Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique UNIVERSITÉ DE CARTHAGE ÉCOLE NATIONALE D’ARCHITECTURE ET D’URBANISME
MÉMOIRE D’ARCHITECTURE
De L’intersémioticité vers l’Intermédialité Le village berbère de Takrouna
Présenté par El ABDI GHAIDA Directeur de mémoire ABBES ZOUHAEIR
Co-Directrice de mémoire BELCADHI FERDAWS
Septembre 2020
Dédicaces
À mes parents À mes deux adorables sœurs Arij et Ghofrane À mon frère Ahmed À toute ma famille À mes amis, tout ce que j’aime Pour tout le soutien qu’ils m’ont offert
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De l’intersémiotécité vers l’intermédialité à Takrouna
Remerciements
« La reconnaissance est un noble et digne salaire pour les âmes généreuses. » (William Shakespeare, Titus Andronicus)
Au terme de ce travail, je tiens à exprimer ma profonde gratitude à mon directeur de mémoire, Monsieur Zouheir Abbes, pour ses efforts, pour son énorme soutien et pour sa disponibilité tout le long de l’élaboration de ce mémoire. Je remercie également Madame Ferdaws Belcadhi, ma co-directrice de mémoire, pour toute l’aide, l’orientation et la guidance, ainsi que ses précieux conseils et ses encouragements lors de la réalisation de ce travail. Tous mes remerciements vont à l’ensemble des enseignants de l’ENAU, pour les efforts qu’ils ont déployés durant ces cinq dernières années dans le but de nous assurer une formation de qualité. Je remercie également, le service topographique de Sousse. Un remerciement spécial à Monsieur Mohamed Guiga fils de Taher Guiga, Madame Aida Gmach et Monsieur Jegham Hedi ; retraité de l’office national du tourisme tunisien, qui m’ont facilité le travail et pour m’avoir fourni les informations nécessaires à l’élaboration de cette étude. Enfin, je veux remercier les membres du jury, pour l’honneur qu’ils me font en siégeant dans ce jury. Je leur suis très reconnaissante pour leur spontanéité et leur amabilité avec laquelle ils ont accepté de juger ce modeste travail.
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Table des matières REMERCIEMENTS TABLE DES MATIÈRES...................................................................................................................4 AVANT-PROPOS.........................................................................................................................6 INTRODUCTION GÉNÉRALE ......................................................................................................7 PROBLÉMATIQUE ......................................................................................................................8 MÉTHODOLOGIE.....................................................................................................................10 ÉTAT DE L’ART...........................................................................................................................11
Chapitre I : La dialectique Esprit du lieu - Temps 1. L’existence humaine, l’homme à l’essence du modèle sémiotique ........................................................................14 1.1. le modèle sémiotique......................................................................14 1.2.L’architecture vernaculaire un representamen d’une interaction Homme-Lieu ...................................16 1.3. Homme - lieu - temps : relation mutante ...................................19
2.Le « genuis loci » : une notion chronotopique
.....................24
3.Vers un changement de paradigmes....... .............................26 3.1.Facteurs de mutation ................................................................26 3.2.De l’intersémioticité à l’intermédialité dans le genuis loci ..........28
4.Synthèse
................................................................................30
Chapitre II : Définir l’esprit du lieu à Takrouna 1. Lecture intersémiotique 1.1.Milieu Naturel
.......................................................34
..........................................................................34
1.1.1. Situation géographique ................................................34 1.1.2. Géomorphologie : Takrouna, un nid d’aigle ................37 1.1.3. Climat .................................................................................39 1.1.4. Faune, flore et ressources naturelles .....................................40
1.2.milieu Humain
...........................................................................42
1.2.1.Origine Ethnique .............................................................................43 1.2.2.Structure Sociale .............................................................................43 1.2.3.Niveau Technologique .................................................................45 1.2.4.Tatouage et symboles .................................................................45 1.2.5. Signification des symboles .....................................................46
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1.3.Modes D’interaction
..................................................48
1.3.1.Mode D’implantation 1.3.2. Mode de partition 1.3.3. Mode de construction 1.3.4. Mode de production 1.3.5. Mode d’expression
...........................................48 ............................................51 ...........................................54 ...........................................62 ...........................................63
2.Fission Sémantique à Takrouna
.........................65
2.1.Un Village chrontope .................................................65 2.2.Village vécu/village perçu .......................................69
3.Synthèse
..................................................................104
Chapitre III : Vers une Takrouna à temporalités plurielles 1.Vers une intermédialité de Takrouna ......................108 1.1.Du contexte à la conceptualisation ...........................108 1.2.Étude du contexte en rapport avec son usager ........109
2.Les enjeux programmatiques....................................116 3.Corpus référentiel ...................................................118 3.1.Fragmenter pour cadrer ...............................................118 3.2.Cadrer les fragments ...............................................124 3.3.Fragmenter pour cadrer : .....................................128 3.4.Dominer le cadre .........................................................130
4.Émergence du projet .................................................133 4.1.Organigramme fonctionnel ..........................................133 4.2.Intentions ...................................................................134 4.3.État des lieux ...................................................................136 4.4.Repérage programmatique .....................................144
5.Intervention (Esquisse)..................................................146 5.1.Intervention territoriale urbaine... ...........................146 5.2. Intervention architecturale .....................................150 TABLE DES FIGURES...............................................................................................164 BIBLIOGRAPHIE et WEBOGRAPHIE......................................................................166 Annexe..................................................................................................................168 5
De l’intersémiotécité vers l’intermédialité à Takrouna
AVANT-PROPOS
Surélevés sur les chaînes montagneuses de la Tunisie, tissés sous les dunes du Sahara, les villages berbères, les tissus anciens et les noyaux médiaux constituent un conservatoire d’une architecture vernaculaire et d’objets artistiques de très grande variété. Ces noyaux comportaient une histoire, une réflexion particulière, des profils d’habitants spécifiques et une activité économique singulière. Des habitations, des greniers, des étables, des mosquées et des mausolées qui possèdent un particularisme architectural de toute beauté et à l’image de son milieu. Cette architecture fait face aujourd’hui à une mutation ; on assiste à une perte de sens. Elle n’a plus la même compréhension ni présence ni la même expression ni la même rhétorique comme le passé. Elle se dégrade de plus en plus et se transforme en scène, un simple paysage de ruines délaissé. Les formes sont contemplées en tant que formes sculpturales, des conformations dépourvues de sens, qu’en tant que formes habitées. Les habitants ont quitté. Le vécu n’est y plus. Une architecture qui est restée hors lieu. Le modèle intersémiotique qui a été la base de sa fondation, et qui contient la synthèse des paramètres humain, naturel et spirituel est affaibli. La lecture s’est complètement orientée vers une approche paysagère plus contemplative que sociale ou anthropologique. Ces villages paraissent menacés d’un changement de paradigmes qui mettrait leur futur en question. Avant qu’ils ne tombent définitivement dans l’oubli, hâtons-nous de les comprendre et les respecter sur les sites mêmes qui les ont enfantés et en dégager des leçons. Penser son architecture avec son caractère intrinsèque. Ce travail est une invitation pour prévoir une nouvelle continuité ou une longévité à cette architecture.
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De l’intersémiotécité vers l’intermédialité à Takrouna
Introduction générale
Ce mémoire est l’occasion pour faire le point sur l’influence du temps sur la perception de l’esprit du lieu et d’éclairer ce hiatus entre fond et figure. En effet, toute architecture des temps passés tend à perdre sa valeur originelle et à se transformer en une figure, une image à contempler. Cette question a été soulevée par plusieurs architectes et théoriciens tels que Pallasmaa Juhani 1et Christian Norberg-Schulz2 Dans le cadre de ce mémoire, notre choix s’est porté sur les villages berbères de montagne. En effet ces villages par leur authenticité, leurs atmosphères et leurs significations, nous invitent à dévoiler leur sémioticité, les étudier, afin de générer une nouvelle vision d’intervention. Takrouna fait partie de ces lieux mystérieux, un village juché tout en haut d’un promontoire ; exerce une fascination très intense, occupe le voyageur et l’intériorise totalement. Ce mémoire est un voyage à ce lieu stimulant afin de mettre la lumière sur ses fondements qui font de lui un joyau de l’architecture vernaculaire dégageant une signature singulière. Sauf que les visiteurs aujourd’hui, restent éblouis devant la beauté paysagère qui entoure le village sans pouvoir atteindre le vrai charme de Takrouna qui réside dans son mystère latent. Il risque de perdre son génie et devenir une figure d’une temporalité passée au lieu d’être une image porteuse de messages.
Nous voulions donc à travers cette introduction mettre en exergue l’ambiguïté du paradoxe émanant de la richesse constitutive de l’architecture vernaculaire, cet art de bâtir des formes chargées de sens, et la perception actuelle de ses codes.
1 Pallasmaa Juhani : architecte finlandais, et ancien directeur du Musée de l’architecture finlandaise 2 Christian Norberg-Schulz architecte, historien et théoricien de l’architecture, parvenus à dégager une anthropologie sur le génie du lieu
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De l’intersémiotécité vers l’intermédialité à Takrouna
Problématique
Une ville, un village, une région, une société est toujours la manifestation d’une interaction entre l’Homme et son milieu. Cette interaction génère l’esprit du lieu ; un caractère particulier distinguant le lieu et créant sa singularité. Plus la relation est soudée plus le lieu résiste au temps ; au facteur d’oubli et de perte. Parmi ces derniers, les villages berbères qui risquent de disparaître ou de se défigurer par ce passage temporel et de perdre leur génie. Ces lieux , où l’architecture est le résultat de l’alchimie entre l’Homme et son milieu naturel , portent des messages, des idées et des pensées. Elle se présente comme un système complexe intersémiotique et cohérent qui fait la synthèse des paramètres naturels et humains. Aujourd’hui, ce système devient inerte. Le temps agit comme un modificateur majeur des modèles qui ont été établis par les Berbères et fait de l’esprit du lieu une notion chronotopique qui change et mute. Cette chronotopie génère des fragments du lieu. L’architecture qui a été basée sur le vécu, le social, l’anthropologique, le rapport de l’espace par rapport aux coutumes et aux rituels devenait perçue selon une dominante scénographique et paysagère. En quoi le génie du lieu est – il chrontopique ? Quels sont ses facteurs de mutation ? Comment prévoir aujourd’hui une continuité ou une longévité à cette architecture ? Est-il possible de la considérer de la même façon ? Takrouna est l’un des villages qui témoigne de la forte relation, entre un territoire complexe perché sur une montagne et ses établissements humains. Elle présente à son visiteur une multitude de codes qui renvoient à un champ sémiotique très vaste, mais qui reste indéchiffrable. Elle est chargée de vécu qui, malheureusement, est passé dans l’oubli. On assiste à une mutation et on passe d’un hameau garni de vie et de valeurs à une scène à contempler ; à un simple paysage de ruines. 8
De l’intersémiotécité vers l’intermédialité à Takrouna
Takrouna présente une architecture d’essence, existentielle qui se trouve aujourd’hui menacée face au déni quasi total envers ces berceaux de culture berbère. Elle est le siège d’un changement de paradigme. Elle vit de jour en jour d’importantes dégradations, elle se fragmente sans pour autant faire l’objet d’une réelle intervention. Le génie de Takrouna est aujourd’hui chronotopique. Ce passage et cette chronotopie du lieu comment pourrait-ils servir architecturalement ? En quoi la temporalité est déterminante dans la posture du projet et dans la perception du processus de création dans la vie d’un bâtiment ? Comment réconcilier la sémioticité de Takrouna dans un nouveau contexte et remédier sa mutation ? La scénographie peut-elle-être une solution ? Nous pouvons à ce titre-là tirer des leçons à partir de l’expérience envisagée par des architectes dans des cadres similaires de villages abandonnés. Ils ont préconisé des solutions en se basant sur les potentiels de l’existant. On peut citer ETB Studio qui a axé son travail sur un dynamisme de fragmentation qui se pose selon l’importance du sujet à cadrer ou bien aussi les architectes Laura Parra, Sara Olier, Mateo Agudelo, Benjamín Gómez, Juan Jose Arbelaez qui matérialisent la temporalité par des capsules temporelles dans un parcours scénographique et enfin Jorge Bolio qui a opté pour un cadre métallique qui abrite les fragments existants et permet la création de nouvelles temporalités à l’image du village.
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De l’intersémiotécité vers l’intermédialité à Takrouna
Méthodologie Ce mémoire traite la thématique du génie du lieu et principalement la chronotopie de cette notion. Tout au long de ce travail, plusieurs notions, concepts, fragments de pensées et projets architecturaux seront abordés et analysés. L’approche se développe en trois grands moments : – La première partie présente une réflexion sur la notion du génie du lieu en tant que résultante de la synergie Homme -- lieu. En deuxième temps on montrera l’effet du paramètre temps sur la perception de ces bases du modèle sémiotique qui sont eux mêmes les fondements de toute architecture vernaculaire. – La deuxième partie consiste en un voyage à Takrouna ; un village berbère qui servira comme modèle de réflexion. On tente de retrouver l’esprit du lieu en dégageant les bases du modèle sémiotique qui règne dans le village. Après une compréhension de l’histoire, des caractéristiques, des valeurs et de l’identité du lieu, l’interprétation et le dégagement des contraintes et des atouts du site en question, nous montrerons la fission sémantique qu’a subi le village par l’effet du temps et ses répercutions sur la lecture actuelle d’un visiteur. – Dans la troisième partie, il s’agit d’un passage à l’action par le développement d’une nouvelle approche perceptuelle qui met en valeur les potentiels endormis du village. Ceci se fonde suite à une comparaison dégagée du parcours commenté, des constats tirés de l’enquête ainsi qu’une lecture référentielle de situations similaires où l’architecte se trouve dans des contextes sensibles afin de pouvoir, après, passer à une conception selon cette interprétation permettant l’immersion du visiteur dans le village.
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De l’intersémiotécité vers l’intermédialité à Takrouna
État de l’art Takrouna, ce village berbère a sollicité plusieurs étudiants pour l’envisager en tant que support d’étude pour leurs mémoires d’architectures ou thèse de troisième cycle. Bien que le support soit le même, chaque étudiant l’a abordé d’une manière différente et assez particulière. 1.Certains ont privilégié une approche artistique et ils ont axé leurs recherches sur le côté poétique du village et ils ont assimilé le langage architectural au langage poétique surtout que Takrouna est connu par sa poésie populaire et ses écrivains tels que Abderrahmen Guiga et son fils Taher et ses peintres tels que Aida Gmach. Ils ont opté donc pour une résidence d’artistes ou un musée. L’idée maîtresse était l’art au secours de Takrouna. 2.D’autres ont pensé essentiellement la dimension technique. Ils ont mis l’accent sur les techniques et les matériaux de construction locaux. Ils ont formulé donc un intérêt ciblé pour Takrouna et son architecture. La proposition était sous forme d’ateliers d’architecture vernaculaire. 3.D’autres enfin, ont formulé leur questionnement par une motivation de conservation et de mise en valeur du patrimoine culturel berbère. Cette démarche a abouti à la conception d’un écomusée. Ce travail est une occasion pour évoquer les écarts et les convergences des anciennes interventions et études faites sur lieu. Ces travaux ont accentué le caractère culturel, patrimonial et mémorial du village, cependant le potentiel paysager scénographique reste à explorer et expérimenter.
