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Bruno Koné Prendre en compte le Grand Abidjan
from AM Hors série
by afmag
À l’horizon 2030, près de 10 millions de personnes vivront dans une conurbation qui s’étendra de Jacqueville (à l’ouest) à Assinie (à l’est). Entretien avec le ministre de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme sur les défis et les opportunités d’une « ville en vie », en mutation constante. propos recueillis par Zyad Limam pouvez observer dans toute la ville. Les plans d’urbanisme et les taux d’occupation du sol ont aussi été revus pour la plupart des quartiers afin de favoriser un habitat plus dense, d’avoir une cité qui « s’étale » moins. Ainsi, par exemple, les nouveaux aménagements et lotissements requièrent désormais une autorisation expresse de l’État avant d’être exécutés. C’est une innovation majeure qui a le mérite d’encadrer l’évolution de la ville. Le plan directeur 2016 est-il toujours d’actualité ?
Ensuite : Quel est votre rapport personnel à Abidjan ?
Bruno Koné : J’y vis depuis mes 20 ans, depuis mes années d’étudiant. Je l’ai connue relativement tard. Quand je m’y suis rendu pour la toute première fois en vacances, je devais avoir 17 ans. Par contre, j’ai eu la chance et le privilège de bien connaître mon pays, à travers les nombreux voyages effectués pendant mon enfance au gré des affectations (Korhogo, Bouaké, Sassandra, Daloa, Boundiali, Bouaflé, Dimbokro, Bongouanou…) de mon père, agent de l’État. C’est de cette façon que j’ai eu la chance de découvrir le pays profond, et cela laisse évidemment des souvenirs impérissables. Aujourd’hui, lorsque je retourne dans ces cités, je suis témoin des changements qui ont eu lieu en quarante ans, et j’apprécie mieux ce qu’il y a à faire pour corriger les faiblesses infligées par l’usure du temps et les perturbations de l’évolution sociopolitique de notre pays. À quoi ressemblait Abidjan lorsque vous aviez 17 ans ?
C’était déjà une ville relativement moderne, magnifique. Je la connaissais à travers les photos, la télé, les journaux, les cartes postales… Tout le monde rêvait d’y venir un jour. Et comme j’y étais en vacances et que je n’avais pas beaucoup d’argent, c’est en bus et à pied que j’ai découvert le Plateau avec son architecture très moderne pour l’époque, le quartier chic de Cocody, la bruyante et très commerçante commune de Treichville, PortBouët avec la mer et ses plages, etc.
Pour être franc, il est en grande partie dépassé, mais tant qu’il n’est pas remplacé, il reste applicable. Un schéma directeur d’urbanisme pris sans les plans de détail qui vont avec est généralement peu efficace. C’est cette extension qui manque depuis 2016. Nous sommes en discussion avec des partenaires au développement (dont l’Agence japonaise de coopération internationale et la Banque mondiale) pour réviser ce schéma et, surtout, l’accompagner des plans de détail qui le rendront opérationnel. Quels seront les axes principaux de cette nouvelle version ?
Nous avons aujourd’hui l’impression d’une croissance sans limite. Cette situation est-elle maîtrisable ?
