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interview Ibrahima Cissé Bacongo Maire en sa commune
from AM Hors série
by afmag
Le premier édile de Koumassi, également secrétaire exécutif du RHDP, parti au pouvoir, raconte son travail « à bras-le-corps » et son quotidien. propos recueillis par Emmanuelle Pontié
Ensuite : Vous êtes maire de Koumassi depuis octobre 2018. Quelles sont les particularités de cette commune ? Ibrahima Cissé Bacongo : Koumassi se trouve dans la partie sud d’Abidjan. Située entre les communes de Port-Bouët et de Marcory, elle s’étend en bordure de lagune, et son territoire est sablonneux, ce qui nous cause beaucoup de problèmes, notamment en matière de voirie. Quelle que soit la qualité des matériaux utilisés, hélas, le sable est un souci. Même quand le bitume résiste, il est très rapidement ensablé. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour rendre la vie agréable à nos concitoyens, mais lorsque l’on circule et que l’on constate cet ensablement récurrent des voies, on peut avoir l’impression que rien n’est fait ! Ce qui n’est pas le cas. Autre particularité de Koumassi : elle est très commerçante, avec un marché célèbre et des industries. Absolument. Le commerce en général (de détail autant que de gros) et l’industrie sont très développés. Nous possédons une immense zone industrielle où l’on produit des plastiques, des métaux, des tuyaux, des matériaux d’assainissement, etc. En principe, notre commune est vouée à un bel avenir. Elle est aussi la troisième plus peuplée d’Abidjan. Avec une majorité de jeunes. Absolument. Nous comptons un peu plus de 400 000 habitants. Et à l’instar de l’ensemble du pays, la jeunesse en représente la frange la plus importante. C’est une population qui a besoin d’être occupée. Nous faisons en sorte qu’elle le soit sainement. Le grand carrefour de l’Espérance, que vous avez certainement vu, était un lieu de tragédies quotidiennes, où les gens se découpaient à la machette. Nous avons aseptisé le quartier, construit une fontaine, etc. Tous les jeunes qui y zonaient ont été resocialisés. Certains se sont installés à la gare routière ultramoderne Yaya Fofana, que nous avons créée, et y gagnent leur salaire. Une autre partie d’entre eux se trouve au marché Djé Konan, où ils font du commerce dignement. On entend souvent à Abidjan que Koumassi a totalement changé. En bien. Qu’avez-vous fait pour cela ? Quand nous sommes arrivés, nous avons trouvé une commune à l’état d’entropie, dans un désordre complet. Les chaussées et les trottoirs étaient occupés par un commerce exubérant de bois, de fer, de tout. Il y avait des inondations pratiquement tout au long de l’année. On s’est dit que cette situation n’était pas une fatalité et qu’il fallait essayer d’y remédier. Nous avons commencé par associer tous les opérateurs économiques et partenaires de la commune et des investisseurs potentiels. Nous leur avons présenté l’ensemble des potentialités locales, pour améliorer la vie des populations, mais aussi pour qu’ils gagnent de l’argent. Notre plan concernait l’organisation du commerce, la vie sociale, etc. À la suite de ce forum que nous avions intitulé « Investir à Koumassi », un nouveau Koumassi a peu à peu vu le jour. Avec des gares routières placées à des endroits très précis, les commerçants de bois tous réunis dans un lieu que l’on appelle la Bourse du bois, un parc à fer pour tout ce qui concerne la métallurgie, etc. Nous avons aussi aménagé plusieurs aires de jeu, construit des toilettes publiques, conçu des rues piétonnes… Comment avez-vous pu faire financer tout cela ?
Nous avons conclu des contrats de partenariat, ou plus précisément des conventions de bail à construction. Les bâtiments que vous voyez en bordure des voies appartiennent à des promoteurs privés sous convention avec la mairie. D’ici dix à vingt ans, une fois que le promoteur se sera remboursé de son investissement, les bâtiments nous reviendront. Vous construisez également un allocodrome, bitumez des voies, installez des feux tricolores, allez bientôt ouvrir une piscine municipale…
Oui, parce qu’il faut se préoccuper du cadre de vie. C’est important. Nous avons fait non pas un mais deux allocodromes, deux jardins publics, trois complexes sportifs avec aires de jeux, tribunes et vestiaires, dont le dernier, en cours de construction, a été baptisé Alassane Ouattara et comportera deux piscines (dont une olympique). Nous avons aussi construit des marchés un peu partout, pour que les commerçants puissent travailler dans de bonnes conditions. À Koumassi comme ailleurs dans la capitale économique, vous vous heurtez à un problème de drainage. Que faites-vous pour y remédier ?
