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Laetitia Ky Sculptrice capillaire
from AM Hors série
by afmag
Avec plus de 6 millions d’abonnés sur TikTok et 500 000 followers sur Instagram, elle est l’artiste ivoirienne DU MOMENT.
À 26 ANS, Laetitia Ky est aussi connue pour ses sculptures capillaires que pour son combat féministe. Son amour du cheveu apparaît alors qu’elle n’a que 5 ans, quand elle fait sa première tresse à sa petite sœur. Précoce, elle obtient son bac littéraire à 15 ans, puis entame des études de commerce à l’Institut national polytechnique Félix Houphouët-Boigny, à Yamoussoukro, qu’elle abandonne au bout de trois ans pour se consacrer pleinement à sa passion. Le déclic se produit lorsqu’elle tombe sur un album photo d’anciennes coiffures de femmes africaines. Et l’aventure démarre vraiment lorsqu’elle poste l’une de ses créations capillaires (représentant deux mains), qui devient virale. Passant de 4 000 à 25 000 abonnés en une nuit, elle prend pleinement conscience du pouvoir de son art et décide de l’associer à des causes qui lui tiennent à cœur, comme le mouvement #MeToo.
Ensuite : Quelles sont vos sources d’inspiration ? Pourquoi avoir choisi le support capillaire comme moyen d’expression ? Et pouvez-vous décrire votre processus de création, de l’idée à la mise en forme ?
Laetitia Ky : Lorsque je collabore avec une marque, je suis un thème précis. Sinon, les idées me viennent comme des déclics, puis je suis mon intuition. La durée de réalisation varie, pouvant aller de moins de 30 minutes à plus de 3 heures pour une création complexe. J’effectue de nombreux tests avant d’entamer la réalisation finale. Les idées simples, je peux juste les visualiser dans ma tête avant de me mettre à tresser, mais parfois je fais des schémas pour me guider. Puis je m’arme de mes ciseaux, de mon fil de fer et de mes extensions, je me mets devant mon miroir, et je commence le travail. Lorsque j’ai terminé, je pose ma caméra et je prends mes photos au retardateur. Ensuite, je défais mes cheveux et je poste la photo. Mes œuvres sont éphémères. Je m’inspire de musiques, de sons, de discussions. Je puise dans mon quotidien. Il peut arriver qu’une personne me fasse une remarque déplacée, alors je crée pour dénoncer ce que j’ai vécu : le harcèlement de rue, etc.
Quelles sont les causes qui vous tiennent à cœur ? Comment arrivez-vous à faire passer vos messages ?
Deux causes me tiennent à cœur. Tout d’abord, l’égalité des sexes, surtout en Côte d’Ivoire, où la société est très misogyne. J’ai été harcelée par des hommes beaucoup plus âgés que moi, alors que j’avais tout juste 10 ans. Les femmes sont à peine pubères qu’elles doivent faire face à des remarques déplacées. Mais grâce au combat que mènent les féministes en Côte d’Ivoire, certains tabous sont tombés. Les jeunes filles s’éveillent et s’expriment. Mon second combat est de représenter une beauté non standardisée, que les femmes africaines s’acceptent comme elles sont, avec leur nature de cheveux, leur teint, sans devoir s’altérer pour se créer une place en société. Le cheveu est l’un de leurs premiers complexes. Elles doivent avoir le contrôle sur leur différence. C’est pour ces raisons que je réalise mes créations sur mes propres cheveux. Tout le message est là : je suis une femme noire et je l’assume. Je veux dire aux autres qu’elles sont assez belles pour se considérer comme des œuvres d’art. Comment définiriez-vous le combat féministe en Côte d’Ivoire ?
Il grandit chaque jour. De plus en plus de femmes créent des associations. Je vais travailler avec l’une d’elles, Akwaba Mousso (« Bienvenue femme »), la première de ce type dans le pays, qui accueillera des femmes victimes de violences et d’abus dans un centre avec des sages-femmes, des psychologues, une section juridique et un service dédié à l’insertion professionnelle. Elles pourront y vivre pour une durée de six mois, renouvelable bien sûr si elles ne se sentent pas prêtes à partir. L’un des plus gros problèmes est qu’elles n’arrivent pas en général à dénoncer ce qu’elles vivent, car elles ne savent pas vers qui se tourner. J’animerai des ateliers d’expression de soi pour les remettre en confiance. Ce projet sera accompagné par la mairie de Cocody, qui fournira le local, mais c’est possible de multiplier les institutions de ce genre. Bref, les choses bougent. On essaie d’accomplir ce que l’on peut à notre échelle, un pas après l’autre. Mais le combat reste difficile, car la société n’est pas encore tout à fait prête. Si je fais parfois des images très crues, c’est pour attirer l’attention. Je pense qu’il faut décrire la réalité sans prendre de pincettes. On ne va pas parler d’une femme battue ou violée en enjolivant la situation. Quel rôle ont joué les réseaux dans votre ascension ?
Ils ont lancé ma carrière. Au départ, je créais du contenu et j’étais activiste, mais je ne pensais pas pouvoir en vivre. Le premier obstacle que j’ai rencontré a été le fait de vivre en Côte d’Ivoire. Lorsque mes images sont devenues virales, je communiquais en anglais sur les réseaux, et pas mal de personnes pensaient que je vivais en dehors du pays. Je recevais des propositions de casting, de partenariat. J’ai pensé à m’installer aux États-Unis, car c’est difficile de vivre de l’influencing ici. Puis, j’ai postulé pour du modeling, et le problème était le même. Un jour, Elite Model World a organisé un concours, l’Elite Model Look, et je l’ai remporté dans la catégorie influenceur. Malheureusement, la pandémie de Covid-19 a bloqué toutes mes opportunités à l’international. J’ai donc dû me réinventer. J’ai mené des collaborations avec des marques comme Marc Jacobs, Apple, Pinterest, Burberry, etc. Ces projets ont débouché sur d’autres grâce aux réseaux sociaux, et j’ai pu me hisser sur la scène internationale. J’ai également sorti un livre, Love & Justice, en avril 2022, dans lequel je décris mon parcours, mon background de jeune africaine, mon combat féministe… J’ai réalisé près d’une centaine de créations inédites pour cet ouvrage. Styliste, actrice, écrivaine… Vous êtes une artiste polyvalente. Comment réussissez-vous à tout mener de front ?
La comédie a toujours été l’une de mes passions. Comme souvent, l’occasion m’est tombée dessus. Le directeur de casting de La Nuit des rois, de Philippe Lacôte, m’a proposé un rôle dans le film. Nous nous sommes rencontrés et j’ai embarqué pour l’aventure. Mes photos capillaires, elles, ont été exposées à la Biennale de Venise, et je suis en discussion avec des galeries pour continuer à montrer mes photos. Quels sont vos projets pour demain ?
Je vais beaucoup créer pour faire des expositions. J’ai aussi envie de poursuivre ma carrière de comédienne. J’ai commencé le tournage d’une série de Canal+. Et je me demande aussi si, pour la suite, je ne vais pas déménager à l’étranger… ■ Propos recueillis par Jihane Zorkot
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