EXPOSITION
EXHIBITION
Musée des beaux-arts de Montréal
The Montreal Museum of Fine Arts
Pierre Bourgie
Président
Stéphane Aquin
Directeur général
Yves Théoret
Directeur général adjoint
Mary-Dailey Desmarais
Conservatrice en chef
Mélanie Deveault
Directrice Éducation et mieux-être
Marie-Claude Lizée
Directrice par intérim Communications
Danielle Champagne
Directrice générale Fondation
Natalia Bojovic
Chef Production des expositions
Carolina Calle Sandoval
Chef Administration des expositions
Richard Gagnier
Chef Restauration
Eve Katinoglou
Chef Archives et bibliothèque
Natalja Scerbina
Coordination
Aïcha Chaouachi
Chargée de projet, scénographie Production des expositions
L’exposition Nicolas Party : L’heure mauve est organisée par le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM). Sa présentation est rendue possible grâce à l’importante contribution d’Hydro-Québec, en collaboration avec Hatch et Mirabaud. Le Musée tient à souligner le précieux soutien des galeries Hauser & Wirth, Xavier Hufkens, Karma, kaufmann repetto, The Modern Institute et Gregor Staiger, ainsi que l’appui de Maurice Kaufman et de Paek Kyoung Mee. Il remercie le Consulat général de Suisse à Montréal, Pro Helvetia, Fondation suisse pour la culture, et le Cercle des Anges du MBAM, qui est fier de soutenir son programme de grandes expositions, et reconnaît l’apport essentiel de son commanditaire officiel, Peinture Denalt, et de ses partenaires médias, Bell, La Presse et Montreal Gazette. Le MBAM exprime sa profonde gratitude au ministère de la Culture et des Communications, au Conseil des arts du Canada et au Conseil des arts de Montréal pour leur soutien constant. Le programme d’expositions internationales du Musée bénéficie de l’appui financier du fonds d’expositions de la Fondation du MBAM et du fonds Paul G. Desmarais. Le Musée remercie chaleureusement ses guides bénévoles pour leur dévouement inconditionnel, ainsi que ses membres et les nombreuses personnes, entreprises et fondations qui lui accordent leur inestimable appui – notamment la Fondation de la Chenelière, dirigée par Michel de la Chenelière, et Arte Musica, présidée par Pierre Bourgie. Que toutes les personnes qui ont permis, par leur concours, leur encouragement et leur soutien, la réalisation de cette exposition et du catalogue qui l’accompagne trouvent ici l’expression de notre plus sincère reconnaissance. Une présentation de
En collaboration avec
Pierre Bourgie
President
Stéphane Aquin
Director
Yves Théoret
Deputy Director
Mary-Dailey Desmarais
Chief Curator
Mélanie Deveault
Director Education and Wellness
Marie-Claude Lizée
Acting Director Communications
Danielle Champagne
Director General Foundation
Natalia Bojovic
Head Exhibition Production
Carolina Calle Sandoval
Head Exhibition Administration
Richard Gagnier
Head Restauration
Eve Katinoglou
Head Archives and Library
Natalja Scerbina
Coordination
Aïcha Chaouachi
Project Manager, Exhibition Design Exhibition Production
Nicolas Party: L’heure mauve is an exhibition organized by the Montreal Museum of Fine Arts (MMFA). Its presentation was made possible by the major contribution of Hydro-Québec, in collaboration with Hatch and Mirabaud. The Museum wishes to underscore the invaluable support of the art galleries Hauser & Wirth, Xavier Hufkens, Karma, kaufmann repetto, the Modern Institute and Gregor Staiger, as well as Maurice Kaufman and Paek Kyoung Mee. It thanks the Consulate General of Switzerland in Montreal, the Swiss Arts Council Pro Helvetia, as well as the MMFA’s Angel Circle, proud supporter of the Museum’s major exhibitions. It further acknowledges the invaluable contributions of its official sponsor, Denalt Paints, and its media partners Bell, La Presse and the Montreal Gazette. The MMFA is profoundly grateful to the Ministère de la Culture et des Communications, the Canada Council for the Arts and the Conseil des arts de Montréal for their ongoing support. The Museum’s International Exhibition Program receives funding from the Exhibition Fund of the MMFA Foundation and the Paul G. Desmarais Fund. The MMFA further wishes to acknowledge its Volunteer Guides for their abiding dedication, as well as its members and the many individuals, corporations and foundations—in particular, the Fondation de la Chenelière directed by Michel de la Chenelière and Arte Musica presided by Pierre Bourgie—for their generosity. Finally, we extend our gratitude to all the individuals who, through their assistance, encouragement and support, made this exhibition and its catalogue possible. Presented by
