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ON EN PARLE

ON EN PARLE C’est maintenant, et c’est de l’art, de la culture, de la mode et du design

Clichés, collages, extraits de journaux intimes, collections et textes composent cet incroyable ouvrage.

BEAU-LIVRE L’ŒIL DU MONDE

Alors que PETER BEARD vient de nous quitter, Taschen réédite une édition unique et originale consacrée à ce photographe hors norme, parue en 2006.

IL EST RETOURNÉ À LA TERRE et aux arbres. Peter Beard, l’homme de la nature et de l’art total, s’est éteint au cœur d’une forêt de Long Island, en avril dernier. Cet ultime mouvement, absolu et instinctif – de son combat pour la protection de l’environnement à sa propre disparition –, s’érige en symbole, telle une dernière image floutée sur son parcours hors-norme. Les 700 pages de clichés, collages, journaux intimes, collections et textes de l’ouvrage qui lui sont consacrées reviennent sur la vie du photographe aventurier, jet-setteur excessif, écrivain ou encore défenseur de l’environnement et de la cause animale. Un hommage à l’homme multiple qui a fait de son existence sur les continents africain et américain une œuvre d’art prolifique, dédiée aux beautés du monde. Et une ode au regard et à l’engagement de ce militant singulier, pour qui « l’entière écologie des éléphants est plus similaire à la nôtre que n’importe quel animal ». De bout en bout, son œuvre est un appel à la sagesse. ■ Catherine Faye

PETER BEARD,

Taschen, 770 pages, 100 €.

Filmé par la documentariste Lucie Viver, le poète Bitonkine traverse son pays au temps de l’après-Compaoré.

LE FANTÔME DU CAPITAINE Que reste-t-il de Thomas SANKARA dans le Burkina Faso d’aujourd’hui ? Un discours peut-être qui n’a rien perdu de sa modernité.

« NOUS FORMIONS UN DRÔLE DE DUO. Imaginez-vous un type avec des carnets de poésie et une Blanche avec une caméra… » Lucie Viver raconte ainsi son tournage, seule avec le poète burkinabè Bitonkine pour une traversée du Burkina Faso au temps de l’après-Compaoré. En suivant la ligne de chemin de fer de Bobo Dioulasso à Kaya, ils croisent des écoliers, des femmes et des hommes au travail ou en pleins débats politiques (« Ma tête est retournée comme une galette grillée ! »), et souvent affleurent le souvenir du capitaine Sankara, avec l’appui de quelques images d’archives. Même si plus de trente ans après son assassinat, l’homme qui a transformé la Haute-Volta ne se retrouve plus que sur le T-shirt d’un marchand de souvenirs, dans le prénom d’une vendeuse de cahiers, et que les traces de sa tombe brisée sont bien difficiles à trouver dans les broussailles, son discours n’a rien perdu de sa modernité… ■ Jean-Marie Chazeau SANKARA N’EST PAS MORT (France), documentaire de Lucie Viver. Avec Bitonkine. En e-cinéma sur sallevirtuelle.25eheure.com.

SOUNDS À écouter maintenant !

❶ Zenobia Halak Halak,

Acid Arab Records Basé à Haïfa, en Israël, ce duo palestinien mixe avec entrain mélodies traditionnelles arabes et électro anglo-saxonne, le tout ponctué de dabke. Empruntant leur nom de scène à une ancienne reine de Palmyre, Nasser Halahlih et Isam Elias ont été repérés et soutenus par le groupe Acid Arab, expert en mélange des genres, qui l’a signé sur son propre label. Excellente idée au vu de l’enthousiasme fédérateur de ce premier album baptisé Halak Halak, « Bienvenue » !

❷ Hanni

El Khatib

Flight, Innovative

Leisure D’origine palestinienne et philippine, ce multi-instrumentiste (et styliste pour des marques de streetwear) est avant tout un grand amoureux de la musique américaine, du blues au hip-hop en passant par la soul et le rock’n’roll. En témoigne son nouvel album, Flight, enregistré avec Leon Michels (Aloe Blacc, Lee Fields), toujours lo-fi, brillant d’une énergie renouvelée, entre électrique et synthétique.

