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Olga Djadji « Il faut aller vers les jeunes »

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EN MODE NOUCHI !

EN MODE NOUCHI !

La Fondation BJKD (Bénédicte Janine Kacou Diagou) propose depuis 2018 un concours entrepreneurial pour les moins de 40 ans. Sa présidente présente ce prix international prestigieux qui attire des centaines de candidatures provenant désormais de 16 pays. propos recueillis par Philippe Di Nacera

Ensuite : Quelles sont les raisons qui ont poussé Bénédicte Janine Kacou Diagou à créer la Fondation BJKD ?

Olga Djadji : Tout est parti d’une rencontre, en 2016, avec les jeunes abonnés de son compte Facebook. Elle tenait à partager avec eux son expérience et son parcours. Elle leur a parlé de sa vie, de sa carrière, de ses motivations. Étant à la tête d’un grand groupe bancaire, son histoire est forcément une source d’inspiration. Durant cette rencontre, une question revenait sans cesse : comment trouver du travail à la fin de ses études universitaires ? Manifestement, ces jeunes étaient à la recherche d’un mentor ou d’un mécène. À la fin de cette rencontre, l’idée de « mettre en place un système d’accompagnement » pour les aider a commencé à germer dans son esprit. En 2018, elle a créé la Fondation BJKD, avec comme missions le soutien à l’entrepreneuriat des jeunes, la promotion de la culture et de l’art – car elle est aussi grande collectionneuse et passionnée d’art – et depuis 2021, l’éducation a été ajoutée. Le prix BJKD a été lancé en février 2018.

Comment fonctionne ce concours ?

La participation est gratuite et se fait sur le site Internet de la Fondation. Lors de la 1re édition, les critères de sélection étaient destinés aux jeunes entrepreneurs ivoiriens, âgés de 18 à 35 ans. Mais dès la 2e édition, la tranche d'âge a été repoussée à 40 ans. Après le dépôt des candidatures, une première sélection est réalisée par un comité chargé de choisir 50 participants, dont les business plans sont ensuite soumis à un jury intermédiaire qui n’en retient plus que 20. Ces derniers vont en demi-finale et font l’objet de visites sur site pour s’assurer de la véracité et de l’effectivité des informations qu’ils nous ont communiquées. Puis, un jury intermédiaire siège pour sélectionner les 10 finalistes, lesquels présenteront leurs entreprises devant le grand jury.

La finale donne lieu à une cérémonie publique…

En effet, c’est un grand événement durant lequel les candidats exposent leurs activités.

Tout est pris en compte : l’originalité, la pérennité, les données financières, le marketing, sans oublier la qualité de la présentation.

Depuis deux ans, vous avez décidé de vous adresser aux jeunes Africains d’autres pays francophones.

Bénédicte Janine Kacou Diagou a une vision panafricaine. Comme vous le savez, les sociétés qu’elle gère sont implantées dans de nombreux pays du continent. Elle a voulu « aller vers les jeunes », selon son expression. Il fallait donc s’étendre peu à peu, donner une chance à d’autres entrepreneurs en herbe.

Le prix s'adresse désormais à 15 pays, membres de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et de la

Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC), en plus de la Côte d’Ivoire : le Bénin, le Burkina Faso, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Togo, le Cameroun, la Centrafrique, la République du Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale, le Tchad, la République démocratique du Congo et la Guinée.

Vous avez fêté en septembre dernier la 5e année du concours. Combien de dossiers avez-vous reçus de tous ces pays ?

Nous avons réceptionné 824 candidatures d’entreprises légalement constituées. L’année dernière, nous avions dépouillé plus de 1 300 dossiers, mais parce que nous avions donné la possibilité de concourir à des jeunes qui n’avaient encore qu’un projet à présenter. Aujourd’hui, vous diriez que ce prix est connu et prisé par la jeunesse africaine ?

En cinq ans d’existence, le prix BJKD a su s’imposer par sa crédibilité, le respect des engagements pris en faveur de ces entrepreneurs, et la qualité des membres du jury, composé de personnes représentatives dans leur domaine professionnel. Celui-ci est présidé depuis trois ans par le directeur général de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM), Félix Edoh Kossi Aménounvé. Lors de la dernière édition, le prix BJKD a encore donné une belle visibilité aux lauréats, qui ont obtenu au total une dotation financière de 61 millions de francs CFA, répartie en cinq prix, allant de 3 millions à 25 millions de FCFA. Cet accompagnement leur permettra de développer leurs entreprises et de booster leurs activités. Des formations leur sont également offertes par les cabinets partenaires Deloitte et Métis Academy, et un suivi à long terme est dispensé par des mentors du monde de la finance, partenaires de la Fondation. Y a-t-il de l’entraide entre les candidats des différentes années ?

Beaucoup. C’est d’ailleurs l’une des particularités du concours ! Les lauréats, toutes éditions confondues, ont décidé de se constituer en organisation : ils ont créé le Club BJKD, qui est un club d’affaires leur permettant de se rencontrer, de partager leur réseau. C’est dans ce cadre qu’ils ont eu des échanges avec le ministre de la Promotion de la jeunesse et de l’Emploi des jeunes, ainsi que des contacts avec l’Agence emploi jeunes. Ce concours est un poste d’observation précieux sur l’entrepreneuriat des jeunes Africains. Quelles leçons en tirez-vous ?

Celui-ci évolue. Il se professionnalise. Au début, les projets que nous recevions étaient principalement axés sur l’agriculture et l’agroalimentaire (et c'est encore le cas pour 70 % des candidatures actuelles). Mais au fil des années, nous avons constaté une évolution, avec des propositions dans les domaines de la santé, de l’environnement, du digital… Dans l'avenir, nous espérons continuer à recevoir toujours plus de projets innovants. Un autre constat : c'est la première fois que les candidatures féminines sont majoritaires. Cette année, sur les 10 finalistes, sept étaient des femmes – venues de la Côte d’Ivoire, du Mali, du Bénin, du Burkina Faso et du Sénégal. Et sur les cinq lauréats, on ne compte qu’un seul homme… Depuis la 1re édition, 17 des 24 entrepreneurs récompensés sont des femmes. Vous dites que la jeunesse africaine se lance principalement dans les domaines de l’agriculture et l ’agroalimentaire, alors que l'on aurait pu s’attendre à ce qu'elle investisse les nouvelles technologies…

Effectivement, mais la grosse difficulté est l’accès à Internet pour un certain nombre de pays du continent. Seules les grandes villes sont privilégiées, ce qui de fait n’entraîne pas d’engouement de la part des entrepreneurs, la cible restant très limitée. Pensez-vous qu’Abidjan puisse devenir le centre de gravité de l’entrepreneuriat de la jeunesse subsaharienne ?

Il y a en effet de fortes chances qu’elle le devienne, en sa qualité de ville la plus peuplée de l'Afrique de l’Ouest francophone et de deuxième plus grande ville et troisième plus grande agglomération au sein de la francophonie. Considérée comme le carrefour culturel ouest-africain, Abidjan offre incontestablement des opportunités d’expansion aux entrepreneurs du continent. De surcroît, par le biais du prix BJKD, dont l’objectif est de s’étendre d’ici quelques années à toute l'Afrique, les jeunes auront une organisation sur laquelle s’appuyer pour développer leurs projets respectifs et acquérir de nouvelles aptitudes entrepreneuriales. ■

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