catalogue évolutif André Dussoix supplément 2021

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Catalogue évolutif II, 1991-2021 André Dussoix www.dussoix.ch


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Page précédente : « Ghost Dog «, La voie du Samouraï, 2020, 120x120 cm (envergure 140cm) « Kristin, I loved you so long »,130x106cm, 2021, encre s/collage s/toile « Valérie, Cleveland, Yuli », encre s/collage s/toile, 2021, 100x130x4,4 cm. «Corps », Alvaro, 2020, 100x120 cm


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TRANSE D’ENCRE Ce qui m’intrigue le plus, ce n’est ni la nature morte ni le paysage, c’est la figure. C’est elle qui me permet le mieux d’exprimer le sentiment pour ainsi dire religieux que je possède de la vie. Henri Matisse Artiste aux multiples talents, André Dussoix manifeste dès son plus jeune âge, une vive curiosité pour le domaine artistique, notamment pour la peinture. Mais il est aussi attiré par le dessin, la sculpture, la céramique, le théâtre, la danse et l’art de la performance, tout en enseignant parallèlement les arts visuels à Genève durant une trentaine d’années. En outre, séduit par l’art primitif, il se nourrit de la dynamique des peuples anciens, ainsi que d’expérimentations chamaniques rencontrées lors d’un séjour au Mexique à la fin des années dix-neuf cent quatre-vingt qui le marquent profondément. C’est donc une visite passionnante à la ferme de l’artiste en Haute-Savoie où réside ses ateliers qui a permis, en automne 2019, la découverte de plusieurs décennies de création, à travers une étonnante variété d’expressions, un foisonnement de sujets, d’images, de matières, de formats, se bousculant dans une étonnante symphonie de couleurs et de mouvements. Sur papier, sur toile, sur lin, sur papier brûlé, des collages sur papier ou sur toiles, donnant jour à des œuvres totalement abstraites ou traquant au contraire une multitude de personnages, d’animaux, d’autres en lien avec le cinéma, parfois la calligraphie, offrent à l’oeil une panoplie d’émotions fortes et divergentes. En bref l’artiste, au fil du temps et des années d’enseignement, s’est penché sur de nombreuses techniques, expérimentées et appliquées dans son propre travail. Dans ce vaste labyrinthe aux apparences à priori contradictoires, un fil conducteur se dessine toutefois, malgré une rupture majeure provoquée par l’incendie des ateliers en 1982, qui a ravagé la bâtisse et l’intégralité des oeuvres. Face à des années de travail entièrement détruites l’artiste a su rebondir, se reconstruire, retrouver un chemin artistique en adéquation avec son parcours de vie. Pour la présente exposition quelques toiles de la magistrale série des « Abysses » ont été retenues. Non figuratives, ces œuvres puissantes, réalisées au début des années 2000, comptent parmi elles « Abysses turquoises » (2003) ou « Abysses Immersion » (2003). Envoûtantes, submergeant littéralement le spectateur par leur format imposant, elles l’immergent aussitôt dans des

3 profondeurs insoupçonnées. Balayées par une technique mise au point par l’artiste ces œuvres, mélangeant subtilement opacité et transparence, rallient mouvements et masses aqueuses colorées. Se précipitant sur le spectateur avec fracas et tumulte, parfois menaçantes, elles dévalent les roches pentues des abysses marins dans un vacarme détonnant. Pourtant, comme pour mieux protéger les joyaux de lumière et de vie animale et végétales qui se révèlent peu à peu en sous-jacence, un univers aquatique émerge alors comme par magie, découvrant dans ces abîmes profonds, des frémissements inexplorés. Au tréfond des âmes et des sens, une harmonie s’installe et l’imaginaire s’évade au gré de ces ondes hadales, génératrices et prometteuses d’une aurore rédemptrice et lumineuse.

