La Grande guerre par les grands Êcrivains. Messidor Source gallica.bnf.fr / BDIC (Bibliothèque de documentation internationale contemporaine)
La Grande guerre par les grands écrivains. Messidor. 1916/10/20.
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ILLUSTRÉE BI-MENSUÈLLE Paraissant le 5 etle 20 de chaque mois
ANATOLE FRANCE ERNEST LAVASSE ALFRED CAPIIS PIERRE LOTI HENRI LA VEDA N BRIEUX JEAN RJeHEPJN De FAcademie française.
^MAURICE DO^FNAY r De l'Académiefrançaise. LÉON BARTHOU Ancienprésidentdu Conseil GUSTAVE HERVÉ ED. HERRIOT 4.
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CONTEMPORAINE .8.
VENIZELOS +.+. E nouveau, le voici sur le premier D plan de la scène immense. Avec l'amiral Coundouriotis, il a gagné la Crète héroïque pour sauver ce qui demeure de l'âme grecque pour réagir contre la honte de Cavalla, pour protester contre des troupes qui se laissent emmener en esclavage. En Crète, du moins, un patriote peut respirer librement, loin des intrigues et de la lourde tutelle allemande. Venizelos est parti, déjouant la police royale à la faveur d'un souper de nuit chez Platon (rassurez-vous ! Il s'agit non pas du philosophe mais du restaurateur de Phalère). La Canée le reçut triomphalement. Sur cette terre, il pourra parler et agir, prêcher la croisade contre le Bulgare, diriger ses enthousiastes adhérents, adresser au roi l'appel suprême, préparer en tout cas la libération du pays. C'est en Crète de nouveau qre l'hellénisme va jouer sa destinée. Dégagée de l'imbroglio tragi-comique d'Athènes, la personnalité d'Eleftherios Venizelos apparaît plus haute que jamais. Il est venu demander refuge et conseil à la vieille et solide terre où jadis, en 1864, il naquit dans une maison modeste, sous un rideau d'amandiers; à la terre qu'il a, dès sa jeunesse, défendue, animant de sa parole et de son exemple les palikares insurgés. Venizelos peut avoir la prétention de défendre et de représenter l'hellénisme, lui qui, pour donner la Crète à la Grèce, a lutté, en de certains temps, contre l'Europe tout .entière. C'est un des traits de son caractère qu'il n'attend point, pour se prononcer, l'approbation des majorités. Un tel homme, malgré les menaces et les attentats, choisit de lui-même sa décision; puis, il l'impose. En lui, se mêlent de façon remarquable l'opportunisme du réaliste et l'inflexible volonté du révolutionnaire; ses deux tendances essentielles se com-
binent dans un patriotisme éclairé, prévoyant, réfléchi. Il sait tour à tour disparaître et dominer, temporiser et précipiter les événements, plaider ou prendre le fusil; une sensibilité qui perçoit les moindres nuances des faits, nourrit une intelligence qui sait paraître impassible. Son programme, en tout temps, a dépendu d'une seule idée: faire de la Grèce le facteur de la civilisation et du progrès en Orient. Ni les orages parlementaires, ni les manifestations publiques ni les intrigues de cour ne sauraient, à aucun moment, agir sur cette force qui ne procède que d'elle-même. Au sens plein de ce mot, Venizelos est un homme d'Etat pour qui le pouvoir est un moyen, la loi un but, la patrie une fin; au cours de ses passages aux affaires, il s'est visiblement efforcé de concevoir pour la Grèce un programme de restauration totale, économique, intellectuelle, morale. Voir en lui aujourd'hui le satellita docile de l'Europe, comme le prétend l'Allemagne, ce serait étrangement le méconnaître et le calomnier. L'intérêt grec est sa seule règle; cet intérêt le conduisit, jadis, à créer l'alliance balkanique. S'il est avec nous, c'est par devoir; de là, la valeur et la puissance de son concours. L'abandon de Cavalla qu'il a donnée à la Grèce demeure, pour lui, une sorte d'injure personnelle. Soyons tranquilles; pour reprendre cette conquête, Venizelos ira jusqu'au bout de son devoir; il jouera tout son rôle, avec ce mélange d'enthousiasme et de froideur, de réserve et d'élan qui lui composent une originalité si rare et si puissante. Pour vous convaincre de sa puissance, lisez ses derniers discours qui viennent d'être publiés. Il y a tel de ses discours où l'on retrouve comme un accent lointain de Démosthène, une clameur qui monte des profondeurs de l'âme grecque.
— 610 —
MESSIDOR En ces temps effroyables, la grande tradition de l'hellénisme, menacée par tant de faiblesses indignes, veille au cœur de ce patriote résolu. Mêlons donc aux acclamations qui l'ont accueilli rentrant à la Canée le salut de notre peuple sensible à la grandeur de ce drame qui se joue sur un si petit territoire. Sans doute, nous avons intérêt à voir la Grèce achever de tracer autour des Empires centraux et de leurs alliés le cercle de fer qui les étranglera. Mais une pensée plus haute nous domine et c'est celle que nous voulons exprimer; c'est notre admiration pour un homma d'Etat, placé au milieu cbs circonstances les plus hostiles et qui oppose aux déceptions causées par les faits la logique' inflexible d'une volonté que rien n'émeut.
DANS
C'est une bien grande misère de voir un peuple hésiter lorsqu'il s'agit de combattre, aux côté des puissances qui l'ont libéré, son ennemi traditionnel, l'adversaire historique de sa race. Mais c'est un bien grand réconfort de voir un homme dominer de toute sa fermeté intelligente la conjuration de la peur et de la trahison. Une fois de plus on en peut être sûr, la volonté la plus forte l'emportera, comme il arrive toujours. Le monde appartient aux forts. Heureux homme, après tout, qui aura pu montrer l'ascendant de la probité courageuse et qui, son heure venue, saura, une fois de plus, faire obéir le Dastin ! Édouard HERRIOT, Maire de Lyon, Sénateur du Rhône. (L'Information.)
L'ARMÉE
GRECQUE
A SALONIQUE
Soldatsdu génierecevantune leçonde télégraphie. Sphere D'après_The — 6ll —
MESSIDOI
Le
Henri
Soldat --ç.
Collignon
(Suite) -
Pendant la bataille de la Marne, le Collignon est blessé ». Et aussitôt l'agent de liaison G. partit, sous les marmites, 46e tint en échec à Vassincourt, au sudchercher un médecin. Collignon était est de Révigny, un corps d'armée du tombé en arrière, le corps percé de coups. kronprinz qui tentait, sur la droite, un Il dit seulement: « Je suis touché. Conmouvement enveloppant. ?a résistance tinuez, mes enfants. J'aurais cependant heroïque lui valut d'être cité à l'ordre voulu voir la victoire. » Puis il demeura, de l'armée. Il poursuivit ensuite jusqu'en face au ciel, sans connaissance. A la Argonne l'ennemi en déroute et, soudain condamné à la nécessité de la guerre imhâte, on essaya de bander sa blessure avec une courroie. Il était trop tard. mobile, il s'établit aux Meurissons, en Les sapeurs l'empoitèrent sur un branattendant de prendre part à l'enlèvecard jusqu'au poste de secours. Lorsque ment de Vauquois. En prévision d'une longue période , le médecin l'eut déshabillé, on vit sa plaque d- conseiller d'État bosselée par d'attente, le drapeau fut installé chez le un éclat d'obus. A ce moment, le colonel colonel, condamnant à l'inaction ceux S. prévenu par un des hommes vint saluer qui en avaient la garde. Collignon ne ce soldat héroïque. Les sapeurs lui demanput s'y résoudre. Il demanda et obtint dèrent qu'on n'enterrât pas là M. Collide marcher avec les sapeurs. Cantonné avec eux, lié à leur petit groupe dont il gnon, mais au cimetière d'Aubreville. Ils l'emportèrent dans la nuit, se relayant devint l'âme, il les accompagna désortour à tour et pleurant sa mort. A deux mais dans leurs missions difficiles. heures du matin, ils atteignirent AubreVint la dure période des attaques ville et déposèrent le corps dans une autour de Vauquois. Le 46e s'y porta. Le 15 mars, comme le bombardement grange qui servait de chapelle. Ils le lavèrent pieusement, atteignait une extrême violence, quell'enveloppèrent dehors travaillaient au dans un suaire et lui firent une bière ques sapeurs qui rentrèrent à la hâte dansleur poste sou- , qu'ils eurent soin de garnir de sciure de bois et de formol. terrain, tandis que deux agents de liaison couraient s'abriter sous une machine Déjà, le bruit de sa mort s'était réà battre placée entre les deux caves. pandu. Des officiers accouraient de toutes parts, afin de lui rendre les derA peine l'atteignaient-ils, qu'un obus niers honneurs. On décida de lui faire de écrasa leur abri. Celui qui eut la chance solennelles et touchantes funérailles. de n'être pas touché s'en vint, affolé, Le général V. et le colonel S.,, prononjusqu'à la laiterie, en demandant du cèrent des discours émus où ils exaltèsecours. Tôn camarade, disait-il, était pris rent son courage et le grand exemple sous les débris de la machine « son sang 1 inondait, il était déjà tout jaune ». qu'il avait donné. Une compagnie défila devant lui, l'arme sous le bras. Tous les Les obus tombaient en rafale; personne les hommes pleuraient. Pendant l'enn'osait sortir. Collignon dit: « Il faut terrement arriva un message du Présiy aller ». Et, se levant, il partit avec un éclaireur du 31e, tandis que deux sapeurs dent de la République, suprême hommale suivaient, portant, une toile de tente. ge accordé à l'homme public et au sol11était à cinq mètres à peine du blessé, dat. Puis ses sapeurs le portèrent au cimetière où sa tombe disparut bientôt lorsqu'à côté de lui un shrapnell se désous les fleurs et les branches. Elle n'a boucha, le criblant de blessures. Un éclat lui laboura la cuisse, déchirant l'artère cessé, depuis, d'être entretenue avec fémorale. Son sang coulait à flots. Les un soin pieux. hommes se mirent à crier: « Monsieur M. HOLLEBECQUE. (A sulvrs.) — 612 —
IDOR;
LA CONTRE-OFFENSIVE
EN
ITALIENNE
VALSUGANA
DE LA STATION BOMBARDEMENT - D'OSPEDALETTO. D'aprèsrIlu8frationItalim. —ô:3
-
* Pour
entretenir
le
"feu
sacré
Pages écrites pour "MESSIDOR".
