supplément actulabo de mai 2017

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LA LETTRE de la pharmacie industrielle

Supplément au n°302 du 17 mai 2017

RECHERCHE CLINIQUE LA FRANCE SORT DE L’ORNIÈRE Jean Stéphenne (BioWin)

Le post-AMM dope les CROs



actulabo

Point de vue

LA LETTRE de la pharmacie industrielle

SUPPLÉMENT AU N°302 DU 17 MAI 2017

RECHERCHE CLINIQUE LA FRANCE SORT DE L’ORNIÈRE Jean Stéphenne (BioWin)

Le post-AMM dope les CROs

actulabo Supplément au n°302 du 17 mai 2017 d’actulabo, la lettre bimensuelle de la pharmacie industrielle, publiée par MCM Presse, SAS au capital de 160 000 € RCS Tours B 450 613 591. Adresse : 14 boulevard Heurteloup BP 92031 - 37020 Tours Cedex 1 02 47 70 60 00 - contact@actulabo.com. Rédaction : François-Xavier Beuzon (rédacteur en chef) Jean-Christophe Savattier (rédacteur en chef adjoint) Aurélie Vouteau (édition). Ont participé à ce numéro : Aurélie Dureuil Guillaume Mollaret. Maquette : Régis Beaune.

Crédits photographiques : DR : 5, 6, 8, 9, 10, 11 Publicité : Nadine Gomès : n.gomes@actulabo.com 02 47 70 60 00 Impression : Dupli-print (Domont)

Informations légales : CPPAP 1220 I 83960 - ISSN 2108-2030 Dépôt légal : mai 2017

Directeur de la publication : François-Xavier Beuzon.

Vers un printemps de la recherche clinique française Saluée pour les performances de ses plateformes académiques hospitalières et pour ses positions d’excellence dans des aires pathologiques cruciales comme l’onco-hématologie, le cardiovasculaire, les maladies rares et les maladies du métabolisme, la France dispose naturellement de tous les atouts pour que sa recherche clinique brille dans les classements internationaux. Las, ses promoteurs sont confrontés de longue date à une réglementation kafkaïenne, à l’application rigide du principe de précaution, à l’impéritie de la régulation, ainsi qu’à une déperdition des ressources qui n’ont pas permis jusqu’alors de valoriser correctement l’implication des personnels hospitaliers et de la communauté médicale. Résultat, comme s’en sont régulièrement émus les industriels du médicament, la recherche clinique française a connu un indéniable déclin, ce qui n’a pas fait les affaires du tissu de CROs tricolores qui ont vu lentement le tapis se dérober sous leurs pieds. Les grands donneurs d’ordre se sont progressivement détournés de l’Hexagone qui n’était plus considéré qu’en tant que simple force d’appoint des grands essais internationaux, avec comme conséquence induite la dégradation des conditions d’accès des patients à l’innovation thérapeutique. Cette mauvaise passe est peut-être derrière nous. La mise en œuvre de la fameuse loi Jardé et la création d’une convention unique hospitalière qui facilite la contractualisation entre les sponsors des études et l’hôpital, commencent à porter leurs fruits, comme nous l’ont indiqué les professionnels que nous avons interrogés dans le cadre de ce supplément spécial, formule que nous inaugurons dans la présente édition d’actulabo. La montée en puissance des études post-observationnelles et du post-marketing, les nouveaux besoins des industriels du device ainsi que l’ouverture sous contrôle des grandes bases de données médicales de l’assurance maladie devraient donner plus de souffle et de corps au printemps de la recherche clinique française qui s’annonce… Jean−Christophe Savattier

Sommaire Recherche clinique : la France sort de l’ornière La recherche clinique française affiche un bien meilleur bulletin de santé, en dépit de vulnérabilités résiduelles. p.4 à 6 « Les acteurs de la chaîne réglementaire ne sont pas tous au clair » Denis Cornet, président de l’AFCROs, dresse un bilan plutôt encourageant des évolutions réglementaires. Des points restent cependant à améliorer. p.6 Sanofi met le big data au service de la recherche clinique La big pharma tricolore vient de changer de prestataire pour multiplier par cinq ses capacités de calculs et diviser par trois le p.8 temps de retour sur analyse.

