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Shaïn Boumédine

PARMI LES DOUÉS DE SA GÉNÉRATION,

le comédien, révélé dans Mektoub, my Love, d’Abdellatif Kechiche, est ce mois-ci à l’affiche de Pour la France, qui dépeint un lien fraternel complexe, évoquant le déracinement, l’assimilation. par Astrid Krivian

C’est l’histoire d’Aïssa, un jeune homme ayant fui la guerre civile des années 1990 en Algérie, avec sa mère (Lubna Azabal) et son frère, Ismaël (Karim Leklou). Rêvant de devenir officier de l’armée française, il intègre la prestigieuse école militaire de Saint-Cyr. Lors d’un bizutage, il perd la vie, à 23 ans. Ismaël va alors batailler pour connaître la vérité et obtenir des funérailles dignes de son engagement, faisant ainsi ressurgir le passé. Dans ce film fort, poignant, Shaïn Boumédine offre un jeu plein de densité, de présence, et compose un protagoniste tout en nuances, explorant ses failles, entre intériorité et révolte viscérale. L’acteur de 26 ans partage avec lui ce désir de servir les autres, puisqu’il souhaite intégrer les pompiers volontaires. Né à Montpellier d’une mère d’origine marocaine et d’un père d’origine algérienne, le jeune homme pratique très tôt le football ; il aspire d’abord à une carrière de sportif professionnel, puis d’architecte, à la suite d’une blessure. Jusqu’à sa rencontre avec le 7e art. Adolescent, il accompagne un ami à une audition pour la télévision, et laisse ses coordonnées. Deux ans plus tard, la directrice de casting de Mektoub, my Love : Canto uno, d’Abdellatif Kechiche, le contacte. Le réalisateur franco-tunisien lui propose le premier rôle masculin, Amin, un passionné d’écriture et de photographie. Solaire, sensuel, le film suit la circulation du désir au sein d’une bande d’adolescents le temps d’un été à Sète. Shaïn abandonne alors ses études en travaux publics et fait ses gammes sous la houlette d’un cinéaste exigeant, très attentif aux détails, qui demande un engagement total à ses comédiens. « Intense, constant et précis, le travail avec Abdellatif a été mon école. Il m’a appris à décortiquer le personnage jusque dans ses moindres recoins. C’était une composition très délicate, sur le fil, qui jouait sur les silences : il fallait exprimer beaucoup de sentiments, d’idées, avec très peu de mots. » Il enchaîne les suites de ce premier volet, Intermezzo et Canto due (dont la sortie en salles est toujours attendue), ainsi que L’Été nucléaire, de Gaël Lépingle, Placés, de Nessim Chikhaoui, et la série télé Les Sauvages. Cinéphile éclectique, des comédies d’Alain Chabat aux œuvres du maestro Martin Scorsese, admirateur de la « carrière exemplaire » de Tahar Rahim, Shaïn aborde chaque rôle comme un défi. Pour lui, le métier de comédien passe d’abord par l’art de l’observation : « C’est ainsi que l’on peut retranscrire une réalité. Puis, on puise en nous des émotions proches de celles du personnage. » Passer des auditions est loin d’être une partie de plaisir, mais le Montpelliérain le prend avec philosophie : « L’acteur est à la merci du désir des autres : cinéastes, public, directeurs de casting… Il faut l’accepter ! » Passionné de sport, de mode et d’automobile, il rêve de camper un pilote de Formule 1 à l’écran. Attaché à ses racines, il vit toujours sous le soleil du Midi, entre mer et montagne. Et fréquente les mêmes amis depuis la maternelle : « Ils pensent que j’étais nommé pour un Oscar ! »

Un Oscar, pas encore, mais un César du meilleur espoir masculin, un jour peut-être : Shaïn a en effet fait partie des Révélations de l’année – une présélection pour ce César – pour son rôle dans Placés. Et c’était la deuxième fois ■

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