant du Farfadet, aussitôt hors des passes du port, commande de remplir les ballasts; il a la main sur le capot du kiosque qui surmonte le dos du navire, prêt à le rabattre et à le fermer à l'instant voulu. L'autre sous-marin, le Korrigan, sorti le premier, a déjà plongé; et on n'aperçoit plus que l'extrémité du long tube, à quelques centimètres audessus de l'eau, par où il peut voir et se diriger. Le Farfadet s'ehfonce, mais en s'inclinant rapidement sur l'avant, de manière inusitée; le commandementferme précipitamment le capot, mais, fatalité la fermeture


se fait mal, l'eau va suinter dangereusement; brusquement, l'officier. soulève à nouveau le capot pour le

rabattre fortement et assurer son étanchéité; trop tard! C'est un torrent d'eau qui pénètre, s'engouffre par la large ouverture, submergeant le commandant. Aveuglé, étourdi, il retient encore la poignée de manœuvre; mais, inutiles efforts! il suffoque, lâche la barre où il se cramponnait, et tandis que son bâtiment descend comme un boulet abandonné à lui-même et s'enfonce profondément par la pointe dans la vase, lui est ramené à la surface comme une flèche; une embarcation à vapeur qui escortait le sous-marin dans le but de reprendre les torpilles lancées, arrive juste à temps pour le sauver. Coup sur coup, un deuxième naufragé remonte à la surface, puis un troisième, que l'embarcation recueille dix secondes ne se sont pas écoulées. Et les autres, les quatorze autres qui montaient le Farfadet? Hélas! aucun n'apparaît, la mer les garde! sa surface n'est plus ridée que par quelques bulles d'air qui s'échappent encore des flancs du navire; plus rien, c'est fini; inutile d'attendre maintenant; des secours, vite, vite, des secours L'alarme est donnée! la nouvelle courtde bouche en bouche Les remorqueurs, les bateaux-pompes, les allèges, les pontons-mâtures sont sur le lieu du sinistre; les scaphandriers, déjà, ont revêtu leurs habits, descendentet enlacent le sous-marin de chaînes et d'aussières en fil d'acier, les remorqueurs s'attellent, les hélices sont lancées à toute vitesse, les amarres se raidissent.

Vains efforts! Le Farfadet, profondément piqué dans cette boue prenante dû fond du lac, résiste à tous les efforts. Et les heures passent! La population de Ferryville et de Bizerte est consternée; tous ceux qui le peuvent ont offert leurs bras; une foule émue se presse sur les bords du lac le télégraphe a porté la nouvelle au monde entier les dépêches se succèdent sans faire, hélas! renaître l'espoir. Et si l'oppression a gagné ceux qui, loin de là, savent le drame qui se joue à Sidi-Abdallah, quelle n'est pas celle des sauveteurs qui eux, vivent ce drame, luttent et s'épuisent, savent que de leurs efforts, de leur initiative heureuse dépend la vie de leurs camarades! Car ils vivent! Ils ont répondu aux coups frappés sur la paroi intérieure de leur prison, aux appels des scaphandriers Du moins, ils sont là plusieurs dans le compartiment arrière, huit croient pouvoir affirmer les survivants d'après le poste que chacun occupait au moment de l'accident. Ils étaient

dix-sept. Le lieutenant de vaisseau Ratier commandant, le second maître Troadec, le quartier-maître Lejean sont sauvés parce qu'ils se trouvaient sous le panneau même par où l'eau fit irruption sur l'avant se trouvaient l'enseigne de vaisseau Robin et un quartiermaitre; immédiatement sur l'arrière du poste central de manoeuvre, dans le compartiment des accumulateurs électriques, étaient quatre hommes, tous ceux-là sont morts noyés ou brûlés et asphyxiés par les acides qui débordèrent des accumulateurs renversés; aucun doute malheureusementsur leur sort! Les autres, huit hommes, étaient dans les compartiments de l'arrière; ceux-là ont eu le temps de fermer les portes étanches, ils vivent, ils répondent aux signaux des scaphandriers

mais il faut se hàter! L'air va bientôt leur

manquer, et si l'on tarde ils n'auront échappé à la noyade que pour périr étouffés! La première tentative de remorquageest abandonnée; puisque le navire ne peut pas être traîné vers la vase, on va le hisser verticalement par l'arrière. Les deux plus puissantes grues dont on dispose agissent maintenant sur les chaînes; lentement elles font effort, tandis que les scaphandriers travaillent à dégager la vase qui englue l'avant du sous-marin; léntement, elles soulèvent l'arrière. Seront-elles assez fortes? Il faut une prudence extrême, car le poids à élever est considérable, cent tonnes au moins. Voici plus de vingt-quatre heures ininterrompues de travail opiniâtre, mais on touche à la fin, au succès! Déjà l'extrême arrière surgit. Stop! Arrêtez partout les machines L'étroit hublot qui sert à ventiler les compartiments de l'arrière est au-dessus de l'eau des coups frappés sur la tôle avertissent les naufragés qu'ils peuvent ouvrir sans crainte; voilà qui est fait, l'air comprimé à l'intérieur s'échappe en sifflant, et se renouvelle. Oui Ils sont là, vivants encore après vingt-huit heures d'agonie; ils ont de l'air maintenant, on les encourage, mais comment les faire sortir, les délivrer, Le panneau d'accès est les extraire de cette prison? encore à deux mètres sous l'eau, et les grues ne peuvent plus élever leur fardeau, elles sont à bout, impossible de leur demander le plus mince effort. Couper les Certes; les burins et tôles? Éventrer le sous-marin? les marteaux en viendront à bout; mais après combien d'heures de travail? L'amiral qui dirige le sauvetage prend alors la résolution suprême de faire remorquer tout le bloc du sous-marin et des deux pontons-grues dans le grand bassin de radoub de Sidi-Abdallah. Le remorqueur s'attelle et tire. Alors un craquement épouvantable se fait entendre! L'une des grues se brise, s'abat, les chaînes cassent, et le Farfadet retombe et disparaît! Minute horrible, affreuse! Les coeurs s'arrêtent de battre, les yeux disent l'épouvante; puis, les larmes coulent sur tous ces visages hâlés de marins, de grosses larmes Hélas tout est fini la mer a repris sa proie; le Farfadet ne rendra que des cadavres

Voilà dans toute sa sincérité le drame qui s'est déroulé sur les eaux tranquilles du lac de Bizerte; il

avait duré trente heures, heures inoubliables, du 6 juillet neuf heures du matin, au 7 juillet trois heures du soir. Ce ne fut que le 15 juillet, après huit jours et huit nuits de travaux ininterrompus, que le Farfadet vint reposer enfin dans le bassin, et que l'on put retirer les quatorze victimes. Le long effort que l'on dut fournir pour relever le bâtiment, alors que toute hâte était superflue, montre assez que dans les vingt-quatre premières heures tout ce qu'il était humainement possible de faire avait été tenté. Le sous-marin Farfadet avait été construit à Rochefort en 1899. D'abord attaché à la défense de Rochefort et La Rochelle, il avait comme port de stationnement le port de La Pallice; il avait été envoyé à Bizerte en 1903, à la remorque, en même temps que son frère le Korrigan. Ce bâtiment déplaçait 200 tonneaux. mesurait 40 mètres de longueur; sa machine, mue électriquement, pouvait lui imprimer une vitesse de noeuds sous l'eau. Disons 12 noeuds en surface et que ce sous-marin avait déjà effectué plus de trois cents

i


plongées, et que son commandant était un des officiers les plus expérimentés de cette navigation spéciale. RAYMOND BEL.

L'Histoire des Zemstvos, ENjuillet s'est tenue à Moscou une assemblée dont importance pour la Russie peut être capitale le Congrès des Zemstvos. Ces institutions sont des sortes de conseils généraux ou. conseils d'arrondissement on distingue, en effet, des zemstvos de (( gouvernement» ou province et des zemstvos de district. Les premiers s'occupent des affaires de tous les districts d'un gouvernement. Leurs membres sont élus par les membres des zemstvos de district, et choisis parmi eux; ces derniers sont également élus à un suffrage restreint. Les zemstvos sont donc une forme de gouvernement représentatif; ils furent fondés en 1864 par Alexandre II, et font partie de son plan général de réformes. Leur constitution a été revisée en 1880-81; en i89o, le nombre des députés-paysans fut diminué, et le cens pour l'élection élevé. Actuellement, la noblesse qui prédomine dans les zemstvos, c'est la noblesse moyenne, qui, après avoir perdu sa situation foncière précédente, après l'abolition du servage, forme une sorte de tiers-état et, comme les fils cadets de la noblesse française avant 1789, rêve la destruction de l'autocratie pour s'emparer du pouvoir. Elle a dans la main un grand nombre de fonctionnaires, surtout instituteurs et docteurs dits du zemstvo, qui sont en contact avec la population rurale. En mai 1902, fut fondée à Moscou une sorte de bureau central des zemstvos sous l'initiative de Chepoff, Petrunkevitch, Golovin, etc. Ce fut l'Union des ,~emstvos. Elle se proposait d'abordd'organiser un recrutement consciencieux et uniforme des fonctionnaires des zemstvos destinés à porter la propagande libérale dans les chaumières. Plehve mena une lutte énergique contre cette propagande, et grâce au prince Chahmatof Chirinsky

réussit à enrayer le mouvement. Mais alors survinrent les événements d'ExtrêmeOrient, le ministère libéral du prince Swiatopolsk Mirsky, et l'agitation reprit au grand jour. Le 6 novembre 1904, pourla première fois, apparaissait publiquement l'Union des ~enistvos. Du 19 au 25 novembre, elle organisait le premier Congrès des il

~emstvos, sous la présidence de Chipoff. Le gouverne-

ment prit vis-à-vis de ces manifestations l'attitude hésitante qu'il a toujours gardée, interdisant à. moitié, puis tolérant à demi les réunions. Le développement du parti des zemstvos suivit une marche parallèle à celle des victoires japonaises. A partir de ce moment, le grand projet du parti des zemstvos, ce fut celui d'une Assemblée nationale, d'une Constituante. Pour la désigner, ils exhumèrent le vieux mot de Sbbor ce fut le Zemski Sobor. Telle était la situation au moment où parut le rescrit impérial du 18 (3 i) mars sur la (( Convocation des élus de la Nation ».

Quand l'empereur déclara par ce rescrit son désir d'appelerdes cc personnes élues par la population » à la « participation des travaux législatifs », il avait un plan de réalisation de ce désir tout prêt. Ayant chargé le ministre de l'intérieur, M. Bouliguine, d'élaborer un projet de Constitution, il espérait que ce projet répondrait à ses vues impériales, qui sont celles indiquées dans sa réponse au prince Troubetskoi, lors de la visite des délégués des zemstvos. Malheureusement, le projet Bouliguine ne semble pas plus satisfaire le souverain que les sujets. L'Assemblée de Moscou est la première d'une série d'où sortira peut-être une solution.

E. de Renty, capitaine d'infanterie, breveté.

Les chemins

fer coloniaux en Afrique. 3° partie chemins de fer dans les colonies françaises.- 1 vol..in-IS de 530 pages et 10 cartes. Prix 5 francs. De Rudeval, Paris, 19°5. DANS deux volumes, précédemment parus, M. E. de Renty, capitaine d'infanterie, breveté, nous a montré les efforts réalisés par les peuples étrangers pour doter de communications rapides leurs territoires coloniaux d'Afrique. Le troisième et dernier volume de cette importante étude vient de paraître. Il concerne les chemins de fer dans les colonies françaises africaines. Sans doute, nos travaux ne sont pas aussi considérables que ceux exécutés par d'autres nations; sans doute, nous avons longtemps hésité avant de nous engager résolude

ment dans la construction des voies ferrées coloniales; néan-

moins, il faut, pour être juste, reconnaître que, depuis cinq ou six ans, nous nous sommes mis à l'oeuvre avec courage. Déjà les progrès réalisés sont importants; mais il nous reste encore beaucoup à faire, et à ce point de vue il peut être instructif et utile de parcourir ces études qui, en nous montrant les fautes du passé, seront de nature faire éviter dans l'avenir.

à

nous les

Trois chapitres sont consacrés à des questions d'actualité. Ils ont pour titre Chemins de fer éthiopiens, transsahariens, chemins de fer au Maroc. Ajoutons qu'à la fin de ce volume, un tableau d'ensemble présente l'état de tous les chemins de fer coloniaux africains, au 1er janvier ~905. Cette dernière partie de l'ouvrage permet d'un seul coup d'œil de constater ce qu'on peut et ce qu'on doit faire dans les colonies africaines, pour rendre leur exploitation possible, pratique et rationnelle.

Suau.

L'Espagne, terre d'épopée. Les vieilles villes et leurs souvenirs. 1 vol. in-8~ écu avec gravures. Prix 5 francs. Librairie académique Perrin et Ce, Paris. FRUITdé longs séjours en Espagne, d'une connaissance approfondie de l'histoire politique, artistique et littéraire du pays, cet ouvrage promène le lecteur dans les principales villes de la péninsule. Il en anime les ruines, en ressuscite les légendes, en évoque les vieux souvenirs. A signaler, entre toutes,la délicieuse Légende du Cid, écrite en vers blancs, et qui, au Cid conventionnel de notre tragédie classique, oppose, si fortement rendu, le vrai Campeador de la légende. A la description pittoresque des régions qu'il parcourt, l'auteur ajoute la discussion érudite et impartiale des principaux problèmes que soulève l'histoire espagnole origine, portée et périodes de l'art arabe, rôle exercé par les différentes dynasties, caractère et valeur des écoles d'art, cause et conséquences des conquêtes et des révolutions. D'autres ouvrages exposent les impressions de voyageurs découvrant nouvellement l'Espagne; celui-ci explique l'Espagne, et son originalité vient de l'heureuse façon dont, à tout instant, l'érudit et le critique se substitue à l'impressionniste, rendant aux plaines mortes et aux palais dévastés leur vie ancienne, leurs grandes batailles et leurs hôtes oubliés.


Les Chambres d'Isolement contre les Moustiques. LA TRANSMISSION DE LA FIÈVRE JAUNE PAR LES MOUSTIQUES

dernière épidémie de LSénégal, février en

fièvre jaune au 1900, a de nou-

veau attiré l'attention sur cette maladie dont l'apparition cause tant de trouble

Nous allons voir ce qu'elles sont et les résultats qu'elles ont fournis. LA CHAMBRE MARCHOUX. ISOLEMENT COMPLET DU MALADE

Cette chambre Marchoux est une case ayant 3 mètres de long sur 3 mètres dans le commerce de notre colonie. Quelques mois plus tard, en fé- de large et zID50 de hauteur, composée vrier 1.901, la commission américaine d'une solide armature en fer sur laquelle de la Havane faisait connaître que le est tendue une toile métallique de un virus de la fièvre amaryle existe dans le demi-millimètrede maille. Cette chambre est fermée un tambour de So centisang des malades et qu'elle est transmise mètres de par profondeur, muni de deux à l'homme sain par l'intermédiaired'un portes de So centimètres de largeur et de moustiqueparticulier. mètres de hauteur, qui s'ouvrent, l'une Il était de la plus haute importance z de vérifier ces données nouvelles, car si en dedans, l'autre en dehors. Un système elles étaient confirmée, la défense contre de poids peut empêcher d'ouvrir simultanément les deux portes. la fièvre jaune devait être orientée tout Ces cages sont assez grandes pour autrement qu'on ne l'avait fait jusqu'à contenir un lit, une table, et pour perprésent. t. de circuler autour du malade. Le mettre constructeur les fait maintenant par panLA MISSION FRANÇAISE DE neaux séparés, de sorte qu'on peut leur donner des dimensions variables. Quelle RIO DE JANEIRO que soit leur taille, elles offrent aux Aussi, les pouvoirs publics, le ser- insectes une barrière infranchissable, dervice de santé des Colonies, le gouverne- rière laquelle le malade n'est pas privé ment du Sénégal, tous les négociants d'air. Elles présentent sur le grillage des notables de la colonie, se mirent d'ac- portes et des fenêtres un gros avantage. cord pour demander l'envoi à Rio de Si, par une fausse manmuvre ou une erreur Janeiro d'une mission française pour commise, il s'est introduit quelque mousl'étude de la fièvre jaune. Cette mission tique dans l'intérieur, la recherche et la fut instituée sur la proposition de M. le destruction en est très facile, contraireMinistre des Colonies, qui demanda au ment à ce qui se passe dans une salle plus Dr Roux, directeur de l'Institut Pasteur, vaste et forcément plus obscure. de vouloir bien en désigner les membres. Grâce à ces chambres portatives, il Simon Marchoux, etSalimfacile de transformer un hôpital les Dr, devient MM. beni furent désignés et partirent de suite. quelconque et même un simple baraqueIls confirmèrent les travaux de la mission ment en un hôpital d'isolement modèle, américaine à la Havane; montrèrent que puisqu'il permet l'isolement individuel les moustiques du genre Stegomia sont auquel on reconnaît aujourd'hui tant les véhicules de la fièvre jaune; que, sans d'importance. Un simple drap appliqué le eux, cette maladie n'existe pas, et qu'eux long d'une paroi empêche deux malades seuls en transportent le germe du malade voisins de se voir. Les visiteurs peuvent au bien portant. Ils démontrèrent que la causer avec les isolés sans communiquer fièvre jaune ne peut être transmise sans effectivement avec eux. 11 est certain que ces avantages sont ces intermédiaires et qu'elle est toujours inoculée par les moustiques, ne pouvant importants, qu'ils ne sont pas les seuls être transportée par une autre voie. que peuvent apporter ces chambres métal. Il y a huit mois, le Dr A. Loir visi- liques. L'usage en fera certainement tait l'hôpital d'isolement de Saint-Sébas- reconnaître beaucoup d'autres. tien, à Rio de Janeiro, où la mission Pasteur Les découvertes de la science qui directeur laboratoire. Le de établi mises en pratique à la Havane été ont son a l'hôpital lui dit en lui montrant le linge viennent de l'être à Rio de Janeiro où la des varioleux « Nous désinfectons ce chambre Marchoux sert depuis deux ans linge à la vapeur avant de le donner à la à isoler les malades atteints de la fièvre buanderie. Celui de la fièvre jaune est jaune, en empêchant les moustiques prodonné directement, sans être désinfecté, pagateurs de l'affection de venir s'infecter car la fièvre jaune n'est pas une maladie à leur contact. contagieuse. Vous semblez étonné de cette Le président de la République du je deux l'aurais assertion; il y a Brésil a chargé, il y a deux ans, r~es foncans, ne grâce à la misfaite, mais maintenant, tions de directeur général de la santé pas sion Pasteur, nous connaissons bien l'étio- publique, un jeune homme de trente-deux logie de la maladie et nous constatons que ans, le Dr Oswaldo Cruz, qui revenait de la pratique donne raison à la science du passer trois années à Paris, à l'Institut laboratoire IL Pasteur, en lui donnant un budget d'un d'isolement chambres Dans les en million pour organiser la lutte contre la fil de fer, construites par la mission Pas- fièvre jaune. Immédiatement, il se mit à teur, et qu'on désigne sous le nom de l'œuvre. Le 2o avril i go3, il mit en marche chambres Marchoux, sont installés les une armée de désinfecteurs, au nombre de quelques rares malades de fièvre jaune 1 zoo personnes, qu'il avait éduqués luiqui existent encore dans la ville. même à faire la chasse aux moustiques.

RÉSULTATS OBTENUS A RIO DE JANEIRO PENDANT LES ANNÉES 1903-1904

Depuis dix ans, la moyenne de la mortalité par la fièvre jaune avait été à Rio de Janeiro de 129 morts en janvier, 272 morts en février.

Voici maintenant ce que révèlent les dernières statistiques.

Mortalité en janvier Février

1903

133 morts 142

Mars..

151 ~9 24 10

Avril Mai

Juin.. Total dans les premiers mois de

479 morts

903.

Janvier.3 Février. Mortalité en t9o4

Mai. Mars

Avril Juin Total

morts 7

7

8 10

4 39

dans les premiers mois de ~90¢. Devant ces résultats remarquables, le budget du Département de l'hygiène vient d'être porté à 500 00o francs par année, pendant trois ans, pour permettre de compléter l'organisation actuelle et de poursuivre d'une façon parfaite la lutte contre la peste et la variole. Le Dr Loir a traversé Rio de Janeiro pour aller à ('hôpital d'isolement dans une victoria dont le cocher portait la croix rouge, signe distinctif du Service de l'hygiène Il Constamment, dit-il, j'étais obligé de rendre le salut des personnes qui se découvraient, me prenant pour un membre du Service qui contribue à enlever à la ville son renom de foyer de fièvre jaune. Nous sommes loin du temps où on lançait des pierres aux hygiénistes ». DÉCISION DU CONGRÉS DE BUENOS AIRES

On se moquait beaucoup, dans la République Argentine, de la prétention des Brésiliens qui voulaient faire admettre que Rio de Janeiro n'était pas un foyer de fièvre jaune. Devant les résultats obtenus, les deux savants qui représentaient la République Argentine au Congrès d'hygiène tenu à Buenos Aires en 1904, signèrent le protocole de la Conférence qui reconnaît que Rio de Janeiro n'est pas un foyer de fièvre jaune. Espérons que dans nos

Colonies françaises la lutte sera organisée d'une façon aussi intelligente qu'elle l'a été à Rio de Janeiro. La chambre Marchoux sera fort utile aux Colonies; mais nous pensons qu'elle trouvera son application dans nos pays européens, pour assurer l'isolement dans les maladies contagieuses.


Chez les Gitanos. Gypsies che~ les Anglais, Tartares che.~ les Suédois et les Danois, Zigeuner ou T,~iganes che.~ les Allemands, Gitanos Pharaons sont répandus un ~eu che,~ les Es~ag-nols, ceux que les Françaïs appellent Bohémiens et qui se nomment eux-mêsraes partout dans le monde, sans qu'on sache exactement leur origine. Race de parias et de vagabonds, ils font mille métiers, se soumettent à maintes transfornaations; ils conservent en Espagne l'apparence d'être un peuple.

EN France, on connaît mal l'Espagne; et l'une des preuves de cette méconnaissance, c'est que nos auteurs confondent souvent Gitanos et Espagnols de vraie souche confusion qui ne constitue pas seulement une erreur ethnographique, mais encore, aux yeux de ces derniers, une offense aussi grave que si, dans quelque colonie, on assimilait l'Européen à l'indigène, avec cette différence qu'ici le (( blanc autochthone et (( l'homme de couleur immigré, et qu'il n'y a presque pas de

est

métissage. En effet, si les préventions de l'Espagnol contre les Gitanos se mitigent d'intérêt pour leurs coutumes pittoresques et leur caractère enjoué, qui défraient le théâtre et les contes; si même le mot de (( Gitana » est un des compliments, des cc fleurs » qu'on jette aux femmes sur leur passagei, les Gitanos

eux-mêmes se montrent plus réfractaires à tout rap-

prochement avec les cc

payos », comme ils nom-

Mais la rareté de semblables unions fait qu'en

somme le type de chacune des deux races s'est conservé très pur et très distinct à première vue. Les caractères physiques des Gitanos sont, en

général, les suivants visage rond, et non, comme chez l'Espagnol, ovale; cheveux noirs, qui ne blanchissent guère, épais, plats et luisants; yeux légèrement fendus en amande (rasgados), très vifs, mais d'une expression fausse; traits arrondis plutôtqu'allongés, les profils aquilins que leur prêtent certains artistes étant, parmi eux, l'exception pommettes saillantes, teint naturellement bronzé, beaucoup plus foncé que celui des Espagnols les plus bruns, quoique les enfants volés par les Gitanos ne tardent pas à devenir semblables à'eux sous l'action du hâle. Ce type, souvent agréable, toujours intéressant, comportedesextrêmes de laideur et de beauté, car, à côté d'horribles mégères, on trouve des jeunes filles d'une joliesse exquise, mal-

ment quiconque n'apparUN REPAS DE FAMILLE ENTRE GITANOS. heureusement bientôt Hétient pas à leur race et trie. Tous les peintres Photographie communiquée par M. J. Causse. quand une Gitane s'allie à connaissent, à Madrid, un Espagnol, c'est d'ordiAgustina (( la Gitanilla » dont le sourire de Joconde naire cette autre Carmen qui convertit le moderne Don bistrée a maintes fois tenté leur pinceau. José à son existence à demi sauvage; sans quoi, d'ailPar tous ces caractères, on voit que les Gitanos se leurs, elle risquerait d'être mise au ban de sa tribu, et rapprochent beaucoup des peuples tamouls de l'Inde. d'être en butte à ses représailles. parenté qu'accréditent plusieurs autres motifs. Ils leur J. On trouve la trace lointaine de cet état d'esprit dans un édit de Philippe Il en 1635, défendant de prononcer le nom de Gitano, considéré comme une insulte, et « de rien reproduire de leurs mœurs et de leurs costumes, soit par la danse, soit autrement, sous peine de deuxannées de bannissement et d'une amende de 50000 maravédis ». A TRAVERS LE MONDE.

32e LIV.

ressemblent encore, et se différencient, au contraire, des Espagnols, par la structure du corps, surtout chez les femmes à l'inverse de l'Espagnole, ordinairement petite, aux formes pleines, aux attaches et extrémités fines, les Gitanes, maigres dans leur jeunesse, sont de ri~ 3z.

12

Aoîn

yuj.


taille assez haute et surtout dégingandée, qu'accuse le déhanchement de leur démarche; leurs pieds sont grands, et des mains larges et grossières, aux poignets noueux, déparent quelquefois l'ensemble le plus agréable. La langue des Gitanos, le (( calo » ou (( cani », fournit une autre preuve de leur origine hindoue, car bien qu'elle soit passée à l'état de simple argot, qui leur est en partie commun avec les basses classes du peuple, et qu'elle emprunte sa grammaire à l'espagnol, certaines racines ont une physionomie toute sanscrite. Quant à la prononciation, elle se rattache à l'accent andalou, avec les mêmes zézaiements, élisions et mutations de lettres, mais elle est plus chantante et d'un charme réel dans la bouche des femmes, et, chose notable, elle ne subit guère d'altérations sous l'influence des dialectes des diverses provinces où sont dispersés les Gitanos. De même, leur habillement s'est conservé à peu près identique parmi la variété des modes régionales espagnoles il consiste, pour les hommes, en un (( sombrero cordobès », chapeau de feutre rond à forme rigide, à bords larges et plats; le pantalon .c torero collant aux hanches et bouffant du bas, et la veste courte et étriquée, empiécée aux coudes, soutachée aux poches, de velours noir, orange ou grenat. Les femmes portent une ou plusieurs jupes superposées, de percale à fleurs

les effets visibles de cette négligence. Les hommes ont

la face rasée, ou portent des moustaches et d'épais favoris. Les enfants surtout, sont charmants, avec leur

mine espiègle sous leur tignasse ébouriffée, et leur accoutrement de grandes personnes les garçons en pantalons, les fillettes en robes traînantes. Si les Gitanos diffèrent nettement des Espagnols, ils se distinguent aussi de leurs congénères des autres parties de l'Europe (Tziganes, Zingaris, Romanichels, etc., etc.), et la comparaison est facile à faire sur place, car, outre les Gitanos proprement dits, qui, plus heureux que Juifs et Morisques, ont pu, malgré de multiples édits, conquérir le droit de cité en Espagne, la péninsule est parcourue par de nombreuses bandes de nomades étrangers, montreurs d'ours et de singes savants, dénommés par le peuple (( Ungaros » (Hongrois), mais en réalité de provenance très diverse c'est ainsi qu'il y a quelque temps, un conflit armé se produisit sur le territoire espagnol entre tribus de Tziganes russes et autrichiens, pour l'enlèvement d'une

jeune fille appartenant

aux premiers. Or, si ces bohémiens présentent cer-

tains traits de ressemblance physique et mo-

rale avec les Gitanos, ils se séparent d'eux par la langue, les moeurs et le costume, ce qui tient sans doute aux vicissitudes qu'ils ont subies au cours de leurs émigrations les uns, refoulés par les Mongols de la région touranienne dans l'Europe orientale, nn nnic hallnnnâec at les autres par les Arabes garnies de multipless D>H.%BITA'IIONAUX GITANQS. rITANCkS. de l'Afrique du Nord, en SERN'ANT D~H.aBITA'1ION GROTRE SERVANT GROTTE volants; un tablier à Espagne. Ces derniers ruches, un châle brodé Photographie coaimuniquée par JI. J. Causse. furent longtemps appeà lon~ues fran-aes, noué lés « Égyptiens >>, d'où vient peut-être (( Gitanos ». à la taille, et, tombant en pointes des épaules; un A ce propos, et à l'appui de cette hypothèse, il foulard dont elles se couvrent parfois la tête, à la est curieux de rapporter un conte, traditionnel parmi manière des cc chulas » madrilènes. Détail caractétemps où ils formaient un ristique, leurs amples manches se terminent par des eux, suivant lequel, au peuple puissant, leur roi, nommé Pharaon, fut admis fourreaux d'étoffe rigide enserrant l'avant-bras. Elles de par Dieu à choisir entre le royaume du ciel et celui sont chaussées de savates ou de forts brodequins en la terre, et les ayant réclamés tous les deux sans voucuir jaune, d'une seule pièce, contrastant avec les fins loir rien rabattre de ses exigences, fut, pour sa punisouliers des Espagnoles, même de la basse classe. tion, précipité dans la mer. Mais, tout en se noyant, Toutes les parties de cette toilette hétéroclite l'obstiné Gitano, de sa main qui, seule, émergeait, ne offrent le plus incroyable assemblage de couleurs cessait de faire 'au Très-Haut les « tijeretas » (la voyantes, mais pourtant agencées avec un goût réel. nique). Depuis lors, la malédiction divine poursuit sa Leur chevelure, aux reflets bleutés, copieusement huilée et ornée d'une profusion de fleurs, de verroterie èt race, éparse et misérable. ( Mais, concluait la Gitana qui narrait cette légende à la terrasse d'un café, sans de peignes écarlates, aplatie et séparée par une raie sur le roi Pharaon j'arriverais ici en calèche, et je vous le sommet de la tête, retombe en mèches et en dirais en entrant -Les consommations sontpayées! » boucles de chaque côté du visage, pour venir se nouer Quoi qu'il en soit de ces souvenirs de grandeur en chignon très bas sur la nuque. Des colliers d'ambre déchue, le parallèle entre Gitanos et Bohémiens est ou de faux corail, de lourds pendants d'oreilles en pittoresque à encore à l'avantage des premiers, dont les brillants argent complètent cet ensemble oripeaux contrastent heureusement avec les sordides sc.uhait. haillons des seconds. Ils ne sont pas loin, d'ailleurs, de Malheureusement, la coquetterie gitane exclut considérer ces (( parents pauvres comme des intrus par trop la propreté, et l'eau n'en constitue que l'éléet des vagabonds, alors qu'eux-mêmes, établis à ment le moins usuel; mais la couleur du teint atténue


demeure en Espagne, s'y sont créé une existence presque sédentaire; à part quelques individus isolés, ils ne se déplacent plus qu'à périodes fixes pour les (( ferias » (foires), et forment, le reste du temps, des colonies permanentes dans les grandes villes. Les principales de ces agglomérations urbaines des Gitanos sont à Grenade, l'Albaycin et les célèbres grottes du SacroMonte à Séville, le faubourg de Triana, et à Madrid les Cambroneras. Ce dernier quartier, moins pittoresque que les précédents, n'en est pas moins curieux, et surtout moins exploré. C'est, en dehors de la ville, près du Manzanarès, une immense bâtisse, sorte de de caserne, dont les murs délabrés abritent (( cité» d'innomhrahlec f~mi11pç: AP ~H~nl" Cl"rl"\111.C 6£ "up""J, selon leur province dl'origine, en Castillans, Asturiens et Galiciens, dans le plus incroyable état de promiscuité. L:unique propriétaire de ce vaste caravansérail par une sage précaution, touche des loyers quotidiens. A cet effet, son gérant, muni d'u ne énorme sacoche, et

ou

'¿¿"

lées « zambras », et où elles déploient, dès leur plus jeune âge, une souplesse et une grâce merveilleuses. Elles excellent également à dire la bonne aventure (en calô, la ( baji ))), d'après les lignes de la main, les cartes ou tout autre présage ( Te la digo, resalado? » (cc Je te la dis, très salé (gracieux)? »), telle est la formule par laquelle elles abordent tout venant, en y ajoutant mille compliments de ce genre ( Moustaches de corregidor, petits pieds de danseur, etc. »; et, sans attendre l'acceptation de leur offre, s'emparant de la main de l'interpellé, elles lui débitent, avec une volubilité extraordinaire, une série de prédictions, sur la nature desquelles influe le plus ou moins de générosité ~11 o+ qui au '11.~t (( cnem » ez J'111~ ~a se

traduisent toujours par la demandedequelques

perras » (sous) supplémentaires. Une Gitane ayant prophétisé à une dame que son fils souvent escorté de serait curé, et l'en deux gardes civils, fait voyant peu satisfaite tous les matins sa tour(( Allons, reprit-elle, née, et perçoit la maidonne-moi une peseta gre obole de chaque de plus, et il ne le sera locataire, sous menace pas Contre qui les d'expulsion immérepousse, elles se dédiate. Malgré la modichaînent en malédiccité de ce loyer et leur tions, plus plaisantes peu de besoins, les terrihlPc an fond (111.. au avuu IiUG LGL11V1GJ, moyensd'existencedes dont voici d'amusants exemples (( PuisseGitanos restent un protu être plus maudit qu'une liste de loterie! blème, car, sauf dans Dieu te rende plus nerveux qu'un flan! quelques régions où les Dieu t'envoie des démangeaisons, et que hommes travaillent à ce'soit moi qui te gratte » l'industrie du fer et les A ce bagout endiablé, elles joignent femmes dans les maune perspicacité surprenante pour pénétrer nufactures de tabac, ils les sentiments et les pensées secrètes de n'ont jamais de profeschacun, ce qui ne peut manquer d'impression bien définie. sionner les esprits simples. Car, à côté de Les hommes exerla bagatelle, les Gitanes furettent toujours cent, par intermità la recherche de quelque (( affaire sérieuse, tences, le métier de c'est-à-dire d'une (( bonne tête », cuisinière ionaeurs (esquilado- L__ en peines d'amour, campagnarde superstires), en vue duquel ils tieuse, qui, confiante en leurs sortilèges, se portent toujours à la DANSESDE GITdNES. livre entièrement à elles; non côntentes, ceinture une paire d'éalors, de lui soutirer de fortes sommes et f'Izotographies communiquées pan ciseaux (canormes de lui imposer toutes sortes de pratiques M. J. Causse. chas)- dont ils ce fnnt bizarres. elles finissent nar la dévaliser et besoin au une arme aussi redoutable que la cc navaja », la laisser, suivant l'expression espagnole, (( compuesta quoiqu'ils soient, en général, d'humeur assez pacifique, y sin novio bien arrangée et sans fiancé » Entre plus et agressifs en paroles qu'en actions. Ils montrent temps, elles s'adonnent à de menus larcins, qu'elles aussi une remarquable entente comme cc chalanes savent à merveille dissimuler sous leurs amples jupes, » (maquignons) et même comme vétérinaires, dont et, prises sur le fait, elles se disculpent par cette ce ils profitent, d'ailleurs, pour voler nombre de chevaux réponse admirable (( Me ha venido Ça m'est venu » et bestiaux, qu'ils maquillent ensuite assez habilement Aussi sont-elles la terreur des marchands à l'étalage. pouvoir, dit-on, pour célèbre, et le produit La réussite de ces (( coups y tromper jusqu'à leurs anciens maîtres. Mais c'est surtout aux femmes qu'incombe la s'en dépense aussitôt en plantureuses agapes, bien tâche de subvenir aux besoins domestiques, à l'aide de que les Gitanos soient ordinairement sobres, et n'aient cent artifices plus ou moins licites. guère de faiblesse que pour le chocolat. A Grenade, les touristes anglais en font les frais, Il ne faudrait pas croire, cependant, que tous les pourboires dont ils récompensent les chants et par recourent à ces expédients peu louables quelques-uns, les danses suggestives, de caractère nettement orienà l'aide de capitaux dont, il est vrai, l'origine est doue tal, qu'elles exécutent dans les fêtes improvisées teuse, élèvent leur trafic de maquignons à la hauteur appe((

t.

se


d'un commerce régulier, et certaines familles, surtout en Andalousie, vivent dans une aisance et même un

luxe relatifs, sans renier toutefois leurs coutumes héréditaires. C'est ainsi que le roi Alphonse XIII, lors de son récent voyage à Grenade et Séville, reçut une délégation des plus riches Gitanas, en superbes châles de Manille. Mais, en général, leur existence est si mouvementée, qu'il semble même impossible d'évaluer le nombre des Gitanes habitant l'Espagne; pour ceux de Madrid seulement, on le fait varier entre 500 et 5000! Cette absence de toute statistique permet à la plupart d'échapper à leurs obligations civiles et militaires. Aussi, ne reconnaissent-ils guère d'autre autorité que celle du chef de famille ou de tribu. Le vieux Gitano Grenadin, d'aspect si pittoresque, et si familier aux touristes, qui s'intitule ( Roi des. Gitanos », ne possède, en réalité, aucune prérogative royale; et, quant au titre de (( capitan » que portait fièrement Pépé, resté célèbre à Paris depuis l'Andalousie au l'Exposition de 1900, il équitemps des Maures vaut simplement à celui de coryphée, de directeur d'une troupe de danseuses gitanes. Une autre énigme est de savoir à quelle religion appartiennent les Gitanos, et s'ils sont véritablement chrétiens. Quoique leurs prénoms soient tirés du baptistaire catholique et qu'ils affichent une grande dévotion envers plusieurs saints, en particulier la (( Virgen de las Angustias » (la Vierge des Angoisses), qu'ils proclament leur patronne, certains de leurs actes, empreints d'un franc paganisme, les font tenir pour mécréants. Leurs mariages se célèbrent presque toujours en dehors de l'Eglise, par une cérémonie expéditive autant qu'originale,qu'on retrouve chez beaucoup de Bohémiens d'Europe et d'Asie. Le doyen de la tribu brise, en présence des fiancés, un ( cantaro (cruche de terre), et leur déclare que, désormais époux, ils ne pourront se séparer avant que tous les morceaux ne s'en recollent. Les Gitanos ont la plus vive foi en la validité de pareilles unions, et y restent généralement très fidèles. Dans quelques tribus, une vieille, surnommée la ( Madre de las virgenes » (la mère des vierges), se livre sur la fiancée à certaines pratiques spéciales. Les Gitanos professent un grand culte pour les défunts et portent rigoureusement leur deuil, ce qui, étant donné leur goût pour les couleurs, est doublement méritoire. Insulter ( leurs morts » est la plus terrible offense qu'on puisse leur faire, et le motif de leurs pires vengeances. Malgré leur dispersion en Espagne, ils sont tous unis entre eux par un inextricable réseau de liens de parenté réels ou imaginaires, en sorte qu'ils paraissent ne former qu'une seule et immense famille. Chacun se découvre partout des oncles, des cousins, des neveux, et leurs noms patronymiques se réduisent à quelques-uns, dont Jimenez et Vargas sont les plus répandus. l'Espagne (nom qui En résumé, ces ( parias s'accorde bien avec leur origine probable), par le mystère de leur passé, leur longue résistance à d'incessantes persécutions, l'indépendanceet l'insouciance de leur caractère, le pittoresque de leurs types, de le6rs costumes et de leurs moeurs, méritent vraiment, en dépit de leur fâcheuse renommée, la sympathique attention de l'ethnographe et de l'amateur d'exotisme. J. CAUSSE.

de

de

La Baltique peut-elle être un Lac allemand? Le Véto des

Traités internationaux.

UNE géographie nouvelle s'inspire de la politique pour transformer en lacs les mers et les océans. On n'entend plus parler que de lacs anglais, lacs français, lacs américains, etc. Il manquait un lac allemand l'empereur a pensé à la Baltique. Il est vrai que sa prétention est de tous points injustifiée. La liberté absolue de la mer Baltique en temps de paix résulte d'unengagemententre puissances signéle i i mars 1857. A la suite de négociations dont les Etats-Unis avaient la en 1848 pris l'initiative, l'Angleterre, l'Autriche, Belgique, la France, le Hanovre, le MecklembourgSchwerin, l'Oldenbourg, les Pays-Bas, la Prusse, la Russie, la Suède, la Norvège et les villes hanséatiques, conclurent avec le Danemark le traité de Copenhague, complété ultérieurement par l'adhésion des puissances qui n'avaient pas signé le protocole original. Par ce traité, le Danemark renonçait aux taxes et au droit de visite qu'il exerçait dans les détroits baltiques. On stipulait non à titre de renonciation à un droit reconnu de souveraineté(puisque personne ne le reconnaissait), mais à titre de payement des frais d'entretien des phares et signaux sur les côtes danoises, qu'une somme de 9 millions serait payée par les contractants au Gouvernement danois. Les Etats-Unis, qui avaient seuls, eu l'initiative de cet accord, préférèrent agir et le i avril 1857, conclurent avec le Danemark un traité spécial. Comme le précédent, ce traité faisait de la Baltique une mer librement ouverte. Cette situation n'a reçu aucune modification, et les traités conclus antérieurement sont toujours en vigueur.

C'est vraisemblablement sur le cas de guerre que se concentrerait, si un débat s'engageait, l'argumentation allemande. Mais, là encore, cette argumentation pèche par la base. S'il est exact qu'en 1759, en 1780, en 1794, la Russie, la Suède, le Danemark,

conclurent des arrangements particuliers en vue de neutraliser la Baltique à l'égard des puissances belligérantes non riveraines de cette mer, depuis lors, songé en 1854 et en 1870 notamment, personne n'a à déclarer la Baltique mer fermée. Il est donc illusoire

d'invoquer des précédents que détruisent des précédents plus récents, conformes d'ailleurs à l'esprit du régime institué pour le temps de paix. Les traités conclus pour maintenir la paix entre les nations ne doivent pas nécessairement être dénoncés pour satisfaire les intérêts particuliers d'une des nations contractantes. L'empereur allemand a peut-être pour lui autre chose il n'a pas le Droit.

~Á~


Moukden, capitale de la Mandchourie'. UNE promenade sous les murs de la ville, du côté

extérieur, est une des plus intéressantes qui se puissent faire à Moukden. Ce sont des foires qui se tiennent en permanence, en tel ou tel point de la muraille, surtout à l'est et à l'ouest, où l'espace compris entre le pied du rempart et ce qui fut le fossé de la ville est à peu près inoccupé. Du côté nord et du côté sud, au contraire, ces mêmes emplacements sont encombrés de constructions semifixes et semi-temporaires, donnant asile à toutes sortes de professions chiffonniers, mendiants, marchands de bric-à-brac.

posé des choses les plus hétéroclites vieilles savates, fourneaux de pipes, étriers dépareillés, clous rouillés, un marchand ambulant attend la clientèle. On se demande avec intérêt, d'abord ce qu'il peut bien vendre, et ensuite ce qu'il peut gagner sur ce lot de marchandises dont la valeur totale serait largement payée par dix sous de notre monnaie. La profession médicales'exerce librement, sous la muraille. Voici un guérisseur dont la spécialité paraît être l'acupuncture. Pour montrer sa science à l'assistance, il a étendu par terre quelques planches européennes d'anatomie humaine, représentant un écorché, un système circulatoire, les viscères abdominaux. Un client s'avance, accusant quelque douleurdans l'épaule. Très vite, notre praticien examine la région malade, en passant la main dessus, puis enfonce avec décision trois longues aiguilles au travers des chairs, et les retire vingt secondes après; le patient paie quelques sapèques et part, l'air satisfait, sinon guéri. Ces guérisseurs ambulants qui ne soupçonnent pas les plus légers rudiments de l'anatomie, vous

CONCOURS ENTRE AMATEURS D'OISEAUX, SOUS LES MURS DE MOUKDEN.

Photographie du capitaine Bertin. J'ai parlé plus haut de ce qui fut le fossé de la ville. On en voit encore des traces. Ce sont des ponts sous lesquels l'eau passait jadis, aujourd'hui en partie enfouis dans le sable, et çà et là, quelques flaques d'eau croupissante, vertes ou noirâtres, aux émanations fétides, dans lesquelles barbotent à coeur-joie et ventre-que-veux-tu, des groupes de cochons noirs et rablés.

C'est un véritable kaléidoscope vivant, que celui qui se déroule sous les yeux du promeneur, sans cesse renouvelé et chaque fois du plus haut intérêt. Ici, un conteur public tient sous le charme de sa parole et la fascination de sa mimique, tout un cercle de badauds, riant à gorge déployée à ses nombreux

calembours, fortement épicés en général. Mais l'expression risquée et le geste adéquat ne sont pas faits pour choquer le public du faubourg. Je ne crois pas que le métier de conteur soit des plus lucratifs, car l'escarcelle du Chinois se délie assez difficilement. A côté, accroupi devant son modeste étal, com1.

Voir A Travers le Monde,

t 9og, page 241.

enfoncent leurs longues aiguilles à acupunéture, au hasard, dans toutes les parties du corps. On cite certains cas de guérison. Mais on ne parle pas des morts par hémorragies, par péritonites ou pleurésies, qu'ont provoquées ces aiguilles sales, malencontreusement promenées dans un ventre ou un poumon, ou traversant quelque gros vaisseau. Ces médicastres sont tenus en piètre estime par les médecins exerçant à domicile, aussi ignorants qu'eux, d'ailleurs, et aussi dangereux, car ils ont recours aux mêmes méthodes thérapeutiques. Mais ceux-ci en imposent davantage, car ils ont pignon sur rue et peuvent accrocher, au-dessus de leur porte, des (( pien » de clients reconnaissants, plaques de bois laquées, sur lesquelles un patient guéri a fait graver quelque phrase lapidaire, célébrant les habiletés de son médecin, dans le goût de celles-ci cc Sa main habile a fait renaître le printemps », ou cc Qu'il est dommage qu'il ne soit pas ministre 1 » entendant par là qu'un médecin qui peut si habilement débarrasser le pauvre monde des maux qui l'accablent, pourrait aussi, s'il était ministre, tirer son pays des difficultés au milieu desquelles il se débat.


abondent, opérant en plein vent. Leur abondance est la conséquence du grand nombre de cors aux pieds; car tout Chinois a des cors. La chaussure trop étroite du bout, trop dure, comprime les orteils qui chevauchentl'un sur l'autre, provoquant ces nombreusesformations épidermiques, cors et œilsde-perdrix, aussi désagréables à leur propriétaire dans le Céleste-Empire que dans notre vieille Europe, Les barbiers et ils sont légion sont installés sous des tentes de toile, tressant des nattes, rasant barbe .et cheveux, et terminant la toilette en promenant, d'une main experte, leur lourd rasoir dans les narines et dans les oreilles de leurs clients. (( La barbe et les cheveux doivent être particulièrementagréables aux Célestes, car leur visage traduit toujours une Les pédicures

expression de sérénité parfaite et de satisfaction profonde. Les petits théâtres de marionnettes, les danseurs de corde, les dioramas, aux vues d'un réalisme des plus risqués, retiennent beaucoup de badauds. Les acrobates et les jongleurs, aussi habiles à charmer la foule par la faconde de leurs (( boniments que par la dextérité de leurs doigts, groupent toujours autour de leur table mystérieuse un nombreux cénacle. Ils ont l'art d'arracher la sapèque à la bourse récalcitrante,qui se laisse séduire par la perspective alléchante d'un de ces (( tours » bien réussis,-qui enlèvent les (( Hao! hao! )) laudatifs de l'assistance. Les diseurs de bonne aventure, thaumaturges et sorciers de toutes sortes, jouissent d'un gros crédit. Le Chinois est horriblement superstitieux et croit aux influences occultes. Les voyants font de bonnes affaires. Leurs méthodes rappellent beaucoup celles employées par leurs congénères de nos contrées occidentales. Et s'ils n'ont pas recours à la classique épreuve du marc de café ou à l'examen du gilet de flanelle, ils emploient des procédés d'une précision identique, assurant des résultats aussi positifs. Je passe sous silence toute une série de loqueteux, véritable Cour des Miracles, exhibant, pour tenter la charité, les plus lamentables infirmités, sans grands succès, d'ailleurs, car le Chinois est peu sensible, et'donne rarement. A la fin de l'hiver, un sport très spécial a lieu sous cette même muraille, par les belles après-midi ensoleillées. De paisibles bourgeois arrivent, portant chacun une cage et quelquefois deux renfermant un oiseau qui rappelle un peu notre caille. Ils se réunissent par groupes de dix ou vingt, et passent des heures à écouter chanter leurs oiseaux. La région de Moukden est un centre important d'élevage de chevaux. Les poneies de cette région sont excellents. Ils manquent totalement de ligne, sont courts, trapus, mais très résistants et faciles à nourrir. A certaines dates, d'importants marchés de chevaux se tiennent sous la muraille on y trouve de tout, depuis la haridelle à qui il ne reste guère qu'une patte, jusqu'au (( griffin » de prix. Les Chinois sont des maquignons de premier ordre, c'est-à-dire s'entendant à merveille à (( truquer » un cheval. Aux jours de foire, des restaurants ambulants se dressent en quelques heures, faits d'une enceinte et d'une toiture de sorgho, ce fameux gaoliasa dont les télégrammes de Kouropatkine ont si souvent parlé. Le

Chinois est né cuisinier. Et si l'odeur de sa cuisine ne satisfait pas toujours notre odorat, nous ne pouvons nous empêcher de constater son art pour bien présenter les mets, et tenter le goût du client. La guerre finie, Moukden deviendra un centre de globe-trotting plein d'intérêt. Les touristes auront l'avantage de pouvoir visiter sans fatigue les champs de bataille qui furent les témoins des luttes les plus gigantesques que l'Histoire ait jamais enregistrées, et d'y faire d'amples moissons de culots d'obus, balles de schrapnells et douilles de cartouches ayant vraiment servi à tuer du monde. Médecin-Major L.

MATIGNON,

En mission aux armées japonaises de Mandchourie.

L'Affaire de Mascate. Les Boutriers de l'Oman. UNE difficulté, soumise d'ailleurs à la Cour d'arbitrage de La Haye, s'est récemment élevée entre la France et l'Angleterre, à propos des Boutriers de l'Oman. On appelle ainsi des armateurs indigènes, propriétaires de bateaux (boutres) dont ils tirent leur nom, et qui sont protégés français en même temps que sujets de l'iman de Mascate. Ils jouissent d'une situation séculaire la protection française est une sorte de propriété héréditaire qui se transmet depuis le temps de Napoléon 1er dans certaines familles de Sour, qu'habitent une grande partie des Boutriers. Jusqu'ici l'Angleterre semblait s'en être peu émue, et n'avait jamais estimé que l'existence de ces protégés français consti-

tuât une infraction à la déclaration du io mars 1862,

par laquelle les Gouvernementsde Paris et de Londres avaient cc jugé convenable de s'engager réciproquement à respecter l'indépendance des sultans de Mascate et de Zanzibar ». C'est cependant sur cette déclaration que le Cabinet de Londres a motivé une réclamation. Il a estimé que la protection accordée à quelques sujets de l'iman de Mascate constituait une atteinte à la souveraineté de ce prince.

peut-être voir, dans ce changementd'attitude, l'effet de l'influence de lord Curzon, l'énergique vice-roi des Indes, qui estime qu'une domination anglaise plus ou moins directe sur toutes les mers du golfe Persique fait partie de la politique qu'il poursuit dans tous les sens pour couvrir les approches de l'empire indien. En même temps que des croiseurs britanniques s'établissaient devant Koweit, le débouché maritime nécessaire au futur chemin de fer de Bagdad, et allaient jusqu'à hisser le pavillon anglais sur le château du Cheikh, l'action britannique prenait une grande activité dans l'Oman, où sont situés Sour Il faut

et Mascate. Le consul anglais à Mascate dirigea luimême les opérations que l'iman mena contre les gens de Sour, séparés des points d'eau nécessaires à l'alimentation de leur ville par des fortins dont le consul avait choisi l'emplacement. Les Boutriers français


furent traqués, emprisonnés, privés de leur pavillon tricolore, et sommés de renoncer à notre protection.

Telle est l'affaire soumise au Tribunal de La Haye. Une dépêche récente semble indiquer qu'elle est entrée dans une nouvelle phase, et que nos représentants, pour répondre aux revendications anglaises, demandent reconventionnellementcommunication d'un traité passé entre Mascate et l'Angleterreen mars 190 l, traité qui pourrait contenir une sorte de protectorat officiel bien autrement attentatoire que notre protec. tion bénigne, à la déclaration de 1862.

réduisant les troupes. Le régime des impôts indigènes est très supérieur à ce qu'il était avant la conquête, et l'indigène a dû, pour payer ces impôts, chercher du travail. La situation économique a donné lieu à des appréciations très défavorables, qui ont pour cause le fléchis-

sement des affaires depuis 1902. Mais le général ajoute (( Le commerce extérieur de Madagascar a presque triplé de 1896 à 1094, passant de 17 593 000 francs à 45914000 francs. Ses exportations ont plus que quintuplé pendant le même délai, s'élevant, en huit ans, de 3 006000 francs à 19378000 francs. » Au point de vue des avantages militaires et politiques que présente Madagascar, le général Gallieni remarque (( Malgré les sujétions étroites imposées à l'escadre

L'OEuvre de la France à Mada-

gascar.- Rapport du général Gallieni.

LE général Gallieni a publié sur son gouvernement à

Madagascar un rapport dont l'étendue et la forme empêchent de le résumer complètement; mais nous pouvons en extraire le programme qu'il conseille à la France d'adopter (( 1 Etablir définitivement son autorité dans la J'ai démontré, dit le général, que cet Grande Ile établissement définitif impliquait l'occupation et l'organisation de tout le territoire 2° Y faire à son commerce une situation privélégiée

même temps, les charges résultant pour elle de sa nouvelle acquisition, et créer, par conséquent, le plus tôt possible, à Madagascar, des ressources propres, lui permettant de se suffire; 4° Permettre aux initiatives privées de s'exercer partout librement dans la Grande Ile, et leur assurer les garanties qu'elles n'avaient pu obtenir du Gouvernement de la Reine; 5° Respecter les statuts et institutions des indigènes mais améliorer leur condition sociale. » La population indigène lui paraît accepter le nouvel état de choses, les esclaves étant heureux de leur affranchissement la classe ( nationale » hova, après avoir été hostile, étant satisfaite de faire des affaires. Cependant, il sera sage de ne rien changer au régime actuel avant d'avoir la certitude que sa soumission, acquise par les armes, est confirmée par la notion de son intérêt propre. L'insurrectiondes régions de Farafangana et Fort-Dauphin, quoique terminée, doit rester présente à la mémoire. Le général Gallieni insiste sur la nécessité de maintenir la politique de races. Il a cherché à conserver avec le régime de l'annexion certains principes auxquels on attribue la supériorité du protectorat. Une large initiative a été laissée aux chefs de circonscription, etl'on pourraleurdonnerledroitde correspondre directement entre eux et avec les chefs de province. Le général assure que la situation fiscale est bonne. La France ne paie plus que les frais d'occupation militaire. 11 faudra réduire cette charge mais en augmentant les ressources de la colonie, non en 3° Réduire, en

russe, l'amiral, n'empruntant rien aux ressources de la colonie et n'obtenant de celle-ci aucun concours, direct ou indirect, a tiré cependant d'un simple stationnement, en dehors même des eaux territorialesde la Grande Ile, des avantages qui ne sauraient être contestés. (( Ceci étant, il est évidentqu'une escadre française de renfort envoyée d'Europe en Extrême-Orient et arrivantà Madagascar fatiguée par le voyage, diminuée de ses moyens et de sa valeur militaire, pourrait s'y refaire complètement et dans des conditions autrement avantageuses que l'escadre russe, puisqu'elle aurait, à l'inverse de celle-ci, la faculté de s'abriter dans les ports et d'y reconstituer ses approvisionnements. » Enfin, énumérant les différentes ressources économiques de l'ile, le général Galliéni ajoute (( L'industrie aurifère, qui a tâtonné pendant les premières années, vient d'aboutir à des conclusions décisives; l'existence du filon, énergiquement contestée il y a quelque temps pour Madagascar, n'est plus discutée la preuve paraît complètement faite. Déjà, l'exploitation des alluvions, pratiquée dans presque toutes les régions de l'ile, avait notablement accru la production. Celle du filon va être le point de départ d'un essor nouveau. » Ainsi donc, au dire de l'hommele plus compétent en la matière, fceuvre de la France à Madagascar peut être considérée comme étant en bonne voie.

W. Morton Fullerton.

Terres fran~aises (Bourgogne, Franche-Comté,Narbonnaise). vol. in- 18 jésus. Librairie Armand Colin, 5, rue de Mézières, Paris. Broché, 3 fr. 50. IL est toujours intéressant de connaître les sentiments, les émotions, les idées que peut faire naître chez un étranger une étroite familiarité avec le sol, les choses et les êtres de notre pays; surtout s'il se trouve que cet étranger a été préparé par son origine et son éducation à ressentir fortement les impressions de nature, d'histoire et d'art qu'éveille le spectacle de la vie contemporaine et des monuments du passé. M. W. Morton Fullerton est de nationalité américaine; il est né et a grandi dans cette New-England où se déroula une lutte d'un siècle entre la France et l'Angleterre; son âme a vibré de bonne heure aux émotions historiques, aussi ses notes de voyageur ont-elles une saveur originale et péné-

trante. Riche d'un savoir discret et sûr, son livre sera cher et précieux à tous ceux qui ont encore l'idée d'emporter un livre dans leur valise de touriste.


ASIE

Les

Américains en Chine.

Américains ont étendu aux îles Hawaï et aux îles Philippines, la loi qui interdit aux Chinois le territoire américain. Les Chinois font remarquer qu'aux îles Hawaï, leurs nationaux ne font pas concurrence aux travailleurs américains, et qu'aux iles Philippines l'immigration chinoise est un mouvementfort ancien mais l'Amérique ne paraît pas entrer dans ces considérations. Par contre, le mouvement national en Chine, pour la mise à l'index des produits américains, ne fait que prendre de l'extension. La campagne anti-américaine continue. Le ministre américain vient d'en appeler au waï-wou-pou afin d'enrayer ce mouvement, mais on doute qu'il soit entendu. Les Chinois déplorent le risque de s'aliéner le bon vouloir de l'Amérique, mais ils soutiennent que leurs réclamations sont fondées et légitimes. Les

Le Dock

flottant de Saïgon.

La Chambre de commerce de Saïgon a eu à s'occuper

de la question du dock flottant, question d'une importance si vitale pour l'avenir du port de commerce. La Chambre, à la majorité des voix,

s'est ralliée aux

conclusions de la Commission, et a adopté le projet de création rapide d'un dock flottant pour les besoins exclusifs du commerce, aux dimensions suivantes 120 mètres. Largeur 20

Longueur.

Profondeur Puissance de soulèvement

8

10000 tonnes.

Le Chemin de fer de Pékin à Hankéou. On annonce, pour le mois de novembre prochain, l'ouverture définitive de la ligne de Pékin à Hankéou, lorsque

divers travaux de consolidation auront été effectués. Dès maintenant, une locomotive, remorquant un train d'inspection et portant l'ingénieur en chef de l'entreprise, a franchi les 1 200 kilomètres de la voie ferrée établie entre les deux grandes villes chinoises. Le point essentiel, c'est que le pont de plus de 3 kilomètres, jeté sur le Hoang-Ho, est achevé, et peut maintenant être livré à la circulation. Ce pont constituait le principal ouvrage d'art à construire, et les ingénieurs se trouvaient en face de cette difficulté d'avoir à traverser un fleuve immense et sablonneux, coulant entre des berges basses, sujet à des crues énormes, et dont le lit, essentiellement instable, rendait toujours précaires les amorces des deux tronçons nord et sud du chemin de fer. Désormais, l'obstacle semble complètement surmonté, et, en laissant au Hoang-Ho un espace libre de plus de 3000 mètres, on a lieu de se croire à l'abri de ses redoutables, inondations.

Le Chemin de fer du Yunnan. Les travaux confiés à la Société de construction du Yunnan pour l'établissement de la ligne de chemin de fer sont poussés activement sur les 22 premiers kilomètres, à partir de Lao-Kay. Pour les 100 kilomètres qui suivent, le tracé est piqueté, et les entrepreneurs attendent l'arrivée de là main-d'oeuvre indigène qui leur permettra de pouvoir mener les travaux en grand. C'est sur cette partie que se trouve la plus grosse masse des ouvrages, 70 tunnels dont un de 400 mètres, 22 viaducs dont un de 10 arches de 10 mètres avec piles de plus de 30 mètres; 5 travées métalliques de 30 à 50 mètres de portée. De nombreux chantiers sont ouverts du kilomètre (22 jusqu'au kilomètre 175. En outre, 6 tunnels sont en voie

d'exécution; celui du faîte de Montzé, ne mesurant pas moins de 2S5 mètres de longueur, a sa galerie ouverte

sur ~oo mètres, et le revêtement de maçonnerie est exécuté sur 6o mètres. Enfin, jusqu'à Yunnan-Sen, les chantiers des différents lots sont en pleine activité. AFRIQUE

Succès de la Culture du Coton à la Côte d'Ivoire. D'ùn rapport adressé par M. Bonnel de Mézières, administrateur des colonies, à l'Association cotonnière coloniale, sur la culture du coton dans la haute Côte d'Ivoire, il ressort évaluée à que la population du cercle de Bondoukou, 100000 habitants, s'adonne avec ardeur à la nouvelle culture. Les plantations s'étendent sur des espaces considérables, et l'on rencontre, au nord de Bondoukou, des champs de coton présentant des étendues variant de 2 à 3 kilomètres. Dans tous les centres sont installés des métiers, et il n'est Les pas de famille qui ne compte un ou plusieurs tisserands. hommes filent; les le femmes égrènent le coton, le peignent et le teignent et le tissent. Le marché de Bondoukou est le centre le plus important de la Côte d'Ivoire et du Soudan on y trouve le coton sous toutes ses formes. La charge de coton brut de 27 kilos, ordinaires, se vend courammentde 10 à 15 francs; les pagnes francs, et atteide 25 à 30 francs; les burnous, de .30 à 40 gnent 6o à 70 francs lorsqu'ils sont ornés de broderies. Si, à l'heure actuelle, les transactions ne sont pas encore meilleures, c'est que les moyens de communication sont très défectueux j et, lorsque l'Administration aura remédié à cet état de choses, on peut prédire un très bel avenir à l'industrie cotonnière de la Côte d'Ivoire.

Les Progrès de l'exploration au

Soudan égyptien en 1904.

Cinq missions, ayant pour objet d'étudier les conditions de réalisation des grands projets d'irrigation de Sir William Garstin, se sont mises en route, en içoq, pour parcourir les bassins du Nil Bleu et du Nil Blanc. Elles sont toutes les cinq placées sous la haute autorité de M. Dupuis, qui a la direction effective de la première. CeUe-ci s'est rendue de Sobat à Toui, sur le Bahr-el-Zeraf, d'où elle gagnera, si elle ne rencontre pas de trop grandes difficultés, le poste de Bor sur le Bahr-el-Djebel, afin de se rendre compte s'il est possible d'établir une voie d'eau entre Bor et le Sobat. Un autre groupe étudie, dans le district de Kassala, la possibilité d'établir un barrage sur le Gash. Une troisième effectue des levers sur le Nil Blanc, dans le voisinage de Khartoum, avec pour objectif éventuel l'étude du Nil Bleu au-dessus de Senaar. La quatrième lève le cours du Nil Bleu près de Khartoum, en attendant de gagner le Nil Blanc par le Gesireh, tandis que la cinquième doit reconnaître le Nil Bleu entre Kamlin et Roseires. Durant l'année dernière, le lieutenant Comyn fit un intéressant voyage sur un affluent du Sobat, le Pibor, qu'il remonta jusqu'à sa jonction avec l'Akobo. Il fut obligé, par les basses-eaux, de s'arrêter à environ 100 kilomètres de Bor. M. Macmillan, à la tête de la mission qu'il avait organisée à ses frais, a parcouru le pays situé sur les confins de l'Abyssinie, poussant jusqu'à 60 de latitudenord. M. Macmillan vient de renvoyer au Soudan M. Jesson, avec pour objectif l'étude de Khor-Adar et du pays compris entre le Nil Blanc, près de Mebout, et la frontière abyssine, dans le voisinage de Kirin et d'Assoua. Dans le district de Mongalla, le capitaine Borton a fait d'utile besogne, ainsi que M. Armbruster sur la rivière Rahad, qu'il a suivie jusqu'au 120 2S' de latitude.


Impressions de Cambridge. L'éducation anglaise a en France de cbauds partisans; on l'admire surtout au détriment de l'éducation française. C'est cependant un tort peut-être de comparer deux systèmes d'éducation qui ne s'appliquent ~as à la même catégorie d'élèves et qui n'ont guère de commune mesure. A nos lycées démacratiques il n'est ~as logique d'opposer les collèges aristocratiques dont Oxford et Cambridge renferment les ~rinci~aux spécimens.

quittant Londres pour Cambridge par Liverpool EStreet, traverse, deux heures durant,

on un pays désespérément plat, mais de ce beau vert intense et doux tant de fois décrit et célébré, et l'on entre brusquement, sans transition, dans la ville, entre les quais surélevés d'une gare située loin du centre. La vieille cité est là, comme posée au sein de

cette Normandie

passée au rouleau.

Au sortir de

la station, des cabs

vous

sollicitent,

ancien qui frappe dès l'abord. Seules, certàines rues de la périphérie abondent en paisibles villas très modernes. Il y règne une quiétude monacale qu'augmente encore la présence de quelques collèges perdus au milieu des cottages. Mais la masse principale et imposante des collèges, splendeur et gloire de Cambridge, s'étend à l'autre extrémité de laville; les portes d'entrée monumentales ou-

vrant sur la rue,

vernis de frais, le

l'autre façade donnant sur la rivière le Cam, traverséede dix ponts. Ils sont là légion, et l'histoire de Cambridge tient dans leur histoire. A peine peuton dire qu'en 87 1, sous le nom de

cheval bien harnaché,le cocher proprement vêtu. En haut de forme ou coiffés d'une sorte de melon luisant

d'un singulier effet, la fleur à la boutonnière, les cabmen

écrasentdeleurcorrection l'infortuné voyageur qui débarque poudreux et

Grantebridge, elle

fut ravagée par les Danois, et qu'en 1643

fripé. Cambridge abonde du reste en véhicules. Des tramways à cheval

lege, et député de

Photographiede M. Charles Bouton.

omnibus automobiles. J'apprends qu'ils sont en exploitation depuis deux jours. Avant Paris! A l'exception de l'artère principale où circulent tramways et omnibus, les rues sont étroites. bordées de maisons basses, pour la plupart en briques. Cela contribue à donner au centre de la ville un aspect A TRAVERS LE MONDE.

ancien étudiant de Sidney-Sussex Col-

SAINT JOHN'S COLLEGE.

unique traversent en dix minutes toute la ville, et mon hansosn croise des

33" LIV.

Cromwell,

l'Université au Par-

lement, l'occupa militairement. Ce sont les seules pages belliqueuses dans les annales de la vieille cité, qui datent vraiment de 13 18 où le pape Jean XXII confirma les privilèges de son Université. A partir de cette époque, les Collèges se multiplient, tous dus à l'initiative et à la générosité des particuliers. C'est d'abord Gonville et Trinity Hall, l'un des plus célèbres et le plus imporN° 33-

~9

Août ~905.


tant, qui restera jusqu'à nos jours spécialement réservé aux étudiants en droit. Puis Co~pus Christi, établi par

deux guilders de la ville, en souvenir de ceux de leurs membresquiavaientété frappés lors de la grande peste. Corpus Christi est demeuré essentiellement théologique et clérical. Par exception, King's College fut fondé par Henry VI avec des biens confisquésà l'Eglise, King's, le plus somptueux, dont la chapelle domine tout de sa haute nef et de ses quatre tourelles, et qui reste une des merveilles du style ogival au xve siècle. Marguerite d'Anjou dota Queen's College, le berceaude la Renaissance à Cambridge. Au XVIe siècle, lady Margaret, comtesse de Richmond, mère d'Henry VII, fonda Christ's College et St. John's College dont le code prescrivait qu'un fellow sur quatre devait prêcher le peuple en anglais.

note de vie et de renouveau dans cette austérité.

Avec quelques dissemblances de détail, c'est le même aspect produisant la même impression, que présentent tous les collèges qui font au Cam une vénérable ceinture de pierre. Deux monuments y attirent et y retiennent partout l'attention du visiteur la chapelle et le hall. La plus remarquable au point de vue de la pureté du style et de l'élégance des ornements est sans conteste la chapelle de King's College. A toutes, la magnificence de l'intérieur, depuis les bancs en chêne sculpté jusqu'à la dorure des tuyaux d'orgue, donne une apparence luxueuse qui les rapproche des églises catholiques, bien plus que des

temples protestants. On sait au reste que le culte anglican, et surtout celui de la High

Church dont finfluence tend à deve-

C'était l'avènement de la Réforme, dont considéré comme un des principaux foyers. L'esprit de la Renaissance y avait été apporté par Erasme

nir prépondérante, est plutôt un compromis entre le catholicisme et le protestantisme. Certains Anglais sont même très fiers de

dans une tourelle quel'onvoitencore. Il fut nommé titulaire de l'une des chaires de lady

ne peut se vanter de partager avec

Cambridge

fut

bientôt

posséder une religion en quelque sorte personnelle et originale, et dont aucun autre peuple

qui séjourna à Queen's College,

eux les pratiques. Il faut assister à l'office du di-

Margaret, mais il ne paraît pas que son enseignement du grec ait exercé une grande influence, et il s'enferma

manche soir

King's ou àTrinity, pour avoir une idée des splendeurs de

presquedanssatour pour y composer le Novum lnstrumen-

ce culte. Etudiants et professeurs sont

réunis là, tous revê-

titnz. Il ne semble

pourtant pas qu'il soit nécessaire de s'isoler dans une

à

LE CAM; DANS LE FOND, KING'S COLLEGE.

Photographie de M. Charles Bouton.

tour pour goûter à Cambridge la paix studieuse, si chère à l'érudit et au savant. On ne peut rêver d'un endroit plus idéalement propice au recueillement de l'étude, que l'enceinte de ces cloîtres à peine désaffèctés. Pour s'en convaincre il suffit de franchir une de ces portes majestueuses, par exemple le portail crénelé et flanqué de tours de Trinity. On se trouve dans une cour immense qu'orne au milieu une fontaine du plus pur gothique anglais. Le bâtiment tout entier, et au reste tous les collèges environnants, sont dans le même style que seuls peuvent trouver lourd ceux qui connaissent à fond nos admirables églises de France. Les architectes chargés des restaurations ou des agrandissements indispensables ont grand soin de ne rien exécuter qui soit inharmonique et puisse déparer cet ensemble grandiose. Au milieu des murailles que la patine du temps a rendues plus imposantes encore, éclate le vert unique du gazon anglais, apportant une

tus du costume universitaire. Pour les étudiants, c'est le cap, sorte de bon-

net carré qui rappelle la coiffure de nos lanciers du Second Empire, et le gown, robe noire tout à fait semblable à celle que revêtent chez nous les candidats aux examens de droit. Beaucoup de professeurs ont en outre des rangs d'hermine tous les chantres portent des surplis. Les organistes sont réputés parmi les meilleurs de l'Angleterre. L'assistance tout entière entonne les psaumes, dont la musique, d'une majesté triste, soutient mal la comparaison avec le plain-chant grégorien. L'impression est pourtant grandiose; il est hors de doute que la participation de tous les fidèles au chant, donne mieux l'idée d'un élan commun vers la divinité. Les étudiants doivent se réunir tous les matins à la chapelle et tous les soirs pour le dîner dans le hall. Partout en effet le hall sert de réfectoire. Mais.quel réfectoire! Imaginez-vous une salle immense sous une voûte que soutiennent des traverses de vieux chêne;


sous les hautes fenêtres garnies de vitraux aux armes du collège, les lambris, de chêne aussi, supportent avec des écussons les portraits des headmasters illustres et des étudiants qui sont devenus célèbres. Les repas de galas ont dans un pareil cadre une somptuosité remarquable. A l'occasion de certaines fêtes religieuses on illumine le hall dont les dorures resplendissent; les docteurs revêtent leurs robes rouges qui égaient les toges noires des étudiants. Le menu est recherché, le service imposant. On se presse dans les tribunes à grilles ouvragées qui surmontent généralement la porte, pour contempler le spectacle. Le festin se termine invariablement par une hymne chantée soit en choeur, soit par la maîtrise du collège. En temps o~dinaire les étudiants font chaque soir un dîner beaucoup plus modeste, mais suffisamment confortable. Sont naturellement dispensés de la présence dans le

hall ceux qui sont autorisés à résider en ville. Quant au

idée bien profane si

j'avais terminé par là mon inspection. Mais on avait eu

lunch (repas de

midi), la cuisine du collège l'envoie aux scholars dans leur logement (sitting

l'amabilité

d'aller

librarian » (bibliothécaire) pour me mon-

chercher le

room).

Ces

incendie sacrilège détruirait le hall, la cuisine pourrait provisoirement le remplacer sans trop de scandale. C'est aussi une immense pièce dont le plafond très haut est formé par une voûte que supportent des solives de chêne entrecroisées. Une haute cheminée ancienne, de dimensions gigantesques,occupe presque entièrement un des côtés. Les fourneaux modernes que l'on a installés là y semblent singulièrement dépaysés. Cependant les ustensiles de toute nature, représentant les derniers perfectionnements en matière culinaire, abondent machines à peler les légumes, barattes, etc. C'est de ce sanctuaire que sortent, avec les repas complets portés dans des appareils ad hoc, le pain, le beurre, le fromage, et toutes les boissons bière, thé, café, sans oublier le soda water, si cher aux gosiers britanniques. Une armée de marmitons prépare et débite tout cela sous l' œil d'un surveillant affairé. J'aurais emporté deTrinity une

sitting

trer

cc

les trésors de

la célèbre bibliothèque du collège. Elle

roonzs occupent tous

les bâtiments qui, reliant la chapelle et le hall, en forment le prosaïque complément. Cha-

est renommée sur-

tout pour

ses ma-

nuscrits précieux.

La collection des

autographes, bien

que étudiant dispose là de deux ou trois pièces qu'il meuble lui-même à sa convenance. Les glaces,les boiseries et les tentures ap-

qu'elle ne puisse évidemment être comparée à celle du British Museum, n'én est pas moins fort intéressante. Presque tous les partiennent seules LA FONTAINE ET LA COUR DE TRINITY COLLEGE. hommes illustres, au collège. L'ameuPhotographie de M. Charles Bouton. blement varie, en effet, dont l'écriture figure sous les comme il est natuvitrines, ont passé par Trinity. Leur portrait orne les rel, avec le goût et la fortune des occupants. Cependant, toutes ces installations doivent avoir un certain murs de la grande salle en forme de galerie de musée; portrait à l'âge heureux où ils étaient students, portrait caractère de simplicité. On donne dans ces apparde l'homme devenu célèbre; parfois une gracieuse tête tements des réceptions intimes dont on a pu lire d'enfant complète la série de façon suggestive. Il en la description fidèle dans Tom Brown à Oxford, et en général dans tous les romans anglais dont le héros a est ainsi, pour Tennyson, pour Byron, dont une belle passé par l'Université; et ces romans sont légion. Le statue en marbre orne le fond de la Bibliothèque. Elle possède des manuscrits entiers de certains ouvrages souvenir des années d'études, à la manière dont on étudie à Cambridge ou à Oxford, peut-il être autre de ces deux poètes, et des poèmes de Milton. Dans le large escalier qui ramène par un couloir chose que délicieux? Autrefois le goût du faste entraîdu couvent à la cour majestueuse, on me fait admirer naît bien certains scbolars à dépasser leur budget de des armes, des ustensiles océaniens rapportés par un fâcheuse façon. De semblables écarts se font, paraît-il, des scholars, qui, ayant fait le tour du monde, a tenu de plus en plus rares; à toute époque ils ont été beauà en laisser à son collège un souvenir intéressant. coup moins fréquents ici que dans l'Université rivale. Chaque établissement a ainsi sa bibliothèque; La partie la moins curieuse de certains collèges mais il y a en outre une bibliothèque de l'Université, n'est certes pas la cuisine, que l'on vous fait générala troisième de 1'Angleterre. Elle ne compte pas moins lement visiter après le par une association d'idées toute naturelle. Celle de Trinity participe du de cinq cent mille volumes et plus de cinq mille caractère monumental de tout l'édifice. Au cas où un manuscrits.

hall,


Chapelles, hall, bibliothèques symbolisent en quelque sorte la foi traditionnelle, la soumission à la règle antique, le labeur paisible. Passé les portes qui par de larges pelouses plantées d'arbres séculaires vous conduisent au Cam, la vie universitaire de Cambridge vous apparaît sous un nouvel aspect. La rivière est gaie, scintillante, couverte de canots et de périssoires. C'est un spectacle charmant que de voir cette flottille évoluer sur les eaux paisibles qui baignent les murs austères de St. John et réfléchissent le pont des sou~irs merveilleusement sculpté qui unit ses bâtiments à cheval sur le Cam. Une promenade sur l'eau est un plaisir que ne doit pas manquer un visiteur consciencieux c'est le meilleur et le plus agréable moyen qu'il ait d'admirer l'autre façade des collèges. On peut sans danger se mêler à la foule des esquifs qui circulent en tous sens, maniés par des mains expérimentées. Certains, les plus solides et les plus confortables, sont égayés à leur banc d'arrière par de fraîches toilettes, des ombrelles printanières. On y promène des sœurs, des cousines, des amies, la fille du maître ou de l'habitant chez lequel étudiant est logé. Dans ceux-là on rame posément; souvent, ce sont les jeunes misses qui tiennent les avirons, elles s'en tirent à merveille. De nombreuses périssoires passent à une allure endiablée, menées à la pagaie. D'autres cheminentd'une façon fantaisiste sous l'action d'une sorte de rame volante qui décrit les courbes les plus inattendues. On rencontre des enragés jusque dans les fossés qui, aboutissant à la rivière, servent à l'irrigation des magnifiques pelouses où sont ins-

tallés crickets et tennis. J'ai même vu, près d'un petit moulin retiré, dans une sorte de baie, un voilier minuscule faire de la voile sur le Cam, doit exiger une virtuosité sans pareille. Je regrette de n'avoir pu contempler le hardi navigateur capable de tirer des bordées dans un cours d'eau large à peu près comme le petit bras de la Seine à la hauteur de l'île de la Grande-Jatte. Les bords de la rivière sont garnis de bateaux amarrés dont les passagers, étendus sur la rive, dans l'herbe hospitalière, lisent, fument, parfois même étudient. Je me rappelle un groupe charmant un serrior, presque un homme fait, expliquant à un très jeune condisciple, attentif et reconnaissant, des passages difficiles d'un classique grec. Dans le voisinage immédiat des collèges, on a mis sur le gazon des bancs, très fréquentés aussi et qui m'ont paru d'enviables salles d'étude. A cette époque de l'année, quand j'avais l'âge des boys qui se prélassent sur ces bancs,je traduisais Virgile et Homère en salle close. Nos professeurs craignaient jusqu'à l'ombre des courants d'air, et c'était faire preuve d'un mauvais esprit que de réclamer l'ouverture des fenêtres. Quant à transformer les jardins publics en lieux de préparation pour les devoirs, que chacun de nous essaye de se rappeler quel accueil aurait reçu une proposition aussi subversive

Pour être exact il faut cependant reconnaître que Cambridge, comme Oxford au reste, ne présente pas au point de vue sanitaire tous les avantages desirables. Chose étrange, les deux villes que l'Alma Mater britannique a choisies pour s'y établir le plus magnifiquement, sont bâties sur l'emplacement d'an-

ciens marais. Le climat est mou (relaxi~zg) et fiévreux. Pour en combattre l'influence, il faut un fort déploiement d'activité physique, et une excellente hygiène. Soumis au régime de nos boursiers d'agrégation, je crois que peu d'étudiants atteindraient sans dommage la fin de l'année scolaire. Heureusement pour la santé générale, les excès de travail, ici comme à Oxford, sont rares. Si l'on voit aux approches de la May-week la des visages tirés et des grande semaine des régates torses amaigris, il serait injuste d'en accuser le latin ou les mathématiques. Ces éphèbes surmenés sont à coup sûr des oarss~aen, les rameurs qui soutiendront les couleurs de Cambridge dans la grandelutte annuelle qui passionne tout le Royaume-Uni. (A suivre.~

CHARLES BOUTON.

L'Entente cordiale et les Fêtes de Portsmouth. LES fêtes magnifiques, écho de la réception offerte récemment par la France à la flotte anglaise, ont réuni à Portsmouth marins anglais et marins français dans un cordial échange d'aménités. Il faut nous en féliciter vivement. (( Des querelles entretenues par les tiers auxquelles elles profitaient,dit le Temps, n'ont que trop longtemps séparé deux peuples faits pour s'entendre et s'estimer. Lorsqu'on réfléchissait au développement des institutions de liberté dont ces deux pays avaient été le berceau, lorsqu'on songeait aux liens économiques qui les unissaient, enfin à leur

parenté d'esprit, il était déconcertant d'assister à leur

échange quotidien de phrases désobligeantes et aux contradictions voulues de leurs politiques. Dans un mouvement simultané de franchise et de clairvoyance, les deux gouvernements ont fait amende honorable, et depuis avril 1904 l'amitié franco-anglaise, entretenue par des visites fréquentes et toujours plus chaleureuses, évolue normalement dans la voie que borde de chaque côté l'intérêt commun des deux nations ». On ne saurait mieux dire. Des discours, des bals, des banquets nombreux ont été empreints d'une cordialité qui n'avait rien

d'exclusivement officiel. Dans le toast qu'il a prononcé à bord du yacht T~ictorrâ-and-Albert,Edouard VII a montré l'importance que la visite de l'escadre française pouvait avoir pour la paix du monde et pour les relations des deux pays. Les fêtes de Portsmouth, comme celles de Brest, entretiennent la cordialité des rapports franco-anglais, contribuent à leur développement, et augmentent leur intimité. C'est pourquoi nous avons reçu, il y a quelques semaines, avec tant d'enthousiasmelesnavires anglais à Brest. C'est pourquoi nous nous réjouissons aujourd'hui du chaleureux accueil que le roi Edouard et le peuple anglais font à l'escadre française dans les eaux du Solent.


La nouvelle Frontière

franco-siamoise.

LE commandantBernard, président de la Commission

française de délimitation de la frontière francosiamoise, a profité du repos qui lui était imposé par la saison des pluies, pour venir à Paris afin de rendre compte de sa mission et de solliciter des instructions nouvelles. Les travaux de la Commission seront repris au mois d'octobre, mais dès aujourd'hui nous pouvons enregistrer les résultats de la première campagne. La délimination a été faite, cette année, dans la région comprise entre le Grand-Lac et le golfe du Siam.

déserts. L'insécurité de la région a été telle depuis quarante ans, que les villages, peu à peu, ont tous été abandonnés, et que les habitants des districts voisins se contentent d'y exploiter, d'une façon intermittente, les produits de la forêt, les bois, les ignames, la gomme-gutte, la cardamome. Ce dernier produit, qui se vend bien sur les marchés de Shanghaï et de HongKong, est la principale richesse de toute cette partie du Cambodge. Le commandant Bernard a soutenu énergiquement les revendications de nos protégés; bien que la preuve de nos droits fût malaisée, puisque la disparition des villages et le mauvais état des archives ne permettaient pas de fournir les arguments ou les documents les plus convaincants, il a été possible de réunir un faisceau de témoignages et d'indices qui, défendus vigoureusement, ont enfin convaincu la Commission siamoise le présidentde cette Commission a reconnu intégra-

lementle bien-fondé

de nos revendications. La frontière entre les provinces de Pursat et de Bat-

s'agissait de définir la frontière d'une part, entre la

jalonnée

province de Pursat et celle de Battam-

10

Il

bang

d'autre part,

entre la province de Kratt et celle de Chantaboun. De

part et

d'autre, le tracé de la frontière avaitété indiqué d'une façon précise par le traité

tambang est donc par

les

lignes suivantes Le Preck-

Kompong-Prak

jus-

qu'au coude caractéristique de Kompong-Klong

Une chaîne de montagnes, aux arêtes très vives, 2°

aux pentes très

abruptes, qui porte

divers

et

noms, du 13 février et le entre autres ceux protocole du 29juin de Pnôm-Roang1904. C'était, du Khang et de Pnômcôté de Pursat, le Bec-Ring du Preckcours LA NOUVELLE FRONTIÈRE FRANCO-SIAMOISE. 3° Le cours Kompong-Prakjusde la rivière de qu'à sa source, puis la ligne de partage des eaux entre Moung depuis le coude en amont de Moung jusqu'à le bassin de la rivière de Pursat et celui des rivières de sa source; Moung et de Battambang; du côté de Kratt, le cours 4° A partir de Pnôm-Sreng, source de la rivière du Klong-Reng jusqu'à son confluent avec le Klongde Moung, le cours du Stung-Speam-Tonlea et du Yaï, le cours du Klong-Yaï en aval jusqu'à son Stung-Russey, affluents importants de la rivière de confluent avec la rivière Klong-Dja, la rivière KlongBattambang. Dja jusqu'à sa source qui se trouve située au Kao-MaïDu côté de Kratt, la Commission française faisait tsé, enfin deux chaînes de montagnes partant du dès son arrivée sur le terrain des constatations imporKao-Maï-tsé pour aboutir au cap Lem-Ling. De part et tantes. Tout d'abord, la rivière Klong-Dja n'existe pas, d'autre, le commandant Bernard a obtenu du Gouveret l'on ne trouvait dans la région qu'un ruisseau insinement siamois d'importantes modifications. gnifiant, un simple fossé, à sec pendant huit mois de Du côté de Pursat, les Cambodgiens soumis à l'année, large de 8 à io mètres et profond de Iffi50, notre influence revendiquaient, au nord et au delà du nommé Klong-Chê ou Klong-Sam. Ce ruisseau sec bassin de la rivière de Pursat, les territoires des vallées trouvait à peine, à vol d'oiseau, à 3 00o mètres de des rivières de Moung et de Battambang, territoires Kratt. les autorités et la population de Battambang leur que En second lieu, les deux chaînes de montagnes disputaient depuis 1867, c'est-à-dire depuis la concluqui, d'après le protocole, devaient'se trouver entre le sion du traité qui a abandonné au Siam les provinces Kao-Maï-tsé et le cap Lem-Ling, n'existaient pas d'Angkor et de Battambang. Ces territoires, qui davantage.Toute la région de Kratt offre l'aspect d'une forment une bande de 75 à 8o kilomètres de longueur plaine boisée, d'où émergent des monticules isolés. à de largeur, aujourd'hui sur io sont 25 11 faut observer du reste presque que, pour assurer au


port et à la ville de Kratt une zone de protection militaire suffisante, on ne pouvait ni accepter comme frontière le Klong-Chê, ni admettre que le point extrême du littoral de l'Indo-Chine française fût le cap Lem-Ling. Le mouillage des grands navires, magnifique fosse de 7 kilomètres de longueur, 3 kilomètres de largeur et 10 à 12 mètres de profondeur, se trouve, en effet, au nord de l'île de Koh-Chang, entre cette île et le cap Lem-Ling, dont il était nécessaire de nous assurer le possession exclusive. Le commandant Bernard a donc proposé de prendre comme frontière les deux seules grandes lignes naturelles qui existent dans la région, à savoir 1° Le Klong-Yaï, grand fleuve navigable pour des chaloupes à vapeur, et large de 300 à 400 mètres; Packnam-Wen, vaste estuaire de 2° Le 3 00o mètres de largeur et 8 mètres de profondeur, auquel on accède par un chenal encombré malheureusement par une barre qui ne permet pas à des navires calant plus de 4 mètres de passer. Cet estuaire n'en est pas moins un port de cabotage excellent, fréquenté par les navires d'une Compagnie siamoise le Maha, le Bucb et le Tinga.

Entre ces deux lignes, une coupure rectiligne, longue de 5 à 6 kilomètres, passe à travers la forêt. Ce sont ces propositions que le commandant Bernard vient apporter à la ratification du Parlement.

L'Italie moins connue'. Bergame.

L famille des Colleoni était gibeline. Grave faute en

cette ville romaine, si près de Milan, dont Bergame suivait la marche. Les Soardi ne tardèrent pas à chasser les Colleoni, qui se réfugièrentà la Rocca di Trezzo, sur les bords de l'Adda. Ils n'y trouvèrent que le massacre. Seule, la mère de Bartolommeo et celui-ci survécurent, mais pour tomber entre les mains du tyran de Crémone. Par miracle, ce tyran ne fit pas étrangler Colleone. Au bout de quelque temps même, ne sachant qu'en faire, il le relâcha. Bartolommeo n'alla pas loin. Il entra comme page au service du tyran de Plaisance, et à l'âge de vingt ans il se mit à l'école de Braccio di Montone. Auprès de ce grand capitaine, Colleone se forma et recruta bientôt pour son propre compte. Et il se loua. Il devint le compagnon de Carmagnola, de Francesco Gonzaga et de Gattamllata. Nous le trouvons, entre autres, à la tête de huit cents lances dans l'armée, de 'Venise, sous Sforza, contre Milan défendue par Piccinino et Gonzaga. Pas plus que ses compagnons d'un jour, il n'était surpris de retrouver celui-ci en face de lui, de même qu'il trouvait tout naturel de marcher avec Sforza, qu'il avait combattu l'année précédente. C'était le sort commun, on le sait, de tous ces braves qui vendaient leur force sans se soucier de la cause. Il 1.

Voir A Travers le Monde, 1905, page 238.

ne paraît pas pourtant que Colleone se soit distingué par des retours aussi violents que Sforza en effectua, alors qu'accointé au Visconti, un beau matin, pour rien, pour le plaisir, un peu, peut-être, pour l'intimidation, ce capitaine passa au service de Venise. Colleone semble avoir été fidèle, autant que le métier le permettait, à la république des lagunes. Colleone était un sage. Il n'allait pas tarder à le montrer. Vint un jour où, ayant rétabli par le pillage sa maison ruinée, il aspira au repos. Sans pousser l'aversion envers son métier, au point où, quatre cents ans plus tard, la poussera le comte de Lauraguais qui, ayant demandé à ses hommes, après la bataille, s'ils étaient contents de lui, et en ayant reçu le témoignage, répondit (( J'en suis bien aise; mais, moi, je ne le suis pas du métier que je fais, et je le quitte », -sans être aussi désinvolte, Colleone ne possédait pas le feu sacré qui dévorait un Piccinino ou un Malatesta. Jeune encore, il jeta sa lance, et, emmenant avec lui six cents vétérans vieillis à son service, il regagna son pays bergamasqueoù on ne se proscrivait plus. Qu'elle dut être enivrante et magnifique, l'entrée du vieux soldat, l'enfant des exilés d'autrefois, dans sa ville originelle où il venait finir ses jours! Il y vécut encore dix-huit ans, entouré de ses vieux compagnons d'armes et de toute une cour de savants et d'artistes. Et afin de -venger noblement sa famille déchue, il fit édifier sa chapelle, le tombeau des Colleoni qui, dans l'avenir, ferait retentir, derrière ces remparts, ce nom seul à l'oreille des hommes. Par son testament, enfin, il léguait à la République de Venise son argenterie, ses meubles, ses chevaux et une somme de deux cent seize mille florins d'or, à charge par la seigneurie de lui élever, à Venise, une statue équestre. Nous voyons celleci, aujourd'hui, devant la scuola San Marco. Le nom de Colleone est illustre dans tout l'univers. Voilà, assurément, une destinée moins brillante que le sort d'un Sforza, qui devint duc de Milan. Piccinino, de son côté, eut Bologne. Carmagnola hésita trop longtemps à choisir son lot. Cette hésitation lui valut l'échafaud. Malatesta n'hésita pas, et l'Italie n'a jamais connu de plus grand scélérat. Colleone se retira des affaires sans vouloir pousser jusqu'à un trône. Nous devons admirer sa modération. Mais n'est-ce pas lui faire un mérite, d'avoir simplement manqué d'audace ou de génie? Jugeons-en. Rien n'était plus facile, en réalité, aux condottieri, que de s'emparer des pays qu'ils défendaient à gage. Dégageons la philosophie des faits, faisons ressortir l'action sociale des bandes mercenaires, et nous verrons qu'un Sforza, par exemple, devait nécessairement s'emparer de Milan. Cela était juste, d'abord. L'ambition de Milan avait été l'une des causes qui firent pousser le condottiere sur le sol italien. Il était juste que le condottiere devînt maître de Milan. Mais ce n'est pas tout. Quand Colleone regagna Bergame, il y avait tout près de trente ans que Bergame, achetée par Venise, avait cessé de se déchirer le sein. Le temps des factions intestines était fini. Il en était, ou allait en être à peu près partout ainsi. Les villes harassées s'étaientd'abord endormies sous la main douce et hypocrite des seigneurs. Ceux-ci, fils d'anciens tyrans ou podestats, avaient compris que la seule façon de se maintenir


était de louvoyer entre les factions, de se poser en arbitre impartial. Aussitôt, le peuple de hausser le seigneur à un autre'rôle. Par la.force de la conscience italienne, le seigneur devient le défenseur des libertés civiques de chaque cité, contre l'Empereur, contre le Pape, toujours craints. Il représente l'indépendance et la liberté. Et, portés par les villes, les seigneurs se soutiennent entre eux. Pour la première fois, on ne se

dispute pas entre cités ni dans les cités. Le peuple respire. N'a-t-il pas son autonomie? Sans doute, si Milan n'avait point convoité les petites républiques, l'ambition impériale ou simplement les exactions, déjà assez fortes, des seigneurs, auraient déchaîné des révolutions nouvelles. Et, soit le peuple, soit le seigneur, auraient appelé les bandes de gens d'armes. Ce fut Milan, en tout cas, qui en précipita la désolation. Pour se défendre contre Visconti, ou pour aider celui-ci à conquérirl'Italie, les seigneurs appellent le condottiere; ils appellent même l'Empereur, ce condottiere qui a réussi. Toujours la même illusion gibeline la guerre finie, l'Empereur repartira: D'ailleurs, comment fair.e? Les seigneurs ont tenu leur ils ont donné la paix; les citoyens des promesse villes ne s'arment plus depuis longtemps; qui se battra pendant qu'ils vendent et labourent? C'est le condottiere. Le peuple met en lui son espoir d'indépendance. Il met bientôt en lui tout son espoir. Et le condottiere ne tarde pas à devenir le champion des villes, des citoyens, le champion contre le conquérant, et bientôt contre le seigneur lui-même, qui, sous prétexte de payer la guerre, écrase le peuple d'impôts,

l'étrangle.

Et le condottiere d'être l'arbitre unique et souverain de sa propre destinée. Libre à lui de s'installer à la place du seigneur. Sforza, Piccinino le firent. Pourquoi Colleone ne les imita-t-il point? Parce qu'il a compris la vanité de cette conquête du condottiere, de cette ascension brusque, de ce gain non stipulé, sa

fragilité. Comment, en effet, le condottiere recrute-t-il sa troupe? Non pas chez le bourgeois, comme à Rome autrefois, chez le propriétaire, chez l'artisan. Au temps des invasions barbares, on défendait son bien. Aujourd'hui, on paie pour le faire défendre. Et celui qui paie ne veut pas, en plus, se battre. C'est le plus bas peuple; la lie même, sans compter les fuyards étrangers, bandits de sac et de corde, assassins et pillards, qui composent la troupe du condottiere. Ils gagnent les batailles. Ils grandissent avec leur chef et deviennent les maîtres avec lui. Une nouvelle tyrannie, dès lors, se prépare et s'impose, la plus terrible de toutes la tyrannie militaire, qui s'exerce toujours au profit des pires, de la racaille sociale. Que risque-t-elle, elle qui n'a rien et qui peut tout? Elle peut trop, abuse de son pouvoir, et l'artisan, qui paie, se révolte un beau jour. Admirable énergie, toujours vivace et renaissante, du sentiment itali<n! Sous la botte, militaire, les cités se redressent et, par le jeu de bascule éternel, mathématique pour ainsi dire, chez elles, elles 'se tournent vers celui qu'elles viennent d'abattre le seigneur. Il les a délivrées du tyran factieux et intestin. Le condottierele:> a délivrées de lui. Qu'il les délivre à son tour du condottiere Celui qui avait déjà fait son nid n'eut aucun scrupule.

L'un chassa, l'autre égorgea ses anciens compagnons, jusqu'au jour prochain où le roi de France et CharlesQuint écrasèrent ceux qui leur résistèrent et firent des autres leurs valets. Colleone jugea qu'il avait assez fait en relevant sa maison, et, instruit par le passé des siens, ne voulut pas que ses descendants revissent les jours abominables que sa jeunesse avaitvus. L'invasion de 1494 n'est pas assez éloignée pour qu'un esprit avisé ne puisse la prévoir. Ce n'est que cinquante ans après la mort de Colleone que Charles-Quint acquit définitivement l'Italie. Lorsque Colleone prend sa retraite, déjà tout le nord est entre les mains de Venise, sauf Milan. Tiraillées entre Venise et Milan, tiraillées entre ces deux puissances qui avaient déchaîné les condottierri, pressurées par leur seigneur et ravagées par leurs soldats, exténuées par des siècles de luttes, elles sont à bout, crèvent de faim et de vermine. Il ne leur reste plus qu'une ressource se vendre. Venise les achète et leur donne la sécurité. Sans doute, le lion de SaintMarc se dresse sur la place; mais la seigneurie sait répandre la prospérité. On travaille pour. elle, et dur, mais on est bien payé. Et on a la paix. Les cités s'endorment dans la béatitude du bien-être et des profits. Colleone les voit, et il juge qu'il est sage de faire comme elles, au lieu de courir de plus longues avemtures, de chercher un trône que personne n'aura intérêt à lui conserver, et qui fera envie à tout le monde. Dédaigneux des fausses grandeurs, des éphémères royaumes, il surveille la construction de son tombeau, met ordre à sa gloire, partage son temps « entre les exercices pieux et les exercices militaires, entouré de sa double milice de guerriers et de moines, sa vieille et sa jeune garde, qui lui représentent ses souvenirs et ses espérances », et attend paisiblement, pour mourir, qu'Amaeo ait terminé son œuvre. Six mois après l'achèvement de sa chapelle, Colleone-le-Sageconsentit à mourir. ANDRÉ MAUREL.

Dautremer. Paris. Prix

2

La Chine

francs.

pour tous. Lavauzelle, éditeur.

LES livres sur la Chine ne manquent certes

pas,

surtout

depuis que l'attention publique a été particulièrement attirée sur les événements dont l'Extrème-Orient est le théâtre. Mais il faut reconnaître que les uns sont trop volumineux ou trop techniques, d'autres sont trop complets et parfois écrits par des auteurs qui n'ont vu la Chine que depuis la France; bref, les uns et les autres ne peuvent contenter que les érudits, les sinologues, les missionnaires et les commerçants établis dans le pays. Aussi lira-t-on avec intérêt le livre que vient de publier M. Dautremer, d'après des renseignementsrecueillis au-pays même. C'est une étude de grande valeur sur l'histoire de la Chine, sa géographie, sa population, son administration et les traités conclus avec la'France; c'est de plus un ouvrage de vulgarisation qu'on lit dans un temps très court et qui permet d'avoir rapidement des notions complètes ou au moins largement suffisantes sur cette vaste contrée que certains auteurs appellent « la fourmilière jaune ». Ce livre est fait uniquement pour renseigner, et il y réussit complètement.


IL

FOREST AtVD STEAM

MATTI

\'O Naples.

New York.

Un Territoire de

Choses du Congo belge.

chasse au Canada,

DANS la grande province de Qgébec, le Saquenay et

le

Saint-Maurice, ces deux affluents du Saint-Laurent, arrosent un territoire qu'on pourrait appeler le Paradis des chasseurs. Seulement, pour une large portion du moins, c'est un Paradis défendu. Le Gouvernement du Canada y a réservé en effet une étendue de 2 500 milles carrés, sous le nom de « Laurentides National Park », où la loi prend sous sa protection les forêts et le gibier. Mais, en dehors de cette enceinte, des portions de forêts aussi vastes dans leur ensemble que le 1(" Parc National lui-même, ont été affermées par le Gouvernement à des clubs de chasse ou de pèche qui se gardent d'en gaspiller les richesses naturelles. Et un chasseur parti le matin de New-York peut, quarantehuit heures après, faire le coup de feu dans le plus superbe et le plus giboyeux des domaines qu'un disciple de Nemrod ait jamais rêvés. Qu'on se représente une succession de lacs, de rochers, de forêts, de terres d'alluvions, où fourmille le gibier le plus divers. Dansces immenses espaces qui vont se confondant, au nord, avec les plaines de la Baie d'Hudson, l'éternel silence de la nature n'a été troublé jusqu'ici que par les vents ou le cri des bêtes jamais la voix humaine, sauf sur un petit nombre de points, ne s'y est fait entendre; en tout cas, les détonations de la poudre meurtrière y éclatent comme un coup de tonnerre au milieu d'animaux sans défiance, qui ne fuient pas devant le cpasseur. Il estvrai que celui-ci se voit aux prises, dans ces forêts vierges, avec des difficultés que nous ne connaissons plus dans nos chasses aux résultats si modestes la hache du bûcheron aura forte affaire à opérer des trouées dans cet inextricable fouillis de plantes de toute nature, où les grands arbres, tombant de vétusté, s'affaissent frappés par la foudre, ou déracinés par le vent; sur leurs membres épars, sur leurs débris vite pourris dans ces climats humides, toute une végétation parasitaire, de nouveaux arbres jeunes, ceuxlà, vigoureux, aux racines voraces, croît, achevant d'ensevelir les restes des vieux arbres sous un linceul de mousse, d'herbes, de feuillages luxuriants. A chaque instant, le pied se heurte à des troncs qui pourrissent ainsi sous le sol, et qui, déjà, se confondent avec ce sol qu'engraisse leur pourriture. En outre, quelque giboyeux que soit le pays, la chasse présente des alternatives, offre des surprises qui déjouent souvent les prévisions des plus fins renards parmi les chasseurs. D'abord, dès le premier coup de feu, rats musqués, caribous, perdrix, canards sauvages, ont appris à connaître l'intrus armé de la foudre, dont l'apparition ne les avait pas mis en défiance. Et puis, ces animaux ont leurs habitudes, leurs cachettes, leurs Il forts », mais aussi leurs caprices, qui, souvent, ont favorisé l'inexpérience de chasseurs débutants, aux dépens des plus irréprochables calculs des vétérans. Dans cette nature vierge, on a vite fait de s'égarer, et la plupart des chasseurs ou des pêcheurs prennent la précaules bûcherons tion de se faire accompagner de guides hache franco-canadiens quittent volontiers leur pour montrer Descendants des de New-York. le chemin aux Nemrods anciens trappeurs et coureurs des bois, ils ont hérité de leurs ancètres, ou contracté au contact de la grande nature le flair indien qui leur fait découvrir non seulement une piste, mais encore, avec la nature de la bête, son sexe, sa taille, son âge. Leur finesse de déduction, à cet égard, ne saurait être surpassée. Mais, d'autre part, ce sont, au dire de l'auteur de l'article que nous analysons, d'insupportables bavards qui, dans leur français archaïque, répètent à satiété les mêmes plaisanteries, les mêmes vantardises, les mêmes récits d'exploits cynégétiques vrais ou supposés. Quand ils se mêlent de porter eux-mêmes une arme à feu, outre leur hache et leur couteau de chasse, c'est une vénérable arquebuse d'il y a cent ans, qui menace celui qui la porte, au moins autant que l'objet qu'ils visent; et il n'est pas rare qu'au lieu d'une martre ou d'un renard, ce soit un ou deux doigts du tireur lui-même qu'endommage son coup de feu.

officier colonial italien, le capitaine Auguste Mauro, qui a demeuré quatre ans dans le Congo belge, nous donne sur les populations du Haut Congo de curieux détails dont nous reproduisons quelques-uns.

UN

indigènes se distinguent les unes des autres par la variété de leur tatouage. Elles parlent une quarantaine de dialectes dont les plus connus sont le bakongo, dans le Bas Congo, le bangola dans le Congo Central, et le s^akili dans le Haut Congo. L'organisationsociale de ces trente millions d'indigènes une appréciation numérique fortementsujette à caution n'a pas de trait caractéristique plus curieux que la nature du mariage. Ce mariage, comme dans la plupart des tribus nègres, est un marché. Le jeune homme qui achète une fille est tenu de servir à son beau-père une rente perpétuelle. Si la femme meurt par la faute de son mari, les beaux-parents de celui-ci ont droit à une indemnité. La polygamie règne dans le pays aussi beaucoup de femmes est le signe extérieur d'une grosse fortune. Le sultan Msiri, dans le Haut Congo, en a trois mille Ces femmes ont à leur tête une épouse directrice, qui dirige le ménage, distribue et surveille les travaux de ses compagnes. Elles sont logées dans des appartements séparés les uns des autres; le mari passe ses jours et ses nuits tantôt chez l'une, tantôt chez l'autre. Quand l'une d'entre elles devient mère, il cesse de la voir deux mois avant la naissance de l'enfant; quand elle met au monde un enfant mâle, le mari n'ose pas retourner auprès d'elle avant que l'enfant ait atteint sa troisième année, sinon, ce dernier court le risque d'être frappé de mort par la fatalité. Aujourd'hui, le Gouvernement a imposé à ses soldats et ouvriers noirs le mariage légal, avec interdictiond'avoir plus d'une femme. C'est le chef de la station qui fonctionne comme maire dans cette cérémonie. Voici, à ce sujet, une curieuse anecdote en ~90~, à Ponthierville, se présentaient devant le chef un ouvrier et une de ses congénères, qui désiraient se marier. Le chef fit comprendre que la loi leur imposait la fidélité conjugale et la cohabitation jusqu'à la mort. Mais la demoiselle protesta que si son époux la traitait mal, elle n'avait pas du tout l'intention de vivre toujours avec lui, et qu'elle le planterait là pour en prendre un autre. La loi étant irrévocable, elle salua la société et s'en alla. Le fiancé, loin de porter le deuil d'une compagne éprise de liberté, se présenta de nouveau devant le chef, le jour suivant, avec une autre fiancée! Autrefois, il existait auCongo de puissantsÉtats nègres, que la guerre, mais surtout l'arrivée des Européens, ont réduits en miettes. Aujourd'hui, la seule unité politique est le village, qui est absolument indépendant. A l'ordinaire, la population se divise en trois classes les esclaves, les hommes libres et les riches. Le chef fait partie de cette dernière classe. A sa mort, c'est en général le premier-né de sa source qui lui succède; à défaut de celui-ci, c'est le premierné du frère, ou celui-ci en personne. C'est le chef qui rend la justice, et en public, où il précède la réunion des juges. Tout délit commis par un homme libre se paie en nature; les esclaves reconnus coupables se voient infliger des peines corporelles. Les crimes commis sur une autre tribu ne sont pas châtiés; et même, si ce sont les blancs qui en sont les victimes, le meurtriers'acquiertpar là une grande considération. Les Congolais n'ont pas de religion à proprement parler. Leurs fétiches font partie de la nature des choses périssables, dont ils partagent le destin. Bien plus, ils sont tenus d'exaucer les prières de leurs adorateurs; sinon, gare à la bastonnade Cette prière est une danse autour de l'idole; après chaque tour de danse, on formule sa demande, d'une manière de plus en plus impérieuse, jusqu'aux menaces et aux coups inclusivement. Toutes ces pratiques ne constituent pas une civilisation de premier ordre, mais font voir une certaine organisation. Les races


Impressions de C~mbridge'. Nous avons, dans une précédente chronique, jeté un coup d'ceil d'ensemble sur la ville des Collèg~es, ainsi que sur les constructions artistiques et confortables qui la composent. Sans les abandonner complètement nous étudierons aujourd'hui la vie qu'on y mèxe, cette vie qui, en faisant la ~art si belle à l'éducation, est merveilleusementfaite pour développer la personnalité morale et la valeur ~hysigue de l'étudiant.

en un rez-de-chaussée ouvert, sorte de hangar où l'on abrite les embarca-

des élus dépasse assurément de beaucoup celle des candidats les mieux notés aux examens. Dans chaque collège. presque, il y a un Boatclub. Et ce sont les élèves, membres du Club, qui fixent le montant de la cotisation, administrent leur budget, décident dès qu'ils le peuvent

d'un étage qui comprend les vestiaires et le salon. Aux murs du salon les portraits des prési-

boat-house. Ils élisent leurs chefs et leur obéissent avec un esprit de discipline remarquable.

Aou sortir de la ville de Cambridge, après un barrage marquant la limite du canotage-promenade, on entre dans le domaine des (( huit-avirons bateaux de course. Sur la rive sont alignés les boatbouses.Ils consistent

les

laconstructiond'un

tions, surmonté

Généralement la

dents du Club

cotisation est d'une livre, et l'on paie un droit d'entrée qui

auquelappartientle pavillon et celui des champions victorieux. Un débarcadère en bois conduit à la rivière notablement élargie en cet endroit, elle se prête à merveille aux évolutions que nécessite l'entraînement. Autrefois, un homme à cheval suivaitles canotiers sur la berge et surveillait leurs mouvements. Aujour-

estaussid'unelivre. Tout collège possède également un Cricket-club; le plus souvent il se confond avec l'Association nautique. Cricket, boating se

LE PONT DE SAINT JOHNS COLLEGE.

d'hui, ce travail d'inspection se fait

Voir A Travers le Monde, Ig05, page 257.

A TRAVERS LE MONDE.

loppe toutes les énergies de cette

Photographie communiquée par M. Charles Bouton.

plus aisément à bord d'un petit vapeur. C'est un honneur des plus enviés, que de faire partie de l'équipe chargée de disputer à Oxford la victoire, et la notoriété 1.

font pour ainsi dire concurrence puisqu'ils ont lieu tous deux en été. L'hiver, c'est le football qui absorbe et déve-

340

LIV.

l'époque de l'année où je visite Cambridge, le cricket est en faveur, et aussi le tennis qui a de nombreux amateurs. Au moment où je longe en canot la magnifique pelouse de Saint John, les vêtements de flanelle claire des joueurs se détachent

jeunesse vigoureuse. A

No 34.

26 Août ~905.


gaiement sur les gazons. La partie terminée, on les rencontrera en ville flânant par petits groupes, devant les boutiques dont l'étalage indique assez les goûts des étudiants. Les magasins qui dominent, sont ceux où l'on trouve des vêtements et des objets de sport raquettes, battes pour le cricket, paumes ou balles de toutes dimensions et de toutes compositions; qúelques boutiques où l'on vend tout ce qui est nécessaire à un ménage d'étudiant, de nombreux loueurs de bicyclettes, pas mal de pâtissiers dont un Français, et

combien peu de libraires

(marchands de tabac) sont nombreux; rien n'empêche les scholars de fumer dans leurs chambres. Il ne se produit jamais d'abus, paraît-il; pas plus sur ce chapitre que sur celui de l'alcool. On rencontre dans la campagne environnante les plus âgés des students, une pipe courte à la bouche; mais en ville, on ne voit jamais fumer un étudiant. On m'a raconté l'histoire d'un des candidats les plus sérieux aux (( honneurs », qui dut payer une assez forte amende et subir en outre les plus sévères remontrances pour s'être laissé prendre à fumer un cigare dans les rues un samedi soir. Il avait été découvert par un des agents de la police universitaire. L'Université a en effet une police sous les ordres de deux proctors assistés de quatre ~ro proctors qui prononcent, suivant les cas, des peines variant de l'amende à l'expulsion temporaire ou définitive, en passant par les arrêts dans le coIlège ou le lodging-bouse. Chaque collège est en outre pourvu d'un tutor chargé de tout ce qui concerne Les

tobacconists

la discipline. Il fut un

temps où les conflits entre towci et goz;m, habitants et étudiants, donnaient à ces autorités une besogne parfois assez délicate. Aujourd'hui, les désordres de cette nature sont très rares. Ce qui a beaucoup aidé à la pacification, c'est que le nombre des jeunes gens autorisés à se loger en ville va toujours croissant. Il s'est établi ainsi peu à peu entre les familles et les collèges, par l'intermédiaire de ces pensionnaires, une suite de bons rapports qui amenèrent à s'entendre comme il convenait, ceux qui vivent à l'Université et ceux qui, pour la plupart, en vivent. Cambridge qui compte en effet à peine trente-six mille habitants pendant les vacances, voit sa population monter à plus de quarante mille quand les soixantedix collèges ont leur nombre normal de stxcdents. Dans ces collèges un étudiant ne dépense guère moins de deux cents livres (cinq mille francs) par an. S'il vit dans une famille il a de grandes chances de s'en tirer à meilleur marché. Je sais bien, et c'est un point de vue qui semblera curieux à plus d'un père de famille en France, que nombre d'Anglais préfèrent voir leurs fils gérer eux-mêmes leur petit ménage dans les chambres que leur réserve l'Université. Ils font ainsi, pensent-ils,l'apprentissage du selfgovernnaent, apprennent à équilibrer leur budget et à éviter certains entraînements; en un mot, à se conduire en gentlemen. A Cambridge comme à Oxford l'instruction est quelque chose, mais l'éducation est davantage c'est surtout pour parfaire son éducation, qu'on passe par l'Université. Pour aider le jeune homme à se comporter déjà en homme on compte avec raison sur un sage mélange de liberté et de dépendance, sur la solidarité qui unit

dans chaque collège l'élève au maître et les élèves entre eux. Si chaque student à sa chambre, nulle porte n'est verrouillée; on pénètre les uns chez les autres sans indiscrétion mais sans gêne, on s'invite mutuellement à l'heure du thé et souvent on travaille en commun. Souvent aussi on s'unit pour acheter certains ustensiles de ménage que l'on se prête à tour de rôle pour faire face aux nécessités des réceptions. Dans les petits collèges, notamment- quelques-uns n'abritent qu'une quarantaine d'élèves, alors que Trinity ou Saint John les logent par centaines, dans les petits collèges il s'établit entre les élèves une camaraderie précieuse, et il s'y noue des amitiés qui ne se délient qu'à la mort. J'ai gardé de certains de ces collèges, perdus dans des rues somnolentes, un souvenir plein de regrets. C'étaient de véritables asiles du sage, et j'enviais les robustes jeunes gens qui s'y reposaient par l'étude, des sports violents. Combien je préférerais le séjour de ces cloîtres égayés de verdure aux grandeurs de Trinity, et la compagnie de quelques camarades de choix aux fashionables scholars, futurs membres du Parlement de ce Trinity, sanctuaire du droit et pépinière glorieuse de glorieux juristes. Toute cette jeunesse travaille sans hâte et sans excès, pour conquérir soit le B-A degree soit les honneurs ». Le B-A degree qui donne droit au titre de Bachelor of Arts, peut être assimilé au baccalauréat unique qui florissait en France avant la fameuse bifurcation. Les (( honneurs » sont beaucoup plus difficiles à conquérir; ils s'obtiennent après des épreuves longues et difficiles certains examens de science ne durent pas moins de dix jours. Un seul collège, King's, ne reçoit pas de ~ollnaen (aspirants au B-A), mais seulement des candidats aux (( honneurs ». Le nombre de ses étudiants est par suite plus restreint, et il en rejaillit sur eux une considération toute particulière. On peut regarder comme une véritable annexe de l'Université l'Union Club où les étudiants se.réunissent pour lire et faire leur correspondance. On y arrive par une sorte d'impasse très propre, mais fort étroite. Cette entrée modeste ne peut donner aucune idée du confort qui règne dans tout l'établissement. Par un vaste vestibule où sont affichées les nouvelles du monde entier, on accède à un large escalier qui conduit aux salles de lecture et de correspondanceet à la bibliothèque. Les pièces sont hautes, bien éclairées. garnies de sièges moelleux et propices aux poses abandonnées que les Anglo-Saxons affectionnent dans leurs moments de loisir. J'avisai dans un des salons, celui-là même où se trouvent les publications françaises, le Figaro, les Débats, le Petit Journal, la Revue des Deux Mondes. Autour du foyer, une balustrade rembourrée en cuir rouge. Comme je manifestai quelque étonnement, mon introducteur m'expliqua que les étudiants y reposaient volontiers leurs jambes dans l'attitude chère aux membres du Parlement Américain. C'est au reste une sorte de Parlement au petit pied, que l'Union Club. Un jour par semaine il y a (( débat" dans une vaste salle ornée de tribunes, où les étrangers sont admis sur la présentation d'un membre du cercle. Il y a toujours quantité de dames dans l'auditoire. Les étudiants y discutent des questions politiques ou sociales, avec une simplicité de style et une rectitude de jugement que pourraient leur


envier nombre des étudiants en droit qui composent nos Conférences les

plus célèbres. Les orateurs s'adressent au président, au ( speaker », suivant la coutume parlementaire anglaise; à la fin, l'assemblée

sanctionne par son vote l'une des thèses contradictoires qu'on a soutenues devant elle. Pendant longtemps la guerre du Transvaal fournit un sujet inépuisable de discussions. Pour l'instant la politique extérieure est à l'ordre du jour, et le choix des alliances continentales excite sans trêve l'ardeur des debaters. En dehors des collèges, Cambridge possède

quelques beaux monuments. Pour reposer l'œil du gothique qui règne en souverain dans les chapelles et les halls, on a édifié en style grec le Senate bouse, la Pitt Press et le Fit.~william Museum. Le Palais du Sénat est un bel édifice corinthien affecté, comme l'indique son nom, aux réunions du Sénat académique qui gouverne l'Université. Il est formé par l'ensemble des docteurs et maîtres ès arts, qui élit le Conseil supérieur, à qui appartient la collation des grades et le droit d'envoyer au Parlement deux députés. La ville en nomme également deux. La Pitt Press

contient l'imprimerie de l'Université. Elle est ainsi appelée parce qu'elle fut

bâtie avec le surplus du produit d'une souscription que l'on avait recueillie en vue d'élever une statue à William

Pitt. Quant au Fitz-

avec Girton College l'un des deux établissements féminins que le Sénat universitaire a reconnus, et s'est pour ainsi dire rattachés en admettant leurs élèves à subir les épreuves avec les étudiants. Newnham est à proprement parler une école normale destinée à former des professeurs pour les écoles d'Angleterre et même des colonies. Les bâtiments en briques rouges, éclairés par de larges baies, ont un aspect gai et confortable. l'intérieur ne dément pas cette apparence. Les salons de la directrice et des professeurs seraient fort à leur place dans un bel appartement de la ville; rien du parloir, de sinistre mémoire. Les chambres des étudiantes sont claires et pimpantes, ornées de fleurs, de photographies. On les sent habitées par quelqu'un qui veut être installé là pour la durée de ses études, et non pas campé et de passage. Le réfectoire, d'une propreté parfaite, est égayé aussi par des vases de fleurs posés sur des tables séparées; dans la plupart des réfectoires anglais on mange (( par

petites tables c'est plus intime, et

cela rappelle mieux le honae. Les salles

d'études, plutôt

petites, sont suffisantes, car on permet aux élèves d'étudier dans leurs chambres, et en été dans le jardin. Elles s'y installent sur des bancs modernstyle du meilleur

effet. Naturellement, un terrain de à jeux est contigu'à l'école. On y joue

le hockey en hiver, william Museum, il le tennis en été. De porte le nom de KING'S COLLEGE. temps en temps il son fondateur, le vicomte FitzwilD'après une photographie. y a un match de tennis ou de hockey liam qui légua à l'Université sa bibliothèque, sa galerie de tableaux et entre Newnham et Girton ou Homerton College. Homerton est une autre école normale où le niveau des une belle collection d'objets d'art. Outre l'escalier et études est moins élevé qu'à Newnham et Girton. L'insle vestibule tout en marbre et or, on peut y admirer tallation en est également parfaite. une remarquable série d'aquarelles de Turner, qui ne Quant à Girton il est situé à plusieurs kilomètres déparerait pas les salles de la National Gallery. de Cambridge, trop loin pour valoir le déplacement, Lorsqu'on a contemplé en plus une église dite du Saint-Sépulcre, qui est, paraît-il, la plus vieille de son aspect extérieur ne différant pas sensiblement de celui des deux établissements que l'on peut visiter à la ville, je crois qu'on peut se vanter d'avoir visité ce quelques minutes de Cambridge. Il est admis que que peut visiter un touriste à qui manque le temps Miss Welth, la Pyincipale, en avait fait le premier colpour approfondir les beautés monumentales de Camlège de femmes du Royaume-Uni. bridge. De la cathédrale catholique où j'ai vu officier Bien que ces établissements soient administrés un évêque, rien à dire, sinon que les offices y sont plus fréquents que sur le continent, et beaucoup plus longs. par des conseils mi partie masculins, mi-partie féminins, les hommes étant toujours en majorité, les direcDans toute l'Angleterre les catholiques ont adopté les trices ont, en effet, des pouvoirs très étendus. Elles heures et la durée des services protestants. Une messe décident en fait, souverainement si une élève profite de Pâques se prolonge communément pendant deux bonnes heures. Chaque dimanche, indépendamment ou non de son séjour à l'école, et s'il y a avantage à ne des vêpres, on célèbre un office avec sermon de cinq pas l'y conserver. On les recrute d'ailleurs avec grand soin, et on leur crée des situations dont nos à sept heures du soir. directrices d'écoles normales n'ont malheureusement Avant de quitter Cambridge il faut aller à Newnbanz College, situé à deux pas de la ville. C'est aucune idée. Miss Clough, la Principale de Newnham,


et Miss Gladstone, la vice-principale, fille du Great old man, sont des femmes remarquables, et qui ont beaucoup fait pour l'émancipation féminine. Le renom

du collège confié à leurs soins est aussi leur oeuvre. Avec des traitements de douze à quinze mille francs, on met à leur disposition de vastes et beaux appartements, et des salles de bain-modèles. Les professeurs qui sont logés aussi au collège ont, en général, plusieurs pièces et une salle de bain pour deux. L'Université n'a pas admis les étudiantes à briguer le diplôme ordinaire, mais seulement les (( honneurs ». Il n'est pas rare qu'elles réussissent et les annales de Newnham et de Girton enregistrent, chaque année, les succès remportés, aux épreuves de sciences notamment, car ce sont les mathématiques qui attirent surtout ces demoiselles. On les rencontre ensuite non seulement dans les écoles du RoyaumeUni, mais jusqu'en Australie et ~en Nouvelle-Zélande. Toutes emportent de la maison qui les a abritées, le meilleur souvenir dès qu'elles le peuvent, elles viennent revoir le ( cher vieux collège ». Et lorsqu'on s'éloigne, hôte d'un jour, avec un long regret, de la vieille cité aux majestueux édifices et aux magnifiques ombrages, on comprend quel lien tenace et cher doit y rattacher ceux qui passèrent là les années brillantes de la jeunesse, dans un cadre idéal de paix et de beauté. CHAPLES BOUTON.

