Retranscription assises

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PREMIERES ASSISES DE LA DEMARCHE HQE Ouverture des Assises

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« Etat des lieux », des points de vue sur la démarche HQE

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PREMIERS ATELIERS : LA DEFINITION EXPLICITE DE LA QE DES BATIMENTS Eco-construction

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Ecogestion

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Confort et santé

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DERNIERS ATELIERS : LES MOYENS D’OBTENTION DE LA QE DES BATIMENTS Management environnemental des opérations

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Economie de la QE

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Formation des professionnels

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Animation du tissu opérationnel

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Clôture de la journée

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Dominique BIDOU

Allocution du Ministre de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement

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Yves COCHET

HQE : MODE D’EMPLOI La démarche HQE en pratique

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Table ronde - débat

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Déjeuner/débat : l’habitat individuel et la démarche HQE

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OBJECTIF : 10 % DES CONSTRUCTIONS HQE Synthèse de la matinée

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Olivier PIRON

L’engagement des conseils régionaux

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Andrée BUCHMANN

L’engagement d’un département, l’Hérault

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André VEZINHET

ALLOCUTIONS ET CLOTURE Clôture de la journée

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Dominique BIDOU

Intervention du Président du Conseil régional d’Aquitaine

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Alain ROUSSET

Intervention de la Secrétaire d’Etat au logement Marie-Noëlle LIENEMANN

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Premières Assises de la démarche HQE

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Premières Assises de la démarche HQE Ouverture des Assises Claude MELLIER, Vice-Présidente aux Technologies de l’Environnement du Conseil régional d’Aquitaine Ces Premières Assises Nationales de la démarche Haute Qualité Environnementale sont organisées en région Aquitaine, dans sa métropole régionale, Bordeaux. La préoccupation environnementale est celle de toutes les collectivités locales, mais en Aquitaine – peut-être un peu plus qu’ailleurs – cette préoccupation est loin d’être un supplément d’âme : c’est une question d’existence et d’identité. C’est pour ces raisons que la Région a été à l’initiative de ces Assises. Nous disposons en effet, grâce à la géographie, la nature et l’action des populations, d’un patrimoine exceptionnel : nous souhaitons le protéger et valoriser, pas seulement pour lui-même, mais pour qu’il réponde mieux aux besoins et aux aspirations des Aquitains, mais aussi des amoureux de l’Aquitaine, dans le domaine économique, touristique, social, culturel, environnemental et démocratique. Cette démarche, qui marie les préoccupations environnementales, économiques et urbaines, notre Région tente de la mettre en œuvre à travers une politique d’aménagement du territoire axée sur le développement durable. Pour nous, comme le précise la loi, « la politique de l’aménagement du territoire est une politique qui contribue à un développement durable associant performance économique, justice sociale et qualité de l’environnement, qui favorise la participation de l’ensemble des acteurs et qui mobilise les territoires au profit de l’emploi. » C’est cette conception qui nous anime dans le développement de la démarche HQE. Avec la question de la construction et du bâtiment, nous sommes au cœur d’une préoccupation humaine essentielle, celle d’un logement de qualité pour tous, au cœur d’une activité économique importante de la région, au cœur d’un domaine largement ouvert sur le développement de la recherche et des technologies nouvelles. Encore faut-il, vis -à-vis de tous ces acteurs, que la démarche HQE n’apparaisse pas dans une dimension normative, réglementaire, contraignante. Elle doit constituer un atout pour la vie des familles, l’activité des entreprises, le cadre de vie, mais aussi pour l’avenir de notre planète qui est concernée lorsqu’il s’agit de secteurs aussi importants que l’économie de la consommation de l’eau et de l’énergie. Nous mesurons sans doute les uns et les autres les efforts qu’il nous faut accomplir pour renverser l’image de cette politique publique et pour faire en sorte que les individus et les entreprises y adhèrent comme dans un mouvement naturel vers plus de confort, vers plus de santé, de bien-être et d’efficacité. Il nous a semblé que l’un des meilleurs moyens pour atteindre ce résultat était d’aller au-delà du discours et de donner l’exemple. En effet, un conseil régional dispose d’un ensemble d’équipements d’outils sur lesquels et avec lesquels il peut et il doit agir. Pour cela, nous nous sommes dotés dès le départ du Service des technologies de l’environnement, placé sous l’autorité spécifique d’une Vice-président. Dans le cadre de la démarche HQE, montrer l’exemple signifie s’occuper des bâtiments dont nous avons la responsabilité, à commencer par notre siège, l’Hôtel de Région, où a été mis en place un système de management environnemental. Autre application concrète, la démarche HQE a été mise en place pour l’opération d’extension et de restructuration du lycée d’enseignement professionnel des métiers du bâtiment de Blanquefort. Aux objectifs déjà définis pour les opérations menées à l’Hôtel de Région, s’ajoute la dimension pédagogique propre à un établissement éducatif, d’autant plus qu’il est tourné vers les métiers de la construction et du bâtiment. Sur la base de cette auto-expérimentation, nous n’avons que plus de compétence et d’autorité, d’abord pour mobiliser à l’éco-conception l’ensemble des intervenants de la construction, mais aussi pour procéder à un inventaire des compétences Aquitaine en matière de HQE, mission qui est remplie par le Centrex (Centre de ressources Aquitain pour l’innovation dans la construction), avec le soutien de la Région et de l’Agence de l’Environnement et de la maîtrise de l’Energie.

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Premières Assises de la démarche HQE

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Ainsi, si nous n’avons pas la paternité de la démarche HQE, nous l’avons faite pleinement notre car nous y voyons un important instrument de développement économique, territorial, démocratique et humain. La philosophie et l’activité que nous déployons autour de la démarche HQE nous ont naturellement conduit, avec nos partenaires, le réseau IDEA et l’Association HQE, à tenir ces Premières Assises Nationales de la HQE. Nous vous offrons le cadre de la tenue de vos travaux et, en échange, nous attendons beaucoup de vos interventions et de vous débats pour donner un élan dynamique à notre réflexion et à notre action en Aquitaine.

Dominique BIDOU, Président de l’Association HQE Ces Assises ont pu être organisées en particulier grâce au soutien important du Conseil régional et du réseau IDEA. La HQE des bâtiments se trouve aujourd’hui dans une période charnière, marquée par l’organisation de ces Assis es. Nous avons vécu une première période, à caractère exploratoire, qui s’achève. Devant nous se profile une échéance déterminante, celle du « décollage » nécessaire de la HQE, même si cela correspond à une période à risque. La HQE a acquis une certaine notoriété aujourd’hui et correspond à une attente. Toutefois, de nombreux acteurs s’interrogent encore et souhaitent notamment se sentir sécurisés pour pouvoir entrer dans la démarche : l’enjeu que nous devons relever aujourd’hui consiste à leur donner les instruments qui leur permettront de le faire. Tous les acteurs du bâtiment et de la construction doivent en effet pouvoir emprunter des démarches HQE sans être pour autant des militants. Nous sommes encouragés à réaliser cette évolution par la commande qu’a passée Marie-Noëlle Lienemann : au cours de l’été, elle nous a demandé de lui apporter un moyen d’identifier les opérations qui participent d’une démarche HQE, de manière à pouvoir les aider. La HQE, à terme, n’aura pas à être aidée car il s’agit d’une démarche normale qui s’avérera économiquement intéressante : toutefois, il est souhaitable d’accompagner les périodes de transition notamment par des soutiens financiers. C’est ce que Madame Lienemann nous propose, dans le domaine des HLM neufs. La puissance publique doit pouvoir identifier les opérations qui s’engagent véritablement dans une démarche HQE et les distinguer de celles qui ne consentiraient que des efforts superficiels. L’encouragement de Marie-Noëlle Lienemann, Secrétaire d’Etat au logement, a été doublé par celui du Ministre en charge de l’environnement, Yves Cochet. Deux types de développement de la HQE s’imposeront. D’une part, il faut remporter un succès quantitatif : le nombre d’opérations HQE doit devenir significatif, et si elles atteignent le seuil de 10 %, nous considérerons que la démarche aura réellement « décollé ». D’autre part, la HQE devra investir de nouveaux domaines comme le bâtiment existant – où de nombreux développements restent à réaliser – en termes de gros travaux, de réhabilitation, mais aussi dans le champ encore très ouvert de la maintenance. En effet, il ne s’agit pas de produire des « bâtiments HQE », mais plutôt de produire des bâtiments issus d’une démarche : encore faut-il que ces bâtiments sachent conserver, voire améliorer leurs performances, notamment parce qu’ils doivent suivre le progrès technique. Aussi, il faut parvenir à une « maintenance améliorative » de ces constructions. Un autre domaine d’évolution de la HQE est celui de l’aménagement et de l’urbanisme : si une maison HQE est mal implantée par exemple, l’opération perdra de son sérieux. Cela prendra du temps car il faudra notamment s’intéresser au choix des parcelles d’implantation des bâtiments HQE et à l’organisation de ces parcelles. Les conditions du développement de la démarche passent avant tout par la définition d’instruments opérationnels à la disposition des acteurs : les travaux des Assises seront largement tournés sur les référentiels, qui ont fait l’objet d’un travail important de l’Association. Ce travail doit être finalisé avec tous les acteurs. Il faut également des compétences professionnelles : nous n’avons pas l’intention de faire émerger un corps de spécialistes de la HQE. S’il est nécessaire que des spécialistes existent pendant cette période de lancement, à terme, nous espérons que l’ensemble des professions du bâtiment (conception, maîtrise d’ouvrage, réalisation…) auront acquis, parmi leurs compétences de base, une « intelligence de l’environnement ». Il apparaît également essentiel de capitaliser les expériences, après une première phase où des opérations très diverses ont été réalisées. Il convient de tirer un bilan des méthodes proposées, afin de les améliorer. Il faut produire des systèmes de références afin d’identifier les démarches suivies, de sécuriser les acteurs par la mise en place de méthodes… Toutefois, un système figé serait vite dépassé et entraverait le progrès. Aussi, il faut mettre en place un système balisé, qui puisse évoluer régulièrement. Pour cela, il convient de mettre en place une sorte d’observatoire, doublé d’un centre de ressources. Ces observations nous permettrons de faire évoluer la méthode et de donner à chaque acteur l’ensemble de l’information dont nous disposerons. Pour répondre à la demande de Marie-Noëlle Lienemann et pour éviter que la démarche ne s’égare, il faut mettre en place un système de reconnaissance des opérations HQE. Au début de la démarche, la marque déposée HQE a été employée parfois avec bonne volonté, mais pas forcément avec la rigueur nécessaire : progressivement, il faudra discipliner l’usage de cette marque et mettre en œuvre les instruments le permettant. En effet, les acteurs qui sont vertueux doivent être protégés des tricheurs. Ces instruments permettront de plus de renseigner le centre de ressources qui devra être mis en place.

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Premières Assises de la démarche HQE

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Enfin, le travail sur la dimension économique apparaît déterminant. Bientôt, la démarche HQE devra se développer à coût égal. Même si la HQE s’avère très souvent intéressante en termes de coût global, les investisseurs sont limités par leur budget à un moment donné. Des opérations déjà menées entrent dans les canons habituels en termes de coûts, mais en cette période d’innovation, des acteurs souhaitent obtenir des garanties : il faut sans doute approfondir la notion d’économie et de retour sur investissement, afin d’intégrer la HQE dans une démarche économique ordinaire pour la banaliser. Le chiffre d’affaires du secteur du bâtiment atteint environ 500 milliards de francs aujourd’hui. Toutefois, ce chiffre reste faible par rapport au prix réel : il faudrait y ajouter les consommations et le fonctionnement des immeubles. En tenant compte de ces paramètres, il semble que la masse financière concernée atteindrait plutôt une valeur approchant 2 000 milliards de francs. Aussi, il existe un enjeu économique considérable à améliorer l’efficacité sur un budget aussi important. Un mouvement relativement analogue au mouvement HQE est animé par David Gottfried aux Etats-Unis : ils ont calculé, sur 30 ans de vie d’un bâtiment tertiaire, le coût total que représentait pour une entreprise la construction, le fait de l’exploiter et le coût lié au personnel. La construction du bâtiment représente 2 %, son exploitation 6 %. Aussi, si l’on travaille sur les 2 % et les 6 % que représentent les deux premiers postes, afin d’augmenter la qualité de vie du personnel, il apparaît que l’on peut énormément gagner en termes de productivité sociale.

Philippe GARRIGUES, Président du réseau IDEA Le réseau IDEA est une association loi 1901 créée à l’initiative du Conseil régional d’Aquitaine en 1999 pour mettre sur pied essentiellement deux missions : une mission de réseau au niveau des acteurs de l’environnement, ainsi qu’une mission d’observation par la création d’un Observatoire de l’environnement en Aquitaine. Nous sommes partenaires de cette opération : dès juillet 2000, la Région a émis le souhait auprès du réseau IDEA d’organiser un événement à Bordeaux sur le thème de la HQE. Des réunions ont été faites entre le Service technologies de l’environnement et le réseau IDEA : la Région a fait part de son souhait d’inscrire la réalisation de cet événement dans une perspective de constitution de filière économique de HQE en Aquitaine. La région a confié la charge de la conception, de l’élaboration et de la mise en œuvre de cet événement au réseau IDEA et l’a autorisé pour cela à mettre en place une charte de partenariat entre la Région Aquitaine et l’Association HQE. Par ailleurs, le réseau IDEA a fait état de son projet de mettre à profit la réalisation de cet événement dans une perspective à long terme d’élaboration concertée avec l’ensemble des acteurs aquitains compétents et concernés d’un système technico-économique de suivi et d’évaluation de la démarche en région, qui pourrait ainsi contribuer à la constitution du cœur des activités d’observation et d’aide à la décision que le réseau IDEA se doit de développer de par ses statuts. Début 2001, le réseau a commencé à œuvré à l’élaboration de cette charte, qui stipule que la Région Aquitaine et l’Association HQE interviennent en tant que co-pilotes de l’événement, l’association HQE apportant son appui technique au montage de l’opération qu’elle intègre dans le tour des régions qu’elle entreprend et le réseau IDEA assure la maîtrise d’ouvrage de l’événement et intervient en tant qu’organisateur avec l’appui des prestataires. Un comité de pilotage et un comité d’organisation des Assises ont été constitués et d’autres partenaires nous ont rejoint. Ainsi, nous nous retrouvons aujourd’hui à cette manifestation, qui remportera un grand succès. Le réseau IDEA, en sa qualité de co-partenaire de ces Assises et compte tenu de ses missions en matière d’observation de l’environnement et de développement durable à une échelle territoriale régionale, a inscrit sa participation à la préparation de ces Assises non seulement au plan organisationnel, mais aussi dans une perspective de construction d’un outil d’observation du degré d’intégration de la démarche HQE dans les pratiques des acteurs en Aquitaine. Il s’agit d’un point fort important, qui sera un prolongement à cette manifestation. En effet, le montage d’un événement ne correspond pas en tant que tel à la mission de base du réseau IDEA, mais constitue pour lui l’opportunité de faire connaître à son réseau d’adhérents et de partenaires aquitains les enjeux de la HQE. Nous comptons 80 adhérents environ, représentant divers intérêts socioprofessionnels et économiques : il était important que la démarche HQE – qui reste pour l’instant réservée à quelques initiés – soit connue du plus grand nombre. Le rôle du réseau IDEA s’inscrit en complémentarité des missions confiées à des acteurs spécialisés dans le domaine de la construction et contribue à générer une dynamique entre l’ensemble des participants de la filière, favorable à la valorisation des actions et des initiatives d’acteurs spécialisés qui sont d’ores et déjà inscrits dans cette sensibilisation de la démarche. Il s’agit aujourd’hui du premier rassemblement national relatif à la démarche HQE : il s’inscrit dans une conjoncture propice à cette problématique. Ces rencontres, conçues avec l’appui technique de l’Association HQE, constituent un état des lieux de la conception de la démarche HQE et de ses applications encore sporadiques et volontaristes. La densité des interventions et des ateliers prévus montre cette volonté et le souhait d’associer l’ensemble des spécialistes incontournables de la démarche. Aussi, ces Assises peuvent être appréhendées comme le moment « t=0 » d’une

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évaluation de l’intégration de la démarche aux pratiques des acteurs de l’amont vers l’aval de la filière en voie d’émergence. Si ces rencontres peuvent contribuer à faire émerger cette démarche et à favoriser sa diffusion au-delà du cercle des initiés, parmi les maîtres d’ouvrages publics qui sont les acteurs clé de l’intégration de la démarche à venir, les acteurs économiques et techniques, les architectes, les artisans, les formateurs et, par ricochet, le grand public, ce sera déjà une considérable avancée. Néanmoins, il ne faut pas négliger le risque de pervertir cette démarche : c’est le souci de l’ensemble des tenants du concept original de la HQE. En effet, la notoriété soudaine de cette démarche à peine éclose et encore fragile dans ses fondements et ses modalités de mise en œuvre suscite de multiples attentes, mais aussi de multiples opportunismes. Ces attentes ne sont pas toujours conformes à la philosophie de la HQE, qui réclame une certaine appréhension du temps et de l’expérimentation. Les réussites, erreurs et échecs relatifs sont nécessaires à la construire et à l’enrichir. En outre, le temps apparaît nécessaire pour créer ces relations interprofessionnelles dans le cadre de la gestion relative aux constructions. L’idée d’une labelisation, nécessaire, porte néanmoins un risque létal pour la démarche : si les initiateurs parviennent à en maîtriser le champ d’application, notamment grâce à la conception et à l’expérimentation de suivi, elle peut aussi servir ses intérêts malgré son arrivée précoce. Pour l’heure, notre association porte encore un œil quelque peu extérieur à la démarche HQE. Toutefois, il apparaît nettement trois étapes de son émergence. La première a été relativement militante, très volontariste, avec l’expérimentation de constructions neuves qui permettent une meilleure maîtrise des paramètres devant entrer en ligne de compte en matière de qualité environnementale. La seconde a touché un cercle élargi de maîtres d’ouvrages publics soucieux de montrer l’exemple en matière de respect environnemental : il s’agit notamment des lycées, à Limoges, à Lille et en Aquitaine (Blanquefort). La troisième étape débute en ce moment et voit l’élargissement de l’application de la démarche à des opérations publiques beaucoup plus complexes : cela passe notamment par la phase de gestion des bâtiments une fois ces derniers construits, la construction de logements HLM selon cette démarche, ou la réalisation d’opérations privées de constructions collectives et individuelles dans un contexte d’industrialisation de la démarche et de validation de son intérêt économique, social, technique et non plus seulement environnemental. Ces adjectifs déclinent les caractéristiques du développement durable : cette nouvelle phase de développement s’y inscrit parfaitement. Souhaitons que ces Assises soient les plus fructueuses possibles. Les débats devraient être riches et animés. Il est important que cette démarche soit largement diffusée et intégrée aux politiques publiques et aux pratiques des acteurs. Je souhaite qu’une continuité soit donnée à ces Assises, en région Aquitaine et au niveau national, d’ici leur prochaine édition.

« Etat des lieux », des points de vue sur la démarche HQE La séance a été présidée par Dominique BIDOU et animée par Marie-Christine JUNG, de l’Observatoire Territoria. Sont intervenus : Laurent BOITEUX, AJENA ; Isabelle COLAS, Architecte ; Gilles OLIVE Association HQE ; Christian GAY, FRB Aquitaine ; Sylviane RANOUX, Conseil régional d’Aquitaine. Marie-Christine JUNG Je suis intéressée à trois titres par cette manifestation. D’une part, je dirige l’Observatoire national de l’innovation publique, plus connu sous le nom de Territoria. Il a vocation à étudier les démarches menées par les collectivités locales en France, à les comparer et à les diffuser pour répandre les innovations et les bonnes pratiques. Des remises de prix sont organisées par catégorie : à l’origine, elles se sont dénommées « environnement », puis ont été dédoublées en « environnement » et « développement durable », puis se sont développées en « urbanisme », et « aménagement ». Cette année, nous nous posons la question de supprimer ou non les catégories aménagement et développement durable, car tous les dossiers présentés évoquent la dimension du développement durable et de la qualité environnementale. Si cette tendance semble favorable, reste à distinguer l’effet d’annonce des démarches réellement orientées sur ces axes.

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D’autre part, je suis élue missionnée sur l’environnement, dans une commune qui poursuit un très important projet d’aménagement en proche banlieue parisienne. Le projet, en zone urbaine, porte sur une friche industrielle de 51 ha. Aussi, je suis fort intéressée par les débats qui se tiendront. Enfin, en tant que citoyen, je souhaite savoir ce que la HQE apporte réellement aux occupants des bâtiments, ainsi qu’aux populations du voisinage, mais aussi ce que la HQE apportera aux générations futures. A ce titre, il convient de savoir quel est le stade d’évolution de la démarche et ce qu’il adviendra dans les années à venir. La région Alsace s’est depuis longtemps positionnée sur les questions environnementales. La région Nord-Pas-deCalais a réalisé en 1999 une étude qui montre que la HQE, qui a été développée depuis 10 ans environ, était inconnue de 50 % des acteurs. Par ailleurs, cette étude mettait en évidence que les institutions, les associations et les intervenants mettant en œuvre la HQE attendaient en premier lieu des aides financières. Plus inquiétant, s’il semblait que la HQE intéressait particulièrement les urbanistes, ces derniers indiquaient que n’importe quel bâtiment pouvait être construit n’importe où et avec n’importe quelle technique. La HQE n’est pas exclusivement relative au bâtiment. Elle doit porter aussi sur la cohérence qu’entretient ce dernier avec son environnement, mais aussi sur le futur de ce bâtiment, la manière dont il sera utilisé, géré, exploité… Aussi, il s’agit d’une démarche très transversale et il est louable que ces Assises rassemblent les représentants des différents intervenants : maîtres d’ouvrage, concepteurs, entreprises de bâtiment, association travaillant sur l’environnement et Association HQE.

Sylviane RANOUX La région Aquitaine a été conquise par la démarche HQE, car cette dernière est à la fois globale, évolutive et dynamique. En outre, il existe une réelle volonté de la part de ses inventeurs et de leurs partenaires de préciser son contenu, ses modalités de mise en œuvre et d’évaluation : pour nous, cela rendait la démarche crédible. D’autres régions ont montré la voie à la région Aquitaine, en particulier la région Nord-Pas-de-Calais qui nous a accueilli à deux reprises. L’Aquitaine s’est investie dans la démarche car la Région est maître d’ouvrage des bâtiments public, mais aussi acteur du développement économique et de l’aménagement du territoire. Elle nourrit une forte préoccupation environnementale. Cette démarche permettra de stimuler toute la filière professionnelle du bâtiment, mais aussi de satisfaire de très nombreuses catégories d’usagers, ainsi que de respecter et préserver notre cadre de vie. Nous avons mis en place un règlement d’intervention pour promouvoir la démarche HQE, règlement mis au point dans le cadre de notre partenariat avec l’ADEME dans le cadre du contrat de plan. Ce partenariat financier permet d’aider un nombre croissant d’opérations. En premier lieu, il s’agit de la mise en place de réseaux de compétences avec le soutien à la formation des professionnels : nous subventionnons des opérations de formation des professionnels. Nous finançons également des missions d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour la démarche HQE, de plus en plus nombreuses. Nous soutenons les actions développées par le Centrex, notamment la réalisation d’un annuaire HQE. Une opération nous tient particulièrement à cœur : la mobilisation des fabricants de matériaux à l’éco-conception. Dans ce règlement d’intervention, nous avons mis l’accent sur l’aide au maître d’ouvrage : il constitue une cible fondamentale pour favoriser l’appropriation et l’application de la démarche. Parallèlement à ce règlement d’intervention, nous avons mené des actions en direct, comme la mise en place d’un système de management environnemental au sein de l’Hôtel de Région : nous visons la certification iso 14 000 dans une année environ. Même s’il s’agit d’un site tertiaire, des progrès sont à réaliser en termes d’impact environnemental. En parallèle, nous menons une politique d’intervention financière en faveur des entreprises pour les amener à la certification iso 14 001. Par ailleurs, l’opération d’extension et de restructuration du lycée de Blanquefort est conduite : il s’agit de notre première opération HQE, qui nous permettra d’acquérir des compétences que nous pourrons par la suite diffuser sur d’autres opérations. Cette première initiative nous a donné l’idée d’élaborer un référentiel : nous l’établissons pour toutes les opérations de construction, réhabilitation et restructuration des lycées. Il sera commun à l’ensemble de nos partenaires, en particulier maîtres d’œuvre et programmistes. Nous allons mettre en œuvre dans l’ensemble des lycées d’Aquitaine un logiciel, Ecoweb, qui associe une base de données à un accès Internet et permet de suivre les paramètres environnementaux que sont l’énergie, l’eau et les déchets. L’outil a été conçu par l’Université Bordeaux I. Suivre les paramètres environnementaux permettra de réaliser des économies et éventuellement de passer des contrats. Cela devrait s’avérer pertinent en termes d’évaluation de la démarche. Enfin, plusieurs perspectives nous animent. Nous envisageons d’accompagner la mise en place d’un Observatoire des pratiques HQE en Région, afin de contribuer au projet de l’Association HQE de développer un réseau d’observateurs locaux, des pratiques et des réalisations. Nous envisageons également de renforcer notre soutien à la promotion de la démarche et en particulier en direction de la maison individuelle, qui représente un fabuleux enjeu. Nous réfléchissons avec l’ADEME et le Centrex à l’organisation d’un concours des maisons de ville HQE. Nous envisageons de rapprocher

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la Région, l’ADEME et les chambres des métiers, ce que nous avons commencé à faire. Enfin, nous comptons apporter un soutien renforcé aux projets de transferts de technologie et d’innovation dans le domaine de la construction, en partenariat avec le Pôle environnement Aquitain notamment.

Isabelle COLAS Je suis architecte et j’ai abordé la HQE par l’opération du lycée de Calais, l’une des premières qui a été connue pour son approche globale de la démarche de HQE. Nous nous trouvions à l’époque dans des schémas relativement flous car c’était la première fois qu’une volonté politique était affichée, mais pour qu’elle soit appliquée, certains critères ou jugements paraissaient encore mal définis. Nous nous sommes lancés à corps perdu dans cette démarche, dont nous sommes ressortis riches d’une belle expérience, qui fait quelque peu référence en la matière aujourd’hui. L’architecte est un pilier non négligeable de la conception et de la maîtrise d’œuvre, mais il reste aujourd’hui insuffisamment motivé par cette démarche. Il semble que cela s’explique parce que les architectes n’en ont pas encore vécu cette expérience : la motivation de la maîtrise d’œuvre croîtra avec la généralisation de ces démarches et dépendra de la volonté d’aboutir dont fera preuve la maîtrise d’ouvrage. Pour nous concepteurs, la démarche HQE n’est pas une fin en soi : nous visons plutôt la qualité. Il faut réussir à amener les architectes sur ce chemin, et montrer à chacun que l’enrichissement se trouve dans le cheminement même : nous cherchons tous l’aboutissement le plus efficace et le plus qualitatif possible. Ce cheminement réside dans la phase d’échange avec les différents intervenants et il semble que bon nombre d’architectes craignent d’être dépossédés de leur rôle : cette idée me semble erronée. Au contraire, les opérations HQE nécessitent une véritable recherche et supposent de se remettre en cause, d’accepter de se poser des questions nouvelles ou plus pertinentes, en y apportant des réponses moins simplistes que par le passé. Aussi, la problématique pour la maîtrise d’œuvre consiste à montrer que l’architecte n’a rien à craindre de cette démarche et que la HQE ne doit pas aboutir à une autre image de l’architecture : chacun conservera son écriture architecturale. L’objectif que nous devons tous poursuivre consiste à trouver l’intelligence de la réponse à chaque question que l’on acceptera de se poser. Il faut pour cela une volonté et un dialogue importants à partager avec la maîtrise d’ouvrage. Les différentes expériences qui sont les miennes montrent que la volonté, l’implication, les enjeux qu’exprime la maîtrise d’ouvrage sur ces opérations sont fondamentaux et ouvrent la possibilité d’aboutir à un résultat satisfaisant. Lorsqu’une maîtrise d’ouvrage exprime clairement sa volonté, elle doit aussi consacrer les moyens nécessaires à sa concrétisation. Ces moyens sont notamment financiers, et il convient à ce sujet de s’interroger sur le fait que ces opérations ne génèrent pas nécessairement un surcoût : l’investissement n’intervient pas systématiquement sur les mêmes lignes budgétaires que le coût global. Ces sujets doivent être débattus en amont avec le maître d’ouvrage. Les délais constituent également une problématique fondamentale : les maîtres d’ouvrage doivent comprendre que ces démarches demandent du temps. Les équipes sont toujours pluridisciplinaires et pour que toutes ces compétences réunies puissent s’avérer efficaces, il faut leur laisser le temps de l’échange. En effet, le but de la HQE consiste à obtenir, au final, une réalisation éprouvée, mature, ce qui nécessite du temps.

Marie-Christine JUNG Plusieurs questions essentielles se posent, en particulier la relation avec le maître d’ouvrage, qui doit apporter un bon cahier des charges. Les coûts et les délais constituent également des aspects essentiels.

Christian GAY Les entrepreneurs du bâtiment ont souscrit à la démarche HQE, ce qui n’était pas évident à l’origine. En effet, l’insertion dans nos systèmes de dispositifs comme la qualification pourrait susciter la méfiance des entrepreneurs, incertains quant à leur sort : au contraire, leur réaction a été favorable car ils sont avant tout des citoyens. Les entrepreneurs ont compris que l’opération HQE pouvait aller bien au-delà d’un simple aménagement de la manière dont ils travaillent. Ils souhaitent néanmoins que la démarche se déroule dans une logique gagnant-gagnant. Il faudra par conséquent impliquer les entreprises de manière intense tant dans la réalisation de la HQE que dans son maintien. La Fédération Française du Bâtiment (FFB) et les entreprises qui la composent sont prêtes à s’investir de manière forte dans ce domaine. En phase de réalisation, il conviendra de laisser un temps suffisant aux entrepreneurs pour qu’ils répondent aux appels d’offre, notamment parce que nous nous engageons dans une nouvelle approche de matériaux : parfois, il peut être relativement long de rechercher un matériau et à en connaître le prix, avant de pouvoir l’insérer de manière parfaite au

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sein de l’offre qui est remise. La démarche HQE introduira sans doute de nouveaux matériaux et il faudra en connaître le coût. Par ailleurs, il nous faudra le temps de réaliser les opérations. Le maître d’ouvrage peut prendre 14 ans pour réfléchir à un projet et le maître d’œuvre 7 ou 8 ans : il ne faut pas laisser à l’entreprise 2 mois seulement pour réaliser. Ce point constituera un élément incontournable de réussite des opérations HQE. Il faudra également s’appuyer sur les qualifications existantes des entreprises, Qualibat par exemple. Certains maîtres d’ouvrage peuvent les laisser pour compte et la démarche HQE est une occasion de les réhabiliter de manière constante. Par ailleurs, un travail très important sur la formation devra être mené : cela nécessitera que les entrepreneurs, toutes professions confondues, acceptent – ce qu’ils font volontiers – de se former aux nouvelles technologies sur les matériaux, mais aussi à celles qui touchent au management. Il conviendra d’instaurer de nouveaux rapports entre le maître d’ouvrage, le maître d’œuvre et les entreprises : ce contexte, qui n’est pas nouveau, mais nous avons à réaliser d’importants progrès de communication. Ce phénomène HQE, s’il s’inscrit dans le neuf aujourd’hui, ne doit pas faire oublier les nombreux efforts à réaliser dans le domaine de la réhabilitation : la démarche sera plus complexe et nécessitera des cahiers des charges quelque peu différents. Il s’agit là de points qui nous préoccupent, mais qui ne font pas souci aux entreprises du bâtiment, qui aujourd’hui sont bien inscrites dans le progrès : la démarche HQE prolongera les logiques en place et permettra d’apporter des bâtiments de qualité, qui sauront évoluer dans le temps et être aménagés pour vivre sur une durée que nous espérons la plus longue possible.

Laurent BOITEUX L’AGENA est une association franc-comtoise. Créée il y a une vingtaine d’années, elle travaille régulièrement en partenariat d’action avec le Conseil régional de Franche-Comté, l’ADEME, les conseils généraux et le réseau associatif qui s’intéresse aux énergies renouvelables et au thème de la HQE. Nous avons mis en place depuis quelques années une Commission HQE, où nous menons des missions d’accompagnement de projets notamment sur la région Franche-Comté. Je travaille beaucoup sur le terrain, et je souhaite vous faire part des obstacles rencontrés. Nous constatons que de nombreux projets existent dans le domaine de la HQE aujourd’hui, mais qu’ils sont fort disparates à l’usage, mais aussi dans leur approche environnementale. Cela s’explique en particulier par le fait que les acteurs sont extrêmement différents, des institutionnels, décideurs, financiers, jusqu’aux usagers et aux fournisseurs de matériaux. En outre, les domaines sont extrêmement divers : scolaire, logement, tertiaire, services, gares, mairies, gymnases… Le tourisme par exemple commence à bien emprunter à la HQE : habitat de loisir, maisons de parcs… Il existe également des thèmes plus récents où se fait sentir une forte poussée de la HQE, notamment l’urbanisme : zones d’activité, lotissements… Un autre thème est assez nouveau : la déconstruction, essentiellement dans le domaine des HLM, mais aussi pour les friches industrielles. Il existe une demande très forte d’évaluation, de suivi et de gestion des ouvrages, au-delà de leur simple réalisation. La vie des usagers est également à prendre en considération, et leur participation active reste à mettre en place : cela devrait être l’un des thèmes naissant les plus difficiles à gérer dans les années à venir. Face à ces demandes, il existe une très forte volonté d’agir des initiateurs, qui souhaitent se baser sur un certain pragmatisme. Chaque acteur interprète et façonne l’approche environnementale de manière un peu différente. Le développement de la HQE entre dans une phase relativement nouvelle : le concept semble parvenu à maturité, reste à l’appliquer. Après nous être demandé « pourquoi faire de la HQE ? », il faut maintenant nous demander « comment ? ». Il apparaît à ce titre extrêmement important de passer par une phase de stabilisation de la démarche : il faut d’abord en assumer la popularité. Il conviendra également de créer des systèmes d’accès simplifiés, de construire et de diffuser des outils adaptés, ainsi que des moyens pertinents. Autre point essentiel, la structuration de cette démarche n’est pas encore aboutie : il faut en assurer la continuité, permettre son évolutivité constante et maîtrisable. Il devrait être difficile, dans cette phase de stabilisation de la démarche, d’éviter les effets d’enfermement. L’Association HQE, entre autres, sera là pour gérer au mieux cette étape. Le contenu expérimental de cette nouvelle culture montre qu’il est nécessaire d’engager une modification des attitudes et des méthodes de travail. Cela suppose de prendre du temps, mais aussi d’assurer la sensibilisation et la formation des acteurs, non-seulement des acteurs « compétents » (maîtrise d’œuvre et entreprises), mais aussi du commanditaire et peut être même de l’usager. Il apparaît également que le temps nécessaire est fort important en amont du projet : la phase étude de faisabilité, programmation et conception nécessite un effort très particulier. La création d’aides avec des critères simples d’éligibilité ne peut que faciliter la mise en place de chacun des acteurs dans ces démarches : les architectes sont fortement demandeurs, mais d’autres acteurs le souhaitent également.

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Le champ d’action et les outils de mise en œuvre restent à ce jour mal définis. L’accompagnement de proximité apparaît extrêmement important, comme facilitateur de la démarche. Un travail au cas par cas se met en place, notamment grâce au réseaux associatifs régionaux. La détermination des niveaux d’exigence doit être de plus en plus claire : il faut capitaliser les données technicoéconomiques, mais encore faut-il pouvoir les diffuser, ce qui paraît fort difficile. Des schémas d’organisation restent à mettre en place. La collecte des informations reste délicate et des bilans d’étapes sont nécessaires : ils sont fortement demandés sur le terrain. La diffusion des informations environnementales n’est pas encore réellement optimisée : elle n’est pas des plus simples à mettre en place, notamment du fait des différences entre les acteurs réunis autour d’un projet. Actuellement, j’assure le suivi de 8 projets différents en Franche-Comté : les acteurs demandent à visiter les autres opérations. Ils prennent le temps de se réunir et en sortent très satisfaits : la volonté de partager les expériences est des plus vives. Enfin, il existe une demande assez forte quant à la légitimité du terme HQE : pour progresser sur le terrain, il faut savoir pourquoi l’on se bat. Une clarification permanente du terme HQE est à mettre en place : les centres de ressources, les mises en réseau, les actions des institutionnels apparaissent extrêmement importants et doivent absolument se poursuivre pour en arriver à un certain pragmatisme de l’ensemble des actions. Nous devons continuer à nous demander « pourquoi faire ? » mais pour répondre à la question « comment faire ?», le seul moyen, c’est de faire.

Marie-Christine JUNG L’Association HQE demeure aujourd’hui une « secte » : existe-t-il d’autres chapelles ? Par ailleurs, la démarche paraît très complexe, notamment parce qu’elle implique des acteurs très différents. Si la vision de la HQE apparaît très pluraliste, je souhaite qu’elle soit aussi évolutive : il ne faudrait pas se limiter à mettre au point des normes ou bien un label. Comment répondre à cette problématique ?

Gilles OLIVE Pour décrire le mouvement HQE, il est possible de le comparer au Cheval de Troie. Il consiste à s’appuyer sur une raison des plus valables, le respect de l’environnement, pour revisiter la question de la qualité des bâtiments et avoir la possibilité de régénérer une politique de qualité. Cela fonctionne bien car cette responsabilité n’est pas laissée à quelques acteurs en particulier. Si les responsables institutionnels font partie de ce travail, ils n’ont pas été institués comme responsables de la démarche. Nous pensons que les conseillers environnement ne peuvent avoir de fonction que provisoire : lorsque nous aurons réussi à diffuser les compétences nécessaires à appliquer la démarche HQE, il n’y aura plus besoin de spécialistes car les acteurs du bâtiment y parviendront par eux-mêmes. L’Association HQE ne pourrait être comparée à une secte que dans la mesure où elle n’a qu’une raison d’être : tenter de faire avancer ce cheval de Troie. Elle a réussi à le faire et, aujourd’hui, tous les acteurs doivent se demander quelle direction emprunter. Si nous avons créé le concept de « démarche » HQE, cela vise à bien faire comprendre qu’exceptionnellement, pour parvenir à développer une politique de qualité environnementale, il apparaissait nécessaire de reprendre la question du jeu des acteurs. Ces derniers doivent être capables de maîtriser leur processus professionnel : l’idée de démarche permet de montrer qu’il existe un objectif de qualité et un système de management environnemental pour y parvenir. L’association HQE s’est appuyée sur le vocable « démarche » pour signifier la volonté de partager un langage commun. Notre objectif n’est pas de créer une nouvelle institution. Comme tous les acteurs sont concernés, deux problèmes se posent, celui de la théorie et celui de la pratique, qu’il convient de maîtriser. Au plan théorique, il est nécessaire de définir des concepts clairs pour que l’on puisse en parler. Le problème d’une secte, s’il en existait, serait de se trouver dans le flou : ce n’est pas notre cas et nous tenterons de l’être de moins en moins, à travers ces concepts clairs. Au plan pratique, il n’était pas envisageable de produire une fois de plus des théories « en chambre » : ce qui est important, c’est ce qui se passe au sein du tissu opérationnel. Laurent Boiteux a parfaitement raison en insistant sur la nécessité de tirer le plus possible d’enseignements de ces opérations. A chaque fois que je me rends dans une manifestation et que l’on y expose des opérations, je suis ébahi tellement cela me semble beau. C’est cela qu’il faut rassembler et le langage commun a vocation à nous faire évoluer, en tenant compte des fondements théoriques, mais aussi des enseignements pratiques. Jusqu’à maintenant, nous tentions de faire progresser ce mouvement avec des moyens extrêmement limités. Nous nous trouvions en période floue : des acteurs remarquables ont réalisé des démarches HQE, ce qui était indispensable, mais il n’était pas encore question de savoir quelles initiatives étaient satisfaisantes et lesquelles ne l’étaient pas. Marie-Noëlle Lienemann, au cours de cette période, a passé une commande pour laquelle je ne serais jamais assez reconnaissant : cet éclair nous frappe de plein fouet et nous montre très exactement où nous en sommes exactement.

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Robespierre a été guillotiné, après avoir été arrêté le lendemain du jour où il avait déclaré devant l’Assemblée nationale que des « têtes allaient tomber » : les députés ont eu peur. Nous nous trouvons aujourd’hui dans un état de guerre de ce genre. Face à la commande de Madame Lienemann, il faut que les acteurs affirment clairement pourquoi ils souhaitent travailler : pour l’amélioration de la qualité, ou seulement pour profiter d’un sigle qui « marche bien » ? Il faut que chacun puisse prendre ses responsabilités. L’Association HQE, à l’origine, était clairement opposée à la labelisation : elle a été capable de répondre à Madame Lienemann par une certification. Notre base reste le jeu d’acteur, le management environnemental. Cette commande pose un autre problème particulier : nous devrons « caractériser » quelque peu les produits utilisés pendant les opérations. Un bâtiment ne peut être déclaré HQE, mais seulement une opération. Il est possible de travailler au management environnemental, et la certification HQE pourra s’opérer car il est honnête de le faire : cela permettra notamment de régler le problème particulier de l’éligibilité aux aides existantes. Ce problème sera toujours dans la mouvance de la certification des opérations. Dès lors, il faut se demander comment entrer dans ce processus, de plus en plus précis : l’enjeu actuel de nos discussions est le management environnemental. Nous y sommes peu habitués dans le secteur du bâtiment et, pour une fois, nous fonctionnerons à l’anglo-saxonne : « je fais ce que je dis » ! C’est « l’état de guerre » dans lequel nous nous trouvons. Nous devons progresser et c’est le sens que devront prendre les discussions libres que nous tiendrons pendant deux jours.

Jean HETZEL, Président de l’ICEB Nous souhaitons savoir ce qu’a apporté le Système de management environnemental (SME) à Sylviane Ranoux dans son activité de stimulation de démarche HQE.

Sylviane RANOUX Nous cherchons à appliquer le SME au sein de l’Hôtel de Région et nous pourrions éventuellement y recourir pour le lycée de Blanquefort, en phase d’opération, mais aussi en phase d’usage. Pour l’Hôtel de Région, il a été relativement difficile d’expliquer le pourquoi de cette démarche : le Directeur général, à l’origine, pensait qu’il n’y avait que peu de progrès à réaliser sur une activité tertiaire et que la démarche serait onéreuse. Toutefois, il a entendu nos arguments : nous lui avons expliqué que tous les occupants de l’Hôtel de Région seraient concernés et qu’en mettant en place des voies d’amélioration des performances environnementales, tous seraient amenés à y contribuer. Il s’agit d’un premier bénéfice d’une démarche relativement difficile à appliquer à soi-même. Nous souhaitons voir si nous sommes capables d’adopter des comportements qui permettent de limiter au maximum les coûts de fonctionnement. Le logiciel Ecoweb vise un objectif similaire : comment appliquer des règles pour limiter les impacts et comment les mesurer ? Parce que nous sommes à la fois investisseurs et que nous assurons le fonctionnement des lycées, il nous semble que le SME permettra de tirer le plus grand profit de l’intelligence qui a été investie pour concevoir le bâtiment : il s’agit du véritable enjeu. Avec le lycée de Blanquefort, nous dis posons d’un véritable laboratoire expérimentation et nous souhaitons évaluer à l’avenir les impacts évoqués : il s’agit d’un véritable enjeu.

Michel GIBERT, OPAC 38 Nous travaillons avec des partenaires européens différents, auprès desquels la démarche HQE commence à être reconnue. Comment s’intègre et s’intégrera-t-elle par rapport à la réglementation européenne ? Si nous ne sommes pas suffisamment vigilants, quelques opportunités pourraient nous échapper à ce niveau.

Gilles OLIVE La Secrétaire d’Etat au logement est parfaitement consciente de cette problématique. Jusqu’à maintenant, nous tentions d’observer ce qui se faisait dans d’autres pays et d’en tenir compte, tout en faisant savoir ce que nous réalisions. Un dialogue s’est ainsi instauré depuis presque 2 ans, qui semble positif pour le positionnement de la HQE au niveau européen et international. Par rapport à l’Europe, plusieurs problématiques se posent, notamment celle de la normalisation. En France, une norme est en cours de rédaction pour l’information sur les caractéristiques environnementales des produits : la déclaration des caractéristiques environnementales nous permettra de travailler sur la question des matériaux. Cet effort de normalisation devrait dépasser le cadre national, pour que les réflexions françaises profitent aussi à nos voisins. Un autre problème se pose : celui de la qualité environnementale des bâtiments, pour lequel nous devrons nous montrer extrêmement prudents, mais aussi offensifs au plan international. Il s’agira de savoir caractériser les bâtiments et de pouvoir discuter

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de l’évolution de leur conception : cela conduira à réaliser des évaluations, sans pour autant que cela relève des utilisations professionnelles qui peuvent en être faites par la suite. Il faudra pouvoir s’appuyer sur un langage précis pour décrire la qualité des bâtiments. Nos voisins d’Europe du Nord ont développé plus rapidement ce travail, peut-être parce qu’ils sont moins sensibles à une rationalisation du discours : ils ont procédé de manière assez empirique et ont posé le problème au niveau international. La politique de la chaise vide n’est nullement efficace à ce plan : il faut se demander comment progresser très rapidement sur le sujet, afin de pouvoir prendre position au niveau international et, dans la mesure du possible, bien orienter. Si cet effort se traduit par une normalisation des pratiques professionnelles, la démarche HQE n’aura aucune chance de succès.

Jean BOUILLOT, architecte La réhabilitation représente une grande part du marché, notamment pour les architectes. Comment envisagez-vous l’approche HQE en matière de réhabilitation par rapport au référentiel bâtiment neuf ?

Gilles OLIVE Nous travaillons avec des référentiels génériques pour tenter de tenir compte de tous les problèmes a priori. Des référentiels de cette nature ne sont pas applicables en tant que tels à des cas particuliers, car ils sont très larges. En outre, si la construction des bâtiments et leur adaptation est traitée, leur gestion n’y apparaît pas encore réellement. Une spécification reste à établir en fonction du type de construction. Ces évolutions devront être réalisées et tiendront au travail de chacun, relayé par les centres de ressources… Pour l’adaptation des bâtiments, le problème particulier tient au fait qu’il existe un état initial : le bâti est déjà présent, affiche des caractéristiques environnementales et comprend des usagers. Aussi, le Système de management environnemental doit être particulièrement bien réfléchi. Lorsque les usagers sont déjà présents, il faut faire appel à leur compétence d’usagers : les SME doivent en tenir compte pour mobiliser ces derniers au bon moment. Par exemple, un organisme HLM a réalisé une démarche en envisageant en premier lieu la manière d’appliquer le référentiel des 14 cibles dans le cas d’une adaptation de bâtiments.

Frédéric NICOLAS, architecte L’un des principaux apports de la démarche HQE a été de remettre l’usager au centre du projet et de mettre un terme à l’hégémonie de l’image. Au-delà d’une expérience pour l’architecte, l’approche environnementale, ou la démarche HQE, doit constituer une aptitude professionnelle partagée par tous les acteurs, peut-être même pour acquérir une culture. Je développe une approche environnementale depuis plus de 20 ans et je n’ai pas déposé de marque pour cela : puisque nous tentons de diffuser une attitude, quel est l’intérêt de protéger le sigle « HQE » ?

Gille OLIVE Les industriels de la construction ne souhaitent pas que la concurrence soit biaisée : ils ont pensé que certaines entreprises pourraient prétendre que leurs produits sont « HQE ». Aussi, l’entité qui regroupe ces industriels a déposé la marque pour éviter des déviances de ce type. L’AIMCC, membre co-fondateur de l’Association HQE, a signalé que des problèmes du même type pourraient se poser pour les bâtiments : pour les éviter, une licence d’exclusivité a été donnée à l’Association. Jusqu’à maintenant, nous n’avons pas utilisé cette marque car nous n’avions pas encore d’éléments réellement positifs à proposer au mouvement qui existait naturellement : ainsi, nous n’avons pas dénoncé d’utilisation abusive du sigle HQE, sauf pour dénoncer quelques abus caractérisés. Bientôt, nous disposerons de certifications d’opérations HQE, ce qui permettra de clarifier la situation : les organismes certificateurs seront attentifs à ce que le sigle ne serve pas pour n’importe quoi. Nous disposons maintenant d’une capacité de caractérisation des opérations : nous ferons parvenir aux opérateurs une liste qui leur permettra d’apporter des informations, sans qu’aucun jugement ne soit porté sur eux. Puis les certifications pourront être mises en place.