❸ Nihiloxica Kaloli,

Crammed Discs En luganda, « kaloli » signifie « marabout » (l’oiseau échassier)… Déjà remarqué sur moult scènes à l’international, formé en Ouganda, Nihiloxica réunit les DJ anglais Spooky-J et Pete Jones (alias PQ) et le Nilotika Cultural Ensemble. Le résultat : une musique électronique située à la croisée des genres, percussive et hypnotique, tantôt inquiétante, tantôt lumineuse. À découvrir de toute urgence. ■ Sophie Rosemont

La destinée d’un club, The Eddy, tenu par un Afro-Américain et un Français d’origine algérienne.

SÉRIE ÇA BALANCE PAS MAL À PANAME Une immersion jazzy dans un PARIS MÉTISSÉ, avec Leïla Bekhti et Tahar Rahim en vedette. Et, entre autres, la Marocaine Laïla Marrakchi derrière la caméra.

VOILÀ HOLLYWOOD qui s’encanaille dans le Paris populaire d’aujourd’hui. Damien Chazelle, le réalisateur de La La Land (qui ressuscitait la comédie musicale à Los Angeles) et de First Man (reconstituant la mission Apollo 11) a produit et réalisé les deux premiers épisodes de cette série tournée sur les hauteurs de Belleville. La destinée d’un club de jazz, The Eddy, tenu par un Afro-Américain charismatique joué par André Holland (Moonlight) et un Français d’origine algérienne incarné par Tahar Rahim (qui forme dans la série comme dans la vie un couple solaire avec Leïla Bekhti), menacé par des financiers douteux et les errances dépressives de son copropriétaire américain. Pour les six épisodes restants, Damien Chazelle a laissé la caméra, à raison de deux chacun, à son compatriote Alan Poul (Six Feet Under), à la Française Houda Benyamina (Caméra d’or à Cannes et César du meilleur premier film pour Divines) et à la Marocaine Laïla Marrakchi (Rock the Casbah).

Le jazz n’est pas vraiment un genre à la mode, et pourtant on est entraînés, dans un style très documentaire, à la suite de personnages attachants et décalés, dans un tempo qui alterne accélérations de l’intrigue, moments suspendus, improvisations et séances de concert. La série dégage un sentiment d’énergie, de liberté, un peu gâché toutefois par des choix scénaristiques improbables (la commissaire de police qui tombe toujours à pic, l’insupportable ado américaine qui cherche le grand frisson chez les petits caïds des cités, les mafieux de l’Est qui ont forcément la tête de l’emploi, etc.). Les personnages passent facilement du français à l’anglais, à l’arabe ou au polonais, et les musiciens jouent chacun une belle partition, y compris chez les seconds rôles, comme le trompettiste martiniquais Ludovic Louis. Une série polyphonique au swing mélancolique et sans cesse sur le fil. ■ J.-M.C. THE EDDY (États-Unis), série de Damien Chazelle. Avec André Holland, Leïla Bekhti, Tahar Rahim. Disponible sur Netfl ix.

MUSIQUE Etuk Ubong L’Afrique, ici et maintenant

Avec son dernier album, le célèbre CHANTEUR ET TROMPETTISTE nigérian témoigne de nouveau de l’exceptionnelle vitalité de ses propositions solos.

« QUAND VOUS ÊTES AFRICAIN, vous devez réfléchir sur un passé douloureux, qui fait de notre continent ce qu’il est aujourd’hui. L’Afrique n’est pas encore libérée et doit décoloniser son esprit. Je dois donc chanter aussi bien les problèmes de l’Afrique que sa beauté, ce qu’on peut ressentir à travers mes nouvelles compositions. » Afrobeat, highlife, jazz, rythmiques ekombi… C’est ce que l’on entend tout au long d’Africa Today, qui témoigne de la richesse du parcours d’Etuk Ubong.

