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Les enjeux D 3 n o i s s e r p m i ’ de l e i r t s u d n i ’ l r pou L’ADIRA lance un club « impression 3D »
L’application souvent mise en avant dans la presse grand public est l’impression à domicile d’objets (coque de téléphone, pièces pour des réparations,…). Nous sommes loin des véritables enjeux industriels qui découlent de cette technologie. Souvent considérée comme cantonnée à la réalisation de prototypes, l’impression 3D s’intègre dans les process de fabrication et de production. Les pièces réalisées sont actuellement en service dans de nombreux domaines tels que l’aviation, le sport automobile, le spatial et le médical. Désormais accessible, elle apportera des changements importants dans nos modèles économiques et industriels, mêmes si certains restent à confirmer, avec : la production d’un grand nombre de modèles en petites quantités, la diminution des coûts de développement et de production, le raccourcissement des délais entre commande et production des pièces, la diminution de l’impact écologique avec une utilisation moindre de la matière et une fabrication proche du lieu d’utilisation. Un domaine intéressant de cette technologie réside également dans l’optimisation topologique des pièces. Il est ainsi possible de mieux répartir la matière dans un volume donné soumis à des contraintes (poids, résistance mécanique…). Cela permet de réfléchir à de nouvelles formes et d’alléger fortement le poids des pièces sans en affaiblir les caractéristiques techniques.
L’impression 3D poursuivra sa révolution avec une diffusion dans des secteurs d’activité de plus en plus divers (en fonderie par exemple, la réalisation de moules se développe). Elle ira croissant avec une diminution forte du coût des imprimantes, l’arrivée de nouveaux acteurs majeurs (HP), l’augmentation des cadences de production des machines et la mise sur le marché continue de nouveaux matériaux imprimables (métaux, plastiques…). L’enjeu est aussi territorial. Assisterons-nous à un regroupement d’entreprises visant à mutualiser des « fermes d’impressions 3D », ou encore à une déspécialisation et un rapprochement des lieux de production au plus proche des consommateurs (entreprises ou personnes) ? Il est encore trop tôt pour y répondre, car l’impression 3D ne peut, à l’heure actuelle, remplacer complètement les lignes classiques de production. Par contre, il est d’ores et déjà essentiel sur les territoires de développer et d’intégrer dans les cursus de formation, la pratique de l’impression 3D tant pour la maitrise des fichiers numériques destinés à être imprimés, que le paramétrage des machines ou la conception de pièces optimisées. Face à ces enjeux, il semblait essentiel que l’ADIRA propose à des entreprises industrielles de se regrouper pour échanger sur cette thématique. Une vingtaine de chefs d’entreprise ont pu évoquer leurs pratiques et attentes concernant l’usage de l’impression 3D. Ce Club s’est réuni à trois reprises depuis fin 2014, avec des échanges particulièrement instructifs. Certaines entreprises sont prêtes à franchir le pas vers une intégration plus poussée de la fabrication additive dans leur système de production.
Sébastien Leduc - © Alexis Delon – Preview
« Elle a le potentiel de révolutionner la façon dont nous fabriquons presque tout ! », voici comment il y a plus de deux ans, Barack Obama a introduit un vaste programme visant à faire de l’impression 3D - aussi appelée fabrication additive -, un des axes majeur de la nouvelle révolution industrielle aux Etats-Unis.
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le dossier
de l’adira
Mieux comprendre l’impression 3D depuis une dizaine d’années chez Schutt Grande Forge Schutt Grande Forge, PME de 21 salariés située à Eschau, est spécialisée dans la fabrication d’éléments décoratifs hauts de gamme en fer forgé, fonte et laiton massif pour l’aménagement intérieur et extérieur. La création des pièces est assurée par Jean-Louis Schutt, Directeur Général grâce au logiciel ArtCAM qui permet de réaliser de la « sculpture 3D » sur ordinateur. Bien que le rendu soit réaliste, il est devenu rapidement nécessaire de visualiser les pièces grâce à des prototypes créés en impression 3D (stéréolithographie) à partir des fichiers numériques. Schutt Grande Forge fait appel à des prestataires français. Le prototype en plastique est livré dans la semaine et permet de vérifier les proportions, améliorer et corriger la pièce. Il peut même être envoyé au client. Une fois le prototype validé, le même fichier numérique peut être transmis au mouliste qui devra tenir compte des contraintes de démoulage et du facteur de retrait (rétrécissement ou expansion selon les matériaux). La rapidité de réception des pièces et le faible coût de l’impression 3D ont permis d’accélérer le processus d’innovation et de création. Jean-Louis Schutt apprécie l’espace de liberté considérable en termes de créativité offert par l’impression 3D. Il est en revanche bien conscient des dangers du re-ingeneering qui permet de copier une pièce sans en avoir les plans. A ce jour, le coût de l’impression 3D métallique ne serait pas concurrentiel pour l’entreprise qui préfère utiliser les techniques traditionnelles de fonderie même pour les petites séries.