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Nasrine FAGHIH, Architecte Nous sommes réunis après 10 ans de bataille menée par l’Association HQE et une commande a été passée par la Secrétaire d’Etat au logement pour mettre à jour les projets qui ont été menés : cela semblait inévitable, notamment parce que la France s’est engagée à réduire les émissions de CO2. Il s’agit bien là d’une obligation, qui sera normalisée.

Marie-Christine JUNG Je pense que la démarche ne vise pas uniquement à réduire les émissions de CO2, même s’il s’agit d’une obligation.

Dominique BIDOU Nombre d’acteurs affichent leur bonne volonté et ont pris conscience qu’il fallait lutter contre des phénomènes comme l’effet de serre. S’ils peuvent y être contraints par des engagements internationaux, cette prise de conscience peut aussi être tout à fait personnelle. La complexité des logiques en jeu apparaît fort embarrassante : la meilleure volonté du monde n’empêche pas de commettre des erreurs dramatiques, par exemple lorsque la réduction des émissions de CO2 a pour effet secondaire de dégrader la qualité de l’air. Dans un tel système, il apparaît indispensable d’élaborer des méthodes pour gérer l’ensemble des paramètres en jeu, mais aussi d’apporter des repères aux acteurs : c’est ce que nous tentons de faire. Ces repères servent en premier lieu aux acteurs, et aux collectivités ou aux partenaires publics désireux de faire progresser le mouvement dans de bonnes conditions : Etat, conseils régionaux, ADEME… Ils permettent aux acteurs de s’inscrire dans une démarche à tous égards efficace, notamment pour la réduction de la production de gaz à effet de serre, cette dimension n’étant pas la seule en jeu.

Sandrine JAMON, Conseil régional Nord-Pas-de-Calais Comment la certification peut-elle intégrer la démarche HQE, qui est évolutive ? Par ailleurs, le travail pluridisciplinaire entre différents acteurs apparaît essentiel. La mobilisation et la recherche de compromis entre différents points de vues notamment sont des éléments de la démarche. Comment cette pluridisciplinarité pourrait-elle se traduire au niveau de l’organisme certificateur ? La certification sera-t-elle réalisée par une structure ou bien par un groupement d’acteurs représentant la pluridisciplinarité ?

Gilles OLIVE La certification est fondée sur le management environnemental. Elle sera évolutive, dans la mesure où le référentiel utilisé pour la réaliser sera adapté au fil du temps. En outre, nous nous donnerons des moyens d’évolution des possibles que nous suggérerons pour répondre à cette certification : au-delà des 14 cibles de la démarche, nous définirons une cinquantaine de sous-cibles qui seront pondérées les unes par rapport aux autres en fonction de la conjoncture. Par exemple, il est possible d’imaginer qu’à une certaine période et pour un type de bâtiment, le recours aux énergies renouvelables vaut x points. Enfin, des réponses à votre question sur les acteurs seront apportées plus tard lors de ces Assises : nous avons bien conscience de cette problématique.

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Premiers ateliers : la définition explicite de la QE des bâtiments Le rapporteur général de ces ateliers est Sandrine JAMON, Conseil régional du Nord–Pas–de– Calais.

Eco-construction L’atelier est animé par Catherine PARANT, architecte. Le rapporteur est Alain LOISIER, architecte. Ont participé à l’atelier : Marc CASAMASSIMA, ADEME ; Louis CONTRERAS, CAPEB 31. Ont participé à la table ronde : Sonia CORTESSE, Architecte ; Georges-Henri FLORENTIN, CTBA ; Gilles LACAPE, FFB Aquitaine ; Serge SIDOROFF, Ingénieur conseil ; Pierre TROADEC, AIMCC.

I.

Introduction

Catherine PARANT Nous envisagerons dans cet atelier les premières cibles d’éco-construction, ainsi que le sujet des matériaux, des chantiers et de la déconstruction sélective. Les architectes font progresser depuis l’origine la démarche HQE, car elle correspond bien à l’approche globale et systémique de la conception. Il est inexact de prétendre que les architectes, à l’inverse des ingénieurs, n’ont à se préoccuper que de la cible 1. Si l’architecte prend naturellement en compte les éléments que comporte cette cible, la HQE lui permet traiter ces préoccupations de manière encore plus globale : par exemple, la gestion intelligente des eaux de pluie est entrée dans les mœurs. Par ailleurs, les maîtres d’œuvre ont besoin de disposer de données de base claires et bien explicitées pour leur projet : les maîtres d’ouvrage doivent pour cela accepter de réaliser des travaux préliminaires, comme la recherche de pollution sur les sites à risque par exemple. Un autre aspect apparaît intéressant : les maîtres d’ouvrages peuvent penser à réaliser le pré-verdissement des terrains. De grandes pépinières commencent d’ailleurs à intégrer les aspects environnementaux. Plutôt que de créer un corps de spécialistes, les architectes, dont le travail consiste souvent à coordonner une équipe, devront s’emparer de la question de la HQE. Il en va de même pour les bureaux d’étude.

II.

Choix intégré des produits, systèmes et procédés de construction

Marc CASAMASSIMA Il n’existe pas de « produits HQE ». Tous les produits ont une certaine qualité, composée de plusieurs caractéristiques dont certaines sont de nature environnementale ou sanitaire. La qualité d’un produit n’est ni bonne ni mauvaise : elle est adéquate ou non, en fonction d’une exigence que l’on cherche à satisfaire sur l’ouvrage. Le choix d’un produit suppose qu’une information circule : il faut par conséquent disposer d’outils pour évaluer ce produit et pouvoir communiquer les

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résultats de cette évaluation. Une fois mises en forme, les informations permettront d’aider les acteurs de la HQE à choisir les produits qu’ils souhaitent employer.

1. Le choix intégré des produits Il existe deux niveaux dans l’intégration. Au premier niveau, les acteurs ont coutume d’envisager un produit à travers plusieurs questionnements : questionnement technique, qualité architecturale du produit, prix… L’intégration consiste à ajouter d’autres éléments à ce champ habituel de critères : la qualité environnementale et sanitaire du produit. A un second niveau, le choix se fait sur le produit en regard de ce qu’il apporte à un ouvrage. Ce choix intégré, dans le premier document de l’Association HQE en 1997 était ainsi défini : « Le choix des procédés et produits de construction qui se faisait selon des critères de qualité d’usage, d’estime et économiques, se fait de plus en plus d’une part selon le critère de protection de l’environnement extérieur, et d’autre part – s’ils n’étaient pas pris en compte – selon les critères de réalisation d’un environnement intérieur confortable et sain. » Plusieurs démarches visent actuellement à définir de manière explicite le choix intégré. Le référentiel DEQUE (Définition explicite de la qualité environnementale) est en cours d’élaboration. Par ailleurs, une commission de normalisation P01010 porte sur le contenu de l’information environnementale des produits de construction. Ces deux démarches seront mises en cohérence. La deuxième partie de la norme (XP 01-010-2) de la Commission P01-010 porte sur le cadre d’exploitation des caractéristiques environnementales pour application à un ouvrage donné : elle identifie les impacts, propose les indicateurs pertinents à considérer et mentionne les sources d’information ou les moyens pour évaluer les 10 indicateurs relatifs aux 10 impacts. Le texte trie les impacts et propose de regrouper tous ceux qui sont pertinents pour évaluer la contribution de tous les produits à la qualité environnementale de l’ouvrage. Aussi, ce document permet de poser les questions pertinentes en termes d’impact et de caractéristiques environnementales et sanitaires correspondantes du produit. Les déclarations environnementales sont un moyen de répondre à ces questions.

2. Les déclarations environnementales La norme de déclaration environnementale pour un produit de construction est publiée depuis le mois d’avril 2001. Il est souhaitable que ce travail français représente une contribution majeure dans le cadre de l’iso. La commission P01 tire une grande force du fait qu’elle a réussi à fédérer un consensus de l’ensemble des acteurs de la construction. La déclaration environnementale propose, au niveau générique (une famille de produits) et au niveau spécifique (un produit en particulier), une méthodologie permettant de produire des données sur ces produits ou familles. Cette normalisation vise à mettre en œuvre une règle du jeu dans la production, la transmission et l’utilisation de l’information. La déclaration porte une liste de données, de valeurs et de références. Ces données sont ramenées à une unité fonctionnelle et, lorsque ce n’est pas possible, à des scénarii prédéfinis, notamment pour les phases de transport, d’entretien, de mise en œuvre et de fin de vie. Les premières déclarations génériques devraient commencer à circuler bientôt. Il semblait judicieux de regrouper en un seul lieu l’ensemble des informations sur les caractéristiques environnementales et sanitaires des produits de construction : une base de donnée logicielle, nommée INIES base, est développée pour cela. L’entrée dans cet outil se fait par fiche produit et il est notamment possible d’effectuer un grand nombre de croisements entre caractéristiques du produit et type d’effet attendu sur l’ouvrage. Cette base de donnée constitue seulement un outil d’aide à la décision. Toutefois, avant qu’elle soit disponible, des groupes de travail doivent encore se pencher sur l’interface utilisateur et la gestion de cette base.

Catherine PARANT Quel est le rôle du CESAT (Commission environnement santé des avis techniques) ?

Marc CASAMASSIMA Le CESAT tente d’intégrer dans un référentiel technique (avis technique) des critères environnementaux et sanitaires. Son activité reste relativement faible et cette commission doit maintenant être sollicitée par des industriels prêts à jouer le jeu. Par ailleurs, les travaux ont été temporisés dans l’attente de la mise en place d’outils de référence comme la base de données.

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III. Chantiers à faibles nuisances Louis CONTRERAS L’artisanat s’est mobilisé pour la démarche HQE car il a toujours eu à gérer l’important problème des déchets du bâtiment, dont certains sont extrêmement difficiles à éliminer. Après de multiples démarches, nous sommes parvenus à un semblant de solution dans notre département. Pour entrer dans la démarche HQE, la CAPEB 31 s’est mobilisée, accompagnée d’un groupe d’artisans motivés, pour entamer une campagne de sensibilisation : nous entrons maintenant dans une phase de formation des artisans, pour qu’ils puissent réaliser des travaux HQE. Nous nous sommes orientés vers un donneur d’ordres public sensible à la démarche et nous sommes aujourd’hui en phase de pré-étude d’un chantier. La démarche HQE nous impose, au stade de la préparation, de prévoir au devis certains éléments nouveaux : connaître les zones du chantier pour éviter les nuisances à l’environnement pendant le chantier, organiser le chantier… Il nous est apparu que certaines conduites à suivre étaient déjà connues, mais avaient été oubliées : il faut parfois revenir aux fondamentaux du métier. L’effort de pédagogie nous a permis de sensibiliser nombre d’artisans, et nous sommes désormais prêts à entrer dans le cadre de la démarche qui, au-delà de la préparation du chantier, nous permettra de mieux gérer nos déchets demain. En outre, nous nous sommes penchés sur l’importante problématique de l’environnement du chantier : il faut notamment en tenir compte pour le passage des engins, la localisation des tas de terre… Pour réaliser ces évolutions, nous avons travaillé avec l’ADEME, le Conseil régional, mais aussi la DDE et l’Association ARPE… Cela nous a permis de créer une nouvelle donne, même si nous ne pourrons pas réaliser du jour au lendemain des performances exceptionnelles dans la démarche qualité : nous deviendrons « moins mauvais » qu’auparavant. La formation est en cours et durera plusieurs mois. Le chantier pilote, de caractère artisanal, devrait commencer au premier semestre 2002. Si les artisans ne comptent pas se positionner sur des chantiers d’aussi grande ampleur que des lycées par exemple, la « première entreprise de France » se devait d’entrer dans la démarche HQE. Dans le même domaine, nous menons un second projet : la création d’une Maison de l’Artisanat et de l’Environnement, qui apportera des supports pédagogiques à certaines classes dans le domaine de la gestion de l’air et de l’eau. Pour les artisans, la difficulté consiste à trouver des maîtres d’ouvrage et des maîtres d’œuvre qui nous fassent confiance pour entrer dans la démarche : nous sommes relativement optimistes à ce sujet. Enfin, au-delà de la réflexion sur la gestion du chantier, nous sommes également conduits à nous poser la question des déchets issus de la déconstruction, notamment lorsqu’il s’agit d’évacuer les matériaux isolants largement employés après les chocs énergétiques des années 1970, dont personne ne souhaite.

Catherine PARANT Nous devons nous demander dès aujourd’hui comment construire des bâtiments de telle sorte que leur déconstruction soit aisée dans quelques dizaines d’années : à ce titre, les erreurs du passé sont extrêmement riches d’enseignement. Par ailleurs, il semble qu’il existe deux positions sur la question de la gestion des déchets de chantier : certains pensent qu’il faut faire intervenir une entreprise spécialisée, d’autres considèrent que chaque entreprise doit être responsable de ses déchets. Qu’en pensez-vous ?

Louis CONTRERAS Nous sommes favorables à ce que tous les corps de métier se responsabilisent. Pour les entreprises qui interviennent sur les chantiers, la problématique principale consiste à savoir où évacuer les déchets : nombre de municipalités refusent de les accepter. Au sein du Schéma départemental des déchets du bâtiment, nous avons réussi, en travaillant avec la DDE, à faire en sorte que le maître d’ouvrage puisse réellement chiffrer le coût de traitement des déchets et donner la possibilité aux entreprises d’assurer ce traitement, notamment en définissant un lieu et une filière de traitement. Pour les entreprises, ces éléments sont extrêmement importants.

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Olivier ROSENWALT, Architecte, AREP Dans la normalisation, comment sont prises en compte les associations des différents matériaux entre eux ? Par ailleurs, le lieu de production des matériaux apparaît-il au nombre des critères retenus ? Enfin, comment des démarches « alternatives » (matériaux de récupération par exemple) peuvent-elles être comprises dans cette norme ?

Marc CASAMASSIMA C’est l’unité fonctionnelle qui définit le cadre des données des produits : elle ne porte pas sur un matériau, mais bien sur une partie de l’ouvrage qui remplit une fonction définie. Par conséquent, c’est par la fonction que se définit la liaison entre tous les matériaux de l’ouvrage. En outre, les transports des matériaux sont bien pris en compte dans la normalisation, de même que les impacts du recyclage par exemple.

De la salle Sur un chantier « propre », les déchets doivent être triés : ils entrent ensuite dans un autre cycle qui incombe à la collectivité. A ce jour, existe-t-il des CCTP qui sont prêts et qui permettraient aux maîtres d’œuvre de formuler leurs cahiers des charges ?

Catherine PARANT Il en existe un certain nombre : l’ARENE d’Ile-de-France par exemple dispose d’un cahier des charges qui peut être adapté. Des documents peuvent aujourd’hui constituer une base de travail. Sur les chantiers propres, lorsqu’il s’agit de constructions neuves, c’est plus un « non-mélange » qu’un tri des déchets qui est demandé.

IV. Table ronde Sonia CORTESSE Certains pensent que la HQE représente seulement une contrainte architecturale supplémentaire : or si l’on intègre la démarche dans le processus de conception très en amont, la HQE peut s’avérer extrêmement intéressante. Je travaille, en collaboration avec un thermicien, à la conception d’une maison à ossature bois pour répondre à un appel d’offre. Je réfléchis en particulier à sa reproductibilité, à son évolutivité et à sa personnalisation : la maison est basée sur un format de panneaux et certaines parties peuvent être réalisées en briques et non en bois. Cette construction est conçue sur les principes bioclimatiques. Le choix du maître d’ouvrage s’est porté sur une énergie renouvelable : une chaudière à bois est employée pour le chauffage central et l’eau chaude sanitaire est produite par des panneaux solaires. La récupération des eaux pluviales est assurée par une cuve enterrée en béton. Le bois a été choisi pour sa durabilité naturelle (châtaigner ou mélèze). Une structure mixte, en bois et brique G, a été choisie pour le mur exposé au Nord. Un processus itératif a été suivi quant au choix des matériaux. Un panneau est préfabriqué en atelier à base de fermacell (cellulose et plâtre) : ses dimensions permettent de réaliser des économies à la coupe, tant en matériau qu’en énergie et en main d’œuvre. Nous avons rempli, pour le concours « Maison confort électrique », une fiche comprenant 8 critères de choix d’un matériau : performance technique, qualité architecturale… Une note était donnée par critère et cela permettait de donner en synthèse une évaluation grossière de la performance du matériau. Plusieurs essences ont été choisies en fonction de leur utilisation : nous avons vérifié la provenance des bois tropicaux, ainsi que la manière d’exploiter la forêt. La forme de la toiture, notamment le débord, tient en partie à des contraintes environnementales (protection solaire). La façade Nord de la maison est très fermée, mais un auvent peut s’ouvrir l’été. La façade Sud est quant à elle beaucoup plus vitrée. La construction est placée dans un site très rural, dans lequel s’intègrent bien les matériaux choisis. Enfin, elle est implantée en recul par rapport à la voirie, afin de préserver la vue du voisinage. Ainsi, pour une agence, la démarche constitue un processus itératif complètement intégré à la conception architecturale dès le début des études, et non pas un simple placage de normes sur un projet déjà esquissé. L’implication de l’ensemble des partenaires, ainsi qu’un travail le plus en amont possible, apparaissent indispensables.

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Catherine PARANT Nous disposerons bientôt de données sur les matériaux « sensibles » comme certains isolants ou le PVC : Monsieur Troadec, qu’en pensez-vous ?

Pierre TROADEC Pour les professionnels des matériaux de construction, il semblait choquant qu’à l’origine de la démarche HQE, les cahiers des charges des opérations s’apparentaient plutôt à des listes d’exclusion de certains matériaux (isolants fibreux…). Notre profession a néanmoins considéré que les demandes qui étaient exprimées étaient légitimes même si elles semblaient mal formulées : de manière proactive, nous avons décidé de fournir les informations souhaitées, notamment les caractéristiques environnementales et sanitaires des produits, en raisonnant en termes de cycle de vie. Nous nous sommes appuyés sur les référentiels internationaux existants, notamment pour la transmission de l’information environnementale. En outre, la définition d’unités fonctionnelles nous a paru fort intéressante pour les concepteurs. Ce travail, qui est maintenant intégré dans la norme, permettra à ces derniers d’utiliser une bonne vingtaine de données. Il appartiendra dès lors au maître d’œuvre et au maître d’ouvrage de sélectionner les matériaux en fonction de leurs attentes, ce qui supposera de leur part un réel apprentissage. Ils auront la garantie que les informations sur les différents matériaux seront de pertinence égale. A ce jour, il existe déjà des données sur le verre et d’autres seront bientôt disponibles (cloisons en plâtre, canalisations PVC...) D’origine syndicale, la plupart des données seront génériques sur des productions d’origine française. Elles pourront être demandées aux syndicats professionnels. Par ailleurs, les travaux sur INIES Base vont commencer et ces données devraient y être intégrées.

Marc CASAMASSIMA L’outil INIES Base sera accessible à tout gratuitement sur Internet. Une « veille » sera également assurée sur le site qui y sera consacré.

Pierre TROADEC Des bases de données existent depuis une dizaine d’années : toutefois, le plus souvent, les utilisateurs ignorent ce qu’elles prennent en compte. L’approche française apportera la fiabilité d’une norme. Ce travail se poursuivra et les industriels sont réellement engagés dans le processus de rassemblement des données.

Christian JOLRASSE, architecte conseil, Direction de l’Architecture Comment envisagez-vous d’initier les utilisateurs à employer les fiches de données ?

Pierre TROADEC Nous réaliserons des journées d’information, dont certaines plus précises pour une profession en particulier. Nous y travaillerons également au sein de l’Association HQE. Nous comptons aussi sur les ingénieurs – par exemple les conseils de l’Association HQE – pour nous aider à perfectionner le mode d’emploi et à le transmettre.

Marc CASAMASSIMA L’ADEME lancera des enquêtes sur la perception et l’utilisation de la norme, une fois les fiches diffusées, afin de mesurer leur impact.

Serge SIDOROFF Ces fiches représentent un progrès décisif pour la qualité environnementale des produits de construction. Toutefois, les prescripteurs ne sont pas capables aujourd’hui d’utiliser l’information portée par ces fiches lorsqu’elle concerne la santé ou l’environnement extérieur par exemple. Lorsque le maître d’ouvrage souhaite lancer une opération HQE, il fixe ses priorités en matière d’environnement : l’équipe de maîtrise d’œuvre doit ensuite être en mesure d’apporter une réponse

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sur le volet environnemental du cahier des charges ainsi défini. Aussi, il faut réaliser un travail important de formation complémentaire, notamment pour pouvoir assurer et juger de la pertinence de cette réponse. Il convient pour cela d’apporter une compétence et, pour l’instant, il me paraît difficile de la trouver ailleurs que chez les conseillers environnement.

Catherine PARANT Quels sont les atouts du bois ? Comment améliorer la qualité environnementale de ce matériau ?

Georges-Henri FLORENTIN Le secteur du bois a travaillé en étroite liaison avec les autres matériaux, par exemple pour définir la méthode INIES. Nous participons notamment à la Commission de normalisation sur l’information des caractéristiques environnementales. Nous nous efforçons d’apporter des informations crédibles au travers de bases de données réalisées avec l’ADEME et nous réalisons des analyses en termes de cycle de vie. Le bois est un matériau naturel, qui présente l’avantage d’être renouvelable. Autre qualité, il permet de stocker une partie du gaz carbonique présent dans l’atmosphère. Par ailleurs, lors de sa transformation, il est peu consommateur d’énergies fossiles. Par ses qualités, le bois affiche des performances environnementales fort intéressantes. En revanche, le bois subit une dégradation naturelle par les insectes et les champignons. Certaines essences sont naturellement durables et proviennent généralement des pays tropicaux. D’autres le sont moins, mais la durabilité n’est pas seulement un critère intrinsèque du bois : en effet, la construction du bâtiment peut favoriser la dégradation de ce matériau. Le CTBA travaille à l’élaboration de produits biocides qui peuvent préserver le bois lorsqu’il s’agit d’une essence peu durable, qui soient non-agressifs pour l’environnement, la santé… Un travail similaire est réalisé pour les vernis ou les colles par exemple. Des bases de données rassemblent des éléments d’information. Ces critères environnementaux seront de plus intégrés au sein des certifications, ainsi que des éléments sur l’acoustique ou le feu par exemple.

Serge SIDOROFF L’expression « durable » subit une regrettable confusion : la durabilité technique du produit de construction n’a rien à voir avec la problématique du développement durable.

Georges-Henri FLORENTIN J’ai effectivement envisagé la durabilité du produit. Par ailleurs, j’ai indiqué que lorsqu’une forêt était renouvelée, cela participait au développement durable. Nous mettons en place au niveau mondial des systèmes de certification de la gestion durable, par des organismes comme PEFC, FSC… En France, nous mettons en place la chaîne de contrôle qui permettra de suivre un produit et de s’assurer qu’il est bien durable : l’outil sera disponible dans deux ans.

Serge SIDOROFF Le label FSC existant et le PEFC à venir sont complémentaires. Le FSC concerne les bois tropicaux, qui représentent à mes yeux une problématique fondamentale : la biodiversité des forêts tropicales constitue l’un des plus graves problèmes de la Planète à ce jour. Dans le bâtiment, nous devons avoir conscience de l’importante responsabilité qui nous incombe lorsque nous employons des essences tropicales : il est impératif d’exiger un label de gestion durable des forêts. Si la forêt tropicale continue à être dévastée, nous courrons à une catastrophe écologique d’ampleur mondiale.

Georges-Henri FLORENTIN La forêt française est en expansion et il n’y a pas aucune inquiétude à avoir quant à l’utilisation de nos bois.

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V.

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Questions

De la salle Comment ferons-nous si nous disposons de données dans les déclarations environnementales pour les matériaux français, alors que nous utilisons nombre de matériaux étrangers ? Qu’en est-il de la fiche de déclaration concernant les équipements, comme les chaudières ou les sanitaires par exemple ? Comment gérer les aspects de la déclaration environnementale dans le cadre des marchés publics, où l’on ne peut citer aucune marque ni apporter de caractéristiques trop précises pouvant laisser présager que le matériau provient d’un seul constructeur ? Enfin, il convient d’émettre une réserve au constat que la forêt française est gérée de manière durable : il n’est pas certain que certaines essences (châtaignier…) soient effectivement renouvelées, compte tenu de la politique menée jadis par l’ONF qui a beaucoup enrésiné la forêt française.

Gilles OLIVE La problématique se pose ainsi : comment décrire correctement la qualité environnementale des produits de construction afin de pouvoir la prendre en considération au sein des projets et pour que la qualité environnementale des bâtiments dans lesquels ces produits sont intégrés soit validée et soit pérenne ? Au début des années 1990 a émergé une tendance à établir des listes noires de produits, qui ont progressivement évolué vers des listes de préférences. Puis nous avons les uns et les autres commencé à collecter des renseignements sur la qualité environnementale des matériaux de construction : nous devons maintenant les rassembler. Un travail fastidieux a été mené pendant 5 ans par les industriels de la construction, suivi d’une difficile normalisation : nous avons réussi à isoler une cinquantaine de données significatives, dont nous pouvons connaître la validité et la pérennité. D’ici la fin de l’année prochaine, nous saurons qu’il est possible de retenir cinq ou six critères pour pouvoir juger de la qualité d’un produit et nous pourrons justifier ainsi les choix de conception que nous ferons. Il s’agit d’un pas décisif, parce qu’il poussera les industriels à améliorer leur offre : a côté de ce considérable progrès, les autres interrogations ne font aucun sens.

De la salle Je ne remets nullement en cause le travail qui a été réalisé.

Catherine PARANT C’est seulement une fois que l’architecte a opté pour un matériau dont il a « envie » qu’il doit pouvoir entrer dans le détail des caractéristiques environnementales du produit.

Laurent BOITEUX Il est très intéressant d’être parvenu à un système de choix d’une vingtaine de critères : toutefois, comment éviter que les produits soient « étiquetés » et hiérarchisés au sein de listes de meilleurs matériaux ?

Catherine PARANT Nous pouvons nous en protéger en disposant sur tous les matériaux d’informations que qualité identique : ainsi, le concepteur pourra choisir un produit en connaissance de cause, en fonction des effets qu’il compte obtenir.

De la salle Le développement durable comprend aussi bien la manière dont sont achetés les matériaux, que la prise en compte de la vie des individus qui les produisent… Il faut se garder d’une déviance scandaleuse, qui consisterait à produire dans certains endroits des maisons très pures pour des personnes « très belles », avec des notions d’espace vital qui rappellent de mauvais souvenirs. La démarche HQE ne doit pas conduire à un recours à des « matériaux purs » obtenus par des méthodes corrompues : il s’agirait d’une totale perversion.

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Jean-Paul ISOARDI, Alpes Ingénierie La base de données matériaux pourrait-elle un jour prendre en compte certains produits très intéressants pour l’environnement comme le chanvre ou la paille de lavandin par exemple ?

Marc CASAMASSIMA La base de donnée porte sur les caractéristiques environnementales et sanitaires des produits, et ces derniers ne sont pas « étiquetés » environnement. Ces caractéristiques sont, dans le cadre du choix intégré, ajoutées à d’autres : or si les familles de produits que vous citez sont fort intéressantes au plan environnemental, elles restent insuffisamment qualifiées du point de vue technique. Ainsi, il faut en premier lieu faire un effort pour démontrer qu’ils sont de bons produits de construction au même titre que les autres.

Gilles LACAPE Aujourd’hui, personne ne peut affirmer d’une manière générale qu’il faut trier ou non les déchets de chantiers : il faut tenir compte des usages en vigueur sur le site. Au mois de juillet 2002, la loi sera appliquée. Nos entreprises sont matures et nos ouvriers, responsables, peuvent tout à fait assurer le tri des déchets : cela suppose que nous soient accordés les moyens de le mettre en œuvre. Par ailleurs, les nuisances occasionnées par les chantiers sont directement liées aux moyens qui leur sont accordés. Dans la région Aquitaine en particulier, de nombreux efforts restent à réaliser.

De la salle Je rappelle que le développement durable ne se résume pas à la durabilité du matériau ou la manière dont il se renouvelle. Il s’agit plutôt une attitude relative à la manière de se le procurer, à la façon d’utiliser la nature, à la manière dont cela permet aux hommes de vivre… Il existe un risque pour la HQE de s’égarer dans un idéal de matériau qui occulte toute dimension humaine.

Georges-Henri FLORENTIN Je partage ce point de vue. La gestion durable tient compte de nombreux critères et l’éco-certification par exemple prend en considération l’intégration des populations etc.

Catherine PARANT Nous avons effectivement conscience de ce risque, mais l’atelier qui nous réunit porte en particulier sur les produits.

Marc CASAMASSIMA Si l’atelier porte en particulier sur le choix intégré des produits, la démarche HQE est multicritères et ne peut se réduire à une seule cible. En outre, la démarche proposée sur les produits est elle-même multicritères et vise bien à éviter les « étiquettes ». Enfin, la cible n°2 constitue souvent une manière d’apporter des réponses à des questions posées pour d’autres cibles.

Serge SIDOROFF Le problème essentiel qui a été soulevé est celui de la qualité du développement durable : or l’Association HQE n’a pu traiter à ce jour que l’une des quatre dimensions (sociale, économique, environnement et gouvernance) de ce développement durable, l’environnement. Les aspects sociaux et éthiques, essentiels, n’ont pas encore été abordés.

Catherine PARANT Ils sont envisagés par le Comité 21.

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De la salle Il paraît plus simple d’intégrer cette réflexion éthique en amont.

Catherine PARANT Ces aspects sont intégrés en amont : la HQE est la résultante sur le bâtiment et la construction d’une préoccupation de développement durable.

Ecogestion L’atelier est animé par Yves MOCH, de l’ADEME. Le rapporteur est Bruno PEUPORTIER, de l’Ecole des Mines de Paris. Ont participé à l’atelier : Alain BORNAREL, TRIBU ;Daniel FAURÉ, ADRET. Ont participé à la table ronde : Philippe CHARTIER, Syndicat des Energies Renouvelables ; Michel GIBERT, OPAC 38 ; Thomas GUERET, MIES ; Pierre MÉRIEUX, Ingénieur Conseil ; Jean-Pierre MOUILLOT, ALTO.

I.

Introduction

Yves MOCH 1. Les cibles d’écogestion Ces cibles ne sont pas formellement définies. Il s’agit de cibles de flux, thématiques pour la plupart : énergie, eau… Une cible concerne néanmoins un acteur, le gestionnaire. Les cibles représentent aussi des flux financiers, des possibilités d’économie et de retour d’investissement. L’écogestion pèse très lourd dans la HQE : elle porte sur 30 des 50 thèmes environnementaux.

2. Le champ couvert par les cibles L’écogestion recouvre l’énergie, l’eau, les déchets d’activité et l’entretien-maintenance, dans plusieurs dimensions.

3. L’organisation nécessaire pour répondre aux exigences des cibles Dans le schéma qui a été largement développé en matière de performance énergétique, il convient de prendre en premier lieu des décisions de principe, avant de réaliser un travail sur la maîtrise des besoins. Puis il faut opérer des choix d’efficacité pour répondre à ces besoins. Enfin, il faut tenir compte de l’aspect maintenance, qui se manifeste a posteriori. Ce schéma est le résultat de choix pris en amont : il s’agit de choix de conviction, puis de choix de qualité dans l’exécution de l’opération. Le schéma est aussi le résultat de la qualité des décisions prises au quotidien dans l’accompagnement de la gestion de l’opération. Sur un plan plus pratique, il faut mettre en place un système de gestion du projet, qui recouvre l’opération d’un bout à l’autre. La gestion de projet relève d’un système de management environnemental (SME) : cette phase connaît encore souvent des carences.

4. Les outils de l’écogestion Il s’agit en premier lieu d’outils d’ordre organisationnel. Un fil conducteur, le système de management environnemental, est indispensable pour que l’ensemble des acteurs comprenne la logique suivie. Les outils pratiques permettant de le

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suivre ne sont pas tous au point. L’ADEME réalise un livret de bord dont les fiches seront à remplir au fur et à mesure de l’avancée de l’opération. Le mo de d’emploi du bâtiment, destiné à ses occupants, constitue une autre pièce importante. Enfin, le carnet de gestion de l’opération permet au gestionnaire de suivre la logique de gestion du bâtiment. Il reste à réaliser le travail d’adaptation de ces différents moyens à la nature et à la taille de l’opération. Une deuxième famille d’outils est à développer, celle des outils d’évaluation technique : il faut évaluer notamment les indicateurs des objectifs initiaux ou établis en cours de projet. Ces outils doivent permettre d’évaluer chacun des critères et doivent être adaptés à chaque étape du projet. Un autre outil est nécessaire, permettant d’apprécier globalement les interactions entre cibles. Enfin, des outils permettant d’opérer de pondérer certains critères de manière à clarifier les choix opérés en cours de projet restent assez rares. Le raisonnement en coût global n’est pas toujours bien compris. Il faudrait être capable d’évaluer le coût investissement+charges, en tenant compte des coûts évités pour le maître d’ouvrage et au niveau de la collectivité. Le coût global peut être actualisé ou non sur un horizon financier. Des outils de financement peuvent permettre d’absorber un surcoût initial de la HQE. Enfin, la question de la légitimité de l’aide publique se pose, notamment parce que les collectivités peuvent retirer un bénéfice des investissements réalisés pour la HQE.

5. Conclusion La hiérarchisation des cibles constitue l’expression indispensable des priorités des maîtres d’ouvrage : ces derniers doivent dès à présent afficher un fort engagement. J’ai la conviction que les cibles d’écogestion représentent des valeurs sûres et, généralement, ne sont pas oubliées au sein des programmes HQE : en effet, elles seules présentent un temps de retour sur investissement. Ces cibles relèvent souvent de priorités orientées par des politiques, ou devraient en relever.

II.

Gestion de l’énergie

Alain BORNAREL La démarche HQE apporte des éléments nouveaux dans le traitement de la cible énergie. Trois types de questionnement se posent : la hiérarchisation des critères, l’interaction entre les différentes cibles et le développement du projet de bâtiment, au cours duquel les indicateurs de mesure d’un même objet ne sont pas nécessairement identiques en amont ou en aval de la réalisation. Le premier indicateur permet de mesurer la réduction de la consommation d’énergie primaire. La démarche environnementale HQE peut-elle être traitée de la même façon que la démarche réglementaire ? Si cette dernière vise à amener tous les logements à un niveau de qualité satisfaisant et acceptable par les acteurs et par le marché au plan de la consommation d’énergie et par conséquent de l’émission de CO2, la démarche de qualité environnementale vise quant à elle des objectifs plus larges en matière de qualité de l’énergie, d’économies de ressources… Par ailleurs, si l’acceptabilité économique préside à la détermination d’un niveau moyen de consommation dans la réglementation thermique, il en va différemment pour la démarche environnementale, qui vis e à tirer les différentes cibles vers la qualité environnementale, avec des solutions plus coûteuses à l’investissement, mais qui pourront produire des retours. Ces différences entre démarches devront se traduire par une réflexion sur la nature des indicateurs : si la référence de la réglementation thermique est relative, il faut peut-être qu’elle soit fixe pour la démarche environnementale. En outre, les références réglementaires sont issues de longues négociations entre les acteurs : il n’est pas certain que cela soit souhaitable dans le cadre de la qualité environnementale. Il convient aussi de se préoccuper de l’adaptation des indicateurs de consommation aux différentes phases du projet. La sous-cible suivante du référentiel est la performance de l’enveloppe : les indicateurs sont de type réglementaire. L’une des principales questions consistera à savoir s’il faut accorder – ce que je pense – une priorité du traitement de l’enveloppe par rapport au traitement de l’installation. Par ailleurs, les interactions entre cibles doivent être envisagées : comment les traduire au sein des indicateurs ? Enfin, pour cette sous-cible également, se pose la question d’adapter les indicateurs aux différentes phases. En termes d’efficacité des équipements énergétiques et de leur gestion, les indicateurs prennent la forme de consommations par usage. Les questions posées sont en particulier celle de savoir quelle stratégie adopter pour la climatisation : les indicateurs de consommation d’énergie doivent, dans ce cas précis, être pondérés par des indicateurs de niveau de confort. L’indicateur de la maîtrise des pollutions contribue lui aussi à différencier la démarche de qualité environnementale d’une démarche énergétique classique : à côté d’indicateurs de consommation sont pris en compte des indicateurs d’émission en polluants. Se pose la problématique des données dont nous disposons pour évaluer de manière fiable et consensuelle

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ces émissions. Par ailleurs, cela soulève la question de la pondération des indicateurs de pollution et des indicateurs de réduction de consommation dans la démarche environnementale.

III. Gestion de l’entretien et de la maintenance Daniel FAURÉ Cette cible semble représenter le plus grand « gisement financier », alors qu’elle reste l’une des plus mal traitée à l’heure actuelle. Selon l’Association HQE, la cible est définie comme l’ensemble des activités destinées à maintenir ou à rétablir un bien dans son état initial, et même parfois à l’améliorer. Trois orientations sont fixées :

1. Optimiser les besoins de maintenance L’optimisation des besoins de maintenance commence par la connaissance de l’utilisateur et du gestionnaire, en particulier de ses capacités à gérer. En outre, l’entretien-maintenance suppose un travail préalable important des maîtres d’ouvrage sur leur propre manière de gérer. L’analyse urbaine apparaît importante. Je rappelle qu’un bâtiment coûte aussi cher en investissement qu’en frais financiers : le coût initial, l’entretien-maintenance et les intérêts représentent environ, selon une étude américaine, un tiers chacun du coût total, alors que l’étude du projet ne compte que pour 1 %. Il serait souhaitable, pour réduire significativement les coûts d’entretien et de maintenance, d’accroître la part consacrée à la conception. Les maîtres d’ouvrage, avant de commander des projets à coût global, doivent apprendre à faire l’analyse d’un tel coût. Ils doivent également communiquer aux concepteurs leur manière de gérer, afin que ces derniers l’intègrent dans leur construction. Par ailleurs, il conviendrait d’accroître les délais impartis à la conception. Le maître d’œuvre doit régler les problèmes à chaque phase, pour qu’ils ne se posent pas ultérieurement : par exemple, une bonne orientation du bâtiment dès l’origine évacue d’emblée les problèmes de confort d’été. L’idéal consiste à supprimer les usages, mais il est souvent plus aisé de les réduire : ainsi, favoriser l’éclairage naturel permet de diminuer l’éclairage artificiel. Une fois ces étapes franchies, il devient possible de travailler sur les autres matériaux… Il faut effectuer des choix, avec le maître d’ouvrage, qui coûtent relativement peu à l’entretien. Par exemple, il est possible dans l’habitat social de choisir d’employer les crédits disponibles pour installer une chaudière ou bien une isolation. Lorsque certains choix sont opérés, par exemple l’installation d’une chaudière à condensation, il faut s’assurer à l’avance avec les services de maintenance de ce qui sera fait au cas où cette chaudière serait remplacée.

2. Mettre en place des procédés efficaces de gestion technique et de maintenance au long de la vie du bâtiment En phase de conception, il convient d’analyser tous les matériaux avec le service équipement mobilier. En phase de travaux, le service maintenance du patrimoine devrait – selon moi – se rendre sur le chantier. Pendant l’année de parfait achèvement et les deux ans de bon fonctionnement, tout projet HQE devrait bénéficier d’un suivi-évaluation qui, en plus de vérifier les performances environnementales, permettrait de faire le lien entre les concepteurs et les gestionnaires. Le gestionnaire peut choisir différents systèmes de gestion, notamment informatiques. L’essentiel est que celui qui prendra le relais suive le mouvement imprimé par le concepteur. Dans l’habitat social par exemple, la loi Lalonde obligera à prévoir le dimensionnement des locaux destinés à recevoir les déchets d’activité : des tableurs simples permettent maintenant de le faire. Il conviendra également de réaliser un travail d’analyse du fonctionnement de l’occupant pour positionner ces locaux et d’envisager dès le départ les autres aspects de la question avec le service maintenance.

3. Maîtriser les effets environnementaux des procédés de maintenance Parfois, l’entretien d’un bâtiment peut générer des effets inverses aux objectifs initiaux de sa conception, par exemple lorsque l’on entretient un matériau naturel avec un produit nocif. Un certain nombre de services achats, dans les lycées notamment, souhaitent se tourner vers des produits plus respectueux et mettre ainsi en œuvre des politiques « d’achat vert ». Un travail doit être réalisé en amont sur les fournisseurs, car ce marché reste peu développé.

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4. Les difficultés à résoudre Il apparaît qu’au niveau des politiques publiques de l’habitat social, les prévisions de financement sont trop courtes : si les prêts couraient sur de plus longue échéance, nous pourrions construire des bâtiments plus satisfaisants et plus durables. Par ailleurs, il n’existe qu’un trop faible lien entre les services de gestion et les services de programme, qui induit le transfert d’une responsabilité trop lourde vers les concepteurs. Ces derniers ont parfois une mauvaise connaissance des usages de gestion des utilisateurs. Enfin, la culture de l’évaluation reste trop faible dans le bâtiment, autant au plan qualitatif que quantitatif. Le conseiller environnement peut intervenir auprès du maître d’ouvrage, pour vérifier la viabilité des opérations, pour déterminer les sinistres les plus graves intervenus dans les dix dernières années sur le parc concerné et pour faire une enquête auprès du service gestion afin d’identifier les dysfonctionnements. Le conseiller tente également de connaître les consommations d’eau, d’énergie et la production de déchets, afin d’analyser les écarts rencontrés. Il vérifie également l’existence ou non d’une approche patrimoniale sur le parc. Si la notion de coût global est employée, il fait en sorte qu’elle soit précisée. Le conseiller joue aussi un rôle auprès du maître d’œuvre, pour simplifier les processus de conception et de travail en équipe. Il analyse toutes les préconisations avec les gestionnaires (pouvoir gérer, pouvoir entretenir, pouvoir maintenir durablement) et suggère la mise en place d’une politique d’achat vert notamment. Enfin, il propose des évaluations communes entre concepteur et gestionnaire. Les politiques portent une grande responsabilité dans la problématique de la qualité environnementale : leur discours ne met pas suffisamment en avant le fait qu’elle vise à sauvegarder la Planète. En effet, l’entretien-maintenance des systèmes pourra devenir de plus en plus aisé à mesure que le niveau de conscience des utilisateurs s’accroîtra.

Guy ARCHAMBAUD Quel est l’intérêt pour un promoteur qui ne construit pas un bâtiment pour lui-même d’utiliser des matériaux plus onéreux dans le cadre d’une démarche HQE, alors qu’il vendra ce bâtiment pour en tirer le maximum d’argent ?

Daniel FAURÉ Si la prise de conscience de la qualité environnementale s’accroît dans la société française, les promoteurs tenteront sans doute d’améliorer leur offre.

Jacques PUISSANT, architecte L’évaluation paraît difficile sur un projet, dans la mesure où les documents remis pour répondre à un concours ne sont pas suffisamment exhaustifs : le système de concours peut donc causer une réelle rupture dans la démarche HQE. En outre, l’évaluation a posteriori paraît essentielle pour la pérennité de la démarche HQE.

Alain BORNAREL De nombreux éléments sont figés au moment d’un concours sur esquisse : le plan-masse, la volumétrie, les choix de transparence sur les façades, les principaux matériaux… 70 % du résultat final en matière de maintenance est gestion peut être évalué. Cela suppose néanmoins de bâtir des outils d’évaluation appropriés à cette phase amont.

Yves MOCH Le suivi de ces indicateurs et les évaluations associées sont dans l’esprit même du SME des opérations.

Un participant L’écueil du concours est frustrant pour les architectes mais aussi pour les maîtres d’ouvrage, parce que le concepteur ne peut s’expliquer : il présente seulement des documents graphiques. Toutefois, il est possible de surmonter cet obstacle car si le monitorage HQE a été mis en place, les partenaires du maître d’ouvrage peuvent aider ce dernier dans le choix de

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l’architecte. En outre, dans le cadre d’un concours, il est possible, pour évaluer la qualité, de demander au concepteur des éléments chiffrés comme le coût de maintenance au m2.

IV. Table ronde Philippe CHARTIER Je suis pour une inscription beaucoup plus forte des énergies renouvelables et solaires dans les exigences de base de la certification des opérations HQE. Le développement durable doit être pris en compte et le domaine de l’énergie constitue un élément central dans cette approche. Nous devrons résoudre des problèmes centraux en termes de maîtrise d’énergie et de rejets : ils sont essentiels dans le bâtiment compte tenu de la constante de temps des équipements. Je souscris d’ailleurs à l’idée que tous les indicateurs doivent être modulés en fonction de leur durée de vie. Les énergies renouvelables ont subi une éviction liée au contre-choc pétrolier et à l’ampleur du programme nucléaire notamment : les industriels qui ont subsisté offrent aujourd’hui des produits à forte garantie de résultat. Il existe à mon sens un continuum entre la démarche HQE, la labelisation et la réglementation. La démarche doit être un lieu d’innovation qui permet d’identifier les bonnes pratiques. Il faut ensuite qualifier ces pratiques à travers un label, puis les imposer à tous les acteurs, ce que permet la réglementation. Il est aujourd’hui nécessaire de poser de manière forte la question du rééquilibrage dans la durée entre maîtrise de la demande et énergies renouvelables. Le « tuilage » joue à plein dans la mesure où la première énergie renouvelable compétitive peut être mise en place avant que la dernière économie d’énergie soit réalisée. Il n’est pas satisfaisant que, parmi les critères du référentiel HQE, les énergies renouvelables soient aussi peu mises en avant : par exemple, pour l’eau chaude sanitaire, la technologie n’apparaît qu’au rang d’indicateur. Il faudrait faire remonter les éléments les plus significatifs du domaine à des niveaux plus visibles du référentiel HQE.

Nicolas MOLLE, Ingénieur conseil La notion de coût global intéresse beaucoup les maîtres d’ouvrage, mais il existe une antinomie entre cette approche économique et l’approche écologique. L’approche en termes de coût global apparaît par trop « philosophique » car on ne dispose que d’une très faible marge de liberté pour maîtriser l’investissement dans le cadre d’enveloppes budgétaires rigides.

Philippe CHARTIER Pour les indicateurs à effet immédiat sur les consommateurs, je ne vois pas d’inconvénient à laisser jouer le marché. En revanche, sur les indicateurs de nature collective et dont les effets sont à long terme, la puissance publique doit se manifester par des signaux : financement, réglementation… Pour notre syndicat, il apparaît indispensable que des dépassements d’enveloppe puissent être faits et que des modes de financement soient trouvés pour les investissements qui ont du sens sur le collectif à long terme. Enfin, nous militerons pour que dans la réglementation thermique à venir, l’eau chaude sanitaire au moins apparaisse dans toutes les références. Les coûts actuels des installations à énergie renouvelable pourraient être fortement réduits avec l’ouverture des marchés.

Daniel FAURÉ Nous attendons le signal des pouvoirs publics pour pouvoir disposer des budgets nécessaires à réaliser des installations solaires.

Un intervenant Les subventions sont un financement de l’Etat visant à éviter des coûts externes : elles ne se font pas à fonds perdus. Le maître d’ouvrage peut aussi trouver des subventions à échelle européenne...