La
Nation
Tchéco-Slovaque
Les Tchéco-Slovaqtes, peuple slave de 12 millions d'âmes, habitent la Bohême, la Moravie, la Silésie autrichienne et le nord de la Hongrie. Ils sont opprimés par la dynastie des Habsbourgs et haïssent aujourd'hui plus que jamais le joug austro-allemand. Ils sont résolus aux plus durs sacrifices pour réaliser leur unité nationale. La récente déclaration de guerre de la Roumanie, qui porte un coup mortel à l'Autriche, vient de leur donner un regain d'espoir. Comme les Roumains de Transylvanie, ils veulent se libérer définitivement du Gouvernement de Vienne. Avant la guerre, grâce à un labeur acharné et malgré toutes les entraves, les Tchéco-Slovaques avaient réussi à faire de leur pays une région active, /prospère, lettrée. Dès le premier jour du conflit européen, toute la nation tchèque manifesta son hostilité contre l'Autriche < et l'Allemagne. Les journaux publièrent des articles contre l'Autriche; la population ne consentit pas à souscrire aux emprunts, tandis que les soldats tchèques refusaient de combattre. Le 4e régiment tchèque fut décimé par l'artillerie Magyare comme il résistait à l'ordre de marcher sur Valjevo (Serbie). Le 36e régiment se mutina dans les casernes et fut massacré en partie. Le 28e régiment de Prague et le ISe régiment de Pilsen se rendirent aux Russes avec leur musique et leur matériel. De plus, méprisant toute politique opportuniste, pour bien prouver leur absolu désintéressement, ainsi que leur confiance en la cause des alliés, les Tchéco-Slovaques réfugiés à l'étranger publiaient au nom de tous leurs compatriotes un vibrant manifeste], et cela en novembre 1915, au moment même où les Russes étaient refoulés des Karpa-
thes, où les Bulgares se joignaient aux Empires centraux, où le sort de la guerre semblait définitivement défavorable aux puissances de l'Entente. Nous sommes heureux de pouvoir citer dans Messidor les plus beaux passages de ces pages où souffle un vent d'héroïsme et de liberté : « Dans ces jours tragiques, nous nous sentons le devoir de proclamer notre confiance absolue dans la victoire complète des Alliés, et au nom du peuple tchèque que nous représentons, nous sollicitons l'honneur de prendre place à leurs côtés. « De la victoire des Alliés, nous attendons l'indépendance complète de la race tchèque dans son intégrité et de la réunion sous un même gouvernement de la Bohême proprement dite, de la Moravie et de la Slovachie. « Les Tchèques ne pardonnent pas aux Habsbourgs, après les avoir si longtemps ruinés et opprimés, d'avoir essayé de les déshonorer, en faisant d'eux les de fourberie complices d'une politique et de sang, haletante sous la féroce la Bohênie pression de l'Allemagne; remet à ceux de ses fils qui ont réussi à passer la frontière et à s'échapper de la geôle de François- Joseph le soin delà défendre vis-à-vis du monde civilisé et-de lui transmettre ses revendications.(. « Ce que nous revendiquons désormais c'est un état Tchéco-Slovaquecomplètement indépendant. » « La guerre actuelle prouve à tous ceux qui, si longtemps, ont refusé d'ouvrir les yeux à la vérité, qu'il est désormais impossible d'arracher l'Autriche à l'emprise germanique. Elle expiera le crime sans nom qu'elle a commis et pour lequel aucune amnistie n'est possible,
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MESSIDOR -ef'dans sa chute elle entraînera l'Allema-gne impérialiste qui a aiguisé et exploité ses stupides et- scélérates prétentions. « A la Russie, la grande nation slave, à l'Angleterre qui a, la première, établi les règles du Gouvernement de la nation par la nation, à l'Italie de Cavour, de Mazzini, de Ferrero, à la France de la Révolution, la Bohême confie ses destinées.. « Grâce aux Alliés, la Bohême indépendante et groupant autour d'elle tous ses fils, sera avec la Serbie, définitivement délivrée de la menace hongroise, un
élément d'équilibre, une garantie de la , paix universelle, un ouvrier utile dans le grand atelier de l'humanité. » Espérons que la cause Tchéco-Slovaque sera entendue et que la vaillante nation, barrière à la poussée des Allemands vers Constantinople, lien entre les Français, et leurs amis slaves, de Russie contribuera à l'équilibre indestructible de la future Europe centrale. Louise WEISS, Agrégée de Lettres (du Radical.)
COOPÉRATIONLOYALE.— Les arméesautrichiennes,sur le front oriental,ont été placées du PrussienVon Hindenburg. sousle commandement (Punch.)
GRANDES
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DATES
poches, +.
citoyens
Octobre 1916. de vertu civique grande épreuve u [NE : vient de commencer l'Emprunt ! L'Emprunt, c'est le moyen d'assurer et de hâter la victoire. Quelques-uns disent, paraît-il: « Ne la guerre en sera plus souscrivezpas ; tôt finie. » Qu'entendent-ils par là? Veulent-ils que la guerre soit finie n'importe comment? Par une victoire de l'ennemi? Ce serait la totale ruine et perdition de la France. Par une paix lâche, qui renverrait les adversaires dos à dos? Ce serait la certitude absolue du recommencement de la guerre à courte échéance, et plus terrible encore, car cette fois-là, les deux parties la voudraient décisive. Dans l'un et l'autre cas, un avenir infernal pour la France. Considérons tout à la fois notre honneur et notre intérêt qui, de point en point, concordent. comment pourrionsNotre intérêt: nous relever nos ruines, supporter nos charges, reprendre notre vie, faire vivre notre peuple, rémunérer le travail de nos paysans et de nos ouvriers, si nous n'y sommes aidés par une paix compensatrice et vengeresse, après la totale victoire? comment paierionsNotre honneur: nous nos dettes sacrées aux victimes de la guerre, aux infirmes, aux veuves, aux orphelins sans la totale victoire? nous ne pouvons Notre honneur: consentir à descendre du haut piédestal où nous a porté l'héroïsme de nos soldats; le monde attend de nous la totale victoire. Notre honneur: les crimes allemands ne peuvent être punis, la justice ne peut être vengée, le droit ne peut être restauré, la liberté des peuples ne peut recouvrer
-
!
sa respiration libre sans la totale victoire. Or, pour la totale victoire, nous avons le courage de nos- soldats, mais il faut des armes, encore et toujours des armes ! Déjà nous en avons en abondance. L'ennemi s'en étonne et même s'en indigne. Que nous ayons, nous aussi, une nombreuse artillerie, des engins égaux ou supérieurs aux leurs, ils trouvent que ce n'est pas de jeu; ils le disent comiquement, car ils sont vraiment drôles, ces barbares l Oui, nous avons des armes en abondance; mais elles s'usent vite dans les. terribles batailles où des millions d'hommes se heurtent sur des milliers de kilomètres. Des armes, toujours des armes! Par conséquent, de l'argent. C'est l'heure où chacun doit rentrer en soi-même. L'ennemi, qui devait tout emporter par une attaque brusquée, est maintenant 'sur la défensive; en plusieurs points il commence à céder. Il se raidit pour le suprême effort. Il est très puissant encore et se dit toujours sûr de vaincre; mais il ne le croit plus. Les matamores. se font modestes. On n'entend presque plus la parole de l'empereur Guillaume; son fils s'est mis à parler, mais il a des. larmes dans la voix. Ces gens ont l'air de prévoir le coup de grâce. Donnons-le^? ce coup de grâce. Si nous les épargnons par une paix imparfaite, le jour viendrait sûrement où ils. ne nous épargneraient pas. Que toute.la nation française vienne en aide à nos armées! Que tout l'arrière soutienne le front. Le manquement à ce devoir serait une désertion. Ernest LA VISSE, de VAcadémie française. (Le Petit Parisien.)
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MESSIDOF
Le
Koi
d'Espagne 1
et
du fiorrd les déportés l!/flflflJlJflJIJ/IJJlllmlfJflllflflTJJllflflfllilfIlJ/llfJlflflfll
8 octobre. ce moment de la guerre et devant A les proportions qu'elle a prises. la neutralité intégrale n'est plus possible pour une nation civilisée. Tout peuple qui possède des traditions, une histoire, une élite a aujourd'hui un point de vue moral sur cet immense conflit; et seraitil assuré de n'y jamais intervenir les armes à la main, il ne peut plus s'empêcher de le juger. Il s'est donc formé une sorte d'opinion générale, phénomène plus vaste et plus complexe encore que celui de l'opinion publique dans un pays déterminé. Au début de la guerre, ce phénomène était incertain; il ne se manifestait que d'une façon pour ainsi dire sporadique, par des cris isolés, par des frémissements individuels. Les neutres étaient des spectaceurs indifférents ou à peine troublés. Les esprits disposés au mépris de la nature humaine triomphaient facilement. Que de fois n'avons-nous pas entendu accuser d'un bas, égoïsme la
lie
noble Espagne, pour prendre un exemple Nous1* que l'actualité rend saisissant! savions pourtant. les efforts de son roi en faveur de nos prisonniers, mais il ne nous semblait pas que la nation dans son ensemble se fût émue de tant d'atrocités et d'horreurs. Elle vient, au contraire, de nous -prouver son ardente sympathie par un de ces gestes généreux qui montrent l'âme à découvert. Le gouvernement espagnol, par des démarches constantes et réitérées, a obtenu que les habitants transportés de Lille, Roubaix et Tourcoing fussent renvoyés dans leurs foyers après les récoltes d'automne; et, de ce fait, deux mille femmes retourneront chez elles avant le 10 octobre. Voilà un acte commeimposé à nos ennemis par cette opinion nouvelle et toute récente que nous signalions, et à laquelle s'associe un peuple dont la conscience est guidée par Ull-roi énergique et fier. Alfred CAPUS, de l'Académie française. (Le Figaro.) r
du
Torpillage
"Gallia"
iiiiiiiiijiiiiniininriiimiiiirimiMiimiiriiimiiiiijmiin .10 octobre.ous traversons une période un peu N sombre et énervante malgré nos succès de la Somme et de Salonique. Tous les nez s'allongeaient déjà à cause de la déception qui a suivi l'intervention de nos bons alliés de Roumanie; voici que la perte du paquebot des troupes, Gallia, qui transportait vient encore assombrir tous les visages. Le Gallia, un superbe paquebot tout neuf de 15 000 tonnes, armé en croiseur auxiliaire, qui transportait des troupes à Salonique, environ 2 000 Serbes et Français, vient d'être torpillé dans la non loin Méditerranée, probablement de la Sardaigne ou de la. Corse par un -617
sous-marin allemand. Le coup a fait sauter uns soute à munitions et détruit, nous dit le communiqué officiel, le poste de télégraphie sans fil, de sorte que le navire en perdition n'a pu appeler au secours. C'est un croiseur en patrouille qui a découvert par hasard une partie des naufragés et qui a pu transmettre aux patrouilleurs de la région les signauxde détresse: grâce à cette circonstance, on a sauvé jusqu'ici près de 1 400'hommes. C'est la réédition de la catastrophe de la Provence. On a beau se dire que chaque journée de bataille surla terre fermefait plus de victimes qu'un torpillage de transport de troupes, l'engloutissement d'un gros —
