RENOUER AVEC L’EAU L’inondation comme un moyen de se relier à la nature
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Mémoire de Jury pour l’obtention du Diplôme de l’ESA Grade 2 fait par Caroline Bouchet et Afaf El Ghazali 19 Janvier 2018
Sous la direction de Roberto d’Arienzo et Marlène Ghorayeb
Mots Clefs : Eau, Inondation, Protection, Vulnérabilité, Catastrophe, Japon, Nagoya, Culture, Risque, Résilience, Prévention, Mémoire, Berge, Aléa, Renouer, Nature, Rivières, Communauté, Adaptation.
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E A U . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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J A P O N . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
N . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
N A G O Y A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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I N O N D A T I O N . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
REMERCIEMENTS Nos premiers remerciements vont directement à notre directeur Monsieur Roberto d’Arienzo et notre présidente de diplôme Madame Marlène Ghorayeb, pour leurs confiances et leurs soutiens. Nous remercions tous les membres du jury de leur présence et du temps accordé à notre diplôme ainsi qu’aux différents échanges. Nous sommes reconnaissantes envers Monsieur Boris Weliachew qui nous a éclairé sur la culture japonaise et nous a suivi tout le long de notre diplôme. Nous tenons à remercier Hirashi Komatsu-sensei pour son aide sur les différentes problématiques de la ville de Nagoya et ses besoins. Nous sommes aussi très reconnaissantes envers Madame Marie Thomas de prendre le temps de nous expliquer les différents aspects de l’inondation à Nagoya. Nous remercions pareillement Takashi Tashiro-sensei pour ses explications des catastrophes de l’inondation et de ses dégâts. Nous remercions également Toshiko Iwase pour son hospitalité et son aide durant notre séjour et tout le long de notre diplôme. Nous exprimons tous nos remerciements à Monsieur Augustin Berque, Monsieur Rémi Scoccimarro, Monsieur Philippe Pelletier, Monsieur Tetsuro Tsujimoto, Madame Marie Augendre, Madame Cécile Asanuma-Brice, Monsieur Yoann Moreau et Monsieur Marc Bourdier pour toutes les informations fournies. Nous tenons à exprimer nos sincères remerciements à nos familles qui nous ont soutenues et accompagnées tout au long de notre diplôme.
MEMBRES DU JURY
-Directeur du diplôme : Roberto d’Arienzo Architecte, urbaniste au sein de la société Systra, docteur en architecture à l’université Paris 8 et Federico II de Naples, chercheur au laboratoire GERPHAU et enseignant à l’Ecole Spéciale d’Architecture de Paris. -Présidente du diplôme : Marlène Ghorayeb Architecte, urbaniste, docteur en urbanisme et aménagement de l’espace. Enseignante et responsable de 3ème cycle d’urbanisme à l’Ecole Spéciale d’architecture. -Professeur extérieur de l’ESA : Eric Daniel-Lacombe Architecte, docteur en architecture et urbanisme, DEA Paysage Jardins Territoires et enseignant à l’École Nationale Supérieure de Paris-la-Villette sur les risques. -Expert dans la mitigation des risques majeurs : Boris Weliachew Architecte et ingénieur civil, docteur en architecture et en ingénierie, spécialisé dans la mitigation des risques majeurs de l’université Impériale de Tohoku, Japon. Enseignant à Paris Val de Seine et Paris Belleville. Expert international en Mitigation des Risques Majeurs. -Architecte DESA : Pierre Chastel Architecte DESA depuis 2012, urbaniste DESA depuis 2015. Architecte dans de nombreuses agences parisiennes comme Moatti et Rivière, Jean Paul Viguier et Associés avant d’ouvrir sa propre agence en 2016. Enseignant en troisième cycle à l’ESA. -Candide : Marc Le Cœur Historien de l’art, enseignant à l’École Spéciale d’Architecture depuis 2013, et chercheur de 2007 à 2012 au département des Estampes et de la photographie de la Bibliothèque nationale de France.
SOMMAIRE INTRODUCTION I. RELATION DE L’HOMME À L’EAU Monographie de l’eau Divinité de l’eau L’eau urbaine Manières d’habiter l’eau
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5 6 8 12
II. JAPON: ENTRE UNE NATURE BIENFAISANTE ET MENAÇANTE La création du Japon 22 A. Les nuances de la géographie nippone La situation insulaire sur le globe Les climats variés La végétation riche La topographie escarpée L’hydrographie veineuse La culture du riz au cœur du paysage L’archipel du risque
B. Évolution de l’urbanité japonaise
La « ville-sous-le-château » L’ouverture de l’archipel La conquête de la mer La Mégalopole japonaise La conquête souterraine Les cours d’eau,origine du développement urbain de l’archipel
C. Culture de l’eau
Les rituels de l’eau Les Japonais et leur amour du bain Les Jardins, symbolisme de la nature La pratique du fleuve par les Japonais
D. Culture du risque
Les concepts de la notion du risque La culture de survie au Japon La mémoire du risque La conscience du risque Le sentiment d’impermanence La catastrophe comme moyen de renouveau La gestion du risque
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43 45 46 48 49 50
54 56 58 60
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L’art porte parole des catastrophes La maîtrise de l’environnement physique La résilience du Japon
E. L’inondation au Japon
Les facteurs géographiques et climatiques Les stratégies contre l’inondation L’accroissement du risque
III. NAGOYA : VILLE VULNÉRABLE AUX INONDATIONS La naissance de Nagoya La position centrale dans l’archipel
A. Caractéristiques géographiques de la ville Le climat La végétation La topographie L’hydrographie
B. De la formation urbaine à une influence territoriale L’évolution historique de la métropole L’influence de Nagoya aujourd’hui dans l’archipel nippon
C. La vulnérabilité à l’inondation
La fréquence du risque d’inondation Les mutations du risque
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81 82 90
97 97
98 100 102 104
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D. Les types d’inondations Les différentes causes d’inondation
E. Les moyens de lutte contre l’inondation
Les mesures radicales Les réponses établies après la catastrophe La nature et l’eau au cœur d’une stratégie future
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128 132 136
F. La relation des Nagoyaïtes avec leur fleuve Leur rapport à l’eau à l’ère Edo Leur relation à l’inondation à l’ère Meiji Leur rapport à l’eau après la guerre Leur rapport à l’eau aujourd’hui
137 138 138 139
G. La découverte durant le voyage de la ville de Nagoya Les berges , une nature en ville mais difficile d’accès
IV. PROJET
Comment renouer les Nagoyaïtes avec leur fleuve ?
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LA STRATÉGIE URBAINE
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LE SITE
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LE PROGRAMME
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LA PRÉSENTATION DU PROJET
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CONCLUSION
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BIBLIOGRAPHIE
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ARTICLES
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OUVRAGES UNIVERSITAIRES
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SOURCES VIDÉOS
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INTERVIEWS
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TABLE DES ILLUSTRATIONS
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ANNEXES
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Fig.1. Le risque de l’inondation dans le monde
INTRODUCTION Depuis deux siècles, une nouvelle ère est apparue, celle de l’Anthropocène. Cette ère provenant de l’étymologie du grec «Anthropos» qui désigne l’Homme et «kainos» nouveau, est marquée par l’impact des activités humaines sur la planète. Elle reflète la force prédominante de l’Homme qui a considérablement influencé le cycle naturel de la Terre en puisant ses ressources naturelles d’une manière excessive. Par une urbanisation planétaire sans précédent et l’épuisement des énergies naturelles, il a non seulement transformé la biosphère et la biodiversité mais aussi l’hydrosphère et l’atmosphère. Grand responsable des changements climatiques, l’Homme aujourd’hui subit les conséquences directes de ses actes. En effet, l’accumulation du gaz dans l’atmosphère augmente la température de notre planète. L’accord de Paris à la COP21 en 2015 dont l’objectif est de limiter la hausse des températures à 1,5°C en 2100 et non de 2°C. Cependant, sans action, nous atteindrons 5°C en 2100. Cette hausse causera le réchauffement des eaux de mers et la fonte des glaces, et ainsi fera monter le niveau de l’eau. Cette montée des eaux met déjà en péril plusieurs pays et archipels, comme le Bangladesh et les Pays-Bas. Chaque jour, la Terre est ravagée par des catastrophes naturelles qui sont de plus en plus fréquentes dues aux dérèglements climatiques. Les inondations représentent la moitié des catastrophes naturelles mondiales qui font le plus de dégâts matériels et perturbent le quotidien des populations. L’ Asie en est particulièrement touchée et déplore le plus grand nombre de victimes provoqué par sa zone sismique et son climat de mousson. Quant au Japon, ambassadeur des risques naturels, connaît depuis des millénaires des manifestations de la nature particulièrement brutales; éruptions volcaniques, séismes, tsunami, glissements de terrains, tempêtes de neige, sécheresse, typhons et inondations. Très tôt les Japonais ont acquis une expérience dans la gestion du risque qui en a fait un bon exemple et un terrain adéquat à l’expérimentation. Ce phénomène nous pousse à remettre en question l’avenir des villes exposées au risque d’inondation. Les aléas naturels et anthropiés nous invitent à nous interroger sur les liens que nous entretenons avec le monde qui nous entoure. 1
Dans l’archipel nippon, les multiples rivières et la forte pluviométrie de la troisième grande métropole, font de Nagoya, la ville la plus exposée au risque d’inondation. Elle est chargée d’un passé de catastrophes liées à l’eau. Du typhon d’Ise en 1959 causant 5000 morts à la crue du Tokai en 2000, la ville connaît tous les ans des problèmes d’inondation. Ces catastrophes majeures furent une grande leçon pour le pays, ce qui a favorisé l’amélioration de ses systèmes de prévention et de protection contre ce risque. En effet, le risque est un moyen de renouveau qui permet de faire évoluer la ville et la population. Les risques et les villes évoluent en concomitance. Cependant, pour se protéger de ces menaces constantes, la ville de Nagoya a tourné le dos à ses rivières et à la nature en construisant des murs en béton qui l’encerclent. Ses berges sont ainsi délaissées. Or, les Nagoyaïtes ont toujours entretenu une relation étroite avec la nature, mais la modernisation du pays a bouleversé ce lien. Le renouement de la nature avec la ville serait un bon moyen de lutter contre l’inondation. Pour cela, il nous semble nécessaire non seulement de changer notre manière de construire et d’habiter en ville mais aussi de trouver une harmonie et équilibre entre la ville et la nature car l’Homme fait partie de la nature et non du béton. De quelle manière, l’intégration de la nature-eau en ville pourra être un autre moyen d’adaptation au risque d’inondation ? Travailler avec l’eau et non pas contre elle, ne serait-il pas un instrument pour retrouver une harmonie en ville ? Dans un premier temps, nous étudions la relation de l’Homme avec l’eau dans une approche globale. Dans un deuxième temps, nous analyserons le Japon sous tous ses aspects, passant de ses caractéristiques géographiques, à sa culture japonaise et enfin sa gestion et prévention contre le risque d’inondation. Et enfin, nous expliquerons l’évolution de la ville de Nagoya devenant une puissance influente dans l’archipel, ensuite, sa vulnérabilité et ses stratégies 2
pour lutter contre l’inondation. “C’est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain n’écoute pas.” Victor Hugo « What is the City but the People ? Que sont les villes sinon des personnes ? Les personnes sont la ville. Un groupe hétérogène de personnes qui vivent dans un même lieu et ne se connaissent pas. Un ensemble de maisons ou d’immeubles, des architectures sublimes, des jardins paradisiaques, des boulevards délicieusement ombragés, tout cela ne constituera jamais une ville mais une coquille vide. Ce sont les gens qui confèrent à une ville son âme et cette énergie qui parcourt les rues et illumine d’un éclat particulier l’immeuble le plus insignifiant et la rue la plus passante.» 1 William Shakespeare
1 La Cecla Franco, Contre l’Architecture, Arléa, 2011, p 125
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Fig.2. La projection de Fuller est une projection cartographique de la Terre sur la surface d’un polyèdre à plat. Ni le Nord ni le Sud, n’existent sur cette carte mais celle-ci met en évidence l’importance de la surface des océans sur notre planète.
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I. RELATION DE L’HOMME À L’EAU Monographie de l’Eau « L’eau n’existe pour nous que dans la mesure où elle nous mouille, nous lave, nous baigne, nous nourrit, et que nous la buvons, nous la pissons, nous nous y noyons – ou au contraire que nous mourons de soif.» 1 L’eau est une ressource indispensable pour l’Homme et pour la planète. Elle recouvre 72 % de la surface de la Terre dont 2,8 % d’eau douce. Elle constitue 65% d’un corps adulte, sans elle nous ne pouvons survivre plus de 2 jours.2 De manière scientifique, elle est l’unique élément qui se manifeste sous les trois formes solide, liquide, et gazeuse. Changeante au gré des heures et des saisons, elle coule, circule, tombe, imprègne, s’accumule et s’évapore au sein de la planète. L’eau est partout, en nous, hors de nous, dans la mythologie, les arts, la littérature, la musique, la poésie et l’architecture. C’est un élément qui nous transporte physiquement et qui transporte notre imaginaire. L’eau est mystérieuse, elle nous attire mais elle ne se laisse pas saisir. « L’eau ne connaît pas de frontière »3, elle est libre, elle va, elle vient, elle est immaîtrisable. L’eau est singulière et multiple à la fois. Pour Gaston Bachelard l’eau peut se manifester comme, eau claire, eau vive, source, stagnante, salée, fraîche, réfléchissante, transparente, profonde, dormante, purifiante, informe et violente.4 Elle est un élément contradictoire, aussi bien nourricière, source de vie et de plaisir, que destructrice source de peur et de mort. L’eau accompagne les civilisations et a souvent été «sculptrice de cultures»5 inspiratrice d’art et de techniques. Tous les Hommes ont partagé la même expérience du bain amniotique, mais en fonction de leurs cultures et de leurs territoires, ils ont utilisé l’eau différemment. Elle est ainsi élément universel 1 Barraqué Bernard, Roche Pierre-Alain, (sous la dir), Peurs et plaisirs de l’eau, Paris , Hermann, 2010, introduction par Pierre-Alain Roche 2 Kircher Fabrice, Becker Dominique, L’eau, Mythes, légendes et temps moderne, ramuel, Villeselve, 2003, p 135 3 Godard Philippe, Merle Claude, Une histoire de l’eau, des origines à nos jours, Paris, autrement, 2008, p 5 4 Bachelard Gaston, L’eau et les rêves, Paris, Librairie José Corti, 1942 5 Rama Martina, « Quel rôle pour la culture face aux enjeux actuels de l’eau», in Barraqué Bernard, Roche Pierre-Alain, (sous la dir), Peurs et plaisirs de l’eau, Paris , Hermann, 2010, Pp 520
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mais aussi culturel. Comme le fait remarquer Jean-Louis Olivier, est-ce par hasard que «culture» provient du latin « colare, cultus» qui veut dire « couler, s’écouler»? L’eau est omniprésente, elle nous sert de mille façons, c’est un solvant sans pareil, et est devenue un objet de plaisir et confort. Divinité de l’eau L’eau est présente dans les différentes mythologies, mythes littéraires ainsi que symboliques religieuses et culturels. Elle hante l’imaginaire de l’Homme et ne cesse de véhiculer des mythes. L’eau est l’origine de la vie primordiale d’après la mythologie germanique et la majorité des grandes religions du monde. Cet élément cosmique, fait partie des quatre éléments de l’univers parmi le feu, la terre et l’air. Elle possède d’innombrables caractères dont le sacré. Elle sépare le pur et l’impur, le Bien et le Mal. Les mythes de l’eau sont nombreux. Ils sont liés souvent à deux thèmes; la destruction et la recréation. La destruction d’un monde malsain où règne impureté et méchanceté, par le grand déluge comme symbole de punition divine. La recréation source de vie nouvelle permet de fonder une nouvelle humanité régénérée. L’eau exprime la dualité, entre bénédiction et malédiction. En effet, lorsque la pluie douce tombe, la terre est couverte de verdure et la saison des récoltes est florissante, c’est la bénédiction divine. En revanche, la pluie abondante générant des inondations et des catastrophes est le signe de malédiction. L’eau, symbole de pureté et de vie, est le moyen de purification rituelle dans les différentes religions (Judaïsme, Christianisme, Islam, Bouddhisme, Hindouisme, Shintoïsme...). L’eau incarne la vie et la mort, le premier baptême et les rituels funéraires. Les eaux lustrales ont un rôle primordial dans le rituel de l’ablution (du latin ablutio, « lavage») contre toutes impuretés. Spirituellement, l’eau est associée à la fécondité et la régénérescence. Par exemple, dans la croyance hindou, pénétrer dans un fleuve sacré permet de se purifier et d’intégrer une âme à un corps, « c’est une forme de retour dans le placenta originel.»6
6 Dupuis-Tate Marie-France & Fischesser Bernard, Rivières et Paysages,Paris, Éditions de la Martinière, 2003, p.233
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« Le fleuve, la rivière : l’eau vive dessine une géographie, qualifie les territoires qu’elle traverse, suscite des usages, imprègne des modes de vie, des sensibilités et des regards. L’eau vive façonne les paysages. L’eau qui coule apporte des atouts, génère des enjeux et des conflits, éveille et reflète des valeurs culturelles et symboliques ; c’est autour de ces usages et de ces paysages que se cristallisent des savoir-faire, des pratiques, des sentiments d’appartenance, des identités territoriales. Les besoins et les utilisations liés à l’eau ont évolué. » Fig.3.
Barret Christiane, Rivières et Paysages, Paris, La Martinière, 2003, avant-propos
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L’eau urbaine Les grandes civilisations sont nées près de l’eau, besoin vital pour toutes les activités humaines possibles (ressources alimentaires, hygiènes, loisirs, commerces, transports). Sa maîtrise a influencé leur grandeur et leur puissance. De plus, les fleuves en fonction de leur contexte ont fait émerger des modes de vie et des cultures différentes. Le fleuve est aussi bien un élément qui relie et qui sépare en tant qu’obstacle. Les Hommes n’ont cessé de contrôler et maîtriser l’eau pour s’en protéger par des barrages, des digues, des canalisations... La relation de la ville avec son cours d’eau a évolué au cours du temps. D’après les chercheurs en aménagements et géographes A. Chasseriau et J.P Peyon1, quatre périodes se démarquent pour la majorité des villes fluviales : Passant d’une origine de la relation ville-fleuve proche comme une alliée, à une domestication de plus en plus présente menaçante la ville qui se détourne de son fleuve, pour arriver depuis quelques années à un renouement de son cours d’eau au sein de la ville. P1
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Les villes se nourrissent de leurs fleuves
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Les villes Les domes- villes se tiquent détachent leurs de leurs fleuves fleuves
Plusieurs scénarios possibles relation fleuve/ville dans l’avenir
Renouveau Amélioration: maîtrisé écologiquement Stagnation : lieu de mémoire Déclin: Enterré et oublié 1200 1300
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2000
Fig.4. Modèle de la relation entre la ville et ses rivières2 1 Chasseriau Aude, Peyon Jean Pierre, « Le projet île de Nantes ou comment la ville se réconcilie avec son fleuve», in Dorel Gérard, « L’eau, source de vie, source de conflits, trait d’union entre les hommes», les Actes du FIG, 2003 2 Adapté des sources «Le projet île de Nantes ou comment la ville se réconcilie avec son fleuve», Aude Chasseriau et Jean Pierre Peyon et «L’eau dans la ville, une amie qui nous fait la guerre», Catherine Carré et Jean-Claude Deutsch, éditions de l’aube, 2015, p 90
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Période 1 : Les villes se nourrissent de leurs fleuves Une multitude d’activités s’organisent de plus en plus autour de l’eau. Du moulin à eau avec la création de canal de dérivation permettant de diminuer le débit des cours d’eau, aux usages domestiques tels que les tanneries, les teintureries s’installent tout le long des berges par besoin d’eau abondante pour nettoyer. Le fleuve est utilisé comme voie de communication pour les hommes et les marchandises, les zones humides sont utilisées pour l’agriculture. Ainsi, l’activité près des rivières est intense. Période 2 : Les villes domestiquent leurs fleuves La relation entre la ville et le fleuve est beaucoup plus présente. Les transports se développent et l’industrie ne peut plus se passer du fleuve. Le lien entre la ville et son cours d’eau est à son apogée. Cependant, l’omniprésence de l’eau engendre des cataclysmes plus nombreux liés à l’inondation (ponts écroulés, destructions de maisons, pertes matériels et humains). Ce phénomène était accepté durant la phase pré-industriel car inévitable. Mais grâce aux progrès techniques, les villes ne veulent plus se laisser faire contre les crues.3 Pour s’en protéger, celles-ci transforment au fur et à mesure leurs rivières. En effet, leurs cours d’eau sont «linéarisés, tronçonnés, et la végétation»4 disparaît. De plus, la présence d’activités industrielles (cuir, papier, coton) le long de la rivière engendre une pollution et une insalubrité de plus en plus forte due à l’urbanisation croissante. L’eau usée allant directement dans la rivière provoque des épidémies. L’eau devient les miasmes de la ville. Période 3: Les villes se détachent de leurs fleuves Les réseaux hydrauliques sont de plus en plus enterrés diminuant la pollution. Mais, l’industrie ferme ou se délocalise vers la périphérie, provoquant, la dégradation des friches industrielles qui deviennent une gène pour la ville. Les berges sont dédiées alors à la voiture et aux trains alors que le fleuve est consacré aux transports maritimes. L’homme n’entretient plus de lien avec le fleuve seul la machine le fait. La ville se détourne ainsi de son fleuve.
3 Pelletier Jean, « les relations de la ville et des cours d’eau», in Revue de géographie de Lyon, vol 65, n°4, 1990, villes et fleuves au Japon et en France pp 233-239 4 Carré Catherine, Deutsch Jean-Claude, L’eau dans la ville, une amie qui nous fait la guerre, Paris, éditions de l’aube, 2015, p 90
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Période 4 : Les villes se réconcilient avec leurs fleuves L’eau, nous attire mais nous fait peur aussi car elle représente la noyade. Nous ne sommes pas des poissons et pour cela nous nous sommes éloignés de celle-ci en essayant de s’en protéger. Depuis quelques années, les villes fluviales redécouvrent les atouts de leurs fleuves. Par le réaménagement de ses berges et la rénovation de leurs quais qui facilitent l’accès à l’eau. Les rives des cours d’eau deviennent des espaces communs partagés en ville : espaces de promenades, de contemplations, de détentes, de plaisirs et aussi d’activités diverses (course, pêches, jeux). 5 Les berges, espaces de transition entre la terre et l’eau deviennent flexibles. Ces limites sont de plus en plus floues, par des extensions sur l’eau. En effet, nous redécouvrons les cours d’eau car nous avons aussi besoin de nouveaux espaces avec ce monde en expansion continue. Malgré tout, «le fleuve reprend rarement toute la place qu’il a occupé au début du siècle»6. Mais la ville évolue et ses pratiques aussi. Il ne serait pas judicieux de revenir comme avant, il faut changer nos pratiques avec l’eau car celle-ci est un moyen de relier les paysages urbains avec la nature. Par ailleurs, le dérèglement climatique inquiète le retour violent de la nature. La ville inondée devient ainsi le «symbole moderne de l’échec d’un mode de développement conçu comme irrespectueux de l’ordre de la nature».7 Il faut ainsi trouver d’autres solutions et laisser la nature s’immiscer en ville. En effet, l’homme fait partie de la nature et il ne fait pas partie du béton. Nous avons d’ailleurs besoin de nous ressourcer près de cette nature encore sauvage. «Pour s’engager dans une voie de progrès optimiste, il faut renouer le dialogue avec nos rivières et nos fleuves, en alliant la connaissance à la volonté collective, l’humilité à la détermination, et la technique à la sensibilité. Car les paysages des rivières sont des paysages de l’âme.» 8 L’urbanisation a modifié le cycle naturel de l’eau. L’imperméabilisation du sol provoque un écoulement de l’eau rapide au détriment de l’absorption par 5 Ferri Mireille, «L’eau dans la ville», in L’eau Urbaine, ateliers de création urbaine île de France 2030, Paris, Dominique Carré, 2009, p11 6 Chasseriau Aude, Peyon Jean Pierre, « Le projet île de Nantes ou comment la ville se réconcilie avec son fleuve», in Gérard Dorel, les Actes du FIG 2003, L’eau, source de vie, source de conflits, trait d’union entre les hommes 7 Chelebourg Christian, «Ève en ville, Imaginaire de l’eau urbaine», in Barraqué Bernard, Roche Pierre-Alain, (sous la dir), Peurs et plaisirs de l’eau, Paris , Hermann, 2010, Pp 71 8 Dupuis-Tate Marie-France, Fischesser Bernard, Rivières et paysages, Paris, La Martinière, 2003, avant-propos
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les nappes phréatiques. Cette artificialisation des sols augmentent le risque d’inondation au dépend de celui de l’évapo-transpiration. La végétation se fait rare en ville, d’après Sabine Barles « nous sommes passés d’une ville extrêmement humide mais comportant peu d’eau (au début du XIXe siècle) à une ville extrêmement sèche, mettant en jeu paradoxalement une très grande quantité d’eau». Avant, les pluies ne posaient pas de problème de crues exceptionnelles mais depuis l’urbanisation, les inondations deviennent le risque principal en ville. Le débordement de cours d’eau nous interroge quant aux choix de l’urbanisation dans les villes. L’eau en ville lors des pluies :
Urbanisation
Réduction de l’évapo-transpiration
Imperméabilité du sol
Diminution de l’alimentation en eau des sols
Baisse des zones humides
Accroissement des débits de ruissellement
Baisse du niveau des nappes
Augmentation des fréquences des inondations
Accroissement des concentrations dans l’eau
Mauvaise gestion d’usage de l’eau
Fig.5. Impact de l’urbanisation sur l’environnement et l’usage de l’eau9 9 Adapté des sources : Chocat, 2007 et Carré Catherine, Deutsch Jean-Claude, L’eau dans la ville, une amie qui nous fait la guerre, Paris, éditions de l’aube, 2015, p 11
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Manières d’habiter l’eau L’ Homme entretient une relation puissante et complexe avec l’eau. L’histoire et l’actualité témoignent de ce rapprochement et alliance fondamentale entre les deux. En effet, il a toujours développé son habitat autour d’elle. Cet habitat se traduit sur le territoire sous différentes formes : au dessus de l’eau, sur l’eau et au bord de l’eau. Habiter au dessus de l’eau: architecture sur pilotis Plusieurs civilisations ont construit leurs habitats sur l’eau. Loin d’une typologie liée à un dogme ou à une culture spécifique, s’installer sur l’eau constitue une manière de garantir la survie dans certains milieux, d’utiliser l’élément naturel comme source d’alimentation et voie de communication ou de s’éloigner des dangers sur la terre ferme. La construction palafitte, ancienne comme l’histoire de l’humanité, est une typologie de l’architecture vernaculaire. Cette construction sur pilotis au bord d’un cours d’eau est fortement présente et étendue. Elle se regroupe dans des villages lacustres dans les cinq continents de la terre. Par exemple, l’architecture thaïlandaise qui par ses dispositifs est conçue entre deux eaux: « l’eau qui tombe du ciel et l’eau qui monte de la terre ».10 L’eau est tellement omniprésente sur le territoire que «la population semble vivre dans l’inondation comme dans une catastrophe permanente».11 Habiter au bord de l’eau: architecture balnéaire Au cours du XVIIIe siècle, la ville balnéaire se crée sur les côtes anglaises et se répand en Europe. Plusieurs infrastructures tels que les stations balnéaires, ports de plaisances, aménagements des rives font leur apparition au XIXe siècle grâce au développement du tourisme. Ainsi, l’Homme investit les zones littorales et riveraines afin de profiter d’un habitat ouvert sur le paysage. «Vivre sur le littoral ou sur la rive, c’est assister au spectacle sans cesse mouvant des flots.»12 En effet, dans cette émergence de «société de loisirs», l’architecture est marquée par les questions de plaisir et loisirs dans la conception ainsi que les notions de cadrage et visibilité sur le paysage du front de mer ou rive. L’habitat au bord de l’eau s’est massivement développé dans toutes les villes 10 Scoffier Richard, «La Ville Amphibie», Workshop 1,Atelier International du Grand Paris, Mai 2011, p.7 11 Ibid, p.8 12 «Architecture et eaux, Eaux cycle d’expositions 2015-2016» ,dossier pédagogique/eaux, Les turbulences FRAC CENTRE, p.6
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côtières. Le trait de côte n’a pas cessé de se déplacer dû à l’urbanisation du littoral, la protection des côtes et aux phénomènes naturels. Cette frontière entre terre et mer est aujourd’hui au cœur du débat et des préoccupations de la ville du XXIe siècle. Cette remise en question de la frontière pourrait être le début d’un nouveau mouvement de pensée qui ne prendra pas en compte le trait de côte comme une ligne entre la terre et la mer qui a besoin de protection, mais plutôt comme une épaisseur et un espace dynamique qui pourra accompagner les nouveaux enjeux des aléas naturels. Habiter sur de l’eau: architecture flottante L’architecture flottante constitue une nouvelle manière de répondre aux changements sociétaux et urbanistiques. L’habitat flottant ne date pas d’hier, il puise son origine en Amérique du Sud, en Inde, Vietnam et en Thaïlande. Par exemple, à la baie de San Francisco, les bohémiens et les hippies dans les années 50 ont investi le site par de nombreux «houseboat». Ces structures flottantes et permanentes sur le quai se transforment en une vraie communauté de maisons sur l’eau. Exploiter la surface aquatique est entre autres une réponse aux problématiques des montées des eaux et de manque d’espace sur nos territoires. Notamment à Monaco, par l’extension de la ville sur l’eau conçue par l’architecte Renzo Piano où les bâtiments deviennent timides et fragiles afin de pouvoir dialoguer en transparence avec la mer ou encore la proposition utopique de l’île flottante mobile par Vincent Callebaut, qui est en partie immergée et autosuffisante afin d’abriter 50 000 personnes. Ce type de projet sur l’élément liquide, que ça soit au Pays Bas ou aux Emirates Arabes Unis, répond à l’exiguïté des territoires littoraux aujourd’hui et renouvelle notre définition de l’urbanisme et de l’architecture. La relation entre l’Homme et l’eau devient de plus en plus complexe. Les conséquences du réchauffement climatique, l’urbanisation massive au bord de l’eau et la croissance démographique amplifient la vulnérabilité des nos territoires face aux aléas naturels. Aujourd’hui, la ville contemporaine est de plus en plus fragilisée par les catastrophes naturelles.
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Mode d’habite Habiter AU DESSUS de l’eau
Fig.6. Village Yawama, Myanmar Ce village est connu pour son marché flottant et ses maisons en bois et bambou tressé sur pilotis.
Fig.7. Le Palais de la Jetée-Promenade, Nice, France, vers 1880 Bâti sur le principe des constructions palafittes
Habiter AU BORD de l’eau
Fig.8. Front de mer, Miami Beach,Etat de Floride, États-Unis Miami Beach est l’une des bandes côtières les plus attractives et les plus recherchées de Floride. L’urbanisme raisonné qui s’y développe depuis les années 1930 reprend le modèle newyorkais du zonage.