LES ENCRES SUR COLLAGES SUR TOILE Au rang des réalisations les plus récentes s’inscrivent les encres sur collages sur toile, constituant la majeure partie de l’exposition d’automne 2021. De grand format, ces œuvres, centrées sur la forme humaine, animées par le mouvement et la trace affirmée du pinceau, cultivent les contraires. C’est un jeu du révélé et du caché, du rêve et de la réalité, du lisible et de l‘inexpliqué, d’une énergie déferlante et d’un statisme immuable, d’un sourire éternel et d’un présent anxieux, de la poésie et de la dureté, de la beauté et de l’obscurité. Tout au long de sa carrière, l’artiste se préoccupe de la mouvance des corps, qui s’enroulent, se déroulent, se redressent, se recroquevillent, se tendent, s’élancent, au gré des sons, des rythmes, des figures et des pulsions auxquels ils sont exposés. Ce qui le fascine c’est précisément la dynamique de la danse, le théâtre, la musique, des sources qui le nourrissent et le sollicitent en permanence. Pour la création de ces œuvres, le choix de l’artiste se porte sur le morcellement d’affiches de cinéma, collé sur toiles, rehaussé de peinture à l’encre et au feutre, avec une gestuelle donnant libre cours à ses talents de dessinateur et de peintre conjugués. Le collage est une manière de se réapproprier un passé, de le décliner sous une nouvelle forme au présent, une expérience rappelant celle des artistes « affichistes » des années soixante tels que Mimmo Rotella, Jacques Villeglé ou Raymond Hains, ou celle d’Henri Matisse et ses extraordinaires papiers découpés. Pour Hains, les collages lui permettent de raconter des histoires, de créer des associations d’idées, des rapports de sens nouveaux à partir d’éléments puisés dans le quotidien.


2021 Pour André Dussoix, c’est par habitude qu’il collectionne des morceaux de papiers les plus divers, des billets de concert, de spectacles, des tickets de caisse, des coupures de magazine ou autres articles, qu’il colle sur des feuilles volantes. Peu à peu il se met à peindre et dessiner par-dessus. Comme il l’explique, ce travail de récupération est primordial pour lui : « Récupérer, c’est reprendre souffle. » Récupérer un document, c’est pour ne pas le laisser se perdre. Récupérer un objet ce n’est pas nécessairement pour économiser, mais c’est pour lui redonner une seconde vie. Au lieu de partir du vide, du fond, ou du néant, on part d’un déjà plein, mais en déshérence ». Pour le présent travail, l’artiste récupère des affiches à la sortie de salles de cinéma en HauteSavoie qu’il fréquente régulièrement puis, de fil en aiguille, devant l’accumulation de ces archives, il éprouve alors le besoin d’en faire usage. Emblème ambivalent, l’affiche est un moyen de communication enrichie d’une histoire, qui a servi à transmettre un message et interpeler un public. Elle crée l’impression d’un présent qui se renouvelle, au gré du spectateur. Les affiches déchirées, porteuses de mémoire et de souvenirs, offrent la possibilité aux mots et aux images de trouver un sens nouveau. Ce processus permet de conserver une partie de l’image originale de l’affiche mais, au moment du report sur la toile, d’en transformer le message et d’en changer la signification. Ce processus revient aussi à s’emparer d’un monde, à sauver quelque chose du temps qui passe et à l’affecter au temps présent. L’œuvre revêt donc un double sens, celui d’origine pour lequel l’affiche a été créée et celui, détourné, de sa nouvelle « affectation » et mise en scène. Pour André Dussoix, le collage n’est toutefois qu’un moyen d’expression. Ce qu’il recherche avant tout c’est de « créer une toile peinte, car la peinture me possède » dit-il. S’ajoutant aux pinceaux, il utilise également des « outils de tagueurs » et de Street artistes, c’est-à-dire de l’encre molotov et des marqueurs au feutre. Avec énergie et fougue il transmet au trait une sorte de transe vibratoire, coursière des expériences conscientes et subconscientes expérimentées par lui au cours de ses différentes recherches spirituelles. Cet aspect de transe du trait, du trait unique posé sans retouche n’est pas sans rappeler l‘idée fondamentale du moine japonais Shitao, qui est celle du rôle primordial de « l’Unique trait de pinceau ». L’idée prônée par la pensée taoïste et du bouddhisme-chan, « veut que cet unique