Poétique
Patrimoniale Culturelle
Technique
Paysagère Scénographique
11 Figure 1:Différentes approches abordées (source : auteur)
CHAPITRE I :
Figure 2:L’effet de temps (source :
Pinterest)
La dialectique Esprit du lieu -Temps
Chapitre 1 : La dialectique Esprit du lieu -Temps
1. L’existence humaine, l’homme à l’essence du modèle sémiotique 1.1. Le modèle sémiotique Plusieurs théoriciens avancent que l’homme est toujours en quête de soi. Il cherche à s’identifier, avoir une prise existentielle (« Prise existentielle et habiter sont synonymes »1) et marquer son passage à travers le temps. Cette quête de soi s’ancre, s’enfonce encore plus et se manifeste dans la relation au monde établie par le biais de l’architecture. En effet : « Prendre possession de l’espace est le geste premier des vivants, des hommes et des bêtes, des plantes et des nuages, manifestation fondamentale d’équilibre et de durée. La preuve première d’existence est d’occuper l’espace. »[LE CORBUSIER] C’est dans ce contexte là qu’apparaît l’architecture en tant que forme intersémiotique autrement dit comme un moyen d’expression des besoins existentiels une forme de manifestation des besoins de l’Homme. L’architecture produite alors répond parfaitement à la complexité de l’existence humaine et de ses aspirations. Elle est définie comme la concrétisation de l’espace existentiel. D’ailleurs Heidegger disait « Habiter dans le monde c’est avoir une vision » .
Figure 3:Les besoins existentiels de l’Homme (source : Auteur) 1
christian norberg schulz , Genuis loci ,paysage ambiance architecture,p5
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Chapitre 1 : La dialectique Esprit du lieu -Temps
On propose dans ce chapitre d’étudier l’architecture vernaculaire et l’espace architectural en tant que modèle sémiotique. En effet cette dernière nous paraît comme un phénomène harmonieux et complexe à la fois. Elle est porteuse de messages et renvoie à des sens cachés. À ce titre-là le théoricien Charles Sanders Peirce nous explique que « Toute chose, tout phénomène, aussi complexe soit-il, peut être considéré comme signe dès qu’il entre dans un processus sémiotique. » Ce modèle ou ce processus consiste en un rapport triadique entre pôles : un signe ou representamen (premier), un objet (second) et un interprétant (troisième).
Figure 4:Modèle sémiotique (source : auteur)
Selon Peirce : Le representamen est une chose qui représente une autre chose : son objet. Avant d’être interprété, le representamen est une pure potentialité. Dans notre cas d’étude, on a pris comme point de départ le geste architectural vernaculaire comme signe (representamen) qui représente une interaction entre l’Homme et son milieu (objet). Dans la deuxième partie du chapitre on monterera comment l’intervention du facteur temps et de l’interprétant qui est la pensée ou le jugement qui permet de renvoyer un represntamen à son objet peut dévier la lecture originelle de ces berceaux berbères. 15
Chapitre 1 : La dialectique Esprit du lieu -Temps
1.2.L’architecture vernaculaire un representamen d’une interaction Homme-Lieu L’architecte Ali Djerbi affirme dans son livre l’architecture vernaculaire de Djerba, pour une approche sémio-anthropologique que la genèse de la forme architecturale se réfère à des rapports établis entre l’Homme et son milieu naturel. Il considère que « Les formes et les structures du cadre bâti de l’architecture vernaculaire résultent de l’équilibre entre les différentes aspirations de l’homme et de l’environnement naturel dans lequel il est établi ». C’est une trace d’adaptation qui fait preuve de son existence d’où l’originalité de l’architecture vernaculaire ou « la graine qui prend naissance spontanément de son sol ». Afin de déchiffrer la complexité de cette relation, Ali Djerbi développe une démarche basée sur un ensemble de paramètres.
Figure 5:Démarche de Ali Djerbi (source : Auteur)
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Chapitre 1 : La dialectique Esprit du lieu -Temps
Cette question d’interaction est fortement annoncée « Dans les sociétés primitives... là où... même les plus petits détails du milieu environnant sont connus et ils sont chargés de sens composant ainsi des structures spatiales complexes. »1. Elle constitue l’ADN des villages vernaculaires. En effet l’espace architectural en tant que lieu support d’activité humaine est un véritable communicateur de messages. Les éléments de chaque espace sont formés d’une combinaison de signes qui sont porteurs de valeurs culturelles relatives à un groupe et reflétant son identité. À ce titre là l’architecte Pierre von Meiss disait dans son traité De la forme au lieu : « Pour être en paix avec l’univers, avec la société et avec lui-même l’homme a besoin de se situer en affirmant son identité » 2
Figure 6:Différentes typologies d’habitat (source : Mémoire d’architecture +travail personnel) 1 2
christian norberg schulz , Genuis loci ,paysage ambiance architecture,p21 Pierre von Meiss, De la forme au lieu, p173
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Chapitre 1 : La dialectique Esprit du lieu -Temps
Figure 7:zriba olya (source : photo prise par NabilRamzi)
Figure 8:Guermessa (source : photo prise par zizou guide)
Si on reprend les termes de Christian Norberg Schulz ; « On comprend ainsi l’importance fondamentale de l’architecture qui est la structure humaine pour la conquête d’une prise existentielle »1 et surtout « L’architecture primitive de ces cultures qui se distingue avant tout par l’emploi des grosses pierres c’est donc une architecture mégalithique où le matériau symbolise la solidité et la permanence des rochers et des montagnes. La permanence fut ressentie comme un besoin existentiel primaire relié à la capacité de créer qui est propre à l’homme ». Ces villages de montagne se présentent comme un tout et comme un haut lieu d’exposition des réalisations humaines. La montagne et l’intervention de l’homme ne se présentent pas de manière séparée, mais ils sont amalgamés dans un microcosme harmonieux. Ce souci de s’intégrer dans la nature et faire partie de ses mécanismes a été présenté à plusieurs reprises et à travers le temps comme le drapeau et le bouclier de nombreux architectes concepteurs, parmi lesquels on peut citer Juhani Pallasmaa qui disait : « Tout ce à quoi j’aspire en tant qu’architecte est d’articuler ma rencontre avec le monde. J’essaie, à travers mon travail, de répondre à des questions sans réponse, telles que : Qui suis je ? Pourquoi suis je dans le monde ? Quel est le sens de l’être ? »2
1 christian norberg schulz , Genuis loci ,paysage ambiance architecture,p53 2
Figure 9:Tataouine (source : Google)
Juhani Pallasmaa, l’espace anthropologique, Monum,
Édition du patrimoine, Paris, mars 2007, p227
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Chapitre 1 : La dialectique Esprit du lieu -Temps
1.3. Homme - lieu - temps : relation mutante L’architecture vernaculaire a un langage singulier ; un langage de quête de prise existentielle. Elle ramène notre conscience vers le monde et vers notre propre sens du moi et de l’être. Dans ce contexte Christian Norberg Schulz éclairait dans la préface de son traité Genuis loci, paysage ambiance architecture, p6 : « Dans ce livre nous avons donc choisi de nous intéresser à la dimension existentielle en relation au lieu. Le lieu représente cette part de vérité qui appartient à l’architecture. Il est la manifestation concrète du fait d’habiter propre à l’homme et l’identité de l’homme dépend de l’appartenance aux lieux ». Cette interdépendance définit selon lui l’âme du lieu ou l’esprit du lieu. Cependant la dualité Homme-lieu fait toujours face à un paramètre modificateur ; séparateur et unificateur à la fois: le temps. C’est la dimension de constance et du changement. Il fait participer l’espace à une réalité vivante. « Ce n’est pas un phénomène, mais c’est l’ordre des successions des phénomènes et des changements. Les édifices, eux, au contraire sont statiques mis à part quelques éléments mobiles qui ont une importance secondaire »1 . Cette notion énigmatique qui fait suggérer la continuité et le suspens présuppose des temporalités d’évolution. Par conséquent chaque lieu n’est pas figé dans le temps. Il est dynamique. Il évolue alors qu’on a dans l’autre facette du sujet : L’Homme qui a toujours un souci de pérenniser sa prise existentielle, il fait de son mieux pour défier le temps : contrôler le présent par ses œuvres, garder le passé par la mémoire et tracer le futur par l’esprit . À ce moment-là, la question qui se pose à quel point l’Homme peut — il défier le temps ? Arrive-t-il à transporter tous les fondements d’une époque passée ? Toute cette inquiétude nous pousse à dire qu’il est temps d’interroger la continuité temporelle de la coexistence HommeLieu des temps passés . Cette relation peut — elle tendre à être atemporelle et éternelle ? 19 Figure 10:Effet temps (source : Pinterest)
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christian norberg schulz , Genuis loci ,paysage ambiance architecture,p56
Chapitre 1 : La dialectique Esprit du lieu -Temps
PALLASMA nous précise que : « Nous avons le pouvoir inné de nous rappeler et d’imaginer des lieux. Perception, mémoire et imagination sont en interaction constante ; le domaine de la présence se fond dans les images de la mémoire et de l’imagination. » Pallasma J. (2010), Le regard des sens, p 77 Sauf que sous l’effet du temps notre perception du lieu risque de passer d’un fond chargé de sens à une figure dépourvue de significations. Ce cas se présente particulièrement dans les villages berbères qui ont été lentement le siège de vie, d’ambiances et d’interaction Homme-Lieu et qu’on aperçoit dans notre époque comme des scènes figées de ruines et de paysages fascinants. Cette architecture vernaculaire peut être sujette à l’incompréhension d’un public qui n’aurait pas les clés en main pour admettre et accepter ce genre de tissage topoculturel et imaginer le vécu des anciens. Les phénomènes physiques et sociaux changent selon des cycles et des rythmes propores aux éléments qui composent notre lieu et donnent un tempo singulier à chacun des lieux. Par conséquent, nous n’avons pas le même sentiment du temps dans tous les lieux. Le temps, cette notion de constance et de changement, influence la relation Homme - Lieu et la rend mutante. Cette mutation induit des effets majeurs qui peuvent être au détriment du patrimoine vernaculaire. Qu’y aurait-il de mieux qu’une analyse comparative de quelques villages de montagne ; siège d’une architecture berbère pour mieux illustrer la faille entre ce qu’a été le lieu avec toute son importance et son état actuel.
20 Figure 11:Homme, lieu et temps (source : Pinterest +travail personnel)
Chapitre 1 : La dialectique Esprit du lieu -Temps
Figure 12:Zriba un noyau de vie (source:T84-14/4)
Le village de Zriba olya est l’un des principaux berceaux de culture berbère. IL survit de manière fantomatique perché sur un pic rocheux. La singularité de ce village est qu’il est devenu presque désert, vidé de sa population au début des années 60. L’occupation originelle renvoie à une dynamique sociale et spatiale. La restitution des résidus suggère une sphère d’ambiances, de rencontre, d’échange et de bonheur. Il n’en reste que des traces. Le silence s’installe et zriba s’est évidé de ses fonctions et de ses ambiances. Elle passe par un tempo de disparition entre les traces de l’absence et l’absence de traces.
Figure 13:zriba un village fantôme (source : Auteur)
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Chapitre 1 : La dialectique Esprit du lieu -Temps
Figure 14:Matmata un haut lieu d’habitat troglodytique berbère (source : Mémoire d’architecture de Lamia Atoui)
Matmata est un haut lieu d’habitat troglodytique berbère. Elle constitue un joyau de l’architecture souterraine et de la forte corrélation HommeLieu. C’est une référence de l’adaptation de l’homme au climat du désert. Cependant elle fait face aujourd’hui à une défiguration de fond. Cette dénaturation s’est produite par deux facteurs : la dégradation de l’ancien et la greffe de nouvelles habitations qui ne tiennent pas compte des paramètres du site. Tout ceci induit la destruction de cet héritage vernaculaire.
Figure 15:Paysage authentique défiguré (source : mémoire d’architecture +travail personnel)
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Chapitre 1 : La dialectique Esprit du lieu -Temps
Figure 16:Kesra, un village camouflé (source:Google+travail personnel)
Kesra, un village de montagne qui se distingue par son caractère de camouflage. Sculptés du rocher et sur le rocher, les établissements humains des Berbères assurent une immersion harmonieuse avec le paysage naturel environnant. Ce caractère intrinsèque qui faisait la singularité du village mute et commence à s’effondrer par la greffe de nouvelles maisons. Les rajouts ne communiquent pas avec l’héritage et le défigurent. Des briques rouges se distinguent de loin et ignore la sensibilité du milieu naturel existant avec sa verdure ses cours d’eau et ses pierres ocres. La connectivité est interrompue par ce non-respect. L’alliance Homme — Lieu s’est affaiblie par ces nouveaux gestes architecturaux.
Figure 17:Greffe décontextualisée (source :
Auteur)
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Chapitre 1 : La dialectique Esprit du lieu -Temps « Le monde n’est pas homochronique » Bonfiglioli 1997
2.le « genuis loci » : une notion chronotopique On avance souvent que l’esprit du lieu émane soit de l’objet physique, le lieu avec toutes ses composantes, soit de la perception que l’on a. Cependant le lieu passe par des temporalités ainsi que notre perception qui est toujours changeante ; et là on fait rappel au rôle de l’interprétant dans le modèle sémiotique de Pierce. La perception n’est pas innocente elle est largement imprégnée de subjectivité puisqu’elle puise ses ressources dans l’imaginaire personnel et c’est pour ça les architectes agit sur la perception des usagers par des stimulants afin de les transporter dans un autre cadre spatio-temporel. Ceci nous emmène à dire que le génie, lui aussi, passe par des tempos et change au fil du temps, mais qu’est-ce que c’est l’esprit de lieu ou le genuis loci ? Et quels sont les effets de son changement ? La théorie du Genius Loci est la base de la phénoménologie de l’architecture qui étudie la relation entre les individus et l’environnement. Genius Loci s’intéresse à l’activité et à l’expérience des individus en examinant leurs modes de vie ou d’interaction avec le lieu. La notion de genius loci ou génie de lieu est développée par le Norvégien Christian Norberg-Schulz, architecte, historien et théoricien de l’architecture, dans son livre Genius Loci : Vers une phénoménologie de l’architecture. L’auteur pense que l’habitation ne doit pas être vue comme un simple abri, mais plutôt comme un endroit où la vie se déroule. Lauwrence Durell écrivait à ce sujet : « Lorsque l’on commence à connaître l’Europe en goûtant les vins, les fromages et le caractère des différents pays, on commence à comprendre qu’après tout le facteur déterminant d’une culture c’est l’esprit de lieu ». 1
Figure 18:Le temps et la chronotopie (Source:Pinteret)
Ce facteur déterminant émane principalement de l’alchimie du milieu humain et du milieu naturel et selon Christian Noberg Schulz dans son traité (genuis loci “Paysage, ambiance, architecture”,p14) : 24 1
(genuis loci “Paysage, ambiance, architecture”p19).