Né il y a vingt-huit ans au sud du Nigeria mais élevé à Lagos, il a très vite compris où se trouvait son destin : « À partir du jour où je suis monté sur le kiosque pour jouer du tambour conga dans notre église locale, j’ai su que je deviendrais musicien… Ce qui s’est confirmé lorsque ma mère m’a emmené prendre des cours auprès du trompettiste de la paroisse. » Il est encore adolescent, mais c’est la révélation. Il étudie ensuite la musique au lycée et à l’université, avant de faire ses débuts auprès de l’une des plus grandes figures du highlife, Victor Olaiya. Plus tard, il rejoint le groupe Positive Force de Femi Kuti et multiplie les collaborations (de Nduduzo Makhathini à Theon Cross), tant et si bien qu’il ouvre son propre club, The Truth, à Lagos, où il ne rechigne pas à donner quelques concerts… La performance scénique, c’est ce qui anime Etuk Ubong depuis ses débuts. Mais le travail de composition lui est précieux et, sur Africa Today, l’enregistrement a aussi été une partie de plaisir : le label Night Dreamer l’a convié au studio néerlandais d’Artone, situé au-dessus d’une usine de pressage. Entouré de musiciens locaux et britanniques, ainsi que du trompettiste nigérian Michael Awosogo, l’artiste a immédiatement pu graver sa musique, sans façonnage dispensable, préservant toute son énergie live.

De quoi renforcer la puissance de titres militants comme « Mass Corruption », «Spiritual Change » ou « African Struggle », et d’un style musical qu’Ubong appelle « earthmusic » : « Dans le contexte africain, les politiciens sont élus non pas au mérite mais par toutes sortes d’intérêts égoïstes. Le Nigeria est indépendant des supposés oppresseurs et maîtres coloniaux depuis soixante ans, mais nous n’avons toujours pas de système éducatif de qualité, d’électricité stable, de routes fiables, d’emplois garantis, d’établissements de santé dignes de ce nom, de sécurité assurée pour les citoyens… C’est pour cette raison que je porte la voix des opprimés contre tous les méfaits de notre société. » Ubong président ? On est pour ! ■ S.R. L’artiste est passé par le Positive Force de Femi Kuti.

ETUK UBONG, Africa Today,

Night Dreamer.

Des travaux (de gauche à droite) de Seydou Keïta, Jean Depara et Mory Bamba.

« LE BAL DE BAMAKO »,

Fondation Blachère, Apt (France), jusqu’au 26 septembre 2020. fondationblachere.org

PHOTOGRAPHIE L’HOMMAGE AUX PÈRES Dédiée aux artistes contemporains, la Fondation BLACHÈRE vous emmène à Bamako.

À LA GALERIE, « Le Bal de Bamako », un hommage aux pères de la photographie de l’Afrique francophone et à la jeunesse des années 1960, expose les années twist des Maliens Mory Bamba, Seydou Keïta et Malick Sidibé, du Nigérien Philippe Koudjina Ayi et du Congolais Jean Depara. Nichée au cœur de la zone industrielle d’Apt, dans le sud de la France, la fondation est adossée à l’entreprise familiale, Blachère Illumination, championne de l’éclairage de rues pour les fêtes. Chaque année, elle accueille en résidence entre six et huit artistes du continent et leur achète, à l’issue de la session, une ou plusieurs réalisations qui rejoignent ensuite sa collection,

riche d’environ 1 800 œuvres, dont 700 photographies. Contribuant ainsi au rayonnement de l’art contemporain africain. ■ C.F.

ONLINE

300 documentaires sont disponibles gratuitement sur le site de l’International Film Festival Amsterdam.

Sur le divan, le monde réel Le plus prestigieux festival mondial du film documentaire, l’International Film Festival Amsterdam, a mis en ligne plus de 300 docus à visionner gratuitement, pour accompagner les populations en confinement. Une sélection exhaustive issue des différentes éditions de 1988 à 2019, et saluée par la critique. À voir, par exemple, le long-métrage Buddha in Africa, de la Sud-Africaine Nicole Schafer, ou La Bataille d’Alger, un film dans l’histoire, de l’Algérien Malek Bensmaïl. Les thématiques sont diverses (art, culture, économie, design, société, écologie, sport ou encore histoire) et sont à découvrir tout en restant confortablement installé chez soi. ■ C.F. idfa.nl/en/collection/free

Cet oryx, animal emblématique de la savane, est un hommage à ses origines africaines.