VlESSlLJOK
AU
GRAND
QUARTIER
GÉNÉRAL
ENTREVJEDU GÉNÉRALJOFFREET DU GÉNÉRALPETAIN
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: navire comme la Provence ou le Gallia, chargés de troupes, vous fait chaque fois éprouver un frisson d'horreur particulier, contre lequel les émotions ne nous ont .pas encore cuirassés. Sur terre, au moins, quand la mort frappe les nôtres, c'est dans un combat où ils ont le sentiment, s'ils reçoivent des coups, d'en donner aussi à l'ennemi. Ici, au contraire, oiy est frappé sans pouvoir faire un geste pour se défendre, au moment où on s'y attend le moins, comme traîtreusement. Le navire vogue dans la mer immense, à toute vapeur; tout le monde est à son et canonniers; les poste Hguetteurs troupes qu'on transporte sont sur le pont, comme de paisibles passagers, fumant, plaisantant; jouant aux cartes, rêvant à la famille absente. Et brusquement, sans qu'on ait même aperçu le périscope de l'ennemi invisible — ce périscope grand comme un manche à balai, et qui entre deux vagues est à peu près imperceptible — la catastrophe arrive. Le paquebot colosse en quelques minutes s'engloutit dans les flots. Oh! les atroces minutes! Et quelle tragédie pour ces paysans habillés en soldats qui, pour la première fois peut-être de leur vie voyaient la mer! On est sûr que nos marins et nos offi'ciers de vaisseau font tout ce qu'ils peuvent; mais, si peu enclin qu'on soit au pessimisme, au lendemain de ces catastrophes maritimes qui frappent si vivement les imaginations et qui mettent les familles dans le deuil ou dans l'angoisse, on ne peut s'empêcher de se demander si toutes précautions, toutes, sont bien prises pour éviter de pareils malheurs. Il n'y a donc pas moyen, tout au moins, de faire escorter un paquebot chargé de troupes, même quand ce paquebot est un croiseur auxiliaire pourvu de bons canons, d'un contre-torpilleur, par exemple? „ On nous dit que le poste de télégraphie sans fil du Gallia a été démoli par la torpille, ce qui a empêché d'appeler àu secours. Le Gallia eut voyagé avec
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un autre navire, quel qu'il fût, à condition que l'autre eût également un poste de T. S. F., que son compagnon de route eût pu au moins transmettre les signaux de détresse. Je ne ciitique pas. Je sais trop combien il est facile de tout, critiquer, loin du danger, loin de l'action, devant une feuille blanche et un encrier; et combien il est difficile de bien faire. Et je sais que, quelles que soient les précautions prises, il y a des malchances, des fatalités que rien ne peut conjurer, surtout avec des adversaires aussi redoutables que ces invisibles sous-marins. Je ne critique pas: je pose tout haut les questions que les familles éplorées se posent tout bas; que se posent toutes les familles françaises car toutes les familles ont des parents en Orient ou susceptibles d'y aller demain. Quelles horreurs! Les marmites! Les mitrailleuses! Les avicns! Les zeppelins! Les tueries à coups de baïonnettes! Les gaz asphyxiants! Les torpilles avec les noyades en masse! Elle est propre, l'humanité ! Si l'humanité, après ce bain de sang, n'est pas dégoûtée de la guerre jusqu'à la fin des siècles; si elle ne prend pas des mesures radicales pour l'empêcher à jamais, c'est que l'homme sera décidément la plus cruelle et la plus stupide des bêtes féroces. En attendant, consolons-nous comme nous pouvons, en nous disant, à chaque coup nouveau qui nous atteint, que les Allemands, gouvernement et peuple, qui les uns par orgueil, les autres par bêtise, ont déchaîné ce. carnage, ne l'emporteront pas en Paradis. Tous ces massacres, toutes ces ruines, toutes ces souffrances, il faut qu'ils les paient tellement cher, et pendant si longtemps, qu'à l'avenir les gouvernements et les peuples y regardent, à deux fois, avant de déchaîner unpareil fléau sur le monde! HERVÉ. (La Victoire.) Gustave
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PAGES
LA
HÉROÏQUES
CITATION
- Je veux avoir la citation!. Je l'aurai! J'espère la décrocher bientôt! Tel éclate à chaque minute l'ardent désir des soldats, le cri perpétuel de leur envie. Aussi que ne font-ils pas pour obtenir l'unique insigne? Tout au delà même de l'impossible. Cette faveur comporte deux choses qui n'en forment qu'une et s'achèvent 1une par l'autre: la croix et la citation. La première n'est que la conséquence de la seconde. La croix, sans doute, est magnifique. Marque visible, inévitable, elle apparaît et saute aux yeux comme la cicatrice du courage. Elle révèle seulement le fait sans le préciser: « On s'est surpassé. Voilà.» Mais où? Quand? Comment ? Pas de détail. Tandis que la citation raconte l'acte, l'explique et le fixe pour l'avenir. Le ruban décore la personne physique. Le texte décore la personne morale. Le texte est la racine d'où sort et vient s'épanouir sur l'habit la belle fleur verte et rouge, la tulipe des batailles. Toutes les croix se ressemblent. Les citations diffèrent, et bien peu sont pareilles. Pourquoi veut-on l'avoir ? Pour beaucoup de raisons qui toutes sont majeures. Pour la gloire, pour le plaisir., pour soi, pour les siens, pour la France, ou pour une mère, un père, une femme, une fiancée, pour des enfants qui, souvent, sont encore petits et dont ce sera plus tard le meilleur patrimoine. La citation représente et embrasse d'un même amour tous ces puissants motifs; ils sont les feuilles de la palme ou les rayons de l'étoile. * ** Une fois acquise elle devient l'orgueil de la famille, son titre de noblesse. On ne se lasse pas de la relire et de la
répéter; on la sait par cœur; on l'encadre. On la récite comme une prière, on l'inscrit au bas d'une image de deuil et sur la pierre d'une tombe. C'est -la plus parfaite des épitaphes. Lesparents, qui en sont fiers, la creusent, la développent, la parcourent en tous sens, en pèsent chaque mot, chaque qualificatif, y découvrent toujours des richesses nouvelles. Tant de grandeurs sont resserrées dans son sublime raccourci! Prenez la plus brève, la plus banale: « Belle attitude au feu ».. Tout ce que ces quatre mots représentent et compriment de fièvre, d'élan, de ténacité, de victoire gagnée sur soi-même! La citation a ses survivants et ses morts: ceux dont elle reste le livret pour toute l'existence; et ceux qui l'auront ignorée parce qu'ils ont péri pour être plus sûrs de l'obtenir. Si impatiente alors qu'ait été la hâte du chef, l'homme avait déjà disparu. quand elle a paru. Elle relate tous les sacrifices, toutes les vaillances, dans tous les domaines, sur la terre et dessous, dans l'air et l'eau, les prouesses de la tranchée, du poste d'observation, du clocher, de l'arbre et de la hune, de l'avion de chasse et du fourneau de mine. Elle a ses manières et ses tons. Il en est de courtes et nerveuses, comme dépouillées, et qui cinglent en coup de fouet, d'une splendide sécheresse ; d'autres hachées et haletantes; d'autres métalliques et qui sont, elles aussi, de vraies médailles, où se retrouve la pensée lapidaire du général qui les a frappées. Et puis de longues où il semble que le chef ait voulu exprès s'attarder, par scrupule et reconnaissance, inquiet de ne pas rendre un suffisant hommage. Les plus copieuses n'ont pourtant que
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vtESSIDOR dix à quinze lignes..On est aussi sobre de mots pour la rédaction du texte, que de gestes pour la remise de la croix. Ici et là, ça ne traîne pas. Il s'agit de faire vite et bien. Le chef passe. Il s'arrête. Deux regards d'un siècle qui se croisent. Le temps d'épingler. La Confirmation du sabre sur l'épaule. Le baiser brusque sur la joue. Un muscle qui se crispe. Un brouillard. C'est fini. De même la citation ne se perd pas, ni ne s'étale en inutilités. Elle se verse et s'avale d'un coup, comme un verie. Qu'il y en a ! Des milliers et des milliers! On ne les compte plus. C'est une lecture palpitante et, malgré ses tristesses, pleine d'exaltation. Chaque libellé a sa physionomie qui fait voir l'homme, son caractère, en trace le portrait, le montre en plein jeu d'héroïsme. Il relève — et comme il a raison! — les derniers mots prononcés par le blessé ou le mourant à cette minute « où l'on ne dit que ce qu'on pense ». Et parmi ces superbes propos, quel est celui qui revient le plus souvent? On ne le croirait pas, si les paroles recueillies n'étaient pas là, preuves éternelles. c'est celui-ci: « Je suis heureux! » Presque sous la même forme, le mot et l'idée s'échappent de la bouche et du « Je suis cœur, reviennent toujours: joyeux de mourir.. Je meurs content. Dis qu'on ne me pleure f as. C'est bien ainsi. J'ai la plus belle des morts. Je suis fier de donner ma vie. » Le bonheur! Ce terme est le fond et l'expression de leur dernier soupir. A la joie de vivre ils ont substitué la joie de mourir. Ils ont inventé une nouvelle façon d'envisager la mort et de l'accueillir à bras ouverts, sans restrictions, dans la complète allégresse de l'âme. Et ce n'est pas de leur part une sublime comédie, un sentimental et pieux mensonge pour nous consoler et nous faire mieux accepter leur sacrifice. Non. Ils sont sincères. Ils ne peuvent ni se tromper ni nous tromper.' Seuls les soldats auront poussé jusqu'à ce point la dévotion du renoncement. Les autres hommes, en effet, quelquefois les mêmes que ceux-ci, mais qui' s'éteignent en temps de paix au fond d'un lit respecté, n'ont pas ce genre de dé- 621
part. Les plus courageux — qu'ils soient stoïques, durs ou fanatisés d'orgueil, ou qu'ils s'endorment confiants dans le Seigneur — n'opèrent pas leur retraite sans une certaine et mélancolique gravité qui d'ailleurs n'a rien de défendu. Ils ont l'attitude, la voix, le geste et le regard des séparations. Ils s'écoutent un peu mourir. « Adieu donc! Puisqu'il le faut! Détachons-nous.Fiat voluntas !» La main retombe sur le drap et la tête s'incline. On est vaincu. Mais quand voit-on, jeune ou vieux, l'agonisant de la maladie et de la vie ordinaire se dresser en vainqueur à la minute suprême, les yeux et le front pleins de clarté, pour crier aux siens : « En avant! Allez! Vivez! Je meurs heureux! J'ai fait mon devoir! » et dire: « Vive la mort! » comme le soldat expire en disant: « Vive la France » ? L'explication est toute simple. C'est que le soldat « donne sa vie », tandis que l'autre « attend qu'on la lui prenne ». Henri LAVEDAN, de l'Académie française. (L'Intransigeant.) UN DÉFENSEURDE LA FRANCE
1 Sidi SalahBenAli —
ÉCHOS
g.