Les Conditions du Commerce à Fez. LE

rapport que

M. Ch. René-Leclerc a

présenté sur

le Commerce et l'Industrie à Fez, renferme, outre des renseignements précieux sur les importations et

exportations qui conviennent au pays, des considérations générales que nos commerçants auront profit à méditer. M. René-Leclerc déclare qu'à Fez le commerce est prospère et important. Cette ville, dit-il, qui, au point de vue intellectuel et moral, dort du profond sommeil de l'Islam, est réellement active au point de vue économique. Elle a un véritable courant d'affaires et se distingue en cela d'un grand nombre de cités musulmanes, dont la décadence économique a suivi de près la déchéance administrative. A Fez, tout citadin est en principe commerçant ou industriel. L'industriel fournit une quantité de produits locaux encore très appréciable; le commerçant vend sur place ou exporte ces produits; de plus, il importe des articles

de fabrication marocaine, des denrées agricoles marocaines et surtout des marchandises européennes qu'il débite en gros ou en détail. Ce commerce extérieur, tant d'exportation que d'importation, se fait suivant des traditions résultant de l'organisation très rudimentaire du pays sécurité relative, impossibilité de communiquer directement avec certaines régions, manque de routes et de moyens

pratiquesde communications,prixélevédes transports. Il serait peu aisé de parler de Fez au point de vue économique en la considérant dans les conditions où d'ailleurs se trouve une grande ville européenne. 11 est peu de cités qui, possédant une population d'environ cent mille âmes comme elle, soient aussi isolées de l'action du monde civilisé. Il est plus rationnel, quand Fez, de on considère le commerce et l'industrie de prendre cette ville en elle-même, en faisant abstraction des grandes villes avec lesquelles elle ne peut être assimilée. Le commerce à Fez est essentiellementvivant. Tout le jour durant, ses rues marchandes sont envahies par une foule de négociants et de clients tous âpres au gain. Elle alimente une partie du Maroc, s'y alimente elle-même, et reçoit des produits manufacturés d'un certain nombre de pays européens. Les négociants en effet n'ont pas attendu que l'Europe vint chez eux. Ils sont en relations directes avec de grandes maisons de commission européennes, commisou bien ont installé dans les grands ports des sionnaires qui sont leurs associés. Ce qui caractérise les Marocains et plus particulièrement les Marocains de Fez, c'est l'esprit de tradidition. Il est donc absolument nécessaire pour les fabricants qui désirent écouler leurs articles à Fez, de se procurer au préalable des échantillons d'objets fabriqués par l'industrie indigèné, ainsi que des échantillons d'articles de provenance européenne en usage dans la ville et dans le pays. Ils devront ensuite les imiter le plus possible, essayer de fabriquer meilleur marché, ne pas viser à faire solide et durable, mais clinquant et d'apparence résistante. L'Allemagne, très au courant de ces manières de procéder, conforme les articles qu'elle fabrique pour Fez et pour le Maroc au goût des habitants du pays. La clientèle marocaine a, en effet, des préférences bien nettes, quelquefois puériles, mais que les fournisseurs n'ont pas à essayer de contrecarrer. Elle veut, par exemple, des pièces de drap d'une largeur toujours identique; elle les veut de telle couleur spéciale, de telle qualité à bon marché. Pour les pains de sucre, cette clientèle exige un empaquetage déterminé, un poids défini et invariable. De même, les bougies, les paquets de thé, les pains de savon, doivent avoir un et point d'autre. aspect qui plaît à cette clientèle, L'Angleterre et l'Allemagne ont des voyageurs de commerce qu'on rencontre fréquemment, non seulement dans les ports de la côte ouest, mais encore sur ,la route de Fez. Ces voyageurs notent soigneusement les désirs de la clientèle. Leurs maisons y satisfont et prennent ainsi dans ces villes une place commerciale,de plus en plus étendue. Les producteurs français paraissent n'avoir pas compris jusqu'ici toute l'importance de ces petits détails. Ils ne veulent pas non plus faire de larges crédits ce qui est une infériorité sur les commerçants allemands qui émettent des traites à quatre mois et les prolongent avec une certaine facilité. Il leur importerait de se bien pénétrer de ces nécessités pour faire bonne figure dans un pays qui leur rembourserait largement leurs avances.


que le rayon d'action de nos navires serait singulière-

ment accru s'ils pouvaient disposer de cette sortie supplémentaire la proposition de Michel pacha, qui n'a pas oublié le petit coin de sa terre natale au milieu de

mérite sa triomphale existence au pays du Levant,

Deux nouvelles Sorties'projetées pour la Rade de Toulon. l'escadre espagnole à sa sortie de Santiago de Cuba pendantla guerre hispano-américaine, le long blocus de l'escadre russe dansla baie de PortArthur pendant la guerre russo-japonaise, ont démontré d'une façon manifeste les inconvénients des places fortes maritimes ou des bases d'opérations navales qui n'ont qu'une seule ouverture donnant sur la haute mer. Les escadres qui ont cherché un refuge dans de tels ports ou dans de telles rades, sont condamnées à subir le combat dès qu'elles veulent appareiller, pour peu que leurs adversaires fassent bonne

L A défaite de

garde. C'est ce qu'on a traduit d'un mot

pittoresque, en disant que la flotte de l'amiral Cervera avait été (( embouteillée », à San-

tiago.

donc qu'on s'y arrête et qu'on l'examine avec soin. En ce qui concerne les torpilleurs, cette sortie dans la baie de Sanary permettrait à ces petits navires d'éviter le cap Sicié, où la mer est souvent dure, et de courir jusqu'à la Ciotat sans rencontrer de difficultés de navigation.

l'autre côté de Toulon, dans l'est, se trouve un autre passage redouté de nos torpilleurs par mauvais temps, c'est le passage du cap Escampobariou qui De

sépare la grande rade de Toulon de celle des îles d'Hyères. Le massif du cap n'est relié à la terre que par les langues de sable qui bordent les marais salants de Giens. Ce serait aussi un faible travail que l'aménagement à travers cet isthme d'un passage pour les torpilleurs, qui ferait de la rade d'Hyères une annexe de celle de Toulon,

et permettrait à ces

petits navires,

quelle que soit la force du mistral, de

prolonger leurs croisières jusqu'à la frontière d'Italie. Il n'est pas douteux que l'ensemble de ces travaux améliorerait sensiblement la position de Toulon, et l'on sait quelle

Certes, il n'est pas toujours possible de donner à une base navale importance les deux sorties sur la points d'appui ont mer. Et il est, dans pour les escadres le monde, nombre modernes. de ports de guerre On s'ingénie qui sont des posiLES DEUX NOUVELLES SORTIES PROJETÉES POUR LE PORT DE TOULON. avec raison à en tions de premier acquérir sur toutes les routes maritimes. Organisons ordre, bien que n'ayant qu'un seul goulet les mettant au moins ceux qui sont à notre portée. en communication avec le large. Mais il n'en est pas moins vrai que, chaque fois que la chose ne présentera pas trop de difficultés d'exécution, il sera prévoyant et habile de ménager plusieurs sorties à une rade militaire. Un ancien officier de notre marine, M. Michel, qui fut le créateur de la Compagnie des Phares de l'Empire ottoman et, comme tel, devenu Michel pacha, a été frappé depuis longtemps de l'inconvénient sortie, la rade de Toulon, La Leçon de Solférino. que présente, avec son unique réside. Il a donc, voici déjà sur les bords de laquelle il Brescia. quelques années, proposé de couper par un canal l'isthme des Sablettes, langue de terre sablonneuse, COMMEBergame, Brescia est bâtie au pied des dertrès plate et très étroite, située au sud de la rade de niers contreforts des Alpes, et comme Bergame, Toulon. elle a donné son nom aux montagnes qui la protègent Toutefois, reconnaiss'ant que cet isthme ne peut et la fertilisent de leurs eaux vives. Les Alpes bresêtre aménagé que pour donner passage aux petits ciannes sont aussi fières, aussi épanouies que les Alpes navires, il a jeté les yeux sur l'isthme de la Seyne, et, bergamasques. La citadelle qui s'est plantée sur le derpoussant son étude dans les détails, il a établi un devis nier de leurs pics ne participe en rien, pourtant, de la approximatif des travaux qui monteraient à environ cinquante-cinq millions. Nous donnons ci-contre une 23S et 262. 1. Voir A Traz~ers le Monde, Ig05, pages carte montrant le tracé préconisé. Il est incontestable

L'Italie moins connue'.


grâce de la cita alta. Et la ville qui s'étend à ses pieds, aux rues étroites, aux maisons qui s'écrasent l'une contre l'autre, n'accueille le voyageurpar aucun sourire. Le dôme de la cathédrale et la tour du peuple, qui flanque le Broletto, sont les seules pointes qui émergent de ces toits pressés; rien ne les enveloppe de bonne grâce. Brescia est rude et sévère. Elle possède des façonsdistanteset revêches,-qui m'attirent. J'aime, par-dessus toutes, les natures farouches, celles dont il faut forcer l'amitié, dont il faut violer l'entrée pour les connaître et les aimer. Pour avancer dans cette ville, il faut lancer ses pas avec persévérance et ténacité. Lorsqu'on l'a parcourue, on éprouve pour elle l'estime réfléchie et profonde que l'on nourrit pour les hommes discrets dont on a voulu pénétrer le mystère. Ainsi que je le fis systématiquement en Toscane, c'est du coeur même de la cité que je veux partir à cette conquête. Un tramway cahotant me mène rapidement à la Piazza Vecchia. Et, tout de suite, je me familiarise avec les êtres et les choses. D'un petit air entendu, je regarde l'ordonnance des maisons, où les monuments nécessaires se disposent selon la loi immuable des centres civiques italiens. Le municipe et les archives sont au fond, en face de la tour de l'horloge à gauche, les anciennes prisons, fleuries d'une loggetta. Et dès lors, je me sens chez moi, je m'assure posséder déjà la ville entière, je suis sûr de la lire à mon gré. L'âme légère, indulgente et amicale, je m'avance lentement, comme un homme qui, ayant la clef en main, ne se hâte plus de franchir le seuil. Le municipio, isolé, domine toute la place de la grâce et de son éclat pacifique. Lorsqu'il fut bâti, au commencement du xvie siècle, Brescia avait cessé ses luttes intestines ou étrangères. Il sortait à peine de terre lorsque Gaston de Foix saccagea la ville et marqua, pour la postérité, le visage d'un enfant du surnom de Tartaglia (celui qui bégaie) en lui fendant la bouche jusqu'aux oreilles. Le municipio présente aux yeux un rez-de-chausséeà galerie ouverte, sur trois rangs séparés par de lourds piliers, qu'enlèvent des colonnes corinthiennes, et dont les arcades sont flanquées de bustes dans des lunettes. Au-dessus des cintres, une galerie forme la base de l'étage supérieur, en retrait. Que j'aimerais à le voir, cet étage, avec ses fenêtres si pures, où la main de Palladio se devine, sa frise d'enfants par Sansovino, que j'aimerais à le voir sous la seule protection de sa corniche à galerie piquée de

statues! Le XVIIIe siècle, ici comme dans le monde entier,

a déshonoré l'œuvre pure de la Renaissance, en la cou-

ronnant d'un fronton dont l'inutilité le dispute à la laideur et au ridicule. Rabaissant la pointe de mon chapeau, je cache à ma vue ce fronton importun et je me laisse emplir de la joie grave que la moindre œuvre de Palladio procure à tous ceux que l'art antique peut émouvoir. Peut-être, sans ce fronton, cette partie supé-

rieure du palais serait-elle un peu basse; et ceux qui le surajoutèrent durent avoir la pensée. d'enlever tout l'étage. Ils l'écrasèrent davantage, et lorsque Palladio surmonta de statues la galerie de la corniche, la flanqua de deux colonnes pyramidales, il entendait bien que ces marbres rempliraient cet office d'allégement. Voici le monument d'une ville qui se repose enfin, et 'toute à la joie de la prospérité, qui s'annonce dans le

développementde ses qualités laborieuses, énergiques et fières. Brescia, l'enragée d'autrefois, a dérivé sur la manufacture des armes de guerre ses forces sanguinaires qui lui profitent maintenant dans la La petite loggetta des prigioni pâlit bien un peu auprès de ce municipe. Regardons-la, pourtant. Elle est l'un des témoins, rares aujourd'hui, de la première Renaissance, née si spontanée et si libre Le décor en est un peu chargé, Venise a dû passer par là et inspirer ce petit balcon central, ainsi que cette frise en métopes.

paix.

Mais elle possède ce charme indéfinissable des choses qui balbutient, qui n'osent encore se risquer à l'éloquence. Cette logetta prédit Palladio, comme le dôme de Brunellesco annonça le dôme de Bramante. Portant mes pas assurés sous les arcades, je gagne aussitôt la place de la cathédrale. Cette cathé-

drale date aussi des temps reposés et des temps corrompus par une trop longue sécurité. Le style baroque est ce qui choque le plus en ces villes si âpres. Trop de fleurs trop de placages chantournés. On rit trop ici, comme dans une maison en deuil, lorsqu'après la cérémonie funèbre on dresse la table et

on sourit au dessert, là où le mort d'aujourd'hui s'asseyait hier. La vraie cathédrale de Brescia, ce n'est pas ce dôme rutilant et massif, mais bien, à sa droite, tapie en contre-bas, tournant le dos à la place, comme si elle était choquée par tant de faste en ces lieux, la vieille rotonde, le Duomo Vecchio qui ferme impitoyablement ses grilles. Pour y pénétrer il faut demander la permission à la prudente et jalouse cathédrale. A l'intérieur de celle-ci un escalier descend dans la vieille église. Est-ce ici que Tartaglia fut frappé dans les bras de sa mère ? Est-ce ici qu'Arnaud venait prier et demander à Dieu de lui accorder pour rien sa miséricorde puisque les Papes la vendaient ? Il s'en souviendra. La

solitude de cette nécropole est poignante et noble. Qu'elle est solitaire, et que de dignité Alors que, déjà, on vient de descendre, une fois dans l'église il faut descendre encore. Sous la coupole le sol s'abaisse brusquement, creusé comme un vaste puits, pour quelque fantastique baptistère où l'on pourrait rendre chrétiens tous les enfants de la ville à la fois. Autour de ce cirque règne une galerie à arcades offrant des faites de chapelles, des échappées d'autels croulants, des visions fugitives de fresques effacées, de tableaux mangés; le jour tombant d'en haut éclaire cette fantasmagorie d'ombres louches. Un silence sépulcral m'enveloppe. J'ai la sensation d'être dans quelque vaste tombe, celle où dort Charlemagne la porte du Et il me faut lever les yeux vers caveau doit être la partie la moins basse de l'église, celle qui est encore parée, dans le goût de l'autre, l'orgueilleuse d'à côté, pour me convaincre que la vie est là, près de moi. La Brescia du municipe ne pourrait plus prier ici, dans cet air funèbre, sous cette coupole écrasante, au fond de ce puits. Et la vieille église, .comme un prince exilé, fier dans sa misère et sa chute, et qui meurt sans bruit ni regrets, la vieille église, drapée dans ses souvenirs, ferme sa porte au monde, vit dans le silence auguste de son passé, et ne daigne même pas regarder, je le sens, ceux qui comme moi la visitent avec attendrissement et respect. Le broletto dresse ses murailles brunes et sa

là.


tour primitive, en pendant à la vieille et touchante

rotonde. Sa cour, moitié ancienne, moitié Renaissance, possède encore quelque grandeur. Il faut la traverser pour se rendre aux ruines pittoresques de l'ancien temple romain où l'on conserve pieusement, derrière un mur de brique, sur lequel se détachent des fûts de colonnes encore solennels, quelques reliques trouvées dans le sol brescian, et, surtout, une admirable Victoire ailée, en bronze, l'une des oeuvres les plus précieuses de la statuaire antique, Victoire au geste que nous connaissons, au geste mémorable de la main droite écrivant sur le bouclier que la main gauche soutient et que porte le genou relevé. Cette statue et ce temple nous attestent l'antiquité de cette ville et donnent une ferme assise à ma curiosité d'histoire et de mœurs. Avant les temps héroïques qui me touchent le plus, Brescia fut grande et prospère. Rome en fit le centre envié de ses colons. Le museo christiano avec ses souvenirs des Lombards et des rois, des temps de Béranger et de Mathilde, est la chaîne qui relie la vieille Brixia des Celtes à la Brescia des deux petits palais où Moretto, que je vais poursuivre maintenant, là et dans les autres églises, dont il est la seule beauté, règne et chante sa chanson grise. C'est l'un des charmes de ces voyages en Italie, que la rencontre, dans tel endroit précis, de tel artiste et de son oeuvre que l'on chercherait ailleurs en vain. La vie des cités en Italie fut si personnelle, si particulière, que le sol de chacune fleurit toujours d'une originalité qui lui fut propre. Elles furent, de plus, assez vivantes pour retenir dans leur sein et le faire subsister, l'enfant de génie que cette originalité a produit. Lucca a Civitali, Pise se glorifie de Niccola Pisano, Bergame possède Lorenzo Lotto, à Vicence je verrai Palladio, à Padoue Mantega, Brescia détient toute l'ceuvre, ou à peu près, d'Alessandro Bonvicino. Elle est la ville de Moretto. Les six ou sept églises de la ville contiennent chacune au moins deux tableaux de ce maître à qui il ne manqua peut-être que d'être né à Venise pour s'appeler Palma. Quant aux musées, on ne compte plus les Moretto qu'ils révèlent. De toutes ces vierges et de tous ces, saints que je viens de contempler, je retiens d'abord cette teinte grise, argentée, sous laquelle perce un éclat de coloris qui ne le cède à aucun, et qui est la marque même de Moretto, sa signature.Puis, si je m'efforcede reconstruire en ma mémoire ces tableaux poursuivis à travers toutes ces rues, sur toutes ces murailles, ce sont toujours des personnagesaux nobles attitudes, pleins de distinction et de dignité, qui se dressent devant moi. Que ce soient les saints, entourant la Vierge, couronnée, de Saint-Nazaire-et-Saint-Celse, que ce soit la Vierge sur des nuages du palais Martinengo où le portrait du palais Tosio, je trouve à toutes ces figures une majesté dans la force et la beauté qui s'allient aux plus nobles attitudes, choisies avec le goût le plus profond et le plus juste. Et, sur tout cela, est-ce l'effet de cette teinte grise ? une distinction générale qui ferait de Moretto, aujourd'hui, le peintre de toutes les Américaines avides de se (( raciner ». (A

SZGi'UYe.~

ANDRÉ MAUREL.

Nouvelles de l'Expédition Ziegler au Pôle nord. Perte de 1'«America». ON vient

de recevoir des nouvelles de l'expédition

américaine subventionnée par M. Ziegler qui se proposait d'atteindre le pôle Nord.

Cetteexpéditions'étaitembarquéele14 mars 19°3.

sur le navire America, d'où elle avait gagné Tromsoë et Vardoë, à l'extrémité septentrionale de la Norvége, afin d'y terminer ses derniers préparatifs. En juillet, elle avait piqué vers le nord. Elle était dirigée par M. Tiala, tandis que le navire était commandé par le capitaine Coffin. Il y a quelques mois on envoya le navire de secours la TerraNova pour s'enquérir du sort de l'America et de ceux qui la montaient. Le io août la Terra-Nova est arrivée à Honningsdaag, petite localité du Finmarker, la province la

plusseptentrionaledelaNorvège,ramenantlesmembres

de l'expédition, car l'America a sombré dans les glaces peu de temps après son entrée dans les régionsarctiques. Voici le texte de la dépêche parvenue le i août de Honningsdaag et envoyée par la Terra-Nova (( Nous avons actuellement trente-huit hommes saufs; un seul est mort. Le vapeur America a été perdu au commencement de l'hiver 19°3. Les larges pro-

visions de combustible et d'aliments, fournies par le duc des Abbruzzes et par MM. ]akson et Harmsworth, ont été d'un grand profit. Leur expédition de secours a épargné à nos gens de dures souffrances. Trois tentatives en vue d'atteindre le pôle Nord n'ont pas abouti, par suite de circonstances très défavorables. Les travaux scientifiques ont été conduits conformément aux planstracés d'avance, et ont donnéd'heureuxrésultats. » M. Tiala, chef de la mission, assure que si les tentatives faites pour arriver au pôle n'ont pas réussi, les résultats obtenus sont néanmoins très satisfaisants.

Alexandre Halot, consul impérial du Japon.

G'Extrêsne-

Orient, études d'hier, événenzents d'aujourd'hui, avec une préface de

M. Michel Revon, ancien professeur à l'Université de Tokio. 1 vol. Bruxelles, librairie Falk, 15-17, rue du Parchemin. Paris, Félix Alcan, éditeur, 108, boulevard Saint-Germain. Prix 4 francs. Les titres des chapitres de cet ouvrage disent assez son intérêt les causes de la guerre sino-japonaise de IS941895; l'expédition internationale de ~900; les origines du conflit russo-japonais de 1904; le péril jaune. Tous ceux qui veulent essayerde démêler l'imbroglio d'Extrême-Orient; tous ceux qui restent surpris du mouvement en avant effectué par le peuple japonais; tous ceux qui veulent sonder les conséquences possibles des succès des troupes et des flottes du Mikado, devront lire ce livre, écrit par un homme qui a longuement étudié le Japon dans son organisation et dans son développement, èt qui parle en connaissance de cause.


L'allégement de la charge du fantassin.

FRANCE

Le nouveau programme des constructions

navales.

Le

point le plus intéressant du budget de

lalmarine de l'exercice prochain est que les crédits comprennent l'amorce des travaux d'un nouveau programme de constructions navales dont l'exécution se poursuivra jusqu'en Iglg.

Ce programme a pour base les décisions prises par le Conseil supérieur de la marine dans ses séances du 10 au 15 mai dernier relatives à la constitution des forces navales de la France. Les forces jugées nécessaires par le Conseil

supérieur, sont les suivantes Cinq escadres de six cuirassés chacune, plus quatre unités de remplacement, soit trente-quatrecuirassés. Cinq divisions de trois croiseurs cuirassés de 1 r. classe chacune, plus trois unités de remplacement, soit dix-huit croiseurs cuirassés de 1 r. classe. Douze croiseurs cuirassés de 2e classe pour divisions lointaines, plus six unités pour remplacement en missions imprévues, soit dix-huit croiseurs cuirassés de 2" classe. Un éclaireur par escadre, plus une unité de remplacement, soit six éclaireurs d'escadre. Un contre-torpilleur par cuirassé d'escadre, plus six d'Extrèmè-Orient. l'escadre pour Cinquante-huit contre-torpilleurs pour divisions de torpilleurs, de sous-marins, ou divisions indépendantes, plus quinze unités de remplacement, soit au total cent neuf

contre-torpilleurs. Quarante-neufsous.-marins défensifs. Quatre-vingt-deux sous-marins offensifs ou submer-

sibles. Cent soixante-dix torpilleurs. Cette constitution de flotte, comparée à celle qui avait été arrêtée en novembre IS99, par le Conseil supérieur de la marine et qui servit de base au programme de constructions neuves de tgoo, présente les différences suivantes Augmentation de 6 cuirassés, de 12 croiseurs cuirassés de 1 r. et de 26 classes, de 6 éclaireurs (leprogramme de tgoo n'en comprenait pas), de 57 contre-torpilleurs, de 93 submersibles ou sous-marins. Le nombre des torpilleurs est seul diminué; il est réduit de quatre-vingt-treize unités. Ce programme, en ce qui concerne les croiseurs cuirassés et petites unités, est supérieur en nombre au pro-. gramme de la flotte allemande, il lui est par contre inférieur comme nombre de cuirassés. La flotte française, d'après ce programme, devra donc comprendre, en t g t 9, quatre cent quatre-vingt-six unités; mais toutes ces unités ne sont pas à construire. En faisant entrer en ligne de compte les unités actuellement en service et qui seront encore capables de servir en g~ et en déduisant les navires qui, en raison de leur ancienneté, devront disparaître, il y aurait à construire

t

i

cuirassés.

10

6 6

t

croiseurs cuirassés de

croiseurs cuirassés de éclaireurs.

1

r. classe.

20

classe.

66 contre-torpilleurs. sous-marins défensifs. offensifs sous-marins 7:J 50 torpilleurs.

estimation, dit la note parlementaire du budget, montre que si l'on exécutait toutes ces unités suivant les plans qui, à l'heure actuelle, semblent les plus recommandables, on pourrait les payer complètement d'ici à tgtg avec une annuité moyenne de 121 millions pour les constructions neuves, tout en laissant disponible une somme suffisante pour achever de payer les unités actuellement en chantier et pour commander même des unités accessoires Une première

qui seraient reconnues nécessaires. La réalisation de ce programme n'a donc rien de chimérique et l'on est en droit de le prendre comme point de départ pour la détermination des unités à mettre en chantier dans les années qui vont venir.

On sait que le ministre de la guerre a fait poursuivre activement les études entreprises par son prédécesseur en vue de l'allégement de la charge du fantassin. Le comité de l'infanterie a récemment proposé certaines modifications aux conclusions qui avaient été adoptées à la suite des essais faits aux manœuvres de 1904. De son côté, le conseil supérieur de la guerre a été consulté, et, après certaines critiques, a demandé de nouvelles expériences faites avec des effectifs plus forts. Les idées en cours aujourd'hui mèneraient 1" A la suppression complète des ustensiles de campement, avec adoption d'une marmite individuelle en alu-

minium

soulier de repos, non par des espadrilles mais par une chaussure de toile avec semelles de cuir; de la veste, non !par un jersey-chandail mais par une vareuse en molleton (modèle infanterie coloniale) ou par une vareuse en jersey; 3" A diverses modifications de détail pour le port au ceinturon de la musette, du bidon et des outils. 2o Au remplacementdu

ALLEMAGNE

Essais de cuisines roulantes de campagne. Les bons services rendus à l'armée russe par les

cuisines roulantes de campagne, ont décidé l'administration militaire allemande à faire des expériences avec des cuisines de ce genre.

D'après l'Allgemeine Zeitung, ces expériences ont été effectuées au printemps dernier dans le Harz, avec deux types différents un à deux, et l'autre à quatre roues. Elles seront continuées aux prochaines manoeuvres d'automne dans divers corps de la garde. On se propose d'ouvrir

ensuite un concours comportant trois grands prix, en vue de l'établissement du meilleur type de voitures-cuisines. Il semble jusqu'à présent que le meilleur type serait

deux roues légère et attelée d'un seul cheval faire la cuisine pour deux cents hommes, de et permettant c'est-à-dire pour une compagnie de guerre. Ces voitures légères pourraient marcher facilement avec le train de combat une voiture

à

sans trop alourdir les colonnes. Dans le même ordre d'idées, l'~Adlgemeine Zeitung mentionne que, depuis quelque temps, de nombreux régiments de cavalerie ont adopté, à raison d'un par escadron, un appareil de cuisson, dit Selbstkocher, d'une contenance de 80 litres environ. Cet appareil, à fermeture hermétique et protégé contre le refroidissement parunegarnitureenamiante et en feutre, reçoit une marmite portée à l'ébullition pendant vingt-cinq minutes, et où l'on met, avant de l'enfermer, les aliments à cuire; la cuisson de ceux-ci se continue en vase clos et les aliments restent chauds pendant trois jours. On songerait à munir toute la cavalerie d'appareils de cette nature, mais plus petits, d'une contenance de 25 à 30 litres

seulement.

ANGLETERRE

La flotte de la Baltique.

L'escadre de l'amiral Wilson, qui a quitté Spithead pour la Baltique, comprend onze cuirassés, s1it deux de 14900 tonnes, Cesar et PrinceGeorge; un de 14 150 tonnes, Revenge; six de 14 000 tonnes, Exmoutb, Albemarle, Russel, Duncan, Montagu, Cor~awalis,et deux de Il 80o tonnes, Swiftsure et Triumph, et huit croio seurs, soit un de 14100 tonnes, Goode-Hope; un de 10850 trois Donegal, Kent, Antrim; de 980o Montonnes, tonnes, mouth; deux de 5600 tonnes, Dido, Juno, et un de 3 000 tonnes, Topaie. Les manoeuvres de la flotte allemande dans la Baltique occidentale ont été contremandées; elles auront lieu en septembre dans la mer du Nord.


La Fête des Vignerons à Vevey. L'Association des Vignerons de Vevey travaille aux progrès et aux ~erfectionnements de la viticulture, combat les ennemis de la vigne, et s'intéresse pratiquementà toutes les améliorations pouvant être utiles au grand et beau vignoble de la contrée. Elle encourage annuellement, ~ar des ~rimes et des récompensesdiverses, les vignerons les plus soigneux et les plus méritants. Chaque année aussi, des experts sont nommés pour procéder à une double inspection du vignoble au printemps après la taille, en été après les effeuilles. De temps en temps elle rappelle au monde entier son existence utile, en lui o~rant des fêtes inoubliables.

DANS les premiers jours du mois d'août dernier (du 4 au 1 i), l'une des plus jolies villes qui bordent la

rive suisse du lac de Genève, Vevey, a présenté une ::In;m::ltinn inar-

était cultivée par les religieux des monastères de Hauterive et de Haut-Crêt, près d'Oron, qui possédaient une abbaye à Vevey. Plus tard, cette Au moyen âge, elle

coutumée.Toute la cité avait

d'être le privi-

lège des religieux, mais la

revêtu sa paru re

de fête. Des drapeaux flottaient aux fenêtres, des guirlandes de mousse cou-

cc louable corpo-

ration des Mai-

tres-Vigne-

rons » de Vevey, en souve-

raient en festons à chaque

nir du

CIP.

porter le nom d' ((abbaye» » et son présidentle titre d' abbé ».

vic;itp'l1rc;

pressait et s'écrasait dans les rues étroites. C'est qu'on célébrait, cette année, la grande fête se

locale connue sous le nom de Fête des Vignerons. Remontant au plus loin du passé, cette fête, qui a traversé les siècles, reparaît à des intervalles réguliers, de vingt ans en vingt ans environ. Elle a tout à la fois l'allégresse des réjouissances populaires, et le charme incomparable des cnoses iraaitionneiies. LES ARKNES DE Lesorigines, fortloinVEVEY. taines, en sont curieuses à retracer. De tout temps, la vigne a été la grande richesse de Vevey et de ses environs.

uaamonneues.

A TRAVERS LE MONDE.

passé,

continua de

étage des maisons. Et un peuple innombrahlp.

rl'1

rnltnrr·

350 Lv.

Elle organisa, dès le XVIIe siècle, dans les rues de Vevey, des promenades

ou, comme on disait, des (( bravades ». Il fallait voir nos « braves vignerons défiler en costume de cérémonie, accompagnés d'une fanfare de fifres et de tambours, et précédés de leur (( abbé vêtu de violet et portant une crosse ornée de grappes de raisins. Peu à peu,le cortège devint plus nombreux; la fête se changea en une véritable 1.. repréD'après une photographie. sentation en plein air, avec évolutions de figurants, hceurs et ballets, donnée sur une des places le la ville; et c'est suivant le programme N° 35.

2

Septembre ~905.


arrêté une fois pour toutes, que se sont déroulées les

fètes de cette année. Des arènes gigantesques, en forme de fer à cheval, avaient été construites sur la vaste place du Marché. Tout autour se dressaient des estrades où ont pris place les spectateurs. En 1889, 'l'estrade, dont les plus hauts gradins atteignaient à la hauteur d'un quatrième étage, contenait 10 200 places. Les arènes de 1905. étaient de dimensions encore plus considérables, et pouvaient recevoir 12 500 spectateurs. Elles ne mesuraient pas moins de 6700 mètrescarrésde superficie.Disposées en gradins,

leur plus grande hauteur était de 14 mètres. Quant à la piste où se sont déroulés les différents épisodes de la représentation, avec ses 1000 mètres carrés de superficie et ses 32 mètres de largeur, elle constitue la plus grande scène du monde, puisque les plus vastes scènes de théâtre n'ont pas une largeur supérieure à 20 mètres. Cette énorme salle de spectacle n'avait d'autre toit que le ciel bleu. Le principal décor, impressionnant à souhait, est formé par les sommets, sombres ou neigeux, des Alpes.

décors en carton peint?

Veulent-ils donc contribuer comme le font si malheureusement les bandes de Cook'ss à enlever à cette fête son carac-

LE CHAR DE

matin.

Les gradins sont D'après bondés de spectateurs, dont la dÉ deux heures, occuper plupart sont venus là depuis déjà

leur place. Un orchestre-monstrede près de trois cent cinquante musiciens attaque une marche triomphale, oeuvre d'un compositeur suisse, M. Gustave Doret. Et, par les vastes portes monumentales qui donnent accès aux arènes, du côté de l'ouverture du fer à cheval, la irou~e d'honneur fait son entrée en tête marche l' cc abbé », en son costume historique, suivi de ses conseillers et de tous les membres de la Confrérie des Vignerons. Elle est escortée d'un corps de deux cents suisses, en costume de l'ancien temps, avec fifres et tambours, moyen-âgeux à souhait dans leurs pour-

crevés rayés rouge et fauve, et avec leurs toques à créneaux. Avant toutes choses, il faut qu'une antique et

points

spectateurs. Voici d'abord, encapuchonné, poudré de neige, au milieu de branches dépouillées, le triste Hiver. Autour du char allégorique se pressent des bûcherons, des chasseurs, des pêcheurs, des fileuses, tous porteurs de leurs attributs et feignant, au rythme de la musique, avec des mouvements cadencés, de se livrer aux exercices de leur profession. Cette pantomime s'accompagne de chants, qui célèbrent les occupations de l'hiver, la beauté des semailles et le charme de la vie de famille. La vie de famille Quel symbole plus charmant en pourrait-on donner, que le cortège nuptial? Le marié et la mariée marchent la main dans la main; les vieux parents regardent le jeune couple, d'un air attendri, et les amis et les amies

D'après un usage qui

si (( nature », et

remplacer une manifestation toute champêtre par une fête des environs de Paris? Mais quittons ces pensées pessimistes et revenons à la joie du spectacle. Il est sept heures du

une évocation des Saisons, réglée cette année d'après un livret de M. René Morax, Suisse comme l'auteur de la musique. C'est tout le cycle rustique de l'année, avec sa poésie et son pittoresque, qui défile en tableaux animés et charmants, sous les yeux de la multitude des

de noce, vingt-deux couples habillés des costumes nationaux des vingt-deux cantons, suivent, en dansant joyeusement, sur un vieil air, la valse du Lauterbach.

Pourquoi faut-il qu'à ces magnificences de la nature les organisateurs de la fête aient cru devoir ajouter tant de

tère si frais,

La représentation proprement dite consiste en

à

touchante coutume s'accomplisse le couronnement des vignerons les plus méritants. Les têtes, jeunes ou chenues, s'inclinent pour recevoir la récompense de plusieurs années de travail.

existe toujours dans la Suisse allemande, une voiture suit, chargée du mobilier des nouveaux époux, de leur batterie de cuisine, le tout surmonté du berceau où chacun compte qu'un mignon bébé dormira bientôt. CÉRÈS ET SON COR1'ÉGE. Certaines particularités sont bien touune photographie. chantes. C'est ainsi que les cc grands-parents cette année sont les mêmes qui figuraient les (( mariés » à la dernière fête des Vignerons. Et l'on vit de ces (( mariés la frime s'épr endre fun de l'autre, et promettre à M. l'officier de l'état civil de continuer à tenir le rôle leur vie durant. Viennent ensuite le char de Palès (le Printemps) et celui de Cérès (l'Eté). Enfin, la troupe exubérante de l'Automne fait son entrée. Bacchus, couronné de pampres, là conduit, et le gros Silène, accablant de son poids énorme son malheureux âne, dodeline de la tête. Des vignerons et des tonneliers, outils de travail en main, escortent leur dieu. Soudain la bande fait halte, la musique. attaque un air endiablé, et une bacchanale échevelée déroule ses folles sarabandes. Il n'a pas fallu moins de dix-huit cents figurants pour fournir l'effectif des troupes des quatre Saisons; ils sont recrutés tous parmi les habitants de la ville et des environs. Non seulement ils ne sont pas payés, mais ils doivent fournir leur costume. Des notabilités

de

pour


du pays ne dédaignent pas de jouer un rôle dans la fête en 1889, l'air national du Ran,f des vacbes fut chanté par un notaire fribourgeois, M. Currat.

Certains rôles sont l'objet de nombreuses convoitises. Tout particulièrement délicat est le travail de la Commission des déesses, qui est chargée de choisir entre les plus belles filles ou femmes du pays une Cérès et une Palès. Par prudence, elle procède à l'élection au scrutin secret. Les deux déesses sont toujours veveysannes. Les voilà désormais célèbres, et leurs noms passeront immanquablementà la postérité. D'ailleurs, une fois qu'elles sont descendues de leur char triomphal, elles acceptent volontiersdes situations modestes. Une ancienne déesse a épousé un petit cafetier; une autre, un boucher. L'organisation d'un pareil divertissement ne va pas sans entraîner des frais considérables. Pour la fête de 1865, les frais avaient dépassé 144000 francs. Ils '5' élevèrent, pour celle de 1889, à 290 000 francs; il est vrai que les recettes montèrent à 3 JO 000 francs. Cette année-ci le budget des dépenses a atteint 350000 francs. Après la représentation quotidienne, qui se termine vers midi, le public s'écoule rapidement par les multiples issues. On s'écrase à la vaste cantine des .arènes, qui peut servir quatre cents repas à la fois. Car l'affluence est énorme. A vingt lieues à la ronde, tous les environs sont dépeuplés. En 1865. les villages avoisinants avaient été abandonnés par leurs habitants; ceux-ci en avaient confié la garde à quelques hommes armés, dont la consigne était de ne laisser pénétrer personne sans mot de passe. A chaque Fête des Vignerons, les Veveysans qui se sont expatriés, même dans les contrées les plus lointaines, reviennent tous au pays. Ce qui est plus surprenant, c'est que des étrangerstémoignent d'une fidélité non moins grande. On cite le cas de la famille de lord Sussex, qui assista

LE GROUPE DES FAUNES.

D'après une photographie.

LA REPRÉSENTATION THÉATRALE.

D'après une photographie. à la fête de 1819' Depuis, elle ne manque jamais

d'accourird'Angleterre pour prendre sa part des jouis-

sances esthétiques si particulières que procure la célèbre représentation. Mais il s'agit de s'en retourner. A la gare et aux embarcadères, on prend d'assaut trains et bateaux. Les compagnies ont heureusement paré à toute éventualité, et les chemins de fer ont organisé soixanteneuf trains spéciaux par jour. Toutefois, beaucoup de spectateurs n'ont pu se résoudre à quitter immédiatementla ville, que rendent plus pittoresque mille guirlandes de verdure et de mousse, et des sapins plantés en bordure des trottoirs. Les hôtels n'avaient pas un coin qui restât inoccupé. Les particuliers, à leur tour, avaient été mis à contribution. Qui ne parvint pas à se loger, coucha philosophiquement à la belle étoile. Quant aux figurants, dont quelques-uns viennent de fort loin, il est naturel qu'on leur accorde en ville un domicile gratuit, car le temps exigé pour les répétitions, et 80000 francs de costumes mis à leur compte sont certes dépenses plus que suffisantes. Aussi les écoles et d'autres édifices publics ont-ils été pour eux transformés en dortoirs, qu'ils partagèrent avec les corps de musique et la troupe chargée du service d'ordre. Mais personne ne ménagea ni sa dépense ni sa peine; aussi

est-elle profonde, l'impressionque laisse, en son cadre unique, cette magnifique manifestation destinée à exalter la noblesse et la simplicité de la vie des champs et des montagnes! Le succès a été énorme, et les spectateurs se sont disséminés, enchantés, dans les paysages de la Gruyère et de l'Oberland..


définie par la lettre d'un traité; rien n'empêchait enfin que l'accord à former ne fût durable, même si les Russes s'accommodaient d'une clause relative à Sakhaline et se résignaient, comme on dit, à partager la (( poire en deux ».

Les Droits des Russes sur Sakhaline~ et les Prétentions du

Japon.

cession de Sakhaline aux japonais est, avec la Lquestion de l'indemnité de la pierre

guerre, grosse d'achoppement où se sont heurtés, à Portsmouth, les plénipotentiairesde la Russie et du Japon. On s'étonne parfois que la Russie ne se soit pas montrée intransigeante sur la cession du territoire, et accommodante sur celle de l'indemnité mais les milliards relèveraient un adversaire à bout de souffle, et Sakhaline est si peu russe Les premiers établissements faits près de Korsakovsk, dans cette partie de l'île alors considérée comme chinoise, furent vers 1780 ceux de quelques villages japonais. Les Russes parurent en 1807 dans la région septentrionale, mais n'y restèrent pas, et ce ne fut qu'au milieu du XIX. siècle, lors de leur première expansion extrême- Drientale vers ces territoires que la Chine leur céda au traité d'Aïgoun (1858), et qui devinrent depuis la province de l'Amour et la province Maritime, qu'ils élevèrent sur Sakhaline de sérieuses prétentions. De 18" à 1875, Sakhaline resta partagée; des garnisons russes et japonaises y vivaient en assez mauvaise intelligence et s'observaient entre elles le long d'une ligne de démarcation; enfin en 1875, par traité du 7 znai, le Japon abandonna à la Russie la partie méridionale de l'île, en échange des îles Kouriles.

La région de Korsakovsk

n'est donc russe que depuis trente ans; et dans cet intervalle, les Russes n'ont fait que peu de chose pour la nationaliser. L'île ne fut ni peuplée, ni exploitée, ni surtout défendue; ses relations intermittentes avec la non moins pauvre province Maritime, la laissaient manquer trop souvent d'approvisionnements.Ce n'est que dans ces dernières années, surtout depuis le début de la guerre, que des

publications nombreuses montrèrent dans Sakhaline autre chose qu'un lieu de relégation, et relevèrent les richesses immenses que l'île renferme en poissons, en bêtes à fourrure, en bois, en naphte et en charbon. De ces biens négligés et tombés en déshérence, le Japon pouvait se croire autorisé à réclamer sa part; mais il ne doit pas non plus oublier quelle concession stratégique immense les Russes lui feraient aujourd'hui en lui, abandonnant Korsakovsk et lui livrant ainsi le détroit de La Pérouse, par lequel leurs bateaux peuvent encore entrer dans la mer du Japon et gagner Vladi-

vostok.

On a parlé d'un partage de l'île, d'un retour à l'état de choses antérieur à 1875 il n'avait pas eu d'inconvénients graves pour les rapports entre les deux nations la mitoyennetépouvait ne plus causer de chicanes dans l'avenir, si elle se trouvait nettement M. P.

Voir notamment Sakhaline, Un Bagne russe, par Labbé. Tour du Monde, 1902, liv. 35 et suivantes. 1.

L'Affairede Missoum-Missoum. LES journaux ont récemment relaté un pénible incident qui se serait passé sur la frontière du Cameroun allemand et du Congo français. A MissoumMissoum, petit poste limitrophe, revendiqué par les deux nations, quelques nègres attachés à une factorerie française auraient été massacrés par des soldats du capitaine Schoenemann. Il est infiniment délicat d'établir encore les responsabilités, et nous ne pouvons que nous en tenir aux déclarations du ministre des Colonies. Ces incidents, dit M. Clémentel, sont des plus regrettables; mais le Gouvernement ne peut s'en rapporter aux seules déclarations de la Compagnie intéressée, pour formuler des réclamations à l'Allemagne. Il le peut d'autant moins, que les autorités du Cameroun affirment précisément avoir des griefs de même nature à invoquer contre nos colons. De ce côté-là, également, on se plaint de violations de frontière, d'empiétements sur les territoires, de pirogues saisies, de drapeaux abattus. Nous pouvons d'autant moins nous baser sur les rapports des agents de la Compagnie N'GokoScfngha, que ceux-ci qualifient de soldats les noirs employés à la garde des factoreries, et laissent entendre au public que ces hommes sont des miliciens mis à leur disposition par le Commissariatgénéral du Congo français. C'est inexact

les laptots engagés par les

Compagnies sont d'anciens soldats libérés, n'ayant plus droit au titre de milicien. 11 n'en est pas de même dans le Cameroun le captaine Schoenemann est véritablement un officier colonial allemand, et les hommes sous ses ordres sont des miliciens régulièrement enrégimentés il est nécessaire que nous procédions avec circonspection dans cette affaire où il s'agit surtout de démêlés entre des Compagnies d'exploitation coloniale

concurrentes. En tout cas, les missions française et allemande qui vont opérer incessamment les travaux de délimitation de frontière entre le Cameroun et le Congo, enquêteront sur ces faits, et leur composition donne toute garantie de compétence et d'impartialité. » La latitude de Missoum est inconnue. Si l'on en croit la correspondance échangée entre les agents de

la Société du Sud-Cameroun et ceux de la Compagnie N'Goko-Sangha, les uns placent cette localité à 4 kilomètres au nord, les autres à 5 kilomètres au sud du parallèle formant frontière. Il s'agit donc, pour les missions, de préciser, dans un cercle de io kilomètres de diamètre, la situation du point contesté. Les responsabilités s'établiront après.


Les Projets de M. Willcocks l'Irrigation de la Mésopotamie; la Navigabilité du Tigre et de l'Euphrate. Willcocks,

ancien directeur des réservoirs du Nil, a visité la Mésopotamie pour y étudier la question de l'irrigation du pays et de la navigabilité de ses deux grands fleuves; dans une brochure qu'il vient de publier au Caire, il rappelle les paroles, restées célèbres, de Maïmoum, le fils de Haroun-al-Rachid, Maudit soit le Phajetant ses regards sur l'Egypte raon qui, dans son orgueil, disait Ne suis-je pas Pharaon, roi d'Egypte? S'ilavait vu la Chaldée, il aurait parlé avec humilité ». Il y a certainement là, croit M. Willcocks, une part à faire à l'exagération l'Egypte est le pays par excellence pour l'irrigation, mais il ne s'en faut pas de beaucoup que la contrée jadis fécondée par le Tigre puisse lui être comparée. M. Willcocks examine dans sa brochure les facteurs en présence, et il démontre qu'un capital de 200 millions de francs suffirait pour mettre en valeur, le long du Tigre, plus de 500000 hectares dont le CARTE DE LA revenu, à raison de 200 francs par hectare, équivaudrait à 100 millions de francs. Et en admettant, dit-il, qu'on en dépense la moitié en frais d'entretien et de constante amélioration des canaux, il resterait 5o millions de francs de bénéfice net annuel. Plus loin, il examine le pays entre Bagdad et Babylone, et y trouve à mettre en valeur 600000 hectares pour une somme de millions de francs. D'après lui, le total des deux entreprises réunies comporterait, en chiffre rond, une dépense de 500 millions, pour constituer une propriété de 1 tooooo hectares d'un revenu énorme. M. Willcocks voudrait que la Compagnie concessionnaire du chemin de fer de Bagdad menât de pair le railway et l'irrigation. L'attribution de la moitié des terrains, aujourd'hui incultes, qu'on traverserait en amont et en aval de Bagdad, suffirait largement, dit-il, sans aucune autre garantie, pour assurer une plantureuse rémunération à tout le capital engagé dans la double entreprise des transports et de l'irrigation. Entre le Tigre et l'Euphrate il y a de nombreux canaux, de construction très ancienne. Aux temps

P

antiques, il y en avait bien davantage, et de plus grands, dont on voit encore aujourd'hui les vestiges. Quant à la navigation sur l'Euphrate elle est actuellementnulle; elle se borne à quelques radeaux. On s'accorde pourtant à trouver qu'on pourrait, à peu de frais, le rendre navigable jusqu'à Meskenéh(70 kilomètres sud-est d'Alep). Il y a une trentaine d'années, Midhat pacha, alors gouverneur général du vilayet de Bagdad, a fait des essais intéressants de petits bateaux à vapeur ont remonté le fleuve, et il a été reconnu qu'avec un dragage constant et méthodique la navigation pourrait être maintenue sans interruption durant toute l'année. Aux hautes eaux, en hiver et au printemps, on descendrait de Meskenéh à Bassorah en quelques jours. Le Tigre est navigable à partir de Diarbékir pour les keleks. On entend par (( keleks » des radeaux d'une forme spéciale. Tels qu'ils flottent actuellement sur le Tigre, ils sont exactement semblables à ceux usités à Ninive, il y a plus de 3 000 ans. Leur surface varie entre 35 et 8o mètres carrés. Ils sont formés de petits troncs de peuplier entrecroisés, variant entre 6 et 9 mètres de longueur. Etant donné la légèreté de ce bois, la charpente surnage aisément par ellemais il s'agit de la même charger, elle doit porter le plus de marchandises possible, et il faut dès lors augmenter sa puissance de flottaison. On y arrive à l'aide d'outres gonflées d'air qu'on serre les unes contre les autres de façon à garnir tout le fond du radeau. Les grands radeaux en ont des centaines. Elles sont fixées MÉSOPOTAMIE. aux bois au moyen de lianes ou de ficelles, et forment ainsi un véritable capitonnage dont l'esquif a grand besoin quand il glisse dans les rapides du fleuve sur les fonds de rochers. Les trajets réguliers sont ceux de Diarbékir à Mossoul et de Mossoul à Bagdad. Pour le premier parcours, il est rare qu'on puisse employer des keleks de grandes dimensions; ce n'est qu'à partir de Mossoul, alors que le Tigre a reçu plusieurs affluents, que le volume des eaux permet d'aller jusque 8 et 9 mètres. A cause des sinuosités du fleuve, on peut compter 600 à 700 kilomètres de Diarbékir à Mossoul. Avec les grandes eaux du printemps, on les franchit en quatre jours. En automne, au contraire, quand le fleuve a été presque mis à sec par l'absence de pluie et l'évaporation d'un long été torride, il arrive que le radeau reste en route pendant trois semaines. La navigation sur le Tigre, en amont de Bagdad, présente peu de sécurité. Ce n'est pas que la vie des voyageurs ou des kelekdjis soit en danger c'est le pillage des cargaisons par les Kurdes et les Arabes, qu'il faut craindre. A partir de Bagdad commence la navigation à


vapeur. On peut même dire qu'elle remonte jusqu'à Samarra, ville sainte à 200 kilomètres en amont de Bagdad; il y vient de loin en loin un petit vapeur amenant des pèlerins persans. A Bagdad, ily a deux compagnies l'une anglaise, avec deux steamers, et l'autre ottomane, avec quatre vapeurs. Naviguant sur très peu de profondeur, et devant porter ses chaudières, ses machines et son combustible, chaque vapeur ne peut guère prendre de cargai-

s:)n; les marchandises se placent sur une grande barge ou allège solidement amarrée à un de ses flancs. On comprend ce que ce procédé a d'incommode pour voyager sur une rivière dont les passes navigables sont parfois très étroites. Seul, le bateau peut filer à la vitesse de 9 milles ou 16 kilomètres à l'heure; avec la barge, il ne peut plus faire que 6 milles ou 10 kilomètres, et c'est ce qu'on doit admettre pour sa marche

ndrmale.

De Bagdad à Bassorah, la distance à vol d'oiseau est de 500 kilomètres. A cause des méandres du fleuve, on peut doubler ce chiffre. C'est donc 1000 ki-

lomètres que le navire doit parcourir, à raison de io kilomètres par heure. L'allure des bateaux turcs est beaucoup plus lente, et leur service n'est pas régulier, mais cela va changer. (( Lors de mon passage à Bassorah, en décembre dernier, dit M. Duckerts, consul de Belgique à Smyrne, qui nous a fourni ces renseignements,j'ai visité un chantier où l'on construisait deux grands bateaux pour le compte de la Compagnie Oman. Ces deux navires auront des dimensions un peu supérieuresà celles des bâtimentsanglais,et leur vitesse à raison de 14 noeuds au lieu de 9. II y là un grand progrès apporté à la navigation du

est calculée aura

fleuve; la conséquence en sera probablement une réduction du fret qui est aujourd'hui excessif (29 shil-

lings la tonne). »

Les barques du Tigre sont de très bizarres embarcations; elles sont toutes rondes, en forme d'énormes citrouilles de 2 ou 3 mètres de diamètre, et

manoeuvrées au moyen de petits avirons. Il est très curieux de les voir voguer en tournant sur elles-mêmes. Elles sont faites d'une carcasse de roseaux recouverte de nattes goudronnées, et peuvent être considérées comme insubmersibles. Elles embarquent aisément dix ou quinze personnes. Enfin, le dernier diminutif d'embarcation est fourni par les Arabes, hommes et femmes, qui traversent constammentle Tigre et l'Euphrate aidés d'une ou de deux outres gonflées. Il arrive aussi que deux personnes s'appuient sur une seule outre qui se place à hauteur de la poitrine et est maintenue par les bras, les jambes seules servant ici à faire avancer les

nageurs.

On le voit, la navigabilité des deux grands fleuves de la Mésopotamie est assez primitive. Le plan de M. Willcocks serait de rendre navigable l'Euphrate jusqu'à Biredjik, le Tigre jusqu'à Diarbekir, et de les réunir par de nombreux canaux. Ainsi serait tranchée la double question de la navigation et de l'irrigation.

L'Italie moins connue'. Brescia (suite).

M ORETTOa pris à Romanino le coloris des maîtres vénitiens, dont l'école de Brescia est l'héritière. Il a demandé à son maître les formes amples, cette décoration imposante et large, et jusqu'à ce coloris audacieux. Mais entre le tableau de San-Francesco et celui de Saint-Clément, H y a toute la différence que l'on constate entre l'instinct et la raison, lorsqu'ils engendrent les mêmes actes. Le même résultat ne vient pas du même élan. Et si j'appliquais à ces deux peintres la méthode scientifique que Taine suivit sur cette terre même, je verrais en Romanino le fil6 de l'ancienne Brescia, en Moretto l'enfant de la nouvelle. Brescia succombe pour avoir trop vaincu. Elle se précipite dans les bras de Venise, et, une fois sous cet abri, elle n'en veut plus sortir. La fureur qu'elle employait autrefois à

rester indépendante, elle l'applique maintenant à résister à Louis XII et à Maximilien qui veulent la délivrer de la République. Elle apporte dans cette défense pour la servitude la même violence qu'elle apportait à ne point s'y soumettre. La mélancolie de Moretto n'est pas le regret du passé, mais le souvenir attendri de ceux qui, acceptant la sujétion, se contentent de rêver aux jours passés, qu'ils ne regrettent point, s'ils y songent avec un orgueil pacifique. Ils ne refusent point cette gloire tout en se refusant à la renouveler. Ainsi que toutes ses sœurs, Brescia a longtemps lutté contre ceux, voisins ou barbares, qui voulaient la prendre. Elle a lutté avec une férocité dont je ne retrouve d'exemple que dans la Lucca toscane. C'est le même dérèglement apparent, c'est la même volonté infrangible. Il est cependant un moment où Brescia atteint au plus fort de sa violence. Moment capital dans l'histoire des cités italiennes, moment le plus édifiant chezelle, pour les enseignementsque je cherche à tirer de mon vagabondage. La ligue lombarde a chassé l'empereur. Les villes vont pouvoir se développer librement, ainsi que le traité de Constance leur en reconnaît le droit. Mais un nouveau danger les menace. La cité est indépendante (jt se meut, certes, à son gré. Mais elle est restée confinée dans ses murs. La campagne, dont la ville a besoin pour se nourrir et prospérer, n'est qu'un réseau de châteaux et de forteresses. L'empereur vaincu n'a pu chasser les nobles de tout poil que les invasions lombardes, frankes et allemandes ont laissés sur cette riche contrée. Il faut, à tout prix, que la ville se rende maîtresse des châteaux, annihile du moins la puissance de leurs possesseurs. L'effort est grand. Elle le fait. Mais dans quelle proportion les cités partageront-elles les forteresses qui parsèment les champs? Voici un 1.

Voir A Travers le Monde, ~905, p. 238, 262 et 269.


château qui est aussi près de Bergame que de Brescia. A qui appartiendra-t-il? Les rivalités entre villes recommencent. Et les nobles en profitent. Ils se mettent, au hasard de leurs intérêts ou de leurs passions, sous la protection de l'une, pour échapper à l'autre. Surgit bientôt une complication nouvelle. Les villages, les bourgs, au milieu ou à côté desquels sont bâtis les châteaux, veulent imiter les villes et sont les premiers à attaquer le seigneur. Pourquoi laisser prendre par Brescia ou par Vérone ce qu'on a sous la main? Et les nobles durent demander aux cités leur appui. Ils aiment mieux la tyrannie de la ville lointaine, que celle du bourg prochain. Toujours la grande illusion gibeline, qui appelait l'empereur contre les rois ou contre le pape! Grand sentiment de la liberté, impérissable, toujours rencontré sous la pioche dès que l'on frappe ce sol chaleureux! La liberté à tout fût-ce au prix d'une servitude, que l'on saura prix, bien rendre passagère, dont on se délivrera plus tard, s'il le faut. Courons au plus pressé! Appelons l'empereur, appelons la cité! Et les Brusati vendent leurs fiefs de Volpino, de Cerretillo, de Coalino, à Bergame voisine, tandis que les Calepio de Bergame vendent à Brescia les fiefs de Calepio, de Merlo et de Sarnico. La guerre contre les châteaux se termine ainsi les nobles deviennentles alliés des villes, mieux leurs

serviteurs. Ils se font leurs capitaines, et leur conquièrent des territoires. Mais les villes entendent les surveiller. Elles leur imposent de séjourner dans la cité, de vivre au milieu des citoyens. On ne veut pas qu'ils reprennent la campagne ils en profiteraient pour reprendre en même temps leur pouvoir. Et voilà les nobles vivant au milieu du peuple qu'ils méprisent, dont ils ne se font les alliés que pour échapper à une autre domination. Ils ont choisi leur maître, mais c'est un maître. Ils sont impatients de ce joug. Sans armes et sans troupes, comment s'en délivreront-ils? En devenant les maîtres dans les villes où ils sont prisonniers. N'est-il pas logique qu'eux, oisifs, intelligents, habitués au commandement, dirigent les affaires de tous? Le patrimoine municipal est commun à eux et au peuple, depuis qu'ils vivent dans les murs. Ils ont du prestige on les écoute, on les admet dans le conseil; peu à peu ils grandissent, et quand ils sont assez forts ils entraînent les villes dans leurs vieilles querelles. L'ancienne inimitié, qui n'est même pas éteinte entre les villes du royaume lombard et les villes romaines entre Milan et Pavie, par exemple, subsiste encore bien plus entre les nobles de différentes souches, soit qu'ils sortent de la guerre contre les rois, soit qu'ils viennent des cités romaines, émergés hors du flot démocratique. D'ailleurs, dans ces villes romaines, comme est Brescia, ne sont-ils pas foncièrement ennemis de toute démocratie, de toute liberté? Et les voilà qui, naturellement, lorsqu'ils sont puissants dans les villes, font tous leurs efforts pour empêcher celles-ci de marcher contre les derniers remparts du royaume. Nulle part plus qu'à Brescia cette lutte ne fut violente. C'est une fureur sauvage qui brise tout, emporte tout, noie tout. Et lorsque Brescia s'aperçoit que les nobles qu'elle a recueillis veulent l'empêcher de marcher au secours de Milan, elle les chasse. Et les nobles reprennent la campagne. Ils y forment la com-

pagnie de Saint-Faustin où les Colalto, les Martinengo d'Asola, les Griffi, les Confalonieri, reconstituent les vieilles bandes féodales des temps héroïques de Béranger, de Conrad II et de Mathilde. Le pape, bon apôtre, veut mettre la paix. Il envoie un légat qui fait signer la trêve. Les nobles rentrent tous dans Brescia. et massacrent les citoyens Les voilà maîtres de la ville, dont ils font un château fort. Pas pour longtemps. Ils ne peuvent commander tous à la fois. Et la guerre recommence, dans la ville, entre les nobles. Mais les citoyens possèdent une force .que l'on peut utiliser, et aussitôt un parti de noblesse démocratique se forme contre les nobles sans alliance. C'est le chaos. Chassés, repris, rechassés, reçus et repoussés cent fois, les nobles voient enfin leurs palais rasés par le peuple qui, s'apercevant qu'il n'est que l'enjeu, même de ceux qu'il aide, met tout le monde d'accord en jetant tout le monde dehors. Les nobles alors se reconcilient entre eux, forment une nouvelle compagnie, dite de la Bucella, assiègent Brescia qu'ils reprennent une dernière fois. Est-ce fini? Brescia est donc vaincue? Attendez. Le sentiment de liberté est toujours là. C'est lui qui dirige tous ces coups, incohérents en apparence, si harmonieux en réalité. Les nobles se réinstallent. Le peuple les accepte; que va-t-il en faire? Il va se les assimiler, les lier à sa liberté par l'intérêt. Qu'y a-t-il, en effet, à la base de ces querelles sanguinaires? On l'a vu tout à l'heure le besoin des villes de prospérer par le travail, et de manger. En cette grasse terreferme, les champs sont les premiers instruments de la richesse. A qui appartiennent-ils? Qui les cultivera? Le pacte se conclut. Les nobles donneront leur terre. Les citoyens donneront leurs bras. Et c'est l'union idéale du capital et du travail qui se fonde. Travaillons C'est le cri de Brescia, c'est le cri de toute l'Italie à ce moment mémorable. (A suivre.)

ANDRÉ MAUREL.

H. Dehérain.

L'Expansion des Boërs au XJXd siècle. Préliminaires Les de l'émigration; l'émigration; les Boërs au Natal. La fondation des républiques boërs. vol. in- 16, broché, 3 fr. 50. Hachette et Cie, Paris, 1905. lutte que les républiques boërs ont soutenue pour conserver leur indépendanceest encore présente à l'esprit de tous. Mais comment ces républiques s'étaient-elles fondées, c'est ce qu'on avait jusqu'à présent négligé de rechercher. Et cependant, après avoir lu le livre de M. Henri Dehérain, on s'étonnera que ce beau sujet de l'Expansion des Boërs au XlXe siècle n'ait encore tenté en France aucun historien. Les deux conquêtes du Cap par les Anglais, en 1795 et en IS06, les causes pour lesquelles leurs nouveaux sujets refusèrent de rester sous leur domination et résolurent d'émigrer dans les régions presque inconnues situées au nord de l'Orange, les luttes des Boërs contre les Matabélés et les Zoulous, leur tentative infructueuse pour s'établir au Natal, et finalement la fondation de la République Sud-Africaine en IS52 et celle de l'Etat libre d'Orange en IS54, telle est la suite des événements que l'on trouvera exposée dans cet

L

ouvrage, conçu dans un esprit rigoureusement scientifique, mais écrit dans un style qui en rend la lecture des plus attrayantes. Illustré de cartes, complété par une bibliographie critique, ce volume deviendra pour l'histoire moderne de l'Afrique australe le livre de fond de toute bibliothèque.


Comment on fait un Lever d'Itinéraire. généralement la route, au point de vue mieux employer des « podomètres» qui altimétrique, en une série de stations il dispose généralement, d'obtenir un donnent immédiatement en mètres la dis- ayant chacune pour origine une station de lever détaillé, continu, du pays qu'il tance parcourue, ou des <1 compte-pas ». cette route. Toutes les altitudes de chaque section sont ainsi rapportées à celle de la aura traversé. Il pourra, cependant, dans IL ne peut être question pour le touriste, en raison du temps et des moyens dont

le cas où une petite partie de ce pays pré-

senterait un intérêt spécial, y séjourner assez longtemps pour en faire un lever plus exact et plus complet. Dans les circonstances normales il ne pourra employer que des méthodes simples et expéditives, lui donnant une représentation du terrain, qui, sans être rigoureusementexacte, soit néanmoins

suffisante..

Pour pouvoir reporter sur une carte la route suivie et les détails du terrain qui l'environnent, le voyageur doit tout d'abord réunir les éléments qui lui permettront de tracer cette route. Il lui faut donc déterminer les directions successives de cette route et sa longueur suivant chacune de ces directions. Pour dessiner la forme du terrain parcouru, il lui sera nécessaire également d'avoir les altitudes successives par lesquelles il a passé. Enfin il devra déterminer la position, par rapport à la route suivie, des points intéressants qui l'environnent, et leur altitude si cela est possible. Il faut distinguer deux cas Iole voyageur suit une route à terre et il opère alors ce que l'on appelle un « lever d'itinéraire »; 20 il suit un cours d'eau en embarcation, et fait alors un « lever de cours d'eau ». Dans le premier cas il doit disposer d'instruments lui donnant la distance parcourue, la direction de la route parcourue ou son orientation, les altitudes par lesquelles il a passé, la position et l'altitude des points voisins de la route. Dans le second cas, les première, deuxième et quatrième espèces d'instruments lui serviront également, légèrement modifiés. LEVERS D'ITINÉRAIRES MESURE DES DISTANCES PARCOURUES

La mesure des distances parcourues se fait en comptant le nombre de pas. La

longueur du pas varie assez sensiblement

avec les conditions de la route. L'action du vent n'est pas non plus négligeable dans la plupart des cas, de même que l'état de fatigue plus ou moins grande du

voyageur. Il est donc bon d'avoir plusieurs valeurs de cette longueur et d'adopter celle qui paraîtra la plus problable dans les conditions où l'on se trouvera placé.

détermination de la longueur longueur du La détermination

pas se fait en mesurant sur le terrain une longueur de 100 mètres et en comptant le nombre de pas que l'on fait en la parcourant. On recommencera plusieurs fois cette expérience et. on en prendra la moyenne.

Le décompte des pas est un travail très fatigant et nécessitant une tension

surtout une source d'erreurs. Il vaut donc

ORIENTATION DE LA ROUTE

L'orientation de la route est l'angle que fait la direction de cette route avec celle du nord. Cet angle s'obtient au moyen de la boussole. Les boussoles

employer dans

les

levers d'itinéraires devront être éminemment portatives. Les plus pratiques sont centicelles en forme de montre de 6 mètres, cercle gradué, munies d'une alidade fixe composée d'une pinnule évidée munie d'un crin corréspondant au o ou à la notation nord, et d'une fente placée au droit du chiffre 180 ou de la notation sud, et ayant un perpendicule.

à

Pour avoir la direction de la route suivie, on tiendra la boussole bien horizontalement, de façon que l'aiguille se meuve librement; on la tourne de la main de manière à placer l'extrémité bleue de l'aiguille sur la division N, et l'on estime la direction sur les graduations du cercle. MESURE DES ALTITUDE~

L'instrument qui sert mesurer les altitudes ou différences de niveau est le baromètre. L'on emploie le baromètre anéroïde altimétrique de préférence au baromètre mercure, en raison de la fragilité et de l'encombrementde ce dernier. Cet instrument a la forme ronde, portant un cadran avec deux graduations concentriques, et au milieu duquel se meut une aiguille. La première graduation indique les millimètres de mercure, la seconde est destinée faciliter les lectures des différences de niveau qui sont données direc-

tement.

Pour observer une différence de niveau, on commence, étant à la première station, par lire la division indiquée par l'aiguille sur la graduation altimétrique; puis; allant à la seconde station, on lira la nouvelle division qu'indique l'aiguille. La différence de ces deux lectures donnera la hauteur de cette seconde station par rapport à la première. Pour éviter les causes d'erreur inhérentes l'instrument, il faut toujours 1° Faire les lectures en tenant l'instrument de la même manière à plat, ou verticalement; de préférence à plat, et avant de faire la lecture frapper quelques coups d'ongle sur la boîte. 2° Tenir compte des variations régulières qu'éprouve la pression barométrique pendant le cours de la journée. Pour cela, on observe, pendant une journée de beau temps, les indications du baromètre, de demi-heure en demi-heure, heures du de cinq heures du matin soir. On aura ainsi les variations des chiffres qui représentent l'altitude observée d'un point pendant le cours de la

six

d'esprit continuelle au détriment de l'attention que l'on doit apporter au lever journée. Dans un lever d'itinéraire,on partage des détails environnant la route, et est

station-origine. Si, après avoir parcouru un certain nombre de ces stations, on arrive à un point dont l'altitude est connue, on comparera cette altitude avec celle déduite du baromètre, et l'on répartira la différence sur les altitudes des origines intermédiaires, proportionnellement au temps écoulé entre les heures des stations à ces origines, ce qui conduira à modifier ensuite de quantités constantes les altitudes rapportées à ces origines. MESURE DES DISTANCES ET DES ALTITUDES DU POINT ENVIRONNANT LA ROUTE PARCOURUE

Lorsque l'on veut déterminerl'orientation d'un objet éloigné, on se sert de la fente et de la pinnule pour viser l'objet. Lorsque l'objet est bien dans la direction de la ligne visée et que l'aiguille est amenée au repos, on appuie sur le frein avec le doigt et on lit la division du cercle correspondantà l'extrémité bleuede l'aiguille. Cette opération s'appelle prendre le relèvement d'un point. On obtient ainsi l'angle que fait au point d'observation la direction du point visé avec celle du nord magnétique, compté à gauche de celte direction. Si l'on opère de mème en un second point de la route, l'intersectiondes deux orientementsdonnera la position du point visé. Pour avoir la différence de hauteur le entre point où l'on se trouve et le point relevé, il suffit de connaitre sa distance et l'angle que fait avec l'horizontale la droite qui joint ces deux points. Connaissant la position du point relevé, on connaît sa distance il reste à déterminer l'angle que fait ce point avec l'horizontale du point d'observation, et en ajoutant ou retranchant cet angle de la hauteur de ce point que l'on connaît, par le baromètre, on aura l'altitude du point visé. On obtient cet angle au moyen d'un petit appareil adapté à la boussole. Cette partie de la boussole s'appelle un clisivrzèlre, et se compose d'un petit perpendicule qui tourne autour du pivot de l'aiguille aimantée. Si l'on retourne la boussole de manière à tenir la boîte verticalement, de façon que le perpendicule marque la division o, la ligne de visée déterminée par les deux pinnules est horizontale. Si donc, tenant toujours la boîte verticalement, on amène la ligne de visée sur le point à déterminer, l'angle du perpendicule avec la verticale, qu'on lira directement sur la graduation, est égal à l'angle cherché. Cette appréciation de la hauteur n'est que d'une grossière approximation, et il faudra, autant que possible, faire des visées de plusieurs points de la route, et en prendre la moyenne.


Le Pèlerinage de Congonhas'. L'État de Minas Geraes, un des ~lus peu~lés du Brésil, est en passe de devenir une des ~rovinces les plus ~rospères de la grande République sud-américaine. Mais il a conservé la tradition des fêtes profanes ou sacrées, dont l'origine se perd dans la nuit de son histoire primitive. Voici l'une des ~rinci~ales, qui a gardé toute sa couleur locale.

Le pèlerinage de Congonhas do Campo, dans l'État de Minas Geraes (Brésil), a lieu chaque année en septembre; c'est l'une des plus importantes parmi les solennités religieuses de cette vaste partie du Brésil.

Congonhas do Campo, ainsi nommé pour le distinguer de Congonhas do Sabara, dans la même province, est situé à 300 milles au nord de Rio de Janeiro. Se trouvant sur la grande route du district aurifère de Minas Geraes, ce fut une très

Rien de plus curieux que l'allégresse des pèlerins en découvrant leur Mecque dans le lointain. Ils viennent de toutes les parties du Minas Geraes et de

l'intérieur, presque inconnu des Européens; le voyage

qu'ils doivent faire est des plus difficiles et monotones. Quelques centaines de milles semblent peu de chose en Europe; ici, il n'y a pas de voies ferrées, peu de routes convenables. Mais, malgré les jours sans pain et les nuits passées à la belle

étoile, ces pauvresgens s'em-

importantesta-

pressent de remplir leurs

tion dans la première moitié du siècle,

toutes les cara-

« promessas », leurs voeux, à

neurs passant

Leur zèle, leur foi religieuse

Congonhas.

vanes de mi-

par là de 1830 à i86o. Mais

sont dignes

aujourd'hui la

d'admiration.

majeure partie d'entre eux s'y

.Pendant la plus grande

chemin de fer. La route suit le cours du

née, Congonhas est une solitude faite à

rendent par

partie de l'an-

Paracopeba, une des bran-

ches du Rio San Francisco,

un misanthroles rues pe sont désertes,

Photographie communiquée par le Wide World :\Iagazine.

dont la longueur dépasse 1 500 milles et draine une vaste contrée. Par bonheur, la route ou plutôt les ves-

tiges de route, est assez praticable à l'époque de la fête; mais les raccourcis dont usent les piétons et les cavaliers sont difficiles à suivre, parce qu'ils se divisent à l'infini. Il faut prendre un guide, ou suivre la route elle-même, qui est interminable à cause des

détours.

l, D'après Herbert Kilburn Scott. A TRAVERS LE MONDE.

souhait pour

VUE GÉNÉRALE DE CONGONHAS.

36< LIV.

et chaque maison a l'air d'un tombeau Le voyageur a la plus grande peine à y trouver à manger, à secouer les habitants de leur indolence et presque de leur somnolence. Au commencement de septembre, tout change les rues s'animent de la présence des pèlerins; c'est une

confusion, un brouhaha extrêmes. Le premier arrivé, le premier servi telle est la règle. Toutes les maisons de la confrérie sont aussitôt louées à des prix fabuleux. Les chariots à boeufs grincent des roues; les chevaux ébranlent de leur sabot la cale (( calcada » ou pavé des No.36.

9

Septembre

9og.


rues; des milliers de cris humains ajoutent à la confusion. Les habitants s'éveillent de leur sommeil de dix mois, et ouvrent leur maison au premier venu. Des tentes de toute espèce et de toutes dimensions sont dressées partout où il y a quelques pieds carrés de terrain disponible, les églises se remplissent. Les zélés pèlerins conviennent de ces inconvénients, mais ils disent ( La terre est dure, mais le ciel est assez vaste pour couvrir toute l'humanité ». Et c'est en se consolant ainsi que les derniers venus s'étendent en plein air pour passer la nuit.

Avec les pèlerins affluent les hôtes obligés de toutes les fêtes marchands de toute espèce, joaillers, selliers, pâtissiers, etc., dressent leurs tables le long des rues principales. Il y a aussi des cirques et des ménageries pour les enfants. Enfin, il y a les pickpockets, diseurs de bonne aventure, tireurs de cartes, etc., qui font une ample moisson dans les poches des

rustiques pèlerins. Les tenanciers de jeux, qui vienn ~nt de Rio de Janeiro, éta-

blissent leur

rouletteouleur jeu de cartes,

dontlesparties se font en gé-

néral dans l'arrière-pièce des

estaminets, où ces drôles peu-

vent pratiquer

toutes leurs

escroqueries

sans que les

autorités s'en inquiètent le

vent des Turcs qui, comme les Portugais, excellent à faire rapidement leurs petits profits pour aller les manger chez eux. Les attractions dans les rues sont innombrables; le phonographe, dans la dernière fête, a eu plus de succès que quoi que ce soit. Le village est bâti sur les deux versants d'une colline qui descendjusqu'au bord du Paracopeba. Les constructions les plus importantes, comme les églises, sont faites de solides matériaux; mais la plupart des maisons sont en briques séchées au soleil, en troncs d'arbre non équarris, etc. Les uns sont blanchis à la chaux, ce qui rend la façade assez présentable; par malheur, au bout d'un certain temps, cet enduit disparaît, et, l'incurie des indigènes aidant, la maison devient noire et d'aspect hideux. La plupart ont été bâties à la fin du siècle dernier ou au commencement de celui-ci; et la main du temps s'est déjà abattue puissammentsur plus d'une d'entre elles. Des certaines

d'hirondelles font leurs nids

dans les fentes des murs, sous les toits qui

tombent en

ruine, et personne ne les

trouble jusqu'à la fête. Elles

prennent mê-

me possession

de

l'intérieur

des églises,

dont le délabrement leur

fournit

libre

entrée. Le villa-

ge possède

trois grandes églises et plusieurs petites.

moins du monde. Même lorsLES BOUTIQUES DE LA FI:TE, qu'ils sont pris L'église métrola main dans le Photographie conxmuniquéepar le Wide World ~lagazine. politaine du la police sac, patron du lieu, se contente de ( trn~zar covcbecimento do facto », c'est-àBom Jesus de Mattosinhos, est située au point culmidire d'en prendre note. Parmi les voleurs, plus d'un fait nant du village on y monte par une pente raide et mal profession d'une grande ferveur religieuse; un de leurs pavée, sans doute pour illustrer le passage de la Bible coups de coquin favoris est de s'avancer à genoux, qui parle de (( chemin étroit et difficile menant au comme font tous les pèlerins, de la porte de l'église à salut ». Les rues des villages brésiliens sont d'ailleurs l'autel, et, tout en déposant un baiser sur les pieds de abominablementpavées soit pour affaiblir et diviser la statue consacrée, de saisir avec leurs lèvres quelques le courant de l'eau dans la saison des pluies où chaque billets de papier-monnaie déposés là par les pèlerins. rue devient un torrent, soit pour que les troupeaux ne D'autres se lient d'amitié avec les plus zélés des pèlerisquent pas d'y glisser, on s'ingénie à multiplier les rins, et, sous prétexte d'une collecte pour l'église ou inégalités du terrain; le pied du passant en pâtit! les saints, leur soutirent de la monnaie. Les prêtres, Devant et derrière l'église métropolitaine est un espace qui connaissent toutes ces fraudes, conseillent aux clos de murs, dans lequel des chapelles, offrant quelque fidèles de ne déposer leur obole qu'avec précaution ressemblance avec des mosquées, renferment des fresmais, comme ils ne peuvent avoir l'œil partout, Mesques qui représentent les stations du chemin de croix. sieurs les filous s'en donnent à leur aise. Fresques intéressantes,car on dirait autant de tableaux Un petit nombre de collecteurs de bonne foi vivants des diverses scènes de la vie du Seigneur, de revêtent un costume officiel et portent une figure de la Sainte Cène à la Crucifixion. saint ou une bannière ornée d'images que les pèlerins Elles n'ont aucune valeur artistique, mais sont peuvent baiser après avoir déposé la petite somme. intéressantes tout de même par leur couleur locale. Les boutiquiers en plein vent sont le plus souPendant la fête, les pèlerins visitent toutes ces cha-


pelles, et alors les tableaux jouent un grand rôle. Les figures en sont assez grotesques, et habillées à la brésilienne, à la Cuyenhas. Les plats, la table de la Cène, les verres, les mets, la fiole de cachaça ou rhum brésilien, tout enfin est du pays même, et le peintre n'a pas eu le moindre souci de la vérité historique. Judas occupe un siège près de la porte, et tous les bons pèlerins regardent comme de leur devoir de le souffleter au passage; de sorte que la figure du traître est maintenant abîmée. Les nez des soldats romains sont deux fois plus longs que nature ce sont de véritables trompes Les murs de l'église sont ornés de nombreuses statues colossales. La hauteur en est de 15 pieds, et elles sont dues au ciseau d'un artiste de l'endroit. D'après le livre de comptes de l'église, le sculpteur a touché 3 livres pour chacune, ce qui est peu, eu égard du moins aux dimensions de l'œuvre. Les plus remarquables sont celles de Jonas avalé par la baleine,

et de Daniel avec ses lions.

L'inscrip-

tion de la façade de l'église indique qu'elle

futbâtieenl'an

pour des motifs tout différents, et à un moindre degré, cette figure est maintenant abîmée, tant les innombrables baisers et larmes de joie qu'elle a reçus des dévots, font usée. Le rocher au sommet duquel le Saint Bom Jesus de Mattosinhos est censé avoir fait sa première apparition, occupe deux grands carrés à gauche de l'église. Pour cette raison, ce rocher est particulièrement vénéré des pèlerins, qui en emportent chacun un fragment, ce qui menace de le faire complètementdisparaître. Aussi les Pères viennent-ils de l'enclore, et l'on prétend que depuis lors il se met à augmenter de nouveau. Le mot de cc promessa », dont nous nous sommes servis plus haut, mérite quelques explications. Au Brésil, quand on tombe malade ou qu'on subit quelque autre malheur, on promet de donner une somme à l'église, afin de guérir ou d'être tiré d'un mauvais pas. Aussi, à chaque fête de Cuyenhas, les tas d'argent promis au Bom Jesus dans l'année s'accumulent-ils dans le sanctuaire.On s'engage aussi à faire telle pénitence ou mortification, comme par exemple de faire sur ses genoux le tour de l'église et le trajet jus-

1755. L'escla-

alors était florissant, et le travail manuel vage

qu'à l'autel c'est chose as-

coûtaitfortpeu

de chose. Il

sez commune

n'est pas rare

de voir des fa-

de voir, au Brésil, de grands

milles entières

édifices bien

menade en une aussi fatigante

bâtis, et tels qu'on ne pourrait plus en construire aujourd'hui de

pareils. Les

faire cette pro-

posture. Une au-

LES 1NÉ~'I'l'ddLES MENDIANTS.

tre pénitence

Photographie communiquée par le Wide «'orld ~Iagazine.

consiste à faire

églises avaient d'ailleurs leurs esclaves à elles; et celle de Cuyenhas, bâtie par eux, les a affranchis quarante ans à peine après que le sanctuaire fut achevé par leurs mains. Elever une église était la première pensée des mineurs, dès qu'ils avaient récolté un peu d'or dans les alluvions; c'est grâce à eux que se sont élevés ces vastes édifices où pourraient tenir à l'aise toutes les maisons qui les entourent. Dans celle de Cuyenhas se trouvent deux pupitres et plusieurs confessionaux, mais pas un siège d'aucune sorte, le public se tenant debout ou à genoux pendant toute la durée de l'office. Sous l'autel, on remarque une figure en bois et couchée. Cette figure est en grande vénération parmi les fidèles. Elle n'a pas grande apparence, mais la piété supplée et au delà, à son peu de beauté artistique. Tous les pèlerins de Cuyenhas la visitent et revisitent, dans l'espoir qu'elle les gardera de tout mal jusqu'à la visite qu'ils lui feront l'année suivante. On peut dire qu'elle vaut son pesant d'or, car elle a valu une immense fortune au sanctuaire depuis qu'elle y a fait son entrée, il y a vingt ans. Comme la figure de Judas, bien que

à

genoux le

tour de l'église, en déposant un baiser sur chaque

pierre sacrée, pour finir par la figure du Bom Jesus. Le tout doit se terminer invariablement par une obole déposée dans le tronc de l'église. Parfois on voit un homme à demi vêtu, qui porte autour de l'église une grosse chaîne de fer sur ses épaules, pendant que sa femme se charge des derniers anneaux de la même chaîne, et participe ainsi dans une certaine mesure à la pénitence de son mari. Quelques femmes coupent leur chevelure; l'auteur de ces lignes a vu une dame élégamment habillée, à plat-ventre sur le pavé et se traînant sur ses coudes autour de l'église jusqu'à l'autel. D'autres portent des cierges allumés dans leur bouche, ce qui les oblige à renverser la tête et à se tenir dans la plus gênante position. Une dévote était étendue et portée dans une boîte comme un cadavre dans son cercueil, avec des cierges allumés, et tous ses amis fondant en larmes autour d'elle ce cortège quasifunèbre fit ainsi trois fois le tour de l'église. Des cierges de cire dont le poids total atteint une tonne environ sont offerts annuellement et vendus aux enchères à la fin de la fête, au bénéfice de l'église.


Les « missoes », ou services religieux, sont censées commencer le 8 septembre et continuent jusqu'au 14. Il y a, outre la messe ordinaire, deux services pâr jour. A cause de l'immense affluence de fidèles qui attendent le service du soir, celui-ci a lieu en général en dehors de l'église. Des prédicateurs, triés sur le

volet, se font entendre, devant un auditoire très attentif; et ces milliers d'hommes, de femmes, d'enfants suspendus aux lèvres de l'orateur, ont pour cadre un magnifique paysage dominé par le Ouro Branco. Après le sermon, une procession fait le tour de l'église. Le 14 septembre a lieu la Bénédiction papale par l'intermédiaire de l'évêque de Marianna, ce qui clôt la fête religieuse, ou du moins la série des offi.:es. La foule qui assiste à cette cérémonie est énorme, car des indulgences sont accordées à tous

les assistants. Ensuite tous les dévôts disent adieu à

l'image miraculeuse de leur saint. Hommes, femmes, enfants, s'amassent autour des autels, et passent souvent toute la nuit à chanter de mélancoliques litanies en demandant la protection de leur saint. La Chambre des Miracles est intéressante. Elle contient des peintures et des dessins représentant des circonstances dans lesquelles les pèlerins ont été sauvés de dangers imminents ou de la mort. A côté se trouvent de nombreux moulages en cire de têtes, jambes et bras offerts par des dévôts qui ont guéri de maladies affligeant telle ou telle de ces parties du corps; ainsi que des béquilles, bandages, habits, aliments, médicaments, bref tout ce qui rappelle aux intéressés le souvenir d'une guérison. On voit aussi dans cette pièce la croix authentique que les premiers colons ont élevée en ce lieu, et qui, dit la tradition, a commencé à opérer des miracles dès l'année 1700. Derrière l'église se trouvent les « Remarias » ou logements des plus pauvres parmi les pèlerins. Des milliers de malheureux y sont entassés comme des sardines. Ces bicoques appartiennent à une confrérie forte de 20000 membres, dit-on. Elle possède

aussi, derrière l'église, une maison de banque, où se traitent toutes les affaires financières. La description de Congonhas serait incomplète si l'on ne mentionnait pas les mendiants. Estropiés, lépreux, teigneux, toutes les maladies et toutes les misères des Minas Geraes s'y donnent rendez-vous et se rassemblent pour la plupart sur le chemin ou sous les murs de l'église. Les aumônes qu'ils reçoivent pendant la fête suffisent, en général, à les faire vivre tout le reste de l'année. Une partie des pèlerins ,divisent méthodiquementde grosses sommes d'argent en petites parts égales, qu'ils distribuent à tous les lépreux, goitreux, culs-de-jatte, etc., qui leur tendent la main. ° En résumé, le pèlerinage de Congonhas n'est pas sensiblement différent de ceux qui attirent les fidèles sous d'autres cieux, et c'est le milieu qu'il faut considérer, plus que les êtres qui y évoluent. Mais ce milieu a un caractère bien spécial, et nous ne connaissons pas un autre but de pèlerinage plus curieux par le mélange du sacré et des souvenirs profanes qui s'élèvent en foule dans cette région jadis païenne.

L'Influence allemande en Turquie. Turquie est en train de se manifester en ce moment par l'opposition faite à l'influence anglaise sur un point spécial. Parmi les affaires dont les Anglais poursuivent depuis longtemps la solution, il en est une qu'ils ne peuvent arriver à régler. Cette affaire est celle du prolongement de la ligne du chemin de fer Smyrne-AïdinDiner, à partir de ce dernier point, terminus actuel, jusqu'à Bouldour d'un côté, et jusqu'à Eyerdir de l'autre, soit en tout une centaine de kilomètres. La Compagnie de Smyrne-Aïdin est la première compagnie de chemin de fer créée en Turquie. Elle date de 1865' Elle n'a jamais bénéficié d'une garantie kilométrique. Seulement, au début, le Gouvernement s'était engagé à lui payer un intérêt de 6 pour ioo par an sur ses frais. Or, cet intérêt n'a jamais été payé, et en 1885 un arrangement survint par lequel le Gouvernement, en compensation des sommes dues à la compagnie, accordait à celle-ci certains embranchements, s'élevant en tout à i 5o kilomètres environ, toujours sans garantie kilométrique. Aujourd'hui, elle est en instance pour obtenir le prolongementpromis; sa demande, approuvée par le Ministère des travaux publics et par la Porte, se trouve au Palais, attendant l'iradé impérial dont la promulgation est arrêtée par suite de l'opposition allemande. Ce n'est pas que les Allemands y mettent leur véto; au contraire, ils laissent le Gouvernement libre d'accorder l'extension demandée, mais ils déclarent que dans ce cas ils insisteront pour que la garantie kilométrique de la ligne de Koniah, qui est de 13 823 francs, soit élevée à i 5 00o francs, ce qui fera une nouvelle charge pour le Gouvernement, de 24000 livres turques par an. Bouldour et Eyerdir, les deux points demandés par les Anglais, étant assez éloignés de la ligne de Koniah, on ne comprend pas très bien le préjudice mais comme le qu'ils peuvent porter à celle-ci Gouvernement anglais ne met plus la même vigueur qu'autrefois dans ses demandes, il est plus que probable que l'influence allemande l'emportera. Cette affaire, rapprochée de la concession du câble Constantza-Constantinople, qui met aux prises l'influence de l'Angleterre et de l'Allemagne, atteste une fois de plus la rivalité croissante des deux nations. L'INFLUENCE allemande en

Préliminaires de la

Paix russo-japonaise.

Les plénipotentiaires russes et japonais sont enfin tombés d'accord sur toutes les clauses du futur traité de Portsmouth. Les questions capitales cession de territoire et indemnité, ont été tranchées dans le

sens que nous regrettions, dans notre dernier numéro, de ne pas voir adopter la Russie ne paye pas d'indemnité, et cède la partie méridionale de Sakhaline au Japon.


tonnage de jauge des navires entrés et sortis dans les principauxportsfrançaisetétrangers,démontre l'accroissement considérable de ces derniers par rapport aux nôtres. Cet accroissement, pendant les quatre Le

Ports français et Ports étrangers. Nous nous sommes maintes

fois fait l'écho des

doléances qui s'élèvent quotidiennementsur l'état comparatifde nos ports et des ports étrangers. Le rapport présenté par M. Aimond, député, au nom de la commission qui a été chargée d'examiner le projet de loi dit Programme Baudin, ajoute une note nouvelle et pessimiste au concert des réclamations sans cesse grandissantes. L'activité commerciale et industrielle de l'univers se trouve concentrée dans les quatre nations suivantes Angleterre, Allemagne, Etats-Unis, France, dont le mouvement de tonnage de la marine marchande, de 1890 à i goo, s'est élevé de tonneaux à 7207610o pour l'Angleterre; 1 857 000 tonneaux à 2 921 000 pour les Etats-Unis; 660000 tonneaux à 365 000 pour l'Allemagne; 490000 tonneaux à 574000 pour la France.

5 °42

dernières années, a atteint

25 ojo à Hambourg 0~o à Rotterdam 30 0/o à Anvers

4

tandis qu'il n'a été que de

2 13 2

2 0/0

à Marseille

0/o à Dunkerque 0/o au Havre.

Si l'on considère le mouvement annuel d'expor-

tation, on constate, pour la période comprise entre 1896 et i goo, un gai de 30S 000 tonnes à Marseille

277000

z58 000 83 000

à Dunkerque

à Bordeaux au Havre

tandis que pour la même période le mouvement d'affaires du port de Hambourg se chiffre de la manière suivante

1 17

1896.. 1897. 1898. 1899.

5 955 729 6 481 33

tonnes

7366927 8 671 104

C'est-à-direqu'il augmente par bonds annuels de 9°0 000 Nous n'avons rien à dire tonnes en moyenne. de l'Angleterre, qui est toujours Cette prospérité considéla u reine des mers », mais la rable du port de Hambourg est tendance expansive de l'Amédue au concours efficace de plurique et l'accroissement du trafic sieurs causes développement allemand sont bien faits pour des installations, perfection de l'outillage et de l'organisation nous surprendre et nous inquiéter. intérieure, extension considéLes Etats-Unis accusent rable du réseau des voies navigables qui y affluent, application une augmentation de plus d'un milliard de tonnes en dix ans, de tarifs de transport avantaTABLEAU COMPARATIF DU MOUVEMENT DES PJRTS et l'Allemagne doublefacilement FRANÇAIS ET ÊTRANGERS~ geux, etc. Les mêmes causes ont son trafic dans le même temps. Les progrès de la navigation amèneront, d'un produit les mêmes effets à Anvers, à Rotterdam et autre côté, l'augmentation continue des dimensions même à Gênes. des navires. D'après l'ingénieur américain Corthel, au Tableau cona~aratif des principauxports de l'Europe, par milieu de ce siècle, vers 1950, les dimensions des grands vapeurs seront longueur, 300 mètres; tirant ordre d'in ~~ortance, d'après le tonnage d'entrée, en d'eau, io mètres; vitesse, 24 nœuds. ~85o et en t9oo Pour ces deux raisbns, qui se complètent l'une EN 1850 l'autre, augmentation de trafic et augmentation des Tonnes dimensions des navires, il est nécessaire d'agrandir nos ports, qui sont reconnus déjà depuis longtemps 1. 2 500 000 insuffisants. 2. Liverpool 2 000000 Marseille 3. 900 000 Il y a quelques mois, lors du lancement du La Anvers 580 000 4. Provence, qui va être la plus forte unité de notre marine 5. Le Havre 390 000 commerciale, le président de la Compagnie générale 6. Amsterdam 350000 Transatlantique, M. Charles Roux, déplorait que les 7. Rotterdam 300 000 8. Brême 225000 dimensions des bassins du Havre aient obligé de limi9. 200 000 ter à 190 mètres la longueur de ce grand paquebot, qui 160000 10. Bordeaux aurait dû avoir tout au moins 200 mètres. Dunkerque So 000 1 1.

Londres.

Hambourg.


EN

1900

Londres. Hambourg.

1. 2.

Anvers Liverpool Marseille Brême Le Havre

4, Rotterdam. 3

5.

6, 7. S. 9.

Gênes.

io, Amsterdam 1

1.

12.

Dunkerque. Bordeaux

Tonnes

10000000 8 000 000

7000000 5 700 000 5 300 000

4800000

4700000 2 500 000 2 200 000

900 000 1400000 1000000

Ces chiffres permettent de constater tout d'abord que Marseille, qui occupait jadis le troisième rang des ports européens, et qui venait en tête des ports continentaux, n'arrive aujourd'hui qu'au sixième rang, concurrencé de près par Gênes, qui doit, en grande partie, sa prospérité actuelle au réveil économique de l'Italie

du nord, sous l'influence allemande, et au percement du Gothard. Par contre, Hambourg fait un bond prodigieux du neuvième rang au second, et se classe immédiatement après Londres, à la tête des autres ports du vieux monde. Anvers et Rotterdam marquent aussi de notables progrès, tandis que le Havre est fortement distancé et que Dunkerque et Bordeaux se partagent les derniers rangs. L'historique des travaux entrepris depuis quelque vingt-cinq ans dans les ports étrangers, expliquera leur essor prodigieux. Pour le port de Hambourg, qui est devenu le premier de l'Europe continentale, le troisième du monde après Londres et New York, qui, à lui seul, exporte et importe un nombre de tonnes de marchandises au moins égal à celui qui passe dans tous nos ports français et dans toutes nos douanes, il a été dépensé, de i88o à 1897, près de 30o millions de francs, dont 5° millions fournis par l'Etat. La Société qui possède les entrepôts du port franc a élevé des magasins qui lui ont coûté 22 millions et demi. En 1897, on a décidé un nouvel ensemble de travaux estimés à 5o millions de francs. Une somme de 13 millions a été consacrée, en outre, à l'accroissement de l'outillage électrique et hydraulique. Enfin, il a été créé, à l'embouchure de l'Elbe, à Cuxhaven, un port qui a coûté près de 9 millions. En moins d'un demi-siècle, le port d'Anvers est devenu quinze fois ce qu'il était en 185°. L'Etat a consacré 117 millions à ses agrandissements successifs, et la ville d'Anvers une somme équivalente, sans compter les i oo millions employés à améliorer la navigation de l'Escaut. Un nouveau projet, sur le point d'être exécuté, a pour but de faire du port d'Anvers l'un des plus grands du monde. Son étendue actuelle sera triplée. La longueur des quais d'accostage direct passera de mètres, et celle des quais des 5 5°° mètres à 13800 bassins de 16000 mètres à 4660o mètres. L'ensemble des travaux nécessitera une dépense de 200 millions de francs, sans tenir compte de l'outillage des nouvelles

installations.

L'excellent port de Rotterdam a coûté, pour son amélioration,depuis 1870, environ 62 millions et demi.

Liverpool, le grand port de la Mersey, vient d'être l'objet d'améliorations considérables, dont le chiffre a dépassé i 13 millions de francs. Un autre travail a pour but de permettre l'accès de Liverpool, par tous les temps, aux plus gros navires. Dans ce but, la barre de la Mersey a été creusée jusqu'à 8m23 aux basses mers d'équinoxe. Quant à Gênes, dont nous avons souvent entretenu nos lecteurs, il est devenu pour la haute Italie, la Suisse et l'Allemagne, le principal port de transit sur la Méditerranée. C'est, en même temps, l'entrepôt du commerce des' charbons, des céréales, des cotons, des vins, du pétrole, etc. Une grande partie de ce commerce est entre des mains allemandes, et les principales Compagnies maritimes allemandes desservent ce port le Nordeaatscber Lloyd, pour l'Amérique, la Chine, l'Australie la Hambourgeoise Américaane, pour New York; la Compagnie Cosraos, pour le Pacifique; faisant ainsi directement concurrence aux trois grandes lignes françaises correspondantes Messageries Maritimes, Transatlantique, Chargeurs-Réunis. Le mouvement total du port de Gênes, qui était inférieur à 4 millions detonnes en 1894, dépasse aujourd'hui 6 millions, continuant à serrer de près celui de Marseille. Toutefois, il y a lieu de noter une importante différence entre le trafic des deux ports. Tandis que Gênes est par-dessus tout un port de transit, à Marseille la presque totalité des marchandises embarquées ou débarquées appartient au commerce ou à l'industrie locale. Le transit n'entre que pour une faible part dans le trafic de Marseille (i 3o ooo tonnes en 1895), qui a sur sa rivale l'avantage de n'être pas un simple lieu d'escale pour les transports, mais. bien une ville de négoce et d'industrie. Nous venons de constater qu'on n'a pas regardé à la dépense à l'étranger, pour constituer le formidable outillage des ports maritimes. Voyons maintenant ce qu'on se propose de faire chez nous pour nous mettre à même de maintenir notre situation ou de lutter contre nos concurrents. Sans entrer dans les détails de projets toujours remaniés, bornons-nous à indiquer le montant de la dépense Pour

Marseille. Havre.

34 millions 20 26

Le

Dunkerque. Bordeaux.

13 3

Ensemble.

93

millions

Soit moins de ioo millions pour l'ensemble de nos quatre grands ports, à peine la moitié de ce que l'on se propose de faire à Anvers, pour redonner à cette cité la suprématie conquise par Hambourg. Il est vrai que l'on améliore un peu partout nos autres ports, et que l'on consacre A

Boulogne. Dieppe.

Rouen.

Saint-Nazaire. Nantes

Cette. Bayonne

Ce qui fait en

environ.

10

millions 1/2 1/2

5

Il

J 2

22

2

3

tout une dépense de 160 millions


Ce

programme doit être exécuté en douze

années, avec le concours des villes et chambres de commerce intéressées. Ajoutons que, pour être réellement utilisable, l'agrandissement de nos ports doit être complété comme en Allemagne et en Belgique par l'amélioration et par l'extension des voies navigables intérieures. On est d'ailleurs d'accord à ce sujet, puisque l'ensemble des devis du programme comprend, pour ce dernier et important article, une somme de 500 à 600 millions. L'exposé de la situation se passe de tout commentaire, et démontre surabondamment la nécessité de hâter l'accomplissement de travaux qui nous permettent de garder au moins le rang qui nous est actuellement dévolu.

empoisonneur, qui poursuivait les femmes et les enfants cachés dans les tombeaux! Jusqu'à son dernierjour Brescia apportera dans la lutte cette âpreté rageuse qui la rend si prenante et repoussante à la fois. Le cercle se ressert peu à peu; finalement, pour échapper à Milan, Brescia se vend à Venise à qui, loyale comme elle le fut toujours à travers toutes les apparences de traîtrise, elle restera fidèle. C'est au Campo-Santo que j'ai voulu finir ma journée. Au bout d'une majestueuse allée de cyprès, les galeries et la rotonde étendent la richesse de leurs monuments. C'est une belle prairie piquée de croix et cerclée de marbres somptueux à l'abri des arcades d'un cloître géant. La mémoire pleine de souvenirs, je regarde les inscriptions qui couvrent les murs; je cherche machinalement le nom qui éveillera en moi quelques souvenirs du temps des Maggi. Et ce sont tout à coup des syllabes étrangères qui frappent mes Lemoine, dit troisième léger, Guy de Malipois, capitaine au neuvième chasseurs. Douloureusement yeux

L'Italie moins connue'. Brescia (fin).

être sûrs de travailler en paix, pour que les froissements quotidiens ne viennent pas raviver des querelles meurtrières, les nobles assimilés et les artisans s'entendent pour créer dans Brescia un gouvernement indépendant. Ce maître impartial qu'ils ont refusé des mains de Barberousse, ils se le donnent eux-mêmes c'est le podestat. Encore une fois apparaît l'éternelle pensée italienne, qui préside aux actes invividuels, comme aux grands mouvements généraux de la liberté particulière et solitaire de chaque cité. Ce qu'ont voulu les artisans et les bourgeois, c'est se développer sans maître, ni étranger ni même italien. Chaque ville veut être maîtresse de soi, et ne veut pas plus d'un seigneur qu'elle n'a voulu du roi lombard, ni de l'empereur allemand ou franc; qu'elle ne voudra, lorsqu'elles se jetteront toutes deux dans les bras de Venise, du Visconti ou de Maximilien. Elles courent toujours au plus pressé; puis elles retournent à l'idéal sacré de

p

OUR

leur indépendance et de leur liberté. Les entraves qu'elles mettent aux pieds du Podestat, les précautions dont elles entourent son pouvoir, ne sont que l'expression de ce sentiment soupçonneux. Et, plus tard, lorsque ce podestat sera devenu le podesdat ridicule que Boccace nous montre dans le Décaméron, ou le podestat-tyran, elles se débarrasseront de lui avec la même résolution qu'elles ont apportée à son installation, et au besoin appelleront l'empereur dont elles feront, après, l'affaire, pour qu'il les délivre. Ce sera l'ère des Guelfes et des Gibelins où, je l'ai vu en Toscane, le même mouvement d'indépendanceet de liberté se répète, inlassablement, mathématiquement. J'aimerais à suivre encore ici, dans ces rues si bien faites pour la guerre civile, les sauvageries guelfes et gibelines, chercher la trace des Malisardi, celle d'Eccelino, de Griffo et découvrir les dernières

pierres des forteresses de Pelavicino, mutilateur, I. Voir A Trae~ers le Monde, 1905, p. 23S, 262) 269

et 278.

retentissent ces consonnances familières. C'est ici le cimetière de Solférino. Combien des nôtres périrent non loin de cette ville, voici cinquante ans, pour la besogne de Sisyphe entreprise par Charles VIIIl' Encore une fois l'Italie a appelé l'étranger pour

la délivrer. En voici le plus saisissant témoignage. Les Français ont encore passé les Alpes, comme l'empereur allemand les passa tant de fois. Et la France d'aujourd'hui, ayant délivré les cités, est partie sans rien prendre qui ne fût déjà sien. Etrange nouveauté Sera-ce du moins la dernière descente, et l'Italie, qui dut tant de ses malheurs à l'imploration de ces secours d'outre-monts, a-t-elle enfin trouvé la forme parfaite et idéale de liberté et d'indépendancequ'elle a toujours et continument,cherchée? Mes frères qui reposent ici, ne se sont-ils pas trompés en unifiant l'Italie, en donnant à toutes ces cités un maître unique, descendu de la Germanie au temps des Othons?. Ces morts de ma race et de mon sang frémissent-ils sous le gazon que je foule pieusement, se demandant s'ils n'ont pas besogné, s'ils ne sont pas tombés sous les balles, vainement?. Et la réponse que je prévois, celle que je sens devoir faire bientôt à cette question de l'unité italienne, celle que je veux attendre encore de demander à Pétrarque, me chasse de ces portiques -vers d'autres cités où elle se précisera la tête basse, les yeux

brûlants.

ANDRÉ MAUREL.

A.

Halot.

L'Extrême-Orient.

Paris, F. Alcan, 1905..

1

vol. in-

18

de

2 12

pages.

Halot est consul du Japon à Bruxelles. Il expose dans son livre les causes morales de la guerre sino-japonaise

894-IS95), les ciIconstances de

l'expédition internationale

~je t9oo, les origines du récent conflit russo-japonais. Le Japon moderne ne semble être, à son point de vue, que l'épanouissement normal d'un passé de plus de vingt siècles,

l'adaptation finale d'une vieille civilisation, raffinée bien avant la nôtre, aux conditions du monde actuel.


AFRIQUE

Le Chemin de fer du Nil à la mer Rouge. Il résulte des renseignements sur cette voie ferrée, insérés dans le dernier rapport de lord Cromer sur la situation de l'Egypte et du Soudan Egyptien, que, au 15 mars ~905, 70 milles avaient été construits au départ de l'Atbara et 5o au départ de Souakim. Dans cette dernière section est comprise la partie de la ligne dont l'exécution est la plus difficile. On espère que, si aucun incident ne survient, la ligne sera achevée entièrement au printemps de i go6. L'année dernière on avait tenté d'utiliser sur les chantiers des Bédouins pour les travaux de terrassement. L'essai, qui était intéressant, n'a pas réussi, en raison du peu de disposition au travail des nomades; mais cet échec, si nous en croyons les conclusions des services techniques, n'est pas tel qu'il faille renoncer pour l'avenir à renouveler cette ten-

tative.

Le Chemin de

fer de Khartoum.

On sait qu'il existait au Soudan égyptien deux lignes de chemin de fer en exploitation l'une allant de Ouadi-Halfa à Kerma, près de Dongola, l'autre de Ouadi-Halfa à Halfaya, en face de Khartoum. On vient de décider de supprimer la première. Etablie au moment de la campagne de 1896 dans un but stratégique, elle n'était plus en état de rendre aucun service et ne valait pas les sommes nécessaires pour la remettre en état. On utilisera le matériel ainsi disponible pour établir une voie ferrée entre Abu-Hamed et Kareima, d'où une bonne voie d'eau conduit à Dongola. La nouvelle ligne, que l'on pense ouvrir au trafic au printemps de 1906, mettra en communications relativement faciles et rapides la province de Dongola avec la région de Khartou:n et la mer Rouge. Quant à la ligne de Khartoum à Ouadi-Halfa, elle a effectué une recette, en 1904, de 130 400 livreségyptiennes, contre 1 16 200 livres égyptiennes de dépenses. Le coefficient d'exploitation atteint donc 89 pour 100. Ce chiffre élevé s'explique par les abaissements considérables de tarifs qui sont consentis en faveur du commerce, afin de favoriser le développementdes échanges au Soudan.

Dans l'Est-Africain allemand. Le gouverneur de l'Afrique orientale allemande, comte Gcetzen, vient de rentrer d'un voyage de mission dans les stations du lac Victoria. Il s'était embarqué à Dar-es-Salam le 27 mai, accompagné de plusieurs officiers et de l'explorateur Joachim Pfeil. De Zanzibar à Mombasa la mission fit route avec le général Gallieni. De Mombasa le voyage fut poursuivi en railway jusqu'à Port. Florence, sur le lac Victoria, et, de là, par bateau, aux postes suivants le 5, à Mouanza; le 7, à Boukoba le i i, à Entebbe (capitale de la colonie anglaise de l'Uganda, où la mission fut reçue officiellement), et le 15 à Nairobi, capitale de l'Afrique orientale anglaise. Sur le trajet de retour, commencé le 20 juin, furent encore visités les centres de Mombo, Wugiri et Amani. Le Gouverneur a pu constater que les ports allemands sur le lac sont en plein développement, que les exportaticns

d'arachides prennent une grande extension à Muanza, et que le commerce des peaux est très prospère. Toutefois la maind'oeuvre se raréfie dans l'intérieur, les indigènes se portant de plus en plus vers les côtes; d'aucuns voudraient leur voir interdire cet exode.

Les quatre sultans du district de Bukoba ont renouvelé leur soumission sous serment. ASIE

La Peste dans l'Inde. L'épidémie de peste qui ravage depuis tant d'années l'Inde continue avec la même .intensité. Pendant la semaine

ayant pris fin le 22 avril 1905, 54 602 rnorts ont été produites 7S6 pendant la semaine précédente. par le fléau, contre proportion maintient, l'année courante sera sans Si cette se doute celle pour laquelle les statistiques de la mortalité par la peste auront été le plus élevées Au reste, depuis quatre ans la progression est constante. En 1901, le nombre total' des victimes de la peste avait été de 273 679; en 1902, il s'est élevé 5~~ 4z~; en 1903, à S51 263, et en 1904 enfin il a atteint 1 022 299. Or déjà, du 1er janvierau 15 avril 1905, lesstatistiques accusent 576 3S6 décès et ce chiffre ne doit être considéré que comme un minimum. Quelques détails sur les chiffres que nous avons donnés ci-dessus sur la mortalité, pendant la semaine ayant pris fin le 22 avril, permettront de se rendre compte de la répartition actuelle du fléau. Durant cette période, la mortalité, avons-nous. dit, s'est élevée à '54602; le nombre des cas avait été de 64 214. Ces chiffres se décomposent de la manière ci-après:

5

Présidence de Bombay Présidence de Madras

3497 cas. 65 4 693

Bengale Provinces unies Punjab Birmanie

18249

2787 décès. 65

4351r 16637

33 162

27362

centrales.

183 223

175

centrale. Radjpoutana

50

Provinces Etat de Mysore

Etat d'Haïderabad

Inde

Kachmire

401 117

17'5

40

316 84

2924

2406

359

215

Ajoutons d'après le journal médical anglais bien connu The Lancet, qu'il a été fait ce printemps-ci un usage assez étendu de sérum antipesteux préparé par l'Institut Pasteur de Paris, et que, bien qu'il soit un peu prématuré d'émettre sur son efficacité un avis définitif, cependant plusieurs résultats heureux tendent à démontrer sa grande valeur. RÉGIONS POLAIRES

Le Pôle du froid. M. Borissov a fait un voyage à la Nouvelle-Zemble, et parmi les nombreuses collections rapportées par lui, il faut

noter un billet enfermé dans une bouteille et signé par les savants autrichiens Gefer et Viltchek. Ces deux voyageurs avaient laissé cette bouteille en 1872 avec des thermomètres que M. Borissov avait retrouvés et qui marquaient les tem-

pératures minima et maxima. Il semble prouver que, dans le courant de trente ans, la plus haute température à la Nouvelle-Zemble ait été de 120 Réaumur au-dessus de zéro et la plus basse de 52° audessous de zéro, c'est-à-dire+ 15° et 65° centigrades. Le comte Viltchek avait donc raison de dire que là était ce qu'on était convenu d'appeler un pôle de froid. Dans l'hémisphère boréal, disent les savants russes, il y a donc deux pôles du froid le premier, à Verkhoïansk, dans la province d'Iakoutsk, avec une température annuelle 5~0); de 170 centigrades (janvier a une moyenne de le deuxième, le territoire de Lady Franklin Bay dans l'Amérique du Nord, avec une moyenne de 200 et où le mois l'année froid de 400). le plus de février est

(-

AMÉRIQUE

L'Influence allemande dans l'Amérique du Sud. Le Gouvernement allemand a accordé une subvention de 50 000 marks aux écoles allemandes dans la République

Argentine.

Cette mesure entre dans le plan général de l'Allemagne qui s'ingénie à tout fournir à l'Amérique du Sud, même les officiers.


Port-Say, le Poste avancé de l'Algérie sur la Frontière marocaine. L'écbeveau marocain se dévide avec peine, et cbague jour apporte sa d~culté ou sa co~ia~lication. L'affaire de l'Algérien Si Bou M,~ian s'est réglée au mieux de nos intérêts et de notre dignité; mais à quand une nouvelle affaire? Si la pénétration pacifzque doit faire place un jour à des démonstrations~lus efficaces, le ~etit Port-Say, Placé sur la frontière algéro-marocaine, est ap~elé à jouer un rôle important; et si sa valeur stratégique n'a pas lieu d'être é~rouvée, le commerce et l'influence française trouveront en lui un auxiliaire précieux.