In collaboration with
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Musée des beaux-arts de Montréal
The Montreal Museum of Fine Arts
Pierre Bourgie
Président
Stéphane Aquin
Directeur général
Yves Théoret
Directeur général adjoint
Mary-Dailey Desmarais
Conservatrice en chef
Mélanie Deveault
Directrice Éducation et mieux-être
Marie-Claude Lizée
Directrice par intérim Communications
Danielle Champagne
Directrice générale Fondation
Natalia Bojovic
Chef Production des expositions
Carolina Calle Sandoval
Chef Administration des expositions
Richard Gagnier
Chef Restauration
Eve Katinoglou
Chef Archives et bibliothèque
Natalja Scerbina
Coordination
Aïcha Chaouachi
Chargée de projet, scénographie Production des expositions
L’exposition Nicolas Party : L’heure mauve est organisée par le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM). Sa présentation est rendue possible grâce à l’importante contribution d’Hydro-Québec, en collaboration avec Hatch et Mirabaud. Le Musée tient à souligner le précieux soutien des galeries Hauser & Wirth, Xavier Hufkens, Karma, kaufmann repetto, The Modern Institute et Gregor Staiger, ainsi que l’appui de Maurice Kaufman et de Paek Kyoung Mee. Il remercie le Consulat général de Suisse à Montréal, Pro Helvetia, Fondation suisse pour la culture, et le Cercle des Anges du MBAM, qui est fier de soutenir son programme de grandes expositions, et reconnaît l’apport essentiel de son commanditaire officiel, Peinture Denalt, et de ses partenaires médias, Bell, La Presse et Montreal Gazette. Le MBAM exprime sa profonde gratitude au ministère de la Culture et des Communications, au Conseil des arts du Canada et au Conseil des arts de Montréal pour leur soutien constant. Le programme d’expositions internationales du Musée bénéficie de l’appui financier du fonds d’expositions de la Fondation du MBAM et du fonds Paul G. Desmarais. Le Musée remercie chaleureusement ses guides bénévoles pour leur dévouement inconditionnel, ainsi que ses membres et les nombreuses personnes, entreprises et fondations qui lui accordent leur inestimable appui – notamment la Fondation de la Chenelière, dirigée par Michel de la Chenelière, et Arte Musica, présidée par Pierre Bourgie. Que toutes les personnes qui ont permis, par leur concours, leur encouragement et leur soutien, la réalisation de cette exposition et du catalogue qui l’accompagne trouvent ici l’expression de notre plus sincère reconnaissance. Une présentation de
En collaboration avec
Pierre Bourgie
President
Stéphane Aquin
Director
Yves Théoret
Deputy Director
Mary-Dailey Desmarais
Chief Curator
Mélanie Deveault
Director Education and Wellness
Marie-Claude Lizée
Acting Director Communications
Danielle Champagne
Director General Foundation
Natalia Bojovic
Head Exhibition Production
Carolina Calle Sandoval
Head Exhibition Administration
Richard Gagnier
Head Restauration
Eve Katinoglou
Head Archives and Library
Natalja Scerbina
Coordination
Aïcha Chaouachi
Project Manager, Exhibition Design Exhibition Production
Nicolas Party: L’heure mauve is an exhibition organized by the Montreal Museum of Fine Arts (MMFA). Its presentation was made possible by the major contribution of Hydro-Québec, in collaboration with Hatch and Mirabaud. The Museum wishes to underscore the invaluable support of the art galleries Hauser & Wirth, Xavier Hufkens, Karma, kaufmann repetto, the Modern Institute and Gregor Staiger, as well as Maurice Kaufman and Paek Kyoung Mee. It thanks the Consulate General of Switzerland in Montreal, the Swiss Arts Council Pro Helvetia, as well as the MMFA’s Angel Circle, proud supporter of the Museum’s major exhibitions. It further acknowledges the invaluable contributions of its official sponsor, Denalt Paints, and its media partners Bell, La Presse and the Montreal Gazette. The MMFA is profoundly grateful to the Ministère de la Culture et des Communications, the Canada Council for the Arts and the Conseil des arts de Montréal for their ongoing support. The Museum’s International Exhibition Program receives funding from the Exhibition Fund of the MMFA Foundation and the Paul G. Desmarais Fund. The MMFA further wishes to acknowledge its Volunteer Guides for their abiding dedication, as well as its members and the many individuals, corporations and foundations—in particular, the Fondation de la Chenelière directed by Michel de la Chenelière and Arte Musica presided by Pierre Bourgie—for their generosity. Finally, we extend our gratitude to all the individuals who, through their assistance, encouragement and support, made this exhibition and its catalogue possible. Presented by