L’accès aux données de santé se met en place Depuis la loi de modernisation du système de santé de janvier 2016, l’ouverture de l’accès aux bases de données de santé s’organise. p.9 Le post-AMM dope les CROs Les études post-AMM sont en croissance, créant ainsi de nouveaux marchés pour les CRO. p.10 « Le retour des grands programmes cliniques » Pour Gérard Sorba, le président de la CRO MultiHealth, l’évolution de la réglementation et la consolidation du marché favorisent le retour en grâce de l’Hexagone auprès des donneurs d’ordre. p.11

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Recherche clinique : la France file), dont le CA a progressé de 20 % en 2016. « Oui, c’est exact, on reste dans la course internationale en onco-hématologie par exemple, mais on décline dans les maladies neuropsychiatriques », nuance Thomas Borel, qui relève la forte concentration de l’activité de recherche clinique autour de plusieurs études de grande ampleur et de quelques acteurs. Ainsi, 7 pharmas ont réalisé 50 % des études recensées dans l’enquête du Leem, 80 % d’entre elles ayant été réalisées par 15 industriels du médicament. « Les positions restent vulnérables : si 94 % des études exploitables sont des essais internationaux avec une participation de la France, seules 33 études (6 %) ont été réalisées exclusivement en France ». « La France, qui était un peu mise sur la touche par les grands donneurs

CA > 5 Millions €

Classement des CROs du marché français par CA RANKING

SOCIÉTÉS FRANCAISES

1 2 3 4

ICTA MULTIHEALTH ENNOV ITEC SERVICES

2 Millions € < CA > 5 Millions €

Peut encore mieux faire ! Le marché français de la recherche clinique retrouve de l’attractivité et paraît progressivement profiter des mesures réglementaires découlant notamment de l’application de la fameuse loi Jardé. « Mais on ne peut pas prétendre pour autant que tous les voyants sont au vert », corrige le Dr. Thomas Borel, directeur scientifique du Leem. D’ailleurs, comme le démontre la traditionnelle étude bisannuelle commandée par les industriels du médicament pour mesurer l’attractivité de la recherche clinique hexagonale, « les délais réglementaires, notamment les autorisations accordées par l’ANSM et les avis obligatoires des CPP (comités de protection des personnes) ont plutôt stagné. La diminution du nombre de patients en phases I et II, marquées par le poids de l’onco-hématologie (90 % des études de phase I), a certes été compensée par une augmentation des patients en phases III et IV. Mais ce recul des phases précoces constitue un sujet de préoccupation parce qu’il compromet l’accès à l’innovation thérapeutique ». Une préoccupation que le décès intervenu chez le rennais

Biotrial en janvier 2016 n’a naturellement pas apaisée… Calculé en jours, le délai médian entre la soumission et l’autorisation accordée par l’ANSM aura même légèrement augmenté entre 2014 et 2016, en passant de 55 à 57 jours. D’une façon globale, l’exercice 2016 aura été marqué par un nombre un peu plus restreint d’études (586 en 2016, contre 613 deux ans plus tôt), mais par un nombre plus important de patients (16 222 contre 14 364). « Nos points forts en oncologie, et notamment en onco-hématologie, ainsi que dans le domaine du cardio-vasculaire, du diabète et du métabolisme, sont bien reconnus à l’échelle internationale », se félicite le Dr. Gérard Sorba, le président du groupe français MultiHealth qui regroupe une noria de CROs spécialisées (Clinact, TempoPharma, Vigilance360, Formatis et Clin-

5 6 7 8 9 10 11 12 13 14

CA < 2 Millions €

Après une phase de déclin dans les classements internationaux, la recherche clinique française affiche un bien meilleur bulletin de santé, en dépit de vulnérabilités résiduelles. Des modifications réglementaires ont déverrouillé un marché qui était handicapé par un poussif régime d’autorisation. Après des années difficiles, les CROs tricolores sont aujourd’hui bien positionnées pour répondre à l’appétence des donneurs d’ordre.