LA A frontière de l'Algérie et du Maroc est, on le sait, uniquement déterminée par un bornage conventionnel. Dans la partie tellienne, où depuis 1848 a été opéré un travail de délimitation sur le terrain, nul fleuve d'importance ne creuse entre les deux pays un fossé infranchissable, nulle haute montagne n'étage ses cimes en barrière insurmontableou même difficile. C'est en effet une caractéristique

notoire

de toute

de Bugeaud sur l'oued Isly, revendiquer énergiquement ces ( limites naturelles », et le moment serait peut-être mal choisi pour les réclamer aujourd'hui. Un ruisselet, l'oued Kiss, dont l'embouchure est à peine distante de 14 kilomètres de celle de la Moulouïa, constitue donc, jusqu'à nouvel ordre, notre frontière dans la région maritime entre l'Algérie et le Maroc. Est-ce un bien, est-ce un mal ?

tout n'estil pas de tirer proLe

cette région, que cette continuité en

fit, dans la plus

deçà et au delà de

large mesure possible, des situations géographiques actuelles ? L'inexistence d'obstacles entre l'Algérie et

la frontière politi-

que, des mêmes aspects géographiques mêmes plaines, mêmes plateaux mamelonnés, mêmes étendues quasi désertiques du Dahra marocain et des steppes d'alfa algériennes. Ce que l'on appelle l'Est-

le Maroc, prête singulièrement à l'ex-

tension des relations commerciales, facilite d'autant les échanges, permet même de réaliser une certaine

Marocain" est à cet égard la continua-

pénétration pacifi-

PORT-SAY ET LE CAMP DES ZOUAVES.

tion de l'Algérie et D'après une photographie. que du pays. Si l'on considère, de plus, en contraste complet avec tout le reste du Maroc, verdoyant, abondamque la côte du Maroc dresse entre la Méditerranée et ment arrosé par des pluies fréquentes et des cours les régions fertiles du Gharb et du Haouz le triple d'eau à débit constant. obstacle des chaînons du Rif peuplé de Berbères Cette similitude des deux régions a poussé farouches, tandis que la vallée de la Moulouïa n'est certains esprits politiques à réclamer comme leur séparée de notre Algérie que par une plage hospitafrontière naturelle le lit de la Moulouïa, le fleuve le lière, une conclusion s'impose l'importance commerplus important de toute l'Afrique du nord-ouest; des ciale du pays est surtout appelée à se développer sur considérations historiques militent peut-être aussi en le front de mer de la frontière algéro-marocaine. C'est précisément ce dont viennent de s'apercece sens. Mais nous n'avons pas su, après les victoires A TRAVERS LE MONDE.

370 LIV.

N~

3~.

16

Septembre ~905.


voir les Allemands on sait leur projet, en effet, d'établir un port à Saïdia, appuyé sur un bordj fortifié. Or Saïdia se trouve à 400 mètres de l'oued Kiss, frontière de l'Algérie: Par bonheur, cette conclusion avait aussi parù évidente à un Français, le lieutenant de vaisseau Say, voici quelque vingt ans. Mieux certes que par des règlements diplomatiques, ou des. notes de chancellerie, notre situation, prépondérante dans cette région du Maroc, sera tenue à l'abri d'un échec par la'création de Port-Say, rendant infructueux et de nul effet, l'établissement d'un port marocain-allemand à Saïdia. Saïdia, Port-Say, voilà l'intéressantehistoire qu'il est bon de conter, en même temps qu'il en faut dire 1 la genèse et On connaît ce recueil officiel de la géographie côtière publié par le Ministère de la Marine, sous le nom d'Instructions nautiques; c'est un des documents les plus sérieux à consulter lorsqu'il s'agit de savoir la valeur d'un port, la sûreté d'un havre. Or, après avoir démontré le caractère nettement inhospitalier de presque toute la côte d'Afrique,du détroit de Gibraltar à Oran (Mers el-Kébir), les Instructions nauti-

l'avenir.

comprise. Dès cette époque, il avait projeté d'y créer un établissement français, et lorsque la question de notre pénétration au Maroc eut progressé suffisamment, lorsque sa liberté d'action lui eut été rendue, le lieutenant de vaisseau de réserve vint hardiment bâtir une hutte de branchages à l'extrémité de la plage algérienne. C'était en 1900: en cinq années, une petite ville y est née, des jetées se construisent qui bientôt formeront un excellent mouillage. Comment dire l'heureuse surprise qu'éprouve le voyageur, de trouver ainsi à l'extrême limite de notre France africaine, toute une colonie naissante et déjà prospère; plus encore, un home familial où le meilleur accueil vous est réservé, cependant qu'après le dîner, dans cette vaste et belle salle du Colonial Club, le fondateur~é Port-Say vous intéresse au récit de ses tentatives, de ses difficultés vaincues, de ses espoirs Pour moi, je garderai de mon arrivée à Port Say un souvenir d'autant meilleur, que plus rude et plus malveillant avait été le chemin qui m'y conduisit. Maintenant, de grands progrès ont été réalisés un bureau de poste et de télégraphe fonctionne, une route

carrossable

peut vous y conduire de

Tlemcen et Lalla Maghnia; on m'assure même, qu'un service régulier de

reconnaissent pourtant une région ques

plus favorisée précisément la région qui va de l'embouchure de la Moulouïa au delà de l'oued Kiss, jusqu'au cap Milonia « Toute la plage est très saine. On

peut l'approcher partout à i mille

i

avec des fonds de

vapeurs sur Oran et Nemours vient

d'être organisé.

Mais, il y a quelques mois, le choix

touriste devait se faire entre un cheminement lent, fatigant, à mulet, sur des pistes dou-

du PORT-SAY

LA PLAGE.

D'après une photographie.

à à 12 mètres. Les fonds de 2o mètres sont à 2 milles de la côte ». Plus loin, les Instructions nautiques reconnaissent qu'à Port-Say la plage se continue; puis la côte comprend des falaises découpées, (( avec plusieurs petites criques ouvertes au nord-ouest, où les navires d'un faible tonnage peuvent trouver un bon abri contre les vents d'est et de nord-est ». Ainsi ressort déjà l'incontestable supériorité de Port-Say sur Saïdia la plage se trouve à Port-Say aussi hospitalière, mais de plus, abrit~e des vents par les hauteurs du cap Milonia. Les mêmes avantages y sont sensiblement départis, car ce n'est pas un kilomètre de distance en plus qui pourrait empêcher PortSay d'être considéré comme le terminus logique de la route naturelle creusée par la Moulouïa, en même temps que comme le débouché obligatoire des riches

plaines d'alentour, celles des Beni-Mansour,des Angad et des Trifas. Or, cette importance capitale de l'embouchure de l'oued Kiss, qui ne connaissait pas alors Port-Say, le lieutenant de vaisseau Say, en croisière dans cette partie de la Méditerranée, dès i88o, l'avait nettement

teuses, et tout le hasard d'une navigation sur le léger esquif, non ponté, d'un pêcheur. Cinquante milles à franchir dans cette dernière hypothèse; 8o kilomètres à avaler dans la première. Il est vrai qu'en dépit d'une promenade en mer brusquement interrompue par la tempête, malgré un semblant de naufrage dans la baie déserte de PortoSecco (le petit port), et, la nuit venue, à travers la brousse; l'escalade du cap Milonia; la fuite, sous l'orage, parmi les ravins du Chaïb Rasso, Port-Say me parut si séduisant, que je me trouvai récompensé de toutes mes fatigues. Le panorama est d'ailleurs merveilleux une plage immense s'étendant sur plus de 24 kilomètres, jusqu'au cap de l'Agua, en face duquel émerge la. triste possession espagnole des Iles Zaffarines; dans cette plaine, de l'eau partout, à fleur de sol, des vergers de figuiers et de grenadiers, puis des champs d'orge et de maïs superbes. En arrière, un plateau de faible élévation, puis à. perte de vue la plaine des Trifas et les sommets des Beni-Iznaten. Plus loin la vallée de la Moulouïa, les montagnes du Kebdana, d'autres sommets encore au milieu desquels


on devine la dépression du col qui mène à la fameuse Taza, puis à Fez. Et vraiment, à mon tour je me rendis parfaitement compte de tout l'avantage de la position de Port-Say au point de vue de la pénétration commerciale du Maroc par- l'Algérie. Car de ce port à Fez, par des voies faciles, c'est seulement 300 kilomètres, tandis qu'il en faudrait compter le double pour atteindre Oran, et qu'il serait malaisé de faire gagner Melilla par une route et une voie ferrée, alors que dès maintenant s'offre à notre invasion pacifique la vallée de la Moulouïa. Puis, guidé par M. Say lui-même, j'appris que ce n'était pas là toute l'importance de Port-Say des carrières de magnifique marbre blanc ne demandent qu'à y être exploitées par l'oued Kiss on peut accéder aux gisements considérables de Gharrouban, du Zeudal, etc., etc. (( L'importance commerdu Maroc oriental; le nombre des grandes agglomérationsà desser-

que pourrait jouer Port-Say comme abri d'une division de notre défense mobile; il faut espérer qu'on y songera, dans les milieux autorisés. Pour le Moment, à défaut de torpilleurs, Port-Say possède un petit détachement de zouaves chargés de surveiller la frontière, si proche. Cela n'empêche pas,-au contraire, les bonnes relations avec le pacha de cette kasbah de Saïdia qui est, sur ces confins éloignés, comme la première sentinelle du sultan du Maroc. C'est, d'ailleurs, le but ordinaire des promenâdés de Port-Say, que cette kasbah, non qu'elle constitue un monument remarquable, mais bien qu'il est toujours un peu piquant d'aller faire ainsi sa petite promenade quotidienne (( au Maroc ». Comme toutes les kasbahs marocaines, celles de. Saïdia consiste essentiellemeI)t dans une vaste cour entourée de

hautes murailles, et accessible par une seule porte fortifiée. Bien entendu, les murs sont délabrés, les meurtrières veuves de canons, vir et à approvisionner; la valeur la porte elle-même n'est point incalculable des gisements miblindée de fer; n'importe! Cette niers, très nom breux; l'exportation kasbah a un certain air guerrier, possible de cinq cent mille mouplein de promesses. Ce n'est pas tons et de cent mille bœufs pouune raison pour croire que le vant être embarqués directement maghzen songe un jour à faire de par ces plages françaises; la nécescette kasbah un Jort, au sens sité, enfin, de voir s'arrêter et propre du mot. Quant à créer sur charger, sur nos propres côtes, la plage un port, je ne sais vrainos propres caboteurs ou navires ment comment pu y songer, côtiers, obligés, depuis quatorze quel bénéfice et autre qu'une plus de large de notre ans, passer au grande facilité pour débarquernos littoral pour aller à Mèlilla comtroupes, le Gouvernement maropléter leur chargement avec des cain compte y recueillir. Il est produits du Maroc qu'ils pourvrai qu'une telle création ferait raient embarquer du Kiss; voilà, échec à la France; et ce serait un me disait M. Say, les raisons de indice de bien mauvais augure mon opiniâtre labeur. » que de voir le Maroc l'entreprenDe fait, en cinq années, des dre pourtant, la fondation de rues ont été tracées, tout un gros Port-Say nous rassure complètevillage construit, avec boulangement sur les conséquences évenrie, épicerie, cafés, forge, école, tuelles d'une semblable attitude hôtel, caserne des douanes, habidu Maroc. L'initiative allemande tations particulières, Une dont il est question, est vouée à première jetée à l'est a été comLE LIEUTENANT DE VAISSEAU SAY. un échec complet à Saïdia, du fait mencée, tandis qu'à l'ouest une même de l'essor pris par Port-Say. D'après une photographié. large digue était entreprise. Tous Dans ces temps-ci, où il est ces temps-ci, on travaille:fiévreusement, dans un noble de mode de critiquer la capacité colonisatrice de la et patriotique espoir; la nuit venue, des foyers à acéFrance, il n'est pas inutile de montrer ce que peuvent tylène permettent de ne point arrêter l'immersion dans réaliser parfois, tel M. le lieutenant de vaisseau Say, la mer des blocs de rochers, et aujourd'hui la jetée d'audacieux et persévérants Français. ouest vient d'atteindre son -300- mètre; avant l'hiver, JEAN DU TAILLIS. elle sera de 500 mètres au minimum, le havre sera prêt pour abriter les caboteurs.du port d'Oran. L'activité commerciale, comme bien on pense, a marché de pair Port-Say est devenu un centre d'achat de céréales des plus importants la dernière campagne n'a-t-elle pas réuni sur les (( chantiers plus de cent « Victoria falls » mille quintaux de blé et d'orge? De quel essor ne peut le on croire Port-Say susceptible, du jour où, son port achevé, les vapeurs pourront prendre charge à quai, et non avec. tous les aléas d'un ancrage dans la rade à Buluwayo que le voyageur, amené. du Cap en EST foraine! plein coeur de l'Afrique par le Zambèze-express»» Peut-être serait-il tout indiqué de noter le rôle prend le train qui l'emporte aux Victoria falls ».

on

etc.

Une Visite aux sur Zambèze.


huit heures du soir, je monte en wagon; ce n'est pas un train de luxe les compartiments sont étroits et durs. Pourtant, après le départ, un nègre du plus beau noir, portant des draps très blancs, m'ayant fait un lit pour la nuit dans le wagon, j'ai accepté, et, quoique cette installation n'ait ressemblé que de loin à celle du (( Zambèze-express », j'ai pu dormir quand même. J'ai apprécié surtout les couvertures, car les nuits sont de plus en plus fraîches, bien que je me rapproche de l'Équateur. Le lendemain, déjeunerà Wankie, où se trouvent des mines de charbons importantes. Là, on est dans une forêt, que le train traversera jusqu'à (( Victoria falls », et qui s'étend à 1000 kilomètres plus loin jusqu'au milieu du Congo il s'y trouvait récemment encore, des lions et autres bêtes féroces en grand nombre. Bien qu'il y en ait beaucoup moins depuis la construction de la voie, il s'en rencontre encore. Le train, après Wankie, continue à courir au milieu de la forêt. Pas de centres habités quelques maisonnettespour les employés du chemin de fer, parci par-là des paillottes de nègres; et c'est tout Vers deux heures et demie, un de mes compagnons de voyage crie (( Falls! » On se précipite aux glaces ouvertes nous voyons distinctement, non les cataractes elles-mêmes, mais la fumée liquide qu'elles produisent, bien qu'une heure de chemin de fer nous A

en sépare encore.

Enfin, à trois heures et demie, nous arrivons à la toute petite gare de (( Victoria falls », point terminus actuel de la ligne ouverte de ce côté. Cinq minutes à pied dans un sentier sablonneux, et l'on est à l'hôtel. Les chutes elles-mêmes ne se voient peu près un mille de terrain accipas de ce lieu denté nous en sépare; on voit seulement leurs fumées qui montent vers le ciel; leurs grondements se font entendre, par un temps calme, à -2o kilomètres de là. L'hôtel est bâti en face du Zambèze. De sa vérandah, on a la vue du pont en construction qui, après les cataractes, le traverse hardiment d'une seule arche. Le fleuve est ici très étroit, tandis qu'au moment où il se précipite dans un fossé gigantesque par un terrible bond, il a 2 kilomètres de large. Arrêté après sa'chute par le revers de la muraille de granit, il se fraye un passage de côté au fond d'un gouffre d'une profondeur insondable, et paraît avoir alors seulement la largeur de quelques mètres. A peine ai-je ôté la poussière du voyage, que je me dirige avec les personnes qui étaient avec moi dans le train, et qui, toutes, sont aussi des excursionnistes, vers les chutes, par un sentier poussiéreux tracé au milieu de la forêt. Un certain temps avant d'arriver aux cataractes,

à

on commence à sentir leurs embruns. Après avoir passé par la voie en construction du chemin de fer, j'arrive mouillée, mais ravie, sur une éminence qui domine les chutes, et je m'arrête, saisie d'admiration Le Niagara ne saurait soutenir la comparaison avec les (( Victoria falls », et le cadre tropical dans lequel se trouvent ces dernières cataractes, ajoute au charme grandiose de ces lieux privilégiés. En face de nous, de l'autre côté des chutes, la petite île de Livingstone les divise, et plusieurs rochers apparaissent aussi au milieu de l'eau écumeuse. Un

double arc-en-ciel se montre au milieu des cataractes.

Le soir, je suis retournée voir les chutes au clair de

lune; le spectacle était peut-être encore plus saisissant. Les rives du Zambèze sont couvertes d'une végétation admirable, et, dans le voisinage des chutes, l'humidité continuelle produite par leurs embruns contribue à faire pousser des plantes tropicales dans une température de serre chaude. Des lianes énormes

enlacent les arbres, des orchidées poussent dans les fentes des vieux troncs, des lycopodes et des fougères légères tapissent le sol. Grâce à l'aimable ingénieur français auquel est dû le beau pont encore inachevé du Zambèze, j'ai pu le traverser, et, quelques pas plus loin, bien me rendre compte du cours du fleuve, lequel tourne tellement après les chutes, qu'il paraît de loin faire une boucle. Du pont lui-même, la vue est très belle sur une partie des chutes; sauf du campement de l'ingénieur, situé à quelque distance du pont, il est à peu près peu impossible de les embrasser dans leur ensemble. Le lendemain, levée dès l'aurore, j'ai vu les cinq fumées décrites par Livingstone; c'est à la première heure qu'on les contemple nettement séparées. J'ai ensuite fait l'excursion ordinaire. Après avoir traversé la forêt pendant une demi-heure, et y avoir vu de gigantesques baobabs, on arrive à une petite crique sur le Zambèze, et l'on monte dans des barques. Nous longeons d'abord la rive opposée du fleuve, laquelle est délicieuse et bordée de plantes tropicales dont les rameaux trempent dans l'eau; puis nous remontons pendant deux heures le cours du

fleuve, en croisant canots et pirogues de nègres. La petite ville de Livingstone est le but de cette première partie du trajet; elle ne se compose que de quelques maisons et de paillottes de nègres; une mission protestante a construit une église en terre battue, et y fait des essais de culture. De Livingstone, nous sommes, mes compagnons et moi, remontés en bateau, et, traversant de petits rapides, après un endroit où le Zambèze est si large qu'une de ses rives apparaîtseulement dans un lointain vaporeux, nous avons fait escale dans une petite anse ombragée, et nous sommes promenés sous bois dans des sentiers à peine tracés. Nous sommes revenus à l'hôtel au moment où le soleil se couchait. Le lendemain, nous avons fait l'excursion, beaucoup plus courte, de l'île de Livingstone, d'où l'explorateur aperçut les chutes pour la première fois, et d'où leur vue est admirable. Il ne faut pas quitter Victoria falls sans aller voir la (( Chaudière du Diable », d'où l'on voit les cataractes de bas en haut, et (( Palmgrove », excursions un peu fatigantes, mais sans aucun danger, et dont on revient assourdi par le bruit des chutes, mais enchanté.

Après avoir contemplé les chutes et leurs envi-

rons sous tous leurs aspects pendant cinq jours,j'ai

pris le chemin du retour et suis revenue à Southampton, exactement sept semaines après avoir quitté ce port, gardant le radieux souvenir des merveilles contemplées pendant ce voyage, extrêmement facile à faire, même pour une femme voyageant seule. Mme LE GONIDEC DE PEULAN.


Nous regrettions dans notre numéro du 2 septembre courant de ne pas voir la Russie accepter le partage de Sakhaline; c'est cette clause à la Salomon qui

fini par être adoptée. Le trait qui partage l'île suit exactement le parallèle du 5oe degré de latitude nord et paraît à première vue la couper exactement en deux. Les extrémités méridionale et septentrionale de Sakhaline sont en effet respectivement par les 45e et 55" degrés de latitude nord; mais sa largeur la plus grande étant dans sa para

Résultats géographiques du Traité de Portsmouth. LES clauses territoriales du traité de Portsmouth concernent, on le sait, la Corée, la Mandchourie et Sakhaline. La Corée passe officiellementsousl'influence

tie nord, trois cinquièmes environ de la superficie resteront à la Russie, tandis que deux cinquièmes passe-. ront au japon. Cette dernière fraction comprend non seulement la péninsule en pince de homard dont les deux pointes s'avancent vers le détroit de Lapérouse, en embrassant entre elles la baie Aniva, mais aussi la baie de la Patience et l'île des Phoques. Cette région est doublement intéressante pour le japon au point de vue stratégique, en ce qu'elle le rend maître du détroit de Lapérouse, et ferme définitivement à son profit la mer du Japon au point de vue économique, en ce qu'elle lui assure définitivement les pêcheries dont il a besoin. Les Russes gardent la partie de l'île qu'on peut dire attenante à la province de Nikolaïevsk, puisqu'elle se réunit à la côte chaque hiver. et que le traînage s'établit entre l'une et l'autre à travers la Manche de Tartarie. Ici encore, l'intérêt économique est sauve-

LES DEUX BRANCHES DE L'EST CHINOIS.

japonaise; la Mandchourie est restituée à la Chine, Sakhaline est partagée entre Russes et Japonais. Les premières clauses consenties par la Russie, relatives à la Corée et à la Mandchourie méridionale, ne sont que la consécration pure et simple des faits

militaires accomplis. Sur les clauses qui traitent des deux branchesdu chemin de fer de l'Est chinois, dont l'une revient à la Russie, l'autre au Japon, M. Witte a su circonscrire aussi au terrain militaire les revendications de la diplomatie japonaise. En portant jusqu'à Kouan-Tcheng.Tséou le point de démarcation que le baron Komura voulait placer beaucoup plus près de Kharbine, il a assuré à la Russie une bonne situation stratégique autour de ce dernier centre; il couvre aussi par une convention en forme la situation jusqu'à présent mal déterminée, par conséquent précaire, de la Russie dans la Mandchourie du nord. Les Japonais s'appropriant la branche sud du chemin de fer, les Russes acquièrent à titre définitif la ligne de Kharbine vers Vladivostok.

L~ILE DE SAKHALINE ~LES NOMS SONT ÉCRITS A LA RUSSE).

gardé, en ce que la Russie se réserve pour l'avenir les

richesses inexploitées du nord de l'île et qu'elle ménage


au bassin non moins riche de Nikolaïevsk une expansion qui fût demeurée impossible si Sakhaline eût passé tout entière aux mains du Japon. L'intérêt stratégique russe ne peut plus être mentionné que pour mémoire; cependant, les bouches de l'Amour sont assez larges et assez profondes, elles sont assez bien fermées par le bouchon de Sakhaline pour qu'elles s'offrent comme la base d'une station navale défensive, dont on pourra faire plus tard un lieu de refuge éventuel pour la flotte de commerce russe en Extrême-Orient.

L'Italie moins connue1. Vérone.

CE matin, en ouvrant ma fenêtre, j'ai aperçu

les

Arènes, au sommet frappé de soleil, tandis que

les grandes bouches édentées des arcades ouvraient

leurs trous noirs. Seule, une femme, drapée dans un châle, mettait sa tache multicolore parmi ces ombres matinales. A ma mémoire, sont montées les périodes somptueuseset cadencées du grand Celte ennuyé baigne le lac, (( Descendue des montagnes que célèbre par un vers de Virgile et par les noms de Catulle et de Lesbie, une Tyrolienne, assise sous les arcades des Arènes, attirait les yeux. Comme Nina, pa~~a~er amore, cette joliecréature, aux jupons courts, aux mules mignonnes, abandonnée du chasseur de Monte-Baldo, était si passionnée qu'elle ne voulait rien que son amour; elle passait les nuits à attendre, et veillait jusqu'au chant du coq sa parole était triste parce qu'elle avait traversé sa douleur. » Qu'il dut être heureux ici, le noble vicomte de Chateaubriand, tandis qu'il besognait sa besogne la plus chère de séduction! Et je songe alors à un autre génie qui s'exalta devant le même spectacle et qui ne trouva, pour manifester son plaisir, qu'une phrase ridicule dont je m'amuse à prononcer tout haut les mots naïfs le premier monu(( L'amphithéâtre est donc ment important de l'antiquité que je voie; qu'il est Je fus surpris de voir quelque chose bien entretenu de si grand, et pourtant de ne rien voir à proprement parler. » Ce Perrichon est-il bien le même lyrique qui je me entra à Rome sur (( la roue d'Ixion souvenais à Lecco? Goethe, impérieux, égarait son génie dans l'ivresse conquérante du Germain, despote de l'Italie. Chateaubriand baignait avec aisance son coeur latin dans l'air dont il nourrit sa jeunesse et sa maturité. L'un était conduit ici par sa volonté, et ne participait à cette grandeur que par un effort de culture. L'autre y venait poussé par son instinct, comme on va vers une mère dont on est exilé. Chateaubriand est ici chez lui; Gœthe est invité, et son esprit pratique et sec ne voit que l'extérieur des choses dont Chateaubriand pénètre l'âme. Goethe reste l'intendant

1.

dont

i. Voir A Traz~ers

278 et 287.

le Monde, 1905, p. 23S,

z6z, 269

du faste grand-ducal de Weimar, tandis que l'enfant de Combourg se retrouve aussitôt le poète des nuits romaines, alors que, tenant dans ses bras la mourante Pauline, il goûtait sciemment la splendeur des étoiles parmi les ruines du Colisée. Ce souvenir accordé au génie, je veux à mon tour interroger la Nina d'aujourd'hui, et m'assurer que ce monument antique est bien entretenu. Mais Nina, lasse enfin d'attendre, s'est enfuie. J'aime à me l'imaginer le long de l'Adige, se dirigeant vers le Monte-Baldo à la recherche de son chasseur. Je monte Vecchio, au haut dés Arènes et, par-dessus le Castel il me semble l'apercevoir qui se hâte. Ses mules mignonnes soulèvent un petit nuage de poussière que le vent de ses jupons courts disperse. Que ton chasseur, Nina, t'accueille enfin Baissant les yeux, je regarde alors le cirque de pierre où Rome finissante retenait les peuples sous son joug, en les abreuvant de sang. Goethe a raison, c'est très grand, et on ne voit rien. rien que des

souvenirs

de carnage, le spectre de la déchéance

romaine. Sur ces gradins nus et brûlants, je me sens Je vois trop, au envahi de pensers funèbres. Rien contraire; mais des ruines, ruines des choses et des êtres qui ne subsistent plus que dans les évocations de notre esprit latin, ou dans les inventions classiques de nos poètes et de nos artistes. Nous avons sauvé de la civilisation romaine tout ce qui méritait d'en être conservé, et ce rappel des violences sanguinaires que commettaient ceux parmi lesquels nous avons choisi Sénèque et Virgile, nous donne la pudeur d'un fils de Noé. J'ai quitté ces aspects stériles, et je suis allé sur la pia,a delle Erbe renouer le fil de la vie. Quelle couleur, quel éclat, quelle vibration et quelle joie Tout un peuple actif s'agite et crie. Autour de la fontaine, aux eaux de laquelle préside une statue de Vérone, sous un vêtement antique, autour de la petite chaire civique d'où Venise, dont voici, sur une colonne, là-haut, le Lion sévère, dictait ses arrêts, le long des murs, débordant jusque dans les rues qui pénètrent ce

rectangle étroit, c'est tout un peuple de marchands, de bimbelotiers et dé camelots, qui s'abritent sous des tentes, dont le vent fait claquer les toiles rouges et vertes. Sous le soleil ardent, devant cet entassement d'herbes croúlantes, d'étoffes dépliées et qui secouent leurs écharpes au nez des passants, de parures populaires faites de verre grossier et de pierres biscornues, la foule s'entasse bruyamment, allant des fruits aux colliers, des cotonnades aux cuivres étincelants. Une petite fille aux pieds nus regarde avec envie des perles enfilées, et rêve de leur jeu bigarré sur son cou bronzé. Je lui en offre quelques-unes réunies en chapelet; elle se sauve éperdue. Sur cette terre battue par toutes les convoitises, l'instinct populaire n'admet pas que le bonheur puisse venir d'une main étrangère. Au-dessus de ce grouillement et de ces éclats, les mêmes formes et les mêmes couleurs enluminent et animent les murs des vieux palais. Sur la Casa Mazzanti, première demeure des Scala, des cuisses énormes et d'abondantes poitrines ont résisté à tous les badigeons, à tous les ravalements, à la lèpre ellemême, implacable aux vieilles murailles. Est-ce Lao-


coon dont j'aperçois les reins levés, ou bien quelque Armide s'offre-t-elle à Renaud ? Ces taches ne sont pas là pour amuser mon esprit, mais pour réjouir mes yeux. Voici encore, en face de ces nudités, d'autres fresques, plus effacées, moins païennes aussi. On dit que c'est la Vierge avec des saints. Ils rendent le même service que leurs voisins, de scintillement et de gaieté. Tout ici, d'ailleurs, flamboie. La Casa dei Mercanti rutile de toute sa restauration, la tour de l'Horloge incendie sous le soleil ses 8o mètres de pierre rousse. Et cette foule bigarrée, ces herbes, dont les tons et les contorsions se mêlent et s'écroulent, ces étoffes crues, ces murs multicolores, recrépis cent fois par des maçons fantaisistes, semble-t-il, qui auraient mêlé à leur plâtre des ocres et des carmins, et l'auraient ensuite étalé selon quelque rêve lubrique ou quelque inspiration bouffonne, tout cela entassé, superposé, rutilant, dans le concert de cris et de chansons d'une foule lâchée, est bien la fête la plus chaude aux yeux, la plus riantè et la plus saine. Qu'elle est paisible et solitaire, à trois pas de l'autre pourtant, cette petite place dei Signori, d'où la loggia de Fra Giocondo, tant elle a de discrétion et de calme, semble éloigner le peuple agité Elle impose même quelque douceur au ~ala~o della dragone dont la tour s'efforce, en vain, de nous écraser, et dont la cour s'illumine d'un escalier chatoyant. Au fond deux palais s'acognent à la loggia et sourient avec elle. Ce sont deux anciennes demeures des Scala. C'est ici que Dante, (( homme très illustre, dit la chronique, et qui charmait le seigneur de la Scala par son génie », trouva son premier asile et cadença les harmonieuses nouvelles de la Divine Conaédie. Mais

toutes mes complaisances vont à la loggia

aux arcades légères, aux fenêtres élancées, aux fines colonnes enluminées de marbres divers, aux médaillons rieurs, à la frise étroite que couronnent des statues de marbre. C'est le plus frais et le plus noble sourire de la Renaissance, que j'aie encore vu. Je veux m'en pénétrer le retrouverai-je encore dans cette ville de rudesse qui voulut, un jour tardif, être de grâce aussi? Tout à l'heure, sur la piazza delle Erbe, j'ai écarté résolument ce rappel que me faisaient les peintures de la Casa Mazzanti Mantegna et Jules Romain eurent beau renouveler cet art des maisons peintes, la mode n'en fut pas moins apportée en Italie par les hommes du nord. Le tombeau des Scala ne me dira-t-il pas la même invasion ? Et San-Zeno, Santa-Anastasia, le Dôme, me forceront, quoi que j'en aie, à suivre Théodoric à la trace. Lorsque, au xue siècle, les Allemands apporteront à l'Italie le style gothique, c'est en souvenir de ses premiers maîtres que Vérone l'adoptera avec tant de zèle. Tout le jour, j'ai soulevé la poussière septentrionale. En dehors de San Micheli, qui essaya, lui aussi, de créer un style, si ce n'est de monuments, du moins de palais et de portes, un style qu'il s'efforça de préciser à San-Giorgio-in-Braida, et dans deux ou trois églises, en dehors. de cet artiste, tout me dit la domination germanique. Rien ici, à part les deux places et I'oeuvre de San Micheli, qui ne soit le fruit des descentes germaniques. Aujourd'hui, tout Allemand qui passe en Italie et il y en l'Anglais lui-

a

même est noyé dans ce flot de Tedescbi insolents met pied à terre à Vérone. 11 ne fait qu'imiter ses ancêtres, qui secouèrent leurs sandales sur ce seuil. Théodoric, les Lombards et les Kaisers ont déposé sur la terre véronaise un tel limon que, cinq cents ans plus tard, ce fut à l'image de la leur, qu'elle se fertilisa. Qu'est donc ce tombeau des Scala, si ce n'est le dérèglement d'un instinct dévoyé, au service de l'orgueil le plus insensé? L'envolée de ces tombeaux, leur grâce même, leur délicatesse ajourée amusent, certes, et réjouissent l'œil le moins curieux. Mais ces cavalier!' haut perchés sur des pointes d'aiguille défient toute indulgence. Il n'est pas jusqu'aux noms inscrits sur ces tombes, qui ne me rappellent à la logique et à la proportion. Mastino 1er et Cane le Grand reposent dans de simples sarcophages qui ne provoquent pas le bon sens, et ils étaient vraiment les seuls dont le génie eût pu rendre indulgent pour cet excès de culte posthume. Leurs successeurs, qui s'élevèrent à eux-mêmes ces tombeaux, n'avaient pas l'excuse, que l'on n'a jamais d'ailleurs, d'être ridicules par trop de grandeur; ils n'eurent même pas le peu de goût qui suffit à interdire de grimper à cheval sur des clochers. La postérité, elle, ne s'y trompera pas. Elle se refusera à reconnaître ces tyrans affolés pour des Scala italiens, et elle ne les désignera plus que sous le nom germanique de Scaligers. J'ai laissé cette démence, et suis allé demander aux églises un peu de simplicité et de modération Santa-Anastasia et les belles proportions de ses nefs majestueuses, le Dôme au riche portail tout fleuri de statues, San-Dermo et sa façade de terres cuites, SanZeno enfin, dont la mâle grandeur me retient plus longtemps. (A suivre.)

ANDRÉ MAUREL.

H. Dehérain.

L'Expansion des Boers au XX~ siècle. Les préliminaires de l'émigration. L'émigration. Les Boers au Natal. La fondation des républiques boers. 1 vol. in-~6; broché. Prix 3 fr. 5°. Hachette et (le, Paris.

La- lutte

que les républiques boers ont soutenue pour conserver leur indépendance est encore présente à l'esprit de tous. Mais comment ces républiques s'étaient-elles fondées, c'est ce qu'on avait jusqu'à présent négligé de rechercher. Et cependant, après avoir lu le livre de M. Henri Dehérain, on s'étonnera que ce beau sujet de l'Expansion des Boers au XIX- siècle n'ait encore tenté en France aucun historien. Les deux conquêtes du "Cap par les Anglais, en 1795 et en 1806, les causes pour lesquelles leurs nouveaux sujets refusèrent de rester sous leur domination et résolurent d'émigrer dans les régions presque inconnues situées au nord de l'Orange, les luttes des Boers contre les Matabélés et les Zoulous, leur tentative infructueuse pour s'établir au Natal, et finalement la fondation de la République Sud-Africaine en 1852 et celle de l'Etat libre d'Orange en IS54, telle est la suite des événements que l'on trouvera exposée dans cet ouvrage, conçu dans un esprit rigoureusement scientifrque, mais écrit dans un style qui en rend la lecture des plus attrayantes.Illustré de cartes, complété par une bibliographie critique, ce volume deviendra pour l'histoire moderne de l'Afrique australe le livre de fond de toute bibliothèque.


Londres.

La Guerre en Macédoine. année, fait LA Mandchourie nous a, pendant plus d'une choses qui

se oublier la Macédoine, et cependant, les plus les horreur surpassent dernier dans en passent pays ce sanglants épisodes de la guerre russo-japonaise. En ExtrêmeOrient, on se fait la guerre en observant les lois de l'humanité et le droit des gens; en Macédoine, c'est sur les innocents et les faibles, vieillards, femmes, enfants, que sévit surtout la fureur des soldats turcs et des insurgés bulgares. Un Anglais, M. Henry W. Nevinson, chargé, il y a quelques mois, d'aller porter à ces victimes de l'argent et d'autres secours, nous raconte ce qu'il a vu. Nous détachons de ses descriptions saisissantes quelques traits particulièrement effroyables. Reçu d'une manière charmante par Hilani pacha qui, de Monastir, s'occupait officiellement à « pacifier la contrée », M. Nevinson se vit attaché, soi-disant pour le protéger, en réalité pour l'espionner, un officier turc avec une escorte de dix hommes. C'est dans cet équipage que le philanthrope anglais parcourut à cheval une série de village3 turcs ou grecs dans les environs de Monastir. U visita en premier lieu, à trois heures de cette ville, sur la route d'Ochrida, une belle voisine de ou plutôt qui le fut, et riche bourgade Javata. Aujourd'hui, c'est un monceau de ruines. Un jour, soi-disant parce qu'un convoi turc avait été attaqué par une bande d'in_urgés, en réalité parce que quelques habitants de Javata avaient osé demanderla protection des autorités contre les corvées (forced labour) qui leur étaient imposées par leurs voisins de nationalité turque, on télégraphia à Monastir que le village était en plein révolte. Mais, avant même que des troupes vinssent de cette ville, les paysans armés de la contrée, qui étaient de race turque, tombèrent sur Javata, le livrèrent au pi!lage, puis l'incendièrent. Les troupes arrivèrent alors avec deux canons et achevèrent l'ouvrage; d'une florissante bourgade, elles ne laissèrent que deux maisons debout. Ceux des habitants qui purent échapper errèrent dans la montagne pendant trois semaines; puis la plupart se glissèrent dans Monastir même; d'autres trouvèrent un refuge dans les villages des environs, où ils se livrèrent timidement à quelque culture, mais en essuyant des coups de feu de la part des paysans turcs. C'est ainsi qu'une femme fut tuée et une autre grièvement blessée, sans pouvoir obtenir justice contre les meurtriers. Au moment où M. Nevinson visitait l'emplacement du malheureux village, des gendarmes cherchaient à contraindre les fugitifs à retourner à leurs maisons en ruine, en faisant alterner les promesses et les menaces. Ils faisaient miroiter aux yeux de ces pauvres gens des perspectives de secours matériels de la part du Sultan, quelque chose comme vingt qui en exigeou trente francs pour aider à rebâtir des maisons raient mille ou seize cents! D'ailleurs, meubles, denrées, bestiaux, tout leur avait été enlevé. Ces malheureux, dans les maisons qui les avaient recueillis, vivaient parfois au nombre de 15 et même de 17 sous un même toit, dans la même pièce. Ils n'avaient pas de la peine à la tenir propre, vu qu'elle était vide. Le seul meuble était, étendue sur la terre battue qui remplaçait le plancher, une natte, ou plutôt plusieurs nattes, chacune d'elles appartenant à une famille distincte, dont tous les membres couchaient dessus comme ils pouvaient. Et les familles ne se mélangeaient pas; on eût dit qu'elles étaient séparées l'une de l'autre par des cloisons invisibles. Comme nourriture, elles avaient du maïs et du poivre rouge qu'elles avaient mendié. Plus loin, s'élevait Buf, ou Peristeri, pour lui laisser son nom grec. Ce village, juché sur un rocher, comptait dans ses beaux jours jusqu'à 25° maisons. Après la visite que lui firent les soldats turcs, il ne resta plus que 14 bâtiments debout`. Et dans quel état encore! Quand le voyageur s'en approcha créaavec son escorte et son surveillant, quelques misérablesquoi? champs. tures étaient en train de ramasser dans les A la vue des Turcs, elles prirent un épi, une maigre racine.désespoir, l'emportant sur la peur, la fuite, sauf une à qui le donna l'audace de s'avancer vers les cavaliers et de crier sa

misère. Son mari et son petit garçon avaient été tués à coups de feu en essayant de s'échapper; sa maison était en cendres, ses ses bestiaux dérobés,ses provisions de grains détruites rien. restait lui Il disparu. avait vêtements, son lit, tout ne Pourquoi tuée? m'avez-vous ne me tuezpas u Pourquoi ne écartantsachevelurede son cou hâlé, vous pas?» cria-t-elle en à l'officier turc, qui la regardait sans dire un mot, sans que tressaillit un muscle de son visage. Dans d'autres villages, même histoire, mêmes atrocités. Ainsi, un jour, un corps de troupes turques descendait de la montagne, lorsque des Komitadjis (insurgés), au nombre de quinze, firent feu sur lui du haut d'une colline, puis s'enfuirent dans les bois. Au lieu de les poursuivre,les Turcs s'en prirent au village voisin, qui n'en pouvait mais. Les habitants étaient même si éloignés de nourrir une pensée hostile à l'égard des soldats, qu'on les vit s'avancer à'leur rencontre, les mains chargées de provisions. On en tua plusieurs, et l'on mit le feu à une première maison. Alors, fuite générale. Tout fut incendié, y compris une des deux églises; l'autre fut pillée et profanée. C'est ainsi que M. Nevinson visita les ruines de quatrevingts villages Nevokazi, Armensko, Klisura une ville, Zagorec, Olista, Bambuk, etc., etc. Partout, mêmes scènes d'horreur, partout des fugitifs pourchassés, mourant de faim et d'épouvante, dont les uns courent les bois et la montagne, dont les autres reviennent furtivement camper sur les ruines de ce qui fut un jour leur maison, souvent prospère, et leur paisible foyer. Berlin.

j

Les

Japonais en Partie de plaisir.

Hans von Koenigsmarck a eu l'occasion de M. lefairecomtetrajet, dans la Mer Intérieure du Japon, avec

un japonaisesqui faisaient une partie de plaisir. familles des Voici, entre autres, un joli tableau de ces excursionnistes d'Extrême-Orient réunis par familles sur le pont d'un steamer

Nies compagnons de voyage sont là comme chez eux. C'estun grouillement d'enfants, de jeunes gens de vieillards. On mange en

cette famille, on boit du thé en famille, on fume, on rit. On jouit deJapoLe vie de la monotonie courante. la vient excursion qui rompre qui ne nais n'a aucun goût pour l'existence de petits bourgeois main. à la la toujours montre ont sortent jamais de chez eux et quioccupations faire aller tour un là pour Quand il le peut, il plante ses d'argent de et c.:n perd beaucoup de Il temps thé. dans une maison compagnie de « geishas C est, d'ailleurs, son seul plaisir; il n'aime ni le jeu ni les sports. ensemble Sur le pont du bateau, hommes et femmes se groupentdes livres. lisent des journaux, vOIre ct causent gaiement. D'autres huit il cents de journaux, en a est devenu grand lecteur Le viennent. et petits enfants et les vont à sa disposition. Cependant, qui grandes des les jambes personnes dans jeux poursuivent leurs Paradis des On a appelé le Japonle es ragardent en souriant. une parole grossière enfants ». En effet, ceux-ci n'entendent jamaissoins les plus tendres. des entourés et sont ou irritée à leur adresse, souriants, ils prennent euxvisages des d'eux que Ne voyant autour ·mcmcs l'habitude de sourire et de faire un gracieux accueil à tout le monde.

nais

REVUE SUISSE

La Réclame aux États-Unis. l'Union pour comprendre IL faut visiter le nord-ouest de véritablement ce que ce mot signifie. New York, Boston et

même Chicago sont encore dans l'enfance sous ce rapport, comparés avec les jeunes et entreprenantes cités des Etats d'Idaho, d'Orégon et de Washington. Là, l'advertising spirit, et, plus encore, un phénoménal esprit de clocher semblent s'être infusés jusque dans la moelle de la population. De Portland à Spokane, il n'est pas un enfant, peut-être, qui ne puisse Vous dire l'accroissement de sa ville ou de son village dans les trente dernières années. De peur qu'on ne l'oublie, des chiffres énormes, éclairés le soir à l'électricité, ou des fiches distribuées aux passants, le crient sans relâche. Dominant l'exposition de Portland, en caractères de feu se dresse la réclame Watch Tacoma grou (Contemplez la croissance de Tacoma). A quoi Vancouver répond, par la voie de milliers de prospectus: a Vancouver.croît sans qu'on la contemple! »


Ce que sont devenues les Philippines sous la Domination américaine. États-Unis a~rès la guerre On sait que les Philippines, ancienne colonie espagnole, sont devenues possession des hispano-américaine.Sous leurs nouveaux maîtres, plus riches, plus babiles à exploiter un pays, elles sont entrées dans la National Geographic Magazine, voie de la prospérité économique ou simplement matérielle. C'est un journal américain, le qui nous a, il est vrai, communiqué ces renseignements, mais ils sont confirmés ~ar l'opinion publique tout entière.

c 1EsT au mois de mars 1903 que les Américains ont entrepris de dresser des listes de recensement

général de leurs nouvelles possessions aux Philippines, afin de se rendre compte non seulement du chiffre des populations, mais de leur état matériel, intellectuel et moral, autant du moins qu'une enquête officielle peut y atteindre. Sous la direction pleine de tact et de sens pratique du général J. P. Sanga, 7 627 recenseurs furent chargés de distribuer et de faire remplir les formules d'enquête dans les 3 141 grandes et petites îles dont se compose l'archipel. Parmi ces recenseurs, 1 18 étaient américains, i japonais, 6 chinois et délégués 7 502 philippins. Ces répondent assez bien, par leur choix et leurs nombres respectifs, à la

proportion des divers éléments ethniques dont se compose la population des Philippines, et l'immense majorité des recenseurs indigènes explique en partie pourquoi cette enquête a été accueilliesansdéfiance ni répugnance dans l'archipel, ce qui n'avait pas lieu du temps des Espagnols. Il est vrai que ceux-ci n'avaient pour but que de compter le nombre des contribuables, tandis que le recensement du général Sanga se proposait d'évaluer les

cale, s'est doublé d'un service d'explorationminutieuse des innombrables îles et îlots dont la cartographie,

entre autres, laisse beaucoup à désirer. En dépit de leurs trois siècles de .domination, les Espagnols, à cet égard, n'ont rien fait d'un peu exact ni d'un peu méthodique. Les Américains, eux, à partir de i goo, ont déjà dressé la carte d'une grande partie de l'ile Luçon, de plusieurs des îles Visaya, de l'île jolo, etc. Le cours des rivières, les mouillages, les basfonds dangereux, et tout ce qui

peut intéresser la géographie,.l'industrie, le commerce et la science en général, rentre dans le pro-

gramme du service géodésique des

Etats-Unis (United Coast and Geodetic Survey), grâce auquel l'immense archipel tropical sera bientôt une des parties les mieux connues de la planète..

est vrai que ce n'est pas là une besogne vaine, et, qu'au point de vue même de leurs intérêts strictement matériels, les Américains se Il

montrent bien avisés en cherchant à se rendre compte de l'inépuisable

source de richesses et du superbe débouché qu'offrira un jour à leur FEMME DES PHILIPPINES (T-4C.ALE). commerce un archipel dont le développement de côtes est le double D'après une photographie. de celui des États-Unis, avec un grand nombre d'excellents ports; dont les ressources ressources de toute nature que présente un des plus naturelles en forêts, gisements de houille, mines de splendides archipels du globe; d'apprécier les progrès fer, mines d'or et d'autres métaux, bien qu'à peine accomplis par les Philippins sous la domination améentrevues encore, mais bien et dûment constatées, ricaine, et de constater ce qu'il reste encore à faire font prévoir pour ces centaines d'îles un avenir écodans ce sens. nomique superbe. Enfin, cet archipel étant un petit Et d'abord, ce recensement, le premier de ce monde en soi, avec montagnes, collines, plateaux, genre qui ait jamais été tenté dans une contrée tropiA TRAVERS LE MONDE.

)88

LIV.

No 38.

2) Septembre ~905.


etc., il va sans dire qu'il y a une grande variété de terrains, permettant à l'agriculture, à la viticulture, à!' élève des bestiaux, de se déployer en sens divers, et de tenter des expériences variées, mais sûres d'être couronnées de succès, à condition qu'on les entreprenne sérieusement et avec esprit de suite. Tous les produits de la zone tropicale et, étant donné la nature montagneuse de quelques-unes des grandes îles, tous ceux de la zone tempérée sont capables d'y venir à bien. Déjà l'abaca, ou chanvre de Manille, fait l'objet d'une exportation qui se chiffre par un million neuf cent mille dollars pour la seule année 1902, et constitue les deux tiers de l'exportation plaines d'alluvion,

totale du commerce des Philippines. Le reste est fourni par la noix de coco (coprah), le tabac, le café, le riz, le cacao, etc., etc., toutes cultures et branches de com-

tout entier. Comment enrayer leur marche, et les

extirper? Là-des.u5, les savants américains en sont encore réduits aux expériences et tâtonnements préliminaires. En attendant, ils mettent les indigènes en garde contre les suites de l'intempérance, de la saleté, d'une mauvaise hygiène, et luttent pied à pied contre la tuberculose, la dysenterie, la malaria, avec des moyens qui ont réussi dans les Marais Pontins et ailleurs. Bien que beaucoup d'indigènes aient déjà bénéficié de ces mesures sanitaires, il se passera sans doute nombre d'années avant que les Philippins dans leur ensemble voient dans ces mesures autre chose que le côté fatalement gênant, sinon vexatoire; et là se trouve une des grosses difficultés du programme d'assimilation que le conquérant s'est assigné. Un des fléaux de ces îles est la mortalité infantile, qui a pris des proportions alarmantes. Le climat y est sans doute pour quelque chose sur les côtes, il est trop souvent malsain, énervant,

et les soldats américains le savent trop Mais la grande cause du mal se trouve dans l'impuissance où sont les mères philippines de nourrir tous leurs enfants, ce qui fait qu'elles leur donnent prématurément des aliments solides,

c'est-à-dire mortels, tout simplement. Les Améri-

LA GRANDE RUE DE MANILLE.

D'après une photographie.

merce qui sont encore à l'état embryonnaire en comparaison de ce qu'elles ne tarderont pas à devenir. Et je ne parle pas des pêcheries, non seulement de poissons, mais de perles, qui déjà occupent un grand nombre de naturels. Le commerce des Philippines, alimenté par tant de sources diverses, s'est chiffré en 1902 par 33 342 196 dollars d'importations, et par 28671 904 d'exportations. Or, le bond prodigieux qu'il a fait depuis l'occupation américaine, peut se mesurer par cette seule constatation que, depuis six ans, le nombre des ports ouverts au commerce a plus que triplé!1 Un des meilleurs effets de la conquête américaine est le sérieux effort que font les maîtres actuels de Manille pour améliorer l'état sanitaire déplorable des populations. Le choléra, la peste bubonique, la petite vérole, la lèpre règnent à l'état endémique dans certaines de ces îles, et souvent menacent l'archipel

cains font depuis quelques années une propagande légitime parmi les naturels, pour les amener à des habitudes plus hygiéniques. Malheureusement, il faudrait pour cela des ouvrages, des brochures, des conférences public'est encore trop ques tôt. Dans tout l'archipel on ne trouve que douze bibliothèques publiques, avec un total de 4019 volumes, et un nombre aussi dérisoire de journaux! Ajoutons que, les grandes villes mises à part, il y a encore à peine un hôpital ou tout autre établissement public, pour le traitement des maladies, à l'usage des indigènes! Sous la dominationespagnole, la justice n'existait pour ainsi dire pas. C'était le régime du bon plaisir. Aujourd'hui, un code civil et criminel, calqué sur celui des .t.tats-Unis, mais adapté aux besoins et au génie des indigènes, a institué toute une organisation judiciaire, avec tribunaux de première et de seconde instance, etc. La langue officielle des tribunaux est encore l'espagnol jusqu'au ter janvier 1906. A partir de ce jour-là, l'anglais sera obligatoire, avec cette réserve toutefois que dans les îles ou parties d'îles où l'application de cette mesure soulèverait des difficultés ou des réclamations trop fortes de la part des indigènes, on s'avisera d'un compromis.


La population des îles Philippines, en 19°3, était de 7 63 5 426 âmes, dont une infime proportion, soit 647 74° indigènes, n'a subi à aucun degré l'influence de la civilisation. A part ce petit nombre de sauvages, on compte 14271 blancs, dont 8135 Américains, 42 097 jaunes, dont 1 2 17 japonais et 035 Chinois.

4

d'indigènes de race malaise, et soi-disant de religion catholique, se partage en huit tribus, dont la plus considérable occupe les îles Visaya, entre Luçon et Mindanao, et constitue la moitié de la Le reste, composé

population indigène civilisée. Les Tagals occupent les parties de Luçon dans le voisinage de Manille, et viennent en second rang comme chiffre de population (un cinquième des Philippins civilisés). Les Ilocanos viennent en troisième lieu. Cette population augmente rapidement, plus rapidement à proportion, que celle des autres contrées du globe, sauf les États-Unis, la Russie et le japon. Mais, ce qui vaut encore mieux, c'est que les indigènes montrent une moyenne

ne les voit pas chômer après les dimanches et les jours de fête, comme c'est trop souvent le cas pour les

naturels convertis au christianisme. D'ailleurs, leur force physique les rend capables des plus durs labeurs. En résumé, je suis absolument opposé à l'introduction de coolies chinois aux Philippines, d'abord parce qu'ils seraient inutiles, et ensuite parce que les Philippins eux-mêmes sont convaincus que ce serait à leur détriment. » Devons-nous taxer le rapport américain d'un excès d'optimisme? En tout cas, il cite des chiffres. Ainsi, en ce qui concerne la moralité, il paraît que les Philippins seraient à un degré supérieur de l'échelle,

comparés aux Américains eux-mêmes Le 3 1 décembre 1902, il y avait moins de huit criminels par dix mille âmes de population dans l'archipel, contre treize aux États-Unis. Les crimes et délits les plus fréquents chez les

d'intelligence et d'instruction qui les met au niveau des Malgaches et des autres

peuples de race nègre ou malaise qui occupent le premier rang au point de vue de la culture. Il est vrai qu'un dixième à peine des Philippins dits civilisés, est capable de comprendre l'anglais ou l'espagnol; mais c'est là le résultat de la politique des moines, qui, pour les avoir mieux dans leurs mains, les décourageaient d'apprendre les langues européennes. La venue des Américains a changé tout cela. Un tiers cependant des Philippins de sexe masculin et d'âge d'homme, est capable de lire et d'écrire; mais tous, d'après M. Taft, ancien gouverneur américain de l'archipel, sont désireux ou du moins capables de faire de rapides progrès à cet égard. Ils sont d'ailleurs portés à imiter les Européens, à s'assimiler leur culture, et diffèrent du tout au tout des javanais ou des Hindous. Bref, les Américains, plus heureux que les Anglais et les Hollandais, ont dans la main des populations à l'esprit ouvert et au génie malléable, dont, au dire du National Geographic Maga.~ine, ils feront ce qu'ils voudront. A ces aptitudes intellectuelles répond un besoin d'activité dont témoigne le rapport officiel du Gouverneur, M. Taft, daté du 4 novembre 1902. D'après ce rapport, les noms de plus de 1 800 laboureurs philippins étaient portés sur les listes des fournisseurs de l'armée d'occupation et 450 comme ouvriers, terrassiers, porteurs de bagages, etc., au service de cette même armée. (( Les Philippins, dit à ce propos M. Taft, ont remplacé avantageusementles Chinois, qu'on avait d'abord utilisés. Ils travaillent aussi aux mines. On

LABOUREURS PHILIPPINS.

D'après une photographie.

Philippins sont le vol et le meurtre. Mais la pauvreté doity être pour beaucoup, puisque le nombre des crimes a diminué depuis que la sécurité et le bien-être matériels ont suivi l'occupation américaine. Les autorités utilisent les convicts philippins pour les travaux publics, constructions de routes et de voies ferrées, créations de ports, etc. En 1902, on comptait 2 962 (( blocs scolaires » dans tout l'archipel, dont 5 5 pour ioo étaient publics, 33 pour 100 privés, et le reste, d'un caractère mixte, sous le contrôle de l'Église catholique. A part deux établissements d'instruction supérieure, les autresécoles sont toutes des écoles primaires, fréquentées par les 5 pour 100 de la population civilisée de l'archipel. Six mille maîtres, dont les quatre cinquièmes sont des indigènes, sont chargés de l'enseignement. L'introduction de l'anglais, comme langue obligatoire, a soulevé d'abord une vive opposition, qui va diminuant II pour 100 des élèves ont pu, dans l'espace


de deux ans, apprendre cette langue d'une manière satisfaisante. A Manille, on a créé vingt et une écoles de nuit pour y enseigner l'anglais; elles sont fréquentées par quatre mille adultes. Le budget de l'instruction publique aux Philippines a compté une dépense de 1500000 dollars jusqu'au 3o juin i go3. Voilà ce qui a été fait; ce n'est rien encore, mais ce début est la promesse d'un très grand avenir économique et commercial. Ce dont le manque se fait encore cruellement sentir aux Philippines, ce sont les moyens de communication et les points d'accès ports suffisants et voies ferrées, voilà le premier objet capital où convergent maintenant tous les efforts des Américains. Les ports, même celuide Manille, manquent encore de docks et de wharfs, et n'offrent pas une profondeur suffisante pour les navires de fort tonnage. 11 est vrai que, pour Manille en particulier, ce défaut va être corrigé, est à la veille de l'être, et, dans peu d'années, ce port sera l'un' des plus beaux et des plus animés de tout l'Orient. Comme entrepôt de charbon, Manille est destiné à supplanter Nagasaki le charbon philippin vaut le charbon japonais, et les gisements de Luçon semblent être au moins aussi riches que ceux de Niphon. En outre, Manille offrira des facilités d'embarquement qu'on ne trouve pas à Nagasaki. Autre lacune les Philippins ont un grand nombre de petites fermes dont le domaine est grand comme un mouchoir de poche; la terre est si fertile, il est vrai, qu'on y fait trois et quatre récoltes par an. De plus, vu l'état d'insécurité où l'archipel a végété trop longtemps, et par crainte des voleurs ou des brigands, ces petites fermes, au lieu d'étre dispersées dans une vaste étendue de pays, comme les fermes anglaises ou américaines, se serrent les unes contre les autres, forment de petites agglomérations, laissant en friche d'immenses espaces, c'est-à-dire près des deux tiers des terres cultivables. Cet état de choses appelle d'ores et déjà beaucoup de bras et beaucoup de capitaux. Il est vrai que les colons européens ne s'accommoderaient pas du climat, et les lois prohibitives des Américains à l'égard des Chinois, pourraient arrêter les coolies. Mais les nègres des États-Unis, qui'encombrent le pays, seraient ici à leur place; et les Philippins étant, à beaucoup d'égard, leurs congénères, il n'y aurait pas entre les indigènes et les nouveaux venus d'antipathie de races. Cependant, une chose donne à réfléchir les Philippins ne forment pas un peuple homogène, et, même en faisant abstraction de la différence entre les Negritos et les Malais qui peuplent l'archipel, ces derniers restent divisés en tribus qui n'ont guère de rapports les unes avec les autres, et qui ne se mélangent pas. Malgré la dure domination des Espagnols ou plutôt des moines, qui ont fait peser sur tout l'archipel ùn joug également oppresseur; malgré l'uniformitédes croyances et pratiques catholiques plus ou moins sincères, il n'y a aucun mariage, aucune entente, ni relations possibles entre les naturels des diverses tribus. Une seule d'entre elles, celle des Ilocanos, a débordé un peu, par l'émigration pacifique, sur le territoire de ses voisins mais ce ne fut là qu'un changement quasi imperceptible. Reste à savoir si, en dépit de l'optimisme du rapport de la Commission de recensement, les Philip-

pins n~ pourraient pas s'entendre pour provoquer un vaste soulèvement contre leurs nouveaux maîtres. Car si la domination américaine n'a pas les vices de la domination espagnole, elle en a d'autres; et les spéculateurset brasseurs d'affairesde Chicago et de New York pourraient bien faire regretterles moines. Si, par contre, 'comme nous l'espérons, les éléments honnêtesgardent la haute main dans le gouvernement des Philippines, il n'y a aucune raison pour ne pas s'associer, en effet, à la joie que font éprouver les merveilleuses perspectives que nous offre l'avenir matériel et moral d'une des plus belles contrées du globe. Les Américains ont ici toutes les chances. s'ils savent en profiter un pays riche de toutes les ressources naturelles, des ports excellents, une population en général honnête, intelligente, laborieuse tout le monde travaille aux Philippines, même les femmes, surtout les femmes, des milliers d'indigènes dont l'humeur farouche et le naturel sauvage ont été matés par trois siècles d'oppression espagnole, l'influence du christianisme, qui, malgré le génie despotique et rapace des moines, a exercé quelques-unes de ses vertus bienfaisantes (les Philippins sont en général chastes, et la vie de famille a ici une intimité, une douceur qu'elle n'a pas en Chine, ni au japon). jamais meilleure occasion n'a été offerte à un peuple soi-disant supérieur, de prouver en effet sa supériorité morale, pour le plus grand bien d'un archipel dont les hasards de la guerre et de la politique font rendu maitre.

Le Tremblement de

terre de

l'Italie méridionale.

Ls

tremblement de terre qui a ébranlé le sud de l'Italie dans la nuit du 8 septembre, est une véritable catastrophe qui éprouve une notable partie de la Sicile et presque toute la province de Calabre, entre les 12e et 1 Se degrés de longitude est (méridien de Paris) et les 37e et 3ge degrés de latitude. Le nombre des victimes humaines est considérable c'est par milliers que l'on compte les morts et les blessés. La secousse n'a duré que quelques secondes; il n'en a pas fallu davantage pour détruire de fond en comble des localités entières, dont plusieurs assez importantes. Le district de Monteleone, celui de Cantazzaro ne présentent que bourgs et villages en ruine. En Sicile, la catastrophe a été moins épouvantable. Presque partout la population terrifiée s'est enfuie dans la campagne. Les dommages matériels sont énormes. Ce tremblement de terre est un des plus terribles qui aient ravagé jusqu'ici cette région volcanique de l'Italie méridionale et en particulier la Calabre qui est pourtant le pays classique des tremblements de terre; on y parle encore non seulement de celui de 1894, mais'de ceux de 1804 et de 1783. De telles catastrophes mettent l'humanité en deuil.


tier, les cotonniers dressent leurs capsules épanouies, les melons et les pastèques gisent au creux des sillons; un enfant, perché sur un cube de terre sous un auvent

Une Visite à la ville de Makou

(Perse).

situées dans un pays montagneux ADMIRABLEMENT

formé par les soulèvements du massif des Ararat, coupées de vallées profondes, les terres des Khans de Makou sont attenantes au nord-est à la Russie et au sud-ouest au Kurdistanturc; au sud, elles sont moralement isolées de la Perse, car les « tcharvadars » (caravaniers) et les commerçants se soucient peu de parcourir une province dont les habitants passent pour considérer l'honnêteté comme un accessoire superflu. De cet état de choses, il résulte que les relations commerciales des Kurdes se bornent aux coups de fusil qu'ils échangent avec les Turcs, à ceux qu'ils reçoivent des cosaques en retourdeleurs essais de contrebande et au tribut qu'ils paient au Shah pour faire oublier leur turbulence. Néanmoins, ils n'ont pas perdu les nobles qualités de leur race, et

l'accueil qu'ils réservent aux étrangers est gracieux et bienveil-

lant.

en paille de riz, surveille la récolte. Des caravanes d'ânes, dirigées par l'indéfinissable cri des tcharvadars, apportent des couffins de concombres; elles stationnent sous la porte de ville dans un désordre inexprimable, tandis que leurs conducteurs échangent, en buvant un verre de thé, les dernières nouvelles des environs. Par l'aspect qu'elle présente, Makou se distingue des autres cités de l'empire iranien; je ne connais que Kerind dans le Kurdistan turc et Keredj sur la route de Téhéran, dont les situations soient comparables. Partiellement bâtis sous le surplomb d'une énorme falaise, les groupes de maisons, resserrés entre deux éboulements, s'étagent sur la pente méridionale du vallon ils sont défendus par un mur qui, du pied des rochers jusqu'à la rivière, barre, en amont et en aval, l'accès de la vallée. Cette muraille, qui a dû avoir jadis un aspect belliqueux, tombe en ruine aujourd'hui. Dans les hauts quartiers, les rues

n'existent pas tout au

plus, des sentiers abrupts serpentent au

milieu des masures,

contournent les blocs éboulés dans un laby-

rinthe inextricable, puis se perdent au fond des impasses le long

des parois grises gros-

sièrement parées.

L'ombre d'un peuplier ou d'un mûrier joue çà et là sur une terrasse

Leurs « valis », misérable encombrée contemporains des de couvertures barioKhans d'Érivan, résides enfants délées dent à Makou. Cette guenillés rôdent sur le capitale comptait auLE VALLON DE MAKOU. trefois dans les dépenpas des portes, tout est calme aux alendances du royaume Photographie de M. L. Ck. V'atelin. tours,etl'airnerésonne d'Arménie; une inscription arménienne gravée sur les rochers de la ville que du heurt sourd des pilons broyant le grain. Au contraire, la rue principale, qui sépare netteparaît un témoin de cette époque, et les ruines de la bourgade de Dombad construite dans les laves mêmes ment cette partie du bourg des habitationsdes notables, du petit Ararat, attestent que les produits de la région se trouve dans la vallée même; c'est sur cette voie que s'ouvrent les caravansérails, les bazars et lés portes, nourrissaient une population nombreuse. Aujourd'hui, le feutre des tentes a remplacé les murailles et les clôaux fresques polychromes, des palais. Sillonnée d'un mouvement incessant, elle retentures de pierre. tit du cri des caravaniers, du ,( kabarda » (fais attenPar trois routes différentes, il est possible de tion !) des ferrachs (domestiques), du piétinement des gagner Makou. La première' par Bayazid, en Turquie, petits ânes, et quelquefois des appels gutturaux d'une et les deux autres, que nous avons suivies à l'aller et altercation violente. au retour, par Khoï en Perse et Érivan. Des remous subits agitent la foule, les vantaux La route de Khoï n'offre aucune difficulté; monocloutés de cuivre d'une porte s'ouvrent lentement, et tone sur tout son parcours, elle franchit quelques mondans un bruit éclatant s'élancent des cavaliers, montatagnes pelées, traverse l'Ak-tchaï au village de Karagnards aux amples vêtements, domestiques aux ziadin, et en quatre étapes conduit aux rives du tuniques flottantes, Khans à l'allure hautaine; tous, à Makou-tchaï, peu après la bourgade de Karazamin. Les l'amble de leurs étalons, se pressent vers la campagne, horizons se sont modifiés pendant le trajet; au bout de deux jours de marche, le cône du grand Ararat écrase et les paysans, plaqués contre les boutiques dans un effarement peureux, la bouche ouverte, suivent d'un la plaine, et les contreforts lointains du Karabagh regard perdu l'éclair des canons de fusil rayant le nuage s'estompent au nord de l'Araxe. L'aridité du plateau de poussière un grand seigneurvient de partir pour persan a disparu, quelques saulaies ombragent le sen-


la chasse. La circulation, arrêtée par le passage du cortège insolent, reprend peu à peu, les marchands bousculés redressent leurs étalages, les kafedjis courent distribuer de minuscules verres de thé les mulets chargés de luzerne encombrentà nouveau la chaussée, et le bourdonnementdes voix, interrompu un instant, remonte à son diapason habituel. Les maisons un peu confortables ont, toutes,

des jardins dont la verte frondaison s'abaisse jusqu'au bord d'une crevasse étroite et profonde que le torrent s'est creusée dans les terrains volcaniques les fondateurs de la ville ont utilisé comme défense ce « canon », car en dehors des faubourgs les rives abaissées permettent, en même temps, l'approchefacile de la rivière, et l'irrigation naturelle des prairies. Quatre journées de halte nous ont permis d'apprécier le charme pittoresque de cette citadelle isolée sur les confins de la Perse. Le vali a envoyé deux servi-

teurs pour nous guider jusqu'à la frontière russe en trois étapes Tchou-karatchou, Dourbad, Bourolan. Au loin, un berger kurde rassemble ses troupeaux, et le rythme précipité de sa chanson arrive vers nous comme les dernières notes d'un adieu. L.-CH. WATELIN.

L'Italie moins connuel. Vérone (suite).

LA vieille église de San-Zeno se présente au fond d'une vaste place ombragée, flanquée à droite d'un campanile, à gauche d'une tour guerrière, résidence de Pépin, dit-on. La façade, en trois parties, n'a cependant qu'un portail, commandé, comme à Bergame, par des lions emmanchés de colonnes. Une rose surmonte le porche. Deux portes de bronze, touchant bégaiement d'un art que Ghiberti rendra difficile, s'écartent pour me laisser pénétrer dans le solennel édifice où je vais marcher de contrastes en contrastes, de surprises en surprises, où je rencontrerai l'expression suprême, et belle en quelque manière par son achèvement, de cet art d'outre-monts dont Vérone fut souillée. Le moment est venu, devant ce chef-d'œuvre de l'art germanique en Italie, de préciser enfin les motifs de la révolte qui m'agite depuis que j'ai maudit la tombe des Scala, et depuis que les plus sincères admirations me laissent, d'église en église, insatisfait. Si San-Zeno lui-même heurte mes yeux italiens, combien sera justifiée ma colère contre la cité pervertie Dédaignons toute excuse. Sous ce ciel si pur, sous ce soleil éclatant, dans cet air où tout se baigne sans tricherie, notre art du nord est ennemi de tout élan du cœur et de la raison. Il n'est pas sorti naturellement de ce sol lumineux, de cette terre où tout Voir A Travers le Monde, 19°5, p, 2)8, 262, 269, z~8, 287 et 294. 1.

pous,se trapu et ras. Il a été apporté illégitimement, sans qu'il puisse s'acclimater, des pays embrumés où les plantes montent chercher la lumière dans les nuages éternels. Tout ici invite à s'étendre, et non à se dresser. On se roule sur la terre chaude, on ne va pas chercher, plus haut que les monts, de brouillard à

percer. L'âme, pour voir le ciel, n'a pas besoin de lever la tête; elle regarde autour de soi. Que font ici ces pinacles, ces fenêtres démesurées, ces roses, ces dentelles, ces colonnes 'même, qui tendent frénétiquement leurs bras multiples vers le soleil bienfaisant Je ne méconnais point ce que cet art, en soi, a de noble et de grand, sa beauté intrinsèque. Ce qui s'impose avec évidence, c'est son caractère étranger au pays où il s'est implanté. Et ce qui apparaît avec une égale force, c'est la lutte enragée de l'élément naturel avec l'élément importé. La bataille est tragique, entre le génie de la race italique et les conceptions germaniques. La gaucherie avec laquelle l'idée gothique est réalisée, témoigne de la résistance italienne. Au petit bonheur, comme on peut, dentelles et parures sont disposées en dehors de toute loi harmonique. Ce sont des ornements rapportés, plaqués sur des surfaces, et non plus un ensemble hardi, concourant à une fin précise et voulue. L'Italie a subi ces détails, elle ne se les est pas assimilés, elle n'en a point fait le but de son oeuvre, et ne les a jamais coordonnés. Cette façade de San-Zeno, ce portail roman devant cette basilique, que vient-elle faire si elle n'annonce rien des voûtes qu'elle devrait commander? Les fenêtres du Dôme ont été percées après coup, et le jour tombant dans la nef basse est étonné de sa propre abondance. Ces coupoles hésitent à se poser sur ces colonnes, même réunies en faisceaux. Ils vont plier. La crypte elle-même, comme à San-Zeno, aspire au jour, et elle se montre à ras du sol, soulevant le choeur. Et les fresques des murailles, si logiques en ces vaisseaux que la lumière inonde, protestent contre cette clôture de choeur, ouvragée dans la pierre, dont les blancs reliefs et les ombres portées vont si bien à l'éternel crépuscule de nos cathédrales. San-Zeno, le Dôme, Santa-Anastasia, San-Fermo ont pu, par endroits, fondre les deux termes, et devenir des oeuvres en partie émouvantes. L'Italie se refuse à l'adoption complète. Vienne la Renaissance. Les murailles pleines repousserontles contreforts.Elles auront assez d'assise pour supporter la coupole, aidées qu'elles seront de solides piliers, et non plus de ces colonnes accouplées dont l'essence est la légèreté et non la force; la coupole sera le noeud liant l'édifice. Dès lors, la voûte, bien appuyée et bien soutenue, pourra s'élargir et s'étendre, les fenêtres pourront s'ouvrir avec mesure à un jour prodigue, les façades pourront rejeter ces tours inutiles, puisque le soleil paresse dans la prairie. Palladio dressera leur harmonie annonciatrice de tout le monument. Le Nord aura envahi le Sud. L'Italie repoussera cette invasion de fart comme elle a repoussé celle des hommes. Et le seul monument achevé, sans mélange, de cet art, le tombeau des Scaliger, blessera toujours nos yeux, comme blesseraient nos oreilles, à Bayreuth, la Norma ou la Traviata. Au soir tombant, j'ai gravi les pentes des jardins


Giusti. Entre les cyprès, autour des fontaines chantantes, au milieu des fleurs qui s'apprêtent à parfumer la nuit, j'ai gagné lentement les hautes terrasses d'où Vérone apparaît, au pied des monts, au bord des plaines, pressée par l'Adige qui la ceinture étroitement. Je suis du regard la courbe de ce ruban jaune que la ville semble tendre et remonter sur ses reins. Je le vois; impétueux, descendre du Monte-Baldo. Viendrait-il enfin retrouver, le chasseur insouciant, sa patiente Nina?. Il l'enlace un instant, la caresse, s'assure par une rude étreinte de sa constance et de son amour, et il repart, une fleur entre les dents, à travers les prairies où l'attendent des amantes, volages comme lui, et disparaît peu à peu dans la fangeuse mollesse des lagunes. Le baiser qu'il donna à Vérone semble l'avoir épuisé. Limoneux et bouillonnant dans son étreinte, puissant et rapide, le voici, à peine échappé aux flancs de Nina, languissant et pâle; il a brisé sa force en se heurtant à Vérone; le détour et la halte que la ville fidèle lui imposent, ont éteint sa virilité. Indifférentes et sereines, les Alpes regardent leur volage enfant, et prennent Nina en pitié. Frappées du soleil, roses encore, elles commencent déjà à lever vers leurs épaules le voile de brume qui les protégera bientôt contre la fraîcheur nocturne. Vérone, à mes pieds, ~a~~a per amore, s'enveloppe, elle aussi, dans son manteau j'aperçois le haut mur des Arènes à l'abri duquel elle va s'endormir. Le vieux pont romain ferme peu à peu son œil unique. Le dôme de SanGiorgio-in-Braida renvoie les derniers feux du soleil. Le Castello veillera seul, de ses créneaux aigus son pont dominateur rougeoie encore dans le crépuscule. Et là-bas, tout au loin, San-Zeno et son campanile se dressent dans leur prairie. Je les rejoins par-dessus le fouillis des clochers et des toits et je demande à Vérone, à San-Zeno, à l'Adige, à Monte-Baldo, au chasseur infidèle et à Nina, pourquoi, si ample, si noble, si forte au pied de ces monts, entourée de ce fleuve impétueux, pourquoi Vérone abdiqua si vite et renonça à vivre de sa propre vie. Théodoric, ne serait-ce pas plutôt toi, le chasseur ingrat? Nina, pourquoi lui as-tu ouvert tes bras? 11 eût mieux valu, pour ta gloire, qu'il te violât comme il fit de tes sœurs. Tu te serais relevée farouche, indomptée, renaissante; tu te serais rachetée. (A suivre.)

ANDRÉ MAUREL.

Zigfags en France. vol. in-16, illustré de 59 gravures. Broché, 4 francs. Hachette et Cie. Paris, i go5.

Henri Boland.

DANS ce nouveau volume, Zig~ags en France, M. Henri Boland a réuni les récits de voyages que

vient de publier

avec un vif succès la Revue Mensuelle du Touring-Club. Toutes les régions de France y sont représentées et décrites dans la manière agréable et vivante où se reconnait le talent de l'auteur des lles de la Manche, ce volume si apprécié qui parut, l'an dernier, dans cette même collection. Deux noms viendront à l'esprit de tous ceux qui zigzagueront à la suite de l'auteur sur notre sol français, à la fois si pittoresque, si varié dans ses détails et si harmonieux en

son ensemble ce sont ceux de Dumas et de Tôpffer. Dans ces récits alertes, animés, précis, amusants comme des contes et bourrés d'indications pratiques, on retrouvera comme un écho de l'un et de l'autre d'un Dumas qui aurait plus de

souci de la vérité descriptive et géographique, d'un Tôpffer qui se serait modernisé et voyagerait tantôt à pied, tantôt en rapide ou en automobile. Non pas que l'auteur dédaigne de s'attarder devant les sites pittoresques et les curiosités de la nature, mais dès qu'il est nécessaire il repart de plus belle et fait du cent à l'heure. A la fois écrivain captivant, peintre délicat, M. Boland est en outre le plus agréable des anecdotiers. Son livre, dans tous les cas, ne pourra manquer de séduire ceux qui admirent notre beau pays de France; et à ceux qui le connaissent mal, il le leur fera mieux apprécier et mieux aimer. L'Aubrac. Les Table des matières En Bourbonnais. Martigues de De Lourdes à Gavarnie. gorges du Tarn. de l'Estérel. Les du Loup les et Berre. Provence gorges Dans la forêt de l'Estérel. Autour de Menton. Maures. Algérie et Tunisie. France 'd'Afrique; La Corse. Aix-lesAlger, Hammam-Riha et le massif des Zaccars. Beaujolais et Charolais la vallée Bains et les Bauges. D'Annecy à Chamonix. de l'Azergues et le pays de Dun. La Le Mont-Saint.Michel. Les châteaux de la Loire. En forêt Grosvallée de la Meuse de Mézières à Givet. Le Grand-Duché de nouvre et l'école de Rambouillet. Luxembourg.

L'abbé Marin, professeur au collège de

la Malgrange. Algérie-Sabara-Soacdan.Vie, travaux, vovages de Mg'' Hacquard, des Pères Blancs, r86o-tgor. Avec une préface du commandant Hourst. 1 vol. grand in-8o de 666 pages avec 21) photogravures, cartes et plans, broché. BergerLevrault et Ce, éditeurs, 5, rue des Beaux-Arts, à Paris. Prix 18 francs. Le prélat dont ce volume retrace la vie, en s'appuyant sur

appartenait aux Pères disciples du cardinal LaviBlancs et fut un des plus brillants gerie c'est dire que l'homme d'Eglise se trouvait doublé en lui d'un homme d'action. On ne s'étonnera pas, dès lors, de trouver, à côté de pages intimes où l'âme du missionnaire apparaît dans toute sa splendeur, le récit de voyages étonnants, des lettres d'une verve étincelante, le tableau d'une existence qui, pour avoir été trop brève, n'en a pas moins été prodigieusementremplie. C'est un chapitre admirable entre tous de l'épopée coloniale de la France dans l'Afrique du nord, le Sahara et le Soudan, qui se lit avec le même intérêt que les plus dramatiques romans d'aventures, et a sur eux l'avantage d'être vécu. Cette Vie de Mgr Hacquard est plus qu'un beau livre c'est une bonne action que cet hommage rendu, par un écrivain habile et documenté, docteur ès lettres et lauréat de l'Institut, non seulement à une grande mémoire lorraine et française, mais encore aux oeuvres merveilleuses du cardinal Lavigerie, aux travaux des Pères Blancs et à tous les hardis promoteurs de la civilisation française en Afrique. Le commandant Hourst, si connu par sa mission sur le Niger et le Yang-tsé, avait voué une amitié et une admiration ardentes à Mgr Hacquard ces deux grands coeurs étaient faits pour s'entendre, et ce n'est pas sans émotion qu'on lira la lettrepréface écrite à la mémoire du missionnaire par le vaillant marin. Ce livre, colonial et français, plein de charme, de vie et d'entrain, aura, sans aucun doute, le plus vif succès par toute la France et l'Algérie. Il fera aimer davantage encore l'Africain intrépide, le soldat d'avant-gardeque fut Mgr Hacquard, esprit vif et alerte, caractèreprime-sautier, et coeur d'or; nature enthousiaste, en un mot, qui avait à son service une intelligence large et sûre, guidée par un jugement très droit. Avec ses nombreuses et superbes gravures, reproductions tout à fait artistiques de photographies inédites (vues, portraits, etc.), la Vie de Mgr Hacquard se présente comme un livre de tout premier ordre, qui ne tardera pas à se classer au meilleur rang parmi les publicationscoloniales françaises. A ce joyau littéraire, historique et géographique, les éditeurs ont tenu à donner un magnifique écrin beau papier, caractères élégants, illustration hors de pair; c'est dire que ce luxueux et passionnant ouvrage s'annonce comme un gros succès de librairie. sa volumineuse correspondance,


La très grande sécheresse de l'air amène une

FRANCE

Le bataillon cycliste.

L'instruction d'un bataillon cycliste au camp de Châlons continue dans de très bonnes

conditions.

La cohésion de cette rapide unité tactique, qui semblait très problématique à certains esprits, est maintenant

reconnue.

aisément à l'allure de 12 à 16 kilomètres dans la formation par trois, les rangs se suivant à 2m25, comme le prescrit le règlement de manoeuvres des unités cyclistes. Il peut même se mouvoir dans des formations plus denses, par quatre ou par six, si c'est nécessaire, et croiser ou doubler les convois sans difficulté. Les rassemblements en dehors des routes en colonne double, ligne de colonnes de compagnies, ou colonne de bataillon, s'effectuent avec la plus grande aisance et une rapidité supérieure à celle d'une troupe d'infanterie ordinaire. Le bataillon constitue, en somme, le type le plus parLe bataillon roule très

fait de l'infanterie montée. Il est à souhaiter que le groupement des compagnies cyclistes, qui a été fait en vue des grandes manœuvres de l'Est, soit maintenu à l'issue de celles-ci pour permettre d'étudier à fond le côté technique relatif à ces formations spéciales et de développer l'instruction générale des unités suivant une doctrine unique. L'infanterie cycliste ne peut être qu'un organe d'armée, et, par suite, les compagnies cyclistes ne peuvent continuer à être rattachées à des bataillons de chasseurs à pied ou autres, auxquels elles seraient obligatoirement enlevées au premier signal de la déclaration de guerre.

Tonnage des cuirassés.

Les amiraux

F~-

rald et Hopkins, l'amiral Dewey et le capitaine Stockton, sir

William Wite et le professeur Biles ont tous posé le principe que l'on doit réunir le plus de puissance combative possible dans un même navire sous un même commandement. Une escadre de peu de grands navires de combat est toujours supérieure à une escadre formée de beaucoup de bâtiments de peu de puissance combative, et coûte, en outre, sensiblement moins cher, aussi bien comme frais de premier établissement que comme entretien. Dans les treize dernières années, le tonnage des cuirassés est constamment allé en augmentant dans toutes les

puissances

Angleterre, de 12 000 tonnes à 16 500 tonnes. Japon, de 12000 à 16 500. Russie, de 9900 à 16 6 900. Amérique, de (0)00 à 16 300. Allemagne, de o 00o à t 3 zoo. France, de 1 o0o à 14900. C'est donc nous qui avons le moins suivi l'exemple des autres puissances maritimes. Il est utile de faire remarquer que cette statistique, tirée des Neue Militaeriscbe Blaetter, rentre dans la campagne actuellement menée en Allemagne pour l'augmentation des tonnages des bâtiments à mettre en chantier à brève échéance, en exécution du programme naval. AFRIQUE OCCIDENTALE ALLEMANDE

Télégraphie sans fil dans les opérationsde guerre. La première partie de la campagne des Alle-

mands au Damaraland, a permis de formuler, au sujet de

l'emploi du matériel de télégraphie sans fil, les observations suivantes Le ballon de 10 mètres cubes, normalementemployé en Allemagne dans les régions peu élevées, n'a pas une force ascensionnelle suffisante sur les hauts plateaux de l'Afrique sud-occidentale. 11 ne peut pas toujours élever le câble à 200 mètres, altitude nécessaire pour les communications à longue portée.

tension

considérable qui n'est pas sans danger en certains cas pour la sécurité du ballon. Les troubles électriques de l'atmosphère ont été plus fréquents et plus violents qu'en Europe, particulièrement le soir et en cas de pluie. En général, on a pu travailler sans difficulté de 5 à 9 heures du matin. A plusieurs reprises, des tourbillons d'air ont subitement projeté les ballons ou les cerfs-volants sur le sol où ils s'abîmaient sur les épines, ou amenèrent la déchirure de ballons ou leur perte. En général, après la tombée de la nuit, il se produisait un violent courant d'air à 5o mètres au-dessus du sol. Il était alors très difficile d'enlever un cerf-volantjusqu'à cette zone de vent, et, par contre, le ballon ne pouvait pas s'y maintenir. La chaleur et la sécheresse de l'air causèrent de grosses fentes aux caisses abritant le matériel, si bien que les appareils télégraphiques, le moteur et l'appareil à gaz souffraient beaucoup de la poussière. La nécessité d'employer des eaux fort sales les abîmaient aussi beaucoup. Les éléments secs souffraient beaucoup des grosses variations de température. Le personnel de neuf hommes par station s'est montré insuffisant pour assurer un bon fonctionnement du service, le nettoyage et l'entretien des appareils. Le ravitaillement en gaz, benzine, matériel des ballons cerfs-volants, s'est montré fort difficile à assurer, en des et raison de la difficulté des transports et des grandes distances. La benzine, tout particulièrement, à cause des dangers d'incendie, et les tubes à gaz comprimé, à cause de leur poids, étaient fort mal vus des détachementsd'étapes qui s'en chargeaient à contre-coeur. Malgré les difficultés que nous venons d'énumérer, on jugea les résultats assez satisfaisants pour renforcer le personnel et le matériel du service de la télégraphie sans fil, et en faire un emploi plus large encore. SUISSE

Les corps de cadets.

On sait qu'il existe, en

Suisse, sous le nom de corps de cadets, des sociétés préparatoires d'instruction militaire pour les jeunes gens de 12 à 17ans. Une réunion a eu lieu tout récemment à Seckborn en vue d'établir les règles à suivre pour le fonctionnement de ces Sociétés.Voici à quoi on s'est arrêté. Ces corps peuvent être organisés en se contentant comme uniforme d'un képi, d'un ceinturon en cuir fauve et d'une musette en toile; la dépense d'habillement se trouve ainsi réduite à) 3 fr. par tête. Le but des corps de cadets est, d'une part, de donner l'instruction militaire préparatoire; de l'autre, de créer l'union parmi les jeunes gens, de leur insuffler l'esprit de corps et la discipline, de rendre leur caractère plus souple. On doit leur faire faire non seulement l'exercice militaire, mais encore toute espèce d'exercices gymnastiques, pour les égayer et leur donner le goût de l'action individuelle. Pour faciliter l'accès des corps de cadets aux jeunes gens familles des sans fortune, il est préférable de faire distribuer par les municipalitésles effets d'habillement et d'équipement. Au cours des réunions, l'usage de l'alcool et du tabac doit être absolumentinterdit. Les jeunes gens doivent être exercés obligatoirement une fois par semaine; la séance d'instruction doit avoir lieu en semaine, jamais le dimanche, et durer au moins une heure et demie. Le programme sera aussi varié que possible. Par mauvais temps, l'instruction sera donnée dans un hangar ou une salle de gymnase; mais, par beau temps, toute la séance doit se passer en plein air. Il faut avoir des instructeurs ayant une bonne instruction gymnastique et militaire, et sachant conduire les jeunes gens et leur donner le goût du sport et de l'instruction militaire. On ne peut songer à donner encore cette charge aux

3

instituteurs.

Si simple que soit l'uniforme, il ne faut pas y renoncer,

parce que l'uniforme est le fondement de l'esprit de corps.


1Sidi-Abdallah, notre Base navale en Afrique. Lors des grandes mancsuvres navales de cet été, notre correspondant, qui y prit part, eut l'occasion d'étudier l'arsenal de Bi,~erte, notre Toulon africain. Ra~prochée des cbroniques que nous avons consacrées (1902, n°$ 45, 46, 47) à Bi,~erte même, cette étude constitue un ensemble des plus documentés sur notre grand port tunisien et son système de défense.

métallique s'imposait pour une autre raison l'élargissement du passage à 200 mètres de largeur, qui est fauve du Djebel-Kébir (montagne haute). L'escadre, actuellement un fait accompli. en ligne de file, se dirige vers le golfe de Bizerte que On s'étonne, en voyant les coulées de béton qui borne à l'ouest le promontoire du cap Bon. Nous avons renoncé, faute de temps, à l'attaque du point d'appui, composent la digue, que la tempête de janvier dernier ait pulvérisé l'une d'entre elles la jetée ouest. Telle et c'est en amis que nous atterrissons. Cependant, si les côtes sont muettes, la place forte se révèle par ses est cependant la force aveugle du flot, qui en quelques heures vient d'anéantir le sommets crénelés de battetravail de plusieurs années ries, par ses collines fouilet jeter bas des ouvrages lées comme des taupinières. dont la réparation coûtera Bizerte vient en effet d'acdeux millions. Cette mer complir son dernier effort souriante aujourd'hui pour pour assurer sa défense du bercer les lourds cuirassés front de mer. d'escadre, mérite bien dans L'armée navale forme ses colères le surnom que une ligne interminable de Lucrèce lui donna jadis, vingt unités principales qui quand il traitait la mer de s'égrènent sur une étendue Mauritanie de mare saede 4 kilomètres. De la pasmer cruelle! serelle du navire-amiral, les vum Nous défilons dans le derniers cuirassés apparaisfleuve rectiligne où s'écousent comme de vagues lentà marée descendante les silhouettes; nous sommes à l'entrée des passes une eaux du lac d'Afrique; le long des {( pérés » s'étale la digue horizontale et deux ville de Bizerte casernes digues transversales décrihâtives, hôtels et maisons vant un trapèze, défendent d'une architecturelégère où l'orée du canal. Ces dispol'on semble avoir tout sacrisitions ont été prises pour fié aux splendeurs factices empêcher l'embouteillage de la façade. Bâtie sur la du port. Les brûlots, pour CARTE DU LAC DE BIZERTE. plage mouvante, l'agglomés'avancer, devant être obliration nouvelle paraît avoir la consistance éphémère gés de tourner presqu'à angle droit dans la zone des du sable tandis qu'au loin la vieille cité bizertine que projecteurs et sous le feu croisé des batteries, seraient l'on appelait jadis la (( Venise africaine », se mire infailliblement coulés avant d'atteindre le cc goulot de la bouteille ». encore élégamment sur les eaux tranquilles de son port. La dernière fois que je vins à Bizerte, un excellent Une tour portugaise, toute massive, écrase de ses amer balisait les berges du chenal c'était le fameux murshérissés de machicoulis, lesterrasses des « patios» transbordeur, dont on a démoli les assises grêles, qui arabes. Sous les auvents, encombrés de légumes, des s'élevait comme pour narguer le tir de l'ennemi. maraîchers débitent des pastèques, des pois chiches D'ailleurs, la disparition de cet important ouvrage

DANSun ciel d'un bleu profond, se dessine la masse

»

A TRAVERS LB MONDE.

3ge

LIV.

)9.

3o Septembre ~905.


et des dattes pressées que des chameaux leur portent des confins des oasis; des barques taillées en caravelles ou en mahones débarquent sur les quais des jarres de Nabeul, d'une forme antique. Ce petit coin rencogné de la ville barbaresque étonne prodigieusement par ce qu'il évoque de son passé. Le chenal artificiel mesure 500 mètres environ: nous entrons ensuite dans l'estuaire du lac dentelé de baies. Au fond de la Baie Ponty sont installés les services de la Marine. Le pavillon de l'amiral, construit sur la pointe en style mauresque, est d'un joli effet

artistique.

La plus grande partie de l'armée navale doit

mouiller sur deux lignes au milieu du goulet, tandis que notre poste de ravitaillement nous est assigné aux appontementsde l'arsenal de Sidi-Abdallah,sis au fond du lac. Cependant l'ordre nous arrive de jeter l'ancre à la sortie des pêcheries, car l'entrée de l'arsenal se trouve bloquée par suite dû naufrage du Farfadet. Le filet mobile des Pêcberies de Bi~erte s'abaisse pour nous laisser passer. Nous mouillons au seuil du lac, et c'est une vue

Pyrotechnie.

de vase gluante la prison de fer où nos frères du Farfadet se raidissent dans un dernier spasme d'agonic Un contre-torpilleur d'escadre me conduit à Sidi-Abdallah, en compagnie des officiers désireux de

visiter l'arsenal moderne. Cet établissement, placé tout au fond du lac, est la raison d'être du point d'appui de Bizerte les flottes françaises poursuivies y trouveront un refuge; elles pourront y préparer la lutte, ou y réparer les avaries causées par la bataille. L'arsenal a été éloigné à dessein du front de mer, afin qu'en cas de bombardement naval l'on y puisse travailler à l'abri des coups, dans une parfaite sérénité. Cet avantage est d'ailleurs compensé par la nécessité de construire deux séries de travaux de défense à Bizerte et Sidi-Abdallah qui constituent géographiquement deux places fortes distinctes. Il y a d'ailleurs beaucoup à craindre à l'arsenal d'une surprise se produisant à la suite d'un débarquement à Porto Farina; l'occupationdes collines de Bou-Hamissa,à 3 500 mètres des murs de l'établissementmaritime, rendrait la situation de celui-ci désespérée. Le voyage annoncé des mi-

Pavillon du Chef de Service. Réservoird'eau douce. PANORAMA DE SIDI-dBD.ILLAH

Caserne d'Artillerie.

LES ATELIERS DE L'ARSENAL SONT AU BORD DU LAC (PLANCHE 1).

D'après une photogoaphie. réellement grandiose que celle de cette immense nappe d'eau où l'on pourrait rééditer la bataille de TsouShima. Quelle admirable position stratégique et combien ne devons-nous pas être reconnaissants à Jules Ferry qui sut en faire comprendrela valeur à la France Le lac de Bizerte est cependant autre chose qu'une importante rade militaire il est encore un charmant paysage de l'Afrique du nord. Entre les plaines rases de Mateur et les montagnes abruptes des Nefzas, la vallée où dorment côte à côte les lacs de Tindja et de Bizerte forme un site charmant. On connaît depuis longtempsla réputation des fameux jardins de Zarzouna que citent avec ivresse les auteurs musulmans. Ces jardins légendaires ne sont autres que les olivettes qui séparent le lac de la mer la terre, arrosée par des irrigations artificielles, produit de vertes récoltes à l'ombre fraîche des figuiers séculaires. Du point où nous sommes, le coup d'œil est vraiment attrayant, de ces collines vert pâle qui s'étagent au-dessus du lac en gammes décroissantes sous la fulgurance du soleil. A ce tableau de clarté, il n'est qu'une note sombre là-bas le noir cortège des navires sauveteurs qui tentent d'arracher à l'étau

nistres de la Guerre et de la Marine a trait à l'étude de la défense terrestre de Sidi-Abdallah. Jusqu'ici rien n'a été tenté dans cette voie. Pendant la traversée du lac nous admirons le cirque imposant et gracieux de ses rives semées de

villages pittoresques les uns, comme Menzel-AbderRhaman dont les maisons baignent dans l'eau comme une cité lacustre; les autres, tels que Menzel-Djemine ou El-Alia, juchés sur des collines abruptes dans la situation pittoresque des vieux donjons féodaux de la France. Ce qui nous frappe surtout dans ces bourgades maures, c'est la blancheur si crue de leurs murailles et de leurs terrasses qui forment une opposition curieuse avec les douars des « fellahs (laboureurs) dont on aperçoit, disséminées dans la campagne, les huttes de branchage et les tentes brunes en poil de chameau. Notre torpilleur, à belle allure, pénètre dans la darse de l'arsenal une longue traînée de toitures rouges; deux immenses cheminées d'usine qui, mâtées aux deux coins opposés de l'enceinte, permettent d'en apprécier l'étendue tout cela se détachant nettement sur le fond vert des oliveraies, atteste la grandeur de l'œuvre accomplie.


Il

y a dix ans à peine que des bergers nomades,

seuls hôtes de ces champs solitaires, faisaient paître leurs brebis et leurs chameaux dans le lieu même où s'élèvent aujourd'hui les ateliers et les magasins d'un puissant chantier militaire. Sous la baguette magique de la France, la vie s'est transportée dans ce coin

perdu d'Afrique; des dragues ont creusé un port, construit des jetées et des môles, et dans leurs godets, chargés de vase, sont montées des amphores romaines, des pièces d'or du Bas-Empire, et des ébauches de colonnades. Ainsi, après le long interrègne de la barbarie musulmane, les deux civilisations se retrouvent, l'une issue de l'autre. La sombre théorie des vapeurs de secours, des pontons-bigues et des grues qui stationnaient au-dessus du lieu où coula le Farfadet s'est dissipée le sous-marin vient d'être remorqué pendant la nuit dans l'un des grands bassins de Sidi-Abdallah, et nous passons sur le théâtre de l'épouvantable tragédie dont rien dans les eaux glauques du lac ne révèle le poi-

gnant souvenir.

Nous choisissons l'un des cinq appontements

Caserne des équipages. PdNORAhfA DE SIDl-ABDALLAH

vices du port, voici dans quel ordre ils se présentent Les ateliers militaires de la flotte et de réparation des torpilles, dotés de machines légères et perfectlonnées; les magasins des huiles et matières grasses; les subsistances avec boulangerie mécanique, et des chais spacieux; les magasins des approvisionnements généraux le parc à charbon, desservi par deux appontements de 200 mètres, où peuvent charbonner simultanément quatre cuirassés; les ateliers d'artillerie atelier à bois et à fer, et armurerie les scieries des constructions navales les ateliers d'armement et de peinture. Puis le groupe des trois bassins de radoub, et leur usine d'épuisement. Les deux bassins de 200 mètres, les plus vastes que nous possédions, sont complètement achevés le troisième, de ioo mètres, travail beaucoup plus modeste, sera terminé avant la fin de cette année. C'est là l'œuvre capitale de l'arsenal, que ces fouilles immenses; elles lui assignent une place prépondéranteparmi les grands points d'appui du monde. Il ne reste, après ces bassins, que les vastes

Hôpital maritime. Usine électrique.

Ferryville.

LES ATELIERS DE L'ARSENAL SONT AU BORD DU LAC (PLANCHE

2).

D'après une plzotographie. qui s'offrent à nous, pour accoster. Ce qui caractérise l'arsenal c'est qu'il est le résultat d'un plan d'ensemble aussitôt exécuté que conçu. De telle sorte qu'il a su bénéficier de tous les perfectionnements modernes, et profiter des leçons du passé, dont il accepte la succession, franc et quitte de toutes charges. Il en résulte que cet établissement peut être à juste titre considéré comme un modèle du genre. C'est une surprise pour nous, qui connaissons les arsenaux métropolitains, de constater l'admirable disposition des bâtiments, ateliers ou magasins de Sidi-Abdallah; alors que les ports de Brest et de Toulon étouffent dans des villes de 80000 âmes, ici, dans le terrain neuf de la Tunisie, l'étoffe ne manquait pas on y a taillé largement. Chaque service occupe une zone déterminée, méthodiquement découpée dans le périmètre de l'enceinte rectangulaire, et assez vaste pour lui permettre de doubler d'importance. Un réseau serré de routes, de voies Decauville ou normales, multiplie les communications, tant à l'intérieur des murs qu'entre les établissements annexes pyrotechnie, hôpital ou casernes. Si vous parcourez à vol d'oiseau les divers ser-

hangars de la Direction du port, qui termine l'arsenal. La plupart de ces locaux sont occupés, ou sur le point de l'être; l'arsenal est entré résolument dans la phase vitale de son développement. On y entend le ron-ron des dynamos et des machines qui tournent, le sifflement des scies à ruban, la chute des marteauxpilons chaque jour les approvisionnementsde toute sorte affluent dans les nouveaux magasins. Une partie très importante de la besogne reste cependant à accomplir les ateliers à métaux des constructions navales, et les fonderies qui doivent servir à la réparation des navires, car Bizerte n'est point, à l'heure actuelle, outillé pour entreprendre les travaux que nécessite la mise en état des navires après de graves avaries de mer ou de guerre. Il n'en est pas moins à retenir qu'il peut d'ores et déjà procéder à leur entretien et leur radoubage. Les fondations des futurs ateliers de réparations sont d'ailleurs posées. Encore deux années d'efforts, et quelques millions de crédits, et notre sixième port sera mis au point. Il resterait à le défendre du côté de la terre; ce sera là, peut-être, la partie la plus coûteuse des travaux qu'il est nécessaire de mener à bout.


Il était difficile de viser au pittoresque dans l'édification d'un arsenal tracé au milieu d'une plaine aride. Aussi ne doit-on pas s'attendre à trouver à Sidi-Abdallah un coup d'œil aussi majestueux qu'à Brest, par exemple, où les bâtiments, superposés les uns au-dessus des autres, au flanc d'un ravin, forment un ensemble réellement imposant. Toutefois, louons les auteurs de Sidi-Abdallah d'avoir su nous distraire de la monotonie des magasins couverts de laides tuiles rouges, par d'originales constructions de style maure. On a fait preuve de beaucoup de goût en comprenant que dans le décor du lac de Bizerte il fallait emprunter à la couleur locale son inspiration, pour égayer et embellir œuvre de la France. Les pavillons des chefs de services, l'hôtel de la Direction du port, l'hôpital, les casernes et la porte monumentale sont les manifestations de ce sentiment artistique. La création d'une pépinière à Sidi-Abdallah est un fait d'autant plus à retenir, que la Tunisie est

dépourvue d'arbres, et que le soleil n'y fait pas

s'élèvent toutefois quelques gracieuses villas avec des vérandas et des fenêtres à moucharabiehs; ces habitations, peintes à la chaux polychrome, ne manquent pas

jardins boisés d'oliviers. Ferryville s'intitule « la ville la plus française de la Régence », et je n'y ai guère croisé que des Siciliens. Ceci prouve peu en faveur de la colonisation nationale en Tunisie. Selon l'expression consacrée, la ville est dans le marasme; les gens qui y sont venus tenter fortune s'imaginaient trouver un Eldorado ils semblent vouloir faire supporter à la Marine la faute de de grâce dans leurs

s'être trompés. En revenant nous embarquer, nous longeons le

bassin de radoub où le Farfadet a été déposé les pompes d'épuisement ont fait en partie leur office déjà la carène du sous-marin émerge de l'eau verdâtre. De quelles atroces angoisses, de quelles scènes épouvantables ce cigare d'acier n'a-t-il pas été le théâtre ? Le bassin de Sidi-Abdallah reçoit aujourd'hui le baptême des victimes mortes pour la Patrie espérons qu'il n'aura jamais plus à recueillir d'autres

de quartier. J'imagine la satis-

sacrifiés

faction des braves ouvriers qui, en l'an de grâce

rejoint notre torpilleur qui appa-

1950, pourront, dans la torpeur

ment. De cette

des après-midi

Nousavons

reille crâne-

journée,

nous

emportons tous.

d'été, se rendre à leurs chantiers

timent d'admi-

respectifs sous

ration et d'éton-

l'ombre ininter-

un sincère sen-

nement pour

l'importance de rompue des caroubiers touffus œuvre accomet des faux-poiplie par notre vriers. Si le nom pays. LA BAIE PONTY. de M. Granger, Jules Ferchef du service D'après une photographie. ry, parlant de actuel des pépiBizerte, disait nières, n'est pas alors oublié, je gage que les habidans une exacte et belle expression « Dix ans après tants de Ferryville ne manqueront pas de bénir, dans nos revers la gloire et la fortune de la France ont eu leurs prières, celui qui aura transformé une plaine là leur premier réveil ». Vingt-cinq années plus tard torride en jardins sillonnés d'avenues verdoyantes. ces paroles reçoivent une éclatante confirmation. Les Ces plantations rectilignes s'élèvent déjà de tous côtés, hommes d'aujourd'hui n'ont pas démérité des ouvriers poussant fermes et drues, déjà pleines de promesses de la première heure. pourl'avenir. Le soir tombe. Derrière la morne pointe du A ce propos, je me souviens du mot d'un Anglais, djebel Istchkeult, le soleil s'abaisse dans un embralord-maire d'une grande ville de l'Inde, qui, faisant sement du ciel nous goûtons les beautés de ce l'éloge de notre luxe colonial, déclarait reconnaître paysage lumineux de l'Afrique, et envions presque les les possessions françaises à l'alignement des boulequelques officiers, commissaires ou ingénieurs, qui se vards. C'est en effet un trait de notre art, que ces consacrent à cette tâche intéressante, d'occuper pour jardins, dits {{ à la française », mis à la mode par la première fois l'arsenal, de créer des services Lenôtre, sous le Roi-Soleil, et d'ont le style s'est encore nouveaux. conservé de nos jours. Le goût en répond bien à ces Sidi-Abdallah s'efface dans le lointain; le minaidées d'égalité théorique, jointes à une majestueuse ret de la Direction du port, la série des arcades de élégance, que nous apportons dans toutes nos concepl'hôpital maritime, la porte monumentale disparaistions et'dans tous nos actes, même à notre insu. sent, silhouettes blanches dans le vert délicat des Ferryville n'est encore aujourd'hui qu'une agglooliviers. mération d'échoppes malpropres; les rues, qui ne Sur le lac règne une douceur infinie. sont pas empierrées, forment, paraît-il, pendant l'hiver, P. DE MYRICA. de véritables cloaques. Au milieu de cette boue

l'


Les Troubles de Bakou. L'Incendie des Puits de pétrole et des Usines de distillation. LE Caucase n'a pas cessé, depuis les retentissants

massacres de Bakou (y-23 février 1903), de donner

des signes d'effervescence; mais jamais, semble-t-il, les nouvelles reçues de cette malheureuse contrée n'avaient présenté de l'état général des choses un spectacle aussi désolant

pris à Bakou. une extension énorme; il n'y a pas aujourd'hui moins de 1357 puits en activité, alors qu'en 1889 il n'en existait que 278; ce chiffre montre éloquemment le progrès de l'industrie sur cette presqu'île de l'Apchéron. La Russie (et la Russie, c'est ici presque exclusivement le territoire de Bakou) fournit plus de la moitié de la production totale du pétrole. Sa production annuelle s'élève à près de cent millions de barils de pétrole, provenant pour la plus grande partie d'un territoire dont la superficie ne dépasse pas quelques kilomètres carrés. La presqu'île d'Apchéron, qui au bout de la grande chaîne caucasique avance son bec d'oiseau de proie, est le pays du pétrole, le principal gisement du

qu'aujourd'hui. On sait que les éléments de po-

pulation propre-

ment russes sont

presque absents en Transcaucasie; les

Tatars et les Arméniens

y vivent côte

à côte dans une

sourde

hostilité,

effet naturel de la différence de leur race et de leur reli-

gion. Cette haine va jusqu'à produire des explosions sauvages, qui se réper-

cutent en s'aggravant dans les centres industriels, Bakou par exemple, où le peuple est miparti de Tatars et de musulmans. La population

géorgienne, quoique orthodoxe, est à peine plus tranquille, en raison du

BAKOU: LES DISTILLERIES DE PÉTROLE.

Photographte communiquee par MM. Nobel frères.

malaise agraire

qu'elle éprouve et de l'agitation révolutionnairedont elle est le théâtre. Elle donnait, récemment, la mesure des désordres qu'elle sait provoquer, dans le combat soutenu par des cosaques contre les paysans révoltés du prince Bagration-Moukhranski. En dernière analyse, la lutte de races existe, à l'heure actuelle, dans le gouvernement d'Elisavetpol, et cette lutte, activée encore par la répercussion des désastres russes en Extrême-Orient, a pris à Bakou une violence particulière. Les révoltés se sont attaqués aux puits de pétrole, la principale et considérable richesse du pays c'est l'incendie à la portée de tous..Cinq cents puits déjà ont été détruits en particulier la célèbre exploitation de Bibi-Eybat est en cendres; les pertes atteignent plusieurs millions de roubles. L'industrie du pétrole a, depuisquelques années,

monde entier. Cet étroit espace de ioooo hectares produit des milliards de litres d'huile, valant des centaines de millions de francs. C'est ainsi qu'en 190 l, ce seul territoire a fourni plus de i3o millions d'hectolitres d'huile, et que la valeur de sa production n'a pas été inférieure à 280 millions de francs, plus que le montant de l'exportation d'un grand État tel que la Norvège. Les Sociétés qui se sont fondées pour exploiter cette source de richesse ont distribué jusqu'à 8o pour ioo de dividende. Et sur cette langue de terre, naguère solitaire, se presse une population de 3°0000 individus vivant exclusivement du pétrole. Bakou n'était, il y a vingt-cinq ans, qu'une misérable bourgade elle est devenue une ville de 200000 habitants, ne vivant que par et pour le pétrole. Aux environs de Bakou, jette-t-on une allumette


sur la mer, elle flambe comme un immense bol de punch. Ce spectacle unique, les habitants de Bakou l'offrent, en guise de feu d'artifice, aux voyageurs de marque dont ils reçoivent la visite. « Dans un solide canot à vapeur, nous prenons place, dit M. Kœchlin-Schwartz, un touriste qui a été témoin de ce feu d'artifice singulier. La mer est calme, la nuit noire, la Caspienne est absolument unie. Après avoir doublé un cap, le capitaine se rapproche de la côte et, à un signal donné, deux matelots jettent à la mer des paquets d'étoupes enflammées. « Au même instant, et comme par enchantement, le canot est complètement environné de flammes. Autour de nous, toute la mer flambe. On a l'impression de naviguer sur un bol de punch. Cela dura ainsi plusieurs minutes, puis la nappe de feu se détacha pour se diviser en îlots flamboyants, séparés par de grands espaces

complètementnoirs.Longtemps le feu continua à courir ainsi sur la mer, et longtemps après avoir doublé le cap pour rentrer

à Bakou nous apercevions des flammes. »

La plus grande par-

tie du pétrole obtenu à Bakou, est distillée sur place. Il y a là, groupées sur un petit espace, 94 usines qui dégagent une odeur très violente et qui déversent sans répit des torrents d'une âcre et

épaisse fumée. Aussi

donne-t-on à cette agglomération industrielle le nom de « ville noire ». Tellement denses sont les nuages vomis par ces centaines de cheminées, qu'en plein jour le ciel se trouve obscurci. Le sol de cette cité du pétrole est tout parsemé de mares d'huile, sillonné de larges ruisseaux de naphte. Mieux que toute description, un

Savorgnan de Brazza, N ONseulement dans le monde colonial, mais encore dans toute la France, la mort prématurée de M. de Brazza il n'avait que cinquante-trois

causera de nombreux regrets. Il était en effet du petit nombre de nos contemporains qui sont arrivés à la popularité complète. Il devait cette gloire à son caractère chevaleresque; au fait que, sorti d'une vieille famille italienne, il avait voulu être Français, alors que notre pays venaitd'être vaincu aux circonstances qui le posèrent un moment en rival de Stanley; à la grandeur enfin des services rendus. La colonie du Congo français sur la carte d'Afrique couvre une surface trois fois plus grande que celle de la métropole. Sans oublier la part à faire aux nombreux collaborateursde la seconde heure, on peut dire que c'est à son initiative et à ses travaux que nous le devons. ans

partit à vingt-trois ans pour son premier voyage, en 187 5. A cette époque on ignorait encore 11

que le Congo, le plus large et le plus puissant des fleuves après l'Amazone,

drainât tout l'intérieur de l'Afrique. Après avoir

constaté que l'Ogôoué avait un cours trop obstrué et surtout trop exigu pour servir de voie de pénétration dans l'intéBAKOU UN PUITS DE PÉTROLE. chiffre peut donner l'état rieur, il passa dans un des rues de Bakou. En Photographie communiquée par MM. Nobel frères. autre bassin qu'il croyait 1900, dans les rigoles de être celui d'un grand lac la ville, on a recueilli, à la suite des coulages des situé vers l'Ouadaï, et s'arrêta à cinq journées du usines, 44000 tonnes de résidus de pétrole. Congo sans en soupçonner l'existence et sans se douter Pour évacuer le pétrole de Bakou, on établit une que l'Alima et la Liacona qu'il venait de découvrir conduite métallique qui va de la ville du pétrole jusqu'à étaient ses affluents. Bakou sur la mer Noire; cette canalisation doit Le voyage de Stanley, qui était revenu en Europe atteindre une largeur de 900 kilomètres. quelques mois avant lui, lui ouvrit les yeux. CompreC'est à cette extraordinaire source de richesse, nant tout de suite l'intérêt politique qu'il y aurait pour la France à conquérir l'accès de ce grand bassin fluvial que se sont attaquées les populations révoltées. Les dernières nouvelles signalent un apaisement apaique l'explorateur anglais venait de révéler au monde, sement à la russe qui pourrait bien n'être pas de il demanda à repartir aussitôt pour constater si, le longue durée; car il y a là autre chose qu'un soulèvele cours inférieur du Congo étant impropre à la naviment passager une lutte de classe, une lutte de race, gation par suite des nombreuses cataractes qui l'encombrent, la meilleure route pour atteindre le Congo une lutte de religion.


central n'était pas la route de l'Ogôoué et de l'Alima. C'est dans ce voyage qu'il entra en relations avec Makoko dont le nom fut à un moment aussi connu du public que le sien, et qu'il fit placer sous l'autorité de la France des territoires situés sur les deux rives du grand fleuve. C'est alors aussi que, l'Association internationale africaine s'étant transformée en un Etat indépendant, une dispute s'éleva entre la France et le nouvel État au sujet de ces territoires, et que dans

dans une série de livraisons intitulées Voyage dans l'Ouest-Africain (1875-1887); Brazza s'y est montré vigoureux écrivain et observateur avisé, souvent ému. Le Tour du Monde perd en lui un de ses plus illustres collaborateurs.

quérant.

Lieutenant Pierre Castel, détaché au Service des Affaires

l'opinion française on opposa les procédés si humains de Brazza à ceux de Stanley, plus âprement con-

Quand il revint pour la seconde fois en France, la cause du Congo était gagnée dans l'opinion. En deux fois les Chambres lui votèrent deux millions de francs, en 188 et en 1884. Et quand il repartit, le 2 mars 1833, il emmenait avec lui toute une administration et une petite troupe pour organiser les pays découverts et pousser plus loin simultanément les explorations. La Conférence de Berlin délimita en 1885 les territoires décidément dévolus à la France, et M. de Brazza, nommé commissaire général du Gouvernement dans la colonie, fut dès lors absorbé par ses nouvelles fonctions. 11 se contentait d'envoyer ses compagnons en mission; ils allèrent d'un côté jusqu'au Nil, et de l'autre jusqu'au Tchad. Il fit cependant en 1900 un dernier grand voyage dans lequel il explora et organisa le bassin de la Sangha. Il vit très bien qu'il n'y a rien à faire aux colonies sans le concours des indigènes et que ce concours doit être acquis en les instruisant, en développant leur bien-être. Il avait conçu tout un travail de préparation pour en faire les auxiliaires de nos négociants. Il a été fun des premiers à concevoir et à essayer d'appliquer la politique à laquelle tout le monde se

rallie ,aujourd'hui.

Enfin, il eût voulu que le Congo fût concédé non à quarante petites compagnies, mais à une seule, qui, réunissant toutes leurs ressources, aurait eu des moyens d'action puissants et efficaces. La mission Marchand, dont les dépenses furent imputées à son gouvernement, jeta le désordre dans ses finances, et le discrédit sur son administration. On le releva de ses fonctions. Pendant de longues

années, méconnu et négligé, il supporta l'ingratitude hommes avec une patience héroïque, M. Étienne s'entremit enfin pour lui faire rendre justice. Unepensionnationale futdemandéeauxChambres et votée immédiatement.Il y eut notamment au Sénat un rapport de M. Charles Dupuy, dont Brazza était très fier, et qu'il regardait comme une complète réparation. La retraite, c'était l'inactivité elle pesait à l'homme d'action, qui se sentait encore jeune et vigoureux. Aussi accepta-t-il avec joie foffre que lui fit M. Clémentel, d'une mission extraordinaire au Congo qui ne semblait pas encore avoir définitivement trouvé sa voie depuis son départ. Il s'attendait d'ailleurs à être éprouvé par ce climat qu'il connaissait bien, et il avait loué à Tanger une villa pour s'y soigner au retour. Il ne s'y installera pas.11 est mort trop tôt, mais de la mort qu'il eût souhaitée en plein travail, et sur cette terre d'Afrique dont on ne fera plus l'histoire sans prononcer son nom. Le Tour du ïvlonde a publié le récit de ses voyages

des

Tébzssa, histoire et description indigènes en Algérie. d'un territoire algérien, avec une préface de M. le sénateur A. Treille. 2 beaux volumes illustrés avec 2 cartes. Henry Paulin et Cio, éditeurs, 2 1, rue Hautefeuille. Prix 10 francs chacun.

l'ancienne Theveste, située TEBESSA,

aux confins de la

Tunisie, dans la province de Constantine, est à peine connue. Son passé fut pourtant admirablementbrillant. Mais à peine sait-on, de nos jours, que de magnifiques et nom-

breuses ruines couvrent son sol, et que celui-ci est très riche en phosphates naturels. Le lieutenant Pierre Castel a été adjoint au bureau des Affaires indigènes de Tebessa. Il connaît admirablement ce pays qu'il a habité plusieurs années, et qu'il a parcouru en tous sens, tant pour s'acquitter des devoirs de sa charge, que pour ses travaux personnels. L'étude de cette ville et celle du territoire militaire voisin, le Cercle de Tebessa, l'ont fortement attiré. Diverses études ont été publiées sur la ville elle-même et sur ses environs immédiats. Le Cercle, lui, n'a jusqu'ici été l'objet d'aucun travail d'ensemble. L'ouvrage du lieutenant Pierre Castel comble cette lacune. Les renseignements très importants que l'auteur a recueillis dans les Archives du Cercle et dans les publications algériennes; les observations et les remarques précises qu'il a faites au cours de ses nombreuses tournées à travers ce vaste territoire; la reproduction des très nombreuses et très intéressantes photographies que le lieutenant Pierre Castel a prises lui-même, ou qu'il doit à la bienveillance de certains de ses collègues ou.amis; tout cela donne à son travail, tant au point de vue géographique et historique qu'au point de vue social et économique, le prix d'une documentation sûre et prise toujours sur le vif. L'ouvrage se divise en deux volumes. Le premier comprend la géographie physique, politique et économique traitée dans des chapitres qu'accompagne une carte en couleurs, hors texte, de la région, dressée avec le plus grand soin sous la direction de l'auteur. Comme le dit M. le sénateur Treille, dans sa préface: « Le livre de M. Castel sera utile à tous ceux, fonctionnaires, administrateurs ou colons, qui iront, temporairement ou définitivement, se fixer dans le Cercle de Tebessa, et même au voyageur qui a besoin d'un guide éclairé, sûr et consciencieux. Il fait honneur à son auteur qui a su si bien utiliser ses loisirs en même temps que les ressources de ses fonctions et son activité juvénile ».

Jules Huret.

De San Francisco au Canada. 1 vol. Fasquelle, éditeur, 14, rue de Grenelle. Prix 50. Ce volume est la deuxième partie de « En Amérique », dont nous avons dit déjà, lors de l'apparition du pre. mier volume, tout le bien possible. M. Jules Huret a fait vraiment une oeuvre définitive et indispensable par ses renseignements multiples et précis. Et l'on retrouve, dans ce nouvel ouvrage, toutes les qualités qui distinguèrent son

fr.

devancier. C'est un ouvrage d'une documentation sincère, ample et rigoureuse; une étude remarquable d'un observateur érudit et méticuleux, qui sait voir son temps vite et juste. Sa lecture est aussi attrayante qu'un roman. Il a sa place marquée dans la bibliothèque de tous ceux qui veulent connaître ce qu'est!' Amérique du Nord, et comprendre quelle place énorme ce vaste pays est appelé à prendre dans le monde.


