10 Europe
0123 Vendredi 18 septembre 2009
Londres va ficher les 11,3millions Une majorité de Britanniques qui s’occupent d’enfants absolue reconduit A partir du 12octobre, un fichier destiné à lutter contre la pédophilie recensera, outre M.Barroso les professionnels de l’enfance, les parents qui encadrent bénévolement les loisirs de mineurs Le président de la Commission européenne sort renforcé du vote au Parlement de Strasbourg
Londres Correspondante
A
Wandworth Common, un parc du sud-ouest de Londres, tous les samedis matin, un groupe de pères britanniques apprend le football à une centaine d’enfants, pour une participation annuelle de 30 livres (environ 27 euros). Pendant ce temps, les mères de famille distribuent le café. Dans moins d’un mois, ces parents dévoués seront fichés par l’Independent Safeguarding Authority (ISA), une agence gouvernementale. L’ISA procédera à une enquête sur leurs antécédents et jugera s’ils ne représentent pas un danger pour des footballeurs en herbe. A compter du 12 octobre, tous ceux qui sont amenés à s’occuper « de manière fréquente [au moins une fois par mois] ou intensive [trois fois par mois] » d’enfants en Angleterre, au Pays de Galles et en Irlande du Nord devront s’inscrire auprès de l’ISA. Laquelle vérifiera qu’ils n’ont pas, dans une vie précédente, été suspectés de pédophilie ou de violence. Auquel cas ils devront se retirer. Les enseignants, les infirmières, les médecins, les assistantes maternelles, les proviseurs ou encore les dentistes sont concernés au premier chef. Mais la loi de 2006, qui a créé ce dispositif, va bien au-delà. Un adulte qui accompagne régulièrement des sorties de scouts, par exemple, devra lui aussi être accrédité. Tout comme les familles qui accueillent des enfants étrangers désireux de perfectionner leur anglais. Ceux qui oublieront de s’inscrire auprès de l’ISA encourent une amende de 5 000 livres. Tout comme leurs employeurs, qui seront passibles d’une peine de prison s’ils font travailler une personne que l’ISA a jugée inapte. « « La base de données anti-pédophiles », comme l’appelle le Daily Telegraph, qui mène une violente campagne contre son entrée en vigueur, devrait in fine ficher 11,3 millions de personnes, soit un adulte sur quatre. Jusqu’ici, le gouvernement recensait exclusivement les professionnels de l’enfance, mais pas de manière exhaustive et avec une enquête à leur sujet plus limitée que ce qui est désormais prévu. Il a ainsi déjà collecté plus de 5 millions de noms.
Strasbourg Bureau européen
J
Lors de son adoption à Westminster en 2006, la loi était apparue consensuelle. Les rares débats qu’elle avait suscités concernaient les 64 livres que doivent verser les fichés de l’ISA au titre des frais d’enquête qu’ils occasionnent. Il a été décidé que les bénévoles en seraient exonérés. Pour le reste, il n’y avait pas eu de polémique. Il a fallu attendre que l’ISA précise, il y a quelques jours, les modalités de sa mission pour que les critiques se fassent entendre. Des écrivains pour enfants, comme Philip Pullman et Anne Fine, se sont offusqué des « exigences insultantes » de l’ISA et ont menacé de ne plus se rendre dans les écoles. Le travailliste Barry Sheerman, qui préside la commission à l’enfance et aux familles de la Chambre des communes, a condamné la manière dont la loi était mise en œuvre et a appelé le gouvernement « à se saisir du dossier ». « Nous allons voir les clubs et les centres de loisirs pour enfants se vider et cela finira avec des jeunes qui s’ennuieront dans la rue », a ainsi commenté Chris Gayling, ministre de l’intérieur du cabinet fantôme conservateur. Dans le même ordre d’idées, la National Society for the Prevention of Children a jugé que cette législation mettait en péril « des activités par-
faitement saines et normales ». « Quand un dispositif destiné à protéger les enfants est critiqué de toutes parts, c’est qu’il va trop loin», a de son côté jugé Chris Huhne, pour les libéraux-démocrates. Ed Balls, le ministre de l’éducation, a dû annoncer, lundi 14 septembre, qu’il allait faire réexaminer l’ensemble du dispositif pour vérifier que le gouvernement « a bien placé le curseur là où il faut ». Sir Roger Singleton, le président