NOUVELLES
et l'Allemagne Edgar Quinet n Il y a quarante ans, racontait Edgar Quinet en 1872, l'illustre Creutzer, l'auteur de la Symbolique, me disait: — Il m'arrive une chose extraordidaire — Quoi donc, monsieur? — Je ne puis comprendre la philosophie allemande que si elle m'est expliquée par un Français. — Cela ne m'étonne pas, répondis-je; pour descendre dans un caveau, il faut une lanterne. Et c'est, ajoutait Edgar Quinet en racontant cette conversation, c'est parce que la France est cette lumière du monde, qu'ils ont juré de l'éteindre. (L'Intransigeant.) --ol-» Roumaine Légende M. Paul Ginisty rappelle dans le Petit - Marseillais une curieuse légende qui se répandit en Roumanie pendant la guerre de 1877-1878 contre les Turcs: La sentinelle qui était de garde devant la tente du commandant en chef entendit soudain auprès d'elle des bruits de pas. Cependant, elle ne voyait personne. Elle cria: « Halte-là! Qui vive! » Une voix grave répondit: « Roumain ! » Le soldat distingua enfin un homme de taille imposante qui s'approchait de lui. Le personnage était vêtu d'une façon singulière comme aux temps d'autrefois. Son visage était majestueux. On ne sait quoi de lumineux rayonnait autour de sa tête coiffée d'un bonnet à aigrette, et dans l'obscurité, éclairait l'apparition. Le soldat, instinctivement, lui rendit les honneurs. - Je viens prendre ma place au Conseil des généraux, dit le mystérieux visiteur. — Passez, Altesse. — Pourquoi m'àppeiles-tu Altesse? demanda-t-il. Tu me connais donc? — Je vous connais comme je connais les Images saintes, comme je connais
les tableaux qui représentent les héros de notre histoire. - Quisuis-je ? - Altesse, vous êtes Etienne le Grand le prince dont le souvenir est sacré pour tous les Roumains! Le prince, ainsi qu'un chef qui encourage familièrement le troupier, posa sa main sur l'épaule de la sentinelle. - Je suis venu, dit-il, pour vous conduire à la victoire. Pour toi, fais ton devoir en' -brave. Tu me verras dans la mêlée. Il se glissa dans la tente, et disparut. (Le Petit Marseillais.) -"O-M-©-*Il
a plus d'Enfants n'y 'HISTOIRE du jeune caporal italien, L Matteo Piaia, âgé de 12 ans, va de bien des échauffer l'imagination enfants. Matteo a déjà à son actif quatorze mois de campagne: il a suivi son père à la guerre et l'a vu tomber près de lui. De ce moment il n'a plus eu d'autre pensée que de le venger. Embusqué dans les anfractuosités d'un rocher où des chèvres même n'auraient pu parvenir, il réussit à tuer un capitaine autrichien. Il fut blessé deux fois à la tête. Promu caporal, ce garçonnet donne à tous l'exemple de la discipline et du courage dans le régiment des alpins où il a été versé. Matteo y est non seulement admiré et choyé, mais encore — obéi! [La Liberté.) ! +..0-.0-+ Journaux
de
tranchées
anglais ES journaux sont assez différents de c ceux de nos poilus: la note sportive y domine. Les résultats des matches de football qui se jouent en deuxième, ligne sont publiés in extenso et commentés avec le plus profond sérieux. Mais on y trouve aussi les plaisanteries éternelles dont on ne se lasse jamais. Voici deux histoires que cite comme exemple le Bulletin des armées:
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MESSIDORS Un soldat se présente à la visite avec une écorchure au pied. — Pilule n° 9, ordonne le major. C'est un fait connu que la pilule n° 9 est à la fois celle que préfèrent tous les médecins militaires et celle que détestent le plus tous les soldats malades. Or, le soir même, le soldat revient trouver l'infirmier stupéfait, et de luimême demande une nouvelle pilule. — J'ai mis la première sur l'écorchure sous mon pied; ça va déjà beaucoup mieux. * ** Un tommy vient de payer une blanchisseuse picarde avec une belle pièce de 2 shillings, La brave femme est embarrassée pour rendre la monnaie; elle hésite: — Vous pressez pas, répond le soldat anglais, la guerre n'est pas finie. On trouve aussi dans ces journaux les morceaux remarquables, signés des meilleurs écrivains anglais. (Le Bulletin des armées.) Quelques mots de M. Lloyd George a prononcé, sur la guerre, beauIX o coup de discours pathétiques et saisissants. Les quelques phrases de M. Lloyd George, à l'occasion d'une visite aux casemates de Verdun, compteront parmi les plus fermes, les plus pleines de sens, les plus émouvantes aussi: « Le souvenir de la victorieuse résistance de Verdun sera immortel, parce que Verdun a sauvé non seulement la France, mais notre grande cause commune et l'humanité tout entière. Sur les hauteurs qui entourent cette vieille citadelle, la puissance malfaisante de l'ennemi est venue se briser, comme une mer furieuse sur un roc de granit. Elles ont dompté la tempête qui menaçait le monde. Pour moi, je me sens remué profondément en touchant ce sol sacré. Je ne parle pas en mon nom seul: je vous apporte l'admiration émue de mon pays et de ce grand empire dont je suis ici le
représentant. Ils s'inclinent avec moi devant le sacrifice et devant la gloire. « Une fois de plus, pour la défense des grande causes auxquelles son avenir même est attaché, l'humanité se tourne vers la France. » De tels accents ne font pas que remuer le cœur: ils portent la pensée sur le vaste problème des relations internationales après le guerre et ses aspects nouveaux. Les peuples qui auront pris part à l'immense croisade de 1914 n'oublieront pas, durant de longues générations, qu'ils furent des compagnons d'armes et qu'ils sauvèrent ensemble la civilisation et la liberté. Il se constituera ainsi contre l'Allemagne et en souvenir de ses crimes une sorte de fédération supérieure que l'élite de chaque pays aura la mission de maintenir. Alfred CAPUS, de ['Académie française. (Le Figaro.) L'oubli
de soi jusque dans la mort PRÈSvingt-six mois de guerre, quand A' on a lu tant de textes plus beaux que les bulletins de la Grande Armée, on croit être blasé en fait d'héroïsme. Cependant ceux de l'avant nous réservent encore de pathétiques surprises et la lecture de certaines citations nous fait toucher au fond même du sublime nous saisissant de la plus neuve et de la plus vaste émotion. Voici en quels termes la valeur surhumaine du sous-lieutenant Marius Courtaux, du. d'infanterie,. mérita d'être illustrée : « Blessé mortellement pendant la MMnœuvre d'un obusier de tranchées, a fait preuve du plus grand sang-froid ; avant de mourir, a tenu à réunir ses camarades et à leur donner toutes les explications nécessaires pour éviter le retour de l'accident dont il était victime. « Le chef d'état-major de la. armée, « Signé: DEboULT. » Inclinons-nous pieusement et gardons à jamais -le souvenir d'âmes d'une telle honorons aussi les chefs qui qualité; savent si simplement magnifier de tels héroïsmes! (L'In transigeant.
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0 A 114
LES
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Franco-Annamite
« Je suis à la fois Français et Annachaque touriste était invité de droit, mite. J'étais donc forcé d'être plus coupour ainsi dire, à déjeuner chez le Phu de Cholen. rageux qu'un autre. » C'est en ces termes qu'il y a quelques J'y allai donc, comme tant d'autres. mois, dans une des petites chambres J'en étais à mon premier voyage en Exclaires réservées aux officiers, à l'hôpital trême-Orient, et l'idée d'aller chez le Phu de Cholen me réjouissait un peu du Val-de-Grâce, un capitaine aviateur blessé m'expliquait pourquoi, malgré les puérilement. Je ne considérais cet honavis de ses chefs et de ses camarades, lui neur que comme une aubaine de touriste. déconseillant de prendre les airs sur Je ne tardai pas à revenir à une appréson avion, en ce jour de tempête, il était ciation plus juste. Sans doute, le menu parti cependant. portait des nids d'hirondelles et des vers Il accomplit sa mission, mais, au retour, palmistes, mais l'ordonnance générale du repas montrait bien que ce nétait plaqué à terre, il se fractura la base là qu'une politesse aux désirs d'exot:sme du crâne, se brisa la mâchoire et se cassa du voyageur. On n'est pas plus correct le bras gauche. Neuf jours, il resta dans dans le meilleur club de Londres, on le coma. Depuis deux mois, il était à n'est pas plus dignement cordial dans l'hôpital, et parlait de repartir. Il est reparti, et je viens d'apprendre la meilleure salle à manger de France. A la fin du repas, on me fit le très qu'il a été mortellement frappé, en chargrand honneur de me conduire dans une geant au revolver, à la tête de sa compièce voisine, où s'élevait l'autel des anpagnie, dans la Somme. cêtres, et la maîtresse de la maison, du Je me suis assis à la table de ses parents, là-bas, là-bas, en Cochinchine, geste le plus simple et le plus noble, me à Cholen, près de Saïgon, et je tiens à endésigna une tablette où je pus lire ceci: voyer à sa mère, chargée d'années et de A la mémoire t" douleurs, l'humble et profond salut d'un De notre très aimé et regretté frère a à connaître le Français qui appris DO HUU SUU et conséannamite, l'aime, peuple qui par Etudiant en médecine quent. Externe des hôpitaux de Paris Ce capitaine appartenait à une des Décédé au sanatorium de Leysin plus nobles familles annamites, appaLe 14 janvier 1903, à l'âge de 25 ans rentée à celle de l'ancien vice-roi du TonEmporté par la tuberculose, dont il avait kin et qui, très peu de temps après notre Contracté les germes, à l'hôpital Beaujon arrivée en Cochinchine, s'était rangée de En donnant ses soins aux malades notre côté, comprenant ce que nous Victime de son amour pour la Science et devions apporter de civilisation à ses l'Humanité et de son devoir profespour de cela un demi-siècle. compatriotes. Il ya sionnel. il a de de Depuis, n'y pas marque loyalisme que nous n'ayons reçue de la part de Aujourd'hui, à côté de cette tablette, ces notables; ils professaient à l'égard une autre s'érige, qui peut porter ces des Français une telle sympathie que mots: 1 — 624 —
MESSIDOR! A la mémoire de DO HUU VI Capitaine aviateur de l'armée française Chevalier de la Légion d'honneur Décoré de la Croix de guerre avec deux palmes Mort glorieusement en France A 32 ans En combattant pour la France et four l'Humanité Sur cinq fils qui devaient assurer le culte des ancêtres dans cette famille, ces deux-là sont morts. Tous furent élevés en France. Des trois autres qui restent, l'un est lieutenant-colonel dans l'armée française, le deuxième magistrat, le troisième payeur du Trésor. Tous au service de la France. Et les deux fils du colonel, reçus, l'un deuxième, l'autre quatrième, à l'Ecole Centrale; sur 246 admis, font partie de l'armée française. Le capitaine Do Huu Vi, qui vient de tomber, était dans l'aviation depuis 1908. L'un des premiers, le premier peut-être, il avait, au Maroc, survolé Fez, et servi d'éclaireur à la colonne Brulard. Lors de la déclaration de guerre, il était en Indochine. Il était officier, il fit son devoir. Sa mère — c'est lui qui me l'a raconté — ne le vit pas partir sans émotion, mais elle lui dit ces paroles admirables, qui font penser aux matrones romaines: « Va, mon fils, te battre pour la France. Sois la preuve du courage des gens de ta race. Sois aussi un exemple pour eux. Va. Je fais le sacrifice de ta vie. Ne pense jamais à moi si tu dois penser à la douleur que me causerait ta mort. Fais tout ton devoir, sans penser à cela. » *** Si quelque lettré annamite avait pu voir son compatriote' Do Huu Vi, monté sur l'avion bruyant, entouré des lueurs fugitives des shrapnells, poursuivi par les rayons des projecteurs, et jetant ses bombes incendiaires sur les organisations ennemies, il aurait pensé voir la réalisation d'un rêve millénaire: le Dragon d'Annam lançant des flammes et combattant contre les Barbares, dans les profondeurs du ciel étonné.
Ils sont beaucoup, en France, les Annamites, sinon de la môme valeur intellectuelle, du même raffinement de civilisation que le capitaine Do Huu Vi, du moins, du même loyalisme et du même courage. On ne les remarque pas: ils sont petits, modestes et fugaces. Ils meurent obscurément pour la France et pour le Droit, pour des idéals qui eussent semblé si loin d'eux, mais qui sont près, cependant. Là-bas, s'il y eut quelques bagarres — dont d'ailleurs nous sommes peut-être responsables — nous ne savons pas de quel élan vers nous fut saisi ce peuple de qui nous n'avons- pas voulu ou su nous faire comprendre, et qui, tout de même, nous a compris. Nous ignorons encore tous ses sacrifices, ses générosités, ses enthousiasmes, et aucun de nos poilus sans doute n'a pu supposer que le chandail et les chaussettes qui, cet hiver, lui ont tenu chaud, ont été confectionnés par des petites filles annamites qui avaient appris à tricoter tout exprès dans une école de Hanoï. Tout cela sera dit bientôt par un témoin, je l'espère. Etil faut que ce soit dit. La France ne peut pas être soupçonnée d'ingratitude. BRIEUX, de l'Académie française. (Le Journal.)