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Thomas GUERET Des efforts ont déjà été réalisés sur les constructions neuves au plan thermique, même s’il manque une certaine cohérence pour que soient mieux reconnues les énergies renouvelables par exemple. A horizon 2010, la moitié des bâtiments du parc français auront été construits avant les années 1970 et représenteront environ deux tiers des consommations d’énergie du secteur du bâtiment : il convient par conséquent d’accroître les efforts sur le parc existant. Aujourd’hui, dans un bâtiment neuf bien conçu, la première dépense d’énergie est celle relative à la consommation d’électricité spécifique : des travaux du Cabinet NRTEC sur les consommations « invisibles » ont montré qu’une économie de 45 % d’électricité spécifique était réalisable en utilisant des produits (électroménager, éclairage…) disponibles sur le marché. Nous devons désormais réfléchir à cette dimension du logement. Le bâti tel qu’on le conçoit aujourd’hui est appelé à durer : il faut notamment réfléchir à sa bonne conception, à la manière dont il sera géré et dont on pourra l’améliorer par la suite. La cohérence doit être assurée entre les acteurs, mais aussi au niveau de chacun d’entre eux : lorsqu’un ministère est maître d’ouvrage par exemple, il fait appel à différents services internes qui ne communiquent pas nécessairement bien entre eux. En outre, la « barrière » qui existe entre d’une part les professionnels et l’opération du bâtiment et d’autre part les utilisateurs et la gestion du bâtiment peut être franchie en adoptant une vision globale. Par exemple, les gestionnaires d’un lycée ne sont pas sous tutelle hiérarchique du propriétaire du bâtiment, ce qui peut gêner la gestion quotidienne de ce dernier : il est peut-être possible de retrouver une cohérence entre ces acteurs par des actions de sensibilisation etc. Nous avions réalisé une étude au Ministère de l’Industrie pour savoir ce qui mobilisait les acteurs pour réaliser des économies d’énergie : au-delà des signaux extérieurs (effet de serre…), d’autres messages peuvent être adressés, par exemple en expliquant que la démarche suivie par chacun contribuera à créer des emplois... La Ville de Mulhouse a réussi à réduire de 20 % la consommation d’énergie de parc des écoles en menant une campagne de sensibilisation, parce qu’une partie des économies ainsi réalisées était employée pour moderniser la flotte des véhicules du personnel scolaire.

Pierre MÉRIEUX Dans la problématique de l’eau chaude sanitaire par exemple, il faut non seulement prendre en compte la dépense énergétique, mais aussi la ressource en eau elle même. Par ailleurs, il ne faut pas négliger la qualité sanitaire de l’eau. Lors de premières opérations HQE, il a été tenté de récupérer l’eau non potable pour l’employer par exemple dans les WC. Aujourd’hui, il est obligatoire d’installer un compteur pour mesurer les rejets en eaux usées non issus de l’eau potable, ou de s’acquitter d’une taxe : l’eau récupérée coûte in fine plus cher que l’eau du réseau. La transposition en droit national de la directive européenne sur la qualité de l’eau est en projet : le règlement sanitaire départemental étendrait l’obligation d’utiliser de l’eau potable pour les WC. La gestion des eaux pluviales constitue un autre volet fort intéressant : en effet, sa récupération peut apparaître largement bénéfique pour la collectivité. Cela renvoie à la dimension du cadre bâti de l’urbanisme. Sans entrer dans une démarche de collectivisation de toutes les eaux usées, il existe des solutions intermédiaires : bacs de rétention, drainage… Pour économiser l’eau potable, de nombreux développements restent à faire. L’étiquetage énergétique paraît intéressant sur les appareils qui consomment de l’eau. Le suivi doit également être pensé : il faut par exemple mettre en place des contrats de robinetterie permettant de s’assurer que le réseau sera révisé régulièrement.

Jean-Pierre MOUILLOT La démarche HQE est avant tout une démarche commune : il est anormal que certains maîtres d’ouvrage continuent à faire appel à des « maîtres d’œuvre HQE » pour ne plus avoir à s’occuper de cette dimension. Par ailleurs, en phase de concours, il se produit une réelle dérive : n’importe quel concepteur peut afficher des performances sur papier, mais reste à savoir ce qu’il est capable de réaliser concrètement. En outre, le maître d’ouvrage, pour exiger un niveau de performance qui réponde à ses ambitions, doit lui-même être apte à définir des scénarios d’occupation du bâtiment. Par ailleurs, l’expérimentation de systèmes performants apparaît essentielle dans la démarche, mais soulèvera une réflexion sur le fait que ces systèmes innovants posent des problèmes d’assurance. Enfin, à côté de l’entretien et de la maintenance, l’exploitation constitue également un réel enjeu : le maître d’ouvrage doit prendre la responsabilité de faire appel à des équipes capables de conduire les bâtiments. Par exemple, j’ai été surpris de constater que l’an dernier, personne n’ait été capable de produire un bilan d’exploitation du lycée de Calais.

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Michel GIBERT Pour les maîtres d’ouvrage, l’externalisation des charges ne signifie pas la maîtrise des charges. Le mode de gestion choisi sur les charges, dans le cadre de la HQE, influera sur les niveaux de consommation. Le développement durable est à la croisée de logiques économiques, sociales et environnementales. Plusieurs principes doivent être respectés afin d’assurer une gestion saine et pérenne des bâtiments. Il faut aujourd’hui concevoir des bâtiments qui autoriseront l’utilisation d’énergies alternatives. Il convient aussi de mettre en place des dispositifs de chauffage dont le vecteur caloporteur ne sera pas le vecteur énergétique : il faut plutôt prévoir une hydrocompatibité, qui permettra à l’avenir de ménager le choix de l’énergie que l’on souhaite employer pour assurer le chauffage de l’eau. Il convient également de s’interroger en permanence sur l’efficacité de la reproduction des schémas. La vraie richesse est à la fois économique, écologique, sociale et culturelle. Elle ne se fonde jamais sur le seul coût économique, mais trouve consubstantiellement ses assises dans les efforts de gestion de proximité par des dispositifs structurants. 18 000 emplois ont été créés en France par la collecte sélective des déchets. Etre en harmonie sociale, c’est aussi prendre en compte aujourd’hui les besoins des générations futures. Pour les acteurs du logement social, la maîtrise du couple loyer+charges apparaît essentielle : elle participe aussi du développement durable, et il apparaît que les énergies renouvelables permettent d’atteindre cet objectif. Par exemple l’installation de capteurs solaires thermiques et de capteurs photovoltaïques peut permettre de réaliser une économie annuelle par logement supérieure à l’augmentation de loyer qui résulte de cette installation. Il est encore plus important pour les offices HLM d’assurer la maîtrise du couple loyers+charges dans le temps : les énergies renouvelables le permettent, car en les utilisant, 25 % de l’énergie nécessaire sera gratuite ou échappera aux conditions de prix du baril de pétrole. L’emploi de ces énergies participe également à la protection de l’environnement. La maîtrise du couple loyer+charges est consubstantielle à notre mission, qui consiste à loger les populations les plus démunies : les énergies renouvelables contribuent à la mener à bien, en particulier parce qu’elles sont moins onéreuses que les énergies non renouvelables.

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Confort et santé L’atelier est animé par Suzanne DEOUX, de Medieco. Le rapporteur est Sylviane NIBEL, du CSTB. Ont participé à l’atelier : Françoise THELLIER, Université de Toulouse III, LESETH ; Francis ALLARD, Université de la Rochelle, LEPTAB. Ont participé à la table ronde : Sophie BRINDEL-BETH, Archinov ; Andrée BUCHMANN, Présidente de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur ; Christian MOUROUGANE, Assistance Publique Hôpitaux de Paris.

I.

Introduction

Suzanne DEOUX Je m’intéresse à l’impact de l’habitat et de l’environnement sur la santé. La cible hygrométrique est souvent négligée, alors qu’elle constitue un problème majeur de santé. En effet, l’humidité favorise le développement de microorganismes dont certains sont mal connus en France. L’hygrométrie peut produire des impacts olfactifs et les composés volatils libérés par les microorganismes peuvent être toxiques. Ainsi, une cible de confort peut avoir un impact majeur en termes de santé. Les paramètres physiques, hormis le bruit, restent encore négligés : or le confort visuel par exemple interagit avec la santé car les microorganismes se développent plus ou moins bien en fonction de l’éclairage. Le confort olfactif est quant à lui fortement lié à la qualité de l’air. Par ailleurs, les nouvelles normes obligeront à mesurer la qualité de l’eau potable au robinet de l’usager, ce qui permettra d’évaluer les impacts de la conception du bâtiment sur cette qualité. Enfin, la qualité des espaces constitue une cible large, mais l’espace en lui-même représente une problématique. Le bruit, dans le bâtiment, constitue la nuisance la plus fréquente. Toutefois, il reste le parent pauvre de l’environnement car il ne produit pas de maladie spécifique ni d’atteinte irréversible de l’audition. Il se manifeste surtout par un effet de masque qui trouble la communication parlée, ainsi que l’apprentissage pour les enfants… En outre, selon l’OCDE, 75 % des troubles du sommeil sont imputables au bruit. Ses effets portent aussi sur le système nerveux neurovégétatif et se manifestent en particulier par le stress, et éventuellement l’hypertension artérielle. Le bruit est maintenant pris en compte par la réglementation, mais il existe un écart considérable entre bâtiments neufs et anciens. La radioactivité naturelle s’accroît dans les bâtiments du fait du manque de renouvellement d’air. Des irradiations externes (par rayonnement de certains matériaux) ou internes (radon…) peuvent être subies : souvent, il est aisé de prendre des mesures de prévention dans les constructions neuves. L’insuffisance de l’éclairage naturel peut créer des troubles, notamment parce qu’il influe sur le développement de la vision de l’enfant. L’éclairage artificiel doit éviter la fatigue visuelle et limiter l’exposition aux ultraviolets B. Les ondes électromagnétiques sont produites essentiellement par les circuits électriques (transformateurs, moteurs…). Leurs effets sur la santé continuent à prêter au débat : en juillet 2001, le Centre de recherches internationales sur le cancer concluait que les champs magnétiques à 50 Hz pouvaient être considérés comme des cancérogènes possibles. Le fait d’éloigner les dispositifs qui en produisent de l’utilisateur constitue généralement un bon moyen d’assurer une prévention. Les radiofréquences suscitent également un débat, en particulier au sujet des antennes de téléphonie mobile : le rapport Smirou, publié en janvier 2001, ne retient pas l’hypothèse d’un risque pour les populations vivant à proximité des stations de base. Il conseille néanmoins que les bâtiments « sensibles » (hôpitaux, crèches ou écoles) ne soient pas directement exposés au faisceau de stations situées à moins de 100 mètres. Il conseille également que soient réalisées des mesures de radiofréquence lorsque de tels bâtiments y sont exposés. La circulaire du 16 octobre 2001 quant à elle établit des périmètres de sécurité. Elle apporte une nuance au rapport Smirou et ne prend en compte que les sites en plein air situés à moins de 100 mètres des stations de base. Ces différentes cibles doivent s’intégrer avec des cibles relevant de préoccupations environnementales : aussi, il faut concilier au maximum les choix de gestion environnementale et les choix de santé. Par exemple, une trop forte diminution de la température de l’eau chaude sanitaire crée des conditions favorables au développement de certaines bactéries... Il faut veiller à ce que le recyclage ne conduise pas à produire des matériaux impropres à la construction, parce qu’ils sont

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radioactifs ou comprennent des éléments traces métalliques par exemple. La santé constitue un réel élément de transversalité dans la démarche HQE et il est essentiel de la prendre en compte, de même que le confort, car l’usager représente un acteur majeur de la vie du bâtiment.

II.

Le confort et l’ambiance thermique

Françoise THELLIER Le bâtiment comporte quatre ambiances qui sont liées : acoustique, thermique, qualité de l’air et ambiance lumineuse. Quatre type de confort y sont associés, et l’ambiance interagit avec ce confort. Il existe également des interactions avec l’individu, quasiment inconnues à l’heure actuelle. Un habitant éprouve une impression de confort et réagit lui-même sur le bâtiment. La démarche HQE, pour le confort thermique, fixe trois sous-cibles : confort en hiver et en mi-saison, et en été dans les bâtiments climatisés ou non. Dans ce domaine, il est demandé de se baser sur les normes iso existantes. Les exigences de l’environnement confortable doivent être appuyées sur des bases physiologiques : il semble dommage que les cibles se limitent à la température et à l’hygrométrie, en non à la physiologie de l’usager. Je rappelle qu’il existe un lien très fort entre cible confort et cible santé. Par ailleurs, l’effet de l’hygrométrie est négligeable sur la thermique. L’environnement thermique de l’homme est complexe. L’individu éprouve un ressenti différent en fonction de la position et de la géométrie du local (architecture). Le confort optimal peut apparaître contradictoire avec l’économie d’énergie et il faut en permanence trouver des compromis. Les phénomènes mis en jeu sont l’environnement, décrit par ses variables physiques : température et vitesse de l’air, humidité relative, température de surface. Ces paramètres sont liés au bâtiment lui-même et à ses équipements. Il se produit avec l’homme des transferts de chaleur assez faciles à calculer. Ils suscitent des réactions physiologiques (transpiration) que l’homme perçoit (il a chaud) et interprète (il n’apprécie pas chaleur) : la psychosociologie des individus auxquels le bâtiment est destiné doit par conséquent être prise en compte. En fonction de ses interprétations, l’habitant aura des réactions comportementales, par exemple mettre en marche la climatisation. Il faut par conséquent lui laisser un moyen de rétroagir sur le bâtiment : c’est la cible « maîtrise du confort par les occupants ». Un être humain produit de la chaleur et l’échange avec l’environnement par tous types de transfert (rayonnement, conduction…), dont la majorité s’effectue au niveau de la peau. Les pertes par convection et par rayonnement sont quasiment équivalentes : les températures de surface devraient être maîtrisées autant que les températures de l’air, mais elles restent largement négligées aujourd’hui. Le système du corps humain est régulé de manière physiologique (transpiration…) et de manière comportementale (réglage d’un thermostat par l’utilisateur) : ces deux modes, l’un inconscient, l’autre conscient, peuvent être incompatibles. Lorsque l’individu a froid, les pertes sont supérieures aux gains de température, et inversement lorsqu’il a chaud : c’est entre ces deux états que le confort est possible, lorsque l’individu n’a que très peu de réactions physiologiques. Cela correspond à une bande très étroite de conditions environnementales. Plusieurs problématiques se posent. Comment définir le confort ? La définition retenue aura un impact fort sur la recherche de l’homogénéité des ambiances ou bien de ce que l’on recherche au niveau de la régulation. Cherche-t-on un confort collectif ou individuel ? Souhaite-t-on une neutralité pour tous les utilisateurs, ou bien une sensation de plaisir ? Il faut procurer aux individus ce que les sociologues appellent « objets de chaleur », par exemple une cheminée dans la maison individuelle. La production minimum de chaleur dépend du poids et de la taille d’un individu, et décroît fortement avec l’âge. Elle dépend de son activité et d’autres facteurs, comme les perturbations pathologiques. L’environnement thermique doit être adapté à ces différences. Le rayonnement reçu par l’individu est fonction de la température des parois, alors que l’émission est quasiment constante : si la température moyenne de rayonnement peut être aisément calculée, cet indicateur masque souvent la réalité car la température radiante est extrêmement variable dans un bâtiment, notamment parce que certaines zones peuvent être mal isolées… Les pertes convectives dépendent quant à elle des températures de l’air et de sa vitesse : un indice permet désormais de mesurer les courants d’air. La turbulence de l’air dépend du mode de chauffage, mais il est dommage que ce paramètre ne soit pas affichée par les constructeurs d’équipements. L’humidité intervient sur le plan des échanges cutanés : l’évaporation dépend de la différence de pression entre la peau et la vitesse d’air. Pour que l’individu éprouve une sensation de confort, la sudation doit être environ équivalente à la transpiration : cela peut se réguler en agissant sur la vitesse d’air. Pour les bâtiments non-climatisés, si la température de l’air excède 35°C et que l’on accroît sa vitesse, cela augmente les pertes par évaporation mais accroît les gains par convection : un optimum doit don être trouvé. Il faut réaliser les calculs en tenant compte, en été et en hiver, des épaisseurs de vêtements, ce que permet de faire une norme iso.

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Souvent, les équations sont écrites de manière simplifiée et l’on considère que les échanges secs sont fonction d’une température opérative. Il faut retenir toutefois que pour des échanges thermiques équivalents, l’individu ressent plus de confort en air frais, avec des parois de bâtiment bien isolées. Par ailleurs, le chauffage radiatif est plus confortable que le chauffage convectif. En situation de confort, les échanges secs sont majoritaires dans l’habitat. Les échanges humides sont plus marquants en activité très forte en ambiance très chaude. Un indicateur, le PMV, permet notamment de prédire le pourcentage de personnes satisfaites et de donner une idée de l’ambiance. Pour une ambiance standard, le PMV doit être compris entre « légèrement frais » et « légèrement tiède », ce qui produit 10 % d’insatisfaits. Cet indicateur n’est toutefois valable que dans certaines conditions (bâtiments climatisés ou chauffés seulement…). La constante de temps du corps humain est quasiment égale à celle du bâtiment, soit une heure environ : il faut savoir profiter de l’inertie du bâtiment et savoir tenir compte des conditions de séjour distinctement des conditions de passage… Il convient aussi vérifier l’homogénéité des ambiances, ce que permet de faire une norme iso : il faut en particulier éviter les asymétries de rayonnement. Autre élément à respecter, l’homogénéité tête-pieds, la différence de température ne devant pas excéder 3°C. Par ailleurs, il faut tenir compte, dans le choix des matériaux de construction, de leur température de contact. Enfin, il faut envisager un zonage des méthodes de régulation, en fonction des activités des utilisateurs. La maîtrise par les occupants apparaît imp ortante, et il faudrait en particulier développer une gestion « intelligente » par des systèmes à auto-apprentissage. Pour que la démarche HQE prenne plus de consistance, il me semble essentiel qu’elle recoure à la modélisation, non seulement sur le bâtiment, mais aussi pour prendre en compte l’être humain et sa thermophysiologie.

Yan CHERON, programmateur Lorsque l’usager peut faire varier à 100 % la climatisation, l’écart de température entre par son bureau et les autres partie du bâtiment peut être extrêmement important et avoir un impact en termes de santé.

Françoise THELLIER L’organisme n’est pas conçu pour de telles variations. Il est possible de laisser une certaine marge à l’usager sans lui laisser toute liberté. En outre, un usager qui sait qu’il peut modifier son environnement se montre beaucoup mois exigeant pour son climat : il existe un effet psychologique important.

III. La qualité sanitaire de l’air Francis ALLARD La qualité des ambiances intérieures représente un enjeu économique déterminant : selon un chercheur américain, une amélioration de la qualité de l’air intérieur dans les bâtiments entraînerait aux Etats-Unis un gain de productivité compris entre 40 et 200 milliards de dollars. Cette amélioration répondrait également à une demande sociale.

1. L’évaluation de qualité de l’air intérieur La problématique de la qualité de l’air intérieur s’articulait jusqu’à une période récente sur deux polluants principaux, CO2 et H2O. Les réglementations sur la ventilation sont basées sur des études anciennes, mais depuis quelques années, cette problématique est réactualisée. Les sources internes de polluants sont notamment prises en compte. Ces sources peuvent être classées par groupe (émissions par les matériaux, transferts de l’extérieur…), mais aussi par nature et par type : les poussières proviennent en grande quantité du milieu extérieur, ainsi que des matériaux qui se dégradent. Les composés organiques sont issus de l’extérieur, mais aussi des éléments qui nous entourent au sein des bâtiments. Les composés non-organiques sont généralement employés pour caractériser la qualité de l’air extérieur. Enfin, si le risque spécifique lié au radon est connu, des principes constructifs permettent de le traiter de manière fiable. La qualité sanitaire de l’air est essentiellement liée à la réponse des occupants. Il faut, pour l’envisager, analyser les sources, les schémas d’activité, puis définir des valeurs limites d’exposition et les comparer aux expositions mesurées ou prédites. Les « valeurs à risque » sont issues d’études réalisées sur des animaux, qui quantifient les risques sanitaires liés à la concentration et à l’exposition à un polluant. Néanmoins, très peu d’études ont été menées sur les mélanges de polluants, alors que cela correspond à la réalité. Dans le cas des polluants cancérigènes, les mesures se font plutôt par

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unité de risque. Ainsi, une démarche scientifique permet d’établir des niveaux d’acceptabilité des risques sanitaires pour les polluants. Cependant, le problème de la qualité sanitaire de l’air dans les bâtiments reste difficile à résoudre, car les polluants s’y trouvent souvent à doses faibles, mais pour des durées d’exposition extrêmement longues. La qualité olfactive de l’air présente une plus grande complexité encore parce qu’elle fait intervenir l’interprétation de l’individu. La sensation ressentie varie beaucoup en fonction du type de stimulus et elle est vécue différemment par chacun. Il serait intéressant de pouvoir à l’avenir interpréter le confort olfactif à partir de grandeurs physiques mesurables comme la concentration. Nous pouvons dès à présent définir des seuils de détection et de reconnaissance physiologique : leur niveau varie beaucoup avec les espèces chimiques concernées. Nous parvenons généralement à définir une échelle d’intensité d’odeur, en faisant appel à un panel d’individus. Au-delà, l’interprétation constitue un autre aspect à traiter : lorsque l’on souhaite faire tester la qualité olfactive d’un bâtiment, nous proposons une interprétation en termes d’arômes reconnus par le panel. Enfin, il convient de définir le niveau d’acceptabilité de l’odeur, en fonction de son intensité et de son caractère : nous ne pouvons travailler que sur des études statistiques et, pour l’instant, nous définissons la trame des instruments qui nous permettront d’évaluer à l’avenir la qualité olfactive de l’air. Nous employons également des indices monomarqueurs : par exemple, il est possible de corréler la « pollution olfactive » des individus au regard des émissions naturelles de CO2 et H2O qui les caractérisent. Des indices permettent également de mesurer les concentrations en composés organiques volatils relargués par les matériaux. Ils sont des indicateurs de qualité olfactive. Enfin, il existe d’autres indices qui sont eux aussi issus de mesures physiques et de leur interprétation probabiliste en termes de qualité olfactive. Une autre démarche a été entreprise pour tenter de définir une unité de confort olfactif : toutes les pollutions sont ramenées à la nuisance créée par un individu dans une pièce et, dans un second temps, nous essayons d’établir une probabilité d’acceptation d’un niveau de pollution de l’air intérieur. Cette démarche paraît intéressante dans la mesure où l’évaluation des aspects olfactifs est tellement complexe qu’il est nécessaire de définir une méthodologie relativement simple permettant de réaliser une certaine prospective. Toutefois, ces travaux restent assez contestés.

2. La qualité de l’air intérieur dans la démarche HQE Si les modèles de prédiction existent, le manque considérable de données rend impossible la réalisation de prédictions fiables. Il faut par conséquent adopter une logique qui consiste à se prémunir des nuisances : la mesure essentielle consiste à l’identifier et évaluer les sources de pollution. Il faut ensuite tenter de gérer ces éléments au long du projet. Aujourd’hui, les classifications qui recensent les caractéristiques environnementales des matériaux de construction peuvent renseigner sur les constituants de ces derniers et sur les risques que comporte leur emploi. Il en va de même pour les équipements (climatisation) et leur maintenance. Le problème du radon peut être traité, à condition d’être connu, par des dispositifs efficaces. Enfin, les risques liés à l’air extérieur devront être traités par l’installation de dispositifs techniques au niveau des parois : filtres… Pour le confort olfactif, la démarche est équivalente, même si l’usage du bâtiment entre plus en ligne de compte que la construction. Par exemple, certains matériaux fibreux peuvent devenir nuisibles en cas d’intervention, voire d’entretien. Les équipements doivent permettre de bien gérer les sources. La dilution des odeurs constitue souvent le traitement le plus adéquat et les schémas de ventilation permettent d’isoler la zone d’occupation de la zone la plus polluée. Enfin, comme il n’existe pas de traitement spécifique à recommander pour l’air extérieur, il convient là encore de recourir à des dispositifs de protection.

IV. Table ronde Sylviane NIBEL Je souhaite vous expliciter le référentiel des caractéristiques HQE. Il est composé d’indicateurs qui seront à décliner selon les types de bâtiments et les différentes phases opérationnelles d’un projet. Les données peuvent être utilisées par différents acteurs en phase de programmation, ou bien pour évaluer les résultats de concours, pour suivre la phase d’exploitation… Ce référentiel a été développé par un groupe de travail animé par le CSTB, en parallèle avec le groupe chargé des travaux sur le SME : la liste d’indicateurs peut être considérée comme un outil participant à la mise en œuvre de ce système. Tous les éléments de ce cadre de référence n’a pas vocation à être suivis à la lettre. Ce tableau formule les exigences et sous-exigences qui se rapportent aux 14 cibles, ainsi que des propositions d’indicateurs. Certains sont qualitatifs, mais ne sont pas pour autant subjectifs. Par ailleurs, tous les indicateurs ne sont pas opérationnels de la

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même manière : certains peuvent être évalués, alors que cela semble plus délicat pour d’autres en l’état actuel des connaissances. Si les rapprochements entre les différentes cibles ont été signalés, les utilisateurs du référentiel doivent avoir conscience que l’amélioration apportée sur une cible peut entraîner une dégradation de performance sur d’autres cibles. Certains développements restent à réaliser pour parfaire ce cadre de référence : relier les indicateurs proposés aux différentes phases d’un projet de bâtiment, les décliner par type de bâtiment, préciser par bâtiment les valeurs de référence à appliquer. Les modalités d’évaluation accompagnant ces indicateurs restent à préciser. Enfin, des notes explicatives d’accompagnement seront ajoutées aux tableaux pour chaque cible, une fois qu’elles auront été validées par l’Association HQE.

Sophie BRINDEL-BETH Le confort spatial est un préalable au confort, mais il reste passé sous silence bien qu’il ait fait l’objet de travaux importants en particulier sur le volume minimal par personne. Des normes de surface minimum ont été mises en place, mais ne portent pas sur le volume ni sa configuration. Or la configuration de l’espace a des incidences directes sur la santé : une expérience réalisée à Vierzon montre qu’il est possible, en travaillant sur les surfaces et les volumes d’un bâtiment hospitalier, de supprimer la prescription de médicaments anxiolytiques aux personnes âgées désorientées qui l’occupent. Aussi, il faut nous atteler d’avantage à la qualité de l’espace. Par ailleurs, le travail sur les couleurs doit également être approfondi. Il est souhaitable que dans les écoles d’architecture, la configuration de l’espace et les questions relatives à la couleur soient plus enseignées. L’habitat neuf bénéficie d’un bon niveau de confort acoustique et cette tendance se prolongera dans le secteur tertiaire par la prise d’arrêtés : toutefois, il n’existe aucune réglementation pour l’existant. Nous avons travaillé avec l’ANAH à la conception d’une démarche sonorité-tranquillité que je souhaite voir émerger : l’amélioration acoustique des logements doit se faire in situ et ne peut être réglée de manière générale. Autre difficulté, les défauts de confort acoustique liés à l’importance des sons graves étaient pris en compte par les DBA, mais la réglementation européenne ne permettra plus d’apporter les corrections nécessaires : il s’agit pourtant de troubles importants du confort, qui peuvent induire des problèmes de santé. Enfin, un travail doit être réalisé, opération par opération, sur les interactions entre cibles. C’est le sens même de la démarche environnementale.

Une intervenante Nous avons travaillé sur le confort depuis de nombreuses années et la collaboration entre physiciens, ingénieurs et médecins est apparue fondamentale pour appréhender la totalité de la problématique. L’humidité constitue l’un des premiers problèmes de santé dans l’habitat. Nous avons mis en évidence plusieurs paramètres au-delà de la simple mesure hygrométrique. Ainsi, si les matériaux affichent des caractéristiques spécifiques d’absorption de l’eau, les systèmes constructifs présentent eux aussi des effets différents en matière d’humidité. En outre, certains matériaux favorisent la croissance des moisissures… Concernant la qualité de l’air, de nombreuses interactions restent mal connues, mais il est possible de savoir ce qu’émettent les matériaux de construction. Nous avons caractérisé les produits et, là encore, il apparaît que le système constructif contribue plus ou moins à l’émission de polluants. La question des interactions entre environnement et santé a été abordée. Nous avons considéré qu’il était important de savoir, en cas de combustion, ce qu’il restait du matériau incorporé dans un matériau. Nous avons également souhaité connaître l’effet d’agents ajoutés aux matériaux (destinés par exemple à accroître la porosité de la terre), ainsi que leur radioactivité. La problématique du confort d’été est enfin abordée par la réglementation thermique. Souvent, l’on oublie que l’inertie peut contribuer à la régulation de température. Il faut aussi considérer l’effet de l’épaisseur et de la masse de la paroi. Aujourd’hui, la perméabilité à l’air du bâti est limitée par la réglementation thermique 2000. Pour notre part, nous avons réalisé de nombreuses études, notamment sur les enduits, car il est regrettable de constater que la moitié de l’air entrant dans un bâtiment n’emprunte pas les systèmes conçus pour cela. Les études que nous avons menées ont mis en évidence la nécessité de prendre en compte la contribution de tous ces éléments. La norme sur la communication des données environnementales est pratiquement achevée : nous avons réalisé la fiche concernant nos produits et nous tenons à disposition une brochure sur monomur et santé.

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Christian MOUROUGANE L’Assistance Publique Hôpitaux de Paris représente 40 sites hospitaliers, soit environ 28 000 lits et 86 000 agents. Nous investissons chaque année 1,2 milliards de francs environ dans la construction et la réhabilitation de bâtiments. Depuis un an, nous réfléchissons à l’adaptation de la démarche HQE dans le domaine hospitalier, où la qualité de l’eau, la qualité de l’air et le bruit constituent d’importantes préoccupations. Nous menons une réflexion sur la conception complète du réseau d’eau, du système de production au système de redistribution. Par ailleurs, nous avons constaté que nombre d’infections nosocomiales étaient dûes à la mauvaise distribution de l’air, que cela tienne à des défauts de maintenance, d’exploitation, de régulation ou bien au fait que des infections sont transportées d’une chambre à l’autre par le personnel infirmier lui-même. Le bruit est important dans les hôpitaux. Il est lié aux matériaux employés, à l’activité du personnel… De ce fait, nous soignons sans pour autant guérir car les malades sortent fatigués de nos services : pour cette raison, nous menons avec le PUCA des études sur la construction et le son. Notre réflexion a été initiée à partir du retour d’expérience que nous avons eu sur nos principales constructions : en l’absence de démarche et de programmation pointue dans le domaine de l’environnement et de la maîtrise des risques, des dysfonctionnements majeurs se produisent et portent sur la qualité de soin, mais aussi sur la qualité des conditions de travail. La difficulté consiste aujourd’hui, en tant que maître d’ouvrage, à mettre en place un système de programmation qui améliore la qualité de nos exigences techniques. Nous rencontrons notamment un problème de connaissance en amont, en particulier en matière microbiologique. Par exemple, pour prévenir l’apparition de légionnelle, il faut que trois paramètres soient respectés : qualité des canalisations, circulation de l’eau et température relativement constante. Cela suppose non-seulement un travail de conception, mais aussi un travail de maintenance, d’exploitation et de contrôle du réseau. Aussi, la maintenance préventive et améliorative doivent pour nous être intégrées dès la programmation, et c’est ce travail que nous tentons de mettre en place dans la démarche HQE.

Andrée BUCHMANN Nous manquons de connaissance sur la pollution à l’intérieur des locaux. Pour cette raison, Madame Lienemann a lancé en juillet 2001 l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur. Il est issu d’une communication de Monsieur Louis Besson en 1999, qui posait les objectifs suivants :

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création d’un observatoire de la qualité de l’air intérieur ; développement d’un programme d’enquête épidémiologique ; information du public sur l’impact sur l’environnement et la santé des produits et matériaux de construction ; adaptation des règles techniques, notamment de ventilation.

Les missions de l’Observatoire sont :

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identifier les substances, agents et situations qui, en affectant la qualité de l’air à l’intérieur des espaces clos, présentent un risque pour la santé, en réalisant un travail d’enquête et en récoltant des données à l’intérieur des lieux de vie ;

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évaluer l’exposition des populations aux polluants identifiés afin de contribuer à l’évaluation et à la gestion des risques sanitaires correspondants ;

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contribuer à la mise au point de recommandations relatives à l’optimisation des systèmes de ventilation du point de vue sanitaire et énergétique ;

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coordonner les recherches liées à son fonctionnement.

L’approche de l’Observatoire se fait en réseau sur l’ensemble du territoire et il collabore avec des laboratoires d’autres pays. Il est issu d’une convention entre le Ministère de la santé, le Ministère de l’environnement et le Ministère de l’équipement. L’opérateur est le CSTB. L’Observatoire est animé par

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un Conseil de surveillance réunissant les trois ministères, l’ADEME et le CSTB, par un Conseil scientifique présidé par le Professeur FESTI et par un Comité consultatif que je préside, qui réunit des organismes professionnels et des acteurs associatifs notamment. En outre, nous mettons en place des comités de suivi locaux. Cette structure dispose d’un budget de fonctionnement de 23 millions de francs et nous souhaitons le voir augmenter. L’Observatoire a mené cette année une campagne pilote sur 90 logements et 9 écoles afin de recueillir des données de pollution etc. Ces démarches sont relativement complexes et il faut notamment que les occupants acceptent l’installation des dispositifs de mesure. Ils sont de plus interrogés sur leurs comportements avant et après cette installation, et remplissent un questionnaire pendant la semaine de prise de mesures. Les trois sites pilote ont été le Nord-Pas-de-Calais, la région de Strasbourg et la région d’Aix Marseille. Les données seront publiées en février ou mars 2002 et la campagne opérationnelle touchera, à partir de l’année prochaine, 800 lieux de vie en situation d’occupation sur la France entière. 20 millions de données seront récoltées par an et nous travaillons notamment sur la manière de les mettre à disposition des pouvoirs publics, des scientifiques et du grand public.

V.

Questions

Thierry LAMOUCHE, Bureau d’études CEDRE La qualité de l’eau constitue une question importante pour nombre de maîtres d’ouvrage. Aujourd’hui, les éléments analysés au niveau du robinet restent très marginaux : quels développements pourraient être réalisés dans l’avenir ?

Suzanne DEOUX La directive européenne de 1998 concernant les nouvelles normes de potabilité de l’eau aurait due être traduite en droit français au 25 décembre 2000 : un important retard a été pris. Dorénavant, la potabilité sera mesurée au robinet du consommateur et la qualité des conduites d’eau sera notamment prise en compte.

Christian MOUROUGANE La Direction de l’Hospitalisation et de l’Organisation des soins élabore une circulaire qui apportera des recommandations aux services techniques des hôpitaux, en termes de moyens d’exploitation et de gestion des réseaux d’eau pour éviter les risques liés à la légionelle. Trois éléments importants devraient y apparaître : l’équilibrage des réseaux, le système de gestion technique et les procédures à suivre en cas d’apparition de la souche bactérienne.

Thierry LAMOUCHE En cas de légionellose, avez-vous testé des traitements bactériologiques par ultraviolets ?

Christian MOUROUGANE A ma connaissance, l’Assistance publique traite surtout le problème par des travaux de plomberie, pour jouer sur la circulation de l’eau et le contrôle de la température. Si nécessaire, nous tentons en dernière extrémité d’agir par des chocs chlorés ou thermiques. Les autres méthodes sont encore insuffisamment documentées en France.

De la salle Quelle est la méthodologie qui préside au choix des lieux de vie qui sont étudiés par l’Observatoire de la qualité de l’air ?

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Christian COCHET, CSTB La méthodologie est en cours de définition, mais ces sites seront recrutés par échantillonnage aléatoire.

Michel PARIS, Ingénieur sanitaire, DRASS L’application de la nouvelle directive prendra en considération la qualité de l’eau au robinet, ce qui représente un progrès, car avec la précédente directive, la confiance était fondée sur la qualité de la ressource. Désormais, les échanges entre l’eau et les canalisations seront pris en compte dans les circuits de distribution et de stockage. Trois familles de risques seront donc prises en considération : le risque microbiologique, les adjuvants en matière plastiques et les métaux.

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Derniers ateliers : les moyens d’obtention de la QE des bâtiments Le rapporteur général de ces ateliers est Jean-Luc SADORGE, Conseil régional d’Alsace.

Management environnemental des opérations L’atelier est animé par Jean-Luc HOGUET, architecte. Le rapporteur est Valéry LAURENT, AFNOR.. Ont participé à l’atelier : Dominique DE VALICOURT, IMBE ; Gille OLIVE, GOIC. Ont participé à la table ronde : Marie-Laure AUTARD, OPAC 27 ; François BOILOT, Conseil régional Rhône-Alpes ; Jean-Marie GALIBOURG, Mission Interministérielle pour la Qualité des Constructions Publiques ; Nedialka SOUGAREVA MATE/D4E ; Alain VILLAIN, Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais.

I.

Introduction

Jean-Luc HOGUET Nombre de maîtres d’ouvrage semblent conscients de l’exigence devant laquelle nous nous trouvons et certains ont déjà mené des actions HQE. Le champ sur lequel ils doivent aujourd’hui se sentir interpellés apparaît large, touchant à la construction, mais aussi à l’urbanisme et à la gestion du bâtiment. Il reste par conséquent, après une phase de prise de conscience, à passer à l’acte. Pour prendre cette responsabilité à bras le corps, les maîtres d’ouvrage restent néanmoins relativement désarmés. Ainsi, la HQE pourra sortir d’un domaine jusque-là réservé à des spécialistes.

Gilles OLIVE Le référentiel du Système de management environnemental (SME) est le plus important de la production actuelle de l’Association HQE : il vise à donner les moyens d’obtenir la qualité environnementale.

II.

Système de management environnemental

Dominique DE VALICOURT Le référentiel SME sert à guider le maître d’ouvrage et ses partenaires dans la mise en œuvre d’une démarche HQE et, à terme, vise à permettre la constitution d’un système de certification. Ce référentiel a été bâti en spécifiant la norme iso 14001 au secteur du bâtiment. Le SME comprend différentes étapes : la politique environnementale, la planification, la mise en œuvre et le fonctionnement, le contrôle et l’action corrective, la revue de direction. La mise en œuvre du SME vise à améliorer la performance environnementale des opérations. Elle peut être appliquée à l’ensemble de ces opérations ou sur certaines seulement. Le processus est adaptable par chacun à sa propre structure.

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1. La politique environnementale La politique environnementale constitue la base sur laquelle s’appuie le maître d’ouvrage pour fixer les objectifs et les cibles sur une opération. Elle sert à définir le périmètre du SME. Il faut notamment s’assurer que les méthodes utilisées relèvent des pratiques applicables en matière de prise en compte de l’environnement (référentiel des 14 cibles), puis prendre en compte le cycle de vie du bâtiment et adopter une approche en coût global. La politique environnementale décrit les moyens à affecter au SME, détermine le niveau d’exigence environnementale et définit les exigences relatives aux sous traitants.

2. La planification Elle doit tenir compte des aspects environnementaux, des exigences légales et d’autres exigences (lois, Code des marchés publics, documents de l’Association HQE ou de l’ADEME…), ainsi que des objectifs et cibles et d’un programme de management environnemental. Le poids relatif donné aux aspects environnementaux permet la hiérarchisation des 14 cibles. Les objectifs spécifiques à l’opération sont fixés, accompagnés d’une évaluation en coût de fonctionnement et d’investissement. Le programme de management environnemental doit être intégré au programme technique fonctionnel architectural classique. Il permet d’établir un tableau de bord permettant de suivre l’avancement du projet dans toutes ses phases. Il doit décrire les cibles, mais aussi préciser le calendrier de l’opération, le personnel responsable de sa mise en œuvre… Cette phase de planification peut s’appuyer sur le référentiel de Définition explicite de la qualité environnementale ou sur les indicateurs du SME.

3. La mise en œuvre et le fonctionnement Il convient, pour mettre en œuvre le programme, d’établir les structures-responsabilités, mais aussi d’assurer la formation, la documentation et la communication envers tous les acteurs du projet. Le maître d’ouvrage doit notamment tenter de déterminer les niveaux d’expérience et le niveau de formation nécessaire de son personnel. La communication porte sur tous les acteurs, jusqu’à l’usager. Enfin, la documentation doit notamment rappeler la politique environnementale menée, les organigrammes de responsabilité... Il faut s’assurer que la documentation soit mise à jour et qu’elle apparaisse relativement simple. Pour assurer la maîtrise opérationnelle et la prévention des situations d’urgence, il faut identifier et planifier les exigences et les actions à mener en établissant des procédures. Le maître d’ouvrage doit les transmettre à ses fournisseurs et s’assurer que ses sous-traitants sont dotés de procédures de prévention des situations d’urgence.

4. Le contrôle et l’action corrective Cette étape du SME recouvre la surveillance et le mesurage, qui vise à quantifier et qualifier les aspects environnementaux. Si le traitement d’une cible apparaît problématique, il faut identifier les causes de non-conformité et mettre en œuvre une action corrective ou préventive. Il convient en outre de procéder à un enregistrement de toutes les procédures, permettant de conserver la mémoire du déroulement du projet. Cela permet in fine de voir dans quelle mesure les objectifs et cibles planifiées ont été atteints. L’audit du SME vise à s’assurer que la mise en œuvre du système de management s’effectue en conformité avec la politique environnementale du maître d’ouvrage. Le contrôle en cours de projet est assuré par une personne extérieure.

5. La revue de direction Elle consiste en un retour d’information à l’acteur qui a défini la politique environnementale pour qu’il puisse savoir s’il a atteint ou non les objectifs qu’il s’était fixés. Ces revues de direction doivent prendre en compte les résultats des audits réalisés en cours de projet. Il est important qu’elles soient effectuées à la fin de chaque opération, pour que le maître d’ouvrage puisse améliorer la politique qu’il suit d’un projet à l’autre.

Jean-Luc HOGUET Ce référentiel, qui constitue une aide précieuse à la maîtrise d’ouvrage, ne remet-t-il pas en cause la répartition traditionnelle des missions intervenants dans l’acte de construire ?

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Jean-Marie GALIBOURG La Mission Interministérielle pour la Qualité des Constructions Publiques (MIQCP) à laquelle j’appartiens a travaillé très tôt sur les voies d’amélioration de la qualité et découvert qu’il fallait agir le plus en amont possible : la loi MOP a été issue de cette réflexion, qui a suscité une montée en puissance du concept de programme et des processus de concours. Il semble que la HQE se situe dans une démarche plus globale d’élaboration du programme et d’élaboration du projet. Au stade du programme, la démarche se décompose en deux temps : les études pré-opérationnelles, puis la réalisation du programme par commande à la maîtrise d’œuvre. La démarche de recherche de qualité environnementale se situe bien dans la programmation : les conseillers environnement doivent par conséquent s’associer aux démarches des programmateurs. Cela vaut d’autant plus qu’un programme ne saurait être statique : il doit se préciser à mesure que les études de maîtrise d’œuvre se développent (art. 2 de la loi MOP). Plusieurs exigences sont déjà formulées par la MICQP à l’égard de l’architecture des bâtiments publics, notamment pour que ces bâtiments soient porteurs de valeurs urbaines, sociales, esthétiques…. Ainsi, la qualité environnementale se situe parmi bien d’autres exigences et objectifs. La HQE constitue néanmoins une nouvelle lecture, transversale, des objectifs de la maîtrise d’ouvrage. Enfin, s’il est essentiel que le programme pose les objectifs, c’est bien à la maîtrise d’œuvre d’imaginer les solutions qu’il faut développer pour les atteindre.

Nedialka SOUGAREVA Si la HQE modifie les comportements dans l’acte de construire, elle représente, au-delà, une traduction du développement urbain durable qui favorise les processus intégrés et qui se situe dans un contexte favorable en France (loi sur le développement durable des territoires, loi SRU…). Il existe aujourd’hui des indicateurs composites de durabilité locale qui prennent en compte les aspects liés à la HQE, mais aussi d’autres aspects du développement urbain, ainsi que des outils comme les tableaux de bord… Il est souhaitable que la HQE s’applique aussi au secteur de l’aménagement urbain, pour la réhabilitation des immeubles, mais aussi au traitement des rues, des sentiers piétonniers etc. La démarche gagnerait à s’inscrire dans un processus plus global, parce qu’elle est faite pour l’homme, plus petit dénominateur commun des indicateurs de développement urbain durable.

Jean-Luc HOGUET En qualité d’opérateur urbain dans le domaine des HLM, je souscris complètement à ce propos.

Pascal BRONTIER, architecte Je ne pense que l’on puisse affirmer que le développement durable s’intéresse à la ville et au territoire, alors que la HQE représente la traduction complète du développement durable à l’échelle du bâtiment. La HQE est une manière de parvenir au développement durable et peut elle-même intégrer des paramètres du développement durable comme l’environnement, la dimension sociale ou la gouvernance : en développant ces aspects, ne pourrait-on faire de la HQE une démarche réellement intégrée ?

Gilles OLIVE Le concept moteur de la HQE est évidemment le développement durable. Le fait de prendre comme objet les bâtiments (plutôt que le territoire par exemple) tient en particulier à des raisons historiques : de fait, la problématique ne pouvait être posée autrement qu’en termes de qualité environnementale. Cela permettait d’assurer la mobilisation des acteurs. Par ailleurs, nous ne pourrons faire abstraction du développement durable des territoires. Certains acteurs ont commencé à creuser cette problématique, mais il conviendra d’assembler les réflexions. Enfin, il faut nous montrer extrêmement prudent dans l’usage de la notion de développement durable : par exemple, ce n’est pas parce que l’on construit un sustainable building que l’on résout la question de la mixité sociale. Au plan international, nous avons d’ailleurs souhaité que la démarche soit traduite par l’expression sustainable built environment et non pas par sustainable building.

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III. La déclaration environnementale Gilles OLIVE Décrire et évaluer une activité n’est pas aisé : le SME permet de réaliser cette évaluation. Au-delà, la description et l’évaluation des produits et services que génère cette activité apparaît également problématique : pour y parvenir, nous mettons au point la déclaration environnementale. Nous pouvons désormais évaluer les produits de construction grâce au travail qui a été accompli pour décrire leur qualité environnementale. Un travail de même nature sera entamé pour que nous puissions décrire, puis évaluer la qualité d’un bâtiment. La déclaration environnementale, issue des normes iso, peut être faite à plusieurs niveaux : l’autodéclaration, l’écolabel, l’écoprofil. D’autres normes iso portent sur l’analyse de sites de vie et constituent une base sérieuse pour envisager la qualité environnementale des produits. Il a été envisagé avec l’ATEC d’évaluer la qualité environnementale des bâtiments d’après leurs impacts environnementaux, mais cela est apparu extrêmement complexe. En effet, si des aspects particuliers de qualité environnementale peuvent être évalués, ils sont hétérogènes : par exemple, comment mettre en cohérence un aspect lié à la qualité olfactive et un aspect tenant à la relation harmonieuse du bâtiment avec son environnement immédiat ? Or cette hétérogénéité peut être surmontée par le simple constat qu’une caractéristique d’un bâtiment permet de satisfaire plus ou moins une exigence environnementale : il s’agit alors bien d’un langage commun entre des aspects distincts de la qualité environnementale, qui permet de pondérer la satisfaction de chaque exigence environnementale. A un niveau supérieur, chacune de ces exigences participe plus ou moins à la satisfaction d’une exigence plus globale. Ainsi, en bout de raisonnement, il est parfaitement possible d’évaluer la satisfaction d’une exigence environnementale globale. Nous pourrons donc employer un langage commun de description et d’évaluation de la qualité environnementale des bâtiments. Cela ne nous permettra pas pour autant de préciser les impacts environnementaux du bâtiment : nous devrons travailler ultérieurement sur cette dimension. La déclaration environnementale apparaît indispensable et nous pouvons y parvenir progressivement dans le secteur du bâtiment. Ainsi, la HQE reposera sur deux socles : le SME, qui permettra d’évaluer le déroulement de la démarche, et la déclaration environnementale, qui permettra d’en évaluer le produit final.

Une intervenante, Conseil général du Maine et Loire Faut-il qu’un maître d’ouvrage soit certifié iso 14000 pour qu’il puisse faire reconnaître l’opération qu’il lance comme opération HQE ? Par ailleurs, un audit de l’opération doit être réalisé : qui sont les auditeurs ? Enfin, que représente la HQE par rapport à la norme iso ? A mon sens, l’iso porte plus sur une opération, alors que la HQE porte plus sur un système de management de la qualité.