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La fabrication additive ou impression 3D est un ensemble de méthodes pour produire des pièces par dépôt de couches de matière extrêmement fines, lesquelles sont solidifiées par une source d’énergie (laser par exemple). Ces procédés permettent de réaliser directement des formes précises et s’opposent aux méthodes traditionnelles soustractives (usinage).
Un marché exponentiel
Le marché de la fabrication additive augmente de plus de 25 % par an depuis 2010 autant du côté des ventes de produits (machines, matières premières, logiciels…) que du côté des services (fabrication soustraitée, recherche, consulting, maintenance…). Le chiffre d’affaires de la fabrication additive au niveau mondial est évalué à 3 milliards de dollars et les études prospectives projettent d’atteindre 21 milliards en 2020. 10 000 imprimantes 3D « polymères » industrielles ont été vendues à travers le monde contre 350 utilisant le métal. Source : Wohlers Report 2013 Si la France a été rapidement dépassée par les Etats-Unis et l’Allemagne qui dominent le marché des constructeurs de machines, l’enjeu est d’être performant en termes d’usages et d’applications.
Processus de fabrication
Le modèle numérique de l’objet à produire est créé grâce à un logiciel de conception assisté par ordinateur. Ce modèle est ensuite envoyé vers une imprimante 3D dotée d’un logiciel qui va le « découper en fines tranches » et déposer successivement des couches de matières correspondant à ce nombre de tranches. Dans l’industrie, divers matériaux peuvent être utilisés : polymères, métaux, poudre minérale ou de polyamide, résine, cire. Il est également possible d’envisager des alliages de matériaux (ex. aluminium ou titane). Des recherches sont en cours pour utiliser des cellules humaines pour la fabrication de tissus organiques. Les applications sont nombreuses : prototypage rapide, fabrication de pièces pour l’industrie automobile et aéronautique, introduction de ces méthodes dans l’alimentation, la joaillerie (Skimlab à Strasbourg a ainsi lancé Jweel, activité de fabrication de bijoux personnalisés en 3D)… Dans le domaine de la santé, des implants dentaires et prothèses orthopédiques sont déjà fabriqués grâce à la fabrication additive.
Principes techniques
Le choix des technologies d’impression 3D dépend des propriétés des matériaux, de l’état de surface désiré, de l’utilisation de supports pour tenir la pièce lors de l’impression… Les polymères peuvent être utilisés en impression 3D, dépôt de fil, stéréolithographie et frittage laser. L’impression 3D métallique distingue la fabrication indirecte sans fusion (impression 3D, stéréolithographie) et la fabrication directe avec fusion (lit de poudre SLS, SLM, EBM, apport direct en projection de laser poudre CLAD, LENS, DMD, apport direct en dépôt de fil EBAM, Plasma Wire DMD, WAAM). Source : Benoît Verquin, CETIM.