Chapitre 1 : La dialectique Esprit du lieu -Temps
« D’habitude lorsqu’on visite une ville étrangère on est surpris par le caractère singulier et cette différence devient importante pour notre expérience... On parle de paysages stériles fertiles accueillants, menaçants il faut bien reconnaître qu’en général tous les lieux ont un caractère et que le caractère est la modalité principale de la destination a priori au monde le caractère d’un lieu est aussi une fonction temporelle il change... » Il pensait aussi que le lieu fait entièrement partie de l’existence. Il est un phénomène total qualitatif qui ne peut être réduit à aucune de ses propres caractéristiques et sa « structure (du lieu) n’est pas une condition fixe, éternelle : en règle générale les lieux se transforment, et parfois même rapidement. »1 Les transformations infinies que subissent le lieu et le changement des besoins de l’Homme rendent cette notion, une notion chronotopique. Ceci nous pousse même à qualifier chaque époque par sa manière de façonner son genuis. Passé
genuis loci 1
Présent
genuis loci 2
Futur
genuis loci 3
La chronotopie du genuis loci, autrement dit l’expérience d’un lieu dépend de trois facteurs selon la phénoménologie de Christian Norberg Schulz : La perception, la connaissance et l’identification. La perception consiste à définir la relation entre les gens et le lieu. La connaissance, c’est lorsque les gens se sentent familiers et se rappellent des choses semblables qui se sont passées avant. L’identification est basée sur un processus de connaissance du lieu qui assure sa structure et son atmosphère. De cette manière, l’endroit et les individus ne font qu’un. La perception
1
La connaissance
L’identification
Christian norberg schulz, de Genuis loci, paysage ambiance architecture, p18
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Chapitre 1 : La dialectique Esprit du lieu -Temps
« La pérennité d’une architecture dépend de son rapport à la société, selon qu’elle la perçoit, s’en saisit, la néglige, l’oublie ou la détruit. L’homme défie le temps qui fuit, en tentant de ralentir son action destructrice sur les bâtiments qu’il estime. »
[Romain VIAULT]
3.Vers un changement de paradigmes : 3.1.Facteurs de mutation La chronotopie du génie du lieu risque d’impliquer un changement de paradigmes, une mutation, et le lieu passe d’un berceau du modèle sémiotique à une simple scène figée ; autrement dit du paradigme sémiotique chargé de sens et de significations au paradigme paysager. ce changement est le résultat direct des transformations au niveau des trois facteurs déjà cités : la perception, la connaissance et l’identification 1- La perception dépend d’une somme de paramètres. Si on n’a pas les codes ni des stimulants, la lecture d’un paysage existant reste de l’ordre de l’interprétation figurée des faits visuels fragmentés. On cherche plus dans les profondeurs des choses et on n’a plus une image globale cosmique. « Une société qui ne voit plus que l’image des choses est perdue. ». [Philippe STARCK] Cette anomalie est générée principalement par le manque de stimulants de sens dans les villages berbères. L’image paraît incomplète et donc le message est tronqué. Ces villages devaient être le siège d’une expérience globale qui parle à tous nos sens et notre imagination. Dans ce contexte Maurice Merleau-Ponty disait : « Ma perception n’est pas une somme de données visuelles, tactiles, auditives : je perçois d’une manière globale avec mon être entier : je saisis une unique structure de la chose, une unique façon d’exister qui parle à tous mes sens à la fois »1. On n’a plus les repères ni les clés pour déchiffrer ce qu’on voit. Il ne reste que des conformations d’espace inachevé et comme l’expliquait christian norberg schulz « L’idée que le paysage détermine les significations ou contenus existentiels fondamentaux est confirmée par le fait que la plupart des gens se sont perdus lorsqu’ils vont dans un paysage étranger »2.
1 Maurice Merleau-Ponty, « Le cinéma et la nouvelle psychologie », sens et non-sens, Paris, Gallimard, 1996, p63 2
christian norberg schulz , Genuis loci ,paysage ambiance architecture,p45
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Chapitre 1 : La dialectique Esprit du lieu -Temps
2- La connaissance est fondamentale pour pouvoir transgresser le temps et imaginer la vie des anciens sauf que le génie du passé, cet héritage sculpté par nos ancêtres qui façonne notre présent et notre futur reste occulte, et l’ignorance d’une telle âme ne peut que conduire au fil du temps à la perte d’identité et comme le disait l’historien Marc Bloch dans son texte, intitulé Apologie pour l’histoire. « L’ignorance du passé ne se borne pas à nuire à la connaissance du présent ; elle compromet, dans le présent, l’action même » ainsi que « L’homme est une partie intégrale du milieu et que le fait de l’oublier amène à la destruction et à l’aliénation dudit milieu. Appartenir à un lieu signifie avoir un point d’appui existentiel. »1. La connaissance de l’histoire et la mémoire des hauts lieux de culture berbère restent limitées à cause du manque des interventions de mise en valeur et de protection. Ces villages se dégradent de jour en jour sans pour autant faire l’objet d’une action de mémorisation et de dynamisation. Ils constituent un héritage digne d’être reconnu partagé et communiqué au monde.
3- L’identification se base sur le processus de connaissance, alors qu’on est entrain d’exercer un déni quasi total envers les lieux de mémoire collectifs. On n’arrive plus à s’identifier dans des paysages de ruines et qui se transforment petit à petit en désert. L’identification sousentend une harmonie entre le lieu et le visiteur. Cependant les villages berbères ne présentent pas des équipements qui répondent aux besoins de leurs explorateurs. Il ne reste que des fragments qui ne sont pas habitables. Des fragments de ruine visibles, mais non lisibles parce que ne peuvent pas être vécu. Ils restent alors de l’ordre de l’image et ne passent pas le message d’identité. Cette fragilité d’ambiances rend l’identification des promeneurs difficile.
1
Christian Norberg Schulz, préface de Genuis loci, paysage ambiance architecture, p23
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Chapitre 1 : La dialectique Esprit du lieu -Temps « Ce n’est pas la beauté d’un bâtiment que vous devriez regarder. Ce sont les fondations de la construction qui résisteront à l’épreuve du temps. » David Allan COE
3.2.De l’intersémioticité à l’intermédialité dans le genuis loci
On a tenté de nommer cette mutation un passage de l’intersémiioticité à l’intermédialité. Pour faciliter la compréhension, il est nécessaire de définir ces deux termes de prime abord.
L’Intersémiotique :. adj. Selon L’ENCYCLOPÉDIE UNIVERSALIS ; relatif à plusieurs manières de s’exprimer, dont l’expression verbale. L’expression de nos pensées, en d’autres mots leur traduction intersémiotique, correspond à un code subjectif qui toutefois varie dans le temps et dans l’espace. Et l’émergence d’une identité, d’un sujet, d’un objet ou d’un événement différent et équivalent par rapport à un deuxième terme, non-moi. Dans notre cas de travail, l’intersémiotique renvoie à la manière d’exprimer la relation Homme - Lieu et le genuis loci dans les anciens villages berbères. « Depuis le début des temps, l’homme s’est rendu compte que le fait de crier un lieu signifie exprimer l’essence de l’être. L’univers artificiel dans lequel il vit n’est pas seulement un instrument pratique ou le résultat des événements arbitraire, mais il possède une structure et il incarne des significations qui reflètent sa manière de ressentir le milieu naturel la situation existentielle en général. »1
Figure 19:l’intersémiotique (Source: Auteur) 1
christian norberg schulz , Genuis loci ,paysage ambiance architecture,p50
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Chapitre 1 : La dialectique Esprit du lieu -Temps L’intermédialité :. adj. Est un champ de recherche apparu à la fin des années 1980. Le professeur Jurgen Ernst Müller, de l’Université d’Amsterdam aux Pays-Bas est l’un des premiers théoriciens à avoir introduit ce concept. Il s’agit d’une approche conceptuelle pluridisciplinaire qui consiste à lire les phénomènes dans leurs globalités ; en effet le fait de regarder une œuvre ou une architecture comme des phénomènes isolés séparés de l’environnement culturel social et paysager dans lequel ils ont évolué, induit à manquer une grande partie de la complexité. Les notions de contexte et d’historicité sont donc centrales dans les travaux inscrits dans le domaine de l’intermédialité. « Le sujet qui constitue un paysage n’est pas seulement un corps qui se meut dans l’espace, il est aussi une conscience pénétrée d’histoire. Là où il y a paysage, il y a aussi rencontre de la nature et de l’histoire : l’histoire s’inscrit dans la nature. »1 L’utilisation du terme média permet d’inciter sur la nécessité de porter une attention plus grande au processus de transfert et de communication des productions culturelles étudiées à travers le temps. Dans ce mémoire, le terme intermédialité est employé pour évoquer la nouvelle dimension paysagère scénique qui constitue le contexte immédiat des villages berbères et à travers laquelle les ruines s’expriment. La question qui se pose est comment mettre en valeur l’intersémiotique ancestrale des Berbères par le biais de la dimension paysagère de ces villages fortement recherchés par les nouveaux visiteurs.
29 1
JAKOB M. (2007) Paysage et temps, p 37
Figure 20:l’intermédialité (Source: Auteur)
Synthèse
Ce qu’on peut retenir c’est que les villages berbères de montagnes sont généralement le siège de rapports amicaux qui s’instaurent entre l’Homme et son milieu. Ces rapports constituent les formes intersémiotiques générant l’esprit du lieu. Ce génie paraît aujourd’hui menacé sous l’effet du temps. Ainsi que les besoins de l’Homme sont en perpétuel changement. C’est dans ce contexte-là qu’on a fait appel à l’intermédialité. Il s’agit d’une approche qui fait la synthèse de tous les paramètres humaine et naturelle. Elle consiste à faire l’équilibre entre la charge du vécu ancestrale, la mémoire de l’hameau et ses potentiels paysagers actuels fortement cherchés par les explorateurs. Le défi est d’établir une continuité de l’esprit du lieu en développant une actualisation et en se basant sur le contexte comme médiateur. À ce titre là l’architecte Romain VIAULT disait : « Le patrimoine doit trouver sa place entre son devoir de mémoire et son droit à l’évolution ».
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Dimension symbolique intersémiotique
Dimension paysagère scénique
Intermédialité
31 Figure 21:Synthèse (Source: Behance +travail personnel)
Chapitre II :
Figure 22:L’âme de Takrouna (source : Auteur)
Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna
Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna
1. Lecture intersémiotique 1.1.Milieu naturel 1.1.1. Situation géographique Au centre de la Tunisie, près de la ville de Sousse et à quelques kilomètres du nouvel aéroport d’Enfidha, le vieux village de Takrouna, perché sur son rocher, domine la plaine agricole d’Enfidha.
Située sur la route qui mène de Zaghouan à Enfidha, zone qui se distingue par la présence de trois rangées de montagnes parallèles à la direction générale de la dorsale tunisienne, chacune de ses rangées abrite une bourgade. Vers Zaghouan
Vers Sousse
Figure 23:Situation géographique (Source : auteur)
34
Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna Des villages de montagne
1 2 3
1.zriba olya
Le premier regroupement : le village de Zriba formé par le jbel Saouaf, le jbel Sidi Zit et le jbel Zriba
2.Jradou Au deuxième anneau de groupement montagneux, situé au sud-ouest de Bouficha, se situe le village de Jradou, ce groupement est formé par le jbel Fawara, le Jbel Jradou, le Jbel Bousofra et les collines de Sidi Khelifa. 3.Takrouna Le troisième regroupement : le village de Takrouna, zone située au nord-ouest de l’Enfidha, elle inclut le Jbel Batria, le Jbel Mdeker, le Jbel Biada et le piton abrupt de Takrouna.
Figure 24:Villages de montagne. (Source :
Wikipédia +travail personnel)
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Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna
Selon Despois : Les trois villages partagent les mêmes tactiques défensives et servaient comme refuge lors des invasions.
Figure 26:Emplacement des trois villages. (Source :
mémoire d’architecture)
Accès Le village est accessible soit par une voie véhiculaire qui contourne le rocher soit par une voie piétonne (des escaliers) qui mène au plus haut plateau du rocher
1 2
1.Accès véhiculaire
2.Accès piéton
Figure 25: Plan de situation de Takrouna et son accès par rapport à la nouvelle ville (source : auteur)
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Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna 1.1.2. Géomorphologie : Takrouna, un nid d’aigle
Takrouna est perchée sur une crête ; un rocher qui a été submergé par la mer lors du miocène et qui présente des couches sédimentaires de grès et d’argile et la couche de dessous contient de la marne de gypse et de la marne avec des bancs de grès et du calcaire. Ainsi les calcaires oligocènes et badegouliens sont les matériaux de construction utilisés lors de la construction des bâtiments.
Figure 28:Géomorphologie de Takrouna (source : mémoire d’architecture)
Entre émergence et dominance Le pic rocailleux de Takrouna s’élève à 200 m au-dessus de la plaine environnante. Les fossiles marins retrouvés (époque du Miocène) ont permis aux géologues d’en expliquer l’origine : la région avait été autrefois envahie par la mer.
Figure 27:Des fossiles qui datent du miocène pris au musée de Takrouna (source : auteur)
37
200 m
Figure 29:Coupe générale sur le rocher assise du village (source : auteur)
Du rocher venait le nom du village ; Takrouna signifie « le long cou » [tak, long et rouna, cou]. Un éperon rocheux qui se détache du paysage. Il s’élève d’une altitude de 200 m par rapport au niveau de la mer. Selon Wiams Marsais dans son ouvrage (Takrouna, village de crête à 15 km de zriba’, p4) : « De plus dans certaines régions de l’Afrique du Nord, le mot sous sa forme berbère Takurmt, ou sous sa forme arabisée Kruma, sert à désigner des montagnes à sommet rocheux » Ce rocher représente l’assise du site et se distingue par sa cohérence et son harmonie A travers lui, on sent la grandeur de la nature et l’importance du paysage dans la formation du village. Bien que ce rocher a une forme gigantesque et imposante, il nous transporte dans un autre univers en offrant une multitude d’angles de vue.
38 Figure 30:Du rocher et sur le rocher s’élève le village (source : collage,
auteur)
Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna
1.1.3. Climat Le climat est de type tempéré chaud caractérisé par une température moyenne annuelle de 19 °C, et par une pluviométrie moyenne annuelle de 433 mm. Les vents dominants venant du Nord-Ouest sont assez violents et secs alors que ceux de l’Est sont assez fréquents, mais moins violents. L’ingéniosité d’implantation utilise ce rocher comme écran protecteur. L’élévation du terrain permet une atténuation considérable du vent.
39 Figure 31:Coupe du rocher protecteur contre le vent (source : auteur)
Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna : 1.1.4. Faune, flore et ressources naturelles 1.1.4. a. Faune Takrouna est entourée d’un écosystème très riche, un paysage verdoyant composé de plaines d’oliviers, des palmiers avec l’omniprésence de Halfa.