Gilles OLIVE Il n’est pas question de reconnaître des bâtiments HQE, mais des opérations. La norme internationale s’adresse à un acteur qui mène une politique environnementale qu’il fait progresser au long de son activité : dans le bâtiment, les maîtres d’ouvrage ne progressent pas tous d’opération en opération. Nous apprenons pour l’instant une démarche visant à obtenir, améliorer et maintenir une qualité : nous nous trouvons par conséquent dans une période où ce que nous cherchons à maîtriser est bien une opération.

Dominique DE VALICOURT L’idée consiste à organiser la mise en œuvre des 14 cibles. Le SME s’applique pour améliorer la qualité environnementale d’une opération et développer le système d’acteurs qui s’articule autour de l’opération. L’effort de traduction de la norme internationale iso 14000 vise aussi à remplir cet objectif. Un maître d’ouvrage ne doit pas être certifié iso 14000 sur une opération : il adapte les procédures à son organisme. Si une certification est mise en place, des auditeurs entreront en jeu : pour l’instant, l’Association n’a arrêté aucune position à ce sujet et les discussions se poursuivent. Ces auditeurs devront être formés spécifiquement et devront bien comprendre la spécificité de la démarche.

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De la salle L’Association HQE développe un système qui s’apparente à l’iso 9001 pour que la production d’une opération HQE puisse être certifiée. Parallèlement, elle tente de répondre à une demande, issue du monde politique, visant à qualifier l’objet architectural, ce qui apparaît extrêmement complexe.

Serge SIDOROFF L’iso 9000 traite de procédures, et ne s’apparente pas à l’iso 14000, qui relève plutôt d’un système de management environnemental. L’iso 14000 se distingue donc car elle tient compte de la qualité environnementale. Dans la démarche HQE, il n’est pas possible de dissocier l’exigenciel sur les cibles de la démarche de management environnemental.

Dominique DE VALICOURT L’audit tiendra bien compte de la qualité du résultat final et ne se contentera pas d’examiner le respect des phases de l’opération. La phase d’exploitation sera elle aussi examinée, car le but consiste bien à améliorer la qualité environnementale des bâtiments.

Serge SIDOROFF La demande originelle de Marie-Noëlle Lienemann portait sur un label HQE pour l’habitat social neuf. La réponse de l’Association HQE sera une certification d’opérations de construction d’habitat social neuf.

Dominique DE VALICOURT Nous nous sommes battus pour que la HQE échappe à la logique de label. La référence à la norme iso permet notamment de favoriser notre existence au niveau international.

Jacques PUISSANT Il subsiste de fortes interrogations dans le discours sur l’évaluation, sur les référentiels… : en tant que professionnels, nous nous demandons à quels éléments nous référer.

François BOILOT La Région Rhône-Alpes compte 300 lycées publics environ, ce qui représente 1,2 milliards de francs de travaux par an. Nous avons initié en 1998 une démarche HQE, et nous avons souhaité mener une action sur l’ensemble de nos opérations. Nous travaillons essentiellement en restructuration et en réhabilitation, ce qui complexifie la mise en œuvre de cette démarche. La difficulté la plus délicate a été de mobiliser les acteurs, qu’il s’agisse des services de la maîtrise d’ouvrage, ou de la maîtrise d’œuvre. La Région a mis en place des formations avec le concours de l’ADEME et cet effort ira croissant pour répondre à une forte demande. Nous avons établi un référentiel dans le cadre d’une commission de travail entre élus et services de la Région. Nous avons emprunté une démarche progressive, sans chercher à traiter d’emblée les 14 cibles : nous nous sommes focalisé sur les déchets de chantier puis sur l’éclairage naturel, le confort d’été et les économies d’énergie. En effet, ces cibles devaient être prises en compte dès la conception du projet (plan-masse). Nous avons pour cela réalisé un état des lieux par l’intermédiaire de bureaux d’études : cela nous a permis d’approcher la démarche de management environnemental, qui constitue l’un de nos objectifs forts. Nous avons néanmoins connu de nombreux « dérapages » dans le déroulement des projets. Aujourd’hui, notre objectif consiste à mettre en place des indicateurs de performance et de nous tenir tout au long du projet au niveau de performance que nous avons fixé. Ces indicateurs sont établis à la suite d’une mission diagnostic de la maîtrise d’œuvre, par débat avec la maîtrise d’ouvrage pour définir un niveau de performance réaliste. Le fait de fixer

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ces valeurs permet de mobiliser tous les acteurs et d’être certain d’obtenir une plus grande qualité du résultat. Toutefois, un dialogue soutenu est nécessaire pour que toutes les équipes comprennent bien l’intérêt de la démarche. En parallèle à ces actions, la Région a mis en place un observatoire des coûts pour l’ensemble des opérations, auquel l’observatoire des coûts de la qualité environnementale sera intégré.

Sandrine JAMOT Le Nord-Pas-de-Calais a développé des outils pour mener ses opérations et pour aider d’autres maîtres d’ouvrage avec l’ADEME. Il s’agit notamment de référentiels comprenant des indicateurs et des éléments de pondération, que nous tentons d’utiliser en phase esquisse, en phase projet et en phase suivi. Nous testerons ce référentiel en phase suivi sur 15 opérations et un bilan sera effectué en février 2002. Pour accompagner les maîtres d’ouvrage, nous avions travaillé à la constitution d’une base de données matériaux qui reprenaient les éléments des fiches matériaux environnement. Nous utiliserons à l’avenir celle qui est en cours de constitution. Il serait intéressant que les régions échangent des expériences et enrichissent mutuellement leurs démarches.

Marie-Laure AUTARD L’OPAC 27 a travaillé sur un site de 18 tours. Les locataires en place, interrogés dans le cadre d’une vaste campagne d’enquête technique et environnementale, ont constitué les acteurs principaux du diagnostic préalable et du management environnemental. Le résultat de ce diagnostic est entré en ligne de compte pour hiérarchiser les différentes cibles. Il est apparu que ces habitants connaissaient en particulier des problèmes d’environnement immédiat, dans la mesure où les bâtiments étaient mal implantés. Nous avons travaillé sur 19 cibles en tout, dont 5 environ ont été traitées de manière très approfondie, à travers d’un chantier à faible nuisance. Nous avons opéré un choix intégré des matériaux et des procédés constructifs, afin de tenter de diminuer les nuisances pendant le chantier. Si notre cible principale était la relation du bâtiment avec son environnement immédiat, nous avons également travaillé sur la gestion des déchets (de chantier et ménagers) et sur le confort olfactif. Le chantier est actuellement en fin de conception et nous débuterons bientôt le suivi du management environnemental en phase opérationnelle.

Jean-Luc HOGUET Les collectivités locales sont mues par des considérations d’intérêt général qui suffisent souvent à engager de telles démarches. Toutefois, la question du retour sur investissement reste en partie posée, mais elle ouvre sur des considérations liées notamment à la politique d’urbanisme et d’aménagement du territoire. La problématique n’en demeure pas moins déterminante dans l’implication réelle des maîtres d’ouvrage.

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Economie de la QE L’atelier est animé par Michel DUCROUX, UNTEC. Le rapporteur est Marc PEROL, Conseil régional d’Aquitaine. Ont participé à l’atelier :Mike SISSUNG, GECOB ; Roland FAUCONNIER, FFB. Ont participé à la table ronde : Raphaël BESOZZI, UNHLM, Jean-Pierre MAHÉ, Eiffage construction, Hubert PÉNICAUD, architecte.

I.

Introduction

Michel DUCROUX La qualité environnementale apparaît plus complexe, à travers les 14 cibles de la démarche, que l’approche qualité traditionnelle. Les préoccupations liées à la HQE ont une incidence sur l’économie de projet et les maîtres d’ouvrage s’interrogent systématiquement sur le surcoût de l’approche environnementale. La réponse apparaît complexe, car elle diffère d’un projet à l’autre, mais aussi parce que nous manquons de recul dans ce domaine. La notion de « surcoût » tient à une approche en termes d’investissement, alors que la démarche HQE présente l’originalité de travailler en termes de coût global, prenant en compte simultanément les coûts d’investissement, d’exploitation et de maintenance. Le maître d’ouvrage peut anticiper dès la fixation de l’enveloppe financière prévisionnelle les surcoûts, qui sont de deux ordres : ceux liés à la phase préalable de montage, programmation et étude et ceux liés aux travaux, ainsi qu’aux systèmes mis en œuvre pour réduire les coûts d’exploitation et de maintenance. Plusieurs approches du coût global sont possibles. D’une part, le coût global direct, dont le maître d’ouvrage supporte complètement la charge. D’autre part, le coût global indirect, qui s’impose à la collectivité. Il serait intéressant de prendre en compte dans la HQE cette deuxième approche, qui tient compte des coûts évités.

II.

L’approche du coût global

Mike SISSUNG Le coût global constitue un outil d’aide à la décision et ne doit pas être appliqué de manière systématique. La solution permettant d’obtenir les coûts globaux les plus intéressants n’est pas nécessairement choisie car le maître d’ouvrage n’a pas toujours les moyens de mettre en place les outil de gestion et les personnels nécessaires pour qu’il puisse assurer un réel contrôle. Enfin, intégrer la qualité environnementale dans une analyse de coût global est aisé si l’on sait chiffrer tous les coûts, en particulier les coûts évités. L’AFNOR a regroupé dans un livret tous les éléments de maîtrise de coûts. L’approche en termes de coût global est empruntée dans d’autres domaines que le bâtiment, comme l’automobile. Autre exemple, le rapport qualité-prix, dans certains dépliants publicitaires, est considéré comme la division prix/longévité, et cela donne ainsi une idée du coût réel du produit à l’année : c’est une approche de ce type que nous devons retenir. En outre, le prix et la qualité ne sont pas seuls à déterminer la qualité du produit : le comportement des utilisateurs est essentiel et il apparaît indispensable de leur expliquer comment fonctionne le bâtiment qu’ils occupent. La maîtrise de l’énergie contribue aussi au calcul de coût global. Par exemple, l’installation d’ampoules électriques basse consommation coûte plus cher que l’installation d’ampoules classiques. Toutefois, l’économie d’énergie qu’elles permettent de réaliser peut absorber le surcoût d’investissement que représente leur installation. En outre, si les nouvelles ampoules ont une durée de vie supérieure aux ampoules traditionnelles, cela représente une économie des coûts de maintenance. Le coût global, en construction, peut être défini comme la somme des coûts de construction, des dépenses d’exploitation courante et des dépenses de maintenance (maintien du patrimoine en bon état).

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Dans un calcul en coût global, il est indispensable d’intégrer dès le programme les dépenses en amélioration : il faut se projeter au moment où le bâtiment sera mis sur le marché et évaluer en amont les attentes des utilisateurs. Par ailleurs, le coût de démolition doit être pris en compte, car il peut être très élevé. Par exemple, la tour Esso de La Défense a due être désamiantée pour être démolie : cela n’avait pas été prévu à l’origine et les travaux ont représenté un surcoût impressionnant. Le coût global doit donc aussi prendre en compte les coûts indirects, cachés ou induits, qu’il faut tenter d’estimer dès le départ. Il faut notamment s’interroger sur la recyclabilité des matériaux mis en œuvre. Ce calcul en coût global doit être actualisé en fonction des taux d’intérêt de l’inflation, ainsi qu’au vu du glissement relatif des prix. Dans ce calcul, les variantes doivent être comparables entre elles. Enfin, il faut aujourd’hui apporter un intérêt soutenu – en termes environnementaux et dans le raisonnement en coût global – à la partie « énergie et fluides » (eau comprise) qui constitue l’élément le plus important des charges de copropriété. Le calcul en coût global comprend l’ensemble du montant de l’investissement, des coûts différés, des coûts de gestion, d’entretien et d’exploitation d’une opération immobilière ou d’un ouvrage. Il permet de comparer en termes technicoéconomiques des variantes techniques, mais aussi d’optimiser un projet en recherchant les solutions les plus rentables, d’apprécier l’importance des différents postes de dépense et enfin d’estimer des répartitions de charges et de déterminer un loyer d’équilibre. Par exemple, nous avons calculé en coût global que la création avec subvention d’une ferme éolienne devenait rentable au bout de 10 ans d’exploitation. Or pour qu’une telle création devienne intéressante sans subvention, il faudrait attendre 30 ans, soit une durée supérieure à la durée de vie de l’éolienne.

III. La valorisation de la HQE Roland FAUCONNIER Les coûts supplémentaires liés à la HQE tiennent notamment à la formation des acteurs. Lorsque la HQE fera partie des formations initiales, dans une dizaine d’années, ce coût aura été transféré à la collectivité. D’autres coûts sont directement liés aux performances des bâtiments et tiennent par exemple à la consommation énergétique ou à la qualité de l’air. Il apparaît d’ailleurs difficile d’évaluer le coût des problèmes de santé liés à cette mauvaise qualité. Dans ce domaine également, il se produira un glissement du coût : supporté à l’origine par le secteur marchand, il incombera dans un second temps à la collectivité. Enfin, le coût directement liée à la protection de l’environnement apparaît difficilement transférable. Ainsi, en fonction de la nature des coûts, le type d’amortissement peut être très différent. Certains amortissements peuvent se faire via l’exploitation des bâtiments, comme les économies de charges. Lorsque la qualité du bâtiment pourra être décrite, sa valeur patrimoniale pourra en tenir compte, alors qu’elle tenait jusque-là essentiellement au lieu d’implantation de la construction. Certaines caractéristiques explicites comme l’affichage des consommations devraient faire partie intégrante de la qualité environnementale du bâtiment. D’autres amortissements sont réalisés via la collectivité, par exemple en matière de lutte contre l’effet de serre. L’investissement réalisé à l’intérieur de la filière bénéficie à la collectivité. Les régulations se font par des taxes ou par des permis à polluer, au niveau des politiques publiques. Pour les déchets de chantier par exemple, il existait avant 1992 un mutualisation de l’ensemble des déchets et ces coûts restaient peu importants. Puis une modification réglementaire a isolé d’une part le secteur des ordures ménagères, qui est resté mutualisé, et d’autre part les déchets des industries, dont la gestion a été internalisée aux filières industrielles. Au niveau des constructions neuves, la réduction à la source ne porte que sur 10 % des déchets de chantiers produits en France. L’élimination des déchets de chantier coûte environ 0,5 % du chiffre d’affaires de la filière, qui représente 520 milliards de francs. Nous avons émis une hypothèse à 17 milliards de francs (4 % du chiffre d’affaires), qui correspond à une gestion des déchets de manière réglementaire. Différentes solutions HQE ont été proposées : trier les déchets inertes et les déchets ménagers, ou bien recycler les matériaux… Cet exercice montre que lorsque l’on passe d’une pratique courante à une solution HQE sur cette cible par exemple, le prix de la cible est multiplié par trois. En outre, il apparaît difficile de comparer des situations qui conjuguent HQE et changement de réglementation. La sortie récente de documents de marché permet de prendre en compte ces coûts internalisés de gestion des déchets de chantier : une recommandation pour les marchés publics et une nouvelle norme pour les marchés privés permettent en effet de valoriser cet aspect, au sens monétaire du terme. Par ailleurs, les plans départementaux d’élimination des déchets de chantier permettent progressivement de mettre en œuvre concrètement cette dimension. De manière générale, une cible représente un coût que la HQE permet de réduire. Parfois, ce coût risque de revêtir un caractère quelque peu virtuel. Il faut envisager comment récupérer le coût résiduel : dans le cas des déchets, il est intégré dans le coût de construction, mais il est non-récupérable dans la filière. Il est amorti au niveau du territoire, par la

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création d’emploi, par l’évitement de décharges sauvages… Il serait intéressant de reproduire cet exercice pour toutes les cibles.

IV. Table ronde Raphaël BESOZZI La HQE nous intéresse en tant que maîtres d’ouvrage HLM, en particulier dans l’acte de gérer. L’analyse de coût global retient notre attention notamment au regard du couple loyer-charges. Le mouvement HLM gère 3,5 millions de logements. 40 000 à 45 000 logements neufs sont construits par an et 100 000 à 120 000 sont réhabilités. L’objectif consiste à démolir 10 000 logements par an à partir de 2002, pour que 500 000 environ soient démolis dans les 20 ans à venir. Le mouvement HLM a voté une motion assurant qu’il était prêt à défendre la qualité de la vie quotidienne et le développement durable, et s’est engagé en particulier dans des actions relatives à la tranquillité, à la sécurité etc. Au-delà de la qualité de l’architecture et des matériaux, l’accent est mis sur des dimensions telles que l’insertion du bâti dans le site. Nous avons été les premiers à réaliser des expériences HQE et, par rapport aux opérations plus classiques, des efforts ont été faits notamment en matière de produits de construction à faible impact environnemental ou en termes de gestion de l’eau. L’analyse des opérations a mis en évidence des solutions plus favorables à l’environnement que celles utilisées jusqu’à présent. Néanmoins, elles peuvent parfois se heurter à des contraintes réglementaires (interdiction de l’emploi de l’eau de pluie dans les WC) et se traduire par des surcoûts d’investissement. Lorsque la HQE sera en route, le surcoût « intellectuel » devrait être de l’ordre de 5 %. En effet, la mise en place du nouveau SME proposé représente un coût minimum de formation estimé à environ 200 000 francs. L’audit, réalisé à trois reprises sur une opération, se chiffrera à 50 000 francs environ par bâtiment. Par ailleurs, le surcoût relatif au bâtiment lui-même représentera environ 5 % du prix de construction. Un allégement de taxe foncière pourrait intervenir pour les actions HQE par voie législative : en tenant compte de cette aide de l’Etat, le surcoût à l’investissement représenterait 3 % environ. Aujourd’hui, les organismes HLM éprouvent déjà des difficultés à financer leurs programmes : la Caisse des dépôts par exemple n’accepterait pas de prêter de l’argent pour une opération représentant un surinvestissement de 3 %. Ainsi, si la volonté de s’engager dans la HQE existe réellement, un organisme HLM peut difficilement financer le surcoût qu’elle représente sur ses fonds propres. Je reste partisan d’une démarche volontaire, mais elle paraît difficile à mener pour les organismes HLM. J’appelle l’Association HQE à une certaine prudence, de même que les consultants environnementaux. Nous devons faire comprendre au Ministère que si le surcoût d’investissement bénéficie à l’habitant et à la collectivité, il est lourd à supporter pour ces organismes : ce n’est peut-être pas à eux de le prendre en charge. Enfin, je pense que la HQE doit être élargie notamment au quartier et aux transports. Dans ce cadre, la concertation avec les habitants apparaît indispensable.

Hubert PÉNICAUD Après une période de cinq à sept ans de vie d’un bâtiment « classique », la dépense en exploitation et en maintenance dépasse le coût d’investissement initial. Si les cibles d’écogestion sont relativement simples à comparer en coût global, cela semble plus délicat pour d’autres cibles comme la santé, dont les aspects économiques ne sont pourtant pas négligeables au niveau de la société. Par ailleurs, de manière générale, les acteurs « préfèrent » une pollution à venir qu’une pollution actuelle : ils seront donc plus enclins à engager des dépenses pour éviter des phénomènes dont l’occurrence semble peu éloignée dans le temps. Aujourd’hui, nous devons peut-être apprendre à penser autrement. Certains éléments de coûts subissent une forte influence de facteurs humains. Par exemple, un maître d’ouvrage, avant d’entamer une réhabilitation technique de logements HLM, s’est mis depuis 5 ans à l’écoute des habitants : cette démarche a permis de faire chuter le coût annuel de la réfection des parties communes de 2 millions de francs à 200 000 francs. Une fois le climat de confiance restauré avec les locataires, ce maître d’ouvrage envisage de dépenser de l’argent pour des travaux. Cet exemple montre l’importance de ne pas dissocier les investissements humains des investissements techniques. Autre exemple, les solutions de chaufferies au bois présentent des coûts de dépense d’énergie très faibles : en termes de coût global, il apparaît néanmoins qu’elles ne sont pas nécessairement intéressantes. En effet, en faisant appel aux sociétés actuelles peu habituées à entretenir ce mode de chauffage, le coût de maintenance peut apparaître aberrant.

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Toutefois, d’autres formules peuvent parfois être trouvées, par exemple en faisant appel aux techniciens qui occupent le bâtiment. Ainsi, la dimension humaine doit être prise en compte : le coût global dépend autant des stratégies d’entretien et des stratégies humaines que de la conception.

Patrice LASILIER, Conseil général du Finistère Pendant combien de temps continuera-t-on à présenter des prévisionnels sur 30 ans qui sont basés sur des politiques tarifaires que l’on ne maîtrise nullement ? Ne faut-il pas abandonner la logique financière pour en revenir à la logique d’économie physique d’énergie ?

Mike SISSUNG Nous ne raisonnons pas sur 30 ans car aujourd’hui, dans la démarche intellectuelle, le « court terme » désigne la période actuelle, alors que le long terme représente un horizon à 5 ans. Les calculs doivent tenir compte de la durée de vie des équipements, qui peut atteindre plusieurs dizaines d’années : le choix de ces derniers doit être mûrement réfléchi. Avant de mettre en place des moyens permettant de réaliser des économies d’énergie par exemple, il faut s’assurer qu’il sera bien possible d’en assurer la maintenance à un coût raisonnable par exemple. Ainsi, il est difficile d’échapper à la dimension économique. Autre exemple, le secteur privé réalise certains investissements parce que cela permet un retour fiscal. Cet élément du calcul en coût global a peu à voir avec l’environnement. Cela montre que les notions techniques et les notions financières sont souvent liées.

Michel DUCROUX Cela pose la question essentielle de l’horizon économique du calcul de coût global. Nous employons de plus en plus la notion d’obsolescence de l’équipement : cette obsolescence apparaît de moins en moins technique et elle est de plus en plus liée à leur usage.

Un intervenant Dans les années 1980, un professeur de Nancy, Pierre le Goff a traduit l’économie monétaire en termes d’énergie.

Alain BORNAREL Il apparaît que les retours d’investissement directs sont difficiles à obtenir. Ainsi, pour promouvoir la démarche HQE, ne faudrait-il pas raisonner seulement en coût global indirect ? En effet, les retours d’investissement apparaissent pour l’essentiel collectifs. Cela suppose de trouver le moyen d’intégrer ce coût indirect dans le raisonnement qui conduit à opérer des choix économiques.

Un intervenant Il ne s’agit pas de coûts indirects, mais plutôt de coûts à amortissement indirect. La question posée rejoint un problème de politique publique : comment passer de coûts privés à des coûts mutualisés ?

Un intervenant Nous demandons par exemple à nos locataires d’économiser l’eau : or leur facture ne diminue pas, parce que le prix de l’eau augmente. Ce type de contradiction pose un réel problème et c’est peut-être aux pouvoirs publics de traiter ces questions.

Un intervenant Les coûts de main d’œuvre sont fort élevés en France. Dans une perspective globale, le remplacement de matière première par la main d’œuvre ne serait pas négligeable.

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De la salle La HQE semble un moyen de redonner de la vivacité aux jeunes entrepreneurs, pour qu’ils s’intéressent à nouveau au bâtiment. Sans cela, la dérive actuelle qui se produit sur la qualité du travail et l’utilisation des matériaux se poursuivra. Je m’intéresse depuis 10 ans à la HQE et je propose des solutions alternatives avec des matériaux à base d’argile : certaines permettent de limiter énormément l’entretien et la maintenance. L’architecture mécanique doit progressivement disparaître pour laisser place à une conception où l’exigence de confort et de santé soit dominante. Il est impératif d’abandonner les modèles actuels pour que la HQE prenne réellement son essor.

Un intervenant Il existe effectivement une problématique de transmission d’entreprise aux jeunes, et la dimension environnementale pourrait nous permettre de la résoudre car elle apparaît motivante pour ces derniers.

De la salle Un organisme HLM souhaitait relancer la filière bois mais n’a pas trouvé pas d’entreprise compétente dans ce domaine. Dans d’autres cas, les assureurs refusent de couvrir des constructions réalisées avec des matériaux innovants. Nous devons rompre avec la culture liée aux grosses entreprises.

De la salle Dans un contexte où les budgets ne peuvent pas être augmentés pour réaliser de la HQE, ne doit-on pas plutôt jouer sur le temps imparti aux études ?

Raphaël BESOZZI La HQE a le mérite de faire discuter les acteurs entre eux. Elle peut tout à fait constituer un apport à une démarche qualité globale, par exemple Qualimmo dans le secteur HLM.

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Formation des professionnels L’atelier est animé par Claude BASSIN-CARLIER, ARENE Ile-de-France. Le rapporteur est Lucien HARROUS, ADEME. Ont participé à l’atelier :Gérard SENIOR, Union Nationale des Syndicats Français d’Architectes ; Irène ARDITI, Présidente du CM3E. Ont participé à la table ronde : Jean-Michel COGET, CIFAA ; Jean-Pierre COURTIAU, MCC/DAPA ; Félix FLORIOT, consultant ; Philippe LAGIÈRE, EcoCampus ; Alain, LIÉBARD, Fondation Energies pour le Monde.

I.

Introduction

Claude BASSIN-CARLIER Une forte demande en formation continue et initiale se manifeste : il s’agit d’une demande de connaissances, de savoirfaire, mais aussi de reconnaissance. Une dizaine d’organismes seulement en France assurent une formation initiale proche de la HQE et il reste extrêmement difficile de dénombrer les initiatives particulières (journées…) liées à cette démarche. La formation représente un enjeu pour l’ensemble des filières professionnelles, d’autant plus que nous nous trouvons à une époque charnière où il faut dépasser l’échelle de la spécialité des acteurs de la HQE.

II.

La formation initiale

Irène ARDITI Le CM3E rassemble des personnes physiques (enseignants, industriels…), ainsi que des personnes morales (établissements d’enseignement, entreprises...). Il a pour objet l’information et la sensibilisation : plutôt qu’un enseignement supplémentaire sur l’environnement, il nous est apparu plus utile d’intégrer dans le geste professionnel cette préoccupation. En partenariat avec l’ADEME, le CM3E a organisé une étude sur les enseignants et la qualité environnementale des constructions : la moitié environ de ces enseignants n’avait jamais entendu parler de HQE. L’enquête n’a montré que peu de différence entre l’enseignement professionnel jusqu’à bac+2 et l’enseignement dit « supérieur ». Pour les architectes néanmoins, le confort prend plus de place que dans l’enseignement supérieur. En outre, la partie « construction » semble plus enseignée avant le BTS. Dans le cadre de ce travail, nous avons organisé plusieurs ateliers pédagogiques, visant à faire rencontrer des professionnels et des enseignants. Nous avons constaté que les professionnels que nous avions conviés parvenaient difficilement à expliquer en quoi le fait que la réalisation HQE qu’ils avaient menée impliquait des compétences et des qualifications très différentes pour les acteurs avec qui ils travaillaient. Ainsi, il apparaissait difficile de saisir ce qu’il fallait enseigner aux élèves pour qu’ils acquièrent ces compétences. Cela montre que si nous sommes toujours d’accord pour répondre à la demande de formation, cette dernière connaît des difficultés à s’exprimer. Par conséquent, nous avons lancé une étude visant à savoir quels gestes professionnels pourraient être spécifiques de réalisations à haute qualité environnementale. En outre, nos ateliers ont montré que très peu de professionnels avaient connaissance de la HQE et de la manière de l’exprimer. Toutefois, nous avons recensé de très nombreuses démarches individuelles et volontaristes d’enseignants qui avaient décidé de rénover leur enseignement à la lumière des thèmes de l’environnement et du développement durable, qui sont relativement mobilisateurs pour les élèves. Nous avons également constaté un manque d’études de cas de référence, qui soient simples et qui permettraient de faire travailler les élèves sur des situations réalistes. En particulier, il apparaît très important d’éclaircir au plan pratique la notion d’interdisciplinarité et d’analyse multicritère : la certification de produit en elle-même ne répond pas à cette

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demande de compromis entre différentes solutions produits. Par conséquent, les enseignants souhaitent pouvoir s’appuyer sur des études de cas. En outre, un répertoire des outils et ressources pédagogiques a été constitué par les adhérents du CM3E, en collaboration avec un groupe de travail rassemblant notamment des professionnels et des experts de l’ADEME. 21 outils sont représentés autour de la HQE, puis le répertoire comprend des outils par cible. Il est constitué de fiches, qui mentionnent notamment la date de création, le public concerné...

Claude BASSIN-CARLIER Ces fiches peuvent-elles être disponibles sur Internet ?

Irène ARDITI Nous avons discuté de cela avec l’ADEME, mais pour l’instant cette question n’a pas trouvé de réponse. Nous avons néanmoins développé un support Internet pour une formation des architectes sur l’énergie solaire et l’environnement : ce programme européen comprend des outils, des exercices, des études de cas… Il s’agir d’un outil d’approfondissement pédagogique. Il n’existe pas de formation « HQE », notamment parce que l’Association HQE ne souhaite pas que le « label HQE » soit galvaudé. En revanche, les initiatives qui s’intéressent à la qualité dans la construction et à ses rapports dans l’environnement sont relativement nombreuses, à plusieurs niveaux.

0

En lycée professionnel, des enseignants volontaires ont construit des travaux pratiques et des séances de travail.

1

Des visites de chantiers ont été organisées par des enseignants des lycées des métiers du bâtiment, pour montrer à leurs élèves les différences entre un chantier propre et un chantier usuel.

2

En IUT, il existe des projets tutorés de fin d’étude, mais pour l’instant, le programme national de ces instituts ne propose pas spécifiquement un module environnement.

3

Une licence professionnelle existe à la Rochelle et une autre se met en route entre Bordeaux et Agen.

4

En maîtrise, une application de l’analyse de cycle de vie est faite sur une maison.

5

De nombreux DESS s’articulent sur la qualité environnementale, car les liens avec la recherche sont très étroits à ce niveau et parce que ces diplômes exigent des partenariats avec les entreprises.

En école d’architecture, de nombreuses initiatives existent, dont certaines m’apparaissent fort intéressantes comme l’organisation d’ateliers où des ingénieurs et des architectes travaillent de concert sur des projets de qualité environnementale. Cela permet une intégration au geste professionnel. La manière de travailler diffère selon les écoles, mais les architectes en diplôme construisent un projet qui doit répondre spécifiquement à un enjeu de qualité environnementale. Il apparaît essentiel, pour que la thématique se développe, de sensibiliser et de former les enseignants à tous les niveaux. Il est fondamental que les professionnels de la formation et de l’entreprise définissent les compétences spécifiques attendues pour la qualité environnementale. Le fait qu’ils se rencontrent est extrêmement important, de même que l’existence d’espaces de liberté au sein des cursus. Enfin, il manque d’outils permettant de présenter aux élèves des cas pratiques.

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III. La formation continue Gérard SENIOR L’UNSFA s’est interrogé assez tôt sur la formation continue liée à la HQE, qui représente des enjeux importants pour la Profession. Au sein de l’Association HQE, une commission de travail sur la formation a été créée et a fixé plusieurs orientations politiques :

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imprégner largement l’ensemble de la filière professionnelle ; susciter chez l’ensemble des acteurs l’appétence de raisonner en termes de HQE au quotidien ; réunir dans les formations tous types d’acteurs, architectes, économistes, maîtres d’ouvrage… ; former « les » professionnels et non « des » professionnels.

Nous avons mis en place des formations et nous avons rencontré quelques écueils. Nous nous sommes notamment aperçus que nombre acteurs faisaient de la HQE sans le savoir. Nous nous interrogeons aujourd’hui sur la pertinence de construire les formations à partir des pratiques de chacun, en les valorisant. Les formations ont révélé aussi que de nombreux professionnels empruntaient déjà des approches bioclimatiques par exemple. En revanche, la notion de système de management est apparue encore peu connue : or le système de management fertilise les démarches des professionnels dont la pratique comprend déjà des éléments de HQE. Pour cela, il apparaît nécessaire d’enseigner le SME. Pour satisfaire la très forte demande, il semble que nous puissions procéder en deux étapes. D’une part, une phase d’acquisition : elle vise à connaître les concepts de la HQE, ses enjeux, puis à s’approprier le SME et à comprendre en quoi la réflexion HQE apporte aux différentes étapes du projet. D’autre part, une étape de développement : elle peut être réalisée au travers d’ateliers permettant d’échanger les expériences, les outils… La question se pose de savoir quelle structure mettre en place pour mutualiser, capitaliser et valoriser ces expériences. Il apparaît essentiel que le management environnemental implique l’ensemble des acteurs. La démarche HQE ne résultera pas de l’intervention d’un nouveau professionnel réalisant un nouveau métier. Il semble fondamental, pour cela, de croiser au sein des formations la maîtrise d’ouvrage et les acteurs.

IV. Table ronde Un intervenant Il me paraît essentiel de former les professionnels plutôt qu’un corps de spécialistes. Dans certaines écoles, tous les enseignements ont été revisités sous l’angle de la qualité environnementale, dès la première année.

Irène ARDITI J’insiste sur la nécessité d’intégrer ces enseignements en lycée professionnel, pour que la HQE ne soit pas seulement l’œuvre d’architectes.

Un intervenant Depuis quelques années, il existe une dimension nouvelle dans l’enseignement des écoles d’architecture : en troisième cycle, le travail d’assistance à maîtrise d’ouvrage est traité, notamment sous l’angle de la HQE.

Félix FLORIOT Je m’intéresse plus particulièrement à la question des chantiers propres. Il apparaît que la formation continue ne suffit pas et qu’il faut effectivement se tourner vers les lycées professionnels. Il a été décidé en Bretagne, avec l’Académie de Rennes, la Région et la Fédération régionale du Bâtiment créer une valise pédagogique destinée aux enseignants des lycées professionnels, des centres de formation des apprentis et des établissements d’enseignement adapté. Nous avons formé 200 professeurs environ : ils devaient ensuite s’approprier la valise pédagogique que nous leur avons

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remise et mettre en place leur propre référentiel. Cette démarche est en cours et nous espérons que les professionnels qui seront issus de ces établissements sauront gérer les nuisances sur les chantiers. Cette démarche s’est accompagnée d’un investissement sur des contenants permettant aux élèves de réaliser des travaux pratiques dans les ateliers.

Philippe LAGIÈRE EcoCampus, service créé à l’Université de Bordeaux, vise à introduire le développement durable dans les pratiques quotidiennes de la communauté universitaire et notamment contribuer à la prise en compte des aspects environnementaux dans les activités d’enseignement et de recherche, d’investissement, la gestion des établissements… Nous tentons de plaquer un cadre concret sur cette ambition. Nous travaillons sur l’objectif d’améliorer la gestion énergétique, la gestion de la ressource en eau, la maîtrise de la filière-déchets et à introduire la notion de SME même si l’Université paraît difficile à certifier. Nous avons adossé des formations à ces actions, notamment en DESS et en IUT. Nous proposons notamment une licence professionnelle dans le domaine des risques technologiques liés à l’acte de construire. La vocation d’une structure telle qu’EcoCampus est d’induire une politique dans une université, avec une évaluation en continu de la performance sur certains indicateurs comme l’énergie ou les déchets. Nous tentons à travers cette initiative de décloisonner recherche et enseignement, mais il nous semble essentiel que les maîtres d’ouvrage nous aident à accéder à des données concrètes. Par ailleurs, je souhaite que nous puissions disposer d’un suivi des bâtiments dans leurs performances : les enseignants-chercheurs pourront ainsi transformer cette matière brute en outil d’enseignement vivant. Nous souhaiterions pouvoir accéder aux données lorsqu’une opération importante est menée en Aquitaine.

Pierre LEFEVRE Il faudra attendre au moins deux ans avant que commencent les travaux tels que ceux du lycée de Blanquefort : cela sera une occasion à saisir pour vous.

Philippe LAGIÈRE Nous mettons en place avec le Conseil régional un outil de suivi dynamique de paramètres environnementaux pour l’ensemble des lycées, en particulier ceux issus des démarches HQE.

Pierre LEFEVRE Si le lycée HQE de Calais nous a été présenté, les projets qui ont été refusés pour ce concours, qui sont pourtant le fruit de réflexions très poussées, n’ont pas été cités. La perte d’information est extrêmement forte à ce niveau. En outre, il est relativement exceptionnel que le chef d’établissement connaisse la consommation énergétique de la construction qu’il occupe : le manque d’information et de formation est également cruel sur ce plan.

Pierre BELLER, ADEME Nous participons à l’effort d’Eco Campus. De nombreux projets HQE sont en gestation en Aquitaine et ils seront précieux en termes de formation initiale. Reste à savoir comment organiser cette formation sur des chantiers de taille réelle : nous devons réfléchir à l’interface à employer, mais cet effort apparaît essentiel car la démarche HQE contient en elle même l’exigence de formation initiale et continue.

De la salle Le Rectorat de Bordeaux est disposé à adhérer à ce projet de formation initiale et continue. Pour que le rayon d’action de la démarche HQE s’élargisse, les opérateurs doivent être pris en compte.

Jean-Michel COGET Nous devons nous interroger pour savoir quelle formation permanente, quelle formation initiale et quelle formation continue il convient de mettre en œuvre, pour quel métier et dans quelle situation. Pour une personne qui travaille, une

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formation de 6 jours peut apparaître longue, ce qui n’est pas le cas d’un demandeur d’emploi etc. Je suis très attaché à la formation permanente en école d’architecture, car les professionnels peuvent poser des questions précieuses pour l’école : cela permet aux enseignants de récupérer de l’information. Par ailleurs, l’association HQE devrait réaliser une approche matricielle et croiser la liste des cibles avec celle des métiers, afin de savoir quelle formation initiale il faut changer pour chaque métier.

De la salle Je constate que la filière des fabricants est relativement absente de ce questionnement. En outre, la distribution constitue un vecteur incontournable. Or ces filières seront seules à apporter de la formation, à travers leur réseau commercial notamment, aux acteurs de la maîtrise d’œuvre ou de la maîtrise d’ouvrage qui ne bénéficieront pas de formations.

Pierre LEFEVRE Les formateurs des différentes filières et structures ont-ils l’occasion de se rencontrer en dehors de journées telles que ces Assises ?

De la salle J’ai suivi une formation HQE à Strasbourg qui était intéressante quant à sa finalité mais qui n’a donné lieu à aucune suite.

Pierre LEFEVRE Au-delà des architectes, comment comptez-vous associer à la démarche les autres corps d’état du bâtiment, comme les climaticiens par exemple ?

Jean-Michel COGET Dans une approche matricielle, il apparaît possible d’ajouter des métiers. Je pense que la formation des maîtres d’ouvrage est prioritaire : je m’y consacre particulièrement, en particulier au sujet de la mise en œuvre des outils informatiques. Ces derniers n’intègrent pas encore la dimension environnementale, alors qu’ils représentent un vecteur très important de modification des outils. Depuis 20 ans, je le rappelle aux pouvoirs publics.

De la salle Je suis étudiante en troisième année d’école architecture à Bordeaux et je n’ai jamais entendu parler de HQE.

De la salle La manière de sélectionner les architectes pour un projet peut poser problème : en effet, ceux qui n’auront pas l’occasion de réaliser un chantier ne pourront jamais acquérir les compétences nécessaires.

Alain LIÉBARD Nous avons travaillé à la mise en œuvre d’outils de formation, sous forme de guides en plusieurs tomes : à terme, chaque formateur pourra reconstituer les formations qu’il souhaite, et les adapter à la durée voulue… Par ailleurs, l’état de perte de qualité dans le chantier est très important lorsque l’on emploie une filière humide, car il se produit une très forte perte de compétence, ce qui n’est pas le cas lorsque l’on utilise une filière sèche.

De la salle Intervention inaudible.

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De la salle La formation a-t-elle quelque chose à voir avec les entreprises de la thermique par exemple ? A mon sens, la qualité environnementale participe plutôt d’une démarche de management de chantier que d’une démarche de réalisation. Dans ce cadre, quels besoins éprouverait un maître d’œuvre désireux de lancer une démarche HQE en termes de compétence particulière d’une entreprise ?

Un intervenant Le management environnemental est l’affaire de tous.

Jean-Pierre COURTIAU Je travaille à la Direction de l’architecture et du patrimoine du Ministère de la culture, où j’ai en charge la politique de formation continue pour les architectes. Nous développons une approche pluridisciplinaire avec des partenaires comme les architectes, les écoles… La formation semble considérée comme indispensable par tous les acteurs : il s’agit d’une exigence fondamentale pour nous, mais il reste difficile de créer l’adéquation entre une demande imparfaite et une offre dispersée. Néanmoins, le développement durable interpelle très fortement les architectes et ceux qui construisent l’avenir, mais aussi les citoyens, parce qu’il s’agit d’une question philosophique. Si cette démarche collective permet un recul sur sa capacité professionnelle et comprend en plus un objectif de qualité, elle correspond aussi à un marché potentiel, au niveau national et européen. Au plan international notamment, le fait de pouvoir s’appuyer sur un label bien défini serait louable. Notre but est, comme le rappelait Dominique Bidou, de créer des repères pour se situer dans une démarche globale et pour qu’elle soit correctement prise en compte par la puissance publique.

Monsieur LAFAY Certaines personnes ont exprimé une frustration car la filière des fluides ou des matériaux ne bénéficiait pas de formations liées à la HQE : or il faudrait former les personnes qui réaliseront ce que nous préconisons.

De la salle Il s’agit plus d’une inquiétude que d’une frustration, liée au fait qu’une grande partie du marché du bâtiment échappe aux architectes.

Irène ARDITI Nous avons organisé des rencontres pour tirer des enseignements de la pratique professionnelle de ceux qui forment les compagnons qui travaillent tous les jours sur les chantiers. Il existe une forte demande d’information et de formation, et ces dernières doivent être dispensées au niveau des lycées professionnels. La qualité dans le travail n’est pas seulement environnementale. Elle participe d’une prise en compte par chacun du fait que « l’on ne fait pas n’importe quoi, n’importe comment et n’importe où ».

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Animation du tissu opérationnel L’atelier est animé par Philippe MOUTET, Fédération des Parcs naturels régionaux de France. Le rapporteur est Dominique SELLIER, ARENE Ile-de-France. Ont participé à l’atelier : Hervé BERRIER, METL/DGUHC ; Jean-Pierre MOURE, Président de l’AIME. Ont participé à la table ronde : Maria DUBROCA, Centrex ; Jean HETZEL, Président de l’ICEB ; Eric LAGRANDÉ, ANAH ; Marion PERSONNE, FPNRF.

I.

Introduction

Philippe MOUTET Nous avons retenu quatre axes de réflexion pour cet atelier, qui servent à articuler la démarche :

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II.

adapter les outils de sensibilisation aux publics ; différencier les niveaux d’exigence ; appuyer les agents de développement territoriaux ; maîtriser l’information sans la normaliser.

Politiques d’acteurs

Hervé BERRIER L’approche réglementaire moderne consiste à travailler avec le terrain puis à œuvrer à la bonne compréhension des réglementations ainsi élaborées, en accompagnant leur mise en œuvre. Après 20 ans d’efforts, il existe un consensus sur la manière d’appréhender la qualité de la construction, partagé par les organisations professionnelles au plus haut niveau, par les acteurs du mouvement HQE et par les administrations. Quels relais attendre pour que les principes de la HQE soient assimilés et mis en œuvre ? Le secteur du bâtiment représente un chiffre d’affaires considérable (600 milliards de francs par an environ) et dispose de marges de progrès très importantes : la non-qualité représente 10 % de ce chiffre. Ce secteur est, en outre, largement tributaire de l’offre de matériaux et de composants qu’il utilise et donc des normes européennes qui s’y appliquent. Ce système, qui représente 6 % de la population active environ, n’est pas concentré, ce qui rend plus délicate encore la tâche « d’amener » 1,4 millions de personnes à la HQE. L’ampleur de cette problématique dépasse la capacité de n’importe quel acteur du secteur et l’ambition de la HQE complexifie la problématique. Développer la HQE suppose de faire appel à la compréhension des exigences de la démarche plutôt que de recourir à la réglementation ou à la règle de l’art. La première étape de la HQE a consisté en une intellectualisation de l’acte de construire à destination des maîtres d’ouvrage. Désormais, il convient de lancer une dynamique d’apprentissage collectif pour que la HQE entre dans l’ordinaire de la construction. Pour ce faire, la situation apparaît favorable car la démarche ne semble pas rencontrer d’opposition de principe. Il existe toutefois deux conditions de réussite : d’une part, savoir décliner le message de manière intelligible pour tous les acteurs (codes de bonnes pratiques…) ; d’autre part, mettre de l’ordre dans les priorités et fixer des priorités réalistes. En effet, la période qui commence s’annonce difficile, notamment parce que les professionnels devront, en même temps qu’ils intègrent la HQE, tenir compte des nouvelles réglementations (réglementation thermique, directive efficacité énergétique…). Leur charge de travail risque d’être fortement alourdie et nous devrons par conséquent les

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accompagner, en particulier par un « méta-management » environnemental des politiques publiques au niveau local. Cela permettra de piloter simultanément ces différents aspects au niveau régional et de les rendre cohérents. Tous les acteurs devront être concernés, qu’il s’agisse des industriels, du négoce, des architectes, des assureurs, des universités… Le niveau central pourra apporter son aide à la recherche de solutions à des problèmes posés localement. En revanche, il sera essentiel de tenir compte des spécificités régionales : la densité des acteurs ou leur taille par exemple peut fortement varier d’une zone géographique à l’autre. Les enjeux de la HQE touchent à l’intérêt général et sont d’ordre planétaire, européens, locaux… Si la complexité des acteurs et leur nombre dépasse la capacité de ce que chacun peut faire, il est nécessaire de faire naître et d’exprimer l’envie et la volonté de faire ensemble, tout en tenant compte des diversités de situation. Ces différents motifs sont à proposer dans le cadre de politiques publiques locales qui permettent à chaque agent économique de repérer sa place dans un dispositif « partenarial », qui prenne en compte les intérêts et contraintes de chacun des acteurs. C’est à partir de cette analyse qu’il faut proposer des solutions : par exemple, la région Nord-Pas-de-Calais se tourne vers des pôles de compétence… L’Etat et les pouvoirs publics doivent par conséquent intervenir. Pour accompagner la HQE, il faudra faire preuve de cohérence, ce qui est de la responsabilité des pouvoirs publics à travers leurs commandes. Ils devront fixer des objectifs de long terme et mettre en œuvre les directives européennes (déchets de chantiers…) en développant des systèmes locaux économiques. Pour autant, la démarche devra rester mesurée, pour éviter les risques d’enfermement par « maximalisme » : par exemple, il faudra se garder d’exclure certains espaces à la construction HQE. Enfin, il faudra faire en sorte que les acteurs puissent se connaître et rendre compte, notamment en constituant des annuaires locaux. Un rapprochement devra être réalisé entre les pratiques, le résultat, la satisfaction des clients et l’intérêt général, en multipliant la création d’observatoires : ils permettront de réaliser des diagnostics et des évaluations conjointes sur la qualité en général, sur les politiques publiques et sur les initiatives locales, puis de définir des stratégies d’acteur alignées sur l’intérêt général. Enfin, l’administration centrale devra être capable de laisser faire les acteurs qui sont mieux placés qu’elle pour mettre en œuvre ses politiques publiques : nous demandons aux DRE d’assurer un pilotage politique de l’action, sans pour autant se substituer aux acteurs techniques.

III. Structuration de réseaux d’acteurs Jean-Pierre MOURE Une mise en réseau des acteurs est réalisée en Languedoc-Roussillon, tirée par le Département de l’Hérault pour lequel se pose une problématique particulière : il accueille 1 500 habitants supplémentaires par mois, et ce phénomène devrait se poursuivre pendant 5 à 10 ans. Ainsi, si le Département doit rattraper un certain retard en matière d’environnement, il doit aussi anticiper sur ces évolutions de population en intégrant les préoccupations liées à la HQE. L’Hérault a déjà pris des initiatives depuis quelques années déjà : mise en place de chartes de qualité sur des zones d’activité économique, opération HQE sur un collège… Comme les départements voisins rencontraient des problématiques approchant celles de l’Hérault, nous avons lancé par le biais du CAUE (Conseil en Architecture, Urbanisme et Environnement), une approche transversale avec le département du Gard, de l’Aude, des Pyrénées-Orientales notamment. Des opérations de coopération décentralisées sont également lancées avec la Tunisie... Pour porter cette approche transversale, nous avons mis en place l’Association Interdépartementale Méditerranée Environnement (AIME) : elle comprend six collèges, qui représentent les différents maîtres d’ouvrage, les concepteurs et leurs équipes de maîtrise d’œuvre, les industriels -fabricants-fournisseurs, les utilisateurs, le pôle universitaire. Le Conseil d’Administration comprend 23 membres et une série d’acteurs économiques. Cette organisation permet de croiser les savoir-faire, les initiatives et les compétences des différents acteurs, en particulier pour organiser des thématiques de concrétisation sur le terrain : nouveaux produits, nouvelles expériences… L’AIME aura vocation à porter le débat, à susciter et à animer les évolutions, à poser les problématiques et à soulever les priorités. L’Association a commencé à dégager plusieurs pistes de travail : métiers de l’eau, maîtrise de l’énergie… La loi SRU et les PLU soulèvent la nécessité de monter un projet urbain intelligent : de fait, l’AIME et les parties prenantes de la HQE auront un rôle clé à jouer autour des métiers de l’habitat, de la construction et de l’aménagement de l’espace. Pour rendre ces évolutions cohérentes, nous devrons aussi investir le champ nouveau de l’intercommunalité. Le fait de réunir les acteurs au sein d’une association permet de leur donner envie de travailler intelligemment sur ces évolutions rapides, mais qu’il est essentiel de réussir.