Le Développement agricole en Nouvelle-Calédonie. SITUATION ET CLIMAT

ÉLEVAGE DES BÊTES A CORNES

les huit autres mois de l'année, on jouit

partout est l'andropogon, parce que,

diffère que par un léger goût de terroir. Aussi sert-il dans le commerce à suppléer de L'élevage i 65e degré des été SITUÉE 161" bêtes à la le le et entre cornes a à l'insuffisance de celui-ci dont on vend longitude est, et entre le 20" et le première industrie de la Nouvelle-Calédo- partout, alors que la quantité exportée 22" degré de latitude sud, la Nouvelle- nie, et on comprend qu'il en ait été ainsi annuellement par La Réunion ne dépasse Calédonie est un pays tropical, mais sa quand on voit à certains moments de pas4ooo kilos. températureest plutôt tempérée; en effet, l'année les plaines de la côte ouest couL'exportation du café de Nouvellele thermomètre n'y monte que rarement vertes d'immensestapis verts. Cependant, Calédonie se chiffre au contraire déjà par jusqu'à 350, ce qui a lieu seulement pen- ces pâturages ne ressemblent en rien à plus de 60000 kilos; elle augmente dant quelquesjours en janvier, et ne des- ceux de France; on n'y trouve à peu près d'année en année, et il est probable que cend pas au-dessous de 1)° dans la sai- qu'une seule herbe, l'andropogon, ou l'accroissement des anciennes plantations son la plus fraiche, vers le milieu du mois herbe à piquants, qui atteint une certaine et la création des nouvelles propriétés qui d'avril. De plus, la différence entre le hauteur et donne à la campagne plutôt a eu lieu surtout de 1896 à 1902, aura maximum du jour et de la nuit, ne dé- l'aspect de vastes cultures de céréales que pour conséquence que la quantité de café passe pas 9°. Enfin, si pendant trois à de prairies. exportée dépassera prochainement le Il y a bien à certains endroits chiffre de quatre mois de l'année, de décembre à un million de kilos. d'autres plantes, le la température chiendent, le reste aux mars, moyenne comme Dans ces conditions, les colons séenvirons de 2; à )0°, ce qui finit par de- magnana, la sensitive dont le bétail est rieux peuvent continuer à se diriger vers venir un peu fatigant, par contre, pendant très friand, mais la seule que l'on trouve la Nouve1\e-Calédonie.

seule, elle résiste aux grandes sécheresses. d'une températureprintanière. CHANCES DE RÉUSSITE Aussi, l'Européen peut travailler Le bétail s'en accommode d'ailleurs très sans dangerpendanttoute l'année, et c'est bien et s'en contente, même quand elle La réussite n'est possible avec un à peine s'il est obligé, par précaution, de est sèche, pourvu que l'eau ne lui manque petit capital que pour les familles de pays'abstenir pendant quelques heures au pas. habitués à une nourriture frugale, sans

milieu de la journée dans la saison chaude, car il est bien rare que l'on entende parler

d'insolation. De plus, le pays est d'une salubrité tout à fait exceptionnelle les maladies endémiqueset épidémiquesy sont inconnues, et on constate même ce fait extraordinaire que le voisinage des marais ne cause pas de fièvres paludéennes, ce que l'on attribue à la présence d'un arbre par-

CULTURES DIVERSES.

LE CAFÉIER

Ces cultures sont celles du caféier,

rompus aux travaux de la terre et assez nombreux pour pouvoir faire tout par eux-mêmes sans le secours d'aucun auxiliaire. Une famille remplissant ces condi-

du cocotier, et peut-être aussi des plantes à caoutchouc dès que l'on sera fixé sur les tions et possédant quelques milliers de espèces qu'il peut y avoir intérêt à francs, pourra toujours se créer en Nouvelle-Calédonie une existence relativement cultiver. cocotiers, il faut s'empresheureuse. Avec un potager, une basse-cour Pour les ser d'en garnir tous les terrains qui et quelques cultures vivrières, ellearrivera ticulier au pays, le niaouli (melaleuca peuventleurconveniretquineconviennent promptementà produiree1\e-mêméla plus viridiflora), que l'on rencontre partout en généralement pas à d'autres cultures ni grande partie de ce qui est nécessaire à sa arbrisseau, et dont les fleurs et les feuilles leur plantation, ni leur entretien, ne subsistance. Une vache ou des chèvres lui ont des propriétés antiseptiques que l'on donnent lieu à de grands frais, et au bout donneront du lait; des porcs, des lapins, a reconnues depuis longtemps, et qui sont de quelques années on trouve là un re- de la volaille, suppléeront au manque de actuellement utilisées par la médecine. boucherie fraîche; le potager produira tous venu certain. La surface de la Nouvelle-Calédonie Au contraire, la culture du caféier les légumes d'Europe qui réussissent tous, est de 2 100000 hectares, dont la moitié demande de grands soins pour le choix du même la pomme de terre dont la culture environ est occupée par les terrains mi- terrain, pour sa préparation et pour la a été pendant longtemps considérée niers, 1;0 à zoo 00o hectares par des plantation des jeunes plants que l'on sort comme impossible, et de plus, les légumes forêts, et le reste par des pâturages et des de pépinière, Quant à la manière de faire, du pays, patates, taros, aubergines, etc. terres à cultures, ces dernières d'une con- les avis sont partagés: les uns donnent la Enfin, le verger donnera des oranges, des tenance d'au moins ;00000 hectares, préférence aux plantations en montagneet mandarines,des mangues, des ananas, des toutes dans les terrains qui avoisinent les sous forêt, d'autres préfèrent abriter leurs anones, des pêches de Chine, etc., etc., montagnes, par les innombrables vallées caféiers avec des bois noirs, qu'ils soient car la liste des fruits tropicaux serait formées par les contreforts, et par des plalongue, et si on est privé des bonnes en plaine ou en montagne. teaux élevés. Ceux-ci dont on a déjà fait Les caféiers commencent à rapporter pcires et des bonnes pêches d'Europe, l'essai, sont probablement les centres de à la troisième année de plantation, mais ainsi que de tous les fruits à noyau, on colonisation dans l'avenir, parce que la ils ne sont en plein rapport qu'à la cin- peut en réalité se contenter de ceux que fraicheur qui y règne en permanence y quième alors, suivant la qualité des ter- produit le pays et dont quelques-uns sont permet pendant toute l'année des cultures rains et surtout les soins qui leur ont été exquis. toujours difficiles dans les terrains trop donnés, ils peuvent produire de )00 Si l'on ajoute à cela que le poisson exposés au soleil et au vent; mais ces ter- à 500 grammes par pied, et même plus. est partout abondant, aussi bien dans les rains ne pourront être facilement occupés Or, on compte environ i 600 pieds à l'hec- eaux douces que dans la mer, on voit que que lorsqu'il aura été possible de les doter tare, de sorte que la récolte peut varier de le colon qui saura s'y prendre pourra bien de voies de communication. 500 à 800 kilos à l'hectare, ce qui est un vivre sans trop entamer son capital, et rendement satisfaisant, surtout quand il attendre ainsi tranquillement les premiers s'agit de café de qualité supérieure, ce produits de ses cultures d'avenir. RESSOURCES DU PAYS Toute famille de cultivateurs, disqui est le cas pour la Calédonie. L'exploitation des mines, l'élevage Cependant, certains détracteurs de posant d'un petit capital, pourra toujours la culture, le à des bètes cornes, com- la colonisation ont été jusqu'à dire qu'il s'y créer une existence heureuse, à la merce, sont les quatre branches qui vaudrait mieux renoncer à cette culture. seule condition que ses membres seront travailleurs, économes et sobres. s'offrent à l'activité des émigrants. Les colons ne sont pas de cet avis. Ce sont des qualités qui ne suffiLaissant de côté les mines et le comLe café de la Nouvelle-Calédonie a merce, nous dirons quelques mots de été apporté de Bourbon; il ressemble sent pas toujours à donner le bonheur l'élevage et de la culture. beaucoup au café dé cette île, et il n'en dans la métropole!


Les Bayottes. ont été rassembléespar l'auteur au cours de la mission de délimitation de la Guinéeportugaise. La section française, que présidait le Dr Maclaud, fut obligée de demeurer deux ans en Casamance pour~arfaire les opérations géodésiques. Désireuse de faire connaître ce pays extrêmementcurieux au point de vue ethnographique, la mission mit à profit ce temps pour attirer la confiance des indigènes, afin d'obtenar les renseignements d'eux-mêmes. Ces notes

IL existe dans les environs de Ziguinchor, principal

centre de traite de la Basse Casamance, une tribu

assez peu connue, redoutée des blancs aussi bien que

des noirs, à cause de l'état de sauvagerie et du caractère indépendant, belliqueux et féroce des indigènes. Cette tribu est celle des Bayottes. Les Bayottes sont de race diola. Leur population de quatre mille individus est groupée

Goundoumey, exactement comme ils auraient fait de villages moins dispersés. Les Bayottes semblent venir du nord-est. La tradition veut qu'ils aient été chassés de la Haute Gambie, leur pays d'origine, par les Peulhs et les Mandingues, à la fin du XVIIIe siècle, en même temps du reste, que les autres peuplades de race diola Floups, Karones, Bliss, Diamates,etc.

C'est alors

en plusieurscentres dont le principal se

qu'ils vinrent se

réfugier dans la

trouve dans une des

bouclesde la rivière d'Atomé, affluent du Cajinolle. Ce sont les villages de

Basse Casamance, où ils occupent de nos jours tout le

Kaïlou, de Bazéré,de

entre la Casamance au nord, le marigot de Sindone à l'est,

territoire compris

Cazourou,d'Àtomé. de

Dans le cours ces

dernières

années,

le Rio Cacheo au

le terri-

sud et la rivière Cajinolle à l'ouest. L'histoire des

toire occupé parces

villages,

où les cases sont les unes

Bayottesdepuisleur

surlesautres,deve-

arrivée en Basse Casamance est intimement liée à celle des tribus voisines, avec lesquelles ils

nant insuffisant,

beaucoup de

fa-

milles passèrent la rivière d'Atomé et

allèrent s'établir dans l'ouest en

CUIPEMENT DANS' LA BROUSSE, DE LA MISSION DE DÉLIMITATION DE LA GUINÉE PORTUGAISE.

sont constamment Photographie de M. Jules Leprince. en guerre. pleineforêt. Là -elles C'est contre créèrent dans un rayon. de 2o kilomètres, au hasard eux qu'en 1860 nous passons 4n traité avec les Bandde l'emplacement,des habitations isolées. Leur nombre jars, et en 1866 avec les Baniounks qui se mettent s'accrut rapidement,et aujourd'hui ces indigènes vivent sous notre protection pour échapper à des ennemis de leurs cultures et de leurs palmiers, sans grandes toujours victorieux et impitoyables dans leurs vicrelations les uns avec les autres, mettant en valeur les toires. Dès lors, c'est contre les blancs qu'est dirigée plaines et les vallées. Des rizières limitent les îlots de leur hostilité, qui est marquée sinon par une lutte forêt où ils sont installés, et auxquels ils ont donné les ouverte, du moins par des attentats de toutes sortes

noms de Guilolon, Badène, Baguane, Niambalan, A TRAVERS LB MONDE.

40" LIV.

sans cesse renouvelés. En 1886, une colonne est N~

40.

7 Octobre 19°5.


dirigée contre Séléki, qui est le centre de la résistance et de la révolte. Il s'agissait alors de venger la mort du lieutenant Truche, de quatre Européens et de huit indigènes traîtreusement assassinés. En 1887, un aviso bombarde Séléki pour punir les habitants qui avaient insulté et malmené l'administrateur supérieur de la Casamance, venu pour établir le recensement de l'impôt. En 1888, nous prenons officiellement possession de Ziguinchor, qui nous est cédé par le Gouvernement portugais. Malgré ce poste avancé en pays bayotte, la situation reste la même, à tel point qu'en 1891 Séléki est à nouveau bombardé à la suite d'une série de meurtres dont sont victimes nos protégés. En 1899 le poste de Ziguinchor est renforcé. En i go i Séléki est bombardé pour la troisième fois, et une colonne opère pendant un mois dans le pays. Les indigènes fuient devant nos troupes et se réfugient en territoire portugais, attendant tranquillement pour rentrer chez eux, que les tirailleurs sénégalais aient évacué la région. Jusqu'en igo5 les actes de piraterie se continuent. A cette époque, la

Commission de délimitation dela Gui-

née portugaise étant obligée pour

ses opérations géodésiques de demeu-

rer dans le pays,

son président, le Dr Maclaud, obtient enfin la soumission des habitants, avec promesse de payer

l'impôt.

Si ce résultat

qui paraît définitif

est dû, pour beau-

le charme hallucinant et sauvage d'une nature vierge,

faite pour l'homme primitifqui l'habite. Le sol alluvial, le sous-sol gréseux, ne prësentent aucune particularité intéressante. Les animaux qui peuplent ces campagnes sont peu nombreux, d'espèces chats peu variées. On y rencontre des panthères, des sauvages, des lynx, quelques grandes antilopes, des

singes, des reptiles &II: des sauriens. Les oiseaux y sont représentéspar tousles genres qu'on trouve au Sénégll, et qui sont d'autant plus connus, qu'ils alimentent un commerce des plus prospères. Ce sont les geais, les foliotocols, les guépiers, les colibris, les marabouts, les aigrettes, les aigles, les vautours, les pélicans, etc. Le séjour dans ce pays est dangereux pour le voyageur qui s'y aventure, non seulement à cause du caractère inhospitalier des habitants, mais surtout à cause de la nature marécageuse du sol. Les émanations palustres, dont l'air est infecté en n'importe quelle saison, à n'importe quelle heure du jour et de la nuit,

sont une menace constante de fièvre pour l'Européen; sans compter les

petits inconvénientsimprévusqui viennent fondre sur lui, au moment où il s'y attend le magnians, moins

guêpes, abeilles, mouches de palétuvier, tsétsé, etc., petites bêtes devant la férocité desquelles il n'y a qu'une ressource fuir, et fuirleplusvite possible. Mais où le

dénuement

du

blanc prend une forme plus tangible encore, c'est quand

RÉSIDENCE DE ZIGUINCH coup, à la force imposanteque présenPhotographie de M. Jules Leprince. il veut étancher sa tait l'escorte des soif. L'eau potable deux missions, franfait à peu près défaut. On ne rencontre partout que de çaise et portugaise, il est dû aussi en grande partie à l'eau salée ou saumâtre. Dans les villages, l'eau des l'établissement de la frontière et à la perspective pour puits, bien que relativement douce, est tellement les Bayottes de ne plus pouvoir trouver un refuge en épaisse et colorée, tellement chargée de matières terGuinée portugaise, dont les blancs font désormais organiques, qu'elle répugne positivement à et Casamance. la de reuses cause commune avec ceux notre palais et à notre estomac. Les puits creusés en Le pays bayotte est constitué et par une vaste mètres cours de route donnent de l'eau à moins de 2 forêt très dense, coupée d'étroits sentiers, semée de de profondeur, mais cette eau est aussi mauvaise que clairières, où sont construites les habitations, et par celle des villages, et on n'arrive à la rendre buvable des vallées marécageuses où coulent des marigots peu qu'en la filtrant plusieurs fois, après l'avoir traitée à profonds, bordés de mangliers. De loin en loin, des l'alun et au permanganate de chaux. plantations de palmiers, de rosniers. Près des villages La température est supportable en apparence, et marquant leur emplacement, des boababs et des mais la chaleur toujours humide et débilitànte au fromagers,arbres sacrés, quelques manguiers et quelsuprême degré. Pendant la plus grande partie de ques orangers. l'année, la moyenne des températures diurnes est de Le sol plat, sans dénivellation apparente, dont thermomètre 27 degrés c'est à peine si, la nuit, le la végétation a envahi les moindres coins, l'enchevêdescend de 2 ou 3 degrés, exception faite pour les trement inextricable des lianes qui bouchent à chaque mois de janvier et de février, où la moyenne des temsous-bois, des clair-obscur le calme l'horizon, le et pas degrés. Pendant les pératures nocturnes est de i o le souffle brûlant qui semble émaner de la terre, la mois de mars, avril et mai, la température monte sousolitude qui règne de toutes parts, donne à cette région

12


vent jusqu'à 35 et même 40 degrés. C'est la période chaude qui précède le petit hivernage. La saison sèche va du mois'de décembre au mois de juin. A cette époque, on constate quelques pluies d'ol"age, qui sont suivies d'une accalmie d'un mois en juillet, puis arrive. le grand hivernage, qui dure du mois d'août au moi? de décembre. La saison sèche est devancée fin novembre par de fortes tornades, pendant lesquelles la tension électrique est formidable. Les Bayottes sont de taille moyenne, généralement laids; les traits du visage sont grossiers, le regard.fuyant et sournois, les cheveux broussailleux,la coloration de la peau moins foncée que celle des Ouolofs. Le torse est long par rapport aux jambes qui sont courtes et musclées. L'ensemble plutôt bestial de findividu, son allure fière, son geste tantôt lent et mesuré, tantôt leste et inquiet, selon les circonstances, sa physionomie changeante, donnent une impression de férocité, qu'on ne doit trouver que chez les êtres primitifs, dont l'instinct seul guide les actions. Les femmes ne sont pas mieux partagées. Elles por-

sieurs centimètres, comme il a été dit plus .haut pour les femmes. L'arme par excellence est l'arc et la flèche dont il se sert avec une grande habileté. Le fusil à pierre, que chaque individu possède, dès qu'il a réuni la somme nécessaire pour se le procurer, n'est guère utilisé qu'en temps de guerre et pour la chasse au gros gibier. Li pipe courte en cailcedra, à long foyer, fabriquée dans le pays même, par les forgerons, complète le pôrtrait du Bayotte, quels que soient son âge et son rang. Les vieillards se préservent des changementsde température par un léger pagne en coton indigène, qu'ils jettent au besoin sur leurs épaules, comme LÍn châle et non comme une toge. Les-femmes vont nues jusqu'à l'âge de lapubec`té; à cette époque" elles portent alors un pagne roulé autour des reins et descendant jusqu'aux genoux, sans aucune coquetterie, la poitrine toujours à l'air. Leursparures consistent en ceintures et en colliers

de dents

d'ani-

maux, de coquillages, voire de verroterie de provenance européenne,

tent généralement latête rasée, parais-

de breloques, composéesde griffes, de becs d'oiseaux, de

sent craintives et

cornes de cabris,

farouches, sont

suspendues au cou

laides et sales, sans par une mince lanière de cuir. déformation appaL'habitation rente, sauf pour les bayotte ne procède oreilles dont le lobe d'aucune architecest percé de deux ture connue. Elle ou trois trous de 4 à 5 millimètres de ne participe ni du diamètre, dans lesstyle souraï, ni du style maure, ni du quels elles passent CASANANCE, LES RIVES DE LA style portugais, des petits bâtons dont nous avons pu de 3 à 4 centimèPhotographie de M. J.~les Leprince. voir une interprétatres de longueur, tion chez les Mancagnes, proches parents des Bayottes. parure qui ne contribue pas à les rendre plus jolies. En aucun cas, on ne trouve chez les Bayottes de Extérieurement, elle présente une certaine élégance de proportions et d'arrangement. Les tentatives d'ornetatouage de race. C'est à peine si on rencontre parci par-là une élégante portant, comme les Balantes, mentation, bien qu'enfantines, laissent percer une idée des cercles concentriques sur la poitrine et sur le qui ne demande qu'à se développer et qu'on ne renventre, dessins grossiers obtenus par la cicatrisation contre nulle part ailleurs. d'incisions superficielles faites au couteau, ou de La. disp.:>!C'ition intérieure est compliquée, mais brùlures faites avec un fer rougi au feu. assez bien appropriée aux différents usages auxquels Contrairementà la plupart des peuplades de race elle est destinée. Cette habitation se compose, soit diola, les Bayottes n'ont pas les incisives taillées en d'une seule construction, de forme rectangulaire, de mètres de pointe. 12 à 15 mètres de longueur, sur 8 à Le Bayotte est presque toujours nu, le corps largeur, soit de trois ou quatre corps de bâtiments, huilé; un lambeau d'étoffe entre les jambes cache son dépendants les uns des autres, se coupant à angles droits, et formant une cour intérieure fermée ou non, s~xe. Le jeune homme agrémente volontiers ce cossensiblement rectangulaire, d'une superficie variant tume rudimentaire de garnitures de boutons de lingerie en porcelaine blanche, achetés dans les factoreries de i 5o à 500 mètres carrés. Véritable ferme d'aspect du fleuve. De ces boutons, il se fait des diadèmes, des rustique, où il ne manque que quelques instruments bracelets, des ceintures. Il porte sur la tête, fiché dans aratoires, ou quelque charrette, pour donner au voyageurl'illusion d'une campagne bretonne ou normande. les cheveux réunis en touffe, un bouquet de plumes blan.:hes, et dans les oreilles des bâtons longs de pluLa construction est faite en pisé, avec des murs

i


de 40 à 5o centimètres d'épaisseur, percés de portes rectangulaires et de petites fenêtres de formes variables, tantôt carrées, tantôt présentant l'aspect de deux trapèzes opposés par le petit côté; elles sont en outre garnies de barreaux de bois, et fermées intérieurement

d'un volet. Portes et volets sont taillés dans un contrefort de fromager (eriodendron anfractuosum), d'une façon tellement irrégulière, qu'ils ne bouchent que très imparfaitement les ouvertures pour lesquelles ils sont appropriés. Ils ne comportent ni gonds ni pentures, c'est la porte elle-même, ou le volet qui est coupé de façon qu'un des côtés puisse s'encastrer en haut et en bas dans deux trous pratiqués à même le chambranle. Point de serrure ni de loquet, une simple traverse en bois qui retient la porte à l'intérieur. Toutes les pièces communiquant entre elles, en cas d'absence complète des habitants une seule porte se ferme à l'extérieur, à l'aide d'un cadenas de fabrication européenne. La toiture, en paille, est soutenue par une forte charpente en rosnier, laquelle repose sur des poinçons de même essence ou sur des pylônes en pisé. Un des longs pans, généralementcelui qui est au vent, dépasse celui qui est sous le vent, et empêche la pluie, chassée par les rafales de l'hivernage, de filtrer au travers du faîtage. La sablière qui soutient extérieurement la toiture, est isolée de la crête du mur, et court sur une ligne de pieux. Cette disposition permet à l'air de circuler librement dans le grenier. Le grenier est constitué par le plafond du rez-de-chaussée et par la couverture elle-même. La maison principale, celle du maître, comporte en outre, du côté des jardins, une véranda de 3 à 4 mètres, dont la toiture indépendante s'appuie d'une part sur la crête du mur, d'autre part sur une panne que supportent des colonnes en terre argileuse ou des montants en cailcedra ou en rosnier. L'aspect de cette partie rappelle assez les cloîtres de nos anciennes abbayes. L'intérieur du bâtiment est divisé par des cloisons dé même épaisseur que les murs extérieurs,' sur lesquelles repose la partie médiane de la charpente, et par des cloisons en torchis. Les pièces sont nombreuses, de proportions et de formes variables; la chambre du chef de la famille, la chambre commune ou chambre des palabres et la chambre servant d'étable, seules ont de grandes dimensions; les autres, chambres des femmes, des enfants, des serviteurs, magasins à riz, fosse à fumier, sont des petits cabinets, aux parois noircies par la fumée, sans air et sans lumière. Les plafonds sont en torchis et servent de plancher aux combles du bâtiment, c'est là que l'on conserve pendant la belle saison les produits à sécher grains, coton, indigo, arachides, etc. Un couloir central fait communiquer les principales pièces entre elles. Il aboutit d'un côté à l'entrée principale de l'habitation, de l'autre à une chambre dépourvue de plafond, au-dessus de laquelle le chaume est percé d'un large trou. A cet orifice est adapté un énorme entonnoir en paille, qui permet de recueillir l'eau de pluie, soit dans un bassin, soit dans une jarre placée immédiatement au-dessous. Le sanctuaire des fétiches est ordinairement

situé à une des extrémités de la véranda, entouré d'un mur de I"'20 à Im5°. Il forme une sorte de chapelle garnie d'oripeaux, de plumes, de poteries, de branchages coupés à l'arbre fétiche; c'est un bric-à-brac de choses hétérogènes, souillées du sang des animaux qui ont servi aux sacrifices, de vin et d'huile de palme. Un kiosque commande l'entrée de la cour, entre les deux ailes du bâtiment principal. C'est un petit pavillon circulaire de 5 à 6 mètres de diamètre, entouré d'un mur bas, servant de banc, duquel jaillissent des colonnes ou des montants qui supportent une toiture pointue en paille. C'est là que les hommes se réunissent le soir, pour se reposer et causer de la chose publique ou de leurs affaires privées, tout en buvant le vin de palme que les serviteurs ou les enfants rapportent de la forêt. La ligne droite caractérise cette architecture, qui ne comporte ni cintre ni ogive. Les colonnes sont cylindriques ou fuselées, agrémentées de baguettes, de filets, de quarts de rond le chapiteau est indiqué par une courbe élégante, évasée de bas en haut, ornée

d'incrustations de coquillages ou de dessins en couleurs. Tout le long du bâtiment court un bandeau creusé à même le mur, en dents de scie, en croissant, en X ou en V, colorié diversement, en blanc, en noir ou en rouge, à l'aide de kaolin, de vase ou d'argile ocreuse. Souvent, les murs sont garnis d'une frise en mosaïque de coquillages (cauris) ou d'amandes de paline, qui reproduit des séries de lignes brisées à peu près régulières et servant à encadrer les portes et les fenêtres. Les villages où on rencontre les plus belles cases sont Cajinolle, Mlomp, Elinkin et Guimbering. Ces

constructionsmériteraient une étude plus approfondie, d'autant plus qu'elles sont l'œuvre vraiment extraordinaire d'une race vivant dans la barbarie et n'ayant jamais eu aucun rapport ni avec les blancs, ni avec les indigènes du Centre-africain, jouissant déjà d'une certaine civilisation.

Le pisé est fait par les femmes, qui creusent des

trous dans un sol favorable où l'argile présente un caractère de plasticité convenable, et aussi près que possible de l'endroit où elles doivent construire. Dans ces trous elles battent la terre, la pétrissent avec leurs pieds jusqu'à ce que sa consistance leur permette d'en faire des boules de lagrosseur de la tête, avec lesquelles elles monteront grossièrement les murs. Les hommes suivent ce travail et n'interviennent que pour rectifier l'alignement, dresser les surfaces encore fraîches, enlever les aspérités et corriger les aplombs. Pour cette dernière opération, ils se servent de pelles en bois, ourlées d'un bandage en fer très mince. Les murs, une fois secs, sont crépis avec un enduit composé de bouse de vache et d'argile, qui les protège des intempéries. La charpente et la couverture sont également le travail des hommes, et aussi les portes, les sculptures et les ornements. (A suivre.)

JUl)'S LEPRINCE.


leur vie et leurs moeurs une mentalité napolitaine. C'est lors de la fête annuelle de Mers-el-Kébir,

Les Pêcheurs de Mers-el-Kêbir. sont singuliers ces groupements de pêcheurs, à quelque nation qu'ils appartiennent, que l'on retrouve un peu partout rejetés loin de leur patrie, conservant encore dans les milieux étrangers les cou1 LS

tumes fidèles du sol natal. Car les marins, semble-t-il, emportent au fond de leur barque une parcelle du foyer la mer, malgré ses déploiements insondables, prolonge pour eux le rêve familial, et soude un lien qui les unit aux rivages délaissés. La vague qui gémit sous l'étrave des navires, n'est-ce point la même que celle qui se brise à l'entrée du port des ancêtres? A cette catégorie d'exilés se rattachent les gens de Mers-el-Kébir, village riverain de la mer, situé à quel-

kilomètres d'Oran, au fond ques

en septembre, que la personnalité des pêcheurs se montre le plus vivante. La cérémonie débute par une procession au cours de laquelle les hommes promènent des barques votives à travers la ville. Spectacle étrange, que de voir ces gars robustes, hâlés par l'embrun, noircis par le soleil d'Afrique, revêtir la lévite et le camail de l'enfant de choeur, et porter les oriflammes de saint Michel, la croix, l'arche d'or, et toutes sortes d'attri-

buts d'église dont'la sainte grossièreté atteste l'anti-

que origine. Dans ce cortège qui s'égrène au son des bombes, il apparaît que les (( Scotto », les (( Angelico », dont la face sereine comme le nom conservent le sceau des atavismes latins, n'éprouvent pas seulement des sentiments religieux, mais encore ont conscience qu'ils accomplissent une haute manifestation de patriotisme, et de traditionnelle reconnaissance en-

vers la terre loin-

taine où dorment les aïeux. Parmi

ples mêlés de l'Afri-

que, Musulmans,

Espagnols,

d'un golfe paisible.

Juifs,

Tous pêcheurs, les habitants de

Français

Mers-el-Kébir forment une colonie

les peu-

arrachés

aux quatre coins de

la France~ générale-

mentpeu conservabien frappante dont teurs des us et coules individus, jaloux tumes de leur prode leur sang, ne vince,la procession veulent point le des pêcheurs napomêler à celui de litains de Mers-elleurs voisins Ils Kébir commande le sont d'origine narespect, comme politaine, mais il toutes les choses est difficile de préLA PROCESSION DE LA SAINT-MICHEL,A MEltS-EL-KÉBIR. qui résistent aux ciser vers quelle injures du temps. Photographie de M. Pierre de Myrica. époque, ni à la suite Saluons-la, et soude quel événement se fixa le premier noyau d'émihaitons-lui, pour l'amour du pittoresque, une longue grants qui fit souche en ce lieu. On peut s'étonner que, existence. si loin de leur province, ces humbles navigateùrs PIERRE DE MYRICA. aient fondé un établissement durable. Quelles furent les vicissitudes du petit peuple depuis qu'il occupa ce point du globe? Quelles furent ses relations avec les musulmans ou avec les conquérants espagnols? Sans doute son histoire n'a pas été suivie; elle doit être bien simple et bien naïve, de même que la vie de ces pauvres diables, dont l'existence se partage entre la pêche à la sardine et la répaVérone (fin), ration des filets. On retient cependant une chose c'est la vitalité de cette race qui sut garder son originaLES Goths ne firent que passer sans laisser d'autre lité primitive, et que l'expatriation n'a'point entamée. trace que Ravenne, où l'Italie les parqua et où Leurs maisons peintes, groupées sur la grève, devant Boèce et Cassiodore les excusent à nos coeurs. A Vérone lesquelles les tartanes sont mises au sec au retour du ils passèrent aussi; pourquoi Vérone en fut-elle irrélarge, rappellent n'importe quel havre au pied des médiablement marquée? Le baiser qu'elle en reçut, monts calabrais; et le coeur même de ceux qui habitent c'est le baiser de René à Céluta. Céluta, tu restera, veuve Et lorsque les villes, unies par le lien pontifical, ces demeures, n'a pas changé. Sous le col bleu du marin français, ces (( inscrits algériens », affectés à la 1. Voir '.9 Travers le Monde, 1905, p. 238, 262,260, chauffe des bateaux-torpilleurs, ont conservé dans 278, 287, 294 et 302.

L'Italie moins connue'.


eurent balayé les ariens, 'elle regarda, friànde de servitudé, d'un oeil complaisant, les Lombards qui lui rappelaient son premier époux. Jamais nous ne la verrons participer à l'héroïsme libérateur de l'Italie. Charlemagne chasse Didier et installe les Francs; aussitôt l'Italie songe à chasser ceux qu'elle a appelés pour la délivrer et non pour se donner à eux. Vérone se range du <;ôté de l'étranger, du Franc abhorré, dont elle espère la restauration de sa grandeur gothique.

Dans le grand mouvement qui aboutit à l'installation des rois autochthones, de Béranger, au cours de ces temps rapides dont l'Italie vit bientôt l'erreur et le piège, elle frémira avec Luitprand d'allégresse et d'orgueil elle pleurera éternellement avec lui. Sui-

vons-la un moment. Afin d'assurer l'exécution du pacte, le Pape et Charlemagne ont installé dans les marches du domaine pontifical et du domaine impérial des marquis et des ducs. Le Pape n'a pas d'armée, l'Empereur est loin les marquis s'impatientent de ces suzerainetés étrangères. Et, lorsque meurt Charlemagne, le partage de

l'Empire fait éclater la révolte. Pourquoi l'Italie seraitelle le fief des Francs? Les marquis, réunis à Pavel, entrent en lutte contre le Pape, qui veut imposer un roi de sa façon. Mais les marquis et les ducs veulent faire eux-mêmes le r'oyaume qui sauvera leur indépendance. Un roi nommé par eux les protégera. Béranger, duc de Vérone, est à la tête de cet essor, et, après une série de luttes où Charles le Chauve, Louis Il, Carloman, Charles le Gros, le Pape et jusqu'à la papesse Jeanne sont mêlés, les marquis se réunissent encore une fois à Pavie, et nomment roi Béranger, duc de Vérone. Mais quoi Béranger va-t-il reconstituer le royaume de Didier? Les marquis aussitôt entrent en lutte contre lui, lui suscitent Gui et Lambert. C'est une course à qui assassinera le plus tôt et le mieux. On voit passer les Lambert comme des ombres sur le transparent de Séraphin. Trois fois Béranger est chassé, trois fois il revient. 1\ succombe enfin sous la coalition des marquis qui sont allés le chercher pour secouer le joug des Francs, et non pas pour se donner un maître il est assassiné à Vérone. Son successeur ne perd pas son temps à répondre aux voeux de ceux qui l'ont choisi. A peine installé, il écrase les marquis. Ceux-ci se redressent,et appellent Béranger d'Ivrée, petit-fils de l'autre. Ses folies et ses crimes ne tardent pas à soulever l'Italie entière. La coupe déborde et lorsqu'il veut obliger Adélaïs, la veuve de Lothaire, qu'il assassina,. à épouser son fils, les cités se pressent sous les murailles de Canossa où l'évêque de Reâgio a offert asile à la veuve outragée. Mort aux rois! puisque les rois font mine d'être autre chose que les gendarmes de l'indépendance. Othon est appelé. Il accourt. Le royaume de Béranger aura duré soixante-quatorze ans. Pour Vérone, il durera toujours. Céluta reste veuve de René. Elle le cherche partout et toujours, et chaque fois qu'un maitre s'offre, elle lui prête aussitôt les traits inoubliés. Les Lombards étaient du sang des Goths. Béranger possède la même âme. Il est fort, il est farouche, il dresse son amante sur son trône avec lui. Ètre' reine! Vérone a goûté deux fois au fruit empoisonné de la domination. Son sang reste à jamais corrompu. Sa lutte sauvage, au cours de

laquelle trois mille Véronais eurent le nez coupé afin que Vérone se souvienne, sa lutte sauvage contre Mantoue est née de la jalousie qui la tient et la tiendra toujours contre ceux qui, grandissant, rendeat de plus en plus improbable le retour des rois. La pui6sance de l'astucieuse Mathilde est insupportable à Vérone, et si nous voyons celle-ci entrer plus tard dans la ligue lombarde, ne nous laissons pas prendre à ces semblants d'indépendance guelfe. Par ses sacrifices, par sa force, Vérone espère toujours reconquérir le premier rang qu'elle a occupé un jour. Elle échouera, avec ses alliés, avec Grégoire VII, sous les murailles de Canossa, Canossa fatale pour la seconde fois. Et lorsque Eccelino se présente, elle le reçoit avec des cris de triomphe. Voici donc un maître Et quel maître! N'est-il pas déjà seigneur de villes puissantes Vicence et Padoue? Mais Vérone est plus forte et plus belle. Eccelino s'installe à Vérone; l'ancienne capitale de Béranger va renaître Et Vérone se fait gibeline par amour pour un prince qui lui promet les beaux jours de Béranger. N'est-ce point, d'ailleurs, le rêve de ce bandit, qui s'écrie dans son orgueil «( Je surpasserai Charlemagne » Il le surpasse en effet, mais dans ses crimes et ses vices. Eccelino, qui sent l'Italie s'agiter autour de lui, dont tous les pas portent sur un terrain miné, est pris de vertige furieux. Il égorge des familles entières, châtre ou aveugle les enfants, et pêlemêle sont immolés accusés, suspects, coupables et innocents. Vérone ne se tient pas d'orgueil de posséder un chef aussi puissant, qui lui rend sa splendeur. Les Cent vieilles nouvelles, où Eccelino est représenté comme l'un des plus grands génies du xuie siècle, ne seraient que l'écho de la félicité véronaise. Et lorsque Eccelino disparaît, puni pour avoir voulu reconstituer le royaume, lorsqu'il meurt sur la route de Bergame, après avoir immolé, mutilé, aveuglé les femmes, les vieillards, les enfants, les religieuses même de Brescia, alors qu'il marchait sur Milan, Vérone se rue aux pieds de Mastino della Scala que lui offrent les Gibelins. Les Scala pourront personnifier l'invasion, marcher à contre-pied des aspirations italiennes; il leur suffira de se dire les implacables ennemis de la démocratie guelfe, pour que Vérone les soutienne et se déclare heureuse sous leur joug. Qui sait? un jour, peut-être, lorsque les Scala auront bien besogné pour l'Empereur, celui-ci reconstituera-t-il le royaume en leur faveur, à moins que, invincibles et forts, ils ne le fondent. J'ai vu, déjà, en Toscane, une ville promise aux plus belles destinées, et qui, à peine née, manqua sa vie pour avoir besogné à contre-sens du sentiment italien, pour s'être faite le champion de la servitude étrangère. Comme Pise, qui tomba sous le joug de Florence, Vérone tombe dans les mains de Milan, pour être bientôt, ô honte reprise par Padoue qui la vend à Venise. Dès les premiers jours du xwe siècle, Vérone s'est effondrée, perdue par son envie et son

1.

avidité.

Voilà pourquoi

Vérone

resta germanique. La

morsure laissée sur son épaule, le baiser de Théodoric, au lieu de chercher à la guérir, elle l'entretint amoureusement. L'art que les Allemands, six cents ans après la mort de Théodoric, et quatre cents ans après


la mort de Didier, apportèrent en Italie, lui rappelait l'aurore d'une gloire inassouvie. Il entretenait la chimère. L'art dit gothique, venu du Nord, était le symbole de cette domination germanique dont elle s'était exaltée et s'exaltait encore. Comme Nina, elle attendra toujours le volage chasseur tyrolien, ne voulant rien que son amour et si sa parole reste triste, c'est parce qu'elle traverse toujours sa douleur. ANDRÉ MAUREL.

Une Visite aux Victimes du

Tremblement de terre en Calabre.

du Lokal An~eiger de Berlin raconte qu'il U reporter fait excursion à travers les localités boule-

a une versées par la récente catastrophe Briatico, Santaleo, Patenzana, Filiti, Zaccanapoli, qui ne sont plus aujourd'hui que des. monceaux de décombres. Parghelia était une ravissante petite ville, entourée d'une enceinte garnie de cactus et de lauriers-roses; aujourd'hui, la mort a passé là, et a tout fauché. Ce n'est que deux jours après la catastrophe, que des soldats ont pu venir pour y enterrer les morts. Pendant de longues journées, la population a campé dans les jardins, et attendu en vain quelque secours. Des maisons, au moment où le journaliste a passé, sortait l'insupportable puanteur de cadavres en décomposition. On se mit enfin à les enterrer jour et nuit, à la lumière de la lune et du magnésium les morts, arrachés aux tas de décombres qui les recouvraient, étaient rangés en longues lignes sous les arbres. Alors, venaient les parents des victimes, qui s'efforçaient de reconnaître les leurs. Un malheùreux, du nom de Picco Filardo, est resté sept heures avec sa femme morte, qu'il tenait pressée dans ses bras, écrasée par la chute d'une poutre, jusqu'au moment où l'on vint le secourir. Alors, il dit le dernier adieu à la morte et à ses cinq enfants également écrasés, que les soldats avaient rangés à côté l'un de l'autre sur le sol, à côté de ses deux soeurs, de son père et de sa mère, tous morts dans la catastrophe. Deux mères, qui avaient perdu leurs enfants, étaient devenues folles de désespoir, et poussaient des cris affreux. Pourtant, les braves sauveteurs, qui travaillaient nuit et jour dans les ruines, eurent une petite satisfaction. Pendant qu'ils déblayaient, ils entendirent tout à coup de légers vagissements, quelque chose comme la plainte d'un petit chat; puis, on eût dit plutôt une voix d'enfant. Enfin, on aperçut une touffe de cheveux

l'enfant était engagée sous une chaise qui, en la protégeant contre la chute des matériaux, lui avait sauvé la vie. Il fallut scier les quatre pieds, et l'on en retira alors une fillette de cinq ans, toute défaillante, mais sans blessures. Elle était restée pendant trois place

jours dans cette effroyable position. De Parghelia, le journaliste se rendit à Tropea ici, pas une âme; la population avait fui devant le fléau. On eût dit les rues de Pompéi. Les maisons n'étai@nt plus que d'informes entassements de débris. Des pêcheurs racontent que la mer, dans le voisinage, vomit, tous ces jours-là, des milliers de poissons crevés. Et en cent endroits, c'était le même spectacle partout, ledésert, ou des populations hébétées d'épouvante et de désespoir. Il faudra des millions pour rebâtir tous ces villages mais le Gouvernement ne peut pas tout faire il faudrait que. les pauvres victimes montrassent un peu d'énergie et d'esprit d'initiative. Or, partout, le journaliste allemand n'a vu que l'expression du fatalisme oriental, qui paralyse tout. En revanche, la bonne nature de ces populations se montre dans le fait que, dans tout le vaste théâtre du fléau, on n'a pas eu à réprimer un seul cas de maraudage. Ces pauvres gens peuvent prendre en toute sécurité, à cet égard, quelque repos sous les tentes qui se dressent en longues lignes dans le voisinage de toutes les localités dévastées. Ainsi, à Tropea, qui était une ville assez considérable, les 8000 survivants, depuis l'évêque jusqu'au dernier des mendiants, campent dans les jardins d'oliviers, et l'on surprend dans cette cité improvisée la vie italienne dans toute sa primitive simplicité. Le tribunal tient ses séances dans un wagon de chemin de fer; les saintes images, qu'on a arrachées à la hâte aux églises chancelantes, sont placées maintenant sur des autels en plein air; et, lorsqu'un soleil couleur rouge sang se cache derrière les îles Stromboli, des centaines de malheureux se réunissent autour de ces autels, et disent leurs prières sous la direction des prêtres, puisque les saints leur apportent enfin aide et secours. Puis, dans la nuit qui vient, les feux domestiques s'allument en longues files, pour préparer le repas du soir. Toutes les fumées de tous les foyers, montant en longues colonnes, finissent par se réunir pour former en plein ciel un immense rideau de vapeurs où la lune se devine, entourée d'un pâle halo. A Monteleone, le reporter fut lui-même témoin d'une secousse du sol, qui s'ébranla sous ses pieds et se balança comme une vague pendant une seconde; pendant une seconde, le génie de la mort avait passé là. Et, cette nuit-là, personne n'osa fermer foeil dans la contrée.

blonds. \(

Vois-tu la lumière? » cria à la victime l'officier

qui dirigeait l'équipe. ,( Je vois le ciel » fut la réponse, faite d'une voix éteinte, tandis que deux petites mains d'enfant s'agitaient parmi les débris. Avec des précautions infinies, on déblaya la

Albert Gayet. Nourrit,

'905.

Coins d'Égypte ignorés. Paris, Plon-

collaborateur, M. Albert Gayet, publie en volume un N OTRE récit dont nous n'avons pas à faire l'éloge à nos lecteurs,

puisqu'il a paru en grande partie dans le Tour du Monde, 90¢.


AFRIQUE

Mouvement d'émigration

au Sénégal.

Un mouvement d'émigration est assez prononcé dans le Firdou, sur la frontière de la Gambie, particulièrement dans le Kabada. Des villages comme Saré Sama et Saré Amaly s'apprêtent à passer la frontière. Leur départ aura pour conséquence d'amenerl'abandon du seul sentier reliant le Firdou à la partie nord du Kabada. Nombre d'autres villages ont disparu depuis quatre ans Djolien, Gambiesara, Banéba, Saré Lamine, Badiandou, etc. La cause de cet exode déplorable est l'impôt. Nos indigènes sont soumis à un impôt personnel de 2 à) francs, les protégés anglais n'ont à payer qu'une taxe de shilling par case habitée et un droit minime sur les récoltes, payé en nature du reste. De plus, la traite des arachides leur est plus facile, plus rémunératrice en Gambie.

Les Postes et Télégraphes dans l'Afrique occidentale française. Un rapport de l'inspecteur des Postes et des Télégraphes, daté de juin 1905, établit ainsi le nombre des bureaux de poste et de télégraphe de l'Afrique occidentale

Sénégal. française.

Haut-Sénégal

et Niger. 33

d'Ivoire. Dahomey.

Guinée

41 bureaux.

Côte

20 34 29

Parmi les bureaux postaux et télégraphiques les plus éloignés, citons Bandiagara, Bobo-Dioulasso, Dori, Goundam, Niamey, Ouagadougou, Sikasso, Lorbo-Haoussa, Timbouctou, Beyla, Farana, Siguiri, Kodiokofi, Kong, Carimama, Nikki et Say.

La Mission Moli. Le

commandant Moll, accompagné du personnel de la

mission chargée de fixer, d'accord avec les commissaires allemands, les limites de nos possessions du Congo-Chari, a quitté Paris. Les travaux de la mission dureront au moins deux ans. ASIE

Les Chemins de

fer du Tonkin.

Direction des travaux publics vient de créer une cinquième circonscription des études et travaux de chemins de fer. Le siège de cette circonscription est établi à Phanang, dans le Sud-Annam; elle comprend les nouvelles lignes dont la construction a été décidée dans cette partie de l'Indo-Chine sur le reste de l'emprunt de 200 millions, c'est-à-dire les lignes du Khan Hoa, du Lang Bian, et du Binh Dinh. 1 D'ores et déjà, des études sont entreprises entre Vinh et le Quang Tri, d'une part, et Tourane et le Binh Dinh d'autre part, en vue d'assurer le raccordement futur de cette partie de l'Annam avec les voies déjà existantes ou en construction. La

fer chinois et le Traité de Portsmouth.

Les Chemins de

La reconnaissance de la possession par le Japon, des chemins de fer orientaux chinois, implique le paiement par la Russie à la Chine d'une somme de 75 millions de dollars,

pour la part d'intérêts de la Chine dans la ligne dont la possession définitive sera l'objet d'un règlement entre elle et le Japon.

On croit que si la Chine se décide à conserver la ligne, cette somme de 75 millions de dollars sera payée, outre le remboursement qui lui serait fait pour la même reconstruction de la ligne.

Une clause importante du traité prévoit que la Russie et le japon seront tous deux autorisés à avoir des postes pour protéger la ligne, puis, en cas de troubles sérieux, à amener des troupes dont l'effectif sera limité aux chiffres strictement nécessaires, et qui devront être rappelées dès que leur mission sera terminée. La Russie ayant en sa possession les sections est et ouest des chemins de fer orientaux chinois et la section sud jusqu'à Kouan-Tcheng-Tse,la clause ci-dessus lui assure, en cas de conflit futur, le contrôle de la plus grande partie de la Mandchourie, depuis la fertile vallée du Tsougarou et au delà, au nord.

Le Mouvement arabe en Syrie. Le Gouvernement ottoman a chargé une commission

d'enquête d'examiner quelle était la profondeur du mouvement arabe signalé en Syrie. 11 ne semble pas que ses découvertes aient été bien concluantes; mais, sans doute pour justifier sa mission, cette commission a dénoncé un certain nombre de hauts fonctionnaires de Syrie et les a fait révoquer. On sait qu'il est généralementconsidéré que le mouve-

ment arabe est encouragé par l'Angleterre qui emploierait dans ce but comme intermédiaires des Egyptiens. C'est sans doute pour éviter la propagande de ces derniers, que le Gouvernement ottoman a donné l'ordre secret aux gouverneurs des ports de Syrie de trouver moyen d'empêcher le séjour des officiers égyptiens qui viennent chaque année passer l'été dans les montagnes du Liban et aux environs de Damas. En outre, quelques ulémas ont été arrêtés à Saint-Jean-d'Acre et

à Tripoli de Syrie.

Les Livres étrangers au Japon. Les japonais ont fait connaître, dans une statistique qu'on ne saurait d'aille1jrs prendre au pied de la lettre, le nombre de livres qui entrent au japon chaque année depuis

trois ans.

Allemagne. Angleterre France Chine Belgique Russie

Etats-Unis.

19°2

96 394

876o8 1252) ~4 3 ~3

z 643 340

47 340 261 161

19°3

19°4

942177

93 990 15 5188

168981

)

15 625 15 705

1930 123 72 704

15191

11 495 2 943 1

> 39

55 856

)69285 4961)8

sont évidemment et forcément statistique. Il y a bien des livres que les glissées dans cette japonais apportent au retour de voyage, ou que des voyageurs étrangers laissent au Japon. Pourtant les chiffres ne seraient pas très changés sans doute si on en tenait compte. On voit De grosses erreurs se

par les progrès de l'Angleterre combien ses écrivains ont pu acquérir d'influence par le livre, sur l'esprit des japonais, en admettant qu'il ne soit pas impossible d'avoir de l'influence sur les japonais.

Les Territoires militaires du Tonkin. Le journal Officiel de flndo-Cbine, du 3 juillet dernier, publie un arrêté décidant que les 2°, 3e et 4e territoires militaires seront replacés au point de vue de l'administration

financière sous l'autorité du résident supérieur du Tonkin, et administrés d'après les règles en vigueur dans les provinces civiles. Leur budget spécial est supprimé; les recettes le composant seront restituées au budget local. L'administration de ces territoires ainsi remaniée, restera confiée à un officier supérieur, colonel ou lieutenant-colonel. Ainsi s'accomplit une réforme que la situation du pays rend poss~ible, étant donné surtout les précautions dont on l'entoure. On voit en effet combien les transitions entre l'administration militaire et l'administration civile sont ménagées.


Les Bayottes ait

Une étude précédente nous a initiés à l'histoire et à la géograpbie des Bayottes, la plus intéressante des tribus auxquelles eu affaire, dans la région de la Casamance, la mission franco-portugaisede délimitation. La vie sociale et intime de

cette ~opulation n'estpas moins curieuse.

Les Bayottes, comme toutes

les tribus de race diola, sont fétichistes. Ils croient à une divinité d'ordre

très supérieur, qu'ils appellent Mitaye, avec laquelle ils n'ont de relations qu'après leur mort, à la condition d'avoir durant leur vie respecté les fétiches, représentants terrestres du dieu. Ceux-là, les bons, seront admis après leur mort dans le

ils n'admettent pas que cette fantaisie se prolonge bien longtemps. D'ailleurs, le renoncementaux croyances, aux coutumes et aux cérémonies fétichistes sur lesquelles est basée la société bayotte, gênerait trop l'homme dans le cours de sa vie, pour lui permettre de pratiquer un autre culte que celui des ancêtres. Aussi les catéchu-

mènes sont-ils peu nombreux et jamais attirés par la conviction, ni le désir de connaître des vérités nouvelles, toutes de sacrifice, qu'ils ne

royaume de Mitaye, véritable pa-

radis,qu'ilsplacent

au ciel, appellent Oussandiaye, etoù les élus jouissent de tous les bon-

heurs, de toutes les joies. Les mé-

sauraientcompren-

dre. Les bienfaits du prêtre et ses cadeaux sont les seules raisons qui,

chants, au contraire, seront retenus

sur la terre par

les fétiches euxmêmes, qui loin de

momentanément, amènent l'enfant à l'écouter. Le ministre

leur faciliter l'entrée de l'Oussandiaye,

emprisond'Allah, le marabout, est autreneront leurs âmes, dès l'abandon du ment redoutable corps, dans la peau pour la société fétichiste. Son enseid'un animal imMAISON BAYOTTE. monde, qui leur gnement, bien plus D'après une plzotograplzie. servira de purgaà la portée de la mentalité de ces toire, jusqu'à ce humaine leur permette qu'une nouvelle transformation tra sauvages, constituerait rapidement un danger pour la puissance des féticheurs, et ces derniers s'en rendent grâce de rentrer en grâce. si bien compte qu'ils ne laissent à aucun prix les muComme toujours, les féticheurs sont puissants, et sulmans pénétrer chez eux, et y faire de la propagande. redoutés en tant que sorciers. S'ils laissent les jeunes Les grands arbres, fromagers, baobabs, cailcéenfants entendre la parole du missionnaire catholique, drats, incarnent les fétiches. C'est à eux, les Békines, qu'on sacrifie chèvres, porcs, chiens, poulets, pour I. Voir A Travers le Monde, 1905, page )1). A

TRAVERS LE MONDE.

4

le LIV.

N° 41.

14

Octobre

i go5.


conjurer la colère de Mitaye qui déchaîne sur le village

le feu du ciel, inonde les récoltes, propage la maladie. Chaque individu possède chez lui un coin consacré aux Békinesfamiliaux, où il fait offrandes et sacrifices, pour étendre sur ses proches et sur ses biens la mansuétude des génies et des esprits. Les sacrifices humains, pas plus que l'anthropophagie, n'existent chez les Bayottes. Le poison d'épreuve, sur lequel repose toute idée de justice,

seul fait chaque année un certain nombre de victimes, mais moins pourtant que chez les Balantes et les Bagnounks par exemple. Cela tient à ce que les différends entre familles sont souvent réglés en champ clos, par des combattants choisis parmi les membres respectifs de chatune d'elles. Ces duels sont fort appréciés des gens, qui s'en font une fête. La lutte se continue sans trève, jusqu'à ce qu'un des champions morde la poussière, ou s'avoue vaincu. Quelquefois des villages entiers prennent intérêt à cette sorte de jugementde Dieu. Le vainqueur est porté en triomphe, reconduit chez lui en grande pompe; on fait parler la poudre en son honneur, et durant les nuits de lune, les femmes chantent ses louanges au tam-tam, et dansent son triomphe. Une certaine considération s'attache aux fiers lutteurs qui sont toujours de jeunes hommes, et la renommée transmet leurs noms de génération en génération, en faisant d'eux des héros de légende. L'homme marié ne peut prendre part à ces pugilats, mais il peut servir d'arbitre, lorsqu'il a fait ses preuves étant célibataire, et que le succès a confirmé sa force et son adresse. Le Bayotte s'adonne à l'ivrognerie comme tout indigène vivant dans la zone du palmier. Il boit le vin de palme fermenté. Dans la journée, l'homme n'est jamais chez lui. Ses occupations le retiennent soit aux champs, soit aux palmiers, où il recueille le précieux breuvage dont il boit plus que de raison. Il ne rentre à la maison que le soir avec la provision destinée aux femmes et aux enfants qui se soûlent à leur tour avant de se coucher.Il est intrépidechasseur et met sa gloire à orner l'autel des fétiches de tous les crânes de ses

victimes.

Vivant au milieu du delta d'une grande rivière, habitué dès son jeune âge à prendre ses ébats dans les canaux et les rivières qui sillonnent son pays dans tous les sens, il est aussi adroit piroguier qu'habile

pêcheur.

Sa qualité de cultivateur prime cependant toutes les autres. Le sol alluvial de la région qu'il habite, se prête merveilleusement à la culture du riz. Aussi en fait-il produire à laterre une quantité bien supérieure à celle dont il a besoin pour sa consommation. Le sur-

plus de la récolte est échangé ou vendu aux traitants et dans les factoreries. Le Bayotte sait admirablement irriguer ses rizières. Il construit dans les marécages des digues, qui représentent un travail considérable comme levée de terre et qui sont de la plus grande utilité pour circuler dans le pays pendant l'hivernage. Il élève avec un soin jaloux, des boeufs, mais en petit nombre, ces animaux vivant mal dans ce pays marécageux. Quant aux porcs et aux chèvres qui pullulent aux abords des villages, ce sont les femmes et les enfants qui s'en occupent.

ayant chez lui tout le nécessaire, et ses besoins étant limités, méprise le commerce et se refuse énergiquementà tout travail extérieur. La forêt Le Bayotte,

de caoutchouc, qui couvre une vaste superficie, reste inexploitée, et les étrangers, quelle que soit leur

couleur, ne peuvent y pénétrer, sans risquer leur vie; cette mine de richesses demeure à l'état de réserve pour l'avenir, en attendant le jour où la civilisation aura commencé son ceuvre, ce qui ne saurait tarder. Les efforts combinés de l'Administrationet des colons doivent tôt ou tard avoir raison de cette poignée d'indigènes dont ra haine et là suspicion vis-à-vis de l'Européen ne sont justifiées que par l'ignorance dans laquelle ils vivent de nos intentions et de nos procédés.

Le mariage se décide entre familles, les enfants

sont fiancés en bas âge. A diverses époques de l'année, lejeune homme, dès qu'il le peut, prête son appui à ses beaux-parents. llies aide aux travaux des champs, leur fait des cadeaux de riz, de vin de palme et de bétail; il subvient en outre dans une certaine mesure aux besoins de la jeune fille, dont il flatte la coquetterie par des présents tissus, ven'6terie, etc. Le jour du mariage donne lieu à des réjouissances publiques, festins, danses, tam-tam, dont il fait également les frais. La polygamie existe chez les Bayottes, mais d'une tout autre façon que chez les musulmans l'homme entretient dans la maison, des femmes qu'il peut répudier et reprendreselon sa fantaisie et de consentement mutuel, sans que personne ait rien à dire. Quant à la véritable épouse, la fiancée du jeune âge, elle conserve toujours la prérogative de maîtresse de maison, et il est très rare qu'elle divorce. Les enfants appartiennent toujours à l'homme chez qui la mère a vécu au moment de la gestation, et s'il y a séparation la femme perd tout droit sur sa progéniture, au profit de son mari. Elle ne peut même recouvrer sa liberté que lorsque le dernier enfant a été sevré. Les femmes s'occupent du ménage, des enfants, de la cuisine, de la construction des cases, du bétail, et aussi des cultures, principalementdes jardins situés auprès de la maison. Ces jardins contiennent du mil, du maïs, des piments, de l'indigo, des arachides, du coton, etc., etc. Le travail des rizières est réservé aux hommes, et si les femmes s'en occupent ce n'est qu'incidemment etau moment des fêtes qui se donnent à l'occasion des semailles et des récoltes. La cérémonie des funérailles dure deux jours. Aussitôt le décès constaté par les proches, le mort, revêtu d'un pagne neuf, est exposé à la porte de sa case. Les coups de fusil tirés par les hommes, les gémissements poussés par les femmes, annoncent la nouvelle à tout le village. Chacun accourt dès qu'il a

entendu le signal. Il à

n'y a pas de temps à perdre, car il faut empêtout prix les mauvais génies de la forêt de

cher s'emparer de l'âme du défunt en l'empêchant de prendre son essor vers l'Oussandiaye. A cette fin, on entoure la case, les parents et amis continuent à tirer des coups de fusil dans la direction du soutou 1 ceux 1.

Souto'u

bouquet de bois proche d'un village.


qui ne possèdent que des armes de jet lancent des

flèches, des lances et des sagaies sur les arbres voi-

sins. Les femmes crient pleurent, se lamentent, dansent, se roulent dans la poussière. On assomme des poulets et des canards contre les murs de la case, on égorge des chèvres et des porcs, voire des bœufs si le défunt en possède, et cela en prolongeant le plus possible l'agonie des victimes. Toute cette boucherie servira au repas qui sera servi la nuit aux invités. Le vin de palme et l'alcool ne sont pas oubliés. Ils activent les énergies, et les clameurs redoublentjusqu'à la nuit. Le lendemain matin, les femmes, la tête rasée, enduite d'huile et de boue,lavent le corps, pendant que les hommes préparent une civière en se servant d'une des portes de la case, qu'ils ornent de cornes de bœufs en plus ou moins grande quantité, suivant la fortune du défunt. Cette fois, c'est un féticheur qui dirige le cérémonial. Il clame les louanges de celui qui n'est plus, vante son courage, sa force, sa générosité, rappelle ses actions d'éclat. Le choeur des vieillards répète en psalmodiant chaque phrase de l'orateur, pendant que les jeunes gens dansent sur un pied en brandissant leurs armes. Le défunt, installé sur la civière, est enlevé par quatre vigoureux gaillards, qui se mettent en demeure de lui faire visiter une dernière fois son village, ses champs, ses palmiers. Les jeunes gens, toujours en armes, prennent la tête du défilé, afin d'éloigner l'esprit du mal, dont il faut toujours se défier, les vieil-

et couché sur le côté, la face tournée vers le couchant. La porte qui a servi de catafalque ferme l'entrée du

tombeau, qu'on recouvre d'un tertre surmonté d'un bâton orné de plumes, après lequel on attache un poulet et des boulines de palme. Pour la mort d'une femme, la cérémonie est à

peu près la même, avec la promenade en moins. Les Bayottes vivent dans l'anarchie; ils ont bien un roi, Toupa, qui réside à Kaïlou, mais ne dispose d'aucune autorité. Les villages dispersés sont sans chef, c'est à peine si dans les circonstances graves on réunit les anciens pour les consulter. Les féticheurs sont plus craints qu'écoutés, et on évite d'avoir recours à eux pour régler les différends entre individus ou entre familles, car le poison

d'épreuve qui leur sert de code est également redoutable pour les deux parties.

Les raisons qui font les inimitiés tiennent la plupart du temps aux femmes, aux héritages et à des contestationsde propriétés, champs,

rizières, palmeraies. Il s'ensuit des vendettas, qui durent quelquefois pendant plusieurs générations et qui se traduisent par des assassinats, des empoisonnements, des luttes qui semblent ne devoir jamais

prendre fin.

La famille est la vraie institution qui régit la société bayotte. Le père est tout-puissantsur ses enfants jusqu'au jour où ils ont abandonné le toit paternel pour se créer une

famille à leur tour. Même alors, si besoin est, le père doit pouvoir compter, dans une certaine mesure, sur le concours de ses fils et de lards suivent en chantant, les ses gendres. Le mari hérite de ses femmes en pleurant. femmes. Entre hommes, les biens A peine a-t-on fait vingt pas, vont aux collatéraux. le tout monde s'arrête brusqueque La femme peut posséder. En ment, les guèrriers poussent des cas de décès de son mari, elle cris de rage,tirent des coups de emporte ce qui lui appartient en GUERRIER BAYOTTE. fusil, lancent des flèches. Le fétipropre, mais elle n'a aucun droit cheur étend les bras, prononce des D'après une plxotographie. sur ses enfants, qui sont confiés à paroles du rituel. Bonne précaution leurs oncles, lesquels doivent les pour mettre le diable en fuite et pouvoir avancer la traiter avec les égards d'un père. promenade d'une vingtaine de pas. Les arrêts succèL'esclavage n'existe pas, mais les pauvres se font dent aux arrêts, toujours à peu près dans les mêmes les clients des riches. Ils les aident en échange des bienconditions, souvent même suivis d'un léger mouvefaits qu'ils reçoivent, cela d'une façon tacite, sans être ment de recul, jusqu'au retour à la case. liés par aucun contrat. Là, nouvelle exposition du mort. Chacun L'industrie se résume, dans les mains du forges'approche de lui, l'interroge à voix basse, tend l'oreille ron, à la fabrication de poteries, de bijoux grossiers en et se sauve en poussant des hurlements. Les jeunes cuivre et en fer, d'armes arcs, flèches, sagaies, cougardenttoujours les alentours en dansant et en gens teaux d'instruments aratoires: pelles, râteaux, hoyaux tiraillant. d'objets usuels pipes, besaces, sandales d'instruLe soir venu, au crépuscule, le corps, frotté ments de musique, qui sont au nombre de deux un d'huile de touloukouna, cousu dan son pagne, la tête grand tambour en bois fait d'un tronc d'arbre évidé et voilée, est transporté jusqu'au soutou où la tombe a une guitare composée d'une calebasse recouverte de été creusée. C'est la fin des funérailles. peau, servant de caisse de résonance, à laquelle est La tombe se compose d'un puits vertical de 1 ffi20 adaptée une corde en boyau que le joueur tend avec à Iffi50, communiquantavec une galerie horizontale de les dents et qu'il pince de la main droite. 2 mètres, orientée nord-sud. Le corps y est descendu Les Bayottes savent tisser le coton, dont ils tirent


les bandes de « sore » connues dans tout le golfe de Guinée. Ces bandes leur servent de monnaie entre eux et de tissu propre à la confection des pagnes.

vagues travaux de vannerie. Ils fabriquent pour leur usage, des paniers, des corbeilles, et aussi des nattes très souples en bambous Ils font aussi quelques

etroseaux,quiservent au couchage.

n'en font que très peu, de quoi se fournir de poudre, de fusils, de tabac, de tissus et de verroterie. Ils ne vendent guère que du riz et des arachides. L'obligation pour eux de payer l'impôt, sera une excellente chose pour le commerce, car, forcés de se procurer des espèces, ils seront du même coup forcés de travailler. Or, comme ils n'aiment pas beaucoup s'employer hors de chez eux, au service d'autrui, qu'ils ont sous la main un pro,iuit rémunérateur, facile à recueillir sans grande peine, il n'y a pas de doute qu'ils se mettent un jour à exploiter les landolphias De commerce, ils

On fait à cet effet d'immenses efforts pour former des officiers avec les lettrés riches. De plus, un certain nombre de jeunes gens, instruits au collège militaire de Tokio, sont rentrés en Chine. On espère de cette façon obtenir un millier d'officiers par an. La guerre russo-japonaise a été pour la Chine une leçon dont elle a fait son profit. Le Chinois a fini par se rendre compte qu'il n'était pas si mauvais pour défendre son pays, de savoir manier une arme de précision. 11 est excessivement pratique, et il a compris la signification des succès remportés sur son propre pays par les Japonais il y a dix ans, et par ces mêmes Japonais sur les armées du tzar. Il estime maintenant qu'il est bon d'être de son temps. Le Japon et la Chine entreront de plus en plus en contact et, comme résultat, la Chine deviendra de plus en plus forte et de plus en plus indépendante.

qui sont en abondance dans leurs forêts,

JULES LEPRINCE.

Situation du Chemin de fer de Konakry au Niger. Le Réveil de la Chine. Ort a

annoncé dernièrement que la Chine se préparait à instituer une sorte de gouvernement représentatif. Ce n'est pas seulement dans le domaine de la politique que des transformations sont à l'ordre du jour dans le vaste empire jaune. Ce « vent » de réformes provient de la lente et méthodique infiltration japonaise, que nous avons signalée plusieurs fois, ici-même, comme pénétrant dans tout l'organisme chinois. Voici, en effet, que le Gouvernement de Pékin s'occupe d'introduire un système complet de réorganisation militaire et navale. Déjà on annonce qu'un état-major général a été créé, dont chaque membre a été instruit militairement, au Japon, pendant cinq ans. Un département de réorganisation militaire a été également établi à Pékin et possédera six subdivisions, qui seront chargées de surveiller le fonctionnement du nouveau système. L'empire chinois sera partagé en 2o districts militaires, chacun comprenant 18 provinces; le Turkestan formera un district séparé, ainsi que la Mandchourie. Chaque district possédera quatre régiments d'infanterie, un régiment de cavalerie, et des troupes d'artillerie et du génie. Les hommes devront fournir neuf années de service dont trois ans sous les drapeaux, trois en première réserve et trois en seconde réserve. La première réserve exécutera chaque année des exercices pendant deux mois, et la seconde réserve pendant deux semaines. La Chine espère qu'à la fin de 1910 elle possédera un million d'hommes exercés, et si réellement ces troupes ressemblent à celles qui ont été exercées pendant quelques années à Tien-Tsin et dans d'autres villes chinoises, elles seront parfaitement capables de faire campagne. 11 faut toutefois trouver des officiers en nombre suffisant pour les conduire.

des 154 kilomètres de la voie ferrée L' EXPLOITATION

de la Guinée française, qui atteignent Kindia, a donné des résultats auxquels les plus optimistes ne

s'attendaient pas

les recettes brutes ont atteint

4 500 francs, les dépenses 4 000 francs seulement par kilomètre, malgré les charges nécessitées par des travaux neufs, la construction de gares soignées et

l'abaissement des tarifs. On annonce cependant que ceux-ci, dans l'intérêt du commerce, seront de nouveau

abaissés. Une ville « civilisée s'est créée à Kindia, point terminus actuel, avec une rapidité qui a stupéfié les noirs. Les travaux continuent au delà, dans un terrain granitique, très accidenté, où l'on n'avance qu'à la mine. Cependant, tout porte à croire que la ligne atteindra la rivière Kolenté au mois de septembre de l'an prochain, et qu'en janvier i go8 on pourra être à la hauteur de Timba. 300 kilomètres auront été alors achevés. Reste à construire, pour atteindre Kouroussa, sur le Niger, 300 autres kilomètres. On affirme que l'enquête faite par le directeur du chemin de fer, M. Salesses, dans les différentes colonies africaines, françaises ou étrangères, a eu un résultat pratique il rapporterait de l'Afrique du sud un procédé qui permettrait de construire 150 kilomètres par an, et d'atteindre le Niger en décembre 1909. Pour cela, il faudra 3o millions, qu'un nouvel emprunt contracté par le Gouvernementgénéral de l'Afrique occidentale, emprunt dont il a déjà été question, permettrait d'obtenir. La Guinée française pourrait aisément fournir sa quote-part de la rente à payer. Dès la première année, et alors qu'il n'a pas encore son débouché sur le Niger, son chemin de fer fait ses frais, et la situation financière de la colonie est bonne elle a maintenant un million dans sa caisse de réserve, à peu près vidée il y a deux ans.


ment imposant et majestueux, digne du plus grand art. Plus colossales encore sont les arènes de Nimes, qui mesurent 103 mètres sur 101. Tout y est à l'avenant. Trente-cinq rangs de gradins construits en

Les Représentations théâtrales dans les Ruines antiques. Le Théâtre en plein air prend tous les ans une impor-

tance plus considérable longtemps réduit aux représentations spéciales dont la scène d'Oberammergau offrait le prototype, il se produit maintenant un peu partout et les Théâtres de la Nature surgissent aux flancs de nombreuses collines. En outre, des tentatives heureuses ont été faites en France, qui utilisantlesruines plus

pierres, mesurant chacune i mètre cube, posées les unes sur les autres sans ciment, et réunies seulement par des crampons de fer scellés avec du plomb, se superposent sur une hauteur de 21 mètres, autour d'une piste ovale de 70 mètres de long; 124 vomitoires, dont plusieurs ont io mètres de haut, donnent accès à cet amphithéâtre-monstre où 23 000 spectateurs peuvent s'asseoir. En traversant les siècles, ces théâtres n'ont pu manquer de passer par d'étranges fortunes. Il n'y a pas longtemps encore, à Orange et à Nimes, les arènes contenaientdes villages. En effet, ces solides construc-

ou moins restaurées des amphithéâ-

tres antiques, ont fait entendre au mi-

lieu des pierres

contemporaines des Césars la traduction des chefs-d'œuvre anciens ou des produits d'un art approprié au milieu qui le voyait éclore. Les théâtres construitsjadis par

les Romains sur

notre sol ont survécu à la ruine du monde antique ils constituent une des curiosités architecturales de la Provence et du Languedoc.

Cequifrappe, dès qu'on les aperçoit, c'estleurcaractère d'énormité.

ARÉNES

N15IE5.

LE PUBLIC AUX DE Imaginez d'immenI)'apl~ès une photograplzie. sesgradinsen pierre étageantleursdemicercles contre le flanc d'une colline, sur un espace tions de pierre constituaient un abri tout trouvé; des long de plus de 100 mètres, et, en face de cet amphimasures s'y élevèrent, et peu à peu on vit toute une théâtre; où peuvent prendre place r o 00o personnes, population venir y nicher. On n'aura pas de peine à admettre que l'aspect un mur gigantesque, haut de 37 mètres et large de de ces villages était tout ce qu'on peut imaginer de io3 mètres, qui domine tout de sa masse c'est le théâtre d'Orange. plus pittoresque, en même temps que de plus bizarre. La formidable muraille qui en est la partie prinLes maisons, bàties sur les anciennes zones des gracipale a été bizarrement sculptée par les siècles; des dins, avaient l'air d'être perchées sur les parois d'un motifs d'architecture, des colonnes de pierre et de ravin; çà et là, des arbustes, des arbres même avaient marbre qui la décoraient autrefois, se sont effondrés et pris racine, et mettaient de la verdure parmi les gisent à ses pieds, mêlés à quelques figuiers qui ont bicoques, sales et misérables, car les quartiers des poussé là, entre les dalles de l'antique scène, large arènes étaient habités par le bas peuple. Des ruelles de 6o mètres. Sa façade se creuse d'excavations, des étroites et tortueuses, où les poules, les porcs et la pierres manquent; elle est toute trouée, toute rongée. marmaille s'ébattaient librement, grimpaient vers le Tel qu'il est, mutilé par le temps, ce mur géant donne mur. Les jours d'orage étaient terribles la pluie dévalait le long de ces ruelles et s'accumulait dans la aux ruines du théâtre d'Orange un aspect singulière-


partie basse des arènes, celle qui servait autrefois de piste ou de scène; et elle y formait un marécage. Extrêmement dangereuses étaient pour les masures bonces averses qui minaient leurs fondations; par heur, elles s'étayaient l'une l'autre. A Nîmes, au début du XIX. siècle, les arènes formaient encore, dans la ville, un quartier spécial qui possédait son église Saint-Martin des Arènes, et ne comprenait pas moins de 2000 habitants, parlant un patois spécial.

Cependant, on commençait, au cours du profanation. XVIII. siècle, à rougir de cette espèce de Depuis que les ruines de Pompéi avaient été remises vestiges de l'antiquité. au jour, on revenait au culte des On prit soin de débarrasser les théâtres romains de ces constructions parasites qui les déshonoraient, pour les restituer dans leur simplicité et leur beauté. En 1809, A la on s'occupa de déblayer le théâtre d'Orange.arènes même époque, on débloquait pareillement les de Nîmes.

n'ayant pas d'arènes, s'empressa de s'en faire construire, il y a quelques années, et se bâtit un théâtre antique tout neuf. Les représentations se donnent régulièrement tous les ans à Nîmes à la fin de juillet, à Orange vers le milieu du mois d'août, à Béziers à la fin d'août. C'est le soir, qu'elles ont lieu. La raison de ce fait est curieuse. C'est que nous sommes ici dans le Midi, chez des gens amoureux du soleil et qu'enivre sa lumière pendant le jour, le soleil surexcite l'auditoire on s'agite, on cause, des discussions s'élèvent empêchent de au sujet des ombrelles qui s'ouvrent et voir; au contraire, la nuit apporte le calme et le recueillement.

Ce qui confirme bien la sagesse de cette précaution, c'est qu'à Béziers, où l'on persiste à jouer en plein jour, sous le ciel bleu et le grand soleil, l'audi-

toire est excessivement tumultueux; mais cet inconvé-

nient est moins

grave qu'à Nîmes et qu'à Orange. A Béziers, en effet, on donne surtout des drames lyriques, avec danses et ballets, où la musique et le spectacle ont le plus d'impor-

Désormais,

lesthéâtresantiques ayant recouvré leur

état primitif, on

devait avoir l'idée de les rendre à leur

véritable destination. Cette idée vint aux "félibres », qui

organisèrent les

tance.

premières représentations. Restait à en faire une véritable

est merveilleuse dans ces théâtres antiques; pas une

manifestationd'art. Or, le II août 1888, la Comédie-Fran-

parole ne s'y perd.

singulier contraste, ce qu'on entend le moins Par un

donnait au théàtre antique d'Orange ~'dipeçaise Roi.

Ce

fut

une soirée inoubliable. D'où venait

cette

L'acoustique

LES aRLNES D'ORANGE

D'après

Il1ze

prodigieuse

impression? De l'harmonie parfaite, merveilleuse, qui existait entre la grandeur et l'austérité des ruines

d'Orange et l'admirable chef-d'oeuvre. La pièce de Sophocle reparaissaitdans ses véritables conditions de représentation. La tragé3ie antique, en effet, composée pour toute une cité, n'est vraiment à sa place que dans ces vastes espaces où elle peut faire vibrer l'âme d'une foule immense. Et, d'autre part, elle seule, avec la simplicité de ses lignes et la pureté de son dessin, peut supporter sans peine le voisinage du gigantesque amphithéâtre de Nîmes ou du mur d'Orange, dont la splendeur, victorieuse des temps, évoque la pensée de

l'éternité.

L'Antigorre de Sophocle, l'Alceste et les Pbéniciennes d'Euripide, des œuvres antiques ou imitées de l'antique, comme Parysatis, de M-e Dieulafoy, représentée récemment à Béziers,telles furent les oeuvres offertes dans ces théâtres survivants de l'antiquité. Si l'on veut une preuve de succès de ces représentations, il suffira d'un trait qui, par lui-même, est

bien significatif. Béziers, jalouse de ses voisines et

photographie.

bien dans ces théâtres, c'est la musielle y est un que peu diffuse: une

tirade s'y entend mieux qu'une symphonie, un acteur mieux qu'un orchestre. puisqu'on Reste une question importante c'est celle de l'éclairage. A Nimes, on joue le soir, emploie l'électricité en 1904, il n'a pas fallu moins de 15 kilomètres de fil pour éclairer les travées. A Orange, on se sert d'acétylène; les gradins reçoivent de lumière juste ce qu'il faut pour que les spectateurs puissent trouver leur place; au contraire, la scène est vivement éclairée par des foyers éclatants. L'effet est saisissant, du mur tout baigné de lumière, tandis que la foule des assistants frémit dans une sorte de pénombre. Les personnages se détachent nettement enveloppe sur ce fond resplendissant, et l'acétylène d'une poétique clarté leurs vêtements flottant au vent du soir, ainsi que les verd~res frissonnantes de la scène. Aussi n'a-t-on pas besoin de décors. Le mur est ici l'unique « toile de fond ». Qu'on ne s'imagine pas qu'il écrase de sa masse les acteurs; ceux-ci n'ont nullement l'air de fourmis au pied d'un palais géant. Au contraire, la sensation de grandeur dégagée par la


scène grandit les acteurs. Ce phénomène a été unanimement reconnu et son mystère est peut-être le plus beau charme d'Orange. A Nimes, au contraire, la scène reçoit des décors en rapport avec ses vastes dimensions. Pour la Sémiramis de M. Péladan, jouée l'an dernier, ils représen-

taient les célèbres jardins suspendus de la reine d'Assyrie s'étageant en trois terrasses d'une hauteur totale de 19 mètres et d'une largeur de 37 mètres. Orange et à Nîmes, les frais des représentations sont couverts par un comité organisateur. Les dépenses sont assez considérables à Orange, elles atteignent à peu près 8000o francs; à Nimes, ea 1904, elles ont été de 40 000 francs. Ces dépenses sont compensées par le produit des places qui, à Orange, comprennent des places de luxe à 12, io, 8 et 5 francs et 4 000 places à 2 francs. C'est à Nimes que les places sont le moins chères; il y a 3 50o places de luxe à 12 francs, 4 000 à 7, 5 et 3 francs et i6ooo à 2 francs; et c'est à Béziers qu'elles sont le plus coûteuses le tarif y est plus élevé qu'à l'Opéra, ce qui n'empêche que tout est loué. Une partie du public vient de Paris et surtout des grandes villes de France; mais le plus fort contingent de spectateurs est fourni par la population des environs. De même, la figuration est tout entière recrutée sur place. Cela fait une atmosphère bien homogène, une foule qui a son âme. Et cette âme est franchement méridionale on s'enthousiasme, on se fâche, on s'apaise, comme par enchantement. Telles sont, dans leurs grandes lignes, ces représentations qui constituent une des plus curieuses manifestations d'art de notre époque. A

parmi les Ascensionnistes de l'Himalaya.

Un Mort

L'EXPÉDITION anglo-suisse qui, pour la seconde fois, est partie pour l'Himalaya dans le but de faire l'ascension du Kinchinjunga (Kanchennaga), vient d'être la victime d'un accident de montagne. L'expédition, qui comptait parmi ses membres le docteur neuchâtelois Jacot-Guillarmot, dont nous avons déjà entretenu nos lecteurs, était parvenue à une hauteur de 7 000 mètres environ. Un des plus jeunes et des plus fougueux ascensionnistes, le lieutenant Pache, de Neuchâtel (Suisse), voulut à toute force entreprendre l'ascension d'une hauteur en traversant un champ de neige balayé à chaque instant par des avalanches. L'ingénieur irlandais Allister Crowley, attaché également à l'expédition, eut beau l'avertir du danger qu'il courait Pache s'obstina à partir avec six hommes, attachés les uns aux autres par une corde.. La journée était déjà fort avancée lorsque, en traversant un névé, la cordée se vit surprise par une avalanche. Pache, qui fermait la marche, fut tué net, ainsi que trois guides indigènes. Le docteur Jacot-Guillarmot et M. de Righi, qui fai-

saient partie de la cordée, s'en tirèrent avec de légères blessures; un autre Neuchâtelois, M. Reymond, en fut quitte pour la peur; mais, pour échapper à la mort, il dut couper la corde qui l'unissait aux malheureuses victimes. M. Crowley est d'avis que l'accident aurait été moins grave si les alpinistes n'avaient pas été encordés. L'avalanche, du reste, ne s'est pas déployée sur une grande largeur, et la pente où la colonne a été surprise n'était pas très rapide. Entre autres détails intéressants, que M. Crowley donne aux journaux anglais sur cette expédition, nous remarquons cette observation que, à une hauteur de 6 700 mètres, on trouve encore des fleurs superbes qui émaillent les pentes à 7 ooo mètres, après huit heures du matin, le froid n'a rien d'excessif, et, pendant le séjour de l'expéditionl'air n'a pas été agité par le vent. En revanche, les excursionnistes eurent de violents maux de tête, dont ils attribuent la cause à l'éclat de la neige. M. Crowley n'est pas découragé de l'insuccès de la tentative à laquelle il a pris part il croit l'ascension du Kinchinjunga absolument faisable, et compte bien la réussir l'année prochaine.

A. Tardieu, secrétaire d'Ambassade honoraire. Questions diplomatiques de l'amtée 1904. ¡ vol. in-¡6 de la Bibliothèque d'histoire contemporaine, 3 fr. 5°. Félix Alcan, éditeur. Ce volume n'est point une « année politique racontant chronologiquement la suite des événements extérieurs de 1904. C'est, sur les plus importants de ces événements, le témoignage, expliqué et commenté, des hommes qui y ont été mêlés de façon immédiate. Politique française, question d'Orient, question d'Extrême-Orient ces trois grandes divisions n'ont pas besoin d'être justifiées. Le rapprochement franco-italien, l'accord franco-anglais, l'affaire marocaine, la rupture avec le Saint-Siège, l'affaire du Siam ont, à des degrés divers, requis l'attention française au cours de cette année l'exposé de ces cinq questions a été groupé par l'auteur autour des renseignements fournis par ceux-là mêmes qui ont pris à leur règlement la plus large part MM. Delcassé, Cogordan, Etienne, Jonnart, Saint-René Taillandier, de Léon y Castillo, Regnault, El Menebbi, le marquis de S~gonzac, Phya Suriya, le bey de Tunis et M. Pichon, résident général de France à Tunis. La question d'Orient met en scène, à propos de la Crète, le haut commissaire des puissances, S. A. R. le prince Georges de Grèce; à propos de la Macédoine, les représentants diplomatiquesdes quatre Etats entre qui se débat l'avenir de cette province, MM. Ghika, ministre de Roumanie, Delyanni, ministre de Grèce, Vesnitch, ministre de Serbie, Zolotovitz, ministre de Bulgarie. La Guerre russo japonaise occupe la fin du volume. C'est S. Exc. M. Nelidow, ambassadeurde Russie, M. Motono, ministre du Japon à Paris, M. Kurino, son collègue de SaintPétersbourg, qui exposent les causes de la rupture. Le

ministre de Chine précise l'attitude et les projets de son pays. MM. Collin de Plancy, ministre de France en Corée, Yongtchan-Min, ministre de Corée à Paris, le comte Katsura, président du conseil japonais, le baron Suyematsu, figurent également parmi les témoins de cette enquête sur la crise extrême-orientale. Des études surles origines de la guerre russo.ja ponaise, le Gouvernement japonais, la neutralité de la Chine, les difficultés russo-chinoises, complètent ce volume qui apporte à l'histoire d'hier la contribution de documents exacts et gardant, toute fraîche, l'empreinte de la vie.


AUS FERNEN LANDEN

Lé Problème des Races

Berlin.

aux États-Unis.

ON sait que

le merveilleux développementde la puissance

économique et politique des Etats-Unis est menacé par un péril intérieur qui va grandissant et qui, s'il n'est conjuré sans retard, pourrait dégénérer un jour en une guerre civile plus désastreuse que la guerre de Sécession; mais on envisage 11 l'ordinaire cette question sous l'angle exclusif du réalité, le problème « péril noir » ou du « péril jaune ». En est infiniment plus complexe, et en dehors des Indiens, qui

vont s'absorbant de plus en plus dans la masse anglosaxonne de la population, il n'est pas une des races humaines fortement représentées sur le soi de l'Union qui ne refuse aujourd'hui de s'assimiler au génie américain et qui n'aspire 11 fonder dans la Grande République autant d'Etats absolument réfractaires à l'unité nationale. Assurément, les neuf millions de nègres qui constituent un poids mort dans l'Etat, sont l'élément le plus encombrant et, après les Chinois, le moins assimilable de tous. Est-ce pour cela que la haine à l'égard du nègre, après avoir été cantonnée dans les Etats du Sud, a fini par gagner ceux du Nord Pourtant, dans ces derniers, les habitants de couleur ne forment toujours qu'une minorité quasi-imperceptible. Mais la répugnance qu'ils causent va si loin qu'elle s'étend aux types de sang-mêlé, que rien aux yeux des Européens, ne distinguephysiquementdes blancs. Ainsi, on cite l'exemple d'une jeune fille de la meilleure société qui, ayant fait la connaissance d'un jeune homme, beau, bien fait, d'une remarquable culture intellectuelle, bref, d'un gentleman accompli l'épousa, puis, le lendemain de son mariage, demanda son divorce à cor et à cri, pour la raison, reconnue excellente par le juge, que son mari avait quelques gouttes de sang nègre dans les veines! Le pauvre divorcé se brûla la cervelle de désespoir. Innombrables sont les faits de ce genre. Et chose remarquable,le nombre des « sang-mêlé » va sans cesse en diminuant; la suppression de l'esclavage a porté le coup de mort aux unions de blancs et de négresses, de sorte que les noirs deviennent de plus en plus noirs, et que l'abîme entre les deux races s'élargit de jour en jour. Mais, en dehors même des Chinois, les émigrants européens, depuis un certain nombre d'années, refusent de se laisser absorber, de devenir Yankees. Il y a un demi-siècle, l'émigration européenne était en grande majorité composée d'éléments anglo-germaniques; aujourd'hui, ce sont les Slaves, les Latins, lesjuifs, qui fournissentle plus gros contingent et, à leur exemple, voici que les Allemands eux-mêmes, au lieu de se prendre dans la masse comme auparavant, se constituent en communautés qui gardent jalousement la langue, l'esprit et le culte de la mère-patrie!

JOURNAL DE GENÈVE

Une

Journée à Ostie.

petite église, une osteria modeste, trois ou quatre pauvres demeures, voilées dans l'ombre du robuste et belliqueux château féodal, voilà ce qui porte le nom d'Ostie. Là s'étendait un port immense, grouillant de vie, animé par l'énorme négoce des grains venus de Sicile, de Carthage et d'Egyptepour nourrir Rome. Temples, mausolées, théâtres, thermes, palais et forums, aussi bien que les docks, les entrepôts et les magasins, tout ce qui fut un jour Ostie reste encore visible dans son ossature squelette de géant d'où la vie se serait retirée. Sur les ruines de cette splendeur, quatre ou cinq grandes cabanes rondes, faites de roseaux et de chaume, abritent chacune sept ou huit familles de malheupour s'enfuir aussitôt reux bergers qui s'entassent là l'hiver, l'été venu, devant la malaria, et regagner la montagne. Un feu allumé au centre de la rotonde de roseaux sert à l'usage commun des cinquante ou soixante êtres humains qui grouillent là-dedans avec leurs poules et leurs chiens. La fumée s'échappe comme elle peut par les interstices des roseaux et par un une trou pratiqué dans le toit de chaume. Des grabats couverture trouée sur une mince couche de roseaux ou de hutte, paille se rangent en cercle le long des parois de la une place vide séparant le gîte des diverses familles. Une nuée d'enfants presque nus sous les trous de leurs guenilles sortent de tous les recoins, la main tendue, et se ruent comme des fauves sur les sous qu'on leur tend. Le contraste de ce passé d'opulence et de ce présent de misère est si piquant, qu'on se sent à peine le courage de parcourir les ruines en dilettante. Du côté des terres, l'horizon est borné à droite par la masse énorme et sombre d'une épaisse forêt de pins, gauche par la ligne bleuâtre et blanche des montagnes lointaines couronnées de neige. Vers la mer, qu'on devine sans la voir, la plaine s'étend, plate et morne, jusqu'à l'embouchure du Tibre, que marque la note claire d'une tour blanche. Au premier plan, un seul champ de terre maigre que défrichent deux bœufs. Partout ailleurs le désert, le silence, la mort. Rien de plus grandiose, de plus poignant dans la tristesse, que ce spectacle de désolation. Cependant, au loin vers la forêt de pins, se détachent en clair sur cette masse sombre, se dressent les grands toits rouges et la haute cheminée d'une usine. Un esthète s'indignerait d'une telle profanation de ce décor tragique. J'avoue que je m'en suis réjoui. Certes, l'usine n'est pas belle; mais c'est la vie parmi cette mort, le travail parmi cette torpeur, et, surtout, c'est le pain assuré demain aux petits êtres sauvages et nus qui grouillent encore affamés sur les huttes de roseaux perdues dans la splendeur des ruines.

WEST AFRICAN MAIL

Bénin relié par le Télégraphe à la Côte de l'Atlantique. LE Gouvernement de la Nigeria méridionale annonce que

les centres de Benin, Sapele et Warri sont dès à présent reliés télégraphiquement avec la côte. Les bureaux ouverts dans ces villes sont placés sous le contrôle du, Gouvernement

M m

nigérien.

d'aller voir dans son irrémédiable déchéance. Le jour où M. Vallette traversa le Tibre non loin de son embouchure, les pluies avaient rendu le fleuve plus jaune, plus boueux et plus rapide qu'à son ordinaire. Un passeur silencieux, fumant une courte pipe, vous fait passer dans sa

fera faire de rapides progrès à la civilisation. Ce périodique rappelle en outre qu'il n'y a pas encore

Gaspard Vallette nous rapporte d'un long séjour qu'il a fait à Rome, des impressions d'une piquante originalité. Voici le résumé d'une visite qu'il a faite à l'ancien port de Rome, que l'étranger, à l'ordinaire, n'est pas curieux

barque, pour trois sous si vous êtes « un homme », pour cinq sous si vous êtes boeuf, vache, buffle ou cheval, et pour six centimes seulement qui est agneau, mouton, chèvre, cochon ou truie. Les ruines de ce qui fut Ostie s'étendent de là sur la rive gauche du fleuve, sur trois quarts de lieue, entre la Torre Boacciana et les quelques masures du petit village qu'abrite, en l'écrasant de sa masse, l'énorme donjon de Jules II. Une

Commentant ce fait, la West African Mail dit que l'établissement d'une ligne télégraphique dans la ville de qui jusqu'à ces dernières années mérit:tit le titre de Benin Cité du Sang, et où peu d'Européensavaient mis les pieds-

longtempstout étranger qui voulait visiter la ville était obligé d'attendre que les autorités indigènes eussent consulté leur ju-ju sur l'opportunité de l'autorisation à donner; que cette enquête se prolongeait pendant des semaines, et que la plupart du temps l'étranger qui attendait en dehors des murailles de la ville voyait en fin de compte sa demande rejetée. Ce ne fut qu'après le massacre des fonctionnaires blancs, au nombre desquels se trouvait le gouverneur des Oil Rivers, que le Gouvernement britannique rasa les murailles de Benin, qui devint, depuis, le centre d'un commerce pacifique.


La triple Ville d'Han-kaou. (dit le Péhan), dont nous avons étudié le tracé et les travaicx dans des chroxziques antérieures (voir A Travers le Monde, rgo3, page }69 et suivantes), sera prochainement livré à l'ex~loitation. Il va certainementfaire de Han-kaou une des villes les ~lus considérables de la Chine, si l'on en juge par l'importance que ~résente la, ville dès maintenant. Le chemin de fer de Pékin à Han-kaou

d'Han-kaou, le coeur de la Chine, le Chicago Ldevillel'empire des Célestes, située le Yang-tséest

sur

kiang, à l'endroit où il reçoit son tributaire le Hankiang elle est séparée par le Han-kiang de Han-yàng et par le Yang-tsé-kiang de Ou-tchang, capitale de la province; en sorte que ces trois villes populeuses, qui, réunies, comptent près de 2 millions d'habitants, n'en forment pour ainsi dire qu'une seule. Les relations entre ces trois cités sont incessantes aussi ont-elles eu à souffrir toutes les trois à la fois des dévastations des rebelles, qui les ont pillées

longueur du temps employé à les traverser, 8 millions d'hommes auraient vécu dans cette immense fourmilière. Il y a là sans doute une « légère » exagération; mais, en réduisant ces 8 millions à la moitié, au tiers même, et à un peu moins encore, la triple ville du Yang-tsé dépassait certainement alors le grand port de la Tamise. Quoi qu'il en

soit, Ou-tchang, Han-kaou et Han-

yangn'avaientplus million d'habi1 tants après l'incursion des rebelles, lorsque Blakiston remonta le fleuve en 1861; peut-être ne l'ont-elles pas récupéré, ce million, encore que la prospérité passée commence à reve-

et brûlées;

c'est pourquoi leur population, quoique

considérable

encôre, est actuellement réduite de beaucoup. Il est pro-

nir. Cependant, d'aucuns articulent le chiffre de

bable que la réu-

nion des trois cités formait avant le milieu du XIXe siè-

LE « EpND A

clel'agglomération

A. HAN-KAOU.

la moitié à Han-

Photognaphie de M. E. Gallois.

urbaine la plus

considérable de la terre. Londres, sans rivale à cette époque pour le nombre des habitants, probablement peu d'années avant d'être distancée par le (( Greater New York », Londres n'avait alors que 2 millions d'habitants, plus ou moins, et les trois cités chinoises n'avaient pas encore été sauvagement ravagées par les Taïpings. D'après quelques voyageurs, qui du reste n'ont pu juger de l'importance de ces villes que par la A TRAVERS LE MONDE.

1200000, 1500000 résidents, mêmee 2 millions, dont

42. LIV.

kaou.

Han-kaou qui a eu le plus à souffrir, et qui a

été incendiée en entier en 1858, est presque toute rebâtie. Sur le bord du fleuve s'élèvent les belles maisons et les magasins des négociants européens (le port a été ouvert en 1861 en vertu du traité de Tien-tsin, 1858), qui, placés au centre de l'empire chinois, y accroissent tous les jours leur commerce.

Admirablement située, Han-kaou est mise par le Yangtsé-kiang et son affluent le Han-kiang en communiNo 42.

21

Octobre 1905.


cation avec les provinces de l'est et de l'ouest de la Chine, avec celles du sud par les lacs Pou-yan et Thoung-ting, dans lesquels se jettent un grand nombre de rivières; enfin, avec les autres provinces, au moyen des divers affluents du fleuve et des nombreux canaux qui les relient.

C'est à Han-kaou que s'arrêtent actuellement malgré l'ouverture du port d'I-tchang, en amont les steamers qui desservent la ligne du fleuve. Une immense quantité de jonques sont toujours à l'ancre au confluent du Han-kiang, opérant le chargement ou le déchargementdeleurs cargaisons; etde nombreuses flottilles remontent ou descendent continuellement le Yang. Le mouvement des jonques à l'entrée du port a été de 25000 en 1898. Le tonnage total des jonques et des vapeurs s'est élevé à 3 504000 tonnes, et la valeur du commerce extérieur atteignit 280 millions de francs. Bien que la ville soit à 700 kilomètres au-dessus de Nan-king et à i ioo kilomètres de la mer, le fleuve n'a rien perdu encore ni de son volume ni de sa profondeur.Une sonde de 16 mètres et demi n'en touche pas le fond.

Les vapeurs de

classe font le trajet de Changhaï à Han-kaou en trois jours, et la descente en deux. Il est facile de se faire une idée des affaires qui se traitent dans la cité, en suivant ses rues étroites où chaque maison est 1 re

uneboutique, etoù

Mais, en revanche, ces terribles destructeurs ont rasé en entier les faubourgs qui se trouvaient en dehors des

murailles et formaient une autre ville immense qui ne s'est pas encore relevée de ses ruines. Elle a une petite garnison et 300 cavaliers tatars pour la garde du vice-roi. La seconde ville, Han-yang, quoique le cheflieu administratif de Han-kaou, est bien inférieure à la première, et, quoique très populeuse, ne pourra jamais, à cause de sa situation, nuire à Han-kaou, étant en amont de cette dernière. Leurs communications se trouvent interrompues quelquefois en été, pendant deux ou trois jours. Les grands bateaux, même, ne peuvent traverser les tourbillons formés par le remous du courant du fleuve et de son affluent. Il faut alors passer plus avant dans la rivière, ce qui rend les relations commerciales longues et difficiles. Quelques négociants anglais, qui avaient construit leurs établissements sur la rive droite du Han-kiang, les ont abandonnés à cause de cette difficulté. Il n'y reste plus aujourd'hui que les chantiers de cons-

tructions dont

quelques-uns ap-

partieqnent à des Européens.

La triple cité

d'Han-kaouest un

des meilleurs exemples de ces singulières superstitions du feng-cboui, qui

encombrentetsouvent paralysent la vie chinoise. Les

Chinois,

très

experts en géomancie, attribuent, dit

LE PORT DE HAN-KAOU. M. Monnier, la une foulecompacte prospérité de HanPhotographie de M. E. Gallois. se croise en tous kaou, non pas sens. Malgré cette précisément à sa situation exceptionnelle au centre foule immense, jamais de désordre ni d'embarras; le d'une des plus vastes et des plus fertiles vallées du Chinois, essentiellement pratique, a su assigner à monde, sur les bords d'un fleuve accessible aux plus chaque rue, à chaque quartier le trafic qui doit s'y faire. grands navires, mais surtout à la configuration de son Si, au milieu de ce mouvement si bien ordonné, on sol dont les rares reliefs, parait-il, reproduiraient à regarde le fleuve et son affluent, sillonnés en tous sens miracle les trois emblèmes dont la conjonction est par des jonques et des barques de toutes dimensions. on considérée comme indispensable pour un feng.choui demeure convaincu de la grande importance commerde première qualité, autrement dit pour présager un ciale de cette ville, importance accrue encore par la heureux sort le dragon, personnifiant la force le présence des Européens. Dès que la concession anglaise serpent, emblème de la longévité; et la tortue qui a été rétablie à Han-kaou, les commerçants chinois des symbolise la stabilité dans la puissance. Le coteau de deux autres villes y ont transporté leurs comptoirs. Han-yang forme la carapace de la tortue, la tête serait Bien que tout le grand commerce se porte à représentée par une petite roche à fleur d'eau, au point Han-kaou, les deux villes contiguës n'en méritent pas de réunion de la rivière et du Yang-tsé. Sur ce rocher moins mention. La première, Ou-tchang, résidence du vice-roi de la province, est entourée de hautes murailles, a été bâtie une mignonne pagode, aujourd'hui fort dégradée, qui devait avoir pour effet d'immobiliser le et se fait remarquer par la propreté et la largeur de précieux animal. Sur l'autre rive, la ligne sinueuse des ses rues, deux particularités peu communes en Chine. collines, que couronnent les remparts crénelés de Quoique pillée et démolie en grande partie, elle a pu Ou-tchang, ne serait autre que le dragon couché. conserver, plus heureuse que les deux autres villes, ses Quant au serpent, sa tête apparaît, parfaitement reconyamouns et autres grands établissements, qui, servant naissable pour les initiés, à l'extrémité d'un promonde casernes aux rebelles, ont été presque tous respectés.


toire escarpé sur lequel, au temps des Ming, il fut jugé à propos de construire une grande pagode à quatre étages, dont le poids s'opposerait à la fuite du reptile. Hélas! la pagode fut, il y a dix ans, complètement détruite par un incendie. Mais, par bonheur, rien n'a été troublé dans le feng-cboui le serpent est demeuré à son poste. Tout feng-choui à part, Han-kaou a d'extraordinaires avantages comme ville de commerce elle reçoit par ses deux rivières les cotons du Hou-pé et du Hounan, les soies, les peaux, les graines oléagineuses, la cire végétale, l'opium et les plantes médicinales récoltées dans les montagnes du Se-tchouen. C'est surtout le grand marché de la Chine pour le thé. On peut dire que la colonie étrangère dépendait presque uniquement,il y a quelques années, des oscillations commerciales de cette denrée. L'arrivée des premières feuilles de thé met tout le monde en mouvement la foule se presse dans les fabriques et les comptoirs; les ba-

teaux

à

d'être beaucoup trop à la merci du Yang-tsé quand les digues cèdent à la pression des eaux, les rues sont inondées et les habitants s'enfuient sur les collines des alentours et sur des buttes d'origine artificielle, éparses comme des îles au milieu de la mer. Même lorsque les rivières sont basses, on voit à

ses pieds, du haut du coteau de la Pagode, presque autant d'eau que de terre ferme; les fleuves qui serpentent dans la plaine, les coulées qu'a laissées çà et là le cours changeant du flot, les lacs épars dans les bas-fonds donnent à la contrée l'aspect d'une région émergeantà peine du Déluge. On a fait des travaux énormes pour exhausser le sol de la Concession européenne au-dessus du niveau des inondations et pour construire en grès rouge la levée de défense, haute de 15 mètres et longue de 4 kilomètres, à laquelle les Anglais ont donné le nom de Band. On conçoit sans peine le mal qu'a dû donner la

construction d'un pont pour le che-

vapeur

min de fer, sur ce fleuve énorme ensablé, débordant

viennents'amarrer

le long des levées;

jour et nuit les rues et les places du quartier européen sont encombrées

etcapricieux. Dans l'endroit primitivement choisi, il devait avoir i kilo-

de gens affairés.

Cette activité dure trois mois, précisément pendant la

mètre

saison la plus

plus haut encore,

ta plus haut, et il dut en avoir 2;

et il prit 2 kilom. 800 mètres. C'est

chaude, la plus fatigante de l'année. Il y a quelques années, l'excitationdevenait une fièvre à la fin de mai, quand les bateaux en par-

tancepour Londres étaient à la veille

on le repor-

sa

construction

qui a longtemps retardé l'exploitation de la ligne;

maintenant qu'il est fini et que la locomotive atteint

LE PONT DU YANG-TSÉ, EN CONSTRUCTION.

Han-kaou, il n'est

Photographie de M. E. Gallois. de compléter leur pas excessif, ni bien difficile de chargement, car la prédire à la triple ville un essor considérable, et des lutte de vitesse entre les navires procurait au vainprogrès à peine entrevus au cours de ses plus belles queur non seulement la vanité du triomphe, mais aussi

un prix de fret double des prix ordinaires. Mais les temps sont changés! Le commerce d'exportation se trouve maintenant surtout au pouvoir des maisons allemandes, qui sont également les plus actives pour l'importation des machines. Le commerce du thé se fait de plus en plus avec la Russie, de moins en moins avec l'Angleterre. Dès que les caisses à thé ont été expédiées par mer et par terre, le silence se fait dans nombre de comptoirs, et il ne reste dans le quartier européen qu'un nombre bien moindre d'employés et de commis; les négociants chinois, dont les étrangers ne sont que les commissionnaires, expédient presque seuls les tabacs, les peaux et autres marchandises du pays. Les Russes ont établi à Han-kaou le centre de leurs opérations pour l'achat et la fabrication des thés en briques, utilisés seulement en Sibérie. Le seul désavantage de cette ville si favorisée est

années.

L'Assainissement des Villes dans l'Inde anglaise. LES principaux ports de l'Inde, tels que Calcutta, Bombay, Madras, Kurrachee et Rangoun, qui ont atteint les proportions de nos plus grandes villes européennes, se sont développés avec une incroyable rapipopulation de Calcutta a augdité de 1872 à 1901 menté de 1 13, celle de Bombay de y5, celle de Madras de y4; et tandis qu'à Rangoun cette proportion

la


s'élevait à 132 p. ioo, Kurrachee voyait le nombre de ses habitants doubler. La Déjoêche coloniale fait observer que, malheureusement, la population nouvelle a toujours été portée à se fixer dans les anciens quartiers, situés au centre des villes, plutôt que dans les faubourgs avoisinants qui, par suite du manque de moyens de communication, n'offrent pas d'avantages aux commerçants que leurs

affaires appellent au cceur même de la vieille cité. Les étrangers qui visitent Bombay ou Calcutta sont toujours frappés à la vue de certains quartiers populeux où s'entassent les existences humaines dans des proportions qui laissent dans l'ombre les coins les plus pauvres de Londres ou de Paris. Alors que la densité de la population à Londres est de 36000 habitants par mille carré, elle se chiffre à iq5ooo dans un des arrondissements de Calcutta.

Inévitablement, une telle concentration devait entraîner à sa suite des conséquences fâcheuses, et l'on sait comme les maladies épidémiques foisonnent dans l'Inde, où elles font d'immenses ravages. Le Gouvernement indien, après avoir à maintes reprises cherché le moyen de remédier à cet état de choses, et d'améliorerl'état sanitaire de ces villes, vient de publier un projet émanant d'un comité formé par

les contribuables de Calcutta, les commerçants, le Gouvernement local et le Gouvernement suprême. Les travaux en vue comprennent la construction de nouvelles routes et l'amélioration des anciennes, la démolition de certains immeubles pour aérer les rues, et la création de quartiers nouveaux destinés à recevoir les habitants dont les maisons auront été démolies,

ainsi qu'à garantir des immeubles pour l'avenir; ils prévoient encore le tracé de grandes artères diagonales à travers les quartiers les plus habités; enfin, il est stipulé que dès que les habitations, sur une surface de 4o acres, occuperont plus du tiers de cette superficie, on créera des espaces d'aération jusqu'à ramener la

proportion à ce tiers. Un

((

trust d'amélioration serait

chargé de l'exécution de ces travaux, et se composerait de six membres et d'un président. La grande difficulté, ditla Dé~cche coloniale, est le côté financier de l'affaire. Sans entrer très profondément dans les détails, on peut signaler que le Gouvernement espère, sur la dépense prévue de 137 millions de francs, en recouvrer près de la moitié sur l'augmentation des droits sur les portes et fenêtres, les ventes et locations de terrains; il resterait encore environ 75 millions de francs, sur lesquels le Gouvernement rembourserait lui-même une somme de près de 8 millions de francs. Les habitants de Calcutta auront donc, pour rembourser l'emprunt en soixante ans, à payer chaque année près de 1750000 francs, sous forme d'impôt spécial. Tous ces travaux d'améliorationdemanderontau moins vingt ans. Par ces réformes, le Gouvernement aura liquidé les cas les plus urgents mais, devant le développement du commerce et de l'industrie, on peut s'attendre à ce que de pareils problèmes surgissent ailleurs. Déjà à Cawnpore la difficulté de loger les ouvriers se fait sentir et constitue un obstacle sérieux au choix de la main-d'oeuvre. Heureusement qu'ici la terre est bon marché dans la campagne qui entoure la ville, et si

Cawnpore est limitée d'un côté par le Gange, rien, dans la direction opposée, n'empêche son développement. Quant aux villes où la population industrielle est en minorité, la difficulté s'y fait moins sentir. Ainsi Delhi, avec sa ceinture de murailles, n'échappera pas à une concentration excessive des habitants mais, tout autour de l'enceinte, des faubourgs se sont créés, où les nouveaux venus s'installent volontiers et où les anciens habitants sont souvent bien heureux de se retirer, loin des rues étouffantes de l'intérieur.

fer qui sillonnent le Monde.

Les Chemins de

VOICI,d'après le Jourxal des Traxs~orts,la situation des

chemins de fer du monde entier. A la fin de 1903, on comptait 859355 kilomètres de voies ferrées en exploitation, ce qui donneun accroissement de 139 kilomètres sur l'année précédente. C'est l'Amérique qui possède le développement le plus considérable de voies ferrées, soit 432 618 kilomètres, dont 334634 pour les seuls États-Unis. Viennent ensuite l'Europe, avec 300429 kilomètres; l'Asie, avec 74 546 kilomètres l'Australie, avec 26 723 kilomètres, et enfin, au dernier rang, l'Afrique, avec 25 039 kilomètres. Le classement des grandes puissances, d'après l'importance de leurs réseaux, se fait ainsi Après les États-Unis d'Amérique (334634 kilomètres), vient l'empire allemand, avec 54426 kilomètres la Russie, y compris la Finlande, le suit de très près avec 53258 kilomètres; viennent ensuite la France, avec 45 226 kilomètres l'Inde anglaise, avec 43 372 kilomètres; l'Autriche-Hongrie,avec 38818kilomètres les Iles-Britanniques, avec 26 148 kilomètres, et enfin le Canada, avec 3o696 kilomètres. Les autres États restent tous au-dessous de 20000 kilomètres. En comparant le développement des voiesferrées avec le chiffre de la population, on trouve que la Suède occupe le premier rang avec 24, kilomètres de chemin de fer par 10000 habitants; viennent ensuite le Danemark, avec 129 kilomètres, la Suisse, avec 124 kilomètres, la France, avec 116 kilomètres de voies ferrées par dizaine de milliers d'habitants. En dehors d'Europe, la colonie australienne du Queensland vient en première ligne, avec 97, kilomètres. Viennent ensuite l'Australie méridionale, avec 843 kilomètres, l'Australie occidentale, avec 83,8 kilomètres, la Tasmanie, avec 58 kilomètres de chemins de fer par 10000 habitants. L'addition des prix moyens de tous les chemins de fer donne un capital global d'établissement de 110003838002 fr. 50 pour l'Europe, etde 104243 millions 8go945 francs pour les autres parties du monde. Le total, à la fin de 1903, se chiffre donc à 214 2 52 millions 718947 francs pour toutes les lignes exploitées de notre planète; soit, en chiffre rond, à 214 milliards 1/4 de francs, contre 211 milliards 1/2 pour

2

l'année précédente.


maritime, et la création d'un port avec ses dépendances, à Bruxelles. Les travaux ont été commencés le 23 juillet 1900.

Le

Port de Bruxelles et le Canal maritime.

DANS un article des mieux documentés, le Mouvement Géographique déclare que si rien ne vient entraver l'avancement régulier de l'entreprise du canal maritime de Bruxelles au Rupel, la construction en sera terminée d'ici à trois ans, et la grande navigation pourra y être

inaugurée en 1908. Ce n'est pas d'hier que les

Bruxellois, justement préoccupés d'éviter à leurs bateaux le passage de Malines, ont eu l'idée de créer une voie de communication directe vers l'Escaut, avec accotements, écluses, ponts, etc., suppléant à l'insuffisance de la Senne, rivière étroite, tortueuse, et, en outre, à chaque instant barrée par les Malinois qui y prélevaient des péages.

L'idée première de ce grand travail d'utilité publique date de plus de quatre cents ans c'est Marie de Bourgogne qui, en 1477, faisant droit à une requête de la commune, autorisa celle-ci à donner suite au projet de creuser cette (( rivière nouvelle »; Charles Quint confirma, en 153 l, l'octroi accordé par son aïeule. Mais

les fonds nécessaires ne furent votés

qu'en 1550; le premier coup de

L'entreprise dont le Mouvernent Géogra~bique nous donne les grandes lignes comporte la création de deux ports un port intérieur ou local, principalement affecté au mouvement du trafic des grands bateaux d'intérieur et de petit cabotage, et un port extérieur ou avant-port, réservé, dans l'avenir, au grand cabotage et au transit. Le port intérieur est établi au centre de l'agglomération bruxelloise, dans la plaine de Tour-et-Taxis. II comprend un bassin de II hectares et demi de superficie, soit 900 mètres de longueur sur 120 mètres de largeur. Son mouillage provisoire est de 5m 50, qui sera porté à 6m 50. Il présente environ 1 700 mètres de quais utilisables, qui seront pourvus du matériel nécessaire et pourront desservir un trafic total d'environ i million de tonnes de marchandises. Du pont de Laeken, la vue s'étend dès maintenant sur toute l'étendue du bassin maritime, dont le creusements'achève. Trois dragues y enlèvent les terres à raison de 5 000 mètres cubes par jour. Un entrepôt public, sa succursale, les bureaux de la douane et du chemin de fer, un immense hangar à marchandises, etc., sont en voie

d'achèvement. Le grand bassin maritime sera raccordé au canal de Charleroi par un bassin de batelage de 700 mètres de longueur sur 42m 50 de largeur. Un second bassin de batelage est prévu dans le canal actuel. Tous les terrepleins qui bordent les bassins seront pourvus de hangars, et desservis par

pioche fut donné à Willebroeck, le 16 juin de la même année. Il ne fallut plus, dès lors, que onze ans pour mener à bonne fin l'entreprise du canal, qui fut inauguré le 12juin 156 l, des voies ferrées. L'avant-port est projeté en aval par l'arrivée, à Bruxelles, d'une flottille de dix-huit bateaux de Vilvorde, de Laeken, dans la plaine de MonAnvers, Ziriczee, Gorcum et Alkmaar. plaisir. Il présentera une largeur de Pendant trois siècles et demi, LE PORT DE BRCXELLES ET LE CANAL MARITIME. 110 mètres, un mouillage de 6m50, et le canal de Willebroeck, tel que à sa rive gauche, un développement D'apr-ès le \Touvement Géographique l'avait fait construire Locquenghien, de Bruxelles. de quais de 2 kilomètres. Ces quais suffit aux besoins de Bruxelles; mais, seront outillés à la manière des ports modernes, et seront longés par u'n terre-plein de peu de temps avant la révolution de 1830, un premier projet d'améliorationvit le jour. Il était dû à un ingéi io mètres de largeur utile, desservi par la gare de nieur qui préconisa l'élargissement et l'approfondisseformation de Schaerbeck. ment du canal jusqu'à l'Escaut. En 1868, un autre En attendant la réalisation complète de l'avantingénieur recommanda, en même temps.qu'un approport de Monplaisir projeté, on s'apprête à exécuter le fondissement jusqu'à 5m50, l'établissement d'un port bassin, les quais, une cale sèche, les bâtiments du intérieur à Laeken, dans la plaine de Tour-et-Taxis. service du remorquage, des ateliers de réparations, etc. En i88o, un nouveau projet préconisa l'approfondisseL'entreprise de la construction d'un canal de ment du canal jusqu'à 6m50, et la création d'un port Bruxelles au Rupel était hardie pour l'époque où elle dans les plaines de Monplaisir. fut conçue et exécutée, car il fallait, à l'aide de biefs et Enfin la loi du i septembre 1895, qui décidait d'écluses, racheter une différence de niveau d'environ l'amélioration desports d'Anvers, Gand, Ostende, et la i mètres, résister à l'effort des marées qui se font création du port d'escale de Zeebrugghe, décréta aussi sentir jusque dans le Rupel, détourner vers la Senne, la transformation du canal de Willebroeck en voie à l'aide de siphons, les eaux qui auraient pu endom-


mager le canal, établir des ponts et creuser, en ville, un bassin de déchargement. Son origine est à Bruxelles. Il aboutit au Rupel, à Petit-Willebroeck, en face du village de Boom. Sa longueur est de 28 kilomètres; son mouillage était de 3m20; sa largeur, à la flottaison, variait entre mètres. Il a cinq écluses à Trois-Fontaines, à 22 et Humbeek, àThisselt, à Willebroeck, en aval des usines de Naeyer, et à Petit-Willebroeck, écluse qui lui donne accès au Rupel. L'ancien canal est transformé en vue de desservir, à côté de la navigation intérieure existante, le trafic maritime du cabotage. Dans ce but ses principales dimensions sont modifiées comme suit les largeurs à la flottaison varient de 40 mètres dans les sections les plus étroites, jusqu'à 6o mètres environ en section normale, et 70 à ioo mètres dans les garages; le mouillage est provisoirement fixé à 5m50, avec une largeur minima, au plafond, de 18 mètres; ces dimensions seront portées à 6m50 et 20 mètres. Les berges du canal seront défendues par des revêtements maçonnés, et dans les agglomérations ces revêtements seront remplacés par des quais. Les écluses seront réduites à trois, ayant chacune 114 mètres de longueur utile, 16 mètres de largeur et 6m50 de profondeur. Le premier bief s'étendra du premier pont de Laeken à l'écluse de Capelle-au-Bois. 11 mesurera 17 kilom. 63o de longueur. Le deuxième bief, ou bief moyen, s'étendra de l'écluse de Capelle-au-Bois à celle de Willebroeck. Sa longueur sera de 5 kilom. 168. Le troisième bief, ou bief inférieur, s'étendra de l'écluse de Willebroeck à celle du Rupel. Sa longueur sera de 5 kilom. 599, à la cote 4.4°, niveau de la marée haute moyenne dans le Rupel. La longueur totale du canal proprement dit, du pont de Laeken au Rupel, se trouve donc être de

5

1er

bief

2e 3.

.17630

mètres

5168

Total.

5 599

a839~ mètres.

La question du débouché est toujours à l'étude. Le plan indique que le nouveau canal se séparera de l'ancien à l'aval de Willebroeck, pour longer le bas Rupel et venir déboucher dans celui-ci à 1400 mètres en aval du pont du chemin de fer de Boom et à 4 500 mètres du confluent de la rivière dans l'Escaut.