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er avec l’eau Habiter SUR l’eau Fig.9. Projet utopiste Lilypad pour les réfugiés climatiques, Principauté de Monaco, 2008 L’architecte Vincent Callebaut propose une cité flottante autosuffisante et écologique pour accueillir 50 000personnes. Cette cité nénuphar répond à la problématique des montées des eaux due au réchauffement climatique.
Fig.10. Maisons flottantes, San Francisco, Etat de Californie,
Fig.11. Cité lacustre, Port Grimaud, France C’est un ensemble architectural unique, inscrit en 2002 au Patrimoine du XXe siècle. Cette cité lacustre est logée au fond du Golfe de Saint Tropez, elle a été imaginée et construite par l’architecte François Spoerry à partir de 1966. Exposition ville balnéaire
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Travailler contre ou avec Fig.12. A Miyako, des moines bouddhistes marchent sur la digue renfort construite après la catastrophe du 11 mars 2011. Ce mur anti-tsunami de 2,4 kilomètres et de plus de 10 mètres au dessus du niveau de la mer est la plus grande digue au Japon.
ENTRE
CONTRE L’EAU Fig.14. A Venise, le projet MOSE consiste à installer 78 digues flottantes et amovibles sur environ 1600 mètres flottantes. Elles sont articulées aux trois bouches de communications de la lagune avec l’Adriatique (Lido, Malamocco et Chiogga), afin d’empêcher les phénomènes d’Acqua Alta.
Fig.13. La rivière Kanda de classe 1 parcourt la ville de Tokyo.
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c l’eau pour s’en protéger
E-DEUX
Fig.16. Le projet Hafencity à
Hambourg est un grand quartier situé en zone inondable. Par son aménagement urbain et son architecture, il intègre en amont le risque d’inondation avec une topographie inventive. L’intégration du risque contribue à améliorer la qualité de vie urbaine.
Fig.15. A New York, le projet BIG U conçu par l’agence BIG, consiste à créer une ceinture ou une infrastructure résiliente et sociale le long des 16 kilomètres des berges dans le sud de Manhattan, tout en les rendant exploitables au quotidien par les citoyens grâce aux équipements sociaux et paysagers adaptés à chaque quartier.
AVEC L’EAU
Fig.17. Le Parc de la Ereta à Alicante propose une lecture du risque par ruissellement. Le dessin du parc fait par l’agence OBRAS est fortement lié au parcours de l’eau dans la colline. L’enjeu était de résoudre le risque géologique et hydraulique tout en offrant aux habitants un nouvel espace public sur un site remarquable.
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Synthèse Pendant des siècles, pour se protéger des inondations les villes ont adopté des mesures fortes et radicales (digues) mais cela ne suffit plus, aujourd’hui les menaces sont plus grandes dues aux changements climatiques et à l’urbanisme. Il faut travailler avec la nature afin d’intégrer l’eau et composer avec elle comme une alliée et non pas contre elle comme une ennemie. Le risque devient une opportunité et permet ainsi d’apporter une autre réflexion sur la transformation des territoires.
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« Dans le silence de l’espace, sous le feu glacé des étoiles, la planète Terre resserre son corps céleste rond et bleu. Elle palpite de toutes les veines de ses fleuves. L’effusion de leurs ramifications les fait ressembler à des arbres dont les branches étirées à l’infini embrassent les continents. Leurs Deltas immenses les enracinent dans les océans.» Fig.18.
Christiane Barret, Avant propos du livre Rivières et Paysages, 2003
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Fig.19.
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I – JAPON La création du Japon Il était une fois, une «masse informe» n’abritant aucune vie, celle-ci flottait dans l’espace comme une «méduse dans l’océan». Au fur et à mesure, deux parties se détachèrent, celle considérée comme pure vint former le ciel, l’autre se regroupa en contrebas en une «masse visqueuse» : la Terre. Les premiers dieux dit «Kamis», apparurent soudainement, au nombre de sept couples mais six d’entre eux, disparurent rapidement sans laisser de trace. Le dernier couple, Izanagi (le mâle) et Izanami (la femelle) fut chargé de «fixer et donner forme» à la masse visqueuse, la terre. Pour les aider dans leur quête, il leur fut donné une «lance décorée de diamants nommée Amenonuboko» (lance des cieux). Le couple descendit au point se situant «entre la terre et le ciel, Amenoukihashi» (pont céleste flottant) et il plongea la lance dans l’océan. Lorsqu’ils la sortirent de l’eau, les gouttes qui en tombaient formèrent la première île, nommée «Onogoro» (première terre ferme) de l’archipel japonais. C’est ainsi que le Japon est né, selon la légende du Kojiki.1 Par la suite ils souhaitèrent devenir partenaires, ils construisirent ainsi un pilier nommé «Amenomihashira», (l’Auguste Pilier Céleste).Tournant autour du pilier, Izanami et Izanagi tombent face à face. Izanami prit d’abord la parole, et les voilà unis. Cependant, comme elle a parlé la première, leur enfant fut une sorte «d’horrible ver» (il s’appelle Hiruko, signifiant « sangsue »), il ne put vivre et est abandonné aux flots. Le couple reprend sa marche autour du pilier. Cette fois, c’est Inazagi qui prend la parole et leur premier enfant naît sans problème : c’est l’île d’Awaji, puis ce fut Shikoku, Oki, Kyûshû, Tsushima, Honshû et Hokkaido. Le couple de Kami engendre ainsi des milliers d’autres dieux, qui peuplent petit à petit tout ce qui constitue la nature : les montagnes, les fleuves, les 1 « Chronique des choses anciennes » publié en 712, c’est le plus ancien écrit en japonais. Les chroniques racontent les origines mythiques du pays et contiennent nombre d’indications sur les croyances des premiers Japonais dans le shintoïsme.
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arbres, les pierres… Mais au moment d’accoucher du dieu de feu, Izanami, brûlée par celui-ci meurt et se retire au royaume des morts. Inconsolable, Izanagi part la chercher. Après un long chemin, il la retrouva et lui demanda de retourner auprès de lui. Elle convint de communiquer sa requête aux dieux du monde souterrain et recommanda à son mari de ne pas la regarder. Trop impatient, il n’y résiste pas et, voyant sa chère épouse à demi décomposée comme un cadavre, il s’enfuit aussitôt.2 Le mythe de la création du Japon
Fig.20. Izanagi et Izanami plonge la lance dans l’océan
2 Deltenre Chantal et Dauber Maximilien, Japon Miscellanées, Paris, Nevicata, 2012, p 13
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Le nom du Japon, ou Nihon (ou bien Nippon) désigne le «lieu d’origine du soleil», traduit plus souvent comme le «Pays du soleil levant». Terme apparu pour la première fois dans une lettre entre le souverain du Japon et celui de la Chine en 607, « de la part de l’empereur du Soleil-Levant à l’empereur du soleil couchant...»1 Avant de se nommer ainsi, il s’appelait «Yamato ou Hi no moto» signifiant «source du soleil». Le soleil est important au Japon, ainsi que dans l’emblème de l’archipel et de son drapeau. Sa position géographique y joue certainement un rôle, étant positionné très à l’Est, le soleil y apparaît en premier le matin. A. Les nuances de la géographie nippone La situation insulaire sur le globe Le pays du soleil levant est un archipel situé à l’Est du continent asiatique. Le Japon est entouré de la mer d’Okhotsk au nord, séparé du continent asiatique par la mer intérieure du Japon, et face à l’Océan Pacifique. Il est composé d’une guirlandes d’îles, plus précisément de 6 852 îles2 grandes et petites, dont quatre principales nommées Honshû, Hokkaido, Kyûshu et Shikoku. Il s’agit du «bloc centralinsulaire»3 appelé Hondo soit «Mainland» ou law «Terre». Le Japon est la deuxième puissance économique du monde, comptabilisant 126 876 000 habitants et 47 départements. Sa capitale est la ville de Tokyo (anciennement nommée «Edo») L’archipel japonais est un petit pays, d’une superficie de 377 950 km2, mais vaste par son occupation des eaux maritimes. En effet, depuis le 20 juillet 1996, la délimitation des zones économiques exclusives (ZEE, à partir de 200 milles nautiques) du Japon, équivaut à 4 427 915 km2, l’agrandissant de 12 fois et la faisant passer du 50ème rang mondial en surface terrestre au 6ème rang. « Autrement dit il s’agit d’un grand pays, et c’est sans surprise que c’est aussi une grande puissance ».4
1 Deltenre Chantal et Dauber Maximilien, Japon Miscellanées, op.cit, p 218 2 D’après une enquête effectuée en 1986 par le Bureau des voies navigables du secrétariat d’État à la Sécurité maritime. 3 Pelletier Philippe, Atlas du Japon, une société face à la post-modernité, Paris, autrement, coll. «Atlas/Monde», 2008, p 8 4 Pelletier Philippe, La Japonésie, Géopolitique et géographie historique de la surinsularité au Japon, Paris, CNRS Editions, 1998, p 323
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France Métropolitaine
Japon
Superficie: 543 965 km2 Population : 64 200 000 hab.
Superficie: 377 950 km2 Population : 127 300 000 hab.
0
250
500
750
km
Fig.21. Comparaison entre la France et le Japon
Le Japon, pays au bout du monde est allongé sur environ 3000 kilomètres du Nord au Sud, au large des côtes orientales de l’Asie, (la Russie,la Corée, la Chine) et face à l’Océan Pacifique. Cependant, les distances avec ses voisins restent conséquentes, 200 kilomètres avec la Corée et 800 kilomètres avec la Chine. Ainsi, l’isolement du Japon est naturellement très prononcé. De plus, il a été renforcé, par la fermeture complète au monde extérieur, appelé «sakoku» pendant plus de deux siècles, de 1635 à 1854, durant l’ère Edo. Le port de Nagasaki et des trois marges « surinsulaires » que constituent Ezo, Tsushima et les Ryûkyû restèrent les seules exceptions. Ces espaces ont fait office de sas pour contrôler les commerces extérieurs (uniquement pour les chinois et les hollandais). Le Japon ne s’est pas complètement coupé du monde mais a montré une certaine autosuffisance et indépendance qu’il pouvait avoir dû à l’abondance de ses ressources maritimes. Il a crée un monde en soi avec une civilisation propre marquée par l’homogénéité. 25
La mer est un rempart majeur contre des menaces de colonisation. En effet, le Japon n’a pas connu d’invasion importante à part pour la tentative mongole du treizième siècle et plus récemment par l’occupation américaine en 1945. Celles-ci ont largement contribué à la mise en place d’une culture homogène. La culture et la puissance japonaise sont marquées par son insularité. Selon le dictionnaire Larousse l’insularité signifie, « l’état d’un pays, d’un territoire formé d’une ou de plusieurs îles, une terre entourée d’eau. Caractère social, économique, culturel propre à une île.» L’archipel japonais est mis au singulier (on ne dit pas les îles japonaises) montrant l’unité du Japon comme « un seul ensemble, dans le présent comme dans le passé ».5 C’est dans ce sens que le philosophe Nishida Kitaro (1870-1945) analyse l’isolement insulaire comme la construction de l’État Nation ou «shimaguni-ron». Il affirmait que le Japon fut pendant longtemps « une île isolée dans la mer Orientale » mais que « ainsi et avant (l’influence chinoise et indienne), la nation japonaise s’est formée et a acquis son propre caractère national ».6 La société du Japon se dit homogène. Mais aujourd’hui, le territoire comptabilise 2 220 000 étrangers soit deux fois plus qu’il y a 25 ans. Par ailleurs, l’archipel entier est morcelé en des îles qui sont différentes les unes des autres, tant par leurs dialectes, leurs accents, leurs types physiques que leurs climats, qui suffit à démontrer que cette homogénéité est «un mythe inventé à l’époque moderne».7 L’archipel est en fait très divers et unit à la fois. L’insularité du Japon pose des problématiques diverses d’éloignement, d’étroitesse, d’auto-subsistance, de dépendance et d’accessibilité.
5 Pelletier Philippe, La Japonésie, Géopolitique et géographie historique de la surinsularité au Japon, op.cit, préface 6 Bouissou Jean-Marie, Le Japon contemporain, Paris, Fayard, 2007, chp «l’insularité, alibi de l’expansionnisme» 7 Interview de Mori Chikako, in Atlan Corinne, Japon : l’empire de l’harmonie, Paris, Nevicata, 2016, p 55
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Fig.22. Frontières insulaires du Japon
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Les climats variés L’arc insulaire8 nippon est très étiré, d’une latitude de 46° N à 25° N. Cet allongement lui permet d’avoir une gamme de climat très diversifiée. Passant d’un climat subarctique dans le nord, en particulier sur l’île de Hokkaidô située à proximité des rivages sibériens, à un climat subtropical dans le Sud, où se trouve l’île d’Okinawa. Le Japon se compose de six grandes zones climatiques, selon la carte (nippon. com) : - Le climat de la façade de la mer du Japon - Le climat de l’Ouest de Kyûshû - Le climat de la façade de l’Océan Pacifique - Le climat de la mer intérieure de Seto - Le climat de l’Est du Japon - Le climat des Îles Nansei Le Nord du Japon, a des étés chauds et des hivers très froids avec des chutes de neiges importantes au niveau de la façade de la mer du Japon. Les mouvements d’air jouent un rôle prédominant dans la diversité des climats du Japon. Ils proviennent soit du continent soit de l’océan. Leur circulation est interrompue par les montagnes, qui réalise une vraie coupure entre les deux côtés du Japon. (subarctique/subtropical) En hiver, du côté de la mer du Japon, le climat est beaucoup plus pluvieux et neigeux. Ce climat est dû aux vents sibériens, humidifiés par la mer qui sont stoppés par les montagnes, contraints à s’élever et ainsi à se refroidir, provoquant d’énormes chutes de neige, jusqu’à 6 mètres de hauteur spécialement sur Hokkaidô, et de grosses pluies sur la façade de la mer du Japon. Au même moment, le côté de l’Océan Pacifique, profite d’hivers assez secs et ensoleillés. En été, c’est l’inverse, du côté de la mer du Japon, le temps est ensoleillé et du côté de l’Océan Pacifique, les pluies sont plus fortes et fréquentes dues notamment aux Typhons.9
8 Selon le dictionnaire Larousse, un arc insulaire est un ensemble d’îles volcaniques disposées en une ligne courbe d’une longueur de l’ordre du millier de kilomètres, voire supérieure. De plus, il possède une zone de sismicité élevée. 9 Encyclopaedia Universalis, article «Japon, géographie»
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Fig.23. Les zones climatiques du Japon
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Ainsi, on remarque une opposition distincte entre les deux façades de l’archipel. On nomme la face de la mer du Japon, le «Japon de l’Envers», omote niho (neigeux en hiver) et pour la face du pacifique, le «Japon de l’Endroit», ura nihon (temps doux et humide l’été). Le climat du Japon allie paradoxalement aussi bien des bienfaits que des violences. Des bienfaits par la chaleur et l’humidité qui favorisent l’épanouissement de la végétation, et des méfaits par les déluges conséquents (typhon, inondations). La coexistence des contraires est un phénomène important au Japon. Les typhons sont destructeurs mais en même temps nécessaires par son apport d’eau pour les riziculture. De même, la couche neigeuse accumulée sur les montagnes permet de stocker l’eau pour les rizières, mais elle est aussi dévastatrice. Ainsi, « la civilisation japonaise est inséparable de ce climat, qui a permis l’extension de la culture du riz à presque tout son territoire»10 et influencé son organisation. Le concept «Fudo» représenté par les idéogrammes (vent et terre) est une pensée profonde de Watsuji Tetsuro. Pour lui, le milieu climatique définit l’individu. Il travaille sur «la fonction du climat en tant que facteur dans la structure de l’existence humaine».11 Le climat du Japon comporte comme en France, quatre saisons distinctes. Mais de plus, il possède aussi une saison des pluies : «la pluie des prunes» ou «Tsuyu», saison des moussons qui dure environ six semaines, de début juin à mi-juillet. Elle affecte l’ensemble du pays, à l’exception de l’île de Hokkaidô épargnée par l’humidité et les fortes précipitations caractéristiques de cette période de l’année. Ces précipitations plus régulières et abondantes sont dues au jeu entre la masse d’air froid de hautes pressions du Nord et la masse d’air chaud de hautes pressions sur la face de l’Océan Pacifique. La rencontre de ces deux masses est nommée «baiu zensen» ou «front de la saison des pluies», 10 Berque Augustin, Le Japon, gestion de l’espace et changement social, Paris, Flammarion, 1976, p 15 11 Tetsuro Watsuji «A Climate, a Philosophical Study », Japanese Commission for Unesco 1961, in Berque Augustin, Le Japon, gestion de l’espace et changement social, Paris, Flammarion, 1976, p 15
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développant des zones de basses pressions d’air chaud, provoquant des pluies incessantes.12 Les Japonais accordent une grande importance aux passages d’une saison à l’autre et en particulier à l’arrivée du printemps. Le sentiment des choses ou «mono no aware» est « l’émerveillement de la nature» comme par exemple « cette émotion que chaque année, des millions de Japonais éprouvent face à l’éclosion des fleurs de cerisiers.» «Il n’est aucun pays au monde où la transformation des paysages participe à ce point à la vie sociale.»13 Le Japon est le pays de typhons ou «Taifu». La saison des typhons durent généralement à l’automne. Les typhons sont des dépressions tropicales apportant des pluies torrentielles et des tempêtes. Entre 1981 et 2010, l’agence météorologique japonaise a compté en moyenne vingt six typhons par an.
Fig.24. La pluviométrie cyclique du Japon
12 Japan fact sheet, «La géographie et le climat, un pays à la topographie et au climat variés» 13 Deltenre Chantal et Dauber Maximilien, Japon Miscellanées, Paris, Nevicata, 2012,p142
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La végétation riche Le Japon par son climat nuancé est adéquate pour l’épanouissement de la végétation. Celle-ci est très riche et variée, occupant les trois quarts de la surface terrestre du Japon (283 463 km2) soit le deuxième au rang mondial. La surface de la forêt se confond avec celle de la montagne. De même, le mot japonais «yama» possède les deux sens de « montagne » et de «forêt ».14 Cependant, durant la modernisation du pays, les ressources forestières ont diminué dues à sa mauvaise gestion. Cette déforestation réalisée durant la Seconde Guerre mondiale, a engendré de nombreuses inondations qui ont détruit des canaux d’irrigation diminuant ainsi, la récolte du riz et produisant de graves famines. En effet, l’ensemble du réseau d’irrigation a été désorganisé produisant aussi bien un surplus d’eau qu’un manque de celui-ci (inondation/ sécheresse).15 La mémoire collective du Japon connaît l’importance de la préservation de sa forêt. Tout d’abord car la forêt est le poumon du Japon , elle est à l’origine de la vie, sans elle l’homme ne peut exister. De plus, elle est une ressource en eau, en humidité indispensable. Le bois est l’une des ressources les plus importantes au Japon. La moitié des maisons typiques japonaises sont encore construites avec ce matériau. Aujourd’hui, pour préserver l’écosystème du Japon et surtout par besoin économique, une partie de leur approvisionnement en bois est importée de l’étranger (moins cher). Il est devenu le premier pays importateur de bois.16 Le paysage du poumon vert japonais est très varié et ses couleurs évoluent en fonction des saisons tout le long de l’archipel. Par ailleurs, le Japon n’a pas connu d’ère glacière comme en Europe, ce qui a eu une incidence sur la variété des essences d’arbres. En effet dans l’archipel nippon, les espèces végétales sont dix fois plus importantes que sur le continent européen. On trouve ainsi des forêts de conifères à 14 Berque Augustin, «La montagne et l’œcoumène au Japon», in Espace géographique, tome 9, n°2, 1980. Spécial Japon. pp. 151- 162 15 Bonnot L. «Géographie physique du Japon», in l’information géographique, volume 2, n°1, 1937. pp. 38-40 16 Pelletier Philippe, Japon, crise d’une autre modernité, Paris, Belin,2003,p 56
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feuillage caduc au nord, des forêts de feuillus à feuillage persistant ou des forêts subtropicales en fonction des lieux et du climat. Cette diversité se retrouve aussi dans la culture du pays. De plus, l’homme a joué un rôle dans l’organisation des forêts, 40% d’entre elles ont été modifiées en fonction des besoins agricoles des époques. Au Japon, un groupe d’hommes appelé «satoyama» avec les idéogrammes village et montagne cohabitent avec la nature. Ils sont les gardiens de la forêt tout en s’y nourrissant ils la protègent.17
Fig.25. Une végétation foisonnante du Japon
17 Interview de Tanaka Atsuo et de M.Wada, in «Forêt, un trésor à protéger», Zoom Japon, n°15-nov 2011
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La topographie escarpée Les montagnes recouvrent les trois-quarts de la superficie du territoire japonais. Elles se situent au centre de l’archipel créant une «colonne vertébrale». Au centre de l’île Honshu, la région du Chūbu est désignée comme «le toit du Japon», celle-ci possède plusieurs chaînes de montagnes les «Alpes japonaises» dont les sommets dépassent les 3000 mètres. La montagne la plus haute est le Mont Fuji avec 3776 mètres. Le Mont Fuji est inscrit sur la liste du patrimoine mondial. De plus, ce lieu est sacré, vénéré par les Japonais et source d’inspiration artistique. A l’exception des Alpes japonaises et du Mont Fuji, les montagnes japonaises ne sont pas très élevées, elles font en moyenne 438 mètres. Ces montagnes par leur omniprésence et leurs fortes pentes, empêchent la population à s’y installer, les contraignant à se développer sur des espaces plus propices à la vie humaine, «l’oekoumène»18. Ceux-ci représentent seulement, un peu plus d’un quart de la surface du territoire japonais, soit environ 115 374 km2. Ces espaces habitables et cultivables comprennent des plaines basses (13 %), des plans un peu plus élevés (12%) et des piémonts (3%). Mais, uniquement la moitié de ces espaces sont plats soit 59 566 km2.19 L’archipel japonais est allongé mais aussi et surtout étroit, avec une largeur d’environ 300 kilomètres maximum.20 Le Japon comptabilise 126 702 133 habitants, soit le dixième au rang mondial. Mais l’espace de vie est considérablement réduit, ce qui a pour conséquence un entassement des habitants. En effet, la densité de population est très varié : la plus grande se trouve dans la plaine de Kantô, avec une densité supérieure à 1000 hab/km2 (Tokyo), et la moyenne de la densité du Japon est de 343 habitants au km2. La plaine est comme enclavée entre la mer et la montagne. L’entassement dans certains espaces provient du choix dues à la culture de la riziculture et de l’halieutique.21
18 Selon le Larousse, l’oekoumène (ou écoumène) est un espace habité de la surface terrestre. 19 Cf. Berque Augustin, «La montagne et l’œcoumène au Japon», in Espace géographique, tome 9, n°2, 1980. Spécial Japon. pp. 151- 162 20 Cf. Bonnot L. «Géographie physique du Japon», in l’information géographique, volume 2, n°1, 1937. pp. 38-40 21 Pelletier Philippe, Le Japon, Editions Armand Collin, coll. «Prépas Géographie», 1997, p 21
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Fig.26. La dichotomie topographique du Japon
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Par son territoire la population est inégalement répartie vivant sur les espaces que la montagne a bien voulu lui laisser. Les campagnes sont importantes pour l’agriculture, la riziculture, mais celles-ci se vident de plus en plus au profit des villes parfois surdépeuplées, «kaso».22 En effet, 65 % de la population est urbaine contre 20% de ruraux. Ainsi, l’organisation de l’espace japonais est contrastée entre les vides sous exploités et les pleins sur exploités. Le Japon est le sixième pays au monde qui possède le plus de côtes. En effet, le linéaire littoral japonais correspond à 29 751 km.23 Les villes du Japon s’étendent à partir de 10 kilomètres du littoral et les autres espaces du territoire jusqu’à 100 kilomètres maximum du littoral. Autrement dit, la mer, la montagne, la forêt sont parties dominantes du paysage japonais.24 L’hydrographie veineuse L’archipel nippon jouit d’une hydrographie omniprésente. Elle baigne dans l’eau, elle est comme un poisson dans l’eau. La mer est utilisée à la fois comme moyen de transport mais aussi comme ressource alimentaire. Les japonais pratiquent l’aquaculture. Ils sont en effet les plus gros consommateur de poisson au monde. Comme l’indique Augustin Berque: « ce qui singularise le Japon, c’est que l’homme y cultive la mer», un seul mot «englobe la pêche et la mariculture : l’industrie de l’eau, soit suisangyô».25 L’utilisation du littoral industriel par de nombreux ports (865 ports) a permis le développement et la prospérité du Japon. Le Japon est traversé par 1300 cours d’eau de taille variée qui façonnent les paysages. Les cours d’eau japonais sont très spécifiques et ont chacun leur caractère. Comme l’évoque, durant l’ère Meiji, l’ingénieur néerlandais Johannis de Rijke : « Ce ne sont pas des rivières, mais des cascades !». 22 Cf. Pelletier Philippe, Atlas du Japon, une société face à la post-modernité, Paris, autrement, coll. «Atlas/Monde», 2008, p 61 23 Cf. Central Intelligence Agency (US), «The world factbook» 24 Cf. Berque Augustin, Le Japon, gestion de l’espace et changement social, Paris, Flammarion, 1976, p 19-21 25 Ibid, p 24
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Fig.27. Hydrographie veineuse du Japon
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Fig.28. Le profil des rivières du Japon (plaine de Nobi) en comparaison avec la Seine de
En effet, les cours d’eau japonais sont très courts avec une forte pente, due à la géographie de l’archipel. Ainsi, les rivières sont limitées par la longue et étroite superficie des terres et du relief escarpé. Le fleuve le plus long est le «Shinano» mesurant 367 kilomètres. Puis le «Tone» avec 322 kilomètres et le troisième fleuve est le «Ishikari» avec 268 kilomètres.
Fig.29. Le profil en long de cours d’eau japonais comparés à d’autres fleuves dans le monde
« A leur source, tous les cours d’eau se ressemblent, mais quand on les suit dans les gorges qu’ils creusent, dans les plaines dont ils étanchent la soif et jusqu’à leur embouchure quand ils se jettent dans la mer, tous sont étonnamment différents. On peut superposer la vie de l’homme à celle de la rivière, on peut aussi y voir le mouvement d’une vie encore plus grande».26 26 Interview Ônishi Naruaki, Article «Voyage au fil des cours d’eau du Japon» le 12/12/2011, nippon.com
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Par ailleurs, le débit des rivières est influencé par le climat et présente de grandes variations saisonnières. L’écoulement est plus important dans les rivières du côté de l’Océan Pacifique durant la saison des pluies et la saison des typhons. De même, le débit est plus important dans les rivières du côté de la mer de Japon pendant la fonte de la neige et la saison des pluies. Il est moins fort dans les deux régions pendant l’hiver. De plus, le Japon compte 600 lacs. Ceux-ci sont généralement formés à la suite d’une activité tectonique ou volcanique. En ce qui concerne la plaine, ces lacs sont formés par l’érosion et la sédimentation des rivières. Le plus grand est le lac Biwa, d’une surface de 674 km2 avec une capacité de 27,5 km3, alimentant en eau douce les villes de Kyoto et Osaka. L’abondance de l’eau et de ses cours d’eau a permis de développer l’agriculture, les communications et les échanges du Japon. La culture du riz au cœur du paysage La riziculture occupe les terres les plus basses et les plus plates près des rivières ou des marais. Mais elle peut s’étendre en montagnes par des terrasses. Une rizière est une parcelle dans laquelle le riz est inondé à faible ou moyenne profondeur (0 à 50 cm). Le riziculture se réalise depuis plus de deux mille ans, et a débuté à Kyushu, le riz poussait sans aménagement hydraulique dans les deltas alluviaux marécageux, souvent noyés dans l’eau. Les japonais donnèrent à leur territoire le nom de «Ashihara no Mizuho no Kuni, le Pays des Roselières aux jeunes Épis de Riz».27 Durant l’époque d’Edo, le riz est utilisé comme une monnaie d’échange, dû l’importance de celui-ci pour le pays. Comme le signifie Augustin Berque « la rizière est la marque de la Japonité...elle qualifie l’espace nippon».28 Le riz est ainsi cultivé partout dans l’archipel, soit 1 700 000 ha sur 5 000 000 de terres cultivées, avec neuf agriculteurs sur dix concernés par la production de riz. Le Japon se place ainsi au 9ème rang mon27 Berque Augustin, Le sens de l’espace au Japon, Paris, arguments, 2004, p 65 28 Ibid, p 63
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dial de producteur de riz. D’après Nakano Takamasa et Kobayashi kunio 1959 « La nature au Japon » Nihon no shizen, «Le riz est la plante la plus proche du cœur des Japonais, c’est un indice important lorsque l’on examine la relation entre l’homme et la nature »29 La rizière irriguée est la rizière principale au Japon. La maîtrise de l’eau est importante, et concerne particulière la technique de la dérivation d’un cours d’eau naturel provenant des montagnes. Malgré la diminution de la rizière due à la croissance urbaine et à la diminution de sa consommation, la rizière reste une culture importante au Japon. La culture du riz et de sa maîtrise par son aménagement hydraulique ont façonné le caractère des Japonais.
Fig.31. Rizières irriguées, Japon
Fig.30. Rizières en terrasses, Japon
L’archipel du risque Le Japon connaît depuis des millénaires des manifestations de la nature particulièrement brutales; éruptions volcaniques, séismes, tsunamis, glissements de terrains, typhons, inondations, tempêtes de neige et sécheresse. En effet, sa position géologique, sa géographie ainsi que son climat l’exposent directement aux risques. Le Japon est placé sur la Ceinture de feu du Pacifique, soit une zone de subduction de quatre plaques tectoniques en mouvement constant : plaques 29 Pelletier Philippe, La Japonésie , Géopolitique et géographie historique de la surinsularité au Japon, CNRS Editions, 1998, p 32
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d’Okhotsk, Pacifique, Philippines et Eurasie. C’est pourquoi, le Japon est l’un des pays les plus exposés aux séismes, avec 5000 tremblements de terres ressentis par an, dont quelques uns dangereux, voir destructeurs.30 Les plus importants ont été le séisme de Kantō en 1923 (100 000 morts), celui de Kobe en 1995 (6 400 morts) et celui de Tōhoku en 2011 (20 000 morts). De plus, l’arc insulaire nippon possède sept régions volcaniques, avec cent dix volcans actifs. «Vivre au Japon, c’est comme si l’on était assis sur une bombe à retardement prête à exploser à tout moment.»31
Fig.32. L’île-séismes et volcans
30 Japan fact sheet, «La géographie et le climat, un pays à la topographie et au climat variés,» 31 «Sous le regard des volcans», Zoom Japon, n°45, 31/10/2014, p 12
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Synthèse : La variété des aspects physiques de l’arc insulaire est très riche, du morcellement du relief, la faible étendue des plaines, l’interpénétration de la terre et de la mer, l’influence du climat très divers, l’exposition des deux façades nordouest et sud-est différente, à l’omniprésence de l’eau. Tels sont les points les plus caractéristiques de ce Japon aux mille nuances qui malgré la violence de la nature est un des milieux dans le monde le plus pittoresque et propice à l’homme.