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IV. Table ronde 1. Adapter les outils de sensibilisation et de mise en réseau aux différents publics Philippe MOUTET Certains publics sont plus faciles à toucher que d’autres et ont déjà fait l’objet d’initiatives. Pour d’autres acteurs néanmoins, la sensibilisation apparaît plus délicate. En outre, la HQE est souvent évoquée en termes urbains, mais elle constitue une problématique importante pour les espaces ruraux.

Maria DUBROCA Le Centrex a mis au point un programme d’action depuis le début de l’année 2000, qui vise à moyen terme l’ensemble des professionnels de la construction. Quatre grands axes ont été retenus et seront développés :

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un programme de veille sur les théories qui s’élaborent dans les différentes structures ( Association HQE, ADEME…) ;

1

une série d’enquêtes auprès des professionnels de terrain, afin de les recenser, mais aussi de repérer leurs compétences et de réaliser un annuaire des savoir-faire en matière de qualité environnementale ;

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une action de sensibilisation en direction des fabricants de produits de construction, ce qui suppose d’inventer des outils ;

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une diffusion de l’information acquise dans les phases antérieures par le biais du système local d’information mis au point au Centrex.

Marion PERSONNE Je travaille pour le Parc naturel régional du Périgord Limousin, à dominante rurale. Nous rencontrons souvent de petits porteurs de projets et nous travaillons à les sensibiliser à l’intégration de l’environnement, en particulier sur l’énergie. Certains porteurs de projet souhaitent tenir compte d’autres aspects environnementaux et tendent vers la HQE. Il faut leur apporter de l’information, après l’avoir collectée. Il apparaît que les maillons de la chaîne – de la déclaration d’intention à la réalisation du projet – sont relativement fragiles. Si nous réussis sions généralement à trouver un architecte ou un bureau d’étude capable d’assister les communes ou les particuliers en maîtrise d’ouvrage, il apparaît bien plus difficile de savoir quels professionnels locaux peuvent réaliser leur projet : cela montre la nécessité de constituer des annuaires. Les particuliers, comme les communes, sont extrêmement intéressés par la thématique de la qualité environnementale : si nous voulons transformer la théorie en pratique, il est indispensable de pouvoir leur proposer rapidement des solutions opérationnelles. Une fédération d’associations située sur notre territoire nous a proposé de monter un projet de mise en réseau écoconstruction : elle a commencé à recenser les professionnels locaux qui présentaient des compétences dans ce domaine. Cet inventaire a permis d’organiser des « journées de l’éco-construction », qui ont attiré 2 000 personnes. Le répertoire se complète progressivement d’un annuaire, mais notre action locale trouve ici ces limites, notamment en termes de garantie sur la compétence des professionnels qui seront recensés. Nous ne disposons pas de moyens de contrôle de la réalité de cette compétence et, si cette problématique n’était pas résolue, cela pourrait décrédibiliser l’opération. Parallèlement, il apparaît important, une fois identifiées les carences locales, de travailler notamment avec les chambres consulaires pour proposer des formations qualifiantes aux professionnels.

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Philippe MOUTET Parfois, l’identification du tissu opérationnel se fait par « système D » au niveau local. Les annuaires peuvent même se croiser car ceux qui les constituent ne savent pas que d’autres acteurs mènent des initiatives de même nature qu’eux. Enfin, il apparaît difficile de toucher certains publics, comme les artisans en milieu rural.

Jean HETZEL Toute la problématique du jeu des acteurs consiste à passer de la recherche-développement à l’opérationalité. La démarche achoppe rapidement sur un problème de crédibilité : des acteurs lancent des images et risquent de créer des frustrations au plan opérationnel. Par exemple, nombre de réflexions menées n’ont pas tenu compte de la place essentielle de l’usager : le travail réalisé sur la démarche HQE vise essentiellement à recentrer le bâtiment sur l’usager. Ainsi, lorsque l’on cherchera ensuite à animer les réseaux, cela se fera sur une trame extrêmement structurée autour du SME et des 14 cibles, avec la nécessité de prendre en compte les différents enjeux : la problématique n’est pas formulée de la même manière pour les élus et pour les associations de locataires par exemple. Par ailleurs, nous avons réussi à traiter les enjeux d’opérationalité : reste à envisager le niveau du territoire, enjeu que nous n’avons pas encore su traiter. Cette problématique ne saurait être traitée simplement en termes réglementaires (SRU) et nous devons ajouter des éléments plus intuitifs comme la qualité de vie.

Philippe MOUTET En fonction de la diversité des acteurs et des territoires notamment, il est nécessaire de disposer d’outils de sensibilisation et de mise en réseau différents.

Un intervenant L’amélioration de l’habitat représente un tiers des marchés du bâtiment. Dans ce cadre, les relations se tiennent entre professionnels et particuliers, sans intervention d’un maître d’ouvrage professionnel. Cela implique la mise au point de méthodologies particulières qui pourront s’exprimer dans un discours intelligible par toutes les catégories d’acteurs, aussi bien les particuliers que les artisans ou les maîtres d’œuvre professionnels.

De la salle Je représente la Mairie d’Hérouville, dans le Calvados, qui est concernée par un GPV pour les 15 ans à venir, ce qui représente une forte opportunité. Dans ce département néanmoins, parler de HQE est encore, aujourd’hui, un acte militant ! Or la collectivité territoriale est au cœur de la problématique : elle élabore le PLU, elle est maître d’ouvrage, elle a un rôle incitatif des bailleurs sociaux… Nous avons besoin d’outils pour soutenir les arguments que nous avançons, pour démontrer l’ensemble des finalités de la HQE. C’est que nous attendons d’une mise en réseau et nous avons déjà nous-mêmes quelques expériences à transmettre, notamment en matière de RT 2000.

Hervé BERRIER Nos préoccupations doivent émerger comme des politiques locales et nous ne devons pas rester entre techniciens. Dans le Calvados, le Préfet avait mis en place pour favoriser l’exportation du tissu industriel local un réseau intranet pour que les entreprises puissent s’entraider, ainsi qu’un guichet mobile pour rencontrer les entrepreneurs : il s’agissait d’une expérience sur la conduite d’une politique de réseau et je trouve curieux qu’elle ne soit pas reproduite dans le domaine de la construction. Le Préfet pourrait peut-être prendre en compte la question de la qualité de la construction pour peu qu’elle soit soulevée devant lui. Il est important que la discussion soit rehaussée au niveau politique.

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2. Différencier les niveaux d’exigence Jean HETZEL Le SME du maître d’ouvrage constitue un point central car il représente la politique environnementale de la collectivité. Les politiques doivent donc s’engager, puis le déroulement des cibles se fait assez naturellement. Cela permet ensuite de se réinsérer facilement au sein des politiques globales comme le développement durable.

Hervé BERRIER Pour mettre en œuvre la HQE, nous reposons sur des démarches volontaires. La collectivité, lorsqu’elle se tourne vers ses partenaires, peut avoir différentes exigences d’engagement, qui peuvent prendre la forme de chartes, de guides… Par exemple, les collectivités publiques peuvent demander à de grands constructeurs de maisons individuelles de réaliser des constructions exemplaires. Par ailleurs, il existe des niveaux d’exigence au sein du référentiel HQE. Quatre domaines composent la démarche : confort, santé et sécurité, éco-conception et écogestion. Tous sont importants, mais l’on peut constater que l’un ces domaines est particulièrement défavorisée dans un département. Ainsi, on ne peut parler de HQE sans envisager dans un premier temps la qualité de ce que l’on construit déjà : il existe des prérequis de sécurité et de santé par exemple. Il faut traiter certains domaines en priorité, avant de s’intéresser à des préoccupations plus complexes.

Jean-Pierre MOURE Le rôle d’un responsable politique consiste à affirmer une volonté forte sur ces exigences : cela suppose de savoir quel problème se pose, de le débattre, puis de former les équipes d’élus qui devront exposer à une opinion plus large ce que signifie le projet… Par ailleurs, l’investissement relève aussi d’un choix politique : un investissement supplémentaire pour les études menées dans le cadre d’un PLU peut être expliqué au public en expliquant qu’il est consacré au cadre de vie… Ainsi, il est important que l’élu, aujourd’hui, sache bien prendre en compte le présent tout en travaillant sur l’avenir. Pour cela, il doit croiser les savoirs des techniciens les plus pertinents, mais aussi animer le débat et le porter le plus loin possible pour parvenir in fine à un dénominateur commun partagé par tous les interlocuteurs de terrain. La transition actuelle est décisive à cet égard et les responsables politiques ne peuvent plus se contenter de discours : ils doivent porter les projets au niveau de l’intérêt général en s’appuyant sur l’intérêt de proximité.

Une intervenante Il apparaît essentiel de parler de « démarche » vers la qualité environnementale, et d’éviter d’adopter une logique de tout ou rien. Cela suppose que le maître d’ouvrage se pose au départ les bonnes questions et prenne le soin de fixer le niveau des curseurs en fonction de ses motivations, du contexte local et de ses possibilités financières. Si le maître d’ouvrage entre dans la démarche, sans pour autant produire des réalisations de niveau très élevé, il s’agit déjà d’un progrès énorme.

Jean HETZEL La certification est bien liée à une démarche, au processus dans lequel un acteur s’engage. Elle participe d’une logique dynamique. Il n’est pas souhaitable de labelliser un bâtiment. Je réalise des formations d’architecte sur la démarche HQE, qui commencent par une sensibilisation et se poursuivent en atelier par des échanges autour de thèmes comme « l’état du marché local » : ainsi, les architectes comprennent comment mettre en œuvre la démarche en travaillant avec les maîtres d’ouvrage, les entreprises, les utilisateurs… Ces actions permettent de normer les pratiques et non de les normaliser.

Jacques DESCHAMPS, ADEME Poitou-Charentes Aujourd’hui, l’approche de management environnemental revêt souvent un caractère territorial, par exemple au niveau des entreprises. Pour la HQE néanmoins, cela apparaît plus délicat, alors qu’elle participe aussi d’un management

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environnemental sur un projet, de manière transverse. Si le projet peut être porté aisément par les maîtres d’ouvrage, cela semble plus difficile pour les opérateurs. Par exemple, nous souhaitions développer un projet exemplaire et nous nous sommes aperçu que les acteurs hésitaient quelque peu à partager leur savoir-faire.

Jean HETZEL L’ISEB a justement été créé dans le but de permettre un échange. La certification de la démarche nous y aidera. Nous devons en effet passer au stade de la professionnalisation et ne pas rester confinés dans notre spécialité de conseillers HQE. Nous apportons une vision des impacts environnementaux qui n’existait pas auparavant, et qui servira de support à une réflexion transversale.

Jean-Pierre MOURE Effectivement, les premiers participants à une démarche HQE peuvent avoir tendance à conserver l’avantage qu’ils ont acquis. Les collectivités peuvent toutefois jouer un rôle d’incitation pour que les expériences soient partagées, par exemple en jouant sur les taux de subventions qu’elles accordent aux démarches.

Jean HETZEL Le plan financier est essentiel : il convient de savoir qui paie quoi, et quand. Il n’est pas certain que l’utilisateur d’un bâtiment soit réellement conscient de ce qu’il paie en termes de qualité et en termes de résultat : il faut cesser de lui vendre une pseudo-qualité à très court terme ou bien un non-investissement. Nous pouvons jouer un rôle moteur pour lui apporter ce type d’information.

De la salle En tant qu’architectes engagés, nous souhaitons apporter notre contribution à la qualité environnementale même dans le cadre des budgets existants et même si les opérations ne sont pas « labellisées » HQE. Or il est très difficile de sensibiliser les maîtres d’ouvrages et les élus, qui préfèrent réaliser des projets exemplaires. Comment surmonter cette difficulté ? La certification ne contribuera-t-elle pas à l’aggraver ?

Jean HETZEL Vous décrivez la période qui vient de se terminer. Il se produit actuellement une transition, d’une phase d’expérimentation à une nécessité globale de réponse sur l’ensemble des bâtiments qui sont construits : nous cherchons à ce que la démarche porte sur 10 % des bâtiments, ce qui la fera sortir de sa position marginale. La difficulté de faire payer les prestations des architectes à leur juste niveau est souvent soulignée : or elle tient surtout au fait qu’une première expérience HQE nécessite beaucoup de travail de recherche… Une fois acquise cette expérience, il devient plus facile de maîtriser le sujet et cela permet d’avoir un retour d’investissement dans le métier de conseil et de réalisation.

Philippe MOUTET Il ressort de nos discussions la nécessité de moduler la démarche et les actions en fonction du territoire. En outre, il existe une importante demande d’outils et il apparaît essentiel de pouvoir identifier un réseau de prestataires pour développer la sensibilisation.

3. Les évolutions à réaliser Eric LAGRANDÉ L’ANAH propose des actions programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH). Il existe 600 OPAH en France et 200 se créent chaque année : un animateur démarche les propriétaires pour les convaincre d’entreprendre des travaux et joue le rôle d’interface avec le monde professionnel. Il peut favoriser l’ensemble des dimensions de la qualité, en particulier la qualité environnementale : L’OPAH constitue un laboratoire grandeur nature.

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La stratégie, à plus long terme, vise à une évaluation de ces OPAH et en particulier de leur volet environnemental. Nous devrons ensuite étendre les méthodes testées dans ce cadre : pour cela, les distributeurs de matériaux constituent un bon endroit pour communiquer avec les artisans. Internet pourra aussi constituer un bon interface pour généraliser les savoir faire.

Philippe MOUTET La volonté de capitaliser les expériences est exprimée par tous les acteurs : quel outil envisager pour rassembler, gérer et rendre accessibles les informations ?

Hervé BERRIER Monsieur Ritz, Conseiller régional d’Ile-de-France, s’est demandé comment sensibiliser les jeunes architectes au développement durable : il a fait voter une bourse de 30 000 francs destinée à appuyer le projet de fin d’étude tenant compte de cette dimension. Aussi, tous les élèves se posent la question de traiter du développement durable et interrogent leurs enseignants à ce sujet. Ce type d’idée apparaît fort intéressant pour sensibiliser les futurs professionnels. Pour diffuser l’information, le Ministère de l’environnement a donné des instructions dans les différents domaines qu’il traite. Au plan local, il faudra créer des observatoires : nous y consacrerons des moyens, notamment humains, au niveau des DRE. Les relais locaux sont indispensables et des lieux de rencontre devront mettre à disposition une bibliographie, ainsi que des sachants permettant d’orienter les professionnels désireux de s’intéresser au développement durable.

Maria DUBROCA L’école d’Architecture de Bordeaux possède un centre de recherches, et j’ai appris hier qu’il inscrivait ses réflexions dans le cadre du développement durable. Or aucun échange n’a été réalisé avec le Centrex dans ce domaine. Certains étudiants m’ont demandé de participer à leur jury, car ils ne trouvaient pas de professeur souhaitant défendre les travaux qu’ils avaient réalisés sur la HQE. J’apprends aujourd’hui que des annuaires se construisent dans différentes régions. Le Centrex est interrogé aussi bien par les architectes que par les étudiants ou les particuliers : nous ne cessons de leur fournir des photocopies des 14 cibles mais nous ne savons pas ce que nous pouvons leur apporter d’autre. Il est urgent de faire circuler les outils que chacun élabore de son côté.

Dominique SELLIER Nous partageons tous ce besoin d’échange d’outils et d’information. Nous pensons qu’il est nécessaire de personnaliser les outils méthodologiques en fonction des porteurs de projet. Nous proposons des « conseils express » où interviennent un architecte, un thermicien et un économiste pour apporter leur point de vue sur l’engagement d’une démarche HQE portée par tout type de maître d’ouvrage (collectivité ou acteur privé). Nous proposons également aux maîtres d’ouvrage une demi-journée de sensibilisation à la démarche HQE, en leur présentant des réalisations concrètes. La Région soutient une initiative « esquisse verte » qui prime les jeunes architectes qui s’engagent dans le développement durable à travers une démarche HQE : les projets seront présentés à Oslo.

Marion PERSONNE Il apparaît nécessaire d’organiser un échange d’expériences, en particulier entre des territoires proches, mais cela suppose de savoir repérer les relais. Pour assurer une mise en réseau des projets, il pourrait être efficace de passer par les financeurs, qui centralisent les initiatives.

Jean-Pierre MOURE L’AIME recueille, du fait de sa composition, une multiplicité d’informations et de pertinences. Ces dernières sont sans doute déjà travaillées dans d’autres instances. Il serait intéressant, peut-être par le biais d’Internet ou de l’Association HQE, de trouver un dénominateur commun. Nous serons capables ainsi de distinguer les informations incontournables

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de celles qui sont spécifiques ou des éléments plus novateurs. Il faudra organiser rigoureusement cette masse de données pour en tirer la pertinence.

Jean HETZEL Pour l’Association HQE, il apparaît nécessaire de constituer un observatoire national pour les démarches HQE et les démarches de développement durable, au niveau central, mais relayé au plan local (centres de ressources). Par ailleurs, l’ISEB réalisera un débriefing dès le lendemain des Assises de la HQE : il est indispensable de tirer la quintessence des réflexions qui ont été menées, pour pouvoir mettre sur pied nos groupes de travail. Les échanges qui s’y tiennent visent à apporter des réponses les plus pertinentes possibles aux acteurs du bâtiment et à améliorer les savoir-faire.

Philippe MOUTET La demande d’outils est forte et je souhaite qu’ils puissent progressivement se mettre en place.

Hansel COOKI J’occupe la fonction de chef de service « cadre de vie, pédagogie et environnement » au Conseil général de l’Hérault. La question cruciale est celle de savoir, maintenant que la demande est sensibilisée sur le sujet de la HQE, comment l’offre peut y répondre. La HQE et le développement durable ne devraient-ils pas intégrer la formation initiale des élèves architectes à l’échelle nationale ? Cela pourrait également résoudre le problème de la circulation de l’information et de la maîtrise de la connaissance.

De la salle Cet apprentissage devrait aussi intégrer les formations initiales d’acteurs autres que des architectes, par exemple les chauffagistes…

Dominique SELLIER La Région Ile de France a créé le concours « esquisse verte » parce que cette formation n’était pas intégrée dans le cursus des architectes : cette initiative permet de faire parler ensemble toutes les écoles et représente un premier acquis qu’il faudra prolonger.

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Clôture de la journée Dominique BIDOU Nous avons beaucoup de plaisir et d’honneur à accueillir Yves Cochet. Nous prenons son passage parmi nous aujourd’hui comme un encouragement, qui s’ajoute à celui qu’apportent les nombreux partenaires présents. La venue du Ministre de l’Environnement apparaît déterminante pour l’avenir de la démarche HQE. L’Association HQE connaît actuellement une complète mutation, mais c’est la HQE elle-même qui franchit une étape importante : elle doit changer d’échelle et la demande qui s’exprime pour la mettre en pratique se fait de plus en plus pressante. L’Association porte la responsabilité de répondre à cette attente et d’offrir aux nombreux acteurs qui souhaitent se lancer dans la démarche les instruments qui leur permettront de progresser en toute sécurité vers la qualité environnementale. Cette forte demande est également liée à une évolution internationale : les pays développés, ainsi que certains pays en voie de développement, s’intéressent à la qualité environnementale. Ainsi, la HQE constitue un mouvement inscrit dans une dynamique internationale : nous souhaitons que la France tienne un rôle significatif dans cette évolution. La HQE sort d’une phase expérimentale pendant laquelle nous avons tenté de comprendre les liens entre environnement et construction. Nous commençons à maîtriser ces mécanismes et nous les avons traduits en instruments opérationnels, par un important travail de l’ensemble des membres de l’Association. Nous devons maintenant entamer une phase d’élargissement, de « décollage » de la HQE. Elle doit changer d’échelle et trouver la force de franchir une étape nouvelle, dans plusieurs directions. En premier lieu, au plan quantitatif : la HQE existe, mais les acteurs, s’ils sont nombreux sur le terrain, sont des acteurs très volontaires qui ont accepté de prendre quelques risques. Aujourd’hui, nous souhaitons nous adresser à l’ensemble des opérateurs : leur nombre doit augmenter jusqu’à un seuil significatif. Ce phénomène revêt en effet, en plus de sa dimension culturelle, une dimension économique. En second lieu, la HQE doit investir des domaines qui restent insuffisamment développés, voire ignorés. Il s’agit en particulier des bâtiments existants : si nous sommes conscients de cette dimension, il faut reconnaître que jusqu’ici, les travaux se sont concentrés pour l’essentiel sur des bâtiments neufs, alors que le parc existant constitue un enjeu majeur. Nous devons par conséquent réaliser de grands progrès sur le thème de la réhabilitation. Le bâtiment existant doit aussi être envisagé comme une entité qui est gérée au quotidien : il faut savoir en assurer la maintenance et en préserver les qualités. Les performances environnementales des bâtiments issus de démarches HQE doivent revêtir un caractère pérenne et s’améliorer en incorporant progressivement les connaissances, les techniques et les matériaux nouveaux. Un autre sujet de développement se situe plus en amont de la construction : l’aménagement et l’urbanisme. Inscrire un bâtiment HQE dans un contexte qui serait totalement défavorable à un développement local durable ne serait pas une réponse adaptée. Dans la manière de concevoir l’aménagement, les décideurs doivent pouvoir disposer d’instruments pour organiser le territoire d’une manière conforme à l’esprit de HQE. Si l’enjeu de la HQE est environnemental, il est également social. La démarche vise une maîtrise des charges d’habitation, mais aussi la mise en place de conditions sanitaires apportant une garantie pour la santé des habitants, ainsi que pour leur cadre et leur hygiène de vie. Par ailleurs, la condition de travail des personnels qui œuvrent sur les chantiers constitue un axe de développement essentiel : nous constatons que les accidents du travail sont bien moins fréquents sur les chantiers à faible nuisance, car ces derniers entrent dans une logique plus rationnelle. Enfin, la HQE possède une forte dimension économique. Le chiffre d’affaires du bâtiment s’élève à 500 milliards de francs par an environ : en tenant compte des sommes nécessaires à la vie de ces bâtiments (eau, énergie, services…), ce chiffre est facilement multiplié par trois. Nous travaillons par conséquent sur des enjeux de l’ordre de 1 500 à 2 000 milliards de francs par an : l’efficacité recherchée dans la démarche HQE s’applique à des budgets d’une telle importance. Les enjeux économiques, environnementaux et sociaux sont réunis : nous menons par conséquent une réelle démarche de développement durable. L’instrument que nous tentons de développer aujourd’hui vise à inscrire le bâtiment dans cette perspective de développement durable.

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Allocution du Ministre de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement Yves COCHET I.

Les enjeux de la HQE

C’est avec un grand plaisir que j’ai accepté de participer aux premières Assises de la démarche HQE. Les fonctions que j’occupe me portent à être très attentif à ce sujet. Cela tient d’une part au fait que les enjeux en sont importants : ils peuvent même s’avérer considérables en termes économiques, parce qu’ils portent sur 2 000 milliards de francs, ce qui dépasse le budget de la France et représente un quart du PNB. D’autre part, le secteur du bâtiment contribue à hauteur de 17,5 % aux émissions nationales de gaz à effet de serre, pour le chauffage, la production d’eau chaude sanitaire dans les bâtiments résidentiels et tertiaires. Cette contribution est malheureusement à la hausse et j’en ai eu la confirmation à l’occasion des négociations mondiales de Marrakech sur le climat, il y a trois semaines environ. Nous avons confirmé l’engagement de la France et de tous les pays – sauf un – pour le protocole de Kyoto. Les émissions de gaz à effet de serre croissent, alors que nous devrons tenir des engagements internationaux dans une première période qui court jusqu’en 2010 et que nous devrons nous montrer encore plus rigoureux au-delà. Pour cette raison, la HQE et le secteur du bâtiment constituent l’une des priorités du Plan national de lutte contre le changement climatique (PNLCC) réalisé par la MIES voilà presque deux ans, ainsi que du Programme national d’amélioration de l’efficacité énergétique présenté par le Gouvernement il y a un an. La consommation des ménages s’élève à environ 150 litres d’eau par an et par habitant, tandis que les produits de démolition des bâtiments représentaient plus de 32 millions de tonnes en 1999. Aussi, il existe une pression sur les ressources naturelles. Le bâtiment constituant un cadre de vie et de travail, il est un facteur de bien être ou de nuisance et de risque pour la santé, selon la manière dont il est conçu et réalisé. Ce sujet de vie quotidienne me préoccupe d’autant plus que la qualité de l’environnement et l’équité sociale vont de pair. Le bâtiment n’est pas non plus dissocié de son cadre urbain et des flux d’échanges auxquels il participe : c’est un des mérites de la loi SRU que d’avoir mis l’accent sur ce point avec le plan d’aménagement et de développement durable mis à base de toute planification spatiale, et en particulier l’invitation à penser ensemble l’organisation urbaine du bâti et les réseaux de transport. La qualité environnementale d’un bâtiment doit s’apprécier à trois échelles : celle de l’individu et de sa famille, celle de la ville et de son territoire, et enfin l’échelle globale. Je salue le travail accompli par l’Association HQE depuis cinq ans, dans des conditions artisanales ou presque. Elle a suscité des expérimentations et développé une réflexion très riche dans ce domaine. Ces acquis et cette reconnaissance dont vous bénéficiez désormais doivent permettre de passer à une « vitesse supérieure ».

II.

Les priorités du Ministère

Quelques pistes me paraissent importantes, sur lesquelles mon Ministère s’est mobilisé ou se mobilisera au-delà même de 2002.

1. L'amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments existants C’est là que se situent les enjeux principaux, au vu de la masse que représentent ces bâtiments par rapport à la construction neuve : il semble que la moitié du parc existant date d’avant le XXe siècle. Le PNLCC retient dans ce domaine plusieurs actions, généralement soutenues par l’ADEME. Par exemple, il a été décidé d’engager 25 opérations programmées d’amélioration thermique des bâtiments concernant l’habitat et le tertiaire, au moyen de conventions entre les communes et les établissements intercommunaux compétents, l’ADEME, l’Etat et, le cas échéant, la région. Il s’agit de définir et de mettre en œuvre une politique d’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments d’un quartier, d’une commune ou d’un ensemble de communes dans un cadre cohérent et planifié, en se fixant pour objectif des économies de TEP (tonnes équivalent pétrole) et d’émis sions de carbone. Plus spécifiquement, cela porte sur l’énergie pour le chauffage, pour la production d’eau chaude sanitaire et éventuellement la climatisation des bâtiments tertiaires dont il

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s’agit, tout en intégrant les préoccupations de santé qui sont liées au choix des solutions et à la pleine efficacité des modes de ventilation. L’ADEME participera à hauteur de plus de 400 millions de francs sur 5 ans à ces opérations : elle interviendra pour les études, pour l’animation, pour le suivi, ainsi que pour le financement des travaux. J’attends de ce programme un effet d’entraînement, bien au-delà de l’aspect exemplaire des 25 opérations qui sont programmées.

2. Les points d’information énergie A la suite du Programme national d’amélioration de l’efficacité énergétique, il a été décidé de mettre en place des points d’information énergie (PIE) pour conseiller les particuliers, les entreprises et les collectivités locales dans le domaine de l’utilisation rationnelle de l’énergie et des énergies renouvelables. Ces PIE sont constitués en partenariat avec les collectivités territoriales, les organisations professionnelles et les associations. Leur financement est garanti par une convention passée avec l’ADEME. Une soixantaine de points existent actuellement et j’inaugurerai normalement le centième PIE dans quelques semaines. Avec Marie-Noëlle Lienemann, nous souhaitons que ce réseau de PIE puisse intervenir plus largement dans le domaine du logement et du développement durable, et devienne un partenaire à part entière de la HQE.

3. Le développement de la réflexion sur la démarche HQE pour l’adapter à l’amélioration du parc existant Mon Ministère a réalisé il y a quelques années une étude dans ce domaine, en vue de mettre au point une méthode simplifiée de prise en compte de l’environnement dans les réhabilitations de logements sociaux. Des contacts ont été pris avec l’Association HQE en vue de la définition et de l’élaboration d’un référentiel de démarche opérationnelle HQE.

4. Le verdissement des démarches L’usage du terme « verdissement » date d’une quinzaine d’années. Depuis plus de 5 ans, le Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement a engagé de nombreuses actions concrètes destinées aux décideurs comme aux gestionnaires publics, qui valorisent d’ailleurs la démarche HQE. Il apparaît que cette démarche se traduit par des économies budgétaires et des créations d’emplois gagées sur ces économies. Ainsi, sans investissement, 40 à 50 % d’économies peuvent être acquises sur le budget eau et 20 % sur le budget énergie : ces résultats sont simples à obtenir avec un minimum de savoir faire et de méthode. Il a été décidé en 1999 de déconcentrer cette conduite de la démarche au niveau des régions. Suite à la demande exprimée par un certain nombre de collectivités territoriales, tout projet d’Agenda 21 de démocratie participative locale ou de Charte d’environnement devra comporter des actions de verdissement des démarches. Cela permet de découvrir de nouveaux savoir-faire et modes de gestion, mais aussi de définir ce que doit être une gestion du patrimoine durable dans ses composantes immobilières et mobilières.

5. L’étude des interactions entre environnement, santé et bâtiment En 2000 et en 2001, le Ministère de l’environnement a confié à l’Association HQE une étude portant sur les interactions entre la qualité environnementale des bâtiments et la santé. Elle porte en particulier sur la question du bruit. Nous avons engagé des efforts et créé notamment la CNUSA, autorité indépendante chargée de modérer les bruits aéroportuaires. Il s’agit d’enjeux économiques et sociaux considérables. Il existe d’autres sources de bruit : certains sont liés au voisinage, au passage d’autoroutes ou de voies ferrées… Nous nous étions engagés dans la modération des bruits d’origine musicale, notamment pour les activités nocturnes. Le bruit, mais aussi la qualité de l’air intérieur et de l’eau, constituent des préoccupations largement partagées. Une étude a été réalisée par Andrée Buchmann, Présidente de l’Association Alsace Qualité Environnement et animatrice de ce groupe au sein de l’Association HQE. Elle vise à déterminer les points sensibles pour la santé des occupants et à proposer des pistes d’action. A partir de cette identification et de l’évaluation de la prévention des risques, l’étude, sur une dizaine de thèmes, propose des actions de sensibilisation des propriétaires et des locataires, et d’assistance à l’amélioration des logements. Ces propositions doivent être finalisées et j’ai demandé à mes services d’y travailler en liaison avec tous les acteurs concernés, pour pouvoir éventuellement annoncer des mesures dès le début de l’année prochaine. Nous pourrons mobiliser les moyens d’expertise de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement (AFSSE) : la loi portant sa création a été votée et le décret doit être en voie de bleuissement à Matignon, ce qui devrait permettre à cette Agence de voir le jour dès le début de l’année prochaine.

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6. Qualité environnementale des bâtiment et management environnemental La démarche HQE comporte deux composantes indissociables : la qualité environnementale des bâtiments, mais aussi le management environnemental des opérations. Je suis convaincu que l’approche fondée sur l’appréciation du processus opérationnel est la bonne : elle mobilise les acteurs sans figer les résultats en termes de performance. Elle me paraît suffire pour les opérations d’amélioration, pour lesquelles il est difficile et peu pertinent de labelliser les résultats tant les conditions de départ peuvent être différentes pour les bâtiments existants. Pour la construction neuve, la question se pose quelque peu différemment : Madame Lienemann vous a demandé d’émettre des propositions dans ce sens pour les logements HLM, afin de disposer de critères les plus objectifs possible sur la qualité environnementale des logements construits, afin de susciter le développement à une large échelle d’un secteur HQE au moyen d’une aide fiscale qui soit ciblée. Vos conclusions proposent de maintenir le principe de base de la démarche, qui consiste à intégrer une procédure d’évaluation de la qualité environnementale des bâtiments construits dans une procédure de certification du management environnemental des opérations de construction. Le label que vous proposez de « millésimer » afin de conserver à la démarche HQE son caractère évolutif serait attribué après vérification du système de management environnemental de l’opération et de la qualité environnementale des bâtiments, complétée éventuellement par une appréciation de la qualité de l’implantation du bâtiment et des engagements pris par le maître d’ouvrage pour assurer dans le temps la pérennité des performances. Ces propositions paraissent fort constructives.

7. La planification et l’urbanisme opérationnel Il s’agit d’une autre échelle, plus large et située plus en amont que la simple opération de construction. Je suis frappé par le fait que les préoccupations d’environnement se font de plus en plus pressantes dans les textes, à toutes échelles : toutefois, si cela apparaît dans les discours et les écrits, la prise en compte reste insuffisante. Elle intervient de diverses manières, soit sous forme de principes généraux dans les documents d’urbanisme, plus rarement hélas de prescription ou de servitude comme en matière de risque, sous forme parfois de normes pour les constructions, comme en matière de bruit ou pour les termites. Pour le bruit par exemple, il est clair que les exigences de confort acoustiques ne seront pas satisfaites de la même manière selon que le bâtiment est implanté en zone bruyante ou bien en zone relativement calme. Des exemples similaires peuvent être cités en termes de consommation d’énergie et d’utilisation d’énergie renouvelable, problématiques qui me tiennent à cœur : elles dépendent de l’implantation réelle. Un même objectif de performance sera atteint avec plus ou moins de difficulté et à des coûts différents selon que l’environnement aura été pris en compte en amont ou en aval. Ces exemples illustrent la solidarité qui existe entre les différentes échelles, pour assurer au final une haute qualité environnementale.

III. Les évolutions à réaliser D’autres problématiques auraient pu être citées, comme celle des déplacements urbains, qui dépendent largement de la morphologie de la ville, et qui sont organisés avec les PDU, la LOADDT de Madame Voynet ou la loi SRU. Dans ces domaines, il est moins question de labelliser. Les démarches de prise en compte de l’environnement dans les différentes catégories de plans et de programmes touchant à l’aménagement de l’espace apparaissent assez peu formalisées pour l’instant. Cela semble normal au niveau des textes, mais il faut que des démarches volontaires soient conduites : nous y sommes très ouverts. Le Ministère de l’environnement a engagé de longue date une collaboration avec les collectivités locales afin de les aider à développer des démarches d’intégration de l’environnement dans leur politique et dans leurs actions, avec les Plans municipaux d’environnement qui datent de plus de 10 ans et qui ont été transformés en chartes d’environnement en 1993. Par la suite, des appels à projets ont été lancés sur les outils et les démarches, avec la mise en place des Agendas 21 locaux qui ont été laissés en 1997 et en 2000. Toutes ces expériences accumulées, ainsi que les réseaux d’échanges qui se sont constitués, permettent aujourd’hui d’aller plus loin dans la formalisation et d’envisager de véritables démarches HQE dans ces domaines-là. C’est ainsi que je proposerai à l’ensemble des partenaires qui nous ont accompagné pour les deux premiers appels à projets, notamment le Ministère de la ville, le Ministère de l’équipement, du logement, du sport, mais aussi le Ministère de la culture et de la communication, ainsi qu’à divers établissements publics, organismes et associations, notamment la Caisse des dépôts, qui font partie du Comité de pilotage, de préparer un troisième appel à projets sur le thème suivant : « la démarche de la HQE dans le projet de territoire ». Cela s’adressera à l’ensemble des acteurs concernés par la rénovation et le renouvellement urbain, mais aussi aux territoires qui seront couverts par les nouveaux plans

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d’aménagement et de développement durable institués par la loi SRU : cela portera dans ce cas sur le thème spécifique de l’aménagement et du renouvellement urbain, au sujet des centres villes, des centres des quartiers, des îlots à réhabiliter, des traitements des rues, des voies piétonnes et cyclables, des espaces publics, des entrées de ville… Enfin, cet appel à projets portera sur les opérations de rénovation urbaine du type « grands projets de ville » ou de rénovation de quartier. Ce troisième appel à projets sera publié avant la fin du premier semestre 2002. J’ai soulevé sept priorités qui illustrent la richesse de la démarche HQE et son intérêt pour permettre l’intégration à différentes échelles de l’environnement dans la construction. En dépit de résultats déjà obtenus, nous n’en sommes qu’au début. Cela concerne en effet un très grand nombre d’acteurs : maître d’ouvrages, maîtres d’œuvres, gestionnaires, entreprises, associations et pouvoirs publics. Vous avez ressenti comme nous le besoin de centres de ressources bien identifiés pour capitaliser les expériences, les savoir-faire, et jouer d’une certaine manière le rôle d’observatoire. Je crois que l’Association HQE peut opérer un changement d’échelle et devenir centre de ressources dans le domaine des bâtiments : ce centre pourrait rechercher avec profit des ancrages régionaux de manière pragmatique, en s’appuyant sur les structures existantes. Je suis prêt à vous apporter mon concours pour vous permettre d’accomplir cette nouvelle étape. Je vous félicite d’avoir organisé ces Assises et souhaite le plein succès de vos travaux. J’accompagnerai autant que faire se peut l’évolution de la HQE car elle représente une belle ambition pour le XXIe siècle.

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HQE : Mode d’emploi La démarche HQE en pratique La séance a été présidée par Dominique BIDOU. Sont intervenus : Sandrine JAMON, Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais ; Jean-Luc SADORGE, Conseil régional d’Alsace ; Gilles OLIVE, GOIC.

I.

Introduction

Dominique BIDOU Pendant les cinq premières années de vie de l’Association HQE, nous avons tenté de poser les fondations de la démarche, ce qui a demandé un travail important. La première journée des Assises visait à dresser un bilan des instruments existants. Nous ferons pour cela un point sur les séries d’ateliers qui se sont tenus hier : sur ces fondations, nous tenterons de voir comment la HQE peut maintenant se développer. Madame Lienemann participera à nos Assises et c’est grâce à elle que nous sommes réunis. En effet, il y a une dizaine d’années déjà, Madame Lienemann se préoccupait de l’environnement dans le bâtiment. Elle m’avait demandé de produire un rapport, mais elle a surtout réussi à mobiliser son administration : le plan construction a lancé une série de travaux qui se sont traduits par des REx (réalisations expérimentales) et qui ont permis de construire la démarche ellemême. Marie-Noëlle Lienemann a été la Ministre qui a été à l’origine de la démarche HQE : son passage dans nos Assises constitue un élément déterminant dans cette époque charnière où nous devons tenter d’élever cette démarche à partir des fondations mises en place. Nous sommes plus nombreux aujourd’hui qu’à l’origine : le « noyau » qui a tenté de lancer la HQE regroupait les deux ministères, de l’équipement et de l’environnement (DHC et PCA, devenu PUCA), ainsi que quelques établissements publics, le CSTB, l’ADEME, des industriels (AIMCC et FFB) et les premiers consultants qui s’étaient mobilisés au sein de l’ATEC… Nous pouvons nous réjouir de l’élan que nous constatons aujourd’hui, qui voit naître un véritable mouvement HQE. Il est celui de l’Association, relayé par de nombreuses collectivités qui entendent montrer qu’elles sont prêtes à jouer leur rôle dans le développement de la HQE. Nous tenons pour la première fois ces Assises : par définition, elles ne peuvent être parfaites. Je vous suggère de nous écrire à l’adresse Internet hqe@moka.fr, pour que nous puissions en améliorer l’organisation et le contenu.

II.

Rapport général des premiers ateliers

Sandrine JAMON Les trois premiers ateliers portaient, de manière générale, sur la définition explicite de la HQE des bâtiments. Ils recouvraient les secteurs de l’éco-contruction, de l’écogestion, du confort et de la santé. Trois grands enseignements ont été cités :

0

aller plus loin sur les objectifs et contenus, « tirer la qualité vers le haut » ;

1

s’appuyer sur les expériences et les acteurs, identifier les bonnes pratiques et revenir au bon sens ;

2

répondre à une demande sociale avant tout, se repositionner au niveau des usagers et redéfinir les motivations de l’action engagée par la maîtrise d’ouvrage publique.

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Ces enseignements peuvent être déclinés par atelier.

1. Eco-construction L’éco-conctruction interpelle un grand nombre de cibles. Cet atelier s’est beaucoup focalisé sur les matériaux. a. Aller plus loin sur les objectifs Le souhait a été exprimé d’approfondir la base de données matériaux qui est en cours de construction et qui devrait être utilisable en 2002. Elle doit faire état de l’association de plusieurs matériaux. La question s’est également posée de savoir comment intégrer les critères environnementaux dans les commandes publiques (le lieu de production des produits par exemple). En outre, une réflexion sur les équipements doit être menée. Enfin, il faut aussi voir comment il est possible de s’ouvrir à l’Europe, par exemple parce qu’un certain nombre d’opérations font appel à des produits fabriqués ailleurs qu’en France et dont les caractéristiques environnementales doivent pouvoir être comparées.

b. S’appuyer sur les expériences et les acteurs Cela s’est traduit par l’expression de la nécessité d’impliquer les maîtres d’ouvrage en amont : ils doivent être en mesure de fournir des données climatiques sur leur projet, ainsi que des éléments sur la qualité de l’air, de l’eau et des sols à l’équipe de maîtrise d’œuvre. Par ailleurs, il convient de sensibiliser les prescripteurs à l’usage de la base de données matériaux, par exemple sur la notion de certification FSC, et sur les enjeux (effet de serre, couche d’ozone…). La CAPEB a expliqué qu’après avoir initié une démarche sur les déchets de chantiers, elle a mis en place une véritable démarche pédagogique. c. Répondre à une demande sociale Cet enseignement s’est traduit en particulier par l’expression de la préoccupation relative à la santé. Une commission environnement et santé débat sur la base de données matériaux à ce sujet. Une autre ouverture a été envisagée : réfléchir sur les entreprises productrices des matériaux et éventuellement mener des démarches de développement durable auprès de ces dernières. Il a été question notamment d’entreprises solidaires. 2. Ecogestion a. Aller plus loin sur les objectifs Les discussions de cet atelier ont beaucoup porté sur l’énergie. Il a été exprimé la nécessité d’aller plus loin en termes de réglementation, notamment en affichant des objectifs plus larges qu’une simple consommation : réduction des pollutions, maîtrise de la ressource… Il convient également d’aller plus loin par rapport aux références : a priori, il semble plus judicieux de travailler sur l’enveloppe que de fixer de simples références de consommation. En fonction de la géométrie du bâtiment, les références de base de consommation au niveau de la réglementation thermique fluctuent et cela obère peut-être le travail préalable sur l’enveloppe et la bioclimatique. Il a été également question de réhabiliter le solaire et les énergies renouvelables : certains ont souhaité « une inscription plus forte des options renouvelables et solaires dans les exigences de base de la certification des opérations HQE. » Enfin, nombre de participants souhaitent qu’un travail soit réalisé sur l’existant, dont il faut prendre la mesure : en 2010, encore 50 % de nos bâtiments auront été construits avant le choc pétrolier de 1973 et représenteront les deux tiers des consommations.

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b. S’appuyer sur les expériences et les acteurs Lors de cet atelier sur l’éco-gestion, il a été demandé de poursuivre les expérimentations pour faire progresser l’innovation.

c. Répondre à une demande sociale Il a notamment été évoqué la notion de coûts collectifs évités, notamment sur les énergies renouvelables pour lesquels les temps de retour peuvent être relativement longs. Il faut réintégrer la notion d’intérêt général.

3. Confort et santé a. Aller plus loin sur les objectifs Une remarque générale a été émise pour appeler au renforcement des cibles HQE, notamment concernant le lien entre la santé et les paramètres physiques comme la température, l’humidité, la lumière, la qualité de l’air. Par exemple, il apparaît que les pertes énergétiques convectives d’un individu sont équivalentes aux pertes liées au rayonnement : aussi, la température de l’air dans un bâtiment est aussi importante, en termes de perception physiologique, que la température des parois. Par ailleurs, il faut aller plus loin sur les outils : il manque notamment ceux qui permettraient de modéliser le confort thermique en régime variable.

b. S’appuyer sur les expériences et les acteurs Le confort tient au ressenti des utilisateurs : il est important, pour l’envisager, de s’appuyer sur les acteurs. Par exemple, l’Observatoire de la qualité de l’air procède à des analyses à domicile, car il n’est pas possible de réaliser des simulations fiables lorsque plusieurs polluants entrent en jeu. Parfois, certains peuvent être en quantité très faible, mais nous y sommes exposés pendant de longues durées : il faut les mesurer. En outre, la pollution de l’air intérieur dépend de la pollution extérieure et du comportement des individus, ce qui rend d’autant plus nécessaire l’expérience de terrain et l’identification des sources au niveau local.

c. Répondre à une demande sociale En termes de santé, il faut progressivement inciter les professionnels du bâtiment à travailler avec les professionnels de la santé. Des éléments difficilement quantifiables sont importants, comme le confort spatial par exemple. Les volumes peuvent influencer la santé, notamment chez les personnes âgées. Les notions de couleur ont également été abordées lors de cet atelier, ainsi que le confort acoustique : souvent, l’on utilise le DBA, qui permet d’opérer une pondération par rapport à la sensibilité de l’oreille. Or les normes européennes sont appuyées sur les DB et non plus sur les DBA : cela rend moins perceptibles les aspects liés aux sons graves et les analyses de ressenti de l’usager sont moins fines. Par conséquent, il apparaît important de réintégrer la notion de demande sociale.

4. Conclusion sur les premiers ateliers Au plan formel, le public qui a assisté à ces ateliers a été fort attentif. Il a entendu de nombreuses interventions mais, faute de temps, n’a pu poser que quelques questions. Des débats restent à mener, et ils sont d’autant plus importants que la HQE ne se décrète pas, mais se vit : elle doit s’accompagner du plaisir de travailler ensemble pour atteindre un objectif commun et pour un défi de demain, le développement durable pour les générations futures.

III. Rapport général des derniers ateliers Jean-Luc SADORGE Le thème général des quatre derniers ateliers était « les moyens d’obtention de la qualité environnementale des bâtiments ».

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1. Management environnemental des opérations Lors de cet atelier, ont été abordés le rôle et la responsabilité du maître d’ouvrage dans la fixation des objectifs et la programmation. Il faut se donner les moyens d’obtenir la qualité environnementale, par une implication forte de cet acteur. Un SME adapté pour un ensemble d’opérations, inspiré de l’iso 14001, a été présenté lors de cet atelier. Des développements sont apparus indispensables : le développent urbain durable et le passage à une HQE plus territorialisée. En outre, il a été rappelé la nécessité de conserver à l’esprit la raison d’être de ce travail : l’Homme. La réflexion a porté sur un second axe : comment décrire la qualité environnementale d’un bâtiment ? Les débats ont notamment exploré le problème de la définition d’un langage commun : ce chantier reste ouvert. Il apparaît qu’il convient également de déterminer les impacts environnementaux d’un bâtiment sur tout son cycle de vie. Enfin, il faut approfondir le travail sur la déclaration environnementale, qui pourrait constituer une réponse appropriée. L’une des difficultés qui a été soulevée est celle de la qualification du produit d’une opération HQE : il apparaît complexe de qualifier le bâtiment lui-même et il semble plus pertinent de certifier l’opération développée selon une démarche HQE. Quelques exemples ont illustré ces réflexions, en particulier l’expérience du Conseil régional Rhône-Alpes qui poursuit une démarche progressive sur 300 lycées, pour 1,2 milliards de francs de travaux par an. Les actions, fort pragmatiques, ont été initiées autour de la gestion des déchets de chantier, de l’éclairage naturel, du confort d’été, des économies d’énergie… Par ailleurs, le Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais a développé des outils qui sont aujourd’hui publics. Enfin, l’OPAC de l’Eure a apporté un exemple concret de rénovation en situation, en présence des usagers. De ces trois expériences, il ressort quelques dimensions sur lesquelles travaillent les maîtres d’ouvrage : les référentiels, les indicateurs de performance et l’observatoire des coûts.