© Schutt Grande Forge
Prototypage rapide
Mieux comprendre l’impression 3D
suite
Intérêts et perspectives de la fabrication additive
© BeAM
Les atouts de l’impression 3D sont multiples : réduction du cycle de l’innovation : le prototypage rapide permet de réaliser dans des délais courts des maquettes ou petites séries et de les tester sur le marché ; rapidité : il n’est pas nécessaire de procéder aux étapes d’assemblage (forgeage, conception du moule, soudage, collage…) ; économie de matière : l’impression 3D utilise 10 à 20 fois moins de matière que l’usinage ; possibilité accrue de réparation de pièces, ce qui constitue une source d’économies ; conception différente : la fabrication additive rend possible la réalisation de formes complexes impossibles à créer autrement. Par ailleurs, l’optimisation des formes permet de gagner en légèreté ou d’améliorer les performances (une pièce peut être renforcée aux endroits où elle subit le plus de pression et allégée par ailleurs) ; personnalisation en masse et production à la demande : il devient plus facile de s’adapter à la demande et de rectifier les fichiers numériques pour les décliner de manière personnalisée. La production à la demande allège la chaîne logistique (stockage, transport, assurance des marchandises…). Aux côtés des atouts de l’impression 3D, il subsiste des inconvénients, en particulier : une productivité trop faible pour envisager des grandes séries, le coût des matières premières, la menace pour les créateurs (atteinte aux droits de propriété intellectuelle) et pour la sécurité des consommateurs (respect des normes). A plus long terme, les perspectives de l’impression 3D suivent plusieurs orientations : possibilité d’imprimer des pièces de plus en plus grandes, augmentation des vitesses d’impression (ex. CLIP Continuous Liquid Interface Solution), diversité des matériaux utilisés notamment pour les alliages et tissus humains, personnalisation toujours plus poussée des produits. Enfin, le MIT mène des recherches sur l’impression 4D : il s’agit d’imprimer en 3D des objets évolutifs dont les matériaux sont conçus pour s’auto-assembler, se rétracter, onduler ou encore se déplacer sous l’influence de stimulations extérieures, comme des variations de température, de sons, de luminosité ou encore d’humidité.
es acteurs alsaciens D en pointe : BeAM, IREPA Laser et INSA
BeAM : une expertise qui révolutionne la maintenance dans l’aéronautique BeAM propose des machines sur-mesure d’impression 3D pour la réalisation ou la réparation de pièces aéronautiques. L’entreprise alsacienne, présidée par Emmanuel Laubriat, s’appuie sur la technologie CLAD développée par le Centre Régional d’Innovation et de Transfert de Technologie IREPA LASER installé à Illkirch. Grâce à l’impression 3D, BeAM a positionné son offre pour répondre aux contraintes de l’aéronautique : optimisation des qualités techniques des pièces, diminution des coûts liés à l’immobilisation des avions, ajouts de fonctionnalités, gains de matière première… En collaboration avec Chromalloy et IREPA LASER, BeAM a obtenu le plus haut niveau de qualification du monde dans le domaine de l’impression 3D en qualifiant plusieurs réparations de pièces de turbines d’avion Pratt et Whitney. Depuis mars 2015, BeAM a officialisé son partenariat avec Fives Machining, groupe français reconnu pour son expertise dans les machines-outils. Les deux entités complémentaires se sont associées pour la fabrication de machines 3D, leur commercialisation et leur SAV à l’échelle mondiale, ce qui garantit un accompagnement industriel des clients de BeAM. Le savoir-faire de BeAM sera ainsi étendu à d’autres secteurs de l’industrie.
INSA : Optimisation du process d’innovation et mise à disposition d’un fab lab « La facilité de conception engendrée par l’imprimante 3D ne doit pas nous dispenser de réfléchir à la façon de rendre plus efficace les phases plus amont de l’innovation dans les entreprises comme par exemple se poser de bons problèmes. » Tel est le message porté par Denis Cavallucci, professeur au laboratoire LGCO et co-responsable du fab lab de l’INSA. C’est cet esprit pragmatique qui caractérise l’appui du laboratoire aux entreprises en permettant de mieux cadrer le process d’innovation. Il s’agit notamment de réduire le temps des phases allant de l’émergence des idées tout en diminuant le risque qu’elles font encourir à l’entreprise lors des développements avals. Le partenariat LGCO / entreprise aboutira ainsi plus rapidement à la modélisation puis au prototypage en impression 3D. A cet effet, le fab lab (fabrication laboratory) comme les autres, met à disposition des ressources et des machines pour imprimer des pièces en 3D. Plus d’une centaine d’entreprises en France et à l’étranger ont travaillé avec les équipes de l’INSA. Plusieurs entreprises en Alsace ou à proximité ont en particulier collaboré récemment avec l’INSA sur leur process d’innovation : Faurecia, Alstom, Lohr industries, Soprema, Piscines Waterair.