Halfa
Olivier
« Les Berbères en s’installant dans le pays ont planté les oliviers “azmour’ : arbres autochtones — ils introduisaient avec eux la culture du blé » (Ayadi Nouri, Thèse potentialités locales et développement régional, Habitat et mode de vie à Zriba village, p31.). Le cactus est à caractère défensif. Il est omniprésent dans le village et reflète son esprit. Il servait comme clôture « Tabia » pour délimiter les propriétés des habitants. Il est planté aussi autour des maisons comme une forteresse pour empêcher tout étranger d’y accéder. Cette faune a servi comme source de nutrition et de fabrication d’outils pour les habitants.
Palmier
Figure 32:Faune (source : auteur)
Plantes sauvages
Cactus
40
Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna
1.1.4. b.Flore Les animaux font partie intégrante du paysage de Takrouna, on y retrouve principalement des animaux domestiques qui prennent une place centrale auprès des habitants. Ils leur servent de réserve nutritive ou les accompagnent et les aident à assumer les différentes tâches nécessaires à leur existence.
Figure 34:Flore (source : Pinterest)
1.1.4.c.Ressources naturelles L’eau : Takrouna présente quelques sources d’eau : un Oued et deux grands lacs d’eau. La nappe phréatique est profonde, elle doit être captée par forage. La salinité dans ce site est comprise entre 1,5 g/l et 3 g/l.
OUED
PUITS
41 Figure 33:Distribution des sources naturelles (source : auteur)
Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna
1.2.milieu humain À ce tableau topographique s’ajoute une dimension intrinsèque spécifique, celui d’un peuplement préhistorique existant depuis la nuit des temps. Ce premier héritage a joué un rôle préparatoire aux apports ultérieurs. Une valeur rajoutée par trois groupes de familles d’ethnies autochtones indigènes qui sont venus de trois régions différentes, mais les descendants d’un même père amazigh qui habitait à siwa en Égypte. Depuis la Préhistoire jusqu’à nos jours, les Berbères ont réussi à garder une identité culturelle malgré les aléas de l’histoire, des religions et de la politique. De l’oasis de Siwa en Égypte jusqu’aux Canaries, et en couvrant une partie du Sahara jusqu’aux rives du Niger, le peuple berbère est la souche maîtresse du nord de l’Afrique. Sans compter que le nom même du continent africain nous vient des Berbères.
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Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna « Celui qui ne sait pas d’où il vient ne peut savoir où il va, car il ne sait pas où il est. En ce sens, le passé est la rampe de lancement vers l’avenir. » citation de Otto von Bismarck 1,Le Nouveau défi européen
1.2.1.Origine ethnique Plusieurs sources indiquaient l’origine berbère des habitants de Takrouna. Les Berbères s’appellent eux-mêmes Imazighen (sing. : Amazigh), qui voulait dire les hommes libres ou les hommes nobles. Les Berbères sont les membres d’un groupe ethnique autochtone d’Afrique du Nord. Connus dans l’Antiquité sous le nom de Libyens, les Berbères ont porté différents noms durant l’histoire, telle que Mazices, maure, numide, Gétules, Garamantes et autres. Ils sont répartis dans une zone s’étendant de l’océan Atlantique à l’oasis de Siwa en Égypte, et de la mer Méditerranée au fleuve Niger en Afrique de l’Ouest. Historiquement, ils parlaient des langues berbères, classées dans la branche berbère de la famille afroasiatique.
Figure 35:Femme berbère (source : Google)
1.2.2.Structure sociale Plusieurs hypothèses expliquent la genèse d’une civilisation originelle berbère dans les villages de Zriba, Takrouna et Jradou et leur histoire commune. On cite à titre d’exemple : con Wiams Marcais qui avance (dans son ouvrage : Takrouna, village de crête à 15 km de Zriba) que : Trois frères, venus du Maroc, ont fait leurs trois pitons rocheux et y fondèrent chacun un village. En effet, « Zriba », « Takrouna » et « Jeradou » ont un singulier air de famille architectural et des traditions communes.
1 Otto von Bismarck :Homme d’État allemand, artisan de l’unité allemande et premier chancelier de l’Empire allemand
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Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna
Les Berbères ne sont pas une ethnie entièrement homogène, et ils englobent un éventail de sociétés et d’ascendances. Les forces unificatrices pour le peuple berbère peuvent être leur langue commune, ou une identification collective au patrimoine, à la culture et à l’histoire berbères. Le modèle de société berbère s’applique à Takrouna, la structure sociale est basée sur des groupements de familles. C’est une structure bien tissée pour pouvoir se protéger en cas d’invasion. La même famille partage les mêmes espaces et se réunit à l’intérieur du Houch.
Guemach Tribu louata
Famille Guiga de Feguig (Maroc) Descendant
Shhoud (ben youssef), de Tripoli
de Masmouda
Famille 1
Famille 2
Famille 3 Fils 2 Fils 1
Houch Père
Figure 36:Structure sociale du village (source : carnet de voyage d’étude +travail
personnel)
44
Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna 1.2.3.Niveau Technologique Le niveau technologique est traditionnel rudimentaire. Il est issu du patrimoine traditionnel qui a conservé tous ses aspects originaux jusqu’à nos jours. Il s’agit d’un système de savoir-faire, transmis de génération en génération, destiné spécialement à la femme. Pendant que les hommes travaillent les champs, la femme est matrice de leur culture : elle s’investit dans des activités valorisant les ressources locales et les arts culturels tels que le tissage, Halfa, les bijoux, etc.
1.2.4.Tatouage et symboles De tout temps, le tatouage a été une coutume chez les femmes berbères, que ce soit à titre ornemental, pour se parer et se rendre plus belles et désirables, ou pour exprimer un sentiment. Le tatouage des tribus nomades berbères servait également à symboliser un statut social en dissociant et identifiant les membres des différentes tribus par des dessins, souvent sur le visage, aux caractéristiques très géométriques et aux vertus prétendument magiques. Le tatouage était notamment censé éloigner le mauvais œil et apportait bonne fortune et réussite. Chaque détail, chaque motif a sa propre symbolique. Ainsi, représenter ce signe sur soi, c’est s’attirer ce qu’il symbolise. Figure 37:femme matrice de la culture berbère (source:Pinterest+travail personnel)
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Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna
Enterré sous le poids des différentes strates étrangères, Le Berbère a survécu et survit encore. Il vit à l’intérieur de nousmêmes, au plus profond de notre âme. Il surgit à chaque instant dans notre quotidien, notre dialecte et même notre comportement corporel. Son existence s’immortalise également grâce à son art qui a su franchir à travers des siècles les cloisons de l’acculturation transportée pendant des siècles par les produits artisanaux tels que le tissage et la poterie, les tatouages, les gravures. L’art pratiqué par les Berbères a résisté avec ses géométries et ses motifs très épurés face aux assimilations étrangères. Sa présence est marquée ainsi par de multiples traces gravées sur le sol. Éparpillées sur le corps des femmes.
1.2.5. Signification des symboles Le drapeau berbère C’est le symbole le plus connu. Il représente l’homme et la culture berbère. Mais c’est aussi un signe d’appartenance. L’œil de perdrix C’est un petit losange avec les extrémités renflées ou portant une petite croix. Pour les femmes qui portent ce signe, il représente l’oiseau lui-même, symbole de la beauté, de l’agilité. L’olivier Symbole de force bienfaisante, l’huile d’olive représentant la substance vitale. L’arbre L’arbre représente l’axe du monde, autour duquel gravitent les êtres, les choses et les esprits. Il est associé à la vie aisée, le bonheur et la fécondité. Il symbolise aussi la vie et la connaissance. Figure 38:Symboles et significations (source : Wikipedia)
46
Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna Le plus (signe +) symbolise l’œil de Dieu, l’étoile dont la lumière guide l’homme dans la nuit. Les palmiers tatoués sur le front des femmes berbères invoquent la déesse Mere. La croix symbolise les deux jambes ou les deux bras de l’homme. La spirale symbolise l’harmonie éternelle. Le cercle représente l’absolu. Le premier trait vertical symbolise Dieu et la vie, ainsi que le premier outil planté en terre par l’homme. Les deux traits symbolisent la dualité entre le bien et le mal qui sommeillent en chacun. Le carré est la représentation de la maison. Deux carrés superposés symbolisent le combat de dieu contre la malédiction et les ténèbres. La rosace, composée de triangles : celui qui a la pointe vers le haut symbolise le feu et la virilité, tandis que le triangle avec la pointe en bas représente l’eau et la féminité.
47 Figure 39:Femmes berbères
tatouées (source : Pinterest)
Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna
1.3.Modes D’interaction 1.3.1.Mode D’implantation « Le propre d’un terrain culturel, c’est d’occuper une certaine aire géographique, de se trouver distribué d’une façon continue à l’intérieur d’un certain périmètre ». Claude Lévi-Strauss
Figure 40:Occupation stratifiée (source : auteur)
Du premier noyau du plus haut point naît le village. Le centre cultuel est le cœur de l’ancien noyau de Takrouna, formant tout autour une trame urbaine de type organique dictée par la topographie du village. Selon Leila Ammar (dans son ouvrage intitulé Histoire de l’architecture en Tunisie) : Les 3 anciens noyaux étaient édifiés vers le XI° siècle, suivent les lignes de force du site et épousent les courbes de niveau. Ils se regroupent autour de la mosquée principale et de la Qual'aa ancienne (noyau originel à partir duquel les villages se sont formés) et aussi autour d’une zaouïa dédiée à Sidi Abdel Kader Jilani le saint le plus présent en Tunisie alors que sa dépouille repose à Bagdad. Ces monuments maraboutiques ont joué un rôle d’école coranique où les jeunes villageois apprenaient à lire et écrire le coran. La rue principale reliant la route MC133 à la grande place du village suit latéralement le relief de la montagne. Cette rue devenue véhiculaire dessert tous les groupements de maisons et constitue ainsi une ligne de croissance. Les parcelles sont reliées à l’axe principal par des rues. Les rues sont soit bordées de part et d’autre par des habitations, soit bordées par les habitations d’une part et par la vue de l’autre.
48
Premier noyau du village Voie véhiculaire Voie piétonne Habitations
80
90
10 0
15 0
14 0 13 0 12 0 11 0
17 0
Sources d’eau Sens d’étalement
Premier étalement
Deuxième étalement
Troisième étalement : logement SNIT construits par l’État dans les années 80
49 Figure 41:Morphogenèse du village (source : auteur)
Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna Takrouna présente un urbanisme authentique, réfléchie à l’échelle de l’homme. L’étroitesse des rues, l’implantation des constructions par rapport aux courbes de niveau et au diagramme de l’ensoleillement, ont offert aux habitants un climat viable depuis des millénaires. Chaque famille occupe un plateau du rocher. Le village évolue tout en épousant la forme du relief. Gabriel Camps avait déjà développé cette idée : « Seule la géographie paraît responsable de ce qui est généralement imputé aux hommes. » Les quartiers s’organisent selon une répartition qui épouse la morphologie du terrain. Le village s’intègre parfaitement avec le sommet. Le relief de la montagne devient le tracé régulateur de l’implantation des bâtiments d’où ce groupement en paliers. Le village est composé de 3 quartiers. Il est la projection spatiale d’une manière sociale de s’organiser. Chacun d’eux présente une implantation et un tracé différents des autres par rapport à la topographie. Chaque quartier est composé de plusieurs unités de bâti qui s’associent selon une logique de partage de parcelle. Dar GUIGA : originaire de Fguig ; un village berbère marocain Dar GUEMACH : tribu Louata
Dar ESHHOUD ou BEN YOUSSEF : originaire de Tripoli 50 Figure 42:Les familles du
village (source : auteur)
Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna
1.3.2. Mode de partition 1.3.2.a. Centre culturel et cultuel
A
L’organisation du village en trois quartiers relatifs à trois familles « Guemech », Schouhaud » et « Guiga », témoigne que l’implantation des logements a été faite par regroupements de familles. Cette manière d’occupation renvoie à une logique de partition. La famille des notables et qui sont les premiers installés au village occupent le piton le plus haut. Les deux autres rives sont dédiées aux autres tribus indigènes. Ce plateau, le plus élevé comporte le noyau culturel et cultuel du village ainsi que quatre habitations dont trois sont occupées jusqu’à nos jours par leurs propriétaires et la quatrième est en ruines.
Centre cultuel et culturel
A
Articulation sociale autour des configurations urbaines
Coupe A-A
Figure 43:Centre cultuel et culturel (source : Halima Kamel « L’éveil d’une crête
aux pierres dormantes » Village Takrouna +travail personnel)
51
Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna
1.3.2.b.l’intersémiotique sociale Cette lecture géographique fait donc apparaître deux éléments clés dans le rôle joué par les familles. Tout d’abord, cette région est un territoire de convergences diverses. Ensuite, elle devient un réceptacle d’influences multiples, préservées grâce à la prédominance physique d’un relief la caractérisant. De toute évidence, on retrouvera un ferment cultuel identique dans les coutumes et rituels des takrouniens. Cet élément joue un rôle unificateur dans la vie journalière et culturelle du peuple Amazigh.
Figure 44:Cœur battant du village (source : Mémoire d’architecture +travail personnel)
Formé de la mosquée et du mausolée, ce centre domine stratégiquement le village et articule l’espace urbain. La coupole de Sidi Abdelkader El Jilani et le minaret de la mosquée constituent les éléments repères signalétiques du village. Ce centre aurait été le premier embryon de la croissance du tissu urbain. Le mausolée est dédié à Sidi Abdelkader El Jilani, qui continue à être honoré aujourd’hui lors des célébrations cultuelles. Cet évènement avait une grande importance dans l’équilibre social des takrouniens.
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Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna
Selon Amos Rapopport : « ce n’est pas les formes physiques qui définissent un lieu, mais c’est la dimension socioculturelle qui domine ». De ces fragments urbains dispersés dans le paysage de Takrouna, les habitants ont réussi à tisser des rites sociaux qui les unissent, un terrain d’entente commun qui nous a été transmis sous forme d’un ferment culturel très soudé. Ils ont créé un noyau de rencontre, et de partage sur le point le plus haut du relief. Ce centre servait comme lieu de rassemblement de toutes les tribus pour fêter les spectacles et les compétitions. Ils partagent les mêmes rites et les mêmes cérémonies dans un seul centre qui est le noyau du village. La configuration de la place au centre reflète une ambiance urbaine de partage et de rencontre.
Raghaata : l’entraide des habitants dans la construction de leurs demeures. Les tâches sont partagées entre hommes femmes et enfants, d’une manière hiérarchique.