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B. ÉVOLUTION DE L’URBANITÉ NIPPONE La « ville-sous-le-château » «La ville est née au Japon, du transfert volontaire d’un modèle: celui de la capitale chinoise au VIIe siècle»32 De l’an 794 à 1867, la capitale japonaise Heian (Kyoto) adopte le modèle orthogonal de la capitale chinoise Chang’an (Xi’an). La formule de la ville carrée consiste à avoir : -au nord le palais sur l’axe nord-sud, entouré des quartiers nobles et l’administration, -au sud suivant une symétrie ouest est se situent les marchés et les temples. L’ensemble est positionné selon un quadrillage urbain «jôbô».
Fig.33. Heian ( Kyoto), Japon
Fig.34. Chang’an ( Xi’an), Chine
La différence fondamentale avec la ville chinoise est que la culture du muraille est absente, les villes japonaises sont construites sans remparts. L’absence d’une frontière physique exprime clairement le rapport qu’entretient le peuple nippon avec la nature, contrairement à la Chine ou à l’Occident.33
32 Berque Augustin, Du geste à la cité, formes urbaines et lien social au Japon, Paris, Éditions Gallimard, 1993, p.49 33 Berque Augustin, «Du rituel du Zhou à Tokyo,le fanstasme de la ville idéale en l’Asie Orientale», in Eveno Emmanuel, Utopies urbaines, Presses universitaires du Mirail, 1998, pp.105-114
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Cet aménagement autoritaire de la vie urbaine fut adopté par le régime shogunal Tokugawa en 1603 pour la ville d’Edo (Tokyo), qui devient le centre politique de l’Ère d’Edo (1603-1867). Les voies orthogonales à l’Edo sont dessinées autrement, elles sont orientées vers des repères locaux comme les quartiers ou la nature, contrairement au modèle chinois qui se base sur des points cardinaux. Afin de préserver la paix dans l’archipel étiré, les Tokugawa prennent des mesures importantes dont l’impact sur la structure urbaine fut capital. La première mesure fut la concentration des services militaires et administratives au sein de chaque fief34; connue sous le nom de «château par fief» (ikkoku ichijô). La deuxième mesure fut l’obligation pour les titulaires des fiefs (daimyo) de résider un an ou deux à l’Edo tout en laissant leurs familles en leurs absences. Cette résidence alternée (sankin-kôtai) entraîna des flux très importants de toute classe sociale, ce qui renforcera le développement des principaux axes routiers japonais. Ces changements donneront naissance à l’urbanisme des villes-château (jôkamachi )à l’échelle du territoire. En effet, le château, élevé sur une butte ou sur le bord d’un plateau, organise l’espace en deux trames urbaines distinctes : la Ville Haute et la Ville Basse.
Fig.35. Ville sous château «jôkamachi»
-La Ville Haute, dite Yamanote (en amont), concentre toute la stratocratie35 shogunal et leurs guerriers de façon concentrique autour du château, ainsi que les temples et les marchés. Elle est située dans une colline vaste et verdoyante 34 Selon Larousse, un fief est une tenure noble ou unité administrative, leurs titulaires sont nommés Daimyo 35 La stratocratie est une forme d’autocratie mais dont la gouvernance revient aux militaires d’un point de vue étatique, mais aussi localement avec des chefs de guerres.
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qui structure son espace. -La Ville Basse, dite Shitamachi, c’est la ville marchande qui comprend les quartiers des commerçants, artisans ainsi que les entrepôts. Suivant une structure en damier aux orientations différentes, elle est positionnée au pied du château au niveau des terres alluviales traversées par les cours d’eau. Cette division engendre une ségrégation socio-spatiale qui marque encore le territoire aujourd’hui. Le régime shogunal avait réussi à constituer à l’époque d’Edo, «une solide armature urbaine»36 sur l’archipel et avait mis en place les prémices d’un réseau urbain continu sur la façade Pacifique. L’ouverture de l’archipel Après deux siècles et demi de cloisonnement féodal, le Japon s’ouvre au monde occidental sous l’ère Meïji (1868-1912) ce qui marque la fin du régime shogunal. Cette époque dite «gouvernement éclairé» marque la volonté du pays de concurrencer l’Occident et de devenir une grande puissance mondiale. Les sites autour des châteaux sont reconvertis en espaces publics dédiés aux parcs, bureaux ou écoles, ensuite densifiés pour installer des centres d’affaires. Les parcelles des anciennes résidences féodales accueillent des ambassades, hôtels de luxe et logements pour la haute société. La Ville Haute garde son statut bourgeois et d’autorité. L’ère Meïji symbolise l’entrée du Japon dans la modernisation ainsi que le basculement vers un système industriel à l’occidental. Ce fut une véritable course pendant le XIXe siècle afin d’industrialiser le pays. Les sites de la révolution industrielle Meïji démontrent de quelle manière le Japon a pu adopter les technologies européennes et américaines puis les adapter aux besoins de son territoire. A la fin du XIXe siècle, les premières lignes de chemin de fer du pays font leurs apparitions et l’industrialisation des fronts de mer débute sa conquête sur le littoral Pacifique.
36 Aveline Natacha, Urbanisme et civilisation urbaine, in Bouissou Jean-Marie. Le Japon contemporain, Paris, Editions Fayard, 2007, p.318
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La conquête de la mer Au XVIIe siècle, les premières occupations de la mer furent de nature agricole et rurale, elles sont connues sous le nom des shinden, qui signifie nouvelle rizière. Ces terres agricoles sont gagnées sur les zones humides estuaires et les estrans. Les techniques et l’organisation spatiale de la pratique de la riziculture inondée constituent une base intéressante pour se transformer en zones industrielles.37 Pendant la Haute Croissance (1955-1973), l’État est le leader de l’opération de la littoralisation industrielle dans les grandes villes du pays. Il met en place «le Nouveau Plan Economique à Long Terme»38 ( shin keiza keikaku) pour la période 1958-1962 afin de favoriser la concentration des industries lourdes et chimiques sur des terres-pleins39 ou par des espaces artificiels crées en ex nihilo conquis sur le littoral Pacifique. Il s’inspire du modèle soviétique pour aménager 35 000 hectares réservés à de très grands complexes indutrialo-portuaires nommés combinato (japonais) et Kombinat (russe).40
Fig.36. Avancées sur la mer dans le port de Tokyo de l’époque Edo à nos jours
Fig.37. Terre-plein industriel dans la baie de Tokyo durant la Haute Croissance
37 Scoccimarro Rémi, «Le rôle structurant des avancées sur la mer dans la baie de Tokyo», Thèse de doctorant de géographie, aménagement et urbanisme sous la direction de Philippe Pelletier, 2007 38 Aveline Natacha, Urbanisme et civilisation urbaine, in Bouissou Jean-Marie. Le Japon contemporain, Paris, Editions Fayard, 2007, p.319 39 Umeratechi : Terre-plein ; «Ume»: combler, «Tate»:édifier, construire, «Chi»:terre, terrain 40 Aveline Natacha, Urbanisme et civilisation urbaine, in Bouissou Jean-Marie. Le Japon contemporain, Paris, Editions Fayard, 2007, p. 319
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Le littoral s’est donc transformé en une grande zone industrielle qui rend l’accès à la mer quasi inaccessible et ainsi prive les habitants de l’accès coutumier à la mer. Cette privation se traduit par des mouvements à l’échelle nationale connue à l’époque sous « le droit d’accès au littoral» ( irihama-ken) ou encore « droit à l’eau»41 (shinisui-ken). Les îles artificielles se répandent dans le pays. Elles accueillent également des infrastructures tels que les aéroports dans les différentes baies des grandes métropoles, notamment à Tokyo,Osaka, Nagoya et Kobe. Ce type d’installation permet non seulement de combler le manque d’espace dans l’archipel nippon, mais aussi de faciliter les extensions des pistes et l’accès rapide en ville.
Fig.38. Baie d’Osaka
Fig.39. Baie de Tokyo
A partir de 1980, le statut industriel des terres-pleins devient d’ordre urbanistique. En effet, le développement rapide de la mégalopole et la saturation des espaces ouvrent une nouvelle perspective pour le front de mer. Les friches industrielles sont reconverties en logements et bureaux. D’après les auteurs japonais, la période de 1985-1995 est appelée « années du WaterFront au Japon»42. L’aménagement en WaterFront est une tendance à l’échelle internationale et une nouveauté dans la recherche urbaine. Le Japon s’inscrit à côté des pays développés dans un phénomène urbain mondial. Les avancées sur la mer pour l’industrie et l’urbanisation ont marqué toutes les mégapoles du littoral Pacifique. L’influence capitaliste dans ces espaces 41 Pelletier Philippe, L’insularité dans la mer intérieure japonaise, CRET Université de Bordeaux III, 1992 42 Scoccimarro Rémi, «Le rôle structurant des avancées sur la mer dans la baie de Tôkyô», Thèse de doctorant de géographie, aménagement et urbanisme sous la direction de Philippe Pelletier, 2007
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est fortement présente à travers l’installation des géants de l’industrie, de la construction et de l’immobilier japonais. Aujourd’hui, ces nouveaux terrespleins,aux formes d’occupation multiples et denses, accueillent des infrastructures urbaines, de l’habitat et des espaces de divertissement. La Mégalopole japonaise : A la fin de la Seconde Guerre mondiale, Tokyo, Osaka et Nagoya sont les trois zones urbaines importantes du pays et se situent l’une par rapport à l’autre à une distance de plus de 200 kilomètres. Durant la période de la Haute Croissance, l’industrialisation le long du Pacifique et l’ouverture au commerce international ont généré un grand mouvement d’exode rural ainsi qu’un essor urbain remarquable. À partir de1960, les trois pôles urbains entrent presque en fusion, surtout avec l’arrivée de la première ligne de train à grande vitesse nommée Shinkansen lors des Jeux Olympiques de 1964. Celle-ci relie Tokyo et Osaka, tout en passant par Nagoya. C’est ainsi que la Mégalopole est née. Après 1965, la Mégalopole japonaise ne cesse de s’étendre, à travers les avancées sur la mer, ou en cherchant à combler les vides entre les différentes agglomérations. Le développement de nouvelles infrastructures routières telle que la route Tōkaidō, littéralement la route de la mer de l’est et l’extension du Shinkansen «cordon ombilical»43 de la Mégalopole, a engendré des structures multipolaires et a considérablement façonné le territoire. La Mégalopole forme un ruban urbain de 1300 kilomètres de long, étiré sur la façade du Pacifique. Elle concentre trois quarts de sa production industrielle et 70% de la population du pays, soit 90 millions d’habitants avec une densité qui dépasse 2500 habitants au kilomètre carré. Elle forme également une façade maritime puissante sur le plan international. La Mégalopole réunit une forte concentration urbaine et industrielle, elle est considérée comme «plein»44 par rapport au «vide» du reste du pays. En effet,
43 Pelletier Philippe, Atlas du Japon, après Fukushima, une société fragilisée, Paris, Éditions autrement, 2012, p.70 44 Ibid, p.80
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Philippe Pelletier distingue un «Japon de l’Endroit»45 ouvert sur la côte pacifique, urbain et dynamique, en opposition à un « Japon de l’Envers», ouvert sur la mer intérieure et beaucoup moins dense.
Fig.40. La mégalopole japonaise : une région urbaine et économique dense
La conquête souterraine : L’espace du sous sol (chika) de la ville fut pendant longtemps consacré aux services techniques, transports et stockages. Cet espace a connu une mutation remarquable durant le XXe siècle. L’utilisation du sous-sol nippon débuta à Tokyo suite aux travaux de reconstruction de la capitale après le séisme de 1923. Le Japon multiplie la construction de galeries commerciales souterraines (depachika) entre 1955 et 1985: 74 centres commerciaux souterrains durant la Haute Croissance se sont implantés dans les différentes villes du pays, comme Nagoya, Kyoto, Tokyo, Yokohama...Cet espace de la troisième dimension s’étale sur une surface d’environ 1 million m2 en 1995.46 D’autres fonctions se rajoutent comme les autoroutes, les parkings, les tunnels-réservoirs et rivières souterraines. 45 Pelletier Philippe, Atlas du Japon, après Fukushima, une société fragilisée, Paris, Éditions autrement, 2012, p.80 46 Barles Sabine, Jardel Sarah, «L’urbanisme souterrain: Étude comparée exploratoire», Rapport de recherche pour le compte de l’Atelier Parisien d’Urbanisme, 2005
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Le rôle des cours d’eau dans le développement des villes japonaises Les principales villes japonaises se sont construites au bord de la mer. La géographie du pays marque fortement le territoire. En effet, ce sont les limites topographiques nettes des multiples bassins versants fluviaux qui organisent les frontières territoriales, culturelles et économiques. Les cours d’eau nippons représentent des importantes voies de communication grâce au développement de la batellerie. Les rivières marquent les limites administratives jusqu’à l’époque contemporaine. La culture de la riziculture règne sur le pays, son organisation spatiale près des rivières change profondément le territoire. L’importance des bassins versants ordonna la superficie des terres irriguées. C’est ainsi que les villes installées sur les plaines littorales comme Tokyo et Nagoya ont pu développer cette agriculture à des fins économiques. « L’importance des rivières apparaît clairement dans un Japon où l’économie est fondée sur la riziculture irriguée et où la batellerie constitua le moyen central des communications entre les sphères indépendantes.»47 L’organisation spatiale des « villes-châteaux» durant la période d’Edo fabrique une ségrégation socio-spatiale en bord des cours d’eau. En prenant l’exemple sur la ville de Tokyo, Augustin Berque explique que les rivières de la Ville Haute(Yamanote) sont des petits cours d’eau ou des canaux artificiels d’une vingtaine de kilomètres qui coulent dans les collines de Tama ou les terrasses de Musashino. Leurs faibles débits induisent l’ajout de deux canaux dès le XVIIème siècle, dérivant de la rivière Tama-gawa, qui forme une limite des terrasses Musashino au sud. Concernant la Ville Basse (Shitamachi), ses rivières sont très abondantes avec un profil beaucoup plus large qui peut atteindre un kilomètre. Ces rivières au débit violent et irrégulier puisent leurs sources dans les montagnes de l’arrière-pays, ce qui provoque un risque d’inondation. « D’abord la rivière est invisible de ses rives, car elle coule entre deux murs de béton - «di gues-rasoirs» (kamisori teibô), hautes et étroites, qui furent édifiées d’urgence après les typhons catastrophiques des années quarante et cinquante. Même les immeubles qui, dominant immédiatement la digue, jouxtent la rivière, ne tournent vers elle que leurs arrières; leurs façades sont de l’autre côté, sur la rue qu’ils séparent de l’eau.»48 47 Miyamura Tadashi, Pelletier Philippe «Le rôle des cours d’eau dans la formation des villes japonaises, l’exemple d’Edo et de la Sumida», Revue de géographie de Lyon, vol.65, n°4, Villes et fleuves au Japon et en France,pp.251-254, 1990, p.253 48 Berque Augustin, «Tokyo : une société devant ses rivières» , op.cit, Pp. 255-260
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De ce fait, la typologie des rivières affecte l’organisation socio-spatiale des villes nippones. De nombreux travaux d’aménagements hydrauliques ont été effectués pendant la période d’Edo, tels que l’endiguement des rivières, le creusement d’un réseau de douves protégeant le château shogunal, le détournement des cours d’eau et la création de bras artificiels. Après ces travaux des voies d’eau, le paysage de Yamanote est tapissé de verdure, tandis que Shitamashi est en symbiose avec l’eau, la rivière; elle fut nommée « capitale de l’eau» ou même encore « Venise de l’Orient»49. Les espaces au bord de l’eau deviennent des lieux d’animation et de plaisance urbaine. Plusieurs estampes japonaises, surtout celles du célèbre Hokusai témoignent de l’importance des cours d’eau dans l’urbanité féodale.
Fig.41. Estampes japonaises de Hokusai, cours d’eau durant l’ère Edo
A partir de l’époque moderne, les villes japonaises construites sur le littoral Pacifique se développent comme villes portuaires. Avec le développement industriel, des voies maritimes et de la batellerie intérieure, les villes estuaires et les villes portuaires se fusionnent. Les rivières perdent leur rôle principal de transport fluvial dû à l’accroissement du transport terrestre dont les chemins de fer et les routes. Au XXe siècle, l’industrialisation se sert des avantages de cette ressource en eau. En effet, elles procèdent aux pompages d’énormes quantités d’eau de la nappe phréatique, ce qui causent une subsidence du sol. À cause de ces exploitations 49 Berque Augustin, «Tokyo : une société devant ses rivières», Revue de géographie de Lyon, vol. 65, n°4, 1990, Villes et fleuves au Japon et en France. Pp. 255-260
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massives, les rejets industriels dans les rivières dégradent considérablement la qualité de l’eau, et par conséquent les rapports entre villes et rivières durant la Haute Croissance. Cette pollution industrielle ainsi que la construction des digues-rasoirs et les autoroutes coupant les rivières provoquent une marginalisation violente. La plupart des rivières nippones se transforment en « objets d’horreur que la ville leur tourna littéralement le dos».50 Vers la fin de la Haute Croissance, les Japonais ne supportaient plus cette rupture, ils se préoccupent de leurs cours d’eaux dans le cadre de la découverte des aménités urbaines. Les attraits paysagers et esthétiques sont mis en avant, l’État lancent de grands aménagements pour la restructuration de l’espace. Ces travaux sont par exemple: l’amélioration de la qualité de l’eau, le réaménagement des digues en pente douce, la construction de nouveaux ponts pour les piétons, la plantation des cerisiers,... Ils témoignent d’un renversement de situation et d’attitude envers les cours d’eau. La ville nippone regardent à nouveau la rivière.
Fig.42. Berge de la Sumida, Tokyo
50 Berque Augustin, «Tokyo : une société devant ses rivières», Revue de géographie de Lyon, vol. 65, n°4, 1990, Villes et fleuves au Japon et en France. Pp. 255-260
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Synthèse Les villes japonaises se sont construites sur le modèle ville-sous-château durant la période d’Edo, ce qui forme deux organisations spatiales : Ville Haute et Ville Basse. Ce système a constitué une solide armature urbaine dans l’archipel. A l’ère Meiji, le Japon s’ouvre vers l’occident et fait son entrée dans la modernisation. Ce fut un véritable basculement vers le secteur industriel pendant le XIXe siècle et c’est ainsi que la conquête sur la mer commence. Durant la Haute Croissance, les avancées sur la mer règnent dans l’archipel. En effet, l’archipel s’est transformé en une grande zone industrielle. Avec l’arrivée du train à grande vitesse Shinkansen en 1964, les trois grandes villes; Tokyo, Osaka et Nagoya rentrent en fusion et forment ainsi la Mégalopole. Celle-ci constitue la puissance nippone et réunit une grande concentration urbaine et industrielle le long du Pacifique. Les cours d’eau dans l’archipel ont fortement contribué au développement des villes nippones. La typologie des rivières organisa la spatialité des villes. Leur statut dans la ville a complètement changé à cause de l’industrialisation et du bétonnage des lits.
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C. Culture de l’eau Eau:
mizu
« S’il n’est qu’une seule planète, il est en revanche de multiples façons de l’habiter. Et cette diversité n’est pas seulement économique : dans chaque aire de peuplement existe une sensibilité à la nature et à l’eau particulière et dominante »51 Les rituels de l’eau : Le Shintoïsme est une religion originelle du Japon, qui vénère la nature. Le profond respect qui en découle marque la place de l’homme dans l’univers, comme un élément du grand tout. Ainsi, les divinités se retrouvent dans cette nature, aussi bien dans un cours d’eau, un astre, une pierre, un arbre...Ces kamis, «dieux» sont souvent incarnés aussi par des animaux. Par exemple, le dieu de la montagne prendra la forme d’un singe, ou d’une biche, alors que le dieu de l’eau celui d’un serpent ou d’un dragon. Le Shinto ou «kami-no-michi» qui signifie «Voie des Dieux» s’est d’abord exprimé par des rites de purification par l’eau, nommé «misogi». Après le contact avec la mort, l’eau est un moyen de se purifier, nettoyer le sang pour ne pas avoir de malédiction. Le rituel peut consister à verser quelque gouttes d’eau, se placer sous une chute d’eau, ou encore à plonger dans l’océan. Ce rite se retrouve dans la légende de la création du Japon, dans lequel Izanagi après avoir retrouvé sa femme Izanami à moitié décomposée, s’est purifié du contact avec la mort en prenant un bain dans la mer.52
Fig.43. Torii, Temple, Shirahige shrine
Fig.44. Torii, Temple Oarai Isozaki Shrine, Ibaraki
Fig.45. Temple Hirou jinja, Wakayam
51 Bourg Dominique, «Les Sentiments de la Nature» in Barraqué Bernard, Roche PierreAlain, (sous la dir), Peurs et plaisirs de l’eau, Paris , Hermann, 2010, p 282 52 cf. Chapitre II-La création du Japon, p ?21
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Le Japon est l’un des pays qui possède le plus de jour de fêtes shinto, marquant les évènements de la vie de la communauté, des individus ou du pays. Les «matsuri» sont des fêtes dans lesquelles on se réjouit de l’existence. Plusieurs matsuri sont destinées aux « dieux de la pluie pour faire pleuvoir, des rivières pour que la ressource reste pure et abondante, ou encore pour invoquer la protection des habitants contre les inondations.»53 Le Japon est sans doute l’un des pays où l’eau revêt les visages les plus variés, du dieu de l’eau «Suijin» au dieu de la tempête «Susanoo», de l’eau nourricière aux tempêtes dévastatrices, qui est à la fois douce et menaçante. La démonstration de la colère des dieux a souvent été considérée comme un châtiment due à une attitude humaine inadéquate. Les représentations des peurs de l’eau sont nombreuses au Japon. Par exemple, la peur des eaux profondes est représentée par le «Kappa», monstre ou «diablotin d’eau», on raconte qu’il attire les enfants dans les rivières pour les noyer.54
Fig.46. Kappa
Fig.47. Coutume «uchi-mizu»
Plusieurs rituels par l’eau sont toujours réalisés aujourd’hui. Tout d’abord avant de rentrer dans les temples, le rituel est de se laver les mains ou boire dans des bassins comprenant des louches en bois à l’entrée. Puis l’été, une coutume nommée «uchi-mizu», consiste à asperger les rues et les habitations pour rafraîchir. Le «Jichinsai», ou «pacification des terres», est une cérémonie réalisée avant les travaux d’un nouveau bâtiment pour détendre le kami de la terre et purifier le lieu. Les avions sont aussi purifiés dès leur premier vol. De plus, le rituel appelé «Oharai» consiste à purifier les nouvelles voitures des propriétaires. 53 Kovacs Yves, «L’influence de la culture sur l’eau et l’aménagement au Japon», in Barraqué Bernard, Roche Pierre-Alain, (sous la dir), Peurs et plaisirs de l’eau, Paris , Hermann, 2010, Pp 272 54 Kovacs Yves, «L’influence de la culture sur l’eau et l’aménagement au Japon»,op.cit, p 279
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L’eau est un confort au quotidien et une ressource à portée de main pour les Japonais. En effet, l’eau est tellement présente qu’une société Japonaise Genepax, a réalisé une voiture roulante à l’eau en 2008.55 L’eau est présente sur le territoire sous toutes ses formes, dans les océans, les fleuves, les lacs, les rizières et les puits. L’élément liquide est célébré tout le long de l’année à divers endroit comme à Miya, en Octobre pour le «Festival de l’eau».56 Les Japonais et leur amour du bain : Le bain au Japon est une pratique culturelle très ancrée dans la vie quotidienne des Japonais. «Au Japon la propreté ne coûte rien...Le plaisir que les Japonais prennent aux ablutions de toutes sortes tient d’ailleurs autant du rite que de l’hygiène.»57 En effet, les bains au Japon constitue un véritable rituel, se laver, c’est nettoyer les contrariétés de la journée.
Fig.48. «Femmes au Sento» - Torii Kiyonaga (1752 - 1815)
Le terme «sentô» (sen «monnaie», tô «eau chaude») désigne les bains publics ,apparus en 1401. Les bains publics sont constitués de trois zones bien distinctes passant de la salle de déshabillage, à la salle de lavage et enfin le bain avec une température avoisinant les 45°c ! Au fil du temps, le bain public devient un vrai lieu de convivialité pour les Japonais qui retrouvaient leurs amis, leurs voisins, ou aussi leurs collègues de travail pour partager un moment d’intimité précieux.
55 Vogt Clément, «La voiture qui roule à l’eau refait surface», Paris match, le 21/07/2008 à 18h01 56 «Japon, une histoire d’eau», niponica, découvrir le Japon, 2015, n°15 57 Bouvier Nicolas, Chronique Japonaise, Éditions Payot, Paris, 1989, p 137
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« PDG et mendiants, moines et yakuza, personnes âgées et enfants en bas âge, nous sommes tous égaux ici...Chacun fait attention à l’autre...Voilà qui fait du bain public le lieu parfait pour apprendre la vie»58 Mais, le nombre de bains a diminué à partir des années 60, dû à la mise en place de la salle de bain dans les appartements. En effet, Tokyo, la capitale du Japon est passée de 2000 bains en 1923 à 700 bains aujourd’hui. La vocation sociale des «sento» est ainsi moins présente. Au cours des dix dernières années, le développement du tourisme et l’engouement des Japonais pour les stations thermales ont permis de retrouver l’ambiance qui existait dans les sentôs. En effet, le Japon par son activité volcanique, possède plus de 3185 sources thermales ou «onsen».59 Ces bains en plein air, sont souvent très chaud en contraste avec le froid extérieur et ont une vue directe vers les paysages naturels très coloriés.
Fig.49. Takaragawa Onsen Rotenburo, 2002
Les bains intérieurs ou extérieurs au Japon, sont un moyen de détente et de remise en forme du corps et de l’esprit. Les bains de mer sont par contre peu prisés, dus principalement à la pollution de l’eau et à la volonté des Japonais à éviter le soleil. Par ailleurs, même si le Japon est un pays côtier, peu de plages sont bien aménagées. Celles-ci sont malmenées par l’entassement des blocs en béton destinés à arrêter les raz de marée. Le Japon s’est coupé de la mer pour se focaliser sur l’intérieur en créant par exemple de nombreux parcs aquatiques complètement artificialisés. Le Seagaia Ocean Dome est le plus grand parc aquatique intérieur du monde, créé 58 «Tradition, C’est l’heure du bain», Zoom Japon, n°35, nov 2013 59 En 2011, le ministère de l’Environnement du Japon a recensé officiellement trois mille cent quatre-vingt-cinq stations thermales
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en 1993, situé à Miyazaki (toit amovible, plage intérieure, palmiers, vagues, eau chauffée, climat artificiel) Les Jardins, symbolisme de la nature : Le jardin «Teien» est important dans l’histoire du Japon. Il représente la spiritualité et le sentiment de la nature. Par comparaison, le jardin en France exprime la domination sur la nature alors qu’au Japon, le jardin évoque la vénération de la nature.60 L’eau, symbole de pureté se retrouve dans toutes les compositions du jardin japonais. Elle est représentée par les cascades, les étangs, les rochers et les graviers. Le bouddhisme et le zen, provenant de la Chine au VIème siècle, ont influencé les jardins au Japon. Ainsi, la représentation symbolique de l’eau dans les jardins zen est marquée par le gravier ou le sable qui par sa forme évoque le mouvement de l’eau. Trois paysages dans les jardins japonais se distinguent : le jardin sec, végétal et minéral. Le jardin sec, réalisé par le sable ou le gravier, est uniquement un lieu de contemplation (on ne marche pas dessus) Le jardin végétal, est un lieu de promenade dans le paysage coloré des saisons. Et enfin, le jardin minéral (eau, rochers) est un lieu de méditation. D’après Musô Soseki (moine bouddhiste zen du XIVe siècle), les jardins sont des «paysages de montagnes et d’eau».61 Le jardin est comme la création dans un espace plus petit et limité d’un paysage idéal permettant de se ressourcer. Dans les jardins zen, «l’homme ne domine pas la nature mais s’y conforme et s’y intègre, en lui faisant révéler sa quintessence.»62 En effet, l’homme transforme les paysages par les travaux d’irrigation pour la riziculture et l’artificialisation des jardins. L’empreinte de l’homme procure ainsi de la valeur à la nature. Alors qu’en Occident, pour préserver la nature dans son état pur, l’homme ne doit pas y toucher. 60 Deltenre Chantal et Dauber Maximilien, Japon Miscellanées, Paris, Nevicata, 2012, p 83 61 Ibid, p 83 62 Kovacs Yves, «L’influence de la culture sur l’eau et l’aménagement au Japon», in Barraqué Bernard, Roche Pierre-Alain, (sous la dir), Peurs et plaisirs de l’eau, Paris , Hermann, 2010, Pp 274
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Fig.50. et Fig.51. Temple Okuni, prĂŠfecture de shizuoka
Fig.52. Ginkaku-ji Temple in Kyoto
Fig.53. Jardin zen sec, temple Ryonji, Kyoto
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La pratique du fleuve par les Japonais : Au Japon, l’espace est à la fois sauvage et maîtrisé. Comme Augustin Berque le signale, la nature vacille entre «le sauvage et l’artifice».63 Les Japonais ont toujours été sensibles à leurs cours d’eau dans le territoire. Au fil de l’histoire, les fleuves et leurs rives ont été modifiés et aménagés. P1
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Les villes Les villes se Plusieurs scénarios possibles s’épanouissent détachent de relation fleuve/ville dans par leurs fleuves leurs fleuves l’avenir
Les villes se nourrissent de leurs fleuves
Renouveau Amélioration: maîtrisé écologiquement Stagnation : lieu de mémoire 1200 1300
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1800
1900 1980
Déclin: Enterré et oublié
Fig.54. Modèle relation du fleuve dans la ville au Japon
Durant, l’époque des samouraïs (du XIIe au XIXe siècle), les cours d’eau incarnent la permanence des choses et des valeurs. De plus, l’empereur (chargé du sacré) loge dans le palais royal qui est situé sur un site protégé en hauteur alors que les pauvres, les parias, sont éloignés et occupent pendant longtemps les bords inondables des cours d’eau, d’où leur surnom de «kawara-mono», «ceux des rivières».64 Du XVIIe au XXe siècle, l’époque des bourgeois, les rivières et ses abords, représente la joie et le rafraîchissement. Les maisons de thé et les maisons closes étaient placées dans les zones inondables.