2. Economie de la qualité environnementale Deux axes essentiels ont sous-tendu les débats de cet atelier : le coût global et la valorisation économique de la HQE. L’approche en termes de coût global reste difficile, car outre la distinction entre coûts directs et coûts indirects, il faut tenir compte de la notion de coûts évités. Ces derniers sont délicats à chiffrer en tenant compte de l’ensemble des phases : construction, exploitation, maintenance… Sur ce point important de la HQE, il n’existe pas encore de solution évidente. La valorisation de la HQE passe essentiellement par la recherche des origines de coûts et par leur amortissement. Il faut en envisager les effets à terme pour les bénéficiaires. Un exemple relatif à des HLM a été présenté, qui fait ressortir la difficulté d’amortissement des surcoûts d’investissement : les usagers préfèrent une démarche volontaire et prudente et, vis -à-vis de ces derniers, la démarche doit encore faire ses preuves. Une problématique de lisibilité et de pédagogie a été ainsi soulevée. Par ailleurs, s’est posé le problème de comparer la situation avant HQE – après HQE, notamment au regard des nouvelles normes de réglementation thermique : il faut, pour bien mesurer les effets de la démarche, comparer des éléments comparables. Enfin, l’atelier a soulevé les difficultés d’application d’un SME qui serait trop rigoureux : il apparaît nécessaire de faire preuve de pragmatisme et de progresser de manière plutôt itérative. Une conclusion importante peut-être tirée de cet atelier : la HQE constitue un formidable levier pédagogique vis -à-vis des maîtres d’ouvrage pour progresser sur la démarche coût global. Ils doivent s’en donner les moyens, en termes de connaissances, d’analyse et de retour sur les opérations.

3. Formation des professionnels En termes de formation initiale, il semble que peu d’initiatives aient été prises jusque-là : il existe néanmoins une réelle demande, notamment de la part des lycées. Aujourd’hui, il se développe une logique de sensibilisation des acteurs plus qu’une stricte démarche de formation. Quelques DESS commencent à traiter de la question de la HQE, mais cela reste embryonnaire. L’atelier a défini un certain nombre d’objectifs de la formation continue : il faut « imprégner » l’ensemble des acteurs, susciter leur appétence, mais aussi mêler les ingénieurs, économistes, architectes et maîtres d’ouvrage. Il apparaît indispensable de former les professionnels et non un corps de spécialistes. Les orientations retenues sont l’appropriation des concepts par la valorisation des pratiques. Il faut travailler par étapes : acquisition, connaissance des concepts et des enjeux, appropriation du SME… Toutes les cibles ne peuvent être traitées à la même échelle au fur et à mesure de l’avancée d’un projet : la focale doit être différente à chaque fois. La formation doit s’appuyer sur la capitalisation des démarches pragmatiques et le SME permet d’impliquer tous les acteurs concernés. La FFB s’y emploie.

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Lors de cet atelier, un regret a été exprimé : l’absence aux Assises des entrepreneurs et des fabricants. Il a été rappelé que la Direction de l’architecture et du patrimoine soutient les initiatives en matière de formation à la HQE. Le rectorat de Bordeaux s’est déclaré prêt à s’engager sur des formations initiales et continues. Enfin, une étudiante en troisième année d’architecture a expliqué qu’elle n’avait jamais entendu parler de HQE et qu’elle se demandait pourquoi !

4. Animation du tissu opérationnel La masse des acteurs professionnels de la filière est estimée à 1,5 millions de personnes à convaincre : il s’agit donc d’un enjeu important. Il faut travailler sur la mise en maillage, échanger des outils et des méthodes, capitaliser sous forme de centres de ressources. Le réseau doit être construit par l’échange d’expériences pragmatiques. En outre, il faut considérer la complexité du jeu des acteurs et la complexité des situations locales : l’atelier a demandé une approche mixte, sous forme de collèges réunissant les maîtres d’ouvrage, les concepteurs et industriels, les utilisateurs, chercheurs... L’atelier a insisté sur la nécessité de ne pas oublier les petits porteurs de projets, par exemple les territoires ruraux qui souhaitent s’impliquer dans la HQE. L’atelier a insisté sur l’implication forte du maître d’ouvrage au niveau décisionnel, politique et non technique. Enfin, en termes de prospective, l’idée d’un observatoire a été discutée : il permettrait de capitaliser les expériences de terrain. Concrètement, un portait Internet sur la HQE pourrait servir de lieu d’échange.

5. Conclusion Plusieurs axes d’orientation sont apparus dans les discussions menées au sein des ateliers :

0

l’importance de l’implication de la maîtrise d’ouvrage au plus haut niveau ;

1

la nécessité d’un observatoire qui serait un lieu de référence, qui doit être interactif, s’appuyer sur les réalités locales et les réseaux locaux, tout en réalisant une synthèse de l’ensemble ;

2

l’intérêt pour les démarches pragmatiques, même si elles sont partielles, qui rejoint la nécessité de mettre en place un observatoire pour réaliser des progrès ;

3

le souhait d’élargir la HQE d’une démarche bâtiment à une démarche territoire, en raisonnant en termes d’urbanisme et d’aménagement.

IV. L’application de la démarche HQE Gilles OLIVE La structuration de la stratégie doit nous amener à réfléchir à des questions de champ, d’objectifs, d’acteurs et de procédures.

1. Champs et Objectifs Nous travaillons actuellement à la qualité environnementale des bâtiments pour des opérations de construction, d’adaptation et de gestion. Nous n’oublions pas la phase ultérieure : le développement durable des territoires.

2. Acteurs Pour la construction, l’adaptation et l’exploitation des bâtiments, le personnage central est le maître d’ouvrage. Les concepteurs, réalisateurs et fournisseurs de produits sont reliés dans un système d’acteurs bien connu. Un autre ensemble réunit les propriétaires, les usagers, les gestionnaires et les fournisseurs de services : selon les types de bâtiment, ces acteurs peuvent être réunis en un seul (gestionnaire, propriétaire et usager). Autour de ces deux ensembles, interviennent les pouvoirs publics, les financeurs et les assureurs.

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Il faut susciter de la formation afin que les compétences soient réparties entre ces différents acteurs et tenter de mettre au point des outils permettant de les aider. Le maître d’ouvrage en particulier pourra prendre des décisions en connaissance de cause.

3. Procédures Comment faire pour appliquer la HQE ? La démarche est fondée sur des référentiels et s’applique à des opérations de construction, d’adaptation, de gestion. Elle peut aussi porter sur un ensemble d’opérations de grands maîtres d’ouvrage qui se décident à mener une politique globale d’amélioration de la QE. Actuellement, quatre référentiels sont discutés :

0

la définition formelle Cette définition normée de la qualité environnementale a été publiée en novembre 1997.

1

la définition exigencielle La qualité environnementale est définie comme ensemble des caractéristiques d’un bâtiment et du reste de sa parcelle, qui lui confère l’aptitude à satisfaire l’exigence environnementale. Cette exigence était l’élément objectif de la qualité.

2

la Définition Explicite (DEQE) La DEQE est actuellement en discussion. Désormais, nous travaillerons au repérage des caractéristiques.

3

le système de management environnemental Les trois premiers référentiels sont relatifs au pilier « qualité environnementale » de la démarche HQE : il manquait le deuxième pilier de la démarche, le SME. Il est désormais proposé sous forme d’un quatrième référentiel pour le maître d’ouvrage, acteur décisif des opérations HQE.

Des procédures ont été déduites de ces référentiels. A partir de la définition exigencielle, il est possible d’élaborer « l’exigenciel environnemental » d’une opération, qui correspond au cahier des charges : dans les propositions des maîtres d’ouvrage commencent à émerger des programmes intégrés, qui tiennent compte cet exigenciel environnemental. La certification d’opérations HQE est en cours d’élaboration, mais il n’est pas possible d’envisager de certifier des bâtiments. Cette certification s’appuie sur un référentiel dédié, qui comporte trois composantes :

4

le référentiel SME, permettant la certification du management environnemental par le maître d’ouvrage ;

5

la liste des différentes étapes d’une opération donnée, permettant de déterminer quelles sont celles qui doivent faire l’objet d’un travail du certificateur ;

6

la méthode d’évaluation de la qualité environnementale des bâtiments, qui apparaît indispensable pour déterminer les conditions d’éligibilité à des aides lorsqu’elles existent.

Si la certification se réalise sans aide, il n’y aura pas besoin de recourir à cette méthode d’évaluation, appuyée sur le référentiel de définition explicite de la qualité environnementale des bâtiments. Ainsi, le référentiel de certification d’opérations HQE n’est qu’une mise en forme de référentiels qui existent déjà. Ce nouveau référentiel devra être défini concrètement par le certificateur et l’acteur qui souhaite obtenir la certification. L’Association HQE étudiera avec le certificateur les modalités les plus judicieuses de cette certification. Ainsi, au-delà du référentiel, un schéma de certification permettra de donner une spécification de la liste des étapes de l’opération – qui dépendront du type d’opération

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concerné – et une spécification de la méthode d’évaluation, qui ne sera pas la même selon le type de bâtiment. De fait, la certification que nous proposons va au-delà d’une simple réponse à la commande de MarieNoëlle Lienemann : elle constitue plutôt une réponse d’ordre général, permettant de certifier une opération HQE. Elle prendra la forme d’un guide de recommandations pour une certification quelle qu’elle soit : ce guide sera appuyé sur le SME, ainsi que sur la liste des étapes de l’opération et sur une méthode d’évaluation, ces deux derniers éléments étant précisés par un schéma de certification au cas par cas. Si la méthode d’évaluation, exhaustive, répond à l’effort de traitement des 14 cibles, elle n’apparaît pas pour autant insurmontable, d’autant plus qu’elle dépend de la hiérarchisation de l’importance du traitement des différentes cibles. En effet, la certification sera datée : si des moyens permettent de l’améliorer, elle sera mise à jour. Il est important de souligner qu’elle rend possible une politique technique : en effet, le certificateur pourra décider d’accorder à un moment donné plus d’importance à une cible qu’à une autre, ou à une modalité de traitement particulière d’une cible. Des outils vous sont proposés et leur utilisation doit s’amplifier. Il est important de souligner la manière dont les acteurs du mouvement HQE travaillent ensemble : l’Association HQE n’est pas une association nationale, mais elle regroupe des acteurs pour élaborer des référentiels de manière consensuelle. Si l’Association reste seule à agir, elle perdra tout intérêt : elle doit maintenant s’inscrire dans un réseau de centres de ressources à l’écoute du tissu opérationnel. A ce titre, la notion d’observatoire ne doit pas faire oublier qu’il est indispensable que cette observation soit assurée par des réseaux. Il est nécessaire que des associations stimulent la démarche au niveau régional. D’autre part, nous créons actuellement un club des entreprises : ce type d’acteur n’était pas suffisamment écouté car l’Association HQE regroupait jusque-là des entités collectives. Il convient également de regrouper les formateurs afin de les écouter et de définir un discours commun aussi efficace que possible. Enfin, l’émergence d’un club de certificateurs serait sans doute l’accomplissement de notre mouvement : nous aurions enfin nos « renseignements généraux ». Claude ZANI, architecte Il serait important d’impliquer les administrations qui nous jugent dans les grands réseaux de la HQE, par exemple l’Equipement, le Ministère de l’environnement et l’ADEME, mais aussi les banques qui ne connaissent pas la HQE et acceptent difficilement de la financer.

Dominique BIDOU Cette proposition me paraît judicieuse, mais je rappelle que l’administration est impliquée depuis le début dans l’Association HQE. Effectivement, les organismes financiers n’y sont pas suffisamment représentés : il existe une très forte dimension économique dans la HQE, sur laquelle nous devons travailler en collaboration avec ces acteurs.

Claude AUBERT, Association Terre Vivante Qui travaille sur la base de données matériaux ? Quels éléments y seront rassemblés ? Qui seront les certificateurs ?

Gilles OLIVE La base de données dépendra de la mise en application de la norme qui vise à ce que des industriels rédigent des fiches descriptives de leurs produits. Par ailleurs, les certificateurs ne sont pas encore définis : la commande de Marie-Noëlle

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Lienemann est en gestation et c’est à l’Etat de choisir ces organismes. Dès qu’ils seront nommés, nous aurons à discuter avec eux sur les référentiels et le schéma de certification. Les collectivités territoriales pourront elles aussi émettre le souhait de certifier des opérations dans leur région.

Marc WAPLER, architecte La HQE, pour moi, constitue une sorte de bien commun : les maîtres d’ouvrage publics en sont les cibles naturelles. Envisage-t-on de mettre en œuvre des leviers permettant de faire réagir la maîtrise d’ouvrage privée ? En effet, cette dernière ne dispose pas des supports financiers, publicitaires et marketing notamment dont bénéficie la maîtrise d’ouvrage publique

Dominique BIDOU Il s’agit d’une question fort importante. Le système américain de HQE – même s’il n’est pas exactement identique au système français – a été créé avec pour premiers partenaires des financiers. Notre culture française nous a sans doute poussé à adopter une autre logique, mais il apparaît aujourd’hui que la HQE ne pourra se développer si elle n’entre pas dans une forme de cohérence économique. Il devient nécessaire d’envisager le bilan économique de la HQE : il faut que la qualité paye et, pour cela, elle doit être visible et objectivée. Dès lors, la HQE entrera dans un schéma économique où les efforts sont récompensés. Ainsi, nous entrerons dans un schéma économique : dès lors les promoteurs privés pourront s’engager dans la démarche. Le calcul économique de ces promoteurs est plus ou moins bien réalisé : ce calcul est réel pour les professionnels du tertiaire, alors qu’il dépend plutôt, pour un particulier, de considérations immédiates comme la trésorerie dont il dispose ou l’endettement. Les membres de la FNPC soulignent qu’ils n’auront pas de difficulté à vendre la HQE à ceux qui effectuent un réel calcul économique, mais que cela sera plus délicat lorsqu’ils s’adressont à des individus qui réaliseront des calculs plus modestes fondés sur leur capacité d’emprunt notamment. Ainsi, il apparaît nécessaire que les instruments financiers accompagnent et traduisent le mouvement. La certification ne visera pas seulement à l’octroi d’aides, mais elle permettra aussi une reconnaissance de la qualité, avec comme objectif ultime que cette dernière se traduise en termes économiques.

Gilles OLIVE Parmi les entités qui peuvent générer des certifications, au-delà de l’Etat ou des conseils régionaux, il faut ajouter l’ADEME : elle possède un réseau de délégations régionales pour repérer et stimuler les opérations et elle peut y apporter son concours financier.

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Table ronde - débat La table ronde a été animée par Michel CARDOZE, journaliste. Sont intervenus : Bettina LAVILLE, Conseiller d’Etat ; François PELLEGRIN, UNSFA ; Alain MAUGARD, Président du CSTB ; Pierre POSSEME, FFB ; José COHEN-AKNINE, ADEME.

Michel CARDOZE Je vous invite à participer à cette table ronde, pendant laquelle nous traiterons du thème : « HQE, mode d’emploi ». Je souhaite que les interventions et les débats permettent de clarifier la situation.

François PELLEGRIN Je suis né, au plan professionnel, après le premier choc pétrolier. Si les étudiants actuels ne semblent pas traiter de sujets relatifs à l’environnement, les concepteurs de ma génération en ont entendu parler. Certains de nos pères, comme Alexandroff, évoquaient déjà le solaire, la bioclimatique… Nous y avons beaucoup cru pendant quelques années, mais nous avons compris que cela ne permettait pas de nous faire remporter des concours. Nous avons été extrêmement déçus, et nous serons extrêmement vigilants au sujet de la HQE. Nous y croyons et nous portons ce mouvement dans notre culture. Vitruve, auteur du premier traité d’architecture, a écrit il y a deux mille ans un traité sur le HQE et le développement durable ! Si nous ne sommes pas parfaits, nous nous améliorons : par exemple, le GEPA, centre de formation des architectes, a compris la nécessité d’accélérer le processus de formation interprofessionnelle. Le premier « fauteur de trouble », après le maître d’ouvrage – qui empêche tout progrès s’il ne donne pas de consignes claires ou ne prévoit pas le budget suffisant pour rémunérer la conception et couvrir le coût des travaux – est le concepteur. Ce dernier réalise en effet le dessin, partitionne l’espace, prend la responsabilité d’une bonne conception sur laquelle pourront s’articuler les compétences, met en place des dispositifs passifs… Pour faire face à cette responsabilité, nous déployons des réseaux, des formations et des outils. Toutefois, il existe en France une déviance dans la mesure où la plupart des nouvelles réglementations tendent à inventer de nouveaux métiers : il n’est pas question, dans la démarche HQE, qu’un spécialiste réalise la conception à la place du maître d’ouvrage par exemple. Nous veillerons à ce que cette logique soit bien respectée. La HQE est une préoccupation partagée, mais si nous ne pratiquons pas le vrai coût global, les Assises que nous tenons n’auront que peu d’utilité. En France, le coût global est souvent analysé comme un investissement quelque peu supérieur à la normale dans les travaux de construction, qui permet de réduire les charges pendant plusieurs dizaines d’années. Or il ne s’agit pas d’une réelle approche de coût global : il faudrait accepter, en France, de miser un juste prix dans la « matière grise », la conception, ainsi que dans des travaux de plus grande qualité : ensuite, il devient possible d’espérer 50 ou 100 ans de « bonheur durable » et l’effacement du principal surcoût, le surcoût social. L’enjeu consiste en effet à satisfaire des besoins de manière durable, ce qui représente un coût. Or lorsqu’il travaille sur des marchés publics visant à la construction de logement social par exemple, le concepteur est souvent bloqué par la situation où un maître d’ouvrage désireux de pratiquer un calcul de coût global se heurte à la DDE lorsqu’il dépasse un quota donné. Aussi, tant que nous n’aurons pas défini de système intelligent permettant de tenir compte simultanément des coûts d’investissement et des coûts de maintenance, nous ne progresserons pas. L’exemple du secteur privé montre que cette démarche est possible : les chefs d’entreprise pratiquent souvent le coût global de manière intelligente et viendront sans doute au développement durable. Nous devons saisir la magnifique occasion de réduire le gaspillage de 50 milliards de francs annuels, lié au taux de nonqualité que l’on peut estimer à 10 %. Par ailleurs, nous pouvons saisir cette opportunité pour revisiter la chaîne programmation, conception, réalisation et gestion. Le travail de conception se fera plus dense, notamment par la multiplication des échanges avec les partenaires de la maîtrise d’œuvre (thermicien, électricien…) : nous devons mettre en place des outils de travail en coopération, notamment par les nouvelles technologies de l’information et de la communication, pour pratiquer l’ingénierie concourante et pour échapper au cercle vicieux de l’ingénierie séquentielle et saccadée. Nous souhaitons profiter de cette embellie pour mettre en place un cercle vertueux dans le secteur du bâtiment.

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Michel CARDOZE Il serait intéressant d’approfondir la question de la mesure du coût social lié à la qualité ou à la non-qualité des bâtiments. Quels instruments pourraient être envisagés pour opérer ce calcul ?

Pierre POSSEME Le terme « durable » doit aussi suggérer une durée dans le discours, et non pas seulement au plan de la construction. Comme François Pellegrin, j’ai cru il y a vingt ans au discours sur les matériaux locaux : j’ai beaucoup travaillé le carreau de terre et le torchis dans la région Champagne-Ardenne. Or le discours tenu à l’époque n’a pas eu de caractère « durable » et de nombreuses entreprises ont dû renoncer à se développer de tels domaines. La Profession, dans toutes ses composantes, doit être tirée vers le haut : le monde des entreprises ne doit pas être oublié dans le discours sur le développement durable. Sur les 1,5 millions de salariés du bâtiment, 1 million sont des acteurs quotidiens de terrain, qui permettront la réussite ou non de la HQE. Par exemple, si un discours met en avant la nécessité d’une bonne isolation et que, sur le chantier, un matériau isolant est percé pour le passage d’un tuyau, les études préalables n’auront servi à rien. Ainsi, la HQE doit être intégrée aux formations initiales et continues, en particulier pour les 120 000 salariés se forment tous les ans dans le secteur du bâtiment. Il faut enseigner les bonnes méthodes à ceux qui, demain, se trouveront sur les chantiers. Dans les dix ans à venir, plus de la moitié du personnel du bâtiment sera renouvelé : il s’agit d’une forte opportunité de le former aux bonnes habitudes et aux bonnes méthodes les artisans et entrepreneurs de demain. Les messages doivent passer sans précipitation, à un rythme naturel : en matière de sécurité par exemple, 10 ou 15 ans ont été nécessaires pour que nos salariés prennent conscience de la nécessité de se protéger eux-mêmes. Aujourd’hui, celui qui assure la sécurité sur son chantier est considéré comme bon professionnel, à l’inverse de ce qui se passait il y a quelques dizaines d’années. La Fédération du bâtiment représente 500 000 salariés : elle devra relayer le discours sur le terrain, là où elle est représentative. Si nous pouvons vivre avec plus de plaisir et que nous y avons contribué en tant qu’acteurs de la HQE, nous aurons réalisé un progrès important et nous pourrons nous satisfaire de ce qui nous aurons construit pour les générations futures.

Michel CARDOZE Je retiens de votre intervention la question pressante de la formation et celle du délai d’inertie – de 10 ou 15 ans – nécessaire à transformer les mentalités et les habitudes d’une profession comme la vôtre.

José COHEN-AKNINE L’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) joue un rôle d’animation assez général sur la thématique environnement et énergie. Elle porte la charge importante, avec d’autres acteurs, d’animer la lutte contre l’effet de serre et le changement climatique. Le PNLCC (Programme national de lutte contre le changement climatique) demande à l’ADEME de réfléchir au moyen de réduire les émissions de carbone en France, à l’horizon 2008 et 2012. Aujourd’hui, le bâtiment représente 40 % de la consommation énergétique : l’efficacité énergétique, dans ce secteur, constitue par conséquent un enjeu majeur. La problématique posée actuellement à l’ADEME est celle de la recherche d’un effet de masse en termes d’efficacité énergétique, en évitant d’emprunter aux logiques de programme énergétique en vigueur il y a une vingtaine d’années, lorsque l’ADEME s’appelait FME. Nous pouvons nous appuyer sur le ressort économique. En outre, ces questions ne sont plus soumises aujourd’hui à la « dictature » du temps de retour : la sensibilité écologique progresse, ainsi qu’un souci de la qualité environnementale dans le bâtiment, partagé par le grand public. L’ADEME a tenu un stand à Batimat et les questions qui lui ont été posées ont témoigné d’une certaine demande sociale : établir une liste de « produits verts » et créer des outils pour la qualité environnementale. Il semble en réalité que ce soit le grand public qui tire les maîtres d’ouvrage et les acteurs vers l’amélioration de la QE. L’ADEME a passé des accords-cadres avec de grandes entreprises : par exemple, le groupe Accor a décidé de s’intéresser véritablement à la qualité environnementale. Dans une douzaine d’hôtels en France, l’eau sanitaire est chauffée par énergie solaire. Par ailleurs, le Groupe réfléchit à la manière de sensibiliser son personnel et développe des idées comme la « chambre d’hôtel HQE ». Le Groupe Accor réalise de telles démarches parce qu’elles représentent pour lui un enjeu très important en termes d’image : il traduit ainsi une demande de sa clientèle. De grands maîtres d’ouvrage privés, puis publics, devraient bientôt percevoir cet enjeu et se lancer dans de telles démarches. C’est sur ce ressort qu’il

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convient de s’appuyer, en particulier pour la HQE : elle représente une approche globale qui vise à répondre à des besoins (sécurité, bien-être…). Il faudra créer des centres de ressources et développer la formation, tout en continuant à mener des actions exemplaires et à permettre à la maîtrise d’ouvrage de se renforcer dans ces démarches : l’ADEME, qui est l’un des animateurs du mouvement actuel, continuera à s’y associer et accroîtra sa participation, car cela correspond aux objectifs d’ensemble qu’elle poursuit.

Michel CARDOZE Je retiens de cette intervention le rôle et la poussée de la demande sociale. Je m’interroge sur le rapport entre cette demande et la recherche d’une image de la part des entreprises ou des institutions publiques : parfois, il existe un décalage, voire une illusion, entre image et demande sociale.

Alain MAUGARD La question du « mode d’emploi » de la HQE ne se limite pas à l’idée de croissance d’une association. Nous traversons une étape de changement d’échelle dans nos ambitions : grâce à tous les acteurs de l’Association, nous avons élaboré une pensée mûre, complète et synthétique sur la HQE. Les problèmes sont bien définis et l’Homme occupe le centre de la réflexion. Se pose désormais la question de savoir si la HQE restera pratiquée par un petit groupe seulement, ou bien si elle doit imprégner le comportement de l’ensemble des acteurs. Pour que cet élargissement soit possible, il nous est proposé de tirer les conséquences des travaux qui ont été réalisés et d’oser passer à l’élaboration d’un « label » ou d’une certification. L’Association évolue en ce sens parce qu’elle y est poussée par une commande ministérielle, mais aussi parce que sa réflexion parvient à maturité. Aussi, nous entrons dans cette nouvelle phase sans penser que nous perdrons notre âme sous prétexte qu’il existerait une certification. Je pense que cette certification pourrait beaucoup nous apporter : en effet, lorsque nous passerons au mode opératoire, nous devrons vérifier que nous atteignons bien les objectifs donnés. Il ne suffira pas de décréter la HQE, mais il faudra prouver que les résultats de la démarche HQE sont bien ceux attendus. La question de savoir s’il s’agit d’une certification d’opération ou bien de bâtiment, à ce titre, me paraît secondaire : en effet, il faut que le bâtiment, issu d’un mode opératoire défini, affiche des résultats concrets en termes de HQE. Ces résultats devront être vérifiés par un certificateur. Nous travaillons par exemple avec Qualitel pour les maisons individuelles : il apparaît d’importantes différences entre les résultats annoncés et ceux qui sont constatés. De tels écarts seront sans doute constatés par la certification HQE, et ne doivent pas représenter un obstacle. En effet, cela nous permettra de nous confronter à la réalité. Je félicite Gilles Olive pour la présentation globale qu’il a effectuée au sujet de la certification : elle a pu apparaître complexe, mais il est certain que nous parviendrons à la réaliser. Je pense toutefois que le certificateur sera plus qu’un « service de renseignements généraux ». Par exemple, lorsque le CSTB joue le rôle de certificateur, des chercheurs y participent… Ainsi, le certificateur fera preuve d’une réelle intelligence : il dressera un constat opératoire et, en étant au contact des architectes et entrepreneurs, pourra nous indiquer ce qui est compris et ce qui ne l’est pas sur le terrain. Il ne sera donc nullement un agent passif ou un « policier », mais fera remonter de l’information opératoire. Il faudra faire attention de ne pas plaquer le mouvement HQE comme une alternative à d’autres : la qualité est un tout et les architectes – comme les maîtres d’ouvrage et les entrepreneurs – le savent. A travers la HQE, nous souhaitons qu’il se produise une évolution de la qualité, mais nous ne devons pas oublier les qualités simples d’une construction. Par conséquent, la certification des travaux ne devra pas se substituer aux certifications existantes, mais s’y ajouter. Avec cette nouvelle étape de la démarche, nous pourrons nous confronter à la réalité opératoire du plus grand nombre.

Michel CARDOZE Je retiens de votre intervention la volonté de faire changer d’échelle la HQE. Par ailleurs, vous posez avec beaucoup de franchise la question de la certification.

Bettina LAVILLE La HQE me paraît particulièrement porteuse d’avenir, parce qu’il s’agit, tant pour les différents acteurs (architectes, maîtres d’ouvrage…) que pour les citoyens, d’une manière d’agir sur l’environnement. Les sondages montrent que les individus souhaitent de plus en plus mener des actions individuelles et concrètes en ce sens : à travers l’habitat, nous pouvons y parvenir. La HQE concrétise à la fois l’espérance en une meilleure santé, en un meilleur environnement, en une meilleure qualité de vie, en une réduction des risques et en un accroissement de la prévention. Elle représente aussi

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l’espoir d’un coût durablement allégé dans l’utilisation des ressources. Nous avons mis en avant ces problématiques en 1996 lors de l’exposition Ecologie, où avait été notamment présentée la construction d’une maison écologique. En outre, Dominique Bidou avait émis le souhait de voir naître une association, qui s’est concrétisé. Ainsi, l’utopie devient réalité, et se décline actuellement sous forme collective : les bâtiments issus de la démarche HQE, pour l’instant, sont des lycées… Je crois toutefois que la HQE ne battra son plein que lorsque la démarche sera appliquée à l’habitat individuel. Le citoyen devra probablement être renseigné sur le sens de la HQE, mais je crois que la démarche individuelle constitue une véritable clé pour l’avenir. Concrètement, nous nous trouvons aujourd’hui entre utopie, projet et réalité, à mi-parcours des cinq étapes de la HQE.

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La HQE est traditionnelle, car l’utilisation des matériaux, dans l’histoire de l’architecture, a été très proche des préoccupations environnementales même si elle ne relevait pas de ce vocabulaire.

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La HQE a été intuitive, même si elle a été fondée en partie sur des concepts scientifiques notamment à l’époque des réflexions sur le bioclimatique.

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Elle a été conceptuelle, à partir des années 1980.

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Elle est expérimentale, et nous traversons cette phase aujourd’hui.

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Nous devons maintenant rendre la HQE systématique.

J’ai été frappée des conclusions de l’étude commandée par l’ARENE en Ile-de-France, qui a montré quel serait l’effet d’une systématisation de la HQE dans cette région. Les résultats sont parfois impressionnants : la consommation d’énergie pourrait diminuer de 34 KW/h dont 27 KW/h dans le secteur résidentiel et 7 KW/h dans le tertiaire. 16 % d’eau serait économisée dans le secteur étudié. Les économies globales – en eau, énergie et maintenance – pourraient s’élever à plus de 17 milliards de francs en 2010, soit 1 500 francs par an et par habitant et pourrait ainsi faire plus que couvrir le budget de l’Ile-de-France, qui se monte à 1 300 francs par habitant. L’auteur de l’enquête, précisant que les chiffres précités correspondent à un scénario utopique, se livre dans un second temps à un calcul fondé sur un scénario réaliste : il estime les économies d’énergie possibles à 3,2 TW/h, les économies d’eau à 9 millions de m3 par an et les économies en fonctionnement à 1,7 milliards de francs par an. Il est amusant de constater que, par rapport au scénario utopique, les économies sont dix fois moindres. Nous devons donc nous montrer plus ambitieux et faire en sorte qu’un scénario réaliste, dans les dix prochaines années, atteigne la moitié des résultats issus d’un scénario utopique. Après avoir arbitré les crédits du contrat de plan qui vient de commencer et participé au lancement des lois d’aménagement du territoire et de la loi SRU, j’ai l’impression que les esprits sont mûrs : de très nombreux élus locaux demandent à l’Etat des aides pour promouvoir ce type de démarche. Ils ont le sentiment qu’ils participent bien à un développement durable compréhensible et appliqué : en effet, tout le monde sait qu’un meilleur environnement facilite les relations sociales et contribue à la réalisation d’importantes économies. Dans les années 1980-1990, nous avons lancé une utopie. Il apparaît qu’une fois prise en charge par les individus, elle devient une pratique de vie. C’est la logique même du développement durable. Sur cette planète globale, et par conséquent affolée, nous avons besoin de démarches personnelles : vous en êtes les inspirateurs, les acteurs, et donc les responsables.

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Jean HETZEL Les organismes de certification se demandent s’il y aura à chaque fois, lors des certifications de la démarche HQE, une évaluation de la QE de l’ouvrage.

Alain MAUGARD Cette question est à discuter avec l’association HQE. Je pense qu’il sera difficile de se priver d’une évaluation de la QE de l’ouvrage construit. Pour être sûr de parvenir à la qualité de l’ouvrage bâtiment, il apparaît nécessaire que les acteurs mènent de réelles démarches qualité et ne se reposent pas seulement sur un contrôleur qui examine la qualité finale. L’occupant du bâtiment attend des résultats concrets : pour le satisfaire, chaque acteur doit être en situation de pouvoir valoriser son propre souci de la qualité.

François PELLEGRIN Effectivement, les acteurs doivent être mis en situation de bien faire leur métier : ils ne le sont pas nécessairement aujourd’hui, mais la certification continue à faire débat. Nous souhaitons que s’opère un retour au bon sens. Les acteurs sont compétents, formés ou à former, mais il faut leur donner les moyens de pouvoir exercer et articuler leurs compétences. La certification est envisageable, mais il ne faudrait pas que le certificateur joue un rôle de gendarme.

Serge SIDOROFF La question posée est celle de savoir ce qu’est la QE d’un bâtiment : elle ne peut se mesurer seulement à la réception de l’ouvrage car il n’est pas possible de déterminer à cet instant comment il vivra au cours du temps. La certification devra donc tenir compte de cette dimension fondamentale et observer le bâtiment en fonctionnement, car c’est pendant son utilisation que se manifestent les effets environnementaux. Il faudra prévoir une étape de validation sur une ou plusieurs années de suivi du bâtiment, pour pouvoir déterminer s’il répond aux critères de la HQE ou non.

Pierre POSSEME Je rejoins François Pellegrin au sujet de la certification. Il existe de très nombreux certificateurs aujourd’hui et cette activité devient un réel « business » : il ne faut par conséquent éviter que la certification s’égare. Il convient de compléter les dispositifs existants au lieu de les remplacer, sans quoi le client ne comprendra pas la démarche. Si cet écueil n’est pas évité, cela freinera les entreprises, d’autant plus qu’elles n’ont pas encore parfaitement intégré la certification – qui représente un coût – à leur culture. Il faut plutôt former les acteurs pour que la démarche HQE devienne naturelle. Si la contrainte est trop forte, les entreprises délaisseront le mouvement.

Gérard CHAUSSE, Adjoint au maire à l’Environnement, Mérignac Il me semble que pour que la HQE progresse, il faudra, au-delà du travail réalisé par l’Association et la formation notamment, mettre en place des outils réglementaires. C’est ainsi qu’en Belgique, toute construction nouvelle est réalisée en intégrant un système de recyclage de l’eau. Quels sont les dispositifs que l’on pourrait intégrer en France, notamment dans le cadre de la loi SRU, pour favoriser des avancées dans ce domaine ?

Alain MAUGARD Je pense qu’il se produira effectivement une évolution des réglementations : elles ne sont pas nécessairement un carcan et prennent de plus en plus un aspect performanciel et exigenciel. La réglementation acoustique par exemple est porteuse d’une volonté de la société d’améliorer les performances, de même que la réglementation thermique. D’autres aspects de la qualité environnementale pourraient être traités de la sorte : il n’est pas exclu qu’à un stade ultime, la HQE soit traitée par la réglementation. Si une bonne partie de la production des bâtiments atteint un stade important de qualité environnementale, cela génèrera des innovations et des pratiques : il sera alors relativement simple d’aligner tous les acteurs sur les meilleurs d’entre elles. Nous mettons en place une sorte d’économie du progrès avec HQE : plus la démarche prend de l’ampleur comme secteur développée, plus la généralisation s’accélère. A l’évidence, il est très

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nouveau et fort intéressant de pouvoir obtenir des résultats dans la durée et pas seulement lors de l’inauguration d’un bâtiment : il convient donc de réaliser des progrès de qualité dans la gestion environnementale.

Michel CARDOZE Le jour où les industriels pourront gagner de l’argent en produisant des systèmes de récupération de l’eau pour les particuliers, ils le feront.

Alain MAUGARD Les professionnels de la santé considèrent aujourd’hui que la coexistence dans une habitation de circuits contenant de l’eau potable et de l’eau non-potable représente un risque pour la santé. Il s’agit bien d’un débat, car il est logique, pour pouvoir réaliser des économies, de disposer à la fois d’eau potable et d’eau non-potable en fonction des utilisations que l’on compte en faire.

Dominique RIQUIER SAUVAGE, architecte Les critères techniques et économiques quantifiables sont souvent cités, et pourront être aisément audités. Toutefois, il ne faut pas oublier de tenir compte de critères plus subjectifs, qui concernent en particulier la dimension humaine et sociale : qui pourra les juger et sur combien d’années ? Il faudra réaliser une évaluation synthétique et, selon moi, l’architecte devrait avoir une place importante pour auditer les opérations.

Didier KLINKAMMER, architecte ARCHINOV A ce jour, des démarches qualité sont déjà entreprises et il convient de ne pas les oublier. Au plan social, des ateliers de l’urbanisme fonctionnent et, dans le domaine tertiaire, il existe des approches par groupes de projet, notamment avec des psychosociologues du travail. J’ai l’impression, aujourd’hui, que la démarche HQE, dernière arrivée, rafle la mise : il faut reconnaître ce qui a déjà été réalisé et parfaire les outils et les démarches qui ne sont pas encore aboutis. Nous devrons ensuite nous concentrer sur l’environnemental. Par ailleurs, il se pose un problème de formation des architectes et des outils doivent être rapidement mis en place pour y faire face : qui s’en chargera ? Enfin, il ne faudrait pas que la démarche HQE s’engage sur des expérimentations hasardeuses : il faut une base de donnée accessible au plus grand nombre, permettant de faire remonter l’expérience des projets menés. Qui la mettra en place et avec quels moyens ?

Raphaël BESOZZI, UNHLM La HQE ne s’arrête pas au pied du bâtiment : elle fait partie du développement durable et doit sans doute être étendue au quartier, au paysage, à la tranquillité… La création de nouvelles réglementations ne me paraît pas judicieuse : je pense que la certification devrait rester une démarche volontaire, or j’ai entendu parler d’une norme AFNOR HQE. S’il faut effectivement raisonner en coût global, le calcul loyer+charges doit aussi être opéré. En tant que maîtres d’ouvrages, nous réalisons des investissements vertueux, visant à préserver l’environnement : le bénéfice en revient à l’usager par le biais d’une maîtrise des charges, d’économies d’énergies et, au delà, s’étend à la collectivité par la réduction de l’effet de serre notamment. Il faudrait éventuellement réétudier avec les financiers les méthodes de financement, afin de revoir l’équilibre loyer+charges, sans oublier les demandes de l’usager, qui doivent rester au cœur de nos préoccupations. Lors de concertations avec les associations d’habitants, nous proposons par exemple une isolation performante du bâtiment, alors qu’eux nous demandent plutôt de changer la moquette ou le carrelage : leur souci principal n’est peut-être pas le même que le nôtre. Le SME qui est proposé, dans un organisme HLM où ailleurs, coûte 200 000 francs. Un audit par un certificateur extérieur reviendra à 50 000 francs par opération. Les coûts d’investissements quant à eux représentent 5 à 10 % du coût total, et atteindront sans doute plutôt 5 % si la HQE se généralise : quels investisseurs pourront payer ces 5 % en plus ?

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Jean BOUILLOT, architecte Dans de nombreux domaines réglementaires, il serait nécessaire de clarifier la situation. En outre, en termes d’objectifs, pourquoi ne viserions-nous pas le formulaire de permis de construire comme élément de déclaration, pour les maisons individuelles aussi bien que pour l’habitat collectif ou social ? Ainsi, nous disposerions d’une synthèse complète des particularités de bâtiments proposés.

Alain MAUGARD Il est souvent souligné que la HQE coûtera trop cher : toutefois, je ne vois pas en quoi il serait plus onéreux de pouvoir s’appuyer sur des gestionnaires compétents. Dans tous les métiers, il existe des exigences de progrès de qualité et il n’est pas logique de raisonner en termes de surcoût lorsque l’on cherche à acquérir des compétences. Il ne faut pas systématiquement invoquer un surcoût du simple fait que la réglementation soit plus ambitieuse. Avec la nouvelle réglementation thermique par exemple, plus l’on fabriquera du verre peu émissif, plus son prix diminuera. Il faut éviter de dénoncer systématiquement les surcoûts lorsqu’il existe une réelle volonté de progrès. Enfin, la réglementation est souvent mise en cause : or les industriels souhaitent même que les progrès à réaliser soient annoncés par avance, afin qu’ils puissent se mettre en situation de relever le défi.

Alain BORNAREL Effectivement, la qualité a un coût que supporte le maître d’ouvrage, mais que récupère largement la collectivité. Se pose alors la question de savoir comment cette dernière peut le « restituer » au maître d’ouvrage. Si la qualité se paie, il faut néanmoins savoir où investir ces surcoûts : je préfère qu’ils bénéficient à la conception plutôt qu’à la vérification. Sur les opérations HQE qui ont été menées ces dernières années, en Nord-Pas-de-Calais ou Rhône-Alpes par exemple, ont été mis en place des référentiels sur la qualité du bâtiment. La maîtrise d’œuvre a donc travaillé sur des programmes exigenciels et, dans tous les cas, les bâtiments construits ont été plus performants sur les cibles de l’environnement que les bâtiments existants. Par ailleurs, ces expériences ont montré que le fait d’imposer une amélioration de la qualité des bâtiments entraînait aussi un perfectionnement du management et de la gestion de projet : les maîtres d’ouvrage ont dû élaborer des programmes, s’interroger sur leurs priorités… Les équipes de maîtrise d’œuvre ont quant à elle été obligées de travailler ensemble dès l’amont du projet. Il semble par conséquent que cette démarche, qui consiste à considérer en priorité la qualité du bâtiment, soit la meilleure manière de stimuler la nécessaire réorganisation de nos professions et de notre façon de concevoir.

Georgina BONY, Directrice d’Hôpital La HQE m’intéresse car je suis maître d’ouvrage, mais aussi idéologue, ce qui est difficile pour un fonctionnaire. L’Association défend la HQE au travers du bâtiment : ce secteur a sans doute valeur exemplaire, mais la haute qualité environnementale relève selon moi d’une dimension beaucoup plus politique et plus globale. Nous nous demandons comment évaluer cette qualité, mais je pense que nous sommes incapables aujourd’hui de prendre la mesure des événements du passé, comme la violence ou les effets de l’amiante par exemple. Par conséquent, nous devons entrer dans la démarche HQE, soutenue par des politiques, et nous n’aurons pas besoin de nous livrer à de telles mesures : nous ressentirons l’évolution qu’elle apportera, notamment parce que nous connaîtrons moins de stress, de maladies ou d’allergies.

Olivier ROSENWALT, AREP Je suis missionné par l’AREP pour réfléchir à une définition de la qualité environnementale dans les gares. Je suis très intéressé par la démarche HQE, qui permet à la maîtrise d’ouvrage de se positionner sur des objectifs que je rêve d’atteindre en tant qu’architecte. Ils tendent à accroître la qualité de la demande et la démarche représente une occasion d’innover et revenant à l’essence de l’architecture. Un problème essentiel a été posé : l’articulation entre la qualité environnementale et la qualité architecturale. Il me paraît essentiel que l’on ne puisse pas tout décrire ou tout chiffrer et, pour cela, la HQE doit rester dans son champ technique et ne représenter qu’un éclairage du projet d’architecture.

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François PELLEGRIN Comment apprécier la qualité sensitive, spatiale, le bien-être ou le confort ? Cela ne se mesure pas et nous resterons très vigilants à ce sujet. Par ailleurs, nous sommes ici réunis entre personnes passionnées : nous devons toutefois éviter d’achopper sur l’écueil dont a été victime le permis de construire avec volet paysager, qui n’est pas appliqué de manière intelligente sur le terrain. Le HQE participe du bon sens : il est grave de constater qu’en France, l’on tente de se rassurer en mettant en place des contrôleurs, ce qui s’accompagne d’une déqualification et d’une déresponsabilisation des acteurs. Il faut sortir de cette logique. Enfin, nos maîtres d’ouvrage atteignent les limites des efforts qu’ils peuvent consentir : il s’agit désormais d’une affaire citoyenne. Je suis persuadé que les présidentiables pour 2002 feront campagne sur une « société française durable », mais s’ils n’y consacrent pas les moyens nécessaires, nous ne progresserons pas. Il faut trouver les mécanismes intelligents que tout le monde appelle de ses vœux depuis plusieurs décennies.

Pierre POSSEME Il apparaît une volonté claire de l’ensemble des acteurs de voir progresser la HQE : nous devons nous y engager, afin que les individus vivent dans un habitat plus sain. La santé y gagnera et nous serons fiers de réaliser de belles constructions. Le contrôle ne doit pas être une fin en soi : il faut plutôt former et qualifier les acteurs, et mesurer ces formations. Dans la mesure où le coût de ces évolutions présente un caractère global, il ne sera supporté par personne. Ainsi, tous ensemble, nous pouvons faire de la HQE un beau défi pour l’avenir.

José COHEN-AKNINE Il devient urgent de rechercher un effet de masse, mais aussi une efficacité énergétique. Cela ne semble pas aisé et la certification me semble nécessaire, notamment parce que le grand public peut se montrer relativement crédule sur ces questions : il existe une montée de la sensibilité écologique et nous ne pouvons y répondre de manière anarchique.

Alain MAUGARD La qualité ne peut naître que si chaque acteur se met en situation de parfaite compétence et si ces compétences sont harmonisées entre acteurs. Cela passe en premier lieu par une « requalification » du rôle de chacun, en particulier de la manière de travailler de la maîtrise d’œuvre et des ambitions de la maîtrise d’ouvrage. Il n’est pas pertinent d’inventer un acteur nouveau, car il faut plutôt s’interroger sur la manière de former les acteurs existants et de les faire évoluer dans leur métier. Si des démarches qualités sont respectées par tous, au final, la qualité du bâtiment sera acquise. François Pellegrin a expliqué qu’il existait 50 milliards de francs de « gâchis » : je considère qu’il n’existe pas de réel surcoût. Si l’on se place dans une optique de qualité, il existe un véritable créneau économique. La démarche HQE est située économiquement. Enfin, je pense qu’il serait une erreur totale d’analyse de limiter la démarche aux critères mesurables en occultant ceux qui ne le sont pas. En outre, lorsque cela s’avère possible, il est indispensable d’oser effectuer des mesures.

Bettina LAVILLE La certification constitue avant tout un instrument d’incitation. Toutes les normes environnementales sont incitatives. Leur production, notamment au niveau européen, est relativement lente, ce qui permet aux acteurs de disposer de temps pour s’y préparer. En France néanmoins, nous ne les anticipons jamais assez. L’intérêt de la réflexion menée sur la HQE réside dans le fait que nous nous préparons bien en amont au travail qui sera réalisé à Bruxelles. Il faut éviter de reproduire les erreurs commises il y a 10 ans pour l’écobilan environnemental : s’ils sont devenus habituels pour l’industrie, toutes sortes de cabinets de « spécialistes » ont émergé et de véritables catastrophes se sont produites. Aussi, la puissance publique doit se monter vigilante, et il conviendra d’agréer les certificateurs. Par ailleurs, il a été beaucoup trop systématique de considérer que le fait d’avoir dressé un écobilan garantissait que l’entreprise concernée respectait l’environnement… La question du volet paysager a été soulevée et relève du Ministère de l’équipement. J’ai été au cœur de l’arbitrage dans ce domaine et je regrette que, sur le terrain, le volet paysager n’ait pas été correctement utilisé. Cela tient notamment au comportement des DDE et ce problème se pose aussi, par exemple, pour certains tronçons de route dont le tracé global ne s’avère pas pertinent au plan environnemental ou pratique. Si une culture de l’équipement progresse, notamment

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avec les schémas de services collectifs, cela ne se ressent pas au niveau des DDE et du TPE : des avancées énormes restent à réaliser à ce niveau. Par ailleurs, je précise, au sujet de la question des HLM, que la Caisse des dépôts mène une réflexion approfondie sur les démarches de développement durable. L’ADEME quant à elle accorde plusieurs types d’aides qui, elles aussi, permettent de réaliser des progrès. En tant qu’élue locale, j’estime qu’il est faux de prétendre que les individus préfèrent une rénovation des moquettes à un chantier sur l’acoustique par exemple. La forte gêne causée par le bruit génère en effet des problèmes sociaux et de santé fort importants. Il existe une demande de meilleure qualité de vie dans les parties communes de l’habitat collectif. Un champ considérable reste à investir pour lequel des aides – encore insuffisantes – se mettent en place. Enfin, je pense que tous les grands chantiers de la puissance publique devraient être exemplaires pour la HQE. J’habite à proximité du musée des Arts Primitifs à Paris et je vous certifie qu’il n’est pas HQE !