— Encoredes Prisonniers 1 Maisà FERDINAND. ce train-là,nous finironspar rester tout s:u]s. D'aprèsLe Journal. ,
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LA FRANCE,
ses ALLIÉS
et ses AMIS
1 Prisonniers
Français
en
Suisse
Et tous nous refont le même récit, ES soldats désignés sont amenés v en gare de Constance et remis aux à peu près dans les mêmes termes. officiers suisses. Mais ils ne sont pas encore Soir après soir, pendant ce mors de mai où les convois se sont succédé prestranquillisés. Ce n'est qu'à la fin de cette longue journée, au moment où le con- que chaque jour, ces gens de la bourvoi s'ébranle, qu'ils respirent. Ils regargade frontière de Kreuzlingen sont venus le long de la voie pour acclamer les dent les soldats allemands rangés sur le quai. Quel silence !. Le train accé- Français à l'instant où ils entraient sur lère sa marche. On est bien parti. Enfin! le sol suisse. Rien ne pouvait toucher davantage Tout à coup ils entendent un grand cri. Ils n'en croient pas leurs oreilles. Ils le cœur des soldats français. Ils gardent se penchent aux portières. Ils n'en impérissable le souvenir de cette minute croient pas leurs yeux: des gens sont là, •où ils ont vu ces mains tendues vers au bord d3 la voie, ds hommes', des eux. Et ils,ont dit avec ce sens de l'exfemmes, des enfants. Et ce sont eux qui pression, si juste et fin, dont même les ont crié: « Vive la France! » Écoutez! plus rudes d'entre eux ont lé privilège: — La Suisse nous a rejus à bras ouIls crient plus fort: « Vive la France! » verts. Et ils agitent des drapeaux tricolores. — Où donc sommes-nous? Mais nous Le voyage triomphal continue. Ce matin, c'est dans le Valais que venons de quitter Constance! Les Allenous allons. Les soldats ont regardé mands deviennent-ils fous? Et l'ovation continue. Le nom de leur le lac pâle et voilé de vapeurs blanches. patrie monte à eux clamé par toutes ces Les gens venus aux stations leur disaient voix. Des fleurs pleuvent dans le wagon. en montrant la rive opposée: — Regardez, voici la France! Et voici la Marseillaise qui éclate. Ah oui! répondit l'un d'eux, ça Un employé a ouvert la porte et leur sent la France. a d't : — Vous êtes en Suisse. Un autre a dit: - Pauvre France! Ils ont compris. La sentinelle alleje croyais bien x mande est immobile, d'un côté de la que je ne te reverrais plus. A Sierre, où les soldats dirigés sur Monroute. Et là, en face d'elle, ces groupes Alors ils se sont tana descendirent, un cortège se forma qui les acclament. immédiatement. En tête, la fanfare qui mis à pleurer. — Je n'ai pas pleuré quand j'ai été jouait la Marseillaise, puis les fillettes blessé, quand j'ai été pris, quand j'ai été en blanc; les toutes petites venaient les opéré, racontait l'un d'eux, mais à ce premières, on avait ondulé leurs cheveux noués d un ruban tiicolore, et chacune moment-là j'ai pleuré. — Ce cri, dit un autre, ça vous retourtenait à la main un drapeau des Alliés. Le groupe des soldats français les suinait le cœur. — Il y avait une vieille dame qui était vait, encadré par la foule. Et les écoliers venue aussi loin qu'elle pouvait, tout portaient leur musette. On passa sous au bord de la frontière, tout près de la des arcs de verdure où des inscriptions naïves souhaitaient la bienvenue. Lorsque sentinelle allemande, pour nous montrer où commençait la Suisse et crier la pre- les soldats furent installés dans 1 hôtel où leur déjeuner était servi, on laissa mière: « Vive la France! » -626-
MESSIDOR entrer le cortège des fillettes. Et plusieurs gnardes de l'Engelberg qui ne parlent d'entre eux mirent leur mouchoir sur qu'un patois allemand, que lui doiventleur visage pour qu'on ne les vît pas elles, et pourquoi l'aiment-elles? Sans doute ne sauraient-elles pas l'expliquei. pleurer. Lorsque, au crépuscule, nous sommes Et cependant, elles se sentent obscurément attirées vers la France par le senredescendus, on entendait se répondre les angelus lointains.. A cette heure où les timent le plus vivace de leur être simforêts s'adoucissent et se fondent en ple: l'attachement à leur sol. Les solombres violettes, le vent apportait les dats qui viennent vivre dans leur vallée sons des cloches et les mêlait. Et il me ont souffert en défendant la patrie ensemblait distinguer les carillons qui vahie. Alors elles cherchent, selon leur montaient des bords du torrent et ceux faible moyen, à leur témoigner leur amour. Dans cet élan qui, à travers toute la que sonnaient les villages perchés sur les rampes abruptes. Et c'était comme Suisse, porta nos populations au-devant les voix unanimes et graves de toute la des prisonniers français, je saisis l'exvallée qui priait pour le repos des cœurs pression la plus profonde des sentiments de ses nouveaux habitants. d'un peuple qui a toujours pratiqué la liberté comme une' religion. Ouvre-leur Je regarde un petit carton, marqué du drapeau fédéral et portant imprimés tes bras tout grands, ô mon pays, ouvreles mots: « ?oyez les bienvenus, soldats leur tes vallées et tes forêts, choie-les de Fiance,» et signé: « Vos amis, les sur ton sein maternel, accueille-les le sourire aux lèvres et les larmes aux yeux, Suisses,» un petit carton qui fut distribué à rStanz à chaque interné français, té- car tu sais bien que leur cause est ta cause. Ceux qui versent leur sang pour moignage irrécusable des vrais sentiments de notre peuple de la Suisse pridéfendre la patrie envahie, jamais ne mitive. Il ne se laisse point égarer par t'ont laissé indifférent, toi qui t'es dressé certaines feuilles dont nous savons maintant de fois devant l'envahisseur, toi tenant qu'elles furent inspirées par les dont la volonté de vivre libre fut plus Allemands. Certains courants germanoforte que la force: tu reçois comme tes enfants tous ceux qui souffrent pour la philes ne l'ont point entraîné. Il a balayé les durs souvenirs de 1798. Il a dit aux liberté « Vos amis, les Suisses. » Noelle ROGER. Français: Une vieille femme dela vallée d'Engelberg (Revue des Deux Mondes.) descendit de son chalet dans la montagne, fit plusieurs heures de chemin pour apporter aux Français le beurre qu'elle avait battu. Une autre offrait des poires séchées. Pauvre régal sans doute. Mais on donne ce qu'on a. Et le don deces pauvres, qui se sont privés, me touche plus que tout ce que nous pouvons donner, nous autres qui sommes attachés à la France par notre culture, notre DANS L'ARMÉE SUISSE. - Arrivéede la soupe destinée pensée, notre art. aux soldatsqui déblayentle cheminde fer de la Bernina. Mais ces rudes monta— 627 —
LITTÉRATURE
Le
&
de
Rayon
E premier coup qui frappa la famille L fut la mort de Jacques, qui fut tué, dès le début de la guerre; il avait vingt et un ans, et sa sœùr, Louise, l'aimait d'un de ces amours fraternels qui étonnent par leur intensité. Après, ç'avait été le tour de la mère, inconsolable, et qui s'était effondrée en quelques semaines. Louise restait avec son père, désolé, petit propriétaire ayant consacré toutes ses économies à se rendre possesseur de la modeste maison qu'il habitait et dont il ne touchait plus de loyers. .Ceux fillettes étaient là encore, à qui Louise allait désormais servir de mère. Un soir, le père, qui s'assombrissait de jour an jour, en venant de se mettre à table, s'affaissa devant son potage. Le médecin, appelé en toute hâte, demanda à Louise: « Est-ce que c'est sa première attaque? » Et Louise, surveillant et soignant le malheureux homme alité, songeait à la noire destinée. S'il venait à mourir, que deviendraient ses deux jeunes sœurs et elle-meme? Or le malade était condamné. Verrait-il seulement la fin d'une guerre si longue? La seule chose qui ranimait un peu, par 1 admiration qu'elle inspirait, était la lutte épique de Verdun qui, en même temps, étreignait le cœur à cause de ces grandes hécatombes d'tommes et de tous ceux, en particulier, qu'on connaissait, et qui étaient là. La maison, en banlieue, avait un jardinet qu'environnaient des arbres voisins, très feuillus cette année et sur lesquels la pluie incessante égrenait de branche en branche ses gouttelettes pesantes. Cn entendait le bruit d'un moteur aérien invisible, et, à une certaine distance, des chœurs.de voix -enfantines qui répétaient des hymnes pour la FêteDieu prochaine. L'heure avait une mé-628
ARTS
Soleil
lancolie plus pénétrante que les instants de douleur aiguë. Le pire était la nostalgie des temps heureux que ce calme, cette pluie d'été et ces chants d'enfants évo« Il y a deux ans, à pareille quaient. date, que la pluie sur les feuillages était reposante et douce!. et quand ces petits, dans le jardin des Frères, entonnaient 1 e Magnificat !» Les deux coudes à l'appui de la fenêtre, son mouchoir sur les yeux, Louise les sentait tout humides. Ce fut à ce moment qu'on annonça à Louise la visite d'une amie, Marie-Rose, qu'elle savait infirmière à un hôpital d'Auteuil. — Ecoute, dit Marie-Rose, -je viens te demander un petit service qui, bien entendu, ne te coûtera rien. Je viens te demander d'être la marraine d'un pauvre poilu qui m'est signalé et recomman-I dé d'une façon tout exceptionnelle. J'en ai tant! Je ne sais plus où les placer. Il faut que tu te dévoues. Je t'ai choisi celui-ci qui a une certaine instruction, des sentiments, m'a-t-on dit; il a été blessé déjà trois fois et il fait pour le moment de la neurasthénie à l'ambulance de N. C'est un traitement moral qu'il leur faut, à ces malheureux, et je t'ai connu une imagination si heureuse! abandonne-toi à Prends mon poilu; toute ta ver\e. Louise regarda autour d'elle comme au dedans d elle-même ; elle jeta un coup d'œil sur la porte qui la séparait de son père, sur les photographies de Jacques et de sa mère, sur les petites qui jouaient dans le jardinet humide, sur les feuillages superposés où la pluie lourde, à intervalles réguliers, s'égouttait. — Ma verve, dit-elle, je n'en ai guère pour le moment! — Oui, je sais, dit Marie-Rose. Mais, —
MES
S
par le temps qui court, que veux-tu? Chacun fait un peu au-dessus de ses forces. — Donne-moi son adresse, dit Louise. Et Louise écrivit au soldat qui avait besoin d'être remonté. Elle écrivit sa lettre, à la nuit, sous la lampe, lorsqu'elle eut couché ses jeunes sœurs. Elle dut s'illten ompre pour changer dela tête aux pieds le malade qui, à demi paralysé, devait être traité comme un enfant. Le pauvre homme remerciait sa fille de l'œil' droit et de la moitié de sa touche d'où sortaient des sons inarticulés, inintelligibles. Et la jeune fille eût moins souffert s'il eût été complètement inerte et muet. Elle lui ingurgitait sa potion; elle allait se laver les mains, et elle reprenait, à grand effort, sa lettre. Far la fenêtre ouverte sur la nuit de juin, les noctuelles entraient et tourbillonnaient sous l'abat-jour. Louise entendait les arbres s'égoutter encore, à intervalles plus espacés ; au loin, les longs sifflets des trains, évocation de départs, de voyages mystérieux, musique plaintive des nuits de Paris. Derrière le bouquet d'arbres, une- main inconnue jouait amoureusement une valse de Chopin. Souvenirs des beaux jours. Il y avait de quoi suffoquer. Louise dut reposer plusieurs fois sa plume pour essuyer ses larmes. Mais le soldat neurasthénique reçut la lettre de sa nouvelle marraine, et il lui répondit aussitôt: « Mademoiselle ou madame - j é - ne sais pas au juste, car votre main a couru bien vite en écrivant votre adresse — j'ai reçu de vous la plus.jolie lettre qui me soit parvenue de ma vie, qui n'est pas bien longue, car il faut vous dire que j'ai vingt-deux ans. C'est « mademoiselle»
[DORS que je dois lire, j'en suis sûr, car il fauti être bien jeune pour avoir l'esprit ausss: enchanté et aussi étranger aux petit ennuis qu'apporte forcément la vie dey famille. Ah! comme vous m'avez fait du bien! Ç'a été comme une main fraîche posée sur un front qui brûle. Un bon bain quand on sort de la tranchée. Je ne suis pas heureux, moi, mademoiselle; j'ai beaucoup souffert, allez! et il me passe par la tête bien des papillons noirs. Eh bien, depuis que j'ai sous mon traversin votre lettre, toutes mes m:sères sent comme une blessure cicatrisée par la lumière; je crois même, Dieu me pardonne, que le bonheur est possible, oui, malgré toutes les horreurs que j'ai vues, j'y crois ! Je sais qu'il existe quelque part un endroit, et je sais où, puisque je connais votre adresse, — qui a été épargné, que le sort respecte, dont le malheur se tient écarté, et où fleurit l'âme la plus blanche, la plus gaie et la plus réjouissante qui soit sur la pauvre terre. Ah! mademoiselle, il faut que vous ne soyez pas de ce monde pour Vous avoir tant de bonne humeur! m'avez fait sourire, ma chère marraine, moi à qui ça n'était pas arrivé depuis longtemps. La sœur qui me soigne en a été tout ébaubie; je lui ai montré votre lettre, et elle a fait comme moi; elle a dit: « Dieu permet qu'il y ait quelques « petits coins de paradis sur terre. » Nous n'en sommes pas jaloux, mademoiselle, car cela nous laisse l'espérance de passer peut-être un jour par ces oasis. Je vous dirai que ma santé va beaucoup mieux depuis que vous avez dardé sur moi un rayon de soleil. etc. » René (Le Journal.)