4 trait de pinceau, soit à l’origine de toute peinture et qu’il en soit en quelque sorte la quintessence » (Wikipedia). André Dussoix se défend toutefois de pratiquer une forme de tag ou de graffiti, même si l’expression pourrait s’en rapprocher, son intervention et son intention ne jouant pas le rôle de signe ou d’identification comme celles revendiquées par ce type d’artiste. Si les corps en mouvement figurent parmi les nombreuses préoccupations de l’artiste, son intérêt et sa sensibilité ont aussi été touchés par les portraits d’acteurs. Mis en scène et dépouillés des textes publicitaires accrocheurs, puis déchirés, ils sont accompagnés par d’autres figures, comme témoins, à la périphérie de l’œuvre : « L’image éclatée et recomposée par le collage re-produit un instantané. Celui-ci me stimule et me donne l’impulsion afin de produire un momentum pictural et cinématique (dans la limite des deux dimensions). Ainsi recomposée, la toile réenchante l’espace en faisant revivre les acteurs, en les confrontant entre eux et avec l’espace qu’ils partagent avec la peinture ». Dans ce large éventail de possibles, chaque œuvre s’inscrit dans un parcours créatif d’une grande richesse, générosité, et virtuosité, dont l’accès parfois hermétique s’entrouvre grâce à un rai de lumière, aussi infime soit-il, en préambule à une découverte prenante et monumentale qui appelle humilité et modestie, philosophie et spontanéité, rêve et imaginaire, transe et magie. Aux confins de mondes diamétralement opposés s’orchestrent des espaces aux profondeurs inconnues, spirituelles, mystiques, qui se révèlent au fil de chacune des oeuvres, avec parcimonie, délicatesse, poésie, mais aussi élans tonitruants et étourdissants, parfois provocateurs. C’est toute la complexité de l’oeuvre d’André Dussoix, qui nous ouvre, à travers ce magnifique ouvrage, et la reproduction de toutes les œuvres figurant dans l’exposition -, quelques espaces et voies de compréhension au travers desquels se plonger, s’interroger, se questionner, avec esprit et espoir. Une série d’œuvres fortes, à l’image du temps controversé et perturbé que nous traversons, une exposition étonnante, énergique, hors des sentiers battus, qui appelle tant le regard, le cœur, l’intellect que le spirituel. Danielle Junod-Sugnaux Dr ès lettres Historienne de l’art Chavannes-des-Bois, le 29 janvier 2021 Art espace Junod 60 Route de l’Etraz, 1267 Vich info@artespacejunod.ch


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EXPO SOLO: TRANSE D’ENCRE, Art espace Junod, Vich, Vaud. Peintures à l’encre sur collage sur toile, huiles sur toile, dessins. Du 18 septembre au 30 octobre 2021.

«Tabou», Ryühei, 2020, 120x120x2 cm «Forever», Tabea, 2020, 120x100x2 cm «Strange Fruit», Emmanuel, 2020, 120x100x2 cm «Paranoid Park», Gabe, 2020, 120x100x2cm Peintures à l’encre sur collage sur toile.


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ANALYSE PARTIELLE DE L’ŒUVRE PRÉSENTE D’AD

notre imaginaire de lointaines représentations du drame humain durant des siècles de peinture.

Dans la perspective de l’exposition André Dussoix à la galerie Art espace Junod

L’espace-temps de ces ponctuations photographiques, en interférence avec celui de la trace picturale provoque une sorte de vibration qui relève d’une scénographie intimement vécue. Dès lors, les images sources ne sont pas des emprunts mais bien une rencontre, un déclencheur de créations originales.

Une facette importante et récurrente de l’œuvre picturale d’André Dussoix est vouée à la célébration du corps humain révélé dans l’action et le mouvement. Cette fois le propos se développe de façon inspirée à partir d’assemblages d’images de danse contemporaine ou d’affiches de films collées sur toile puis sur-peintes. La préoccupation de l’artiste pour la transfiguration du corps dans la danse ou lors de rituels n’est pas nouvelle. On la retrouve tout au long de sa carrière dans ses dessins, encres et peintures, également dans plusieurs performances novatrices où s’instaurait sur le vif un dialogue entre le peintre et une danseuse à l’aide d’un rétroprojecteur (cela bien avant l’ère du numérique), le propos étant toujours soutenu par des expériences personnelles approfondies: rencontre sur le terrain d’indiens d’Amérique centrale, expression corporelle avec Anna Halprin, danseuse et chorégraphe californienne, exploration de longue haleine de l’espace corporel par l’eutonie avec la création du groupe Espace Corps. Une récente série de peintures de grands formats nous immerge dans un art gestuel dont l’alchimie dépasse complètement cette forme d’épanchement individuelle que l’on rattache ordinairement à cette mouvance lyrique. Par les liens qu’il introduit avec le collectif, l’espace pictural de Dussoix est d’un tout autre ordre par la valeur conceptuelle de sa thématique humaine et figurative. En effet, l’apport de la réalité photographique induit une mise en perspective nouvelle du langage pictural du peintre en donnant au regard du spectateur des instants d’arrêts sur images, parties de corps ou de visage, véritable contre-point au geste peint.