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Pièces imprimées en 3D © Bruker Biospin
le dossier
Bürkert Bruker Biospin : mène une réflexion optimisation pour intégrer la 3D du «time to market» à la production grâce l’impression 3D
Bürkert est un groupe familial allemand créé en 1946 et qui s’est développé pour atteindre 2 600 collaborateurs à travers le monde. La filiale française s’est implantée à Strasbourg puis s’est installée à Triembach-au-Val en 1966 et compte aujourd’hui 210 salariés. Le site bas-rhinois regroupe une société de commercialisation et un centre de production de capteurs pour l’ensemble du groupe. Les produits de régulation des fluides vendus par Bürkert sont principalement utilisés dans les secteurs de l’eau, la pharmacie et l’agroalimentaire. L’entreprise s’intéresse également au marché de la microfluidique pour le secteur des biotechnologies. Historiquement, le groupe s’est équipé d’une machine de stéréolithographie pour la fabrication de prototypes et l’étude du design de pièces. Depuis deux ans, Bürkert fait appel à des prestataires français, anglais et allemands pour réaliser des moulesprototypes pour des pré-séries ou petites séries. Ces pièces sont utilisées pour fabriquer des petits boitiers, capôts… L’entreprise a également déjà utilisé l’impression 3D métal. Des moules en cire sont créés par impression 3D, les pièces sont trempées dans la céramique puis utilisées en fonderie. Selon Frédéric Rufi, Responsable R&D, l’impression 3D présente un intérêt aux différentes phases du projet de R&D : montrer une étude design à partir d’une idée, créer un démonstrateur proche de la pièce pré-série et enfin vendre le projet en interne, voire même aux clients. A court terme, l’impression 3D permettra d’augmenter la valeur ajoutée du produit en offrant à chaque client la possibilité de personnaliser son équipement. A plus long terme, on peut s’interroger sur la décentralisation de la production et la mise à disposition de fichiers (plans des pièces) pour encourager et partager l’innovation. Aux côtés des avantages et perspectives, Frédéric Rufi reconnaît certains inconvénients : le coût des petites séries reste relativement élevé en comparaison des techniques d’injection réalisées en interne. Par ailleurs, d’un point de vue contractuel et juridique, les prestataires se spécialisent souvent en prototypage et ne souhaitent pas assumer les exigences de délais et qualité pour des séries. Bürkert mène une réflexion pour s’équiper d’imprimantes et intégrer la fabrication additive à sa production.
Directeur de publication : Vincent Froehlicher Rédaction : Mathilde Lafaye, Sébastien Leduc Relations avec les prestataires : Sigrid Périn
Spécialiste en instrumentation scientifique, Bruker Biospin emploie 250 salariés à Wissembourg. L’entreprise est leader sur le marché de la Résonance Magnétique Nucléaire et en particulier de l’IRM destinée à l’imagerie pré-clinique sur modèles animaux à destination des centres de recherche. Bruker Biospin appartient au groupe Bruker (6000 salariés) et compte deux autres sites industriels principaux en Allemagne et en Suisse. Son implantation est mondiale pour les activités commerciales et de service. Selon Alain Belguise, Président, l’impression 3D est « une révolution industrielle qui démarre ». L’entreprise fait appel depuis 3 ans à un prestataire allemand pour produire des prototypes et des pièces en polyamide grâce au procédé de frittage laser (SLS - Selective Laser Sintering). Les ingénieurs du bureau d’études modélisent la pièce puis transmettent le fichier au sous-traitant qui envoie la pièce imprimée. Plutôt que de s’équiper d’une machine en interne, il a été jugé préférable de faire appel à un prestataire afin de bénéficier de son expertise et de ses équipements à la pointe de la technologie. L’impression 3D est utilisée en phase de développement pour valider une idée, vérifier une fonction tout en minimisant le coût global du projet et le risque inhérent à l’innovation. L’avènement de la fabrication additive a transformé le process de recherche et développement en réflexion itérative et permet de gagner du temps. M. Belguise est convaincu que le critère du « time to market » (délai de mise sur le marché) Frédéric Jaspard, R&D offre un avantage concurrentiel au vu de Product Manager Gradient la part importante de l’innovation dans les Systems, participe au Club activités du groupe. Bruker utilise également 3D piloté par l’ADIRA. l’impression 3D pour fabriquer des séries Les réunions organisées d’outillage de production (parfois même lui donnent accès à l’évolud’outillage jetable) et des pièces implantées tion des connaissances en dans les systèmes commercialisés. termes de process, matériaux et solutions. Il apprécie A ce jour, l’entreprise fait fabriquer des également la veille réalisée pièces en polymères mais étudie les par l’ADIRA pour les possibilités offertes par l’impression 3D membres du Club et partage métallique. ces informations avec l’équipe de R&D chez Bruker Biospin.
Conception graphique : la Couleur du Zèbre, 03 69 96 41 69 Impression : IREG, Strasbourg, 03 88 15 13 30 Abonnement : Contactez l’ADIRA. Avec le soutien financier du
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