63 Pelletier Philippe, Japon, crise d’une autre modernité, Paris, Belin,2003, p 73 64 Pelletier Philippe, «L’anastrophe japonaise», in Revue de géographie de Lyon, vol. 66, n°3-4, 1991, pp. 223-230
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Les ponts étaient souvent des places publiques. Les bords d’eau des rivières ou «monde flottant» mêlaient le quotidien et l’amusement. Ainsi, l’activité sociale était importante aux bords des cours d’eau.65
Fig.55. Premières plateformes sur le cours de la rivière, Kyoto, Edo -Shijo Kawahara
Les Japonais ont réalisé des aménagements où la nature est totalement reconstituée et artificialisée en prenant soin d’écarter tous les dangers qu’elle pourrait créer. Pour pouvoir s’en protéger, la nature est souvent soustraite aux populations.66 Comme par exemple, pour les crues qui sont une grave menace pour le Japon. Dans l’après guerre, pour sécuriser les populations, des ouvrages de protections sont installés partout sur le territoire et les cours d’eau sont modifiés et parfois même enterrés. Ainsi, la nature des rivières disparaît au profit du béton. De plus, l’eau des fleuves est isolée entre des murs pouvant dépasser 5 mètres de haut. De ce fait, les fleuves ne sont plus visibles et deviennent inaccessibles aux Japonais. «Il n’y a aucun respect de l’environnement paysagé ou aquatique, car l’accent est mis sur une protection maximale contre le risque.»67 Les villes du Japon se sont détournées de leur cours d’eau. Mais dans les années 80, les Japonais soucieux de retrouver leurs ruisseaux verdoyants d’autrefois, réagissent et souhaitent des «aménagements moins agres65 Pelletier Philippe, Conférence «Le monde flottant des bords d’eau japonais», Université de Lyon II 66 Kovacs Yves, «L’influence de la culture sur l’eau et l’aménagement au Japon», in Barraqué Bernard, Roche Pierre-Alain, (sous la dir), Peurs et plaisirs de l’eau, Paris , Hermann, 2010, Pp 279 67 Ibid, p 280
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sifs, plus en rapport avec l’esprit du lieu »68, une meilleure «aquosité» en ville.69 Une nouvelle conception commence à se mettre en place; celle des «super-digues» pour pouvoir aussi bien respecter l’environnement, protéger les populations et offrir l’accès directe à l’eau. De plus, des rivières sécurisées sont aménagées pour les loisirs des Japonais. En effet, les «shinsuikoens» ou jardins d’eau, sont des rivières peu profondes, où l’eau coule sur des graviers, entourée d’un chemin et de jardins créant un espace rafraîchissant et de relaxation.70 Par ailleurs, la relation entre la ville de Tokyo et ses cours d’eau change. Le wōtafuronto, front d’eau est aménagé avec des arbres (pins) comme autrefois. De la route jusqu’au fleuve, des pentes douces végétalisées sont réalisées. Des opérations paysagères et des dépollutions des eaux sont engagées. Des restaurants s’aménagent au bord des rivières qui sont entourées de bateau-mouche. Le «monde flottant» devient un espace commun où de nouvelles activités apparaissent comme des terrains de sports, des chemins paysagés de promenade et les fêtes avec leurs feux d’artifice. Comme l’explique l’hydrologue Takahashi Yutaka, la relation entre l’homme et les fleuves sont de «coexistence et de coprospérité». Si les cours d’eau sont épanouis, la ville fera de même. Mais si la ville dénature totalement ses cours d’eau, c’est la ville qui en pâtira et donc ainsi l’homme.71 Ils sont liés comme un seul organisme vivant. L’homme fait partie de la nature, ils sont «concrescents, c’est à dire qu’ils croissent ensemble».72
68 Guillerme André, «La mise en valeur comparée de l’eau vive dans l’aménagement du territoire en France et au Japon ;une réflexion sur « l’aquosité » urbaine», Ingénieries, EAT, 1997 69 L’aquosité, du latin « aquositas », signifie la qualité environnementale, l’agrément, l’aménité de l’eau soumise à aucune pression, libre. (André Guillerme) 70 Ibid 71 Berque Augustin, Du geste à la cité, formes urbaines et lien social au Japon, Paris, Edition Gallimard, 1993, p 30 72 Berque Augustin, Centre européen d’études japonaises d’Alsace, Colmar, 3-4 novembre 2016, Colloque international, «La nature au Japon à l’épreuve de l’homme, Comment le Japon, dans les années soixante, a-t-il pu devenir champion de destruction de la nature ?»
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La rivière Nakagawa, Tokyo, 1963
La rivière Nakagawa, Tokyo, 1985
La rivière Sumida, Tokyo, 1963
La rivière Sumida, Tokyo, 1985
La rivière Sumida, Tokyo, 1963
La rivière Sumida, Tokyo, 1985
Fig.56
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Synthèse : L’eau est une ressource importante et abondante au Japon. Elle a contribué à l’essor de la civilisation japonaise. La tradition Shinto a permis de développer toute une culture liée à l’eau par la baignade, du sentos au onsens en passant par les jardins. Les Japonais entretiennent une relation intime avec l’eau. L’eau touche les sensibilités de chacun, aussi bien de manière personnelle, individuelle que collective. L’eau est aussi bien un élément qui sépare mais qui permet d’unir les uns avec les autres. Au Japon, l’eau passe à travers plusieurs traditions, rites, mythes, comportements, arts et sciences. «L’eau est présente dans tout les aspects de la vie au pays du soleil levant.»73 Elle représente la purification, la clarté et l’unité. L’eau dans la vie des Japonais, entre plaisir et danger. Le paradoxe entre à la fois une nature sacrée et une nature maîtrisée et artificialisée, provoque un questionnement : comment garder le lien fort avec l’eau dans ces traditions et dans l’aménagement urbain ?
73 Bidoire Hannah, «Japon : les deux faces de l’eau», Crossworlds, un objet, 21 pays, 21 regards, décembre 2015
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D. Culture du risque Les concepts de la notion du risque La plupart des auteurs définissent le risque à partir de deux facteurs, comme le souligne Dubois-Maury « c’est à partir du croisement de ces deux types de données: aléa et vulnérabilité, que l’on va définir le risque naturel.»74 Ce paradigme « aléa x vulnérabilité», amplement répandu dans la majorité des recherches, exprime d’un côté l’idée d’un aléa qui agit causant un risque et des dégâts, et de l’autre la vulnérabilité qui amène aux dommages et aux conséquences de l’aléa. Toutefois, les notions d’aléa et de vulnérabilité sont plus complexes et difficiles à évaluer. L’aléa est souvent associé au phénomène naturel. D’après Thouret, l’aléa est « le phénomène naturel qui engendre un danger potentiel pour les personnes et les biens dans une zone et une période définies»75 tandis que Tamru mentionne que «l’aléa, phénomène naturel, accident technologique, épidémies etc. se rapporte à la manifestation probable d’une catastrophe.»76 L’aléa se définit donc par une probabilité d’occurrence et une intensité d’un phénomène dommageable. La vulnérabilité, deuxième composante de la définition du risque, est liée à la population, au bâti et au territoire. Elle exprime non seulement «une propension à subir des dommages»77 mais aussi «une capacité à modifier voire engendrer des aléas, une capacité à provoquer des catastrophes, une capacité à provoquer des crises »78. La vulnérabilité est ainsi la résultante d’une certaine fragilité et d’une capacité de résistance. Cependant, cette définition du risque semble simpliste et réductrice selon Bruno Ledoux. Celui-ci fait appel au propos de Cl. Roger qui résume que « le concept de risque est donc difficile à définir car c’est aussi une construction sociale où 74 Dubois-Maury Jocelyne, «Les risques naturels en France, entre réglementation spatiale et solidarité de l’indemnisation», Annales de Géographie, t.111, n°627-628, 2002, pp 637-651 75 Pigeon Patrick, « Réflexions sur les notions et les méthodes en géographie des risques dits naturels», Annales de Géographie, t.111, n°627-628, 2002, pp 452-470 76 Tamru Bezunesh «L’émergence du risque d’inondation à Addis-Abeba : pertinence d’une étude des dynamiques urbaines». Annales de Géographie, t. 111, n°627-628, 2002. pp. 614-636 77 Ibid 78 Metzger Pascale et D’Ercole Robert, « Les risques en milieu urbain : éléments de réflexion », EchoGéo, 2011, p.8
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s’intriquent étroitement le naturel, le technique, le politique et le sociale, et où la rationalité scientifique s’inscrit dans l’espace politique».79 Patrick Pigeon utilise une approche globale de nos sociétés tout en expliquant que le binôme aléa-vulnérabilité renvoie à une coupure et opposition nature-culture. Dans sa réflexion, P. Pigeon intègre d’autres paramètres où l’aléa naturel s’entremêle avec l’aléa dit anthropisé (digue, bétonnage des lits majeurs...). Ainsi, «le cours d’eau (l’aléa) ne menace pas simplement les bâtiments et la population (la vulnérabilité). Les travaux de correction doivent être intégrés à la définition des risques. Ils influent à la fois sur l’aléa et sur la vulnérabilité. En fait, ils coévoluent avec ces deux autres éléments d’un système de peuplement local.»80 Philippe Pelletier opte pour une approche constructiviste tout en abordant le risque sous un angle socioculturel. « La nature n’est ressentie comme dangereuse qu’au regard des activités humaines(...) A intensité égale, la calamité n’a pas, de surcroit, les mêmes conséquences suivant divers paramètres: le lieu, le moment, l’époque et la situation sociale»81. Cette approche qui laisse place à la nature, prend en compte des éléments naturels et anthropiques. En sociologie et anthropologie, «le risque est une construction sociale, un concept difficile à saisir, qui renvoie aux représentations et au vécu de chacun.»82 Le risque se définit aussi par ses différentes temporalités qui sont la perception du risque, son anticipation, la crise durant la catastrophe et enfin le temps de rétablissement après la catastrophe.
79 Ledoux Bruno, la gestion du risque d’inondation, Paris, Éditions TEC & DOC, 2006, p.17 80 Pigeon Patrick, « Risque digue : une justification à la relecture systémique et géopolitique des risques environnementaux », L’Espace Politique, 24/03/2014, p 5 81 Pelletier Philippe. « L’anastrophe japonais », Revue de géographie de Lyon, vol. 66, n°34, 1991, A propos de la séquence neigeuse de décembre 1990 : Une approche des évènements externes. p.223 82 Ledoux Bruno, la gestion du risque d’inondation, Paris, Éditions TEC & DOC, 2006, p.17
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En politique de mitigation des risques majeurs, quatre règles d’or sont essentielles autant à leur mise en œuvre qu’à leur compréhension83, qui sont : 1. Assurer la sécurité des personnes se trouvant sur les lieux de l’impact d’un éventuel aléa majeur 2. Minimiser les dommages à la propriété 3. Assurer la continuité des services vitaux comme l’eau, les communications, la libre circulation des habitants et des secours et éventuellement des ressources énergétiques... 4. Assurer la continuité du développement régional en tentant de minimiser l’impact d’un éventuel aléa majeur sur ses principales activités sociales et économiques Ces règles s’appliquent à toute personne ou profession impliquée dans la réduction de la vulnérabilité de nos sociétés. Certes, la notion du risque est bien complexe. Elle entraîne aussi la question de la catastrophe. Celle-ci se manifeste à un moment et à un endroit précis causant des bouleversements physiques et sociales. En effet, selon Karl Hewitt, la catastrophe se présente « lorsqu’un phénomène naturel affecte une communauté humaine » (Tricart, 1986). Dans un espace inhabité par la vie humaine, lorsqu’un séisme, un tsunami ou n’importe quel phénomène naturel se produit, il n’y a alors aucune catastrophe, ni de risque. Inversement, d’après Patrick Pigeon, dans un espace habité, «le risque zéro n’existe pas : toute agglomération humaine produit du risque qui influence à son tour l’évolution des peuplements.»84
83 Weliachew Boris, «Culture du Risque et pratiques architecturales et urbaines, éléments de comparaison Japon/France, École nationale Supérieure d’Architecture Paris Val de Seine, p 9 84 Calbérac Yann, «Compte rendu : Géographie critique des risques (Patrick Pigeon)», Les Cafés Géographiques, 22/09/2005
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0 1 2
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4 RISQUE Fig.57. L’accroissement du risque
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La culture de survie au Japon Selon la légende, l’archipel japonais est situé sur le dos d’un gros poisson-chat, le dieu Namazu, surveillé par la divinité Kashima. Mais Kashima, relâche parfois son attention et le dieu Namazu, en profite pour s’échapper, frétille ainsi son corps et remue tous l’archipel causant des séismes. Namazu est à la fois craint et respecté. En effet, de nombreux temples lui sont attribués, et des offrandes lui sont offertes pour qui ne se mette plus en colère mais surtout pour le remercier. En effet, outre les conséquences dévastatrices des séismes au Japon, ils ont également le plus souvent été à l’origine des plus grandes reconstructions, des plus grands renouveaux et par voie de conséquence de multiples bienfaits autant au niveau humain, que matériel, technologique et économique.85
Fig.58. Sur cette estampe, l’or sort du ventre du poisson. De la catastrophe sort du positif. «yaekebudori», signifie «engraissé par l’incendie», pour souligner ce à qui la catastrophe sourit. (1855, «seppuku namazu»)
85 Weliachew Boris, «Culture du Risque et pratiques architecturales et urbaines, éléments de comparaison Japon/France, École nationale Supérieure d’Architecture Paris Val de Seine, p 10
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L’archipel japonais connaît depuis toujours des cataclysmes naturels et des menaces d’origines anthropiques. Habiter au Japon n’est pas de tout repos face à ces dangers. Mais les Japonais ont appris à vivre et à s’adapter à cette menace constante. Ce qui en fait l’un des pays les mieux adaptés et équipés du monde pour les structures de préventions aux risques. La culture du risque nécessite l’analyse de la notion de mémoire et de conscience du risque. De plus, elle consiste à éduquer, former, sensibiliser, prévenir aussi bien la population que les maîtres d’ouvrages et d’avoir confiance dans le système qui est installé pour prévenir. Dans l’archipel nippon, les catastrophes naturelles font partie de son histoire. Selon Marie Augendre, au Japon, il n’existe pas de mot qui désigne le risque, l’aléa ou la résilience. Mais le terme qui s’en rapproche le plus est «saigai» qui signifie sai, «le malheur, la calamité» et gai qui définit «le dommage, le préjudice, le mal».86 Son étymologie et son idéographie expriment l’idée de «dégât causé par une intention divine cachée»87 Saigai est aussi le terme moderne de wazawai qui apparaît deux fois dans le Kojiki, le premier texte mythologique japonais (720) et sera idéographié avec deux caractères combinés, l’eau et le feu.88 L’association de ces deux éléments naturels, qui sont à la fois utilisés et craints par l’homme, correspondent à la dualité du ying et du yang de la pensée Taoïsme. En effet, en terme de risque naturel, l’eau renvoie aux typhons et inondations tandis que le feu évoque les volcans et incendies. Cependant au Japon, la catastrophe offre aussi de nombreux bienfaits, «megumi» désigne la bénédiction. En effet, toutes les grandes périodes historiques japonaises sont provoquées par une énorme catastrophe qui remettait ainsi tout à zéro, et permettait de relancer le pays. La catastrophe est un moment historique où les limites entre l’homme et la nature, l’homme et l’histoire sont révélés, et où l’homme est forcé de repenser 86 Augendre Marie, «Risques et catastrophes volcaniques au Japon : enseignements pour la géographie des risques» in November Valérie, Penelas Marin, Viot Pascal, (sous la dir.), Habiter les territoires à risques, Presses Polytechniques Romandes, Lausanne, coll. « Espaces en société», 2011, p 187 87 Pelletier Philippe, Le Japon: Géographie, géopolitique et géohistoire, Paris, Éditions Armand Collin 2007 88 Pelletier Philippe, La Fascination du Japon: idées reçues sur le Japon, Paris, Éditions Le Cavalier Bleu, 2012, p.82
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radicalement son environnement.89 Mais c’est un moyen d’évoluer et de se développer. La mémoire du risque La mémoire du risque est l’un des principaux facteurs de vulnérabilité de nos communautés face aux risques. Les populations n’ont pas le même vécu des cycles des catastrophes. Chaque génération connaît des catastrophes à risque modéré mais des catastrophes à risque majeur exceptionnelles se produisent tous les 100 ans.
Fig.59. Le phénomène de perte de mémoire inhérent à la gravité des impacts avec la période de retour
La fréquence de la catastrophe comme l’inondation étant plus régulière, le Japon a su s’y adapter plus facilement, car la mémoire récente a été conservée. Il faut ainsi préserver la mémoire car à partir du moment où la période de retour d’une nouvelle catastrophe est trop longue, dépasse 1 à 3 générations, il y a une perte de mémoire sur la catastrophe.90 La catastrophe frappe l’ensemble d’une collectivité, affecte son environnement et modifie son quotidien. Chaque personne s’exprime, regroupant un témoignage commun sur la catastrophe. Ces discours permettent aussi de prendre en compte les fragilités de prévention par rapport à la réaction vis à vis de cette catastrophe. 89 Nishiyama Yuji, «Philosopher au Japon aujourd’hui, après Fukushima», Rue Descartes, Collège international de Philosophie n°88, 2016, p 2 90 Weliachew Boris, «Culture du Risque et pratiques architecturales et urbaines, éléments de comparaison Japon/France, École nationale Supérieure d’Architecture Paris Val de Seine, p 7
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Depuis la catastrophe de Fukushima, la population rassemble un immense témoignage des victimes, et dialogue les uns avec les autres pour trouver les causes de ce désastre, de ses conséquences et des solutions à apporter. Cet évènement est vécu par tous et devient un souvenir commun, venant alimenter la «mémoire collective».91 Alain Marc Rieu dans, Fukushima : Une mutation épistémico-politique, amène cette question : « comment une expérience collective devient-elle un corps de connaissances capable de transformer une société et de se diffuser dans le monde ?»92 Selon Ishida Hidetaka, les emplacements et les noms des sanctuaires
shintô véhiculaient la mémoire orale des tsunamis. La conscience du risque
La conscience du risque est une connaissance de la vulnérabilité dans la ville, dans les structures gouvernementales, dans les aménagements urbains et bien d’autres. Cette prise de conscience permet d’adapter son habitat et son comportement à l’éventualité de l’aléa. « Après le séisme de Kobe en 1995, la conscience du risque a contribué au développement technologique en matière de constructions antisismiques mais aussi de systèmes d’alerte, les plus performants au monde.»93 L’urbanisation et l’industrialisation croissantes des villes japonaises engendrent un accroissement des risques. Mais paradoxalement, la conscience du danger par la population diminue due aux prouesses techniques des aménagements d’aujourd’hui, jugées plus performantes telles que les digues.94Ces installations procurent un sentiment de sécurité, nous oublions ainsi le risque.95 «Au Japon, on se sent plus en sécurité à côté d’une digue.» 96 91 Grisel Julein, «Gestion des risques et projet d’architecture : la reconstruction du village de Gondo», in November Valérie, Penelas Marin, Viot Pascal, (sous la dir.), Habiter les territoires à risques, Presses Polytechniques Romandes, Lausanne, coll. « Espaces en société», 2011, p 230 92 Nishiyama Yuji, «Philosopher au Japon aujourd’hui, après Fukushima», Rue Descartes, Collège international de Philosophie n°88, 2016, p 16 93 Atlan Corinne, Japon : l’empire de l’harmonie, Paris, Nevicata, 2016, p 38 94 Pelletier Philippe, Le Japon, Cours n°2 Risques naturels et adaptations, Editions Armand Collin, 1997, p 51 95 Pelletier Philippe, « L’anastrophe japonaise», in Revue de géographie de Lyon, vol. 66, n°3-4, pp. 223-230, 1991 96 Marie thomas, entretien téléphonique le 14/12/2016
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La perte de conscience et de mémoire peut être améliorer par l’éducation des populations. Cette sensibilisation est nécessaire pour la protection de la population. Sans la population, les préventions et les règles du gouvernement ne servent à rien. C’est un travail en commun. Les 3 grands axes à développer pour une bonne éducation seraient : - La connaissance de son environnement - La connaissance de sa vulnérabilité - L’apprentissage des bons réflexes Le sentiment d’impermanence Depuis des millénaires, le Japon est ravagé par la brièveté des tremblements de terres, la dévastation des tsunamis, les courtes éruptions volcaniques évoquant sa fragilité et l’impermanence des choses et des êtres. Deux citations de Kamo no Chômei, poète du treizième siècle décrit cette notion d’impermanence («mujô»), dans Notes de mon ermitage « J’abandonne ma vie au destin, je ne désire ni vivre longtemps, ni mourir vite. J’assimile ma vie à un nuage inconsistant, je n’y accroche pas mon espoir et n’éprouve pas non plus de regrets. »97 Seul le moment présent existe. Vivre chaque jour comme si c’était le dernier. La certitude que rien ne dure est ancrée dans la culture japonaise. Le «mono no aware»,(la poignante mélancolie des choses), est une émotion basée sur la conscience de l’impermanence.98 C’est l’émerveillement de la nature comme l’éclosion des fleurs de cerisier, symbole de l’impermanence, se déroulant seulement deux semaines chaque année. «La fleur de cerisier est, pour
nous, Japonais, une fleur particulière, liée à la fatalité. Elle est le symbole de ce qui, au moment même où la pleine beauté est atteinte, doit tomber.»99 Cette temporalité se retrouve dans les haïkus, poèmes courts (de 3 vers) exprimant l’évanescence des choses et des saisons. L’éternel renouvellement des choses au Japon comme le rythme de la destruction et la reconstruction est principalement dû aux risques100. La construction des bâtiments au Japon se renouvelle tous les 30 ans environ, souvent à l’identique mais pas complètement. En effet, les bâtiments sont ainsi renforcer pour 97 Deltenre Chantal et Dauber Maximilien, Japon Miscellanées, Paris, Nevicata, 2012, p 67 98 Atlan Corinne, Japon : l’empire de l’harmonie, Paris, Nevicata, 2016, p 11 99 Ikezawa Natsuki in Quentin Corinne, Sakai Cécile, (Sous la dir.), L’archipel des séismes, écrits du Japon après le 11 mars 2011, Arles, Phillipe Picquier, 2012, p 249 100 Atlan Corinne, Japon : l’empire de l’harmonie, Paris, Nevicata, 2016, p 39
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se protéger des aléas. Contrairement à la France qui investit dans la pierre, le Japon investit quant à lui au foncier. Les bâtiments perdent de leur valeur avec le temps, il est ainsi plus rentable de les détruire et de les reconstruire. Lors d’une catastrophe, les souvenirs, la mémoire auront plus d’importance pour les Japonais qu’un bâtiment physique. L’acceptation du risque et donc de l’éphémère se retrouve ainsi dans la conception des villes. Selon Toyo Ito, la ville de Tokyo est un bonne exemple de ce phénomène, il l’a décrit comme une ville éphémère. En construction constante, la ville flottante.101 La catastrophe comme moyen de renouveau Au Japon, «tout se rejoint et se mêle». La coexistence des contraires vient de la pensée du yin et yang issue du taoïsme chinois. La dualité du noir et du blanc, du bien et du mal n’existe pas au Japon, tout est gamme de gris. Ainsi, la mer tue et nourrie en même temps. Par exemple, la région du Tōhoku est depuis des millénaires sujette à des tsunamis qui détruisant tous sur leur passage permet aussi par leur vague de ramener les poissons vers les rivages, et d’avoir l’une des pêches les plus abondantes de tout le pays.102 En, France on a un proverbe pour définir ce phénomène : « un mal pour un bien». Les typhons ont permis aussi de détruire les envahisseurs du Japon, tels que la flotte de Corée de Kubilaï-Khan au treizième siècle. Le typhon nommé Kamikaze soit «vent divin» était considéré comme une intervention des kami.103 Plus récemment, la catastrophe du 11 mars 2011, a remis en avant la question de l’énergie nucléaire. Le Japon possède 46 réacteurs dans 15 centrales disposées le long du littoral. Il est ainsi le 3ème rang mondial en producteur d’électricité. La catastrophe du 11 mars 2011 a accéléré au Japon et dans le monde, une recherche d’alternatives en énergies. (parcs éoliennes, panneaux photovoltaïques). Elle a permis de remettre en question la fragilité des struc-
101 Roche-Soulie Sophie et Roulet Sophie, «Toyo Ito, l’architecture de l’éphémère», Le Moniteur, 1991, p 92 102 Atlan Corinne, Japon : l’empire de l’harmonie, Paris, Nevicata, 2016, p 10 103 Ibid, p 67
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tures vis à vis du nucléaire.104 D’après Philippe Pelletier, « la catastrophe ne serait pas au Japon ce dernier verset d’une dramaturgie de la nature, son dénouement, mais bien son bouleversement antérieur, son initiation: «le tournoiement» des choses serait une anastrophe»105. Ainsi, la catastrophe n’est pas considérée comme une fin en soi mais comme un recommencement : c’est «l’anastrophe» de la culture japonaise. Selon le philosophe Watsuji Tetsurô (1889-1960) dans son essai «Fudô» (milieux), les climats et les typhons ont forgé le tempérament des japonais.106 Les typhons apporteraient un esprit combatif bouleversant avec la routine passive de tous les jours. L’implication mutuelle entre l’être humain et son milieu permet leur évolution.107 Selon, Masao Yamaguchi, «Susano» kami des calamités naturelles, de l’orage est «doué d’un caractère à deux visages qui s’opposent l’un l’autre : le tricheur et le héros, le créateur de l’ordre, introduisant le chaos puis recréant l’ordre».108 Dans l’article « Félix Guattari et l’écologie de la dévastation» de Prignot Nicolas, il ne s’agit plus de penser en fonction de l’arrivée de la catastrophe mais de réfléchir en fonction des conséquences qu’elle a apporté. «La dévastation de Fukushima a produit des terres polluées, sur lesquelles aujourd’hui les agriculteurs sont occupés à expérimenter de nouvelles manières de nourrir le monde malgré Fukushima.» 109 La catastrophe devient un moyen radical pour changer nos manières de penser, de produire et de vivre ces changements qui permettront d’évoluer. Selon Toyō Itō, une zone dévastée par une catastrophe offre une grande opportunité pour la population et les maîtres d’ouvrages à prendre un nouveau départ de ce que l’architecture pourrait devenir.110 104 Deltenre Chantal et Dauber Maximilien, Japon Miscellanées, Paris, Nevicata, 2012, p 100 105 Pelletier Philippe. « L’anastrophe japonais », Revue de géographie de Lyon, vol. 66, n°3-4, 1991, A propos de la séquence neigeuse de décembre 1990 : Une approche des évènements externes. p.223 106 Cf. Chapitre II.A. Climats variés, p? 107 Pelletier Philippe, « L’anastrophe japonaise», in Revue de géographie de Lyon, vol. 66, n°3-4, pp. 223-230, 1991 108 Ibid 109 Prignot Nicolas, «Félix Guattari et l’écologie de la dévastation», Rue Descartes, Collège international de Philosophie n°88, 2016, p 144 110 RIBA (the Royal Institute of British Architects ), exposition «Creation from Catastrophe: How architecture rebuilds communities», Londres, 27/01 au 24/04/2016
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La gestion du risque Au Japon, deux types de catastrophes se distinguent : celles qui sont prévisibles et évitables (comme les inondations) et celles qui sont imprévisibles et inévitables (comme les séismes). Dans le premier modèle, il s’agira principalement d’aménager, d’utiliser, de détourner et de contenir. Alors que dans le second cas, de s’organiser et de se défendre. Avant l’urbanisation croissante, la population s’installait sur des espaces à l’abri, près des terrasses diluviales. Mais l’augmentation de la population, le choix de la riziculture irriguée et du développement économique ont amené à réaliser de mauvais choix quant à la disposition des agglomérations dans les zones inondables. De plus, près des zones inondables, le foncier perd de sa valeur, empêchant les propriétaires de vendre. Ainsi, c’est un cycle infini où ils restent et sont soumis à la vulnérabilité de leur terre.111 Le Japon est l’un des pays les mieux préparés aux catastrophes. Chaque quartier, chaque rue possède un panneau indiquant les consignes d’urgence. De plus, de nombreux abris sont prévus et cartographiés dans chaque quartier. Par ailleurs, plusieurs fiches iconographiques de prévention des risques sont mise à disposition des populations et accessibles à tous par des dessins explicatifs. Pratiquement toutes les maisons possèdent la panoplie de survie : couvertures, extincteurs, casques, réserves d’eau...Et même dans les écoles, les élèves disposent d’un casque de protection dans leur casier. Le Japon a mis en place d’importants moyens de prévention «bôsai» par la surveillance des phénomènes naturelles, la communication, l’éducation, l’information et la préparation: -Par la surveillance: Plusieurs organismes, privées et publiques surveillent de près les manifestations naturelles, telle que l’Agence Météorologique Japonaise qui est chargée d’alerter la population en cas de séisme, de tsunami, d’événement météorologique importante (chute de neige, forte pluies...) et d’éruptions volcaniques. Ainsi, les villages et les villes japonaises sont équipés de haut-parleurs. 111 Pelletier Philippe, « L’anastrophe japonaise», in Revue de géographie de Lyon, vol. 66, n°3-4, pp. 223-230, 1991
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-Par l’éducation : Dès leurs plus jeunes âges, les japonais sont préparés à réagir, à comprendre et analyser les catastrophes. Par exemple, lors d’un séisme, les professeurs leurs apprennent à distinguer les différentes échelles d’intensités, mais aussi les bons réflexes, un «savoir-réagir»112 comme de couper le gaz et de se mettre sous une table.113
Fig.60. Iconographie destinée à l’éducation des enfants, illustrant l’échelle d’intensités sismiques, proposée par la Japan Weather Association (JWA).
Dans la ville de Tokyo et dans plusieurs villes japonaises, se trouvent plusieurs centres de prévention des catastrophes naturelles, qui permettent aux visiteurs d’expérimenter, d’apprendre les actions et règles à adopter lors d’une catastrophe. Par exemple, pour la catastrophe de Fukushima, l’artiste Kazuhiko Hachiya, le 15 mars 2011, soit 4 jours après l’événement, a réalisé une vidéo par des dessins expliquant aux enfants, le déroulement de la catastrophe et les conséquences que ça peut engendrer. Les Japonais ont appris à vivre avec la menace constante des catastrophes. « si dix alertes au tsunami ne sont pas suivies de conséquences, à la onzième, la population continuera à respecter à la lettre les mesures préventives avec la même discipline et la même
112 Weliachew Boris, «Culture du Risque et pratiques architecturales et urbaines, éléments de comparaison Japon/France, École nationale Supérieure d’Architecture Paris Val de Seine, p 6 113 Percheron Léa, «Entre culture du risque et gestion du risque ? En quoi la culture du risque est-elle une nécessité ? Quels sont les actions à mener pour améliorer la culture du risque en Europe ?», Mémoire de Master II, Ecole d’architecture de Val de seine, 2011-2012, p 15
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efficacité qu’à la première.»114 Cette anecdote montre la culture japonaise comme une culture collectiviste, les japonais vivent pour le groupe, par respect et obéissance. L’éducation dans le prévention des risques est primordial. En effet, selon le département des Sciences Environnementales de l’université de Nagoya, une bonne éducation de prévention des risques réduiraient, les dommages économique de 60% et les vies humaines de plus de 80%.115 L’art porte parole des catastrophes La catastrophe est un thème récurrent dans la littérature, dans le cinéma et dans l’art au Japon : -Par les estampes japonaises, l’ukiyo-e, «le monde flottant», style artistique de l’époque d’Edo, s’inspire de l’enseignement du bouddhisme auquel tout plaisir terrestre est évanescent, éphémère, flottant, un monde promis à la disparition. L’estampe du grand peintre Hokusai Katsushika, «La grande vague de Kanagawa», réalisée en 1830, montre des hommes minuscules, face à la colère de la mer.