15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27

2015

METIERS

11 276 100 7 506 765 5 975 900 5 095 600

CRO / E-TOOLS / PV CRO / E-TOOLS / PV E-TOOLS CRO

AXONAL EURAXI PHARMA CEMKA EVAL BLUE REG PHARMA CONSULT RCTS SOLADIS FOVEA VIGIPHARM FOR DRUG CONSULTING KAPPA SANTÉ

4 999 900 4 596 700 4 448 100 2 996 800 2 939 800 2 513 400 2 408 100 2 242 600 2 084 100 2 025 000

CRO CRO / E-TOOLS / PV CRO PV CRO CRO CRO PV PV CRO

TÉLÉMÉDECINE TECHNOLOGIES ATLANSTAT THÉRADIS PHARMA CEMO STATITEC CDL PHARMA AMITIS CLININFO POPSI CUBE AEPODIA EXYSTAT EVAMED MEDSHARING

1 740 300 1 735 900 1 708 200 1 600 300 1 033 939 1 012 900 969 800 861 000 785 300 671 800 566 200 549 700 484 700

E-TOOLS CRO BIO BIO CRO BIO CRO E-TOOLS CRO CRO CRO E-TOOLS E-TOOLS

Source : Multihealth Group

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sort de l’ornière d’ordre, émet de nouveau des signaux positif, estime pour sa part Denis Comet, le président de l’AFCROs (Association française des CROs). Ça s’éclaircit ! La mise en application de la loi Jardé et la création d’un contrat unique hospitalier ont permis de dénouer la situation même si des obstacles subsistent ». Les opérateurs du marché sont unanimes à louer la mise en œuvre de ce contrat mettant enfin un terme à d’interminables procédures kafkaïennes qui compromettaient le lancement des études à l’hôpital. « C’est une libération », s’exclame le responsable d’une petite CRO française. « C’est une amélioration notable au sujet de laquelle il convient de rester vigilant », tempère Denis Comet. Cer-

tains de ses confrères font remarquer que nombre de responsables hospitaliers persistent à gonfler le montant des contreparties destinées à récom-

penser la qualité des recherches ; celles-ci viennent s’additionner aux grilles tarifaires pour la mise à disposition des équipements, des praticiens

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et des attachés de recherche clinique. « Ces contreparties pouvaient être justifiées avant la mise en place des nouvelles grilles tarifaires qui intègrent désormais beaucoup de surcoûts et qui valorisent la performance » soutient-on à l’AFCROs où l’on souhaite éviter que les adhérents de l’association soient impunément tondus par les gestionnaires hospitaliers. Pour autant, et en dépit de ces réserves, le marché semble propice aux CROs après des années très difficiles. « J’observe que seize sociétés françaises appartenant à la catégorie des CROs n’ont pas publié leurs comptes en 2015 et que deux d’entre elles ont arrêté leur activité en 2016 », indique Gérard Sorba. Il se félicite que le marché « se concentre aujourd’hui autour

d’acteurs significatifs qui, suite à un mouvement de consolidation, sont en capacité de proposer une offre multispécialisée et multicentrique aux grands donneurs d’ordre. » Le regain de l’attractivité de la recherche clinique française « est aussi lié à cette émergence de groupes aux pratiques plus industrielles, comme Icta, MultiHealth, Ennov ou Itec Services, quatre acteurs leaders dont le CA est supérieur à 5 M€. Ils procurent une grande crédibilité aux acteurs hexagonaux », estime cet analyste. Rien d’étonnant dans ces conditions à ce que les industriels prévoient d’accroître le recours à la sous-traitance pour leurs activités de recherche clinique. Déjà en 2016, plus de 58 % des études, contre 52,2 % en 2014, ont été

confiées à une CRO. « Nous fondons aujourd’hui beaucoup d’espoirs sur les études observationnelles et le post marketing (post AMM, phase IV), se réjouit Denis Comet. L’éclosion de la santé connectée et des dispositifs médicaux vont également constituer probablement de robustes relais de croissance ». Enfin, l’accès sous des conditions encore assez restrictives (cf. notre article page 9) aux bases de données médicales publiques (PMSSI, SNIRAM) qui sont en passe de s’ouvrir sous l’égide du tout nouveau Institut national des données de santé (INDS), pourrait donner un second souffle à ce printemps de la recherche clinique tricolore. Jean-Christophe Savattier