Seulement, il est indispensable que ces 4 112 kilomètres du bas Rupel soient améliorés, c'est-à-dire rectifiés et approfondis. Ce n'est qu'à cette condition que le canal atteindra son but si elle n'était pas remplie, il faudrait prolonger le canal jusqu'à l'Escaut en abandonnant le cours du bas Rupel. C'est la première solution, que le ministère des Travaux publics fait étudier en ce moment. Elle offre un tracé préférable, comporte de moindres dépenses et semble répondre plus directement au but que se proposent le Gouvernement belge et la ville de Bruxelles.

~y~

Les Fauves de l'Est Africain

allemand surpris par l'Objectif du Photographe.

UN explorateur allemand,

M. Karl Schillings, pénétré

de l'idée que les peaux empaillées de nos musées et les pauvres encagés de nos jardins zoologiques ne peuvent nous donner une idée des beaux fauves africains, s'est embarqué pour le Kilimandjaro avec tout l'attirail d'un photographe-artiste, afin, selon l'expression de Fontenelle, de prendre la Nature sur le fait. Les objectifs de ses instruments ont été fabriqués avec les derniers perfectionnementspar un célèbre cc Institut » optique d'Allemagne, et, avec l'aide de puissants téléscopes, sont capables de fixer l'image d'un lion ou d'un tigre à une distance de 600 mètres. Il faut bien ça! Il faut ça, non seulement pour mettre la peau de l'opérateur à l'abri de la griffe de ses modèles, mais encore pour que ces derniers ne prennent pas le large, ou ne se mettent pas dans une attitude uniformémentcombative qui rendrait monotone la série des clichés. Tout un appareil d'éclairage à distance permet également de photographier dans la nuit la plus épaisse. Et l'on annonce déjà les premiers résultats, dont la Science, on va le voir, bénéficiera plus qu'un vain peuple ne

pourrait le penser. On a longtemps regardé comme une fable, le récit que certains chasseurs ont fait de l'amitié qui lie de vieux éléphants mâles, des « solitaires » abandonnant la troupe de leurs congénères, et de vieilles girafes également d'humeur peu sociable à l'égard de leurs soeurs au long cou. Or, voici ce qu'à une hauteur de 2000 mètres, sur les flancs du Kilimandjaro, l'objectif du photographe, qui est incapable de donner dans les gasconnades des disciples de Saint-Hubert, a vu et fixé pour la postérité deux puissants éléphants mâles aux gigantesques défenses se fraient leur chemin dans le voisinage d'une girafe mâle également d'âge et de taille respectables. On dirait d'une promenade de très vieux messieurs de costumes et de conditions différents, mais qu'une singulière sympathie rapproche à ce point qu'ils ne peuvent faire les uns sans les autres leur partie de whist ou leur promenade d'après déjeuner. Voici, sur un autre cliché, une hyène rayée en train de souper d'une gazelle, et que le magnésium aveuglantdu photographe a dérangée de son repas, car elle tourne vers lui ses yeux et sa gueule féroces, tandis que sa griffe reste accrochée aux flarcs pantelants de sa victime. Ailleurs, c'est une lionne qui vient de rater son coup elle avait tenté de bondir sur un taureau blanc qui a réussi à la secouer: le fauve, déçu, s'enfuit, battant l'air de sa queue. D'autres plaques ont fixé des troupeaux d'antilopes et de zèbres au moment où ils font un temps de galop. Contrastant avec tous ces animaux gracieux ou féroces, que le photographe a effarouchés avec son appareil qui leur semble une arme à feu d'un nouveau genre, les pachydermes, surpris par le magnésium


dans la nuit profonde des tropiques, tournent vers l'objectif leurs yeux tranquilles ou plutôt stupides, et, comme des masses de bronze, « posent comme s'ils avaient entendu le sacramentel « Ne bougeons plus

>·

Mais les plaques les plus intéressantes sont celles qui nous montrent les animaux sauvages venant boire, la nuit, au bord du fleuve où le canot du photographe les attend. Un éclair, un coup de pouce, et la chambre noire a enregistré l'image de centaines d'antilopes ou de troupes de lions comptant parfois une quarantaine de têtes. Et quelles mines effarées! A ce propos, M. Schillings fait une remarque

assez piquante. Avez-vous observé que nos animaux domestiques, tels que le chien et le chat, lorsqu'ils mangent un bon morceau, sont tout entiers à la joie de la minute présente, sans jeter des regards peureux ou farouches sur rien ni sur personne, à moins qu'on ne leur arrache leur os ou leur plat? Ils se sentent en pleine sécurité, et, pour eux, plus rien n'existe au monde en dehors de leur festin. Mais, regardez-les boire quel changement dans l'attitude et la physionomie Ils sont inquiets, un rien leur fait lever le nez. Pourquoi?. C'est parce que, répond M. Schillings, leurs très lointains ancêtres, lorsqu'ils étaient à l'état sauvage, aussi bien que leurs congénèresde grande taille, les fauves du Kilimandjaro à l'heure actuelle, pouvaient traîner leur proie encore pantelante dans leur trou ou sur leur arbre, bref, dans un coin où ils n'avaient à craindre aucune surprise désagréable; ils l'y dévoraient en toute sécurité. Boire, par contre, pour un pauvre fauve, est toute une affaire; il ést exposé de toutes parts à des attaques, dont la seule crainte le rend nerveux, si bien que chaque lampée d'eau menace d'être pour lui la dernière, et, en tout cas, l'empêche, ne fût-ce que pour un dixième de seconde, lIe se mettre en garde dans ce perpétuel état de guerre qu'est son existence. Et voilà pourquoi. nos fauves de gouttières et de cuisine ont gardé dans les veines une crainte dix ou vingt fois séculaire, bien qu'elle n'ait plus aucun motif.

ses assauts échouèrent ce n'est qu'à la huitième ascension que le géant des Alpes s'avoua vaincu. Mais il devait promptement prendre sa revanche

aux dépens des vainqueurs eux-mêmes. Whymper était accompagné dans son ascension par ses compatriotes Hadow, Hudson et lord Douglas, par les guides Michel Croz, de Chamonix, et le père et le fils Taugwalder, de la vallée de Viège. En redescendant du sommet, Hadow, étant venu à glisser au-dessus du rocher qu'on appelle l'Épaule du Cervin, fut projeté dans l'abîme et entraîna à sa suite Hudson, Douglas et le guide Croz. LecorpsdujeunelordDouglasnefutpas retrouvé: il s'était englouti dans une crevasse du glacier du Cervin, qui le garde depuis quarante ans. Or, le grand public n'ignore plus que les glaciers, malgré leur apparente immobilité, avancent lentement, et que toute 'la masse congelée s'écoule, toutes proportions gardées, comme le ferait une masse liquide, vers le fond des hautes vallées alpestres, en entraînant avec elle les débris de rochers, les poussières, sables et autres corps étrangers qui se trouvent pris dans la glace mouvante. Il faut justement quarante ans pour qu'un de ces corps, tombé au pied même du Cervin, arrive au front du glacier avec la masse congelée en mouvement, à l'endroit, non loin du village de Zermatt, où la Viège prend sa source. La sœur cadette de lord Douglas, dans ses calculs pieux, s'attend donc à ce que cette année, ou l'année prochaine au plus tard, le corps de son frère reparaisse, merveilleusement conservé par sa prison de glace, à l'endroit où le torrent alpestre surgit du glacier du Cervin. Elle s'est rendue à Zermatt dans cette espérance. Et elle attend.

H. Noalhat.

Les tor~llles et les mines sous-marines. Préface de M. Paul Fontin. Prix 3 fr. 50. Bergerdes Paris. Levrault, 5, rue Beaux-Arts.

livre ne vint plus à son heure que celui-ci. Car jamais l'attention publique ne fut plus éveillée qu'au moment actuel, sur les terribles engins que M. Noalhat nous décrit et nous montre, avec un luxe et une précision de détails dont les officiers et les ingénieurs apprécieront toute la valeur. Faut-il rappeler le coup de surprise tenté et réussi sur magnifique escadre russe de Port-Arthur, dans la nuit du la 7 au 8 février 1904? Trois grands bâtiments cuirassés mis sur le flanc pour six mois, et que la proximité des petits fonds où ils échouèrent sauva seule d'une destruction totale! Et les conséquences, au point de vue moral, ne furentelles pas plus désastreuses encore que les pertes matérieIles? De là, date la paralysie du haut commandement russe; là, furent brisés les ressorts de l'énergie et de l'audace des adversaires du Japon. Pertes matérielles et désastre moral, tout cela fut le résultat de l'arrivée au but, de trois torpilles automobiles. Faut-il rappeler la destruction, corps et biens, du cuirassé russe Petropawlosk,celle des cuirassés japonais Hatsuse et Yashima? Un capital de 100 millions et i 8oo hommes disparus à jamais pour avoir heurté quelques torpilles mécaniques, flottant entre deux eaux! Ces exemples montrent bien l'importance et la grande actualité du nouveau volume que M. Noalhat publie aujourd'hui, après plusieurs autres qui ont déjà consacré sa répuAMAIS

Cadavre resté quarante ans sous les Glaces du Cervin.

Un

AVANTl'année 1861, le mont Cervin, qui dresse son gigantesque obélisque au-dessus de Zermatt, en Valais, était considéré comme inaccessible. Impossible d'ailleurs de trouver jusqu'à cette époque-là des montagnards du pays disposés à servir de guides, pour cette périlleuse ascension oh! périlleuse, elle l'étaitsurtout à leurs yeux, parce que la montagne était considérée comme hantée par des âmes damnées et des esprits malfaisants. En 186 l, uncélèbrealpiniste anglais, M. Édouard Whymper, qui vit,encore, résolut de poser le pied sur la cime vierge, fût-ce au prix des plus durs efforts et des plus grands dangers. A sept reprises successives,

vol.

tation.


Tir sur les ballons captifs.

Pour découvrir à très grande distance, soit des mouvements de grosses masses bien abritées, soit les emplacements occupés pendant la bataille par des réserves, soit les emplacements d'une artillerie, défilée, il faut recourir à des observateurs s'élevant à grande hauteur au-dessus du sol, autrementdit à l'emploi de ballons captifs. Russes et Japonais s'en sont servis en Mandchourie, mais fort peu en somme, et les renseignementsfournis par les observateurs en ballon ne semblent pas avoir joué un grand rôle. Les causes de ce peu de résultats ne se dégagent pas encore nettement. Sans doute, se trouvent-elles à la fois dans la difficulté de ravitailler en moyens de gonflement les détachements d'aérostiers, dans le manque de dressage suffisant du personnel observateur, et enfin dans le manque d'habitude du commandement de recourir à ce moyen

d'observation. Quoi qu'il en soit, il est certain que l'emploi des ballons captifs comme postes d'observation ira croissant d'importance, dans la guerre de campagne comme dans la guerre de siège. Il faut donc se préoccuper de la manière de chasser ces indiscrets. Il faut s'en préoccuper d'autant plus que,

presque toujours, les ballons captifs feront leurs ascensions à extrême portée d'artillerie de campagne, 5 kilomètres au moins, et même davantage, pour ne pas être trop vulnérables. On ne peut donc pas compter sur le canon de campagne pour mettre hors de service les ballons de l'adversaire. On a fait un peu partout des expériences de tir sur ballon captif, tout particulièrement dans l'armée austro-hongroise. Ces essais ont amené le capitaine autrichien Knobloch à proposer de se servir des canons de gros calibre pour la lutte contre les ballons captifs. Il propose de recourir aux canons de 12 ou 15 centimètres pour ce genre de tir, soit dans la guerre de siège, soit dans la guerre de campagne (artillerie lourde de campagne). Seuls, ces puissants calibres ont une portée suffisante et lancent des balles de schrapnells assez grosses pour faire des déchirures sérieuses et dans ce genre de tir, la rapidité du tir n'a que peu d'importance. Le capitaine Knobloch propose donc de destiner tout spécialement en temps de guerre quelques batteries lourdes à tirer sur les ballons captifs ennemis. Ces batteries n'auraient pas d'autre mission; leurs chefs jouiraient, à cet effet, de la plus grande initiative pour ouvrir le feu dès l'apparition du ballon adverse. Voici comment il comprend l'exécution de ce genre de tir. La batterie chargée de s'attaquer aux ballons détache deux observateurs latéraux à droite et à gauche, à 300 pas environ et un peu en avant de la batterie. Ces observateurs, munis d'instruments télémétriques,apprécient la distance du but, la font connaître à la batterie, et renseignent le capitaine sur le sens de chaque éclatement (à droite ou à gauche du but, selon leur position). Le commandant de batterie fait ainsi très facilement son réglage en. portée; il lui reste à régler sa hauteur d'éclatement. Il lui faut, pour obtenir un bon résultat, ramener d'abord ses éclatements en direction et ua peu plus haut que l'objectif. Cela fait, il cherche une fourchette large, 400 mares par exemple, et, dès qu'il l'a obtenue, exécute un feu rapide échelonné de 100 en 100 mètres, en partant de la limite courte de la fourchette. Sur une douzaine d'expériences faites en Autriche, il n'y a eu que deux fois où le tir de l'artillerie n'a pas fait tomber le ballon.

Comparaison des forces militaires des grandes puissances. Voici le dénombrement des

forces respectives des différentes grandes puissances, mises en regard du total des armées de terre dont le Japon et

l'Angleterre pourraient disposer à l'occasion. L'Allemagne pourrait mettre surpied4 017977 hommes; la France, 3 339400; la Russie, 4550 000; l'Italie, 3 a9z 400; l'Autriche-Hongrie, 2 676 000. Mais l'expérience de la dernière guerre a démontré qu'autre chose est de posséder sur le papier une armée de quatre millions d'hommes, et autre chose est de concentrer sur une partie éloignée de l'Asie des forces supérieures en nombre à celles de l'ennemi. Le nombre de soldats dont

dispose chaque Etat en particulier est, en effet, de peu d'importance, attendu que les alliés (Japon et Angleterre) ont toujours, grâce à la domination des mers, l'avantage des larges voies de communication que leur ouvre l'Océan. ,Cette supériorité paraît contre-balancer avantageusement, au profit des alliés, l'infériorité numérique de leurs troupes en temps de guerre. En effet, les forces de l'Angleterre se décomposent de la manière suivante 192967 hommes d'armée régulière, 80000 hommes de réserve, 74 657 hommes de troupes régulières, soit 347354 hommes auxquels on peut ajouter 142 446 hommes de milice, )46 1.36 volontaires, 28000 hommes de garde nationale à cheval, 18847.3 hommes de l'armée indigène de l'Inde, 186000 hommes de troupes coloniales (Canada, Australie, Afrique du sud), soit un total de 1 132 523 hommes de troupes, de valeur très inégale, il est vrai, et sur le nombre desquels il y aurait vraisemblablement un fort déchet. Commentantces chiffres, le Standard fait observer que les 619000 hommes de troupes japonaises, en temps de guerre, et qui sont de premier ordre, ont dû être certainement élevés à un million d'hommes au cours des dernières hostilités, grâce à l'augmentation de la durée du service dans la réserve, qui a été portée de cinq à dix années. Le total des forces des deux alliés serait donc de 2 1)252) hommes; mais il faut remarquer que pour l'un des deux il est impossible de mettre sur le même plan, au point de vue de la valeur militaire, la moitié pour le moins des J 132 523 qu'il s'attribue sur le papier.

Les nouvelles bases navales anglaises.

Les travaux de Douvres. L'Amirauté anglaise a décidé de faire de Douvres une base navale de premier ordre. Le choix de Douvres a été motivé par l'excellente position stratégique de ce port. On espère avoir achevé dans dix mois la gigantesque digue du sud. Aussitôt cette digue terminée, les fonces navales de réserve de Chatham, Portsmouth, Plymouth seront en station permanente à Douvres; elles formeront une seule flotte. 11 y aura dans le port quatre lignes de mouillage pour les grands navires; la ligne extérieure pourra recevoir 5 cuirassés et 1 croiseur; la deuxième ligne 6 cuirassés; la troisième ligne 7 croiseurs. La ligne intérieure 7 croiseurs de me classe et 3 cuirassés de W classe. Dans ces mouillages, il y aura amplement place pour les contre-torpilleurs. En outre de ces mouillages ainsi établis, il reste place pour 2 cuirassés et 1 croiseur de 3e classe, et, le long du quai de l'Amirauté, pour 1 cuirassé. Au total, le port de Douvres aurait des postes de mouillage pour 17 cuirassés, '12 croiseurs de Ire classe et 4 croiseurs plus petits, plus les contre-torpilleurs. Les travaux seront terminés dans deux ans. En outre, dans le prochain budget, des crédits seront demandés pour la construction d'un bassin à l'usage des sous-marins, et afin que des cales sèches flottantes soient aménagées à Douvres. Le ministre de la guerre a acheté des terrains pour y élever deux nouveaux forts, à côté des trois qui défendent déjà la ville. Les forces militaires anglo-japonaises.

Voici, d'après le Standard, les forces dont disposent l'Angleterre et le Japon sur terre Empire britannique Armée régulière, 192 697. Réserve, 80 000. Troupes régulières de l'Inde, 74 65 7. Total, 347 354. Milice, 142446. Volontaires, 37425°. Armée indigène de

l'Inde, 18847). Troupes coloniales Volontaires dans l'Inde, 3iooo. Troupes canadiennes, 100000. Troupes australiennes,30000. Troupes de l'Afrique du Sud, 25 000. Total, 186000. Total des forces impériales, 1 132 523. Quant aux forces de l'armée de terre japonaise, elles sont évaluées à 186000 hommes en temps de paix et à 722000 en temps de guerre. Le total des forces des deux puissances alliées serait donc de 1855000 hommes.


En

Angleterre

La Capitale de l'ouest

(Impressions d'Exeter). Exeter, ville de la région sud-ouest de l'Angleterre, cbef-lieu du comté de Devon, ci ado kilomètres de Londres, est une vieille et pittoresque cité, ancienne capitale des rois saxons de Wessex. Autrefois, importante ~lace maritime, centre principal de la fabrication des étoffes de laine au XVIII. siècle, elle a beaucoup ~erdu de sa valeur commerciale et industrielle, mais elle reste, au point de vue de l'histoire et de l'architecture, une des plus curieuses villes à visiter.

LORSQUEl'on quitte Londres pour s'enfoncer dans l'ouest anglais, vers le Wiltshire et le Devon, cette marche vers l'Occident fait un peu l'effet d'un recul dans le passé. Déjà Salisbury, avec sa haute cathédrale, sa vieille enceinte abandonnée de Sarum, et les mégalithes de

grande ville confortable et cossue, une sorte d'emporium, où les fermiers des environs viennent s'approvisionner de bons meubles domestiques, de vêtements amples et chauds. Le modern style, la fantaisie, l'élégance un peu morbide des choses modernes ne règnent

pas ici, comme

Stonehenge

dans les grandes

danslelointain, est un noble fragment de l'Angleterrehistorique. Plus loin, c'estleDevonshire, qui garde si bien

villes de la côte. William Morris,

Burne-Jones et

Ruskin ne sont pas encore arrivés chez les Exoniens. Les en plaindrai-je?En revanche, ils pos-

physionomie d'autrefois. Plus sa

sèdent un bien

loin encore, c'est la Cornouailles, avec ses croix celtiques, ses dolmens et ses

que rien ne compense, que rien ne rachète la poésie

du passé. Non

légendes.

Nous

voici

point

cette nuit à Exeter.

passé

un

mélancolique et

L'hôtel où nous

légendaire, comme

sommes a un air

celui

de

notre

d'antiquité. Des victuailles pendent

Bretagne; mais un

sous la porte co-

bonhomie déli-

passéjoyeux,d'une

chère, comme dans ces hôtelleries de

cieuse, le passé de l'Angleterre rusFrancequi,au bord D'après une photographie. tique et patriardes routes royales, cale. Le paysan attendaient les diligences d'autrefois. Point de sifflebritannique est un beau produit européen; il a jadis ments aigus, point de tramways électriques, point arraché à Washington Irving un cri d'admiration. Et d'automobiles, guère de bicyclettes; de temps en le Devonshire est une des plus belles parties de l'Antemps, le passage d'une voiture; et par-dessus tout un gleterre agricole. Rien de la lutte, de la fièvre, de la immense murmure de foule. bataille qui agitent les énormes ruches industrielles Quelques jours passent.- Les premières impresdes midlands. Certainement tout s'en va, et ces cansions sont celles-ci. Une grosse ville plutôt qu'une tons reculés du sud-ouest participent eux aussi à la A TRAVERS LE MONDE.

LA GUILDHALL (HOTEL DE

43e

LIV.

VILLE) D'EXETER.

4).

28 Octobre 1905.


grande crise qui travaille si durement l'Europe occidentale. Mais enfin, les jours de marché, on s'y promène encore au milieu d'un roman de George Eliot. On y peut encore rencontrer le meunier Tulliver et le squire Donnithorne. Les petites vaches sauvages du

Dartmor, aux longues queues touffues, aux cornes pointues comme des glaives, se pressent et se bousculent dans les rues tumultueuses.. Les gevctlemeve farmers, les jambes emprisonnées dans leurs guêtres de cuir jaune, font caracoler leurs beaux chevaux, si élégants et si sveltes. Après le navire, ce que l'Anglais aime le mieux, c'est le cheval. Les faces sont ouvertes, accueillantes, épanouies, hau':es en couleur; dans les bars des hôtels, les gestes sont pressants et familiers, les conversations sonores, les rires bruyants. Aucune contrainte, aucune raideur. Nous avons passé un mois en Sussex. Làbas la race, sur ses collines teintes du sang de Harold, conserve ses traits durs et barbares, sa rude ossature, sa puissante et anguleuse carcasse, sa morgue hautaine. Elle habite « ce rivage

livide, au visage

blême, qui repousse

du pied les marées rugissantes de l'Océan, et retranche des autres pays ses insulaires ». Dans sa marche rapide et brusque, elle a ce même geste que l'imagination grandiose de Shakespeare attribue aux pâles falaises du sud-est. Ici, les pommettes saillantes, les mâchoires en coup de pelle se font beaucoup plus rares. Les visages

l'oreille, promènent leurs épouses d'un air superbe. Des jeunes gens agacent les ouvrières, qui ripostent gaillardement. Cris aigres des marchands d'oranges, fanfares et sermons en plein vent des Salutistes, pianos ambulants, tout cela mène grande noise par la

rue un peu étroite, comme il arrive dans les villes anciennes. Bien que ces bruits aient un caractère très anglais, l'impression, en beaucoup d'endroits, est très méridionale. Une église, dans le clair de lune de la lumière électrique, a un faux air d'Or-San-Michele. La Guildhall, contemporaine de la reine Élisabeth, projette sur la rue une avancée d'arcades italiennes. Tout auprès, dans une petite échoppe, j'ai eu affaire à un vieux joaillier, d'allure toscane, pareil à ceux qui vendent, sur le Ponte Vecchio, leurs amulettes de corail contre les jettatori. Surtout un marché couvert me reporte dans la ville où Callot a gravé sa foire de l'Ina~runeta. Les étalages de fleurs, de victuailles, de bric-àbrac, ont de la couleur et de la gaieté. Les passants ondulent,se pressent et se bercent réci-

proquement. Un colporteur, face de Mascarille sous sa petite

casquette noire, a disposé derrière lui, sur la muraille, une auréole de parapluies. Devant lui s'étaletoute une quincaillerie étincelante. Un marchand forain de Côme ou de Bellinzona n'eût pas mieux fait. Et son

intarissable bagout

me rappelle celui d'un certain drôle qui, sous Pl:otographie communiquée par la Homeland Association, de Londres. les voûtes d'un marché s'arrondissent, les florentin, offrait aux formes aussi, les manières et les gestes également. nombreux amateurs des poulets en loterie. Suivez, un soir de samedi, la High Street. Tout Dans le jour, la High Street est hantée par des Exeter est dehors. Sous les hauts encorbellements des vendeurs de narcisses et de primevères, de fraîches vieillesmaisons, une foule allègre s'écoule sans relâche. fleurs que le mois de février, déjà si tiède et si rayonSans doute, elle est toujours rapide; un grondement nant, malgré les averses, fait éclore dans les prairies du ininterrompu s'élève des trottoirs et de la chaussée. Devon. Ils sont quelquefoischargés de bouquetspareils à Mais ce n'est plus là cette multitude parquée, disciceux qui sourient, en cette même saison de l'année, sous plinée, divisée en passants de droite et de gauche, les rudes murailles du Palazzo Sforza ou sur le Corso qui piétine automatiquement l'asphalte des grandes de Rome. Ces fleurs viennent des îles Scilly, au large cités industrielles. Le tumulte qui monte aux oreilles de la Cornouailles, où règne un printemps éternel. est plutôt celui d'une rue florentine ou vénitienne, une Souvent même on promène des mimosas, tout frémissorte de murmure à demi rythmé, harmonieux et sants de boules d'or. Mais ces mimosas viennent du puissant. Des groupes s'interpellent. Des ouvriers vrai Midi; lorsque nous en avons placé dans notre chantonnent. Des sous-officiers écarlates, arrondissant vase de verre irisé, pareil à une murène mourante, les bras en anses de panier, la toque sur le coin de leur agonie a été brève ces pauvres exilés se sont dépouillés très vite, las de leur route trop longue. Quand on arrive à Exeter par la station de i. Shakespeare, K:itg John.


Queen Street, South-Western Railway, on aperçoit tout d'abord l'Acropole de la cité, le Rougemont. Les ruines du château normand sont assises sur un ancien volcan, aux pentes écarlates. Colline doublement tragique, qui semble porter le reflet des embrasements géologiques et les traces sanglantes des anciens massacres. Plusieurs dominations s'y sont succédé probablement les Bretons de l'antique Caerwisc, la ville de l'Exe, puis les Romains, puis les Saxons, puis les Normands. Les grandes phases del'histoire anglaise y ont laissé des souvenirs. On y a retrouvé des monnaies et des tuiles romaines, et des murs en arêtes de poisson, de construction saxonne. Maintenant la montagne de pourpre est bien pacifique. Dans la demeure formidable du shériff Baudouin, on entre comme en un moulin à vent. Du haut de ses courtines semées de belles giroflées, on aperçoit, dans la douce brume des

lointains, les

tueuses, sont aujourd'hui parcourues de chemins, au milieu des gazons, des lierres et des arbustes. Le soir, les amoureux s'y rencontrent. Tommy Atkins, les bras en accent circonflexe, y amène sa sweetheart. Si le Rougemont est la forteresse féodale, la Guildhall est la maison des bourgeois. Elle n'a point la fière allure et l'importance des maisons de ville et des halles aux draps que l'on voit dans les Flandres. Maisje ne partage point, à son endroit, l'espèce d'horreur que manifeste l'historien Freeman. La façade de la Guildhall, qui s'avance sur la rue, soutenue par les piliers d'une galerie, a été bâtie au temps de la reine Élisabeth. Elle est d'inspiration méridionale en grande partie. Elle unit les fenêtres anglaises aux colonnes italiennes. « La Guildhall d'Exeter, dit Freeman, peut rappeler la langue dans laquelle se traitaient les affaires à l'intérieur de cet édifice latin, français, anglais,

molles ondulationsdu Devon. A la fin du XVIIIe

siècle,

une odieuse bâtisse du style classique fut installée dans l'enceinte, pour abriter les assises du comté. Rien de plus mesquin, rien de plus bour-

geois.

Alors

une rage d'em-

bellissement sévissait à Exeter. Les vieilles portes de la ville, celle de l'enclos de la

cathédrale,

Bedford House, la chapelle de Rougemont, la

demeure du

STATUE 1)'ACLAND; AU FOND, LE CHATEAU DE ROUGEMONT.

Photographie communiquée par la Homeland Association, de Londres.

châtelain, tout tombait sous la pioche des démolisseurs. Les révolutionnaires, qui passent en coup de tempête, sont moins nuisibles que ces destructeurs appliqués et méthodiques. Les Béotiens sont pis que les émeutiers. Ne nous plaignons pas trop des Jacobins les bourgeois de la Restauration en ont fait bien d'autres. Aujourd'hui l'on se repent. Le nouveau Post Office, le Royal Albert Memorial,qui contient le. Musée et divers établissements d'instruction, ont été construits en un gothique un peu lourd, mais mieux adapté à l'aspect général de la ville. Des plantes grimpantes, de fraîches fleurs, semées au hasard, consolent les débris de Rougemont. Aujourd'hui on médite sur la grave et belle parole de Ruskin It is no light sin to destroy anytbing tbat is old. a Ce n'est pas un mince péché que de détruire une vieille chose ». Puisse-t-elle aussi entrer dans les cervelles françaises! Ces pentes qui ont vu tant de mêlées tumui-

venaient au secours l'un de l'autre, selon que le town clerk embarrassé trouvait celui-ci ou celui-là plus com-

mode pour allonger sa phrase. » Ce jugement est bien sévère. Au milieu des logis anciens, des riches encorbellements sculptés et des pignons aigus, la Guildhall fait bonne figure. Elle se marie bien à l'allure méridionale de la rue. Ne confondons pas ceci avec les

odieuses architectures néo-classiques. Shakespeare, tout en restant un génie septentrional, est tout pénétré d'Italie et, par endroits, comme doré par le reflet du soleil lointain. Nous en plaindrons-nous? Cette Guildhall, dont les premiers souvenirs remontent au XIIe siècle, atteste la puissance de la bourgeoisie exonienne. Très vite, contre les seigneurs, les habitants d'Exeter se préparèrent à la résistance. Comme il est naturel, à cette aristocratie ils opposèrent une autre aristocratie. Ils s'érigèrent enfreemen, distincts des settlers, étrangers établis dans la ville et


ne participant point à leurs privilèges. Ainsi à Athènes les citoyens et les métèques. Peu à peu, ces freev~zen en arrivèrent à accaparer les élections du corps municipal et de la représentation au Parlement. Voici ce qui peut donner une idée de l'humeur où étaient ces bourgeois. Les comtes les ennuyaient ~~t tarabustaient fréquemment, quant à la navigation sur l'Exe, où ces seigneurs se plaisaient à établir des barrages. Je suis le récit de Freeman « Remarquons d'abord que Hugues Courtenay, bien qu'il ne soit pas freeman d'Exeter, a une maison dans la cité, et y demeure, et que le mayeur, Roger Beynin, dépend de lui, et porte sa livrée ». Les cators (sortes d'intendants) du comte et de l'évêque, viennent pour acheter du poisson au marché, où-se trouvent seulement trois pots de poisson à vendre. L'un des serviteurs des grands veut prendre le tout pour son propre maître. Une bataille s'ensuit. Le mayeur, « songeant au bienêtre des communiersde la cité, et se rappelant qu'eux aussi devaient bénéficier dudit marché », décida que le comte aurait un pot, l'évêque un autre, et que le troisième serait laissé pour ceux qui désireraient en faire emplette. Menaces du comte. Il ordonne au mayeur de venir à lui. Il y va, mais non seul; car premièrement « il convoque ses frères et honnêtes communiers de ladite cité, en la Guildhall », et leur commande de venir avec lui pour le protéger contre une violence possible de la part du comte. Le mayeur arrive en la chambre du comte, et la porte est close sur lui. Le comte « tempête »; le mayeur dépouille sa livrée, et la remet au comte. Le comte tempête plus violemmentencore, tandis que les communiers heurtent à la porte, et demandent leur mayeur. Enfin le comte, craignant pour sa personne, prie le mayeur d'apaiser le peuple, ce qu'il fait, et « ainsi tous retournèrent en paix». Ce mayeur est un ancêtre historiquede Hampden. Le comte Hugues en ressentit longtemps « un haut déplaisir contre la cité ». Il joua aux habitants tous les mauvais tours qu'il put, « empiétant sur leurs libertés, détruisant leur port, bâtissant un quai à Topsham, leur arrachant la pêche sur la rivière d'Exe, et les opprimant de toute manière. » Malgré ces conflits, malgré les différends avec les évêques au sujet du clos qui environnait la cathédrale, l'histoire municipale d'Exeter n'est pas très orageuse. Rien n'y rappelle les drames de Laon ou d'Amiens. Le génie tranquille des Exoniens s'y retrouve. Ce sont gens pacifiques et réfléchis, qui n'agissent que par compas. Il fallut attendre le milieu du xme siècle pour qu'un pont de pierre enjambât le fleuve. Aujourd'hui on'se livre à de longues délibérations pour savoir s'il est expédient de construire un tramway électrique. Un tramway traîné par des chevaux conduit du centre de la ville à Heavitree. Mais il progresse avec une lenteur merveilleuse il est fait pour les promeneurs qui ont du loisir les gens pressés vont à pied. Parmi les magistrats municipaux d'Exeter, il en est un qui se recommande à notre attention. C'est le chamberlain sorte d'archiviste et chambellan d'historien local, chargé de conserver les documents qui concernent la ville, et de commémorer les événements qui s'y sont passés. J'ai feuilleté, par un jour de pluie, accident qui n'est pas rare en ces quartiers, le livre de l'un d'entre

eux, Richard Izacke, du xvtce siècle. Izacke est un savant homme son esprit est tout fleuri de vers latins. Mais, en bon et crédule Devonien, tout lettré qu'il est, il est extrêmement superstitieux. Il note l'apparition d'une comète, qui amena la guerre avec les Hollandais. Il y avait peut-être d'autres causes, mais sans doute moins importantes, car Izacke n'en fait pas mention. Il aime l'anecdote. Il nous conte la fin malheureuse d'un homme volant, qui renouvela la tentative d'Icare, et qui eut le même destin. Enfin, voici la plus glorieuse histoire dont il nous gratifie. Un pauvre homme d'Exeter était chargé d'enfants, dont il enrageait. C'est pourquoi il vécut sept ans séparé de sa femme. Au bout de sept ans, il la cc connut » de nouveau, comme dit la Bible. Sans doute pour regagner le temps perdu, elle lui donna sept jumeaux d'un coup. Plus féroce que les parents du Petit Poucet, il les mit tous les sept dans un panier, et s'en fut vers l'Exe pour les noyer, comme il eût fait d'une portée de chats. Mais la Providence veilla sur eux, sous les traits d'une noble dame. Elle arrêta le père dénaturé, prit les sept jumeaux, et leur fit donner une bonne éducation. Ils devinrent gens de mérite, et quelques-uns hono-

rèrentl'Église parleurs lumières. (A suivre.)

H. POlEz.

La Télégraphie sans Fil

et les Arbres.

expériences viennent d'être faites au INTÉRESSANTES S:gs~al Corps des États-Unis pour utiliser les arbres comme mâts munis d'antennes propres à la télégraphie sans fil. On peut recevoir ou transmettre des radiotélégrammes au moyen des arbres, les troncs servant de conducteurs aux décharges des courants électromagnétiques. Le feuillage joue un rôle très important dans cette affaire l'arbre feuillu est beaucoup meilleur conducteur que l'arbre dénudé. Plus la couronne est fournie et plus la conduction est satisfaisante. Les arbres secs et malades, par contre, donnent des résultats médiocres. On utilise les arbres de façon bien simple; la mise à terre s'opère par les racines de l'arbre, en attachant le fil à des clous enfoncés dans la base du tronc. Toutes les connexions électriques sont appliquées à la base le tronc et le sommet de l'arbre servent d'antenne. Le récepteur téléphoniquerelié aux clous enfoncés dans l'arbre accuse nettement le passage des signaux. Il est vrai qu'avec des ondes un peu fortes on tue les arbres mais, en temps de guerre, on ne va pas se lamenter sur la mort d'un arbre. Il suffit de quelques minutes pour installer le poste. Sans doute, la découverte faite aux États-Unis ne règle pas entièrement la question. On n'est pas toujours assuré de trouver des arbres là où l'on en voudrait; mais on sait que là où il y en a, on peut en tirer parti.


l'entend, on ne peut s'empêcher de rire avec lui. La faune, d'ailleurs, est abondante kangourous, opossums, dingos ou chiens sauvages, canards, lièvres (sans compter lézards, moustiques et serpents), et enfin les lapins d'Australie, pullulent dans la mon-

tagne.

Les riches négociants de Sydney possèdent à quelque soixante-dix kilomètres de leur ville un endroit délicieux pour la villégiature Mont Victoria. C'est là qu'ils passent la saison chaude, dans la nature splendide des Montagnes bleues, égayée de somptueux hôtels et d'élégantes villas. La petite bourgeoisie de Sydney y vient également passer ses dimanches, et les trains à prix réduits qui le samedi et le lundi font le service de Mont Victoria sont littéralement bondés de monde. Deux puissantes locomotives

Partie le matin de Mont Victoria, la voiture arrive vers trois heures à Jénolan, et l'on n'est pas peu surpris de trouver au but du voyage un hôtel des plus confortables. La visite des grottes commence immédiatement, et chaque touriste, bougie en main, pénètre dans le pays des stalactites. Ces grottes merveilleuses ont été aménagées très habilement par l'Administration de Sydney qui y a installé des gardes-fous, des plates-formes, des escaliers et la lumière électrique. Plusieurs d'entre elles sont cependant encore à l'état naturel; de sorte que les touristes hardis y trouvent leur compte, comme les plus prudents

ou les moins agiles

aussi.

hissent toute cette

population sur une voie dont la pente

Il en est qui

mesurent 6o mètres

atteint souvent

de haut sur 35 de

3

large; presque tou-

centimètres par mètre. Au sortir de Sydney on traverse un grand nombre de vil-

tes sont décorées d'immenses stalactites la principale est la grotte dite de l'Orgue (ses stalac-

lages, et une campagne admirablement fertile où la luzerne, le maïs, les arbres fruitiers, les orangers et la

tites affectent la forme de tuyaux

rapprochés). L'imagination des guides a

vigne alternent

sans discontinuer. Puis le train s'engage dans une forêt magnifique, pénètre dans la région montagneuse, où, à

travers

les roches,

LES GROTTES DE JÉNOLAN, PRÈS DE SYDNEY.

D'après une photographie.

les viaducs succèdent aux tunnels, et arrive enfin à

Mont Victoria qui s'élève à i 100 mètres au-dessus de la mer. Outre les plaisirs connus que peut procurer un joli coin de paysage alpestre, Mont Victoria offre à ses visiteurs de belles excursions au Mont York, où s'élève une pyramide à la mémoire des premiers colons qui, vers 1815, sont venus s'établir dans le pays, et d'où l'on découvre l'admirable panorama des Alpes australiennes aux Bushrangers, où l'on vous montre les inévitables cavernes de brigands; enfin et surtout aux grottes de Jénolan, plus éloignées, mais qui méritent le déplacement. On fait en voiture les 4o kilomètres qui séparent les grottes de Mont Victoria. Le paysage est superbe; mais ce qui est peut-être plus curieux, plus rare en

tout cas que la flore entrevue, ç'est la rencontre des perroquets aux ailes bleues et rouges et du langhingjackass, l'oiseau rieur, espèce de geai dont la tête est aussi grosse que le corps, et qui envoie à tous les échos les éclats de son rire, absolument humain. Quand on

naturellement

trouvé des ressemblances plus ou moins frappantes dans les formes de la pierre, et ils vous

montrent alternativement des lions,

une Sainte-Vierge, Napoléon, des crocodiles, etc., etc. La grotte, qui est appelée l'Écurie du Diable, de dimensions colossales, possède des stalactites de couleurs variées. La visite dure deux bonnes heures, après lesquelles on revient dîner et coucher à l'hôtel des Grottes, où le lendemain matin vous réveillent avec le lever du soleil les éclats de rire du langhing-jackass. LUCIEN MARTIN.

Détroit» de Panama. Projet de M. Bunau-Varilla. Le

«

projet que M. Philippe Bunau-Varilla a développé l'achèvement devant le Comité consultatif pour

du


canal de Panama vient d'être publié par le New York Sun, et a provoqué une sensation considérable. Ce projet consiste à exécuter un canal provisoire à écluses avec biefs de partage à 39 mètres au-dessus des océans puis, à l'aide de dispositifs nouveaux, ingénieux et pratiques, de continuer, au moyen de dragues, l'exécution du canal à niveau, en faisant disparaître les écluses au fur et à mesure. L'originalité du projet déposé par l'ingénieur français consiste en ceci jusqu'alors, on avait entend a Pacifique par canal à niveau un canal fermé du côté du par des écluses de marée, pour éviter les courants que le flux occasionnerait dans un canal trop étroit pour les recevoir. Le canal lui-même devait avoir iom5o de profondeur et 66 mètres de largeur à ligne d'eau. Les courants dus aux marées du Pacifique étaient impossibles à admettre dans ces conditions, avec un canal aussi étroit, et cependant ce canal demandait une dépense de 1 500 millions et une durée de vingt-cinq années pour être creusé à sec. e Grâce à la véritable révolution introduite, tant dans les prix de revient que dans la puissance d'exécution, par les principes nouveaux formulés par M. Philippe Bunau-Varilla, il est possible, dans le même laps de temps et pour la même somme, d'obtenir une voie d'eau qui ne sera plus un canal, mais le véritabledétroit de Panama. Les marées seront librement admises les courants qu'elles développeront ne dépasseront pas trois nœuds et un tiers; la profondeur sera de 13IT150 aux plus basses marées; la largeur au plan d'eau sera de 180 mètres.

L'exécution de cetté oeuvre gigantesque, qui, par les procédés jusqu'ici connus, exigerait soixante-quinze ans et 4 milliards 1 /2, se fera en vingt ans, et sans que la navigation, qui sera ouverte dans quatre ans, en souffre le moins du monde. La dépense moyenne annuelle pour la transformation,qui sera de 75 millions de francs, sera complètement couverte par la recette du canal pendant cette période. Le projet de M. Philippe Bunau-Varilla permettrait donc d'obtenir le détroit de Panama dans le même laps de temps qu'il aurait été nécessaire de consacrer à l'exécution d'un canal à niveau étroit et à écluses de marée, et c'est le canal lui-même qui payera ses propres dépenses de transformation.

Comment les Étudiants américains emploient leurs Vacances. Les étudiants américains du Nord ont des manières bien. américaines d'employer leurs vacances.

Nous ne saurions d'ailleurs que souscrire à certaines de leurs occupations, et engager même les jeunes Français à les imiter. Il est d'autres moyens de passer son temps, qui choquent un peu nos moeurs, arriérées peut-

être, mais qu'il est intéressant de signaler aussi. Leur idéal de l'emploi des vacances, et ici nous sommes pleinementd'accord,c'est de fairedu plein air, pour réagir contre la fatigue du travail de tête. II y a d'ailleurs toutes sortes de manières de s'y prendre. Cela dépend surtout de l'état de la bourse. Les étudiants riches ont le choix des moyens villégiature, voyages, sports fashionables; laissons-les, ils sauront se tirer d'affaire facilement. Pour les autres, nous trouvons le « campement » 1. Rien n'est plus ordinaire aujourd'hui que l'organisation, parmi la jeunesse des études appartenant même à différentes catégories sociales, de groupes ou escouades qui s'appliquent à reproduire pendant quelques jours la vie des primitifs, légèrement agrémentéepourtant de modernités qui en rehaussent le charme. On possédera un pavillon au bord d'un lac, ou bien on dressera des tentes dans un bois, fort loin du monde et de ses pompes, très loin aussi de la question des domestiques, qui empoisonne l'existence matérielle des Yankees, car là chacun se sert plus ou moins soi-même. La journée se passe à pêcher, chasser, ramer, jouer, dormir. C'est de la détente et du repos. Pour faciliter la pratique de cette vie si goûtée et qui devient à la mode, nombre de gens se sont mis à organiser des camps, comme ailleurs on monte un hôtel ou une pension. Il est de ces camps dont les prix sont extrêmementbas pour l'Amérique, et qui revêtent ainsi de ce fait un caractère de philanthropie intéressée. Mais il y a une catégorie d'élèves qui a autre chose à faire que de dépenser, si peu que ce soit, pendant les vacances. Ce sont ceux qui désirent, au contraire, en profiter pour gagner quelque argent. Ce sont eux qui recourent aux moyens inattendus que nous signalions plus haut, d'employer leurs vacances.

Beaucoup de jeunes gens trouvent des places dans les hôtels d'été comme sommeliers, et très particulièrement pour répondre à l'appel de la sonnette et s'enquérir des besoins des pensionnaires,d'où le nom de bell boys (garçons de la sonnette) qui leur est souvent donné. Tels autres s'installent dans la cage d'un ascenseur, conduisant la petite voiture qui sempiternellement monte et descend par le même couloir, et trompent la monotonie de leurs occupations en étudiant la grammaire. Le moment heureux pour ces domestiques d'occasion, c'est, sur la fin de l'après-midi, celui des matches de tennis, ou d'autres jeux. Les pensionnaires ne dédaignent pas d'engager la partie avec les jeunes gens qui les servent à l'hôtel, et toutes les différences sociales disparaissent alors. A Harvard, près de Boston, dans un grand restaurant, les étudiants de l'Université sont servis par des camarades, qui trouvent dans ce travail quelques ressources dont ils ont besoin pour équilibrer leur budget. Voici encore une occupation d'été pour les étudiants pauvres, et avant tout, sans doute, pour les fils de cultivateurs déjà familiarisés avec les travaux de la campagne. 'C'est celle d'ouvriers agricoles pendant la période des moissons. Ils viennent à leur heure, puisque la main-d'oeuvre aux champs est à la fois très rare et hors de prix. Le Sjnri~gfield Republican donnait 1. Voir ATravers le Monde, 19°5, page 2 16, une étude sur le Campement ou

«

Camping a.


à ce sujet quelques lignes curieuses, dans un numéro de juillet dernier cc Le Kansas et l'Ouest ont inauguré leurs opérations dans les champs de blé. C'est toujours la même pénurie de travailleurs; aussi les jeunes gens des

collèges tirent-ils profit de cette situation, pour contracter des engagements. Leurs mains blanches, leurs souliers de peaux brevetés, leurs chapeaux de Panama, leurs chemises de mohair et leurs cravates de soie les distinguent de ceux dont la vie se passe tout entière à travailler au soleil. Mais les farmers sont tout heureux d'obtenir un concours de ce genre. » C'est étrange! Est-ce vraiment déraisonnable?

Lesdeux Monumentsphrygiens de Demirli (Asie-Mineure). DANS les environs du village de Demirli,près d'Ayaz, en Asie turque, se trouvent réunis deux monuments de l'art phrygien, qui, connus et décrits depuis longtemps, offrent encore à l'archéologue maint problème intéressant: l'Arslautacb, la Pierre des Lions, comme l'appellent les indigènes, et les restes d'un hypogée connu sous le nom de (( tombe brisée ». M. W. Deonna, qui y a fait une récente visite, en donne une description très nette et très suggestive. A peu près au milieu d'une falaise, un énorme bloc en saillie, haut d'une dizaine de mètres, se dresse c'est l'Arslautach. Sur la face antérieure, deux grands fauves sont sculptés; l'artiste les a représentés rampants dressés sur leurs pattes de derrière, ils appuient leurs pattes antérieures sur une colonne qui les sépare. A la base de cette colonne s'ouvre la chambre funéraire un chapiteau surmonte le pilier. Gardiens vigilants de la tombe, les lions menacent de leur gueule ouverte, et semblent vouloir écarter du mort les violateurs de son repos. Ce monument est d'un art rude et grossier, il est vrai les Phrygiens étaient un peuple de laboureurs et de bergers, peuple agricole qui, à l'écart dans ses vallées, n'atteignit jamais un haut degré artistique. Cependant cette tombe, dans un cadre austère de rochers bizarres, aux formes tourmentées, déchiquetées, offre un aspect grandiose. Ces lions robustes, figés dans leur attitude menaçante, semblent éternels. Sur la face latérale de droite est sculptée une croix byzantine jadis, aux premiers temps du christianisme, quelque main pieuse a pensé purifier par le signe divin l'œuvre des anciens païens. L'art phrygien eut une prédilection marquée pour la représentation des lions. A quelque cent mètres de la tombe que gardent les fauves menaçants, un amoncellement de grands blocs écartés borde le petit chemin qui longe le rocher. Ce sont les restes de l'hypogée, « la tombe brisée ». Cette tombe fut détruite à une époque inconnue, par un tremblement de terre; elle formait en avant de la falaise un massif saillant évidé à l'intérieur. Malgré l'état' actuel, on peut facilement se rendre compte de la disposition

générale. La paroi du fond, adhérente à la falaise, donne la largeur de la chambre funéraire. Un fronton y est sculpté. A gauche, sur un bloc en retrait d'angle, une colonnette, ornée d'un chapiteau en forme de palmette, décorait la face latérale. La façade extérieure présentait deux lions sculptés dans la même attitude que ceux de la tombe précédente. Suivant la restitution de Ramsay, la paroi dans laquelle s'ouvrait la porte était ornée à l'intérieur d'un bas-relief deux guerriers, opposés l'un à l'autre, casqués, armés d'un bouclier rond, tenaient en main une lance qu'ils dirigeaient contre une tête de monstre horrible, analogue à la tête de Méduse des Grecs. Ce relief, d'un haut intérêt, puisqu'il est le seul exemple de la forme humaine dans l'art phrygien, occupe malheureusement la face inférieure d'un énorme bloc, et c'est à grand'peine qu'on aperçoit les restes de la sculpture. Il est impossible de fixer d'une manière certaine l'époque à laquelle furent sculptés ces monuments, et de dire s'ils ont été l'intermédiaire entre l'art assyrien et l'art grec, ou entre l'art grec et l'art assyrien.

Capitaine Ferradini.

Essai sur la défense des colonies.

In-So de 184 pages. Paris, Lavauzelle, 1905.

Le capitaine Ferradini,

de l'infanterie coloniale, breveté d'état-major, fut, en Indo-Chine, officier d'ordonnance du général Borgnis-Desbordes, dont on n'a pas oublié les hautes qualités d'organisateur militaire. L'étude que l'auteur livre au public et qui a été présentée, pendant l'hiver i9o3-~90¢, sous forme de conférences aux officiers de la garnison de Rochefort, ne contribuera pas peu, avec celles de M. Castex, récemment signalées ici même, à éclairer le Parlement sur le meilleur système de défense qu'il convient d'adopter pour nos colonies, pour l'Indo-Chine, en particulier. En ce qui concerne la défensive maritime, l'auteur repousse absolument toute idée de renforcement des divisions navales lointaines, et exclut la conception même de telles divisions. Celles-ci, dit-il, ne sauraient avoir pour objet une offensive, car les nécessités de la politique générale ne permettront jamais à la France d'envoyer au loin toutes ses grosses unités navales de combat. Quant à la défensive, elle ne peut être efficacement assurée que par des défenses mobiles, très abondamment pourvues de sous-marins, de torpilleurs et contre-torpilleurs, et susceptibles de surprendre l'attaque dans le voisinage des côtes, en station, pendant la longue et délicate opération du débarquement. Les torpilleurs jaugent 100 à 200 tonneaux, les contre-torpilleurs ne dépassent pas 400 tonneaux aucun d'eux ne coûte plus d'un million. Par suite, avec le prix d'un seul Sully, il serait possible de doter l'Indo-Chine d'une défense mobile comprenant trente ou quarante torpilleurs. Le nombre des points d'appui doit être réduit au strict minimum, parce qu'ils sont excessivement onéreux, vu la nécessité de les fortifier à la fois sur le front de mer et sur le front de terre, parce qu'ils absorbent une garnison nombreuse qui est naturellement prise dans les troupes sur lesquelles repose en dernier lieu la défense de toute la colonie, parce qu'ils ne rentrent pas dans le système général de la défense de la colonie à terre, et sont pour celleci une préoccupation grave et un souci supplémentaire. En ce qui concerne la défensive terrestre, il y aurait lieu de renoncer à la dispersion des postes qui ont été créés, non en vue d'une attaque extérieure, mais de la police intérieure, de faire dans le recrutement des troupes une plus large part à l'élément indigène, enfin d'organiser dès le temps de paix les moyens de transport qui font actuellement complètement défaut. Telles sont les conclusions principales de l'étude de M. Ferradini. Rappelons que dans Jazsnes contre Blancs M. Castex a exprimé des idées analogues.


Comment on fait un Lever d'ltinéraire1. LEVER DE COURS D'EAU BOUSSOLE ET COMPAS DE RELÈVEMENT

Dans les levers de cours d'eau, fleuves, rivières ou ruisseaux, une condition essentielle est de se prémunir contre l'influence du fer sur l'aiguille aimantée de la boussole, Si pour ces levers on se sert d'une embarcation dans la construction de laquelle le métal n'entre pas, on pourra se servir sans difficulté de la boussole que nous avons décrite. Mais, si le parcours des cours d'eau à lever s'effectue sur une embarcation dont la coque et l'armement contiennent du fer, la première boussole ne sera plus pratique et il faudra se servir d'un instrument à poste fixe et à alidade mobile qui s'appelle compas de relèvement. Cet instrument se compose d'une aiguille aimantée ayant la forme d'un losange très allongé, dont le centre est muni d'une chape en rubis dans laquelle vient se loger une tige verticale à bout de platine, qui sert de support. Une feuille de talc ou de carton léger, parfaitement circulaire et équilibrée, se colle sur l'aiguille, dont elle suit les mouvements, et porte une graduation et une division que l'on appelle la « rose du compas ». Il faut remarquer que la graduation est faite de 0 degré à 90 degrésdans chaque quart de la circonférence j les chiffres o correspondant au nord et au sud, et les chiffres 90 à l'est et à l'ouest. Pour définir une direction de la rose, on indique le nombre de degrés auquel elle correspond et on l'encadre des noms des points cardinaux entre lesquels elle est comprise. Ainsi l'on dit le nord 35 degrés est, que l'on écrit N. 350 E. L'aiguille de la boussole et le système qui l'accompagne sont logés dans une boite cylindrique en cuivre; le diamètre de la cuvette est généralementplus grand que celui de la rose, et porte une graduation allant de o degré à 36o degrés du nord vers l'est. Pour déduire du cap au compas le cap vrai, il faut lui faire subir une série de corrections qui sont simplifiées par l'adjonction de la graduation de o à )600 qui, si elle n'existait pas sur le compas, aurait avantage à être faite sur la rose elle-même, en y collant une bande de

le voyageur suivra les quelques conseils

pratiques suivarts

Le voyageur devra être assis com-

d'eau. Mais, si l'on a à lever un cours d'eau dont la distance entre les deux rivesnesoitplusfacilementappréciable,on ce cours

modément devait une petite table carrée procède de la façon suivante on navigue ou rectangulaire, suivant la forme qui en côtoyant, autant que la profondeur le épousera le mieux celle de l'embarcation. permet, l'une des rives, et l'on détermine On maintiendra le carnet et le crayon au la position de l'autre rive en plaçant, par moyen de deux bandes en caoutchouc relèvements, un certain nombre de points tendues d'un bord à l'autre de la table. remarquables, qui s'y trouveraientsitués. Dans une boîte que l'on placera aussi sur la table, on aura fixé préalablement la montre inclinée du côté de l'observateur, pour en faciliter les lectures, et la boussole qui y sera placée au repos. Le carnet doit être réglé et préparé à l'avance; il existe différents modèles pour ces carnets, et le voyageur pourra le préparer suivant celui qui lui paraîtra le plus commode.

CAS OU L'ON FAIT USAGE DU COMPAS DE RELÈVEMENT

Si le lever doit s'exécuter sur une embarcation ayantassezdeferpourinfluencer l'aiguille aimantée, on se servira du compas de relèvement. Le compas est placé sur un pied élevé, dans une position fixe par rapport à l'embarcation,la ligne de foi étant dirigée ITINÉRAIRE aussi parfaitement que possible dans l'axe longitudinal et à une hauteur suffiPour commencer le lever, l'embar- sante pour que, l'observation se faisant cation devra être amenée au milieu du debout, on puisse relever tous les points cours d'eau et à une vingtaine de mètres de l'horizon sans être gêné par ce qui se en arrière du point de départ, de manière trouve à bord. qu'elle ait acquis sa pleine vitesse au moment où elle passe à hauteur de ce point. ITINÉRAIRE

A cet instant le voyageur note

l'heure. Prenant ensuite la boussole en Le voyageur aura à portée de sa main, il vise, dans la direction que l'on main, sur la petite table dont il a été va suivre, un point ou objet remar- question plus haut, la montre, la bousquable, qui se trouve sur le bord du cours sole qui servira de clisimètre seulement, d'eau dans cette direction, et paraît ainsi et un carnet préparé suivant le modèle se projeter au milieu de ce cours d'eau que l'on jugera le plus convenable. il lit le relèvement de ce point et l'inscrit Pour commencer le lever, l'embarcation étant amenée au milieu du cours sur le carnet. Lorsque l'embarcation a atteint ce d'eau et un peu en arrière du point de changement de direction, on lit et inscrit départ, le voyageur indique à l'homme l'heure on prend ensuite la boussole et de barre un objet apparent situé dans l'on détermine comme précédemment la l'alignement que l'on va suivre. Il est nouvelle direction du cours d'eau, et l'on urgent que l'avant de l'embarcation soit maintenu dans la direction de cet objet continue ainsi jusqu'à l'arrêt. mieux possible. le aussi sonder On peut le cours d'eau de temps à autre, et particulièrement aux Au moment où l'embarcation passe changements de direction. On peut éga- à hauteur du point de départ, on note lement noter si le fond est dur, ou du l'heure, on s'assure que l'embarcation est sable ou de la vase, ainsi que la largeur bien dirigée sur l'objet indiqué, et on lit du coprs d'eau. le cap au compas que l'on note sur le POINTS ÉLOIGNÉS

Lorsqu'au cours du lever on rencontrera un point remarquable sur l'une ou l'autre des rives, on relèvera ce point papier. à l'aide de la boussole, et l'on prendra sa hauteur au clisimètre, comme dans les levers d'itinéraires. CAS OU L'ON PEUT SE SERVIR Si ces points remarquables sont DE LA BOUSSOLE placés sur les bords mêmes du cours d'eau, notera seulement l'heure au On pourra employer la boussole momentondu passage à leur hauteur, en dans le cas où l'embarcation ne contient ayant soin d'indiquer la rive sur laquelle pas de fer, ce qui se produit lorsque le on les remarque. voyage s'effectue dans une petite embarSi c'est un cours d'eau, on le défication ou en pirogue; dans ce cas la place nira par les renseignements du guide. fait souvent défaut, et comme le travail, Ce que nous avons dit plus haut pour être soutenu longtemps, doit s'exé- suppose que le cours d'eau a une largeur cuter aussi commodément que possible, que l'œil peut facilement apprécier, et dans ce cas on doit astreindre les rameurs i. Voir « Conseils aLX Voyageurs à suivre autant que possible le milieu de 19°5, page 280.

carnet. Si c'est un bateau à vapeur, on inscrit aussi le nombre de tours de la machine. Au moment du changement de direction, on note de nouveau l'heure. On indique à l'homme de barre un nouvel objet sur lequel il dirige l'embarcation,et lorsqu'il est bien dans cette direction on note de nouveau le cap au compas. POINTS ÉLOIGNÉS

points intéressants visibles se relèveront à l'aide de l'alidade du compas, et l'on notera la lecture de la rose qui corresporid à la direction de l'alidade en même temps que le nom ou la désignation du point. On prendra, s'il y a lieu, sa hauteur au clisimètre que l'on notera également en regard de ce point. Tous les autres détails du lever s'exécutent comme il a été indiqué pour Les

le cas où l'on fait usage de la boussole.


En Angleterre

La Capitale de

l'ouest

(Impressions d'Exeter'). La cathédrale d'Exeter et le « Close », enclos mystique qui entoure la cathédrale, constituent une des curiosités d'Angleterre les plus belles et les blus émouvantes. Et la campagne qui environne Exeter contribue à faire de la ville une cité de calme et de poésie.

EXE2ER,que sa cathédrale annonce de loin, a un grand passé religieux, mais tout historique, sans rien de

mystique ni de légendaire. Aucun souvenir n'évoque ici les cités monastiques d'Irlande, ni les îles saintes d'Aran et d'lona tout enveloppées de cantiques. La vie conven-

s'égarer dans de fâcheuses et coupables rêveries. L'importance religieuse d'Exeter date du jour où les évêchés de Devon et de Cornouailles y furent réunis, et où l'évêque Léofric y transporta le siège alors établi à Crediton, trop exposé aux invasions danoises.

Léofric

tuelle y fut

était d'origine

presque nulle. Le grand saint de la région,

celtique, sans doute un Bre-

Winifred, appelé plus tard Boniface, né à

nouailles. Il

Crediton,

ton de la Coravait étudié en

Lotharingie.

Son âme était régulière et ad-

à

deuxpasd'Exeter, étaitSaxon d'origine et se montra un ennemi déterminé du chris-

ministrative. Il aimait la cen-

tralisation. Il introduisit en

son diocèse les sévères disciplines de Chro-

tianisme celtique. On sait quelle haine il porta aux missionnaires irlandais de Germanie, et com-

degang de Metz, pour réprimer les désordres extrêmes des ecclé-

ment il fit

siastiques.

condamner

Quand il s'agit Virgilius, évêde transférerle de Saltzsiège de Credique bourg, pour ton à Exeter, Association, opinion Photograplzie communiquée par la Homeland de Londres. il ne s'adressa une point d'abord « perverse, injuste, contraire à Dieu et au salut de son âme ». Virau roi et à son witan, comme c'était la coutume. Il gilius avait avancé que la terre est ronde, et que la passa par-dessus les autorités temporelles, et eut direcGermanie a des antipodes. Il apprit ainsi à ne point tement recours au pape, à qui il demanda d'écrire au roi. En toutes choses, Léofric avait des façons d'évêque I. Voir A Travers

Ie Monde, ~905,

A TRAVERS LE MONDE.

44. LIV.

page 3g~.

continental. N° 44.

4 Novembre ~905.


dans toute sa pureté, reluit en Léofric. Ses préoccupations sont purement spirituelles. Il avait été installé par le roi Édouard. Il fut en grande faveur auprès de Guillaume, après la conquête; il ne regardait point quelles mains tenaient le sceptre terrestre. Ainsi se comportèrent les prélats du monde antique à l'endroit des barbares. Léofric avait l'instinct de la force, et allait à elle, où qu'elle fût. 11 mourut en 1072. Parmi d'autres objets précieux, il laissait à la Le génie catholique,

cathédrale le fameux Liber Exoniensis, tout rempli de traités édifiants et de légendes en anglo-saxon. La reconstruction de la cathédrale Saint-Pierre fut commencée plus tard, vers la fin du xme siècle. Quelques parties de l'ancien sanctuaire normand furent utilisées. Elle est d'une constitution assez singulière. Ses deux tours carrées ne se dressent point à l'Occident, mais forment le transsept, de sorte qu'on a pu comparer l'édifice entier à un patriarche couché, qui lève les deux bras au ciel, pour prier. L'aspect extérieur cause une impression ambiguë. La cathédrale, avec ses lignes droites, la base rude de ses tours, a quelque chose de guerrier. La triple et si régulière rangée de statues qui garnit la façade occidentale, semble un posted'hommes d'armes rangés en bataille; ce sont de farouches rois saxons, d'âpres seigneurs normands et des saints qui leur ressemblent. Mais en même temps, la cathédrale est extrêmement fleurie, toute hérissée de ciselures délicates, et parsemée de clochetons. La façade de l'ouest d'abord, surprend et choque. Elle se compose d'une série de paravents en retrait les uns des autres. Mais il faut toujours, devant les choses du passé, songer à leur destination. La plate-forme qui surmonte le premier étage de ce portail, était destinée à recevoir l'évêque et sa suite, lorsqu'il bénissait la multitude, ou encore une éclatante et pittoresque compagnie de ménestrels, lorsqu'un grand personnage était reçu solennellement dans la cathédrale. C'était comme un groupe destatues vivantes au-dessus d'un groupe de statues immobiles. L'intérieur, un peu bas, s'allonge sous une voûte d'une longueurextrême, depuis l'entrée jusqu'à l'extrémité du choeur. La cathédrale n'est pas grandiose, mais elle est extrêmement riche et mystérieuse. C'est ici que la comparaison de la nef et de la forêt s'évoque tout naturellement. Aux piliers, à la voûte, le nombre des nervures est prodigieux. On songe aux innombrables rameaux des arbres, aux veines du bois, aux dessins compliqués qui courent sur la face des feuilles. Les fenêtres, de style anglais fleuri, laissent arriver la lumière par leurs fines découpures. Le jubé, le siège épiscopal, rappellent eux aussi la vie touffue et capricieuse des bois. Dans les chapelles du chœur, les seigneurs et les évêques dorment en des demeures enchantées, sous d'opulents dais de pierre polychromée, ciselée avec un détail extrême. Enfin cet intérieur de cathédrale est comme un gigantesque lane du Devon. Sans être aussi remarquable que le close de Salisbury, cette pure merveille, le close d'Exeter, la cité mystique qui environne la cathédrale, a un bien grand charme. C'est un de ces cieux où habite l'Ange du Silence, si cher à la poésie de nos voisins. Ce close est environné de vieux logis, en pierres rouges

du pays, rongées et verdies par le temps, et comme toujours embellies par les verdures grimpantes. On n'y entend que la voix des cloches et des corneilles, qui tourbillonnent autour des grands ormes et des tours géantes. Il faut venir ici, aux premiers jours du printemps, lorsque la cathédrale se lève ainsi qu'un reliquaire que la brume bleue voile comme un encens, au milieu des pelouses étoilées de pâquerettes, dignes de Jan Van Eyck. Autrefois, dans ce close ceint de murailles, on donnait la sépulture aux morts. Souvent des scènes tumultueuses y avaient lieu. On s'y livrait à des jeux bruyants. On y tenait des marchés. Les séjours des morts étaient moins qu'aujourd'hui environnés de recueillement. On rapporte qu'une vieille reine celte, àl'agonie, demanda d'établir une foire sur son tombeau. Des paroisses se groupaient autour de SaintPierre. On voit encore çà et là, le long de la grande artère principalement, de petites églises rouges, dévastées par le temps. D'autres, reconstruites, ont plus de majesté. L'église de TQus-les-Saints-sur-le- Rempart, entourée d'un cimetière, domine une grande vallée où se voient, au milieu des arbres en fleur, d'autres cimetières et d'autres églises. Saint-David, avec ses larges vitraux, est tout pénétré de lumière. SainteSidwell dresse au loin sa tour rose, d'une nuance claire et gaie comme celle des briques et des terres cuites que les soleils de quatre ou cinq siècles ont baignées de lumière sur les vieilles basiliques lombardes. L'évêché a perdu de son importance, depuis les temps catholiques. Les quarante églises d'Exeter appartiennent à des sectes diverses. Le dimanche, la ville semble un immense instrument de musique. Rien peut-être ne donne la sensation de l'étranger autant que les cloches étrangères. Les carillons anglais ont une mélancolie spéciale, qui serre le coeur. En outre, le dimanche, la fanfare des Salutistes fait retentir par les rues les cuivres éclatants. Aux carrefours, on s'arrête. Un inspiré prêche. Généralement, il a une face avilie de vieux pécheur qui a roulé dans les abîmes de la misère et du vice. Il ne parle que d'enfer, de jugement, de mort subite. J'entends encore fun d'entre eux, la face mal rasée, les yeux étincelants, habités par des visions (( 0 mes frères! je suis un pécheur, du bout même de mes pieds à la pointe même de mes cheveux. Mais je suis avec Jésus. Je suis un ferme croyant. 0 mes amis! la mort peut venir cette nuit. Soyez avec Jésus ». Quand le sermon est fini, les hommes en casquette à bande rouge, les femmes sous leur étrange capote noire, quelques-unes frêles et gentilles, entonnent un cantique aigre et lamentable, qui remue et tord douloureusement les nerfs. Songe-t-on à sourire? Non point. A mon sens, ceci donne une impression religieuse plus forte que les cérémonies pompeuses du culte officiel. On y sent la tragique inquiétude de l'homme devant sa destinée et sa condition lamentable, on y entend un appel aux forces mystérieuses et muettes qui nous entraînent à la tombe, au milieu des erreurs, des folies et des souffrances. Ces Salutistes sont parfois émouvants comme des pénitents du Moyen âge. .De tous côtés, la campagne envahit la ville. Ce ne sont pas seulement les grands parcs publics où


luisent les verdures perpétuelles, en cette fin d'hiver; les jasmins jaunes toujours en fleur, les fusains d'Australie qui garnissent toute la côte méridionale, incessamment réchauffés par les

influences toutes

proches du Gulf Stream, incessamment rafraîchis par les ondées. Ce sont encore de grandes propriétés encloses dans Exeter même, avec les corneilles qui

tournoient dans leurs arbres centenaires; ce sont des villas d'architecture néo-gothique, ensevelies sous les plantes grimpantes reproduisent sans prétention et sans dis-

grâce. On sent un désir de continuer les ancêtres, de vivre dans un cadre pareil à celui où ils ont duré, d'adapter à la vie moderne de gracieuses traditions; on n'y trouve nullement le songe saugrenu de M. Prudhomme qui a lu Walter Scott. Le lierre, nourri par l'humidité constante, a vite fait d'en-

noblirlesmurailles; la

mousse et les lichens se

pressent d'étendre

leur manteau sur les pierres grises et brunes.

Lavilleason horizon fermé de collines moelleuses, perpétuel-

lement voilées de brumes, repos des yeux et de l'esprit. Ces ondulations sont extrê mement douces. Quelques-unes seulement, un peu plus hardies,

Ici les formes du passé se

des heures est ici singulièrement divers, et les quatre saisons trouvent moyen d'habiter une même journée. A vivre au milieu d'un tel paysage, on comprend que Ruskin, qui est si anglais, conseille aux peintres de rendre les mouvements, et non l'immobilité de la lumière. Pourtant, quelquefois, un dôme de nuages, immobile et morne, s'appesantit sur la vallée. Alors, si l'on gagne les hauteurs de Pennsylvania Hill, et que l'on contemple le pays qui se déroule vers l'estuaire de

l'Exe, on retrouve

encore une impression du Midi, mais du Midi triste cette fois, de ce Midi qui a engendré le désespoir de Léopardi et le nihilisme de Théophile Gautier..

Beaucoup de maisons de campagne, entourées de verdures noires, ont les lignes classiques et la teinte jaunâtre des villas italiennes. L'une d'entre elles, parmi les arbres de deuil, rappelle cette demeure où les seigneurs et les dames du Décaméron fai-

saient leurs

beaux

contes d'amour et de cruauté, tandis qu'à deux pas régnaient les épouvantes de la peste. Les cyprès, les ifs et les sapins descendent la pente. Au fond de la vallée, Exeter sommeille, comme Florence au bout du

ravin du Mugnone. vers l'ouest, semblent Au delà, se lèvent les annoncer le Dartmoor tout proche et ses volcollines harmonieuses et pâles. Et pour un cans éteints. Dans toutes ces collines des moment cette terre apruelles serpentent, borparaît, comme la padées de buissons touftrie de Dante et de Mifus, d'ajoncs en fleur, chel-Ange, charmante LE PALAIS ÉPISCOPALDEXETER ET LA TO~R SUD DE LA CATHÉDRALE. de grands arbres, et funèbre. les fameux Devonshire Photographie communiquée par la Homeland Association, de Londres. M ais ce n'est lanes, si encaissés entre qu'un instant, un pasleurs talus, si perdus et si solitaires à deux pas des sage fugitif d'ombre et de mélancolie. Demain la habitations humaines. lumière argentine baignera les verdures fragiles du Tout près'de la ville, sur la rive droite du fleuve, printemps qui s'avance, et réveillera les oiseaux des dans le hameau d'Exwick, un groupe de cottages est bois. POTEZ. H. Porez. encore enfoui sous d'énormes toits de chaume, où s'ouvrent des mansardes. De temps en temps, une échappée se produit, et l'on aperçoit, bleuis par le Le Comité de la Ligue maritime française, réuni lointain, les toits pressés d'Exeter, ses tours d'églises, sous la présidence de l'amiral Gervais, a décidé qu'une et surtout la haute cathédrale qui le couronne. grande semaine maritime aurait lieu, en 1906, dans Bien souvent, la ville, qui vient de recevoir une l'estuaire de la Seine, durant la première quinzaine de ondée, fume et pétille sous le soleil pâle. Le visage juillet.


Le Niagara est-il condamné

à disparaître?

LE Niagara est-il condamné à disparaître? L'affirma-

tive n'est pas douteuse, si certaine proposition de loi qui vient d'être repoussée à Albany réussit, ainsi que c'est fort probable, à passer dans la prochaine session de l'Etat de New York. Il y a longtemps que certains brasseurs d'affaires ont l'œil sur les chutes dès 1885, aidées par la rapacité des politiciens, des compagnies se sont formées pour exploiter les forces motrices du Niagara. Et c'est par un hasard providentiel que, des neuf sociétés ainsi organisées, il n'en reste plus que deux en opération, prélevant sur les cataractes environ 900 mètres cubes 'par seconde. La loi dont il était parlé plus haut permettrait de prendre encore la valeur de 400000 chevaux électriques, soit à peu près 900 autres mètres cubes 'par seconde, ce qui réduirait les Americain Falls à l'ombre d'ellesmêmes. D'ailleurs, une fois engagé dans cette voie, il n'y a aucune raison de s'arrêter, et l'on peut entrevoir le jour où le visiteur devra se borner à contempler « l'endroit où furent les chutes du Niagara ». Déjà, ajoute la revue La Bibliothèque Universelle, les journaux comiques dépeignent, avec plus de prescience peut-être qu'ils ne se l'imaginent, d'autres perspectives tout aussi attrayantes les rochers colossaux de la vallée de Yosemite affermés à des entreprisesd'assurances, et les geysers du Yellowstone asservis à des établissements de bains. Tout cela est parfaitementpossible, et c'est profondément affligeant. Pour le Niagara, toutefois, il y a un espoir l'action d12 pouvoir fédéral, faisant des cataractes la propriété du. Gouvernementde l'Union. Mais serait-ce là une bien solide garantie? Le Congrès se montrerait-il plus incorruptible, avec le temps, que les législateurs d'Albany? La vraie sauvegarde du Niagara serait dans l'acquisition de ce dernier par une société artistique l'État, et n'offrant pas ou historique, indépendante de de prise aux influences politiques.

Exploitation du Chemin de fer de Kayes au Niger pendant l'Année 1904. longueur

de la voie exploitée était de 381 kilomètres le 1 er janvier 1904 et de 555 kilomètres dès

le

i

décembre.

La traction des trains a été assurée par 28 locomotives qui ont parcouru ensemble un total de 88 i 446 kilomètres. Il a été mis én circulation, dans les deux sens,

trains, soit

une moyenne de deux trains par jour dans chaque sens. La gare de Kayes fournit la plus grande partie du trafic total. La gare de Bammako, ouverte à l'exploitation le 29 juillet, s'est bientôt signalée par son importance. La gare de Koulikoro, qui n'a été ouverte qu'à la fin de l'année, aura certainement une activité croissante, au fur et à mesure du développement de ce point de liaison entre la voie ferrée et la voie fluviale du Niger moyen. Le trafic général a pris, dès le mois de septembre, une intensité qui s'est continuée jusqu'à la fin de 1

51

l'année.

Le nombre 47 144 en tc~o3,

total des voyageurs, qui avait été de s'est élevé à 613°0 en 1904, et le

tonnage des bagages, de 163 en c~o3, a monté à 288 en 1904.

·

Mais c'est surtout le trafic des marchandises qui a fait un bond énorme. Alors qu'en 1903 ce trafic avait porté sur 6 263 tonnes de marchandises, ou i million 382 853 tonnes kilométriques, en 1904 il a été transporté, sans compter les moellons du Fouty, 9 836 tonnes de marchandises, ou 3°84160 tonnes kilométriques. Les voyageurs avaient fourni une recette de 226 2 1 fr. 88 en i go3, et cette recette a atteint 376 747 fr. 20 en 1904. Les marchandises ont donné 834 384 fr. 54 en i go3 et 1 564 463 fr. 71 en 1904. Les recettes totales du trafic avaient été de kilomètre exploité 1060596 fr. 12, ou 3 128 fr. 5 en i go3; en 19°4, elles ont monté à 194 1 2 10 fr. c~ i soit 4086 fr. 75 par kilomètre exploité. En 19°4, les dépenses de l'exploitation ont été de 1407 588 fr. 24, ou 2 963 fr. 34 par kilomètre

par

exploité.

Un Tunnel dans le massif du

Tauern. -Trajet rapide entre la Mer du Nord et l'Adriatique.

France de question du s'occupe beaucoup Otunnel du Simplon et des conséquences éconoen

la

miques que l'inauguration de la ligne aura pourl'Europe occidentale. L'Autriche perce, elle aussi, un massif de montagnes, en vue de l'établissementd'une voie ferrée qui aura une grande importanceinternationale. Il s'agit du massif du Tauern, situé à deux heures de chemin de fer au sud de Salzbourg. Cette nouvelle ligne sera la plus directe entre Hambourg, l'Allemagne du sud et Trieste, et aura pour effet de rehausser encore le chiffre d'affaires de ce port, qui a déjà pris depuis ces dernières années un développement considérable. Le tunnel ne sera pas achevé avant quatre ou cinq ans, et l'avance prise par le Simplon doit lui garantir une prédominance durable sur la nouvelle ligne. Mais c'est une raison pressante de hâter la fin des travaux et le raccordement des lignes françaises.


est à remarquer d'ailleurs que les Gouvernements russe et persan discutent en ce moment un plan pour améliorer les communications entre le nord de la Perse et les possessions russes de l'Asie centrale. Un groupe d'ingénieurs russes se rendra prochainement dans la région frontière, pour étudier cette question. Il semble que ce soit là un résultat du dernier voyage du chah à Saint-Pétersbourg. On avait déclaré que pendant cette visite le souverain persan avait conclu un nouveau traité de commerce avec la Russie, ou qu'il avait préparé la conclusion d'un emprunt, mais ces deux bruits ont été formellement démentis. La lutte entre l'Angleterre et la Russie se poursuit âprement en Perse sur un autre terrain le commerce. Si l'on e} amine la part prise par les puissances dans le commerce avec la Perse, on constate que le rang des puissances importatrices reste à peu près stac tionnaire. Mais la Russie, favorisée d'ailleurs par sa situation géographique, vient en tête avec un chiffre total de 77 588 596 francs, et l'Angleterre,voisine également par les Indes de la partie méridionale de l'Empire persan, arrive en seconde place, avec 33 c~a85z6 francs. Ces deux puissances représentent ainsi 81 1/2 pour ioo de l'importation totale annuelle. Ajoutons que la France vient aussitôt après la Russie et l'Angleterre, mais bien loin derrière, et que ses importations ne s'élèvent qu'à environ 9 240 090 francs, soit 5 1/2 11

Projet d'un nouveau Chemin de fer russe sur la Frontière de Perse (Erivan à Djoulfa). MALGRÉses revers en Extrême-Orient, lawRussie a, pendant l'année 1904, poussé activement la construction de ses chemins de fer, tant en Europe qu'en Asie. Nous avons déjà parlé de la ligne de Saint-Pétersbourg à Viatka, qui met la capitale en communication directe avec le Transsibérien, de la ligne d'Orenbourg à Tachkent, du chemin de fer Circumbaïkalien le tronçon d'Erivan à Djoulfa sur la frontière de Perse retient

aujourd'hui notre intérêt.

Cette dernière ligne a attiré l'attention de l'Angleterre qui y voit l'amorce d'un chemin de fer russe

traversantlaPerse du nord,

et dont le projet doit, par

conséquent, l'inquiéter. Déjà, il semble avoir été

dessiné par une sorte de contrat préparatoire. Lorsque le chah de Perse vint à Contrexéville pour la première fois, le Gouvernement russe lui prêta une assez grosse somme à la condition qu'une bonne route serait construite de Nakhichevan à la frontière, jusqu'à Tauris. Ce travail devait être exécuté dans un délai d'ail-

leurs assez large, faute de

pour ioo de l'importation totale.

CARTE DU NOUVEAU CHEMIN DE FER RUSSE PROJETÉ EN PERSE quoi l'entreprise passerait Puisque nous parlons (ÉRIVAN A 1)30ULFA). les mains d'une maientre des chemins de fer dans l'Asie centrale, il faut signaler que les Russes consson russe. Comme bien l'on pense, si l'on songe aux habitudes des pays d'Orient, l'œuvre ne fut pas achetruisent actuellement un pont sur l'Oxus (Amou vée à l'expiration de la période fixée, et c'est en effet Daria), non loin du point où ce fleuve pénètre en territoire russe, après avoir cessé de servir de frontière un entrepreneur russe qui a construit la route jusqu'à Tauris. au pays de Bokhara et à l'Afghanistan. Ce pont serait D'après les Anglais, il existe en Russie un projet destiné au passage d'une ligne reliant Samarkand, suivant lequel un chemin de fer serait établi sur cette dans la direction du sud, à la vallée de l'Oxus. route, et de Tauris gagnerait Téhéran, puis Mechhed dans le Khorassan, faisant tout le tour de la Perse du nord. D'un point quelconque de cette ligne, si la politique le permettait, on pourrait lancer un chemin de fer vers un point du golfe Persique ou vers un des bons ports qui s'ouvrent le long du littoral du Makran, sur l'Océan Indien. Ce sont d'ailleurs là des projets éloignés; il s'agit, surtout si l'on veut traverser la Foi les Perse du nord au sud, de franchir des régions extrêmement infertiles et désertes. Mais à présent, ces visées russes préoccupent les Anglais, d'autant que, aux termes d'un arrangement russo-persan, le chah ne UN journaliste américain, M. L.-P. Kirby, vient de doit permettre la construction d'aucun chemin de fer dresser un bilan curieux des principaux mouvedans son empire, ce qui semble donner à cet égard à ments religieux qui se sont récemment manifestés aux États-Unis, et d'évaluer leurs richesses en dollars. la Russie un droit de contrôle sur le territoire de l'État asiatique voisin. L'Amérique a toujours eu un faible pour les reli-

Les Religions nouvelles aux États-Unis. La et Dollars.


gions fantastiques. Un premier initiateur, Mrs Eddy, ouvre, il y a trente a'ns, une pension pour la guérison par la foi (faitb cure). Elle donne à sa maison ce joli Collège méta~hysiqwedu Massacbusets. Il y a seize nom ans, elle fonde, avec 26 membres, la première église de la Science chrétienne dont le centre est à Boston, où « l'Église mère possède aujourd'hui 1 5000 membres. La secte est riche, élève des églises dans les récemment encore à New York, principales villes préconise 96e Avenue, un splendide sanctuaire, l'élimination de la médecine et des médecins, mais fait du bien à nombre d'adeptes en les amenant à ne compter que sur eux et à vouloir, avec l'aide du Cie.i, ce qu'ils savent leur être bon. Dowie, le fameux Dowie, fondateur de la Cité de Sion (Zion City), à Chicago, est un ancien pasteur congrégationiste en Australie, d'origine écossaise. Il Élie, annonce le se présente avec l'esprit du prophète retour prochain du Christ, et crée des Sions pou l'accueillir sur la terre. Une seconde Sion se prépare au Mexique. La première Sion est à 70 kilomètres du centre de Chicago. Elle s'élève, en face du lac Michigan, sur un ancien terrain agricole payé 6 250000 fr. et qui, d'après M. Kirby, vaut aujourd'hui plus de 150 millions. Dowie l'offre à ses adhérents «je ne l'ai payé que 200 francs l'acre (40 ares), leur dit-il, et,je vous en demande 20 000 mais c'est pour rien, étant donné les avantages qu'il présente actuellement ». Du reste, il ne cherche que la gloire de Dieu, et non son propre intérêt. Cet amalgame de terrain et de religion inquiète à juste titre on a exprimé les craintes d'une formidable débâcle. Le spiritisme est devenu aux États-Unis une sorte de religion à laquelle adhèrent environ Les médiums sont au nombre 1 500000 personnes. de quelque roooo; mais la plupart d'entre eux, au dire de M. Kirby, ne sont que des charlatans qui vivent de la crédulité publique. Le plus en vue des spirites à l'heure actuelle est Mrs Pepper. Elle préside des services dans un édifice qu'elle appelle la première église spirite de Brooklyn, et prétend faire des prodiges. Les contributions de ceux qui vont la voir la mettent à même de jouir d'une vie d'un vrai lux~. Certains croyants du spiritisme sont des hommes et des femmes qui semblent intelligents. Plusieurs sont riches, ou l'étaient avant de tomber dans les panneaux des médiums rapaces les démonstrations de fraudes répétées laissent leur foi absolumentintacte. A Economy, en Pennsylvanie, nous trouvons une société de personnes qui jeunent, mais prospèrent étrangement, surtout leur chef, Duss, riche, au bas mot, à vingt-cinq millions de francs. Cela peut étonner; mais que de gens qui seraient mieux portants, s'ils mangeaient ou buvaient avec plus de modération Les Économistes» remontent à soixante-dix ans en arrière. Ils sont célibataires et fondent leur vie sur la devise Honnêteté et Conscience. Du reste, ils sont presque éteints.. A Loms, en Californie, se trouve une colonie de théosophes fondée par Catherine A. Tingley, d'abord spirite, qui fut considérée pendant un temps comme l'émule de Mme Blavatski. La colonie s'appelle École pour le réveil des mystères~erdus de l'antiquité. Mrs Tingley acheta pour cet établissement un terrain magni-

fique, dont l'aménagementseul lui a coûté 1500000 fr. Cet argent lui fut donné par trois ou quatre personnes, desquelles M. Spaulding, de New York, fabricant

d'articles de sports. Que peuvent bien faire les colons occultistes? Pour M. Kirby, ils se chauffent paresseusement au soleil d'or de la Californie, et quelques richards de l'est, qui sont convaincus de la vérité de l'enseignement de Mrs Tingley, règlent leurs dépenses. Citons-en d'autres pour mémoire, et sans entrer dans l'examen indiscret de leurs ressources budgétaires. A Bar Harbor (Michigan) la Société des tribus perdues d'Israël, qui a pour 'chef Benjamin Purnell,

professe que Satan sera chassé du monde en 1916. A New York, les Adorateurs du Soleil, disciples du docteur Hanish, comptent parmi leurs membres Louis Potter, cousin de l'évêque du même nom. A Woodcliff (New Jersey), la Société des danseursanges de la ferme du Seigneur ne sont que des fanatiques pauvres et de mauvaise tenue. Etc., etc.. Toutes ces institutions bizarres vivent; quelquesunes prospèrent. Et, ce qui n'est pas moins étonnant, elles vivent et prospèrent aux Etats-Unis, dont les habitants passent cependant pour avoir l'esprit praJ. ROBERT. tique.

Choses d'Australie.

envers l'Etranger. rance intérieure.

Hostilité Intolé-

Les journaux annonçaient dernièrement que depuis vingt ans l'immigration en Australie a diminué des deux tiers. Si l'on en croit M. Hochrentiner, qui a confié au Journal de Genève ses impressions sur

l'accueil fait là-bas aux étrangers, et sur l'intolérance australienne, on ne s'étonnera guère d'une pareille

diminution.

Le sol de l'Australie est défendu aux Asiatiques,

vivant à trop bon marché et susceptibles d'enlever du travail aux ouvriers européens. Soit! Mais cette loi est appliquée d'une façon si vexatoire, qu'il n'est pas permis à un Européen de traverser le pays avec un homme de couleur. Mieux que cela les navires qui emploient des Chinois, n'ont pas le droit de les débarquer sans déposer une caution de ioo livres sterling par tête. Cette somme est retenue chaque fois qu'un homme échappe à la surveillance du capitaine, et s'enfuit à terre. Pour les immigrants européens, il y a aussi des restrictions, et, dans ce pays qui compte cinq millions d'habitants et pourrait en contenir cinquante, l'immigration est interdite à quiconque a été engagé à l'étranger pour un emploi en Australie. Les touristes de race blanche sont pourtant tolérés, mais les Jaunes ne sont acceptés sous aucun prétexte.

Lorsde mon passage àFreemantle,ditM. Hochrentiner, l'Ori.~aba, paquebot-poste de la Compagnie anglaise « L'Orient»,s'échoua surlesrécifs,prèsdu port.


Une grande discussion eut lieu, pour savoir si on laisserait aborder les matelots et employés chinois. On se décida à les parquer dans un entrepôt, et à les rapatrier par le prochain bateau. Les passagers européens avaient été transportés à terre par un petit bateau à vapeur qui était allé à leur secours, et qui les avait ramenés, à onze heures du soir, à Freemantle, par une mer démontée. Or, les deux ou trois hôtels prévenus furent remplis en un clin d'oeil; et il s'est trouvé des journaux pour plaisanter sur le sort de quelques dames obligées d'aller chercher un gîte au milieu de la nuit, après les fatigues d'un long voyage et les émotions d'un naufrage

n'y a pas d'ailleurs que l'immigration qui soit sévèrement contrôlée toutes les actions humaines sont Il

aussi soumises à une réglementation et à une surveillance intolérables. Les affaires commencent à une heure fixe, et finissent de même. Malheur au commerçant qui ouvrirait boutique avant ou fermerait après l'heure il s'exposerait à de fortes amendes. De même aussi, les salaires sont fixés, les tâches distribuées.. Les eaux australiennes, même, n'offrent pas une hospitalité plus libérale que les villes. Dès son arrivée dans un port australien, un bateau doit livrer l'inventaire exact des vivres et liquides qu'il possède à bord; tant que le navire reste dans les eaux australiennes, il doit acquitter les droits de douane sur tout ce qui se consomme à bord. Un second inventaire est fait dans le dernier port australien, et la douane prélève ses taxes sur la différence. Si ce sont là quelques échantillons des joies promises aux pays dirigés par le Labour Party (le Parti Ouvrier), n'envions pas à l'Australie son Administration

japonaises, on

constate l'énorme avantage qu'ont les Japonais. Voici un tableau des capitaux engagés, par kilomètre de voie ferrée, pour les principaux pays industriels

France.. Allemagne.. Grande-Bretagne Belgique

Suisse

Etats-Unis,

Japon

440000 388 000 318500 310000 25°000 124000

Le Japon a donc

construit ses chemins de fer

d'une façon très économique, en sorte que les tarifs peuvent y être de beaucoup inférieurs à ceux des pays où ils ont à rémunérer des capitaux proportionnellement beaucoup plus considérables. D'autant plus que

dans certains pays, le capital des chemins de fer a été majoré dans le but d'opérations financières. Au Japon, le capital employé par les chemins de fer a été maintenu très bas, au grand bénéfice des producteurs. Ceux-ci pourront, avec le temps, jouir d'une situation unique dans le monde quant au bon marché des transports dans leur pays. Enfin, les-principales villes du Japon sont situées sur la côte, ce qui permet aussi de transporter les marchandises par mer, mode de transport facilité par le fait que les mines de charbon du pays ne sont pas éloignées de la mer.

Fayard.

C.

France africaine Sahara et Soudan. In-80 de

176 pages, avec cartes. Paris, F. Levé, 1905.

A

Le Bas Prix d' Établissement des Voies ferrées japonaises. qui L désappointement résultat eu un bon

930000 Fr.

a accueilli le traité de paix a en ce que les Japonais et les

étrangers résidant parmi eux n'ont pas été immédiatement emportés par une fièvre de spéculations et d'entreprises hasardeuses, ainsi que cela avait eu lieu, il y a dix ans, après les victoires sur la Chine. Les classes aisées demeurent sur la réserve et maintiennent les habitudes d'économie prises pendant la guerre. Les perspectives financières n'en sont nullement obscurcies, et l'on assure que de nombreux capitaux sont prêts à s'employer dans des affaires solidement fondées.

Au nombre des facteurs qui sont de nature à faciliter le' développement des affaires au Japon, les conditions de transport des marchandises sont en bon rang. On sait que les' tarifs de transport sont calculés pour permettre de rémunérer les capitaux engagés; or, si l'on compare le capital des chemins de fer de quelques pays avec celui qui est engagé sur les lignes

la fin de ce livre se trouvent une série de conclu-

sions et une carte d'ensemble indiquant l'étendue des travaux qu'il conviendrait, d'après l'auteur, d'exécuter en Afrique. Sur cette carte, on voit le Sahara sillonné par de multiples voies ferrées. Il n'y a pas que des Transsahariens, il y a aussi deux Transafricains, l'un allant de Dakar à Djibouti par le Tchad, l'autre partant de Sfax, et aboutissant à l'extrémité de notre territoire congolais, à 500 kilomètres environ de la région des grands lacs, et susceptible de s'embrancher par la suite sur la ligne du Cap au Caire. Pourquoi pas? Après tout, il n'y faudrait même pas toute la fortune d'un Carnegie! Qu'on n'aille pas se figurer, d'ailleurs, au vu de l'esquisse de ces projets grandioses, que l'auteur s'est dispensé de précision dans son étude. M. Favard est ingénieur, et il allie à sa compétence de technicien une expérience personnelle de la construction des chemins de fer en territoires désertiques. Aussi lira-t-on avec un intérêt particulier l'étude si serrée qu'il fait du devis de construction et d'exploitation du chemin de fer Transsaharien que M. Paul Leroy-Beaulieupréconisait dans son récent et savant ouvrage: Le Sahara, le Soudan et les Chemins de fer transsahariens. M. Fayard se montre, dans ses calculs, moins optimiste que M. Leroy-Beaulieu, mais il conclut à la possibilité et à la nécessité de l'entreprise. Enfin, une idée qui appartient en propre à l'auteur est celle de la construction d'un barrage du Niger dans la partie en aval de Timbouctou. Ce barrage aurait pour effet, en relevant le niveau de l'eau en amont, de faire écouler les crues du fleuve sur les vastes territoires d'alentour, où l'on pourrait faire ainsi toutes les grandes cultures riz, mil, arachides, coton, etc. M. Fayard établit le coût de l'entreprise et ses chances de rémunération, en rapportant ses évaluations à celles concernant les barrages déjà existants, notamment celui d'Assouan sur le Nil. 11 y a là une idée qui peut être féconde en résultats, et qui mérite toute l'attention des pouvoirs publics.


AFRIQUE

de Colonisation juive dans lEst africain.

Le Projet

On se rappelle qu'il y a deux ans environ l'idée étaa venue à une Société israélite anglaise, leJewisb Colonial Trust, de fonder une colonie juive dans les parties les plus salubres du protectorat de l'Afrique Orientale, et que le Gouvernement britannique, pressenti à ce sujet, s'était déclaré tout disposé à favoriser ce projet. Le Congrès sioniste de Bâle, en 1903, l'examina, et décida qu'une mission serait expédiée dans tes territoires visés, afin de rechercher les moyens de réaliser pratiquement ce plan assez curieux. Le dernier Congrès sioniste qui s'est tenu, à Bâle encore, en juillet ~905, a eu à examiner le rapport de la mission d'études qui comprenait le major Gibbons, le professeur Kaiser et le Dr Wilbusch. Les conclusions de ce rapport étaient défavorables et le Congrès s'est rallié à l'avis des commissaires enquêteurs. Il a, en conséquence, prié le Comité directeur de faire savoir au Gouvernement anglais qu'il ne paraissait pas possible de donner suite au projet du « Jewish Colonial Trust »; mais cette motion n'a été votée qu'après des débats très étendus et si orageux que le président a dû à plusieurs reprises suspendre la séance. La majorité du Congrès s'est prononcée, cette année encore, en faveur de l'article capital du programme sioniste, à savoir la reconstitution en Palestine d'une communauté politique israélite indépendante.

Insuffisance de la Crue du Nil. On annonce du Caire que la crue du Nil sera, cette année, très inférieure, non seulement à celle de l'année dernière qui ne pouvait déjà pas être comptée au nombre des bonnes, mais même à celles de 1899 et 1902 qui furent des années très mauvaises. Si, en effet, le flux du Nil Blanc a été normal, celui du Nil Bleu a totalement fait défaut. La récolte du riz a manqué en divers points, mais la récolte du coton a été sauvée par le réservoir d'Assouan, et promet d'être excellente. Le niveau du fleuve est, àAssouan,à 3 mètres au-dessous du niveau moyen des trente dernières années. Aussi, suivant les règlements en vigueur, l'Administration a décidé de publier la déclaration d'un « Mauvais Nil », ce qui implique la mise en vigueur des mêmes mesures de préservation

qu'en 1902.

Le Chemin de fer du Nil à la mer Rouge. La

jonction des deux sections du chemin de fer qui

doit ouvrir au Soudan égyptien l'accès de la mer Rouge, est imminente. Depuis quelques mois, on a cessé tout travail sur la section qui part de l'Atbara, et tous les efforts ont été concentrés sur la section qui part de Souakim qu'il avait été question, dans les débuts de l'entreprise, de prendre comme unique base d'opération. Sitôt la jonction entre les deux sections de la voie effectuée, on attaquera la courte section comprise entre Souakim et Port-Soudan qui doit être le terminus définitif du chemin de fer. On pense que trois mois suffiront pour établir ces quelques kilomètres de voie et qu'au début de l'année prochaine les trains pourront circuler entre l'Atbara et la mer Rouge. Ajoutons que les difficultés, qui avaient été provoquées par les Bédouins dans le personnel des chantiers, ont pris fin, à la suite de l'adoption, par la Direction du chemin de fer, de mesures énergiques. ASIE

Singapour, Base navale anglaise. Le Gouvernement anglais va établir une base navale

à Singapour.

Dans quelques semaines, les docks de commerce de ce port auront passé aux mains de l'Amirauté par voie d'expropriation. Cette mesure fait partie du nouveau plan de défense de l'Empire, dont la nouvelle répartition des forces navales anglaises a marqué la mise en oeuvre. La somme à payer pour les bassins sera fixée par deux arbitres, l'un désigné par le Gouvernement et l'autre par la Compagnie des Docks. Un arbitre suprême décidera, dans le cas où les deux premiers ne réussiraient pas à se mettre d'accord. Les arbitres sont déjà choisis. Sir Michael Hicks-Beach sera l'arbitre suprême. Ce plan est exécuté à la connaissance et avec l'approbation du Gouvernement japonais.

Délimitation de la Frontière entre la Perse et l'Afghanistan. renseignements fournis par le colonel anglais Mac-Mahon et publiés par les journaux de Londres, Il ressort des

concernant la rectification de la frontière entre la Perse et l'Afghanistan, que la sentence arbitrale rendue par la mission dont l'officier ci-dessus désigné était le chef, n'apporte aucun changement sensible à la délimitation qui existait jusqu'à présent entre les deux pays. En un mot, la sentence de la mission ne fait que confirmer d'une façon à peu près absolue le tracé primitif de la frontière afghano-persane. Aucun des deux pays n'est obligé de céder une partie territoire du occupé par lui jusqu'à ce jour. L'ancien lit du Helmund, dont le cours, comme on sait, a un peu changé de direction, continue de servir de frontière, et le nouveau tracé a été établi de telle façon qu'il sera toujours valable, alors même que le cours de la rivière éprouverait de nouveaux

changements.

On fait remarquer que ce résultat est très important, vu qu'il écarte, une fois pour toutes, de sérieuses causes de querelle entre la Perse et l'Afghanistan.

Nouvelles Lignes télégraphiques au Cambodge. L'administration des Postes et Télégraphes de l'IndoChine étend peu à peu le réseau de ses lignes dans l'intérieur c'est ainsi qu'on étudie en ce moment au Cambodge une ligne de Melouprey à Stung treng. La ligne de Pursat à

Kratt par la vallée de la rivière de Pursat a été de son côté reconnue extrêmement difficile, en raison de la chaîne montagneuse qui est parallèle à la côte et est difficilement franchissable. Le pays étant d'ailleurs absolument désert et couvert d'une forêt très dense, on étudie un autre tracé qui, partant de Kampot, irait en suivant plus ou moins la côte par Sré Umbell et Santon, permettant d'avoir ainsi une communication télégraphique entre le Cambodge et la baie de Kompong son.

Les Postes de police de la Frontière

franco-chinoise.

En juin 1895, à l'époque où la Chine reconnaissait la frontière laotienne, la cour de Pékin signait avec la France un arrangement spécial pour la police des frontières com-

munes, afin d'enrayer définitivement les mouvements des dernières bandes rebelles qui, pillant les villages tonkinois, retournaient en Chine vendre le produit de leurs rapines dans les cités chinoises voisines. Après dix années d'une active surveillance, les Gou-vernements français et chinois ont pensé qu'on pourrait supprimer un grand nombre de postes doubles, dont la proximité de garnisons importantesrendaitdepuis longtemps le maintien inutile.


Coins de Norvège

De Stavanger à Bergen.

La Norvège n'a pas encore tous les visiteurs qu'elle mérite. Anglais et Allemands vont volontiers en admirer les curiositéç; les autres ~euples compris malbeureusementles Français la négligent. C'est pourtant, à une distance relativement courte, dans un pays d'accès facile, la ~ossibilité d'avoir des sensations nouvelles, de jouir ~le spectacles bien caractéristiques, d'étudier le « moins connu ».

-y

Vendredi 4 août

Stavanger. Parti la veille, de Rotterdam sur un mauvais bateau, j'arrive à Stavanger après une triste traversée. La petite baie m'apparaît bien jolie, par ce jour tiède et pluvieux, dans ce grand silence des étés du Nord Le soleil pâle sur les nuages brûle à peine comme une topaze sur son coussin d'ouate, et allume doucement les tuiles rouges des maisons qui grimpent le coteau. L'eau est transparente on dirait de

l'airliquide.

Sous

la poupe

équipages, ni livrées, ni faste d'aucune sorte. La Norvège, démocratie unique au monde, non seulement a aboli l'aristocratie de naissance, mais ignore l'aristocratie d'argent. Point de morgue chez le riche, nulle servilité chez le pauvre. L'homme de peine à qui je viens de donner un pourboire m'a remercié d'un égalitaire et vigoureux shake-hand. Tout le monde sait lire et écrire, et lit beaucoup. Je parle politique avec des bate-

liersqui savent un peu d'an-

d'un paquebot à l'ancre, on distingue l'hé-

glais

on déteste les Suédois, ces aristocrates mais on désire un prince de la famille Bernadotte pour roi.

lice avec ses

quatreailerons peints en rouge, comme un délicat organe de chair. Les

maisons au

Le type

bord du quai

physique est

portent toutes

beaucoup

en grandes

moins laid que celui que nous

lettres noires

la même enseigne

metik

venonsdequitter en Hollan-

,( Her-

Fa-

brik », fabri-

LE VILLAGE DE ODDA, AU FOND DU HARDANGERFJORD.

que de conser-

ves de pois-

Photographie de M. de Waleffe.

son, surtout

d'anchois. La ville entière, une ville de vingt-six mille âmes, est employée là. Les femmes gagnent une couronne par jour (1 fr. 40), les hommes une couronne et demie. On nous conduit chez l'un de ces fabricants, riche à 40 millions. Ancien ouvrier, il est resté paysan. Et tous les millionnaires que nous rencontrerons dans les autres villes de Norvège, lui ressembleront une belle maison, un jardin, une cave à liqueurs soignée (à cause des Sociétés de tempérance!); mais ni A TRAVERS LB MONDE.

de. Les jeunes filles sont minces, avec des yeux gris-bleu et un air sé-

45e

LIV.

rieux et poétique. Le cheveu, couleur de blé mûr chez l'enfant, devient couleur de pâle rayon d'hiver chez l'adulte, et tourne au chanvre roui chez les vieux. Les yeux aussi naissent bleu vif, deviennent bleu d'acier, et finissent bleu faïence. Dinzanche 6 août. L'après-midi, sous les arbres de la grande place, voici la récréation dominicale, l'équivalent de nos musiques militaires les promeneurs entourent des choristes de bonne volonté No 45.

i

1 Novembre 1905.


deux hommes en veston, trois femmes en chapeau de ville, qui psalmodient gravement des versets de la Bible. De temps à autre, un des chanteurss'interrompt, et dans le silence recueilli de tous commence à prêcher. Il s'anime, il vaticine, il menace les pécheurs des feux éternels, et évoque avec ravissement les joies célestes. Une petite pluie fine s'est mise à strier le ciel pâle. Les parapluies se sont ouverts, mais personne ne s'éloigne. Je repasse une heure après un autre orateur a pris la parole, un véhément qui transpire et fait de grands gestes furieux. Vieux et jeunes l'écoutent sans se lasser, avec une attention scrupuleuse. Les enfants eux-mêmes ne jouent plus. Cependant j'entre au temple, où un vrai pasteur, en rabat, du temps de la Réforme,prêche aussi. Or, l'édifice est désert, à part deux ou trois vieilles femmes. Une religion est bien vivante quand elle déserte le temple pour la place publique! Chez nous les églises sont pleines, mais sous l'orme du mail on entend les syllogismes socratisants » de l'insidieux M. Bergeret! Lundi août. En bateau et en voiture nous avons gagné le lac Suldal; un lac, non,plutôt un étroit

couloir d'eau long de 28 kilomètres, encaissé entre des rochers à pic. 0 limpidité

ô solitude

Trois

grand fracas sur les rails. Ce n'est pas un train, c'est un torrent. Ce chant des torrents, ce sera la musique de toutes nos nuits en Norvège. Partout l'eau bondit

des sommets, ruisselle dans les fjords ou dans les lacs, pour s'évaporer au soleil et retomber sur les cimes éternel sablier! Mardi 8 août. Deux jours de calèche à travers le Hardanger, la province pittoresque par excellence, le tour classique des excursionnistes. Un paysage abrupt et gigantesque, éternellement grondant du bruit des rapides et des cascades. Un climat étrange des vallées assez chaudes pour qu'y croissent des pommiers et des cerisiers, des plateaux assez froids pour que partout apparaissent des névés », pans du grand suaire hivernal. Ne venez pas en Norvège s'il vous faut, pour vivre heureux, des hommes, des femmes, des oiseaux, des fleurs; venez-y si vous aimez le grandiose et le solitaire, des eaux, des neiges, des pierres et des nuages. Le pays d'Europe le moins fait pour l'homme, voilà ce que vous trouverez. Les pêcheurs de la côte réussissent à manger, les fermiers

l'intérieur n'y parviennent plus. Six mois par an,

de

au bord de leurs lacs gelés, ils restent inactifs, prisonniers des brumes et des frimas. Au milieu d'août le blé que nous voyons n'est pas encore aussi mûr que la mauvaise herbe qui croît entre les épis. Et ce blé mal mûri, avec quelques pommes de terre, ce sera toute la pitance de l'hiver. Après cela, on s'explique qu'il y ait deux millions de Norvégiens en Norvège, et un million de Norvégiens émigrés en Amérique!

ou quatre huttes disent seules, de loin en loin, la présence de l'homme. Le minuscule vapeur du lac s'y arrête un instant. On descend un marmot, une chèvre, une lettre, et on repart dans le cirque silencieux des monts déserts. Notre machine brûle non du charbon, mais du bois, L'ÉGLISE DE: ItURGïJND (STYLE VIXING%. le bois des sapins qui verdoient à droite et à gauche Jeudi ~o aoîat. OdPhotograylaie de M. de V~ale~`'e da. Un magnifique hôtel au sous nos yeux jusqu'aux cimes couvertes de neige. La surface liquide est si bord de la mer. Au bord de la mer? Entendons-nous! Il y a encore une nuit et un jour de steamer jusqu'à la pure, si pure, qu'on se croirait en ballon au-dessus des nuages qu'on voit errer au fond de l'eau, et le côte véritable. Nous sommes dans le fond d'un fjôrd. vertige vous gagne. La salle à manger est très jolie, toute en bois Mais le gîte de cette nuit est d'une rusticité sculpté et ajouré, historiée sur ses panneaux de peineffarante c'est une auberge en bois de sapin, une tures représentant les scènes d'un conte d'Andersen, chambre sans papier ni tapis, un lit sans matelas, une où des nains à barbe blanche, à bonnet de coton et à toilette sans seau, une fenêtre sans stores. Sans stores, gros ventre, assis au bord des torrents, inventent les quand le soleil se lève à trois heures du matin La arts et les plaisirs de la vie. Le « hall une sonorité de ces chalets en bois est quelque chose immense rotonde au toit vitré, sur lequel trois étages d'extraordinaire. On assiste bon gré mal gré au de chambres ouvrent comme sur un patio espagnol. coucher comme au lever de tous ses voisins. On vit Des groupes d'Anglais sont là comme chez eux, dans dans leur intimité la plus complète. Et, dominant ces leurs canapés de cuir vert et leurs rocking chairs à bruits divers, au loin, dans le silence de la vallée, un balancier. Les autres peuples errent comme des âmes écho tonitruant comme celui d'un train roulant à en peine, ou envoient des cartes postales. Mais les

est


Anglais reconstitueraient le cercle sous la lampe, jusque dans le buffet d'une gare. Une éducation parfaite et universelle leur permet de se lier entre eux sans méfiance. Les misses tricotent ou lisent des magazines, les gentlemen boivent et fument, et la conversation se poursuit aussi paisible, aussi souriante que dans le « home Newcastle ou de Liverpol. Samedi 12 août. Hier le bateau qui va à Bergen ne nous semblait vraiment pas assez confortable pour y passer la nuit. Nous nous arrêtâmesà mi-chemin, en un endroit appelé Viking-Noes, escale si peu importante que notre steamer n'accoste pas. Il stoppe un instant au milieu du fjord, et nous voilà transbordés à la nuit tombante dans une barque qui danse furieusement, tandis que le steamer s'éloigne déjà dans la pluie et le vent, tout enroulé dans sa fumée. Nous restons abandonnés à deux hommes inconnus à qui nous disons, montrant la rive obscure où blanchit vaguement une maison sous les arbres {< Hotel?

de

Yes

Yes

»

Un drôle d'hôtel Personne au débarcadère.

Tâtonnant dans une espèce

de parc, nous finissons par atteindre le derrière de l'habitation. Nous poussons une porte, et tombons dans une grande salle sans lumière. Au coin de l'âtre, l'hôte et l'hôtesse assoupis

Ce parc baigné par la mer, cette mer elle-même cernée par de grandes montagnes couvertes de forêts

et coiffées de neiges, cette solitude sauvage, ces hôtes anglais et leurs quatre enfants ravissants, quel repos loin de la cohue des touristes Jours exquis passés à errer dans les bois, cherchant des myrtiles et des fraises, ou à relever chaque matin le filet tout frétillant de cabillauds et de soles pris au piège Dirrucnche 13 août. Aujourd'hui a lieu, par toute la Norvège, le référendum populaire sur la séparation d'avec la Suède. Comme le vote est prévu, on se réjouit d'avance, et en signe de fête tous les services de l'État sont gratuits chemins de fer, téléphones, télégraphes fonctionnent libéralement, sans taxe ni billet. L'argent, pour vingt-quatre heures, est aboli, et, l'espace d'un soleil, il y aura eu sur la terre un pays sans riches ni pauvres, tel qu'en rêvent les utopies socialistes. Pour

Lûndi r4 août.

gagner Bergen,

la

grande ville de l'ouest, une interminable navigationsur le fjord. Il pleut, il pleut sans rémission. Une brume épaisse ouate tous les con-

tours terrestres. Et dire qu'avant d'aller en Nor-

vège, le mot de fjôrd m'évoquait des glaciers à pic se mirant dans le saphir d'une eau pure Les lacs seuls ont la couleur du saphir. se réveillent en sursaut, Les fjords sont gris sale, et, ahuris et stupéfaits. Nous quant aux glaciers ils ressommes les seuls voyageurs, tent sur les plateaux, inviet combien inattendus Ces sibles. Ce qui descend jusbonnes gens s'empressent, qu'au bord des flots, c'est la visiblement stupéfaits de forêt monotone des boul'aubaine. La pension où leaux et des sapins. La Norvège possède nous sommes fut jadis très fréquentée par de riches quarante fou cinquante Anglais. Chamberlain, le CHRISTIANIA. LA CARL JOHANNS GADE; A DROITE, LE STORTHING. bateaux côtiers. Ils sont ministre au monocle et à bien construits, mais sales Photographie de M. de Waleffe. l'orchidée,. l'honora d'une et malodorants, parce villégiature; et combien d'autres! Mais depuis l'entrée qu'ils sont sans cesse encombrés de touristes. On est littéralement empilé, les uns sur les autres. A bord, en service des steamers à marche rapide entre Bergen et Odda, on ne s'arrête plus à Viking-Noes, et la petite cette fois, il y a quelques familles norvégiennes, des bourgeois de Bergen. Les dames sont austères, funè« Pension anglaise », pourtant délicieusement confortable, est délaissée. bres, renfrognées; et quels regards soupçonneux Nous faisons un souper charmant, servi avec Tout le puritanisme étroit et médisant qui apparaît en cette propreté britannique toujours si douce à retroucertains coins des drames d'Ibsen! Leurs enfants sont grossièrement élevés, et vous fixent d'un oeil dur et ver en voyage! Puis nous revenons causer au coin de l'âtre avec nos hôtes. Le mari est un ancien officier de méchant, sans sourire. la marine anglaise, que sa vue faible a empêché de Une pluie battante nous annonce l'approche de poursuivre sa carrière. Avec sa femme et ses quatre Bergen, (( la ville d'Europe où il pleut le plus » La enfants il est venu tenter la fortune dans ce coin perdu mer est plate comme une ardoise, et les gouttes de de Norvège, et il eût mérité d'y mieux réussir. Cette l'averse rebondissent dessus comme des billes de pointe de terre qui s'avance hardiment dans le fjôrd a cristal. C'estjoli, mais un vent glacial gâte le spectacle. La ville apparaît enfin, quelconque, au fond d'une baie vu, il y a quelque mille ans, une grande bataille entre Vikings. Les chefs massacrés sont là, dans le parc de immense, mais sans caractère. Et le débarquement est chênes et de fougères, ensevelis sous d'énormes pierres. lamentable. Les sacs et les valises sont lancés du haut D'où le nom de Vikîng-Nœs Nez ou Cap des Vikings. du pont sur le quai boueux où les facteurs des hôtels


les entassent dans les mares avec un flegme à faire frémir. Ce soin des bagages annonce la qualité des hôtels qu'on va trouver. Ils sont horribles, sales et tristes. Devant le nôtre, ô ironie une cascade artificielle sanglote toute la nuit. Comme s'il ne tombait

ici comme partout, la France doit se contenter de marquer les points. Il vient en Norvège bon an mal

an six mille Anglais, quatre mille Allemands, et les croisières au cap Nord exceptées une douzaine de Français!

pas assez d'eau déjà! Les seuls endroits sans eau, à

MAURICE DE WALEFFE.

Bergen, ce sont, hélas! les lieux discrets où il est le plus nécessaire d'en user. Une ville où il n'y 3 Mardi 15 s aoîct Bergen. rien à voir, que des animaux polaires. Le musée zoologique contient une admirable collection de cétacés

monstres. Les marchands de fourrures étalent des

peaux d'ours blancs en si grand nombre, que leurs

murs et leurs parquets ont l'air de disparaître sous la neige. Et enfin à!' Aquarium, dans un petit étang grillé,

j'ai vu pour la première fois un lion de mer, une bête

formidable, dix fois plus grosse que le phoque. Il se dressait tout droit, tapant l'eau de ses pattes comme un prisonnier agite les bras avec colère, mugissant,

formidable et

désespéré. Et il pleut

Les

Postes françaises en Chine.

instruments les plus actifs de l'expansion française en Chine, les bureaux de poste créés par le Gouvernementgénéral de l'Indo-Chine dans un certain nombre de villes chinoises, notamment à Mongtze, Sen-Tchong, King-ltchang, Canton, Hoï-HaoetPackhoï, occupent,àcôté de nos hôpitaux et de nos écoles, PARMI les

toujours, bien

l'une des pre-

nous

mières places.

il, à la belle saison Les dames

tout à Canton que cette tentative était inté-

que

soyons, paraîtne

sortentqu'en

waterproof. Je suppose qu'en hiver on met des scaphan-

dres. Les rues sont si paisibles, que jamais on ne se croi-

C'est sur-

ressante, en raison des intérêts

commerciaux

considérables de cette ville

importante. Le bureau de Can-

ton, qui

ne coûte au bud-

rait au milieu get de l'Indod'une révoluChine que 9000 INTÉRIEUR DE PELLETERIE, A BERGEN. tion, n'étaient piastres par an, Photographie de M. de ~Vale,~`'e. les petits draen rapporte de 25 000 à 27000. peaux norvégiens affichés partout avec le mot « la! Oui 1 », Tout le service est assuré par un seul fonctionla réponse donnée par le référendum de dimanche, à naire français, chargé de la direction du bureau princi. la majorité estimable de trois ou quatre cent mille pal, installé dans la concession européenne, et du conNon trôle des bureaux auxiliaires créés à l'intérieur de la « la » contre cent quatre-vingt-cinq « Nei » Quels sont ces cent quatre-vingt-cinq Norvégiens qui ville. Ceux-ci sont tenus par des agents chinois qui, en désirent rester unis à la Suède? Mystère Les portraits dehors de leur langue, parlent le français et l'allemand. des membres du Gouvernement révolutionnaire Cette création a réussi au delà de toute espéentourent celui de M. Michelsen, le ministre d'État, rance, malgré l'existence, dans le même centre, de bureaux de poste allemands et anglais. un homme de cinquante ans, la barbe en pointe, l'ceil fendu en amande, les traits longs et fatigués, mais le Pour plusieurs raisons, les préférences des Chinois vont au bureau français. Il est à souhaiter que ce port de tête énergique. Un autre portrait trône ici à nombre de vitrines service, si utile au progrès de notre influence dans c'est celui du kaiser allemand, dont les moustaches cette partie de la Chine, voisine du Tonkin, reçoive retroussés en dents de sanglier sont devenues popuencore les améliorations que l'expérience a permis de laires en Norvège. Guillaume II a fait le nécessaire reconnaître indispensables. L'influence et les intérêts français ne peuvent qu'y gagner. pour cela. 11 n'a pas parcouru moins de douze fois ce pays, et il s'est arrêté dans les moindres auberges. Quant aux Allemands, avec une discipline admirable, ils emboîtent le pas à leur maître, et, depuis un Le Gouvernement belge est sollicité, par des lustre, envahissent le pays par milliers. Les Anglais, personnalités scientifiques, de prendre l'initiative de la qui régnaient seuls dans les hôtels depuis un demicréation d'une Association des études polaires. La siècle. voient leur suzeraineté sérieusement menacée plupart des explorateurs ont adhéré à cette création.