Sur ce point, je dirais que nous en sortons mieux que d’autres communes. Auparavant, nous subissions des inondations récurrentes, au point que nous nous payions le luxe d’être baptisés « Koumassi Poto Poto » ou « Koumassi Beach » ! Aujourd’hui, ces désagréments sont devenus un souvenir lointain. Parce que, comme je vous le disais, notre souci du moment, c’est la voirie. Et là, la solution se trouve au niveau de l’État. Cela dit, les choses évoluent. Nous devons programmer rapidement une visite des lieux avec la société Ageroute. La commune se trouve sur une zone marécageuse et sablonneuse d’où la lagune a été continuellement repoussée. Mais comme les remblais n’ont pas été réalisés comme il se devrait, l’eau salée remonte très vite. Et les matériaux utilisés pour la construction des routes n’étaient pas les meilleurs. Les voies sont profondément endommagées. Elles doivent être refaites avec de bonnes techniques et de bons matériaux. Nous espérons qu’Ageroute réussira à régler le problème, ne serait-ce qu’en partie. Même en mettant du sparadrap, en quelque sorte. Cela nous permettrait de respirer un peu avant de réaliser de vrais travaux pour le long terme. Certains quartiers ne sont même pas bitumés. Nous sommes en train de remédier à tout cela. tout simplement, nous avons pris le problème à bras-le-corps dès notre arrivée. C’était notre premier défi. Nous avons trouvé un opérateur économique, sur place, qui était sous contrat avec l’État, par le biais de la commune de Koumassi, et qui travaille avec d’autres communes d’Abidjan. Nous sommes allés sur le terrain avec lui pour identifier les endroits où des difficultés se présentaient, et nous avons travaillé ensemble efficacement. Car il ne fallait pas seulement réaliser un curage en superficie. Il fallait le faire également en souterrain, où il était nécessaire de réhabiliter des ouvrages anciens. Nous l’avons fait de manière systématique et méthodique. Résultat : nous avons pu tout désengorger, bien en amont de la saison des pluies. Aujourd’hui, nous n’avons plus d’inondations. Et quand l’eau stagne, c’est seulement pour quelques minutes. En revanche,
Vous avez mis en valeur l’identité de votre commune avec l’organisation d’un festival, J’aime Koumassi. Il existe également une radio Koumassi FM. En quoi est-ce important ?
Au grand carrefour, la place de l’Espérance, avec sa fontaine.
C’est très important ! Et j’estime que cela fait partie de mes missions : redonner de la fierté aux habitants. Par le passé, vivre ici était mal vu. Mais aujourd’hui, des avocats, de hautes personnalités affirment publiquement y avoir vécu, y avoir des parents. Le Premier ministre lui-même vient parfois y déjeuner, dans un restaurant qui appartient à un membre de sa famille. Quand on indique que l’on est de Koumassi, on nous regarde autrement qu’auparavant. Et notre festival participe à cette nouvelle image. Les populations doivent affirmer, afficher leur appartenance à la commune. Avec fierté. C’est chose faite. Finissons sur une question plus générale sur la capitale économique. Quel est votre avis concernant Abidjan aujourd’hui ?
J’ai déclaré un jour : « Chaque fois que je vais à mon bureau du Plateau, en passant par la corniche, j’ai envie de dire : Dieu, merci de me faire la grâce de voir tout ça ! » Quand on regarde tout ce qui est en train de sortir de terre, dans cette ville, c’est quand même extraordinaire… J’en suis fier. Dans un an ou deux, Abidjan aura un autre visage. Surtout avec la mise en service du quatrième pont, à Yopougon, qui est particulièrement majestueux. Et beaucoup d’autres réalisations se préparent pour d’autres villes. Tout le pays est en chantier. Je pense que d’ici à 2025 nous connaîtrons ce que l’on pourra appeler une véritable émergence. ■