Denis Comet, président de l’AFCROs

« Les acteurs de la chaîne réglementaire ne sont pas tous au clair » Quinze ans après la création de l’AFCROs, son président dresse un bilan plutôt encourageant des évolutions réglementaires. Des points restent cependant à améliorer. actulabo : Les évolutions réglementaires que vous appeliez de vos vœux sont-elles au rendezvous ? Denis Comet : Nous sommes dans une phase intermédiaire. Les décrets d’application de la loi Jardé ont été publiés mais ils ont encore besoin d’être digérés ! Il faut le temps que tous les maillons de la chaîne

réglementaire s’imprègnent des nouvelles dispositions. Il y a un gros effort d’information et de formation à fournir. Les acteurs ne sont pas tous au clair sur le sujet ! actulabo : Le fonctionnement des circuits de décision s’est-il amélioré ? Denis Comet : Il y a des choses qui fonctionnent comme la mise en place de la convention unique hospitalière, d’autres qui ont besoin d’être clarifiées ou revues. L’ANSM a, probablement par manque de ressources et de moyens, du mal à suivre certains dossiers. On nous avait informé qu’une cellule ad hoc devait être créée au sein de l’agence pour suivre notamment les phases I ; à ma connaissance, elle n’a pas été installée. Et si le principe du tirage au sort du comité de protection de personne (CPP) me paraît toujours intéressant, en revanche, pour

certains domaines très pointus, comme celui des maladies rares, il aurait été plus judicieux de créer des CPP spécialisés. Ces organismes ne sont pas omniscients. Nous avions fait part de nos doutes, mais nous n’avons pas été entendus… actulabo : Votre action a-t-elle néanmoins porté ses fruits ? Denis Comet : Globalement, la situation est un peu meilleure qu’il y a deux ans. Le marché français a retrouvé de l’attractivité et le nombre de nos adhérents a progressé de 10 %. Je suis persuadé que de nouveaux acteurs venus du monde des technologies de l’information (IT) vont nous rejoindre, attirés par les promesses de la santé connectée et des études observationnelles. Propos recueillis par Jean-Christophe Savattier

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Christian Sarbach, président et pharmacien responsable d’AR2i

« Nous conjuguons l’art du développement analytique et du réglementaire » actulabo : Quel est le cœur de métier d’AR2i ? Christian Sarbach : Notre métier de base, c’est le développement analytique. Nous proposons à nos clients, qui sont à une très grande majorité des industriels de l’industrie pharmaceutique, des prestations d’analyse, des études de stabilité, de contrôle qualité, des analyses de principes actifs et d’excipients. Mais ce qui constitue notre force et notre avantage, est d’avoir mis sur pied une offre très complète et très pointue en matière réglementaire. Toutes ces prestations se complètent admirablement bien. Notre plateforme du Plessis Robinson, au sud de Paris, mutualise ces ressources au service des attentes des middle pharmas qui sont notre cœur de cible. Nous pouvons aller très loin dans cette prise en charge conjugée des dossiers.

actulabo : Comment avez vous réussi à constituer cette offre ? Christian Sarbach : Le groupe AR2i, qui emploie une trentaine de collaborateurs et a réalisé un CA de 2,9 M€ en 2016, a connu depuis sa création une croissance interne soutenue. Mais il s’est aussi bâti par acquisitions ciblées. C’est ainsi que nous avons racheté en 2003 un premier laboratoire de développement (LEC), fondé par Jacques Kouyaté. En 2009, nous avons pris le contrôle de PHD, davantage tourné vers le réglementaire. Puis, en 2015,

nous avons étoffé notre palette avec l’intégration de la partie réglementaire pharmaceutique des activités de Medibridge qui continue, pour sa part, à assurer des prestations en matière clinique et préclinique. Ce dernier deal nous a permis d’adresser des clients de taille plus importante. actulabo : Vos moyens sont-ils adaptés aux marchés visés ? Christian Sarbach : Nous exploitons aujourd’hui une plateforme de 1 000 m2 composée aux deux tiers de surfaces de laboratoires. Nous disposons, bien sûr, des moyens les plus modernes d’investigation, notamment en chromatographie, qui nous permettent une efficacité remarquable dans nos missions de

contrôle qualité. Ces technologies sont naturellement totalement compatibles avec les exigences des autorités réglementaires. Nos équipes sont aussi très impliquées dans les prestations d’identification des impuretés élémentaires présentes dans les médicaments (métaux lourds), des procédures répondant aux normes ICHQ3D auxquelles les laboratoires doivent se conformer ; elles sont l’une des grandes préoccupations du moment. actulabo supplément - mai 2017 - 7