DESIGN HICHAM LAHLOU LES LIGNES PURES L’artiste MAROCAIN rejoint le catalogue « Édition d’art » du verrier Daum.

CRÉATEUR À MI-CHEMIN entre le designer et l’artiste contemporain, considéré comme le précurseur du design industriel urbain au Maroc, Hicham Lahlou ajoute un nouveau succès à sa belle carrière. Après avoir signé de grands projets et collections pour des marques prestigieuses (Ecart International, Lip, Aquamass…) et exposé ses œuvres au Vitra Design Museum, à Weil am Rhein (Allemagne) et au musée Guggenheim de Bilbao (Espagne), il rejoint aujourd’hui le catalogue « Édition d’Art » du maître-verrier français Daum. Pour l’occasion, il a imaginé un oryx, animal emblématique de la savane, sublimé par des lignes pures et fluides. Hommage à ses origines africaines, cette œuvre d’art couleur ambre intense, disponible en petite et grande tailles, possède une présence quasi mystique. Les cornes en bronze doré capturent les regards et la lumière, pour un dernier éclat de beauté. ■ Luisa Nannipieri

SÉRIE US LE RÊVE (AFRO-)AMÉRICAIN ? CHAÎNES EN OR et baskets de luxe pour une riche famille noire de Californie… Ça balance sans complexes !

VOUS AIMERIEZ observer le quotidien d’une famille afro-américaine très « nouveaux riches » ? Regardez cette sitcom de Netflix qui suit les péripéties d’un acteur en vue, incarné par Kenya Barris, scénariste de la série à succès Black-ish sur ABC. Dans ce faux documentaire, il joue un père dépassé, qui ne jure que par ses achats compulsifs de baskets et son amitié supposée avec Jay-Z. Il vit avec sa femme métisse et leurs six enfants dans un quartier huppé de Los Angeles, et la comédie alterne curieux moments de flottement (en partie dus au recours à une caméra unique, qui suit à la trace les personnages) et punchlines bien senties sur l’argent, le travail, l’éducation, le racisme, l’art contemporain ou l’histoire des droits civiques et l’esclavage. Le « AF » du titre ? Une contraction pour « as fuck », de l’argot américain intraduisible, ce qui pourrait donner comme titre en français « Noirs jusqu’au bout des ongles » ! Décapant et sans filtre. ■ J.-M.C. #BLACKAF (États-Unis), série de Kenya Barris. Avec lui-même et Rashida Jones. Disponible sur Netfl ix.

LITTÉRATURE Le portrait du prince Gilbert SinouéGilbert Sinoué

Passeur d’histoires, il raconte avec talent les destins extraordinaires. Son nouveau roman est un hommage à CHEIKH ZAYED, cet homme du désert qui créa les Émirats arabes unis.

DANS L’ÉGYPTE ANCIENNE, le faucon se rapporte au dieu Horus. C’est ce même rapace diurne que Gilbert Sinoué, grand connaisseur de l’histoire et des mythes du Moyen-Orient, a choisi pour qualifier Cheikh Zayed ben Sultan al-Nahyane, « le sage des Arabes », dont il rapporte le destin hors du commun. Raconté comme une confession posthume, le texte, entre conte et roman historique, s’appuie sur les moments clés du parcours du chef tribal de la péninsule arabique, dont le pétrole fit l’un des hommes les plus fortunés du monde. « Une certitude : j’ai mille ans de souvenirs. En cette heure où le jour décline, assis en tailleur au sommet de cette dune de sable, comme du temps de ma jeunesse au milieu des Bédouins de ma tribu, ces souvenirs je les vois qui défilent en cortège sur la ligne d’horizon. » Fin diplomate et redoutable tacticien, ancien émir d’Abu Dhabi, puis fondateur des Émirats arabes unis en 1971, le personnage romanesque et visionnaire ne pouvait que galvaniser la plume de l’auteur de nombreux ouvrages salués par la critique, parmi lesquels Le Livre de saphir et L’Enfant de Bruges. Passionné d’histoire et de fables orientales, le Franco-Égyptien a lui aussi connu un itinéraire plein de rebondissements. D’abord musicien, puis parolier d’artistes à succès, il a notamment coécrit « Helwa Ya Baladi » pour Dalida, que l’Égypte et le Liban qualifient encore d’hymne. À l’approche de la quarantaine, il se lance dans l’écriture. Son rêve. Premier roman, premier succès : La Pourpre et l’Olivier, ou Calixte I er , le pape oublié, en 1987, qui nous fait découvrir le seizième pape de la chrétienté. Dès lors, son talent de conteur n’a eu de cesse de mettre en lumière des héros de l’histoire. ■ C.F.