En regard de ces travaux avec collages font échos des dessins et encres au pinceau de figures humaines mêlées d’animaux saisis dans un langage d’une surprenante et imprévisible sureté. Ces figurations griffées dans un élan vital parfois sauvage donnent à la brièveté de l’instant saisi une sonorité intemporelle. Dans sa globalité, le travail d’André Dussoix nous ouvre sur la part irrationnelle de notre condition humaine où sentiments, émotions, pulsions et pensées les plus contrastés forment notre pâte première. L’acte de peindre, plus actuel que jamais, dans sa symbolique spécifique inscrit de façon pérenne que nous ne pouvons échapper au rappel puissant du vivant. Notre monde matérialiste et connecté se voit par une telle quête recentré sur notre complexité essentielle et sur le mystère de notre vie temporelle. Pascal Saini Epesses, Genève, septembre 2021

Ce que suggère la réalité expressive de la photographie se trouve superposé ou englouti dans le brossage de la toile qui acquière une profondeur qui n’est pas sans séduction. Obscurcissement, éblouissement, le champ nous aspire dans un tournoiement qui brusque nos habituels repères et nous rappelle que nous ne sommes que partie émergeante d’une masse humaine. Les corps traversants la composition ou lovés en elle sont soumis à une nouvelle chorégraphie qui, loin de l’apesanteur est régie par une forme de gravité à la fois magique et sensuelle. La figure humaine ainsi déstabilisée, brassée, retournée, parfois par cohortes entières choque et réveille à

«Personnages», 2018, dessin à l’encre, 53x73cm


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«Le bal», Marwen, 2021 «Visage», 2020, «Feat», Maud, 2020 120x120x4 cm, envergure 140cm


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Toiles anciennes « Abysses: Retour », 2003, huile s/toile, 140x120cm « Méandres »,1998, huile s/toile, 80x100cm


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«LES DUSSOIX - DEUX GÉNÉRATIONS D’ARTISTES. «Galerie d’art Kaminska et Stocker, Rue de la Plaine 22, 1400 Yverdon-les-Bains, Vaud. www.kaminstocker.com

Rouleaux d’ANDRE: Encre et huile sur toile de lin, «Royaume des animaux et Hordes», 2019, env. 105x200 cm x, HADRIEN : mobilier et sculpture «Muse drapée», 2018, bronze et socle bois peint, 30x30x155 cm, XAVIER : «Chain Flag», 2019, caisson technique mixte, 23x30 cm.

André: dessins et peinture «Réunion», 2019, encre + huile s/toile, 115x114 cm


2019-2018

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Hadrien, Iréne, André, Xavier devant oeuvres d’IRENE : «Chou», 2010, 180x120 cm et «Acanthe», 2018, Dessin au fusain sur rouleaux de papier de Bâle

Xavier : Sculptures au Jardin, 2019, miroirs, fils

André: Voiles au jardin, 2010

«PASSAGES 4», Espace Eutonie Nicole Bloch, Nyon, VD. Encre s/peinture s/papier x 4 «CARNETS», Halle Nord, Genève. Deux carnets. «RONDE DE JOUR» (« DAY WATCH »). Installation et projection, Aula Ecole Emilie de Morsier, Châtelaine, GE. Film Addict Film Paris, Réal. Mathieu Peteul, assistant: Xavier Dussoix. Marie Ruchat, actrice, et André Dussoix le peintre et ses oeuvres. (Film aux nombreuses distinctions) sur www.dussoix.ch et vimeo. «L’INTERDIT», Gal. BROT und KASE, Soral, GE. Dessin à l’encre «EMOTICON», Gal. BODY&Soul, Geneve.


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