Laloiqui a créé cedispositiftrouve sesoriginesdans l’assassinat, en2002 àSoham, de deux fillettesde10 ans de l’ISA, a jusqu’à décembre pour juger si des « ajustements » doivent être envisagés. M. Balls a jugé utile de préciser que « les adultes qui rendent occasionnellement service à des amis en allant, par exemple, chercher leurs enfants à l’école, ne seraient pas concernés. Pas plus que les parents qui se rendent à l’école de leurs enfants pour le spectacle de Noël, ou autre ». La loi de 2006 qui a créé l’ISA et sa base de données trouve ses ori-
gines dans un fait divers qui a ému la Grande-Bretagne en 2002. Holly Walls et Jessica Chapman, deux petites filles de 10 ans, avaient été tuées à Soham (Cambridgeshire) par Ian Huntley. Cet homme travaillait dans le collège voisin, bien qu’il ait été impliqué dans des affaires d’agression sexuelle et de viols. Mais il n’avait pas été condamné dans ces dossiers. « La fureur qui a saisi le pays avec l’affaire de Soham nous a tous rendus paranos », juge aujourd’hui le détective à la retraite Chris Stevenson, qui a mené l’enquête sur les deux meurtres. Londres « a surréagi », juge-t-il, alors que la plupart des affaires de pédophilie sont le fait de membres de la famille ou d’amis. M. Stevenson n’est pas certain que la nouvelle loi aurait empêché le drame : Ian Huntley a rencontré ses victimes parce qu’elles étaient les élèves de sa compagne, rappelle-t-il. Et cela, aucune loi ne pourra rien y changer. Il y a quelques jours, M. Stevenson accompagnait son petit-fils de 9 ans à un match de football. Il était en train de le mitrailler avec son appareil photo quand un entraîneur lui a demandé de supprimer toutes ses prises ou de demander l’autorisation à tous les parents qui étaient présents. p Virginie Malingre
osé Manuel Barroso l’espérait sans trop y croire. Le président sortant de la Commission européenne a obtenu, mercredi 16 septembre, à Strasbourg, le soutien d’une large majorité d’eurodéputés en vue d’un second mandat de cinq ans. Le résultat est sans appel: 382 voix pour, 219 contre et 117 abstentions. Adoubé en juin par les vingt-septchefsd’Etatetdegouvernement, M. Barroso a dû ferrailler avant de convaincre une bonne moitiédel’Hémicycle.Cettemajorité absolue, conforme au traité – qui doit encore être ratifié – de Lisbonne, conforte sa position pour composer la prochaine Commission. Ce résultat, le seul candidat en lice le doit avant tout à la forte mobilisation de sa famille politique, le Parti populaire européen (PPE), le plus puissant du Parlement avec ses 265 élus. La veille du vote, M. Barroso recevait encore les eurodéputés de droite les plus réservés à son égard, dont les trois Français du Nouveau Centre qui rechignaient à suivre les consignes de vote de Michel Barnier, le chef de fil des députés UMP. Les eurosceptiques britanniques, tchèques et polonais (du groupe des conservateurs et réformistes,54sièges) ont euxaussisoutenu l’ancien champion du « mieux légiférer ». Ce soutien n’a pas empêché le candidat du PPE d’élargir sa majorité au nom d’une Europe « plus ambitieuse ». Accent
Le casse-tête du calendrier La formation de la Commission européenne sera d’autant plus complexe que des incertitudes demeurent concernant la ratification du traité de Lisbonne en Irlande, en République tchèque et en Pologne. D’après le futur traité, chaque pays disposera d’un commissaire dans le prochain collège. S’il n’entre pas en vigueur d’ici à la fin de l’année, le traité de Nice continuera de s’appliquer. Or ce dernier prévoit la réduction du nombre de commissaires, un sujet explosif pour les Etats membres.
sur le social, volontarisme régulateur, industriel et climatique, M. Barroso a multiplié les engagements et les promesses de postes aux deux partis charnières dont il sollicitait les suffrages dans l’espoir de bâtir une « majorité proeuropéenne ». Les trois quarts des libéraux (84 sièges), allemands et britanniques en tête, lui ont apporté leur suffrage, contre l’avis des élus du MoDem. Une trentaine de socialistes (sur 184 élus), dont les Espagnols et les Portugais, aussi. Le restedugroupesocialiste s’estsoitabstenu, soit prononcé contre M. Barroso, accusé d’avoir manqué d’ambition lors de son premier mandat, puis de réactivité face à la crise financière. Dans le camp des opposants figurent les socialistes français, belges, nordiques et grecs, une partie des démocrates italiens, les Verts (55 élus), la gauche ex-communiste(35)etlesformationseurophobes (32).