GILBERT SINOUÉ,

Le Faucon, Gallimard, 288 pages, 20 €.

BAB L’BLUZ,

Nayda !, Real World/Pias.

BAB L’BLUZ, ROCK THE CASBAH MUSIQUE Formé il y a deux ans à MARRAKECH, ce groupe se nourrit de rock, de funk et de ce que la tradition musicale nord-africaine offre de plus fédérateur.

L’OUVERTURE DE L’ALBUM, « Gwana Beat », ne laisse guère de doute quant aux origines du groupe. C’est l’Orient dans ce qu’il a de plus inventif et trépidant qui s’exprime ici, entre chaabi, mélodies berbères ou musique hassanie, mâtiné de blues et de rock psychédéliques américains. Fondé par le compositeur français Brice Bottin et la charismatique chanteuse et joueuse de guembri marocaine Yousra Mansour (fan de Janis Joplin et originaire de El Jadida), le groupe Bab L’Bluz souhaite rendre hommage à la culture gwana, sans oublier l’effervescence d’une époque qui se permet toutes formes de conjugaisons instrumentales. Ici, l’awicha est maniée telle une guitare, le guembri comme une basse… Et ce premier album, Nayda!, est la bande originale idéale du mouvement culturel créatif marocain du même nom. En arabe dialectal, « nayda » signifie à la fois « se lever » et « faire la fête ». Ainsi, Bab L’Bluz milite pour une Afrique meilleure grâce au pouvoir énergisant de la musique. ■ S.R.

COMPÉTITION

Devenir réalisatrice Le 30 juin, nous connaîtrons les noms des 12 lauréates de l’édition béninoise du concours 7 jours pour 1 film, avec comme thème « Abus et violences sur les filles ». À la clé : l’accès gratuit à un atelier de formation au cinéma et la réalisation d’un court-métrage diffusé par l’un des festivals locaux partenaires. Il y a quelques mois, c’était le Sénégal qui accueillait cette compétition itinérante : Fatoumata Diallo avait pu tourner La Dernière Danse, avec la participation technique des 11 autres finalistes, projeté en ouverture du festival Films Femmes Afrique le 29 février. Des films qui poursuivent leur carrière à travers la planète, comme 28 jours de Jahëna Louisin, réalisé l’an dernier au Togo, qui a remporté en avril une mention spéciale au festival Vues d’Afrique de Montréal. Un beau tremplin pour une cinquantaine de cinéastes formées depuis le début de ce programme. ■ J.-M.C. 7jourspour1film.org

Maïwax, l’Afrique sur les yeux FASHION

Mettre en valeur le savoir-faire français et la CULTURE DU CONTINENT.