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BOYLESVE.
MESS
IDOR
(') la
Résurrection
de
0 Serbie, ô petit pays à l'àme immense, Tes lâches assassins sans pitié ni remords Dansaient sur ton trépas fait de milliers de Imorts, Debout, tes morts! Leur vie immortelle com[mence. Tu les honoreras demain chez toi, chez eux, Dans tes vieilles cités qui le seront rendues, Belles de toutes les splendeurs qui leur sont [dues. Sous ton ciel retrouvé, sur le sol des aïeux.
Et jusque par delà, su demeurer debout, Toi qui vivais encor dans ta tombe murée.
Et tu seras toi-mêmeet par eux honorée, Pour avoir, indomptableet fière jusqu'au bout,
Serbie
Avec toi, renaissante, ils ressusciteront, O Serbie agrandie en un peuple plus ample, A tous les autres, grands, petits, servant [d'exemple, Peuple devenu saint, ton auréole au front. Peuple miraculeux, race vraiment élue, Dont la vie a jailli du fond de ton cercueil, Et dont l'apothéose à ce sublime orgueil Que c'est toute l'htimanilé qui la salue! JEAN RICHEPIN. de l'Académie française.
(i) A l'occasion de la marche vers Monastir.
des
Complainte Sr
l'air de
G.
V.
C.
Au Temps des Cerises
Depuis le début de la grande guerre, Nous gardons lesrails, nous gardons les ponts Nous gardons aussi la garde-barrière, Et, depuis deux ans, nous nous regardons!
L'été passera, les feuilles d'automne Joncheront les quais, les bois et les cours. Rien ne changera le sort monotone." Et les G. V. C. garderont toujours.
Nous voyons passer des convois énormes, Et, parés de fleurs, des monstres canons. Nous, les G. V. C., attendons sous l'orme; Pas moyen d'aller se distraire au front.
Et, quand reviendra le temps des cerises, Le morne horizon restera pareil. Trains de voyageurs ou de marchandises Passeront, qu'il pleuve ou fasse soleil.
Quelquefois la gare est toute en alarmes. Ce train qui revient, qu'il nous semble long! Alors, nous, les vieux, nous portons lesarmes: Ce sont les blessés que nous saluons!
Lorsque finira cette longue guerre, Le long de là voie on nous oubliera; Nous demeureronsprès de la barrière. Ce qu'on a gardé, l'on le gardera.
Ah ! c'est dur, deux ans près d'un chef de gare, Deux ans de séjour, c'est presque indiscret, Puisque, aux voyageurs, annonce bizarre, On indique « cinq minutes d'arrêt!»
Les fleurs pousseront par-dessus nos manches. L'herbe nous fera des dos barbelés, Nous aurons alors longues barbes blanches, Et pour sûr nos pieds seront nickelés! HENRIOT.
(L'Illustration.)
—630 —>
Sociales
Pages
Lettres
à
une
Dame
HÈRE amie, les circonstances font 0 c que je n'le suis occupé beaucoup de théâtre ces temps-ci: de nouvelles fonctions m'excitent à étudier de plus près les diverses manifestations de l'art dramatique, à l'arrière du théâtre de la guerre. J'ai commencé par Guignol aux ChampsElysées,, car il faut toujours recommencer par le commencement. Il se passe des choses si formidables à l'heure actuelle, tout est tellement en contradiction avec tout, de telles faillites se déclarent dans tous les ordres, que si nous ne redevenons pas des enfants, nous ne connaîtrons pas la vérité: Le théâtre de Guignol est un théâtre de plein air. Le public est exposé aux injures ou aux caresses du temps. En, outre, ce public est composé en partie de quelques personnes qui ont payé et qui sont assises dans un lieu entouré d'une corde, et en bien plus grande partie de personnes qui n'ont pas payé, jeunes garçons bouchers, midinettes ingénues, vieux philosophes du trimard qui se tiennent en dehors de la corde et se croiraient déshonorés aux yeux du Tout-Paris s'ils payaient leur place au spectacle. \Guignol est donc à la fois un théâtre payant -et gratuit nullement obligatoire. C'est à ce double caractère que, seul de son espèce à Paris, il doit de pouvoir jouer de charmantes petites scènes, d'intérieur qui font se tordre de rire les spectateurs en deçà et au delà de la corde, qui charment à la fois l'enfant et l'homme, l'indigent et le millionnaire. En outre, Guignol a une troupe d'ad-mirables acteurs qui ne changent pas de mois en mois, mais qui demeurent de siècle en siècle. Guignol est plein théâtre avec troupe d'enseignements: stable; théâtre bon marché où les spectateurs qui ont payé en- ont pour leur argent, et ceux plus nombreux qui n'ont pas payé en ont pour l'argent de ceux qui
Blanche
ont payé; théâtre parlant qui a sur le cinéma l'incontestable avantage d'un clair et plaisant dialogue. Voilà les raisons de son continuel succès et que je me propose de faire connaître à la prochaine séance de la commission de la Société des auteurs et compositeurs dra- matiques. Naturellement, j'étais parmi les spec- tateurfe en dehors de la corde, entre un zouave qui n'avait plus qu'un bras et un marsouin qui n'avait plus qu'une jambe; mais tous deux avait la médaille militaire. Nous échangions nos impressions; ils s'amusaient beaucoup., Un de mes amis qui passait par là et qui m'avait reconnu me salua d'un air ironique, mais je le plaicroyant m'embarrasser; gnis de tout mon cœur. Oui, ce théâtre de Guignol est plein d'enseignements. A un moment, le gendarme brimé par Guignolet a tout le haut du corps jeté en dehors de la rampe, la tête en bas. Alors il implore la pitié du public. Il crie: « Venez à mon secours, mes chers petits ènfants. relevez-moi, je vous en prie. j'ai le sang à la tête. Au secours !je vais avoir une congestion! » D'abord les gosses rient aux éclats; et puis, à mesure que la.plaisanterie dure, ils deviennent sérieux; il y a bien encore quelques rires qui fusent de temps en temps, mais le sentiment général est d'une crainte vague et, déjà, les tout petits commencent à pleurer. Mervelleuse vertu du théâtre! Oui, il y a un moment, à Guignol, où un gendarme de bois fait 'véritablement croire par suggestion à sa congestion. Alors, timide, hésitante, rougissante, une adorable fillette dont les cheveux s'étalaient en une nappe dorée sur un paletot-cloche vert amande, une bonne petite fille, n'écoutant que son cœur excellent, se leva de son petit banc et vint relever là tête du gendarme. Pour sa récompense,
631 —
iMES
SIDORi
Guignolet, qui était allé chercher un petit balai dans la coulisse, lui en donna un bon petit coup sur la tête, à la grande joie des autres enfants qui n'avaient pas bougé, qui n'avaient pas eu pitié du pauvre gendarme, .ou, plutôt, qui avaient eu du respect humain, qui n'avaient pas osé venir à son secours. Maintenant, le gendarme s'était enfin <emparé de Guignolet: il y a une seconde-, à Guignol, où la morale est sauvegardée et où force reste à la loi. * ** En descendant les Champs-Elysées, je songeais à la charmante petite fille « qui avait fait simplement une chose admirable. Elle n'avait pas' eu de respect humain, elle n'avait pas eu peur de l'opinion, de la moquerie, de l'ironie; elle ne s'était pas souciée du qu'en-dirat-on; elle avait eu le courage de sa pitié, elle avait obéi tout droit aux injonctions de son cœur, elle avait fait le joli geste et, par là, cette enfant proposait un bon exemple à bien des grandes personnes. Le respect humain! c'est lui qui empêche le passant d'aider le pauvre homme si justement dénommé « de peine » et qui tire a grand' peine sa petite voiture dans une rue bien montante; mais que quelqu'un donne l'exemple, aussitôt dix personnes se précipitent pour pousser à la roue. Il y a une sorte de courage que n'ont pas toujours ceux qui ont montré par ailleurs un courage indomptable. C'est pour cela qu'on se demande avec curiosité ce que feront, après la victoire, ceux qui reviendront. Auront-ils le courage social? On prévoit, pendant un temps, le règne de la violence. Oui, mais la violence n'est pas le courage. On sait que, chez le peuple, il y a des impulsions, des réactions soudaines, des réflexes; -on sait qu'il est mené par les sentiments et les passions. Mais c'est surtout dans le monde, dans ,une certaine société, qu'une certaine sorte de courage est assez rare. C'est que la plupart du temps, dans le monde, on ne se demande pas si une chose est civique ou morale, ou 1 sociale, mais si elle est mondaine. Tel qui aura sauté le premier hors de la tran-
chée et accompli mainte action d'éclat, une fois rentré dans la vie civile, serrera sans hésitation la main que lui tendra un coquin qu'il sait être un coquin. Tel qui a sauvé un compagnon d'armes entouré de Boches et qui allait succomber, n'osera pas défendre un camarade de cercle si celui-ci est attaqué devant lui, en paroles, il est vrai, mais injustement. Les femmes, dans des cas semblables, sont en général plus nettes, plus fermes que les hommes. Y a-t-il donc un courage d'homme et un courage de femme? 1 C'est sans doute par les femmes que se fera la conjonction des deux courages. J'en étais là dÇimes réflexions, comme on dit dans les meilleurs ouvrages, quand je rencontrai, au coin dela rue Royale, notre amie, Mme de Béranges, qui était tout émue. Elle me raconta qu'elle venait d'assister à l'inauguration d'un cercle pour des soldats aveugles. La présidente leur avait lu la lettre d'une jeune fille qui se proposait pour épouser un aveugle de la guerre, expliquant que c'était sa façon à elle de servir la patrie. Rien n'était plus émouvant que cette déclaration; mais ce qui fut poignant, c'est qu'après la lecture de cette lettre, une vingtaine de mains se levèrent, et une vingtaine de voix crièrent: «Moi ! moi! » avec un accent qui écartait toute idée de plaisanterie. Courage d'homme et courage de femme, cela veut dire aussi courage fort et courage tendre. Je suis sûr que la jeune fille aux aveugles aurait compris et aimé le geste de la fillette du Guignol. Mme de Béranges me racontait encore (elle voit beaucoup de monde) que, dans les premiers jours de la bataille de Verdun, un tout jeune soldat blessé qui revenait de cet enfer disait: « On parle toujours des héros de Verdun. Qui sont donc ces héros? Ce n'est pas nous, je pense. Et, pourtant, il n'y avait que nous là-bas.» Voilà' ne trouvez-vous pas, la plus belle expression d'un héroïsme naturel et sublime. Agréez, , chère amie, etc. Maurice DONNAY, de l'Académie française (Le Figaro.)