Tout à fait. Et nous y travaillons en tant que pouvoirs publics. Entre 1990 et 2010, il y a eu quasiment deux décennies de laisser-aller en matière de développement urbain à Abidjan, mais aussi dans la plupart des villes ivoiriennes. Les règles d’urbanisme, de planification, etc. n’étaient pas entièrement observées. Les choses ont peu à peu échappé à l’État, et les populations se sont installées partout, de façon souvent anarchique. En matière d’urbanisme, les erreurs ne se corrigent pas d’un coup de baguette magique. Aujourd’hui, nous devons assumer certains aspects de cette évolution quelque peu désordonnée, tout en continuant à corriger là où cela est possible. C’est ce qui se fait en particulier à travers les grands travaux que vous
Nous allons prendre en compte le concept du Grand Abidjan, un ensemble urbain cohérent qui s’étendra de Jacqueville (à l’ouest) jusqu’à Assinie (à l’est) et inclura les dix communes d’origine d’Abidjan, les quatre proches (Bassam, Anyama, Bingerville et Songon), ainsi que Jacqueville, Bonoua, Azaguié, Dabou et Alépé. Cet espace rassemble actuellement près de 7 millions de personnes. À l’horizon 2030-2035, ce chiffre atteindra plus de 10 millions. Cette révision prendra en compte tous les éléments qui caractérisent la ville : l’habitat, les loisirs, la mobilité et le travail. Une attention particulière sera accordée à l’habitat, surtout près des zones industrielles, afin de faciliter la mobilité. Il faut promouvoir les commerces et le résidentiel autour des pôles économiques. Nous allons également améliorer les voies de circulation. Le chantier de la voie express Y4 de contournement d’Abidjan – le « périph » en quelque sorte – avance. Deux nouveaux ponts sont prévus dans le futur, entre Koumassi et Bingerville et entre Eloka (côté Bingerville) et Bassam. Le 4e pont (Yopougon-Attécoubé-Plateau) et le 5e (Cocody-Plateau) sont en cours d’achèvement. Le métro sera construit sur 37 kilomètres du nord au sud pour la ligne 1, et de l’est à l’ouest (de Yopougon à Bingerville) pour la ligne 2. Enfin, la mise en place du Bus Rapid Transit (BRT), couplée au développement du transport lagunaire, permettra aux populations de circuler beaucoup plus aisément. C’est une vraie révolution urbaine qui s’opère ! Que répondez-vous au citoyen qui « râle », confronté aux embouteillages et aux difficultés liés à ces travaux ? Qu’il faut encore être patient cinq ou dix ans ?
Pas du tout ! Aujourd’hui, certains râlent, comme vous dites, car beaucoup de chantiers ont été entamés en même temps pour combler les lacunes et les retards du passé, et que ces travaux d’ampleur se font dans une ville « en vie », active et très dynamique, ce qui est particulièrement complexe. D’ici la Coupe d’Afrique des nations de janvier 2024, les choses devraient nettement s’améliorer, avec la finalisation de nombre de ces projets. Et surtout, ces grands travaux sont un atout sur le long terme ; ils accroîtront la compétitivité d’Abidjan sur tous les plans et amélioreront sensiblement le cadre de vie des populations. Et nous serons de plus en plus en mode « anticipation » au lieu d’être, comme c’est le cas aujourd’hui, en mode « rattrapage ». Que se passera-t-il pour les quartiers anarchiques, ceux que l’on pourrait qualifier de précaires ?
Comme je l’ai dit précédemment, nous devons composer avec un certain nombre d’évolutions pour lesquelles nous sommes mis devant le fait accompli. C’est un travail de longue haleine. Dans le cadre du programme de restructuration des quartiers précaires, nous allons apporter des aménagements et des équipements publics dans ces zones denses et difficiles. Dans certains cas, l’accès à la propriété foncière pourra être facilité. Des opérations pilotes ont été ciblées et, en cas de résultats probants, ce type d’aménagement pourra être étendu à d’autres zones de la ville. Une réponse forte à la « tâche urbaine » constituée par ces quartiers précaires réside, sans aucun doute, dans l’accroissement de la production de logements, en particulier de logements économiques et sociaux accessibles aux moins nantis, ce qui est une autre priorité du gouvernement pour les prochaines années.
Comment équilibrer le rapport entre Abidjan et les villes secondaires ?
Beaucoup de villes secondaires sont en forte croissance et sont, plus qu’avant, prises en compte dans nos plans d’urbanisation. Elles sont l’un des points clés du Plan national de développement (PND) 2020-2030, dont l’un des piliers vise le renforcement de l’action des régions. C’est autour de ces villes que doivent s’articuler les nouveaux pôles économiques régionaux pour attirer les populations et les investisseurs, tout en fixant les jeunes sur place. À ce jour, nous disposons de plans d’urbanisme directeurs pour tous les chefs-lieux de région, soit une trentaine de villes, et le gouvernement vient d’autoriser la réalisation de plans d’urbanisme pour 80 autres villes, dont tous les chefs-lieux de département. La plupart d’entre elles n’avaient jamais eu de plan d’urbanisme ou disposaient d’un plan obsolète. Les populations s’installaient là où elles pouvaient, les parcelles prévues pour les équipements publics étaient squattées et, dans certains cas, morcelées et affectées à d’autres usages, ce qui provoquait désordres, conflits, litiges, etc. et donnait à voir des ensembles urbains déstructurés, sans âme et difficiles à vivre. Désormais, nous mettons l’accent sur la planification à moyen et à long terme, sur une occupation spatiale plus cohérente, qui promeut la croissance des activités économiques et l’amélioration du cadre de vie.