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NICOLAS PARTY : L’HEURE MAUVE UNE ŒUVRE POUR TOUTES LES SAISONS STÉPHANE AQUIN
18
L’heure mauve est le titre d’un tableau du peintre symboliste canadien Ozias Leduc (1864-1955), entré dans la collection du Musée des beaux-arts de Montréal en 1961. Considérée comme l’une des œuvres les plus accomplies de l’artiste, mais aussi l’une des plus énigmatiques, elle montre une branche de chêne tombée dans la neige. L’entrelacs des branchages séchés, sur lesquels s’accrochent encore quelques feuilles dorées, ceint la neige qui, comme un ruisseau de lumière laiteuse, se déverse vers le bas de la toile. La scène pourrait tenir de l’anecdote – un banal accident de la nature comme il s’en produit infiniment ; or tout dans cette scène étrange, lumineuse et mystérieusement remplie de tristesse semble pointer vers un drame dont l’ampleur cosmique nous échappe. Le drame de l’heure mauve. La fin du jour et, à travers celle-ci, comme un possible, la fin du monde. C’est à ce tableau que Nicolas Party a choisi d’emprunter le titre du projet qu’il a élaboré pour le Musée des beaux-arts de Montréal. Dans l’esprit de la carte blanche, celui-ci a donné à l’artiste un accès illimité à ses riches collections, et lui a alloué comme espace de présentation les très nobles salles d’exposition du pavillon Michal et Renata Hornstein, dessinées par les architectes et frères montréalais Edward et William S. Maxwell et ouvertes en 1912, ainsi que l’élégante colonnade autour de laquelle elles se distribuent. Le résultat, L’heure mauve, n’est pas tant une exposition au sens habituel du terme qu’une œuvre d’art en soi, un événement, un vaste poème visuel dans lequel Party joue à la fois le rôle d’auteur, de metteur en scène, de scénographe, de conservateur de musée et de plasticien. Les salles ont été entièrement repeintes de couleurs riches et denses : vert sombre, bleu indigo, pourpre, lavande. Aux côtés de peintures européennes et canadiennes, signées notamment Otto Dix, Lawren S. Harris, Ozias Leduc et Nicolas Poussin, se trouvent des sculptures et des pastels de Party, certains installés à même d’imposantes compositions peintes directement sur les murs ; au lieu de bancs pour le public, des chaises choisies par Party dans les importantes réserves d’arts décoratifs du Musée font figure de visiteurs fantômes et prolongent la portée symbolique des œuvres. Le fil conducteur de L’heure mauve de Nicolas Party, c’est la représentation, à travers l’histoire de l’art, des différentes dimensions assignées par l’homme à la nature dans les derniers siècles jusqu’à aujourd’hui. Mêlant ses œuvres à celles du Musée, dans des salles entièrement repeintes, certaines enrichies de cloisons percées de grandes arches, Party décline ces diverses perspectives, l’une après l’autre. Cette publication en suit le déroulement : la nature comme un lieu de périls et d’effroi ; le territoire à conquérir, à dominer, à bûcher ; un champ jonché de ruines et de vestiges de civilisations anéanties ; un espace sublime et intact, des paysages vierges de toute trace humaine ; la scène de visions anthropomorphiques, où les formes naturelles ressemblent à s’y confondre aux formes humaines ; le lieu des catastrophes naturelles, de l’apocalypse sur terre ; enfin, le théâtre des métamorphoses et des mutations, où l’homme renouvelé émerge de ce périple
comme d’une chrysalide, à peine reconnaissable. Témoins muets de ce parcours à travers les différentes valeurs du paysage, des chaises vides que Party a tirées de la collection du Musée. Peinte en 1921, la toile L’heure mauve arrive au terme d’une série de neuf paysages, entamée en 1913 avec Cumulus bleu, dans lesquels Ozias Leduc, depuis la campagne de Saint-Hilaire où il vit, projette une image clairement symboliste du spectacle de la nature, image soutenue par le choix et le cadrage des sujets ainsi que la lumière dans laquelle ils baignent. On a pu voir dans cette peinture, par l’heure choisie, le passage du jour à la nuit, une allusion à la mort, ou encore, par cette branche de chêne à laquelle s’accrochent ses feuilles pourtant mortes au