L’OPTICIENNE FRANCO-SÉNÉGALAISE Maïmouna Tirera OPTICIENNE FRANCO-SÉNÉGALAISE Maïmouna Tir a lancé sa marque de lunettes haut de gamme, Maïwax, lancé sa marque de lunettes haut de gamme, Maïwax, en 2015. Les montures sont fabriquées à la main en acétate sont fabriquées à la main en acét de cellulose, une matière plastique extraite du coton, entre en son laboratoire parisien et l’Ain. Leur particularité ? Des inserts de tissus, lesquels sont réalisés avec des imprimés associés à l’Afrique, comme du wax ou du bazin riche, agrémentés de cauris ou de perles. La trentenaire, installée dans le quartier de Château Rouge (où elle s’apprête à ouvrir

une boutique avec atelier de montage), puise son inspiration dans les motifs qu’elle voit. Tant dans les rues de la capitale française qu’au Sénégal, d’où elle revient chargée de ses étoffes préférées. Adepte des petites séries, conçues en fonction des tissus et des coloris, elle s’engage à proposer des lunettes adaptées au visage de chacun, loin de la standardisation européenne. Et depuis peu, elle réutilise les chutes de production pour en faire de très jolis accessoires tendance, du nœud papillon au bracelet. ■ L.N. maiwax.com

Les T-shirts et sweaters sont en coton bio.

CRÉATRICE LE POUVOIR

DU MASQUE Chez SALYEL PARIS, symbolique et réel se mélangent : pour mieux prendre conscience de soi et s’afficher fièrement.

LE POUVOIR DES VÊTEMENTS, Fatimata Ba le connaît bien. Elle qui pendant ses années passées dans le monde de la finance a porté robes et tailleurs comme des armures, a choisi de créer une marque qui fait du masque tribal bien plus qu’un symbole. L’idée de lancer Salyel Paris est née de son désir de troquer le monde des grandes banques contre celui de la mode. Un secteur dans lequel elle peut retrouver et promouvoir des valeurs qui lui sont chères.

Le nom, tout d’abord, provient de celui de sa grand-mère sénégalaise bien-aimée, avec laquelle elle a vécu jusqu’à ses 4 ans près de la frontière mauritanienne. Le concept ensuite : toutes ses pièces – des T-shirts aux sweaters réalisés en coton biologique – affichent un masque aux couleurs et formes disparates. Certains s’inspirent de véritables objets rituels, d’autres sortent tout droit de l’imagination de la styliste : « Le masque n’a pas juste une fonction esthétique. Il a toujours un pouvoir, un rôle précis et fondamental dans la société. »

La fondatrice de la marque, Fatimata Ba.

Quand elle dessine ces figures plus ou moins abstraites – un processus créatif qui peut lui prendre des semaines –, elle attribue à chacune une histoire et tient à vérifier avec ses amis et ses parents si chaque récit tient la route. L’objectif est de proposer à ses clients des vêtements non seulement beaux, mais également porteurs d’un sens, dans l’optique de manifester la force et le pouvoir intérieur de ceux qui les portent.

Les touches artisanales qu’ajoute la designeuse, comme des broderies, des coquillages ou des inserts en tissu, sont aussi une façon de transmettre une partie d’elle et de son histoire, et de laisser une signature unique sur chacune de ses créations. Bientôt, une collection de jupes et de robes réalisées à Dakar sera ajoutée au catalogue. Un projet qui lui tient particulièrement à cœur, la styliste ayant toujours voulu mettre en valeur ses liens avec le Sénégal. ■ L.N. salyelparis.com

ESSAI

DÉRIVES DESPOTIQUES

LUTTER CONTRE l’ignorance et l’autoritarisme. Le nouvel essai d’Alaa El Aswany s’inscrit encore une fois dans un combat, volontiers provocateur, où il examine la dictature comme une véritable maladie : circonstances de son émergence, symptômes et complications qu’elle provoque, tant chez le peuple que chez le dictateur. Son diagnostic ? La prévention. « Développer une conscience assez vive pour résister au charisme ou à l’idolâtrie d’un leader ou d’une foi – en d’autres termes, adopter un scepticisme salutaire – est le moyen le plus efficace pour

ALAA EL ASWANY, Le Syndrome de la dictature,

Actes Sud, 208 pages, 19,80 €.

PEINTURE FACES OF FRIDA

prévenir une dictature. » Pour l’heure, la célébrité, qui faisait de l’écrivain un intouchable du régime quand il vivait au Caire, ne le protège plus. Poursuivi par la justice égyptienne, il vit aujourd’hui en exil à New York, où il enseigne la littérature. ■ C.F.