Avez-vous progressé en matière de sécurisation du foncier en milieu urbain ?
Les choses évoluent positivement depuis la réforme de l’Arrêté de concession définitive (ACD) de 2013. C’est un titre foncier officiel et définitif que vous remet l’État et qui fait de vous un propriétaire, avec des droits pleins et protégés. De 2013 à 2019, nous avions une moyenne de moins de 10 000 ACD délivrés par an au plan national. Depuis 2020, après tous les efforts réalisés, nous sommes passés au-delà de 30 000 ACD par an. Ainsi, 60 % des ACD délivrés depuis 2013 l’ont été sur les trois dernières années. Nous en sommes heureux, car c’est autant de personnes dont les droits sont désormais sécurisés et dont les capacités économiques ont été accrues, avec l’accès facilité au crédit hypothécaire. La prochaine étape, essentielle, est celle de la numérisation complète de la chaîne foncière. La délivrance des premiers documents traités de bout en bout dans ce nouveau dispositif devrait démarrer début 2023. Cette évolution va accroître la rapidité et l’efficacité du processus, sans aucunement affaiblir la sécurité de la chaîne. Des recherches par mot-clé, ville, lotissement, etc. pourront être effectuées, et un accès en ligne et en temps réel est prévu pour tous les acteurs (demandeurs, notaires, banquiers, professionnels de la construction…).
Attécoubé, Anoumabo, Treichville… L’objectif est ensuite de montrer aux autorités coutumières de ces localités, aux détenteurs de droits coutumiers ou aux propriétaires fonciers tout l’intérêt que représentent ces opérations de rénovation, qui leur permettront de tirer un plus grand bénéfice de leur parcelle, en se logeant mieux et/ou en en tirant des revenus locatifs. Il s’agit de projets complexes avec des aspects sensibles de droit, de finance, d’économie, de sociologie et d’histoire, etc., ce qui peut expliquer certaines incompréhensions. Mais nous n’avons aucun doute. Il s’agit là d’opportunités pour tous, pour l’État et pour la ville, et pour les propriétaires, dont le niveau de vie peut être sensiblement amélioré.
La sécurité des constructions est un autre sujet très important. Quels changements majeurs ont été engagés ?
Le titrement massif va lui aussi permettre, dès l’attribution d’un lotissement, d’en immatriculer tous les lots, ce qui représente, à la fois pour l’administration du foncier et les demandeurs, un gain de temps énorme et une réduction substantielle des efforts fournis. L’objectif, à terme, est de délivrer un ACD dans un délai d’un à trois mois maximum. Qu’en est-il des propriétés dites coutumières par rapport à l’ambition de rénovation urbaine ?
Nous dialoguons avec les autorités coutumières et tous les concernés. Il s’agit d’abord de leur montrer l’avantage qu’ils ont à accompagner les efforts de sécurisation menés par l’État, et l’importance, dans un environnement qui se modernise, de détenir un titre de propriété. Très souvent, les parcelles occupées ont un potentiel foncier très important, avec a contrario un bâti de faible valeur. C’est le cas dans de nombreux villages et noyaux anciens d’Abidjan : Blockhauss, Anono, Biafra, Adjamé Village,
Le Code de la construction et de l’habitat adopté en 2019 a déjà radicalement changé la donne. Il impose plusieurs éléments qui permettront d’atteindre le niveau quasi zéro en matière de risque d’effondrements. L’intervention d’un architecte est désormais obligatoire pour toute construction en milieu urbain, et le permis de construire est impératif. Celui-ci est délivré par une équipe pluridisciplinaire qui étudie tous les aspects de la construction envisagée, exclut les projets en zone non ædificandi et s’assure de l’implication d’un architecte. Et pour ceux jugés complexes (au-delà de deux étages, avec sous-sol, bâtiments recevant du public…), d’un ingénieur-conseil, d’un bureau d’études et d’un bureau de contrôle. Un travail d’éducation et de sensibilisation se fait, surtout pour montrer la plus-value apportée par chacun de ces spécialistes. Nous avons, dans le même temps, renforcé le contrôle et les sanctions, qui peuvent aller jusqu’à la démolition, aux frais du maître d’ouvrage du bâtiment non conforme. Alors que pour la seule année 2020, notre pays avait comptabilisé 11 effondrements, en 2021 et en 2022, nous n’en sommes qu’à cinq, même si, bien évidemment, chaque effondrement est de trop et que nous continuons de viser l’objectif de zéro.