www.ar2i.fr Tél. 33 (0)1 45 37 10 93


Sanofi met le big data au service de la recherche clinique La big pharma tricolore vient de changer de prestataire pour multiplier par cinq ses capacités de calculs et diviser par trois le temps de retour sur analyse. La valeur de la donnée n’attend pas le nombre des années ! Cela fait longtemps que le monde de la santé attend le big bang du big data. Pour autant, « 73 % des projets big data engagés par les entreprises ne sont pas rentables à ce jour », estime la sociologue Tricia Wang, spécialisée dans les nouvelles technologies. Aussi, lorsqu’une big pharma se lance dans une démarche big data pour sa recherche clinique, mieux vaut qu’elle ne se trompe pas, car il lui sera impossible de changer de prestataire pour une étude en cours. C’est ainsi que le géant Sanofi, qui utilise depuis 2014 la puissance de l’éditeur informatique Oracle pour faire tourner ses bases de données, doit rester sous contrat

jusqu’en 2022 avec le géant californien... bien qu’il a décidé de réaliser ses recherches cliniques sur les bases de données avec Teradata, un autre éditeur américain, à compter de novembre 2017.

la donnée a été bien saisie. En cas de problème dans un rapport, chaque métier peut également intervenir plus rapidement », précise l’ingénieur. Chez Sanofi, le circuit de la donnée se décompose en plusieurs étapes : en

“ AVEC TERADATA, SANOFI POURRA MENER 200 ÉTUDES CLINIQUES ACTIVES PAR AN

Un des avantages-clés du nouveau prestataire est la puissance de calcul de son système. À ce jour, sous Oracle, environ 40 études cliniques actives peuvent être menées par an. Dès novembre prochain, ce nombre pourra être porté à 200 avec le système Teradata que Sanofi a baptisé Maestro. « Tout va très vite en matière de calcul. Dans la première version de notre modèle en 2011, on pouvait gérer de front environ 10 études sous le même système », décrit Martin Longpré, solution architect R&D du n°5 mondial de la pharma. « Notre but est de centraliser le plus possible d’études cliniques chez Sanofi, plutôt qu’en passant par des contractants auprès de qui il faut récupérer les données patients », précise-t-il. Demain, ces données seront stockées et affinées dans un data center situé en région parisienne, à Marcoussis. En outre, pour la première fois, les études cliniques de Sanofi Pasteur, Aventis et Genzyme pourront être traitées dans les mêmes bases de données. Second point crucial : le rafraîchissement des données sera effectué toutes les deux heures, contre toutes les six heures aujourd’hui. « C’est important, car il s’agit du temps permettant de déterminer si

premier lieu, les chercheurs saisissent les informations sur leur ordinateur par le biais d’un logiciel SaaS baptisé Medidata. Ensuite, les équipes de Sanofi récupèrent automatiquement ces données chez l’éditeur afin de les intégrer aux bases de données Teradata. Elles sont ensuite restituées aux différents métiers, puis affinées avec d’autres logiciels analytiques tels SAS ou ClickView. Enfin, dernière étape : les métiers prennent contact avec les chercheurs pour délivrer les résultats. « Physiquement, la donnée ne fait aucun aller-retour. Elle reste, passée sa saisie, en permanence chez Sanofi, poursuit Martin Longpré. Il y a un gain très clair. Car dans la mesure où les temps de calcul sont raccourcis, on peut arrêter l’étude très rapidement si le produit ne répond pas au besoin. » Les recherches menées à Paris, Montréal ou Singapour exploitent les mêmes moteurs de recherche, tous situés dans le centre de données de Marcoussis. Ayant prévu large avec Maestro, Sanofi envisage de faire tourner dans ce même système certaines applications industrielles ou marketing car, avance Martin Longpré, « nous sommes pour l’instant en surcapacité ». Guillaume Mollaret