LORSQUE LE CLÉZIO lui consacre un roman ainsi qu’à son mari Diego Rivera, autre monstre sacré de l’art post-révolutionnaire mexicain, Frida Kahlo nous apparaît comme un « vrai démon » au talent hors du commun. Artiste totale, en pleine période de contestation du capitalisme et du colonialisme, elle n’incarne pourtant pas en priorité la lutte sociale, mais plutôt la souffrance inscrite dans sa destinée extraordinaire. Avec plus de 800 œuvres picturales et de nombreux effets personnels, cette rétrospective virtuelle proposée par 33 musées et centres d’art du monde entier, via la plate-forme Google Arts & Culture, permet de (re)découvrir ce symbole du féminisme et de l’émancipation artistique. ■ C.F. artsandculture.google. com/project/frida-kahlo

MODE Bélya Des accessoires fun et stylés.

EN CRÉOLE, « bélya » signifie à la fois « jeune fille » et « crier de joie ». Rien de plus adapté à cette marque d’accessoires en tout genre créée en 2012 à Dakar par Aïssatou Sene, passionnée de design et styliste autodidacte. Dans son catalogue, on trouve des casquettes, des chaussures, des sacs à dos ou encore des bananes réalisés en wax, en satin et en cuir végan. Chaque pièce est unique, pétillante et jamais monotone. Avec une attention particulière donnée au confort, mais sans oublier le style, les créations signées Bélya sont également légères, pratiques et durables. Et tout, du design aux matériaux, en passant par la main-d’œuvre, est rigoureusement made in Africa. ■ L.N. belyashop.com

INTERVIEW Mamane, l’humour sans frontières Producteur du spectacle Sans visa, réalisateur de la comédie Bienvenue au Gondwana (2016) diffusée sur Netflix, fondateur du premier comedy club à Abidjan, l’humoriste nigérien s’engage pour l’éducation et l’insertion professionnelle des jeunes.

AM : Comment vivez-vous la situation actuelle ? Mamane : Je suis au Niger auprès des miens. D’habitude, j’y passe 15 jours [il vit en Côte d’Ivoire, ndlr]. Ce temps long me permet de développer mes projets, comme la construction d’une école d’arts du spectacle et de l’écran à Niamey, qui accueillera des élèves de toute l’Afrique, avec des cours dispensés en français, haoussa, mandingue, wolof, lingala… Il faut donner un espoir et un horizon professionnel à la jeunesse, pour qu’elle ne cède ni aux sirènes de l’émigration, ni aux djihadistes ou aux pasteurs évangélistes. Un système de bourses permettra aux plus démunis d’étudier. Elle fonctionnera grâce à l’énergie solaire. En tant qu’ambassadeur climat pour le Sahel, je m’engage beaucoup sur ce sujet. Vous avez créé une fondation pour l’insertion des jeunes dans les métiers de l’agriculture.

Je vais commencer par la région d’Agadez, au nord, aux confluents des enjeux géopolitiques mondiaux. Les jeunes sont au chômage, le tourisme n’existe plus à cause du n’existe plus à cause du terrorisme, c’est une plaque tournante pour le trafic urnante pour le trafic de drogue, le passage obligé pour les migrants… our les migrants… La crise sanitaire du Covid-19 a montré les failles a montré les failles de la mondialisation. Chaque pays doit pouvoir pays doit pouvoir compter sur ses propres forces et ressources, et ressources, disposer d’une autosuffisance alimentaire. alimentaire. Vos sketchs ont une fibre pédagogique…dagogique…

Très écoutés, les humoristes ont une s ont une grande responsabilité. C’est dommage, mmage, mais nous avons plus d’influence sur ce sur les jeunes qu’un professeur ! Il faut faut donc profiter de cette audience pour pour élever le public. Je veux lui apporter porter des notions d’histoire, de géographie, raphie, de politique, pour qu’il approfondisse ondisse par lui-même. Et pendant la crise du ise du Covid-19, comme beaucoup de mes mes confrères africains, j’ai sensibilisé isé les citoyens sur les gestes barrière, ère, contre la stigmatisation des malades, alades, à travers des vidéos et des audios. ios. Quels styles d’humour distinguez-vous selon les pays ?ys ?