premier plan, une allégorie de la Renaissance et de la Résurrection. On a même comparé le lacis tortueux de branchages à la couronne d’épines du Christ, symbolisme parfaitement crédible dans le contexte de la société canadienne-française de l’époque, plongée tout entière dans le catholicisme. Un siècle plus tard exactement, L’heure mauve évoque un tout autre crépuscule, celui d’une planète mise en péril du fait des forces déstabilisantes de l’homme sur son environnement. L’ère chrétienne, qui mesurait l’histoire de l’humanité sur une base théologique, a fait place à l’ère de l’Anthropocène, paramétrée selon la géographie planétaire et l’action de l’homme sur celle-ci. Dans son texte, l’historienne de l’art Bénédicte Ramade pose très adroitement la question qui sous-tend l’ensemble du projet de Nicolas Party : « Comment regarder des œuvres antiques, baroques, classiques ou même modernes sans se laisser submerger par les tensions actuelles de la crise écologique ? », ajoutant plus loin que « les choix de Nicolas Party dans la collection du Musée des beaux-arts de Montréal, en artiste de son temps et grand érudit, permettent […] une traversée écocritique du passé à la recherche du présent et de l’avenir ». Mises en scène par Party dans le parcours de L’heure mauve, ces œuvres qui semblaient attachées à un passé lointain et clos de l’histoire de l’art revêtent soudainement une actualité brûlante. Par exemple, la nature morte réalisée par Frans Snyders dans les années 1640, étalage d’une abondance fabuleuse de victuailles comme en rêvaient les grands bourgeois d’Europe à qui le peintre anversois destinait ses toiles, prend aujourd’hui les allures d’une scène de carnage, exhibant toute la violence faite aux espèces sauvages. Ce qui se joue dans cette image – y compris la représentation des deux singes, alors présents dans les Flandres grâce au commerce d’objets et d’espèces exotiques de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales fondée depuis peu –, c’est le pillage immoral de la nature dont nous vivons maintenant les conséquences. Il en est de même des coquillages si admirablement peints par Jacques Linard dans sa Nature morte aux coquillages et au corail (1640), également un butin de ce nouveau commerce mondial de l’époque, dont plusieurs espèces sont aujourd’hui menacées, et l’une déjà disparue. 19
NICOLAS PARTY : L’HEURE MAUVE UNE ŒUVRE POUR TOUTES LES SAISONS STÉPHANE AQUIN
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L’heure mauve est le titre d’un tableau du peintre symboliste canadien Ozias Leduc (1864-1955), entré dans la collection du Musée des beaux-arts de Montréal en 1961. Considérée comme l’une des œuvres les plus accomplies de l’artiste, mais aussi l’une des plus énigmatiques, elle montre une branche de chêne tombée dans la neige. L’entrelacs des branchages séchés, sur lesquels s’accrochent encore quelques feuilles dorées, ceint la neige qui, comme un ruisseau de lumière laiteuse, se déverse vers le bas de la toile. La scène pourrait tenir de l’anecdote – un banal accident de la nature comme il s’en produit infiniment ; or tout dans cette scène étrange, lumineuse et mystérieusement remplie de tristesse semble pointer vers un drame dont l’ampleur cosmique nous échappe. Le drame de l’heure mauve. La fin du jour et, à travers celle-ci, comme un possible, la fin du monde. C’est à ce tableau que Nicolas Party a choisi d’emprunter le titre du projet qu’il a élaboré pour le Musée des beaux-arts de Montréal. Dans l’esprit de la carte blanche, celui-ci a donné à l’artiste un accès illimité à ses riches collections, et lui a alloué comme espace de présentation les très nobles salles d’exposition du pavillon Michal et Renata Hornstein, dessinées par les architectes et frères montréalais Edward et William S. Maxwell et ouvertes en 1912, ainsi que l’élégante colonnade autour de laquelle elles se distribuent. Le résultat, L’heure mauve, n’est pas tant une exposition au sens habituel du terme qu’une œuvre d’art en soi, un événement, un vaste poème visuel dans lequel Party joue à la fois le rôle d’auteur, de metteur en scène, de scénographe, de conservateur de musée et de plasticien. Les salles ont été entièrement repeintes de couleurs riches et denses : vert sombre, bleu indigo, pourpre, lavande. Aux côtés de peintures européennes et canadiennes, signées notamment Otto Dix, Lawren S. Harris, Ozias Leduc et Nicolas Poussin, se trouvent des sculptures