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L’accès aux données de santé se met en place Depuis la loi de modernisation du système de santé de janvier 2016, l’ouverture de l’accès aux bases de données de santé s’organise. Cette avancée attendue par tous les opérateurs de la recherche clinique française devrait être effective en juin. « L’enjeu, c’est de permettre un accès plus large et plus rapide aux données de santé », résume Mylène Girard, responsable de la mission d’accès aux données de santé de la DREES (direction de la recherche, des études, de l’éva-

luation et des statistiques) qui dépend du ministère des Affaires sociales et de la Santé. L’article 193 de la loi sur la modernisation du système de santé de janvier 2016 a, en effet, donné le coup d’envoi au Système national des données de santé (SNDS) ; deux décrets sont parus en décembre 2016. Concrètement, ces textes vont permettre à des organismes publics et privés d’accéder aux cinq flux chaînés du SNDS : les données de l’assurance maladie (base Sniiram), les données des hôpitaux (base PMSI), les causes médicales de décès (base du CepiDC de l’Inserm), les données relatives au handicap (don-

nées de la CNSA) et un échantillon de données en provenance des organismes complémentaires. Depuis le 1er avril, le SNDS regroupe les données Sniiram et PMSI. Il devrait être complété par les causes médicales

second qui aura un mois pour rendre un avis. L’absence de réponse vaudra alors avis favorable et le dossier sera transmis à la Cnil. « En musclant les procédures en amont, l’examen des dossiers par la Cnil sera

“ LES DÉCISIONS CONCERNANT LE COÛT DE L’ACCÈS AUX DONNÉES DEVRAIENT ÊTRE PRISES EN JUIN

de décès d’ici à septembre, comme nous le confie Mylène Girard. Par ailleurs, les 120 organismes publics définis (ANSM, État, CHU, équipes Inserm, ARS, etc.) ont vu leurs accès permanents mis en place durant le printemps. « Plus de 2 000 chercheurs n’auront plus besoin de faire de demande à la Cnil », confirme Mylène Girard. Une simplification qui devrait permettre de désengorger l’organisme délivrant les autorisations. L’Institut national des données de santé (INDS) et le Comité d’expertise pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé (Cerees) viennent d’être créés ; le premier analysera les demandes dans un délai de 7 jours avant de les transmettre au

facilité pour accélérer autant que possible les autorisations », ajoute Mylène Girard. La loi prévoit aussi des procédures simplifiées homologuées par la Cnil pour accéder aux données, notamment les méthodologies de référence. De façon générale, les conditions d’accès aux données reposent sur le fait que « les recherches présentent un caractère d’intérêt public », cette notion étant en cours de définition au sein de l’INDS. Une autre question est encore en discussion : le coût de l’accès. « Nous avons réalisé un état des lieux et des décisions devraient être prises au mois de juin », conclut Mylène Girard. Aurélie Dureuil

À consulter : www.snds.gouv.fr

Des données très prisées pour les études post-AMM « Pour un médicament mis sur le marché depuis deux à trois ans, il existe des données avec un intérêt potentiel, mais elles sont dispersées. Elles peuvent se trouver dans les bases de données médico-administratives mais aussi dans les structures académiques », confie François Gavini, responsable des études en vie réelle chez Roche France. Hubert Méchin, d’Helsia, cite également les réseaux sociaux sur lesquels « les patients parlent spontanément de leur vécu par rapport à leur médicament et qui pourraient être à terme une source potentielle de données ». Si l’enjeu est d’abord d’identifier les données de santé pertinentes et de qualité, il repose ensuite sur leur accès.

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Le post-AMM dope les CROs Requises par les autorités réglementaires ou à l’initiative des laboratoires pharmaceutiques, les études post-AMM sont en croissance, créant ainsi de nouveaux marchés pour les CROs. Les différents acteurs se montrent pourtant vigilants sur le terrain de l’accès aux données. « Les études post-AMM représentent un business de plus en plus important pour les CROs. Pour les entreprises françaises, il s’agit même de l’un des moyens de survivre sur un marché difficile », constate le Dr. Hubert Méchin, membre du bureau de l’AFCROs et président-fondateur d’Helsia, société de conseil et de formation dans le domaine de l’évaluation des produits de santé en conditions réelles d’utilisation.

La dernière étude sur l’attractivité de la recherche clinique du Leem, publiée début 2017, est venue confirmer cette tendance. Ainsi, les études de phase IV représentent 7 % des 507 essais recensés en 2016 (35 études), contre 2 % des 593 études de 2014 (12) et 5 % des 559

teuses. Elles sont très utiles au traitement des maladies rares pour lesquels les études sont menées sur un nombre de patients restreints. Le PGR est demandé soit au niveau français pour des AMM sur le territoire national, soit au niveau européen.