Les humoristes ivoiriens pratiquent plutôt le stand-up, avec le rythme « une phrase = un rire ». En Afrique centrale, en RD Congo, au Cameroun, ils racontent une histoire, et pour aborder la politique, ils ont recours au troisième degré, aux fines allusions, car l’expression y est moins libre. En Afrique de l’Ouest au contraire, les attaques envers les hommes politiques sont souvent frontales, le niveau de démocratie étant plus avancé. Imités, raillés, les chefs d’État s’en prennent plein la face et s’en amusent. Ils ont compris que s’attaquer à un humoriste, ou le censurer, est contre-productif. Comment se porte votre Gondwana Club, ouvert à Abidjan il y a un an ?

C’est la maison des humoristes africains. Premier comedy club d’Afrique francophone subsaharienne, il propose un spectacle chaque vendredi soir [comme les autres salles du pays, il est actuellement fermé à cause de la pandémie, ndlr]. La salle est toujours pleine, avec des spectateurs locaux de tout âge, et des Européens, des Canadiens. Les artistes sortent ainsi âge, et des Européens, des Ca de leur zone de confort. Et le public non africain fait l’effort de leur zone de confort. Et de découvrir les références culturelles. L’humour est un de découvrir les référence moyen d’intégration, de partage. Quand je suis arrivé moyen d’intégration, de p en France, il m’a beaucoup servi à comprendre la société. en France, il m’a beauco Votre film Votre film Bienvenue au Gondwana raconte Bienvenue a lesles élections truquées d’un président-fondateur…élections truquées d La politique des dirigeants africains est La politique des d la source majeure de nos problèmes sociaux la source majeu et économiques. Ils sont souvent « élus » et économiq par effraction, en bourrant les urnes. par effractio Sous un vernis de démocrates, une Sous un ve fois au pouvoir, ils ne font rien pour le fois au pou peuple. Ce film a été un grand succès peuple. C en Afrique car on y retrouve souvent en Afriqu ce schéma. J’adore réaliser, et je ce schém m’oriente vers des projets de séries, m’orien un genre dans lequel on peut vraiment un gen développer des personnages, les faire dévelo évoluer, et approfondir plusieurs évolue intrigues imbriquées. intrigue ■ Propos recueillis par Astrid Krivian recueillis p Les dates de la tournée 2021 de Les dates de Sans visa 4 sont à retrouver sur sont à retrou cfafestival.fr.

ARCHI LES NAUFRAGÉS DU DÉSERT Avec son projet au charme troublant, le cabinet namibien NINA MARITZ ARCHITECTS propose une expérience unique : le Shipwreck Lodge.

DIX LODGES perdus au milieu de nulle part. Cet hôtel de luxe signé par le cabinet Nina Maritz Architects, basé à Windhoek, est un hommage aux milliers de navires qui ont échoué sur la mythique Skeleton Coast, en Namibie. Situé dans la réserve naturelle de pierre et de sable créée en 1971, où errent les lions et les éléphants du désert, le Shipwreck Lodge se compose de chalets en bois qui reprennent la forme d’une carène de bateau retournée. Une vue qui évoque la désolation de la nature, comme elle a dû apparaître aux naufragés d’autrefois. Et contraste avec le confort de l’intérieur, où les lits font face aux grandes baies vitrées qui permettent de profiter de la brise de l’océan ou d’admirer les dunes. Pour réduire au maximum l’empreinte écologique, les chambres ont été entièrement assemblées sur place, sont équipées de panneaux solaires et peuvent être complètement démantelées au besoin. Et les pilotis ont été profondément enfoncés dans les dunes pour remédier au problème du sable constamment déplacé par le vent. Une expérience et un design uniques qui ont valu au projet de remporter un prix AHEAD (Awards for Hospitality Experience and Design) en 2019. ■ L.N.

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