Fig.61. Katsushika Hokusai, La Grande Vague de Kanagawa, 1830
-Par les mangas qui sont un moyen de véhiculer la culture japonaise. De nombreux titres racontent la destruction du Japon par les catastrophes naturelles ou humaines. 114 Weliachew Boris, «Culture du Risque et pratiques architecturales et urbaines, éléments de comparaison Japon/France, École nationale Supérieure d’Architecture Paris Val de Seine, p 12 115 Ibid, p 18
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Le manga «l’esprit du soleil» énonce un tremblement de terre monstrueux qui coupe l’archipel du Japon en deux. -Par la littérature qui est aussi très présente dans la prise de parole face à ces calamités. Le roman célèbre, «la submersion du Japon», écrit en 1972 par Sakyo Komatsu, évoque la destruction totale du Japon par un enchaînement des désastres naturelles (volcanisme, séismes, tsunamis), sous le regard impuissant du monde entier. Ce genre post-apocalyptique suit généralement le même scénario : le monde est détruit et la où les personnes qui survivent essayent de reconstruire un monde meilleur.116 Après le 11 mars 2011, de nombreux organismes littéraires et artistiques ont vu le jour. Comme un groupe « Vagues invisibles : Les écrivains japonais face à la catastrophe : tsunami, Fukushima et notre avenir», de 3 écrivains japonais, Hideo Furukawa, Keijiro Suga, Mizuho Ishida portes-paroles pour ne pas oublier la catastrophe, en voyageant en France et en Angleterre pour présenter leur engagements. -Par le cinéma, le genre cinématographique du «kaiju eiga», cinéma des monstres, au vingtième siècle était très à la mode, mettant en scène des monstres sortant de l’océan pour détruire les grandes villes japonaises, comme l’exemple même du film «Godzilla» crée par Tomoyuki Tanaka en 1954.117 Le thème du film exploite la peur du nucléaire et montre un «Godzilla» tantôt une menace contre l’homme tantôt son allié contre d’autres monstres. Ômiya Kôichi, a réalisé un documentaire sur le séisme du 11 mars 2011, dont le titre Mujô Sobyô (Esquisse de l’impermanence). La peur de l’oubli constitue une des raisons qui l’ont amené à tourner. Le documentaire est l’enregistrement des voix des sinistrés une cinquantaine de jours après le séisme qui correspond aux rites bouddhiques. L’art est un moyen de ne pas oublier les catastrophes et de prendre conscience 116 Mielcarek Romain, «le Japon, terre empreinte de catastrophes», les voix du monde, 28/09/2014 117 Percheron Léa, «Entre culture du risque et gestion du risque ? En quoi la culture du risque est-elle une nécessité ? Quels sont les actions à mener pour améliorer la culture du risque en Europe ?», Mémoire de Master II, Ecole d’architecture de Val de seine, 20112012, p 12
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de la notion de risque par toutes les générations. L’œuvre d’art est créée par une personne mais porte un message pour la communauté. L’art, la littérature et le cinéma sont des moyens pour décrire la catastrophe et unir l’ensemble de la population. Il s’agit avant tout d’un message d’espoir pour aider les sociétés à guérir. La maîtrise de l’environnement physique Les régions du Japon sont plus ou moins sensibles aux cataclysmes naturels. Par exemple, le Tōkaidō combine toutes les catastrophes (séismes, inondations, typhons), alors que le Kyûshû est moins sujet aux séismes et aux tempêtes de neiges, mais est touché par de fortes pluies, les volcans, et les typhons. Les risques sont présents partout au Japon mais à différent degré.118 La maîtrise est devenue primordiale pour assurer la survie des Japonais. Ils ont ainsi, multiplié les aménagements, techniques d’encadrements pour maîtriser leur environnement. Au Japon, l’architecte ne participe pas dans l’aménagement urbain contre les risques. C’est surtout les ingénieurs qui y participent. L’architecture japonaise est marquée par cette culture du risque depuis toujours. Le bois et la légèreté sont privilégiés. Le climat humide et chaud a favorisé une architecture aérée par des pilotis et légère par le bois. Les pagodes japonaises réalisées depuis les temps anciens, sont des modèles anti-sismique et survivent aussi à des tsunamis.119 Très tôt au Japon, la conception et l’adaptation en zone à risque avait été pensées et expérimentées par une catastrophe antérieure ou un savoir faire ancestral. La résilience au Japon Du latin resilire, «rebondir en arrière», la résilience signifie ainsi « la capacité d’un individu ou d’une société à se relever après une catastrophe».120 Selon, Goering Laurie, BRACED ( Building Resilience and Adaptation to climate Extremes and disasters), trois étapes reviennent dans la résilience face 118 Pelletier Philippe, Japon, crise d’une autre modernité, Paris, Belin,2003,p 72 119 Ibid,p 70 120 Catalina Agnès, Maude Geissmann, «Le Japon, culture du risque et résiliences individuelles », in, Jean Autard, Cécile Coulon, Marie-Laure Fournasson, Maude Geissmann, Les facteurs culturels intervenant dans la résilience, Centre de formation sur l’environnement et la société
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à un changement climatique : - La capacité à s’adapter à des catastrophes déjà survenues - Anticiper la suite - Absorber les chocs quand ils surviennent Par exemple, après avoir subi deux bombes atomiques, le Japon s’est propulsé dans les premiers rangs mondiaux de l’économie.121 C’est ainsi un pays particulièrement résilient. E. L’inondation au Japon Les facteurs géographiques et climatiques Due aux conditions géographiques et climatiques, l’histoire du Japon est pratiquement synonyme de l’histoire des luttes contre les inondations et les catastrophes sédimentaires. Les grandes villes japonaises comme Tokyo, Nagoya et Hiroshima se situent au niveau des plaines deltaïques qui par leurs morphologies sont inondables. Le risque d’inondation est due aussi à la particularité de ses rivières. En effet, elles ont un débit très élevé par rapport à la superficie du bassin versant, de plus, leurs profils sont quasi similaires aux profils de torrent des montagnes. Par ailleurs, l’accumulation des sédiments en aval accentue les crues fluviales.122 Le cycle climatique123 est aussi un facteur dans ce risque lié à l’eau. Tous les ans, l’archipel subit de fortes pluies d’une durée très courte, ou bien des typhons assez violents causant des dégâts. Quand ces conditions topographiques se conjuguent avec les conditions climatiques, les crues, de l’amont vers l’aval, sont beaucoup plus rapides et très violentes. L’omniprésence de l’eau124 se traduit dans l’archipel par l’eau de la mer, du ciel et de la rivière. En revanche, quand les trois eaux se réunissent, la catas121 Augendre Marie, «Les facteurs culturels de la résilience, le cas du japon», séminaire Résilience urbaine, 27/05/2010 122 Takahashi Yutaka, Berque Augustin, « la rivière dans la ville au Japon», Revue de géopgraphie de Lyon, vol.65, n°4, 1990. Villes et fleuves au Japon et en France. pp.227-232 123 Cf. Chapitre II.A climats variés 124 Cf. Chapitre II.A Hydrographie veineuse
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trophe devient grave et dévastatrice. Les stratégies contre l’inondation : Soucieux de préserver cette richesse en eau, les rivières ont connu des changements artificiels pour approvisionner les plaines, les rizières125 et protéger les populations des inondations par des endiguements et des barrages dans les montagnes. Dès le IIIe siècle des barrages ont été édifiés et se sont multipliés particulièrement dans les années 50, destinés à irriguer les plaines et à produire de l’hydroélectricité pour les villes. Ces grands aménagements, noient des vallées entières, dépossèdent en eau certains espaces qui circulent d’un bassin versant à un autre et déstabilisent les systèmes traditionnelles.126 La maîtrise hydraulique est ainsi très ancienne, et accompagne le développement des villes japonaises. A l’époque de l’Edo, deux méthodes ont été adoptées. La première dite Kantô, consiste « à élargir le lit des rivières, à respecter les méandres, à bâtir des digues moyennes qui favorise le déversement immédiat des grandes crues, à étaler les eaux au maximum »127, tandis que la seconde dite Kishû vise « à conduire les eaux aussi vite que possible vers la mer»128 à travers la suppression des bras et des méandres ainsi que la construction des digues élevées. Cette seconde technique développée dans la plaine de Nôbi à Nagoya et celle d’Osaka sera répandue au cours de la période Meïji. En fonction de l’importance de la zone à protéger et des caractéristiques des terrains naturels, les mesures de lutte contre l’inondation ont été développées. Celles-ci pouvaient se manifester par la construction de talus de différentes hauteurs sur les rives droites et gauches ou même sur différentes zones le long de la rivière. Ces constructions servaient de protection des importantes fermes, des rizières et des communautés locales. 125 Cf. Chapitre II.A la culture du riz au cœur du paysage japonais 126 Pelletier Philippe, Atlas du Japon, une société face à la post-modernité, Paris, autrement, coll. «Atlas/Monde», 2008, p 8 127 Pelletier Philippe, Le Japon, Paris, Éditions Armand Collin, coll. «Prépas Géographie» 1997, p.51 128 Ibid.
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Cette différence de hauteur exprime le choix de la protection d’une classe sociale plus qu’une autre, ainsi une ségrégation socio-spatiale en ville. En effet, Philippe Pelletier évoque «un édit de 1601 pris par le nouveau seigneur Fukushima demande à ce qu’on surélève la digue de Hakushima qui protège le château et qu’on laisse une digue basse du côté d’Ushita où réside le «peuple» ( shomin).» 129 Lors d’un débordement des cours d’eau, deux problèmes se posent: la crue et l’immersion des cultures plus les sédiments en forme de boue rendant les cultures inexploitables. Cependant, la technique d’endiguement des rivières à forte charge alluviale a provoqué une sédimentation des alluvions dans les lits et donc un rehaussement du lit du fleuve entraînant une surélévation des digues (technique Kishû). Ce jeu d’alternance, entre hausse du lit et celle de la digue, explique la hauteur des lits des rivières aujourd’hui appelé tenjô gawa « fleuves plafonds»130. « L’édification des digues de protection ainsi que leur surélévation, constituent paradoxalement une cause des catastrophes».131En effet, la rupture de certaines digues cause de grands dommages durant la catastrophe. « Si l’on excepte quelques bassins intramontagneux, l’archipel n’offre au riziculteur que de petites plaines littorales. Encore celles-ci peuvent-elles compter d’assez nombreuses terrasses, où l’irrigation ne va pas sans de vastes aménagements. En effet, la montagne, avec les fleuves courts et violents qui en débouchent, domine le paysage naturel. Occupant de larges lits majeurs, sujets à de fortes irrégularités de débit, ces fleuves sont presque partout menaçants pour l’homme, qui a dû les verrouiller par des levées. Autant, vers l’amont, l’irrigation des cônes alluviaux et des terrasses a exigé d’énormes travaux d’adduction, autant vers l’aval la surélévation progressive du lit fluvial par rapport à la plaine peut exiger de protections. Les fleuves dits tenjô gawa (« fleuves-plafond ») coulent parfois si haut qu’on les franchit par un tunnel»132 Très tôt, les Japonais ont pris en compte la gestion du risque en amont comme en aval à l’échelle du territoire. Les versants montagnards en forêt ont été conservés afin de réduire le risque d’érosion et de glissement de terrain dans la partie amont des cours d’eau, ce qui garantie un débit suffisant à l’irrigation 129 Pelletier Philippe, «Hiroshima, ville-delta», Revue de géographie de Lyon, vol. 65, n°4, 1990, Villes et fleuves au Japon et en France. pp. 290-299; 130 Berque Augustin, Le Japon, gestion de l’espace et changement social, Paris, Éditions Flammarion, 1992, p.17 131 Abe Yoshio, Terres à riz en Asie, essai de typologie, Paris, Éditions Masson, in Thomas Marie, «Les rivières de Nagoya à travers l’inondation du Tôkai » p.44 132 Berque Augustin, Le Japon, gestion de l’espace et changement social, Paris, Flammarion, 1976, p 17
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en aval. Des édits shogunaux remontant au XIe siècle, ont interdit le dessouchage et le déboisement en forêt133 au regard de son importance pour la lutte contre l’érosion. Les autres mesures fortes contre l’inondation sont le détournement des fleuves et la création de bras artificiels. Par exemple à Tokyo, la rivière Tone qui coulait vers la baie, fut déplacée au nord à l’époque d’Edo afin de mieux irriguer la plaine Kantô et de protéger la ville contre les inondations.134 L’ouverture du Japon au monde durant la période Meiji a permis le développement des techniques hydrauliques. Le savoir faire des ingénieurs hollandais a contribué à améliorer des mesures structurelles le long des cours d’eaux. A la fin du XIXe siècle, la législation sur les cours d’eau voit le jour. En effet, en 1896, la loi de rivière a été édifiée et promulguée et ce fut l’un des premiers codes complets et modernes au monde. Par cette loi fluviale, les rivières deviennent un bien national à gérer par les gouvernements locaux.
Les rivières sur l’archipel nippon selon la loi de rivière se classent sous différentes catégories : -Classe A : Elles regroupent les rivières d’une importante nationale qui traversent plusieurs préfectures et sont gérées par le MLITT (Ministère du Territoire, Infrastructure, et du Tourisme). A la fin de 1997, 109 cours d’eau de classe A ont été désignés. -Classe B : Ce sont les rivières locales qui sont gérées par les administrateurs des préfectures. A la fin de 1997, 2691 rivières ont été classées dans la catégorie B.
133 Cf. Chapitre II.A une végétation riche 134 Berque Augustin, «Tokyo : une société devant ses rivières» , Revue de géographie de Lyon, vol. 65, n°4, 1990, Villes et fleuves au Japon et en France. Pp. 255-260
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Fig.62. Classification et administration des rivières
En 1897, la loi «sabô» consiste à construire des travaux afin de protéger les plaines et les lits des rivières de tous types de dégâts liés aux sédiments et à l’érosion grâce à différents aménagements en amont et en aval. 135 L’ancienne loi sur les rivières a été remplacée par une nouvelle loi en 1964 afin de prendre compte des changements sociaux et économiques. Ces législations ne cesseront d’être renforcé afin d’améliorer les rivières et leurs contrôles à l’échelle nationale.136 Suite aux plusieurs inondations entre 1902 à 1910 dans le pays, différents plans de contrôle des inondations ont été élaborés; le premier en 1911, le deuxième en 1921 et le troisième en 1923. À l’arrivée de la guerre, ce ne fut plus une priorité.
135 Augendre Marie, «Vivre avec le volcan. Une géographie du risque volcanique au Japon.» Thèse de doctorat en géographie physique, humaine, économique, Université de Lyon II, 2008, p.130 136 Tamamistu Hiroaki, « The River Law», supervisé par le bureau de bureau des rivières et le ministère de la construction, 1990
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Fig.63. Typologie des ouvrages sabô Légende : D’amont en aval les constructions visent à limiter et confiner l’érosion, sur les versants et dans les lits. A: Extrême amont où sont installés des câbles-capteurs (ils vibrent ou sont brisés au passage d’un écoulement). Reliés aux observatoires, ils permettent de repérer le déclenchement d’un mouvement sédimentaire dès son origine (ex. : Tokachi-dake). Complétés par des caméras postées sur les ouvrages plus en aval. B: Ouvrages de protection “active”, destinés à stabiliser les pentes (murets, diguettes, végétalisation, « filets » en béton armé ou chape de ciment) C: Barrages d’écrêtage, construits en série. Ils sont destinés à stopper une partie des sédiments et ralentir l’écoulement (Komaga-take). Barrages fermés ou semi-fermés. D et E: Barrages-écrans, et barrages-tamis, qui laissent passer les fractions moyennes et fines, mais retiennent les éléments les plus grossiers (troncs, blocs, etc.) (Tokachi-dake, Sakurajima, Iô-jima). F: Digues de dispersion ou de contrôle, pour guider l’écoulement (Fuji-san) G: Bassins / poches de rétention, destinés à contenir d’importants volumes de laves torrentielles (Miyake-jima) ; bassins de décantation, dans les secteurs de faible pente, pour favoriser la déposition des matériaux les plus fins H: Chenaux bétonnés, en zone urbanisée, pour guider l’eau jusqu’au niveau de base sans débordement (Miyake-jima, Unzen)
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Plusieurs lois et travaux hydrauliques importants ont été réalisés sur les réseaux fluviaux car les rivières étaient les artères de l’économie. Le Japon développe des mesures ponctuelles tels que les stations de pompages en amont de la ville, barrages dans l’espace montisylve137, dragage des cours d’eau et le bétonnage des lits des rivières. Les mesures fortes (digues, détournement des fleuves) et les mesures ponctuelles ne suffisent pas. Le pays a élaboré tout un système hydraulique souterrain afin d’évacuer les excès d’eaux vers la mer. Ce système abrite également des réservoirs pouvant stocker les eaux pendant la crue. Or, ces travaux peuvent être inondés pendant des crues torrentiels ou crues par ruissellement urbain, ce qui aggravera les dégâts de la catastrophe. Après la Seconde Guerre mondiale, diverses mesures de réhabilitation et d’atténuation des inondations ont été prises comme une réponse aux catastrophes majeures successives qui ont frappé le Japon et aux pertes sociales et économiques. Après le grand désastre dû au typhon dans la baie d’Ise à Nagoya en 1959, des digues en béton assez hautes nommées digues rasoirs font leur apparition en situation d’urgence.138 Elles deviennent le modèle classique d’endiguement des rivières. Un autre modèle qui émerge dans les années 70, est les «super-digues» dite sûpâ teibô139. Ce sont des digues très larges abritant une plateforme qui se continue à l’arrière des digues actuelles par un rehaussement du niveau du terrain, ce qui crée une forme de quai en pente douce (3%). D’une hauteur de 10 mètres et une longueur de 300 mètres environ, elles sont dédiées généralement aux zones situées au dessous du niveau de la mer ou aux zones très denses et très urbanisées, dont les dégâts sont extrêmement conséquents en cas d’inondation. Cette technique résiste mieux aux inondations brutales qu’aux séismes. Elle offre une certaine sécurité ainsi qu’un usage agréable (promenade, traitement paysager) permettant aux habitants de profiter de la
137 Philippe Pelletier propose dans ses écrits le terme montisylve comme le néologisme de yama signifiant dans la langue japonaise les montagnes et les forêts occupant le même espace. 138 Berque Augustin, «Tokyo : une société devant ses rivières» , Revue de géographie de Lyon,vol. 65, n°4, 1990, Villes et fleuves au Japon et en France. Pp. 255-260 139 Ibid
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présence de la rivière140. En revanche, cette construction onéreuse nécessite une surface très importante. Etant donné que l’État possède le lit moyen des rivières alors que les super-digues s’étendent sur le foncier privé le long des berges, ce principe est appliqué que dans certaines zones de l’archipel notamment à la rivière Yodo à Ôsaka et à la rivière Sumida à Tokyo.
Fig.64. Schéma «super digue»
L’urbanisation massive durant la Haute Croissance141 a extrêmement modifié le risque d’inondation. Le système hydraulique est bouleversé, l’aléa est anthropisé, ce qui aggravent les enjeux en aval. Le gouvernement investit des sommes phénoménales pour renforcer son système de protection. Il multiplie les portes anti-inondation sur l’eau et sur la rue, ainsi que des grands murs anti-tsunami pour échapper à une grande catastrophe. Notamment à Tokyo, le long de la rivière Edo, plusieurs portes anti-inondation sont installées permettant le contrôle de l’eau.
Fig.65. Portes contre inondation : rivières, rues, métros 140 Facchini Angelo, Climate-sensitive urbanization in Tokyo-Yokohama,pp.106-107 in Oriol Nel-lo, Renata Mele, Cities in the 21st Century, New York, Editions Routledge, 2016 141 Cf. Chapitre II.B évolution de l’urbanité nippone
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De 1992 à 2006, les Japonais ont construit leur plus grand système hydraulique souterrain nommé «Metropolitan Aera Outer Underground Discharge». Ce géant réservoir a pour objectif de protéger la ville de Tokyo contre les inondations. Grâce à sa capacité impressionnante de stockage de 250 000m3, le réservoir pourra collecter des eaux en cas d’inondation puis les évacuer progressivement vers la rivière d’Edo. Ce «souterrain de la fin du monde» est relié par un tunnel de 6,3 kilomètres de long à cinq silos de 70 mètres de profondeur et de 32 mètres de diamètres. Ce «temple souterrain» coûtant 2 milliards de dollars compte 59 piliers de 18 mètres de haut. Les projets de lutte contre les inondations ont permis de diminuer le nombre de victimes des inondations au fil des ans, mais le niveau de sécurité reste faible.
Fig.66. Schéma du plus grand complexe souterrain du monde conçu pour recueillir et drainer les surplus d’eau des crues de quatre rivières et les rejeter dans le fleuve Edo, à
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L’accroissement du risque : L’urbanisation au Japon a eu lieu principalement sur des plaines alluviales sujettes à des inondations de rivière. De plus, l’imperméabilisation des sols a déréglé l’approvisionnement en eau de la nappe phréatique, et a entraîné des crues par ruissellement qui sont beaucoup plus violentes et surtout dangereuses dans les lits majeures. Par ailleurs, le pompage de grandes quantités d’eau de la nappe phréatique par les géants industriels a causé une subsidence du sol. Certains quartiers de la Ville Basse se trouvent ainsi sous le niveau de la mer. Par exemple à Tokyo, entre 1930 et 1975, le sol s’est abaissé de 4,5m. Donc, la Ville Basse est devenue très vulnérable au risque d’inondation mais aussi au phénomène de liquéfaction du sol en cas de séisme, ce qui provoquera une fragilité ou une rupture des digues élevées le long des rivières.142 Aujourd’hui, le risque d’inondation dans le territoire nippon connaît une grande mutation. La perturbation du système hydraulique, la déstabilisation des montagnes et des campagnes par l’exode rural, l’industrialisation et l’urbanisation massive amplifient le risque. D’autre part, la réduction des rizières et l’imperméabilisation du sol diminuent l’absorption des eaux.143 Par conséquent, l’archipel devra gérer ce risque en mutation et faire face à un nouveau type de catastrophe.
142 Berque Augustin, «Tokyo : une société devant ses rivières» , Revue de géographie de Lyon, vol. 65, n°4, 1990, Villes et fleuves au Japon et en France. Pp. 255-260 143 Pelletier Philippe. «L’anastrophe japonaise », Revue de géographie de Lyon, vol. 66, n°34, 1991, A propos de la séquence neigeuse de décembre 1990 : Une approche des évènements externes. Pp. 223-230
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Synthèse : Depuis toujours le Japon est victime de catastrophes. La culture du risque fait donc partie intégrante de la culture japonaise. La population connaît et accepte le phénomène parce qu’il fait partie de leur vie. La culture du risque est un moyen de ne pas oublier la catastrophe, elle empêche la perte de mémoire et réduit la vulnérabilité. Pour la renforcer il faut éduquer les populations, leur faire prendre conscience du risque et développer leur bon réflexes nécessaires en cas de catastrophe. La catastrophe de 2011, a rappelé la fragilité de notre environnement quotidien et la vulnérabilité de nos conditions d’habitat face aux risques. Le risque et la société se transforment et évoluent l’un avec l’autre. En effet, depuis des décennies les Japonais ont développé et renforcé leurs mesures contre le risque d’inondation par l’élargissant les lits des rivières, la construction des digues, la création de canal de dérivation, le détournement d’un cours d’eau, les stations de pompage, les barrages, le dragage des cours d’eau et le bétonnage des lits des rivières. Afin de consolider ces travaux, un réseau de canaux souterrains est mis en place afin de d’évacuer les excès d’eaux vers la mer et aussi de les stocker dans des réservoirs durant la crue. Les enjeux en aval sont devenus plus grave après la période de la Haute Croissance. L’urbanisation massive, l’imperméabilisation du sol et la subsidence du sol causé par le pompage des eaux souterraines par les industries accroissent le risque dans les grandes métropoles du pays. Dans le monde et surtout au Japon, le rapport à la catastrophe, à la violence de la nature, est un moteur humain, artistique et culturel. La destruction des villes par l’homme ou par les catastrophes naturelles, sont une opportunité de repenser les paysages urbains et notre manière de vivre.
91
Morts Régression Épreuves
Malédiction Disparition
Violence
Méfaits
Brutal
Érème Survie Malheur
Ravage Dommage Destruction
Intense Chaos
Peurs Dénouement
Menaçant Déluge Souffrance Dévastateur Intensité
EAU, NATURE, CA Une coexistence des con 92
Nourricière Protection Recommencement Généreux Ordre
Opportunité Abondant Confort Oekoumène
Plaisir Riche
Évolution Changement Fortune
Douce
Unis
Renforcement
Force de caractère
Bénédiction Source de vie Développement
Progrès
Bienfaits
ATASTROPHE ntraires en équilibre
Fig.67
93
94
Fig.68
95
Fig.69. Vue satellite de la ville de Nagoya et ses arrondissements
96
III- NAGOYA : VILLE VULNÉRABLE AUX INONDATIONS La naissance de Nagoya Nagoya ( ), ou ville de la vieille maison.144 Son nom provient d’un ancien manoir baptisé Nagono, construit au XIIe. Durant deux cents ans, ce manoir a eu une influence importante et la population a commencé à nommer leur région ainsi. Au fur et à mesure, les caractères composant «Nagono» sont devenue «Nagoya». Trois héros de l’histoire du Japon proviennent de la périphérie de Nagoya. Oda Nobunaga, Toyotomi Hideyoshi et Tokugawa Ieyasu ont contribué à unifier le Japon sous un seul gouvernement. Tokugawa Ieyasu a finalement réussi en 1603, par sa victoire lors de la bataille de Sekigahara. La ville de Kiyosu (périphérie de Nagoya) a servi de base pour le clan Owari (branche de la famille Tokugawa), cependant son château était trop petit et vulnérable aux inondations. Ainsi en 1610, Tokugawa Ieyasu exigea la construction du château de Nagoya et la déportation de la population de Kiyosu autour du château, la ville de Nagoya est ainsi née. En 1907, La ville de Nagoya possède un symbole qui provient du sceau de la famille Tokogawa, représentant un 8 «hachi», entouré d’un cercle «maru», qui donne «Maru-Hachi». La position centrale dans l’archipel Nagoya se situe au centre du Japon, dans la plaine de Nôbi du Honshū centrale, et au bord de la baie d’Ise, côté Pacifique. La ville de Nagoya est la capitale de la préfecture d’Aichi, nommé «Chūkyō » (capitale du Centre) par les japonais. En effet, elle est le centre politique, économique et culturel de la région de Chūbu. Dotée d’une histoire riche, d’une culture de fabrication qualifiée et d’une vitalité industrielle. Elle est connue comme la ville natale de la culture samouraï et le cœur industriel de la nation. Avec une population de 2 295 328 habitants, en 2016 Nagoya est la quatrième plus grande ville du Japon après Tokyo, Yokohama et Osaka. Mais la mégalopole de Nagoya (40 à 50 km autour) représente 9,10 144 Le site internet : http://lesitedujapon.com/le-sens-du-nom-des-villes-japonaises
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millions d’habitants, ce qui la place en troisième aire métropolitaine du pays. Séparée de 180 kilomètres d’Ōsaka à l’ouest, et de 360 kilomètres de Tōkyō, à l’Est. Nagoya est une ville étendue avec une superficie de 326, 44 kilomètres carrés, représentant 3 fois celle de la ville de Paris. Cette ville se distingue des autres villes japonaises par son plan tramé orthogonal et est divisée en 16 arrondissements (ku) différents. Les zones importantes de l’agglomération sont la gare de Nagoya au Nord, le quartier commercial souterrain de Sakae à l’Est et Kanayama au Sud. A. Caractéristiques géographiques de la ville : Le climat : Nagoya possède quatre saisons distinctes et son climat est subtropical humide chaud sans saison sèche.145 Nagoya jouit d’une importante pluviométrie, présente tout le long de l’année, même durant les mois les plus secs.146 Les précipitations atteignent leurs apogées au cours de la saison des pluies (Juin et Juillet) et la saison des typhons (Septembre et Octobre). Durant l’année de 2015, la température moyenne à Nagoya, était de 16,6 °C, la plus élevée de 38,4°C et la plus basse de -2,0°C. Sa pluviométrie équivaut à 1 803 mm. Par comparaison, la ville de Paris a une température moyenne en 2015 de 13,4°C et une précipitation de 498,7 mm.147 L’été à Nagoya est chaud et humide. L’hiver est froid, avec des vents forts venant du Nord-ouest, nommés «gros ibuki» (les vents de mousson proviennent de la région Ibukiyama, d’où ce surnom).
145 Selon la classification de Köppen-Geiger 146 Le site internet de la ville de Nagoya : citynagoya.jp 147 meteoFrance
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Température et Pluviométrie moyenne de Nagoya
Comparaison des précipitations entre la ville de Nagoya et de Paris Fig.70
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La végétation: L’expansion urbaine de Nagoya, a causé la dégradation de sa forêt et de sa biodiversité. Après la guerre, les espaces verts ont considérablement disparu et ont été divisés en petits blocs. En raison de la baisse d’agriculteurs, les terres agricoles ont diminué, passant de 6 185 hectares en 1965 à 905 hectares en 2005, soit une baisse d’environ 6 sur 7. La superficie boisée de Nagoya est passée de 1 648 hectares en 1970 à 1 202 hectares en 2006 (soit une baisse d’environ 30%). Et en 1990, la ville de Nagoya possédait 9,730 ha (30%) de végétation et en 2010 plus que 7,460 ha (23%), soit une perte de 2,270 ha (7%).148 A la suite la ville a conservé les espaces verts restant en parcs. Aujourd’hui, les principaux parcs et espaces verts de la ville de Nagoya sont: le Parc Hisaya-odori, le parc Meijo à proximité du château de Nagoya; le parc Tsuruma, premier parc urbain de la ville; et le parc Shonairyokuchi, qui utilise le bassin de contrôle des inondations pour la rivière Shonai.