La multiplication des structures de contrôle n’est-elle pas une porte ouverte à la corruption ?
Les résultats obtenus au niveau de la sécurité des constructions et les retours que nous avons montrent que les choses évoluent dans le bon sens. Par ailleurs, nous avons lancé, il y a quelques mois, la Plateforme collaborative de contrôle des constructions (PCCC), qui comprend des agents des ministères de la Construction et de l’Assainissement, des communes, du district d’Abidjan, et réalise ses contrôles en une fois pour le compte de l’ensemble de ces entités. Cela représente un gain de temps et d’efficacité pour toutes les structures de contrôle, mais également une forte réduction des tracasseries pour ceux qui
Le rond-point d’Abobo, l’une des communes les plus peuplées d’Abidjan, s’étendra sur une surface de 14 64 0 m2 construisent. Dans tous les cas, ces contrôles et ces sanctions sont un mal nécessaire, d’autant plus qu’il s’agit ici de la santé et de la sécurité de nos populations. Cela ne doit pas faire de vous le personnage le plus populaire de la ville ?
Je vous le confirme [rires] ! Mais je ne peux aller ni contre la loi, ni contre les procédures, et tout doit être mis en œuvre pour la sécurité des populations. Quand une construction nous paraît à risque ou est réalisée en dehors des règles, une notification d’infraction est remise au maître d’ouvrage, qui est sommé d’arrêter ses travaux. Si malgré cela, ils se poursuivent, une sommation d’arrêt des travaux lui est servie, et c’est seulement en cas de non-obtempération ou de risques graves pour la sécurité des travailleurs ou des riverains que nous passons à la troisième étape, celle de la démolition. Il s’agit de faire valoir l’autorité de l’État sans piétiner les droits des uns et des autres.
Les accusations de corruption sont également fréquentes dans le secteur du foncier, en particulier au niveau de la délivrance de l’ACD. Qu’en est-il ?
Pour ce qui est des titres de propriété, les causes des problèmes relevés sont multiples (conflit de chefferie, délimitation des terroirs villageois, multiples attestations sur la même parcelle, succession familiale…), et ils sont, bien souvent, en amont du début des démarches auprès du ministère et des services de la chaîne foncière. Nous avons fait l’inventaire des sources possibles de litiges, de retards, d’inefficacité… et je peux vous assurer que tout est en train d’être fait pour fluidifier, simplifier et sécuriser l’ensemble des procédures d’accès à la propriété.
Abidjan est particulièrement sensible aux questions de salubrité et aux risques provoqués par le changement climatique. Est-ce que cela fait partie des préoccupations de votre ministère ?
Bien sûr ! Récemment, j’étais à la COP 27 en Égypte, où, pour la première fois, une journée a été consacrée aux villes et au développement. J’y ai porté la voix de mes pairs de l’alliance des ministres africains en charge du développement urbain, mise en place quelques semaines plus tôt à Abidjan, avec une insistance sur la nécessaire planification du développement de nos villes ainsi que sur les questions de financement, budgétaire ou venant de partenaires extérieurs. Ici, nous travaillons en bonne intelligence avec tous les ministères directement impliqués dans l’organisation et la gestion des villes (Intérieur, Assainissement et Salubrité, Industrie, Environnement, Transports…). Avec les ministères de l’Environnement et de l’Équipement routier, nous planchons par exemple sur le bassin versant du Gourou, qui est l’une des sources importantes de pollution de la lagune. Les travaux en cours permettront de retrouver bientôt un plan d’eau lagunaire sain, qui ne sera plus source de nuisances. De même, tous nos projets font l’objet d’une étude d’impact environnemental, et tous nos programmes de construction de logements, outre l’inclusion d’espaces verts protégés, sont dotés de stations de traitement et d’épuration des eaux usées. Ce sont de petits pas, mais qui, à la longue, auront un réel impact sur notre environnement et sur la vie de nos populations.
Le 5e pont, qui reliera les communes du Plateau et de Cocody, est en voie d’achèvement.
Le logement social est un énorme dossier.
Comment peut-on réduire le retard ?