UNION SOCIALE
Figure 45:De la fragmentation urbaine à l’union sociale (source :
Pinterest + travail personnel)
53
Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna
1.3.3. Mode de construction 1.3.3.a. Unité d’Habitation
Figure 46:Entre ciel et terre (source :
La disposition et l’arrangement des espaces d’habitation s’adaptent au milieu physique, aux impératifs de la famille et aux activités productives et agricoles propres au lieu. En effet, la maison vernaculaire à Takrouna est composée d’un espace d’habitation et d’un espace destiné au stockage nécessaire aux activités agricoles ou artisanales.
auteur)
Malgré l’irrégularité des Houch et les différentes formes de parcelle, les takrouniens ont accordé une grande importance à la régularité de la forme de la chambre qui prend couramment une forme rectangulaire divisée en 3 sous-espaces de forme presque carrée. Les chambres sont des pièces étroites, mais oblongues, de 2,5 à 3 m de largeur et de 10 à 12 m de longueur. Cette exiguïté est liée aux techniques de construction utilisées dans la région. La toiture en voûte de pierre impose de faibles largeurs. Quant à la hauteur sous plafond, elle ne dépasse pas les 3 m. 10 à 12m
2.5 à 3m
54 Figure 47:Unité d’habitation (source : Auteur)
Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna
1.3.3.b. Évolution de l’habitat
L’habitat évolue à partir d’un modèle de base : une pièce unique qui regroupe l’ensemble des fonctions. Sans étage, construit en pierre et voûté, avec peu d’ouverture.
L’évolution de l’habitat à Takrouna a été influencée par l’organisation patriarcale qui faisait habiter plusieurs générations dans la même maison. Les principes d’organisation des logements sont identiques et la règle dominante reste l’agencement des pièces autour d’une cour. La construction de la première pièce est régie par l’orientation sud. L’habitat dans le village est évolutif dans le temps et dans l’espace. La forme finale est le résultat d’un processus d’évolution. La surface de chaque maison varie selon le niveau de vie et la taille de la famille. On peut remarquer parfois, l’ajout des pièces annexes à la maison : cuisine et sanitaire. Durant son évolution, l’organisation spatiale et les fonctions de bases changent et varient pour mieux s’adapter aux nouvelles exigences de ses habitants. Tout changement dans les activités économiques aura des incidences sur l’organisation de l’habitat. L’organisation intérieure est tripartie. L’espace central est un lieu de détente et de travail artisanal pour les femmes. Il est surmonté par une voûte croisée et généralement une niche de rangement dans le mur situé en face de l’entrée. D’une part se trouve la Sedda qui est un espace de détente et de repos accessible par un escalier dans l’angle. Au-dessous de la Sedda se trouve un espace de stockage des réserves. Ce dernier est accessible directement ou par une ouverture dans la chambre. De l’autre part se trouve la Dokkena sous forme d’une banquette de 50 cm de hauteur. Elle s’étend sur toute la largeur de la chambre. C’est le lieu de sommeil des enfants. 55
Figure 48:Évolution de l’habitat
(source : mémoire +travail personnel)
Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna 1.L’habitat avec houch à entrée directe Localisé à tous les niveaux du village de l’habitat.
Ce modèle a évolué vers la maison pluricellulaire, composée de plusieurs pièces. On distingue quatre variantes typologiques d’habitat :
4
2
2.L’habitat sans houch La placette appartenant à l’espace public se transforme en extension de l’habitat.
1
3
Figure 50:Localisation des maisons (source : Auteur)
3.L’habitat avec skifa cette typologie se trouve surtout dans le quartier de dar Eshoud. Aux autres niveaux du village, la skifa est plus récente. 4.L’habitat à plusieurs houch constitué par le groupement de deux ou trois familles parentes. - Les cours sont communicantes, parfois elles sont séparées par un passage couvert.
Vu la morphologie des terrains, les habitations ne présentent pas la même typologie. L’unité est répétitive, mais pas le modèle.
Figure 49:Plans des maisons (source : mémoire
d’architecture+ travail personnel)
56
Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna
1.3.3.c. Matériaux utilisés Les takrouniens ont bien su exploiter les ressources naturelles locales, principalement la pierre qui a été extraite des montagnes. Selon la nature des roches, la pierre leur a permis de produire du sable, du gypse. -La pierre : Extraite de jbel Takrouna et des montagnes rocheuses entourant le village. La pierre calcaire tendre est utilisée pour les fondations et les murs. Sa forme varie de l’aléatoire au pseudo quadrangulaire. L’assise peut être droite ou irrégulière selon la forme et la régularité du matériau.
- La chaux : comme liant lorsqu’elle est utilisée seule, ou comme enduit lorsqu’elle est mélangée à du sable et des agrégats. L’enduit à la chaux a satisfait aux fonctions de protection et d’hygiène. Il est utilisé sur des maçonneries nues en pierre, et pour les fondations ainsi que les couvertures.
-Le plâtre : le plâtre traditionnel est obtenu par cuisson de pierres gypseuse.
Figure 51:Matériaux de construction (source : auteur)
Celle-ci est ensuite broyée finement avec un pilon en bois d’olivier afin d’obtenir une poudre très fine qui sera tamisée avant son gâchage. Ce badigeon est utilisé pour la pose des cadres, pour la décoration et spécialement pour la création de voûtes.
57
Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna
La brique en terre cuite pleine : utilisée pour la construction des différents types de voûtes.
Figure 52:Matériaux de
construction (source : auteur)
- Le grès « rjich » : proviens de la région de Mahdia. À Takrouna, la variété dite « foundou » a été utilisée tardivement, elle est de forme parallélépipédique, de dimensions normalisées ; elle est utilisée dans la construction des encadrements et des ouvertures.
Pour l’encadrement des ouvertures : la pose de pierres taillées d’encadrement se fait au fur et à mesure que l’on construit le mur. On distingue trois types de linteaux : 1.en arc, 2.en éléments horizontaux (oud) 3.et en madriers surmontés d’un arc.
2
3
1
58 Figure 53:Types d’encadrement (source : auteur)
Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna
Les matériaux utilisés jouent le rôle de régulateur thermique, ce qui permet d’obtenir à l’intérieur du bâtiment de la fraîcheur durant l’été et une température douce en hiver. « Un raffinement constructif montre l’intelligence de ces architectures sans architectes : résultats d’expériences renouvelées, chacune illustre l’ingénieuse adaptation à un site » Salima Naji, Art et architectures berbères du Maroc, p76
1.3.3.d. Techniques de construction LES FONDATIONS
Sol rocheux
Sol non rocheux
On note le recours aux fondations en rigole à Takrouna, dont la profondeur dépend de la nature du sol : – Au niveau le plus haut, le kef, le sol est rocheux donc la profondeur ne dépasse pas 30 cm. – au niveau bas du village, la profondeur des fouilles en rigole peut atteindre 80 cm LES MURS Un appareillage ordinaire à base de pierres de ramassage non taillées. Il existe également un système de consolidation permettant d’éviter les coups de sable et qui consistent à placer des lits de pierre plate intercalée entre deux rangées de pierres brutes.
Pierre de ramassage, appareillage ordinaire Figure 54:Techniques de construction (source : mémoire)
Des lits de pierres platespour consolider le mur 59
Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna
TOITURES
Figure 56:Toiture en voûte (source : mémoire d’architecture)
On distingue trois typologies de couvertures : – Les voûtes en berceau : Très utilisé dans la réalisation des rez-dechaussée et premiers étages appelés ghorfa. Les voûtes en berceau sont construites en pierre ou en brique. La voûte en pierre est de portée moyenne de 2 à 3 mètres et de longueur pouvant atteindre les 6 mètres ; alors que la voûte en brique a une portée moyenne entre 3 et 5 mètres. – La voûte d’arête : À Takrouna, les voûtes d’arête couvrent des espaces étroits et carrés. Les voûtes croisées peuvent être en briques pleines ou en pierre. La portée générale varie de 3 à 5 mètres et présente de bonnes performances thermiques en raison de leur exposition partielle au soleil.
Figure 55:Toiture en voûte (source : auteur)
60
Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna
- Les toitures plates représentent la forme primitive des constructions à Takrouna. Elles étaient supportées par des poutrelles en bois brut servant comme support pour une dalle en pierre.
Figure 58:Toiture plate (source :
mémoire d’architecture)
Le développement des techniques a permis de mieux maîtriser la manipulation de ces matériaux générant ainsi une adaptation particulière au site. La pierre offre ainsi plusieurs possibilités permettant la mise en œuvre des arcs, voûtes simples, coupoles, voûtes d’arête, croisées d’ogives... On retrouve également des maisons à étage, dans le cas où il y a moins de contraintes physiques Ces nouvelles formes créent ainsi une véritable sculpture intégrée à la montagne.
Figure 57:Toiture plate (source : Auteur)
61
Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna
1.3.4. Mode de production « Takrouna s’adonnait, à la fin du XIXè siècle, à la culture de l’orge et du blé, dans la plaine, à la culture des oliviers et des arbres fruitiers sur les pentes de la colline, à l’élevage des bestiaux et des moutons et à l’apiculture : le miel » (1) L’intégration du grenier, d’écurie et d’étable… dans l’organisation spatiale du village montre que les Takrouniens étaient des agriculteurs. Leurs terrains étaient en bas du piton. À Takrouna, l’artisanat est le travail des femmes, qu’elles exercent à côté de leurs activités domestiques. – Le travail de la « Halfa » -- Le tissage : Le Klim Barnous et Kachabia : c’est une activité pratiquée surtout par les jeunes filles. – La poterie traditionnelle : fabrication des ustensiles de cuisine et des fours à pain (Tabouna)
(1) La geste hilalienne, Tahar Guiga, Maison tunisienne d’édition, 1968. Figure 59:Mode de production takrounien (source : Auteur)
62
Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna 1.3.5. Mode d’expression Nous avons constaté le caractère du quartier : la sobriété et la simplicité des bâtiments qui répondent parfaitement aux besoins des habitants à l’époque. Le village manifeste tout un héritage architectural et urbain. L’organisation des maisons est le résultat des contraintes physiques du site essentiellement. L’introversion et la centralité sont les caractères principaux de la maison Takrounienne. L’entrée se fait généralement par une porte aménagée dans un mur presque aveugle. Le dispositif d’entrée varie selon la maison et on distingue plusieurs (avec ou sans chicane…). La maison s’agence autour d’une cour centrale dont sa configuration géométrique varie selon la disposition des chambres autour. L’orientation et la topographie sont les deux facteurs principaux d’implantation. Notons aussi la présence de plusieurs pièces spécifiques au mode de vie d’une population rurale tel que «le makhzen». Les maisons sont disposées soit en U ou alignées ou accolées. Couleur blanche ou ocre, murs en pierre calcaire, volumes étroits surmontés des voûtes en berceau à hauteurs égales avec deux éléments de repère qui sortent du lot et qui font référence : la coupole verte de la Zaouïa de Sidi Abdel Kader et le minaret de la mosquée. Tous ces caractères forment un ensemble harmonieux et homogène. L’architecture de Takrouna manifeste une sensibilité aux proportions du bâti, des ouvertures, aux couleurs et aux matériaux locaux. Cela fait du village un joyau bien intégré dans son contexte paysager.
Figure 60:Mode d’expression (source : thèse voyages de
Ghazi Ben Ismail)
63
Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna
Conclusion « L’homme peut construire à la beauté, à peu de frais et tout simplement n’importe où même dans le désert, s’il essaie de travailler en harmonie avec la nature. » Hassan Fathy (construire avec le peuple, p89)
On est face à un lieu stimulant, un territoire complexe, l’interaction entre le milieu naturel avec toutes ces facettes topographiques, paysagères géologiques et climatiques... avec le souci d’un ensemble de tribus autochtones de s’identifier et chercher un lieu à leurs images font de Takrouna un berceau de civilisations, un champ sémiotique qui expose son génie intrinsèque à ses visiteurs. Takrouna se trouve à la croisée du génie humain et les potentiels du milieu.
Identité du milieu naturel
Identité du milieu humain
Synergie topoculturelle
Génie de Takrouna 64
Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna
2.Fission Sémantique à Takrouna 2.1.Un Village chrontope L’esprit du lieu n’est pas actuel il est engramme dans le temps. Et à travers le temps Takrouna est chrono tope, elle est en perpétuels changements. Elle est passée par plusieurs temporalités marquantes.
Temporalité1 : époque miocène
-Matière amorphe -Paysage zéro : rocher submergé par la mer -Chaos
Temporalité2 : Établissement d’un vécu
-Forme urbaine donnée. procès cognitif et pragmatique établi par les Berbères -Négation du chaos
Temporalité 3 Depuis les années 90
-Exode, lieu délaissé -Partir à la recherche d’emploi et de commodité -Il n’y a plus le sentiment d’insécurité et d’instabilité -Ruine, Désordre -Perte de l’ordre= perte du lieu
Figure 61:Les temporalités de Takrouna (source : google)
65
Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna
La troisième temporalité marque une rupture dans la vie chronologique du village. Les usagers de l’espace ne sont plus les mêmes, les besoins ont changé ainsi que la lecture de l’espace s’est fragmentée. On parle alors de « Fission sémantique » ; le lieu se détache de son sens et devient un lieu physique qui n’a pas sa profondeur sémiotique.
Centre cultuel : mosquée et mausolée Maisons habités Musée et Café Maisons non habitées et en ruines Logements SNIT Figure 62:Relevé État des lieux (source : Auteur)
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Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna
Refuge Jadis Takrouna a servi comme refuge pour les Berbères contre les invasions, aujourd’hui elle sert comme refuge touristique pour ses visiteurs ; une échappatoire de la charge du quotidien.
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a
c
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C Figure 63:Refuge (source : Alexandre Rosa)
Paramètre économique
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Les sources naturelles et les terres agricoles végétales autrefois étaient leurs sources vitales aujourd’hui on ne trouve que quelques champs d’olivier. L’économie du village est devenue plutôt dépendante du tourisme et des randonnées que de la production agricole.
e 1 L p
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Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna
Le centre culturel et cultuel du sacré au prof-anisé Le plateau le plus haut qui a été sacré presque inaccessible est devenu le plus visité, mais toutefois il a gardé son importance focale. À ce titre là Christian Norbert Schulz disait dans son traité Genuis loci, paysage ambiance architecture, p23. Figure 64:Croquis, (source :
Rached Triki)
« Sans son ancien centre, la ville serait aujourd’hui stérile et les habitants seraient comme des fantômes aliénés »
Figure 65:Le centre du sacré au profanisé(Source:Google)
Takrouna est un lieu saturé de significations vernaculaires ; de modes d’adaptation au milieu ; mais ces codes reste engrammes seulement dans la mémoire des habitants et n’a pas été transmis aux visiteurs. La perception de ce village est passée d’une perception à base anthropologique sociale et spirituelle à une perception basée essentiellement à ses qualités paysagères.