Singapour, Port de guerre anglais. ce détroit où, librement jusqu'à l'heure présente, circulaient les flottes de guerre ou de commerce du monde entier, va devenir, de par le récent traité anglo-japonais, un port de guerre anglais, le Portsmouth de l'Extrême-Orient. Les docks, stables ou flottants, les larges « piers » commerciaux, les établissements de négoce, les ateliers et les magasins de transit, tout l'outillage écoLE

port de Singapour, situé dans

nomique que l'industrie du Royaume-Uni créa avec l'assentimentde toutes les puissances, qui y voyaient, grâce à la tolérance libre-échangiste anglaise, un intérêt et une sécurité pour le commerce de tout l'univers, seront demain une station navale, des quais d'embarquement militaire, des arsenaux maritimes, des dépôts et des magasins de munitions de

guerre.

M. de Pouvourville étudie dans la Dépêche colo-

niale les conséquences de

cette grave transformation, dont le moindre résultat est de mettre aux mains des Anglais et des Japonais une

dominationexclusivesurles

tcheou. A la première tentative du Japon contre le domaine indo-chinois, et à la première défense contre une attaque, le traité anglo-japonais force la GrandeBretagne àfermer Singapour à nos vaisseaux de guerre. Et nos renforts métropolitains perdront au minimum quatre jours pour contourner la Malaisie et venir à Sâigon par le détroit de la Sonde. La fortune de Singapour, qui fait de ce chef-

lieu des Straits Settlements(Établissements anglais des Détroits), un port sur lequel le monde entier a les

yeux, fut aussi rapide que considérable. L'établissement des Anglais dans l'île ne date que de 1819. Lorsque, à la suite des Traités de Vienne, l'Angleterre dut restituer à la Hollande l'île de Java, et les autres colonies néerlandaises envahies pendant la grande lutte du commencement du siècle, la Compagnie des Indes sentit le besoin de reprendre pied sur quelques

points de ces riches archipels. L'île de Singapour fut désignée. Une factorerie y fut établie, dans des conditions modestes. Voilà quel fut le point de départ. On sait le chemin parcouru en moins de cent ans. En 1824, la Compagnie des Indes acheta l'île entière au sultan de Djohor, pour 60000 dollars, plus une rente annuelle de 2400 dollars. C'est en 1867 seule-

ment que Singapour passa au domaine de la Couronne

d'Angleterre.

Une série d'actes militaires et diplomatiques a permis à la Grande-Bretagne de s'installer en amie, puis en protectrice,enfin en souveraine absolue sur le détroit de Singapour.

mers de Chine et du Japon. L'établissement d'un {( Singapour, dit-il, port de guerre en cet est non pas au figuré, endroit semble être le couCARTE DE SINGAPOUR ET DU DÉTROIT. mais matériellement la ronnement du plan qui a clef des mers de l'Extrêmesemé dans l'ancien continent des points d'appui de Orient quiconque l'a seulement abordé une fois, sait premier ordre pour la flotte anglaise. comment l'étranglement de l'eau par la terre fait, de l'extrémité orientale du canal de Malacca, un goulet des forts munis que commanderontnon pas seulement venu de canons, mais le premier sur la côte, armé d'un fusil moderne. Les quais Berdan du port commercial, demain hérissés de défenses, sont distants seulement de 2 kilomètres à peine des îles qui ferment la grande rade. Et cet ensemble naturel porte avec soi des qualités si invincibles, qu'il suffira du moindre Mariages. détachement de fusiliers pour arrêter l'Europe entière à cette porte de l'Orient. Quant à ne pas utiliser la IL est impossible d'imaginer quelque chose de plus passe de Singapour, il n'y faut pas songer. Car il faudrait alors descendre sous l'Equateur, au sud de lugubre que les fiançailles et les mariages de paysans l'archipel de la Sonde, pour passer entre Java et dans la Finlande russe, c'est-à-dire dans les parties de la Finlande limitrophes de la Russie, et où prévalent les Sumatra, et remonter ensuite tout le long de la Malaisie, dans une mer coupée d'écueils, et fertile en coutumes de ce dernier pays. typhons mortels. » Là, l'expression d'beureuse fiancée serait un nonC'est pour l'Europe une terrible menace; on la sens, et le mariage, qui chez nous éveille les idées les dit dirigée en particulier contre l'Allemagne. L'entente plus riantes, n'est point une fête dans ce pays, ou, du cordiale devrait suffire à dissiper nos craintes. En moins, c'est une fête funèbre! réalité, la fermeture du détroit de Singapour sépare A la vérité, les fiancées finnoises ne doivent pas tout aussi bien la France de l'Indo-Chine, que la se sentir aussi malheureuses qu'elles le paraissent. Russie du rivage coréen, ou l'Allemagne de Kiaopar ordre; mais la tradition veut qu'elles répandent

Extraordinaires et Curieuses Cérémonies de


des larmes. Sa mère, sa grand'mère pleurant selon les rites les plus orthodoxes, la pauvre fille doit décemment faire de même. Comme c'est la coutume dans les pays où le mariage n'estqu'une affaire, un marché; les jeunes fiancés ne prennent aucune part aux pour., parlers matrimoniaux qui les concernent les débats sont strictement officiels, chaque détail étant réglé d'avance suivant un protocole immuable. Le jeune homme choisit un avocat professionnel qui est délégué pour voir où se trouvent « les biens de la jeune fille », s'ils sont suffisants, francs d'hypothèques, etc. Si le délégué est satisfait de ce qu'il a vu et entendu, il demande aux parents, avec une indifférence toute diplomatique, s'ils ont l'intention de marier leur fille, et ce qu'ils comptent lui donner comme dot en ce jour de deuil. Q!.telquesjours après, les parents du jeune homme, accompagnés.de l'avocat officieux, font leur apparition solennelle, et ce dernier annonce enfin l'objet de la visite. Il crie dès que la porte est ouverte cc Je suis d'abord venu commehôte; maintenant, je viens comme prétendant. » Ces mots excitent un murmure général de sympathique intérêt. Les hôtes sont conduits aux sièges d'honneur et les cierges allumés devant les icônes; les négociations commencent par la question de la dot puis on passe à .celle des cruches d'eaude-vie et des provisions qui sont mises en réserve pour la cérémonie nuptiale; et enfin on demande quels présents donnera et recevra la fiancée. On épargne à cette pauvre fille l'humiliation d'assister à ce vulgaire marché, dont on exagère souvent l'apparence mercantile pour se conformer à la tradition; on lui recommande seulement de donner so!1 consentement dès que tout a été réglé entre les négociateurs. Quelques jours avant le mariage ont lieu l'es fiançailles, qui lient déjà les futurs époux autant que le mariage lui-même. C'est par la cérémonie du bain que débute le jour des larmes, la veille du mariage. De bon matin la fiancée, accompagnée de ses amies de noce, prend place sur un siège devant la maison, tandis que les pleureuses professionnelles chantent de lamentables incantations. Puis, elle se lève et rentre, afin de prier son frère d'aller chercher du bois pour chauffer le bain. D'une voix qui roule des larmes, elle se retourne vers sa soeur, en lui demandant de préparer le bain, pendant qu'une amie est priée de tirer l'eau du puits. « Laissez-moi me baigner pour la dernière fois, afin que j'efface de mon corps si blanc toute trace d'injure, et de mon coeur mon cuisant chagrin. » Tel est le thème du chant qu'elle entonne pendant qu'on prépare le bain il est tiré d'une collection de litanies qui ont été recueillies oralement chez les Finnois; ces lamentations jouent un grand rôle dans les cérémonies nuptiales. Entre parenthèses, la salle de bain est une pièce essentielle dans toute maison finnoise. Chaque samedi, ~toute la population se plonge dans le tub.

La fiancée revient du bain avec ses compagnes; elle s'appuie sur la pleureuse en chef. A l'entrée, elle se rencontre avec son frère, qui joue un rôle important dans la cérémonie. Elle tient d'une main un mou-

choir brodé, et de l'autre le kouvcbine, ou coupe de

métal qui ressemble à un petit saucier avec une anse. Elle l'appuie sur sa hanche et offre à sa sceur de l'eau bénite pour une autre ablution cérémonielle, qui a pour but de chasser les mauvais esprits et les maladies. La religion des Caréliens offre ainsi le plus singulier mélange de superstitions, de paganisme et

d'orthodoxie. La mère se présente alors, tout en larmes également, et conduit les assistants dans la pièce centrale de l'habitation. Tous s'y tournent vers l'Orient, les femmes prosternées devant les saintes images, leurs fronts touchant la terre elles appellent les bénédictions du ciel sur la fiancée, tandis que les hommes se tiennent solennellement debout. · C'est un soulagementde voir ensuite ces pauvres gens se relever et prendre place à un repas, dont les omelettes (~ancakes) forment la pièce de résistance. Le fiancé n'est jamais visible le « jour des larmes », qui n'est consacré qu'au mélancolique adieu fait par la fiancée à son heureuse virginité. Cette lugubre conception qu'on se fait du mariage est un ressouvenir des coutumes de cet Orient semi-civilisé, où l'épouse n'est guère supérieure à l'esclave. Après ce repas, les jeunes filles, les pleureuses, un ou deux des frères de la fiancée, s'en vont faire une visite d'adieux à toutes les relations de celles-ci. Un chant commence, qui annonce le triste événement comme il est souvent long, il permet aux visités de chauffer de la bière.ou du vin qu'ils offrent au choix desvisiteurs. Puisviennent d'interminables accolades, baisers et prosternements jusqu'à terre de la fiancée, pêle-mêle avec des prières, des chants, etc. Viennent ensuite les présents, les jeux, puis de nouveaux chants et prosternements et cette petite comédie est répétée intégralement chez tous les autres membres de la

parenté. Tous semblent avoir une provision inépuisable de larmes, une voix infatigable pour les interminables lamentations, et un appétit que rien n'apaise. Pendant ce temps, la mère de la fiancée, qui semble rester dans l'ombre et déléguer ses pouvoirs à d'autres, prépare d'autres festins en cuisant d'innombrables gâteaux et autres friandises. Quand elle entend le bruit de pas du lu~ubre cortège qui rentre, elle va à la rencontre de sa fi1le, qui est appuyée sur ses jeunes compagnes, suivie de ses frères et du reste de la procession, chacun revêtu de ses habits ordinaires. Tous pleurent, pleurent, pleurent. Ce serait un crime d'avoir les yeux secs. Toutes les jeunes filles portent un curieux ruban passé sur le front, noué derrière la tête et dont les longs bouts flottent sur le dos. Ce ruban presse le mouchoir brodé, souvent d'une grande beauté, qui cache leur chevelure. Les enfants jettent la seule note gaie dans toutes ces scènes; et encore leur petit visage porte-t-il un reflet de la tristesse des grandes personnes. On voudrait les arracher à cette atmosphère de deuil convenu, leur crier que rien de tout cela n'est vrai, et qu'il n'y a pas lieu de faire cette triste figure Enfin toutes ces femmes ont la permission de s'asseoir pour souper, en entonnant un chant nuptial. La présence d'un homme n'y serait point tolérée, pas même celle du père ou des frères. Après le repas, on se cantonne dans une autre partie de la pièce fermée par


un rideau, et alors commence la liturgie des larmes. Sans doute, toute cette affliction est de commande et traditionnelle; et cependant, les pleureuses, par devoir professionnel, se travaillent et se démènent si bien qu'elles éclatent en sanglots et versent de vraies larmes; et la fiancée, à cette vue, devient nerveuse, agitée, et se figure être épouvantablementmalheureuse en disant adieu à la maison paternelle. Près d'elle, brûle un cierge devant l'icône: il symbolise le consentement de la fiancée à son union. Elle s'assied on lui enlève son mouchoir brodé, on délie le ruban qui presse son front, et chacune des assistantes, en passant devant elle, dénoue un tour de tresse à ses cheveux, car la femme mariée n'a plus le droit de porter des tresses. En chantant un chant spécial, la fiancée fait présent à la principale amie de noce du ruban qu'elle vient d'ôter de sa tête. Dans la Carélie russe, les liens de la famille sont très étroits, et chaque membre participe de droit aux cérémonies dans le genre de celle-ci. Le matin du mariage, aussitôt qu'on entend s'approcher le cortège du fiancé, la maison de la fiancée est en rumeur. Conduite par les pleureuses, la fiancée paraît dans la cour; on apporte une peau de mouton, et alors a lieu une curieuse mais humiliante cérémonie, et dangereuse pour les personnes apoplectiques. La pauvre victime est conduite sur cette peau, et les deux pleureuses, couvrant leur visage de leur mouchoir et entonnant des chants appropriés, la forcent à s'agenouiller dessus. Elle doit baisser peu à peu la tête, comme font les Mahométans en prière, jusqu'à ce que son front touche la poussière ou les pieds de tous les hôtes qui l'entourent. Après ce prélude, le cortège nuptial se rend dans la chambre de réception, pendant qu'on emporte la fiancée pour la revêtir de ses habits de noce. On comprendra qu'après tous ces efforts et contorsions physiques dans la poussière, elle ait besoin de repos et

d'ablutions.

Puis elle reparaît, un grand châle carré jeté sur sa tête, pour l'empêcher de voir. Elle tient à la main un mouchoir dont le fiancé saisit un des bouts pour la conduire dans la cour, où l'on procède à une nouvelle cérémonie, l'exorcisme des mauvais esprits par le magicien. La fiancée, toujours voilée, a à sa droite sa meilleure amie, et à sa gauche le fiancé, qui tient toujours le bout du mouchoir. Ses frères et le délégué officieux se mettent au centre du groupe avec les fiancés les parents et invités font cercle autour d'eux. Le ~atvaska ou magicien, portant dans sa large ceinture le mouchoir brodé que lui a présenté la fiancée, bondit hors de la maison avec un tison allumé dans une main et une hache dans l'autre. Il décrit, en se baissant, trois cercles magiques autour du jeune couple, en marmottant d'anciens runes (chants) magiques, exorcisant tous les mauvais esprits et écartant toutes les personnes mal intentionnées du sentier que suivront les mariés. On se croirait revenu au temps de la magie noire, en plein Moyen âge!1 Cette curieuse cérémonie, qu'on ne néglige jamais, sous aucun prétexte, a lieu au moment où la jeune fille quitte la maison de son père pour entrer dans celle de son époux. La scène suivante donne l'idée

de funérailles plutôt que d'un mariage. Le cortège se rend à la maison du marié; tous ont l'air triste et lamentable; comme si l'on assistait à une catastrophe. En tête, vient le magicien, puis les frères de la fiancée, l'un d'eux portant sur sa tête un pain enveloppé d'un linge blanc richement brodé. Le fiancé conduit par le bout du mouchoir sa compagne toujours voilée, pour lui donner sans doute l'avant-goût de l'obéissance aveugle qu'il exigera d'elle. Le père et la mère suivent

leur fille.

Des cérémonies aussi' lugubres sembleraient devoir détourner du mariage les jeunes Caréliennes. Laissons maintenant le jeune Mais non, loin de là couple se rendre à l'église la cérémonie religieuse

1.

n'ayant rien de vraiment caractéristique, nous la passons sous silence pour retrouver les mariés à table,

avec les invités, dans la maison de l'époux. La nouvelle épouse a séché ses larmes, tant spontanées qu'officielles; le magicien, qui semble occuper un plan plus en vue, dans la fête, que l'époux lui-même, prononce de nouveau quelque rune magique; alors, il enlève pour la première fois le voile qui, jusqu'alors, avait caché les traits de la mariée, en l'empêchant ellemême de rien voir. Le samovar, rempli de thé brûlant, et les mets sont sur la table; mais les convives affamés doivent encore attendre, car il y a une dernière dette à payer à la coutume, une dernière corvée pour l'épouse. Elle doit donner certains présents à ses nouvelles relations vêtements, mets, boissons. Alors, les verres circulent à la ronde, et la malheureuse doit se prosterner de nouveau devant chaque convive, touchant la table du front pour marquer son obéissance à la famille de son mari. Puis on mange et l'on boit; ceci ne nous intéresse plus. Mais le matin suivant, l'épouse doit encore rendre hommage à sa belle-mère, qui, parfois, l'appelle gracieusement sa chérie », sa cc belle », nom que la jeune femme portera désormais, sans toujours le mériter, d'ailleurs. C'est là le dernier acte de cette étrange comédie, de ce drame plutôt; à partir de ce moment, on laisse le jeune couple tranquille dans son chez-soi.

Au Maroc dans l'intinzité du sultan. vol. in- 16 colombier. Prix:3 fr. 50. LibrairieUniverselle,

Gabriel Veyre.

33, rue de Provence, Paris-IXe. sollicitentviolemment Au moment où les affaires du Maroccivilisées, l'attention de toutes les nations un livre vient de paraître, qui soulève tout entier le voile jeté jusqu'à présent sur la vie intime du sultan du Maroc. M. Gabriel Veyre, auteur de Dans l'intimité du sultan, a vécu avec Abd el-Aziz pendant de longues années; il a vécu près de lui, le voyant à toutes les heures, conversant librement avec le potentat, et les souvenirs qu'il a fixés dans son ouvrage, en un style rapide, élégant et des plus agréables, sont les plus originauxqui soient. La Cour, l'intimité du sultan, les intrigues politiques, les moeurs marocaines, les femmes, tout ce que nous ne savions pas du Maroc se trouve dans le livre de M. Gabriel Veyre. S'il est vrai que bien des faits importants s'expliquent par des causes en apparence futiles, c'est dans ce livre qu'on trouvera beaucoup d'explications.


THE GEOGRAPHICAL JOURNAL

Une Excursion à

Londres.

travers la Province

chinoise du Pe-tchi-li.

LE Révérend anglais John Hedley, ainsi qu'un autre

ecclé-

siastique, ont entrepris, l'anné~ dernière, de traverser sans escorte et sans armes cette province septentrionale de la Chine qui s'étend du golfe du Pe-tchi-li à la Grande Muraille et par delà. Partis le 10 octobre 1904 de l'antique cité de Yung-Phing fu (EternellePaix), rentrèrent le 10 novembre, après avoir parcouru 550 milles d'une manière que le bon Révérend déclare « délicieuse », au milieu de populations dont il va nous décrire les moeurs paisibles et l'excellent naturel. Le plus long des séjours que firent les voyageurs fut dans l'importante ville de Jehol (Chung-Tu fu ou ville de la Complète Vertu). Nous ne citerons pas les noms des autres villes chinoises, moins connues, que décrit l'ecclésiastique anglais. Mais voici, en résumé, ce qu'il dit des Mongols, avec lesquels il se trouva en contact à partir de Tao-urrtung, au nord de la Grande Muraille. Ces Mongols firent aux voyageurs la meilleure impression. Cependant les deux Anglais furent assez désappointés de les voir vêtus exactement comme les Chinois, avec la rol1e de soie bleue et la longue queue de cheveux. Seules, les femmes diffèrent des Chinoises, en ce qu'elles ont des pieds de grandeur normale; en outre, elles portent un lorg vêtement de dessus qui leur descend jusqu'aux talons. Ils oubliaient, en cherchant ici assez vainement de la couleur locale, qu'il faut distinguer entre les Mongols nomades, qui habitent les plaines du nord, et les Mongols sédentaires, chez lesquels ils se trouvaient à ce moment-là, et que la conquête mandchoue a mélangés de familles chinoises dans de fortes proportions, de sorte qu'une vieille Mongole put dire mélancoliquementaux deux Anglais, que les hommes de sa race ne formaient plus que la moitié de la population. Seuls, les noms des localités sont restés mongols. Toutefois, après cette première confusion, M. Hedley put distinguer l'un de l'autre, sans trop de peine, les deux types ethniques, et constater que les Mongols proprement dits sont un peuple d'humeur beaucoup plus paisible et de caractère plus sympathique que les immigrés célestes. Ils montraientbeaucoup plus de franchise dans la conversation, et, tandis que les Chinoises s'enfuient devant un étranger, ou baissent la tête en silence pour jouer la modestie, les femmes mongoles semblaient prendre plaisir à répondre aux questions des voyageurs. Entre eux, les Mongols ne parlent que leur langue propre; ils n'ont recours au chinois que s'ils y sont obligés. Et même, au dire du maire indigène de Tao-urr-tung, les Mongols nomades ont un idiome à eux, qui est inintelligible pour les Mongols sédentaires. Ils parlent le chinois avec un accent doux et presque zézayant, qui rappelle celui des Italiens parlant le français, et terminent toutes leurs phrases sur un ton chantant. Quel contraste avec la voix stridente des immigrés chinois, et le ton âpre avec lequel ils parlaient aux deux étrangers! Les deux races rivales ne se fondront jamais ensemble, la bonne raison qu'il n'y a point de mariages entre pour elles. Elles habitent le même pays, les mêmes villes ou villages, mais elles ne se mélangent point. Quant au mariage mongol, voici quelques traits qui le caractérisent. L'homme achète sa femme, en payant son beau-père avec de l'argent, avec des porcs et des vêtements. Si le marché ne se conclut pas sous ces trois formes de rémunération, il n'y a rien de fait, et l'homme sera condamné à mourir dans le célibat. La polygamie est permise, si l'homme est assez riche pour se payer plusieurs épouses. Les Mongols se distinguent par un grand zèle religieux leurs temples sont bien bâtis et bien entretenus, et plusieurs d'entre eux sont vraiment beaux, au dire du Révérend anglais. Les Lamas se font raser la tête, et portent une robe jaune. Comme vous voyez un peu partout dans le pays, des costumes de cette couleur, on peut en inférer que les prêtres y sont nombreux. Par malheur, la qualité ne

ils

répond point à la quantité beaucoup de ces ecclésiastiques sont notoirement immoraux, fumeurs d'opium, adonnés au jeu et à la bonne chère. Il est vrai que leurs ouailles ont une morale à elles, également elles regardent le vol et le mensonge comme des bagatelles. Toutefois, malgré leurs vices, les indigènes sont, je le répète, aimables et cordiaux, et la gentillesse de leurs manières contrastait avec l'indiscrète curiosité et l'impertinence de leurs voisins de race chinoise. Mais ces,derniers ont, comme agriculteurs, une qualité qui rachète bien des défauts une grande partie de ce pays, dont les Mongols auraient négligé la culture en la considérant comme trop ardue, a été patiemment défrichée par les immigrants, qui ont transformé de vastes jachères en pâturages, champs ou jardins. A Ta-tze-ko, une des stations de leur route, les deux Anglais traversèrent l'armée du fameux général Mâ, dont il a ét6 si souvent question pendant la dernière guerre. Cette armée leur a paru moins menaçante que déprimée par un immense ennui,causé par le manque d'exercice! Le Révérend anglais eut l'occasion de questionner nombre de ces soldats aucun d'entre eux, quoi qu'on en ait dit, ne lui avoua être désireux de se joindre aux Japonais contre les Russes. Il est vrai que les rusés Célestes ont dit au bon ecclésiastique ce

qu'ils ont voulu. Ce dernier s'arrêta quelques jours à jehol, la plus belle, à l'en croire, des cités du nord de la Chine. Le temple principal de la ville est, paraît-il, un diminutif du fameux temple de Potala, à Lhassa. C'est à jehol que le voyageur rencontra enfin des Mandchous, qui composent une grande partie de la population.

IL MATTINO

Sienne.

La Cataracte de l'Yguassu. Campolieti, L'YGUASSU (l'explorateur italien que nous citons, M. Roberto

écrit l'Ignazu) a sa source dans l'Etat de Parana, un des plus méridionaux de la Confédération brésilienne, et tout près de l'Atlantique, dont le sépare la barrière de la Sierra do Mar. De cette chaine de montagnes, la rivière naissante se dirige directement à l'est, pour aller se jeter dans le Haut Parana, sur les confins du Brésil et de la République Argentine. M. Campolieti a parcouru en bateau une partie de ces cours d'eau: trajèt pittoresque, mais qui ne fut pas sans dangers, vu que l'Yguassu a un lit très accidenté, et qu'il forme près de son embouchure une cataracte que le voyageur compare, pour la beauté et le volume d'eau, à celle du Niagara. Pourtant, entre les deux chutes le contraste est absolu, et M. Campolieti, dans sa description très colorée,très littéraire, l'accuse avec force le Niagara se précipite au fond de son gouffre en une seule masse d'eau l'Yguassu, lui, se fractionne en deux cent soixante-cinq cascades grandes et petites qui tombent avec fracas du haut d'un amphithéâtrede rochers, pour se réunir à nouveau en aval, sur les confins du Brésil et de la République Argentine. Les rochers étant très accidentés, ils ont forcé la rivière à se frayer un cours comme elle a pu; ils forment des contours d'îles et de promontoires surplombant sur l'abîme avec une hardiesse qui ferait reculer le plus intrépide architecte. Ces balcons de fées sont d'ailleurs animés par des milliers d'oiseaux, en particulier des perroquets, qui agitent continuellement leurs grandes ailes vertes, de sorte que, de loin, on croirait voir le roc nu se couvrir et se découvrir, continuellement, à travers les nuages de vapeurs blanches qui montent des eaux écumantes, de feuillages instables autant que luxuriants, et qui, tout à coup, prennent leur Toutes les formes de cascades sont représentées dans ce large gouffre, d'où s'élève nuit et jour un formidable grondement de tonnerre. Il arrive d'ailleurs que deux ou trois de ces colonnes d'eau se rencontrent en route, et se brisent de concert sur les roches alors, ce sont des remous, des tourbillons d'écume, d'extraordinaireschocs d'ondes en tumulte, sur lesquelles s'élance la couche irisée de multiples arcsen-ciel.

vol.


En

Bulgarie

De Viddin à Sofia.

Ce n'est point ici une description nouvelle de la route traditabrinelle et banale qui, de Paris, mène à Sofia ~ar Bel~rade, Nich et T,~aribrod; mais c'est ~ar les plaines interminables et ensoleillées de la Basse Bulgarie, puis par les gorges boisées et fraîches, enfin par les âpres sommets dénudés du Balkan, que l'auteur de ces notes nous conduit vers Sofia. Le

lecteur jugera ~eut-être que cette nouvelle route offre l'attrait d'un pittoresque plus accentué et d'une~lus intense couleur locale.

terrasse légèrement ondulée que forme Ldroite du Danube, est coupée tout

chargés de fruits, une {( dalle de deux pieds de haut, richement ornée de bas-reliefs. La colonne du chevet, couverte d'inscriptions, est coiffée du turban des Vieux-Turcs; l'autre, un peu moins haute, est surmontée d'un vase de fleurs ». Les rues de Viddin sont étroites, et généralement mal pavées une foule bariolée s'y presse, compo-

la rive à coup par la Topolowitza descendue du Balkan. Dans cette dépression naturelle se trouve une ville Viddin, l'ancienne capitale du pachalik turc; en face de qui, sur la rive roumaine, se dresse la petite place de Kalafat. Les diverses

péripéties de son histoire ont valu à

Viddin d'inces-

sée de marchands ambulants, de sol-

sants bouleversements qu'accusent aujourd'hui encore le dédale étrange de ses rues et le délabrementde son mur d'enceinte, maintes fois bombardé. La citadelle

dats, de commerçants, de commissionnaires, de bo-

hémiens et de paysans.

Les Orientaux sont coiffés du fez ou du turban, les Slaves du « tchou-

qui, pourtant, a

assez grand air, semble bien ne plus être aujourd'huii

qu'une vaste

serne.

bara » noir, sorte de bonnet fait de peau d'agneau. Les

femmes musulma-

ca-

nes,

belle mosquée d'Achmed-Pacha, avec Si la

le visage à

demi voilé par un

fichu blanc aux

le tombeau d'Houssein, a été entière-

PAYSANS DULGARES DANS

LA,

pointes réunies avec soin, cou-

PLAINE DE GRADETZ.

doient les femmes

Photographie de M. J. Armagnac. bulgares, aux bras ment détruite par le bombardement surchargés de brade 1878, par contre dans le petit cimetière de la celets, aux tresses entrelacées de fleurs et de sequins. mosquée de Moustapha-Pacha on peut contempler, Ici, des changeurs, arméniens ou juifs, sont assis, avec objet de la vénération des pieux musulmans, le tomtranquillité, derrière leurs {( petites caisses de verre, beau d'un des plus utiles et des meilleurs gouverneurs assez semblables à des aquariums, et où ils exposent, de Viddin, Pasvan-Oglou, qui fut le protecteur des en guise de poisson, leur or et leur argent ». De janissaires révoltés contre Sélim III. C'est, ombragée pauvres hères, aux mains douteuses, sont accroupis à côté de petits fourneaux où l'on rôtit des viandes par un haut mûrier, des pruniers et des cerisiers A TI{AVHI{S LH MONDE.

46e uv.

N°'

46.

18

Novembre 1905.


quelconques et où l'on grille des galettes, en plein vent Nous voici sur la place du marché de lourds chariots à buffles et de légères voitures tirées par d'alertes et vifs petits chevaux, se croisent et s'accrochent dans des nuages d'épaisse poussière. En des marchés bruyants, on vend et achète concombres, pastèques, paprikas et raisins, anneaux, épingles et colliers en filigrane, volailles, bêtes de trait et de somme et, après de longues discussions, intervient la triple poignée de main qui marque la conclusion du

contrat. Ayant fait choix d'une voiture, « phaïton sorte de victoria, solidement attelée de trois chevaux, nous quittons Viddin pour monter à Belogradchik

une housse 'de toile blanche préserve le capitonnage tout neuf de notre véhicule, et la précaution n'est point inutile dans la longue plaine ensoleillée, nue et poussiéreuse, que nous traversons d'abord, longeant le Danubedurantune

quinzaine de kilomètres. Laissant le

fleuve

à

notre

gauche, puis, derrière nous., nous

parcourons

une

suite de vallons et de bois; au sud, la chaîne du Haut Balkan profile, aux derniers rayons du soleil, sa silhouette bizarre, qui semble la dentelure som-

bre de quelque

d'interprète; et ce nous est un plaisir inattendu, un peu

paradoxal aussi, en cette cité perdue, sur les contreforts du Sweti Nicola Balkan, à deux lieues de la frontière serbe, de causer ainsi longuement des études et des maîtres de nos facultés de France. Le corridor de l'auberge où nous passons la nuit a un curieux pavage ni bois, ni pierre, ni dalles, mais, enfoncés dans la terre battue, des boulets pris dans les fortins turcs au lendemain de la conquête, et utilisés ainsi De bon matin, le lendemain, nous repartons. Par Dolnji Lom, Prewala, Kowetitza, sur la chaussée pierreuse, nos petits chevaux, vigoureux et résistants, nous entraînent vite, aux bonds pressés de leurs jarrets nerveux; à peine pouvons-nous entrevoir les pittoresques détails des scènes de la vie des champs. Voici des paysans qui battent leur blé. Des poneys, spécialement destinés à cet emploi, ont foulé d'abord de leurs sabots les épis qu'un paysan jette

1.

maintenant à côté de lui une femme

bat faire avec une

sorte de balai fait de genets secs, et le grain tombe à

terre, tandis que la paille est emportée au loin. Un bébé, ici, est cou-

ché dans une cou-

verture suspendue par des cordelettes à trois pieux fichés en terre. Une autre couverture,

immense, subitement immobilisée. Nous traque l'on change de place aux diverses versons quelques villages, rares heures du jour, aux D'ENFANT BERCEAU DANS LA PLAINE BULGARE. protège l'enfant noms étranges Bultschak, nuitscnak, OsusPhotographie de M J. Armagnac. contre les rayons manie Bersitza; du soleil. Singuet, dans l'ombre tombante, puis, dans la nuit venue, lier berceau, mais si commode, si portatif! nous montons lentement vers Belogradchik. Voici que Peu à peu, le paysage se fait monotone et plus nous distinguons enfin les rochers qui dominent la désolé; la terre est ici aride et ingrate. Sur le sol tourpetite ville. Ces blocs de grès rouge, aux contours menté, plus rien que des pierres et des rochers entre étranges, aux formes tourmentées, composent, à la lesquels pousse l'herbe rase; c'est une région déshériclarté mesurée de la lune, le plus grandiose et le plus tée, qui rappelle certaines parties du Monténégro. fantastique paysage. {< Bien des sites des Alpes et des Puis, de nouveau, des champs de blé et de maïs, Pyrénées, qui passent à juste titre pour admirables de des bouquets d'arbres la vallée de la Brsija (Eau pittoresque, ne pourraient rivaliser avec ce « monde de vive), et, entre des collines boisées, près de gorges pierres Belogradchik. La conformation et le grouombreuses, propre, coquette même, la petite ville de pement des roches, la coloration et l'oxydation de la Berkovitza. Elle joua un certain rôle lors de la guerre pierre dont la nature a formé ce pays, d'un ensemble russo-turque « A l'approche des Russes, pendant si harmonique malgré toutes sortes de détails bizarres l'automne de 1877, on fortifia Berkovitza comme et fantastiques, produisent ici des effets admirables, d'autres villes de la Bulgarie occidentale. Après que le charme éblouissant des jeux divers de la sous les Turcs se furent retirés, le 15 décembre, sans livrer lumière ». combat, un détachementde lanciers de la garde occupa La ville s'échelonne, le long de la route, au pied cette place, et sa chute mit entre les mains des Russes de la citadelle, véritable nid d'aigle. presque tout l'ouest de la Bulgarie danubienne ». Comme nous entrons à l'hôtel, un jeune médecin Aujourd'hui, Berkovitza, bien située, arrosée par bulgare, qui a fait ses études en France et parle fort un torrent descendu du Balkan, centre d'une industrie bien notre langue, s'offre aimablement à nous servir assez développée, dont la préparation des peaux et le vague

de


travail de la soie constituent deux branches importantes, est une agréable cité, à laquelle on peut et doit souhaiter toute prospérité. Ce n'est pas là cependant que nous avons l'intention de nous arrêter cette nuit. Et nous pousserons, sur la route de Sofia, jusqu'à Klisoura, pour

rendre moins longue et moins pénible demain notre traversée du Balkan. A cinq heures du matin, nous sommes réveillés par notre automédon, mais, comme nous descendons, nous avons la surprise de trouver notre {( phaïton » attelé, au lieu des trois chevaux, d'une paire de boeufs vigoureux. Le col de Guintzi, en effet, où nous devons passer, est à 1540 mètres d'altitude; or, nous ne sommes ici qu'à 5°0, et bien qu'une route nouvelle ait été récemment construite,dont les lacets sont assez bien aménagés, les rampes sont souvent extrêmement rudes les chevaux ne pourraient accomplir seuls l'ascension de la montagne.

lent en pente douce vers la vallée. Par delà cette série de côtes pelées et maussades de la Stara Planina se

devine en effet la vaste plaine de Sofia qui s'étend à perte de vue jusqu'à l'horizon où se dessine la croupe massive du Mont Vitosh; et c'est là un magnifique

paysage. Par Wolnjack nous descendons les derniers

contreforts du Balkan, et nous arrivons dans la plaine. A côté de champs de blé et de maïs s'élèvent des fermes entourées d'un haut clayonnage et gardées par d'énormes chiens au poil embroussaillé, qu'il serait dangereux d'approcher. Sur des pieux, dans les haies, on a cloué des crânes de chevaux et de bœufs, qui blanchissent au soleil; les Bulgares, fort superstitieux, espèrent ainsi détourner les maléfices des démons. Ceux-ci, tantôt métamorphosés en chiens ou en poulets, tantôt sous la forme d'ombres vêtues de robes blanches, viennent

ments desséchés, et

Vers neuf teignons le point le plus élevé du col. Un vent violent souffle. Nous

route droitebordée

d'arbres,

installons

et les tours de sa cathédrale, Sofia où nous attend, après cesjournées

auberge qui s'élève là, Petro Han,

pour attendre l'arrivée de notre voiture. A côté de l'auberge se trouve «

karaoul

de

tribulations

sans confort, le plus aimable des accueils avec la plus exquise des hospitalités. Blanqui, notre compatriote, qui

»

(poste de gendar-

mes), à l'entour des mamelons gazonnés de forme régulière, dernière trace des ouvrages

Sofia,

avec les coupoles de ses mosquées

dans la modeste

un

Mais déjà

Sofia apparaît, tout près de nous, au bout de la grand'-

heures nous at-

nous

reposer près de ces ossene songent plus à mal faire. se

LES PAYSANS BULGARES DU MARCHÉ DE SOFIA.

visita Sofia en

1841, la dépeint de campagneconsPhotographie de M. J. Armagnac. « bâtie en bois, truits au col de sale et infecte ». Guintzi par les Turcs pour défendre le passage en 1877. 4~ Aujourd'hui, écrivait en 1882 M. L. Léger, elle se Cette passe fut, en effet, pourvue d'ouvrages de transforme, et sera bientôt une cité occidentale. » fortification. mais les progrès des Serbes dans la La transformation est à peu près achevée et, vallée de la Nichava, et la prise du col de Bala-Konae mise à part la périphérie de la ville, habitée par des Arméniens et des Turcs, qui logent en de médiocres par les Russes obligèrent la garnison turque à abandonner la position sans combat. Les Russes venant masures de bois, le long de ruelles étroites plantées de Berkovitza démolirent le blockhaus, et réparèrent de saules, Sofia est maintenant une belle cité aux la route. » rues larges, bien entretenues et pavées, aux belles Les bouviers arrivés et payés redescendent sur maisons en pierre de taille; cette capitale naissante Klisoura après s'être réconfortés d'un verre de raki, et d'un pays naissant est déjà une grande ville. notre voiture, les chevaux rattelés, s'engage sur la De ses anciens monuments Sofia n'a conservé route en zigzags qui serpente sur le haut plateau puis qu'une grande mosquée à neuf coupoles, la Bouyouk redescend, par d'innombrables courbes, sur Tsarski Djamié, aujourd'hui transformée en musée. Au centre Han, Petschno Brdo et Gradetz; mais le versant méride la ville setrouveun établissementthermal,alimenté dional n'a rien de commun avec celui que nous venons par une source sulfureuse d'environ 35 degrés; fréde gravir. Lorsque l'on quitte le bassin de l'Ogost quenté surtout par des indigènes, il est cependant s'il est pour entrer dans celui de l'Isker, le paysage change assez bien installé pour qu'une Européenne du tout au tout sitôt le col franchi, toute végétation permis d'opposer ainsi aux Orientaux les gens d'Occident s'y puisse hasarder. cesse brusquement. Ce sont maintenant de longs plateaux, arides et nus, hérissés de pierres, coupés de Non loin de là, sur la grande place que sillonravins parallèles de faible profondeur, qui semblent les nent des trains électriques, s'élève le palais du Prince, rides de quelque gigantesque plissement et qui dévasobre mais élégante construction moderne. A côté, le


Grand Hôtel, fort bien tenu, domine l'agréable et ombreux jardin public où fréquente toute la population oisive, et où le Tout-Sofia se rencontre le dimanche matin. On y vient déguster un petit verre de raki ou de maitic en croquant des olives, devant le pavillon de «( l'Ecrevisse Rouge un orchestre proche joue en sourdine quelques traditionnels (( horos » bulgares, originaux et élégants. Isolée au milieu d'une vaste place, se dresse la cathédrale orthodoxe, « plus belle que celle de Belgrade, où l'on senttrop l'influence du style jésuite autrichien », dit avec raison M. L. Léger. Et d'autres monuments encore seraient à signaler à l'attention du touriste la Sobranié, palais du corps législatif; le tombeau du prince Alexandre de Battenberg, le monument Losky, et tels beaux édifices de la rue Tergowska, et telles villas élégantes de la rue Rokowska, qui ressembleraient à des palais si l'accueil que l'on y reçoit n'était aussi simple qu'hospitalier. Que si,las de chercher par les rues les divers traits par où une ville

témoigne qu'elle

se

réclame de la civilisation, on veut se mettre en quête de scènes originales et pittoresques, il faut aller au quartier commerçant, le jour du marché.

Les « Chops » (paysans de la plaine de Sofia) se pressent sur

les trottoirs et encom-

brent la

chaussée. Les

hommes portent un bonnet de peau d'agneau ou de mouton, de couleur claire ou foncée, posé sur la chevelure

plète, avec des bracelets, des anneaux, des pendants d'oreilles, la parure des femmes bulgares'. Les « Chops », de taille moyenne, plutôt maigres, ont un visage d'un bel ovale, le nez droit, les sourcils très fournis, le regard intelligent, sinon fin. La population bulgare a, en général, un caractère froid, patient et laborieux; possède de solides qualités morales, et est douée d'un imperturbable bon sens; mais l'esprit sérieux et persévérant du paysan surtout, est remarquable. Le progrès du Bulgare, dit-on, est lent, mais sûr « Sur son araba (chariot généralement attelé de deux buffles), le Bulgare poursuit le lièvre, et le

prend ».

Les environs immédiats de la capitale ne sont pas très propices aux promenades la plaine, à l'entour, est monotone et nue. D'ailleurs, les routes qui partent de Sofia sont assez peu nombreuses, et pas toujours en excellent état, bien que de sérieux progrès aient été

faits à cet égard. C'est sans doute pour cette raison que la locomotion automobile n'est pas encore en très grand honneur en Bulgarie Il y a un an, on voyait parfois circuler une motocyclette, montée par un officier qui expérimentait cevéhicule nouveau. Depuis, le Prince a fait l'acquisition d'une voiture automobile qui a, comme on se l'imagine, causé l'étonnement de la population et l'effroi des cochers lorsqu'on l'a vue sortir pour la première fois du Palais, conduite par le souverain lui-même. Les Bulgares, quelque peu misonéistes, se

LA MOSQUÉE DE SOFIA.

mettront pourtant à l'automobilisme, eux

D'après asne photographie. aussi il faut souhaiter, pentout, de même, que l'on dante, tantôt tressée en voie quelque temps encore, par les rues de Sofia, ces queue; ils sont vêtus, sous la veste d'étoffe sombre, légers {( phaïtons » qui, lorsqu'on en appelle un, sans manches, d'une chemise élégamment brodée, sur la poitrine et aux épaules, de dessins de soie bleue ou accourent par trois ou quatre, au galop vite de leurs petits chevaux. rouge, et d'amples culottes de drap brun, attachées Kniajevo, qu'une ligne de tramways électriques aux genoux par des courroies et à la taille par une ceinrelie à la capitale, est à Sofia ce qu'est à Paris, dirai-je. ture à laquelle est suspendu un couteau dans sa gaine. Les paysannes sont chaussées de bas curieuseRobinson ou Saint-Germain? Mollement couchée dans la verdure, au pied du Vitosh, elle est un but de proment tricotés en laine multicolore; elles portent une robe de chayak brun à petits plis, garnie devant, soumenade classique pour les habitants de la capitale. Le long de la rue unique qui traverse le village, se trouvent vent aussi par derrière, d'un tablier à franges, de laine des cafés-restaurantset des guinguettes, où l'on vient, rouge striée de lignes noires. La chemise, très blanche, largement ouverte sur la poitrine, est décorée, aux le dimanche, se reposer en respirant l'air frais de la poignets et sur les épaules, de festons et de points à gorge. Et de petits orchestres tziganes y jouent, aimajour qui composent une broderie souvent élégante et blement, force (( Marseillaises », quand ils reconoriginale. La chevelure, très abondante, et que les naissent des Français dans leur auditoire, politesse à femmes teintent parfois de nuances foncées, est tressée laquelle ceux-ci répondent en réclamant aussitôt la national bulgare. en grosses nattes qu'elles ornent, non sans goût, de (( Schumi Maritza », l'hymne deux ou trois fleurs, de monnaies, de sequins, de bouARMAGNAC. tons de porcelaine et de rubans, diversement disposés, assure Kanitz, pour distinguer, à première vue, les épouses des filles à marier. Une ceinture, formée de i. Kanitz La Bulgarie danubienne et le Balkan (Librairie Hachette et C'e, 1882). grandes boucles rondes de nacre ou de métal, com-

qui est

tantôt


Pour se livrer à cette industrie, le Japon se trouve dans une situation privilégiée, grâce à son immense

Importance de l'Industrie de la Pêche au Japon. La révélation de la valeur du Japon sur le terrain militaire s'accompagne de celle de ses progrès dans toutes les branches de l'activité humaine. L'étude du mécanisme économique de cette nouvelle (( grande ~uissance » devient donc aussi urgente qu'intéressante. Les pêcheries sont au

Japon d'une certaine importance ~our l'alimentation de la po~ulation. Le traité de Portsmouth contient un article relataf au droit de pêche des Ja~onais dans les eaux russes.

Il n'est donc pas sans intérêt d'étudier ce qu'est la Pêche au

étendue de côtes, et aussi grâce à la position extrêmement favorable qu'il occupe dans le nord-ouest de l'océan Pacifique, position assimilable, sous une foule de rapports, à celle des parages si poissonneux de Terre-Neuve dans l'Atlantique. Aussi, sur tous les rivages de l'Empire du SoleilLevant, voit-on pulluler les villages de pêcheurs, d'où essaiment des centaines de barques aux voiles blanches quadrangulaires; et toutes les baies sont coupées par les haies de bambous des pêcheries. L'industrie de la pêche est surtout fructueuse au Hokkaïdo, nom qui désigne la partie septentrionale du Japon, c'est-à-dire le groupe formé -par l'île d'Yéso et les Kouriles. Les côtes de ces îles sont baignées, à l'ouest, par un courant froid venant du nord: à l'est. par un second courant qui

arrive du Pacifique le long

Japon.

des Kouriles; au sud, par un courant chaud. Il en résulte l'afflux d'une variété extraordinaire de poissons, parmi lesquels dominent le hareng, la morue, le saumon, le flétan, et qui font du Hokkaïdo le centre de

UN des faits qui frappent le plus l'observateur,

lorsqu'il scrute d'un peu près l'organisation économique du Japon, "c'est l'énorme disproportion qui existe entre le nombre total des habitants, particulièrement le nombre de ceux qui s'adonnent à!' l'agricultûre, et la superficie des terrains cultivés susceptibles de subvenir à l'alimentation du pays. Le Japon pro-

pêcheries le plus considé-

rable du monde asiatique. La plus importantede ces pêches est celle du hareng. Ce poisson aime à frayer dans les endroits rocheux et couverts d'algues marines. Aussi recherprement dit (c'est-à-dire che-t-il de préférence les indépendamment de Foranses et les caps qui se mose) possède une poputrouvent dans ces condilation d'environ 5o millions tions. Or, dans la partie d'habitants. Dans ce chiffre, méridionale de l'île d'Yéso, la population agricole entre depuis le cap d'Esan-Yama, CARTE ICHTHYOLOGIQUE DE L'ILE D'YÉSO. moins millions. au pour 25 dans le Pacifique, jusqu'au En conséquence, si l'on ne tenait compte que de cette cap Ofoui, dans la mer du Japon, la configuration des indication, on pourrait croire que le japon est un pays côtes, à part quelques rares endroits, convient parfaiteessentiellement agricole. ment au frayage du hareng. La pêche y est, en conséL'examen de la répartition des terres cultivées quence, plus florissante que partout ailleurs. Du cap modifie cette manière de voir. D'après les documents Ofoui au cap Soya, en allant vers le nord, et du cap officiels japonais, elles ne représentent, en effet, Soya au cap Chiretoko, dans la mer d'Okhotsk, les côtes que 12 pour i oo de la superficie totale de l'Empire. Le Japon sont généralement plates, les plages sablonneuses ou est donc, essentiellement, un pays de petites propriétés couvertes de galets, le pays bas, avec des collines légèet de petites cultures. Si ces cultures devaient suffire rement ondulées. Mais au large, tout le long du littoral, seules à l'alimentation du pays, il faudrait que les règne une ligne de récifs et de hauts-fonds, à l'abri 50000 kilomètres carrés qu'elles occupent au maxidesquels se développent d'immenses champs d'algues produisissent de quoi nourrir les 5o millions mum, marines, où les harengs viennent déposer leurs oeufs. d'habitants du japon, soit i ooo habitants par kiloAussi, dans ces parages, la pêche se fait-elle en pleine mètre carré. mer, alors que dans le sud elle a lieu tout près de la Certes, sur cette surface restreinte, la culture est côte. intensive pas un pouce de terre n'est perdu, et l'emD'après les statistiques japonaises, la pêche du ploi des engrais est fort en honneur. Néanmoins, le hareng occupe, à elle seule, 150000 personnes, et problème de l'alimentation du japon resterait insolunécessite un capital de 27353000 francs. Elle produit ble, si l'on ne faisait entrer en ligne de compte que la environ 200 000 tonnes de poisson, d'une valeur de production agricole nationale. Aussi, pour le résoudre, millions de francs, et donne, suivant les saisons, les Japonais ont-ils recours, dans une large mesure, à un profit net de 20 à 40 pour i oo. la pêche. Il importe de remarquer que le hareng capturé

3


de sur les côtes du Hokkaïdo, ainsi que sur les bords l'île de Sakhaline, au lieu d'être livré à la consommation, est converti, en grande partie, en un engrais spécial, fort recherché par l'agriculture japonaise, et que l'on commence même à exporter en Europe et en Australie. Cette industrie a pris, depuis quelques

années, une extension considérable. Elle a son centre dans le port de Hakodaté (Yéso), dont les armateurs, non contents d'exploiter les eaux japonaises, louaient au Gouvernementrusse, avant la guerre de 1904- 1905, moyennant un prix fixe, le long des côtes de Sakhaline, des postes de pêche où ils envoyaient leurs bateaux montés. Pour la fabrication de l'engrais, le hareng pêché, empilé dans un hangar, est d'abord bouilli dans de vastes chaudières en fer, établies sur des foyers en plein air. Il est placé ensuite sous de fortes presses primitives, en bois, qui en expriment l'eau et l'huile. Le tourteau compact ainsi obtenu est réduit en morceaux, soit avec des couteaux tranchants, soit avec de gros maillets, et ces débris sont étendus uniformément sur des nattes où on les laisse sécher au soleil. Si le temps est beau, ce séchage dure de trois à cinq jours. L'engrais est alors prêt à être livré au commerce. On l'emballe immédiatement dans des sacs en nattes de paille, pesant chacun environ ioo kilogrammes, et on l'embarque. Pendant les premiers temps, on n'utilisait pas l'eau chargée d'huile et de graisse qui sortait des presses; mais les Japonais ont vite compris le parti qu'on en pouvait tirer. Aujourd'hui, par des procédés extrêmement simples, ils recueillent précieusement toute la matière grasse, qui est filtrée sur place, mise dans des barils, et expédiée au Japon, où elle est vendue pour la lubrification des machines. Le hareng destiné à l'alimentation est fendu en trois parties, et suspendu à de longues perches placées dans une grande cour, où il sèche au soleil. Une fois qu'il est bien sec, on n'en garde, pour l'alimentation, que la partie dorsale; le reste est employé à faire de l'engrais. Le poisson séché est réuni en paquets de Le hareng est aussi salé ou sauré, mais en cent.

petite quantité.

La pêche du hareng a fait des progrès énormes et rapides. En 1870, elle donnait à peine 3 55o tonnes d'engrais, avec une très petite quantité de hareng salé,

tandis qu'actuellement la production de l'engrais atteint le chiffre de 188000 tonnes. Après le hareng, c'est le saumon qui fournit le plus fort contingent aux pêches du Hokkaïdo. Cette partie du japon, avec ses 120 rivières et ses io lacs aux eaux limpides et froides, présente une telle étendue propice au frai de ce poisson, que c'est certainement le plus parfait bassin d'éclosion de toute l'Asie orientale. La majeure partie du saumon est salée; une très petite quantité est fumée. En 1870, on prenait annuellement 1 million de saumons. En 189°, on en prit 1038 millions, soit mille fois plus. Ce fut le point culminant de cette pêche depuis, elle a considérablement diminué. Aussi, le Gouvernement et les Compagnies de pêche se sont-ils activement adonnés à la reproduction artificielle. Un service officiel a été organisé par l'Ad-

ministration, et des laboratoires de pisciculture ont été créés sur divers points de l'Empire, pour fournir annuellement des milliers d'alevins destinés au repeuplement des rivières. Le plus important de ces établissements a été naturellement installé dans l'île d'Yéso, en 1889, sur la rivière Chitose, affluent de l'lchikari. Une étendue de 12 hectares lui a été consacrée. 11 est alimenté par une eau abondante, très douce et très calcaire. Son principal objet est de propager le saumon dans fIchikari et dans les autres cours d'eau du pays, mais il s'occupe aussi de la production de la truite. Les établissements privés de culture du saumon sont au nombre de dix. Le Gouvernement accorde une prime de 50 yen (125 francs) pour chaque éclosion d'un million d'oeufs. Depuis 1889, 6 millions d'alevins par an sont mis en liberté dans le seul Ichikari; aussi le rendement de la pêche s'accroît-il graduellement. Il s'élève à 11000 tonnes de poissons, d'une valeur cie plus de 3 millions de francs. Les autres poissons que l'on pêche au japon, sont, par ordre d'importance du rendement obtenu la morue, la sardine, la truite saumonée; enfin, une grande variété d'autres espèces comestibles, ainsi que nombre de variétés de mollusques. Au total, l'industrie de 'la pêche, en tenant compte des petites exploitations, qui échappent à la statistique, fournit au japon environ 500000 tonnes de produits alimentaires, dont la valeur doit s'élever de 80 à ioo millions de francs. Elle fait vivre une population considérable de pêcheurs, pépinière inépuisable de marins de mérite; fournit au pays, à bas prix, une alimentation saine et abondante, et procure, en outre, au commerce d'exportation, un contingent des plus appréciables. On comprend donc que le Gouvernementjaponais attache à cette industrie une importance capitale, et qu'il ait adopté toute une série de mesures de nature à la rendre de plus en plus prospère. En 1897, il a créé un Institut spécial, véritable École de Pêcherie », pour former des spécialistes vc instruits en cette matière, et capables d'influer, d'une manière scientifique, sur le développement d'une des principales industries nationales. En outre, le ier avril 1898 est entrée en vigueur, pour une durée de quinze années, une loi favorisant de la façon la plus heureuse l'industrie de la pêche, par des primes et des

subventions.

Cette préoccupation du Gouvernementjaponais pour la pêche, se retrouve dans la clause du traité de paix de Portsmouth, du 5 septembre 1905, qui a mis fin à la guerre russo-japonaise. Le japon convoitait l'île entière de Sakhaline, tant pour la coloniser que pour exploiter les richesses minérales qu'elle renferme, mais surtout en vue des pêcheries que ses nationaux fréquentaient déjà avant la guerre, moyennant une redevance au Gouvernementrusse. L'article 9 du traité de Portsmouth n'a accordé aux japonais que la partie méridionaledel'île de Sakhaline jusqu'au parallèle de 50 degrés de latitude nord, mais en revanche l'article 11prévoit un accord entre la Russie et le japon, en vertu duquel les sujets de ce dernier pays jouiront du droit de pêche dans les eaux russes des mers du japon, d'Okhotsk et de Behring.


Le'traité de Portsmouth ouvre, en réalité, aux

pêcheurs japonais, toutes les mers de l'Extrême-Orient, depuis Formose jusqu'au détroit de Behring, depuis Port-Arthur jusqu'à l'archipel océanien du BoninChima. Leurs flottes de pêche vont s'éparpiller dans cette vaste étendue, et en exploiter intensivement les riches produits. La mer va devenir, pour le Japon, une des principales sources de son développement économique et de la restauration de ses finances grevées, par la

guerre, d'une charge énorme qu'aucune indemnité n'est venue alléger. P. C.

Mongols. On ne voit pas, quand on connaît les conditions géographiques des pays mongols, où le conquérant célèbre aurait pu les trouver, s'il les avait voulues pures ethniquement. Élisée Reclus a très bien montré qu'elles n'auraient pu l'être. Mais en admettant même que ces bandes humaines aient été composées exclusivement d'éléments mongols, leur physionomie ethnique » rapidement changer. Les vides creusés dans la masse mongoloïde par la guerre, étaient sans cesse comblés par les populations envahies. Celles-ci n'avaient pas autre chose à faire qu'à suivre les vainqueurs, afin de participer à leurs succès. Les vaincus fuyaient leurs terres dévastées, pour chercher une compensation dans la conquête et le pillage. Or, ces populations comblantes" été surtout des Touraniens, des Turcs. Dès lors, on se représente assez bien la physionomie ethnique de la masse une fois fixée. C'est le type turc qui domine, ou plutôt les types turcs. A côté d'eux existent des éléments mongols ou mongoloïdes descendant du type primitif devenu la minorité, et d'autres éléments, ceux-là métissés, des TurcoMongols. M. Pittard est d'avis que les Tatars actuels sont surtout des Turcs et des Turquisés. Çà et là, au milieu d'eux, survit le Mongol, soit sous sa forme ancestrale plus ou moins complète, soit représenté par un ou plusieurs de ces caractères morphologiques transmis aux Turquisés pommettes saillantes, couleur de la peau, rareté du poil, etc. La population tatare ne formerait donc plus nulle part une unité ethnique et, si l'on emploie encore ce mot, c'est par un désir fâcheux de simplification inconsciente, mais erronée.

ont

Existe-t-il encore une Race

tatare?

pARMI les causes complexes qui

ont fait naître les

désordres et les massacres du Caucase, on a signalé

la haine religieuse des Arméniens et des Tatars, M. Eugène Pittard, dans le Journal de Genève, s'élève contre cette assertion, en niant que la nationalité tatare subsiste à cette heure. Après avoir joué dans l'histoire un rôle considérable, dit-il, ils se sont effacés. Ils sont agriculteurs, petits négociants, domestiques, manoeuvres, cochers. Ils sont disséminés dans le sud-ouest de l'Asie, dans la Russie orientale et méridionale, dans la péninsule des Balkans. M. Ernest Chantre, qui a vécu longtemps parmi ceux de la Caucasie, en dit le plus grand bien. Hospitalité pleine de délicatesse, tolérance, douceur de leurs moeurs, fidélité à toute épreuve, sont les qualités qu'il ajoute à leurs noms. nIes a vus dans les villages de la Transcaucasie vivre en parfaite harmonie avec les Arméniens. Que s'est-il donc passé? Ceux qui s'occupent des choses d'Orient savent que rien n'est plus difficile à percevoir que les faits politiques de ces

pays.

Dans le Caucase, les Tatars sont nombreux. Une ligne qui irait de Batoum à Tiflis, et de là à Bakou, limiteraitgrossièrementau nord le territoire des Tatars Aderbéidjanis, les massacreurs d'aujourd'hui. Du côté de la mer Noire ils sont clairsemés, tandis qu'ils forment un groupe compact dans tout le bassin du fleuve Koura et entre celui-ci et l'Araxe. La ligne de chemin de fer Poti-Batoum sur Tiflis, Elisabetpol et Bakou, passe au milieu d'eux. Dans le nord du Caucase, ce sont les Nogaïs et les Koumiks qui représentent le groupe tatar. Les Karatchaïs des montagnes -autres Tatars sont entre eux. Dans le massif géographique des Aderbéidjanis, les Arméniens forment de nombreuses enclaves, un enchevêtrement sans pareil. Cette situation ne doit pas faciliter les choses, à l'heure présente. Nous ne savons pas grand'chose de l'anthropologie des Tatars, sinon qu'elle présente la plus grande confusion, et toutes sortes de contradictions. C'est que les bandes guerrières conduites par Genghis khan n'étaient pas seulement composées de

Lieutenant Paulhiac.

Promenades lointaines Sahara, Niger, Tombouctou, Touareg. Préface'de Hugues Le Roux. i vol. in-8°, Prix 5 francs. Librairie Plon-Nourrit et Ci", 8, rue Garancière, Paris. La cycle chevaleresque de notre colonisation africaine est clos. il s'agit de mettre en valeur l'immense empire qu'a taillé dans le continent noir l'épée de nos soldats. Le livre du lieutenant Paulhiac, au titre trop modeste, nous montre ce que doit être un lendemain de conquête; il décrit, d'un trait assuré, la physionomie, les mœurs, les aptitudes diverses des populations bigarrées, soumises à nos lois, qu'il a eu l'occasion d'apprécier Maures, Touareg, Peuls, Bambaras, etc. De ce tableau grouillant et fortement documenté se dégagent des vues d'ensemble très nettes sur la politique qu'il convient de suivre pour exploiter méthodiquement les richesses de l'Afrique occidentale et centrale; il montre à nos fils la voie à suivre pour aller tenter la fortune, et réussir à se la rendre favorable; il indique comment endiguer l'extension du fanatisme musulman,stimuler l'apathie des noirs, initier tous les indigènes aux bienfaits d'une civilisation positive, les attacher à la terre natale par une connaissance rationnelle de ses ressources, et à la métropole par l'intérêt. Ce qui ajoute encore à la valeur de cet ouvrage, copieusement illustré par l'auteur, et orné de deux cartes qui guident le lecteur, c'est qu'il renferme une multitude d'idées inédites et séduisantes, qui doivent être lues et appréciées. Le grand public, si désireux de connaître la vérité sur des faits coloniaux que nous rapportent les raccourcis de la presse, y trouvera la source et l'origine des incidents fâcheux dont les pénibles échos nous offusquent.


Les Budgets des marines.

Une revue allemande a publié un article comparatif sur les budgets de la marine desprincipales puissances en 1905. Tout d'abord l'article met en lumière les sommes consacrées par chaque Etat aux constructions neuves. L'Angleterre y arrive bonne première avec 300 millions de francs. Le second rang est occupé par les Etats-Unis avec 220 millions de francs. La France arrive troisième avec 1 17 millions, talonnée de près par .1'Allemagne qui dépensera 116 millions. L'Autriche et l'Italie ne suivent que de loin, l'une avec 6o millions et l'autre avec 42 millions de francs. Ces chiffres montrent l'Allemagne nous atteignant en ce qui concerne les constructions neuves; le personnel de la marine allemande a plus que doublé depuis dix ans, et continue à augmenter. Quant à l'avance de l'Angleterre, qui dépense presque le triple de l'Allemagne et de nous, on voit qu'elle est telle que nous ne serons pas plus que l'Allemagne. capables, de longtemps, de rattraper l'Angleterre. Si l'on compare les sommes destinées aux constructions neuves ou à l'armement, avec l'ensemble du budget de la marine, on voit qu'elles représentent En Autriche, 62,4 pour loodu budget; Aux Etats-Unis, 42,1 pour 100; En Allemagne, 40,6 pour ioo; En France, .38,2 pour ~oo; En Italie, .37,7 pour ~oo; En Angleterre,36,8 pour 100.

Tandis que l'argent permet d'augmenter relativement vite le matériel flottant, il ne peut suffire à donner en peu d'années un personnel instruit et capable. De ce chef, l'Angleterre d'abord, la France ensuite, ont un avantage qu'elles conserveront quelque temps. C'est ainsi que le nombre des officiers de vaisseau atteint en Angleterre, 2 723 en France, 1 739; en Allemagne, 1 370; au japon, 1119; en Italie, 970; aux Etats-Unis, 960 j en Autriche-Hongrie, 56;. Les puissances sont classées à peu près dans le même ordre si on donne les chiffres du personnel subalterne de la marine (infanterie de marine non comprise) Angleterre, 98 689 hommes: France 49741 Allemagne, 37 931 EtatsUnis, .31 500; Japon (en ~904), ,03.39; Italie, 25 500 j Autriche-Hongrie, 10;01. Depuis dix ans l'Allemagne a doublé aussi bien le nombre de' ses officiers de vaisseau que de ses matelots. Depuis ~9oz, le nombre des hommes de troupe de la marine est augmenté de 2 ooo hommes chaque année, bon an mal an ce résultat est d'autant plus remarquable, que la population maritime de l'Allemagne est très restreinte, et qu'il faut faire appel à des jeunes gens pris dans l'intérieur de

j

l'empire.

La proportion dans le corps d'officiers des différents grades varie beaucoup d'une année à l'autre.

En Allemagne, le nombre des aspirantsde première classe et des enseignes est à peu près le même; le nombre des officiers des différents grades va ensuite en diminuant régulièrement jusqu'au sommet de la hiérarchie. En France, en Italie, en Autriche-Hongrie, aux Etats-Unis, le grade le plus

largement représenté est celui de lieutenant de vaisseau. C'est le japon qui a la plus forte proportion d'amiraux (3,7 p. (00), et l'Allemagne qui a la plus faible (1,7 p. (00). L'Angleterre en a le plus grand nombre, 87, et l'AutricheHongrie le plus petit, i 1. En Allemagne, il existe 2.3 officiers

généraux de la marine. Dans la marine américaine, les capitaines de vaisseau représentent 9 pour mo du corps d'officiers j 8,8 pour 100 en Angleterre; 7,2 pour too en France; 6, 1 pour 100 au Japon; 6 pour 100 en Italie; 4,9pour 100 en Allemagne; 3,5 5 pour 100 en Autriche-Hongrie. Quant au nombre des officiers de ce grade, il est de 240 en Angleterre, 123 en France, 86 aux Etats-Unis, 68 au japon, 67 en Allemagne, 58 en Italie, 20 en Autriche-Hongrie.

La stabilité du commandement.

Sous

ce

titre, le Militcer Wochenblatt, de Berlin, a publié un'article du comte Wrangel, capitaine de cavalerie, dans lequel l'auteur considère la stabilité du commandementcomme l'un

des facteurs du succès du Japon. A l'appui de sa thèse, l'écrivain allemand cite les exemples qui vont suivre L'escadre de Vladivostok avait fait du mal aux Japonais, elle avait coulé deux transports de troupe, et de matériel de guerre; deux fois elle avait échappé à Kamimoura. Le général Nogi sacrifia pendant l'été et l'automne de l'année passée, dans des assauts presque sans résultats, des hécatombes de

Port-Arthur tenait toujours, LiaoYang, acheté au prix du sang de 50000 hommes, fut, comme conséquences, une victoire à la Pyrrhus. Cependant, malgré ce défaut de résultats, la haute direction ne fut pas modifiée. Kamimoura resta à la tête de son escadre, bien que des clameurs de haro se fissent entendre contre lui, en réclamant l'harakiri; il prouva ensuite qu'il méritait la confiance que son empereur et sa nation avaient eue en lui. Nogi, malgré certaines attaques de presse, fut laissé à son poste, au siège de la forteresse et, ensuite, sa patrie lui décerna le titre de Héros de Port-Arthur. Oyama, trop faible à Liao-Yang pour continuer avec succès sa stratégie enveloppante, ne fut pas poussé par le pays à de nouvelles entreprises. On lui envoya, sans se lasser, des renforts prêts au sacrifice. Il put ainsi, après s'être opposé avec succès à l'offensive russe à Yentaï et sur le Cha-Ho, livrer la bataille décisive de Moukden. Entre Liao-Yang et Moukden se place une période de temps de la moitié d'une année. C'est une épreuve de patience très respectable pour l'opinion publique. Un peuple habitué à considérer la mesure comme la première des vertus, pouvait seul supporter cette épreuve sans faiblir. Kuroki avait à enregistrer une demi-défaite pour l'aile qu'il dirigeait à Liao-Yang. Cependant, on le voit, ainsi que sessubordonnésou sescollègues, Oku et Nodzu,toujours à la tête des troupes qu'ils commandaient depuis le début. Le principe Ne pas changer le personnel devant l'ennemi, paraît avoir entraîné dans l'armée japonaise, d'après des informations dignes de foi, la même stabilité dans les grades moyens et inférieurs, que dans le haut commandement. Le système opposé se, fait voir dans l'armée russe, avec tous ses effets pernicieux. Presque après chaque combat perdu, il faut un général pour bouc émissaire. L'écrivain allemand observe, entre autres considérations, que, dans le Japon moderne encore, l'état militaire, d'après les traditions des anciennes castes guerrières, est considéré comme le premier et le plus honorable de tous. Il suit de là que les meilleurs enfants du pays sont dans les rangs de l'armée. Il ne peut donc être difficile au mikado, en sa qualité de chef suprême des forces militaires, de trouver toujours les hommes qui conviennent pour prendre le commandement. Ces hommes, ainsi investis de la confiance du souverain et de la nation, ne se laissent pas entraîner à des manifestations d'amour-proprepersonnel; ils attribuent leurs succès aux vertus de leur souverain, aux exemples de leurs ancêtres; ils n'ont en vue que le bien du pays, et tout sentiment de rivalité leur est étranger.

ses héroïques soldats;

Effectif de paix de l'armée allemande.

D'après la loi militaire votée récemment, l'effectif de paix de l'armée allemande sera de 504 665 hommes en 1909 et de 505839 hommes en 1910, sous-officiers et volontaires d'un an non compris. 11 convient en outre de remarquer que, dans ces chiffres, ne seront pas compris 2 000 ouvriers des grands magasins de confections, qui seront remplacés avant le 3 1 mars 1910 au plus tard par des ouvriers civils. Après l'accomplissementdes augmentationset créations prévues, l'armée allemande comprendra 633 bataillons d'infanterie;

51o escadrons; 574 batteries de campagne; 4° bataillons d'artillerie à pied; 29 bataillons de pionniers; 13 bataillons de troupes des voies de communication; 23 bataillons du train. Sauf 10 escadrons à créer seulement en 1910, toutes les autres créations seront réalisées pour le te~ octobre tgo9


Madrid intime. Scènes et Types de la rue. Fêtes populaires. On se plaint que le ~ittoresque s'en va, surtout des grandes villes. Si l'hygiène a tué la poésie des habitations, rien n'aa Madrid peut encore offrir du Pittoencorefait disparaître les traditions populaires et le cbarnae un peu vulgaire de la rue. resque à qui sait le chercher.

CEUX de nos compatriotes qui, à titre officiel ou en simples touristes, ont accompagné le président de la République à Madrid, après y~ avoir assisté à des fêtes magnifiques sans doute, mais d'où les scrupules protocolaires ont banni la couleur locale, en sont revenus enchantés de leur séjour et de l'amabilité de leurs hôtes, peut-être aussi un peu déçus et sevrés des illusions romantiques que, sur la foi des

madronoss » et vécu de son existence journalière. A tout seigneur, tout honneur. Voici d'abord la chula », la reine des {( barrios bajos » (faubourgs), la <c coquette plébéienne, descendante directe des {( majas » immortalisées par le pinceau de Goya et la plume de Ramon de la Cruz. Elle n'a dégénéré ni au physique ni au moral, de ses

aïeules c'est bien toujours le même

visage mutin, le regard provocant, la démarche souple, le geste gracieux, le verbe libre et animé; et son costume, en se mo-

poètes et des con-

teurs, ils nourrissaient au sujet de l'Espagne. Aussi leur impression se traduira-t-elle probablement par ces mots cc Madrid est tout à fait dénué de

dernisant, n'en a

moins gardé un cachet très spécial. L'ample jupe

pas

pittoresque ». Ce

d'étoffe légère et voyante, aux dessins capricieux, aux larges volants, à la queue traînante balayant négligemment le sol, le châle de soie noire brodée, à longues franges,

en quoi ils se trom-

peront, et l'erreur

est du reste excusable, car Madrid, d'aspect banal et

tout moderne, comme ville, abonde par contre, autant et plus qu'au-

CAVALIERS AMATEURS ALLANT A UNE FÊTE.

Photographie de M. Goni.

cune autre, en

scènes et types curieux et bien espagnols, soit du cru, soit des diverses provinces dont les habitants affluent dans la capitale. Seulement, à vrai dire, ces types indigènes, relégués loin du centre, échappent au touriste de passage, et à plus forte raison se perdent dans le brouhaha des fêtes officielles. Il faut, pour les connaître, avoir habité longtemps la {( Villa del oso y de los A TR"VI!RS LB MONDE.

prestigieuses

478

LIV.

qui enserre son buste, et en hiver le a mantcin » de lainage, dont elle sait s'envelopper avec une grâce souveraine, en maintenant par-dessous les pans fermés et haussés jusqu'au visage à la manière du haïk oriental, le foulard aux vives couleurs noué sous le menton, le joli tablier à donné à Madrid, par allusion à ses armes qui portent un ours et des arbousiers, en souvenir des forêts qui 1. Nom

l'entouraient jadis.

No 47.

25 Novembre 19°5,


ruches et pochettes, les fines chaussures de toile blanche ou de cuir jaune clair, tout cela forme un ensemble des plus séduisants. Impossible de rendre par une simple description le goût, l'élégance, le « sel », comme disent les Espagnols, dont la véritable {( chula » fait preuve dans l'arrangement et le port de sa toilette. Ce qui frappe le plus, chez elle, c'est le luxe, la complication un peu barbare mais artistique de la coiffure, objet de ses soins les plus minutieux. Par les mains expertes de la {( peifiadora » (car toute « chula se respecte ne saurait se passer d'une peigneuse en boutique ou à domicile), l'opulente chevelure noire ou blonde. (les blondes sont nombreuses à Madrid) est lissée, tordue, roulée, frisée suivant les multiples combinaisons de la mode par exemple, dans le (( peifiado de San Antonio (coiffure à la saint Antoine), aplatie au sommet de la tête, elle s'épanouit tout autour en une large couronne crêpelée,

qui

le

agrémentée~~sur front de co.q:u~es

épaisses, d' ac c roche-coeurs sur les tempes, et sur la

nuque d'un

chi-

gnon à double ou triple étage; le tout bien lustré par les onctions d'une sorte d'huile végétale appelée (( bandolina », et maintenu par un atti-

rail de peignes

achalandée, et rien de curieux comme le spectacle de ces cc peinadores » populaires où vingt femmes, les cheveux épars, attendent en bavardant leur tour de prendre place devant l'unique miroir. Si la figure de la chula » apparaît sympathique et très souvent charmante, il n'en est point de même de son compagnon, le {( chulo », dont l'extérieur est en général aussi répulsif, que ses mœurs sont inavouables avec sa casquette crapuleuse, son pantalon collant aux hanches et tire-bouchonnantsur les pieds, sa veste étriquée et son masque canaille, il n'est que la copié contrefaite du (( torero ), qui trône sur les trottoirs de la Puerta del Sol et de la rue de Sévilla. C'est là qu'on peut reconnaître à leur costume spécial et surtout à la {( coleta », mèche de cheveux distinctive, ramenée sous le chapeau, les groupes de {( banderilleros » et {( picadores », entourant comme une véritable cour le {( matador », chef de leur .« cuadrilla », et pérorant avec l'accent andalou et les attitudes du métier,

tandis qu'autour d'eux s'agite l'es-

saim de ces mouches du coche de la tauromachie, de cesamateurs importuns quijouent aux professionnels, et queceux-cisurnomment ironiquement « maletas » (valises). Comme le torero, c'est d'Andalousie que provient

polychromes, d'aigrettes, d'étoiles de verroterie qui le chanteur des scintillent dans la rues, le guitariste noirceur des chequi le soir, assis veux entremêlés de au coin d'une rue, nœuds de velours au milieu d'un cerobscur, et parfois UN BAL DE CHULOS fiT CHULAS. cle de dilettantes même semés de attentifs, égrène le Photographie de M. Goni. poudre d'or! C'est chapelet de ses dans ce pittoresque accoutrement que la chula ~· « coplas > d'un rythme si étrange et d'une saveur traverse, d'un pas rythmé, la foule, en recevant avec orientale si prononcée. Ailleurs une troupe d'Aragonais, la tête enserrée d'un mouchoir, les flancs ceints d'une un air de reine les compliments, les galanteries, les lui jettent ses admirateurs enthoularge ceinture, en culotte courte, bas blancs et espa« fleurs siastes. Et pourtant, malgré cette coquetterie, cette drilles, s'égosillent sur les motifs de la a jota sonore. élégance réelle qui met si bien en valeur ses attraits, Voici encore des gitanos à la physionomie sauvage, elle n'est souvent qu'une pauvre ouvrière, exerçant aux oripeaux éclatants. des métiers aussi modestes et moins lucratifs que Puis vient l'amusante série des colporteurs provinciaux, distincts non seulement par l'habit, mais ses congénères des autres pays. Jadis sa vocation favorite était celle de cigarière, mais la Compagnie encore par la denrée dans laquelle chaque région se des Tabacs remplaçant peu à peu la main-d'oeuvre par spécialise la « chesa » du Haut Aragon, marchande des machines, l'élément juvénile en disparaît de plus de « thé de montagne », dans sa curieuse robe Empire de bure verte, et sa coiffure moyen âge en plus, et le voyageur qui s'attendrait à voir à la. sortie des ateliers autant d'autres Carmens, éprouverait l' « alcarreno », vendeur ambulant de miel brut, avec une forte déception. Une des professions les plus ses jarres et sa balance portative; le débitant de noutypiques de la u chula » est celle de peifiadora », gat d'Alicante, au chapeau de feutre conique; le poisdont nous avons déjà parlé. Les unes, reconnaissables sonnier « maragato », de cette originale peuplade des environs d'Astorga dont le costume et les moeurs au petit paquet où elles portent les peignes et fers à friser, se rendent au domicile de leur clientèle, recrutée accusent l'origine berbère; les laitières des villages aussi bien parmi l'aristocratie que dans le peuple; voisins de la sierra de Guadarrama, juchées sur leur d'autres ont monté boutique, plus ou moins bien baudet, entre deux vastes besaces de sparte; enfin le

que


portefaix galicien, le « Gallego », opiniâtre comme un Auvergnat, rêveur comme un Breton, objet des perpéhlelles railleries des Madrilènes, mais qui n'en travaille pas moins sans relâche à amasser le petit pécule avec lequel il rentrera au pays pour y acquérir une chaumière, une vache et une compagne! Mais où l'on peut passer le mieux en revue ces différents types du terroir, c'est au cours des réjouissances populaires si fréquentes à Madrid, car ce peuple, heureux quoi qu'on en dise, trouve partout des prétextes à se divertir. En dehors des fêtes périodiques ou extraordinaires, il existe des distractions permanentes et gratuites dont le bon public madrilène ne se lasse jamais. C'est, en premier lieu, la cérémonie quotidienne, durant le séjour du Roi dans la capitale, de la » militaire, qui sert de rendez-vous aux (( parada oisifs et constitue pour l'étranger un spectacle captivant, décrit d'ailleurs par tous les Guides. Dans la vaste cour de l'Ar-

meria,

de

coupés des senoritas» l'aristocratie, le corsage et les cheveux fleuris d'œillets ou de « madronos », en mantille blanche; les humbles fiacres où se prélassent d'arrogantes {( chulas » dans leur châle de Manille, fruit de mille privations; les omnibus à deux étages, emportant par des prodiges d'équilibre toute une cargaison humaine, au galop endiablé et tintinnabulant de six mules les picadores ensanglantés et hautains sur leurs haridelles, ayant en croupe, en guise d'écuyer, le les (( mono sabio » (singe savant) en blouse rouge toreros, couverts de leur cape, entassés par (( cuadrillas dans des chars-à-bancs poursuivis par une nuée de gamins, et, confondue dans tout ce tumulte, la voiture du Roi, qui n'est ce jour-là qu'un (( aficionado » de marque. Les compagnons de voyage de M. Loubet auront eu la rare fortune d'admirer une (( corrida gala à l'ancien style, avec l'imposant cortège de la Garde Jaune, des carrosses, et des (( caballeros en

de

plaza » escortés de

entre les

Palais, qui ren-

leurs parrains. Mais la corrida la plus amusante, sinon la

fanfares, effarou-

plusbelle,estàcoup sûr la « novillada

murs ensoleillésdu

voient l'écho des chant les volées de

de los zapateros »

pigeons, et forment avec le panorama de forêts et de montagnes, entrevu au delà des terrasses, un cadre majes-

tueux,

les troupes

des trois armes, infanterie, cavale.rie, artillerie, défilent musique en tête, pour la relève de la garde, au pas de parade, lent et allongé, qui convient mieux pour-

raideur germanique qu'à la

tant

(cordonniers). Ces chevaliers de l'alène organisent,une fois par an, une course où, vêtus de défroques d'un archaïsme fantaisiste, ils remplissent euxmêmes les fonctions d'alguazils et de toreros, tandis que «( ces dames », parées de leurs plus

à la

beaux atours, ap-

EN ROUTE POUR LA VERBENA (FOIRE).

Photographie de M. Goiii.

vivacité espagnole. Mais le plus intéressant à observer c'est peut-être la foule des spectateurs, mélange hétéroclite de paysans ébaubis, de servantes éprises de l'uniforme, de misses rigides, et de vagabonds fièrement drapés dans leurs loques. Tous les dimanches, durant la saison tauromachique, qui ne s'interrompt que l'hiver, les Madrilènes peuvent jouir de leur plaisir préféré, la {( corrida de toros », et ce n'est point notre propos de décrire une fois de plus, après tant d'autres, ce spectacle auquel les {( aficionados trouvent un attrait toujours nouveau. Mais les personnes qui le taxent de barbarie ou que la pénurie de leur bourse prive d'entrer à la {( plaza », ont la ressource d'assister à ce que d'aucuns proclament le meilleur de la fête, la {( salida de los toros » (la sortie des taureaux), aussi brillante et animée en certaines occasions solennelles, comme la coursed'inauguration, à Pâques, celle de la Presse ou celle de Bienfaisance, que le retour du Grand-Prix de Paris. Tout le long de l'interminable rue d'Alcala, entre ,les rangs pressés de curieux, passent, en une pittoresque cohue, les élégants

plaudissent complaisamment auxx

prouesses de leurs

époux,

que l'extrême jeunesse des taureaux (novillos) combattus ne rend jamais dangereuses. Au mois de juin s'ouvre la série estivale de ces

fêtes nocturnes, appelées « verbenas », qui se trans-

portent à peu près chaque semaine d'un quartier à l'autre, suivant la paroisse du saint dont elles célèbrent le nom, mais conservent toujours le même caractère. L'acte religieux ne sert, d'ailleurs, que de prétexte

divertissements profanes tout autour du sanctuaire où les fidèles viennent prier devant à des

l'image vénérée, s'installe une sorte de foire, dont quelques maigres attractions baraques délabrées, manèges de chevaux de bois poussifs,débits de beignets huileux ou de boissons glacées, font tous les frais. Mais la bonne humeur, l'entrain des promeneurs suppléent à la pauvreté du décor, que l'on oublie pour contempler les jolies filles rieuses, drapées avec grâce dans leurs châles de Chine aux broderies multicolores, parées de fleurs à la mode andalouse, qui vont, au bras de leurs {( novios », danser jusqu'au matin


l' « habanera », la scottish, ou cc la valse-étreinte » (baile agarrado) d'une langueur passionnée, au son du piano mécanique 'remplaçant la classique guitare. La première « verbena » que Dieu envoie, comme dit le refrain populaire, est celle de San Antonio de la Florida, impatiemment attendue et saluée avec joie par toute la jeunesse. Elle se célèbre autour de fermitage rendu fameux par les fresques de Goya, d'un goû1 plus galant que mystique, et sous les ombrages de la Bombilla, où tous les jours des couples amoureux se livrent aux plaisirs de la danse dans les restaurants en plein air au bord du Manzanarès, tandis que les provinciaux immigrés à Madrid, groupés selon leurs pays d'origine, en rondes et chœurs allègres, prennent pour théâtre de leurs ébats la prairie de la Fuente de la Teja, de l'autre côté de la rivière.A la «verbena» de San Antonio succèdent celles de la Vierge du Carmen, San Lorenzo, San José, San Cayetano, et la plus renommée de toutes, celle de la Paloma, dans les faubourgs, près de la minuscule église où se vénère une statue de la Vierge particulièrement chère aux Madrilènes, et souvent visitée par la reine elle-même. La « Virgen de las Melones », en l'honneur de laquelle on déguste force pastèques, clôt en septembre la série, au grand regret des nombreux amateurs de ces bals en plein vent. Dans la haute société, qui se rend en voiture à la Florida ou à la Paloma, pour y jouir du spectacle de l'allégresse populaire, s'est depuis quelque temps introduite la coutume des « verbenas » mondaines, dont le cadre reproduit fidèlement, mais avec plus d'élégance, celui des fêtes publiques, et dans lesquelles les dames et demoiselles les mieux titrées, sous le chulas de Madrid ou des « mantôn de Manila» cigarières de Séville, font preuve de la plus char-

des

mante désinvolture.

La « romeria » (pèlerinage) de San Isidro, patron de Madrid, le laboureur canonisé à qui l'on attribue une infinité de miracles, n'est en somme qu'une {( verbena » en grand et prolongée; elle attire dans la capitale une foule de paysans, venus en train de plaisir de toutes les parties de l'Espagne, et baptisés du nom d' lsidros » par les Madrilènes moqueurs. La délicieuse esquisse de Goya intitulée « La Prairie de San Isidro », au Musée du Prado, montre d'une

manière frappante que cette tradition s'est maintenue intacte depuis plus d'un siècle les costumes seuls ont changé, l'aspect des lieux, l'emplacement et la physionomie de la fête sont restés les mêmes. Après la station de rigueur à l'ermitage du saint campagnard situé au sommet d'une petite colline, où l'on accède par un chemin bordé de deux rangées de baraques pour la vente des fruits, du nougat et de statuettes pieuses. ou grotesques, voisinant en une singulière promiscuité, les pèlerins vont boire à la fontaine bénie attenante au sanctuaire, puis se répandent et s'échelonnent le long des talus arides et abrupts qui dominent la route, et se mettent en devoir de faire honneur à la « merienda » (piquenique) apportée par eux. Quelques privilégiés ayant accaparé les rares places à l'ombre, les autres doivent se résigner à subir les ardeurs du soleil, qu'ils combattent au moyen de nombreuses libations à l'outre classique. Cette incommodité est compensée par la vue pittoresque dont on jouit du haut de l'escarpe-

ment. Entre la route poudreuse, où se pressent des équipages aux mules brillamment harnachées, et le

maigre filet du Manzanarès, auquel le majestueûx pont de Tolède ne réussit point à donner un air de grandeur, et au delà duquel Madrid étage ses toitures de tuiles brunes, les dômes de ses églises et la masse pradera » imposante du Palais Royal, s'étend la (prairie), tapissée d'une herbe malingre; et là, dans l'intervalle des baraques communes à toutes les foires, mais d'une installation quelque peu primitive, restaurants sous la tente, phénomènes, ménageries, s'agite une multitude bruyante, grouillante et bigarrée. Si, descendant de notre observatoire, nous nous mêlons à, cette cohue, nous aurons sous les yeux une collection complète de types et costumes de toutes les provinces d'Espagne, en même temps qu'un échantillon des différents chants et danses régionaux les Madrilènes s'enlaçant au rythme lent du {( baile agarrado », les Andalouses décrivant les passes harmonieuses et légères des sevillanas »; les Aragonais sautillant aux accords de la «jota »; les Galiciens et les Basques se balançant au son des tambours et des cornemuses, tandis que les gitanas fureteuses se faufilent entre les groupes, en quête de quelque obole. Soudain, un remous se produit, et la foule accourt vers la route, afin d'acclamer le passage du Roi ou de l'infante Isabelle, la princesse populaire par excellence, qui ne manque pas une de ces fêtes. Le soir, les u romeros » regagnent Madrid en longues théories, fourbus mais contents, munis d'une ample provision de « rosquillas del Santo » (pâtisseries du saint), et soufflant à qui mieux mieux dans les pitos » (sifflets)

enrubannés.

(A suivre.)

CAUSSE.

Exploration danoise aux Régions arctiques.

Une

M Mylius Erichsen, explorateur danois du pôle, a

fait récemment, à Copenhague, en présence du prince Waldemar, une conférence sur l'expédition qu'il projette sur la côte nord-est du Groenland. L'expédition, qui se mettra en route au plus tard dans le milieu de juin '1906 sur le navire Danemark, se composera de 21 membres. Au 75e degré de latitude, on entrera dans un port du Groenland, d'où partiront, en mars 1907, douze hommes chargés d'entreprendre une expédition

en traîneau vers le nord. Ces derniersreviendrontau navire en juillet 1907. L'expédition se dirigera alors vers le sud, et hivernera à la latitude du 73e degré. Quand elle aura atteint le

fjord François-Joseph, douze hommes entreprendront l'explorationde la mer de glace intérieuredu Groenland. L'expédition rentrera. dans l'été de 1908; les dépenses sont estimées à 200000 couronnes. Le but principal de l'expédition est de dresser la carte des parties inconnues de la côte nord-est du Groenland, et de découvrir les chemins de migration des Esquimaux.


La Valeur des Colonies

allemandes.

Le Congrès colonial allemand a tenu dernièrement ses

séances, dans la salle du Reichstag. Tous les orateurs ont soutenu d'une éloquence plus ou moins convaincante la cause de la u plus grande Allemagne », servie par une marine accrue; et la presse sans distinction de nuances a témoigné par ses commentaires de l'intérêt passionné qu'inspirent à l'opinion allemande les questions de colonisation. Les Allemands, partis tard, ont marché vite dans l'expansion coloniale. Ont-ils marché bien? c'est une autre question.

L'initiative était venue de Ham-

bourg et de Brême. C'est à l'activitédes

de ces deux villes « firmes

que fut due en 1882 la créa-

tion du Deutscbe KolonialVerein, qui

devint aussitôt le centre du parti naissant. En 1884, une

autre société,

la

Gesellscbaft für deutsche Kolonisation, se constituait,

toung, l'Allemagne se tailla un domaine colonial d'environ trois millions de kilomètres carrés, que moins de vingt ans avaient suffi à créer. Succès plus rapide que solide Aujourd'hui,les colonies d'Afrique sont en perpétuelles rébellions; Kiao-tchéou est menacé par le Japon; les îles du Pacifique végètent.

Peut-être cependant est-ce de ces dernières que l'Allemagne, dans un avenir plus ou moins éloigné, tirera le meilleur profit. Si, comme il est probable, le canal de Panama modifie, et même déplace le centre des relations internationales, l'Allem1tgne se trouvera dotée de bases navales précieuses sur la route d'Amérique en Extrême-Orient. Actuellement, Herbertshohe, résidence du Gouverneur allemand de l'archipelBismarck, ne se compose encore que de quelques maisons en planches situées sur le bord de la mer, et qui disparaissent dans la végétation des cocotiers. Le climat y est malsain, des fièvres paludéennes règnent le long des

côtes.

Un semblant

d'activité euro-

péennese manifeste à Simpson Hafen,

où deux débarcadères sont cons-

truits depuis l'année dernière,

et que visitent deux vapeurs allemands dans leur voyage régulier de Singapour à Sydney, et

et presque aussitôt le consul d'Alleréciproquement. magne au Cap annonçait à l'AngleCenesontpas terre que le Ludelà de très brillants INDIGÈNES DE SIMPSON HAFEN, DANS LA COLONIE ALLEhIANDE DE LA NOUVELLE-GUINÉE. ritzland était placé résultats, et la situaPhotographie de M. Lucien Martin. tion coloniale de sous le protectorat impérial. En 1887, l'Allemagne justifie les deux sociétés fusionnaient pour former la Deutscbe en grande partie les attaques formulées dans la presse Kolonial Gesellschaft, qui compte aujourd'hui près de et au Reichstag même. M. Hauser, qui a étudié les colonies allemandes 40 000 membres. Des missions coloniales furent créées, des enquêtes organisées. Le Gouvernement n:en prit de la façon la plus impartiale, est cependant moins dur pas la responsabilité. Mais toujours on le trouva prêt pour elles qu'on ne l'est parfois en Allemagne. à soutenir de son autorité les pionniers de l'initiative Il est d'avis que ces colonies ont une valeur insiprivée. gnifiante comme colonies de peuplement, une valeur En 1884, une compagnie commerciale, aussitôt moyenne comme colonies de commerce et débouchés suivie par l'action gouvernementale,mit la main sur industriels, une valeur sérieuse comme colonies de la Nouvelle-Guinée. Puis ce fut le tour des îles Marplantation. Cette appréciation justifie l'intérêt que shall (1885), des Carolines achetées à l'Espagne en l'Allemagne porte à son domaine d'outre-mer, le soin 1889. Les conventions de 1885, de 1890 et de 1897 qu'elle prend de l'exploiter et de l'étendre. définirent avec la France et l'Angleterre les limites du Peut-être le temps fera-t-il ce que n'ont pu faire Togoland. Les traités de 1893 et de 1895 donnèrent au l'énergie et l'activité fébriles déployées en trop peu Cameroun sa forme actuelle. L'Ouest Africain et l'Est d'années. Africain furent constitués et agrandis par des arrangeL'Allemagne apprend à ses frais qu'il ne suffit ments successifs, de 1884 à 1890, En y joignant les pas de déclarer que la puissance d'un empire est sur colonies du Pacifique Nouvelle-Guinée, Marshall, les flots », pour qu'immédiatementcet empire devienne Carolines, Mariannes, une partie de Samoa, le morune puissance coloniale! ceau de Chine enlevé en 1898 autour de la baie de Kiao-tchéou et grossi depuis d'une partie du Chan-


Les Polonais de Russie et l'état de la Pologne russe'. LES Polonais comme les Finlandais ont montré, au cours des troubles récents, des velléités séparatistes. Il semble cependant qu'il n'est guère possible à la Pologne de se séparer d'un empire dont elle est devenue la plus riche province. C'est elle qui a recueilli la plus large partdes profits du grand mouvement industriel provoqué par le Gouvernement d'Alexandre .[Il. En 1870, la valeur totale des marchandises fabriquées dans les manufactures polonaises ne dépas5ait pas cent soixante millions de francs, tandis qu'elle était d'un milliard deux cent cinquante millions à la veille de la guerre de Mandchourie. Pendant la même période, le nombre des ouvriers employés dans l'industrie s'était élevé de soixante-quatre mille à deux cent quarante mille. La moitié de ces travailleurs étaient occupés par les industries du coton et de la laine, dont la production, devenue en vingt-sept années seize fois supérieure au chiffre qu'elle atteignait en 1870, représentait en 1897 une valeur totale de six cent trente millions. Les cotonnades fabriquées à Lodz, ne fournissaient pas seulement à la consommation intérieure de la Russie, elles avaient trouvé des débouchés en AsieMineure, en Perse, dans la presqu'île des Balkans, en Afrique et même en Espagne. Le développementcontinu de la prospéritéindustrielle a eu pour conséquence un accroissementde la population des villes. Le nombre des habitants de Varsovie, qui était de 261000 en 1875, ~'élevait à 515000 en 1894, et à 800000 en 1904. Lodz, qui était en 1827 une bourgade d'environ 1000 âmes, en compte aujourd'hui plus de 400 ooo, et Sosnovice, la métropole de l'industrie du fer, qui conservaitencore en 1893 l'organisation municipale prescrite par la loi pour l'administration des villages, est maintenant une ville de plus de i million d'habitants. Les campagnes ont payé la rançon de la prospérité des villes. Tandis que l'industrie se développait à vue d'oeil, l'agriculture tombait dans la détresse. Les paysans polonais n'ont jusqu'à présent retiré aucun profit appréciable des terres qui appartenaient à leurs anciens seigneurs. Pour punir les nobles qui avaient pris part aux insurrections contre la Russie, le Gouvernement de Saint-Pétersbourg a confisqué leurs biens et les a donnés en pleine propriété à ceux qui les cultivaient. A la suite de cette expropriation générale, 6o pour ioo des fermes sont passées entre les mains des paysans. Un certain nombre de représentants de la haute aristocratie ont néanmoins réussi à conserver leurs i. Cet article a été écrit avant les concessions faites par

l'empereur Nicolas Il aux idées libérales. Les renseignem~nts qu'il donne n'ont rien perdu de leur valeur, et nous le publions tel qu'il a été rédigé.

domaines. Le plus grand propriétaire de la Pologne russe, le comte Zamoyski, possède encore 160000 hectares, et les propriétésde plus de 5 OQO hectares ne sont pas rares dans les familles qui ont réussi à se concilier les bonnes grâces du Gouvernement impérial. Les domaines restés entre les mains de l'aristocratie sont en général tenus comme des fermesmodèles, mais ils sont trop disséminés pour que les paysans puissent profiter des améliorations agricoles dont l'exemple leur est donné par les grands propriétaires. D'ailleurs, les perfectionnements apportés aux procédés de culture rudimentaires en usage dans les petites fermes, n'auraient pu triompher d'une cause d'infériorité permanente qui résulte des tarifs de chemins de fer. Suivant une statistique du Century Maga,~ine, la même quantité de blé qui paiera seulement 75 kopecks pour aller d'Odessa à Varsovie, devra payer 92 kopecks pour aller de Lublin à Varsovie, c'est-à-dire pour parcourir un trajet cinq fois moindre. L'unique préoccupation du Gouvernement, qui a établi ces tarifs, a été de favoriser les blés russes au détriment des blés polonais. Les pratiques arriérées suivies par des paysans devenus propriétaires sans avoir acquis une instruction suffisante pour profiter de ce bienfait, et le régime économique organisé par le Pouvoir central pour favoriser les anciennes provinces de la Russie au préjudice d'un territoire annexé de vive force, ont eu pour conséquence de réduire la quote-part de l'agriculture polonaise aux deux cinquièmes de la production totale du pays. Les populations agricoles n'ont manifesté aucune reconnaissance pour un Gouvernement qui, tout en leur assurant la propriété du sol, n'a pas sensiblement amélioré leur condition matérielle; mais elles ont été soustraites à l'influence de leurs anciens seigneurs. Les paysans n'ont plus éprouvé la même ferveur que par le passé pour une résurrection nationale qui attribuerait peut-être une large part d'autorité et de crédit à une aristocratie dépossédée de ses biens. De son côté, le clergé catholique a, pendant toute la durée du pontificat de Léon XIII, cessé d'être l'auxiliaire le plus actif du parti de l'indépendance, et a constamment prêché aux Polonais de Russie la prudence et la conciliation. Ainsi, les cadres des anciennes insurrections ont été brisés, et fort heureusement pour les intérêts de l'humanité, aucune tentative sérieuse n'a été faite pour provoquer une fois de plus un soulèvement général de la Pologne autour de l'Aigle blanc des Jagellons. Dans les villes, le mouvement révolutionnaire a cessé d'avoir un caractère national, pour se traduire sous la forme d'une série de grèves et d'une lutte de classes, tandis que les habitants des campagnes, soumis en même temps aux influences traditionnelles qui avaient perdu la plus grande partie de leur ancienne puissance et à des partis politiques dont les programmes étaient contradictoires, ne se seraient insurgés contre le Gouvernement russe que dans le cas où ils auraient été appelés à servir comme réservistes dans l'armée de Mandchourie. Ce n'est pas que l'âme de la Pologne soit morte; bien au contraire, elle est aujourd'hui plus vivante que jamais, et les partisans les plus déterminés d'une


entente avec la Russie ne renoncent pas, au fond 'de leur coeur, à la résurrection de leur patrie; mais ils ajournent la réalisation de ce rêve à un lointain avenir. De leur côté, les plus ardents apôtres de l'indépendance sont obligés de reculer devant les désastres économiques qu'entraînerait une séparation immédiate, et sont disposés à se contenter pour le moment des concessions que le tzar Nicolas II semble prêt à leur accorder. Le rescrit impérial du 16 mai 1905 doit être, à notre avis, considéré comme la préface de la politique nouvelle que le Gouvernement russe vient d'adopter à l'égard des Polonais. Le système de compression à outrance, inauguré à la suite de l'insurrection de 1863, été impuissant à a faire oublier à un pays de 12 millions d'habitants, sa nationalité, sa langue et sa religion. C'est la Galicie qui a fait échouer l'œuvre de russification entreprise par le Gouvernement de Saint-Pétersbourg.Les Polonais d'Autriche ont su manoeuvrer avec tant d'habileté au Reichsrath de Vienne, qu'ils ont fait de leur patrie une province autonome. Ils ont créé dans un pays qui était jadis considéré comme la Béotie de l'ancienne Pologne, 4 500 écoles primaires, 5o établissements d'instruction secondaire, 200 écoles professionnelles, 2 universités et i académie des sciences. Tandis que la moitié de la population adulte de Varsovie ne sait ni lire ni écrire, il n'y a pour ainsi dire plus d'illettrés à Cracovie et à Lemberg. Grâce à la savante tactique d'un groupe parlementaire qui a tout sacrifié aux intérêts supérieurs de la nationalité polonaise, la Galicie a pu conserver intacts les souvenirs historiques de l'ancien royaume des Jagellons, le culte de la langue maternelle et l'espoir de la résurrection. C'est sur la rive droite du cours supérieur de la Vistule que, grâce à la connivence discrète des autorités autrichiennes, sont imprimés chaque nuit les milliers de journaux destinés à être distribués le lendemain de l'autre côté du fleuve. Toute la vigilance de la police russe ne peut empêcher ces abonnements clandestins à des feuilles quotidiennes et à des publications périodiques, d'arriver à destination avec une parfaite régularité. Cette presse occulte est si bien organisée que chacun des trois grands partis qui existent dans la Pologne russe a ses journaux, qui s'impriment en Galicie. En même temps qu'arrivent chaque jour des milliers de publications de toute nature qui entretiennent dans le coeur des Polonais soumis à la domination russe les souvenirs de leur langue nationale et de leur ancienne patrie, un nombre incalculable d'écoles primaires, dont la police ne soupçonne pas l'existence, reçoivent en secret les enfants, qui ne suivent quepour la forme les cours enseignés dans les écoles publiques. La langue polonaise est absolument proscrite de l'enseignement officiel, et les petits patriotes qui veulent devenir capables de lire dans le texte original les romans historiques de Sinkiewicz, dont les éditions, à o fr. 35 le volume, sont répandues dans toutes les classes de la population, fréquentent régulièrement les écoles occultes. Il y a dans la Pologne russe environ trente-cinq mille familles qui ont plus de 2 500 francs de revenus. En réalité, dans chacune des maisons où existe un commencement d'aisance, se trouve une école où l'on

enseigne la langue nationale toute femme des classes supérieures qui refuserait de participer à cette œuvre patriotique et ne consentirait pas à remplir la mission d'institutrice volontaire, serait mise au ban de la société. Les enquêtes entreprises par M. David Bell Macgowan, M. Yvan Waterburg et un rédacteur anonyme de la Quaterly Review ont jeté une vive lumière sur la situation actuelle de la Pologne russe. Ce ne sont pas seulement les lois inexorables de l'économie politique qui ont empêché la province la plus industrielle du grand empire du Nord de s'engager, les armes à la main, dans une revendication d'indépendance absolue qui lui aurait fait perdre, en cas de succès, l'unique débouché de ses manufactures et de ses usines à cet ordre de considérations où des intérêts matériels étaient seuls engagés, sont venus s'ajouter des dissentiments de principes qui rendaient impossible un soulèvement général. Les Polonais sont divisés en trois partis le groupe modéré, dont le chef est le comte Kraszinski, se contenterait d'une Constitution qui garantirait aux habitants de la Pologne russe les mêmes droits et les mêmes libertés qu'aux autres sujets du tzar; les nationaux-démocrates, tout en maintenant les liens qui les rattachent à l'Empire, revendiquent une très large autonomie, et enfin les socialistes font passer au premier rang la guerre de classes. Toutefois ces dissidences, suffisantes pour mettre obstacle à une insurrection à main armée, n'empêcheront probablement pas la constitution d'un groupe polonais, qui, dans le prochain Parlement russe, reprendra le rôle que les députés de la Galicie jouent dans le Reichsrath autrichien. G. LABADIE-LAGRAVE.

Pierre et

Monteil. L'élevage au Soudan. In-So de 2°4 pages. Paris, Aug. Challamel, 1905. sous le titre Le Soudan agricole, le manuscrit de cet vrage a obtenu de la Société nationale d'Agriculturede France (section centrale) une médaille d'or à l'effigie d'Olivier de Serres. C'est en raison du développement et de l'importance particulière de la partie relative à l'élevage, que les auteurs ont donné à leur publication ce titre plus restrictif L'élevage au Soudan franFais. Un cadre géographique du pays, un tableau des cercles et résidences, indiquant les centres de production et la nature des produits, spécialement céréales, fourrages et bétail, des monographies relatives au cheval, au mulet, à l'âne, aux bovidés, aux ovidés, chaau meau, au porc, à l'éléphant, à l'autruche, au chien, aux oiseaux de basse-cour, tel est le plan de l'ouvrage. Les tères zootechniques sont décrits avec une précision caracdont l'honneur doit revenir à M. Pierre, qui est vétérinaire en premier et chef du service zootechnique de l'Afrique occidentale française. M. Monteil, ex-administrateur adjoint des colonies au Soudan français, se sera occupé de la partie économique proprement dite et des avantages de l'élevage en général au Soudan. C.

C.

Guide-annuairede Madagascar, à Pusage des colons, planteurs, conemerfa~ats. Tananarive, imprimerie du Gouvernement, ~905. ln-8°, viii-8oo pages. Nous signalons cet ouvrage aux nombreux correspondants qui nous demandent si fréquemment des renseignements sur la Grande-Ile. Ils y trouveront réponse à tout ce qui les intéresse.


IL'Avenir des Pêcheries en~Tunisie. MÊMES INCONVÉNIENTS

UN-PEU DE STATISTIQUE

C'est un lieu commun, de dire que le poisson abonde sur les côtes de la Tunisie. L'huile et la main-d'oeuvre étant d'ailleurs de bonne qualité et bon marché, on est naturellement amené à se demander pourquoi nos usiniers français, qui ont de nombreuses fabriques de conserves de sardines en Bretagne et en Vendée, où la sardine ne vient pas toujours, n'ont pas encore songé à venir s'établir en Tunisie et paraissent même peu disposés à tenter l'expérience. Sans parler des objections qu'ils élèvent au sujet des droits d'entrée du poisson conservé en France, de la main-d'oeuvre qui serait, d'après eux, aussi chère et moins facile à trouver en Tunisie qu'en France, du reproche qu'ils font à l'huile d'olive tunisienne de n'être pas suffisamment démargarinée, voyons ce qu'il faut penser de l'abondance des espèces migratrices et en particulier de la sardine sur les côtes de la Régence. Consultons,à cet effet, les statistiques officielles dressées par le Service des Pêches maritimes; service qui ressortit, comme on sait, en Tunisie, à la Direction des Travaux Publics. Nous devons dire, dès à présent, que ces statistiques sont tantôt globales, tantôt relatives à deux ou plusieurs localités, et, par conséquent, donnent des résultats qui ne sont pas très aisément comparables entre eux. Toutefois, en ce qui concerne Tabarca, le centre le plus important, le « Douarnenez de la Méditerranée », comme on l'a appelé, les statis-

tiquessonttrèssuiviesdepuisl'année 1888, et en voici le

tableau

1888 1889 1890 1891

1892

900000 kilos

1200000 1000000 125000 148000

1894

308 000 450 000

1895

140 000

1893

1897 1896

592000

490 000

Le simple examen de ce tableau montre que la pêche de la sardine à

Tabarca est d'une extrême irrégularité, puisqu'elle varie en poids d'une année à l'autre du triple au quintuple et parfois au décuple. Dans le Rapport sur le Protectorat tunisien, adressé par le ministre des Affaires étrangères au président de la République, pour l'année 190 l, nous lisons ceci « La pêche de l'anchois et de la sardine a été presque nulle. Est-ce à la température des eaux ou à d'autres causes qu'il faut attribuer le manque de ces espèces depuis deux ans? On ne sait. Tabarca qui voyait, depuis 1888, ses plages garnies de barques de pêche, n'en a reÇu cette année que quarante-cinq». Voilà qui est inquiétant..

QUE SUR LES COTES DE BRETAGNE

plupart des Bretons, découragés, abandonnèrent la mer. On essaya de les employer un peu partout; mais, malgré

de nombreux secours accordés par le Gouvernement général, il fallut bientôt songer au rapatriement, et de toute la espèces migratrices, de la sardine en par- colonie bretonne il ne resta en Algérie ticulier, laquelle aurait complètement qu'un pêcheur, devenu par la suite garde

mêne en Algérie, depuis quelques années, les documentsofficiels constatent une diminution de toutes les De

disparu de certains parages. Or, si l'on considère qu'en France chaque usine de conserves met en oeuvre en moyenne roo 00o kilos de sardines

parsaison, qu'une usine installée àTabarca ou sur un autre point de la côte de l'Afri-

que du Nord ne serait pas même assurée de pouvoir acheter toute la pêche des marins italiens qui sont généralement engagés par des maisons de Naples ou de Palerme et salent leur pêche à bord pour l'expédier à ces maisons, on comprendra que la première difficulté susceptible de s'opposer à l'établissement de fabricants de conserves françaises sur nos côtes

nord-africaines, soit le manque possible de la matière première nécessaire là leur

industrie. LES PREMIERS ESSAIS DE COLONISATION BRETONNE

champ,être ».

IL FAUT GÉNÉRALISER LA NATURE DE LA PÊCHE

Si donc on

veut établir des usines de conserves en Tunisie (l'Algérie en pos-

sède déjà qui ne sont guère prospères), il faut envisager pour ces usines une autre matière première que le poisson migrateur, et cette autre matière première ne peut être que le poisson sédentaire dorade, sole, merlan, etc., lequel est toujours pêché en abondance sur les côtes tunisiennes, et qu'on pourrait fort bien conserver à l'huile, au vin blanc, à la tomate, ou encore saler dans des ateliers de salaison. Mais il est exact de dire que le marché français, jusqu'ici du moins, consomme relativement peu de poisson salé ou conservé; et que cette industrie ne pourrait guère trouver de débouché en

France.

En réalité, la véritable exploitation des richesses ichthyologiquesde l'Algérie et de la Tunisie ne peut résider que dans et à Tabarca, en 1891-1892, échouèrent une organisation perfectionnée de la pêche du poisson frais et de sa vente. en partie parce que la pêche fut pauvre ces années-J'¡, Voici, en effet, ce que Etant donné que les deux grands centres M. Layrle, commissaire de l'Inscription de consommation de la Régence Tunis maritime à Philippeville, disait à ce sujet et Bizerte, sont alimentés par les Sociétés dans une communication faite au Congrès amodiataires des lacs de ces deux villes, international des Pêches maritimes, tenu toute grande entreprise nouvelle devra avoir surtout en vue l'exportation du à Dieppe en 898 « A partir de 1886, date de la rupture commerciale avec l'Ita- poisson frais en France. Elle pourrait, si lie, beaucoupdepêcheursitalienspartirent, elle avait des remorqueurs à vapeur, et il y eut brusquement un grand man- exploiter des régions poissonneuses, réque de marins; à ce moment, l'époque gions comme celle comprise entre le cap parut favorable pour faire venir les Serrat et le cap Guardia et où les embarpêcheurs bretons, plongés dans la misère cations de pêche à voiles ne sauraient par suite de la disparition de la sardine. s'aventurer seules. Ce devrait être une Après des tâtonnements, en 1891, cinq entreprise conçue à la façon des entrepêcheurs de Lannion, dont deux mariés, prises de pêche anglaises, allemandes et vinrent à Philippeville. La gratuité du norvégiennes, lesquelles fontd'immenses passage et un secours de 1 00 à 200 francs « traînages » dans les mers du Nord. ayant été accordés par le Gouvernement général, l'arrivée des Bretons augmenta

est en outre singulier de remarquer que les premiers essais d'installation de pêcheurs bretons à Philippeville Il

rapidement. En 1892, quatre-vingt-cinq personnes en tout vinrent de Douarnenez

et de Concarneau. Les pêcheurs apportaient une partie de leur matériel, et même trois bateaux qu'il fallut vendre plus tard. Les engagementsétaient conçus d'une façon méthodique et les arrivants trouvaient à s'occuper, tandis que de Nantes, de Lorient, de Douarnenez, de nouveaux marins demandaient à partir. Tout semblait donc faire réussir l'émigration des Bretons. Mais des difficultés nombreuses survinrent presque aussitôt. L'Algérie subissait une période de mauvaise ~êcke à la sardine, en sorte que la

NÉCESSITÉ D'ÉTUDES PRÉLIMINAIRES

Mais, préalablement à une entre-

prise, il faudrait que des hydrographes, des techniciens, avec le concours des autorités locales, du Laboratoire maritime d'Alger, des Chambres de Commerce de l'Afrique du nord, des Sociétés de Géographie d'Alger et de Tunis, procédassent à l'étude des fonds de pêche de l'Afrique du nord. Avant d'appeler des colons dans un pays, il faut connaître à fond les les ressources qu'on peut leur y offrir, et ne pas les exposer à des déceptions et à des déboires qui peuvent leur coûter cher.


Une Excursion aux Lacs du Rilo, sur la Frontière

de Macédoine et de Bulgarie.

« Je ne sais, a écrit un jour un des premiers~ournalistes du siècle dernier, dans quel coin de la Bulgaries'est réfugiée une ombre de verdure 'quelconque, un site pittoresque, une saillie à laquelle l'mil du voyageur puisse s'accrocber avec plaisir. simple récit de cette excursion convainera les lecteurs que la peint7ire tracée, il y a urre vingtaine d'années, pariM. de Blowit, n'est qu'une boutade, mais non point un jugement exact, sur les aspects de la nature et les paysages de la

Le

Principauté.

(lonTRe voitures, attelées chacune de quatre chevaux et chargées de valises et de provisions de toute sorte, nous attendent devant l'hôtel où nous sommes Ar·cranrlnc

q(ifin

np~ nla_

quements de fouet, des bruits de sonnailles. Voici que notre petite caravane s'ébranle. En route pour Saint-Jean-de-Rilo! En quittant la ville, nous contournons d'abord

longuementle mont Vitosh

par Walé Effendi, Kniajevo,

minutes à Krapetz, au pied du Golo Brdo un vieux « Chop », à longue barbe, aux allures bonhommes et tranquilles, pose, simplement, devant l'objectif. Vers KraDetz commence une suite de terrains arides, de ravins pétrés, aussi desséchés, aussi maussades que les Causses. Au loin, devant nous, se dessinent les cimes neigeuses du Rilo et des monts Rhodope. Dans les rares champs

'r-

deblétravaillentdesfemmes vêtues de noir, les enfants dormant paisiblement à l'ombre d'un saule. Des

à Wladaïa,puisnouspassonsà gué la Boïana; les chevaux, habilement conduits, des-

hommes que nous croisons, encombre la berge sablonportent des tabliers d'une forme étrange. neuse. Ce sont, au reste, d'excellentes bêtes, nerVers midi, halte pour déjeuner. Les « hans » veuses et résistantes, et qui abattront leurs quinze (auberges) bulgares offrent, ou dix-septlieues parjour, en général, peu de ressans une défaillance. sources. Dehors, près de la Nous laissons à droite porte, un mouton saignant; le chemin de fer de Radomir, à l'intérieur, (( une salle uniet nous nous engageons sur que éclairée par des fenêtres la route qui mène à Dupprivées de vitres, et sur nitza, et par delà, en Macél'un des côtés de laquelle a.. w. 11V1I1C. L.1l~ Likivribt; u avuiu 11I1G 1VII~lIC lalJ~c üc UV1~ DUFNITZA. DUPNITZA. PAYSANS DE forme divan, une autre des vallons boisés et frais caisse servant de comptoir; des gisements de minerai Photographie de M. J. Armagnac. dans un coin, une barrique de fer apparaissent à fleur de terre et mettent çà et là, sur les roches, comme de de vin, un barillet de mastic ou de raki, quelques boularges taches de houille. Puis la route monte et descend teilles de je ne sais quoi, trois ou quatre verres, une paire de balances. Parfois, sur des tablettes appuyées par des mamelons ensoleillés entre lesquels coulent des torrents descendus du Vitosh. Halte de quelques au mur, des pains de savon, et de menues épiceries; des

cendent et remontent sans

A TRAVllRS LI MONDII.

480 UV.

N~

48.

2

Décembre 19°5.


poules, toujours; rarement des œufs », telle est bien la rudimentaire installation du « han bulgare. Et de. nous féliciter alors que notre petite caravane soit munie d'abondantes provisions de bouche et comprenne un homme de confiance capable de tramformer en quelques minutes la caisse de bois primitive en une table couverte d'une nappe blanche et chargée de mets excellents et divers. La caravane restaurée, hommes et bêtes, nous repartons par la vallée qu'enserrent la Koujawo Phnina et la Werila Planina, pour Dupnitza. Dans cette ville de 6 à 7000 habitants qui est le centre d'un commerce de blé assez important, et où la culture du tabac est aussi très développée, nous hospitalité plus confortable trouvons une nous disposons de trois chambres pour huit, et il y a un matériel de toilette, réduit, il est vrai, à une unique cuvette qui, placée dans le vestibule de l'hôtel, doit servir à l'usage commun de tous les voyageurs! Au sortir de Dupnitza où {( un

n'y a place que pour la route et la rivière, entre les-

vieux pont, d'une

quelles d'énormes blocs de rochers se dressent, surmontés de croix de bois, et semblables à des sentinelles géantes, gardiennes du défilé. Les montagnes boisées qui enserrent la gorge font songer, tantôt à certaines forêts, aux essences variées des Vosges, qui s'étagent en croupes ondulées; et tantôt aux sommets pelés de la Maurienne qui apparaissent en clair par delà la ligne sombre des sapins. Hêtres, chênes, ormes, trembles, tilleuls, charmes, toutes les espèces s'entre-croisent en un merveilleux champ de verdure, abritant la route et la rivière d'une double voûte inextricable. Quatre heures d'ascension par un étroit vallon; et nous voici enfin devant le tableau final. Sur un fond de rocs nus dont les cimes, bizarrement découpées, retiennent des lambeaux de neige, le fameux monastère se détache nettement De forme rectangulaire, rapetissé par les grandeurs environnantes, percé d'ouvertures symétriques qui font des

seule àrche, rappe-

trous noirs sur sa

lant

en très petit

façade blanche, il ressemble à un

celui de Mostar, capitale de l'Herzégovine, enjambe un

double-six tombé de l'Olympe.

ruisseau torren-

.c

monastèresoitplacé au pointculminant de la côte et qu'il surplombe, d'une

tueux qui fait du bruit comme quatre », nous longeons le cours du Dshermeu, puis de la

soixantaine de mètres, le lit raviné de la Rilska Rieka, il a l'air d'être dans un entonnoir, tant

Struma, dèscendue du Golo Brdo. Par delà de riants côteaux, plantés de tabac, de vignes ou de céréales, nous

apercevonsàdroite,

derrière Bobos-

Bien que le

sont élevées les

CHALET D'ÉTÉ DU PRINCE DE BULGARIE.

trois montagnesqui l'emprisonnent.Les

Photograp,'iie de M. J. Armagnac.

pentes raides, en

chewo, les plateaux dénudés de la Dowanitza Planina; à gauche, les sommets du sombre et farouche Rilo Dagh. Nous voici à quelques centaines de mètres du territoire ottoman, et déjà nous distinguons, espacés de distance en distance sur les sommets, les postes turcs qui, en face d'une ligne pareille de karaouls bulgares, assurent une garde réciproque de la frontiére. Mais, au lieu de continuer à descendre vers la Macédoine par la vallée de la Struma, nous remontons la rivière du Rilo par Kotscharinovo et Rilo Selo, dont les toits rouges émergent de la plaine boisée et mou-

tonnante.