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MESSIDOR
SUR
LE
FRONT
ITALIEN
EN OBSERVATION ! D'après l'Ilustration Italiene.
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SCIENCES&HYGIÈNL
L'AVION
DE
GUERRE
(")
(Suite)
doit pouvoir voler assez haut pour 11 évoluer sans trop de danger au milieu des éclatements des batteries antiaériennes, et pour échapper aux avions de chasse ennemis qui, volant vite, ont un plafond plus bas; au-dessus de 2 000 mètres, d'ailleurs, il peut mépriser les balles de fusil ou de mitrailleuse venues du sol; ses ailes et son fuselage doivent être disposés de façon à donner à l'observateur un champ visuel étendu. En somme, il doit avoir un ensemble de qualités moyennes qui en font le moins spécialisé des aéroplanes militaires. *** L'avion de réglage d'artillerie est le frère du précédent. Son rôle est de régler le tir des batteries sur les objectifs qui leur sont directement invisibles, ce qui est le cas général. L'avion signale si les coups sont trop longs ou trop courts, ou à droite, ou à gauche, ou au' but. ce qui est l'idéal, de diverses manières. Au début de la guerre, les avions faisaient cette signalisation en opérant certaines évolutions, en décrivant certaines courbes dont le sens était convenu d'avance. Aujourd'hui ils emploient des procédés plus rapides et moins rudimentaires, et beaucoup sont munis, chez les Allemands comme chez nous, soit d'appareils de T. S. F., soit de fusées de formes et de couleurs variées qui leur permettent de diriger et- de rectifier les coups des artilleurs. L'avion de réglage doit, comme l'éclaireur, avoir un champ visuel étendu devant l'œil de l'observateur; ses ailes et son fuselage doivent être placés et échancrés en conséquence. Il doit avoir une faible vitesse pour trois raisons: 1° parce qu'à faible vitesse il peut sur-
voler plus facilement, sans s'en écarter, l'objectif examiné: l'idéal serait un appareil de vitesse nulle qui resterait immobile sur les points observés; 20 parce que sa faible vitesse a pour corollaire un plafond élevé qui lui permet d'échapper plus facilement aux avions-chasseurs ennemis, qui très rapides ne peuvent monter aussi haut; 3° parce que l'avion de réglage doit pouvoir très facilement atterrir dans le voisinage immédiat de l'officier d'artilleiie dont il doit sanscesse prendre les ordres. Four que cet atterrissage puisse avoir lieu «dans un mouchoir de poche x, suivant l'expression aujourd'hui consacrée dans l'argot aérien, il faut, étant donnée l'exiguïté, fréquente sur le front, des terrains convesoit aussi nables, que l'aéroplane peu rapide que- possible, car on sait qu'un appareil rapide a besoin d'un très vaste espace pour atterrir sans danger. Cet appareil doit donc être léger et peu rapide. *** Les avions de chasse, destinés, comme nous avons vu, d'une part à protéger les avions de reconnaissance et de réglage contre les appareils de chasse de l'ennemi, d'autre part à rendre impossible son service d'éçlaireurs aériens doivent être également légers; mais, en revanche, ils doivent être aussi rapides que possible. L'armement des avions de chasse est d'une importance capitale. Quelquefois armés d'un petit canon, ils sont, chez l'ennemi comme chez nous, plus généralement munis d'une mitrailleuse. Si les avions de chasse allemands (dont le parangon est le célèbre Fokker, pâle copie de notre vieux Morane-Saulnier) ont paru pendant une période qui fut
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?
M E S
courte et qui est heureusement déjà lointaine, avoir un moment la suprématie, cest uniquement parce que leurs mitrailléuses "déroulaient des bandes de cartouches bien plus longues que les nôtres, à quoi il est heureusement remédié aujourdhui. Le cri fameux: « Des munitions, des munitions! » est en effet peut-être plus vrai encore dans le champ de bataille aérien qu'à la surface du sol. Il est facile de comprendre pourquoi: lorsque deux avions adverses se précipitent l'un contre l'autre chacun à la vitèsse de 150 kilomètres à l'heure, il s'ensuit que leur vitesse relative est de près de 80 mètres à la seconde. A une telle allure, les avions ne sont à portée utile pour se servir de leurs mitrailleuses que pendant un très court instant. Mais il est évident que celui qui aura des munitions plus nombreuses pourra faire durer utilement plus longtemps chacune de ces successives et très rapides passes un combat d'armes qui constituent d'avions. Il sera, lors des dernières passes, encore approvisionné en face d'un adversaire démuni. De tout cela il résulte aussi que de deux avions également bien approvisionnés, le plus souple et le plus rapide aura un grand avantage sur l'autre parce qu'il sera maître de se dérober à lui ou de l'attaquer sous un angle où lui-même sera hors d'atteinte. C'est la nécessité d'avoir, pour la chasse, des avions rapides qui a conduit nos ennemis comme nous-mêmes à préférer pour ce genre d'appareils le monoplace. Celui-ci portant un seul homme est plus léger, donc, à moteur égal, plws rapide. En outre et surtout, l'aviateur unique qui gouverne et tire seul peut mieux coordonner sa direction et son tir que lorsqu'il doit partager ces deux fonctions avec un camarade dont les gestes ne peuvent jamais s'harmoniser parfaitement avec les siens. Or dans ces passes rapides comme l'éclair, une erreur d'un dixième de seconde, un décalage insignifiant entre la gouverne et le tir décident de la victoire ou de la chute mortelle. Et c'est pourquoi les Guynemer, les Navarre, les Nungesser, à l'exemple des Garros et des Pégoud, combat- 635
SIDOR tent seuls comme les grands chasseurs de la jungle ou de l'azur, comme le lion, le tigre et l'aigle. Enfin l'expérience a prouvé que les appareils dont l'hélice est placée à l'avant sont, toutes choses égales d'ailleurs, les plus rapides. Mais alors l'aviateur du monoplace de combat qui tire en même temps qu'il gouverne et qui vise en quelque sorte avec tout son avion, en le dirigeant vers le but, doit tirer avec la mitrailleuse à travers l'hélice. C'est ce que fit le premier Garros, grâce à un ingénieux dispositift dont les Allemands ont consciencieusement réalisé des copies serviles, puis des variantes diverses dans leur fokker. D'ailleurs le problème ne se pose pas avec les appareils à deux hélices. Il faut enfin ranger parmi les avions de chasse, à cause de leur nécessaire vitesse et de leur mission si utile qui est vraiment une mission « de chasse, » ceux de nos appareils qui naguère à Verdun et plus récemment sur la Somme, ont congrument brûlé, grâce à d'ingénieuses fusées incendiaires, ces gros ballons cerfs-volants que l'ennemi a le premier utilisés comme observatoires aériens et que nos poilus, d'un mot qui, s'il n'est pas très poétique, est riche du moins d'exactitude pittoresque, appellent des « saucisses. » *** L'avion de bombardement est à l'avion de chasse ce que le dreadnought est à un fin torpilleur. Les communiqués nous ont fait connaître depuis longtemps les exploits de ces puissantes escadres aériennes lourdement chargées d'explosifs et qui vont jeter leurs bombes et leurs obus de 90 ou de 155 dans les organisations industrielles et militaires à l'intérieur de la zone occupée par l'ennemi et jusque dans l'intérieur de l'Allemagne. On imagine la sensation que doit produire l'arrivée d'une de ces escadres dolit: les avionsi-oièdt ^tfiarigle comme et -un -grand vol de canàrds^ sauvages, qu'escortent, tournant autour d'eux comme des chiens de. bergers, d'actifs avions de ohasse destinés à les protéger contre l'attaque des appareils ennemis. Charles NORDMANN. Revue des Deux Mondes (ASuivre) -
MESSIDOR LES DECORATIONSDE LA VILLE DE VERDUN.