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Déjeuner/débat : l’habitat individuel et la démarche HQE Le débat a été animé par Michel CARDOZE. Sont intervenus : Frédéric NICOLAS, architecte ; Jean-Pierre LABROILLE, Centrex ; Anne-Marie SACQUET, Comité 21.

Michel CARDOZE Il semble que lorsque la démarche HQE dépassera le cadre des bâtiments publics et des constructions collectives pour s’appliquer à l’habitat individuel, le mouvement que vous portez depuis plusieurs années aura rempli ses objectifs. Nous nous interrogerons sur les premiers moyens à utiliser pour gagner cette bataille.

Frédéric NICOLAS Le début de la communication de Frédéric Nicolas est inaudible. La maison individuelle constitue un très bon moyen d’expérimentation pour l’architecte. L’approche environnementale remet l’usage au centre du projet : cela semble important, après une période où l’image a été prédominante. La maison individuelle soulève des questions primordiales comme l’orientation, la topographie, le climat. Elle permet de développer une approche contextuelle qui permet de remettre au goût du jour le régionalisme : la maison individuelle pose la question du rapport entre l’architecture locale et la modernité. L’approche environnementale me semble le meilleur moyen réconcilier régionalisme et modernité : elle soulève des problématiques d’actualité et permet de faire entendre de nouveaux concepts architecturaux auprès des maîtres d’ouvrage et des élus. Elle permet aussi de développer un vocabulaire architectural auquel les individus ne sont pas habitués et qu’ils n’accepteraient peut-être pas sans sa dimension environnementale. Par exemple, les toitures en terrasse, sous le biais de toitures dites « végétalisées », peuvent être plus facilement acceptées dans les campagnes. L’une des autres nouveautés consiste à penser l’impact du projet sur toute sa durée de vie : construction, coût de fonctionnement et destruction-disparition. Je développe le concept de fonctionnalisme écologique, notamment travaillé par Yann Norton. Je le décline en trois concepts de base :

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le bioclimatisme, qui est souvent à l’origine de la HQE car il recouvre une grande partie des cibles ;

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la notion de plan libre, qui permet de rejoindre l’aspect flexibilité et évolutivité des bâtiments HQE ;

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la filière sèche, sans exclusivité sur les matériaux utilisés, la recyclabilité apparaissant comme caractéristique importante.

Cette démarche permet de proposer, à coût égal, des alternatives aux modèles vendus par les constructeurs. Il existe un embryon de demande au niveau du grand public et des maîtres d’ouvrage concernés. Il existe des problématiques particulières aux groupements de maisons individuelles. De la même manière que l’approche environnementale soulève des questions nouvelles au niveau du bâtiment, elle suscite des interrogations sous un nouvel angle au niveau de la ville, de l’urbanisme, des réseaux, de la centralité… Des solutions nouvelles pourraient par conséquent émerger. En outre, cet angle d’attaque pourrait aussi permettre de redécouvrir des solutions régionales et, potentiellement, de générer de nouvelles pratiques sociales.

Jean-Pierre LABROILLE Le Centrex est basé dans l’agglomération bordelaise : il est chargé de diffuser l’information sur les produits et process. Il s’adresse à l’ensemble de la filière, dont le produit final est le bâtiment. Chaque intervenant a besoin de l’intervention

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coordonnée et optimisée de l’ensemble des autres intervenants et le bâtiment final constitue par conséquent un résultat de filière.

La communication est inaudible. L’habitat individuel est une forme urbaine qui présente l’avantage d’être un lieu saint, sur lequel tant les habitants, les maîtres d’ouvrage, les constructeurs et les gestionnaires peuvent se responsabiliser au quotidien : l’habitant d’une maison peut assumer sa responsabilité d’usager plus que dans d’autres formes d’habitat. Lorsque nous avons émis le projet, notamment avec la région Aquitaine, de mettre sur pied, dans une optique de sensibilisation, de faire un concours sur l’habitat individuel et la HQE, il a fallu pour poser comme objet urbain du concours la maison de ville : en tant que forme urbaine, c’est peut-être un compromis utile. Anne-Marie SACQUET Le Comité 21 est le Comité français pour le développement durable. Il a été créé en 1995 pour contribuer à l’application de l’Agenda 21 de Rio auprès des acteurs socio-économiques français. Je suis satisfaite d’être parmi vous, d’autant plus que je milite depuis très longtemps pour le développement durable, concept fort complexe et très intégré dont les enjeux sont multiples : protection de l’environnement, lutte contre le changement climatique, progrès social… La HQE répond à ces objectifs de manière transversale et intégrée, et constitue un exemple concret de mise en application du développement durable et de l’Agenda 21 de Rio : aujourd’hui la persévérance finit par vaincre les résistances. Trois personnes en particulier ont fortement contribué à construire les fondements de la HQE est ont fait en sorte qu’elle puisse se développer. L’opiniâtreté de Gilles Olive n’est pas la moindre de ses qualités. Il a continue à concevoir la doctrine et l’expertise de la HQE depuis plusieurs années et contribue à en garantir la qualité. Je salue également Olivier Piron qui, alors que l’administration et les secteurs économiques y étaient réfractaires, a appuyé au sein du PUCA les initiatives pionnières qui étaient menées, y compris en matière de logement social. Enfin, je salue particulièrement Bettina Laville, qui a inventé la notion « d’EcoLogis » : elle a incité, à l’époque les milieux de la HQE à adopter l’angle de vision du citoyen-consommateur-habitant, ce qui était réellement nécessaire au développement de la démarche. C'est en partenariat avec ces trois acteurs que le Comité 21 a organisé une exposition « Habiter le XXIe siècle » en 1996 à la Grande Halle de la Villette, qui faisait suite à un concours international d'architecture : ce type d’initiative pourrait être remis au goût du jour, alors que le milieu de l’architecture est beaucoup plus sensibilisé à la HQE aujourd’hui qu’à cette époque. Comment la HQE est présente aujourd'hui au Comité 21 ? Depuis 1998, de nombreuses collectivités (50 environ à ce jour), ainsi que des CAUE, accueillent l'exposition "Eco Logis" sur la construction, l'habitat, la santé et l'environnement dont Marie Bernard est en charge au Comité 21. Depuis 1999, en partenariat avec l'association HQE, nous avons intégré la démarche HQE et sa promotion auprès des industriels et des collectivités. Elle constitue bien un indicateur de développement durable et doit être intégrée dans toutes les stratégies qui s’y rapportent, à la fois celles des entreprises et celles des collectivités, dans le cadre des Agendas 21 locaux ou départementaux, ainsi qu’au sein des politiques incitatives des régions. Nous sommes soucieux, à travers le programme Cité 21, de valoriser les initiatives régionales telles que celle d’Alsace Qualité Environnement par exemple. Nous invitons Monsieur Labroille à rejoindre notre réseau de valorisation des initiatives régionales. Au sein du programme Entreprises 21, nous constituons actuellement un annuaire des prestataires et experts de la HQE pour faciliter la tâche des maîtres d’ouvrage ou des particuliers qui souhaitent mettre en œuvre un programme HQE. Il convient de rapprocher l’offre et la demande et l’ensemble des milieux professionnels doivent y travailler. Aujourd’hui, très peu d’entreprises françaises ont mis en œuvre des démarches HQE pour leurs sites industriels ou leurs sièges sociaux : les pouvoirs publics, mais aussi les branches professionnelles de l’industrie et des services, doivent fournir un énorme travail de formation des patrons et des directeurs de l’environnement et du développement durable des entreprises, afin que la HQE soit au moins prise en compte par les acteurs économiques. Enfin, Marie-Noëlle Lienemann interviendra au Comité 21 le 17 janvier prochain pour présenter toutes les mesures incitatives qui seront mises en œuvre pour la construction durable en France. Je souhaite vous proposer quelques interrogations au sujet de l'habitat individuel. En premier lieu, pouvons-nous légitimement demander au citoyen d’adopter une démarche HQE si les grands acteurs économiques et publics ne montrent pas l'exemple ? La réforme du Code des Marchés Publics, le verdissement des administrations et la Loi SRU

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vont dans ce sens, mais il faut encourager très fortement les maîtres d’ouvrage publics et privés à mettre en œuvre la HQE. Par ailleurs, de nombreuses mesures vont être mises en place pour l'incitation à la construction de bâtiments HQE : il faudra veiller à ce qu’elles soient bien identifiées par le public, notamment par le biais de campagnes d’information. Rappelons qu’en France, 60 % des aides seulement sont utilisées : cela témoigne d’un manque d’information. Avons-nous développé une culture du développement durable chez les citoyens-consommateurs-habitants ? La prise en compte des générations futures commence par l’intégration d’une éducation au développement durable dans les programmes scolaires : aujourd’hui, nous constatons un manque total d’intégration entre l’Education nationale et les ministères en charge de l’environnement et du développement durable. Enfin, si nous souhaitons que la HQE progresse, notamment dans l’habitat individuel, il faut mettre sur pied des plates-formes de concertation et des contrats d’objectifs entre tous les acteurs de la chaîne – administration, constructeurs, industriels, artisans et consommateurs – en tenant compte de leurs contraintes respectives.

Gilles OLIVE Nous mettons en place, pour un lycée d’Ile-de-France, une commission mixte réunissant les parents d’élèves et les enseignants sur un programme pédagogique lié à l’environnement et à la maîtrise de l’énergie. Si nous avions fait preuve d’un peu plus d’enthousiasme, nous aurions peut-être gagné un peu de temps : seule l’ARENE d’Ile-de-France nous a répondu et nous a permis d’organiser une exposition. Je suis ouvert à toute suggestion à ce sujet.

De la salle La maison individuelle constitue un débat fort intéressant, parce que ce domaine associe la population, très demandeuse de respect de l’environnement et de la nature. Ne faut-il pas prévoir une démarche que celle menée jusqu’à présent pour les petites opérations ?

Claude AUBERT, Terre Vivante Ce débat fort intéressant aurait pu être tenu autrement que pendant un déjeuner. Je rends hommage à une catégorie d’acteurs peu représentée à ces Assises : les architectes, maîtres d’œuvre et artisans qui depuis 20 ans bâtissent des maisons individuelles écologiques, et ont commencé à le faire avant l’émergence de la HQE. Ils ont joué et jouent un rôle de pionnier. Je dirige un centre écologique dans l’Isère, où nous sensibilisons le public afin qu’il adopte un comportement plus écologique dans sa vie quotidienne : la demande est très forte sur l’habitat, mais nous connaissons des difficultés à trouver des architectes ou à obtenir des aides pour les particuliers qui souhaitent construire écologique.

Gilles OLIVE Pourquoi ne nous sommes nous pas plus adressés aux particuliers qui sont depuis longtemps intéressés par la démarche HQE ? La raison en est extrêmement simple : lorsque l’on commence à mettre au point une méthode de travail, il est plus facile d’en discuter avec des acteurs qui disposent de services techniques intégrés pour cela. Lorsqu’il se pose par exemple un problème relatif au choix des produits de construction, ces interlocuteurs comprennent immédiatement qu’ils peuvent intégrer cette question et prendre en compte les suggestions qui leur sont faites. En revanche, la situation est différente pour un particulier. J’ai reçu depuis longtemps des demandes fort intéressantes, par exemple de personnes qui souhaitaient employer du teck dans leur habitation : nous pouvons certes leur apporter une réponse, mais il est impossible de leur expliquer en trois minutes tous les détails relatifs à l’étiquetage et au choix des produits par exemple. Ainsi, le mouvement devra certes répondre aux attentes des particuliers, mais il n’est pas possible de progresser dans tous les domaines en même temps. J’ai connu un problème similaire au sujet de la qualité énergétique des bâtiments, pour laquelle des acteurs de grande compétence se sont investis avec volonté dès 1973. Lorsque j’ai commencé en 1979 à m’y consacrer, certains m’ont fait remarquer que j’avais six ans de retard et qu’ils travaillaient depuis longtemps dans ce domaine : or ce type de remarque est parfaitement stérile, car l’essentiel, c’est de s’y engager ou non. Je n’ai que faire de la distribution de « médailles d’anciens combattants ». Nous devons tous faire de la HQE et retirer toute la qualité des expériences qui sont menées.

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Dominique BIDOU Pour appliquer la HQE à l’habitat individuel, il faut recourir à des personnes compétentes. Or les architectes restent insuffisamment présents sur ce marché.

De la salle Je représente l’Association Maison de Qualité, née en Bretagne il y a une dizaine d’années, qui assure la promotion de la démarche qualité dans le secteur de la maison individuelle. En France, 60 % de constructions sont bâties par des constructeurs de maisons individuelles. Pour favoriser un travail global de qualité, nous avons tenté avec le concours de l’ADEME de construire un référentiel très précis sur la base des 14 cibles de la HQE. A ce jour, nous avons identifié sur plusieurs régions de France une dizaine de constructeurs – 5 spécialisés en bois et 5 en maçonnerie – qui sont prêts à réaliser des expérimentations. Nous mettons à disposition un Numéro Vert pour le grand public, qui est souvent intéressé par les questions relatives au confort et à la protection de la santé. Les particuliers affichent des attentes fortes et cela représente un potentiel économique pour les constructeurs.

Anne-Marie SACQUET 60 % du secteur de la maison individuelle en France est représentée au sein du MCMI et nous pouvons nous féliciter de l’évolution de cette Fédération, qui a signé récemment un accords avec l’UNSFA pour développer des expérimentations dans le domaine de la HQE. Ce marché important ne saurait être négligé dans la nécessaire concertation avec les autres acteurs. Un sondage a été réalisé début 2001 par le magasine Immoneuf sur l’habitat idéal : il montre le souhait de « villages dans la ville », c’est-à-dire d’habitat situé en zone urbaine, mais en espace vert, au calme et non-pollué. Il est important, à l’heure de la requalification de nos villes et de la mise en application de la loi SRU, de se rappeler que l’habitat individuel n’est pas seulement synonyme de campagne ou de zone périurbaine et que les centre villes pourraient eux aussi être aménagés avec des maisons.

Gilles OLIVE Le propos d’Anne-Marie Sacquet me paraît décisif pour la maison individuelle. Pendant longtemps, le lotissement a été pensé comme appendice urbain : cette logique a très mal vécu. Nous devons au contraire faire en sorte que les qualités du rural puissent s’intégrer dans l’urbain : c’est toute la problématique de la maison individuelle.

François PELLEGRIN Le projet de réforme de la loi sur l’architecture prévoyant une diminution du seuil a suscité une forte levée de bouclier. Il s’agissait peut-être d’une marque de corporatis me, mais en tant qu’architectes, nous souhaitons une parfaite cohésion entre ce projet et le développement durable. Si l’architecte est, avec ses partenaires, un vecteur naturel du développement durable, il faut agir sur la maison individuelle, alors que ce secteur a été quelque peu délaissé par la profession : les architectes n’y interviennent que pour 5 à 7 % hormis ceux qui réalisent des constructions clé en main. Nous avons été contrariés par leurs propos quelque peu « guerriers » des MCMI : nous avons décidé d’ouvrir une réflexion commune avec le Président Louis Victor, car il est plus intelligent de mener en commun le combat du développement durable. Néanmoins, pour progresser dans le domaine de la maison individuelle, il faudra aussi impliquer les banquiers : nous ouvrirons aussi un chantier avec ces derniers.

De la salle Sur la question de la localisation des maisons individuelles et de leur place dans la ville, je rappelle qu’une étude fort intéressante a été réalisée sur la morphologie urbaine et son développement : la tendance actuelle est plutôt de remettre l’accent sur les périphéries. En termes d’efficacité énergétique, elle montre que la surconsommation liée à la mobilité accrue des individus habitant dans ces zones est du même ordre de grandeur que les consommations susceptibles d’être économisées par des mesures réglementaires ou incitatives sur l’ensemble du corps du bâtiment.

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De la salle Les marchands de maisons vendent leurs constructions à des ménages de 30 à 35 ans, qui gagnent environ 2,5 SMIC et qui ont un ou deux enfants voire d’avantage : quels aménagements ont été réalisés pour ces derniers dans les lotissements ? L’une des causes de la dégradation du climat social dans ces groupements d’habitations est l’absence d’espaces dévolus aux habitants, en particulier aux enfants.

De la salle Intervention inaudible. Christian CHARIGNON Je souhaite mettre en garde l’Association HQE contre une dérive qui m’apparaît sensible au cours de ces Assises : elle compte embrasser des champs qui sont depuis longtemps étudiés par d’autres acteurs qui font autorité. Sur les questions d’urbanisme par exemple, le Ministère ne cesse de clamer depuis 20 ou 30 ans qu’il faut mettre un terme à la logique pavillonnaire autour des villes parce qu’elle n’est pas durable, notamment parce que les municipalités doivent installer des transports, des égouts… Des réflexions et des actions sont menées par des organismes : est-ce réellement le travail de l’Association HQE de traiter de ces questions qui sont déjà très balisées et pour lesquelles des observations et des capitalisations d’expériences ont déjà permis de dégager de nombreuses solutions ? Par exemple, un atelier de projet urbain est animé par Ariel Amasmoudi au Ministère travaille sur ces problématiques à longueur d’année. L’Association HQE doit rester concentrée sur les cibles environnementales et, à mon sens, elle a déjà outrepassé quelque peu son champ de réflexion en se penchant sur la qualité. En visant trop large, elle risque de s’égarer.

Dominique BIDOU Parler d’environnement sans évoquer la qualité n’a pas de sens : ainsi, nous avons répondu en termes de qualité à la demande de Madame Lienemann, qui portait sur l’environnement. Il n’est pas possible de penser la qualité environnementale sans envisager la qualité d’ensemble. Par exemple, la réflexion sur couche d’ozone ne peut faire abstraction de la qualité de vie des habitants. La maison constitue système, qu’il faut envisager dans son ensemble : seules les démarches qualité peuvent apporter des réponses. Par ailleurs, l’Association ne tenait pas à traiter de questions d’urbanisme, car elle maîtrisait relativement bien le sujet du bâtiment : toutefois, elle a été sollicitée pour cela. Nombreux sont ceux qui ont signalé qu’il était inutile de réaliser des constructions HQE si elles n’étaient pas situées dans un urbanisme HQE. Je rappelle que la HQE est née en 1992, alors que l’on devait intégrer l’environnement dans les documents d’urbanisme depuis la loi sur la protection de la nature publiée en 1976 (décret d’application de 1977). En 1983, le décret de décentralisation sur l’urbanisme rappelait la manière d’appliquer ces règles. Or le résultat de ces démarches est nul et non avenu, car des principes ont été posés, mais nous ne disposions pas des méthodes pour les appliquer. L’Association était à l’origine centrée sur le bâtiment, mais comme notre dispositif avait permis d’apporter des réponses, il nous a été demandé de tenter d’élargir la réflexion à l’urbanisme. Aujourd’hui, il est même question de routes et de zones de stationnement HQE par exemple. La référence à la HQE est de plus en plus fréquente car la réponse qu’elle offre présente de nombreux avantages, liés à son caractère hybride : elle est à la fois un regard sur l’objet et un regard sur la démarche. Par ailleurs, elle permet un ancrage territorial que les autres procédés ou démarches n’offrent pas : de ce fait, la démarche HQE peut éventuellement apporter des réponses. Il nous est demandé de développer cette réflexion, nous la développerons.

Frédéric NICOLAS L’Association HQE n’a pas vocation à refaire le travail qui a déjà été réalisé par les urbanistes à l’échelle de la ville. Par ailleurs, une dimension a été relativement peu développée : le groupement de maisons individuelles. Lorsque l’appel d’offre a été lancé sur le thème de la maison individuelle, la recherche dont je suis le mandataire, « l’approche environnementale, un moyen de concilier la maison et la ville », a été retenue, ce qui n’est nullement un hasard. Nous nous attachons à étudier l’approche environnementale à l’échelle d’un groupement de maisons individuelles. La maison individuelle relève du domaine de la HQE, alors que le niveau de la ville ressort du domaine du développement durable :

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entre les deux, il existe un espace que nous nous efforçons de combler. Actuellement de nouvelles réflexions sur la villa urbaine durable s’attachent à une problématique semblable. Ainsi, tous les acteurs doivent encore réaliser un travail important dans ce domaine.

Jean-Pierre LABROILLE Le problème majeur auquel nous sommes confrontés est celui de progresser avec le plus grand nombre de professionnels et le maximum d’usagers. L’angle d’attaque du concours lancé par la région Aquitaine s’inscrit bien dans cette perspective. La maison nous paraît un objet très communicant : dans le Bordelais ou le Périgord par exemple, elle constitue une forme d’existence identitaire. Le fait de travailler sur la manière de réajuster la modernité, l’identité et les préoccupations environnementales nous semble une exercice extrêmement fécond pour tous les acteurs. En outre, il paraît essentiel de ne pas concevoir qu’une telle opération ne concerne qu’un seul acteur : tous les professionnels doivent être impliqués, que ce soit les concepteurs, les banquiers, les promoteurs, les acquéreurs... Nous devons conjuguer ces forces et la démarche entreprise par l’Aquitaine devra profiter aux autres professionnels : ils pourront en tirer le bénéfice sur le plan méthodologique, notamment du travail réalisé par l’Association Maison de Qualité. Par ailleurs, cette démarche est grande ouverte à tous ceux qui souhaiteront proposer des réponses liées à leur réflexion ou à leur expérience.

Anne-Marie SACQUET Le développement durable n’appartient à personne : il constitue un objectif de la société, souhaité par un nombre croissant de réseaux, qu’il s’agisse de réseaux d’environnement, techniques, administratifs ou sociaux. Le développement durable est avant tout mis en œuvre pour répondre aux aspirations des citoyens. Je ne partage pas l’idée selon laquelle la maison individuelle relève de la HQE, alors que le niveau de la ville ressort du développement durable. En effet, le développement durable est une manière de concevoir le développement, en préservant l’environnement, en assurant une efficience économique, en se donnant les moyens que les projets et réglementations mis en œuvre fonctionnent avec l’ensemble des acteurs de la chaîne économique. Il est essentiel que le projet de développement soit mis au point avec les individus auxquels il est destiné : or la maison est destinée à un habitant et, de ce fait, il est temps de faire participer aux débats les associations de consommateurs. Cela permettra à la HQE de se développer en France.

Frédéric NICOLAS Je me suis peut-être mal exprimé : j’ai voulu indiquer que la HQE s’intéressait à l’échelle de la parcelle, ce qui ne signifie pas qu’elle fait abstraction du développement durable. En revanche, à l’échelle de la ville, le développement durable est envisagé plus directement. Comment faire pour que les citoyens s’intéressent à la HQE ? Il apparaît une demande émergente, qui devrait logiquement se développer. En effet, si nous proposons aux individus des maisons plus confortables, mieux éclairées, de meilleure qualité, bien insérées dans le site et dont le fonctionnement est peu onéreux, il seront preneurs. Deux types de clients s’adressent à moi. Certains portent des exigences spécifiquement environnementales, mais nous n’avons pas nécessairement la même approche du développement durable ou de la « maison écologique ». D’autres ont vu certaines de mes réalisations sans réellement connaître la démarche qui a présidé à leur construction : ils ont simplement apprécié la maison et souhaitent en commander une du même type. Je leur explique au cours de l’élaboration du projet la démarche environnementale que je développe, en leur précisant qu’ils réaliseront des économies d’énergie, en leur exposant l’approche suivie pour les matériaux… Ces démarches sont appelées à se développer, et la qualité de la maison apparaît primordiale pour cela.

Gilles OLIVE La cible de l’habitat individuel me paraît décisive au niveau sociétal. La démarche HQE et le développement durable sont à la croisée de l’intérêt collectif et de l’intérêt individuel, même lorsque nous avons affaire à des maîtres d’ouvrage publics : dans ce cas, l’intérêt individuel est indirect, à travers l’électorat. Je suggère de mener une réflexion sur l’habitat individuel, calquée sur ce qui relève de l’habitat existant : en effet, l’usager y est déjà présent. Nous rencontrons une difficulté au sujet de ce type d’habitat car nous ne sommes pas capables d’émettre une proposition qui soit acceptable par les acteurs concernés : soit ces propositions sont trop onéreuses, soit elles sont techniquement insatisfaisantes. De fait, nous réalisons souvent des diagnostics qui n’aboutissent pas sur des réalisations concrètes. Aussi, pour l’habitat

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individuel, la solution semble consister à faire des propositions d’ensemble, de « package », qui soient convaincantes au niveau technique et au niveau financier.

Anne-Marie SACQUET L’aspiration à l’habitat individuel est motivée par la recherche du plaisir. Les individus sont demandeurs d’un habitat plus agréable, d’espaces verts, de clarté…Nous devons nous garder d’occulter cette notion essentielle, que pourrait nous faire oublier notre position de spécialistes de l’environnement et du bâtiment, qui sont des sujets à risques. Aussi, si notre travail doit prendre en compte les contraintes technologiques, financières et sociales, il ne doit pas faire abstraction du fait que le principal attrait pour l’habitat individuel est le plaisir.

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Objectif : 10 % des constructions HQE Dominique BIDOU Nous remercions Madame Lienemann de sa présence, qui constitue pour nous un encouragement extraordinaire. Olivier Piron, l’un des membres fondateurs de l’Association, dressera le bilan de ces trois demi-journées de travail, dont les débats ont été très riches. Ces Assises portent un enjeu important : le décollage de la HQE. Madame Lienemann nous a demandé de travailler en ce sens et nous lui apporterons une réponse. En outre, de nombreux partenaires publics et privés se mobilisent pour la HQE : nous avons demandé à Andrée Buchmann de nous rappeler l’engagement des conseils régionaux et à André Vézinhet de témoigner de la démarche au nom d’un département.

Synthèse de la matinée Olivier PIRON Secrétaire permanent du PUCA « Tiens, on est découverts ! » : telle fut, d’après Georges Perec, l’exclamation des Indiens apercevant Christophe Colomb. Telle fut la réaction de certaines personnes, notamment d’architectes, devant la démarche HQE. Cela peut se comprendre car les tenants de la HQE, avec des mots et des concepts ésotériques, semblaient parfois « débarquer » au mépris de ce qui existait dans des domaines déjà balisés depuis un certain nombre d’années. Cette crainte est fondée : calquer ou vouloir superposer à un système préexistant une méthode HQE ne serait qu’une complication superflue, un luxe. La démarche HQE n’a de sens qu’intégrée profondément aux pratiques et aux réalités professionnelles. Elle n’aura sa portée que si elle sait se rapporter à ses ambitions initiales relevant du développement durable.

I.

Les points de consensus

1. La globalité des objectifs La globalité se constate d’abord sur la démarche elle-même : elle est globale ou elle n’est pas. Vouloir optimiser les objectifs de certaines cibles en oubliant les autres n’aurait aucun sens. Certaines cibles sont qualitatives, d’autres sont quantitatives : leur examen doit en tenir compte, ainsi que leur traduction et leur vérification. Cela doit obliger à inventer, car les méthodes qualitatives de vérification sont peu courantes. Cette contrainte globale est un acquis : elle nous rappelle qu’une optimisation globale ne sera jamais la somme de sous-optimisations. Dans ce système, rechercher le maximum pour un élément contribue à réduire la performance sur d’autres éléments. Par exemple, la recherche d’une économie de chauffage à tout prix sans considération de confort visuel entraîne l’effondrement des tailles des fenêtres. Une nouvelle couche de réglementation pourrait d’ailleurs intervenir à ce sujet. En observant l’écriture du référentiel HQE et les travaux qui ont été réalisés, il apparaît qu’à travers les 14 cibles, une dizaine de réglementations différentes sont balayées, de même que de nombreux systèmes de normalisation. Chacun est écrit de manière précise et rigide : la validité de ces différentes écritures a toujours comme borne la validité de ce qui est rédigé sur d’autres points dans d’autres écritures.

2. La cohérence entre thèmes de décision La cohérence entre les différents thèmes de décision est essentielle. Il apparaît que la méthode, bien utilisée, permet de progresser. Par exemple, plutôt que d’envisager isolément l’optimisation des produits, elle est considérée dans un système. Plus loin, l’optimisation des systèmes est conditionnée par les produits.

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Par exemple, il apparaît qu’il faut remonter de la meilleure gestion possible des déchets de chantiers, à une politique d’organisation des chantiers qui minimise la production de déchets. Les préoccupations thermiques, ajoutées aux préoccupations de ventilation, doivent conduire à s’interroger sur la décomposition des enveloppes entre toutes les fonctions, résistance thermique, acoustique et physique... Un nombre croissant de recherches architecturales tentent d’opérer cette décomposition. L’innovation architecturale nous conduira peut-être vers d’autres systèmes. Enfin, il se profile un autre défi important. Lorsque l’on additionne les cibles visant le confort et celles relatives à la santé, il apparaît que nous sommes obligés de travailler à la fois sur le ressenti de l’usager et sur des mesures physicochimiques. Ces changements apparaissent extrêmement forts et je partage l’hypothèse selon laquelle nous sommes au seuil d’une nouvelle époque. Au lieu d’approches sectorielles indépendantes, mal coordonnées – parce que sans finalisation ou à finalisation trop étroite – nous aboutissons à l’heure actuelle à une écriture globale finalisée, qui entraîne des retombées coordonnées sur les différentes cibles. Il se produit par conséquent une rupture, que l’on observe également sur d’autres plans politiques et sociétaux, notamment théorisée par Anthony Gidens. Pour ma part, je n’hésite pas à affirmer que nous vivons un changement de modernité.

3. La globalité d’application de la méthode Autre point tout aussi essentiel : cette méthode globale quant à ses objectifs doit également être globale dans son application. Elle doit concerner tout le monde sans exception. Il ne peut exister d’élite ni de piétaille, de cavalerie légère dégageant l’horizon et d’infanterie observant pesamment la situation. Dans un système, toute défaillance de l’un constitue une défaillance de tous : Pierre Posseme notamment nous l’a clairement illustré. Il faut travailler sur tous les acteurs, avec tous les acteurs et pour tous les acteurs. Cela pose deux problèmes fondamentaux, en premier lieu celui de la formation. Certains ont signalé une régression dans la formation initiale des architectes, par rapport à ce qui se faisait au lendemain de la première crise énergétique. Dans le cas des entreprises de petite taille, il apparaît que les maîtres d’ouvrage ne peuvent systématiquement se rendre à des séances de formation : cela montre la nécessité d’une formation par l’exemple, notamment au travers des organisations qualifiantes de chantier. L’exemple de la réussite considérable dans la sécurité du bâtiment montre qu’il est possible de renverser les courants culturels et de faire évoluer fortement les mentalités. Il doit être possible de toucher tous les acteurs par une formation adaptée, qui ne doit jamais être réalisée de manière sectorisée. Il s’agit en effet d’apprendre à travailler ensemble. Les formations doivent être brassées entre elles, mais néanmoins adaptées à des cas particuliers. En second lieu, la création de centres de ressource apparaît essentielle car nous sommes aux prises avec un mouvement multiforme que ni les associations, ni les pouvoirs publics, ne peuvent s’approprier. C’est la floraison d’initiatives locales, aussi bien les réalisations que les centres de réflexion, qui a entraîné le mouvement actuel dont nous pouvons constater le succès. C’est donc sur une base décentralisée qu’il faudra organiser ces centres de ressources avec, selon les cas, des responsables issus d’horizons plutôt politiques, plutôt administratifs ou plutôt associatifs. Ces centres de ressource devront également permettre de traiter la demande croissante des particuliers : ils devront se montrer actifs et ne pas se contenter de distribuer passivement de l’information. Ils devront faire remonter les incompréhensions et poseront ainsi les défis que nous aurons à relever. Evidemment, un ensemble de centres de ressources devra trouver son lieu de mise en commun : toutefois, ces centres doivent en premier lieu être décentralisés et multiformes.

II.

Les points de débat

Le volet économique est le théâtre d’un paradoxe. Chacun reconnaît les gaspillages énormes liés au coût de la nonqualité, qui se chiffrent en dizaines de milliards de francs. Or à chaque fois qu’il est question de dépenses complémentaires permettant d’améliorer la qualité, cela provoque un tollé. La certification a un coût : pour autant, doit-il conduire à prôner la qualité sans risque ou la qualité sans contrôle ? Le débat, autant théorique que pratique, doit être poursuivi. La certification et le rôle de certificateurs soulèvent aussi des interrogations. Une certification supplémentaire plaquée sur les nombreux autres dispositifs serait inutile : il faut par conséquent réfléchir à l’intégration des différents certificateurs et des différentes méthodes de certification. Pour autant, peut-on se contenter d’une certification en amont de la définition de la HQE, alors que le but même de cette démarche est de vérifier la qualité de fonctionnement ? La question de la réglementation publique a également été très débattue. Ce débat classique n’en est pas moins crucial. Cette réglementation joue un rôle moteur pour les défis collectifs qu’elle lance et parce qu’elle force les acteurs à y répondre. En revanche, à chaque fois qu’il se produit la moindre erreur de ciblage ou de formalisation (notamment pour la certification), la réglementation publique devient un poids. En outre, des réglementations particulières ont été critiquées,

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notamment celles relatives aux HLM. En effet, toute démarche environnementale est par nature intégratrice, alors que pour les HLM, les dépenses d’investissement et les dépenses de fonctionnement sont séparées, de même que les loyers et les charges locatives. Comment demander aux organismes HLM et à ceux qui contrôlent de procéder à une optimisation globale alors qu’ils en sont juridiquement empêchés ? Il apparaît que les difficultés et les désaccords reposent sur des problèmes lourds qui existent depuis quelques siècles en France. Un problème de même nature se pose dans tout le secteur public : le Code des marchés public permet difficilement d’employer des critères de qualité environnementale. Par ailleurs, les chantiers publics ne sont pas toujours exemplaires de ce qui devrait être. Enfin, un point a été discuté à plusieurs reprises lors de ces Assises, que nous n’avons pu approfondir faute de matériaux : la montée des demandes individuelles. A l’origine, la démarche HQE s’adressait aux professionnels et en particulier aux grands maîtres d’ouvrage. De plus en plus, des maîtres d’ouvrage de petite taille, des personnes qui souhaitent construire une maison individuelle ou adapter leur logement par exemple, demandent – pour des raisons éthiques – à entrer dans le mouvement. Nous n’avons pas encore de réponse à cette attente forte. Nos débats ont revêtu un caractère technique et parfois relativement codé. Un certain nombre d’intervenants ont néanmoins rappelé, avec des mots parfois détonants, la finalité profonde de la démarche HQE. Le développement durable est avant tout une exigence de solidarité entre générations, entre territoires, entre continents. L’une des participantes, directrice d’hôpital, nous a expliqué qu’elle constatait tous les jours les désastres humains produits par la non-qualité, le non-respect du principe de précaution… La question de l’évaluation sociale de ce qui est réalisé et de ce qui ne l’est pas a également été soulevée. D’autres intervenants ont souligné le plaisir lié au travail en commun et la nécessité absolue d’être animé par des utopies. La projection dans l’avenir nous permettra de résoudre les problèmes d’aujourd’hui. La grande question à se poser est la suivante : pouvons-nous faire de nos utopies une pratique de vie et d’action pour aujourd’hui ? Cela dépend d’abord de nous. Nous débattons du sort de la planète, mais nous portons nos responsabilités propres : à nous de les prendre. Comme l’écrivait Guillevic dans Terraqué, « nous refaisons le Monde qui nous le rendra bien, car nous sommes au Monde comme il est à nous ».

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L’engagement des conseils régionaux Andrée BUCHMANN Alsace Qualité Environnementale Ce n’est pas tout à fait un hasard que ce soit la Région Aquitaine qui nous accueille aujourd’hui. Si la HQE et les réalisations expérimentales sont issues du PUCA, il est vrai que les régions ont joué un rôle déterminant dans l’extension du concept et surtout dans son approche pratique.

I.

L’engagement des régions dans la HQE

A partir de 1992, nous avons constaté un triple phénomène :

0

l’arrivée dans les conseils régionaux de nombreux élus écologistes, notamment à la Présidence en Nord-Pas-de-Calais ;

1

l’obligation pour certaines régions de trouver des majorités pour les votes de budget, qui a pu permettre à la HQE de servir d’appui à certaines négociations ;

2

le transfert aux régions de la compétence en matière de lycées.

Ainsi, les régions ont été amenées à prendre en charge l’imposant parc que représente le patrimoine immobilier des lycées, pour lequel elles ont dû réaliser des réhabilitations, des extensions et de nouvelles constructions. A cela s’est ajouté le Plan Université 2000 de Monsieur Jospin, où les régions entraient en partenariat pour le financement des opérations. Enfin, des élus écologistes se trouvaient parfois perplexes dans les régions car ils souhaitaient prendre en charge concrètement l’environnement mais n’en avaient pas les outils : la HQE a été un premier outil de négociation et de construction tangible. Deux régions ont joué un rôle moteur puissant pour la démarche. En premier lieu, la Région Ile-de-France a lancé dès fin 1994 la mission qualité environnementale d’intégration des préoccupations écologiques à l’occasion de la construction du lycée Maximilien Perret à Alfortville. Cette mission a été confiée à l’ARENE dont le directeur était Dominique Bidou. A l’époque déjà, la maîtrise d’œuvre était assurée par le CSTB, des BET membres de l’ATEC en liaison avec le Plan construction architecture et la DGS. La Région Ile-de-France a rapidement adopté un programme pour les écoles et lycées, puis a tenté de généraliser sa politique HQE. Elle a été jusqu’à une prospective jusqu’à horizon 2010 de la HQE et cette démarche a porté des effets bénéfiques. L’autre région « historique », le Nord-Pas-de-Calais était présidée par Marie-Christine Blandin. La Région, qui souhaitait faire œuvre démonstrative, pédagogique et innovante, a lancé la construction emblématique du lycée de Calais, dont l’architecte est Madame Colas. Caudry a été réalisé dans cette foulée. Deux autres régions ont suivi le mouvement. Le Limousin a défini dès 1996 le cahier des charges du Lycée des techniques de communication de Limoge et la Région Alsace a constitué dès 1996 un comité de pilotage transversal intégrant à la fois des politiques, des élus et des acteurs comme l’Ordre des architectes, la Fédération des bâtiments, les associations environnementalistes… L’Alsace n’a pas souhaité faire œuvre expérimentale à travers un établissement, mais définir une politique plus globale : le premier acte a été la rédaction d’un mode d’emploi à l’usage des maîtres d’ouvrage que beaucoup d’entre vous connaissent.

II.

L’extension des politiques HQE

La recherche d’une plus grande efficacité économique a succédé à la prise de conscience écologique initiale. L’ensemble des conseils régionaux de France et des DOM-TOM a progressivement été amené à s’intéresser à la prise en compte de l’environnement dans l’acte de construire, sans obligatoirement qualifier leur démarche de HQE et sans nécessairement entrer en dialogue avec l’Association HQE. Cette dernière, créée en 1996, comporte pour l’heure les régions suivantes : l’ARENE pour le compte de l’Ile-de-France, l’Alsace, l’Aquitaine, le Centre, la Champagne-Ardenne, la HauteNormandie, le Limousin, le Nord-Pas-de-Calais, Poitou-Charentes et Rhône-Alpes.

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D’autres régions mènent des politiques HQE déclarées mais ne sont pas encore adhérentes de l’Association, comme la Franche-Comté et l’Ile de la Réunion. Midi-Pyrénées ou PACA sont apparemment en cours de discussion. Nous sommes par conséquent entrés dans une phase de mise en place de dynamiques territoriales multipartenariales. Elles existent sur des territoires régionaux, animées par des personnes têtes de réseau, par des associations ou d’autres organismes… Par exemple, Envirobat est un réseau qui réunit en PACA les acteurs du Languedoc-Roussillon. Les associations présentes sur les territoires jouent un remarquable rôle de levier pour la propagation de l’idée environnementale et de la HQE, que ce soit l’ASCOMADE ou l’AJENA en Franche-Comté, l’ABAC à la Réunion, Ecopole à Nantes… Le rôle du Comité 21 est également à souligner : cette structure nationale s’inscrit dans un échange à caractère thématique et territorial à la fois. Presque toutes les régions mènent des politiques HQE, avec différentes tendances. Certaines comme l’Ile-de-France, le Nord-Pas-de-Calais ou la Champagne-Ardenne l’affichent fortement et publient des plaquettes par exemple. Des régions suivent des politiques fermement engagées, mais avec un recadrage sectorisé comme la Région Alsace qui a revu quelque peu sa politique HQE. Dans d’autres régions, la mise en œuvre est déterminée, mais plus discrète et réalisée par étapes : il s’agit par exemple de Rhône-Alpes. Certaines régions réalisent une individualisation budgétaire pour l’exercice 2002, comme le Centre, la Franche-Comté et l’Aquitaine. Enfin, dans certaines régions comme PACA, Midi-Pyrénées et la Réunion, la sensibilisation est extrêmement avancée et des politiques devraient se mettre en œuvre.

III. Les développements en cours Les lycées ont constitué le point de départ de la progression, et ce secteur pourrait rester le cœur de cible. Toutefois, l’ensemble des constructions ou réalisations sous maîtrise d’ouvrage régionale est de plus en plus concerné. La Champagne-Ardenne a établi avec l’ADEME une charte régionale fort intéressante pour le développement de la qualité environnementale. Il a été rappelé lors de ces Assises la nécessité d’investir fortement dans la « matière grise » plutôt que sur le contrôle : ce souci a été l’une des priorités de la région Alsace. Parmi les domaines qui dépassent le secteur des lycées, ou bien lorsque les régions entrent dans les clés de répartition, l’aspect logement social se développera probablement. Il peut constituer une priorité dans certaines régions, comme le Nord-Pas-de-Calais et l’Alsace. Ces dernières mènent une politique identifiée de HQE dans le logement social où la part encore peu importante, de 17 à 20 %, doit être utilisée comme levier à destination des directions régionales de l’équipement et des bailleurs sociaux. Les autres développements ont été le management environnemental, mais aussi la formation professionnelle. Qu’elle soit continue ou initiale, la formation relève des compétences des régions, qui réfléchissent de manière transversale à la façon dont elles peuvent intégrer cette dimension aux programmes scolaires ou aux formations professionnelles. Par ailleurs, comme nous possédons déjà un certain recul par rapport à des constructions qui datent de quelques années, nous commençons à disposer de bilans en Alsace, dans le Nord-Pas-de-Calais et en Ile-de-France. Ils sont à la fois de bilans de politique et des bilans d’opérations, notamment de réalisations expérimentales. Il est demandé de manière récurrente d’étendre la démarche au quartier et à l’urbanisme. Certaines régions soutiennent déjà des sociétés d’économie mixte ou des initiatives visant à passer à une approche intégrée des zones d’activité. Elles soutiennent également les filières économiques et industrielles : le Nord-Pas-de-Calais souhaite appuyer des filières traditionnelles comme celle de la brique, alors que l’Alsace est plutôt engagée sur le bois. Des régions comme l’Aquitaine incitent fortement à l’innovation.

IV. Conclusion Le terme HQE a été reçu et étudié dans son aspect théorique et pratique, mais suscite encore des remarques. Par exemple, les services techniques de la Région Alsace continuent à me demander comment ils doivent procéder concrètement : il existe un important besoin d’outil. D’autres régions expriment la nécessité de s’engager dans des démarches pragmatiques et de ne pas se limiter à la théorie. La Franche-Comté et Rhône-Alpes souhaitent fortement entrer dans un registre plus concret. Enfin, des correspondants des DOM-TOM soulignent la nécessité d’emprunter une approche spécifique pour eux, afin de ne pas les obliger à jongler avec des réglementations qui, si elles sont efficaces en métropole, ne le sont pas systématiquement dans les régions ultramarines.

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Dominique BIDOU Je vous remercie de cet exposé, qui montre que l’essentiel des régions ont perçu l’importance de la HQE et sont prêtes à participer, aux côtés des acteurs, à son application pour leurs propres ouvrages mais aussi pour d’autres ouvrages réalisés sur leur territoire.

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L’engagement d’un département, l’Hérault André VEZINHET Sénateur, Président du Conseil général de l’Hérault Je vous remercie de m’avoir inviter à témoigner de l’engagement d’un conseil général et d’une assemblée départementale dans la démarche HQE. Les conseils généraux, dont l’efficacité est parfois mise en doute, ont sûrement trouvé là une occasion d’exprimer leur participation à la modernité. Je félicite les membres de l’Association HQE, en particulier Dominique Bidou et Gilles Olive. Elle combat depuis neuf ans pour une meilleure prise en compte de l’environnement dans l’acte de bâtir. Je salue également les militants de la HQE qui participent à ces premières Assises : le 30 novembre 2001 restera peut-être gravé dans la longue histoire de la construction et dans celle, plus récente, du développement durable.

I.

La motivation du Département de l’Hérault pour s’engager dans la démarche HQE

C’est pour des raisons politiques que j’ai proposé aux conseillers généraux de l’Hérault de s’engager dans la démarche HQE. Il ne s’agissait pas de politique politicienne visant à glaner quelques voix chez les Verts, mais bien de Politique, au sens « gestion de la Cité ». Il s’agissait aussi de relever le défi qui nous est lancé en ce début de XXIe siècle : faire que nos départements entrent de plain-pied dans une modernité adaptée aux besoins actuels et futurs des populations, modernité fondée sur le progrès économique, le respect de l’environnement et sur une plus grande équité sociale et de solidarité. Ces dimensions correspondent à celles du développement durable. La terre d’Hérault se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Elle somnolait depuis un siècle, regardant passer les trains de la modernité sans se décider à y monter, quand à la moitié du XXe siècle, l’action conjuguée de deux hommes a réveillé en sursaut des Héraultais qui vivaient essentiellement des produits d’une viticulture, au reste assez rémunératrice : à l’époque, l’on faisait « pisser la vigne » ! Philippe Lamour, Président de la Compagnie du Bas Rhône Languedoc, à qui j’ai l’honneur de succéder à la tête du Conseil de surveillance, a eu l’audace de dévier une partie de l’eau du Rhône pour alimenter par un canal le Gard et l’Est héraultais, permettant la diversification de l’agriculture et favorisant le développement de stations touristiques comme le Cap d’Agde. Le réveil du Département tient aussi à un autre homme, Georges Frèche, et à la formidable aventure de Montpellier la surdouée, l’entreprenante. J’ai été largement associé à cette aventure depuis 1977 car j’ai été longtemps premier adjoint chargé des politiques de la solidarité au travers du CCAS et Président de l’OPAC, au moment où Montpellier devenait la huitième ville de France. Elle compte aujourd’hui une population aussi nombreuse que celle de la charmante cité de Bordeaux qui nous accueille. La conséquence directe de ces mutations nous est apparue brutalement au recensement de 1999 : l’Hérault comptabilise 900 000 habitants auxquels se rajoutent chaque été un million de touristes. L’Hérault est créateur d’emploi. Son attractivité est porteuse de richesses car les nouveaux Héraultais, qu’ils soient demandeurs d’emploi, retraités ou cadres parisiens se délocalisant en faveur de l’application des 35 heures et du développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, consomment des biens et des services. Ils ont fait de l’économie résidentielle le premier secteur économique de l’Hérault. Ces nouveaux Héraultais « héliotropes » sont aussi porteurs d’une exigence en termes de qualité de vie. Le train manqué de l’industrialisation a eu l’avantage énorme de préserver nos paysages et de permettre d’offrir un cadre de vie privilégié qui fonde notre attractivité et qui autorise l’investissement productif. L’environnement constitue ainsi notre première source de richesse. Dès lors, nous avons décidé de concilier développement démographique, développement économique et préservation de l’environnement. Voilà pourquoi le département de l’Hérault s’est engagé dans la démarche HQE. Si le contexte géographique de l’Hérault peut apparaître exceptionnel, les mutations sociétales et les nouvelles exigences des populations en termes de cadre de vie se retrouvent dans la plupart des départements français et des pays d’Europe : comment faire pour relever ce défi ?

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II.