Nous faisons face aux déficits du passé, de ce qui n’a pas été fait sur les vingt à trente dernières années. On estime aujourd’hui le déficit à 600 000 unités, ce qui est énorme, car cela indique qu’au moins 2 millions de personnes ne sont pas logées de façon décente dans la ville d’Abidjan. C’est un véritable sujet de préoccupation. Et un dossier que nous prenons désormais à bras-lecorps. Je veux saluer ici l’important accompagnement dont nous bénéficions du chef de l’État, Alassane Ouattara, et du Premier ministre, Patrick Achi, qui se sont fortement impliqués pour la relance de cette politique essentielle, sur des bases plus efficaces, en tirant les enseignements des faiblesses du passé et en s’inspirant des bonnes pratiques de pays qui ont réussi en la matière. Nous avons ainsi créé une agence chargée de la coordination et de la gestion du programme de logements sociaux (l’Agence nationale de l’habitat, ANAH). Et avons mis en place un fonds de garantie du logement social, sans lequel 80 % des demandeurs, non bancarisés et sans revenus réguliers, ne pourraient accéder à un logement décent. La Banque de l’habitat de Côte d’Ivoire (BHCI) a été recapitalisée, et l’État s’est impliqué dans la recherche de financements concessionnels afin de réduire les taux d’intérêt et d’allonger les durées de crédit, permettant là aussi d’élargir la base des potentiels acquéreurs. Nous visons dorénavant une production, en vitesse de croisière, de 50 000 à 60 000 logements par an, ce qui représente une réelle opportunité pour notre secteur privé et pour l’économie nationale. Avez-vous les sociétés et les entrepreneurs ivoiriens pour répondre à ce défi ?
Nous nous sommes tournés vers des promoteurs capables de réaliser chacun 5 000 à 15 000 logements par an. Ils sont, c’est vrai, souvent étrangers. Mais c’est la seule manière d’atteindre notre objectif et de résorber le déficit accusé en dix ans. Pour autant, nous demandons aux entreprises ivoiriennes de collaborer avec ces acteurs internationaux, de monter dans la chaîne de valeurs afin de pouvoir répondre rapidement et efficacement à la forte demande à laquelle nous faisons face. Quel est l’objectif du projet d’adressage à Abidjan ?
Nous avons décidé de mener une opération d’adressage complet, incluant la dénomination des voies, mais également, et surtout, la numérotation des lots d’occupation. C’est extrêmement important, puisque cela permet d’identifier de façon très précise l’habitation d’une personne, un lieu de travail ou un établissement commercial. C’est la première fois en Côte d’Ivoire que l’on conduit un tel projet d’adressage avec ces caractéristiques. Nous avons déjà identifié et numéroté la totalité des voies des communes de Port-Bouët, Koumassi, Marcory, Treichville, et celles du Plateau, d’Adjamé et d’Attécoubé Est… Le pochage (numérotation des lots) est également achevé, ou pratiquement achevé, dans ces zones. Et les travaux sont en cours dans les zones de Cocody et de Bingerville. En parallèle, les questions de toponymie sont traitées, et nous avons déjà les propositions de dénomination de l’ensemble des voies qui relèvent du district ainsi que celles des communes que je viens de citer. Pour rappel, par le passé, seules 6 % des voies d’Abidjan étaient dénommées, et très peu de personnes parvenaient à se repérer par rapport à ces noms de voies, hérités pour la plupart de la période coloniale, comme c’est le cas dans le quartier du Plateau. Dans les années 1990, l’opération de dénomination entamée avec des chiffres et des lettres n’est pas allée à son terme, créant encore plus de confusion. Pour ne pas faire face aux mêmes blocages, nous avons confié cette tâche à la Cellule d’analyse de politiques économiques (CAPEC) du Centre ivoirien de recherche économique et sociale (CIRES) de l’université Félix Houphouët-Boigny, constituée d’économistes, de sociologues, de géographes, d’historiens, etc. Leurs premières propositions sont en cours d’analyse et de validation par le gouvernement avant d’être formellement adoptées. Cela permettra, entre autres, aux populations de s’orienter plus facilement, aux activités économiques (en particulier au commerce électronique) de se développer, aux services chargés de la sécurité et de la santé d’être plus efficaces… Il facilitera les questions de planification et d’occupation de l’espace urbain, et contribuera sans aucun doute au renforcement de l’attractivité et de la compétitivité d’Abidjan. ■