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Figure 66:Takrouna entre symboles et image
Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna
2.1.Village vécu/village perçu
Figure 67:Perspectives sensorielles, Sébastien Malouin
On a eu recours à la technique du parcours commenté afin de mettre en exergue le décalage entre la perception d’un visiteur du village qui reste de l’ordre de l’image, des figures qui sautent aux yeux et celle d’un habitant bien attaché au lieu avec toutes ses particularités et avec la mémoire du lieu et donc il représente pour nous le porte-parole du vécu. Ce deuxième parcours accompagné permet un voyage par l’image et par la pensée. Il stimule non seulement nos sens, mais il nous transporte à travers le temps et nous fait intriguer. Il nous transmet une nouvelle scénographie cosmique du village. Il nous présente une lecture homogène des codes fragmentés et nous permet de les déchiffrer et dévoiler les sens cachés de l’hameau. Ce mode d’approche par le biais de l’observation intuitive et des parcours commentés a permis d’explorer le site de Takrouna sur le plan de ses qualités sensibles, au travers des différentes modalités par lesquelles une personne comprend et se représente une réalité. Ces descriptions ont été recueillies in situ auprès de deux personnes mises en situation d’observateur/marcheur. Cette méthode permet de croiser les regards et de mettre des mots sur des expériences, liées à la fréquentation du site.
« L’architecture est jugée par les yeux qui voient, par la tête qui tourne, par les jambes qui marchent. L’architecture n’est pas un phénomène synchronique, mais successif, fait de spectacles s’ajoutant les uns aux autres. » (Le Corbusier, 1950 : 75). De la route Mc133 qui mène de zaghouan à enfidha ou dar el Bay tel qu’elle la nomme les takrouniers, naît le chemin qui mène à takrouna. Un seul chemin qui mène vers une destination unique. 69
Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna
Figure 68:Plan d’accès au village (source : Auteur)
70
Chapitre II : Retrouver l’esprit du lieu à Takrouna
Plan d’accès au village 71
1er parcours
Figure 69:Temporalité d’accueil (source : Auteur)
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73
1er parcours
Figure 70:Temporalité de suspens (source : Auteur)
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1er parcours
Figure 71:Temporalité
de découverte (source : Auteur)
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1er parcours
Figure 72:Temporalité de transition (source : Auteur)
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1er parcours
Figure 73:Temporalité de repos (source : Auteur)
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1er parcours
Figure 74:Temporalité de dominance
(source : Auteur)
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1er parcours
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Figure 75:Temporalité de déambulation (source : Auteur)
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1er parcours
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Figure 76:Temporalité d’arrivée (source : Auteur)
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Conclusion
Ce premier parcours nous dessine le village tel qu’il est perçu par le visiteur : une Takrouna entre la magie d’une ascension… l’image d’une descente. Dans toutes les orientations, on a un paysage fabuleux des vues et des cadrages de vues superbes. Tout est là pour donner une image d’un lieu touristique par excellence.
Figure 77:Schéma de synthèse du 1er parcours (source : Auteur)
88
L’itinéraire suit une ligne ramifiée de découverte générée par une visite spontanée intuitive.
Les repères sont des panoramas, des cadrages de vues intéressantes, le mausolée et la mosquée, l’odeur, les textures.
La visite se fait selon des tracés de déambulation qui contournent les fragments du village et un mouvement oculaire de 360 degrés.
La temporalité de découverte et d’ascensions offre une multitude de champs et de contre champs et de perspectives qui restent gravées dans la mémoire du visiteur.
La lecture est superficielle essentiellement paysagère et donne plus d’importance aux plateaux résiduels que le noyau cultuel. 89
2ème parcours
Figure 78:Temporalité d’éveil (Source: Auteur)
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2ème parcours
Figure 79:Temporalité de maîtrise technique( Source : mémoire d’architecture de Aziz Zlaoui+ travail personnel)
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2ème parcours
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Figure 80:Temporalité artisanale( Source : mémoire d’architecture de Aziz Zlaoui+ travail personnel)
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2ème parcours
Figure 81:Temporalité de synthèse(
Source : mémoire d’architecture de Aziz Zlaoui+ travail personnel)
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2ème parcours
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Figure 82:Temporalité de supervision (Source : mémoire d’architecture de Aziz Zlaoui+ travail personnel)
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2ème parcours
Figure 83:Temporalité nostalgique (Source: mémoire d’architecture de Aziz Zlaoui+ travail personnel)
100
101
Conclusion
Voyager par l’image et par la pensée, c’est un itinéraire entre image et histoire. L’histoire de Takrounra revit dans le regard de l’habitant qui parcourt ses artères et il a une image riche et cohérente du village qui lui vient à l’esprit. Ceci nous a permet de détecter et définir l’importance symbolique et sémiotique de cinq segments.
102 Figure 84:Schéma de synthèse du 2ème parcours (source : Pinterest +travail personnel)
L’habitant nous trace un parcours codé avec une lecture soudée, tissée et globale. On arrive à définir des justifications pour chaque geste du village: l’implantation la partition ainsi que les rituels de leur vécu. La sensibilité de l’usager est par rapport à des stimulants identitaires, d’appartenance, de propriété.
La lecture se fait autour d’un centre d’union et de convergence.
Les repères sont les points de mémoires ou des codes qui renvoient à des potentiels identitaires du quartier. On n’est plus dans un itinéraire fragmenté en séquences indépendantes. On est dans un parcours de parcelle et la visite se fait par lot.
Un parcours qui relie les composantes entre elles et avec leur environnement.
Notre guide envisage le village comme un tissu soudé, un maillage de codes liés.
La lecture s’est faite par degré d’importance symbolique et donc d’une manière stratifiée. 103
Confrontation des deux parcours commentés
Synthèse
Figure 85:1er parcours
Figure 86:2ème parcours
De l’interférence des parcours naît des rajouts intersémiotique Le brassage des deux circuits a donné naissance à une nouvelle ligne scénographique intermédiaire qui rajoute à chaque segment sémiotique symbolique signifiant pour l’habitant une dimension paysagère scénique. 104 Figure 87:Confrontation des deux parcours (source : Auteur)
Le premier parcours intuitive a permet d’arrêter des temporalités paysagères scéniques. Le visiteur cherche les percées de forte attractivité visuelle.
Le deuxième a permis une lecture intersémiotique qui fait la combinaison entre les paramètres naturels, anthropologique et social. Il a permis de dégager des séquences symboliques et sémiotiques cruciales. L’habitant s’est arrêté dans des points de forte mémoire. « Le temps file, la mémoire habille les souvenirs, les photos restituent la vérité d’un instant donné. »1
Brassage
1 Citation consulter en ligne (https://www.photosetbalades. fr/contact/monographies/kv-6ramses-ix/)
La nouvelle trajectoire générée 105
Chapitre III :
Vers une Takrouna à temporalités plurielles
Figure 88:Joyau de Takrouna (source : photo prise par Anis Nunzio)
Chapitre III : Vers une Takrouna à temporalités plurielles
1.Vers une intermédialité de Takrouna 1.1.Du contexte à la conceptualisation
Figure 89:Takrouna à travers ses ruines (source : cliché Auteur)
Un visiteur de Takrouna aujourd’hui n’arrive plus à déchiffrer ces codes et n’a plus cette perception authentique.... Le sacré ne tient plus la même importance qu’avant, les places sont devenues des petites stations de temps latents pour prendre un souffle et continuer la visite alors qu’ils étaient encombrés et constituaient des cœurs battants de vie. Il ne reste que des conformations physiques fragmentées de l’espace... la configuration originelle n’est plus là. La structure de la montagne en elle-même a été considérée comme un point de transit entre ciel et terre par les Berbères aujourd’hui servait comme une simple forme physique sculptée à escalader par les touristes et les motards. Alors que Christian norberg Schulz, disait dans son livre Genuis loci, paysage ambiance architecture, p78 : « Chaque maison a des racines profondes dans les strates de l’histoire »... « Le paysage de notre vie n’est pas un pur flot de phénomènes, il y a des structures et des significations. Structures et significations, qui à un moment donné originel, ont été ces mythologies (cosmologie et cosmogonie) qui ont constitué les bases de l’habiter » (p23) Un visiteur de Takrouna est attiré par la mise en scène paysagère qui rayonne autour du village. Il ne détecte pas facilement l’effet de dégradation des maisons détruites, l’âme du lieu qui risque de se ruiner et se fragmenter par le passage temporel. Cependant un Habitant du village incarne une sensation de tristesse face au drame d’absence des anciens et de leur vécu. Le village tend à se théâtraliser et à se transformer en une image à photographier pour quelques années. 108
Chapitre III : Vers une Takrouna à temporalités plurielles
À ce titre-là, norberg Schulz disait : « L’amitié avec le milieu naturel pour le citadin moderne est réduite à des rapports fragmentés »1 D’où la nécessité d’intervenir sur ces ruines afin qu’elles deviennent un intermedium qui véhicule un message et communique avec les nouveaux usagers du village. L’intermédialité comme approche d’intervention a pour but d’inviter le spectateur à être acteur, aller au-delà de ce qu’il voit comme image et l’aider à décoder le charme latent du village. Elle s’agit de proposer une vision générale qui assure la pérennité du village à toutes les échelles sociales architecturale et paysagère. Dans ce contexte Pallasmaa nous précise que « l’art et l’architecture sont fondamentalement des tautologies. Ils servent toujours d’intermédiaires et facilitent les expériences existentielles. »2 Afin d’atteindre notre objectif, il fallait envisager une stratégie d’intervention globale qui synthétise les besoins des habitants et les attentes des visiteurs. Pour se faire, on a eu recours, en plus du parcours commenté, à une enquête qualitative semi-directive qui a été faite sur terrain et en ligne (voir annexe)avec la consultation de Madame Raoudha Ben ayed (sociologue à l’ENAU). Cette méthode permet de comprendre le village aux yeux de ses usagers. Confronter ces derniers à la réalité du hameau et les impliquer dans l’intervention.
1.2.Étude du contexte en rapport avec son usager Le questionnaire vise à étudier les ambitions des usagers afin d’établir un brainstorming sur les variantes d’interventions qu’on peut mener pour préserver le village. Une manière de passer à l’action collective. Les questions étaient dirigées dans ce sens : Les questions pour les visiteurs : 1 -Dans quel but vous avez visité le village ? 2-Quel parcours prenez-vous pour y arriver? 3- Qu’est-ce que vous aimerez retrouver comme activités ? 4- À votre avis, quel type de projets pensez-vous nécessaire pour dynamiser le village ? 1 Christian norberg Schulz,Genuis loci, paysage ambiance architecture, p21 2 Brice kester, Mémoire La générosité une réponse à la pratique architecturale, p15
109
Chapitre III : Vers une Takrouna à temporalités plurielles Les enquêtés : • 27 personnes ont visité Takrouna en Groupe • 2 personnes ont visité le village individuellement • 3 personnes l’ont visité en famille Première question : On distingue six catégories de réponses • Exploration • Distraction • Méditation • Sport • Randonnée • Étude Deuxième question : • 11 personnes prennent les escaliers • 6 personnes prennent la voie véhiculaire • 14 personnes prennent les deux accès
Troisième question : Pour mieux utiliser les données récoltées, les réponses ont été organisées par catégories d’activités de la manière suivante :
Arts et culture 20%
Touristique 30%
Divertissement 20%
Sportive 15%
Commerciale 15% 110
Chapitre III : Vers une Takrouna à temporalités plurielles
Quatrième question : Il s’agit de donner libre choix à l’enquêté d’imaginer le futur du village et proposer des suggestions qui répondent à ses attentes. Des témoignages
111
Chapitre III : Vers une Takrouna à temporalités plurielles Le représentant régional du tourisme de Sousse : Taoufik kayed a affirmé les attentes des visiteurs et ses ambitions en tant que responsable du développement touristique régional en lançant un article dans le journal « Chourouk » le 08/08/2020 sous l’intitulé « Takrouna : La perle des villages amazighs »
Dans le texte de l’article le journaliste Radhouane chbil insiste sur l’importance historique et touristique du village. Il le considère comme un joyau de la civilisation amazighe qui a conservé les traditions et le culinaire berbères. « Il se distingue par des potentiels naturels époustouflants et présente des caractéristiques touristiques internationales, mais il est marginalisé au niveau régional » L’écrivain propose d’envisager un complexe culturel artistique historique touristique et sportif qui comporte un théâtre, une aire de jeux équestre et une piscine. 112
Chapitre III : Vers une Takrouna à temporalités plurielles
113
Chapitre III : Vers une Takrouna à temporalités plurielles Taoufik Kayed a considéré «la région de Takrouna comme un pari touristique, non seulement dans la région, mais aussi dans la République Tunisienne en raison de la particularité qu’elle représente et des éléments qui rendent les investissements rentables.» «Je m’efforce de toutes mes capacités de faire découvrir la région de Takrouna par tous les moyens .... Plusieurs projets ont été proposés, parmi lesquels l’investissement dans des résidences rurales dans le cadre de la loi de février 2018, qui autorise les résidences rurales sur les terres agricoles sans recourir à un changement d’identité , c’est un produit touristique sur lequel on peut travailler.»
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Chapitre III : Vers une Takrouna à temporalités plurielles Les questions pour les habitants : 1 -Que représente le village pour vous ? 2-Quel type de projets pensez-vous nécessaire pour redynamiser le village ? Première question :
Les habitants évoquent un sentiment d’appartenance, ils utilisent des termes d’identité. Ils parlent avec beaucoup de nostalgie et d’amour pour le village. Deuxième question :
115
Chapitre III : Vers une Takrouna à temporalités plurielles
2.Les enjeux programmatiques La nouvelle approche qu’on propose vise à inviter le spectateur à s’identifier et à être acteur dans le lieu, s’imprégner de son esprit ce qui permet de relancer le savoir-faire longtemps abandonné, revivifier la mémoire d’un vécu passé et donc tenter de pérenniser le village et défier le Temps et comme l’indique Maud de Boer-Buquicchio : « Nous disposons d’un outil précieux contre l’amnésie des peuples et qui témoigne de notre passé et qui nous aide à construire notre avenir. Il s’agit de notre patrimoine. »1. Ce patrimoine se doit d’être protégé, partagé et transmis. Dans notre contexte, on a opté pour un parcours qui vise à rappeler aux visiteurs un certain nombre de leçons salutaires sur la vie des Berbères et les inviter à réfléchir, au véritable sens du terme, à leur vécu. Une scénographie tracée au long d’un parcours dans l’espace et dans le temps une ligne de mise en scène qui retrace le passé du village par le biais de capsules temporelles qui stimule l’imagination du visiteur et le transporte dans une autre atmosphère l’atmosphère originelle dynamique du village Gaudi disait « l’originalité est de retrouver l’originel » sans pour autant négliger la Dimension paysagère fortement cherchée par les nouveaux explorateurs. À ce titre là Romain VIAULT disait : « L’architecture consiste à compléter la nature : architecturer le paysage, paysager l’architecture. »
Figure 90:Le chemin
ascensionnel vers Takrouna (source : Thèse Ghazi Ben Ismail)
1 Maud de Boer-Buquicchio : Secrétaire générale adjointe du Conseil de l’Europe, Mémoire du patrimoine, p3
116
Chapitre III : Vers une Takrouna à temporalités plurielles Le choix directeur du programme et de l’intervention découle des constats dégagés à partir du parcours commenté, des témoignages des gens qui fréquentent le village et des ambitions des habitants et des investisseurs. Outils
Intérêts
Visions
Parcours
Mettre en exergue la faille
Établir un équilibre entre la
commenté
entre le vécu, le symbolique,
dimension intersémiotique
le potentiel intersémiotique du
et la dimension paysagère
village et sa perception actuelle.
par la création d’une nouvelle trajectoire qui résulte du brassage des deux parcours.