Référendum irlandais M.Barrosos’estdit«fier»dusoutien des parlementaires. Il dispose d’un mandat incontestable pour doser les équilibres au sein de la future Commission, dont la formation fera l’objet de négociations menées en concertation avec les capitales. Ces discussions débuteront après le scrutin législatif allemand du 27 septembre, et le référendumirlandaissurletraitédeLisbonne, le 2 octobre. La Commission, dont le mandat s’achève le 31 octobre, devrait être profondément renouvelée, la moitié de ses membres actuels pouvant ne pas être reconduits. Comme trois quarts des gouvernements européens sont de droite, M. Barroso devra compenser en attribuant des postes à des socialistes et à des libéraux. MartinSchulz revendique pour les socialistes, dontil préside legroupe,lepostede haut représentant pour les relations extérieures. Les libérauxdémocrates réclament le portefeuillede la justice et des droitsfondamentaux. M. Barroso a promis un collège «équilibré ». p Philippe Ricard
n Sur Lemonde.fr Vidéo La réélection de M. Barroso
La République tchèque s’enfonce dans la crise politique alors qu’elle n’a toujours pas ratifié le traité de Lisbonne Le gouvernement transitoire doit faire face à une forte dégradation des comptes publics Prague Correspondant
L
a vie politique tchèque ne tourne plus rond depuis le renversement du gouvernement du libéral Mirek Topolanek le 24 mars, en pleine présidence tchèque de l’Union européenne, et cette instabilité croissante inquiète ses partenaires européens. Le chef de la diplomatie suédoise, Carl Bildt, dont le pays préside l’Union européenne depuis juillet, a fait part de son incompréhension, mardi 15 septembre, à Bruxelles. « Nous avons toujours besoin d’explications de la part de nos amis tchèques pour suivre l’évolution politique rapide dans leur pays », a-t-il déclaré. Son homologue pragois, Jan Kohout, a concédé qu’« il se passe à Prague des choses difficiles à expliquer à nos partenaires ». C’est le moins que pouvait dire ce diplomate de carrière qui a
rejoint le gouvernement de technocrates formé en juin par le chef de l’Office des statistiques, Jan Fischer, pour une période transitoire jusqu’à des élections législatives qui devaient être anticipées à l’automne. Or, la Chambre des députés a renoncé, mardi, à se dissoudre, après avoir vu sa première tentative cassée par la Cour constitutionnelle, le 10 septembre. Elle devrait donc survivre, ainsi que le gouvernement, jusqu’au 3 juin 2010, le terme normal de la législature.
« Influence » affaiblie Pourtant, des échéances capitales attendent le gouvernement provisoire. Le cabinet de M. Fischer doit d’abord présenter un budget d’austérité pour faire face à un déficit abyssal des finances publiques l’an prochain. Le ministre des finances, Eduard Janota, haut fonctionnaire du ministère depuis l’époque communiste, pré-
voit un déficit de 9 milliards d’euros (7 % du produit intérieur brut) si aucune coupe n’est effectuée. Il propose de le ramener à 5 % du PIB en augmentant les prélèvements et en réduisant les allocations et les dépenses d’investissements. Les deux principaux partis, le Parti démocratique civique (ODS, droite) de M. Topolanek, et les sociauxdémocrates (CSSD) de Jiri Paroubek, s’y opposent. D’autre part, Prague devra rapidement choisir son candidat pour la nouvelleCommission européenne. La tâche s’annonce ardue. L’ODS et le CSSD espéraient le choisir seul, après les élections initialement prévues les 9 et 10 octobre. M. Fischer espère surtout que la République tchèque ne perdra pas son siège dans la nouvelle équipe de José Manuel Barroso. Après le référendum du 2 octobre, en Irlande, Prague sera la dernière capitale, avec Varsovie, à ne pas avoir achevé la ratification du traité de
Lisbonne, dont l’une des clauses prévoit le maintien d’un commissaire par Etat membre. En revanche, si la nouvelle Commission devait être formée selon les modalités prévues dans le traité de Nice, elle comptera moins de membres qu’il n’y a d’Etats membres. M. Fischer craint d’en faire les frais. Conscient que ces péripéties affaiblissent « l’influence de la République tchèque dans l’UE », le premier ministre a prié les sénateurs eurosceptiques de déposer au plus tôt les nouveaux recours qu’ils préparent contre le traité de Lisbonne devant la Cour constitutionnelle. Le succès de son appel est douteux : le but de l’europhobe président Vaclav Klaus consiste à faire durer la procédure de ratification jusqu’aux élections législatives en Grande-Bretagne, dans l’espoir qu’une victoire du conservateur David Cameron remette en cause le traité de Lisbonne. p Martin Plichta
Agriculture
Les actions des producteurs de lait se multiplient Epandages massifs de lait dans plusieurs départements français et en Belgique (photo), appels à la grève, distributions gratuites… Les actions spectaculaires se multiplient en Europe, dans le cadre de la grève du lait contre la chute des prix. Le syndicat European Milk Board (EMB) en a recensé également en Suisse, en Allemagne, en Italie, en Espagne, aux Pays-Bas et au Luxembourg. EMB estime que 40 000 producteurs participent à la grève, des données difficilement vérifiables, alors que les organisateurs sont entrés dans une guerre de chiffres de participation avec les laiteries. La commissaire européenne à l’agriculture, Mariann FischerBoel, sur le départ, devait faire de « nouvelles propositions » pour faire face à la crise, jeudi 17 septembre, devant le Parlement européen. Les grévistes réclament une baisse des quotas laitiers pour faire remonter les prix, une idée à laquelle la Commission est opposée. pLaetitia Clavreul (PHOTO : YVES HERMAN/REUTERS)