D'aprèsl'Illustration. - G36 -
PAGES
LA
D'AUTREFOIS
POÉSIE
E rêve, avec l'espoir qui en est inséL parable, est ce qu'il y a de plus doux. C'est un pont entrevu entre l'idéal lointain et le réel trop voisin, entre le ciel et la terre. Et parmi les rêves, le plus beau est la poésie. Elle est comme cette colonne qui semble s'allonger sur la mer au lever de irius, laiteuse traînée de lumière qui se pose immobile sur le frémissement des flots, et qui, à travers 1 infini de la mer et des cieux, relie l'étoile à notre globe par un rayon. C'est le privilège de l'art que de ne rien démontrer, de ne rien « prouver », et cependant d introduire dans nos esprits quelque chose d irréfutable. C'est que rien ne peut prévaloir contre le sentiment. Vous qui vous croyiez un pur savant, un chercheur désabusé, voilà que vous aimez et que vous avez pleuré comme un enfant; et votre raiscn proteste, et elle a raison, et elle ne vous empêche pas de pleurer. Le savant aura beau souiire des larmes du poète; même dans l'esprit le plus froid, il ya une multitude d'échos prêts à s'éveiller, à se une simple idée, venue du répondre; hasard, suffit à en appeler une infinité d'autres, qui se lèvent du fond de la conscience. Et toutes ces pensées, jusquelà silencieuses, forment un chœur innombrable dont la voix retentit en vous. C'est tout ce que vous avez pensé, senti, aimé. Le vrai poète est celui qui réveille ces voix. La science se compose d'un nombre défini d'idées, que l'entendement saisit tout entières: elle marque un triomphe et un repos de l'intelligence; la poésie, au contraire, naît de l'évocation d'une multitude didées et de sentiments qui obsèdent l'esprit sans pouvoir être saisis tous à la fois: elle est une suggestion, une excitation perpétuelle. La poésie, c'est le regard jeté sur le fond brumeux, mouvant et infini des choses. Nos
savants sont semblables aux mineurs dans la profondeur des puits: cela seul est éclairé qui les entoure immédiatement; après, c'est l'obscurité, c'est l'inconnu. Ne tenir compte que de l'étroit. cercle lumineux dans lequel nous nous mouvons, vouloir y borner notre vue sans nous souvenir de l'immensité qui nous échappe, ce serait souffler nousmêmes sur la flamme tremblante de la lampe du mineur. La poésie grandit la science de tout ce que celle-ci ignore. Notre esprit vient se retremper dans la notion de l'infini, y prendre force et élan, comme les racines de l'arbre plongent toujours plus avant sous la terre, pour y puiser la sève qui étendra et élancera les branches dans l'air libre, sous le ciel profond. Un théorème d'astronomie nous donne une satisfaction intellectuelle, mais la vue du ciel infini excite en nous • une sorte d inquiétude vague, un désir non rassasié de savoir, qui fait la poésie du ciel. Les cavants cherchent toujours à nous satisfaire, à répondre à nos interrogations, tandis que le poète nous charme par l'interrogation même. A,oir trouvé par le raisonnement ou l'expérience, voilà la science; sentir ou pressentir en s'aidant de 1 imagination, c'est la plus haute poésie. La science et surtout la philosophie demeureront donc toujours poétiques, d'abord par le sentiment des grandes choses connues, des grands horizons ouverts, puis par le pressentiment des choses plus grandes encore qui restent inconnues, des horizons infinis qui ne laissent entrevoir que leurs commencements dans une demiobscurité. (i) J.-M. GUYAU, Grand philosophe français (1854-1888). (A Suivre.) (1) Pages choisies des grands écrivains, A. Colin, éditeur.
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VISIONS
Sur
le
Front
DE
GUERRE
de
Anglais
E viens de passer, mon cher ami, sur I J la partie du front de la Somme que tiennent nos alliés les Anglais, trois jours bien remplis. Ce voyage, aidé par une courtoisie attentive et prévenante, a dépassé mes espérances. Vous savez mon sentiment sur l'effort de nos amis. Je n'avais pas attendu d'en j uger sur place la réalisation pour lui attribuer une importance capitale. L'Angleterre, pour aider à la victoire générale, a dû emporter sur elle-même une victoire difficile. L'institution du service militaire, universel et obligatoire, n'est rien de moins, qu'une révolution, et la plus grande peut-être que ce pays de tradition, où tout se meut lentement, ait connue. Les révolutions ont pour but ordinaire la conquête d'une liberté ou d'un droit. Ce qui est nouveau, c'est d'enregistrer une transformation sociale qui impose à tout un peuple un commun devoir. Il a fallu à l'Angleterre, pour s'y plier sans résistance, la conscience du péril qu'elle courait. Devons-nous nous étonner que, protégée par sa ceinture maritime, élevée dans l'horreur de toute contrainte, fière de son splendide isolement, elle ait mis près de deux ans à comprendre la loi de son destin ? Rendons-lui cette justice que, l'ayant - comprise, elle s'y est soumise avec un robuste entrain. Les enrôlements volontaires avaient devancé et préparé l'armée nouvelle. Tout l'empire britannique est en gestation dans une même foi. Les provinces dITl'Amérique et de l'Océanie, de l'Asie et de l'Afrique rivalisent avec la métropole. En ce moment ces éléments agissent et ce n'est pas un spectacle banal que de les voir à l'œuvre. D'Amiens à Albert et d'Albert aux premières lignes, il ya une intensité de vie, un mouvement, une action continue dont j'ai reçu une forte impression, mais dont je sens mon impuissance à donner l'idée. Cavaliers, fan-
la
Somme
tassins, artilleurs, camions automobiles, défilent dans des théories ininterrompues sur des routes de poussière ou' de boue, avec un ordre que ne trouble aucune confusion et qu'aucune précipitation ne bouscule. C'est une force organisée, sûre d'elle-même, méthodique et confiante, qui va tranquillement vers son but. Il y a de tout en elle. Elle est faite à l'image d'un Empire qui excelle à concilier la loi de son unité avecle respect des droits, des traditions, des coutumes, des pays si étrangement variés qui le , composent. L'armée anglaise est à la fois nationale et particulariste. Ses régiments ont tous un signe d'origine qui les distingue. Les soldats d'un même comté se rallient aux couleurs d'un même brassard. D'autres, pour se distinguer, n'ont qu'à conserver leur costume et le kakiser, s'il m'est permis d'oser un mot hardi, mais expressif, qu'un Anglais, audacieux dans les néologismes, a employé devant moi. Les Ecossais en jupes courtes, les Australiens, les Canadiens, les Néo-Zélandais, les Sud-Africains, aux larges chapeaux mous que des rubans multicolores entourent, se fondent sans se confondre. Ils conservent toutes celles de leurs coutumes qui peuvent se plier aux lois de la guerre et aux nécessités d'une dure campagne. J'ai vu, dans les verdoyantes prairies de la Picardie, où les tentes blanches et jaunes ont poussé comme des champignons gigantesques, des Hindous magnifiques se livrer, avec une triomphante impudeur, aux joies réparatrices d'ablutions plus hygiéniques peut-être que rituelles. Tous ces régiments marchent au rythme d'un pas souple et cadencé où se devine l'usage des sports et de la culture physique. Les hommes sifflent du bout des lèvres des chants nationaux ou des airs de guerre entre lesquels la Marseillaise, ailée et entraînante, a toutes les préférences.
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MESSIDOR Le sentiment national crée entre toutes les troupes une émulation active et féconde. Elles veulent le prix de la guerre comme des équipes disciplinées se disputent le prix d'une course. Il] faut gagner. J'ai pour guide un jeune capitaine, tout frais et tout rose, dont les vingtquatre ans accusent peu l'officier de carrière qu'il me dit être. Comme je vante à l'occasion d'une action- récente, J'élan des Écossais et que je leur décerne « Les un certificat de bons soldats: Anglais aussi », me dit-il! Il y a de la vivacité et de la fierté dans cette répartie. Je me garde d'y contredire. Tout ce que je vois dans ces plaines où il semble que des foires d'Orient ont brusquement surgi, sur ces routes où se déploie tant d'agitation ordonnée; dans ces tran-
chées proprement tenues, où les mitrailleuses abondent; tout ce que je peux lire dans ces yeux clairs qui fixent sur les miens leur regard assuré; tout ce que je devine sous ces faces rasées et saines, de volonté, de ténacité et de courage; tout ce que je soupçonne par ces camions innombrables des difficultés des ravitaillements; tout ce que j'entends, récits de batailles et exploits héroïques, tout me remplit d'admiration pour un effort que je qualifierais de colossal si les Allemands n'avaient pas fait de ce mot un emploi abusivement ridicule. L'âme britannique s'est repliée, ramassée et donnée tout entière. Louis BARTHOU, député ancien Président du Conseil. (Les Annales.)
JUSTICE ALLEMANDE duCapitaine Alamémoire Fryatt
LE
DÉEENSEUH D'aprèsl'Échode Paris. 639 —
Ip VAR-IETES
Ne
devançons
pas
ne faut pas que' le sang de nos il frères, de nos enfants, tomtés pour la cause de la justice et de la liberté, crie contre nous. Nous devons à leur mémoire d'achever leur ouvrage. Nous devons aux héros et aux justes morts devant l'ennemi une tombe tranquille, où les lauriers ni les oliviers ne meurent jamais. Nous aimons trop la paix pour lui donner un berceau vil et honteux; nous aimons trop la paix pour ne pas la vouloir grande, pure, radieuse, assurée d'une longue destinée. Nous n'avons rien à craindre du temps: il travaille pour la France et ses alliés. Notre armée est plus forte,que jamais. La Russie est inépuisable en hommes et en blé. L'Angleterre, dont on sait la constance, développe sans cesse ses ressources et son action. L'Allemagne, à qui la mer, dispensatrice des richesses, est fermée, doit périr miséra-
L'agression bulgare
l'Heure
de
la
paix
blement. Et ce serait à la veille du gain assuré que nous trahirions par une défaillance honteuse ou par une sensibilité maladive, la cause du droit que le destin a remise en nos mains! Non! non, Français, nous sommes unanimes à combattre jusqu'à la victoire finale. Pour moi, si j'apprenais que des Français se laissaient séduire par le fantôme voilé d'une paix hideuse, je demanderais au Parlement de déclarer traître à la Patrie quiconque proposerait de traiter avec l'ennemi tant quil occupe encore une partie de notre territoire et celui de la Belgique, (i). Anatole FRANCE, de l'Académie française. - (1) Sur la voie glorieuse. Ed. Champion, éditeur.
Pllr FORAIN
—Mais oéèté*-voas par venu? — Parla Cotir. 3750. — Imp. KAPP,Paris.
Le Gérant : GERMAIN.
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d'être environ viennent DIX MILLE SUCCÈS: VOLUMES du Ministère des Affaires avec l'approbation Étrangères souscrits 0 SI 0 M de l'Instruction et du Ministère Publique
Semons
à aux
pleines
mains
prochaines
L'émouvant appel de la France à tous ses enfants', habitants des villes et des campagoes retentit aujourd'hui dans le pays tout entier, par la claironnante voix du glorieux poilu d'Abel Faivre, comme parla Marseillaise de Robaudi répétant le cri superbe de ton hymne immortel pour la Patie ! Comme aux jours inoubliables de novembre dernier, nous voyons l'armée de l'Epargne où le v eillard coudoie l'enfant et le bourgeois, le paysan, se porter dans un unanime élan de confiance et dé foi patriotique vers les guichetsqui sont ouverts dans la France entière, à l'émission du deuxième emprun-tde la Défense Nationale. Il s'agit, tous le savent, d'accroître le matériel, les armements quidoivent faciliter I
pour moissons
participer de
la
Victoire
comnjt; on l'a vu sur la Somme aux Armées allies, leur marche victorieuse et hâter d'autant, l'heure de la paix définitive, tfest-à dire diminuer la durée de la guerre et les héroïquessacrificesde nos vaillantssoldats. Dès lors, l'argent, fruit du travail et de l'épargne,apparaît bien comme le bon grain qu'il faut semer pour avoir la moisson qui sera celle de la France glorieuse et des Pays alliés. Celui qui se refuserait, à cette heure, au patriotiquegeste ressemblerait au paysanqui dans sa cave et l'y enfermerait son grain au dehors le soleil laisserait moisir,qaant ferait lever sur les champs de ses voisins, plus prévoyants, de beaux épis annoncia-H' teurs de magnifiquesrécoltes.
"IMP.KAPP,PARIS
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