Lecture
Comprendre le contexte d’étude Revivifier la mémoire et
intersémiotique
et dégager ses potentiels et ses pérenniser le village.
ou analyse
défiances par des observations.
Enquête
Comprendre
le
rapport
de Redynamiser le village et
l’usager au contexte est définir créer une interaction entre ses attentes .
Article
habitant et visiteur.
Cerner les objectifs d’investissement Réanimer les ruines et prévus par les responsables et les procurer une nouvelle représentants du développement expérience d’actualisation. touristique
de
la
région
.La
marginalisation de Takrouna est une problématique d’actualité.
Échelle Territoriale urbaine • Excursion (promenade, déambulation, détente, observatoire, gradins paysagers ) • Sport(parcours cyclable, parcours de santé, coins méditation et yoga )
Échelle architecturale • Touristique (structure d’accueil informative, tourisme culturel) • Culturel (galerie d’exposition, scènes de performances, café associatif, espace de lecture) • Divertissement (coin feu de camp, restaurant, mur d’escalade,points d’animation) • Commerciale (maisons d’hôtes, kiosques de vente de produits artisanaux, café maure) 117
Chapitre III : Vers une Takrouna à temporalités plurielles
3.Corpus référentiel : L’originalité des réalisations sélectionnées provient de la démarche employée par leurs architectes.
3.1.Fragmenter pour cadrer Chaque temporalité du parcours est une invitation d’aller au-delà de ce qu’on voit et de chercher le sens caché du cadre paysager. Pour se faire, l’architecte met l’accent sur un détail, un fragment de la réalité, le cadre et le met en valeur afin de communiquer un message au visiteur. Ce souci de figer le temps, transporter l’observateur dans une autre temporalité a été détecté dans plusieurs interventions dans des situations similaires .
Concours Castle Resort, Italie
Figure 91:Image du palier sujet de concours (source : archdaily)
Il existe des lieux qui appartiennent à l’intériorité, des destinations de rêve qui ne se trouvent pas seulement sur la carte, mais aussi dans l’imaginaire : des « architectures de l’âme », qui nous permettent de fuir la monotonie de la vie quotidienne et qui nous libèrent des contraintes de temps et d’espace. Situés dans des contextes merveilleux, souvent dans des lieux solitaires et presque inaccessibles, les châteaux sont parmi les architectures qui ont toujours su chuchoter au cœur des êtres humains : des lieux de magie, d’intrigues, d’héroïsme, de passions effrénées et de secrets inavouables. Le but de ce concours d’idées était de convertir une forteresse médiévale en une installation touristique exclusive alliant architecture et nature afin de mettre en valeur la valeur historique et paysagère de ce lieu de rêve à Roccamandolfi, dans le sud de l’Italie. 118
Chapitre III : Vers une Takrouna à temporalités plurielles
• Projet : castle Resort path • Architectes : Laura Parra, Sara Olier, Mateo Agudelo, Benjamín Gómez, Juan Jose Arbelaez • Localisation: Roccamandolfi, Italie • Superficie : m² • Année : 2017 • la ligne proposée est une construction spatiale et temporelle qui cherche à interposer la géographie existante Le Roccaman repose sur le sommet de la montagne, mordu par le temps et lié directement au paysage tactile et visuel Ainsi, la ruine est une capsule temporelle qu’une entité atmosphérique est associée à l’histoire et au contenu Figure 92:Plan d’intervention (source :
Archdaily +travail personnel)
La ligne proposée est une construction spatiale et temporelle qui voit s’interposer sur la géographie existante. Le château est un point de référence pour le visiteur, c’est un arrêt incontournable pour les voyages et l’observation. 119
Chapitre III : Vers une Takrouna à temporalités plurielles
Figure 93:coupe (source : archdaily)
• Tout comme le temps appelle une chronologie, le chemin proposé arrête des temporalités et les cadrent spatialement.la temporalité est exprimé sous forme d’une capsule temporelle ; un module construit à travers un système de murs épais dans un sol en gradins qui ne sont contenus que par un métal. Le métal ne change pas, il est censé le garder intact. Le module comporte différentes étapes. Il est construit, du mur en ruine, du métal et du paysage à l’image des composantes de l’existant. • Le chemin est fait dans une plaque métallique qui prétend mettre en évidence la trace du temps sur l’espace. Le module apparaît comme une nécessité alors pour montrer le temps qui passe. Le total ne reste pas comme une ruine, ça devient une construction virtuelle que nous avons habitée. Cette expérience permet d’éveiller la sensibilité du visiteur et questionner la présence de l’homme dans le monde.
Figure 94:Plan masse d’intervention (source : Archdaily)
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Source d’inspiration : le principe de CAPSULE TEMPORELLE
Des bouteilles à la mer jetées dans le temps Appelées « time capsule » (capsules temporelles), ces boîtes qui traversent le temps sont souvent enterrées lors de cérémonies ou de célébrations comme des expositions universelles, des fêtes de villages ou encore pour marquer la remise de diplômes dans certaines universités américaines. Les participants sont invités à y déposer un objet censé représenter leur époque avant que celles-ci ne soient scellées et profondément enfouies sous terre. La plupart du temps l’enfouissement est photographié et ainsi répertorié pour laisser une trace. Mais parfois non, comme ce fut probablement le cas dans la petite ville écossaise. Il arrive même que la capsule temps ne soit pas enterrée, mais seulement conservée dans un endroit sûr, comme en Norvège en 2012, où un paquet datant de 1912 portant la mention « ne pas ouvrir avant 2012 “avait été ouvert devant une salle pleine à craquer et sous l’œil des internautes du monde entier via des webcams. Source : article (une ‘capsule temporelle’ vieille de 121 ans retrouvée en Écosse) consulté en ligne (www.sciencesetavenir.fr » Archéo & paléo » Patrimoine)
121 Figure 95:Perspective générale (source : Archdaily+travail personnel)
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Cadrer par les temporalités
La première configuration de temporalité : Elle consiste à bloquer la visibilité par rapport au paysage naturel environnant afin de communiquer au visiteur un potentiel immatériel du passé ; l’histoire du lieu qui prime. les architectes ont opté pour un évidement de la boîte.
La deuxième configuration de temporalité : Ouvrir légèrement par rapport à l’extérieur pour filtrer la lumière à travers les fragments de ruine et susciter le suspens du visiteur. L’ouverture du champ se fait graduellement comme les ruines qui se dégradent petit à petit.
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Chapitre III : Vers une Takrouna à temporalités plurielles
La troisième configuration de temporalité : Elle exprime l’inachèvement. Les parois de l’enveloppe se baisse pour saluer l’environnement qui les a enfantés cet effet d’effondrement de dégradation et d’érosion stimule la sensibilité de l’occupant au passage du temps. Les fragments de ruines ont un pouvoir suggestif du déjà là.
La quatrième configuration de temporalité : Libérer la capsule de ses parois latérales et laisser exprimer la dimension naturelle. Ouvrir le champ pour se noyer dans le paysage. Offrir une immersion complète avec une grande visibilité. Suggérer le cadre sans le cadrer.
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• Projet : Restaurant Ixi’im • Architectes : Jorge Bolio Arquitectura + Lavalle + Peniche Arquitectos + Mauricio Gallegos Arquitectos + Central de Proyectos SCP/ • Localisation : Mexique • Superficie : 416,0 m² • Année : 2016
3.2.Cadrer les fragments Aujourd’hui, il est courant d’entendre des architectes de renom réclamer non pas la création de nouveaux espaces, mais la restauration de ceux déjà existants. Cette position insiste sur le fait qu’il est de son devoir en tant qu’architecte de sauver la mémoire d’un site en l’intégrant ici et maintenant. Comme l’a dit le philosophe Jean Paul-Sartre, « ce qui est important n’est pas ce qui nous arrive, mais ce que nous faisons de ce qui nous arrive ».
Façade Nord 124
Chapitre III : Vers une Takrouna à temporalités plurielles La séquence spatiale permet au visiteur de transiter entre les époques, se terminant dans l’ajout contemporain, dont l’intégration physique et visuelle avec la place principale et ses composantes clôt un cycle de respect et d’appartenance.
Coupe A-A
Coupe B-B 125
Figure 96:Restaurant Ixi’im(Source:Archdaily+travail personnel)
Chapitre III : Vers une Takrouna à temporalités plurielles La stratégie d’intervention se matérialise dans une grande enceinte métallique qui tisse, à travers le bâtiment préexistant, le nouveau programme architectural. Ce cadre articulé, dont le décalage interne libère les murs existants de la responsabilité structurelle La proposition commence par établir une pause dans cette circulation à travers un seuil subtil qui contient pratiquement l’espace d’accès à la ruine. Générer un nouvel espace interstitiel de dialogue entre patrimoine et intervention
126 Figure 97:Restauration du restaurant Ixi’im(Source:Archdaily+travail personnel)
Des fragments de ruines. La trace du temps se manifeste par la dégradation des murs, l’effondrement de la toiture et l’apparition de quelques fissures. Il ne reste que le gabarit général du bâti.
la création d’un cadre métallique qui libère les murs de leurs fonctions porteuses et restitue l’emprise de l’ancien bâtiment et redonne vie aux espaces lentement non exploités
Ce cadre a généré de nouvelles spatialités et a achevé ce que le temps a effacé. Il trace la continuité visuelle de l’existant et innove par la création de nouvelle temporalité telle que celle de l’accueil.
Le résidu des murs est resté intact avec l’ajout d’autres murs intérieurs pour consolider la nouvelle toiture sans altérer l’existant.
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•
Projet : Hacienda de las Flores (maisons d’hôtes) • Architectes : ETB Studio • Localisation : Villa franca de los Barros, Espagne • Superficie : m²
3.3.Fragmenter pour cadrer : Un système flexible de volumes plus petits qui se déplacent en fonction de la direction et de la recherche de la lumière. Un dynamisme de fragmentation qui se pose selon l’importance du sujet à cadrer. Le souci des architectes était d’insérer une architecture dans le paysage, en produisant continuité, complexité et beauté. La continuité est produite par une fluidité de passage de l’extérieur à l’intérieur. La complexité est générée par les différents ongles de vue cherchés.
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C’est un complexe dynamique qui ressemble plus à une ville qu’à un bâtiment. Le dynamisme formel du cadrage sert comme provocateur du mouvement oculaire dans toutes les directions. Les architectes ont accordé une attention particulière au territoire et au paysage environnants. L’enveloppe extérieure abrite une deuxième peau intérieure ; des unités d’habitation avec une échelle plus petite et une ambiance authentique d’occupation de l’espace.
Peau extérieure
Unité d’habitation intérieure
Figure 98:Hacienda de las flores (Source:Archdaily+travail personnel)
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3.4.Dominer le cadre • Projet : 360 ° Viewpoint • Architectes : WaterScales arquitectos • Localisation : Espagne • Année : 2019
Le village a une histoire riche et intéressante liée à la défense maure contre les catholiques et à la création de la malagueña, une sorte de chanson flamenca. Il a eu lieu un concours d’architecture pour la rénovation des environs du château afin de rénover les équipements publics ainsi que d’attirer de nouveaux voyageurs. Les architectes ont proposé une intervention appelée « tapisserie à l’échelle 1 : 1 » qui capture l’énergie de son paysage culturel dans des points parcours de cadrage visuel.
Plan masse Figure 99:360 degrés viewpoint (Source:Archdaily+travail personnel)
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Ce serait une sorte de carte en pierre qui aiderait le visiteur à voir, découvrir, connaître et découvrir le paysage culturel. La deuxième phase de l’intervention complète a fait partie du chemin vers le château et le soi-disant point de vue 360º. C’est une temporalité sur le chemin, un lieu de contemplation et un point d’information du paysage culturel. Son plancher est fait de plaques métalliques créant une transparence vibrante. La balustrade est constituée de fines barres verticales supportant une main courante de largeur qui contient des textes aériens perforés. Les perforées indiquent des périodes historiques, des personnes importantes ou des données intéressantes pour le voyageur, et les aériennes indiquent des endroits spéciaux du paysage.
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Conclusion des concepts retenus Approche contextuelle • Une scénographie territoriale. • Des capsules qui combinent la géographie et la géométrie. • L’entrelacement : dialogue entre ancien et nouveau.
Approche fonctionnelle • Multiplicité fonctionnelle. • La fonction fond avec les espaces existants. • Créer de nouvelles spatialités à partir de l’existant.
Approche formelle
• Dynamisme de fragmentation pour cadrer plus de vues.
• Créer des points de dominance visuelle pour simuler toutes les composantes et donner une lecture globale. 132
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4.Émergence du projet 4.1.Organigramme fonctionnel
133 Figure 100:Organigramme fonctionnel (Source : Auteur)
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4.2.Intentions L’intervention se développe sur quatre niveaux du public au semi-public allant vers le sacré jusqu’au privé. Ces échelles d’actions ont été dégagées à partir de la lecture stratifiée du village émanant du parcours d’accès ascensionnel des visiteurs et des habitants.
Lecture stratifiée
Figure 101:Intentions (Source:Pinterest + Travail personnel)
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4.3.État des lieux
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137 Figure 102:Relevé de l’existant (source : Auteur)
Des tas de pierres qui bloquent la circulation. Des murs écroulés, des toitures délabrées Des plantes sauvages qui poussent au centre de la maison.
Le bleu des murs se mélange avec la couleur ocre de la pierre. La texture de l’enduit s’est dégradée… 138
139 Figure 103:Relevé de l’existant (source :
Auteur)
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Figure 104:Relevé de l’existant maison 3(source : Auteur)
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142 Figure 105:Relevé de l’existant boutique (source : Auteur)
143 Figure 106:Relevé de l’existant maison 4 (source : Auteur)
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4.4.Repérage programmatique «Le parcours est un symbole existentiel de base qui concrétise la dimension du temps : parfois ce parcours peut conduire à une destination riche de sens où le mouvement s’arrête et où le temps devient permanence.» christian norberg schulz , Genuis loci ,paysage ambiance architecture,p56 Le circuit entrepris par les visiteurs est semblable à celui des habitants. Le parcours débute par les escaliers. Il est ponctué par des tempos de repos. Le problème constaté est que cette visite n’intègre pas une communication entre visiteur et habitant. On propose d’animer ces temps de latence et les renforcer par des installations qui guident le visiteur et lui rappelle l’esprit du village. L’intervention consiste à tracer une scénographie par des temporalités ayant comme parti architectural l’intermédialité.
Figure 107:Repérage programmatique(source: Auteur)
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5.Intervention (Esquisse) 5.1.Intervention Territoriale urbaine Créer des points parcours pour guider le visiteur et orienter sa perception vers les temporalités intersémiotiques et paysagères du village. L’espace public est, dans certains cas, modifié, par la création de petites zones aplaties ou des gradins , alors que dans d’autres cas, il est délibérément laissé inchangé afin de préserver son état sauvage et rocheux. « Les visiteurs pourraient donc cheminer à la recherche d’émotions comme source de plaisir… Si l’on observe le visiteur se déplacer de lieu en lieu, il est évident qu’il chemine aussi mentalement ». Gilsoul Nicolas, l’architecture émotionnelle au service du projet, Paris, 2009, p370 La matérialité des cadrages exprime l’effet de l’usure et renvoie donc au passage temporel.