Ce second village est bâti à l'entrée même de la gorge qui donne accès au monastère. La route qui le traverse est rompue en plusieurs endroits, et sert de lit à la rivière. Les chevaux pataugent dans ce torrent. Heureux encore .quand il n'est pas nécessaire, comme tout à l'heure, que les voyageurs, avant de passer sur un pont, s'assurent d'abord de sa solidité, et achèvent de le consolider à l'aide de poutres de bois. La gorge où nous pénétrons est très resserrée. Il

s'entre-choquant, déterminent-un plateau très exigu; ses dimensions ne

dépassent guère celles du périmètre des constructions. Au milieu de la façade, s'ouvre une large porte, ornée de figures de bons dieux peints à la diable. « La voûte franchie, le visiteur est en présence d'un splendide décor que la plume hésite à décrire, de même que fceil ébloui ne sait où se poser parmi cet entassementprodigieux de dômes, de cheminées; d'arcades, de balcons ventrus, d'escaliers à jour, et ce fourmillementde blancs, de rouges, de bruns, de vieux bois, et de fresques aux tons violents. » Dans une pièce voûtée qui n'a point d'autre siège qu'un large divan, et que décorent des chromos et des estampes représentant le tzar et la famille impériale, le portrait du Prince et les photographies de plusieurs anciens supérieurs du monastère, l'higoumène nous souhaite la bienvenue; on nous sert successivement les confitures, le vin, le café et le raki dont l'offre constitue la première manifestation de l'hospitalité bulgare. Nous visitons les diversbâtiments du monastère,


assez vastes pour que, il y a deux ans, plus de trois mille Macédoniens aient pu s'y réfugier, et pour qu'à la fête annuelle de saint Jean environ quatre mille Bulgares trouvent moyen de s'y loger. Ecuries, granges et magasins sont à l'avenant. A l'angle sud-est des

bâtiments se trouvent les appartements du Prince, qui

affectionne beaucoup le Rilo, comme la feue Princesse Marie-Louise,qui se plaisait à y faire de longs séjours. Malheureusement, le dernier tremblement de ils sont très fréquents en ces montagnes terre a causé, de ce côté surtout, d'importants dégâts en maints endroits des cheminées sont tombées, les marches des escaliers sont disjointes, les peintures ont été arrachées. On nous conte à ce propos le trait suivant, comme nous nous arrêtons dans l'église. Devantla stalle du Prince, du faîte une pierre se détacha tout à coup, qui vint tomber aux pieds du souverain. Il la ramassa; et comme les assistants commençaient à sortir, épouvantés, de la chapelle,

il

les

arrêta par

quelques paroles pleines de sangfroid et de noblesse

La partie supérieure de la grotte n'est plus qu'une fente de rocher, très resserrée à son extrémité seules, les personnes dont la conscience est pure, nous assure le moine, peuvent passer par cet orifice. Nous

nous engageons dans l'étroit couloir, sombre et enfumé, et, malgré le rapprochement des parois, parvenons heureusementtous à l'air et à la lumière. Comme nous rentrons, le moine qui nous précède entonne une chanson traînante et mélancolique, dont les bandes des « comitadjis » ont dû, il y a deux ans, répéter le refrain, et que lui-même peut-être chantait alors avec eux {( Nous en avons assez, de payer l'impôt aux Ottomans; nous voulons secouer le joug du Sultan; mère, mène-moi dans le Balkan pour tirer sur les Turcs; ils me tueront, peut-être, comme ils ont tué mon frère. Qu'importe! mère, mène-moi dans le Balkan ». Un jour, nous quittons le monastère de bon matin pour remonter la Rilska Rieka jusqu'aux lacs du Rilo. Les chevaux des voitures, une

couverture sanglée sur le dos, sont

« Pourquoi

voulez-vous sortir? Si un lieu est saint entre tous et doit être épargné, c'est celui-ci; donc, s'il est écrit que nous

transformés pour

la circonstance en chevaux de selle, les cochers formant

l'escorte. Nous passons

mourrons, la mort

à côté de la boulan-

est aussi dehors préférons-la ici ».

Mais le mo-

nastère de Saint]ean-de-Rilo a déjà été décrit ici-même i

et nous avons hâte, au reste, d'errer à

l'entour, par les

LES LACS DU RILO.

gerie qui est aussi vaste qu'une église, et où l'on fabrique quelque 2 300 pains par jour, et nous nous enfonçons dans une haute forêt de hêtres coupée de vastes clairières.Un soldat de corvée fait

ravins escarpés, Photographie de M. J. Armagnac. dans les forêts, aux route avec nous, fortes senteurs, de hêtres, de sapins et de mélèzes. porteur de pain pour un petit poste que nous renconUne première fois nous marchons au hasard, trons au bout de deux heures et demie de marche. Puis dans les taillis et sous les bois, remontant le lit de nous continuons senls dans une forêt embroussaillée torrents à sec, jusqu'à ce que, parvenus sur un haut et enchevêtrée le mauvais sentier que nous suivons, plateau, nous apercevions à nos pieds, minuscule, le sans cesse obstrué par des blocs énormes et des troncs quadrilatère blanc des bâtiments du couvent. moussus, tantôt monte en pente raide et tantôt desUn moine nous guide, un autre jour, par un cend, dominant ici à des centaines de mètres le cours sentier indécis où des croix de bois servent de points de la rivière, la traversant là, à gué ou sur des ponts de de repère, jusqu'à l'ermitage de Saint-Jean-et-Saintbois branlants. Et dans cet inextricable chaos, ce Louis. Ce sont dans une grotte, deux petites chapelles, {( calaboulouk », nos petits chevaux font merveille. consacrées l'une à saint Ivan Rilski, le premier fondaMaintenant nous traversons un haut plateau; teur du monastère, qui vécut au ixe siècle, et vint sur une colline qui le domine, un petit poste de mourir, selon la tradition, là, où fut ensuite son réguliers bulgares nous observe; à notre prière, une tombeau; et l'autre à saint Louis, frère d'Ivan. patrouille s'en détache qui nous conduira jusqu'aux Aujourd'hui un moine, vieux et taciturne, a la garde lacs. Dans la vaste prairie nous suivons nos guides de ce pieux asile. Il est là depuis dix ans, nous dit-il; tout à coup l'un d'eux s'arrête, et désignant les restes il fait et prépare tout lui-même, jusqu'à la grossière de huttes de branchage et de gazon {( Comitadjis », nourriture dont il se contente, car il ne descend qu'une dit-il. Ce sont, en effet, les ruines d'un campement fois par mois au monastère. d'insurgés révolutionnaires. Une cuiller primitive, faite d'un morceau de boîte de fer-blanc em\TIanché à A Travers le Monde, 2 juin 19°1, page 193. un bout de bois, que nous ramassons à terre, dit


assez la vie précaire et peu confortable des bandes qui «

tiennent la montagne>

Et voici enfin les lacs du Rilo, les « guiols », à environ aooo mètres d'altitude; ils n'ont pas l'aspect riant et animé des lacs italiens, ni le pittoresque, quelque peu banal et convenu, des lacs suisses, mais

cette nappe sombre et paisible, enserrée dans un ci: que d'imposantes montagnes,entre les monts Rhodope et le Rilo Dagh, compose un paysage d'une grandeur austère et d'une incomparable majesté. redescendant nous traversons de vastes prairies où paissent des boeufs appartenant au couvent. si vastes qu'il faut Les terres qui en dépendent En

nourrisplus de quinze jours pour en faire le tour sent en effet quantité de moutons et de bêtes à cornes. Sans doute peu habituées à rencontrer des êtres humains, elles nous considèrent avec une attention persistante, tellement serrées les unes contre les autres, qu'elles obstruent bientôt tout passage, nous bloquant au centre d'un cercle infranchissable. De petites destinées à écarter bombes des chiens malintentionnés nous fraient un chemin dans cette barrièrc vivante qui semble se refermer à chaque pas fait en avant. 11 n'y a pas longtemps, J `"~ nous raconte-t-on le soir au monastère, que ces bêtes étaient encore très dangereuses, non seus.; lement pour les passants, mais même pour leurs gardiens. r~v~°-

L'excursion que nous

venons de faire nous a conduits presque à moitié route de Samo-

you do, Sir? » Stupéfaction, d'entendre en cette ville perdue, de petits gamins nous inter-

«

How do

peller dans la langue de Shakespeare! Mais n'oublions pas que Samokow est le siège d'une mission américaine protestante, dont la propagande est des plus actives. Il n'y a pas très longtemps que l'attention publique a été attirée de ce côté par les mésaventures de miss Stone, et voici précisément que l'on nous désigne la maison qu'elle occupa. Puis nous visitons une confrérie de Kaloieritzas, réunissant moins {( association de femmes pieuses, se pour prier ou réaliser des oeuvres pies, que pour travailler en commun et demander aux ressources de la coopération une vie matérielle mieux assurée. Cela tient du béguinage, bien plus que du couvent régulier. Aucun voeu ne les lIe ». A l'hôtel nous attend, porteur de superbes truites qu'il vient de prendre dans la montagne, un grand gaillard, garde forestier de son métier, mais qui, avec sa barbe de huit jours, son

la ceinture, son arsenal de cartouches en bandou-

poignard

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à

lière, ressemble beaucoup plus à un brigand qu'à un fonctionnaire de l'Etat, et qui ne se défend d'ailleurs que très mollement d'être un insurgé d'hier. et de demain. Quelques heures à Sitniakowo, charmante résidence d'été, très en vogue auprès de la haute société bulgare, surtout depuis que le Prince y a fait construire une ravissante villa, au milieu d'épaisses forêts de sapins.

Le parc qui l'entoure offre bien que nous voulions m~ de nombreuses et merveilleuses ,` gagner cette ville, nous repassons vues sur les profondes vallées pourtant par Rilo Selo et Dupnitza, yk qu'il domine, et sur de lointains seule route carrossable. _=-, plateaux. Jusqu'à Samokow, route Enfin par Kalkawa, le long quelconque, par une suite de UN INSURGÉ D'HIER ET DE DEMAIN. de l'Isker, nous regagnons la ville gorges étranglées, et de hauts plaPlxotograph~e de M. J. Armagnac. de Sofia. tP'I1IX: il noter seulement la renMalgré nombre de présages contre, près du Dshibren Han, fâcheux, qui avaient quelque peu troublé nos cochers d'une série de chariots primitifs, en bois, dans la léger accident de voiture le premier jour,. renconstruction desquels n'entre pas la moindre parcelle contre de popes, rencontre d'un lièvre à droite, de de fer. trois corneilles à gauche, aucun incident imSamokow, chef-lieu d'arrondissement, est situé portant n'est venu troubler le cours de cette facile aux confins de la Roumélie, à une. faible distance de excursion. la frontière turque. Elle est arrosée par l'Isker, desEt de ces dix jours, passés pour la plupart sur cendu du Rilo Dagh, et qui traverse un plateau uni les grands chemins, parfois en de médiocres gîtes, dont les pâturages nourrissent un nombreux bétail. mais en aimable compagnie et dans un des coins les Samokow est le centre d'un commerce actif de beurre plus pittoresques du plus hospitalier des pays, nous et de fromage; l'industrie du fer y fut aussi autrefois garderons le meilleur souvenir'. très développée. La ville ne possède aucun monument qui puisse J. ARMAGNAC. particulièrementexciter l'intérêt des maisons de bois, de nombreuses mosquées, un poste-caserne de cavalerie, de médiocres auberges, voilà Samokow. Sur la grande place, la fontaine de l' Anneau », dont la décoi. Lire dans A Travers le Monde, nU 46, go5, la ration offre de curieux détails, retient cependant notre chronique du même auteur, consacrée à l'excursion de

kow

~t

attention.

Viddin à Sofia.


Madrid intime. Scènes et Types de la rue, Fêtes

populaires'.

LES grandes solennités religieuses revêtent aussi à Madrid un caractère spécial, qui parfois s'accorde mal avec la dévotion tell~ qu'on l'entend ailleurs. Celle de {( Navidad » (Noël) donne lieu à des démonstrations particulièrement bruyantes. Longtemps à l'avance, elle est annoncée par les concerts nocturnes des ~c estudiantinas », costumées à la mode des élèves de l'antique Université de Salamanque (pourpoint, culottes et bas noirs, collerette blanche et chapeau en bataille, orné de la cuiller symbolique), parcourant les rues bannière en tête, sur la cadence des guitares, des

tambours de basque et des mandolines. La veille de la fête une extraor-

dinaire animation règne aux abords et sous les arcades de la Plaza Mayor, semblable à notre Place des Vosges.

Ce ne

sont de tou-

tes parts que boutiques improvisées,

gresse des pasteurs, à la vue du divin enfant. Le carnaval madrilène n'est pas moins animé, avec son cortège de bals masqués, ses défilés et batailles de confetti à la Castellana ou au Retiro; il comprend les trois jours gras, et se répète le dimanche suivant (Domingo de Pinatas), mais il n'y a pas de Mi-Carême. Les familles les plus distinguées sont les premières à y prendre part, équipant des chars somptueux, où des jeunes filles et jeunes hommes du meilleur monde jouent le rôle de figurants, et donnent ainsi à la fête un cachet d'élégance auquel viennent ajouter leur note pittoresque les « estudiantinas», les (( comparsas » et « rondallas », troupes de musiciens en costumes régionaux. Il est d'usage que les masques et particulièrement des jeunes gens déguisés en « bébés arrêtent au bal ou dans la rue les personnes de leur connaissance et leur adressent, en dissimulant leur identité et leur voix, mille plaisanteries, parfois peu agréables à recevoir en public. De cette tolérance profitent surtout les {( novios » (fiancés) qui, juchés sur le marchepied de la

voiture où ils ont aperçu leur fiancée, lui prodiguent les

déclarations

les plus tendres en présence de ses parents. Le peuple aussi, célèbre à sa façon le Carnaval, par la curieuse cérémonie de l'Enterrement de la Sardine,

qui consiste à précipiter en grande regorgeant de copompe une énorme mestibles, étalages sardine de carton de {( nacimientos » dans les eaux du Photog,-aphie de M. Goni. Manzanarès, le merou crèches en miniature, de figuricredi des Cendres, nes de la Sainte-Famille, des Rois mages et des Berce qui peut paraître une anomalie, puisque avec le Carême commence précisément le règne du poisson. gers, devant lesquelles s'extasie la foi naïve des passants troupeaux de dindons, victimes propitiatoires Les processions de la Semaine Sainte à Madrid de la tradition gastronomique, sous la conduite de sont loin d'offrir la même splendeur et le même intépetits campagnards. Puis tout le monde, lesté d'une rêt que celle des confréries de Séville ou de Lorca; plantureuse agape, se rend à la {( Misa del Gallo » mais cette solennité n'en est pas moins très caracté(Messe du Coq ou de minuit); mais la coutume veut ristique, car elle montre que les habitants apportent que chacun aille pourvu de quelque instrument musien de telles circonstances des dispositions d'esprit cal, ou du moins sonore, et c'est, toute la nuit, assez étrangères, à vrai dire, à la véritable piété. Ce qui pour d'autres nations ou même dans d'autres un tapage infernal de castagnettes, guitares, {( zambombas grinçantes, voire de casseroles, qui force contrées de l'Espagne, est un motif de contrition chréle dormeur le plus récalcitrant à participer malgré lui tienne, fournit aux coquettes Madrilènes, entre deux à cette {( fête oreilles, et se poursuit jusqu'à sermons ou la visite des {( monumentos » de la Pasl'intérieur des églises, ornées de crèches brillamment sion, dressés dans chaque église, l'occasion de faire illuminées. admirer, sur la promenade de Recoletos, leurs robes Dans certains couvents, les religieuses dansent de soie brochée et leurs mantilles, blanches le Jeudi Saint, noires le Vendredi, agrémentées de touffes en public, durant l'office, une sorte de pas liturgique accompagné de chants, pour commémorer l'alléd'œillets, et qui prennent, ces jours-là, une revanche complète et méritée, quoique éphémère, sur le chaJ. Voir A Travers le Monde, ~905, page 36y. peau cosmopolite.

des


Le peuple, de son côté, fait

d'une chapelle où se

conserve, dit-on, le voile de sainte Véronique avec l'empreinte de la face divine (la Cara de Dios), le but d'une romeria » qui n'est guère édifiante, car à voir, dès l'aube, dans les bosquets voisins de la Moncloa, chulos » et vc chulas » en châles de Manille rire, chanter, danser et boire en arborant à leurs chapeaux ou leurs corsages la reproduction de l'image sacrée, nul n'imaginerait quelle date ils commémoreni de la Une autre fête des plus typiques, bien qu'elle sorte. ait beaucoup perdu de son ancienne vogue, est celle de san Anton (saint Antoine), le 17 janvier. L'église de ce nom devient alors le rendez-vous de tous le~ cavaliers madrilènes qui, paradant sur des chevaux, des mulets ou même des ânes harnachés et caparaçonnés à la « jerezana d'une profusion de rubans de pompons et de houppes, et quelquefois portant er croupe une gracieuse écuyère, vont faire donner à leur monture, par les prêtres de la paroisse, l'avoine ou le foin bénits qui doit la préserver, des maladies. l'année durant. Mais tout se modernise; et dernièrement se présentait à la porte du temple une automobile richement décorée, dont le propriétaire s'était muni d'un bidon d'essence, destiné à remplacer la poignée d'avoine habituelle il fut d'ailleurs éconduit. Mendia de los Santos ~· (la tionnons pour terminer Toussaint), où subsiste encore la coutume, d'originilarabe, d'aller passer la journée sur la tombe des parent, défunts, et d'y prendre la collation, tout comme dan5 une partie de campagne. Ce rapide aperçu des principaux types et'fêtes populaires de Madrid suffit à montrer que, contrairement à l'impression première, à laquelle s'en tiennent d'ordinaire les touristes, la capitale espagnole offr~ pour un observateur plus attentif un champ d'études fructueuses sur le caractère et les moeurs de la nation.

El

J.

CAUSSE.

Le:XIIe Congrès de la Loire

navigable.

s'est tenu Angers, ramène l'attention sur un des plus intéressants problèmes économiques que la France ait à résoudre. La question de la Loire navigable prend tous les jours plus de consistance, etsemble sur le point d'aboutir. Le système d'un canal latéral paraît définitivement abandonné. La régularisation du cours du fleuve a toutes les préférences; les populations riveraines consultées se sont prononcées pour ce second système tous les Congrès s'y sont ralliés. C'est la seule solution qui tienne compte des besoins de toute la vallée'. M. Félicien Pascal expose, dans un article tres documenté, les moyens financiers d'exécution de c3t T E

XIIe Congrès de la Loire navigable, qui

récemment à

Lire dans A Travers le Monde, 19°4, page Une Tentative nouvelle bour rendre la Loire navigable. 1.

39C

important projet. Les départements riverains contribueront aux dépenses, par des centimes additionnels.

On les a divisés, à ce point de vue, en deux catégories les départements traversés en entier par la nouvelle voie navigable s'imposeront de quatre centimes additionnels, pendant trente ans les départements situés sur des affluents rendus navigables par la mise en valeur de la grande artère centrale, ne seront imposés que d'un centime.

Divers conseils généraux des départements intéressés ont accepté le principe de cette contribution. La Société de la Loire navigable a donc obtenu des départements l'engagement conditionnel d'une contribution trentenaire suffisante pour gager et amortir un emprunt de sept millions. Or, l'Etat s'est engagé à un effort parallèle aux efforts des Comités. Rien ne saurait donc retarder l'exécution du premier tronçon des travaux celui de Nantes à Angers. Cette contribution des départements riverains aux frais des travaux de l'amélioration du cours de la Loire est l'application d'un principe qui a été si fécond rappelé en Allemagne. Ce principe M. Léon Bureau l'a est que {( la dans une de ses nombreuses études construction d'une voie navigable ne s'impose que s'il est démontré que son rendement peut suffire à payer, non seulement ses frais d'entretien, mais encore la rente, à 3 p. 100 l'an, du coût de ses frais d'établissement ». Or, par comparaison avec le trafic qui se fait en Allemagne, sur le Mein, entre Francfort et Mayence, et sans préjudice pour le trafic des voies ferrées, M. Bureau a établi que la Loire rendue à la navigation paiera largement et les frais de sa régularisation et ceux de son entretien. Outre que la Loire navigable, ajoute M. Pascal, imprimerait une impulsion inappréciable à l'activité générale de nos régions du centre, elle arriverait à rivaliser avec l'Elbe, d'après les gens compétents, et même à détourner une partie de son trafic, au profit du commerce français. Notre trafic régional s'affranchirait d'immenses tributs qu'il paie aux entreprises de transports étrangères, et même nos industries s'approvisionneraient en France de quantités énormes de produits agricoles et de matières premières, dont elles se pourvoient à l'étranger, faute de moyens de transport qui leur permettent de s'en approvisionnerchez nous. Faute de cette grande voie navigable NantesOrléans-Briare, que nous n'avons pas su créer, nos régions de l'est, suivant l'expression d'un député, hl. Papelier, sont virtuellement annexées à l'étranger,

puisqu'elles sont tributaires d'Anvers, Rotterdam, Hambourg. La Loire navigable, c'est en définitive la jonction de l'est français à l'Atlantique, par des voies

fluviales exclusivement françaises. {( Nous sommes le vrai chemin de l'Atlantique, dit M. Schwob, pour les marchandisesde l'Europe centrale. Le jour où la route ne leur sera plus fermée, elles préféreront nos ports, d'un accès facile et sûr, aux navigations dangereuses qu'il faut risquer dans la Manche et la mer du Nord, pour atteindre les ports de l'Elbe et du Rhin. » Dans la concurrence que nous devons opposer à Hambourg, Brême, Rotterdam et Anvers, il ne faut pas oublier qu'enoutreNantes et Saint-Nazairejouiront, pour les frets au long cours, d'un avantage de six francs 1"


tonne. Cette diminution du fret équivaudrait à des centaines de kilomètres de navigation intérieure, par rapport aux ports du Rhin, du Weser et de l'Elbe. Nous pourrions alors, au moyen de quelques canaux complémentaires, par la Loire navigable desservir non ~eulement Bâle, mais Mulhouse, Colmar, Strasbourg ~t tout le territoire qui s'étend vers l'est, à travers l'Europe, sur la distance moyenne de Genève-Strasbourg. Il suffirait, pour mettre en communication Nantes et Strasbourg, de joindre Vitry-le-François à Arcis-sur-Aube, par un canal d'une dizaine de kilomètres. Lyon lui-même serait pourvu d'un débouché nouveau, puisqu'on aurait réalisé la ligne DunkerqueMarseille et la ligne Nantes-Bâle. La Loire navigable n'est pas seulement un merveilleux instrument d'expansion économique elle est devenue une des nécessités de notre défense nationale. En cas de guerre, dit encore M. Pascal, les mers bloquées et nos régions houillères du Nord vraisemblablementoccupées au début par l'ennemi, d'où tirerions-nous le charbon nécessaire à nos chemins de fer, à nos navires et à nos arsenaux militaires? De nos mines de la Loire, de la Bourgogne, du Nivernais et du Bourbonnais. Mais comment le transporter? Nos voies ferrées seront absorbées par le transport des troupes et leur ravitaillement en vivres et munitions. Elles ne pourraient suffire à la tâche de nous approvisionneren combustible. Ce serait donc l'impuissance pour nos arsenaux de Brest, Lorient, Rochefort, Indret; pour nos usines navales et métallurgiques de Saint-Nazaire-Trignac, Nantes-Basse-Indre-Couéron, qu'on militariserait. Et cela, faute de charbon et de communications avec les usines du centre. Ce serait aussi, pour notre flotte, l'impossibilité de se ravitailler, après l'épuisement de ses premiers approvisionnements. C'est en envisageantde pareilles éventualités, que M. Lockroy, quand il était ministre de la Marine, avait dit aux représentants de Nantes et d'Angers, en 1898, qu'il suivait avec un patriotique intérêt les efforts du Comité de la Loire navigable. Deux ans plus tard, son successeur, M. de Lanessan, déclara, à Saint-Nazaire, que, s'il restait encore quelque temps au pouvoir, il s'attacherait à faire de Saint-Nazaire un très grand port, de la Loire un très grand fleuve, pénétrant, par de nombreux canaux, depuis le cœur de la France jusqu'au cœur de l'étranger. Il est à souhaiter que les travaux entrent le plus tôt possible dans la période d'exécution.

Trace du Christianisme dans les Ruines de Pompéi.

Une

M le professeur Sogliano, quipréside aux fouilles de

Pompéi, croit avoir trouvé des vestiges de la foi chrétienne dans les ruines de l'antique cité latine. Le judaïsme et le christianisme avaient-ils péné-

tré dans Pompéi au moment de l'éruption qui détruisit

cette ville? Pour le judaïsme, cela ne fait aucun doute on a découvert à Pompéi des ruines de synagogues, des g~-affiti avec les noms de Sodome et de Gomorrhe, une peinture représentant le jugement de Salomon, de nombreuses allusions aux livres judaïques, etc. Mais pendant fort longtemps on ne trouva dans les ruines de Pompéi aucun vestige de christianisme. En 1853 apparurent, sur les murailles d'une maison située près des Thermes de Stabies, des mots tracés au charbon, parmi lesquels le mot, écrit très lisiblement, de christiav~os. M. de Rossi pensa que l'inscription tournait en dérision la foi des chrétiens, ce qui faisait du moins supposer qu'il existait des chrétiens à Pompéi avant la catastrophe. On avait cru voir aussi des vestiges de christianisme dans la maison dite l'ancre », ainsi appelée parce qu'elle porte sur le seuil une ancre en mosaïque. Cette maison pourrait passer à la rigueur pour l'habitation d'un chrétien, car on sait que les premiers chrétiens figuraient le symbole de la croix sous la forme d'une ancre. M. Sogliano, plus heureux, a découvert, ces derniers jours, une lampe en terre cuite rouge, où l'on aperçoit une croix très nettement représentée. Cette lampe a été trouvée au nord-ouest de Pompéi, près de Boscoreale, entre une couche de lapilli et une couche de cendres. Cette circonstance exclut l'hypothèseque la lampe ait pu être transportée à Pompéi à une époque ptJstérieuse à l'éruption. A l'endroit où elle a été trouvée s'élevaient les superbes villas qui servaient de villégiature aux riches Romains. M. Sogliano suppose que cette lampe a pu appartenir à un esclave chrétien, et il ajoute qu'il paraît d'autant plus naturel que la croix ait été représentée sur une lampe, que les premiers chrétiens ne pouvaient imprimer ce symbole de leur foi que sur de petits objets portatifs, faciles à soustraire aux recherches.

de

Émile Verhaeren.

Rembrandt. i vol. petit in-8o~avec Broché, 24 gravures. 2 fr. 50; relié, 3 fr. 5°. H. Laurens, 6, rue de Tournon, Paris-VIe,

accessible à tous, la connaissance de Rembrandt; résumer, expliquer l'infinie beauté du dieu même de la peinture; montrer la suprématie de ses tableaux, de ses dessins, de ses eaux-fortes, tel est le résultat imprévu et considérable auquel atteint le vingt-sixième volume de la Collection des Grands Arta'stes. Vingt-quatre reproductions chronologiquement classées, y font revivre les chefs-d'oeuvre essentiels du peintre et du graveur; d'autre part, le génie du magicien de la couleur et du clair-obscur se trouve analysé et évoqué à l'admiration par Emile Verhaeren. Qui donc eût pu réussir dans une entreprise en apparence impossible, comme ce maître des lettres et de la critique contemporaines, né sur une terre qui touche à celle où vécut Rembrandt, et dont le talent se déperise semblablement à parer les réalités de la vie; de la magie du rêve? R ENDRE

Gaston Loth.

Le Pauplement ilatien en Tunisie et en Algérie. In-8~, 504 p. Prix 10 francs. Paris, Colin, ~905. OUVRAGEde M. Loth jette sur cette question obscure et controversée une lumière qui satisfera tous ceux qu'inté-

resse la France africaine.


EUROPE

L'Exposition coloniale de Marseille en 1906. On sait l'effort considérable que réalisent actuellement toutes nos colonies, en vue de l'Exposition coloniale de Marseille, qui ouvrira ses portes du 15 avril à novembre i go6. A l'heure actuelle, nos colonies et pays de protectorat, qui y participent tous officiellement, rivalisent d'activité et d'art dans la construction des merveilleux palais destinés à abriter leurs collections et leurs produits. L'Indo-Chine a voté, à elle seule, un crédit de 2 500000 francs. Ce qui est moins connu, c'est que le palais central de l'Exposition ou palais de l'Exportation, exclusivement réservé aux produits de l'industrie métropolitaine(alimentation, vête-

ment, habitation, outillage, transports, automobilisme,etc.), est déjà, malgré ses 10000 mètres de superficie intérieure, insuffisant pour satisfaire les demandes des grands industriels français, et qu'il faut déjà s'occuper de la création d'annexes importants. Cet empressement constitue la preuve la plus importante du vif intérêt que les grandes marques françaises trouvent dans l'essor commercial de la métropole vers ses colonies.

Domaine forestier de l'Europe. Le domaine forestier de la France s'élève à un peu plus de 9 millions d'hectares, et sa production totale est de consommation nationale 25 millions de mètres cubes. La doi1t

millions et demi de mètres cubes, c'est 6 millions de mètres cubes de bois qu'il nous faut acheter à

étant de

31

l'étranger.

Le domaine forestier de l'Europe s'élève à 282 millions

d'hectares représentant une immense forêt qui égalerait la France, l'Allemagne, l'Autriche, l'Italie et l'Espagne réunies, Cela tient à l'immensité de la forêt russe, qui a une étendue de 212 millions d'hectares ou 40 pour oo du territoire de l'empire, quand celle de la France n'en recouvre que

17,80 pour JOO. L'Autriche a 3o pour 100 de son territoire 26 pour 100 en bois, ou 18 millions d'hectares; l'Allemagne millions et 100 ou 7 ou 14 millions; la Norvège 24 pourmillions enfin, demi, et demi; l'Espagne 21 pour 100 ou 10 proportion un peu plus grande la Suisse 18,7 pour 100, au septième que celle de la France, qui passe ainsi en Europe rang pour la proportion de ses territoires boisés. ASIE

Le Régime des Concessions

en Cochinchine.

Le gouverneur de la Cochinchine a pris un arrêté au

sujet des concessions gratuites, qui a été mis en vigueur depuis le t°~ août. Estimant que le nombre des demandes de concessions augmente journellement, entraînant de gros frais

il a conclu pour la colonie à cause des levés de terrains,dépenses par qu'il était équitable de faire supporter ces les demandeurs. Il y a lieu, toutefois, de faire exception pour les demandeurs de petites concessions, les prolétaires, les petits

cultivateurs.

Traité anglo-chinois concernant le Tibet.

Voici les clauses de ce traité tout récent

L'Angleterre reconnaît et approuve les pouvoirs de la Chine sur le Tibet; 2° L'Angleterre consent à ne plus s'occuper des affaires ayant trait à l'administrationdu Tibet, et dans lesquelles elle s'était immiscée auparavant; 3° La Chine ne pourra accorder de droits à aucune nation sur le territoire tibétain, Si la Chine viole cette cond:tion, l'Angleterre devra également recevoirles mêmes droits; 10

Tous les commissaires impériaux qui auront un pouvoir quelconque, soit qu'ils résident au Tibet, soit qu'ils demeurent en Chine, devront être chinois, et ne seront 4°

jamais pris parmi les étrangers.

Les Relations commerciales entre le Japon et l'Australie. dénote Le commerce du Japon et de l'Australie en 1904 tableau augmentation très sensible, ainsi qu'il ressort du

une comparatif ci-dessous, extrait des rapports japonais Importations Exportations Francs

1902.

7930225

8381 150

1903 1004

1

i o96450

Francs

4180525

2999825 10997700

Totaux Francs

12 110750 1 (380875

22°94150

dit le rapporSi l'on établit un parallèle avec i go3 teur, M. J.-B. Suttor, on remarque que le commerce australien augmenté de 94 pour 10° en 1904, Pour les impora tations, les articles suivants sont en progression marquée laines, graines, farines, chevaux, bétail, engrais, saindoux, suif, graisse, peaux, cuirs, beurres,ainsi que les produits que

l'on range sous la rubrique « Médicaments et Produits chimiques ». Les Etats-Unis ont envoyé pour 2 1 (5850 francs de blé au Japon en 1904, et l'Australie lui en a expédié pour francs; il faut tenir compte, dans ces chiffres, de 1 490 32 la merveilleuse récolte que le Japon a enregistrée en 1904. Cette année, la récolte semble y devoir être moins belle; aussi, peut-on s'attendre à une forte demande de blé de

l'Australie.

L'Australie occupe le premier rang pour les expéditions de chevaux au Japon; mais elle se classe loin derrière les Etats-Unis et la Corée, pour le commerce du bétail. L'Australie trouverait au Japon un excellent débouché pour le le peuple japonais commerce des viandes et du bétail, carrégime de riz et de est en train de remplacer son ancien poisson (qu'il accuse d'être l'origine de la maladie très répandue appelée « beri-beri »), par le régime de la viande. Le marché des peaux est, en réalité, entre les mains des EtatsUnis, sauf pour les peaux de moutons et de chèvres, qui et de l'Inde sont l'apanage des « Straits Settlementsanglais anglaise. Les importations des beurres de l'Australie sont en augmentation de 25°00 francs. M. Suttor termine son rapport en déclarant que les japonais se montrent de plus en plus favorables aux Australiens et à leurs produits. AFRIQUE

La Mission de Délimitation du Congo. commandant Moll, de l'infanterie coloniale, breveté d'état-major, chargé, comme nous l'avons dit déjà, de fixer, Le

d'accord avec des commissaires allemands, les limites des possessions françaises du Congo-Chari et des possessions allemandes du Cameroun, a quitté Paris le 25 septembre Le commandant Moll est accompour s'embarquerà Anvers. mission le lieutenant Maille et pagné des membres de sa l'enseigne de vaisseau d'Ardignac, ainsi que du capitaine Cotte, chargé de la délimitation de la frontière du SudCameroun. Les commissaires allemands partent par le même paquebot et suivront le même itinéraire que la mission française arrivée à Matadi, passage à Brazzaville, montée du Congo et de la Sangha. Scission à Ouesso. Une partie de la mission relèvera le parallèle de Campo, frontière du SudCameroun. Le commandant Moll se dirigera ensuite vers le confélac Tchad, ainsi qu'il a été convenu dans la récente français et M. Dankelrence tenue à Paris entre les délégués mann, plénipotentiaireallemand. La mission doit relever plus de 2000 kilomètres de frontières, et mettre un terme aux difficultés survenuesrécemment entre les concessionnaires allemands et français.


L'État indépendant du Congo au Début du

XXe

siècle,

Les récentes attaques dont les deux Congos ont été l'objet ont mis à l'ordre du jour l'étude de l'organisation économique de cs régions. Déjà, nous avons consacré une de ces Chroniques au Congo françaisl. Au moment où le rapport de la Commismarz d'Enquête vient d'être terminé, nous ~ensons devoir en consacrer une autre à l'État Indépendant du Congo.

IL y a environ un quart de siècle, la région qui est aujourd'hui l'État Indépendantdu Congo n'était sur la carte d'Afrique qu'une large tache blanche. Des

étaient inconnus, une côte mortelle qu'on appelait le {( Tombeau des Blancs », tel était le pays. De féroces

anthropophages au plus bas'de l'échelle humaine, des

RÉUNION DES CHEFS INDIGi:NES RECONNUS PAR L'ÉTAT DU CONGO

D'après une photographie

terres mystérieuses et hostiles, des fleuves où toute navigation était impossible et dont les sources et le cours 1.

Voir r A Traaers le Monde,

A TRAVERS LE MONDE.

i go5,

49" uv.

page

12

1.

populations décimées par la misère et la traite arabe, tels étaient les habitants. Dans cet enfer de la plus noire Afrique, aucun Européen n'avait encore pénétré. Naturellement, le commerce était égal à zéro dans ce N~

49.

9 Décembre

905.


royaume qui ne connaissait que la Terreur et la Mort. Aujourd'hui, ce pays est fun des mieux organisés et des plus riches de l'Afrique. Les cartes de l'Etat Indépendant sont presque aussi complètes que celles d'un pays européen. Les fleuves ont été reconnus, et des steamers en suivent le cours; des routes et des voies ferrées sont construites, chaque année plus nombreuses, et le voyageur fait commodément en trois mois le voyage que Stanley ne termina qu'en trois ans, au milieu des plus grands dangers. La traite et Je cannibalisme disparaissent graduellement, et les indigènes s'élèvent peu à peu moralement et physiquement. L'Administration a prise sur tout le pays. Le commerce général dépasse 92 millions de francs. Ce simple parallèle montre quelle est foeuvre des Belges au Congo. Et pourtant, cette entreprise, si florissante aujourd'hui, n'inspira au début que de la méfiance. -Lorsque le roi des Belges en eut l'idée, presque personne ne comprit la grandeur de ses conceptions. Mais il ne s'arrêta pas aux craintes des esprits timorés. Il commença courageusement la réalisation de l'œuvre économique et philanthropique qu'il avait rêvée, et il la réalisa. Ainsi, ce qu'on avait appelé un « sport royal », eut pour résultat la création d'un empire. 1 du Congo est antérieure à La fondation de l'Etat l'année 1884. ainsi que le prouvent la reconnaissance de son existence par les États-Unis le 22 avril 1884. par la France quelques jours plus tard, et par l'Allemagne le 8 novembre de cette même année. La Conférence de Berlin ne fit ainsi que reconnaître le fait accompli. La Conférence fixa la situation juridique des terres du bassin du Congo. Son oeuvre fut, au point de vue économique, l'établissement de la liberté du commerce et de la navigation dans le bassin conventionnel au point de vue politique, la déclaration de neutralité des territoires congolais et la fixation des modes de prise de possession des côtes africaines enfin, au point de vue humanitaire, une résolution L'État du Congo est pour la lutte contre l'esclavage. donc un état indépendant, neutre, et soumis au même colonies de divers titre que les territoires voisins États aux règlements de la Conférence de Berlin. L'importance économique de cet État augmente de jour en jour. Actuellement, le caoutchouc et l'ivoire sont toujours de beaucoup ses principaux articles d'exportation, le premierfigurant au commerce spécial pour plus des quatre cinquièmes des exportations (43 millions de francs), et le second pour près de 4 millions de francs. Les produits qui viennent ensuite sont encore des produits de cueillette copal blanc, noix palmistes et huile de palme. Mais on sent dès maintenant que la vie économique du pays n'est pas livrée au hasard de la récolte des produits spontanés de la forêt. D'une part, l'exploitation du caoutchouc est sagement réglementée afin de ne pointtarir cette source de richesses, le Gouvernement ,( tient la main à ce que les exploitants ne se livrent pas à une récolte trop intensive »1 et oblige à replanter un nombre de lianes proportionfait, le chiffre des exportations de caoutchouc a été en diminution en 1904 d'un millier de tonnes, sur le quantité de l'année précédente. 1. De ce

nel à la quantité de gomme recueillie. D'autre part, on voit apparaître à l'exportation des produits de culture l'État cacao, café et riz, qui témoignent des efforts de

pour enseigner aux indigènes fart de l'agriculture. A

côté de ces premières exploitations agricoles, se développe l'élevage, dirigé par les agents de 70 postes spéciaux les essais touchent surtout la race bovine mais on compte aussi quelques chevaux et ânes, et on connaît les tentatives faites pour la domestication des éléphants dont la chasse a été sévèrementréglementée et des zèbres. Les produits des mines et les bois précieux ne font encore qu'une timide apparition mais, quand les moyens de transport seront plus nombreux, ils pourront prendre toute l'importance qui leur revient

légitimement.

Cependant, l'outillage économique se complète et se perfectionne rapidement. Ici même, récemment, une étude sur le Congo français était illustrée de photographies représentant {( ce que les chemins de fer et ce que les steamers remplaceront » notre colonie en est encore, en effet, à l'âge des porteurs et des pirogues. Au contraire, de l'autre côté du fleuve, nous pouvons prendre des vues du chemin de fer et des sternwheels qui assurent depuis un certain temps déjà des transports aisés ef suf~sainrüent rapides. Le célèbre chemin de fer des Cataractes, qui contourne les rapides en aval du Stanley Pool, et qui aboutit à Léopoldville, ainsi que la ligne du Mayumbo, sont en exploitation depuis plusieurs années. De Matadi à Léopoldville, on a compté pendant l'exercice 1903-04 près de 9 ooo voyageurs et de 17 000 tonnes de marchandises, contre plus de 10000 voyageurs et de 8 000 tonnes de marchandises à la descente. Le chemin de fer de Stanleyville à Ponthierville est presque achevé, et l'on étudie les chemins de fer des Grands Lacs, de Redjaf à Dufilé, et du Katanga, ainsi que les routes pour automobiles de l'Ouellé et du Kouango. Plusieurs routes pour chariots sont terminées. Mais la voie fluviale est de beaucoup la plus importante. Le fleuve est à peu près dragué, balisé, aménagé; Léopoldville devient un port outillé à l'européenne. L'État a installé un service public régulier de transports vers le Haut-Congo. La flottille de l'État comprend plus de 3o steamers de 5 à 500 tonnes, et les vapeurs appartenant à des particuliers sont au nombre de 40, jaugeant de 1 à 70 tonnes. Ces derniers naviguent surtout sur les grands affluents qui forment avec le fleuve un excellent réseau navigable. Le télégraphe et le téléphone relient les principaux centres de la côte à Coquilhatville les lignes atteignent près de i 200 kilomètres. Le service des postes est sérieusement organisé dans tout l'État, grâce à 25 bureaux, sous-perceptions et dépôts de

timbres.

Après avoir ainsi passé en revue foutillage économique de l'État Indépendant, on ne saurait oublier son régime foncier qui est un des facteurs de la prospérité du pays. Les terres sur lesquelles les indigènes ou les blancs (ces derniers sur les bords du fleuve), pouvaient avoir des droits, leur ont été réservées, et des titres de propriété leur ont été remis. La propriété foncière est soumise à une réglementation qui s'ins-


pire de très près de l' « Act Torrens Les terres ». maître et le domaine public constituent le domainesans de l'État, qui cédé a une partie des premières à des Sociétés concessionnaires, et qui exploite directement le reste. Grâce à ce système foncier, l'État Indépendant a su « donner à la propriété un caractère stable et des garanties suffisantes pour que les capitaux puissent s'y porter avec confiance ». Au point de vue administratif, l'État est divisé districts, et les postes et stations, tous commanen dés par des blancs, y sont au nombre de le per223 sonnel de race blanche comprend environ 1 400 agents appartenant à 20 nationalités différentes, les plus nombreux après les Belges étant les Italiens, les Scandinaves et les Suisses. Dans l'administration des tribus, les chefs ont parfois conservé leur ancienne autorité, avec l'agrément de l'État et sous le contrôle de ses agents; ce fut même l'une des idées fécondes des organisateurs du Congo, que l'institution des « chefferies indigènes qui »,

1

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f-:1;r~

de certaines

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bus une 'sorte de petit pro-

pendant est-il, comme on l'a dit souvent, ({ une coloniemodèle »? Les critiques impartiaux sont d'accord pour se ranger de préférence à cette opinion. Cependant,

quelques coloniaux anglais peu nombreux, mais fort bruyants ont déclaré la guerre à l'État neutre du Congo. Cette campagne anticongolaise ne date pas d'hier. Si nous nous reportons à vingt ans en arrière, nous voyons que l'œuvre du roi des Belges ne fut pas tout d'abord comprise et appréciée. L'abandon du Congo fut la grande erreur coloniale de l'Angleterre. Quand, plus tard, les coloniaux anglais virent la richesse de l'État Indépendant, ils eurent d'amers regrets, et ils prétendirent prendre leur part de la moisson du champ qu'ils avaient jadis refusé d'ensemencer. Ce Congo, de plus, venait barrer la route au chemin de fer projeté du Cap au Caire. Double raison d'une hostilité qui commença dans l'Afrique du sud, parmi les disciples de Cecil Rhodes, et que la découverte des richesses minérales du Katanga vint encore augmenter. Ces premiers congophobes eurent

bientôt

tectorat il n'y a nul change-

imitateurs à

Liverpool, où des traitants anglo-africains

ment apparent dans la direction de la tribu, et l'État a

ne parvenaient pas à oublier

l'avantage de placerun inter-

que l'organisation rationnelle de l'État Libre

médiaire res-

ponsable entre les indigènes et lui. 1

avaitruinéleur

.4:est

`

de la justice

maintenant

des

LE CHEMIN DE FER DU MAYUMBO.

commerce de caoutchouc en

supprimant le système de la

« rafle », et la étendue à tout D'après une photographie. vente de leurs le territoire. et a., eaux-ae-vie en les tribunaux composés de magistrats de carrière interdisant dans un but philanthropique l'importation remplacent de plus en plus les conseils de dans des alcools de traite. Ces commerçantsdéçus mirent les l'intérieur de l'État. Boma a un tribunal guerre, de première premiers fonds pour la création d'une association desinstance et un tribunal d'appel. La force publique est tinée à combattre l'État Indépendant du Congo, et à également en progrès, et maintenant, rétablir dans cette région les affaires des traitants évinaucun détachement en armes n'opère autrement que sous la direction cés. Ce fut la Congo Reform Association Les mis». d'un officier européen. sionnaires Baptistes qui auraient voulu se réserver le L'indigène se trouve en somme protégé fructueux monopole de l'évangélisation du Centrepar l'État dans sa personne et dans ses biens. Mais, comme Africain, se joignirent aux premiers congophobes, et tout sujet d'un État. il est naturel qu'il soit astreint à on commença une campagne très violente dans la contribuer pour sa part aux dépenses publiques. Telle presse et à la tribune, par les journaux, les brochures, est la raison de l'impôt indigène. Cet impôt a aussi les livres et les conférences. but d'habituer pour une race qui n'a jamais fait oeuvre Le plan of campaign » adopté consista tout de ses mains, au travail nécessaire pour simplement à répéter, amplifier, commenter un acte son relèvement matériel et moral, c'est pourquoi il est d'accusation dans le goût suivant "Les Belges ont perçu sous forme de prestations mais, pour faire comprendre à manqué à leurs engagements, car ils n'ont aucun souci l'indigène l'utilité du travail, on lui donne du bien-être et même de la vie des indigènes; ils ne une rémunération proportionnelle au travail effectué. combattent pas le cannibalisme et l'esclavage, mais L'Etat prépare ainsi les lendemains prospères du ils ont rétabli la traite à leur profit, et ils contraignent Congo en gagnant les noirs au travail et à la civilisales noirs àleur ramasser du caoutchouc, en les soumetlion. Il a su concilier ses devoirs avec tant à des mauvais traitements et à des tortures. ses intérêts, il a faire su œuvre économique et philanthropique à la fois. En outre, ils méprisent les clauses de l'Acte de Berlin, N'est-il pas d'ombre à ce tableau, et l'État Indéen acccordant des concessions, et ils suppriment entiè

e.


rement la liberté du commerce et de l'évangélisation, qu'ils ont juré de respecter. C'est pourquoi nous demandons que l'Etat du Congo comparaisse devan~ les puissances signataires de l'Acte de Berlin, qui verront s'il y a lieu de lui permettre de vivre, et dans quelles conditions ». Nous savons le but que se proposent les congo-

phobes lorsqu'ils parlent ainsi leur origine nous l'apprend. Mais la question qui se pose maintenant consiste à demander si leurs accusationssont fondées. Les documents et les témoignages montrent qu'elles faire croire. ne le sont pas autant qu'ils veulent le Au point de vue du droit international, les plus en grands jurisconsultes de toutes les nations France, M. Barboux ont déclaré que le Congo est indépendant du contrôle des puissances signataires de l'Acte de Berlin, et que son organisation foncière est parfaitement légale; la question est donc réglée de ce côté, et il n'y a plus à y revenir. Au point de vue humanitaire, il a pu se produire, il s'est certainement produit çà et là des excès isolés dans l'Etat Indépendant du Congo mais il y en a bien d'autres dans les colonies africaines, à commencer par les colonies britanniques. De plus, ces excès ont été sévèrement punis. rares, et leurs auteurs ont été Or, ces manifestations d'individualités morbides, les congophobes veulent en faire la caractéristique du système congolais. On ne saurait admettre une généralisation semblable, ridicule et injuste, surtout quand accusatl0ns appor~toto nno que presque toutes les accusations on constate compris celles du fameux Rapport tées à l'appui sont reconnues fausses les unes après Casement » les autres. C'est d'ailleurs la manière de voir des Gouvernements européens, puisque la note au sujet des réformes du Congo, que les congophobes réussirent à faire envoyer par le Foreign Office aux puissances, ne de la Turquie. reçut de réponse favorable C'est aussi l'opinion du président Roosevelt, qui éconduisit un envoyé de la Congo Reform Association. Mais, fait caractéristique, un seul souverain insista sur cette question des {( atrocités » ce fut celui du Congo, le roi Léopold. Il ne voulut pas que des doutes pussent subsister sur ce qui se passait dans dignement proson empire africain, et, après avoir testé contre la prétention de ses adversaires de faire intervenir les puissances étrangères dans les affaires congolaises, le Roi-Souverain envoya lui-même une Commission d'enquête au Congo, avec charge de tout voir et de tout lui rapporter. Cette Commission est composée de magistrats bien connus, de trois nationalités différentes, d'une égale intégrité, et d'une même indépendance MM. Jansle docteur sens (Belge), le baron Nisco (Italien) et E. de Schuhmacher (Suisse). Revenus depuis quelque temps, les commissaires rédigent actuellement leur rapport, dans le plus grand secret, le Roi lui-même en ignorant le contenu jusqu'au jour où il sera terminé. Mais on a déjà affirmé que, s'il y a lieu à des châtiments ou à des réformes, tout sera fait" d'après l'avis de la Commission d'Enquête. Il faut convenir que ce n'est pas là l'attitude des chefs d'un « régime basé sur la tyrannie et les atrocités » Tel est le Congo au début du xxe siècle. J'ai essayé de montrer l'œuvre accomplie, et les haines

tnitpq

-y

que.

suscitées, et je crois l'avoir fait en toute impartialité. anticonLa fin, sans doute prochaine, de la campagne golaise, appartient à l'avenir; mais on peut prévoir confusion de ceux que tout ce bruit se terminera à la qui l'ont fait. Aussi bien, si les congophobes n'ont pas l'oreille de l'Europe, ils n'ont pas davantage celle de leurs compatriotes, et leur campagne n'est guère qu'une « chimère bourdonnant dans le vide ». En Belgique, du moins, les attaques contre le Congo ont eu un résultat positif elles ont fait comprendre aux Belges la valeur de leur annexe africaine, déterminés et presque tous, maintenant, sont de défenseurs d'une œuvre dont certains d'entre eux furent lents à comprendre la portée. Nous autres Français, nous ne devons point nous désintéresser du sort du Congo Libre nous ne poujuste vons avoir que de la sympathie pour une cause d'abord, et pour des amis tels que les Belges, ensuite. Mais, surtout, nous devons comprendre que ceux qui attaquent l'État Indépendantattaquent aussi la France Africaine nous venons au reste de voir les congophobes à l'ceuvre contre le Congo Français. C'est bien ici le cas de répéter le mot d'Onésime Reclus, que ce serait une {( lâcheté coloniale d'abandonner le Congo Libre à ses détracteurs. Cette {( lâcheté coloniale » elle est nous ne la commettrons certes pas, car contraire à notre devoir autant-qu'à nos intérêts; or si, en France, nous ne comprenons pas toujours très bien nos intérêts, nous ne nous trompons jamais sur notre devoir. Y M GOBLET.

françaises d'accès au Simplon. Nouvelles difficultés.

Les Voies

VOICI que de nouvelles difficultés surgissent dans

l'affaire suffisamment compliquée déjà des voies françaises d'accès au Simplon. Il avait été question, on s'en souvient, d'une subvention de vingt millions que le Gouvernement suisse aurait été disposé à concéder à la Compagnie du P.-L.-M. pour le percement de la Faucille. Or, aucune ouverture n'a jusqu'à présent été faite au Conseil fédéral, et voici pourquoi Si le Gouvernement français s'adresse au Gouvernement suisse, celui-ci demandera qu'il soit avant tout donné suite à la convention de 1902 signée entre la Compagnie P.-L.-M. et celle des Chemins de fer fédéraux, pour la construction de la ligne Frasne-Vallorbe, convention ratifiée par les Chambres fédérales, et dont la ratification par le Gouvernement français

est attendue. Il répondra aussi qu'aucun texte de loi ne permet à la Confédération de subventionner la construction d'une voie ferrée par une Compagnie privée étrangère, sur le territoire suisse. Voilà qui ne promet pas de simplifier la question


Chine, où elle est surtout employée pour les cérémonies funéraires. Son prix, très élevé, atteint trente et même quatre-vingt-dix fois celui du « camphre du

L'Industrie du Camphre au Japon. Le cam~bre est, avec la soie, le cbarbon, le tbé, le cuivre et le ri~, l'un des six princi~aux ~roduits bruts qu'exporte le Japon. Il est intéressant de se rendre compte de l'importance de cette iv~dustrie.

L

se fait, dans le monde entier, mais surtout en Europe et en Amérique, une consommation considérable de camphre, soit, annuellement, environ

4500000 kilogrammes. Une partie de ce camphre est employée en médecine. Au Japon, on en utilise une certaine proportion pour les travaux de laquage; en Chine, on le brûle pour l'éclairage, ou dans les cérémonies funéraires. Mais le principal emploi du

camphre se fait dans l'industrie du celluloïd, parce qu'il sert de base à ce produit et à ses principaux dérivés, et que cette industrie a pris des développements considérables pendant ces dernières années. Or, le camphre s'ex-

trait principalement du

laurier camphrier (Cinnamomum

campbora

Nees.),

arbre de moyennegrandeur, de la famille des lauréacées, dont l'aire d'habitat est relativement restreinte. En effet. le camphrier ne végète

Japon ». De même, en Birmanie et dans la péninsule malaise pousse un arbuste, le Blumea ba.lsamifera,

duquel on retire, par distillation, une qualité de camphre qui est raffinée d'ordinaire à Canton d'où l'on en exporte de 4 000 à 5 000 kilogrammes environ tous les ans vers l'Europe. Tant que les emplois du camphre furent restreints, sa production et son prix restèrent minimes. Anciennement, en effet, les Japonais utilisaient simplement l'essence qui suinte du camphrier comme huile à brûler, bien qu'elle produise beaucoup de fumée. Cependant le Gouvernementchinoismonopolisa, dès le XVIIe siècle, l'industrie du camphre à Formose. Le produit brut s'expédiait alors en Europe, où les Vénitiens et les Hollandais le raffinaient. En 1868, le monopole fut aboli, et, depuis lors, la production du camphre progressa sans cesse dans l'île, bien que les procédés d'extraction employés fussent des plus primitifs.

Pour distiller les feuilles, les racines et le bois du camphrier, l'arbre était débité en menus mor-

ceaux placés au-dessus

d'une espèce d'auge dans laquelle on faisait bouillir de l'eau. En passant sur ces débris, la

vapeur

se

chargeait de l'essence, et était recueillie dans des

sortes de marmites où le camphre se déposait sous L'AIRE D'HABITAT DU CAMPHRE EN EXTRÊME-ORIENT. forme de cristaux. Avec cette façon de faire, il fallait spontandynent, c'est-à-dire à l'état sauvage, que dans d'énormes quantités de bois pour obtenir quelques les régions de l'Asie orientale qui forment le littoral kilogrammes de camphre. Aussi, tant que dura le de la mer de Chine, depuis l'Indo-Chine jusqu'à l'emrégime de libre fabrication, la destruction imprébouchure du Yang-tsé-kiang, y compris les îles voivoyante des forêts de camphriers ne connut pour sines du continent. 11 est d'ailleurs particulièrement ainsi dire pas de limites à Formose. abondant sur les coteaux et sur les montagnes forAu Japon, le camphre est exploité dans les deux mant les vallées des fleuves. grandes îles méridionales de Kiou-siou et de Sikok, et En dehors de ces limites, où il pousse natureldans les provinces de l'île principale de Nippon, le~rzent et sans soins, le camphrier est cultivé à Madasituées au sud du 34e parallèle. Cette production s'élève annuellement à environ 700 00o kilogrammes. gascar et à Buenos Aires; il réussit en tgypte, aux îles Canaries, dans le sud-est de la France, ainsi qu'en Lorsqu'après la guerre sino-japonaise le Japon, Californie où les étés sont chauds et secs. On en trouve en vertu du traité de Simonosaki (1895) prit possesmême des spécimens remarquables à Tokio, et dans la sion de l'île de Formose, le pays du monde où abondent Caroline du Sud (États-Unis), malgré les froids le plus les camphriers, l'administration du mikado intenses qu'ont à supporter ces pays pendant l'hiver. comprit tout de suite le parti financier qu'elle pouvait Mais, au point de vue industriel, les seuls pays tirer de l'exploitation méthodique des forêts de l'île. producteurs de camphre sont le Japon (et surtout sa Elle commença par édicter des mesures protectrices, et possession, l'île de Formose), la Chine, Java, Sumaréduisit de 4000 à 40 le nombre des personnes auto(Étatstra, et, dans une certaine mesure, la Floride risées à produire le camphre. Puis, le 1 or juillet 1899, Unis). Encore importe-t-il de signaler que le camphre elle fit du commerce du camphre un monopole du de la Malaisie n'est pas extrait du Cinnamomum camGouvernement japonais. phora, mais du Dryobalanops aromatica. Cette qualité, Les résultats de ce nouveau régime ne se sont extrêmement rare, est presque en totalité expédiée en pas fait attendre. Du temps des Chinois, l'île de For-


kilogrammes de mose fournissait environ go 000 camphre par an; aujourd'hui, la productionannuelle atteint 2 5°0 000 kilogrammes. Comme, d'autre part, les îles nipponnes produisent 700000 kilogrammes, c'est un contingent de de camphre, que le Japon four3 200000 kilogrammes nit à l'industrie, pour une consommation totale de 4530000 kilogrammes. Le succes du monopole du camphre à Formose l'a fait établir au Japon même en i go2, de sorte que le Gouvernementjaponais est devenu le principal fournisseur de camphre de l'univers, et le maître du marché. prix de 11 en a profité pour augmenter peu à peu le

vente.

Voici quelques chiffres qui donneront une idée de cette augmentation en 1876, la livre de camphre valait, sur le marché même de Kobé, de 65 à 70 centimes, et à Londres, en gros, un peu plus de 8o centimes. En i88o, ces prix s'étaient déjà élevés à 1 fr. 5 à Kobé, avec une élévation proportionnelle à Londres. En 1898, le prix de la livre de camphre s'élevait à York, devenu l'un des 2 francs sur le marché de New plus importants, les États-Unis d'Amérique consommant, à eux seuls, i million de kilogrammes de camphre chaque année. En 19°1, après l'établissement du monopole japonais à Formose, ce prix atteignit 3 francs à New York. Avant la guerre russo-japonaise de 19°4-05. le camphre brut du Japon', que l'on raffine en France, coûtait, en gros, 2 fr. 75 la livre. Dès avant la guerre, une hausse considérable se produisit sur ce prix qui s'éleva, en 1904, de 6 fr. 50 à francs la livre. Cette hausse subite n'était pas due à une diminution de production du camphre occasionnée par la guerre, mais à ce fait que, le camphre entrant dans la composition des poudres japonaises, le Gouvernementen a restreint la vente proportionnellement à ses besoins de munitions de guerre. Aux cours actuels, les bénéficesdu Gouvernement japonais sur la vente du camphre sont importants sa production de 3 zoo 00o kilogrammes de camphre lui rapporte, au minimum, 20 millions de francs. Ce haut prix d'une matière indispensable à un grand nombre d'industries, notamment à celle du ceàluloïd, a suscité maintes tentatives chimiques tendant à produire un camphre artificiel possédant des propriétés absolument identiques à celles du camphre

o

naturel. C'est même un journal japonais, l'Osaka Mainicbi, qui, en 19°2, lança cette nouvelle sensationnelle, que les chimistes d'une grande Société allemande avaient découvert la préparation du camphre artificiel, au maiscn moyen de l'essence de térébenthine. Cette avait même. d'après ce journal, entamé des pourparlers avec le Gouvernementde Formose, pour l'achat de son brevet.

Depuis, en igo3, une usine a été installée à PortChester, près de New York, pour la fabrication d'un camphre artificiel vendu à un prix moitié moindre que le camphre japonais. En dépit de ces tentatives, le prix du camphre n'a pas cessé de s'élever, et cette substance continue à constituer un des produits d'exportation les plus importants de l'Empire japonais.

LesVariations actuelles du GulfStream sont-elles normales? Sur le rapport du capitaine d'un navire allemand,

importante qu'aurait on s'est j5réoccupé d'une déviation éps~ouvée le Gulf-Stream dans la direction de l'ouest.

RIEN n'est immuable, dans la nature. Tout varie l'intensité et la direction du magnétisme terrestre, la route des vents et des cyclones, la marche des glaciers, le lit des cours d'eau. En fait, les courants marins sont aussi sensibles aux modifications du milieu où ils se déplacent, que les courants atmosphériques et le magnétismeterrestre. Tel est, notamment, le cas du Gulf Streana.

Tout d'abord, ce prétendu {( courant du Golfe » dans le golfe du ne prend pas naissance, en réalité, Mexique. Il n'est que le remous du grand courant équatorial qui, après avoir traversé l'Atlantique, entre les deux tropiques, d'Orient en Occident, pénètre dans la jusqu'à ce mer des Antilles, et en contourne les côtes qu'il rencontre une issue pour s'échapper. Ce remous est donc, en premier lieu, dans une étroite dépendance vis-à-vis du grand courant équatorial, et il doit refléter toutes les variations de ce dernier. Devenu :c courant du Golfe », il est soumis modifications du aux variations que lui imposent les littoral et du fond marin qui lui sert de lit, ainsi qu'à celles de l'issue par laquelle il s'échappe, c'est-à-direle détroit de Floride ou canal de Bahama. Or, ces rivages et ces fonds ont subi de tout temps et subissent encore des transformations inces-

santes, du fait des phénomènes géologiques, des commotions volcaniques, du travail des coraux et de l'influence du Gulf-Stream lui-même. lâ mer des On admet qu'aux temps précrétacés Antilles était un golfe de l'océan Pacifique. Du moins, communiquait-elle avec cet océan par de larges pasdépôts crétasages dont on retrouve la trace dans les cés et tertiaires des isthmes du Darien, de Panama et de Nicaragua. En conséquence, l'Amérique centrale et le nord de l'Amérique méridionale étaient une série de grandes îles, séparées par des canaux allant du Pacifique à la mer des Antilles. Cette dernière ne communiquait, au contraire, quelques avec l'Atlantique, que par un étroit passage de kilomètres de largeur, entre la Martinique et SainteLucie un autre, un peu plus large et légèrement plus profond, entre la Martinique et la Dominique un autre, entre Sombrero et les îles Vierges, et. enfin le canal comparativement étroit entre Haïti et la Jamaïque. Cette double conclusion a été mise hors de doute exécutés par la comparaison des résultats des dragages Antilles et du par M. Agassiz. La faune de la mer des golfe du Mexique présente encore, à l'heu.re actuelle, de plus grandes analogies avec celle du Pacifique, qu'avec celle de l'Atlantique. Quelle était alors l'allure du grand courant équa-


torial, ou plutôt de sa déviation produite par les alizés du nord-est? Deux grandes îles occupaient la place actuelle des petites Antilles. D'après Agassiz, le courant qui les rencontrait devait contourner le nord des îles Vierges, Porto Rico, Haïti, et pénétrer dans le bassin occidental de la mer des Antilles par le canal entre

Haïti et Cuba.

Mais la masse entière du

courant équatorial ne

pouvait évidemment pénétrer par cet étroit passage. Repoussé par la grande île qui tenait la place des Bahama, elle devait, soit remonter vers le nord (comme le fait actuellement le Gulf-Stream à sa sortie du détroit de Floride), soit contourner, par le nord, cette grande île des Lucayes, et, passant où se trouve aujourd'hui la Floride (qui n'existait pas alors), traverser le golfe du

Mexique, pour aller se jeter dans l'océan Pacifique pardessus l'isthme encore immergé de Tehuantepec. Quoi qu'il en soit, à cette époque le Gulf-Stream était loin de jouer dans l'Atlantique le rôle important qu'il possède aujourd'hui. Si lesgrands soulèvements géologiques paraissent avoir dit leur dernier mot dans ces régions, il n'en est pas de même des phénomènes volcaniques. Ainsi, à la suite des éruptions qui se sont produites en 1902, on a constaté que le relief sous-marin s'était modifié considérablement dans la mer des Antilles et dans le golfe du Mexique. Dans ce dernier golfe, sur des points où la mer avait autrefois une profondeur de 800 mètres, on signalé la production de nombreux hauts-fonds. Au a sud-est de Galveston, où la mer avait 600 mètres de profondeur, la sonde n'a plus donné que 20 mètres. L'influence qu'a dû avoir ce relèvement énorme des fonds marins sur le régime du Gulf-Stream ne peut être contestée. Il a dû en résulter à la fois une diminution de sa masse, un ralentissement de sa vitesse, et, par une conséquence toute naturelle, sa puissance thermique s'est trouvée à la fois amoindrie et transportée moins loin dans la direction de l'Europe. Il résulte, en effet, des observations publiées par le Meteorological Office, que, pendant l'année 1902, alors que la température restait de plusieurs degrés supérieure à la moyenne autour de Terre-Neuve, du Labrador et de l'Islande, ce qui indiquait un relèvement de la température du pôle, au contraire, le long du parcours ordinaire du G:.Ilf-Stream, la température descendait très sensible7saent au-dessous de la moyenne. Ce contraste entre le réchauffement des régions boréales et le refroidissement du Gulf-Stream est extrêmement frappant, et démontre bien que la cause de ce refroidissement doit être cherchée non dans les courants du nord ou dans le régime des vents, qui auraient affecté tout l'Atlantique septentrional de la même façon, mais bien au point de départ du GulfStream, c'est-à-dire aux Antilles. Il se peut que le phénomène n'ait été que temporaire, et que comme il arrive d'ordinairedans les actions volcaniques, après une période d'intumescence, le fond du lit du Gulf-Stream se soit de nouveau abaissé. Mais il existe une autre cause de variations beaucoup plus persistante. Ces mêmes parages sont occupés par des coraux, dont le travail incessant tend à réunir en une masse compacte les divers hauts-fonds, les cayes, qui sont la

continuation sous-marine de la ligne courbe des Antilles. Du banc de la Floride au banc de Yucatan, se forment des récifs coralliaires. C'est ainsi s'est que constitué le grand récif de la Floride et la Floride ellemême. Telle est également l'origine de l'archipel des îles Bahama, destiné à devenir le plus grand des Antilles. En somme, les coraux travaillent à modifier le relief sous-marin justement sur le parcours du (( courant du Golfe ». Le Gulf-Stream travaille lui-même à transformer son lit. « Lorsqu'il est retardé, à sa sortie du golfe du Mexique, par les tempêtes qui soufflent du nord-est dit Élisée Reclus, tout d'abord il déverse dans l'Océan une masse liquide beaucoup moindre; mais de plus il se gonfle, s'épanche sur les terres basses qui le bordent, ravage de vastes espaces, et fait disparaître des îles entières. Se comportant comme les rivières continentales, il érode d'un côté, tandis que de l'autre il dépose des alluvions. » On voit à quelles variations le Gulf-Stream peut être sujet jusqu'au moment de sa sortie du détroit de Floride. Au delà de ce passage, les vicissitudes auxquelles il est soumis ne sont pas moindres. 11 roule d'abord droit au nord, et sa direction reste parallèle à la côte d'Amérique, ou ne s'en éloigne que fort peu jusqu'à la hauteur du cap Hatteras, pointe orientale de la Caroline du nord. Ses eaux chaudes, d'un bleu indigo, ne se mêlent pas aux eaux froides et vertes de l'Atlantique, qui lui servent de lit et de rives. Mais, au voisinage du cap Hatteras, il rencontre le courant polaire arctique. Arrêté dans marche sa vers le nord, il s'infléchit vers l'est, côtoie les bancs de Terre-Neuve, et va réchauffer les côtes occidentales de l'ancien continent depuis le Maroc jusqu'au Spitzberg et à la Nouvelle-Zemble. Sa marche se trouve donc encore influencée par celle du courant polaire arctique, par les variations qu'éprouvent les bancs de TerreNeuve, comme l'a démontré M. Thoulet, et enfin par les vents. La persistance des vents du nord-est produit une déviation sensible du Gulf-Stream vers l'ouest. C'est ainsi qu'au mois d'octobre 1904 de nombreux voiliers américains, ne pouvant dépasser la vitesse de 6 kilom. et demi à l'heure, qui est celle du Gulf-Stream au cap Hatteras, furent bloqués sur ce point pendant des mois, parce que le Courant, rapproché de la terre ferme par les vents, leur barrait le passage. Le même fait a pu produire année-ci, cette se et provoquer l'observation du capitaine allemand dont le rapport a ému l'opinion publique. En résumé, le Gulf-Stream est sujet à des variations incessantes suivant les années, et même suivant les saisons; mais elles se maintiennententre des limites qui n'ont absolument rien d'inquiétant.

H. Speyer, avocat

à la Cour d'appel, docteur en droit de l'Université de Bruxelles. La Corrstiturion juridique de l'Empire colonial briravrrrique. Paris, A. Rousseau, libraireéditeur, 14, rue Soufflot.


PUBLIC OPINION New York.

Les Philippins à la Parade. grand plaisir que celui de LES Philippins n'ont pas de plusles prétextes, dans les rues

défiler en parade, sous tous poudreuses, nu-tête au grand soleil des ou le long des routes saintes tropiques, peu importe! Le cierge au poing, defemmes, images à la tête de leur pieux cortège, hommes, qu'on porte enfants en bas âge, marmots qu'on traîne ou dédiés au dans les bras, ils vont à l'église ou au pèlerinage saint dont ils célèbrent la fête. del'archipel C'est naturellemmentdanslesgrandes villes déploie dans sa plus grande magnificence. que ce spectacle se avec le même Chaque année, il est vrai, ces fêtes reviennent immuable.Elles datent des programme, et selon une tradition s'est introduit aux Phipremiers jours où le christianisme après que tous les lippines, et dureront bien longtempsbébés à la mamelle, acteurs et spectateurs, y compris les sont d'autant plus seront retournés en poussière. Mais elles quelle mesure et sous intéressantes qu'elles montrent dans compris et pratiqué par quel angle le christianisme peut être religion. Ce que le seul peuple oriental qui ait adopté notre dans cette religion, les nouveaux sujets des Etats-Unis ont vu le côté c'est assurément moins la morale et « l'esprit » que purement décoratif et merveilleux. à Manille, L'éditeur d'un journal américain paraissant donne d'intéressants M. Arthur Stanley Ridge; qui nous d'en observer détails sur ces fêtes indigènes, a eu l'occasiond'enfants qui a plusieurs, par exemple la grande procession "t.J -2~ lieu le Vendredi-Saint. de âgés ces les plus Cette procession est double de cathédrale la enfants se rassemblent sur le parvis de se dirige dans Santo Domingo, à Manille; puis leur cortège l'intérieur des fortifiles rues étroites de la vieille ville, àl'enceinte, pour revenir cations, jusqu'à l'autre extrémité de cortège, son point de départ. L'autre quartier par le même chemin à petits enfants, traverse le comprenant les plus petits Jaunes chinois de Bissondo, où il recueille tous les convertis au christianisme, puis parcourt les quartiers subur bébés bains de San Nicolas, Tondo, Trozo, etc., àoù les à la philippins habitant le quartier se joignent mesure petits procession. Arrivés à Santa Cruz et à Tanduaz, les point de manifestants s'en reviennent également à leur les deux d'âges, départ. Mais, en dehors de la différenceidentique. Contencortèges offrent un caractère sensiblement tons-nous de décrire le premier. parvis de Santo Tout de suite après midi, le grand foule bigarrée Domingo commence à se remplir d'une la pluhommes, femmes, enfants, ces derniers portant pour sur les marches part de longs cierges en suif, se rassemblent édifices de la de la cathédrale, qui est un des plus anciens dans une ville. Bientôt, on les compte par milliers, tous entre pour peu de joyeuse attente, où la dévotion elle-même il si douce, qu'il chose. Mais ces bons Philippins sont d'humeur craindre; à seun'y a ni querelles ni plaisanteries malséantes des fumée la lement un murmure de conversations amicales, de toutes cigarettes s'élevant en bleus tourbillons au-dessus Philippines absolules têtes, femmes et enfants fumant aux ment comme les hommes. Cependant, la vaste église se remplit à son tour. Au ordinaire, règne lieu du demi-jour solennel qui, en temps s'épaissit encore dans les bas sous les voûtes de la nef, et aujourd'hui tout illuminé et côtés, l'immense vaisseau est on brasillant de milliers et de milliers de points lumineux vive flamme leur où l'on a pu, et a mis des cierges partout gemmes fait flamboyer les ors des lampes et des crucifix, lesbarialées, images de l'ostensoir, les bannières éclatantes, les agenouillé peuple sur les Nous avons le spectacle de tout un dalles, tandis que des prêtres au regard pénétrant vont et viennent au milieu des fidèles. enchanTout à coup, la cathédrale se vide comme par grandes tement la foule s'écoule par toutes les portes dans la procession, ou ouvertes, chacun court prendre rang dans la haie des spectateurs de la procession. Des images et

le Christ, la des statues de grandeur d'homme, représentant saints, se dressent Vierge, Marie-Magdeleine, les apôtres et les qui, à perte de vue, s'alignent en rangs sur les têtes d'enfants chantant et priant, marchent en avant. de deux. Les prêtres, et le bruit de Un silence solennel s'établit un moment, évanouir, milliers de lèvres dévotementremuées,loin de le faire semble au contraire l'accentuer. Il s'y joint le craquement que les assistrès doux d'innombrables chapeaux de paille, leurs habits bien blancs. tants pressent sous leur bras, contre quartier se groupe d'une Chaque institution, école ou derrière manière distincte, autour de ses propres bannières etécoles des ou les prêtres, professeurs ecclésiastiques, frères bannières de ces aumôniers de son ressort. Quelques-unes très grande d'une authentiques et sont omées de bijoux et qui décore la valeur, par exemple celle qui figure la Viergeelle est semée à cathédrale; on a évalué les diamants dont des perles et plus de soixante-quinze mille dollars, sans parlerleur éclat pardes ornements d'or et d'argent qui y ajoutent peine moins ticulier. La bannière de Marie-Magdeleineest à lorgnent riche. Malgré leur dévotion, les bons Philippins mais les prêtres toutes ces richesses d'un oeil de convoitise; vigilant. sont là, et nulle police au monde n'a l'oeil aussi déroule, Cette blanche colonne d'enfants, qui se Manille, est de s'allonge, serpente dans les longues rues bigarrée blanche noire, rompue bout à bout par la robe ordres, tandis oule Saintque des prêtres et des moines de tous des jette cortège, rayons vifs, Sacrement, planant en tête du de grands crucifixet s'avance dans unegloire,suivi de centaines orchestres ou de bannières aux couleurs éclatantes, Plusieurs dégénérer fanfares dont l'harmonieux fracas ne risque pas de cordes de espacés, font vibrer les en cacophonie, tant ils sontguitares, ronfler leurs cuivres et leurs violons ou de leurs est pas gémir leurs flûtes ou leurs hautbois. La mesure n'y syméde toujours, mais le zèle est évident. D'ailleurs, rienmarche à sa trique à aucun égard, dans ce cortège où chacun guise, s'écarte, s'arrête, court, cause, interpelle les spectateurs long des rues, qui font haie, ou en est interpellé. Et, tout le mille affluents à mesure que comme un fleuve qui grossit de des institutions, des confrés'allonge son cours, des écoles, ries se mettent à la suite, ou se faufilent entre les rangs. de Mais, malgré leur liberté d'allure, ces milliers Philippins conservent un sérieux imposant, et le bruit des conversations à demi-voix ne couvre jamais le chant des cantiques ou le latin des prêtres. Tous les hommes qui font mantille la haie ont la tête découverte, et les femmes, leur jetée sur la masse opulente de leurs cheveux oints d'huile odoriférante, plient le genou au passage du Saint-Sacrement. Toutefois, les cigarettes brasillent et fument toujours, même M. Stanley Ridge sur les lèvres des enfants qui processionnent. six ans, qui portait son cierge a vu une charmante fillette de éteint et renversé, sortir un moment de la procession pour lui demander du feu. cierge, mon enfant? lui demanIl Du feu pour votre

da-t-il.

Non, pour ma

cigarette!

»

On s'imaginera peut-être d'après cette description que les Philippins sont surtout charmés des splendeurs du culte catholiqueet des spectacles pompeux qu'il leur offre. Erreur voilà de longs siècles que les prêtres ont appris là-bas que le meilleur moyen de s'emparer de l'âme et du cœur de ce peuple est de lui secouer les nerfs par le réalisme de la Passion, de la flagellation, du crucifiement du Christ, racontés ou représentés avec un luxe de détails, une truculence de couleurs, une brutalité dans les effets, qui ne reculent devant rien. Ce n'est pas le Christ dans sa gloire, mais dans son ignominie, et dans les affres d'une mort infâme, qui touche les bons Philippins. Aussi, dan.3 les prédications de la Semaine Sainte, et dans les drames de la Passion dont le clergé autorise et même favorise l'éclosion, il n'est question de fouet, de ruissellements de sang que de tourments, de coups du réalisme le plus sur la face du Christ à l'agonie, et deledétails répugnant. Plus le prédicateur ou pieux dramaturgefrappe fort, plus la dévotion de l'immense auditoire redouble de ferveur les yeux brillent, les poitrines se soulèvent, haletantes d'émotion; on entend des sanglots; des femmes tombent évanouies; bref, tout le monde est charmé!


Ispahan, l'ancienne Capitale des Shahs de Perse. cbef-lieu d'un des se~t gouverIspahan, en arabe Isfaban, longtemps ca~itale de la Perse, n'est plus aujourd'bui que le importance ne date que d'une époque relativement nenaents de l'Irak persan. C'est une ville fort ancienne, bien que sa grande Ptolémée sous le nom d'As~adana. A 335 kilomoderne. On la trouve notée au lIe siècle de notre ère dans les Tables de Persique, elle est assise sur les rives du Zenderoud. mètres sud de Tébéran, à la même distance de l'extré~nitë nord du golfe

ENTREIspahan et Téhéran, entre l'ancienneet la nouvelle capitale de la Perse, la différenceest si grande qu'elle fait presque l'effet d'une antithèse. Téhéran, au centre d'une 'comme nous l'avons vu ici même

est

vaste plaine aride, presque d'un désert; Ispahan, sur la rive gauche du Zenderoud, a pour cadre et superbe décor une des plaines les plus fertiles et les mieux

De

l'une à l'autre de ces deux villes, la route

dont je viens de parler, et qui se dirige du nord au sud, mesure 69 farsakhs persans, c'est-à-dire 335 kilomètres. Au moment où le voyageur découvre à l'horiplaine, il zon la cité déchue, au milieu de sa riante éprouve une des plus fortes impressions que peut produire l'Orient rien ne surpasse même de nos jours,

le grandiose aspect

cultivées de la

de cette ville, que domine de très haut

Perse. Et pourtant, c'est une cité à moitié morte et dont les deux tiers tom-

legranddômedemisphérique du Mesjid-i-Shah ou Mosquée Royale. Une enceinte de fortifi-

bent en ruine, elle qui fut la résidence

de Nadir Shah, le

d'innom-

Napoléon de ,la

cations,

Perse, et de tant d'autres puissants

dominées par des coupoles et des minarets et gracieusement encadrées de palmiers,

brables maisons

elle qui eut desjours de

monarques;

grandeur et

de

gloire, et qui fut un jour si prospère, que jusqu'au x~xe

tout contribue à faire de ce mirage

une apparition vraiment féerique.

siècle on répétait en Orient, comme

proverbe

Mais ce n'est,

Is~aban

hélas

est la moitié du

monde.

Ces jours glo-

LE PALAIS DU SHAH,

rage. A mesure que

ISPAHAN.

Plxotographie communiquée par la Société royale de Géographie de Londres.

rieux sont loin cette Versailles de l'Asie s'est vue éclipser par une ville sans histoire, mais qui a pour elle l'avenir. Ce qui sauve encore Ispahan d'une irrémédiable et complète déchéance, c'est, outre sa position délicieuse, Elle est, son importance comme ville de commerce. grande route entre en tout cas, une des étapes de la la capitale actuelle et le golfe Persique. 1.

A

Voir A Travers le Monde, 1905, pages 185 et sui-

vantes. A TRAVBRS LB MONDE.

5°.

LIV.

qu'un mi-

nous nous appro-

chons, ce fantôme de grandeur s'évanouit. Les murs qui entourent la ville sont de simples murs de terre que, d'année en année, entament davantage des écroulements continuels; la plupart des édifices sont eux-mêmes de grandes ruines, et de ces maisons sans nombre la plupart sont inhabitées et inhabitables ruines également, qui s'effondrent l'une après l'autre, et qui ne se relèveront plus de la poussière où elles retournent. Vous pouvez vous promener dans toute une partie de la ville sans y rencontrer âme No 50.

18 Décembre ~905.


qui vive rues et maisons, tout est désert. Au centre même d'Ispahan, de vastes quartiers ont été convertis en jardins, ou sont devenus des terrains vagues encombrés de débris qui furent peut-être des mosquées ou des palais. Beaucoupde bazars, qui sont encore debout par un miracle d'équilibre, sont vides et abandonnés, Et voilà ce qu'est devenue, depuis la mort tragique du dernier des « Sophis », une des plus grandes capitales du monde, qui, au xvute siècle, était la plus belle et la plus florissante des villes de l'Orient, et contenait dans ses murs, alors intacts, une population de six cent mille à un million d'âmes! Mais le ciel d'Ispahan et les luxuriantesverdures qui la décorent la rendent peut-être encore, sinon plus belle, au moins plus touchante dans sa déchéance. En entrant dans ses murs, nous voyons s'évanouir sa grandeur trompeuse; mais le charme reste. Elles ont toute la majesté mélancolique des avenues de Versailles, avec, en plus, le prestige de la nature tropicale, ces immenses avenues qui tra- r versent la ville, et que bordent des jardins, des palais déserts, des kiosques re-

vêtus

principale, le palais et qui est bordée par la mosquée habitées de Shah Abbas, et de belles maisons à arcades de riches marchands. par des nxir.~abs ou seigneurs, et Elle forme un vaste rectangle dont le périmètre est un canal d'eau vive. Par malheur, les platanes qui l'ombrageaient autrefois ont été remplacés par des affûts est-elle de canons. Aussi, pendant le jour, la chaleur y intolérable, et, plus encore, la lumière d'un soleil dont rien ne vient tempérer l'éclat. Mais, aux heures moins chaudes de la matinée ou du crépuscule, cette place fourmille de petits marchands forains, fripiers, quincailliers, fruitiers, qui s'abritent sous de vastes paraplein sols maquignons, chameliers, restaurateurs en plus vent c'est un brouhaha, un grouillement des pittoresques, où les divers costumes de l'Orient jettent leur note variée. Au milieu de tous les boniments et marchandages. on distingue à peine la voix des derviches qui prêchent au nom d'Ali, des conteurs et des rhapsodes qui chantent des poésies épicuriennes ou

de faïen-

aux couleurs les plus ces

éclatanteslesou plus suaves, et quireposentsur

coeur

vivant

d'une cité mor-

te, des chevaux lancés en pleine carrière vous avertissent que toute une partie

garer.

de ces avenues

Le palais

de Shah Abbas est moins un

sont d'ailleurs vmua~w.~ y~·

une

qui forme le

que vous ferez bien de vous

style persan. Quelques-unes

U

Pour augmenter encore l'animation de ce

de manège, et

gracieux

u p 1 ou

c.

de la place sert

des arcades de

ce

mv nYYtnYPC guerrJt::JC:

INOIGÈ:NES ROULANT l'N 'rAPIS, DANS UNE FABRIQUE D'ISPAHAN.

édifice qu'une

ville; mais, hésieurs rangées las!commel'enPhotographie comnzurriquée par la Société royale de Géographie de Londres. d'énormes plasemble dont il tanes; des basétait jadis le joyau, ce n'est plus aujourd'hui qu'une sins et des canaux d'eau courante y ajoutent encore façade, masquant une vaste étendue de ruines où se leur délicieuse fraîcheur. dressent encore quelques kiosques respectés du temps. La principale de ces avenues est ornée, à égale Un de ces kiosques sert de résidence au gouverneur distance de ses deux extrémités, d'une grandeporte en de la ville, Mais la façade elle-même reste fort belle, argent massif, la fameuse Madrassab; elle repose sur avecsonportiqueimmense, d'une hauteur de 50 mètres, des colonnes à base d'albâtre, et la frise, d'un bleu et que couronne une galerie aérienne dont les sveltes suave, est décorée de versets du Coran. Mais ce gracolonnettes supportent une toiture en bois sculpté. Et cieux monument participe de la décadence de l'enles couleurs ont encore cette fraîcheur et cette harsemble à des brèches de plus en plus larges et qui monie qui distinguent la peinture murale chez les Permenacent l'édifice d'une ruine prochaine, on s'aperçoit Une de ces fresques retrace des scènes de la vie chacun là, emportant passé sans. son voleurs les ont par que de Nadir Shah une autre rappelle le souvenir du shah à morceau d'une matière trop précieuse et trop facile Abbas II, un souverain presque aussi remarquable que dérober. L'avenue est longue de 800 mètres, traverse le précédent par les talents et l'intelligence, mais qu'un toute la ville du nord au sud et atteint la rivière, qu'elle malheureux penchant à l'ivrognerie finit par abrutir passe sur l'un des trois ponts reliant Ispahan à julfa, complètement. Mais, couleur à part, la peinture perun faubourg de la capitale. laquelle sane n'a de remarquable que la minutie avec C'est du côté de la rivière, dans la partie sud de sont traités les moindres détails elle méprise la la ville, que se trouve le plus beau quartier, le seul vérité, l'effet d'ensemble, et, pour la perspective, elle qui présente encore un certain caractère d'animation. de en est encore aux grotesques entassements personLes rues qui le sillonnent se dirigent pour la plupart superposés qui caractérisent l'art égyptien. monde, du plus des nages vastes qui place est une vers une


Les mosquées d'Ispahan ne ressemblent en rien à celles du Caire ou de Constantinople. La plus belle et la plus célèbre est la Mosquée Royale (Mesjid-i-Sbab) qui fut élevée par le shah Abbas c'est le chef-d'œuvre de l'art persan abasside. Elle donne sur la grande place, mais en est séparée par un petit mur et un parvis formant un demi-pentagone régulier. Le portail se creuse

entre deux minarets élancés, dont l'émail bleu s'unit harmonieusement à l'azur du ciel qui leur sert de fond. Le porche est formé d'une arcade des plus élégantes, décorée de dessins d'un goût exquis pas de figures,

mais des fleurs et des arabesques aux couleurs éclatantes. Cette arcade est, en réalité, un faisceau de torsades revêtues d'émail; celles-ci s'élancent, en formant une ogive immense, d'énormes vases d'albâtre qui sont à la base. Sur de longues tablettesde porcelainebleue ressortent en blanc des

peines, et c'est alors que sa diplomatie doit jouer serré on fait large crédit, en Perse, où la monnaie courante est rare, et le pauvre boutiquier en est réduit à se rendre à son tour chez son acheteur, où il doit perdre beaucoup de temps pour se faire payer. Du reste, dans ces centaines de bazars d'Ispahan, qui s'alignent pendant des kilomètres et des kilomètres, il ne faut pas s'attendre à trouver des merveilles il n'y a là que de la pacotille européenne, en dehors du produit de quelques industries spéciales. Mais l'aspect général du quartier marchand est des plus pittoresques ici, ce sont les boucheries, qui sont en même temps des abattoirs, et où des auartiers de viande encnre chaude et pantelante se couvrent en une minute grosses mouches bleuât Là, c'est la rue des bï tiers plus loin, celle

passages du Coran. A la partie supérieure

marchands de sucreries. L échoppes des barbiers sont

tout l'attirail de l'artisan,

cades de brillantes stalactites. Une porte de cyprès, lamée d'argent massif, ouvre sur un cloître inté-

qui est à la fois coiffeur,

rieur, vaste cour carrée

qu'environnent des bassins d'ablutions, arcades où les mollahs, entourés de disciples, commentent le Coran ou les poésies de Saâdi. Sur un des côtés du cloître, on

mystérieux

Mihrab, ou sanctuaire, où les Musulmans dévots s'abîment en des méditations sans fin, dans le demi jour

qui règne sous la vaste

coupole. Rien n'est plus frappant que le contraste entre la lumiére éclatante de la

ou

drap rouge où est suspendu

les trois côtés, en cas-

entrevoit le

chaudronniers,

particulièrementcurieuses elles sont tendues d'un

de l'édifice, une demi-coupole descend du sommet

sur

eg

PORTE DE LA MESJID-I-SHAH.

masseur, médecin, et, pardessus tout, babillard. Le Figaro persan ne se sert pas de savon; il n'en travaille pas moins bien, et joue habilement du rasoir, qu'il affile de temps en temps sur son bras tendu. Il rase tout le sommet de la tête à ses clients, du moins aux jeunes, mais laisse en revanche retomber de longues boucles latérales qui descendentjusqu'aux épaules. Comme les Persans ne retirent jamais leur bonnet, leur tonsure n'offre aucun inconvénientdu côté des mouches. Une des industries

grande place et l'obscurité les plus florissantes de la Photographie communiquée des rues étroites, où s'oupar la Société royale de Géographie de Londres. Perse est celle des tapis; vrent des bazars en forme p.rnl1~n cnnt lPc rP",r wcua AP uc 1( ncmuam wm ica de voûtes. Une des particularités des villes persanes plus renommés; ceux d'Ispahan 'ont moins de grâce est le groupement distinct des diverses branches du et d'harmonie dans la couleur. Mais, dans cet art commerce, une ou plusieurs rues étant entièrement éminemment indigène, la décadence est venue depuis consacrées à la vente du même article. Au moins qu'on se sert de l'aniline. Toutefois, la supériorité des l'acheteur peut-il comparer sur place, et provoquer tapis persans se maintient, parce qu'ils se font encore l'émulation des marchands rivaux, dont il visite à la main vous voyez, dans beaucoup de maisons, successivement les étalages, je devrais dire les trous des enfants assis côte à côte, occupés pendant douze où ils enfouissent leurs marchandises. Il n'y pas de a ou quatorze heures par jour à confectionner des tapis prix fixes le vendeur juge sur la mine si l'acheteur qui demandent plusieurs années de travail. est riche ou non, et taxe en conséquence l'objet à Ville de commerce, Ispahan nourrit, naturellevendre. Les Européens, eux, sont honorés tous ment, une nombreuse colonie étrangère. Le faubourg sans exception du nom de riches, c'est-à-dire sont exploités. de Julfa. sur la rive sud du Zenderoud, a même été, D'ailleurs, aucune vente ne se fait sans de longs marjusqu'à l'émigration des ArméniensauxIndes, une ville chandages, coupés d'innombrablestasses de thé. Mais, tout arménienne, qui comptait plus de 30000 habil'article vendu, le marchand n'est pas au bout de ses tants de cette nationalité. Aujourd'hui, Julfa est


désert.

Les Arméniens qui y demeurent

presque européen on dirait des encore portent le costume Espagnols ou des Italiens. Quant aux Juifs, ils sont au nombre de 5 000, pour la plupart mendiants, mar-. chands, joailliers, devins, musiciens, danseurs. On prétend que ce sont des descendants des dix tribus. En tout qu'au xne siècle cas, ils étaient si nombreux à Ispahan après Jésus-Christ, Benjamin de Tudèle en évaluait le nombre à 15 ooo, et qu'au xe siècle, sous la dynastie des Dalaï, toute une moitié dela ville s'appelait Yahoodich (Judée) pour la distinguer de Sheristan (la Cité). Mais les persécutions, les massacres, et, aujourd'hui, l'oppression qui continue à peser sur eux, en ont bien éduit le nombre. Les malheureux n'ont rien à espérer côté de la justice, et souffrent sans se plaindre pires vexations. Leurs femmes sont surtout très éphémère; et, chose s, d'une beauté, hélas! appelle chez nous le use, elles n'ont pas ce qu'on juif! Elles sontcoiffées, commecertainesreligieuses, écharpe blanche. une longue écharpe noire sur une Paraissant dans la rue à visage découvert, elles se voient en butte à toutes les avanies, de la part des Musulmans. Les Européennes, du reste, doivent s'attendre, elles aussi, à ces ennuis-là. Étant un des centres commerciaux de la Perse, Ispahan est un des points où se heurtent les influences rivales de l'Angleterre et de la Russie. Les Anglais y ont créé un consulat général, et gagné à leur cause dont H. R. H. Zil es-Sultan, le gouverneur d'Ispahan, l'anglomanien'a pu que se renforcerdepuisles derniers événements dont l'Asie a été le théâtre.

mètre pour les chemins de fer des Grands Lacs. Si on rapproche de ces faits l'observation que l'on a de dû élargir après coup à i mètre les voies étroites principe la Beira et Sousse-Kairouan, on voit qu'en voie de i mètre est reconnue la plus convenable pour

de

1

les colonies africaines.

Une deuxième observationest que, dans la plusont part des cas, les railways ont été construits et exploités par les colonies elles-mêmes; les principales exceptions sont celles des chemins de fer de Djibouti, Congo de la Rhodesia, de Saint-Paul de Loanda, du belge, du Dahomey et de Dakar Saint-Louis. La situation dans la Rhodesia est certainementtemporaire, et les il s'accomplira dans ce pays ce qui s'est passé pour de deux autres compagnies à charte de l'Est Africain et ligne la Nigeria; d'autre part, on est revenu pour la colonie. Il du Dahomey à la construction directe par la semble donc que, d'une façon générale, la construction la directe et l'exploitation directe par les colonies sont compagnies règle en Arique, et que l'interposition des l'entreprise est l'exception. L'emploi- du système de adoptée en France est sous la forme ordinairement également exceptionnel en Afrique. On comprendra facilement ces tendances en remarquant qu'il s'agit de imprévus, et pourpays neufs, exposés à de nombreux ou tout au moins vus d'une main-d'oeuvre rarenécessité de modifier défectueuse. D'autre part la tenir compte des assez fréquemment les tarifs pour énormes fluctuations d'un commerce encore à ses débuts, ainsi que le danger de laisser à des particuliers colonies, la force que représente un railway aux expliquent aisément pourquoi on donne la préférence à une exploitation directe. On pourrait encore comparer les diverses nations entre elles au point de vue des efforts accomplis et des résultats obtenus en Afrique. L'Angleterre et la France distancent largement à ce point de vue l'Allemagne, la Belgique et le Portugal, bien que l'effort de ces dernières nations soit déjà très honola Les rable. Si nous comparons l'Angleterre à la France, l'emporte sur la côte nous trouvons que la première orientale, et que nous l'emportons sur la côte occidentale. Ce résultat correspond parfaitement à la répargéographique des possessions coloniales des tition avait souvient, s'en qui, Salesses on LE capitaine dire que l'effort accompli dans peut deux on l'économie des pays; place reçu la mission d'étudier sur du Sud équivaut à celui de l'Algérie-Tunisie. l'Afrique après avoir France rentré est africains, en chemins de fer l'Égypte, nous avons collaboré très sérieuseà Quant trente-quatre cent deux parcouru 38000 kilomètres en à son réseau. Mais les chemins de fer de Kharment photographiques clichés de millier jours. Il rapporte un de l'Uganda et de la Rhodesia représentent toum, stations, et et roulant, matériel gares relatifs au aux travail colossal bien supérieur à celui des railways tels que les chutes un caractéristiques plus sites les aux Djibouti et Madagascar additionnés. En revanche, de Falls), (Ripon Nyanza Victoria lac du Nil à la sortie du marché dans l'Ouest Africain à peu près de avons la montagne nous Bridge, Victoria les Victoria Falls et le à plus bas prix que les Anglais; notre vite aussi et Cecil de tombe la et Matoppos la Table, Umtali, les kilomètres' (1 200 kilom. environ) actuel de total docudessins, rapports, Rhodes, etc. cartes, plans, est supérieur au leur (98o kilom. environ). L'impresments de toute sorte, relatifs aux lignes parcourues. personnelle du capitaine Salesses est complètement sion résultats des détail le dans Sans entrer encore opposée à l'appréciation pessimiste émise à ce sujet dès capitaine constate le mission, obtenus par sa M. le capitaine de Renty dans son intéressant universellement mètre par est de voie maintenant que la i travail sur les chemins de fer africains. Il considère de Sierra-Leone, exceptions adoptée, à part les trois égard au développement colonial resmême du eu que, les Swakopmund; auteurs or du Congo belge et de pectif des deux nations en Afrique, c'est la France qui ultérieuadopté ont Sierra-Leone fer de chemin de fait le plus pour la mise en a proportionnellement rement la voie de 1 m06 pour les autres colonies domaine plus petit de beaucoup que celui d'un valeur les même auteurs de Guinée de golfe anglaises du de l'Angleterre. du chemin de fer de Matadi ont adopté l'écartement

premiers Résultats de Mission du capitaine Salesses aux Chemins de fer africains.


roulant se compose de wagons à deux essieux, entièrement en acier. Le poids d'un wagon est de 85o kilos, sa longueur totale de tampon à tampon de ¡ffi830, son tablier a ¡ffi360 de longueur, offi79 de largeur, 0"'So6 de hauteur au-dessus du rail. Lorsqu'on veut transporter des fardeaux de grandes dimensions, on accouple deux wagons, en plaçant sur chacun d'eux un support pivotant de ¡ffi32 de longueur et Offi24 de largeur, pesant 13° kilos. Pour le transport du personnel et des objets de petites dimensions, on se sert d'une plate-forme portée par 2 wagons, auxquels elle s'articule au moyen de chevilles ouvrièLe matériel

Les

Chemins de fer de 1-'Artillerie.

L'Almanach du Drapeau pour ~god vient de

~araître. De cette petite encyclo~édie militaire, sans renouvelée et mise à jour, nous détachons l'article suivant, intéressant et documenté à souhait.

cesse

cette plate-forme,qui est longue de 6m66, large de ¡ m67, et pèse ¡ 780 kilos, se compose d'une caisse centrale de 3m¡3 de longueur, ¡m536 de largeur, res

L A question des transports a pris, dans

om366 de profondeur, prolongée par la guerre de siège, une importance considérable. Pour attaquer une place 2 tabliers surélevés. Les projectiles et les poudres sont chargés sur les wagons, telle que Metz, par exemple, il faudrait dans des caisses à obus du poids de disposer, indépendammentde l'artillerie de campagne et de l'artillerie lourde, 94 kilos, présentant ¡m3° de longueur, om98 de largeur et om25 de profondeur. de plus de 500 bouches à feu de siège, A la guerre comme à la guerre. consommant chaque jour i 80000o kilos La traction de ces trains peut s'opérer de projectiles, poudres et explosifs, dont soit au moyen d'hommes, soit au moyen le transport par voitures exigerait, pour de chevaux, soit en employant des locochaque étape à parcourir, 8000 chevaux motives d'un modèle spécial. Ces deret i 800 véhicules. Aucune route ne nières ont une longueur de 6 mètres et résisterait à ce trafic. On a donc recours sont larges de 2m07. Poids à vide aux voies ferrées pour transporter les ioi8o kilos, et en marche c3 00o à munitions jusqu'aux parcs de l'artillerie. C'est à nos artilleurs que sont con14000 kilos. La machine emporte ¡ 750 litres fiées la construction et l'exploitation de CORPS DE PLACE. d'eau et 500 kilos de charbon, et peut ces lignes, dont le développement atteint, de l'Almanach Extrait donner une vitesse en charge de kilopour la zone des attaques d'une grande du Drapeau. mètres à l'heure, sur une voie conveplace, 2 ¡ o kilomètres de voies desservies locomotives, 1200 wagons et 5¡0 wagonnets nable. En réalité, comme les voies de fortune sont les par La voie est posée sur les routes ou chemins exis plus nombreuses autour d'une place assiégée, la vitesse

2

4

l'heure

ne dé-

tants, ou sur le sol

à

neurs, de brocbeurs et de bourreurs.

déjà considéré

passe guère 9 kilomètres, ce qui est

naturel, par des équipes de colti-

comme un beau

L'effectif d'un

résultat. La voie et le m atériel roulant du chemin de fer

groupe de ces trois équipes est de 12 hommes, et i o kilomètres sont construits par lui en 24

voie étroite employé pour le siège d'une place imporà

heures. Les travées sont en tôle d'acier, comprenantà la fois les traverses

tante,représentent un poids total de 3o millions de kilos. Pour amener ce matériel de l'arsenal où il est entreposéjusqu'au

et les rails. Le rail pèse 9 kil. 500 par mètre courant. L'écartement des deux rails de la voie est de om60. Le matériel comprend encore des plaques

MATÉRIEL DU CHEMIN DE FER DE L'ARTILLERIE.

Extrait de

l'Almanach du Drapeau.

tournantesdeim3o

de diamètre pesant pesan1 87 kilos.

6 12

kilos, et des dérailleurs pesant

point où il coinmence à assurer le service des transports, il faut employer,

sur

une

ligne ordinaire à voie large, i 5o trains de 40 wagons. Une fois installé ce chemin de fer devra faire circuler chaque jour


entre la station de débarquement et les batteries de l'attaque, 84 trains transportant chacun 30000 kilos, pour assurer le service des munitions de l'artillerie de siège. L'intensité du feu peut, dans certains cas, tripler le poids transporté. Le ravitaillement quotidien de l'armée de siège nécessite l'arrivée de 18 trains, parla,grandeligne, à la gare de débarquement, où se fait le transbordement sur les trains du chemin de fer à voie étroite ou les

voitures qui doivent porter jusqu'à destination le matériel par les routes de terre. Douze de ces trains, transportant chacun 200000 kilos, sont chargés de munitions ou de matériel d'artillerie on compte quatre heures pour le transbordement du chargement d'un seul train; pour celui des 12 trains, la gare de débarquement devra disposer de 3 voies de garage, dont 2 du service courant et une d'emploi éventuel. Les voies de garage seront longées par les voies de om60 sur lesquelles circuleront les trains de l'artiller:e destinés à recevoir le chargement pour le porter aux batteries. Autant que possible, chaque voie de garage sera doublée de 2 voies de om60, placées de part et d'autre, pour permettre le transbordement des deux côtés à la fois.

L'installation de la gare de débarquement sera complétée par un dépôt de matériel de om60, des prises d'eau, des dépôts de charbon, des ateliers, etc. Les locomotives du matériel employé par l'artillerie ne peuvent pas remorquer d'une façon certaine, sur les pentes de 30m¡m par mètre, qui se rencontrent fréquemment, un poids utile supérieur à 3o ooo kilos; il faudra donc en moyenne 7 petits trains pour débiter un grand train de zoo 00o kilos. La longueur d'un grand train est d'environ 300 mètres, celle d'un petit train transportant 30000 kilos, de 3o mètres; il sera donc toujours facile d'accoler au grand train les 7 petil.-s trains sur lesquels doit s'opérer le transbordement. Le total des petits trains dont dispose l'artillerie de l'armée de siège, pour assurer le débitdes 12 grands trains qui lui amènent ses munitions est, on le voit, de minutes, se 84 par jour; c'est un train toutes les dirigeant de la gare de débarquement aux batteries de l'attaque, et, dans les périodes où le feu atteindra son maximum d'intensité, il faudra tripler les chiffres, et arriver à un train toutes les 6 minutes. Aucune ligne

¡

de chemin de fer n'atteint un trafic aussi considérable. Tout le personnel est réparti en batteries d'artillerie à pied, présentant chacune un effectif de 200 hommes. Le chargement et le déchargement du matériel de toute nature, ainsi que les mouvements à bras des wagons, sont du ressort de toutes les troupes del'artillerie, qui peuvent même, en cas de besoin, être remplacées par des auxiliaires d'infanterie. Généralement, l'exploitation des chemins de fer à voie étroite de om60 est faite d'après des règles uniformes et suivant un horaire régulier depuis la gare de débarquement jusqu'aux parcs secondaires; mais, entre ceux-ci et les batteries qu'ilsdesservent, le feu de l'ennemi peut obliger, soit à interrompre les transports pendant un certain laps de temps, soit à modifier momentanément leur régime, soit à renoncer totalement ou sur certains points seulement à la traction par locomotive, et même à la traction par chevaux. On

profite alors des moments d'accalmie, pour pousser rapidement en avant les wagons, un à un, à bras

d'hommes.

Ces indications suffisent à montrer qu'un siège

exige une préparation mathématique, et qu'on ne peut avoir raison d'une place qu'en coordonnant en temps de paix les instruments qui, en temps de guerre, doivent décider de la victoire. La guerre actuelle ne s'improvise pas. Elle met en jeu des forces tenues en réserve, et que l'on fait agir dans un sens prévu longtemps à l'avance.

La prétendue Nécessité d'Expansion de la Population ja-

ponaise.

Tous

les journaux nippons, et après eux la plupart

des journaux étrangers, répètent que l'accroissement de la population dans l'empire du mikado est devenu tellement considérable qu'elle étouffe dans son archipel, et qu'elle a besoin de trouver sur le continent un pays où puisse s'installer l'excès de cette

population.

Ces belles affirmations semblent appelées à justifier les ambitions d'un peuple qui éprouve, après une trentaine d'années de vie nouvelle, le besoin d'étendre sa domination sur toute la race jaune. Or, M. René Gonnard, professeur agrégé de la faculté de droit de Lyon, vient de détruire, chiffres en mains, cette légende inventée par 'les journaux japonais pour les besoins de leur cause. La population japowaise s'est accrue, pendant le dernier quart du siècle dernier, dans des proportions considérables; mais sa densité est-elle supérieure à celle des autres nations? la

rapidité de son accroissement plus active? Cette rapidité tend-elle à s'accroître? En 190 1, la population du japon s'élevait à

47608875 habitants; elle était supérieure à celle de

habitants; de la France, 38 96 1945 habitants; de l'Angleterre, 41 609091 habitants; de l'Autriche-Hongrie, 45405267 habitants, mais infél'Italie,

32 96 1 247

rieure à la population de l'Allemagne, 56 367 178 habitants de la Russie, 130 millions d'habitants. Si nous examinons maintenant la superficie des territoires respectifs de ces pays, nous trouvons pour le japon, 4 17 412 kilomètres carrés; pour l'Italie, zc~6 000 pour l'Angleterre, 3 15 000; pour la France, 531 1 ooo; pour l'Allemagne, 540000; pour l'AutricheHongrie, 625 000; pour la Russie, 5 400 000. Si nous faisons maintenant le calcul de la densité de ces populations par kilomètre carré, nous obtenons les chiffres suivants pour le japon, 113, chiffre considérable si nous le comparons à ceux de la Russie, 19; de l'Autriche-Hongrie, 72; de la France, 73; et même de l'Allemagne, 104; mais inférieur à ceux de l'Italie, 1 i 5 de l'Angleterre, 132; des Pays-Bas, 162; de la Belgique, 234; des îles anglo-normandes, 489. La densité de la population, relativement à l'étendue de son terri-


toire, n'est donc pas excessive, et les japonais ne'sont pas autorisés à réclamer de l'espace quand les Anglais, les Hollandais, les Belges ne se trouvent pas trop à l'étroit dans leurs frontières respectives. Quelles sont maintenant les ressources du pays pour nourrir cette population? La partie cultivée est

assez faible. Dans Yeso, l'île fa plus septentrionale, elle est extrêmement réduite. Dans la grande île de Nippon, les rizières et les champs cultivés atteignent dans le nord 13 pour ioo du territoire, dans le centre ig pour 100. A Sikok, la proportion est la même ig pour i oo à Kiou-Siou, elle atteint 23 pour i oo. D'après MM. Fallex et Hentgen, la superficie cultivée est en moyenne de 15 pour 100; d'aucuns disent même pour ioo. D'après M. Depincé, le nombre d'hectares cultivables serait de io millions sur 42. Ces chiffres, évidemment, ont leur triste éloquemce, et semblent excuser le désir des japonais de chercher ailleurs des terres plus généreuses. Mais le japon n'est pas seulement un pays agricole, il est également un pays maritime. La base de la nourriture des classes populaires est le riz et le poisson séché. Or, dans les pêcheries, on récolte plus de 500 millions de kilogrammes de harengs et plus de 164 millions de kilogrammes de sardines. Peu de pays, d'ailleurs, surtout ceux dont la population est croissante, peuvent subvenir par euxmêmes à la consommation de leurs habitants. Le plus grand nombre sont obligés de recourir à l'importation de denrées alimentaires, qu'ils échangent contre les produits de leur industrie. Eh bien, à ce point de vue, le japon est placé dans d'aussi bonnes conditions que n'importe quelle nation, puisque ses exportations se sont élevées (1875 à 1901) de 17 millions à 181 millions de yens. Il a de quoi payer ses importations. Les japonais ont donc de la place dans leur archipel, et peuvent s'y nourrir sans le réduire à la misère. Mais, dira-t-on, leurs qualités prolifiques sont si considérables que ce qui est vrai aUJourd'hui le ne sera plus avant peu, et ils prévoient sagement l'avenir. Oui, les journaux ont beaucoup vanté la rapidité de l'accroissement de la population japonaise et ont en profité pour déclarer que, dans un nombre d'années restreint l'archipel japonais ne pourrait plus ni conte-

en Autriche de 37 pour

i

ooo et en Russie de

48,4 pour i ooo. D'ailleurs, la natalité s'est ralentie au Japon depuis l'européanisation du pays, et il est probable qu'avec le progrès de la civilisation elle baissera encore. La légende créée par la presse nipponne ne résiste pas à une comparaison de chiffres. Les japonais peuvent vivre très à l'aise dans leurs îles, s'y nourrir

et même s'y reproduire, sans empiéter sur les voisins.

i

nir ni nourrir sa population. Voyons les chiffres en 1876, la population japonaise était de 34 millions

d'habitants en 1900, elle est de 47 millions, mais il faut déduire de ce chiffre de 47 millions la population de Formose, qui n'était pas encore annexée au Japon 1876, et qui s'élève à 3 millions. La population nipen ponne s'est donc accrue de io millions en vingt-cinq ans, soit 400000 habitants par an. Dans la même période, la population française ne s'est accrue que de 3 millions. En Angleterre, la population s'est élevée dans une proportion légèrement inférieure Japon, mais la populationallemandes'est accrue de .3 au 7 pour ioo et celle de la Russie de 44 pour ioo, c'est-à-dire dans des proportions bien supérieures à celle du japon. Les japonais ne sont pas aussi prolifiques qu'ils le laissent entendre. Leur natalité (29 iooo) est très inférieure à celle de la plupart despour nations européennes (la France exceptée); elle est en Angleterre de 30pour i ooo, en Allemagne et en Italiede36pour i ooo,

Jean Ajalbert.

lietllé~s d'Auvergne. Librairie Universelle, 33, rue de Provence, Paris-IX". Prix 3 fr. 50.

Du

pittoresque, de l'émotion, de beaux paysages, des récits

passionnants, des peintures de moeurs fort curieuses, voilà ce que l'on trouve dans le nouveau roman de Jean Ajalbert.

Tous ceux qui ont vu l'Auvergne, cette région si origi-

nale, ou tous ceux qui aspirent à la connaître s'intéresseront

vivement à ce livre; il leur donnera la douce nostalgie d'un passé que l'on se plaît à évoquer, ou les consolera de n'avoir pas voyagé dans le pays de la bourrée et des accortes gaillardes. Ecrit avec grâce et palpitant de vie, Veillées d'~9uvergne est aussi un livre d'excellente littérature.

Lieutenant-Colonel Klobb.

Dernier carnet de route. Avec préface de Jules Lemaître. E. Flammarion, éditeur, 26, rue Racine, Paris. Prix 3 fr. 5°. Ce livre retrace l'épisode le plus douloureux de notre histoire coloniale, c'est-à-dire le drame atroce qui, le 14 juillet 1899, coûta la vie, en plein coeur de l'Afrique; au

lieutenant-colonel Klobb, tué par des balles françaises. La digne veuve du colon'el Klobb a été bien inspirée publiant en ce Caruet de route. Aucun témoignage ne pouvait montrer mieux quelle âme admirable animaIt son mari. Le colonel Klobb poursuivant la mission Voulet-Chanoine à travers les villages incendiés par elle, et tombant sous ses balles, sans vouloir se défendre, est le héros sans tache du devoir le plus difficile qu'il y ait eu jamais à remplir. Il convient d'honorer sa mémoire. La publication de ce livre y aidera

grandement.

Puck-Chaudoir (Un ancien

de la Cambre). A travers l'Afrrque équator:ale. Un gros volume, 3 fr. 75. Imprimerie électromécanique La Meuse, boulevard de la Sauvenière, Liége. Puck-Chaudoir n'est pas seulement un voyageur intrépide, un explorateur audacieux, un défricheur de continents il est aussi un écrivain charmant, qui sait narrer avec séduction les péripéties pittoresquesde ses n~mbreux périples. Déjà il publia deux ouvrages remarquables des qualités d'observation et de style Balade autour du par R9ottde. Au Pays des Pagodes. Cette fois il raconte, en un volume de 4°° pages, la traversée de l'Afrique équatoriale, qu'il accomplit en 19°1. M. Puck-Chaudoir a écrit de ce très curieux voyage, au cours duquel il traversa des contrées jusqu'alors inconnues, des impressions extrêmement variées, sous la forme d'un journal tout à fait agréable à lire. Ces pages attestent un don d'observation très aigu, en même temps qu'elles contiennent de ravissantes descriptions qui prouvent une âme sensible infiniment aux beautés de la nature. Au surplus ce carnet de voyage, qui est scrupuleux et l'on sent profondément sincère, ne visant pas à conter que des prodiges et s'abstenant de toute exagération, offre, par la simplicité même du récit, un intérêt vraiment captivant. Il fait connaitre les régions équatoriales, nous la vie des habitants de ces pays, et nous initie avec sûreté aux conditionsdu sol et du climat,

M M


La Pelote basque!. Chaque camp comprend un ou entraînant et pittoresque, venu du deux delantero ou joueurs d'avant et un Midi, et qui depuis quelques années en ~aguero ou joutur d'arrière qui se placent France, y rivalise avec les autres sports, dans cet ordre, mais à volonté. Un camp porte la ceinture et le la plupart d'origine anglaise ou américaine. C'est, en Béarn, le jeu national, béret bleus, l'autre rouges. auquel se livrent les gens de toutes classes Le sort désigne le camp qui fait le professions, service; un des joueurs d'avant jeunes premier de toutes et comme vieux. de ce camp doit « servir lançant la spéciales Il faut des inscriptions sur balle contre le mur de face, de telle sorte les murs qui veulent être protégés « Ici, qu'elle dépasse, en revenant, une raie noire tracée à 25 mètres sur le ciment. il est interdit de jouer à la pelote ». Du Béarn où, de tout temps, il Un joueur du camp adverse la les fut importé jeu prospéra, ce reprend, soit de volée, soit après le prepar émigrants dans l'Amérique du Sud où il mier bond et la renvoie au mur, au-dessus eut vite fait de détrôner courses de tau- d'un bande métallique fixée à 1 mètre du reaux et combats de coqs. Les Argentins sol. Les équipes continuent ainsi la partie et les Chiliens s'en firent une spécialité. sur toute la surface de la piste cimentée, Aujourd'hui encore ils s'honorent d'être chaque camp jouant l'un après l'autre, les premiers joueurs de pelote du monde. c'est-à-dire un de ses joueurs devant Certains de leurs champions, d'une mer- cueillir la balle au retour du mur pour l'y veilleuse adresse, se sont montrés à Paris renvoyer. On devi~e la prestesse que doivent ces dernières années et ont fait école. Il existe à présent dans la capitale déployer ces hommes pour suivre les à Neuilly, au parc mouvements de la balle et se trouver d'un quatre « frontons Borghèse Saint-James, rue et aux Tui- bond à point pour la recevoir, et d'un leries. geste prompt du bras la renvoyer. Mais les joueurs de pelote arrivent LE JOUEUR DE PELOTE OU « PELOTARI » vite à une extraordinaire habileté et on les voit parfois faire des séries de 70 à Il est pittoresquement vêtu d'un 8o coups, sans une faute. pantalon blanc un peu large, d'une cheLoti nous a laissé dans Ramu~ztcbo mise souple et flottante. La taille est serrée une vivante description du jeu en pays dans une ceinture d'étoffe bleue ou rouge. basque Les pieds sont chaussés d'espadrilles à « Ils entrent dans l'arène, les pelosemelles de paille. taris, les six champions parmi lesquels il Suivant le camp dont il fait partie, en est un en soutane, le vicaire de la il porte le béret bleu ou rouge. paroisse. Avec eux, quelques autres perDe la main droite, le joueur tient, sonnages le crieur qui, dans un instant, solidement attaché au poignet par des va chanter les coups; les cinq juges lanières de cuir, le « chistera » avec lequel choisis parmi les connaisseurs de villages il reçoit ou renvoie la balle. Cette balle différents. A leur poignet droit, les est de caoutchouc « para » en lanières, joueurs attachent avec des lanières une recouvertes de liens en fil et de deux étrange chose d'osier qui semble un grand hémisphères de cuir blanc. Elle pèse ongle courbe leur allongeant de moitié l'avant-bras c'est avec ce gant (fabriqué 120 grammes. Le chistera est une sorte de gant en en France par un vannier unique du vilosier, long, étroit et recourbé, en forme lage d'Arcain) qu'il va falloir saisir, lancer de gouttière, comme un prolongement et relancer la pelote, une petite balle immense du bras. Un coup de chistera de corde serrée et recouverte en peau de adroitementappliqué sur la balle qui vient, mouton, qui est dure comme une boule la retourne avec une force prodigieuse. de bois. « Et la partie commence, au COMMENT ON JOUE A LA PELOTE BASQUE mélancolique soir. La balle, lancée à tour de bras, se met à voler, frappe le mur à La cancba ou piste cimentée sur grands coups secs, puis rebondit et tralaquelle se déroule la lutte, mesure enviverse l'air avec la vitesse d'un boulet. ron 65 mètres de long sur 17 mètres de « D'instant en instant, clac! large. toujours le coup de fouet des pelotes, La partie se joue contre un mur de leur bruit sec contre le gant qui les lance face de 10 mètres de haut sur 18 de large. le contre mur qui les reçoit, le même ou Un mur moins élevé appelé yebot bruit donnant la notion de toute la force de mur limite le jeu à l'arrière et empêche déployée. Clac! elle fouettera jusqu'à les balles de s'égarer. l'heure du crépuscule, la pelote, animée Deux camps adverses sont formés furieusement par des bras puissants et de deux ou trois joueurs chacun, jamais jeunes. Parfois les joueurs, d'un heurt terplus. C'est donc là un jeu auquel ne peu- rible, l'arrêtent au vol, d'un heurt à briser vent prendre part, en même temps, que d'autres muscles que les leurs. Le plus quatre ou six personnes. souvent, sûrs d'eux. mêmes, ils la laissent tranquillement toucher terre, presque c. \'oir l' ·~ .llmanach du Drapeau » pour PEU d'exercices physiques valent ce jeu

en

Il

~go6. Les

<.

