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LE COIN DES LECTEURS 讀者區

Les Outre-mer

Texte 文: Hugo Petit

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La France d’outre-mer se compose aujourd’hui principalement de cinq « départements et régions d’outre-mer » (DROM) : la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, la Réunion et Mayotte, ainsi que de cinq « collectivités d’outre-mer » (COM) : Saint-Pierre-etMiquelon, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Wallis-et-Futuna et la Polynésie française. Les Français de métropole en parlent plus volontiers comme des « DOM-TOM », l’ancien acronyme datant d’avant la réforme constitutionnelle de 2003 resté dans le langage courant. Dispersés dans les deux hémisphères, des Caraïbes au Pacifique en passant par l’océan Indien, les Outre-mer français ont connu une histoire douloureuse, marquée par la colonisation et souvent par l’esclavage, mais aussi par les luttes pour l’égalité des droits au sein de la République (avec la départementalisation de 1946) ou pour l’indépendance, et enfin par les migrations vers la métropole. Une histoire dont découlent des sociétés métisses, des langues qui le sont également (les créoles qui se mêlent au français et l’enrichissent), ainsi qu’une importante littérature. De nombreux grands auteurs sont en effet issus des Outre-mer : Aimé Césaire, René Maran, lauréat du prix Goncourt en 1921 et réédité cette année, Edouard Glissant et Maryse Condé, pour n’en citer que quelques-uns. Dans leurs œuvres, ils donnent à voir ces fragments du territoire français qui restent trop méconnus.

Gaël Octavia, La Bonne Histoire de Madeleine Démétrius, Gallimard, 2020 Dans son dernier roman, Gaël Octavia met en scène une écrivaine originaire de la Martinique, qui vit à Paris depuis de nombreuses années, contrairement à ses amies rentrées à Fort-de-France après leurs études en métropole. Contactée inopinément par sa meilleure amie d’adolescence, Madeleine Démétrius, depuis longtemps perdue de vue, la narratrice est brusquement rappelée au souvenir du « tout indivisible » : le groupe de cinq amies dont elles faisaient partie au lycée. Un cercle dont elle avait été mystérieusement exclue, n’ayant pas été invitée au mariage de Madeleine. Celle-ci lui raconte un événement survenu à la même époque, que la narratrice ignorait. Ni lourd secret en apparence, ni anecdote insignifiante pour autant, la « bonne histoire » pique la curiosité de la narratrice : issue d’un milieu modeste, élevée par une mère seule, elle a longtemps été fascinée par la « parfaite » Madeleine, fille de médecins, entourée de parents aimants et ouverts d'esprit... ou bien n’était-ce qu’en apparence ? Un roman à la fois émouvant et sans concession sur les Martiniquais, dont les hommes sont quasiment absents.

Appollo et Serge Huo-Chao-Si, La Grippe coloniale (deux tomes), Vents d’Ouest, 2003 et 2012. 1919. Les Poilus réunionnais rentrent enfin chez eux, après quatre années de tranchées. Parmi eux, quatre amis : Évariste, fils de petits commerçants qui a participé aux mutineries de 17 ; Grondin, une force de la nature que rien ne semble affecter ; Camille, gueule-cassée et issu d’une grande famille de planteurs ; et Voltaire, versé dans un régiment de tirailleurs sénégalais car noir, héros et médaillé, persuadé que ses faits d’armes lui conféreront enfin une citoyenneté à part entière. Tous ignorent qu’en débarquant à Saint-Denis, ils ramènent avec eux la « grippe espagnole », qui va faire des ravages. La menace n’est pas prise au sérieux par les autorités, persuadées que le climat de l’île protège ses habitants. Le chaos général ne suffit pourtant pas à secouer la société coloniale et ses hiérarchies... Publiée entre 2003 et 2012, l’histoire revêt bien entendu une résonance toute particulière aujourd’hui. Les deux auteurs, réunionnais, ont longtemps participé au fanzine local Le Cri du margouillat.

Suzy Palatin, Petit Dictionnaire insolite des cultures et des langues créoles : Guadeloupe, Guyane, Martinique, Larousse, 2013 « Vann’ van pou achté lè » : vendre du vent pour acheter de l’air, c’est-à-dire « se démener pour rien » est l’une des nombreuses expressions communes aux trois départements que l’on pourra découvrir dans ce petit guide, entre autres proverbes et dictons. De l’abolition définitive de l’esclavage en 1848 jusqu’aux mouvements sociaux de 1967 et 2009, en passant par le « Cyclone 28 » resté dans la mémoire collective des Guadeloupéens, et de la construction du bagne de Cayenne à l’ouverture du centre spatial de Kourou en Guyane, l’on pourra se familiariser avec leur histoire, ainsi que leurs grandes figures : Paulette Nardal, femme de lettres et précurseur de la négritude, Gaston Monnerville qui fut président du Sénat durant presque dix ans, ou encore le jazzman Alain JeanMarie. Un ouvrage idéal pour ceux qui souhaitent en savoir plus sur les cultures et traditions des trois territoires, complété par des recettes de cuisine, un lexique des vocabulaires créoles, ainsi que des tableaux de conjugaison.

Eugène Nicole, L’Œuvre des mers, Éditions de l’Olivier, 2004 Dernier reliquat de ce qui fut le Canada français, les Îles Saint-Pierre-et-Miquelon sont situées au large de Terre-Neuve et peuplées de quelques milliers d’habitants, pour la plupart descendants de Bretons, Basques et Normands. Né dans l’archipel, Eugène Nicole est aujourd’hui spécialiste de Proust et enseigne aux États-Unis. Dans le premier tome de ce roman-fleuve toujours en cours d’écriture, il relate son enfance au début des années 1950. Il y évoque les rigueurs de l’hiver, le souvenir des proches, disparus en mer, et le rapport à la lointaine métropole, située à l’autre extrémité de l’Atlantique : la « mère patrie » décrite par les religieuses que les enfants se contentaient d’imaginer à partir des images de films projetés dans un cinéma nommé « L’Œuvre des mers ».

Autres conseils de lecture, également disponibles à la médiathèque de Jordan :

Maryse Condé, Traversée de la Mangrove, Mercure de France, 1989 Le grand roman guadeloupéen de Maryse Condé. Née à Pointe-à-Pitre, l’écrivaine entretient un rapport complexe avec son territoire natal, qu’elle a quitté à l’âge de 16 ans pour n’y revenir que 19 ans plus tard. Edouard Glissant, Poèmes (Un Champ d’Îles — La Terre inquiète — Les Indes), Éditions du Seuil, 1965 Les premiers recueils de poèmes d’Edouard Glissant (1928-2011), écrivain, philosophe et militant martiniquais.

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