Capsule de méditation
Gradins paysagers
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Chapitre III : Vers une Takrouna à temporalités plurielles
Observatoire :360 view point
147 Figure 108:Incrustations (Source: Auteur)
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Chapitre III : Vers une Takrouna à temporalités plurielles
5.2. Intervention architecturale Notre choix s’est porté sur ce terrain en raison de sa localisation en périphérie de l’ancien noyau de Takrouna et du fait qu’il se situe en contre bas du piton, mais avec une grande visibilité sur les champs en bas. Le site présente de nombreux points forts tels que l’accessibilité facile par les visiteurs et les habitants à partir de la voie véhiculaire ainsi qu’un emplacement stratégique quant à la lecture du projet. On peut retenir aussi deux paramètres importants pour la suite de la conception à savoir le rapport avec les maisons existantes et l’influence des percées paysagères, vues panoramiques et des cadrages des autres plateaux sur la lecture de l’espace. Il s’agit d’un assemblage de quatre maisons composées de pierres instables accrochées les unes aux autres. Leur arrangement est si expressif et fascinant qu’il semble artificiel. Il s’agit d’une sculpture de maisons aux toits arrachés, aux voûtes interrompues et aux murs en ruine. C’est un lieu qui n’appartient pas au présent. Cet espace est pris au piège dans les profondeurs du passé. Ici, le temps et l’abandon ont fait l’un de leurs miracles les plus indescriptibles.
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Perspectives (esquisses)
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L’intervention consiste à injecter une structure d’hébergement à l’intérieur des maisons avec un café maure et les annexait avec un restaurant des kiosques de vente, une piscine , un coin feu de camp ainsi que des gradins paysagers pour la méditation et des plateaux sous forme de scènes de performances musicales théâtrales et cinématographiques.
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Plan d’intervention 153
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La ruine expose et s’expose
La création d’une galerie métallique à travers les fragments de ruines permet à la ruine d’exposer le paysage environnant et de s’exposer ellemême. L’usager traverse la ruine et la déambule. Ces maisons exposent leur intérieur, leur texture et leur matérialité à l’usager. Les fragments de ruine font des parties intégrantes de l’espace. La dégradation communique l’effet du passage temporel et de l’usure. 154
Chapitre III : Vers une Takrouna à temporalités plurielles
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Expérience immersive
Ces maisons exposent leur intérieur et permettent au visiteur de vivre une ambiance ancestrale authentique. L’intervention vise à garder l’enveloppe extérieure et l’habiter et donc créer une expérience sublime pour les visiteurs : vivre parmi les ruines et s’endormir sous les voûtes découvertes d’un village quasiment abandonné. Les visiteurs auront l’occasion de s’allonger sous un ciel étoilé. Un itinéraire facilement amovible est placé, afin de faciliter la circulation des visiteurs parmi les ruines et d’unifier l’espace fragmenté des maisons. 156
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À l’aube de chaque fin l’amorce d’un nouveau départ.
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Projet
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3
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Table des figures Différentes approches abordées (source : auteur) .......................................................................11 L’effet de temps (source : Pinterest) ...............................................................................................12 Les besoins existentiels de l’Homme (source : Auteur) ...........................................................14 Modèle sémiotique (source : auteur) ...............................................................................................15 Démarche de Ali Djerbi (source : Auteur) ...................................................................................16 Différentes typologies d’habitat (source : Mémoire d’architecture +travail personnel) ............17 zriba olya (source : photo prise par NabilRamzi) .......................................................................18 Guermessa (source : photo prise par zizou guide) .......................................................................18 Tataouine (source : Google) ..........................................................................................................18 Effet temps (source : Pinterest) ...............................................................................................19 Homme, lieu et temps (source : Pinterest +travail personnel) ................................................20 zriba un village fantôme (source : Auteur) ...................................................................................21 Zriba un noyau de vie (source:T84-14/4) ...................................................................................21 Paysage authentique défiguré (source : mémoire d’architecture +travail personnel) ............22 Matmata un haut lieu d’habitat troglodytique berbère (source : Mémoire d’architecture de Lamia Atoui) ......................................................................................................................................................................22 Figure 16 Kesra, un village camouflé (source:Google+travail personnel) ................................................23 Figure 17 Greffe décontextualisée (source : Auteur) ...................................................................................23 Figure 18 Le temps et la chronotopie (Source:Pinteret)...................................................................................24 Figure 19 l’intersémiotique (Source: Auteur) ...............................................................................................28 Figure 20 l’intermédialité (Source: Auteur) ...............................................................................................29 Figure 21 Synthèse (Source: Behance +travail personnel) .......................................................................31 Figure 22 L’âme de Takrouna (source : Auteur) ...................................................................................32 Figure 23 Situation géographique (Source : auteur) ...................................................................................34 Figure 24 Villages de montagne. (Source : Wikipédia +travail personnel) ................................................35 Figure 25 Emplacement des trois villages. (Source : mémoire d’architecture) ................................................36 Figure 26 Plan de situation de Takrouna et son accès par rapport à la nouvelle ville (source : auteur) 36 Figure 27 Géomorphologie de Takrouna (source : mémoire d’architecture) ................................................37 Figure 28 Des fossiles qui datent du miocène pris au musée de Takrouna (source : auteur)............ ............37 Figure 29 Coupe générale sur le rocher assise du village (source : auteur) ...............................................38 Figure 30 Du rocher et sur le rocher s’élève le village (source : collage, auteur) ....................................38 Figure 31 Coupe du rocher protecteur contre le vent (source : auteur) ...........................................................39 Figure 32 Faune (source : auteur) ..........................................................................................................40 Figure 33 Flore (source : Pinterest)..................................................................................................................41 Figure 34 Distribution des sources naturelles (source : auteur)........................................................................41 Figure 35 Femme berbère (source : Google) ...............................................................................................43 Figure 36 Structure sociale du village (source : carnet de voyage d’étude +travail personnel)........................44 Figure 37 femme matrice de la culture berbère (source:Pinterest+travail personnel) ...................................45 Figure 38 Symboles et significations (source : Wikipedia) ......................................................................46 Figure 39 Femmes berbères tatouées (source : Pinterest) ......................................................................47 Figure 40 Occupation stratifiée (source : auteur)............................................................................................48 Figure 41 Morphogenèse du village (source : auteur) ..................................................................................49 Figure 42 Les familles du village (source : auteur) ..................................................................................50 Figure 43 Centre cultuel et culturel (source : Halima Kamel « L’éveil d’une crête aux pierres dormantes » Village Takrouna +travail personnel) ..........................................................................................................51 Figure 44 Cœur battant du village (source : Mémoire d’architecture +travail personnel) ........................52 Figure 45 De la fragmentation urbaine à l’union sociale (source : Pinterest + travail personnel) ............53 Figure 46 Entre ciel et terre (source : auteur) ...............................................................................................54 Figure 47 Unité d’habitation (source : Auteur) ...............................................................................................54 Figure 48 Évolution de l’habitat (source : mémoire +travail personnel)............................................................55 Figure 49 Localisation des maisons (source : Auteur) ...................................................................................56 Figure 50 Plans des maisons (source : mémoire d’architecture+ travail personnel) ...................................56 Figure 51 Matériaux de construction (source : auteur) ...................................................................................57 Figure 52 Matériaux de construction (source : auteur) ...................................................................................58 Figure 53 Types d’encadrement (source : auteur) ...................................................................................58 Figure 54 Techniques de construction (source : mémoire) .......................................................................59 Figure 55 Toiture en voûte (source : mémoire d’architecture) ......................................................................60
Figure 1 Figure 2 Figure 3 Figure 4 Figure 5 Figure 6 Figure 7 Figure 8 Figure 9 Figure 10 Figure 11 Figure 12 Figure 13 Figure 14 Figure 15
164
Toiture en voûte (source : auteur) .....................................................................60 Toiture plate (source : mémoire d’architecture) ..............................................61 Toiture plate (source : Auteur) ......................................................................61 Mode de production takrounien (source : Auteur) ..............................................62 Mode d’expression (source : thèse voyages de Ghazi Ben Ismail) .......................63 Les temporalités de Takrouna (source : google) ..............................................65 Relevé État des lieux (source : Auteur) ..........................................................66 Refuge (source : Alexandre Rosa) .....................................................................67 Croquis, (source : Rached Triki) .....................................................................68 Le centre du sacré au profanisé(Source:Google) ..............................................68 Takrouna entre symboles et image .....................................................................68 Perspectives sensorielles, Sébastien Malouin ..............................................69 Plan d’accès au village (source : Auteur)................................................................70 Temporalité d’accueil (source : Auteur) .........................................................72 Temporalité de suspens (source : Auteur) ..........................................................74 Temporalité de découverte (source : Auteur) ..........................................................76 Temporalité de transition (source : Auteur) ..........................................................78 Temporalité de repos (source : Auteur) ..........................................................80 Temporalité de dominance (source : Auteur) ..........................................................82 Temporalité de déambulation (source : Auteur) ..............................................85 Temporalité d’arrivée (source : Auteur) ..........................................................87 Schéma de synthèse du 1er parcours (source : Auteur) ..................................88 Temporalité d’éveil (Source: Auteur) ......................................................................90 Temporalité de maîtrise technique( Source : mémoire d’architecture de Aziz Zlaoui+ travail personnel) .....................................................................................................................92 Figure 80 Temporalité artisanale( Source : mémoire d’architecture de Aziz Zlaoui+ travail personnel) ................................................................................................................................95 Figure 81 Temporalité de synthèse( Source : mémoire d’architecture de Aziz Zlaoui+ travail personnel) ................................................................................................................................96 Figure 82 Temporalité de supervision (Source : mémoire d’architecture de Aziz Zlaoui+ travail personnel) ................................................................................................................................99 Figure 83 Temporalité nostalgique (Source: mémoire d’architecture de Aziz Zlaoui+ travail personnel) ..............................................................................................................................100 Figure 84 Schéma de synthèse du 2ème parcours (source : Pinterest +travail personnel)..102 Figure 85 1er parcours ......................................................................................................104 Figure 86 2ème parcours ..........................................................................................104 Figure 87 Confrontation des deux parcours (source : Auteur) ...........................................104 Figure 88 Joyau de Takrouna (source : photo prise par Anis Nunzio) ...............................107 Figure 89 Takrouna à travers ses ruines (source : cliché Auteur) ...............................108 Figure 90 Le chemin ascensionnel vers Takrouna (source : Thèse Ghazi Ben Ismail)........116 Figure 91 Image du palier sujet de concours (source : archdaily) ...............................118 Figure 92 Plan d’intervention (source : Archdaily +travail personnel) ...............................119 Figure 93 Plan masse d’intervention (source : Archdaily) ...........................................120 Figure 94 coupe (source : archdaily) ..............................................................................120 Figure 95 Perspective générale (source : Archdaily+travail personnel)...............................121 Figure 96 restaurant Ixi’im(Source:Archdaily+travail personnel) ...............................125 Figure 97 Restauration du restaurant Ixi’im(Source:Archdaily+travail personnel)...............126 Figure 98 Hacienda de las flores (Source:Archdaily+travail personnel) ...................129 Figure 99 360 degrés viewpoint (Source:Archdaily+travail personnel)................................130 Figure 100 Organigramme fonctionnel (Source : Auteur) ...........................................133 Figure 101 Intentions (Source:Pinterest + Travail personnel) ...........................................134 Figure 102 Relevé de l’existant (source : Auteur) ......................................................137 Figure 103 Relevé de l’existant (source : Auteur) ......................................................139 Figure 104 Relevé de l’existant maison 3(source : Auteur) ...........................................141 Figure 105 Relevé de l’existant boutique (source : Auteur) ...........................................142 Figure 106 Relevé de l’existant maison 4 (source : Auteur) ...........................................143 Figure 107 Repérage programmatique(source: Auteur) ......................................................144 Figure 108 Incrustations (Source: Auteur) ..................................................................147
Figure 56 Figure 57 Figure 58 Figure 59 Figure 60 Figure 61 Figure 62 Figure 63 Figure 64 Figure 65 Figure 66 Figure 67 Figure 68 Figure 69 Figure 70 Figure 71 Figure 72 Figure 73 Figure 74 Figure 75 Figure 76 Figure 77 Figure 78 Figure 79
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Bibliographie Livres • Ali Djerbi, l’architecture vernaculaire de Djerba, pour une approche sémio-anthropologique • Christian norberg Schulz , Genuis loci ,paysage ambiance architecture • De la forme au lieu: une introduction à l’étude de l’architecture, Pierre Mas (1986) • Christian norberg Schulz ,L’art du lieu: Architecture et paysages permanence et mutations(1997)
Livres en PDF • Salima Naji ,Art et architectures berbères du Maroc • Olivier Darmon, Habiter les ruines: Transformer et Réinventer • Brice Kester, La générosité ,une réponse à la pratique architecturale,trois architectes en quête de liens entre poétique et éthique (2009) • Pierre Boudon , Odile Le Guern , Nicole Everaert-Desmedt , Alain Rénier, Françoise Parouty-David :LE SENS DU PARCOURS • Hamer Jules, Habiter la fragmentation: un hameau méditerranéen à Marseille • Manar Hammad , Sémiotiser l’espace : décrypter architecture et archéologie :essais sémiotiques(2015)
Mémoires • Mahmoud Bouguerra ,Régénération d’un village berbère au NordEst de la Tunisie «Zriba Olia» (2017) • Amira Ftaita , De la Morpho-Mimésis : Kesra El Olya, une architecture furtive(2019) • Malek Boukadida, A la quête d’une poétique d’un lieu • Jamila Garfa , Zriba Olya:Poétique d’un lieu mnésique (2019) • Hassene Jeljeli ,A la rescousse du patrimoine et de l’environnement en dégradation , Shusira :Un centre de formation en techniques de construction en pierre (2016) 166
Sites web • http://www.inumiden.com/rendez-christian-sorand-chercheurhistoire-antique/ • https://jahiliyyah.wordpress.com/2010/10/16/les-derniers-rois-numides/
Vidéo • Rendez-vous Christian-sorand-chercheur-histoire-antique • Augustin Berque, ‘Où réside l’esprit du lieu ‘ • Augustin Berque ,‘Modernité, mésologie, orientalisme - un changement de paradigme ‘ • Peter Zumthor and Juhani Pallasmaa ,Architecture Speaks • https://www.youtube.com/watch?v=BZKUzi5dX1s&t=35s • https://www.youtube.com/watch?v=gH7jIoc02Uo
Articles • article (Une ‘capsule temporelle’ vieille de 121 ans retrouvée en Écosse) consulté en ligne (www.sciencesetavenir.fr » Archéo & paléo » Patrimoine)
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