et des pastels de Party, certains installés à même d’imposantes compositions peintes directement sur les murs ; au lieu de bancs pour le public, des chaises choisies par Party dans les importantes réserves d’arts décoratifs du Musée font figure de visiteurs fantômes et prolongent la portée symbolique des œuvres. Le fil conducteur de L’heure mauve de Nicolas Party, c’est la représentation, à travers l’histoire de l’art, des différentes dimensions assignées par l’homme à la nature dans les derniers siècles jusqu’à aujourd’hui. Mêlant ses œuvres à celles du Musée, dans des salles entièrement repeintes, certaines enrichies de cloisons percées de grandes arches, Party décline ces diverses perspectives, l’une après l’autre. Cette publication en suit le déroulement : la nature comme un lieu de périls et d’effroi ; le territoire à conquérir, à dominer, à bûcher ; un champ jonché de ruines et de vestiges de civilisations anéanties ; un espace sublime et intact, des paysages vierges de toute trace humaine ; la scène de visions anthropomorphiques, où les formes naturelles ressemblent à s’y confondre aux formes humaines ; le lieu des catastrophes naturelles, de l’apocalypse sur terre ; enfin, le théâtre des métamorphoses et des mutations, où l’homme renouvelé émerge de ce périple
comme d’une chrysalide, à peine reconnaissable. Témoins muets de ce parcours à travers les différentes valeurs du paysage, des chaises vides que Party a tirées de la collection du Musée. Peinte en 1921, la toile L’heure mauve arrive au terme d’une série de neuf paysages, entamée en 1913 avec Cumulus bleu, dans lesquels Ozias Leduc, depuis la campagne de Saint-Hilaire où il vit, projette une image clairement symboliste du spectacle de la nature, image soutenue par le choix et le cadrage des sujets ainsi que la lumière dans laquelle ils baignent. On a pu voir dans cette peinture, par l’heure choisie, le passage du jour à la nuit, une allusion à la mort, ou encore, par cette branche de chêne à laquelle s’accrochent ses feuilles pourtant mortes au premier plan, une allégorie de la Renaissance et de la Résurrection. On a même comparé le lacis tortueux de branchages à la couronne d’épines du Christ, symbolisme parfaitement crédible dans le contexte de la société canadienne-française de l’époque, plongée tout entière dans le catholicisme. Un siècle plus tard exactement, L’heure mauve évoque un tout autre crépuscule, celui d’une planète mise en péril du fait des forces déstabilisantes de l’homme sur son environnement. L’ère chrétienne, qui mesurait l’histoire de l’humanité sur une base théologique, a fait place à l’ère de l’Anthropocène, paramétrée selon la géographie planétaire et l’action de l’homme sur celle-ci. Dans son texte, l’historienne de l’art Bénédicte Ramade pose très adroitement la question qui sous-tend l’ensemble du projet de Nicolas Party : « Comment regarder des œuvres antiques, baroques, classiques ou même modernes sans se laisser submerger par les tensions actuelles de la crise écologique ? », ajoutant plus loin que « les choix de Nicolas Party dans la collection du Musée des beaux-arts de Montréal, en artiste de son temps et grand érudit, permettent […] une traversée écocritique du passé à la recherche du présent et de l’avenir ». Mises en scène par Party dans le parcours de L’heure mauve, ces œuvres qui semblaient attachées à un passé lointain et clos de l’histoire de l’art revêtent soudainement une actualité brûlante. Par exemple, la nature morte réalisée par Frans Snyders dans les années 1640, étalage d’une abondance fabuleuse de victuailles comme en rêvaient les grands bourgeois d’Europe à qui le peintre anversois destinait ses toiles, prend aujourd’hui les allures d’une scène de carnage, exhibant toute la violence faite aux espèces sauvages. Ce qui se joue dans cette image – y compris la représentation des deux singes, alors présents dans les Flandres grâce au commerce d’objets et d’espèces exotiques de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales fondée depuis peu –, c’est le pillage immoral de la nature dont nous vivons maintenant les conséquences. Il en est de même des coquillages si admirablement peints par Jacques Linard dans sa Nature morte aux coquillages et au corail (1640), également un butin de ce nouveau commerce mondial de l’époque, dont plusieurs espèces sont aujourd’hui menacées, et l’une déjà disparue. 19
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