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Les pistes de recherche de l’Hérault pour mettre en œuvre la démarche HQE

1. Du développement subi au développement choisi J’ai anticipé sur les résultats de l’INSEE en demandant dès novembre 1998 que l’on réalise un diagnostic prospectif destiné à bâtir notre projet de développement territorial durable pour doter le Département d’une vision à moyen terme et passer d’un développement subi à un développement choisi. Ce travail baptisé « Hérault 2005 » a mis en évidence que les trois paliers de l’amphithéâtre que représente le département de l’Hérault entre Massif Central et Méditerranée bénéficiaient des retombées économiques de cette croissance démographique. Il est apparu également qu’aucun de ces trois espaces complémentaires n’échappait à la pression de constructions réalisées dans l’urgence par des maîtres d’ouvrage divers et variés. La montagne, bordure Sud du Massif Central et des Cévennes à l’Est jusqu’à la Montagne Noire à l’Ouest, en passant par le Causse du Larzac, est constituée essentiellement de communes rurales qui ne perdent plus de population. Les communes qui me demandaient en 1990 d’intervenir pour empêcher que les écoles soient fermées me réclament aujourd’hui de doubler, voire de tripler la capacité d’accueil des élèves, ainsi que de réhabiliter ou de construire des logements et d’agrandir des locaux associatifs. La plaine viticole, aux pieds des montagnes, constitue une bonne partie du plus grand vignoble du monde et produit aujourd’hui des vins de grande qualité qui concurrencent sur les marchés les vins du Bordelais. Elle voit ses bourgs centres grandir et « grignoter » l’espace rural. Le littoral, sur une bande de 20 kilomètres de large et long de 90 kilomètres de côte méditerranéenne, accueille 80 % de la population du Département. Elle s’étale autour de Montpellier, de Béziers et de Sète. Ce mouvement s’accompagne de réhabilitation de nos bâtiments, d’équipements publics, de zones d’activité, ainsi que de projections nouvelles dans un espace lacunaire dont l’équilibre écologique est fragile. Heureusement, mon ami Raymond Demant a mis en place il y a 20 ans l’Agence foncière départementale en généralisant la taxe sur les espaces naturels sensibles à l’ensemble du territoire départemental. Cette expérience est quasiment unique en France car nous sommes les seuls, avec le Doubs, à avoir pris cette initiative. Elle permet de préserver autour de nos villes de véritables poumons verts et d’avoir ainsi des lieux d’apprentissage de la citoyenneté. Le meilleur exemple est sans doute le Domaine de Restinclières, devenu Maison départementale de l’environnement. Aujourd’hui, ce qui se dessine dans l’Hérault – où la concentration verticale est remplacée par un développement horizontal – ressemble étrangement au développement des ZUP ou des copropriétés des années 1960-1970, aujourd’hui en grande difficulté. J’ai la prétention, en tant que Conseiller général du canton de la Paillade à Montpellier, de bien connaître le problème. Nous devons y prendre garde et anticiper en fixant des contraintes d’ordre environnemental dans les cahiers des charges des opérations. Nous devons maîtriser le développement de nos villes en utilisant le nouvel arsenal législatif des trois lois sur les agglomérations, sur les pays et la loi SRU, et en particulier cette dernière que j’ai eu l’honneur de rapporter au sein du groupe auquel j’appartiens au Sénat : cette loi apporte des outils, comme les SCOP, qui permettront de traduire dans les faits certaines intentions de la loi sur l’aménagement durable du territoire. Si nous ne prenons pas à bras le corps la qualité environnementale de nos bâtiments, de nos villes, de nos territoires, nous courrons un risque majeur.

2. Les actions mises en œuvre par le Département Comment maîtriser, sur le plan qualitatif, ce développement exponentiel ? Comment apporter de nouvelles réponses à l’évolution des modes d’habiter ? Comment construire des équipements publics qui prennent en compte la dimension environnementale ? Comment sensibiliser les maîtres d’ouvrage ? C’est pour répondre à ces questions que nous avons engagé cinq actions. Nous avons confié au CAUE le soin de réaliser en 1999 une Charte de qualité paysagère pour les zones d’activité économique, qui défigurent souvent nos entrées de villes. Nous avons créé une aide départementale pour aider les communes ou les communautés de communes à y parvenir. Nous avons accueilli en mai 2000 l’Association nationale HQE et son Président Dominique Bidou pour sa première étape du tour de France des régions. Nous avons lancé un premier collège HQE en 2000 et un second en 2001, qui fait l’objet d’une réhabilitation profonde. Nous amorçons la transversalisation de la démarche HQE vers les autres directions du Conseil général en réalisant un référentiel HQE. Nous avons modifié la posture du Conseil général grâce à la réflexion Hérault 2005, en indiquant que

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désormais, dans tout le Département, nous passions d’une logique de guichet à une logique de projet. Dans ce cadre, nous étudions comment inscrire, dans le système des aides départementales aux maîtres d’ouvrages que nous subventionnons, la prise en compte de critères environnementaux dans le montage des projets. De même, dans les contrats avec les communes, les pays, les agglomérations, les intercommunalités, nous étudions la manière de mettre en place une clause HQE dans le cadre de la politique de projet. Enfin, nous avons réalisé en juillet 2001 avec les départements voisins de l’Aude, du Gard et des Pyrénées-Orientales, l’Association Interdépartementale Méditerranéenne pour l’Environnement (AIME). Elle vise à promouvoir la démarche HQE dans ses spécificités méditerranéennes, en y regroupant l’ensemble des maillons qui constituent la chaîne de la construction, comme vous l’a commenté mon ami Jean-Pierre Moure, Conseiller général, Président du CAUE et Président de l’Association AIME. Ces premières actions sont sans doute des « gouttes d’eau dans la mer », mais elles ont valeur exemplaire : c’est par l’exemple que la démarche HQE pourra se généraliser pour devenir demain une démarche naturelle, car il s’agit d’induire des changements culturels et structurels. Ce sont les combats les plus difficiles, mais les plus nobles. Je souhaite porter à votre connaissance trois projets importants qui font partie pour moi de la cohérence HQE. D’une part, le Département aura en juin 2002 élaboré son Agenda 21, qui permettra de compléter le travail d’Hérault 2005 et de construire un territoire durable. D’autre part, le Département a engagé avec l’Union régionale HLM une réflexion pour participer à la réalisation d’un Charte méditerranéenne de la construction intégrant des éléments de la démarche HQE : je soutiens particulièrement ce dossier du fait de mes anciennes responsabilités à l’Union nationale HLM, mais aussi du fait de l’enjeu qu’il représente pour le Languedoc-Roussillon et pour l’Hérault. Je le fais avec d’autant plus de conviction et de plaisir que vous êtes présente aujourd’hui, Madame la Ministre du Logement, à cette tribune. Enfin, le Département a voté le principe de construire un réseau d’eau brute qui ceinturera l’agglomération de Montpellier : cet ouvrage permettra, dans un objectif de gestion globale de l’eau, d’économiser et de sécuriser cette ressource. Ce projet n’est possible que grâce au transfert de l’eau du Rhône évoqué dans le début de mon exposé. Par ailleurs, il ouvre le chemin à d’autres pistes du même type pour d’autres villes du Languedoc, du Roussillon et de Catalogne. Si le projet pour lequel je me bats aujourd’hui en tant que Président de BRL pour prolonger ce canal sous forme d’aqueduc jusqu’à Barcelone aboutit, nous aurons franchi un pas de plus pour faire de l’Hérault et de pays traversés un territoire durable. J’ai pensé qu’il était de ma responsabilité d’homme politique de permettre aux générations actuelles de satisfaire leurs besoins, mais aussi aux générations futures de trouver les ressources nécessaires à leur épanouissement. Quoi de plus symbolique que partager l’eau entre deux peuples de l’Europe du Sud ? A l’heure où les événements du 11 septembre nous renvoient à un questionnement terrible sur la mondialisation, après Seattle et Gènes, où nous sentons que ce processus est inéluctable mais pas inflexible, il apparaît que le repli sur soi et la fermeture de nos frontières serait la pire des décisions car elle laisserait le champ libre aux extrémismes et aux intégrismes. Aussi, le partage des richesses doit être une priorité. En conclusion, je souhaite ouvrir une fenêtre sur l’avenir, qui m’a été inspirée par l’action internationale du Département de l’Hérault. Que ce soit au Chili, où nous menons de nombreuses coopérations, ou bien en Méditerranée occidentale, le partage des connaissances pour résoudre les problèmes d’eau et d’environnement prédomine dans nos échanges. J’ai appris ce matin que la nouvelle Association AIME se préparait à déposer un dossier HQE Méditerranée sur l’Arc Latin. pour 2002 afin de bénéficier de fond européens INTERREG. Ce n’est pas un hasard, puisque le Département a été désigné comme pilote du volet environnement du programme INTERREG pour l’Arc Latin. Celui-ci regroupe tous les départements, provinces ou députation de Naples à Séville, et associe la Rive Sud de la Méditerranée, particulièrement une région de Tunisie avec laquelle nous avons signé un protocole de coopération. La démarche HQE constitue indéniablement l’un des moyens d’œuvrer pour que l’Homme reste au cœur des projets de construction, mais aussi des projets d’urbanisme et d’aménagement des territoires. Dès lors, pourquoi ne pas prolonger le travail mené sur les bâtiments par une réflexion sur le territoire, et l’ouvrir à l’international ? Cela pourrait être le thème de « Premières Assises du territoire durable », que je serais heureux d’accueillir dans mon Département, l’Hérault, à Montpellier.

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Allocutions et clôture Clôture de la journée Dominique BIDOU I.

La genèse du mouvement HQE

Madame la Ministre, ce n’est pas l’Association HQE qui vous accueille aux côtés de la Région Aquitaine et du réseau IDEA, mais plutôt le mouvement HQE. Je vous remercie de votre présence, et surtout du rôle que vous avez joué dans l’initialisation de ce projet. En 1992, lorsque vous étiez Ministre du logement et du cadre de vie, vous avez été à l’initiative des premières réflexions de rapprochement de deux thèmes : la construction et l’environnement. C’est à la suite de cette impulsion que le Plan construction a commencé à travailler et que des réalisations expérimentales ont été lancées. Des groupes d’experts se sont constitués pour produire ce que nous appelons aujourd’hui la HQE. L’Association HQE est née il y a cinq ans des travaux du Plan de construction avec des partenaires de l’administration et des professionnels, à l’occasion d’une grande exposition nommée Eco Logis. Il s’agissait d’une première étape, à l’issue d’une phase d’expérimentation animée par le PCA. Une douzaine de réalisations expérimentales dans le domaine des HLM ont vu le jour. Par la suite, nous avons connu une diversification dans l’hôtellerie ou les hôpitaux par exemple. Cette époque a été animée par des maîtres d’ouvrage très volontaires, qui étaient peut-être en avance sur leur temps. Cette diversification, si elle apparaît intéressante au plan culturel, reste très légère au plan quantitatif : nous devons maintenant saisir l’enjeu de donner du volume au mouvement HQE. L’objectif que nous visons n’est pas 10 % de constructions HQE, mais 100 % : toutefois, si le mouvement atteint 10 %, nous pourrons considérer qu’il a réellement décollé car le plus difficile aura été fait.

II.

Les acquis de la HQE et les voies de progrès

Les cinq années passées nous ont permis de capitaliser les expériences. Un noyau de professionnels s’est mobilisé dans tous les secteurs, aussi bien dans les professions de conception que de réalisation. Nous bénéficions déjà d’une certaine reconnaissance des opérateurs. Nous avons acquis une expérience internationale : nous avons été à Vancouver il y a trois ans et à Maastricht l’année dernière. Nous serons certainement présents à Oslo l’année prochaine pour une confrontation Green Building Challenge, qui devient le rendez-vous régulier des acteurs de la construction soucieux de l’environnement. Une partie importante de nos travaux a été consacrée à mettre au point des instruments. Nous souhaitons qu’ils soient portés par tous les acteurs et, pour cela, l’Association doit ouvrir le dialogue avec les partenaires. Ces derniers, notamment les industriels, attendent que nous leur apportions des éléments leur permettant de progresser sur le chemin de la HQE. Cet enjeu paraît complexe. L’offre de l’Association apparaît encore légère face à une attente fort importante de publics très diversifiés. La capitalisation d’expériences reste embryonnaire et de nombreuses opérations nous échappent encore. Nous sommes incapables à ce jour de poser des systèmes d’indicateurs sur certaines de ces opérations, qui nous permettraient de mieux les comprendre et de savoir comment les opérateurs ont pu travailler ensemble. Cela semble nécessaire pour améliorer notre démarche et la rendre plus accessible à l’ensemble des opérateurs. Par ailleurs, certains domaines relèvent selon nous de la HQE, mais restent mal explorés : il s’agit notamment du parc existant, qui représente un enjeu majeur. Les travaux sont loin d’être achevés dans ce domaine. Il en va de même pour la maintenance : il faut produire des logements en suivant des démarches HQE, mais être apte ensuite à maintenir et à gérer au quotidien leur qualité. En outre, il faut savoir incorporer à la construction les améliorations techniques qui s’élaborent au cours du temps. Un responsable d’organisme HLM employait pour cela le terme « maintenance améliorative » : il s’agit d’un enjeu majeur. Enfin, l’apprentissage collectif de pratiques techniques par une société est extrêmement important, car il s’agit de la seule manière de consolider les progrès. Il faut que chacun, spontanément, apporte sa contribution à l’édifice.

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Premières Assises de la démarche HQE

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III. Le système de certification : un pas vers le changement d’échelle Le mouvement HQE doit changer d’échelle et, pour cela, Madame Lienemann nous a demandé de produire des instruments. Il s’agit, selon les termes employés dans sa lettre du 30 juillet, de « créer un instrument opérationnel qui permette aux acteurs de la construction de s’inscrire dans une politique générale du développement durable dans l’habitat ». Nous avons travaillé dans cet objectif. La demande de la Ministre arrivait à point nommé car nous ressentions la nécessité d’un changement d’échelle, qui supposait de donner aux opérateurs des instruments qu’ils puissent s’approprier et des instruments qui les sécurisent. En effet, si les premiers opérateurs qui ont réalisé de la HQE étaient quelque peu des « aventuriers », nous souhaitons maintenant nous adresser à l’ensemble des opérateurs et des maîtres d’ouvrage. Nous avons produit un système de certification qui permette de transformer la HQE en mouvement de masse. Ces instruments touchent à la fois au management et aux points qualité que l’on souhaite contrôler. Dominique Riquier Sauvage affirmait au congrès de l’ENFA il y a un mois , avec raison, qu’il n’était pas possible de tout normaliser. Il n’empêche que ce qui est mesurable doit être mesuré. Ainsi, à travers le système de certification que nous proposons, il sera possible reconnaître la qualité du bâtiment et, d’un autre côté, chacun pourra s’approprier un système de management. Cette certification n’est pas suffisante car il faudra aussi tenir compte de l’implantation du bâtiment : elle devra être cohérente avec la notion de développement local durable. Enfin, il faudra s’engager à maintenir la qualité au long du temps. Ces quatre dimensions devront être prises en compte pour reconnaître un bâtiment « issu d’une démarche HQE ».

IV. Les efforts à poursuivre 1. La reconnaissance économique de la qualité des bâtiments Votre demande vise à pouvoir identifier des opérations qui se veulent HQE et qui, en phase de décollage, peuvent être aidées par l’Etat ou les collectivités locales. Nous pensons néanmoins qu’il faut aller plus loin : si nous souhaitons que le concept HQE se développe, il faut qu’il entre dans une logique économique. Ainsi, l’investissement que cela représente doit être reconnu et rémunéré. Il semble essentiel que ce certificat reconnaisse une qualité qui soit partie prenante de la valeur du bien. Vous connaissez l’importance de l’emplacement d’un bâtiment dans le prix qui lui est donné : il faut aussi que sa qualité intrinsèque soit reconnue et c’est l’un des objets de la certification proposée.

2. La densification des relations entre acteurs La certification n’entre pas seule en ligne de compte : il faut que tous les acteurs se l’approprient et l’Association HQE participera pleinement à l’établissement de collaborations plus étroites entre ces derniers, qu’il s’agisse d’acteurs publics, de collectivités locales, d’associations, du secteur financier ou des assurances. Nous devons réaliser un travail relationnel en plus du travail technique, ce qui suppose que nous mettions sur pied des instruments comme des centres des ressources ou des observatoires proches du terrain. Ils permettront de récupérer des informations, puis de les diffuser pour aider les opérateurs à lancer à leur tour des opérations HQE ainsi sécurisées et accompagnées par tout un mouvement.

3. Le développement d’une compétence HQE de l’ensemble des professionnels Les professionnels ont déjà réalisé des efforts pour entrer dans la logique de compétence HQE, qui doivent être prolongés. Nous n’entendons pas créer une profession nouvelle spécialiste de la HQE, mais nous souhaitons que la HQE soit portée par tous les acteurs à l’endroit où ils se situent dans la chaîne de construction. Comme dans toute démarche qualité, c’est de l’harmonie entre l’ensemble des partenaires que dépend la qualité du bâtiment final. C’est bien la difficulté que nous rencontrons, car dans l’industrie, les équipes, les sites et les produits sont toujours les mêmes : il faudra reconstituer la relation entre les acteurs à chaque fois et notre méthode essaie de rendre compte de ces difficultés. Le mouvement HQE vous remercie, Madame la Ministre, du rôle que vous avez joué au moment du démarrage de ces concepts, mais aussi de votre présence ici qui témoigne de l’intérêt que vous leur portez dix ans après, au moment crucial où ce mouvement doit changer d’échelle.

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Premières Assises de la démarche HQE

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Intervention du Président du Conseil régional d’Aquitaine Alain ROUSSET Je regrette de n’avoir pu être assidu à l’ensemble des réflexions menées sur cette démarche novatrice, mais je sais que Claude Mellier et Jean Lissar ont, pour le Conseil régional, largement participé à ces Assises. Pour l’Aquitaine, elles ont représenté un moment agréable et fort constructif autour d’une démarche nouvelle, avec l’ensemble des partenaires qui se sont associés à ces travaux. Il s’agit d’une démarche ambitieuse dans l’acte de construire, mais aussi sur le plan social, sur le plan architectural et dans le domaine de l’industrie traditionnelle du bâtiment. Cette démarche donne aussi un aspect concret, comme l’indiquait le Président du Conseil général de l’Hérault, à la notion de biens ou de développement durable. Nous avons, Monsieur le Président, un bien durable que vous ne pourrez nous conquérir : le vin ! Vous avez réalisé des efforts nombreux sur le plan de la recherche et de la formation et, si Montpellier a pris une certaine avance dans ce domaine, nous sommes en train de nous rattraper ! Il en est du développement durable comme la prose de Monsieur Jourdain. Sur le plan de l’habitat comme sur le plan de la nature en général, la préservation de la forêt ou la façon relativement traditionnelle dont on a construit les logements dans nos montagnes et dans nos plaines en fonction du climat, de l’environnement, constituent des exemples banals : pour autant, il s’agit d’exemples fort concrets de ce qu’est la norme HQE. Non pas que l’Histoire se répète ou qu’elle balbutie, non pas qu’il faille trouver des exemples loin dans notre histoire, mais lorsque l’on regarde cette magnifique façade de pierres le long de la courbe de la Garonne, nous remarquons sa beauté, mais nous constatons aussi le produit de normes HQE distantes de deux siècles ! Dans les Pyrénées, le Massif Central, les Landes ou le Périgord, l’on pourrait tout aussi bien observer l’emploi de normes HQE. Les normes HQE doivent être caractérisées par la simplicité. Lorsque nous avons pris la Présidence de l’exécutif du Conseil régional avec Françoise Cartron, nous avons réuni les proviseurs et les intendants des lycées : ils nous ont notamment demandé d’introduire de la simplicité dans la construction ou la rénovation des bâtiments. Lorsqu’un bâtiment public ou privé se construit, il faut considérer que son entretien, son chauffage, sa vie, sa protection et sa durabilité, constituent des éléments essentiels. Ainsi, si le geste architectural est un geste de création, il doit aussi s’approprier la durabilité de la construction et la vie de ses occupants. Ceci apparaît essentiel lorsque l’on gère un bâtiment public. Au-delà de la construction, il existe également un enjeu dans la rénovation du logement. Cet enjeu touche en particulier le logement social de fait, qui existe non seulement à Bordeaux, mais aussi dans nombre de communes. Il s’agit d’un défi majeur et complexe, dans la mesure où la loi de l’offre et de la demande ne joue pas dans ce domaine. Les propriétaires de logements anciens ont parfois des difficultés à remettre leur bien sur le marché et nous devons, pour un tenir compte, établir une typologie d’intervention. Il faut parfois même envisager d’employer des moyens plus directifs pour que les normes HQE soient prises en compte dans ce domaine. L’Aquitaine a engagé une initiative doublement symbolique. Le plus important chantier, celui du Lycée professionnel des Métiers de l’habitat, sera construit selon la démarche HQE. Nous veillerons – même si cela dépendra aussi du recteur et de l’Education nationale – à ce que l’éducation qui sera donnée aux élèves porte notamment sur les normes HQE. Je partage le sentiment du Président à ce sujet : l’un des premiers efforts que nous devons réaliser est certes de montrer la voie à travers des réalisations, mais il faut aussi former rapidement et massivement celles et ceux qui demain travailleront dans le bâtiment, qu’ils soient architectes, ingénieurs, techniciens, ouvriers… Par conséquent, au-delà des actions que la Région peut mener directement en tant que maître d’ouvrage, des efforts seront nécessaires. Je me félicite que ces premières Assises aient eu lieu à Bordeaux. Je n’ose pas vous convier à nouveau l’année prochaine car si le Président Garrigues y serait très favorable, le Président du Conseil général de l’Hérault vous a déjà fortement invité à poursuivre les travaux dans son Département : or je me garderai de remporter deux victoires, celle du vin, et celle de la tenue des deuxièmes Assises de la HQE !

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Intervention de la Secrétaire d’Etat au logement Marie-Noëlle LIENEMANN C’est un grand plaisir d’être parmi vous aujourd’hui, en particulier parce que la HQE représente pour moi une question majeure depuis longtemps. Lorsque j’occupais la fonction de Ministre déléguée chargée du logement et du cadre de vie, j’ai confié à Dominique Bidou la réalisation d’un rapport sur l’habitat, l’environnement et l’écologie urbaine. Cette question était particulièrement d’actualité car le Sommet de la Terre a été organisé à Rio pendant cette même période. Je m’étais beaucoup engagée auparavant dans tous les combats environnementaux et j’avais suivi de près la préparation de ce Sommet, préparation dont j’avais rendu compte à l’Assemblée Nationale en tant que rapporteur.

I.

Les enjeux du développement durable

A la veille du Sommet de Johannesburg qui se tiendra en septembre 2002, nous pouvons, au regard du temps qui s’est écoulé et du chemin parcouru, dresser un bilan mitigé. Il est positif quant à la prise de conscience culturelle de bon nombre de nos concitoyens de l’immensité du défi et des enjeux. En revanche, il apparaît qu’en France, mais aussi en Europe et sur l’ensemble de la planète, les démarches accomplies concrètement pour modifier notre mode de développement restent de faible ampleur. Le développement durable constituera la grande question du XXIe siècle, parce qu’elle se trouve au terme d’une période où l’humanité a longtemps cru que les ressources étaient illimitées, que le développent était sans fin et que les formes de développement que nous avions engagées pouvaient éternellement se poursuivre sans grande menace. Lorsque l’on a pris conscience des limites de ce développement, il s’est produit une rétractation : je vous rappelle les travaux de Rome sur la croissance zéro. A ce moment, une grande crispation mutuelle s’est produite entre ceux qui accusaient les autres de tuer le progrès et ceux qui considéraient que le progrès dont il était question n’en était pas un. Le développement durable est né de la volonté de trouver un compromis entre d’une part la création d’un progrès humain et collectif qui reste un horizon permanent et d’autre part la limite des ressources naturelles et des capacités de la planète. Cette rencontre a conféré à la fois sa force au concept de développement durable et fait toute sa difficulté. En effet, ce n’est pas une vérité révélée ni un modèle clé en main, mais un compromis et un équilibre : la grande question consiste à savoir qui le fixe, qui l’arbitre et qui en définit le contour. Ces interrogations nous sont posées aujourd’hui, à toutes les échelles planétaires, jusqu’à la plus locale. Nous avons, par nos traditions républicaines et par notre histoire démocratique, l’ambition de penser que c’est le citoyen éclairé qui doit être en mesure, à chaque échelle pertinente, de faire les arbitrages qui s’imposent pour que cet équilibre entre le long terme et le court terme, le proche et le lointain, l’intérêt d’un certain nombre et l’intérêt général, puisse au mieux se concevoir. Il s’agit bien de citoyens « éclairés » car la démocratie à toutes ses échelles a toujours eu besoin d’une pédagogie de citoyenneté qui fasse que le choix de chacun soit le plus lucide, le plus rationnel, le plus intelligent, le plus compréhensif et le plus « en dialogue » possible. C’est en cela que la question qui nous est posée sur la HQE apparaît compliquée : pour autant elle ne doit pas représenter une occasion de nous égarer.

II.

L’habitat et le développement durable

Nous présenterons au Conseil des Ministres au début du mois de janvier – ce qui était plus simple au plan du calendrier que le 19 décembre initialement prévu – une communication sur le thème « habitat et développement durable ». Cet angle est limité, car nous pouvons aussi envisager les thèmes de la ville et du développement durable, des territoires et du développement durable, de l’urbanisme et du développement durable et enfin celui de l’habitat-construction et du développement durable. S’agissant du thème de l’urbanisme et du développement durable, la loi SRU s’attache à formuler différemment les manières de concevoir et de faire. Nous disposons là d’une base qui, si elle n’est pas encore totalement parfaite, doit induire des modifications de pratiques et de culture. Si j’ai souhaité centrer nos efforts sur le thème de l’habitat et du développement durable, ce choix tient en premier lieu à des raisons de réalité de l’importance de l’habitat et de la construction à la fois pour l’écosystème de l’homme, pour ses conditions de vie, et pour l’ensemble des grands enjeux planétaires. Il s’agit par exemple de la question de l’effet de serre : l’habitat représente 40 % de l’énergie consommée et contribue pour 25 % au minimum à l’émission de CO2. Comme nous avons à mettre en œuvre le protocole de Kyoto, cela rend incontournable le secteur de l’habitat, dont nous devrons réduire la consommation énergétique, ainsi que la production de CO2 et de gaz à effet de serre.

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La question de l’eau est également déterminante. Ayant été rapporteur sur la Directive Eau sur la gestion des bassins et de l’eau dans l’Union Européenne, je n’émettrai pas de commentaire sur le bien fondé de passer l’eau d’un bassin versant à l’autre. Le secteur du bâtiment consomme beaucoup d’eau, notamment parce que les personnes qui y vivent en utilisent. La problématique ne se limite pas au manque d’eau ou aux inondations : ce qui se passe à un instant donné entraîne des effets sur l’écosystème des océans, qui in fine constitue un élément régulateur déterminant de la planète. Cet exemple illustre bien le caractère indispensable de la logique « agir localement, penser globalement », et peut être appuyé par d’autres exemples pris dans l’ensemble du champ environnemental. Le troisième volet du développement durable est de nature sociale ou sociétale. Il rend la notion plus complexe. En effet, même dans le cadre d’une démocratie, la majorité ne tient pas toujours compte des cas isolés de la société. C’est d’ailleurs toute la noblesse des démocraties représentatives que de porter des valeurs fondamentales au-delà de l’arbitrage des intérêts à un instant donné. Cette question sociale est fondamentale pour l’habitat durable. Vous connaissez mon engagement et celui du Gouvernement au sujet du logement social : je me limiterai ici à évoquer des questions de société plus simples. Nous aurions pu parler par exemple d’habitat décent, car nous venons de lancer un plan d’éradication de l’habitat insalubre de 4 milliards de francs, accompagné de lois draconiennes. La notion de « social » sous entend la nécessité de répondre à l’attente des citoyens. De ce point de vue, la tradition républicaine n’est pas identique aux autres. En effet, je ne crois pas que l’on puisse mener une politique sociale redistributive sans progrès collectif. Nous ne parviendrons pas à plaider la nécessaire prise en compte les besoins des plus défavorisés ou d’un certain nombre de minorités existant dans la société, sans s’inscrire dans un mouvement d’amélioration collective et globale de la situation de chacun. Or il existe des terrains communs aux riches et aux pauvres, au sujet du logement : l’individu souhaite avant tout disposer de place, puis de clarté. Ces aspects du logement sont loin d’être les plus garantis aujourd’hui et ne sont pas les plus simples à concilier avec par exemple les économies d’énergies. Si des évolutions ont été réalisées dans ce domaine, elles n’étaient pas spontanément acquises. Il existe une troisième donnée essentielle : de plus en plus, nous devrons adapter nos logements et nos bâtis à l’évolution de l’humanité, qui devient vieillissante, dépendante et souffre de plus en plus de handicaps, de difficultés de mobilité… Il faut construire notre pensée en tenant compte de l’accroissement du vieillissement. Nous présenterons bientôt ce plan, qui comportera une série de volets, en particulier un volet relatif à la haute qualité environnementale.

III. La nécessité d’une culture partagée de la haute qualité environnementale Je partage totalement l’analyse de votre association sur le fait qu’il ne faut pas faire de la HQE une sorte de faux label. La HQE est bien une démarche, mais elle représente aussi des performances à atteindre. Ce qui est le plus durable, c’est tout de même le bien, le bâti, le logement ou l’équipement ! Au regard de l’écosystème global de la planète, c’est cette dimension qui sera in fine la plus importante.

1. La certification et la réglementation Il n’est pas possible de concevoir une démarche qui ne serait pas, au bout du compte, lisible pour le citoyen en termes de performances environnementales et sociales globales. C’est dans cet esprit que vous avez apparemment mené la réflexion sur la certification. En effet, il est nécessaire de certifier la démarche et de donner une lecture de l’élévation du niveau perfomanciel en termes environnementaux et de qualité de vie au produit final que représente le bâti ou le logement. C’est la bonne démarche à mener, même si elle n’est pas la seule qui doit travailler sur la haute qualité environnementale. Je reste partisane de la mise en place de certaines réglementations, mais qui ne portent pas le nom « normes HQE ». Des normes sectorielles ou globalisées doivent fixer des niveaux de performance technique, ou bien d’objectifs atteints mesurables et par conséquent opposables à l’usager. Ce dernier pourra alors être certain que le bien dans lequel il vit correspond bien à un niveau correct : ce niveau lui sera garanti lorsqu’il entrera dans son logement ou au sein d’un équipement public, mais ce bien sera en outre inscrit dans une gestion qui garantira sur une longue durée le maintien de la perspective d’économies d’énergie, de qualité de l’air, de préservation de la santé… Aussi, je crois qu’il faut élever notre niveau réglementaire, mais aussi certifier la démarche et la performance. Il apparaît en outre indispensable de conserver l’innovation et les démarches volontaires, que l’on parvient à valoriser en tant que telles. La HQE est avant tout un mouvement : il n’est pas question de l’arrêter à un instant donné puis de se contenter d’apporter des changements réglementaires. La HQE participe d’un changement culturel et le travail que vous menez doit être évolutif, notamment parce que les priorités mutent au cours du temps. Les attentes sociales et l’ampleur de certains

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problèmes se modifient, ainsi que la sensibilisation collective. Nous devons par conséquent entreprendre ensemble ce travail. La problématique de la certification soulève en premier lieu la question de savoir comment la définir : vous avez émis des propositions à ce sujet qui nous permettront de progresser assez rapidement. En second lieu, il convient de savoir qui certifie et à quel moment. Vous semblez, pour répondre à cette dernière interrogation, opter pour une focalisation du contrôle à des points d’étapes particuliers dans le déroulement de la démarche. Enfin, je suis favorable à ce qu’il existe une pluralité de certificateurs, car je me méfie de la pensée unique dans tous les domaines. Les agréments doivent revêtir un caractère sérieux qui permette de garantir que ces certificateurs, s’ils ne partagent pas tous la même culture de certification, convergent dans leur professionnalisation et dans leur intelligence des façons de faire. Ce sujet doit être maintenant pris à bras le corps, même s’il n’apparaît pas aisé de le traiter. Cette étape me semble indispensable pour HQE, notamment parce que le concept paraît compliqué et peut s’avérer décourageant pour un certain nombre des acteurs qui aspirent à le lancer. Je suis une « fanatique » de la démarche et, en tant qu’élue d’une commune, j’ai réalisé un agenda 21 local : lorsque j’ai commencé à expliquer à mes services, aux habitants de la Ville ou aux architectes que nous entamions une démarche HQE, ils en sont restés pétrifiés ! Ils se sont demandé comment « dérouler la pelote » ? Par quelle extrémité commencer ? Quels étaient les items pertinents ? S’il est normal que les pionniers de la démarche aient progressé dans les « sables mouvants », il faut maintenant clarifier la marche à suivre. Cela semble indispensable pour faire entrer la HQE dans une étape de généralisation et de changement culturel profond qui touche les citoyens. La démarche doit devenir plus facile à appréhender et il faut pour cela composer avec la culture historique de notre pays. En effet, nous ne sommes pas des Anglo-saxons : Descartes a pesé un poids important dans la pensée collective française, et notre manière de décliner la rationalité diffère complètement de celle qui prévaut dans le Nord de l’Europe par exemple. Aussi, nous avons besoin d’items relativement séquencés, puis d’une analyse des interactions et d’un arbitrage sur l’importance de ces interactions, pour parvenir à former l’intérêt général. Un Japonais ou un Anglo-saxon par exemple construiront leur pensée différemment. Si d’autres cultures développent des visions plus globalisées que la nôtre, je prétends qu’une démarche n’est pas plus noble que l’autre. Il est essentiel que nous soyons compris et que la HQE fasse participer le plus d’acteurs possible. Vous serez nécessairement insatisfaits dans un premier temps et nous devrons faire évoluer la démarche. En revanche, si nous ne partageons aucune base commune qui nous permette de commencer à modifier nos pratiques de manière plus massive, la démarche sera seulement la « cerise sur le gâteau », alors que le gâteau, lui, n’évoluera pas ! Nous devons par conséquent remplir cette obligation de pédagogie qui sera quelque peu restrictive – j’espère le moins possible – car elle est la condition pour qu’émerge une culture partagée de la haute qualité environnementale et du développement durable. Le fait que cela devienne une réelle culture partagée constitue un enjeu majeur : c’est pourquoi notre disposition ne sera pas simplement normative ou réglementaire et ne se limitera pas à une simple certification ou à un soutien à l’innovation. Nous devons mobiliser l’ensemble des acteurs, du début de la chaîne jusqu’au citoyen qui – à la limite – n’aurait pas à s’y intéresser a priori car il n’éprouverait pas de besoin particulier… Nous évoluerons par conséquent dans le domaine de la certification et de la réglementation, qui font preuve en France d’une certaine efficacité sur les comportements. La réglementation permet de garantir une certaine souplesse en pratique, car si elle peut paraître contraignante dans notre pays, nous avons une certaine capacité à adapter « spontanément » – et parfois trop – les obligations qu’elle porte ! Aussi, je ne crois pas que la réglementation porte autant que cela la menace d’uniformisation dont on la taxe souvent. En Europe, il existe peu de pays aussi centralisés que la France et qui présentent une telle diversité à 50 kilomètres près !

2. La contractualisation a. Le champ des professionnels Si l’Etat entend contractualiser avec une série d’acteurs, certains domaines ne procèdent pas nécessairement de la contractualisation et appellent plutôt un travail en commun, un soutien aux évolutions : il s’agit en particulier du champ des professionnels, qui apparaît fondamental. Votre Association, ainsi que les professionnels participant à ces Assises, représentez des éléments moteurs et déterminants. Je suis passionnément intéressée de constater que tous les métiers concernés ont envie de changer : cette conscience collective est présente aussi bien chez l’artisan que chez l’industriel important, même si les intérêts économiques des uns et des autres subsistent. Il existe une réelle volonté de s’intégrer au mouvement. Le monde du bâtiment, comme les acteurs de la commande publique ou ceux qui gèrent des bâtiments (HLM) sentent qu’il s’ouvre à travers cette démarche un champ fantastique d’innovation, une revalorisation de savoirfaire quelque peu étouffés sous une industrialisation banalisante, ainsi qu’une possibilité de mettre en œuvre une gestion plus fine, plus intelligente et plus proche des citoyens et de l’usager. Ainsi, il existe une envie de faire : pour les

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professionnels du bâtiment, de la branche des HLM, mais aussi pour l’ensemble des architectes et des bureaux d’études, il s’agit d’une occasion de renouveau des pratiques professionnelles et de revalorisation de certains métiers. Il me semble que nous pouvons susciter un enthousiasme collectif autour de l’intérêt général et de cette mutation : il s’agira de l’un des grands volets de notre plan.

b. Les bailleurs sociaux Un autre volet de notre plan sera la contractualisation avec les bailleurs sociaux : c’est dans ce domaine que l’intervention publique est la plus massive et que les financements sont les plus directs. Pour autant, nous ne leur demanderons pas de servir de « cobayes » pour des expériences que nous ne souhaiterions pas réaliser ailleurs. La position que je défends est simple : « faire chez les pauvres ce que l’on ferait chez les riches ». Il est important que les crédits publics soient maintenant orientés soit vers des constructions et des rénovations qui se situent dans le domaine HQE, soit vers des rénovations qui affichent des performances écologiques ou sociales améliorées et se rapprochant du concept de développement durable. A court terme par exemple, orienter obligatoirement plus de la moitié des crédits de réhabilitation (appelés PANULOS) vers le développement durable me paraît tout à fait réalisable. Nous possédons en effet l’avantage considérable, dans de nombreux cas, de voir converger l’intérêt social et l’intérêt environnemental. Par exemple, lorsque l’on investit pour réaliser des économies d’énergie dans la longue durée, les charges diminuent. Néanmoins, celui qui finance l’investissement n’est pas celui qui récupère la charge. Dans le domaine du logement social, de manière générale, le poids de l’action publique sur l’investissement peut jouer fortement, ce qui peut laisser penser que ces charges pourraient être plus signifiantes pour le locataire. Toutefois, je considère que le « décret charges », qui établit de manière intangible une séparation entre celui qui paie l’investissement et celui qui paie les charges, doit être repensé et rénové en tenant compte du développement durable, qui représente une économie de charges. Il n’est pas choquant que celui qui a investi puisse récupérer une partie de son investissement, pendant que le locataire bénéficierait d’une baisse de charges inférieure au total des économies réalisées. En effet – même si j’en rêve ! – l’investisseur privé ne commencera pas spontanément à investir dans ce domaine. Ainsi, nous devons engager une évolution, qui sera plus facile à amorcer avec les bailleurs HLM car les financements publics sont plus directs et peuvent être mieux orientés. Il faut que ce décret charges tienne compte de l’ensemble de la filière.

c. Les financements Je suis relativement méfiante parce qu’en tant que militante, j’ai constaté que le fait d’opérer des calculs sur l’ensemble des coûts sociaux ne permettait pas nécessairement, sur le terrain, de réaliser des économies. Par exemple, cette logique a servi à défendre le maintien à domicile des personnes âgées plutôt que les placer en institution : cette évolution était notamment censée alléger les charges supportées par les hôpitaux. Or il apparaît que l’autonomie coûte cher, alors que les crédits destinés aux hôpitaux continuent d’augmenter. En fait, il s’agissait d’un raisonnement en termes d’économies potentielles, alors que les financiers, le Ministère des finances ou les municipalités envisagent plutôt des situations réelles. Aussi, nous devons nous montrer très vigilants quant à la « mythologie » d’une économie potentielle qui, la plupart du temps, n’est pas réalisée en pratique (même s’il existe des exceptions). Si certaines économies peuvent être faites, notamment sur la consommation d’énergie, tout ne peut être récupéré. Le progrès ne se réalise jamais à coût constant, car nous accroissons notre PIB et nos dépenses. De ce fait, il n’est pas illégitime d’affirmer que la qualité environnementale entraînera globalement des coûts : dès lors, tout l’enjeu du débat de société consiste à savoir qui les supportera. Il est légitimement possible de penser que les assurances, tout comme le secteur public et les personnes privés, pourront y contribuer. C’est cet arbitrage que nous devons réaliser au mieux, dans un premier temps en progressant dans le domaine public (avec le décret locataire-bailleur), puis en s’adressant ensuite au secteur assuranciel dont chacun sait qu’il endosse une partie des risques.

d. Les collectivités locales Je signerai avec toutes les collectivités locales qui le souhaitent – les régions d’abord, puis les conseils généraux et les collectivités locales notamment celles qui sont déjà engagées dans des agendas 21 – des conventions qui permettront de globaliser les enjeux « habitat et développement durable » avec des financements spécifiques. En effet, l’habitat durable est aussi lié au développement spécifique des territoires. Si l’égalité des droits par exemple doit être garantie par l’Etat, la diversité des territoires constitue une richesse. Le développement durable suppose une valorisation du territoire, des matériaux spécifiques, des contraintes géographiques, des savoir-faire acquis, des paysages… Il s’agit aussi d’une chance pour assurer un développement durable endogène. En effet, derrière l’idée de développement local se profile par exemple celle des transports des matériaux : pourquoi chercher loin ceux que l’on pourrait obtenir localement, qui seraient plus adaptés au développement durable et dont la production contribuerait à l’essor d’entreprises et de savoir-

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faire sur le territoire ? Dans un mouvement de développement local endogène, l’artisanat, les entreprises locales, les savoir-faire locaux des professionnels peuvent être mieux placés en synergie et cela peut valoriser la richesse liée à la diversité de notre territoire. Ces contractualisations constituent des piliers importants, de même que le financement des réseaux associatifs par exemple. Ces derniers jouent par exemple un rôle extrêmement important pour conseiller les particuliers qui souhaitent habiter une maison individuelle, secteur qui constitue un champ d’évolution considérable.

e. L’administration Si l’administration elle-même n’opère aucune mutation, notre crédibilité sera limitée pour promouvoir cette culture partagée. Toutefois, l’administration n’a pas non plus vocation à jouer le rôle d’avant-garde alors que le reste de la société serait en décalage avec elle. De fait, il convient de lui fixer un objectif raisonnable : elle doit faire un pas en avant et, pour cela, il faudra se garder d’affirmer qu’elle fait preuve de mauvais e volonté... En effet, ce n’est pas en répétant à un élève qu’il est un cancre qu’on le rend intelligent ! Je crois à la pédagogie du succès. Notre administration a produit un certain nombre de points d’appui, comme par exemple la RT 2000, les travaux du CSTB. En outre, de nombreux agents, même s’ils sont parfois disséminés, affichent de fortes convictions et tentent de faire évoluer l’ensemble du dispositif. Il faut s’appuyer sur ces acquis pour faire muter profondément la formation des agents et l’organisation des services. Il convient aussi d’entamer un travail sur le volet important que représentent les grandes écoles, comme l’Ecole des Ponts ou l’Ecole des Travaux Publics etc. Les professionnels sont prêts à entrer dans ces évolutions, mais ils attendent que l’Etat leur signifie qu’ils doivent être, à partir de maintenant, les acteurs d’avant-garde du développement durable. Nous cherchons à vous en donner les moyens. Ce mouvement doit être engagé et le Plan que nous présenterons comprendra pour cela des moyens spécifiques. Il prévoira des réorganisations au sein des directions départementales et régionales de l’équipement, ainsi que dans les services centraux de l’Etat, tant dans la formation que pour les échanges de pratiques, et quant à l’importance qui devra être accordée par l’administration de l’équipement à certains sujets par rapport à d’autres. C’est ce changement culturel que nous tenterons d’inscrire au sein du plan que nous présenterons bientôt.

IV. Le développement durable : un enjeu de citoyenneté à saisir L’Etat a la volonté de se trouver à la croisée des chemins de cette entrée du XXIe siècle dans le développement durable. Pour autant, ce concept ne doit pas devenir une « tarte à la crème », à l’heure où tous les textes font référence au développement durable et solidaire : pour éviter cette déviance, le développement durable doit devenir un enjeu de débat public et un enjeu de citoyenneté, un enjeu d’innovation technologique et de compétition mondiale. Ce propos peut vous paraître surprenant, dans la mesure où je n’ai pas coutume de prôner la compétition ou la concurrence : toutefois, je constate que dans le monde actuel, toutes les firmes internationales prétendent qu’elles tendent au sustainable development. Or une société multinationale française, qui souhaitait construire un bâtiment « développement durable » pour son siège en France, s’est vue recommander par son bureau d’étude de ne pas recourir à un architecte français, au motif que ces derniers n’avaient pas bonne réputation en matière de sustainable development dans le monde anglosaxon. Il ne faut pas que le développement durable devienne un moyen pour le monde anglo-saxon de devenir l’hégémonie culturelle de l’Europe et de la Planète. Les pays du Tiers Monde par exemple refusent que la bonne gouvernance devienne les règles du FMI généralisées et obligatoires pour tous. Il ne faut pas que le développement durable et la HQE constituent une façon de banaliser les formes d’intervention économique, sociale, ou bien des normes ou des technologies d’une seule partie et d’une seule culture de la Planète. Pour cette raison, il apparaît fondamental que l’Europe affirme sa voix. Pour qu’elle se fasse entendre, tous ses pays membres doivent se montrer capables de porter leur culture propre du développement durable. En effet, s’ils n’y contribuent pas par leur apport spécifique, nous assisterons à la domination d’un seul. Nous devrons faire des compromis avec les Anglo-saxons car nous ne partageons pas leur manière de penser : toutefois, la pire des situations serait de ne rien avoir à apporter pour bâtir ce compromis. La France républicaine a toujours pensé que l’intérêt général, la chose publique – la République – constitue le bien le plus fondamental sur lequel chaque individu doit se mobiliser : il n’y a aucune raison que notre pays, qui est universaliste, soit incapable de se dire que la qualité de l’air ou de l’eau sont la chose publique du XXIe siècle ! Nous devons faire vivre cet intérêt général comme d’autres l’ont fait en 1789 pour l’émancipation de la personne humaine. Nous devons être les « Champions du Monde », non pas pour être les meilleurs, mais pour défendre une vision républicaine du développement durable. Si nous ne donnons pas l’exemple par nos pratiques dans notre pays, nous ne serons pas entendus par le reste du Monde. Nous réalisons des avancées dans le domaine de l’habitat, qui s’y prête peut-être plus facilement que d’autres secteurs comme le transport. En effet, l’habitat rassemble plus de convergences

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que de contradictions, entre la qualité de vie de chaque individu, les intérêts économiques de la rénovation et des technologies, et la capacité à défendre l’environnement. Mesdames et Messieurs, vous qui avez été les pionniers de la Haute qualité environnementale, je compte sur vous pour faire que ce grand défi collectif soit le grand succès de la France au XXIe siècle. Compte rendu réalisé par Ubiqus Reporting (ex Hors Ligne) - 01 44 14 15 00 www.ubiqus-reporting.com

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INDEX L’orthographe des noms ou l’exactitude des expressions qui figurent sur la liste suivante n’a pu être vérifiée : Alexandroff....................................................99

Marie-Christine Blandin................................124

Anthony Gidens ...........................................121

Maximilien Perret.........................................124

Ariel Amasmoudi.........................................116

MCMI..................................................115,116

bourgs centres..............................................128

monomur .......................................................44

Cabinet NRTEC ............................................34

Monsieur LAFAY..........................................70

Christian JOLRASSE.....................................23

Monsieur Ritz.................................................79

Claude AUBERT....................................97,114

PANULOS .................................................141

Claude ZANI.................................................97

Pascal BRONTIER........................................51

CNUSA........................................................86

Pierre BELLER..............................................67

David Gottfried................................................4

Pierre LEFEVRE......................................67,68

décret de décentralisation sur l’urbanisme .....117

Professeur FESTI ..........................................45

DHC .............................................................89

rapport Smirou...............................................38

Dominique RIQUIER SAUVAGE.........106,133

Raymond Demant ........................................129

fermacell........................................................22

Yann Norton................................................111

Georgina BONY..........................................107 Guy ARCHAMBAUD...................................32 Hansel COOKI .............................................80 Jean BOUILLOT....................................14,107 l’ABAC.......................................................125 l’ENFA .......................................................133 LOADDT......................................................87



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