“ LES INSTANCES RÉGLEMENTAIRES SONT DE PLUS EN PLUS OUVERTES À DES INFORMATIONS EN VIE RÉELLE

études en 2012 (28). Cette nette augmentation s’explique par des évolutions réglementaires et médico-économiques. « Le payeur est à la fois de plus en plus demandeur de données médico-économiques, tandis que les instances réglementaires sont de plus en plus ouvertes à des informations en vie réelle», observe François Gavini, directeur des données en vie réelle de Roche France, qui précise : « En 2016, les études postAMM représentaient plus de 10 % des études de Roche conduites sur le territoire français ». Sur le plan réglementaire, le Dr. Lotfi Boudali, directeur des médicaments en oncologie, hématologie et des produits cellulaire à l’ANSM, rappelle que le règlement européen a, depuis 2005, rendu obligatoire la mise en place de plans de gestion de risques (PGR) pour la supervision des nouvelles substances actives et des biosimilaires : « Il permet de définir le cadre du suivi après l’octroi de l’AMM et comprend toute une palette de questions pour lesquelles on estime que les réponses ne peuvent être apportées ou dont on ne pourra disposer qu’après l’AMM ». Ces études complémentaires permettent notamment de caractériser les risques d’effets indésirables, de mésusages ou d’interactions médicamen-

« Après obtention de l’AMM, les industriels sont de plus en plus sollicités par la HAS pour apporter des données d’usage et d’impact de leurs médicaments dans le cadre de leurs discussions sur le prix. La demande de données figure dans l’avis de transparence. En 2016, nous avons atteint un record avec 26 demandes sur des médicaments », témoigne Hubert Méchin. Les laboratoires sont aussi à l’initiative des études : « Lors de la réinscription d’un médicament, il est de plus en plus opportun de pouvoir donner des informations supplémentaires de bonne qualité et informatives sur le médicament », estime François Gavini, de Roche. Ces études post-AMM peuvent être de plusieurs types. Il y a bien sûr les études menées auprès de médecins et des patients, « souvent en observationnel », précise Hubert Méchin. Il note également la tendance « depuis deux ans, à compléter ces études par l’analyse de données venant des bases de données médico-administratives ». L’évolution de la réglementation sur l’accès aux données de santé (lire page 9) pourrait d’ailleurs grandement favoriser l’essor des études post-AMM. Aurélie Dureuil

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Gérard Sorba, président du groupe MultiHealth

« Le retour des grands programmes cliniques » Pour le président de la CRO MultiHealth, l’évolution de la réglementation et la consolidation du marché favorisent le retour en grâce de l’Hexagone auprès des donneurs d’ordre. actulabo : La recherche clinique en France a t-elle retrouvé de l’attractivité ? Gérard Sorba : Oui, indéniablement, nous n’avons plus à envier ce qui se pratique dans les autres grands pays européens. Tant en matière d’autorisation que de recrutement de patients, les règles sont, depuis la publication des décrets d’application de la loi Jardé, beaucoup plus claires et simples. Nous assistons d’ailleurs à un retour des grands programmes cliniques qui avaient déserté l’Hexagone.

actulabo : La convention unique hospitalière a-t-elle contribué à ce retour en grâce ? Gérard Sorba : C’est une avancée majeure, mais elle est en butte à des pratiques qui contrecarrent ses avantages. Certains gestionnaires d’hôpitaux ont tendance à imposer aux sponsors et aux promoteurs des surcoûts qui renchérissent de façon excessive le coût des études. Nous avons aujourd’hui plusieurs projets qui sont au point mort pour ces raisons. Il serait vraiment dommageable que ces pratiques deviennent les grains de sable d’une mécanique de mieux en mieux huilée. actulabo : Comment caractériser l’offre française ? Gérard Sorba : Après un passage difficile qui a conduit à une consolidation du

marché, celui-ci s’est réorganisé autour de plusieurs groupes dont MultiHealth. Les entreprises ont industrialisé leurs process, intégré des compétences dans les domaines de la logistique ou du traitement statistique, comme nous l’avons fait en rachetant le toulousain Statitec. Les groupes sont désormais en capacité de mener des études à plus grande échelle. Les donneurs d’ordre internationaux en ont pris conscience, ce qui les incite à revenir. Propos recueillis par Jean-Christophe Savattier

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