Fig.71. Évolution du pourcentage des espaces verts
148 Takagi Toshitaka, «Nagoya City’s Challenge for Environmental Preservation», Environmental Affairs Bureau, City of Nagoya
100
Fig.72. Évolution de la végétation en 70 ans
101
La topographie : La géographie de la ville de Nagoya est relativement plate, élevée à l’est et faible à l’ouest. La ville de Nagoya peut être divisée en trois grandes parties : - La partie vallonnée à l’est - Le plateau central - La plaine alluviale au nord, à l’ouest et au sud
Fig.73. Type de terrain d’un Delta comme Nagoya
La partie à l’est concernant les quartiers de Moriyama, Chigusa, Meito, Tempaku et Midori, est une région vallonnée à faible altitude, avec des collines de 50 à 100 mètres de haut jusqu’aux montagnes de Mikawa. Le plus haut sommet se situe au nord-est de Nagoya, le Mont Togoku avec 198,3 mètres d’altitude. Cette partie est une zone importante de production de céramique, due à la présence d’argile. Bien qu’une grande partie de cette région vallonnée a été développée pour le logement, elle conserve ses étangs de taillis et d’irrigation. La partie centrale de la ville comprend Showa, Mizuho, Atsuta, Naka, Higashi, et une partie de Minami et Atsuta; est un plateau avec une pente douce du Nord au Sud, d’une hauteur de 10 à 15 mètres au dessus du niveau de la mer. La majorité de cette partie est très développée, elle est le cœur historique de la ville, le centre ville. L’érosion de cette zone provoquée par les rivières Yamazaki et Shojin, commence à se transformer en une vallée. La dernière partie comprenant Kita, Nishi, Nakamura, Nakagawa et Minatos et une partie de Atsuta et Minami est une plaine alluviale formée par la sédimentation des rivières. Le point le plus bas dans cette zone est de 1,73 mètres sous le niveau de la mer. Cette zone a été utilisée principalement comme terres agricoles et pour les rizières. De plus, elle correspond à la zone industrielle du port de Nagoya. 102
Fig.74. Topographie de Nagoya
103
L’hydrographie : l’omniprésence de l’eau
L’eau a toujours été présente au lieu même où la ville s’est construite. À l’époque de la préhistoire, le lieu de la ville était situé dans le centre d’un lac nommé le «lac de Tokai», ensuite durant la période Antique, le plateau de Nagoya se dessine et forme une couche arable qui deviendra aujourd’hui la matière première de la poterie d’une haute qualité. La ville de Nagoya est aujourd’hui traversée par plusieurs rivières, plus précisément par 57 rivières, d’une longueur totale de 215 kilomètres. De plus, Nagoya est située à l’Est des trois rivières, Kiso, Ibi et Nagara qui se jettent dans la baie d’Ise. Elles jouent un rôle dans le débit de la baie qui participe ainsi à la vulnérabilité de la ville de Nagoya. La rivière principale de Nagoya est le Shōnai, qui entoure la ville, la délimitant presque complètement. Elle émet sa source au Ena dans la préfecture de Gifu à une altitude de 727m. La rivière Horikawa a été construite en 1610, à l’origine elle avait une longueur de 6 kilomètres, elle a joué un rôle central en reliant la ville d’Atsua à la ville du Château, utilisé comme moyen de transports de marchandises et de personnes. Aujourd’hui, Horikawa traverse Nagoya du Nord au Sud. Par la suite face aux inondations du Shōnai, la rivière Shin est créée en 1784. La rivière Shin devient le bras artificiel du Shōnai. A l’origine, elle avait été réalisée pour que le château ne soit pas inondé par le Shōnai. Le canal Nakagawa a été achevé en 1932, reliant le port de Nagoya et l’ancien poste de cargaison de chemins de fer, Sasashima. Sa fonction est de réguler le niveau de l’eau, il est considéré comme un canal de verrouillage.149 149 Le site internet de la ville de Nagoya : citynagoya.jp
104
Fig.75
Fig.76. Hydrographie de Nagoya
105
Fig.77. La classification des rivières traversant la ville de Nagoya
106
Nagoya possède 16 rivières de classe 1 (Shonai, Yada...), 14 rivières de classe 2 (Tempaku, Yamazaki...). La ville de Nagoya ne surveille pas toutes les rivières mais uniquement quelque unes. Les autres dépassent ses frontières et sont surveillées par le gouvernement.
107
B. De la formation urbaine à une influence territoriale L’évolution historique de la métropole
Comme la majorité des grandes villes japonaises, Nagoya s’est construite sur le modèle «ville sous le château»150 durant la période d’Edo. Son histoire remonte au XVIIe siècle, précisément en 1610, date à laquelle le puissant Shogun (Général) Ieyasu Tokugawa bâtira son grand château. L’arrivée de la famille Tokugawa a permis à la ville un premier développement et une amélioration du niveau de vie, du transport ainsi que son commerce. Dès cette époque, les cours d’eaux furent artificialisés, les lits des rivières creusés pour faciliter le transport fluvial et les digues élevées afin se protéger des crues. En 1889, Nagoya devient officiellement une ville à l’ère Meïji et constitue un véritable centre de commerce. En développant un système de réseau électrique, fluvial et routier avec le reste du Japon, elle réussit à favoriser l’expansion industriel sur son territoire. Après l’ère Meiji et l’ouverture du Japon, la ville s’est développée grâce à la fusion de deux noyaux urbains, le premier au niveau de la plaine autour de la colline sur laquelle s’élève le château, le deuxième situé au vieux sanctuaire d’Atsuta qui fut annexé en 1907, ce qui a permis à la ville d’acquérir le rivage et le port. L’évolution de ce dernier au début du XXe siècle a conduit à la modification des canaux et des cours d’eaux en ville afin de développer un réseau de transport de marchandises entre le port et le centre ville. Le réseau fluvial subit des transformations par la création d’égouts et de canalisations souterraines dans
150 Cf. Chapitre II.B. la «ville sous le château»
108
Fig.78
le centre ville et c’est ainsi que les premières stations d’épuration voient le jour entre 1900 et 1930. Nagoya passe de 600 000 habitants en 1920 à 1,5 million en 1940. Elle possède un des plus importants ports du pays et devient le centre de l’industrie japonaise, surtout dans le secteur aéronautique. Son rôle majeur dans l’armement nippon par la production militaro-industrielle et l’aviation (productions de 10 000 avions de chasse Mitsubishi), fit d’elle une cible stratégique durant le bombardement des américains en 1945. 4000 civils furent tués, 450 000 réfugiés et la moitié de la ville fut détruite. Après 1945, la ville est peuplée de 597 941 habitants.151
Fig.79. L’impact de la Guerre de 1945 151 Japon, Lonely Planet, Chris Rowthorn, En Voyage, 2015, p 217
109
Après la guerre, la ville reprend en main son plan d’urbanisme, de larges avenues, des passages souterrains, des grattes ciels et des parcs ont été réalisés. Elle néglige ses cours d’eau au profit des réseaux ferroviaires et routiers. Au sud de son château bombardé, un nouveau quartier d’affaires apparaît suivant un quadrillage régulier de grandes avenues d’une largeur d’environ 100m. Ce réseau quadrillé orthogonal se divise en carrés de 500m de côté où les rues intérieurs sont moins larges et perpendiculaires.152 L’arrivée de la première ligne à grande vitesse Shinkansen entre Tokyo et Osaka à l’occasion des Jeux Olympiques en 1964 et les nouveaux réseaux routiers favorisent le développement urbain et économique fulgurant de la ville. Au sud de la gare, les quartiers industriels parcourus par de nombreux canaux s’étendent jusqu’au port dans la baie d’Ise. Nagoya devient ainsi un modèle au Japon du «phoenix renaissant de ses cendres, s’établissant comme un centre high-tech pour l’industrie automobile, l’aviation, les machines-outils, la céramique et la robotique, en plus d’être réputée comme centre de production pour ses industries textiles et de meubles.»153 Durant cette période de la Haute Croissance (1955-1973), Nagoya connaît aussi les grandes expansions portuaires à travers le développement des terrespleins industriels et portuaires sur l’eau nommées umetate-chi154. Ces avancées sur la mer accueillent des infrastructures urbaines, l’aéroport international de Chūbu remplaçant l’ancien aéroport situé au nord de la ville, plus une grande partie du secteur de l’industrie lourde de la région telles que les installations sidérurgiques et pétrochimiques. Chef lieu de la Préfecture d’Aichi dans la région du Chūbu, elle compte une densité moyenne de 7031 hab/km2 et est très étendue. En effet, son tissu urbain s’étend de la gare vers le château qui accueille les grattes ciel du quartier d’affaires, les grands magasins et les hôtels. La densité de ces quartiers et la hauteur de ses immeubles contrastent totalement avec le reste du paysage urbain de la ville, qui est assez étalé et très bas, où les constructions font un étage ou deux. L’autre spécificité du tissu urbain de la ville est l’entremêlement du rural et l’urbain. En effet, les cultures ou les rizières peuvent être encadrées par des immeubles ou par des maisons en plein centre ville.
152 Grande Encyclopédie Larousse, Édition 1976, p. 9389 153 Le site internet de voyage : http://www.hoteltravel.com/fr/japan/nagoya/history-of-nagoya.htm 154 Cf.Chapitre II.B. La conquête de la mer
110
Nagoya, ville hétérogène et fortement urbanisée, profite de la troisième dimension de son espace afin de développer de grands centres commerciaux et de loisirs permettant aux citoyens d’échapper aux fortes chaleurs d’été.
Fig.80. Densité de population
Château
Gare
Résidence
Industrie
Fig.81. Caractéristiques des zones
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L’influence de Nagoya aujourd’hui dans l’archipel nippon Nagoya, quatrième plus grande ville du Japon, est le noyau des secteurs des affaires, de l’industrie et des transports. En effet, Nagoya est située sur l’axe majeur du Tōkaidō, « la route de la mer de l’est », reliant l’Est et l’Ouest du Japon.
Fig.82. L’axe du Tōkaidō et de la nouvelle ligne Chūō Shinkansen dans la mégalopole
La ville est ouverte sur le monde par sa gare, son trafic routier, ferroviaire, son port et son aéroport : - Porte d’entrée de la ville de Nagoya, la gare de Nagoya est animée avec plus d’un million de passagers chaque jour. Nagoya est le plus grand nœud ferroviaire du centre de Honshu.155 Nagoya est une passerelle pratique par le train, «Shinkansen» entre les villes japonaises. A 35 minutes de Kyoto, 55 minutes pour Osaka et enfin 100 minutes pour Tokyo.156 La gare est entourée par de grands magasins, hôtels, bureaux et d’autres bâtiments, et possède également le plus grand centre commercial souterrain du Japon. Nagoya Station, JR Central Towers ont été les premiers gratte-ciel construits dans la zone de la gare de Nagoya et atteints une hauteur de 245 155 «Nagoya» selon l’Encyclopédie Larousse, 156 le site internet : http://www.nagoya-info.jp
112
mètres. Par sa hauteur et sa superficie, la gare de Nagoya est l’une des plus grandes au monde. Les grands magasins, les hôtels et les restaurants forment ensemble un complexe urbain dynamique et multifonctionnel. De plus, une nouvelle ligne de train est prévue de Tokyo à Osaka passant par Nagoya. La ligne Chūō Shinkansen est prévue de Tokyo à Nagoya en 2027, passant d’un trajet d’1 h 40 à seulement 40 minutes. Des trains maglev, à sustentation magnétique (train en lévitation) d’une vitesse de 505 km/h. Cette nouvelle ligne va augmenter l’accessibilité entre la capital de Tokyo et la ville de Nagoya. Une expansion économique et un afflux de visiteurs augmentera l’attractivité de Nagoya.
Fig.83. Gare de Nagoya
Fig.84
- Nagoya est la ville de l’automobile, comptabilisant 6389 kilomètres de routes en longueur. Son réseau routier est ainsi très vaste. Les villes situées le long du littoral sont facilement accessibles par de grands axes et des voies express du Tōkaidō. Comme par exemple l’autoroute «Tômei» reliant Tokyo et Nagoya et l’autoroute «Meishin» reliant Nagoya à la région du Kansai (Kyoto, Osaka...). Le nombre moyen d’utilisateur de véhicules au quotidien est passé de 2,96 113
millions en 1975, à 8,1 millions en 2008, soit 2,7 fois de plus.157 Cependant, les transports en communs (métros, trains, bus) desservent peu de stations. En effet, uniquement 10% des Nagoyaïtes prennent les transports en commun alors qu’à Tokyo, c’est 89 %. Ce n’est pas une ville pour les piétons.
Fig.85. Pourcentage des différents modes de trafic
Fig.86. Trafic Nagoya 157 Le site internet de la ville de Nagoya : citynagoya.jp
114
- Par son port, l’un des plus grand ports (plus grand que Tokyo et Yokohama) et dynamique du Japon. Depuis 6 ans, le port de Nagoya ouvert en 1907, est le n°1 du Japon en tant que «passerelle logistique vers le monde». Relié à 150 pays et régions dans le monde, le port de Nagoya est un centre logistique important à l’échelle de l’Asie. Le port exporte des produits industriels et importe des matières premières minérales, du pétrole et des céréales. Avec 73% de l’économie commerciale, le port de Nagoya est un moteur clef dans l’économie japonaise.158 « Plus qu’un simple port, nous sommes aussi une zone industrielle. Le long de ses quais, accueillant pétrole et matières premières, on compte trois aciéries, un chantier naval, quatre centrales électriques et des raffineries, ainsi qu’une île artificielle bâtie sur des déchets industriels ».159
Fig.87. Port de Nagoya
- Par son aéroport international, «Chūbu Kokusai Kuko» ouvert en 2005, positionné sur une île artificielle, à 30 minutes du centre ville. Cet aéroport remplace l’aéroport de Nagoya existant au nord de la ville. L’aéroport de Nagoya est le seul aéroport qui intègre les vols internationaux, les vols domestiques, de produits et de marchandises. De plus, l’aéroport par sa proximité avec le port de Nagoya (à 7 kilomètres), lui permet d’être une base logistique pour le transport maritime et aérien.
158 Industry Development Division, Industry Department, Civic & Economic Affairs Bureau, City of Nagoya, «Nagoya Industry, Introduction to Companies Established in Nagoya, 09/2009 159 D.Bx, « L’insolente santé du premier port de l’Archipel», Les Échos, le 25/03/2005
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Fig.88. Aéroport de Nagoya
Le Grand Nagoya (un radius de 100 km autour de Nagoya), centralisé dans la ville de Nagoya, est le carrefour de l’industrie manufacturière japonaise, qui produit plus de 40% des principales catégories manufacturières telles que les automobiles, les pièces automobiles, les machines-outils et les pièces d’aéronef. Le Grand Nagoya représente également 11,2% du Produit Intérieur Brut au Japon. En 2010, Nagoya accueille la COP10 axée sur le thème Préservation de la Biodiversité. Durant cette conférence, les grands chefs des états ont discuté les questions autour de la qualité environnementale du territoire japonais et dans le monde. Et ainsi, Nagoya développe une stratégie pour devenir la ville verte. La ville attire l’attention par son histoire forte et ancienne, plus de 1000 ans sur la fabrication artisanale et industrielle. La région comprend une zone de production de céramique, une autre de textile et une industrie qui brasse du saké (vin de riz). L’économie de la ville reste forte et permet d’attirer des investisseurs internationaux et nationaux importants. La ville de Nagoya étant principalement industrielle, peu de visiteurs vont s’y aventurer. Cependant, l’exposition mondiale de design en 1989, a changé la donne. En mars 2000, l’ouverture de la gare de Nagoya, «Mieiki», avec ses commerces, ses restaurants, ses hôtels et ses grattes ciels, apporta à la ville son mo-
116
nument le plus célèbre et le plus pratique.160 De plus, le 28 octobre 2008, Nagoya est devenue la ville du design par l’Unesco. À Nagoya, le design urbain est souligné par une apparence historique et une infrastructure moderne.161 Aujourd’hui Nagoya continue d’avoir un statut à part entière entre les autres villes japonaises. Elle est un véritable poumon économique et se place comme l’une des grandes puissances économiques de la nation.162
160 Le site internet de voyage : http://www.hoteltravel.com/fr/japan/nagoya/history-of-nagoya.htm 161 Le site internet Nagoya design : http://www.creative-nagoya.jp 162 PlanningforNagoya2012, Introduction of Nagoya
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C. La vulnérabilité à l’inondation La fréquence du risque d’inondation D’après une récente étude publiée par Nature Climate Change163, Nagoya fait partie des 20 villes les plus vulnérables aux inondations côtières à côté de New York et de Mumbai. Cette liste prend en compte la population, la protection face à l’inondation, l’élévation du niveau de la mer et l’affaissement du sol en raison de l’appauvrissement des eaux souterraines. Cette étude révèle que les villes les plus touchées se situent en Amérique du Nord et en Asie.
Fig.89. Les 20 villes les plus vulnérables à l’inondation côtière en 2050
Sa vulnérabilité au risque d’inondation est ancrée dans son histoire en raison d’une part, de sa situation géographique, sur la grande plaine alluviale de Nôbi ouverte sur la baie d’Ise, et d’autre part, son climat marqué par la récurrence et la force des typhons.164 La ville de Nagoya connaît de nombreuses catastrophes liées à l’eau. En Septembre 1959, le typhon Vera a frappé toute la région de la baie d’Ise. Il a causé la mort de 5098 personnes au Japon dont 1909 à Nagoya tout en laissant 1,5 millions de sans abri. Ce fut la troisième catastrophe naturelle la plus meurtrière et dévastatrice du XXe siècle de l’histoire nippone après celle du séisme Kanto en 1923 et du séisme Kobé en 1995. Nagoya subit pratiquement tous les ans des typhons et de fortes pluies à des intensités et dégâts variables: de la 163 Hallegatte Stephane et al, «Futur flood losses major coastal cities», Nature Climate Change 3, 2013, pp.802-806 164 Voir climat dans la partie III.A
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crue torrentielle dite Tokai en 2000 à l’inondation par ruissellement urbain en 2008, ou encore le typhon n°18 en 2013. Elle est l’une des villes les plus exposées et vulnérables au risque d’inondation dans l’archipel nippon. La plupart des inondations à Nagoya sont dues aux typhons ou aux pluies torrentielles entre Juillet et Octobre ce qui entraînent des inondations par ruissellement urbain ou des crues torrentielles. Les vents extrêmement forts causés par les typhons provoquent des ondes de tempêtes165 comme ce fut le cas en 1959 où le niveau de la mer est monté de 4m au dessus du Tokyo Peil166. Les fréquences des inondations à Nagoya, permettent aux populations de s’en souvenir. En effet, chaque génération des Nagoyaïtes a vécu au moins une inondation voire plus. Les mutations du risque : Au cours de l’évolution de la ville, l’urbanisation a empiété sur les espaces verts et les rizières. Celles-ci absorbaient les eaux de crue en excès. La ville était ainsi protégée naturellement contre les inondations. (Fig. 91) La distance entre la ville et la rivière a remarquablement changé. Aujourd’hui, cette zone qui servait de zone tampon est fortement urbanisée. Ce qui rend les habitations sur le lit majeur du Shonai très vulnérable au risque d’inondation. L’inondation peut être déclenchée en outre par le phénomène de la liquéfaction du sol. Ce dernier se produit dans les zones de sable provenant d’une roche meuble située le long des côtes ou dans les zones artificielles gagnées sur l’eau comme à Nagoya. En cas de séisme, le support sableux se liquéfie en perdant toute sa résistance, et sous l’effet de la pression, le sable et l’eau remonte à la surface et les bâtiments s’affaissent. Par conséquent, toute la zone industrielle au niveau du port de la ville devient plus dangereuse. La capitale du Centre est exposée également au phénomène de la subsidence du sol comme la plupart des villes construites sur un delta. Cet affaissement rapide du sol de la plaine de Nôbi est la conséquence directe des pompages 165 Rapport Spécial, Risk Management Solutions, «1959 Super Typhoon Vera: 50 year retrospective», 2009 166 Tokyo Peil correspond au zéro du niveau moyen de la baie de Tokyo, qui est le niveau de référence pour la topographie du Japon.
119
des eaux souterraines de la nappe phréatique par les industries durant la période de la Haute Croissance. De 1961 à 1975, plus de 1140 km2 de la surface de la plaine deltaïque s’est affaissée de 1,47 mètres. Fort heureusement, le gouvernement japonais a interdit le pompage de l’eau souterraine à la fin des années 70. Aujourd’hui, une grande partie de la ville de Nagoya continue de s’affaisser de 8 mm par an, néanmoins une grande partie de la ville se retrouve au dessous du niveau de la mer.167 Ce phénomène irréversible touche une grand partie de l’archipel nippon et se répand aussi dans le monde; en effet le sol s’est enfoncé de 4,5 m à Tokyo, de 3m à Osaka 3,5 m à Bangkok , de 4 m à Jakarta et de 3 m à la Nouvelle Orléans. Ces villes, comme Nagoya, sont de plus en plus exposées aux inondations liées aux marées hautes et aux tsunamis. Au problème de la subsidence du sol qui a marqué le XXe siècle, se rajoute la plus grande crainte du XXIe siècle, la montée des eaux (fig.95). Le niveau de la mer a déjà augmenté de 20 cm depuis la fin du XIXe siècle, hors cette hausse connaîtra une forte accélération à cause du réchauffement climatique. Nagoya comme toutes les villes côtières est exposée à ce phénomène qui sera beaucoup plus important en Asie à cause des courants marins et atmosphériques. L’urbanisation foudroyante et le développement des zones industrielles ont considérablement empiété sur les espaces verts, ce qui a perturbé le cycle naturel de l’eau. Par conséquent, les espaces verts ne représentent aujourd’hui qu’environ 25% du territoire, soit 8800 hectares sur 326km2 de la superficie totale.168 A cette urbanisation se rajoute la bétonisation des sols, ce qui entraînent des problèmes d’absorption des eaux en excès en cas d’inondation et engendrent ainsi des crues par ruissellement urbain plus violentes surtout au niveau des lits majeurs urbanisés des rivières Shōnai et Shin. De plus, la conquête de la mer par des îles artificiels pour les zones industrielles, tels que le port et l’aéroport, a empiété sur la baie et augmente ainsi le risque d’inondation. Nagoya a toujours connu le risque d’inondation et aujourd’hui ces risques 167 Emery K.O, Aubrey David G., Sea Levels, Land Levels, and Tide Gauges, New York, Spinger-Verlag, pp. 31-38 168 Kazmierczak, A and Carter, J. , rapport «Adaptation to climate change using green and blue infrastructure: A database of case studies», 2010, Université de Manchester pp. 135-144
120
sont de plus en plus croissants à cause de l’aléa anthropisé.
Fig.90.
121
Fig.91. Accroissement des risques en co
122
oncomitance avec l’Êvolution de la ville
123
Les différents r
Fig.92. Le risque sismique
Fig.93. Le risque de liquéfaction
124
risques en ville
Fig.94. Les zones inondables
Fig.95. La zone touchée par la montée des eaux avec une hausse de 1,5°C :
125
D. Les types d’inondations Les différentes causes d’inondation 1) Inondation fluviale : L’inondation fluviale résulte du débordement d’une rivière en crue, lorsqu’une tempête de pluie surcharge la capacité de la rivière à décharger l’eau, en dehors de son lit mineur. 2) Inondation côtière : Les inondations côtières se produisent lorsque l’eau de mer est entraînée dans les terres par des orages, des tsunamis et des marées hautes. 3) Inondation des eaux superficielles : L’inondation des eaux superficielles se produit lorsque des pluies excessives ne peuvent pas être absorbées dans le sol et se déversent sur des surfaces dures trop rapidement pour être déchargées. 4) Inondation des égouts : L’inondation des égouts survient lorsque trop d’eau de pluie pénètre dans les égouts, ce qui provoque des déversements. 5) Inondation des eaux souterraines : L’inondation des eaux souterraines se produit lorsque l’eau souterraine monte au-dessus du sol. 6) Inondation des structures artificielles : Les inondations peuvent résulter d’une défaillance des systèmes artificiels, comme une défaillance du barrage, un effondrement de talus.1
Fig.96. Inondations à l’échelle de la ville
1 Barker Robert et Coutts Richard, Aquatecture, Buildings and cities designed to live and works with water, Londres, Riba publishing, 2016, p. 28-29
126
Inondation fluviale
Inondation côtière
Inondation des eaux superficielles
Inondation des égouts
Inondation des eaux souterraines
Inondation des structures artificielles
127
E. Les moyens de lutte contre l’inondation Les mesures radicales Durant la période d’Edo, la région de la plaine de Nôbi est le berceau de la technique Kishû. Celle-ci « vise à conduire les eaux aussi vite que possible vers la mer : suppression des méandres et des bras, construction de digues élevées; elle est employée dans la plaine d’Osaka et dans celle de Nôbi, où se développent des communautés rurales organisées à partir d’un système de digues en boucle, ou wajû »169. Toutes les rivières sont protégées de la même manière en amont par un barrage et en aval par des constructions de digues au niveau des berges et les canaux souterrains de dérivation des eaux, «gesuikan»170. Les mesures de protection hydraulique se traduisent aussi par d’énormes infrastructures souterraines qui permettent de stocker l’eau dans les stations de pompages en cas de crue ainsi que de l’évacuer vers la baie. En effet, les systèmes souterrains de stockage d’eau sont de grandes rivières sous les rivières. De plus, un système d’urgence de pompes est placé côté habitation près des digues pour permettre de déverser l’eau accumulée dans les rivières. Ces techniques sont indispensables car le sol des habitations étant plus bas que le niveau des fleuves, l’eau lors des pluies est difficile à évacuer. En revanche, tout peut facilement déborder si on pompe trop et déverse dans les rivières, comme ce fut le cas lors de l’inondation en 2000. Autre mesure forte, celle de l’artificialisation de la rivière Shōnai par la création de bras secondaires au XVIe siècle : les rivières Shin et Hori. Ce qui a permis de consolider les aménagements de creusements des lits, de contenir les excès d’eau du Shōnai et de protéger la Ville Haute des inondations. En revanche, ce canal de dérivation Shin a perdu ce rôle à cause du développement industriel et urbain. Afin de protéger la population contre les fortes précipitations, la ville de Nagoya a établi en 1979 le « Plan Général de drainage de la ville de Nagoya». Celui-ci consiste à la mise en place un aménagement fluvial pour résister aux fortes pluies dépassant 60 mm par heure. 171 169 Pelletier Philippe. « L’anastrophe japonaise », Revue de géographie de Lyon, vol. 66, n°3-4, 1991, A propos de la séquence neigeuse de décembre 1990 : Une approche des évènements externes. p.226 170 Thomas Marie, « Les rivières de Nagoya (Japon) à travers l’inondation du Tôkai, Risque d’inondation et développement urbain, quelles gestions pour quels territoires ?, Mémoire de Master 2 préparatoire à la thèse, 2010, p 14 de l’Annexe 171 Interview avec Pr Takashi TASHIRO
128
Fig.97. Systèmes de maîtrise contre l’inondation à Nagoya
129
Fig.98
En tout, 64 stations de pompage d’eau de pluie se trouvent autour de chaque cours d’eau de la ville. Avec une capacité de stockage d’eau de 50 à 4000 m3. Les mesures pour parer aux inondations recouvrent la ville et créent ainsi un nouveau paysage. 130
Fig.99. Parc Araize
Fig.101. Parc Shonai Ryokuchi Koen
Fig.100. Parc Araize inondé en 2000
Fig.102. Parc Shonai Ryokuchi Koen inondé en 2000
Les parcs Araize et Shonai Ryokuchi Koen, sont deux des plus grand parcs de Nagoya. Ces parcs sont utilisés pour accepter l’eau en surplus lors d’une inondation. Ils travaillent ainsi avec l’eau et ont été créés en 1984. Lorsqu’il n’y a pas d’inondation ces parcs sont des parcs de loisirs, abritant des espaces de tennis, pique nique, course, promenade, foot, base-ball...