Jeux permis dans l'armée ».

mourir; on dirait qu'ils ne

jamais: et clac! elle repart cependant, prise~ juste à point, grâce à une merveilleuse précision de coup d'oeil, et s'en va frapper le mur, toujours avec sa vitesse de boulet. » LES FAUTES

Il y a faute (falta) pelote n'est pas « reprise »,

Quand la soit de volée, Il. Lorssoit après le premier bond. qu'elle n'est pas relancée assez fort pour revenir frapper contre le mur de face, et qu'elle retombe à terre avant de l'avoir 1.

touché. 1lI. Lorsqu'elle frappe le mur de face au-dessous de la bande métallique. IV. Lorsqu'elle sort des limites de la piste ou va toucher les grillages protecteurs placés au-dessus du mur. Alors le camp du joueur qui a lancé la balle perd un point. Il

y a encore V. Faute

lorsque la

«

au ser-

balle retombe avant la mètres du mur de face tracée raie à 25 ou en dehors de la piste cimentée, à moins qu'un des joueurs du camp adverse ne la reçoive ou ne tente de la recevoir avant qu'elle touche terre, sans avoir prévu qu'elleallait tomber en dehors de la piste. Dans ce cas, en effet, elle est comptée comme bonne pour le camp qui faisait le service et le coup continue. Les fautes comptent un point au camp adverse, et celui-ci prend le service. Un jury de 3 membres décide sans appel des coups douteux et peut, avec l'assentiment des joueurs, prolonger la partie qui est habituellement disputée en 60, 70 ou So points. Généralement, et en Béarn surtout, un « chanteur», annonce les points en langue basque, à haute voix. Le public, nombreux et animé, encourage ses favoris de ses cris et de ses bravos. Ce jeu de pelote a des variantes, moins répandues et moins populaires, comme le long bert qui se joue en plein air, dans un espace nu, sans mur de renvoi. Les joueurs lancent la balle à main vice

nue.

Le blaid se joue lui aussi avec un seul mur, à main nue, la ligne d'envoi étant fixée à io mètres d'un mur au lieu de 25. Ce jeu de pelote basque, amusant et hygiénique, est en faveur dans tous

les régiments voisins des Pyrénées. A Bayonne surtout, il est tout particulière-

ment en honneur, et le jeu est vivement mené par le célèbre) Chiquito del Cambo, record du monde de la pelote basque, actuellement sous les drapeaux. Il va sans dire, que l'installation d'un pareil jeu n'exige pas la riche disposition que l'on remarque au parc SaintJames. Le plus difficile à rencontrer, est un terrain de plus de 700 mètres carrés. Les régiments privilégiés qui disposentde grands espaces libres et unis, n'auraient pas à se repentir de l'installation d'un l'attraperontjnjeu français aussi passionnant.


Les Norvégiens chez eux. La Norvège a beaucoup fait parler d'elle cette année; son divorce retentissant lui a rendu la liberté. Mais si nous connaissons un~eu mieux ses mceurs politiques, il s'en faut que nous soyons renseignés sur sa vie intime. Ces croquis norvégiens nous présententquelques types intéressants vus dans leur cadre original.

ON peut se représenterl'orographiescandinave à peu

près comme un triangle couché, dont le sommet regarde la Baltique, tandis que la base s'élève en façade sur l'Océan. Tout le pittoresque de la Norvège vient de là. Les provinces de l'ouest ne sont que des vallées, non pas même, des fissures, de ce gigantesqueplateau de granit. Pour les visiter, il faut

voyager

en

poste. Il n'y a pas de voies ferrées, et il n'y en aura jamais.

cocher à l'avant. Ne vous en réjouissez pas trop Tout paysan norvégien vient au monde avec une chique de tabac dans le coin de la joue, et cette chique l'accompagne jusqu'à la mort. Le cocher chiquera donc, et, chiquant, crachera. Par égard pour la croupe de ses bêtes, il ne crachera pas en avant, mais en arrière, dans la voiture. Parfaitement! Il crache sur la route, mais le vent se charge

de ramener

cette petite

pluie continue

sur les voya-

Dès qu'il pose le pied en

geurs.

La route suit le lit des

Norvège, le

touriste a l'œil accroché par les

torrents.

deux

lonnent. On

hôtels s'y éche-

affiches des agences

lunche dans un

rivales qui se chargent de lui

retenir

premier, on

goûte dans un second, on

ses

chambres d'hôtel et ses voi-

soupe et on couche dans un

tures pour tout itinéraire qu'il lui plaira. Le

troisième; et tous trois se

ressemblent

varie avec prix

l'équipage, le stolk~aerre, rus-

Les

M. B7SRNSTERNE BJbRN90N, LE GRAND LITTÉRATEURNORVÉGIEN, EN PROMENADE.

comme si leurs patrons les avaient calqués

tique cabriolet Photographiede M. M. de Waleffe. l'un sur l'autre. à deux places, C'est un drapeau national, rouge, à croix blanche, ou la kariol, si étroite que l'unique occupant doit flottant au haut d'un mât démesuré, qui annonce de placer ses pieds dans des étriers accrochés aux loin, par-dessus les sapins ou les bouleaux, l'éternel brancards. Le cocher conduit, assis par derrière sur chalet en bois blanc, orné à tous les étages de longues la valise du voyageur, dont la figure est agréablegaleries extérieures. ment chatouillée par les rênes. La calèche à deux cheLe salon afflige l'œil par ses vieux fauteuils de vaux, qu'il faut adopter sitôt qu'on est plusieurs ou crin, et;la salle à manger le réjouit par la perspective qu'on traîne quelques bagages avec soi, replace le A TRAVBRS LE MONDB.

51° LIV.

N~ 51.

a3 Décembre 1905.


de deux tables de trente ou quarante couverts, où les tartines, les assiettes de charcuterie et les bols de café font du dîner le frère du déjeuner, et du souper le frère du dîner. De blondes servantes, au boléro rouge vif, passementé de perles, apportent les plats chauds, truite ou saumon exquis, bœuf ou mouton discutables. jamais de volaille le Norvégien se laisserait mourir

de faim devant un poulet. C'est un préjugé national, comme celui du Chinois pour le canard. Et puis le seul légume qui pousse si près du pôle, l'inévitable pomme de terre cuite à l'eau. N'avoir qu'un légume, ne connaître qu'une seule façon de le préparer, et le servir avec les trois plats des trois repas, voilà pourtant jusqu'où se hausse l'imp sinières norvégiennes! Dans la cabane du paysan une drôle de maisonnettejuchée, à cause des neiges d'hiver, sur

quatre champignons de

bois, comme un joujou de la Forêt-Noire on ne se

nourrit point autrement. La pomme de terre, avec le poisson salé, est l'unique aliment, que le fermier arrose de café noir. Ce café noir, c'est leur grande friandise, à ces gens qui ignorent le vin et la bière, qui s'interdisent l'alcool. Ils finissent tout de même par en mourir, d'une accéléra-

cœur.

tion du Quand il a expédié ses trois repas et ses 5o kilomètres de voiture, le touriste va dormir sur un lit sans matelas où il lui faut

s'enrouler dans les draps, toujours étroits comme des mouchoirs de poche, et

tâcher, sous peine de gel, de maintenir en équilibre instable l'édredon qui remplace les couvertures. Eh bien, male:ré tout. c'est un voyage unique et de tous points inoubliable. La majesté et la fraîcheur.des paysages compense toutes ces menues misères, si on a l'esprit un peu détaché de son individu et apte à communier avec les grands spectacles de la nature. C'est une excursion pour géologues des eaux, des minéraux, de l'air, et les infinies transformations de ces trois acteurs primitifs du drame terrestre! Il fait bon sortir, l'esprit libre, de la folle vanité de nos capitales comme de la mesquinerie de nos villages, pour venir regarder la vraie face du globe, non encore maculée par l'éruption fiévreuse de la vie humaine. La Norvège, en se détachant de la Couronne

suédoise, a paru beaucoup hésiter avant de choisir entre le gouvernement monarchique et le régime républicain. Ce n'était qu'une question de façade. Il n'y a pas de race plus intimement démocrate. Parcourez le

pays en tout sens: vous

n'y verrez

pas un château,

pas une propriété seigneuriale Dans la capitale ellemême, les seuls équipages qu'on rencontre sont à la

livrée des hôtels. Ce dédain du faste implique l'absence de morgue chez les riches, de servilité chez les pauvres. Le commissionnaire ou le cocher à qui vous donnez un pourboire vous en remercie par une vigoufer, il y a reuse poignée de main Sur les chemins de trois classes mais la seconde et la troisième, seules,

sont en circulation.

avoir une première? dis-je. Mais, monsieur, la première roule sur les voies qui vont en Suède. » plaine, pays aristocrate 1 La « A quoi bon, alors,

Norvège, pays de montagne, pays démocrate 1 Ici comme en Suisse, les mêmes conditions géographiques ont développé les mêmes traits de caractère, mais à un bien plus haut degré, parce que la

Norvège est une Suisse plus âpre et plus solitaire. Le paysan suisse est rustique, le paysan norvégien est rustaud. Le Suisse aime son indépendance, le Norvégien pratiquel'individualisme le plus ombrageux. Le Suisse parle peu et mal, le Norvégien ne parle plus du tout.

Tout solitaire est

nulle part vous ne rencontrerez autant d'hommes de loi; et tous gagnent largement leur vie. Le tenace

paysan

est processif en

diable: L'idée d'une lésion faite à son bon droit l'exaspère. Il mangera son bien pour faire déplacer une borne mal plantée. Tenace dans la lutte, il le sera aussi dans la jouissance. je me rappellerai longtemps, à l' hôtel de Stavanger,certain richard de l'endroit qui avait acquis un phonographe. Pendant tout mon séjour, il le méttait en marche de neuf heures du matin à minuit, le temps de manger excepté. Cela durait depuis plusieurs semaines. Apparemment, cela dure encore! Il avait découvert un plaisir, et, béat, épanoui, aussi heureux à la millième fois qu'à la première, il jouissait de sa trouvaille indéfiniment. La femme norvégienne est plus complexe. Et d'abord, il n'y a pas ({ la femme », il y en a trois, selon qu'elles habitent la campagne, la petite ville ou la capitale. La servante d'auberge est excessivement timide. C'est une grande fille aux cheveux couleur de chanvre, aux joues rougeaudes, et à l'âme ingénue. Sur les bateaux côtiers qui font le cabotage aux environs des villes secondaires telles que Bergen et


Stavanger, j'ai voyagé avec la bourgeoise. Elle m'a effrayé. Vêtue de sombre, le regard morne et soupçonneux, la bouche rigidement serrée, c'est la mauvaise langue et l'étroite cervelle de petite ville dans toute son horreur. Enfin, à Kristiania, j'ai rencontré la jeune fille de la capitale, qui, elle, par contre, est d'une déconcertante liberté d'allures. Coiffée d'un béret désinvolte sur sa luxuriante chevelure blonde, flottant dans un pardessus-sac de coupe masculine, les mains dans les poches et le nez au vent, elle dévisage les passants avec une effronterie bien amusante. Elle est très instruite, même un peu pédante. C'est la femme d'Ibsen, l'héroïne de Rosmersholm ou d'Hedda Gabler. Tout dans son attitude proclame sa conviction intime d'être l'égale des meilleurs parmi les hommes, et la supérieure des autres! La vie de ménage et les maternités nombreuses se chargent, je crois, de calmer ce bouillonnement, et ces torrents cascadeurs se laissent sagement canaliser N'importe la jeune fille de Kris tiania est une curiosité capitale.

peignait le prestige de BjÕrnson par une image originale « Quand on l'approche, on se sent saisi, comme quand on entre dans le voisinage d'un glacier ». L'auteur d'Au delà des forces hunuaines a joué le tout premier rôle dans la grande crise politique actuelle.

C'est lui qui a incarné la conscience nàtionale dans sa lutte avec la tyrannie suédoise. Sa plume a préparé la révolution norvégienne, comme la plume de J.-j. Rousseau fit la Révolution Française. On prétendait, lors de mon passage à Kristiania, que tout comme Victor Hugo chez nous vers l'année quatre-vingt, le poète était discrètementcandidat à la présidence de la République éventuelle. Sa gloire, en tout cas, est éclatante et délectable. Quand je le rencontrai, il était vêtu d'un pardessus bleu ciel et d'un chapeau de même couleur. Il marchait à petits pas, son parapluie dans sa main étroitement gantée, inclinant vers le sol une face dont on ne voyait que les lunettes impénétrables entre les favoris neigeux. Ainsi s'avançait dans sa gloire ce grand vieillard bleu ciel; et chacun de se retourner sur lui, sans qu'il

parût le remarquer.

Les deux grands hommes de

C'est un fils

la Norvège, c'est Ibsen

de BjÕrnson qui dirige le Théâtre Royal de Kristiania. L'affiche ramène tous les trois jours le nom de son père et celui

et BjÕrns-

terne Bj

Õrn

son.

Les deux glorieux

vieillards ont cha-

cun,deleurvivant,

leur statue

en bronze devant le

d'Ibsen,

Théâtre Royal. Et

spectacle demeurant acquis à un auteur secondaire. D'Ibsen les œuvres en faveur sont Peer Gynt et Brandt, exactement celles

le docteur Henrik

Ibsen, qui habite au deuxième étage d'une grande maison moderne non loin de là, quand jadis il traversait le boulevard pour

PHARE DES FJORDS NORVÉGIENSQUI RESTB ALLUMÉ SIX MOIS.

qu'on comprendle

Photographie de M. M. de Wale~"e,

aller lire ses journaux en face, dans le café du Grand Hôtel, pouvait chaque jour tirer le chapeau à sa propre effigie. Il est devenu fort vieux, il ne sort plus de chez lui, où ses intimes ont la surprise de voir cet amer et dédaigneux esprit retomber dans d'étranges puérilités. Ne m'a-t-on point assuré qu'il passait des heures devant une glace à déplacer et replacer sur sa poitrine la série de ses

décorations?

Bjôrnson est un peu plus jeune. Il n'a que soixante-treize ans. On lui donnerait tout au plus la soixantaine quand on le rencontre, accomplissant sa promenade de midi autour du château, et passant, lui aussi, devant sa statue! B. B., comme le nomment ses enfants qui l'entourent d'un respect religieux, B. B. est une sorte de géant, d'une vigueur physique incroyable. Dans sa maison de campagne il prend, chaque jour,sa douche matinale sous une cascade. Un jeune littérateur danois, qui me racontait le fait, m'assura qu'ayant voulu imiter le septuagénaire il lui avait fallu un grand héroïsme pour ne pas crier en

recevant sur les épaules ce jet d'eau glacée, brutal comme un coup de massue. Ce même littérateur me

l'autre

moins en France

parce qu'elles

sont plus autochthones. Mais toutes ses autres oeuvres voient également le feu de la rampe. Il n'en est pas de même pour BjÕrnson dont on ne joue guère que trois pièces: Au delà des forces bunzaivees, Anaour et Géogra~hie, Léonarda. Au fond les Norvégiens se rendent compte qu'Ibsen a une plus large importance intellectuelle que son rival. Mais il se passe pour

eux ce qui s'est passé en Allemagne pour Gœthe et pour Schiller, pour le génie universel et pour le génie étroitement national. La préférence populaire va à ce dernier. Il est intéressant d'ajouter que le fils d'Ibsen,

actuellement ministre de Norvège à Stockholm, a épousé la fille de BjÕrnson. On m'a assuré que c'était, le jour de leurs noces, le plus beau couple qui se pût voir. Ils étaient beaux tous deux, ces enfants du génie! Les fruits que donnera cette union idéale apporteront, il me semble, un argument décisif dans le débat sur la transmission héréditaire des qualités intellectuelles.

MAURICE DE WALEFFE.

,rw`


L'Abondance du Poisson sur la Côte occidentale d'Afrique. Nous avons dit ici-même, au cours de cette année

quel intérêt il y aurait pour nos pêcheurs français, en partie dépossédés des pêcheries de Terre-Neuve, à savoir si les parages de la côte occidentale d'Afrique leur procureraient assez de poisson pour y continuer leur industrie. Nous avons annoncé alors, que la Société de Géographie Commercialede Bordeaux avait organisé une Mission pour l'étude de la faune ichthyologique du Banc d'Arguin, et son utilisation

industrielle 1 ».

Les ressources en poisson de ces régions étaient

fort discutées. Des missions avaient été précédemment envoyées sur les liéux. Mais des controverses où perçaienttrop de rivalités personnelles avaient rendu très confuse la réponse à la question que l'on se posait. Et il était finalement très difficile de savoir si, oui ou non, il était commercialementpossible d'entreprendre une pêche fructueuse en ces parages. La mission de la Société de Géographie de Bordeaux ayant été placée sous la direction d'un homme d'une haute compétence, M. Gruvel, professeur de zoologie à la Faculté des Sciences de cette ville, nous avons enfin une réponse valable. Hâtons-nous de dire qu'elle est pleinement satisfaisante. C'est le 17 janvier dernier que la mission s'embarquait sur le vapeur Guyane transformé en chalutier. M. Gruvel était accompagné de MM. Dantan et Bouillat, et d'un personnel technique composé de

trancheurs et saleurs terre-neuvas, pêcheurs de langoustes, etc., etc.; elle était en outre pourvue d'un nombreux matériel dont une sécherie démontable. Son but était l'explorationde la côte entre le cap Blanc et Dakar; la distance entre les deux points est d'environ 850 kilomètres. M. Gruvel a rappelé que Arguin et les points qui l'entourent furent possédés successivement par les Portugais, les Hollandais, les Anglais, les Français qui l'occupent encore actuellement. Le commerce avec les Maures y fut intense. Actuellement la pêche seule y est pratiquée par les Canariens au nord, les Maures au centre et les noirs au sud. Les Canariens pêchent en tout temps du cap Juby au cap Blanc; ils emploientenviron 6o goélettes à à 5o tonneaux de chacune 20 à 25 hommes avec de 5 ou 6 enfants; chaque goélette a à son bord deux lanches qui sont mises à l'eau sur les lieux de pêche et dans lesquelles embarquent 5 ou 6 hommes avec

3

2

enfants.

Les Canariens salent peu. Les produits de la pêche, en dehors de la consommation des îles, sont exportés à Sierra Leone, Fernando Pô, Cuba, Puerto Rico et le Venezuela.

Quelques goélettes, construites tout spéciale1.

Voir A travers le Monde, igo5, p.

53

ment, comportent un vivier au centre, ce qui permet de ramener le poisson vivant, d'où il est transféré dans des réservoirs. M. Gruvel cite certaines méthodes curieuses de pêche de poissons habitués à vivre dans de grandes profondeurs. Les Maures pêcheurs, peu nombreux, pêchent surtout le mulet, très abondant sur toute la côte. Les noirs, tous de Gueit-N'Dar, c'est-à-dire de Saint-Louis du Sénégal, pêchent toutes les espèces, et se servent d'un filet en forme de sac. L'abondance du poisson est extraordinaire avec un chalut à perche de i mètres, on a pris en une heure et demie de 3000 à 4000 kilogrammes de poisson. Avec un chalut à plateau, de 40 mètres d'ouverture, de 3 5 à 40 tonnes de poisson par jour. On se rendra compte du peuplement de ces mers, quand on aura rappelé que les chalutiers d'Arcachon prennent en

cinq heures de 700 à 800 kilogrammes de poisson. Le poisson préparé par les terre-neuvas de la mission, c'est-à-dire comme à Terre-Neuve, a donné d'excellentsrésultats, et les 600 kilogrammes préparés ont déjà sept mois et demi de salaison. Cependant les conditions sont différentes, car l'hygrométrie est un facteur important dont il faut tenir grand compte; il ne faut pas surtout que le poisson sèche trop vite, car alors l'intérieur n'aurait pas un degré de salure suffisant et pourrirait. Le poisson préparé « en vert comme à Terre-Neuve et continué ensuite à Bordeaux a donné

d'excellentsrésultats.

Le sel employé provenait des salines de Marsa, situées à 20 kilomètres du point où s'était installée la

mission. M. Gruvel estime que cette seule saline de Marsa pourrait donner 1 200 tonnes par an; malheureusement il n'y a aucune sécurité. Revenant aux produits de la mer, M. Gruvel dit que les céphalopodes sont nombreux et pourraient fournir un appoint sérieux à l'appât ou boëtte. On pourrait aussi tirer un excellent parti des déchets tels que tête, entrailles, qui fourniraient du guano ou de l'huile; ce guano est très riche en azote et acide phosphorique. En ce qui concerne la préparation pour la vente, M. Gruvel dit qu'il faudrait faire des choix de poissons, sécher, saler et fumer les plus estimés et laisser les inférieurs pour la consommation locale. Il ajoute qu'on pourrait aussi travailler les poissons migrateurs tels que sardines, thons, bonites, et enfin les langoustes, dont quelques-unes pèsent jusqu'à 6 kilogrammes et qui sont si nombreuses qu'on les trouve souvent en masses compactes. Les soles aussi sont très abondantes un seul coup de filet en a apporté 431. En résumé, cette côte est appelée à un grand avenir au point de vue de la pêche M. Gruvel a attiré 1.'attention du gouverneur général sur les moyens propres à assurer la sécurité deces eaux établissement d'un feu à la pointe du cap Blanc, installation d'une bou~e lumineuse sur le banc du Lévrier, et création d'un dépôt de charbon afin que les bateaux ne soient pas obligés d'aller en chercher aux Canaries ou à Dakar. Grâce à M. Gruvel, nous sommes fixés définitivement sur la valeur de cette région comme centre de pêche. Nous devons l'en remercier.

-s.


que pendant six mois le pays se couvre de mares et de verdure. Ce ne sont plus les plantes rabougries, épineuses et espacées du Sahara, mais une herbe fine, de la vraie herbe, dans une forêt très clairsemée, il est vrai, mais continue, de mimosas. Avec quelques lacu-

nouvelle Traversée du Sahara. L'Optimisme de M. E.-F. Gautier.

Une

professeur à l'École supérieure de traverser le Sahara, et en rapporte une impression des plus avantageuses. Parti en novembre 1904 d'Alger, il a exploré la région qui environne le Touat, et est arrivé à Gao, sur le Niger, le 3 août. De là, profitant des moyens rapides nouvellement créés par l'Afrique Occidentale, bateaux à vapeur et chemins de fer, il est rentré en France en moins de deux mois, M.

E.-F. Gautier, d'Alger, vient

ayant parcouru sur la terre d'Afrique un itinéraire de

5000 kilomètres.

Outre d'intéressantes études, il a rapporté de son voyage des appréciations

inattendues sur les régions qu'il a traversées. Le Sahara n'a pas, à son avis, grande valeur intrinsèque; mais il

est inexact qu'il constitue un obstacle sérieux aux communications.

Les moutons de l'Adrar, dit-il, le traversent u

nes, dues sans doute à des accidents géologiques, cette large bande de steppe entre le vrai désert et le Soudan se retrouve de l'Atlantique à l'Égypte; cela forme un trait saillant de la géographie africaine, qui n'a pas encore été suffisamment mis en lumière. Cette zone n'est pas sans avenir économique, l'élevage des boeufs et des moutons y est possible. Pour le moment, ce serait le paradis des chasseurs, s'ils s'aventuraient jusque-là. La vie animale y est exubérante, comme jadis dans les steppes analogues de l'Afrique australe extrêmement nombreuses sont les variétés d'antilopes et de gazelles, sangliers, girafes, lions. Et même, quelquefois, les éléphants s'y aventurent. » M. Gautier n'a pas eu à souffrir des Touareg, plus que des difficultés physiques du pays. Les Touareg sédentaires ont été complètement soumis par les méharistes du colonel Laperrine. Le voyageur n'avait avec lui qu'un guide et un domestique; point d'armes. Cela n'a paru

imprudentà personne.Quant aux Touareg à cheval, qui

nomadisent dans le steppe, surtout le long du Niger, s'il est vrai que nos officiers soudaniens ne les tiennent pas encore bien en main, ils commencent cependant, de leur côté, à se tenir assez

chaque année pour aller se vendre dans les oasis du tranquilles. Touat. De même les bœufs M. Gautier estime que si la pacification n'est pas passent dans le Hoggar, et rien ne s'opposerait à ce absolument complète, c'est qu'ils aillent, eux aussi, jusCARTE DE LA RÉGION VISITÉE PAR M. E.-F. GAUTIER que ce merveilleux instruqu'à In Salah, n'était l'imment qu'est le méhariste des possibilité de les y nourrir autrement qu'avec des oasis sahariennes manque à Tombouctou. Les oasis ont dattes. Sur notre route, nous n'avons rencontré que pour recruter leurs compagnies les Châambas, familiers dès l'enfance avec le chameau. Tombouctou s'est 500 kilomètres réellement mauvais; c'est la traversée du Tanezrouft. Et encore les difficultés en sont-elles adressé, au contraire. à des tirailleurs soudanais, qui bien adoucies par les deux points d'eau d'Inzize et de ne connaissent ni le chameau ni le désert. Dans un Timissao. A dire vrai, le. siroco m'y a paru moins premier essai, toutes les bêtes ont péri, faute de soins pénible qu'à Alger; sans doute parce que l'écart de la convenables. On en recommence un second dans les température normale est moins grand. Il s'annonce par mêmes conditions. M. Gautier craint un nouvel échec, et croit que Tombouctou ne régnera sur la part qui lui un gros nuage noir à l'horizon. On arrête son chameau. On s'accroupit derrière. On essuie une tempête qui est revenue dans le récent partage qui s'est fait du Sahara entre l'Algérie et le Soudan, que lorsqu'il aura vous fouette le sable dans la figure. Et généralementau de bons méharistes. bout d'une demi-heure on peut reprendre son chemin. Les nuits sont toujours fraîches, reposantes. Le climat En dehors d'un millier de kilomètres de relevés très sain. nouveaux qui, avec ceux de MM. Laperrine et TheveD'ailleurs le vrai Sahara est moins large qu'on niaux, permettront de dresser la carte de l'Adrar, M. Gautier a élucidé un fait fort important. Si l'on ne le croit. L'Adrar, région montagneuse avec des hauteurs de 700 à 800 mètres, n'est plus le désert. regarde la carte du Sahara central, à l'est, on voit un A 600 kilomètres de Gao, nous sommes entrés dans bassin hydrographique bien déterminé, celui de l'Igharghar. A l'ouest, au contraire, il reste un immense un steppe qui règne ensuite jusqu'au Niger. Il y existe blanc autour duquel sont tracées les têtes des oueds une saison de pluies régulière. Chaque année il y tombe de 150 à 30o millimètres d'eau. Cela suffit pour qui descendent de l'Atlas marocain et du massif du


Hoggar. Où vont ces oueds? On ne le savait pas. Aujourd'hui, il est certain qu'ils vont se perdre dans une vaste dépression dont les salines de Taodeni sont le centre. L'explorateur a suivi l'oued Messaoud, continuation de l'oued Saoura, jusqu'à 120 kilomètres au delà du Touat. Taodeni, d'après tous les témoignages indigènes, est un endroit où il y a encore beaucoup d'eau. L'extraction du sel s'y fait dans l'eau. Il y avait là, à une époque pas très ancienne, un grand lac, une sorte de Tchad qui devait recevoir non seulement tous ces oueds sahariens, mais le Niger lui-même. Le cours de celui-ci ayant probablement été obstrué par 1,s sables, il s'est ouvert son lit actuel en brisant la barrière de roches de Tosaye.

découvertes géographiques, le savant proesseur a ajouté d'intéressantes considérations sur le sol et le sous-sol du pays qu'il a parcouru. Nous ne doutons pas que la publication de ses études jette un jour nouveau sur le pays qu'après René Caillé, Lenz et Foureau (sans compter Laing et le commandant Lamy, morts en cours de route), il a réussi à traverser. A ces

La prochaine Exposition de Tokio. Pour démontrer que sa prospérité économique égale

sa ~uissance militaire, le japon va organiser, à Tokio, une exposition beaucoup plus importante que celles qui ont dc~à été ouvertes cinq fois dans le pays. L'intérêt de cette exposition sera des Plus considérables. Il y a lieu, dès maintenant, d'examiner les conditions dans lesquelles elle se présente.

avec cet esprit d'assimilation qui les a initiés si rapidement aux choses de l'Occident, ont compris très tôt l'intérêt des expositions, et ils en ont déjà organisé cinq, si l'on considère comme la première l'exposition de Kioto de 1883. Mais, avant cette date, dès 1867 (c'est-à-dire avant même la révolution de 1868, début de l'ère actuelle du yJaeiji), ils avaient expédié à l'Exposition Universelle de Paris 500 tonnes de leurs plus beaux produits des soies, des satins, des laques, des porcelaines, des bronzes, des incrustations en ivoire; -une véritable maison à thé, avec ses serviteurs et ses serdes armures, des épées, des lances, des vantes arcs, des flèches, toute une panoplie des armes offensives et défensives du Moyen âge. Le Chogoun avait largement contribué à ces envois, de même que le Daïmio de Satsouma qui permit, en outre, à ses deux plus jeunes frères, de se rendre à Paris. En 1872 eut lieu, à Kioto, l'ancienne capitale, sinon une exposition proprement dite, du moins une exhibition qui y ressemblait beaucoup. C'était un groupement de spécimens des diverses industries nationales que les Japonais avaient l'intention d'envoyer à l'Exposition de Vienne. On avait convié les

Lss japonais,

étrangers à cette solennité aussi ingénieuse qu'intéressante, non seulement comme visiteurs, mais même comme exposants. Un certain nombre répondirent à cet appel. Bien quecette tentativefût extrêmement instructive au point de vue des ressources de l'Empire du Soleil-Levant, les japonais considèrent comme la première de leurs expositions nationales celle qui eut lieu, à Kioto également, en 1883C'est un journaliste américain de New York, qui a le mieux vu et le mieux décrit cette exposition de 1883, et voici un résumé des impressions qu'il en a rapportées « A l'Exposition de Kioto, on se trouve, à chaque pas, en présence d'articles de provenance japonaise absolument identiques aux articles anglais, américains, etc. Il y a là, par exemple, de la parfu-

merie, des brosses et des objets de toilette de toutes sortes, des lampes et des objets de verre, des pendules, des des montres, des jouets de tous genres; balances et des bascules, depuis celles qui servent à peser les rails pour les chemins de fer, jusqu'aux appareils de la plus haute précision pour les droguistes des livres et des reliures, des et les joailliers machines à imprimer de toutes espèces, et tous les des instruments d'agriobjets du matériel scolaire; culture, de la coutellerie et des outils de chirurgien et de dentiste; des instruments de mathématiques, des microscopes, des appareils photographiques, des jumelles, des lunettes, etc., etc. cela est fait au japon, « Non seulement tout mais cela est fabriqué avec le même degré de perfection qu'en Amérique, en Angleterre, etc. Bien plus, les machines qui servent à confectionner ces articles sont elles-mêmes construites au japon. Les machines à vapeur, les tours, les presses, tout cela est fait au

japon. Les méthodes européennes sont généralement employées, mais souvent elles sont perfectionnées. « On sort de cette exposition avec la conviction qu'il n'existe rien qui ne puisse être manufacturé au japon, et que tout ce que l'on y produit est bien fait, de bonne qualité, et revenant à meilleur marché qu'en aucun pays du monde. » Cette impression n'a fait que se confirmer aux trois expositions qui eurent lieu ensuite à Tokio.

3

juillet 1903, se tint la Enfin, du ier mars au cinquième et la plus grandiose des exhibitions l'Exposition Industrielle japonaises de ce genre,

nationale d'Osaka. Osaka est la troisième ville commerciale de l'empire du Soleil-Levant, et a mérité le surnom de située sur la côte (( Manchester japonais ». Elle est sud-ouest de l'île de Nippon, la plus considérable du japon, et se trouve reliée, tant par des voies ferrées que par des lignes régulières de navigation, avec toutes les autres parties du pays. C'est, d'autre part, une ville fort ancienne, dont les vieux monuments publics sont du plus vif intérêt pour des visiteurs

étrangers.

Mais, en 1903, ce qui a le plus attiré l'attention dans la florissante cité japonaise, c'est l'Exposition elle-même. Il faut dire que les japonais n'avaient rien négligé pour assurer son succès. Ils avaient multiplié

les facilités et les avantages de toutes sortes pour


amener à Osaka un afflux considérable d'exposants et de visiteurs. Or, ce double afflux s'est produit. L'Ex-

position a été merveilleuse. Elle a donné une idée imposante du progrès de toutes les industries nipponnes, et notammentdes industries minérales extractives. Celles-ci permettent aujourd'hui d'exporter de la houille japonaise dans tous les ports de l'ExtrêmeOrient, du Pacifique, de l'Océan Indien, depuis San Francisco à l'est, jusqu'à Aden à l'ouest. On a pu constater aussi à Osaka que.le pétrole, qui se trouve en abondance au japon, commence à y être exploité sur une grande étendue. Dans le seul district d'Echigo, plus de trente compagnies consacrent à cette industrie un capital de trente millions. Le Palais de la Marine a fait ressortir la perfection des constructions navales au japon. On s'y est aperçu que les chantiers japonais pouvaient livrer des bâtiments à vapeur de dimension moyenne à des prix bien inférieurs à ceux demandés dans les ports anglais. Le Stachi-Marou, un des plus beaux steamers de la grande compagnie de navigation japonaise la 7Vippora Yousen Kaisba, sortant entièrement des docks Nitsou Bishi, à Nagasaki, a été examiné minutieusement par les experts du Lloyd britannique. Ceux-ci l'ont déclaré tout à fait comparable à n'importe quel navire sortant des cbantiers de la Clyde. Des spécialistes ont également admiré le navire affecté, au japon (comme la Charente en France), à la pose, à l'entretien, et à la réparation des câbles sous-marins, et qui a, notamment, immergé le câble de 800 milles de longueur réunissant Formose à la métropole. La ville d'Osaka, avec ses innombrables usines, constituait par elle-même une véritable exposition industrielle, en ce qui concerne les cotons manufacturés. Il y avait là des visiteurs venus du Lancashire afin de se rendre compte sur place des causes pour lesquelles les fabriques de cotonnade de leur pays enregistrent annuellementpour plusieurs millions de déficit, alors que les fabriques similaires des districts d'Osaka et de Hiogo distribuent des dividendes de

10, pour 100,

ont pu constater que l'Inde elle-même, après avoir supplantéles cotonnades européennes sur la côte orientale d'Afrique, souffrait beaucoup, à son tour, de la concurrence des filatures d'Osaka. Et cela, parce que l'ouvrier hindou, en dépit des avantages considérables qu'il possède sur l'ouvrier européen, se trouve à son tour dans des conditions d'inférioritéécrasanteyis-à-vis du Japonais, celui-ci produisant à 5o pour ioo meilleur Ils

marché.

La prochaine Exposition de Tokio va confirmer et compléter ces précieux enseignements de l'Exposition d'Osaka. Elle tirera un intérêt particulier de ce fait, qu'elle ne renfermera pas seulement les produits originaires de tous les pays qui font directementpartie aujourd'huide l'empire du japon, depuis l'ile Sakhaline (dont la partie méridionale, jusqu'au 5oe parallèle, est devenue terre nipponne, de par le traité de Portsmouth du 5 septembre ic~o5), jusqu'à l'île Formose. Le Gouvernement de Tokio aura à cœur d'y rassembler les richesses de toutes les régions qui, depuis la guerre russo-japonaise, gravitent désormais dans l'orbe du japon la Corée, véritable protectorat nippon

la péninsule de Liao-Toung avec Port-Arthur et

Dalny, et, par extension la Mandchourie entière. La Chine sera certainement appelée à participer à cette exposition, et sans doute beaucoup d'autres pays de l'Extrême-Orient, de la Malaisie, de l'Australasie, peut-être même des autres parties de l'Océanie. Nul ne peut prévoir l'extension que prendra cette exposition de Tokio, dont la date n'est pas encore fixée. Le japon s'efforcera, incontestablement, d'en faire une importante manifestation pacifique de sa puissance industrielle et commerciale. Il y a lieu d'être attentif à cet événement qui marquera, dans l'ordre économique, une date importante.

Perceval Landon. -~A Lbassa, la yille interdite.

Relation de la marche de la Mission~ envoyée au Tibet par le Gouvernementanglais en 19°3- J 9°4. Introduction du Colonel Younghusband, commandant de l'expédition. Traduit et résumé par M. Francis Ricard. beau volume in-80 jésus de 400 pages sur papier vergé et illustré de 24 planches en héliogravure tirées hors texte. Broché, 20 francs; relié, 3o francs. Librairie Hachette, 79, boulevard Saint-Germain. IL serait difficile, parmi les récits les plus célèbres et les plus captivants d'explorations aventureuses, d'en citer un qui dépasse en intérêt la relation de M. Perceval Landon. Le compte n'est pas long à faire des Européens qui, depuis Marco Polo, ont franchi les frontières du Tibet. Mais c'est, cette fois, bien autre chose il s'agit d'une expédition européenne pénétrant jusqu'à Lhassa, la ville sainte des Dalai Lama et des gompas (temples), la « ville interdite ». Correspondant spécial du Times, et membre de l'état-major de la Mission, M. Perceval Landon était mieux placé que qui que ce fat pour en tracer l'histoire; mais cette compétence particulière n'est que l'un de ses titres à notre attention, et l'on ne sait ce qu'il faut louer davantage-en lui, de la sûreté de son coup d'oeil ou de son talent à décrire ce qu'il a si bien observé le pays et les êtres, les traditions et les moeurs, étranges et mystérieuses. Ce vivant récit est d'ailleurs admirablement commenté par ces magnifiques planches hors texte où revivent, dans une intense réalité, et les aspects divers du Tibet et les phases de l'expédition qui vient enfin de nous le révéler. Louis Rousselet. Au vieux Pays de France. Excursions de vacances dans le bassin de la Loire. i vol. illustré de 6o gravures d'après les photographies. Broché, 7 francs; cartonné, tranches dorées, 10 francs. Librairie Hachette, 79, boulevard Saint-Germain. La nouveau volume de M. Louis Rousselet est attachant comme un roman. A suivre un guide si bien informé, dont le style est si vivant, on prend plaisir à parcourir avec lui les contrées du Vieux Pays de France, où il nous mène.

Paul Gruyer.

Napoléon, roi de l'île d'Elbe. 1 vol. in-8o raisin illustré de 24 gravures hors texte. Broché, 15 francs; relié, 20 francs. Librairie Hachette, 79, boulevard Saint-

Germain.

Nos lecteurs ont eu

la primeur d'une partie de ce volume,

dans des livraisons parues cette année. On n'accusera pas sans doute M. Paul Gruyer d'avoir traité, dans son nouveau livre, un sujet rebattu. Par une fatalité singulière, tandis que les travaux se sont multipliés sur la Corse ou sur Sainte-Hélène, le séjour à l'île d'Elbe est demeuré l'épisode le plus ignoré de l'épopée impériale. Aussi l'étude si alerte et si documentée que M. Gruyer lui consacre, sera-t-elle d'abord, pour le public tout entier, une sorte de révélation. Rien de plus piquant d'ailleurs que l'histoire de cette royauté de Sancho Pança » tout d'un coup dévolue au « « géant historique ». Jamais peut-être la réalité la plus sctupuleusement étudiée n'a ressemblé davantage à un conte imaginé à plaisir. Rien de plus charmant non plus que le cadre même où ces événements se déroulent.


ASIE

L'Industrie du Pétrole au Japon. Le Japon est le troisième pays

producteur en Asie.

L'industrie japonaise du pétrole date de très peu de temps, mais, en ces dernières années, elle a beaucoup fait parler d'elle. Les sources de pétrole du Japon sont situées en première ligne dans la province d'Echigo, où se trouvent les terrains pétrolifères du Nihigata. Ces terrains s'étendent du centre des districts d'Asama et de Tatedjama jusqu'à la province du Mutsu, et se prolongent jusque dans l'île de Hokkaïdo. Cette zone mesure une longueur totale d'environ 11000 milles et une largeur de 1.3 milles environ. L'exploitation des terrains pétroltfères y a été déjà commencée en 1867, mais ce n'est que depuis fort peu de temps que cette industrie a pris quelque essor. Le Japon compte environ 50 Sociétés qui s'occupent de l'exploitation et du raffinage du pétrole et disposent d'un capital de 20 millions de yens,

soit 52 millions de francs. Le Gouvernement japonais a beaucoup de sollicitude l'industrie du pétrole, et il a même l'intention de conspour truire un pipe-line allant des sources de pétrole à Tokio, c'est-à-dire sur une distance d'environ 200 milles. Voici quelle a été la production du Japon depuis 1892 1892, to933; 1893, 14t21; jusqu'en 1903 (en tonnes)

1894,22797;

22424; t896~ 3~z6o; ~8g7, 35683; t898, 42 1 Il 1899, 71 202 19°0,115063; 19°1,147,450; 1902, 159°00; 1903,297°00. 1895

AFRIQUE

Gisements de Pierres précieuses à M ad agascar. bruit de l'existence à Madagascar de gisements de pierres précieuses, le Gouvernement local vient de charger un lapidaire d'une enquête sur place. A la suite du

Ce spécialiste a commencé ses recherches dans la

région comprise entre Ambatslampy et Antsirabé, et a trouvé des zircons, des grenats, des saphirs, des tournalires et autres.pierres de différentes couleurs, qu'il doit soumettre prochainement à un examen des plus minutieux. Il fera connaître ensuite l'Intérêt qu'elles peuvent offrir au point de vue commercial.

Un Projet de Chemin de fer la Vallée du Zambèze.

dans

Reprenant un ancien et très important projet qui avait été longtemps discuté, le Gouvernementportugais a décidé d'entreprendre sans retard la constructiond'une voie ferrée de protection dans ses possessions de l'Est africain. La ligne dont il s'agit partIrait de Quilimane et suivraIt une direction à peu près parallèle au Zambèze, pour aboutir à Port-Herald, après une course d'environ 153 milles (246 kilomètres'. Mettant le littoral en communication directe avec les routes qui, de la vallée du Zambèze, gagnent la région des Grands Lacs et notamment de l'Afrique centrale britannique, le nouveau chemin de fer serait probablement assuré d'un trafic rémunérateur dès les débuts de l'exploitation. On sait, en effet, que le Zambèze est une voie très imparfaite, qui se prête mal à la mise en valeur des territoires qu'il traverse. Aussi est-il à souhaiter que le projet dont nous venons de parler soit réalisé dans le plus bref délai possible.

Le Commerce de l'Algérie en 19Ô~4. mouvement des échanges de l'Algérie en go4 a été de 639 609 000 francs, soit 6 295 000 francs de plus qu'en Le

19°.3.

L'augmentationde l'importation a porté:-principalement sur les tissus de coton, les peaux et pelleteries ouvrées, les

bois, la bImbeloterie, etc. La baisse des exportations a porté surtout sur les moutons 10.327000 fr.)« ro33gooo fr.) et les vins situation défavorable, lisons-nous dans le rapport de l'Administration des Douanes, dans laquelle s'est trouvé le commerce d'expÕrtation en 1904 a été déterminée par les fléchissements accentués qui ont atteint les valeurs des bestiaux et des vins. En ce qui concerne ces derniers produits, les expéditions, supérieures en quantité de plus de 640000 hectol., ont présenté une diminution de valeur de 10 926 000 francs. Les viticulteurs, en effet, ont éprouvé de graves mécomptes par suite de la dépréciation des cours sur le marché national encombré par la surproduction.Les grèves maritimes, d'autre part, ont infligé des pertes considérables aux éleveurs, en interrompant brusquement les transports entre la colonie et les ports méditerranéens, au moment où la campagne d'exportation des moutons présente le maximum d'activité. » On a vu que la diminution des exportations d'Algérie en France a atteint près de 2.3 millions de francs. La navigation entre l'Algérie et la métropole, réservée, comme on sait, au pavillon national, a été de 3 590 navires, jaugeant 5 192 000 tonneaux. Avec l'étranger et les colonies françaIses, le mouvementa été de 3 639 voyages, représentant 2 815 000 tonneaux; la part du pavillon français dans ce trafic n'a été que de 20 p. 100, contre p. roo en 19°.3, 22 p. 100 en 1902 et 28 p. roo en 19°1.

(-

(-

La

2

Les

«

Centros » hispano-marocains.

Sous le nom de Centros comerciales hispano-marraquies, s'est constituée, à Barcelone, Madrid et Tanger, une association ayant pour but de développer l'influence commerciale de l'Espagne au Maroc, de détourner son émigration vers ce pays, d'y employer ses capitaux, etc. Cette institution a décidé de s'adresser aux pouvoirs publics pour leur demander d'inaugurer sans perdre de temps une politique active au Maroc. Les Centros demandent que les tarifs douaniers s'appliquant aux produits du Portugal s'appliquent également à ceux du Maroc; que la Banque d'Epagne installe des succursales ou agences à Melilla, Ceuta et Tanger j que l'on procède à la comtruction rapide des ports de Melilla et de Ceuta, au transfert des presidios, à la création d'hôpitaux et d'écoles où l'on admettrait les musulmans et les juifs; que l'on établisse sur les territoires de Melilla, Ceuta et Alhucemas un ~oco (marché marocain) qui, à l'exemple de ceux créés en Algérie le long de la frontière du Maroc, çontribuerait au développement du commerce avec ce pays; que l'on pose des câbles entre les Chafarinas, Alhucemas, Ceuta et Melilla, d'une part, Almeria et Malaga d'autre part; que le commerce soit absolument libre entre le Maroc, les possessions espagnoles d'Afrique, et la Péninsule; que l'on introduise en franchise dans la Péninsule le poisson pris sur les côtes du Maroc par des bateaux espagnols; que le Centro arabista fonctionne immédiatement pour préparer les politiciens, les diplomateset les administrateurs qui se consacrent à l' « Afrique espagnole ». On se livrera prochainement à des études sur la côte africaine, pour l'établissement de pêcheries et d'industries connexes une mission sera envoyée dans ce but sous les auspices du Gouvernement, de la Chambre de Commerce de Madrid, de la Sociedad Geografica et des Centros. Sous la même direction, on enverra trois vapeurs, l'un de Barcelone, l'autre de Cadix et le dernier de Bilbao, avec des persornes chargées de visiter les possessions espagnoles d'Afrique et une grande partie de la côte du Maroc. On prépare en outre deux missions scientifiques et commerciales dans le but d'étudier les ressources du Maroc, et d'y ouvrir de nouveaux marchés. Grâce à l'activité des Ceuiros, il a été établi une ligne de vapeurs espagnols entre Barcelone, Almeria et Melilla, qui fera prochainement escale dans d'autres ports. On créera des musées de produits marocains, et l'on prépare une exposition en Espagne et une autre à Tanger.


Haïti et

ses Resso'urces économiques.

Parmi les îles voisines des côtes américaines que vise l'im~érialisnae -yankee, Haïti semble particulièrementdésignée. Déjà les États-Unis ont fait une tentative sur Saint-Domingue;ils attendent l'occasion d'intervenir dans la République sceur. Malheureusement, Haïti n'évite guère les fautes qui offrir~rct un jour ou l'autre un ~rétexte à sespuissantsvoisins.

LA

France Noire, tel est le nom que Michelet a donné à l'île qui, jadis, fut nôtre, et qui, bien qu'elle se soit émancipée en 1804, aime à se rappeler les liens de parenté qui l'unissent encore à la France. A certains égards, la république d'Haïti, l'un des deux États qui se partagent la grande île, a gardé, mieux encore que le Canada, le culte jaloux de notre langue et le souvenir de notre culture. Nous avons donc des motifs particuliers pour nous intéresser à l'état moral et à l'avenir économique aussi bien que politique, de ce qui fut uttc ~cmc mauçaise, où un peu de notre âme et de notre génie survit encore à notre

""Ul.lt:1U1~

domination.

Haïti, au point de

vue de l'étendue et du chiffre de la population, est la seconde des Grandes Antilles et c'est la première de ces quatre grandes îles qui ait secoué le joug d'une des puissances maritimes de plus intéressante encore les deux États qui la composent, la république de Haïti et celle de SaintDomingue, sont les l'Europe.

Chose

FEM3IES EMPLOYÉES DANS

(Petite Espagne), mais le nom caraïbe finit par prévaloir, à partir du commencement du XIX" siècle. Haïti occupe à peu près le centre de la longue chaîne des Grandes Antilles, entre l'Atlantique au nord, et la mer des Caraïbes au sud. La passe Mona la sépare de Porto Rico à l'est; celle dite des Vents la sépare de la Jamaïque à l'ouest, et de Cuba au nord-ouest. ao Le grana ~~o axe ae l'île se dirige de l'est à l'ouest, sur une longueur de 65o kilomètres sa plus grande largeur, du nord au sud, en a atteint 260. Mais rien n'est plus irrégulier que le contour de cette grande terre, qui prolonge vers Cuba la presqu'île de Saint-Nicolas, et vers la Jamaïque celle plus longue encore de Triburon. La superficie totale de l'île est de 77255 kilomètres carrés, soit environ celle de onze déUNE CAFÉIBRE. partements français.

1.0.1

D'après une photographie.

deux oremiers où des

nègres affranchis ont essayé de

se

gouverner eux-

mêmes, en se donnant une Constitutionà feuropéenne. Certes, jamais plus magnifique champ d'expérience, mieux pourvu de ressources naturelles de toute espèce, ne fut donné à une race réputée inférieure pour prouver qu'elle avait atteint sa majorité politique et savait se conduire elle-même, en prenant place au nombre des États policés du globe. Mais d'abord, d'où vient le nom de Haïti? En vieux caraïbe, ce mot signifie la Montagneuse; et jamais terme ne s'appliqua mieux à son objet, puisque cette A TRAVERS LE MONDE.

île est la plus accidentée des Antilles. Colomb, qui la découvrit le 6 décembre 1492, la nomma Hispaniola

528 LIV.

La Montagneuse ou la Haute Terre! Le vieux nom caraïbe caractérise admirablementl'aspect de l'île, telle que le voyageur qui s'en approche la voit, de très loin déjà, surgir du sein des flots, avec ses mornes grandioses et ses côtes pittoresquement découpées. Seule, la partie du sud-ouest offre un profil un peu moins accidenté. Le navire qui ferait le tour de l'île aurait sans cesse à l'horizon un panorama de montagnes, rarement interrompu par le débouché d'une vallée qui, parfois, s'élargit juste assez pour mériter le nom de plaine. Ces montagnes se partagent en quatre chaînes parallèles, qui courent de l'ouest à N~ 52.

3o Décembre 19°5.


l'est, et sont séparées les unes des autres par trois

vallées en général étroites. La chaîne septentrionale(Sierra de Monte Cristi), dont le point culminant atteint 1 220 mètres, forme le versant septentrional de la riche Vega Real (Vallée Royale) ou plaine de Santiago. Le versant méridional est formé par la plus longue des quatre chaînes, qui porte des noms divers, et dont un ou deux sommets dépasseraient les 3000 et même les 4 000 mètres. Les deux autres chaînes offrent également de puissants massifs, de cimes élevées et un aspect des plus impo-

sants.

Boisées en général jusqu'à leur sommet, ces mon-

tagnes donnent naissance à d'innombrables ruisseaux qui coulent dans toutes les directions et se transforment rapidement en torrents. Au temps des crues, on voit leurs eaux grossir, et dévaster leurs rives. Comme on peut déjà le deviner par la distribution et la direction des montagnes, les principaux de ces cours d'eau ont une direction de l'est à l'ouest, ou réciproquement. Le plus long d'entre eux est l'Artibonite, dont le cours a un développement de 400 kilomètres. Et pourtant, ce n'est qu'à l'approche de la baie des Gonâives, où il se jette, entreles deux presqu'îles

mat, on ne saurait assez exalter la beauté de cette terre

fortunée où, même dans la saison chaude, la température est toujours adoucie par les brises du matin et du soir, et par l'absolue pureté du ciel qui laisse rayonner dans l'espace la chaleur de tous les corps répandus à la surface du sol. Les nuits sont merveilleusementcalmes et sereines, et, le matin, la rosée qui est tombée sous les feuillages balsamiques, s'évaporant aux premiers rayons du soleil, rafraîchitdélicieusementl'atmosphère, et l'embaume de tous les effluves dé la flore tropicale. Il n'y a donc rien d'étonnant qu'Haïti se soit élevée jadis, à l'époque où elle possédait une portion notable de populations européennes, à un degré de splendeur qui lui permettait de disputer à Cuba le titre de Perle des A~ztilles. Malheureusement, l'instabilité de son organisation politique et les fautes du gouvernement de ses deux républiques contribuent bien plus que les vices de son climat à laisser quasiment en friche le plus splendide jardin des mers. Haïti a été souvent dévastée par les tremblements de terre, notamment par celui de 1564, qui ruina les villes de la Concepcion de la Vega, fondée par Colomb, et Santiago de los Caballeros; par celui de 1771,

dont nous avons parlé,

qui détruisit Port-auPrince, et enfin par celui de 1842, qui fit périr les deux tiers de la population de Cap Haïtien. Aussi, rien d'étonnant si cette terre volcanique abonde en sources ther-

qu'il devient navigable. Les autres rivières de

l'île n'ont à tous égards qu'une médiocre importance. La

température

moyenne de Haïti est celle de la zone torride. La moyenne de la sai-

1RHRE Sl:kV.SNT

(,1_OL:FIER ~ENVIRONS Dk5 GONA1VE5~.

males,

ferrugineuses,

salées ou sulfureuses, principalement dans le D'après zsne photographie. voisinage du golfe et de L'alternance quotidienne de la brise de mer, ou la côte du sud, et dans la vallée de l'Artibonite. Elle vent d'est, et de la brise de terre, ou vent d'ouest, est est d'ailleurs riche en minéraux de toute sorte ses fortement influencée par la hauteur des montagnes et montagnes recèlent des gisements de marbre, le jaspe, la direction des vallées. C'est aux équinoxes et aux les agates, l'opale, le soufre, le bitume, le charbon de solstices que le vent de mer souffle avec le plus de vioterre, les anthracites. On pourrait y exploiter en outre lence, déchaînant parfois des ouragans. Un des plus le fer, l'étain, le cuivre, l'antimoine, le manganèse, le désastreux, celui de 183 1, dévasta toute la côte mérimercure à l'état natif, l'argent et l'or. Les localités de dionale. Une bourgade de quatre cents maisons, les Cibao et de Saint-Christophe ont fourni autrefois, C~iyes, en a particulièrement souffert; après le passage chaque année, pour plus de 46000 marcs d'or (36 mildu fléau, ce n'était plus qu'un monceau de ruines. lions de francs). On estime à 3~o millions de francs la Une autre plaie d'Haïti est la fièvre jaune, bien valeur totale que l'île a fournie. Après l'extinction des indigènes, on délaissa les mines. Aujourd'hui encore, que les indigènes aient moins à la redouter que les étrangers. Mais les autres Antilles et les côtes de elles sont abandonnées. En 183 1, on a constaté l'exisl'Amérique Centrale ne sont guère mieux partagées. à tence du charbon près de Santiago, et en 1862 sur la presqu'île de Samona. Mais ces gisements, comme les cet égard. Qui sait d'ailleurs si les grandes épidémies qu'on relate dans les fastes de l'île, en particuliercelles bassins houillers de los Caobos, Hincha, etc., autrefois où ont succombé tant de soldats français ou espagnols, exploités, attendenttoujours les brasqui, jusqu'ici, leur n'auraient pas été évitées dans une large mesure, grace ont fait défaut. à une hygiène plus sévère et un régime alimentaire Les grandes forêts d'Haïti renferment les plus plus régulier? Ce que les Américains ont obtenu à Cuba, précieuses essences, et manifestent, comme toute la d'où ils ont presque complètement chassé la fièvre végétation de l'île, la puissance et la richesse de la jaune, ne laisse aucun doute à cet égard. nature tropicale. L'acajou, le chêne, le pin, le fustic, D'ailleurs, la part une fois faite aux vices du clile campêche et autres bois de teinture, le bois de son hivernale ne descend que rarement audessous de 21 degrés.

UN

DU:


satin et une foule d'autres essences vulgairementnommées bois des îles, qui sont propres aux constructions et à l'ébénisterie, se rencontrent dans les bois en quantités inépuisables. La cire de palmier, le dividi, l'oranger, l'ananas, la banane, la sapotille, le mango, les chérimolles, etc., sont encore des produits végétaux qui pourraient alimenter le commerce du pays. C'est d'Haïti que nous est venu le maïs, le cacao. Le

coton, le tabac, le sucre, le miel, les écailles de carets, le roucou, le curcuma, le jute, la cochenille, l'aloés, etc. ajoutent aux richesses de cette terre généreuse. Mais la grande richesse de l'île, le produit abondant et exceptionnel du sol, c'est encore le café. Par malheur, l'industrie est très peu développée, et la population, qui tire de l'agriculture seule les ressources dont elle a besoin, n'a guère fait qu'effleurer jusqu'ici les inépuisables trésors que la nature a mis à sa portée. Quoi qu'on en ait dit, l'Haïtien n'est pas paresseux; mais, n'ayant qu'à cueillir les fruits de ses arbres pour assurer sa subsistance, il n'éprouve pas le besoin de défricher les terres incultes, qui forment la plus grande partie de l'île. Le campêche et le brésillet sont, parmi les bois de teinture et les substances tinctoriales, les seuls à peu près qu'on exporte à destination de l'Europe. L'indigotier a été une

éloquemment et sa merveilleuse fertilité, et la non moins grande incurie de gouvernements qui laissent inutilisées presque toutes ces ressources naturelles. Le café d'Haïti a la réputation méritée d'avoir un arome exquis, et beaucoup de force en même temps. Mais il n'est pas préparé de façon à faire valoir toutes ses qualités. Le cultivateur ne prête ni à sa culture ni à son triage tous les soins voulus. Depuis la domination française, on peut dire que l'Haïtien n'a pas semé un grain de café, ni piqué dans le sol une plante de ce précieux arbuste. Les plantations se sont à peu près renouvelées d'elles-mêmes. Tandis qu'à Cuba une caféière négligée pendant trois ou quatre ans seulement est absolument perdue, tout le café livré à l'exportation, dans l'ile d'Haïti, est recueilli sur d'anciennes plantations du temps des Français, et dont la nature, fort peu secondée par le travail des nouveaux propriétaires, fait à peu près seule les frais. Il y a une grande variété dans le grain de café d'Haïti. Elle provient soit des différences de la forme, soit de celles de la couleur. On classe ces cafés de la manière suivante sur les marchés d'EuSaint-Marc; rope io 2° les Gonaïves; 3° le Cap et Port-de-Paix; 4° Port-au-Prince 5° Miragoane; 6° les

des sources de prospé-

rité d'Haïti; mais cette culture exige des soins attentifs, et, bien qu'elle produise trois coupes chaque année, elle est

aujourd'hui abandonnée. Pour avoir une

idée de l'importance

LE J4ARGHÉ DES GONA1VE5.

D'après une p7zotognaphie.

actuelle des productions agricoles d'Haïti, il suffit de jeter un coup d' œil sur le tableau qui donne la moyenne des denrées annuellementexportées, tableau officiellement dressé par le Service de la trésorerie

haïtienne.:

Livres de café. de cacao de campêche. de coton de sucre de peaux d'orange

brut.

70829779 c~ 30832188 z8 8 c o 600

1'76702 60 083

18861 5

total de ces diverses productions, depuis une dizaine d'années, n'a augmenté que très faiblement. Quand l'indigène subvient à ses premiers besoins et Le

à ceux de sa famille avec quelques pieds de manioc, dont la culture n'occupe que trois ou quatre heures par semaine, et qu'il peut y joindre les bananes et les patates, qui se trouvent en abondance dans toute l'île, que lui faut-il de plus? Il s'endort tous les soirs sans le souci du lendemain. Quelques chiffres statistiques sur les principales

productions de cette ancienne colonie, montreront

Cayes; etc. Mais les machines à décortiquer et à trier sont encore peu en usage, et l'agriculteur mêle négligemment, dans sa récolte, ce qui est bon et ce qui est médiocre.Telsquels, les cafés haïtiens se vendent sur place 64 francs les i oo livres. Triés,

choisis, unifiés,

ils

reviennent à 74 francs en moyenne.

De 1894 à 1904, la récolte a été annuellementde 78 millionsdelivres en moyenne. Au 30 septembre 1904,

elle atteignait 81407346 livres, contre 47853526

l'année précédente. Il est vrai que c'est une des meilleures récoltes qu'on ait enregistrées. Celle du ieroctobre 1904 au 3 janvier 1905 accuse un total de 23 502013 livres, contre 38689 593 pourla période correspondantede l'année précédente. C'est une lourde diminution, d'autant plus que le total des cinq premiers mois est estimé couramment comme la moitié de la récolte totale. Les prix ont beaucoup varié de 9 centimes et demi par livre en janvier, ils sont montés à 27 en août 1904. Ces résultats ont été obtenus presque sans culture. Que deviendrala production du café, quand on aura ouvert ou réparé les voies de pénétration à l'intérieur de l'île, et qu'à l'activité, à l'éducation agricole des habitants se joindra l'affluence des capitaux? Déjà, plusieurs usines ont été établies en différents points du pays, pour la décortication et le triage du café. Grâce à ce premier essai, la précieuse denrée a acquis aussitôt une plus-value très appréciable.


La nature du sol est particulièrement favorable à la culture du cacao, sur la côte sud notamment. Sur les terres où il pousse, il y a en même temps des manguiers superbes et qui atteignent à la hauteur de

nos plus grands marronniers, des cocotiers, des palmiers, des caféiers, des orangers, des bananiers, des chadègues (espèce d'oranger). Aucune de ces plantes ne gêne l'autre; au contraire, certaines d'entre elles sont indispensables au développementdes autres, pendant un certain temps tout au moins. C'est ainsi que le cocotier y trouve l'ombre qui lui est nécessaire pendant les premières années de son existence. Le cocotier ne demande d'ailleurs pas de soins, et donne deux récoltes par an. Deux ou trois graines dans un petit trou légèrement arrosé, et c'est tout. Mais, s'il n'exige aucune peine pour la culture, il en faut beaucoup pour tirer le meilleur parti de sa graine. C'est peut-être ce qui explique pourquoi on le néglige à Haïti pour le caféier, la canne à sucre, le coton et l'indigo. Préparée par les moyens ordinaires des Haïtiens, cette graine se vend à raison de 40 à centimes la livre, tandis que préparée et séchée comme il convient, elle peut atteindre 1 fr. 50 la livre. Une usine à cacao a été établie à Dammare, sur la côte sud, et déjà elle a grandement relevé les cours de cette denrée, dont la récolte a été, en 1904, de 4 990 520 livres et de 5 o28615 livres en 1905. Si l'industrie sucrière a été peu à peu abando:1née, les États-Unis important dans l'île tout le sucre raffiné qu'elle consomme, la canne à sucre n'a pas cessé d'être cultivée pour la production du sirop et du tafia, dont il se fait une consommationtrès considérable. Sans engrais aucun, sans autre travail que celui de la plantation et de l'arrosage naturel, la canne atteint au bout d'une année son maximum de qualités saccharifères. Quand elle est bien cultivée, sa grosseur et son rendement sont extraordinaires. D'immenses étendues de terrain, dans la vallée de l'Artibonite notamment, sont des plus propices à la culture du cotonnier, qui s'y élève aux proportions d'un arbre. Mais il n'y est nulle part l'objet de soins un peu suivis, de la part des planteurs. Le coton n'en pousse pas moins abondamment à l'état sauvage; il devient superbe, et est d'excellentequalité. Mais 01\ ne se donne guère la peine de le récolter. Ajoutons que tous les fruits de l'Europe y prospèrent, et deviennent d'une grosseur énorme encore une branche de commerce qui ajouterait aux ressources de file, ainsi que tant d'autres exploitations agricoles ou fruitières qui sont négligées ou abandonnées. Ainsi par exemple, les rares tentatives qu'on a faites pour y élever du bétail en vue de l'exportation,auraient réussi avec un peu d'esprit de suite et un peu de sécurité ou de stabilité politique. Malheureusement, Haïti est aujourd'hui en train de se ruiner doucement, et de donner aux États-Unis un prétexte pour intervenir tôt ou tard dans ses affaires,comme du reste à Saint-Domingue elle-même. La situation financière s'y complique de plus en plus. Les finances de la République ont été mises dans un tel désordre par la guerre civile et les insurrections. que l'on n'en peut parler qu'avec une extrême réserve, millions, et une dette Haïti a une dette étrangère de intérieure de 7 millions de dollars.

4

3

1, la situation économique était des plus prospères, et les planteurs, comme les marchands de Tyr, étaient tous « semblables à des princes ». Mais, depuis l'émancipation d'Haïti, le pays n'a fait que déchoir. Pourquoi cette sorte de léthargie économique, Et pourtant, il y a un bon siècle, en

179

que des convulsions politiques ne peuvent qu'aggraver ? Une des causes en parait être dans l'article 7 de la Constitution haïtienne, qui interdit aux blancs de posséder aucun immeuble à Haïti. Et pour bien afficher leur préjugé de couleur, les Haïtiens ont, en adoptant, ou plutôt en empruntant notre drapeau, proscrit impitoyablement le blanc, de leur bannière comme de leur sol. La rivalité des hommes « de couleur » (mulâtres) et des noirs les premiers ayant la supériorité de l'éducation, de la fortune, du rang social les seconds, ayant celle du nombre; cette lutte de suprématie entre deux races explique toutes les secousses qui ont ébranlé et ébranleront encore la société haïtienne. Le fauteuil de la présidence de la république est rarement occupé par un seul et même magistrat pendant toute la durée de son mandat, c'est-à-dire quatre années. L'interventiondu Deus ex machina, des États-Unis en l'espèce, sera-t-elle un bien pour lagrande île? Pour les capitaux américains, pour les brasseurs d'affaires, pour .les trusts, sans doute; mais pour les maîtres actuels du sol? Le sort de leurs congénères aux ÉtatsUnis devrait les faire réfléchir. CH. DESFONTAINES.

scientifique française en Afrique centrale. Pelliot, professeur de chinois à l'Ecole française Une Mission

d'Extrême-Orient (Hanoi), vient d'être chargé

d'une importante mission en Asie centrale. L'objet principal de cette mission est la découverte des monuments de l'ancienne civilisation turque bouddhique, avant la conversion des Turcs à l'Islam. M. Pelliot se chargera de ces recherches archéologiques, pendant que M. le docteur Vaillant, fils de l'éminent professeur du Muséum, entreprendra des études d'histoire naturelle et de géographie. Enfin, un photographe français illustrera de ses clichés les travaux de la mission. Celle-ci se rendra d'abord en Kachgarie et de là, se dirigeant constamment vers l'est, gagnera, sans doute, Pékin, après deux ans de voyage. L'opportunité de cette mission est d'autant plus grande que déjà des savants anglais et russes entreprennent de semblables recherches dans les mêmes parages, et qu'une importante mission allemande s'organise en vue des mêmes fins


est limitée par un trait topographique bien défini, la chaîne du Chyang-paik-san et le bassin méridional adjacent, drainé par les fleuves Yalou et Toumen. De même, la péninsule italienne est limitée au nord par les Alpes et par la plaine du Pô. Les deux péninsules ont une extension d'environ io degrés vers le sud la Corée de 33° à 43° de latitude nord, l'Italie de 36"3ô à 46°30'. Elles se trouvent donc à peu près sous la même latitude de la zone tempérée, et jouissent d'un agréable climat de transition, ni trop humide, ni trop sec. Enfin, toutes les deux sont habitées par des peuples d'une très ancienne civilisation. Cependant, quoique similaires dans leurs caractères généraux, elles ont encore bien des points de dissemblance, particulièrementen ce qui concerne leur composition et leur structure géologique interne, et les formes extérieures du terrain. L'Italie ne manque pas de formations géologiques récentes, tandis que la Corée est principalement constituée par des terrains

Topographie de la Corée. La reconnaissance dat protectorat du Japon sur la Corée, ~ar le traité de Portsnzoutb(Etats-Unis), du 5 septenabre r9o5, donne un grand intérêt aux renseigne~7rents précis qui ont été fournis sur la topogra~hie de cette ~éninsule par un savant japonais, M. B. Koto.

Cette LErmite est peu connue. l'appelle Corée

», comme

Terre de la NationM. W. E. Griffis, est ((

restée isolée du reste du

monde pendant une longue durée de siècles. Même les peuples qui sont ses voisins depuis un temps immémorial, les Chinois et les japonais, ont été rigoureusement tenus à l'écart, et les Coréens ont veillé avec le

très anciens. En outre, quoique toutes deux s'incurvent un peu vers l'est, la Corée est montagneuse du côté de la mer du japon,

plus grand soin à arrêter toutes les tentatives qu'ils ont faites pour pénétrer

dans le pays. Actuellement encore, c'est une région absolument unique au monde, une terre inconnue sous tous les rapports, si l'on en excepte huit ports ouverts et deux villes de

et plutôt plate vers la mer jaune; tandis qu'en Italie, les Apennins courent le

long de l'axe de la contrée. La péninsule coréenne est partagée en deux divisions absolument natu-

l'intérieur, où, avant la guerre russo-japonaise de 1904-1905, s'étaient établis plus de vingt mille Japonais, et des étrangers de diverses nationalités. Mais ces étrangers ne savaient rien de ce qui se trouvait à quelques kilomètres des localités CARTE DE qu'ils habitaient. Et même aujourd'hui, malgré la main-mise du japon sur la Corée, il n'y a que fort peu d'Occidentaux qui aient accompli des voyages dans l'intérieur du pays, et qui aient pu étudier le sol et ses habitants. Un travail réellement précis a été fait sur la géologie de la Corée par M. B. Koto, professeur de géologie à l'Université impériale de Tokio (Japon). Il a paru dans TheJournal of tbe College of Science, publié par cette Université, au début de 1903 i. Voici un résumé des observations qu'a pu faire M. Koto au cours de deux longs voyages en Corée La Corée mériterait d'être appelée (( l'Italie de l'Asie orientale ». Elle se détache de la Mandchourie, en se dirigeant vers le sud, entre l'impasse de la mer jaune et la mer du Japon, comme l'Italie entre l'Adriatique et la Méditerranée. Au nord et au sud-ouest, la péninsule coréenne 1. B. KOTO,

An Orograpbic Sketcb of Korea.

relles la Corée septentrionale et la Corée ~rzéridionale, par

LA

une ligne oblique qui la traverse depuis la baie de Broughton au nord-est, jusqu'à Chemoulpo. Cette ligne est celle de ~noindre élévation de toute CORÉE. la péninsule. C'est comme une sorte de thalweg allant d'une mer à l'autre, et indiquant la place des routes transpéninsulaires. Elle sépare deux climats. Sous ce rapport, la Corée du nord est mandchourienne, tandis que la Corée du sud est japonaise. Topographiquement,la Corée septentrionaleest montagneuse, la Corée méridionale abonde en collines entremêlées de plaines. Le sud est riche et fertile, produisant le riz, principale nourriture du pays; et il est considéré, pour cette raison comme le grenier de la péninsule. Diverses espèces de grands bambous, qui

jouent un rôle important dans l'économie domestique, croissent seulement dans le sud. La limite septentrionale de leur végétation, qui est aussi celle du camélia du japon, est justement cette ligne oblique de division des deux Corées dont nous venons de parler. Les habitants des deux divisions diffèrent, tant au physique qu'au moral; les méridionauxsont gais et fins; les septentrionaux, silencieux et obstinés.


Enfin,-les deux Corées ont eu un développement historique distinct, puisque la plus ancienne dynast'e du nord remonte à plusieurs siècles avant notre ère, tandis que les deux pays n'ont été réunis en un seul royaume que depuis l'an g18 de notre ère. Les traits fondamentaux de la topographie de la Corée sont, comme partout ailleurs, les réspltats de la structure géologique interne. Certainement, la péninsule a été le théâtre de soulèvements orientés dars le soulèvement sinien et celui du deux directions, Liao-Toung. Dans le sud du thalweg oblique dont nous avons parlé ci-dessus, les axes des plissements sont orientés principalement du N.-N.-E au S.-S.-O. c'est le süair:za. A l'extrême nord, les plissements des mon-

tagnes courent de l'O.-S.-O. à

dans

la

direction du Liao-Toung. Les soulèvements ont plissé le substratum de gneiss-granite, en même temps que les couches superposées de gneiss normal et de micaschiste. Le noyau de la Corée méridionale est le massif celui de la Corée septentrionale, le de Chiri-san; massif de Kaï-ma Land. C'est entre ces deux massi!s que s'est formé l'axe neutre de terrains bas qui divise la péninsule en deux régions si différentes l'une de

l'autre.

Un troisième élément est entré en jeu dans la structure du pays. Ce mouvement n'a pas produit de

plissements, mais a occasionné une perturbation tectonique, par rupture et dislocation. Ce soulèvement, d'âge relativement récent, a produit des chaînes proéminentes, qui constituent l'ossature du pays, et a exercé une influence considérable sur la topograph:e actuelle, non seulement dans la Corée du sud, mais non seulement sur encore dans toute la péninsule; les formes du terrain, mais aussi sur les lignes de côtes. C'est ce que M. Koto appelle le système co~~éeaz. En dehors du Kaï-ma L3,nd, la Corée n'est pas un pays de très hautes montagnes, bien que l'on trouve des montagnes un peu partout. Topographiquement parlant, c'est un labyrinthe et il est très difficile de s'y orienter sans une bonne carte. La disposition générale du pays est celle d'un échiquier; elle est due à ce que les systèmes de soulèvement se coupent transversalement. M. Koto énumère environ dix chaînes parallèles du système coréen, toutes plus ou moins orientées nord-sud, et se terminant par des caps, des péninsules et des îles dans l'archipel méridional. Telle est file de Chin-to, à l'angle sud-ouest de la Corée, qui sépare la mer Jaune de la (( mer du Sud ». Lorsqu'on suit ce littoral, on s'aperçoit aisément de l'endroit où commence la mer jaune, à ses eaux troubles et de couleur jaune. Cette particulari':é provient probablement de causes complexes. Des courants rapides, le manque de profondeur des eaux près des côtes, et de grandes différences dans les hauteurs des marées sont les principaux facteurs qui

agitent l'eau et la rendent trouble.

Aux saillies des côtes correspondent d'innombrables asises, fjbrds et baies, parmi lesquels est à Masampo, sorte de signaler le curieux (( couloir canal étroit donnant entrée dans le port ouvert de cette ville, position importante de la côte sud-coréenne,

de

également convoitée, avant la guerre de 1904-1905, par les Russes et par les japonais. D'ailleurs, tout le littoral sud est découpé en une quantité innombrable d'îlots et de rochers, et décrit les indentations les plus compliquées. Ces traits particuliers qui caractérisent la Corée, sont tout simplement le résultat du jeu combiné des mouvements orogéniques qui lui ont donné sa forme actuelle. Les canaux et les golfes sont les restes de vallées tectoniques, tandis que les caps représentent les plis anticlinaux.

Le canal particulièrement remarquable de Masampo présente l'apparence d'une croix composée à

axe unique, que des sections transversales coupent de

l'un à l'autre côté de l'entrée. Il a une forme tout à fait spéciale, qui mérite réellement d'occuper une place à part dans la liste des différents types d'accidents littoraux. M. Koto lui donne le nom spécial de type de Nc~ml»ï, qui est le

nom de la u mer du Sud » de la Corée méridionale, parce que c'est tout le long de cette côte qu'on l'observe. La région de Chiri-San présente un aspect caractéristique des montagnes granitiques coréennes. C'est une des quatre montagnes les plus célèbres de la Corée par les pagodes dont elles sont ornées. En revanche, les vallées intermédiaires sont infestées par des hordes de bandits affamés. La Montagne de Diamant(i 200 mètres), dans le massif nord-coréen de Thaï-Païk-San, est également un bloc granitique, entouré de gorges en forme de casivov~s et découpé en aiguille, qui lui ont fait donner aussi le nom de «( Mont de Douze mille Pics ». On trouve des canyons analogues dans le Kaï-ma Land oriental. En résumé, le travail de M. Koto jette une certaine lumière sur la configuration exacte d'un pays dont, avant cette exploration, on ne connaissaitguère que les contours

La Légende du riz dans la Cuisine chinoise. VOICI que M. Deuzères détruit une légende pourtant bien accréditée sur la cuisine chinoise! Il ne faut pourtant pas croire, dit-il, que les Chinois se nourrissent exclusivement de vers blancs et de sauterelles, d'ailerons de requins et de nids d'hirondelles. Tout comme nous, ils mangent de la viande, du poisson, des légumes, des fruits et, comme chez nous encore, la cuisine du pauvre ne ressemble guère à celle du riche. En Chine, l'ouvrier et le paysan sont végétariens, et cela bien moins par conviction que par nécessité. Les racines et les bulbes, les oignons et les tubercules, les bourgeons et les jeunes pousses, les excroissances végétales, les graines, les radis, les navets, les bulbes de lis et de tulipe, les rhizomes de


nénuphars font partie de la cuisine du Chinois pauvre. Beaucoup d'herbes et même beaucoup de feuilles d'arbres à saveur quelconque servent à confectionner soit

des courts-bouillons, soit des hachis, soit des assaisonnements pour bouillies. Mais la place d'honneur appartient aux choux très particuliers qui ressemblent à nos grosses romaines et qu'on mange d'une infinité de manières, frais, fermentés, salés, vinaigrés, cuits et assaisonnés d'un hachis d'herbe. Cependant, ce qui forme la base de l'alimentation, c'est d'abord la bouillie de mil ou de millet cuit à l'eau, et ensuite d'innombrables pâtes et galettes qu'on fait avec la farine de seigle, de maïs, d'orge, d'avoine, de sarrasin et de froment. Et le riz, qui est le pain du Chinois, qu'en faitesvous ? Le riz coûte trop cher pour figurer sur la table de l'ouvrier et du paysan seules, les familles jouissant de l'aisance peuvent se permettre du riz à chaque repas. La majorité du peuple, dans les villes comme dans les campagnes, est trop pauvre pour se payer ce luxe. C'est pourquoi pensionnats, orphelinats, hospices, hôpitaux, prisons sont tous mis au régime du mil et du millet, lors même qu'ils sont dirigés par des Européens. Encore une légende de tuée

midité et d'asséchement. Nos notions sont encore insuffisantes sur le régime des eaux, sur les crues, sur les zones inondées. Des dérivations servant d'effluents aux hautes eaux unissent entre elles des branches fluviales et constituent un lacis de coulées que la saison des pluies noiera sous une nappe unique. Telle immense cuvette sera tour à tour lac sans bords, simple étang, chapelet de mares, plage d'argile craquelée, terre lourde crevassée de gerçures

la nappe

d'eau libre s'étend au loin, ou se retire dans les basfonds, ou se fragmente comme un miroir brisé. Nulle part des rives saines, des bords francs. En outre des fleuves proprement dits, à courant constant, des sillons marécageux s'allongent indéfiniment en fleuves qui n'ont pas de bords. Et cette configuration amorphe, amphibie, explique la tradition, si longtemps maintenue, de grands lacs parsemés au hasard sur la carte, l'hypothétique Liba qui suscitait naguère tant de dissertations parmi les géographes, la mésaventure de la mission Chevalier avec le Mamoun, le Bahr Namm qui anastomose le Chari par le Bahr Sara avec le Logone, le Tabouri enfin qui met l'Afrique ci-devant intérieure}) communication directe \( fermée avec la mer. Ces observations, absolument justes pour le Chari, s'appliquent peu ou prou à tous les bassins des fleuves africains.

et

en

Les Complications

de l'Hydrographie africaine E.-F.

Gautier, lors de sa mission au Sahara, dont nous avons rendu compte dans une de nos dernières Chroniques, a relevé le cours de nombreux oueds, dont quelques-uns étaient complètement inconnus. L'hydrographie africaine présente des difficultés incroyables pour l'établissement des cartes du Continent noir. M. Paul Pelet en a, dans la Revue de Géographie, exposé les principales, en prenant pour exemple le bassin du Chari. Ce vaste bassin hydrographique, dit-il, qu'un émissaire latéral, déversoir de trop-plein, unit, temporairement du moins, avec le bassin nigérien de la Bénoué, s'incline en pente générale vers la grande cuvette à demi saharienne du lac Tchad. Mais les pentes, en ce compartiment intérieur de l'Afrique, sont souvent indécises. Entre les plateaux soudanais du haut Chari et la zone de pâturages et steppes du bas fleuve confinant à la limite méridionale des régions désertiques de nombreuses dépressions, avec ou sans lac pérenne ou temporaire, donnent à toute la contrée la physionomie d'une nature mal en ordre. Sans doute, notre connaissance imparfaite de la région ajoute encore à cette impression. L'alternance des saisons tropicales transforme tour à tour d'immenses surfaces de cultures en nappes d'inondation où circulent les pirogues. En dehors de cette alternance régulière de la saison sèche et de la saison des pluies, tout le pays semble soumis à de longues périodes alternées d'huM.

Henri Ferrand. Moutagnes.

Le Vercors, le ~oy auuais et les

vol. grand in-4n, orné de

Qtatre-

1 1 25 gravures imprimées en phototypie,dont 16 planches hors texte. Grenoble, Alexandre Gratier et Jules Rey, éditeurs.

descriptive des Dauphinoises, véritable Lmonument Henri Ferrand petite patrie par série

Alpes

élevé

M.

à sa

régionale, et qui comprenait déjà des volumes consacrés aux Montagnes de la Grande-Cbartrezzse,au Massif de Belledouue et aux Se~t-Taux et à l'Oisans, se c1ôt par un livre qui a tout l'attrait et la saveur de l'inédit Le l~arcors. Le Vercors est en effet à peine découvert. Il fallait le volume de M. Ferrand, pour dissiper les ténèbres qui enveloppaient ce massif aux denses forêts, aux verts pâturages, où la vie antique s'est conservée dans sa patriarcale et fruste grandeur. M. Henri Ferrand nous décrit tout cela en homme de science et en amoureux de la nature; et, de peur sans doute que le lecteur ne taxe d'exagération les tableaux de sa plume colorée, il fait parler le document photographique de là un livre agréable à lire, et non moins agréable à regarder.

Labadie-Lagrave. Dans le ztzonde des animaztx. Scènes de la vie inlellectuelle et nrorale des bctes. 1 vol. avec 18 gravures. Henry Paulin et Cio, éditeurs, 21, rue Haute-

G.

feuille, Paris. Prix:

5

francs.

NOTREcollaborateur M. G. Labadie-Lagrave réunit dans cet

intéressant volume une série d'articles ayant trait à ce qu'on peut appeler la physiologie des animaux. Ce n'est pas un ouvrage de science, c'est une série d'observations, ou si l'on veut « d'histoires d'animaux », écrites par un homme qui se flatte d'aimer les bêtes et qui voudrait faire partager cette passion à ses semblables. C'est, en tout cas, un livre attrayant et instructif, dont la lecture est recommandée aux grands aussi bien qu'aux petits. D'intéressantes illustrations ajoutent à l'agrément du texte de ce volume.


THE GEOGRAPHICALJOURNAL

De Srinagar

GAZETTE DE LAUSA~'NE

Les Pèlerins de Kieff.

Londres.

au Glacier de Chogo Lungma. L'EXPÉDITION du colonel Younghusband qui a réussi à faire re

franchir à ses troupes, pour pénétrer jusqu'à Lhassa, les redoutables cols de l'Himalaya, et d'autres tentatives qui, pour n'être pas militaires, n'exigeaient pas moins de vaillance de la part d'ascensionnisteséprouvés, ont attiré les regards des alpinistes vers des cimes deux fois plus hautes que le Mont-Blanc. Les ALpes n'ont plus guère de sommets vierges; en revanche, le Toit du Monde offre aux porteurs de piolet des conquêtes auprès desquelles pâliraient toutes celles des Saussure et des Whymper. M. WIlliam Hunter Workman, membre du Club Alpin de Londres, n'a cependant pas, pour le moment, l'intention de rivaliser avec les téméraires grimpeurs du K2. Sauf erreur, il s'est borné jusqu'ici à visiter les glaciers de l'Himalaya, entre autres ceux de Chogo Lungma, de Hoh Lumba, de Sos Bou, d'Alchori. Les quelques mots qui suivent résumentle récit de l'excursion qu'il a faite sur le premier de ces glaciers, en ~903, en compagnie d'alpinistes italiens et de guides savoyards. Le Chogo Lungma est un des plus gigantesques glaciers de l'Himalaya. Il se trouve dans la partie septentrionale du Baltistan, à 33 heures de marche au nord de Srinagar. On s'y rend en s'engageant dans ce dédale de vallées qui forment le bassin du Sind supérieur, et dont l'aridité granitique est coupée, çà et là, de brillants jardins de ronces aromatiques appelées boortsas et de roses sauvages qui semblent destinées à consoler les régions les plus déshéritées de la nature, en les semant de leurs fraîches oasis. Ces oasis de maigre verdure sont d'ailleurs habitées, chacune nourrit un village proportionné à son étendue, et dont l'industrie des habitants a su tirer parti pas un pou,:e carré de ces terrains d'alluvion n'est perdu pour la culture; on a même créé des terrasses, en apportant de la terre végétale panier par panier, et tout un système d'irrigation a suppléé aux ressources qu'avait refusées une nature marâtre. Sans ces canalisations, les îlots de culture du Baltistan seraient vite absorbés par le désert qui les enferme. De sorte que les jardins et les beaux champs de céréales qui entoure'1t des villages comme Shigar ou Arandu, sont, au sens absolu du mot, une conquête sur le désert, et presque une création. Cette dernière localité est dominée par le haut glacier de Tippan, qui n'a jamais été exploré. 11 semble suspendre sur la tête des habitants, ses brillants névés couronnant une paroi de rochers quasi.verticale. Le glacier de Chogo Lungma, par contre, semble couler tout doucement dans la vallée, et s'arrête à quelques centaines de mètres d'Arandu. Cette mer de glace descend d'un col de près de 7 000 mètres au-dessus de la mer, en tournant sensiblement dans la direction du nord à l'ouest, ce qui lui donne un peu l'aspect du glacier d'Aletsch, le plus grand des Alpes suisses. Large d'un bon kilomètre en moyenne dans sa partie inférieure, il compte près de 3 kilomètres de longueur dans son cours moyen. D'autres différences encore plus caractéristiques ont permis à l'alpmiste de le distinguer en trois parties

nettement distinctes..

La partie inférieure est un horrible chaos de blocs

éboulés, de cailloux, de sable et de glace qui, par sa couleir terreuse, se confond avec les débris de toutes sortes qui l'emevelissent à demi. La partie moyenne, par contre, est un large et superhe fleuve glaciaire qui, sur une longueur de 20 kilomètres, se déploie dans une haute vallée avec l'élégante flexibIlité d'une couleuvre. Six énormes moraines médianes divisent d'ailleurs en autant de bandes de glace cette large avenue de cristal et d'azur, où les alpinistes, qui avaient dû éviter par un détour le chaos de la première partie, purent cheminer en sûreté, pour s'élever à la partie supérieure, que distingue un immense bassin de neige ou névé, qui ressemble à une coupe d'où le glacier lui-même déborderait.

AUTOMNE,dans nul pays, n'a des journées aussi tristes

qu'en Russie. Sous un ciel bas, le steppe paraît plus monotone que jamais. Or, dans la plaine, noyée d'humidité, par longues files, d'un pas lourd et fatigué, des paysans s'avancent. Misérablement accoutrés de hardes grossières, ils ont, sur le dos, un bissac de forte toile écrue, où l'on devine quelques croûtes de pain et des pommes de terre. Au sac est suspendu, par une cordelette, un bidon de métal,

théière aux formes baroques, qui se balance à chaque pas et leur frappe les reins. Un bâton noueux, cueilli dans les buissons, leur tient lieu de canne. Sur la tète, ils portent le lourd bonnet de fourrure, à l'aspect hirsute, aux teintes roussâtres, qui leur donne un air rébarbatif et sauvage. Dans le nombre, se trouvent beaucoup de femmes, la tête entourée des amples plis d'un mouchoir aux teintes vives. Tous ont l'air excédé, et marchent cependant du même pas égal, sans échanger un mot, sans jeter un regard de côté, se hâtant vers un but qu'on n'aperçoit pas, longue file silencieuse et quelque peu sinistre. Cependant le soir est proche, et nul indice d'habitation, aucun filet de fumée, aucun toit de chaume, pas de clocher ni d'arbres. Mais ils ne sentent pas la pluie, qui persiste à tomber, froide et pénétrante. A chaque pas, ils trébuchent dans la boue et roulent dans les fondrières. La glèbe pesante s'attache à leurs lourdes bottes. A les voir s'avancer ainsi sur le chemin interminable, on se prend à penser à ces chaines d'aveugles, errant sans but. Ce sont des pèlerins, de pauvres moujiks qui s'en vont prier à Sainte-Lavra de Petchersk, à Kieff. Les travaux agricoles terminés, ils se sont mis en route pour réaliser le projet depuis longtemps caressé aller à Kieff la Sainte, puis se prosternerdevant l'icône miraculeuse de la Sainte-Vierge, pour adorer Jésus dans les lieux qui ont vu la naissance du christianisme en Russie. Dans la vie de tout moujik de la Petite-Russie, ce pèlerinage à Kieff est un des événements les plus importants. Pour les paysans de la banlieue, le voyage n'offre aucune difficulté et se fait annuellement; mais à mesure qu'augmente la distance, les difficultés croissent. Cependant, tôt ou tard, le moujik de l'Ukraine prendra le bâton de pèlerin, se munira de provisions et se mettra en route. Depuis de longues années, le pauvre homme a pensé à ce déplacement. Il a vu ses parents, ses amis, ses voisins partir gaiement pour Kieff, et en revenir l'âme tranquille, l'esprit émerveillé de tout ce qu'ils ont vu. La maladie de sa femme, une mauvaise récolte, l'avaient empêché de réaliser ce rêve, joie éclatante au milieu de sa vie terne. Mais, cette année, rien de pareil; aussi le paysan s'est-il décidé à ce voyage. Cela a été un événement dans la famille. Le pope l'a encouragé dans ce pieux projet, et le voilà parti avec la première caravane qui passe. Tant que dure le beau temps, les pèlerins sont heureux comme des princes. On dort à la belle étoile, dans quelque bouquet d'arbres; on se repose à l'ombre pendant les heures chaudes de la journée, on s'arrête dans les villages, dont les habitants leur font toutes sortes afin qu'ils prient de politesses et souvent les régalent,

pour eux.

Mais avec le froid, avec la pluie, a commencé la misère. Passivement, iLs poursuivent leur chemin, pliant le dos,

pataugeant par les mauvais chemins, mangeant le pain du bissac, que l'humidité a changé en une masse de bouillie. Et cependant, ils acceptent tout avec résignation. Ces misères ne semblent point les atteindre: ne seront-ils pas bientôt à Kieff?

Quand on aperçoit en effet Kieff la Sainte, trônant, majestueuse et charmante, sur les collines qui se mirent dans le Dnieper, la Lavra, avec les dômes dorés de ses innombrables clochers qui étincellent dans la demi-obscurité qui descend, oubliant leurs fatigues, les pèlerins hurlent à genoux, bénissant Dieu de les avoir conduits jusqu'à Kieff.


TABLE DES MATIÈRES ET DES GRAVURES

en).

Afgbanistan (Les déboires de l'Angleterre Afrique allemande dusud-ouest (Lasituationdansl') Aléoutiennes (Les îles) et l'impérialisme américain..

indien.

182 38

212z

Anglaise (Le développement de la puissance) dans le ïG~ï~

bassin de l'Océan Le développement de la puissance anglaise dans le bassin de l'Océan Indien.

Aramina (L'). Un nouveau textile Arguin (La mission ichthyologique de la baie d') baie d'Arguin et la côte du Sénégal.. Aurifère (Les progrès de l'industrie) à Madagascar..

La

intérieure.

2

pétrole. pétrole.

BabySme (Le), levain des révolutions en Perse. Bakou (Les troubles de). L'incendie des puits de

Grav. Bakou les distilleries de pétrole. Bakou

un

puits de

Bâle, Port de mer Baltique (La) peut-elle être Bayottes (Les)

(G5i)

allemand?. 313

Campement dans la

brousse.

et

Ziguinchor. Les rives de la Casamance. Résidence de

Maison bayotte

21i -j.7

53 53 1-j.3

de). Sibérie. Congo. Brazza.

Brise-glaces (Les) en Bruxelles (Le port de) et

Letime. d'enfant. Sofia le

canal

maritime.

370 13-j.

Sofia srav. Paysans bulgares De Viddin à

Berceau

Marché de

Trinity College

College.

du). L'aire Orient. King's

son.

309 309 3 [0

252 321r 3 ¡3

323

3ioo

de).

Cervin (Un cadavre resté quarante ans dans les

du)

Port-Saïd. UnSaïd

Charbonnage (Le) à

paquebot faisant du charbon

Charcot (L'oeuvre de l'expédition)

antarctiques

Charcot (Inquiétudes sur régions

164 335

93· 93

93

dans les régions

87

le sort de l'expédition) aux

antarctiques.

G[

Gc

Chasse au lapin ¡La) chez les Indiens du Nouveau-

Mexique

l'artillerie.

place

Barghoud

1"9

Matérieldu chemin de fer de l'artillerie.

Corps de Chemin de fer de Berber-Souakimet le port de Cheikel

4~D Les débouchés du Soudan égyptien Chemin de fer du Cap au Caire état des travaux.. Grav. Le long de la voie entre le Cap et Bou-

lawayo

travaux La grande place de Boulawayo, État actuel des

Chemin de fer (Le) de Kayes au Niger pendant l'année

1904

(,3

397 397 397

Chemins de fer (Les) de

36i 362 363

à Port-

Itinéraire de l'expédition Charcot.

333 361

267

156

310o 20 333

265

Cam-ranh (L'établissement français

-j.

116

265 257 258 259

~H9 3H9 3H9

3 q 3 [5 5

%4

Camphre au Japon (L'industrie d'habitat du camphre en Extrême-

glaces

port de Bruxelles et le canal mari-

Bulgarie (En)

257 et

Canada (Le) contre les Etats-Unis dans la baie d'Hud-

32[

Guerrier bayotte Boers (L'Emigration des) Brazza (La mission de) au Brazza (Mort de Savorgnan Grav. M. Savorgnan de

Cam. Collége.

Le La cour de

Le pont de Saint-John

~.i un lac

Sofia. de).

De Vidin à Sofia.

(En)

Grav Mosquée de Cambridge (Impressions @@ Saint-John College

[

Australie (Choses d'). Hostilité envers l'étranger. Intolérance

Bulgarie

109 161 1

Úr

162 11;3

348


Chemin de fer (Le) de Konakry au Niger Chemins de fer indo-chinois Seconde phase des

travaux

Dominion of Canada (La vie dans le).

32~

Un vieux métis du village de Les Pieds-Noirs dans la

prairie.

indo-chinois.

13: ¡ 3:

Chemin de fer de Laponie (Dans un wagon du)

14~'

:c~ .~càrië>

Chemins de fer

Le chemin de fer de

Laponie.

fer.

tranchée.

Le travail dans une Carte du chemin de

Chemin de fer russe (Projet d'un nouveau) sur la fron-

Etats-Unis (Le commerce

6:

Etudiants américains (Comment

6(; 6-,

Erivan et Chemin de fer (Le) transindo-chinois \t¡¡j'fj¡) Le chemin de fer transindo-chinois.

34'1

la). Fez.

Chemins (Les) de fer ¡J:¡¡j'fj¡)

Carte des chemins de fer

monde.

18') 18~¡ 21:;

3

333

Conférence (La) de

r iti

(G5~)

fr~nçais. congolaises. au). jetée. Bafio. Wom.

Carte du Congo Porteurs congolais Pirogues

Congo français (Le commerce étranger crav. Libreville vue de la Entrée de la résidence à La vallée de la Congo (L'État indépendant du) au début du xxcsiècle. des chefs indigènes reconnus par l'Etat du Le chemin de fer à

Réunion

Congo. Mayumbo.

Congonhas (Le pèlerinage

G

v

de).

21

j

121 121

r

12') 13,}

131

385

2(Si

Les boutiques de la Les inévitables

z8:

Congrès (Le) colonial

allemand. Hafen.

283

3;

3

en).

373

Mandchourie.

i?-

Indigènes de Simpson

et

japonaise. Bizerte. (La

Théâtre

<~

Farfadet» Grav.

sous-marin.

catastrophe du) à

Un

Far West Canadian (Curiosités météorologiques du)

photographe

l'objectif du

cation japonaises Lignes de communication japonaises .c;!Ïi!!J! en Corée et en Corée (Topographie de Carte de la 'Càï:ïPJ Cowboys (Les)des temps Grav. Un cowboy Crète (Les récentes fouil!es de la); le Palais de Minos. r,rav. Vue générale des fouilles à Cnossos.. L'appartementcies femmes dans le Palaiss

15

1 r3 3

Le

Fêtes (Les grandes) religieuses en Russie

Russie.

marché aux champignons à Moscou. Scène dans Ull cimetière en Petite-

d'aujourd'hui.

de

Minos

Le magasin des

Unrusse

vivres.

4i

r6~~

i6~

à).

Trinité

Fez (Les conditions du commerce Figuig (Excursion au) et dans le Sud-Oranais

r;o 171

wagon sanitaire de la croix-rouge

33

3

d'ambulance. Une tente d'ambulance ) Un cheval

Dominion of Canada (La vie dans petite rue de Québec en hiver L'auteur descendant un rapide en canot

Une

d'écorce.

3.~ i

2; 25i 2;

i

3.çz

345 337

338 339 345 3'¡'7 165 165

245 245

70o

17 17

18 19

z6ti

Figuig. Sahara.

201

Une mosquée dans le Le Grand hôtel du Le village de Zenaga.

201 202 203

Fleuve Rouge (La mise en valeur Fonctionnarisme (Le) anglais aux Forces hydrauliques (Le transport des) par l'élec-

206

Grav.

du). Indes.

tricité

(Les). (Aux).

Fouilleurs de tombeaux Frontières de l'est

La

('904.

frontière de l'est en 1876 La frontière de l'est en Gallieni (Le retour du général). La situation à Mada-

GUanos (Chez

repas de famille entre Danse de gitanos

gitanos

Grêle (La lutte contre Guerre russo-japonaise (La première année de la). Gulf Stream (Les variations actuelles du) sont-elles normales?

.3 le).

Croix-Rouge de Russie (L'origine et l'histoire de la).

j

204

Le repas des pèlerins au couvent de la

4133 4

6

334

gascar. les). la). Un Corée. présents. la).

Corée et en Mandchourie (Les lignes de communi-

167

Fauves (Les) de l'Est-Africain allemand surpris par

38; 387

d'Exeter. d'Exeter. 3 37

Guildhall L'église Sainte-Marie Statue d'Acland Une maison du « Close » L'évêché d'Exeter Extrême-Orient (Sur le théâtre de la lutte maritime en) de la guerre maritime russo-

3~3

28

fête

La

27 28

les) emploient

En Angleterre, la capitale de l'ouest.

122z 1233

Vue générale de Congonhas

mendiants.

erev.

324

Les

concessions

vacances.

zr=~

Chemins de fer (Les) qui sillonnent le Chine (Le réveil de Chine (L'instruction en' Un cycle scolaire de 33 ans. Congo français (Le régime économique du).

leurs ExeteT

3~~1

Djoulfa. tunisiens. tunisiens.

Dunes (Les) maritimes allemandes

6

D'Erivan à Djoulfa. tière de Perse. Carte du chemin de fer projeté entre

;ç~è~

arctiques. des).

Duc d'Orléans (La croisière du) dans les mers

14~1

Chemin de fer (Le) de la côte est de Madagascar. Gray) Arrêt de l'automobile des Postes.

Lorette.

Haïti et ses ressources économiques

Femmes employées dans une caféière..

clocher.

de).

Un arbre servant de Le marché des

Gonaïves.

140 159

7 [

205 205 205 196

249 249 251r

110 62 39o

4°7 4cg 410 411r

Hambourg (Les musées commerciaux de)

I~O

Han-Kaou (La triple ville Grav Le a band » à Le port de Han-Kaou Le pont du Yang tsé en construction Harem (Une Anglaise dans un) de

329 329 330

Han-Kaou.

Perse.

331 126


de). La Howard.

Howard (L'Université américaine

29

bibliothèqued'un Club à l'Université

de

Mandarin à son

29

Himalaya

coupée.

France. pavillon dont les machines sont actionnées par la houille verte. Forces hydrauliques de l'Orne

Un

Houille (La) verte dans l'ouest de la

chinois. Houngouses.

Houngouses (Les) et le brigandage en Mandchourie

gouses. d').

Hyéres (Excursion aux iles

L'île de Port-Cros Le rocher et la batterie des Mèdes L'île du

Levant.

Hydrographie africaine (Les complications de l').. Incas (Les monuments des) dans la province de Canar.

Le

monument d'Inca

Pirca. Canar.

place de la Fontaine à Le monument de Hana Huari La

137 13g

Loire navigable (Le XIIe Congrès de Maclaud (La mission)

aux). temps

(L') des

une).

nouveaux

et. penna

Ispahan, l'ancienne capitale des shahs de

Perse.

Ispahan.

palais du shah à Indigènes roulant un tapis, Porte de la Mesjid-i-Shah. Italie (L') moins connue. 238, 262, 269, 278, 287J 294, 302,

Japonais (Les) chez eux Japonaise en Extrême-Orient (L'infiltration) Japonaise (La prétendue nécessité d'expansion de grande rue Nichou Bashi,

Tokio Le parc d'Hyeno, à Tokio

à

Tokio..

Un faubourg de

Un (Le)

colonial de

Nogent-sur-Marne.

coin du jardin colonial Pavillons Meunier et Henri-Hamelle.. Serre à

cacaoyers.

Javanais (La religion des).

Un néo-mahométisme.

Jénalan (Les grottes de) aux environs Grav.

Les grottes de

Jénalan. de

Sydney..

française.

Johannesbourg (Les progrès de) Journaux indigènes (Création de) dans l'Indo-Chine

la).

Délimitation de la frontière entre la Guinée française, la Casamance et la Guinée

portugaise.

Madagascar (Les causes de l'msurrection à~ Madagascar (Les Cyclones de)

Trajectoire

209 209 210 107

331r

50 51

52z

393 393 393 395

225 225 226 227 41 41

42 43

110

Le carnaval à

Makou lUne visite à la ville Grac.

23

5

173

255

fête.

369 et

». Madrid. de;

Le vallon de

Makou.

381

369

370 371 381 301

3or

Mariages Extraordinaires et cmieusescérémoniesde). 357 René

Taillandier.

au).

L'ambassade de M. Saint-

Maroc (Les conclusions de M. de Segonzac sur la pénétration commerciale Maroc (L'Allemagne au) Maroc 1 'Une conférence internationale au' 1 Maisons ouvrières (Les) Maison ouvrière de

Beaune.

Mascate (L'affaire de) Matanza (La) des thons dans les pêcheries du Sud-

Tunisien. Monastir.

39 174 158

188 77 77

254

thons hissant leurs filets

177 177

Le débarquement et la pesée des thons.

178 179

Pêcheurs de

Mauritanie (En;. L'oeuvre et la mort de M. Coppolani. Maximilien Foy en Extrême-Orient (La mission de).

Carte de la mission Foy

de). Lael-Kébir. de).

Médecinsfrançais (Appel de M. Roume Mers-el-Kébir (Les pêcheurs

aux.

19H

69 69 126

317

procession de la Saint-Michel à Mers-

Mines (L'exploitation des) en Missoum.Missoum (L'affaire Mombasa (De) au lac Grav.

341 341r

156

3g2

173

Un bal de chulos et chulas En route pour la a verbena

317 132

142

cyclones observés à

Gallieni Madrid intime Cavaliers allant à une

Grav. 94

15

Madagascar (L'œuvre de la France à). Rapport du

Maroc (La France au;. 55

83

162

Madagascar. des

H2

5

général

398

Japon méridional (Notes de tourisme dans le)

Jardin

195

la

population)

La

194

49

Warringstown, village d'ouvriers filateurs L'évolution de la voiture irlandaise. Flotille de bateaux de pêche à Rossa-

Le

193 193

49

Vieille fileuse irlandaise

Graa

1155

150

Indes anglaises (L'assainissementdes villes dans les). Insurrection chinoise à Formose (Comment les

Irlande

~~iv?

¡3

211r

Immigration (L') italienne en Algérie et en Tunisie. Indes (Les fondements solides de la domination

Japonais réprimèrent naguère

Chine.

137

1

8~

natte

Kou-ling ,La station climatique de) en Liége (La participation de la France à l'Exposition de).

207

1 13 Grau. Agents de police Un chef de 114 Couplemandchou,mandatairedesHoun-

anglaise

Voleurs condamnés à avoir la

projet de

M. Jacot-Guillarmot

Gi~u.

cangue

327

(A l'assaut de l'). Un nouveau

81

Chinois condamné au supplice de la

Himalaya (Un mort parmi les ascensionnistes de l'Himalaya)

la). tribunal

Justice en Chine (Comment on applique

Asie-Mineure.

Victoria-Nyanza.

Un arrêt du train en pleine campagne. Filets de pêche du Victoria-Nyanza. Un hippopotame du Victoria-Nyanza..

La colonisation martiniquaise à la Guyane. (OEÈ) Village des colons de la Martinique à la

Montjoly

Guyane

3177 38 276 105 105

106 107 133 13


Monuments phrygiens de Demirli (Asie-Mineure).

343

Moujiks (Les) et le soulèvement agraire en Russie.. Moukden, capitale de la Mandchourie. 241 et angle de la muraille de Moukden. Enseigne du mont-de

Igo

Un

Poste aérienne (La) et les pigeons voyageurs

Cartetairesdu réseau

Postes (Les) françaises en Reclus (Mort Religions (Les) nouvelles aux États-Unis.

piété. d'oiseaux.

241I 243

disparaître?.

348

Concours entre amateurs Niagara (Le) est-il condamné à

25:

Norvège (Les progrès de la) au xixe Norvège (Coins de). De Stavanger à

214

Le

siècle. Bergén.

Burgund.

village de O~ida L'église de Christiana la Carl Johann Gade Intérieur de pelleterie à

l').

(Les). Stalhein. Bergen.

Norvégiens chez eux

Grav.

M. BjÕrnson.BjÕrstern en promenade. La vallée de Phare des

fjords.norvégiens

353 3=:3

354 355 3:1)

de

L'appontement de Herbertshühe. Or (La surproduction de l') et l'activité industrielle. Ouvrier (L') allemand et l'ouvrier @'@

Varilla. arctique.

anglais.

Panama (Le « détroit de;'

Peary

4°2 403

Pêche au Japon (Importanc~ de l'industrie de la).. Carte ichthyologique de l'île d'Yéso çç~cé~

Norma. Segui.

Pélasgiques (Les villages) des monts des Volsques. village de

Cori. au).

La porte sarrasine de Le village de

Pérou

(La mission militaire français~

Philippines nation

(Ce que

Philippines.

Grav.

Femme des La grande rue de Manille Laboureurs philippins Poisson (L'abondance du) sur la côte occidentale

d'Afrique

au).

de;

Pôle Nord (Une exploration navale

Russie

Pompéi (Le christianisme dans les ruines

Port~Arthur (La chute

Ports français et Ports

de).

365 145 145 146 147 172

Port-Say

la

plage. Say.

lieutenant de vaisseau

Portsmouth (L'entente cordiale et les fêtes de) Portsmouth (Résultats géographiques du traité de). Les deux

L'île de

branchesde l'Est-Chinois.

Sakhaline.

ruines.

lawayo. du~

21)7 2<)i>

2'J~

404f 372 374 3,33 122

2 2

ig ig

2)0

2)

2 1

21)3J

2):' 233

z3o 349 325 325 326

î

73 3

74 75

Paysans de Dupnitza. Bulgarie. prince

377

demain.

380

Rilo (Excursion aux lacs

Rilo. de). lemagne. Russie. Chàlet d'été du Les lacs du

de

Un insurgé d'hier et de

Rio de Janeiro (Les transformations

377

378 379 182

Rivalité (La) commerciale de l'Angleterre et de l'Al-

russe. chinoise.

(La~ de la

Rome port de

199 85 85

414 95

mer

Russes (Le recensement des populations) Au pays des Ruhr (Le bassin houiller de la).

236

Carte du bassin de la Sahara (Le), le Soudan et les chemins de fer transsahariens, par M. Leroy-Beaulieu Sahara (Une nouvelle traversée Carte de la région visitée par M. E.-F. .(:¡J.rï~

37

Ruhr.

grèves ~i,;ï~iiÿ

du).

à).

Gautier

247

z3_

Port-Say et le camp des zouaves.

ruines de La grande muraille des Objets conservés au musée de Bou-

341

3(-1-5

Nîmes.

Rhodésie (Les ruines phéniciennes de

;t;ta. Carte de la Riviera Riz (La légende du) dans la cuisine

214

356

les ruines

la). Zimbabwé.

Les

221

La 'foi

d'Orange.

public aux arènes de Les arènes

Riviera

étrangers.

marocaine

Le

antiques

2:!O 0

235

Tableau comparatif du mouvement des ports français et Port-Say,le poste avancé de l'Algérie sur la frontière

i:m1>,

230

étrangers.

;U:a~r~·

Le

2:~7

sont devenues les) sous la iomi-

américaine

Polonais (Les) de

7

commandant) pour

son expédition

Le

9

Projet de M. Buneau-

(Le nouveau vaisseau du

Représentations (Les) théâtrales dans

401

Océanie (Un peintre en) à la recherche de la couleur Océanie (Le cannibalisme dans les îles allemandes

dollars.

et les

4('1

locale

des colombiers mili-

Chine. d'Élisée).

253

221

à).

Saint-Domingue (Les États-Unis Saint-Domingue (Les vues des États-Unis sur)

Saint-Julien-le-Pauvre. Saint-Julien-le-Pauvre srav.

L'église

Sakhaline (Les Japonais Sakhaline (Les droits des Russes sur) et les prétentions du

Japon.

Salesses (Les résultats de la mission) Capture de l'exSegonzac (La mission) au Maroc.

plorateur

Carte pour suivre

37

30 405 495

36 86 1177 1177

228

276 396 J l}J:

la mission Segonzac.

101

Semaine maritime (La grande) dans la baie de Seine. Siamoise (La nouvelle frontière

222

franco-).

T:i.Œ;

La nouvelle frontière franco-siamoise..

Afrique.

Bizerte.

Sidi Abdallah, notre base navale en

Carte du

lac de Panorama de Sidi-Abdallah. 306 et La baie

Pont

Simplon (Après le percement du).-Projet des lignes françaises d'accès au

tunnel

261 261

305 305 307

308 76


Singapour, port de guerre anglais de Singapour et du détroit. Société centrale de sauvetage des Naufragés

Carte

Un

(L'oeuvre de la:

357

Tremblement (Le) de terre de l'Italie méridionale..

300

357

Tripolitaine 'L'Italie et

153 153

sauvetage. sauvetage. clochette.

crav.

Berlin'

à).229

Syriens (La question des) en Guinée française. Tanger (Les étrangers

22

Départ de la mission anglaise à Tanger. Tatare? (Existe-t-il encore une race)

229

Tauern (Un tunnel dans le massif du)

348

Tchi-li

233 233

(Les paysans

du).

Paysanne du Tchi-li en voyage

Tchi-li.

Nord. Tchi-li.

Scène agricole au Un champ de noyers dans la campagne

du

367

234 235

Tching-ouan-tao. Un port naissant de la Chine du Carte du

~l:~Ï:të~

Pe-tchi-li

Téhéran. Une visite à la capitale des shahs de Perse.

Téhéran sous la neige Porte monumentale à Téhéran. Un des jardins du palais des shahs

arbres.

des).

Télégraphie (La) sans fil et les Terre-Neuvas (La flottille

125 125 185 185 186 187

doris

La

préparation de la

Le

Tétouan.

Le

port méditerranéen du bastion de

morue.

Maroc.

Bar-el-Okla.

Panorama de Tétouan Une revue sur le sokho de Tétouan

Tigre et de l'Euphrate (La navigabilité du)

de). t;r~'

Togo (La jeunesse de

Mésopotamie.

l'amiral). de).

Carte de la

Tokio (La prochaine Exposition Toll (La mort du baron) aux régions arctiques. Toulon (Deux nouvelles sorties projetées pour la rade ,b;¡;¡¡'

Les deux nouvelles sorties projetées pour le port de Toulon

Transvaal (La nouvelle Constitution du) Transvaal (Le péril jaune au) Grav.

Russie.

Chinois destinés au

Trains-Foirés

lLes) en

Transvaal

89 et

collège Gille de

Trèves

102

89

Vevey. LesarênesdeVevey Cérès. théâtrale. faunes. Le

couventdes Dominicains

Vignerons (La fête des) à

de).

Le char de La représentation

Le

groupe des

Vladivostok(Le port

Plan

de

Vladivostok

Voies ferrées japonaises (Le bas prix d'établissement

des)

Le

Yang-tse-Kiang (En descendant les rapides

du).

91 273 273

274 275 275 11)1

181

351t

97 97

cours du Yang-tse-Kiang Un rapide du Yang-tse-Kiang 98 Dans les gorges du Yang-tse-Kiang. 99 Yémen (L'insurrection du). L'Arabie aux Arabes

.166

l'Indo-Chine.

Yunnan (Le) et

Zemstvos (L'histoire

des)

l'America.

Ziegler (Nouvelle de l'expédition) au Perte de

2 3

43

z4;

Pôle Nord.

271i

Livres et Cartes.

3

Texte

9

Terre-

bord

.291

r

l'équipage. doris.

Le saleur du En

284

r

Terre-Neuvas.

LaNeuvas.

Le

340

Un mousse des Le départ des Terre-Neuvas Le poste de

Une goélette et sa Terre-Neuve (La pêche sur les bancs de; distribution d'alcool aux

155

Vieux Bar (Lei.

141

141

Grav

son

191

Palais des syndicats ouvriers à Berlin..

crav.

architecture.

154

Vieux Bar (Le). L'histoire d'une ville racontée par 100

Suédo-norvégien (Le conflit) Syndicats ouvriers (Le palais des) à

Tripoli

Turquie L'influence allemande en) Victoria Falls (Une visite aux) sur le Zambèze

la fin des hos-

tilités au)

Tripoli. Tripolitaine

La douane à

59 60

porte-amarre.

Somaliland (L'accord anglo-italien et

de la Le port de

57 57 58

canot de Le baptême du canot de Un mousse agite sa

Exercice de canon

Carte

la France en)

Livres et Cartes, 7, 15, 23, 31, 39, 47, 55, 63, 71, 79, 87, 95, io3, rit, IJ9, 127, i35, c43, i5r, r5g, r67, i75, r83, rgt. rgg, 207, 215, 223, 231, 239, 247, 255, 263, 271, 279, z87, zg5, 303, 3m, 3rg, 3z7, 335, 3q.3. 35r, 35g, 367, 375, 383, 391, et

BIBLIOGRAPHIE 9 10 Il

r

12z

399

217 217 218 219 277 277 139

406

et.

Conseils aux Voyageurs. Texte 3

2, 96, 136, 168,

103

216,248,2:-)0,

344

269 269 148 197 197

46

Mouvement géographique et colonial. Texte 8, 40j 72, 104, 144, 224, 256, 288,320, 352,

et.

384


Les grands Sports.

Armées et Flottes. Texte

Texte 30p 24, 56, 88, 128, 160, 184, 200, 24°, 272, 336 et

400

120, 208, et 3Ó~

Revues Etrangères. Texte 16, lt~, 80, 112, 152, 192, 232, 264, 296, 328, 36o et

Exotisrne. Texte 392

64, 176,

3 1

2,

et

376


Paris.

Imprimerie F. ScRxcuT, 20, Rue du Dragoa,


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