Fig.103. Parc Shonai Ryokuchi Koen - Loisirs
131
Les réponses établies après la catastrophe : La catastrophe de 1959 a révélé plusieurs problèmes liés à la gestion des risques. La gravité de cette tragédie est dues non seulement aux conditions climatiques mais aussi à la rupture des digues lors des ondes de tempêtes. L’ampleur des dégâts humains et matériels a provoqué un choc chez le peuple japonais. D’après la figure 104, toute la partie sud ouest de la ville fut inondée. Cette zone est restée sous l’eau pendant environ 30 jours. Par cette catastrophe, le gouvernement a adopté un projet de loi en 1961 qui consiste à développer un plan de prévention des catastrophes et à la réduction du risque à l’échelle nationale.172 Par exemple, la mise en place des systèmes de prévision et d’alerte, des procédures de communications d’urgence, des stratégies de lutte contre les inondations ainsi que des plans de sauvetage pendant la catastrophe. Comme réponse d’urgence à la lutte contre l’inondation, des digues rasoirs, «kamisori teibô» en béton font leur apparition dans le pays.173 En 2000, la catastrophe du Tokai a touché presque tous les arrondissements de la ville (fig.104), en effet, 37% de la superficie de la ville était sous l’eau. Les stations de pompages et le système hydraulique souterrain furent submergés par la crue et aggravèrent la catastrophe. La hauteur des digues de la rivière Shin est différente due à la technique adoptée durant la période d’Edo. En effet, les digues orientées vers la villes sont plus élevées que celles vers la plaine. Après l’inondation Tokai, la population touchée s’est manifestée afin de surélever la digue au même niveau que celle orientée vers la ville. La rupture de la digue de la rivière Shin au niveau de l’arrondissement Nishi, ainsi que la submersion des digues sur les deux rives amplifient les dégâts. Cette catastrophe dépasse l’échelle de la ville et causa une situation de crise à l’ensemble du territoire. En effet, la circulation ferroviaire dont le «Shinkansen» a été suspendue durant 24 heures. Cet événement du Tokai fut un rappel aux citoyens de Nagoya et aux Japonais au risque d’inondation. Les mesures prises après cette inondation étaient le rehaussement de digues sur les berges du Shonai et du Shin, la reconstruction du barrage d’Origawa sur le Shonai, l’amélioration du bassin de retardement Otai et une augmentation 172 Rapport Spécial, Risk Management Solutions, «1959 Super Typhoon Vera: 50 year retrospective», 2009 173 Cf.. Chapitre II.E. les stratégies contre l’inondation
132
des stations de pompages sur la Shin. De plus de ces mesures fortes, la ville développe un système d’alerte plus efficace. En 2008, l’inondation urbaine appelée «naïsuï», a impacté tous les arrondissements situés entre le Shōnai et le château ( fig.104). Elle a touché principalement les infrastructures souterraines (les métros et la gare). Par cette catastrophe, les ingénieurs du Laboratoire de Nagoya, travaillaient en 2011 sur les réponses en temps réel aux inondations dans les métros : la vitesse d’évacuation, le tracé des routes d’évacuation dans les métros, la fermeture au bon moment des portes scellées pour empêcher l’eau de descendre et de paralyser le trafic des transports en commun. Cependant, les changements après cette catastrophe ont été moins visibles que celle de 2000.174 Comme toutes les villes japonaises, Nagoya mise aussi sur l’éducation de ses citoyens pour améliorer la prévention du risque. À travers des exercices d’évacuation, la publication des cartes des zones inondables, des abris (se réfugier vers les hauteurs des écoles ou bâtiments publics) dans chaque arrondissement, ainsi que des petits manuels expliquant les mesures à prendre en cas de catastrophe. L’entraide entre les communautés et la protection de l’autre sont deux principes importants de la culture du risque japonaise. En effet, les habitations des zones inondables perdent leur valeur de 70% ce qui obligent les habitants à rester sur place car ils n’ont pas les moyens de vendre. Une vrai entraide par des associations est alors mise en place dans ces quartiers à risque. La catastrophe de Tôkai en 2000 a permis de révéler la faille du système d’évacuation et ainsi de l’améliorer. Nagoya est ainsi l’unique ville à réaliser des recherches sur le temps d’évacuation approprié. L’appel à l’évacuation en cas d’inondation demeure moins important à l’évacuation en cas de séisme.175
174 D’après un entretien téléphonique avec Marie Thomas 175 Entretien avec Mr Handa du Bureau des risques à Nagoya, in Thomas Marie, « Les rivières de Nagoya (Japon) à travers l’inondation du Tôkai, Risque d’inondation et développement urbain, quelles gestions pour quels territoires ?, Mémoire de Master 2 préparatoire à la thèse, 2010, p 15 de l’Annexe
133
Fig.104. Les
zones inondées
Zones inondées par le typhon en 1959
Zones inondées par le typhon en 2000
Vue du port de Nagoya
Nagoya, inondation Nishi-ku, en raison des ruptures de digues de Shinkawa (Aichi préfecture)
1959
2000
Typhon Vera + ondes de tempête
Fortes pluies causées par le Typhon n°14
134
par les inondations à Nagoya
Zones inondées par le typhon en 2008
Zones inondées par le typhon en 2013
Voitures Toyota dans les débris
Circulations bloquées
2008
2013
Fortes Pluies
Typhon Man-yi
135
La nature et l’eau au cœur d’une stratégie future Après l’inondation par ruissellement urbain en 2008, la ville de Nagoya a déployé des efforts afin de faire face aux problèmes des nappes souterraines et le manque des espaces verts. En effet, dans le cadre de la Stratégie de la Biodiversité, la ville développe un «Plan de la de Revitalisation du Cycle de l’Eau» qui a pour objectif de rétablir le cycle naturel de l’eau perturbé durant ces dernières années. Celui-ci vise à réduire le taux du ruissellement de 62% à 36%, et à augmenter celui de l’infiltration de l’eau dans les sols de 24% à 33% d’ici 2050.176 Afin d’arriver à ces résultats, le programme valorise les infrastructures vertes et bleues permettant l’infiltration et l’évaporation de l’eau ce qui favorise d’une part le rafraîchissement de la ville durant les canicules et d’autre part la diminution du risque d’inondation lors des pluies torrentielles. Ces mesures se traduisent sur le territoire notamment par la protection et l’augmentation de espaces verts, des toits végétaux, la mise en place des revêtements du sol perméables et d’autres mesures structurelles. En 2010, Nagoya accueille la COP10 autour du thème de la Biodiversité. Durant cet événement, la ville révèle la nécessite de l’étroite participation avec ses citoyens afin de les sensibiliser à la conservation de la biodiversité et l’amélioration de la qualité de l’eau des rivières et de ses berges qui sont actuellement une déchetterie. La vision du développement de ville souligne l’importance de contrôler l’étalement urbain, d’augmenter la présence des espaces verts afin d’améliorer la biodiversité, la gestion de l’eau, réduire l’effet de l’îlot de chaleur urbain ainsi que le risque d’inondation.177
176 Kazmierczak, A and Carter, J. , rapport «Adaptation to climate change using green and blue infrastructure: A database of case studies», 2010, Université de Manchester, pp. 135-144 177 Kazmierczak, A and Carter, J. , rapport «Adaptation to climate change using green and blue infrastructure: A database of case studies», 2010, Université de Manchester pp. 135-144
136
F. La relation des Nagoyaïtes avec leur fleuve : Leur rapport à l’eau à l’ère Edo : Durant l’ère d’Edo, l’omniprésence et l’interpénétration de l’eau en ville lui donnent le nom de «Venise orientale». Les Nagoyaïtes prospéraient avec l’eau des rivières en créant des lieux de loisirs, de rassemblement et de plaisir. Plusieurs Haku, poèmes montrés ce dévouement aux rivières à travers les changements des saisons en exprimant la joie de vivre en harmonie avec elles. «Le sens de l’eau des Japonais s’était forgé à la nécessité de s’adapter continuellement, avec ingéniosité, aux variations des temps de l’eau et des milieux aqueux .» 178
Horigawa- Centre de Nagoya
Horigawa- Centre de Nagoya
Maison de thé - Nagoya
Atsuta-ku - Nagoya
Pont Biwajima-Shonai- Nakamura-ku, Nagoya
Fig.105
Festival Tenno Matsuri - Nagoya
178 Yutaka Takahashi, «La rivière dans la ville au Japon», Revue de géographie de Lyon, vol 65, n°4, pp 227-232, 1990
137
Leur relation à l’inondation à l’ère Meiji : La plaine de Nobi dans laquelle se trouve la ville de Nagoya a connu de nombreuses inondations. Les Japonais habitaient avec l’eau. Chaque famille possédait une maison principal et une maison plus petite pouvant être inondée, Mizuya, maison traditionnelle possédant un remblais surélevant l’habitation d’environ deux mètres et qui possédait un bateau. A cette époque on acceptait l’inondation et on pouvait vivre avec.179
Fig.106. Mizuya lors de l’inondation
Leur rapport à l’eau après la guerre: Cependant depuis la Haute Croissance, le développement de la ville, dû trafic routier, a modifié les rapports que les Nagoyaïtes entretenaient avec leur cours d’eau. Le pays a alors partiellement rejeté sa culture traditionnelle. L’eau, les rivières ont été traités de manière rationnelle et efficace pour parer aux catastrophes d’inondations et à réparer leurs dégâts. Après la guerre, les rivières étaient représentées comme des chéneaux pour évacuer efficacement les eaux des crues, et, pendant la Haute Croissance l’eau était exploitée en tant que ressource.
Fig.107. Coupe Nagoya 179 Interview avec Tashiro Takashi, le 2/03/2017
138
Leur rapport à l’eau aujourd’hui : Ainsi à mesure que l’urbanisation progressait, les rivières sont devenues très éloignées de la vie des gens. De plus, comme l’amélioration de la rivière réduit les inondations et les désastres sédimentaires, le sentiment traditionnel de crainte diminue, et les leçons inestimables tirées des désastres passés et la sagesse transmise par le passé se perdent. Ces phénomènes rendent les gens de moins en moins conscients des rivières. La construction des digues hautes au niveau des berges crée une réelle frontière physique entre la ville urbaine et l’eau. Une limite séparative entre l’intérieur, la ville et l’extérieur, la rivière.
Fig.108
Chez les Nagoyaïtes, voir depuis chez soi un mur de protection en béton procure un sentiment de sécurité. Selon Patrick Pigeon, la digue peut contribuer involontairement à la production de désastres. Les structures de contrôle des inondations à grande échelle (SLFC), les digues, les barrages, les stations de pompages ont augmenté le potentiel de nouveaux risques d’inondations.180 Les berges et le lit majeur sont très larges à Nagoya. Les ingénieur de Nagoya ont une logique de maîtrise de l’eau : influencer le débit, le contrôler, le maîtriser et l’exploiter. Par cette maîtrise du béton, ils ont négligé la nature. Il faut tirer les leçons des catastrophes dont les inondations. Est-ce que les 180 Teruko Sato, «Fundamental Characteristics of Flood Risk in Japan’s Urban Areas», 2006, pp2340
139
digues suffisent ? Ne faudrait-il pas retrouver un lien avec la nature en investissant dans des barrières naturelles contre les risques naturels du futur ? Selon, Toyo Ito, « le fait de se concentrer sur la construction de digues est une vision moderne dans laquelle l’homme est mis de côté. Alors, les individus ont été isolés dans des espaces modélisés.» « pour les digues, l’idée de tracer une frontière rectiligne ne m’apparaît pas comme la seule option envisageable...pour délimiter l’intérieur et l’extérieur, je pense qu’il faut réfléchir à une combinaison plus fine de divers types de terres et de murs, chercher des moyens plus proches de la nature pour endiguer l’eau. Lorsqu’on parcourt les zones balayées par le tsunami, on peut voir un certain nombre d’habitations intactes, protégées par un bosquet d’arbres, un talus ou de solides murs.»181 Nagoya devra affronter plusieurs problématiques liées à l’eau. D’une part, l’impact du changement climatique qui augmente la fréquence des inondations et les dégâts, la montée des eaux, et d’autre part les conséquences de l’énorme tremblement de terre Nankai très attendu par tous les Japonais. De plus, 70% de la population sera urbaine d’ici 2050. Ce qui rend encore de plus en plus la ville vulnérable. Bien que les gens savaient que les plaines étaient vulnérables aux catastrophes d’inondations, ils étaient prêts à braver le danger afin de rendre leur vie plus productive. Ils ont commencé à construire des digues et creuser à la main le drainage de dérivation pour prévenir les catastrophes d’inondation. Les inondations ont débordé et détruit fréquemment les digues, inondant les terres agricoles et les habitations. Les Nagoyaïtes vivent dans ces zones vulnérables et continueront à y vivre malgré la présence du risque. Comment procurer à ces citoyens un habitat qui s’adapte à ce risque ? Les Japonais sont liés par leur histoire à la nature. L’homme fait partie de la nature. Besoin de cette reconnexion avec la nature dans une ville qui sera de plus en plus urbanisée, habitée et vulnérable. Depuis quelque années, les Japonais se sont aperçus des dégâts qu’ils ont provoqué sur les rivières, celles-ci sont polluées. Ils ont donc pris conscience de la nécessité de vivre à nouveau en harmonie avec les eaux. La population redécouvre les rivières en tant que réseaux naturels d’eau et de verdure qui relient les montagnes et la mer ou l’espace naturel. Parce qu’une 181 Itô Toyô, L’architecture du jour d’après, les impressions nouvelles, Tokyo, 2014, p 38
140
rivière est un élément important qui contribue à former des caractéristiques régionales et aussi générateur de culture. Les efforts pour créer des rivières qui reflètent la personnalité de la communauté locale se met en place. Un retour vers un équilibre, une harmonie entre ce que l’homme a crée en s’installant et la nature qui a toujours été présente est aujourd’hui importante. Les autres villes japonaises comme Tokyo, Osaka ont commencé à se réconcilier avec leurs rivières et recrée un lien entre celles-ci et ses riverains. Cependant quant à la ville de Nagoya celle-ci reste en retard quant à cette relation.
Fig.109. Rivière Shonai - Nagoya
Fig.110. Rivière Sumida - Tokyo
Fig.111. Canal Dotonbori - Osaka
Fig.112. Rivière Kamogawa, Kyoto
Les murs digues le long du Shonaï à Nagoya ont coupé le rapport intime entre la ville, la végétation et l’eau, tout en exacerbant la force destructrice des inondations annuelles. Les systèmes contre l’inondation à Nagoya sont basés sur une maîtrise par des techniques d’encadrement et du béton mais la ville ne travaille pas avec l’eau, elle ne fait que la maîtriser pour s’en protéger. Paradoxalement cette nature-eau est ainsi soustraite à la population. Nous souhaitons retrouver cette nature en ville en travaillant avec l’eau et non contre elle. Comment reconstruire la relation entre la rivière et les habitants ?
141
G. La découverte durant le voyage de la ville de Nagoya Les berges , une nature en ville mais difficile d’accès Les berges et leurs usages Après le voyage organisé à Nagoya, nous comprenons que les berges sont des zones tampons de verdures pour apporter les apports d’eau lors des crues. Très large, d’une dimension de 100 mètres environ, elle sont une forte césure dans la ville, une respiration de nature mais aussi une grande urbanité par ces différentes activités. Des activités avec des terrains de baseball, de golf, un practice de golf, des écoles de conduite, de la pêche et des aménagements simples de jeux plein airs sont aménagés. Avant notre voyage, nous pensions que les berges appartenaient à l’état. Mais grâce à nos interviews avec les habitants nous comprenons que certains terrains sur les berges sont privés et appartiennent aux Nagoyaïtes. Durant l’Edo, la population profitait de la nature et des aménagements au bord de la rivière. Certains ont même cultivé des petites exploitations agricoles sur les berges qui sont toujours présentes aujourd’hui. L’accessibilité des Berges Les berges sont difficilement accessible pour les piétons. En effet, pour y aller, il faut franchir la digue qui est surmontée d’une route. Le piéton emprunte des escaliers qui sont très éloignés les uns des autres d’où l’importance de connaître leur endroit précis. Ensuite il traverse une route très fréquentée dont les passages piétons sont dangereux, et peu nombreux. Enfin il emprunte à nouveau des escaliers sur la digue pour arriver sur les berges. Les berges sont des espaces grands dans la ville qui sont de grandes opportunités à exploiter.
142
Escalier côté habitation
Accès difficile vers escalier berge
Passage piéton
Escalier côté berge
Accès berge en voiture - Route sur berge
Strates à franchir habitation - digue - berge Fig.113
143
V. PROJETS Comment renouer les Nagoyaïtes à leur fleuve ? Afin d’expérimenter ces réflexions, nous avons choisi une zone d’étude que nous limiterons à sa vulnérabilité à l’inondation : la liquéfaction, la montée des eaux, ainsi que la zone inondable définie par les anciennes catastrophes d’inondations à Nagoya. L’inondation est particulièrement marquée autour du fleuve du Shonai.
Fig.114
144
LA STRATÉGIE URBAINE Cette zone est traversée par un pont routier surélevé échappant ainsi à l’inondation sur une échelle urbaine. Ce qui nous permet de développer une stratégie le long de ce pont. Plusieurs interventions s’accrochent au pont routier qui est une voie d’urgence et permet ainsi de travailler avec les services d’urgences en cas de catastrophe d’inondation.
Fig.115. Stratégie urbaine le long du pont
145
LE SITE Notre site se trouve sur les berges au croisement du Shonaï et du pont Ohashi Manjo dans l’arrondissement de Nakamura. C’est le lieu de naissance de l’un des héros de l’unification du Japon : Toyotomi Hideyoshi.
Fig.116
Fig.117
Fig.118
Fig.119. Le site durant l’inondation de 2000
Fig.120. Le site durant l’inondation de 2011
146
Pourquoi ce site ? - Le pont Tout d’abord le pont Ohashi Manjo est un pont sur deux niveaux et il traverse une grande partie de la plaine de Nobi ainsi que la ville de Nagoya. Il échappe ainsi à l’inondation. La hauteur de ce pont nous permet de s’y accrocher par sécurité. Ce pont a été mis en service le 1 février 1984. La vitesse est limitée à 60 km/h.182
1945
1979-1983
2017
Fig.121
-L’agriculture : L’agriculture, la riziculture étaient très présente sur les berges en 1945 mais peu à peu elles ont disparu au profit de terrains de sports. Les cultures restantes aujourd’hui sont les vestiges de cette agriculture et nous souhaitons préserver et continuer ces cultures maraîchères dans notre projet. - Les berges : Les berges sont difficiles d’accès. Nous voulons ainsi rendre plus accessible et surtout franchir la limite entre les habitations et la digue. - Le fleuve : Le Shonai est le plus important fleuve de Nagoya. -Son histoire culturelle liée à l’eau Le quartier de notre site se nomme «dix mille champ passe» car pendant l’ère Edo, la route Saya du Tokaido était très surmenée. Ainsi une route secondaire sur l’eau s’est créée à côté du Tokaido, on traversait par bateau. Et dix mille champs était la distance à parcourir de Kuwana à Nagoya. 182 Mairie de Nakamura-ku, Nagoya
147
Une auberge était présente de chaque côté des rives, car pour traverser il fallait attendre la marrée. Durant l’ère Meiji une nouvelle route a été créée et mit fin à cette route secondaire. Aujourd’hui, les traces d’une des auberges est encore visible, c’est un temple shintoïste avec un torii et une lanterne qui permettait à l’époque d’apercevoir sa présence. 183
Fig.122. Traversée en bateau des deux
rives
De plus, le Festival Kinekosa Matsuri, réalisé chaque année le 13 février (le mois de Janvier ou de Février lorsque la marrée est basse) Ce Festival est l’un des trois grands festivals Owari de Nagoya, il a une histoire de plus de mille ans. Un rituel pour désigner la chance ou le malheur durant l’année. 12 hommes érigent un bambou au milieu de la rivière du Shonai, un des hommes escalade le bambou et la direction de la flexion du bambou prédira le devenir de l’année (le Sud : le bonheur). La rivière et le pont Manbao deviennent un amphithéâtre et lieu de spectacle.184
Fig.123. et Fig.124. Le Festival Kinekosa
183 http://network2010.org/article/219 184 Mairie de Nakamura-ku, Nagoya
148
- Le parcours historique à pieds des temples Un parcours est proposé dans le quartier de Nakamura-ku et Nakagawa-ku par la ville pour visiter des sites historiques le long des deux rives de la rivière du Shonai principalement des temples shinto ou bouddhisme (du 10,4 km en tout) 4,7 km rive droite, 5,7 km rive gauche.
Fig.125
LE PROGRAMME Notre projet est un Centre de prévention pour se préparer à la catastrophe de l’inondation. Pourquoi ce programme ? - Le problème d’évacuation : Durant l’inondation de 2013, 1 million de personnes ont été alertés mais uniquement 1000 personnes ont évacués.185 Avant, lorsque les ingénieurs construisaient une digue ils se disaient que l’eau ne devait pas passer mais aujourd’hui ils se disent que l’eau passera mais que la digue ne doit pas se rompre pour réduire les dégâts. Les ingénieurs japonais ont aussi appris que l’on ne peut pas éviter d’être touché par la catas-
185 Interview avec Tashiro Takashi, le 02/03/2017
149
trophe et qu’il faut apprendre à s’en protéger.186 L’importance de la mémoire du risque : La gestion du risque d’inondation de l’état pour les habitants se produit en 4 étapes : 1) Construire les digues 2) Alerter 3) Observer le niveau de la rivière 4) Plans d’estimations des inondations Les habitants organisent eux-mêmes les plans d’évacuations avec l’aide de l’administration. Plusieurs communautés protègent eux-mêmes leur quartier. Par exemple si le niveau d’eau augmente, ils mettent des sacs de sables près des rivières, des habitations... Mais cette tradition se perd avec les nouvelles générations et les nouveaux résidents des quartiers qui n’ont pas connu ou pu se préparer aux inondations. - Ramener de l’activité : Nagoya n’est pas une ville très touristique. Les spots touristiques sont éparpillés partout dans la ville. La ville a besoin d’un centre avec plusieurs spots pour amener de l’attractivité.187
186 Interview avec Komatsu Hisashi, le 2/03/2017 187 Interview avec Abe-Kudo Junko, le 6/03/2017
150
LE PROGRAMME DU PROJET Notre projet est un centre de prévention des catastrophes de l’inondation avec une partie musée. Ce projet fonctionne en deux temps, un temps de non inondation et temps d’inondation. En temps normal, de paix : C’est un centre de prévention; espace pédagogique par l’histoire de la ville, les expositions, les différentes activités liées à l’eau, à l’agriculture, la prévention par les formations de bateaux de sauvetage. En temps d’inondation : Notre projet vient en aide aux différents services de secours d’urgence, qui utiliseront le deuxième niveau du pont pour distribuer les fournitures (nourritures, sac de sables...) et un abri temporaire d’urgence pour les habitants sur les berges. (cas d’une inondation rapide)
151
Fig.126
PROGRAMME : CENTRE DE PRÉVENTIO
TEMPS DE NON INONDATION
CONNAISSANCES
PRATIQUES
Salle d’exposition 1 620 m2
Salle d’exposition 4 70 m2
Espace d’orientation 27 m2
Bureaux
Salle d’exposition 2 480 m2
Espace de formation 1 38 m2
Conférence 180 m2
Vestiaires 15 m2
Salle d’exposition 3 365 m2
Espace de formation 2 20 m2
Espace enfants 40 m2
Librairie 50 m2
Salle de simulation 4 : Typhon 27m2
Salle de simulation 2 : Porte niveau d’eau 10m2
Salle de soin : Premier secours 40m2
Salle de simulation 3: Forte pluie 108m2
Salle d’observation : projection en temps réel du niveau du fleuve 20m2
Atel à l’é 60m
Serre potager 70m2
Atel 65m
Espace d’équipements de sports 41m2
Vest 26m
Activités sportives (Basket, Pétanque, volley, badminton, ping-pong, pêche, course, vélo) 4000m2
Locaux techniques 50 m2
Stockage d’urgence
PRÉVENTION
Vest tage 70m
Salle de simulation 1: inondation souterraine 35m2
Culture maraîchère 1134m2
ACTIVITÉS
90 m2
871m2
Bureau d’urgence et de communication/ alerte haut parleur
98m2
Stockage-Rangement 120m2
Atel 30m
WC 218 m2 SURFACE
TEMPS D’INONDATION
Abri Temporaire (autour du centre)
URGENCE
Lieu de soin Plateforme d’échange avec les services de secours
Réanimation
Simulation du Typhon
152
Espace d’orientation
13 10
ON DES CATASTROPHES D’INONDATION
Espace de coworking 100m2
Café 120 m2
Bibliothèque 210m2
Restaurant
500m2
tiaires pour atelier de sauvee et activités sportives m2
lier préparation sacs de sables m2
lier de sauvetage : préparation évacuation m2
lier d’agriculture m2
tiaires pour atelier d’agriculture m2
AGRICULTURE
STOCKAGE SIMULATIONS
SPORTS
QUAI
TOTALE
03m2
EXPOSITIONS ATELIERS
URGENCE SOIN
Simulation pluie forte
ABRI
Simulation pluie
153
Projection de vidéo
PONT DIGUE
TEMPLE
FRANCHIR LA LIMITE DE LA DIGUE
DIGUE
+18m +10.4m
+8m
+8m limite inondable
PONT
TEMPLE CONTINUITE DU PARCOURS
Fig.127. Diagrammes : Les différentes accroches du projet sur le site
154
PRÉSENTATION DU PROJET L’idée est un parcours initiatique vers la compréhension de l’eau quelque soit le sens du chemin pris. Pour se protéger de l’inondation et par peur de celle-ci, les Japonais ont construit des digues et se sont ainsi éloignés de leur fleuve. Leur peur de l’eau peut être due à l’incompréhension de celle-ci. Le but du projet est de leur faire comprendre l’eau, ses bienfaits et ses risques et comment s’en servir et s’en prévenir par le biais de ce parcours initiatique à différentes phases; passant de la théorie (expositions, espaces de formations) à la pratique (atelier de sauvetage, secours, agriculture, salle de simulations d’inondation) et enfin à la communion avec l’eau et ainsi une reconnexion avec cet élément. Le Centre est surélevé par rapport au niveau d’inondation pour être sûr d’être en sécurité en cas de catastrophes. Les différents niveaux de l’eau du fleuve joue un rôle dans l’évolution du paysage des berges. Un niveau faible change le paysage des berges et du projet, ainsi l’eau inondée devient un rôle dans l’aménagement paysager. 0m
1m
6m
8m
Fig.128. Axonométrie de différents niveaux d’inondations
155
ESPACE D’URGENCE
AXONOMÉTRIE ÉCLATÉE
Fig.129
156
Fig.130
157
Fig.131. PLA
158
AN MASSE
159
Fig.132. PLAN D
160
DES BERGES
0
161
15
20 m
Fig.133. PLAN RA
162
AMPE -8mètres
0
163
15
20 m
Fig.134. PLAN CEN
164
NTRE +10.4 mètres
0
165
15
20 m
Fig.135. PLAN MEZZAN
166
NINE + 13.4 mètres
0
15
167
20 m
Fig.136. PLA
168
AN TOIT
0
169
15
20 m
Cadrage de vue Filtre
Rideaux
Oku (profondeur)
Dedans-dehors
Filtre polycarbonate
Temporalité des saisons
Kôtei (Parcours)
Seuil
marque les différents espaces
Engawa (véranda) Espace de transition entre l’intérieur et l’extérieur protégé par le toit
Limite floue
continuité du même matériau de l’extérieur à l’intérieur
Hachiue Ma (intervalle, pause) Micro jardin
Fragmentation
les plantes en pots qui marquent l’entrée
boîtes dans la boîte
NOTION DE LA SPATIALITÉ JAPONAISE DANS LE PROJET
Fig.137
Les notions de la spatialité japonaise créant une osmose par l’habitat entre l’homme et la nature : - La Temporalité : le rapport à l’écoulement du temps, aux différentes saisons. La relation au temps par les éléments environnants (l’écoulement de l’eau, les feuilles qui changent de couleur) - Le Parcours (kôtei): rechercher de l’émotion, provoquer l’émotion, la construire dans un temps rythmé par l’espace parcouru. Créer une succession d’événements dans une lente et progressive pénétration. Créer des rencontres, des provocations. « C’est entre le point de départ et le point d’arrivée que se construit, par le jeu du temps et de l’espace, une ouverture de l’être.»1 - Le tout et les parties (Autonomie des parties) les différents espaces, boîtes que l’on retrouve dans une boîte.
1 Sauzet Maurice, poétique de l’architecture, 2015, p 26
170
- Le Ma : intervalle dans l’espace et dans le temps. Le vide, les différentes pauses dans le temps. - L’Engawa ( véranda) : Plateforme en bois surélevée qui borde l’habitation et fait littéralement le lien (en) entre dedans et dehors. Engawa est un terme dans l’architecture japonaise traditionnelle qui décrit un large couloir fermé multifonctionnel protégé sous les avant-toits. C’est un espace intermédiaire entre l’architecture et la nature, l’homme et la nature. - Le Filtre : amène à l’imaginaire, intrigue, pas direct, se découvre, voir sans trop voir, intimité dissimulé mais on voit la vie à l’intérieur, imagine. Accueil le regard, l’envie de voir… - Le Seuil : différents niveaux de seuil. Chaque espace peut avoir différents niveaux : devant la porte, à l’entrée, dans l’espace de vie. - Hachiue : les plantes en pot: Les habitants des villes japonaises ont crée avec de nombreux phénomènes naturels de multiples liens qui forment une véritable culture urbaine de la nature. Les plantes en pot omniprésentes devant les maisons, les boutiques ou au pied des immeubles. Avant durant l’ère Edo les maisons possédaient une clôture devant avec un jardin mais aujourd’hui les habitations ne possèdent que rarement des clôtures et les jardins de devant sont remplacés par des plantations au ras de la façade ou des plantes en pots. Les plantes en pots reconstituent un niwasaki (jardin), et forment un écran, voire une séparation entre la chaussée et les façades. Elles créent un entredeux et forment une transition entre l’espace public, la rue et l’espace privé, la maison. L’espace public de la rue demeure un territoire commun partagé. Les habitants aiment ainsi sentir le changement des saisons, embellir leur environnement, le soin des plantes. - Oku , la profondeur, une progression vers le fond. - Le Dedans/ le Dehors, Uchi/Soto : Limite floue entre l’intérieur et l’extérieur de la maison, perte de repères. Espace semi public - privé : L’extérieur des habitations (coursives), les plantes devant les habitations pour le bien être du quartier. La spatialité japonaise travaille avec des espaces de transition (engawa, le genkan, nécessaire à la transition dans l’espace social. 171
FAÇAD
FAÇADE
COU
0
5
COU
10 m
Fig.1
172
DE SUD
E OUEST
UPE 1
UPE 2
138
173
174
Fig.1
139
175
176
Fig.1
140
177
CONCLUSION Le Japon pays ravagé par les catastrophes dont celle de l’inondation, a dû se protéger de celle-ci. Les Japonais se sont ainsi déconnectés de leur eau. Aujourd’hui, les habitants veulent retrouver leur fleuve, des activités de loisirs et de repos nécessaires à leur quotidien. Créer de nouveaux espaces communautaires sur la rivière en permettant plus facilement l’accès sur les berges permettra aux Nagoyaîtes de se réapproprier leur fleuve et ainsi leur lien avec la nature. Renouer une harmonie avec la nature par le biais d’un équipement Lien entre la ville et l’eau. Les habitants devront constamment tenir compte de leur histoire, de leur culture, de leurs réseaux sociaux, de leurs règles locales afin de continuer à avoir une relation mutuellement significative avec les masses d’eau locale.
178
179
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OUVRAGES UNIVERSITAIRES - Augendre Marie, «Vivre avec le volcan. Une géographie du risque volcanique au Japon.» Thèse de doctorat en géographie physique, humaine, économique, Université de Lyon II, 2008 -Percheron Léa, «Entre culture du risque et gestion du risque ? En quoi la culture du risque est-elle une nécessité ? Quels sont les actions à mener pour améliorer la culture du risque en Europe ?», Mémoire de Master II, Ecole d’architecture de Val de seine, 2011-2012 - Scoccimarro Rémi, «Le rôle structurant des avancées sur la mer dans la baie de Tôkyô», Thèse de doctorant de géographie, aménagement et urbanisme sous la direction de Philippe Pelletier, 2007 - Thomas Marie, «Les rivières de Nagoya (Japon) à travers l’inondation du Tôkai, Risque d’inondation et développement urbain, quelles gestions pour quels territoires ?», Mémoire de Master 2 préparatoire à la thèse, 2010 SOURCES VIDÉOS - Dion Cyril et Laurent Mélanie, «Demain, partout dans le monde, des solutions existent», film documentaire français, 2015 - Mandy Marie, «Inondations : une menace planétaire», reportage, Arte France, 2015 - Stevens Fisher, «Avant le déluge», film documentaire américain, avec Léonardo DiCaprio, 2016 INTERVIEWS - Pierre Élodie (architecte spécialisée dans les inondations) -Thomas Marie (architecte ex-thésard sur l’inondation à Nagoya) - Weliachew Boris (architecte ingénieur spécialisé dans la mitigation des risques majeurs) - Komatsu Hisashi (architecte ingénieur japonais, spécialiste des travaux publics) - Tashiro Takashi (Docteur en ingénierie japonais, travail sur les rivières) - Abe-kudo Junko (architecte japonaise, histoire de l’architecture moderne) 185
TABLE DES ILLUSTRATIONS fig.1 : Document personnalisé, https://thefunambulistdotnet.files.wordpress. com/2010/12/dymaxion.png fig.2 : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Dymaxion_map_ocean2. png fig.3 : https://eoimages.gsfc.nasa.gov/images/imagerecords/7000/7343/ lena_ast_2005197_lrg.jpg fig.4 : Document réalisé fig.5 : Document réalisé fig.6 : http://www.stsoffice.com/WebDocuments/Plan%20du%20 voyage%20Thailande-Birmanie-Laos-Gambodge.pdf fig.7 : https://www.pinterest.fr/pin/535858055648552022/?lp=true fig.8 : https://www.pinterest.fr/pin/29273466298925461/?lp=true fig.9 : https://laliste.net/a-quoi-ressemblera-la-ville-de-demain-panoramade-11-villes-2050/3/ fig.10 : http://gdpr.modernluxury.com/ fig.11 : https://www.gettyimages.fr/photos/port-grimaud?sort=mostpopular&mediatype=photography&phrase=port%20grimaud fig.12 : https://www.20minutes.fr/monde/diaporama-3193-photo-730717japon-rend-hommage-victimes-11-mars-2011 fig.13 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Kanda-gawa fig.14 : https://www.lemonde.fr/planete/article/2017/11/03/a-venisemose-le-chantier-maudit_5209690_3244.html fig.15 : https://edito.seloger.com/lifestyle/eco-habitat/la-dryline-le-projetfou-pour-sauver-new-york-de-la-montee-des-eaux-article-7747.html fig.16 : http://architecturalmoleskine.blogspot.com/2013/04/hafencitylarge-urban-project-in.html fig.17 : https://www.pinterest.es/pin/540502392758438143/?lp=true fig.18 : https://www.witchoria.com/ fig.19 : https://www.pinterest.fr/pin/396316835954995302/ fig.20 : http://www.japonasiemute.com/archives/2009/02/05/12379756. html fig.21 : Document réalisé fig.22 : Pelletier Philippe, Japon, Crise d’une autre modernité, préface fig.23 : https://www.nippon.com/fr/features/jg00059/ fig.24 : http://fujin.geo.kyushu-u.ac.jp/tropo-labo/ja/_src/sc407/gps_ja186
pan.jpg fig.25 : http://zoomjapon.info/2011/11/doss/les-forets-au-japon-un-tresora-proteger/le-japon-un-geant-vert/ fig.26 : https://www.gridscapes.net/AllRiversAllLakesTopography/#5/33.977/138.494 fig.27 : https://www.gridscapes.net/AllRivers/#5/33.977/138.494 fig.28 : Document réalisé fig.29 : Ministry of Land Infrastructures and Transport (MLIT) fig.30 : http://art-monie.blogspot.com/2010/07/rizieres-en-terrasse-au-japon.html fig.31 : http://www.la-pierre-et-le-sabre-iaido18.fr/rizi%C3%A8res.htm fig.32 : Pelletier Philippe, Atlas du Japon, une société face à la post-modernité, Paris, autrement, 2008 fig.33 : http://architecturalmoleskine.blogspot.com/2013/01/feng-shui-inasian-urbanism-kyoto-japan.html fig.34 : http://www.ancientchina.org.uk/xian/ fig.35 : https://i.pinimg.com/originals/dc/8e/40/dc8e40b4e92296c64658f578576fb88a.jpg fig.36 : Scoccimarro Rémi, «Le rôle structurant des avancées sur la mer dans la baie de Tôkyô», Thèse de doctorant de géographie, aménagement et urbanisme sous la direction de Philippe Pelletier, 2007 fig.37 : http://www.gml.cz/prof/ferlay/asie/1919085102.pdf fig.38 : https://fr.wikipedia.org/wiki/A%C3%A9roport_international_du_ Kansai#/media/File:Wfm_kansai_overview.jpg fig.39 : https://www.japantimes.co.jp/news/2013/09/26/national/tokyoto-build-new-wharf-for-big-liners/#.W0d2ENgzbMU fig.40 : https://i1.wp.com/www.geolinks.fr/wp-content/uploads/2014/11/ Mégalopole-Japon.png fig.41 : Nakamura Yoshio, Saito Ushio, Pelletier Philippe, Bourdier Marc, « Mise en scène des espaces du bord de l’eau - Techniques japonaises jusqu’au milieu du XIXe siècle », Revue Revue de géographie de Lyon, vol. 65, n°4, 1990. Villes et fleuves au Japon et en France. pp. 277-28 fig.42 : https://bartman905.files.wordpress.com/2010/04/asakusa18.jpg fig.43 : https://www.pinterest.fr/pin/295337688044909906/ fig.44 : https://www.pinterest.fr/pin/13018286400312419/?lp=true fig.45 : https://www.pinterest.fr/pin/404338872779507139/ fig.46 : http://tenshinoyumesite.free.fr/sanzosama/pages/dossier2_saiyuki. 187
htm fig.47 : https://blueskytravelblog.wordpress.com/2016/05/16/ha-nhietmua-he-theo-phong-cach-nguoi-nhat-ban/ fig.48 : http://www.japonismus.com/art-bain-origines.html fig.49 : https://www.flickr.com/photos/johngcramer/8438048720 fig.50 : https://steemit.com/photography/@luckymen/photographing-cherry-blossoms-in-autumn fig.51 : http://www.ba-bamail.com/content.aspx?emailid=15639 fig.52 : https://www.pinterest.fr/pin/287456388693709567/ fig.53 : http://www.japon.mannitou.org/beta/gallery/kyoto1/PM_japon_2002_068?newlang=ar_EG fig.54 : Document réalisé fig.55 : https://travelcat077.wordpress.com/2016/01/28/%E5%A4%8F% E5%AD%A3%E9%99%90%E5%AE%9A%EF%BC%81%E3%80%90% E4%BA%AC%E9%83%BD-%E9%B4%A8%E5%B7%9D%E7%B4%8D %E6%B6%BC%E5%BA%8A%E3%80%91/ fig.56 : Ikeuchi Koji, « Flood Management in Japan », Water and Disaster Management Bureau, MLIT, Japan, 13 march 2012 fig.57 : Document réalisé fig.58 : Augendre Marie, « Les facteurs culturels de la résilience-le cas du Japon », Séminaire Résilience urbaine, université Lyon II, 27 mai 2010 fig.59 : Weliachew Boris, «Culture du Risque et pratiques architecturales et urbaines, éléments de comparaison Japon/France », École nationale Supérieure d’Architecture Paris Val de Seine, p 8 fig.60 : Weliachew Boris, «Culture du Risque et pratiques architecturales et urbaines, éléments de comparaison Japon/France, École nationale Supérieure d’Architecture Paris Val de Seine, p 17 fig.61 : https://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/katsushika-hokusai_lagrande-vague-de-kanagawa_estampe-nishike-e_1830 fig.62 : Tamamistu Hiroaki, « The River Law», supervisé par le bureau de bureau des rivières et le ministère de la construction, 1990 fig.63 : Augendre Marie, «Vivre avec le volcan. Une géographie du risque volcanique au Japon.» Thèse de doctorat en géographie physique, humaine, économique, Université de Lyon II, 2008, p.132 fig.64 : Analyse documenté, « La ville maritime », 8 mars 2016 fig.65 : Reportage Arte « Inondations, une menace planétaire » https://www.youtube.com/watch?v=MCQT15Q4lRk&t=815s fig.66 : http://www.360doc.com/conte 188
nt/16/0716/23/2530266_576156745.shtml fig.67 : Document réalisé fig.68 : Document réalisé fig.69 : Document réalisé fig.70 : https://planificateur.a-contresens.net/asie/japon/aichi_ken/nagoya/1856057.html fig.71 : http://www.city.nagoya.jp/jutakutoshi/cmsfiles/ contents/0000045/45893/07midori.pdf fig.72 : Document réalisé fig.73 : Document personnalisé, http://www.asahi.com/special/saigai_jiban/ fig.74 : Document personnalisé, http://www.gsi.go.jp/chubu/minichishiki12.html fig.75 : Document réalisé fig.76 : Document réalisé fig.77 : http://www.city.nagoya.jp/jutakutoshi/cmsfiles/ contents/0000045/45893/07midori.pdf fig.78 : Document réalisé fig.79 : Document réalisé fig.80 : Document réalisé fig.81 : Document réalisé fig.82 : Document réalisé fig.83 : http://network2010.org/nc400/picture/heisei.html fig.84 : http://www.rwi-natuurkunde.nl/aanteken/vwo/30%20 krachten%20-%20vwo.pdf fig.85 : http://www.city.nagoya.jp/jutakutoshi/cmsfiles/ contents/0000045/45893/05koutu.pdf fig.86 : Document réalisé fig.87 : http://www.seanews.com.tr/port-of-nagoya-s-box-volume-drops-68pc-in-january-to-202-856-teu/146950/ fig.88 : http://transport.ec/destino-internacional/asia-tiene-los-mejores-aeropuertos-del-mundo/ fig.89 : https://www.slideshare.net/AECOM/from-vulnerable-to-resilient-cities fig.90 : Document réalisé fig.91 : Document réalisé 189
fig.92 : Document réalisé fig.93 : Document réalisé fig.94 : Document réalisé fig.95 : Document réalisé fig.96 : Barker Robert et Coutts Richard, Aquatecture, Buildings and cities designed to live and works with water, Londres, Riba publishing, 2016, p. 28-29 fig.97 : Document réalisé fig.98 : Document réalisé fig.99 : Document réalisé fig.100 : http://www.cbr.mlit.go.jp/gouu/gekitoku/05_b.html fig.101 : Document réalisé fig.102 : http://www.cbr.mlit.go.jp/gouu/gekitoku/05_b.html fig.103 : http://kikuko-nagoya.com/html/shonairyokuchi.html fig.104 : Document réalisé fig.105 : http://timetravel.network2010.org/article/136 fig.106 : Document réalisé fig.107 : Document réalisé fig.108 : Document réalisé fig.109 : Photographie personnelle fig.110 : http://www.jsjapan.com/archives/534 fig.111 : http://www.candy-hall.net/english/osaka.html fig.112 : http://thekyotoproject.org/francais/les-terrasses-dressees-pourlete/ fig.113 : Photographie personnelle fig.114 : Document réalisé fig.115 : Document réalisé fig.116 : Document réalisé fig.117 : Document réalisé fig.118 : Photographie personnelle fig.119 : http://www.cbr.mlit.go.jp/shonai/tanto/kasen/suigai/shonai/1989/ fig.120 : https://pixta.jp/tags/%E6%B0%B4%E6%B2%A1%20 %E6%B0%BE%E6%BF%AB%20 %E5%BA%84%E5%86%85%E5%B7%9D%20 %E6%B4%AA%E6%B0%B4%20 190
%E4%B8%AD%E6%9D%91%E5%8C%BA fig.121 : http://ktgis.net/kjmapw/kjmapw.html?lat=35.067260&lng=136.773855&zoom=14&dataset=chukyo&age=9&screen=1&scr1tile=k_cj4&scr2tile=k_cj4&scr3tile=k_cj4&scr4tile=k_cj4&mapOpacity=10&overGSItile=no&altitudeOpacity=0 fig.122 : http://network2010.org/article/219 fig.123 : http://wani-chan.cocolog-nifty.com/photos/uncategorized/2015/03/07/photo_20150307_12.jpg fig.124 : http://www.cbr.mlit.go.jp/shonai/oshirase/oshirase/kinekosa2010/images/5.jpg fig.125 : Document réalisé fig.126 : Document réalisé fig.127 : Document réalisé fig.128 : Document réalisé fig.129 : Document réalisé fig.130 : Document réalisé fig.131 : Document réalisé fig.132 : Document réalisé fig.133 : Document réalisé fig.134 : Document réalisé fig.135 : Document réalisé fig.136 : Document réalisé fig.137 : Document réalisé fig.138 : Document réalisé fig.139 : Document réalisé fig.140 : Document réalisé
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ANNEXE : Entretien avec le Pr Hisashi KOMATSU, architecte ingénieur, spécialisé dans les espaces publics, Nagoya University (3 mars 2017) Pourriez-vous présenter et nous parler de votre parcours ? Diplômé en 1990 de l’Université de Nagoya, Master architecture ingénieur et environnement. Docteur en ingénierie. Il est devenu par la suite assistant professeur de l’université de Nagoya. Komatsu-sensei a planifié les bâtiments de cette université. Sa spécialité est les travaux publics comme les écoles, les bibliothèques. Pourriez-vous nous parler du risque d’inondation à Nagoya ? Quel type d’inondation existe-il à Nagoya ? Durée de chacune ? On trouve trois types d’inondation : 1) La forte pluie entraîne le débordement des fleuves 2) L’eau stagne, les pompes souterraines débordent 3) Onde de tempête Maintenant au Japon, on trouve de plus en plus d’infrastructures vertes pour absorber l’eau. Cela vient de commencer mais pas dans la ville de Nagoya, uniquement à Tokyo pour l’instant. Est-ce que le risque d’inondation influence-t-il votre travail d’architecte ? Pour construire un bâtiment, on ne peut pas construire l’électricité au rezde-chaussée à cause de l’inondation. Par exemple lorsqu’on construit dans les zones à haut risque d’inondation, on construit généralement des lieux publics comme des gymnases au 1er et 2ème étage au cas ou comme lieu d’évacuation au dernier étage. Le rez-de-chaussée devient un parking. Mais ce n’est pas courant car cela coûte cher. Que pensez-vous de l’état actuel des berges du Shonai ? Serait-il possible de construire sur les berges ? Maintenant les berges sont mieux aménagées et plus larges, elles ont moins de risque d’être inondée. Mais le risque est quand même élevé. Il est possible 192
de construire près des berges par des mesures contre l’inondation mais le niveau de risque reste élevé et la peur d’être près de l’eau. Après chaque catastrophe la manière de construire change. Après le tremblement de terre de 1995, on a renforcé les bâtiments anti-sismiques. Après la triple catastrophe de 2011, les lois ne sont pas en vigueur. Mais on ne construit pas d’autres bâtiments en zone haut risque. On voit comment les quartiers vont êtres inondés et on réalise de la prévention. Depuis longtemps on prévoit à Nagoya, un grand tremblement de terre, (Nankai). Pour la catastrophe du tsunami, après 1995, la cause n’était pas le tsunami alors ils ne pensaient pas au tsunami mais après 2011, on commence à le prendre en compte. Le fleuve Horigawa marque la limite topographique entre le plateau protégé contre les inondations. Le château en 1610 a déménagé de Kiyosu pour le plateau de Nagoya par sécurité. Le fleuve Horigawa permettait le transport des bois de la montagne jusqu’à la baie, pour construire les châteaux. Le fleuve Horigawa a été pollué après la guerre, aujourd’hui le fleuve est plus sain. Les Habitants à Nagoya sont de plus en plus nombreux en totalité. Après 2011, la population de Nagoya près de la mer a diminué. Beaucoup de personnes ont déménagé pour se réfugier vers le plateau, mieux protégé et une terre plus ferme. Mais le prix près du fleuve et de la mer est moins cher. A l’Est, les maisons sont plus chères et à l’Ouest moins chères. La plus grande différence entre Nagoya et Tokyo, c’est la densité de population. Les maisons de Nagoya sont construisent pas très proche les unes des autres alors qu’ à Tokyo très serré. L’inondation cause aussi des incendies due à l’électricité et les maisons sont en bois, après 1995, les maisons sont de moins en moins construites en bois. Les maisons au Japon, ne sont pas mitoyennes, il y a presque toujours un espace entre les maisons, un espace privé pour le quotidien des japonais, utilisé comme passage, espace de stockage, mini-jardin… D’après nos recherches, nous avons constaté qu’il y a une vraie séparation entre la ville et le fleuve à Nagoya, y a-t-il une raison culturelle ou autre à cela ? 193
Les précipitations au Japon sont beaucoup plus importantes qu’en France. Les précipitations sont rapides et inonde vite. La durée d’inondation est courte. Historiquement, il y a beaucoup de morts durant l’inondation. Construire la digue c’est protéger la vie, c’est une manière de se sentir en sécurité. Que pourriez-vous nous dire sur l’habitat et son évolution dans la ville de Nagoya ? Quelles sont les caractéristiques de l’architecture à Nagoya ? Quels matériaux de construction utilise-t-on généralement à Nagoya ? Des projets qui prennent en compte l’inondation et la montée des eaux à cause du changement climatique ? Les habitations sont faites pour l’été. Nagoya l’été il fait très chaud, (40°C l’été), beaucoup d’humidité. Au Japon, traditionnellement, le concept pour les habitations est de construire pour passer l’été agréablement, en Europe c’est l’inverse. On pense toujours de quelle manière le vent passe dans les habitations. Pour se protéger de la lumière c’est le toit en pente. On construit le plancher plus haut pour éviter l’humidité et le bois ainsi vit murit grâce à l’humidité, durant l’époque sans climatiseur, ventilation naturelle. Une fois que le climatiseur est arrivé, on oublie de construire avec le bois, le toit et le passage du vent. Aujourd’hui, on essaye de garder des espaces verts dans les plans d’urbanisme. Lors des constructions, on doit maintenant avoir dans les parcelles et dans la ville, un pourcentage d’espaces verts. Maintenant le fleuve Horigawa ne sert à rien, mais devient un espace ou le vent passe dans la ville, une ville avec des îlots de chaleurs. Après la guerre, une avenue large de 100 mètres dans le quartier de Sakae a été créé contre les incendies, pour faire passer le vent, et un nouvel espace vert. Le vert est important en flux de circulation. Au Japon, on ne parle pas de la montée des eaux car le Japon doit déjà se batte contre les tsunamis, les séismes qui sont plus prioritaires. A l’Ouest, risque élevé contre l’inondation. Avant, le 11 mars 2011, il y avait une proposition pour un bâtiment public mais après le plan a changé car il ne prenait pas en compte le risque d’inondation. Le mot résilience existe-t-il au Japon ? 194
Au Japon, le mot résilience n’est pas employé. La ville de Kumamoto compte plusieurs séismes par an. Durant le séisme Avril 2016, le bâtiment de la mairie a été détruit car les mesures ont surtout été prises pour les habitations. Mais ce bâtiment était un symbole. BCP (Business Continuity Plan) plan des affaires continue. Avant on pensait toujours comment protéger de la catastrophe mais maintenant on a appris que l’on ne peut pas éviter d’être touché par la catastrophe. Disaster Prevention : éviter la catastrophe Disaster Mitigation : diminuer et réduire les dégâts On ne peut pas protéger à 100% mais au moins à 50 %. Le lendemain de la catastrophe on doit recommencer la ville, la municipalité. Secteur administratif, éducation, médical et industriel sont les secteurs les plus importants à prendre en compte. Importance de recommencer l’activité économique. Le secteur industriel de la ville de Nagoya est important comme Toyota. Si la ville de Nagoya est paralysé et arrête son activité économique toute l’activité économique du Japon s’arrête. Les entreprises privées prennent des mesures contre l’inondation sans le dire. Par exemple on construit en hauteur si il y a des problèmes d’inondation. Ils ne construisent peu de leur usine à l’Ouest de la ville. Ainsi, beaucoup d’usines sont construit à l’Est et leur terrain est adapté en fonction des problèmes d’inondation. Que pourriez-vous nous dire sur la question de l’espace publique et sa pratique dans la ville ? Pourriez-vous citer quelques noms des espaces publics ? La population japonaise est en déclin et l’état ne possède plus d’argent. L’espace public au Japon se présente sous forme de bâtiments. Mais due à la diminution du revenu de l’état, de moins en moins d’espaces publics sont construits. 27% de la population japonaise est âgée, les enfants diminuent ainsi beaucoup. Il y a ainsi moins besoin d’écoles. Aujourd’hui on réunit plusieurs 195
écoles en une. La grande question au Japon, c’est : Quoi faire de ces terrains vides (fermeture des écoles). Beaucoup d’écoles ferment près de la gare de Nagoya. Pour la ville de Tokyo, il y en a plus. Quand il y a des espaces vides, les entreprises privées veulent construire un gratte ciel, c’est une opportunité financière pour le privé. Il y a un contrat entre l’administration et le privée. Mais les habitants ne voient pas l’intérêt de construire une tour de logements. Aujourd’hui, l’état ne va pas vendre le terrain de Nagano et après sa fermeture plusieurs propositions sont attendues. L’école primaire Nagono est fermée depuis 5 ans. Le quartier de Nagono connu pour son quartier traditionnel avec des habitations en bois qui a été épargné après la guerre (Shike-Michu). Le risque du tremblement de terre est partout. Le risque incendie est important dans ce quartier dues aux habitations en bois. Et aussi si la digue du Shonai se rompt, le terrain sera inondé de 1 à 2 mètres. Les habitants du quartier veulent un lieu d’évacuation. Au Japon toutes les écoles sont des lieux d’évacuation. Si cet espace est vendu au privée, il n’y en aura plus. Ce terrain est près de la gare, beaucoup de lieux touristique. Culturellement, socialement, c’est comme l’entrée de la ville (Genka). Comment utiliser ces espaces après la fermeture des écoles ? Trois questions importantes lorsque l’on parle des espaces publics au Japon : 1) Le nombre enfants diminuent 2) Le vieillissement augmente 3) Les catastrophes naturelles On doit toujours penser aux bâtiments à côté du terrain vide. Les écoles publiques au Japon sont utilisées pour les enfants dans la semaine mais le soir et le week-end les habitants du quartier peuvent l’utiliser. L’école n’est pas seulement pour les enfants mais pour tous les gens du quartier. Tout le monde s’y intéresse après sa fermeture. Les habitants veulent généralement un espace d’évacuation, surtout au centre ville. Le mieux après la fermeture des écoles est de démolir et reconstruire quelque chose, mais cela coûte cher. On peut réhabiliter une partie des bâtiments. 196
Serait-il possible d’intégrer l’eau dans le tissu urbain ? La Seine traverse la ville mais les fleuves de Nagoya ne traversent pas la ville mais l’entoure. Les berges sont aménagées par de la nature, des plantes. Le fleuve nouveau Horigawa, n’a plus de rôle pour le transport mais c’est une opportunité car il y a de l’eau dans la ville. Il y a plusieurs personnes qui souhaitent utiliser cette eau. La qualité de l’eau est mauvaise, une mauvaise odeur et les bâtiments tournent le dos aux fleuves, on voit que leurs façades. La manière de construire aux bords des rivières est très importante. Le pont Nayabashi, est aménagé par des trottoirs… Quels sont les problèmes de la ville de Nagoya ? Quel programme ou activité manque-t-il dans la ville ? Dans 10 ans la nouvelle ligne de train ouvrira passant de la ville de Tokyo à Nagoya en 40 minutes. Une nouvelle ligne, avec un train plus rapide. Le développement du quartier de la gare de Nagoya va augmenter. Il y a 20 ans le quartier de Sakae (quartier commercial) était le centre de Nagoya. Aujourd’hui le centre se trouve à la gare de Nagoya. La grande question est de voir comment re-dynamiser ce quartier, et avoir un équilibre entre la gare et le quartier de Sakae. Si on ne développe pas le quartier de Sakae, qui est un quartier commercial celui-ci deviendra un quartier résidentiel. Les Nagoyaïtes souhaitent l’animation de ce quartier en même temps que celui de la gare. Le sous-sol à Nagoya est le plus développé du Japon mais le sol est dangereux. Lors de fortes pluies l’eau s’infiltre dans les sous sol. On ne peut plus développer le sous sol cela coûte cher. Il y a des arbres à l’avenue de Hisaya Odori (Sakae). Une des avenues de Nagoya la plus large. Une avenue large qui accueille en son centre un parc. Il y a trois voies. L’idée serait de diminuer les voies et faire plus de parc pour se promener agréablement car pour passer c’est difficile. S’il y a une terrasse on ne veut pas de voiture qui circule. Rendre la ville aux piétons car Nagoya c’est la ville de la voiture. Le trottoir est aussi bien utilisé par les piétons que les cyclistes. Pourriez-vous nous éclairer sur cette culture de construire et reconstruire au Japon, sur la durée de vie des bâtiments ( environ 30 ans) ? Y a-t-il un système constructif spécifique au niveau des bâtiments pour ce mode construction et reconstruction ? 197
On reconstruit tous les 30 ans par raison financière. Les bâtiments en béton sont reconstruits tous les 60 ans. Avant on héritait les maisons mais la génération d’aujourd’hui ne pense plus hériter, la mentalité a changé. Une maison pour une génération. Pour les japonais, acheter une maison est un achat pour la vie car cela coûte chère. Cette manière de penser est arrivée juste après la Seconde Guerre mondial, l’économie japonaise étant forte. Avant la guerre, une maison était pour une famille. Aujourd’hui, il y a de plus en plus de maisons laissées à l’abandon. Dans tout le Japon, il y a 8 millions de maisons abandonnées. Ces maisons abandonnées sont un problème pour les habitations autour et ainsi les habitants. La valeur de leur maison diminue et le risque contre le séisme est plus important. Les bâtiments abandonnés sont aussi bien pour le public que le privée. Les bâtiments abandonnées se trouvent surtout dans les campagnes.
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Annexe : Entretien avec le Pr Takashi TASHIRO, Docteur en ingénierie, travail sur les rivières, principalement les inondations des réseaux souterrains, Disaster Mitigation Research Center, Nagoya University,(3 mars 2017) Pourriez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours ? Tashiro-sensei travaille depuis trois ans dans le centre de recherche sur l’atténuation des catastrophes situé à l’université de Nagoya. Il travaille principalement sur l’eau, les rivières, l’environnement, les dégâts. Quel type d’inondation y-a-t-il à Nagoya ? La durée ? La période ? Après les grandes catastrophes, de 1959, 2000, 2008, 2013, de quelle manière la gestion du risque a-t-elle évolué ? - L’inondation fluvial : fortes pluies, neige fond d epuis la montagne - L’inondation des réseaux des égouts - Le Typhon Le typhon Isewan en 1959 avait duré 4 mois touchant 300 km2 de Nagoya jusqu’à l’extérieur de la ville. Quels sont les moyens de prévention et de protection contre le risque d’inondation à Nagoya ? Les rivières sont classées par mesures contre les inondations fluviales: - Les rivières 1 : 1/100, crue centennales 1% de probabilité de crue chaque année. - Les rivières 2 : 1/30, 3% de probabilité de crue chaque année. Les moyens physiques contre les inondations sont les barrages au niveau de la montagne, les digues autour de la ville, des panneaux indiquant les inondations. Lors de l’inondation de 2000, les digues du Shin se sont rompues ce qui a permis de remarquer que les digues du Shonaï n’étaient pas assez hautes. Les digues ont ainsi était surmontées après cette catastrophe. Lors d’une inondation, la capacité de stockage par heure est de 60 mm d’eau. La limite de protection par le système souterrain est aujourd’hui atteinte. 199
Qui sont les différents acteurs de la gestion du risque d’inondation ? Comment ils fonctionnent entre eux ? Comment les habitants interagissent à la gestion du risque ? Ont-ils un rôle dans la gestion du risque ? le bureau de la gestion du risque prend-t-il en compte les demandes des habitants ? L’aide administratif de l’état pour les habitants se produit en 4 étapes : 1) Construire les digues 2) Alerter 3) Observer le niveau de la rivière 4) Plan d’estimation des inondations Les habitants organisent eux-mêmes les plans d’évacuations avec l’aide de l’administration. Il y a des groupes qui protègent eux-mêmes leur quartier. Par exemple si le niveau d’eau augmente, ils mettent des sacs de sables près des rivières, des habitations... Mais cette tradition se perd avec les nouvelles générations et les nouveaux résidents des quartiers qui n’ont pas connu ou pu se préparer aux inondations. Pour l’évacuation, on ne sait pas quelle ville autour de Nagoya va être la plus sûre à s’y réfugier. Durant l’inondation de 2013, 1 millions de personnes ont été alertés mais uniquement 1000 personnes ont évacué. Un site internet : Xrain (http://www.river.go.jp/x/xmn0107010.php) permet de voir en direct les précipitations et le niveau de la mer n’importe où dans l’archipel japonais. L’estimation des désastres se réalise maintenant tous les 1000 ans. De temps en temps les estimations ne sont pas celles que l’on croyaient, on doit estimer le pire des cas. Avant, lorsque l’on construisait une digue on se disait que l’eau ne devait pas passer mais aujourd’hui on se dit que l’eau passera mais que la digue ne doit pas se rompre pour réduire les dégâts. La prévention se réalise par des cartes montrant dans chaque arrondissement de la ville les zones touchées et les niveaux d’eau lors d’une inondation. Pourquoi on considère que Nagoya est la première ville au Japon exposée au risque d’inondation ? 200
Nagoya est la ville qui a accumulé le plus de décès et la Baie joue aussi un grand rôle sur le risque d’inondation. Aujourd’hui, dans différents projets dans le monde, on travaille souvent AVEC L’EAU et non pas CONTRE L’EAU ( changement de vision et de philosophie concernant la gestion du risque d’inondation ), cet état d’esprit existe -t-il au Japon, avez vous connaissance de cela ? Avant durant l’inondation, les Japonais habitaient avec l’eau. Chaque famille possédait 2 maisons ; une pouvant être inondée et qui possédait un bateau pour rejoindre sa deuxième maison plus éloignée dans les montagnes. A cette époque on acceptait l’inondation et on pouvait vivre avec.
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Annexe : Entretien avec le Pr Junko ABE-KUDO, travaille sur l’histoire de l’architecture moderne,Sugiyama Jogakuen University, Nagoya, School of Lies Studies, Department of Human Environment Design,(6 mars 2017) Pourriez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours ? Professeur associé, Sugiyama Jogakuen University, Nagoya, School of Lies Studies, Department of Human Environment Design,travaille sur l’histoire de l’architecture moderne, l’urbanisme, la réhabilitation, les aires de repos pour une population de plus en plus vieillissante et urbaine. L’architecture à Nagoya : Nagoya est une grande campagne. Une famille peut habiter dans le même site avec peut être deux maisons sur ce site pour les grand parents, les enfants, les petits-enfants. Des fois 4 générations. Par raison financière car le foncier est cher au Japon. Nagoya est la ville de la voiture. La voiture a un côté social. Les maisons peuvent ne être pas très jolies, peu chères mais les voitures doivent être belles et chères. La population de Nagoya est très conservatrice C’est une ville facile à vivre, large avenue. Les japonais préfèrent le neuf pour être aux normes avec les règles sismiques. Règlement sismique après 1981, 1995. Les problèmes dans la ville de Nagoya: Manque de crèche au centre de Nagoya, de plus les bibliothèques se dégradent. Problème de bruit en ville. L’espace public : Les japonais n’ont pas le temps de se balader. Pas d’espaces publics au centre de Nagoya, il y a beaucoup d’habitations étalées. 202
Le tourisme : Nagoya n’est pas une ville très touristique. Le problème est que les spots touristiques sont éparpillés partout dans la ville. Besoin d’un centre avec plusieurs spots pour amener de l’attractivité.
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Annexe : Interview des habitants autour du quartier avec l’aide de Toshiko-san 1) Un couple de soixante dizaines d’années possédant un magasin de vélos. Ils ne vont plus sur les berges. Mais quand il était jeune, le mari, allait se baigner à la rivière Shônai mais maintenant il est trop âgé pour y aller. Il voudrait ainsi une meilleure accessibilité aux berges pour les personnes âgées. 2) Une femme d’une trentaine d’années avec son fils de cinq ans. D’après elle, sa grand-mère va souvent sur les berges pour travailler sur les champs. Elle va sur les berges car c’est un endroit idéal pour faire des exercices de vélo grâce aux grands espaces. 3) Un homme de soixante ans qui était dans les champs. D’après lui, avant, beaucoup de personnes cultivaient des légumes sur les berges du Shônai. Il y a souvent des inondations et les champs étaient inondés une ou deux fois par an pendant la saison des pluies ou du typhon, en Juin ou en Septembre. Les eaux ont atteint le milieu des berges. La terre des champs est très riche grâce à l’inondation et on peut récolter des légumes très doux. Mais aujourd’hui, c’est difficile de vivre comme agriculteur et les jeunes ne veulent pas exercer le métier d’agriculteur. Une partie des champs devient abandonnée et on met son terrain en location, c’est pourquoi on voit des terrains de sports tels que le baseball ou le golf sur les berges. 4) Un bâtiment destiné aux habitants du quartier. Une femme nous disait que son mari allait tous les jours sur les berges travailler dans les champs. Un homme nous a dit que l’on fait régulièrement des exercices en prévision d’un sinistre. Ils voulaient que les berges soient bien aménagées mais ils comprennent que ce serait assez difficile car les berges sont des terrains privés.
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