AVANT PROPOS
La planche Tintin bidon 1965 l’histoire d’un canular publié Vous la connaissez probablement tous car elle a été reproduite de nombreuses fois et elle est particulièrement présente dans les biographies de Hergé. Si on ne devait retenir qu’un pastiche d’Hergé ce serait celui-ci : une vraie fausse planche de Tintin et publiée comme étant de Hergé. Elle a été réalisée par Jacques Martin et Bob de Moor en 1965.
Jacques Martin, parlez-nous un peu de cette planche «bidon»... Durant la fin de l’été de 1965, Hergé étant en vacances, un journaliste suisse est arrivé un jour aux Studios Hergé afin - pensait-il - de prendre connaissance du nouvel album de Tintin ! En fait, il n’y avait absolument rien en préparation à ce moment-là. Aussitôt l’idée d’un canular a germé et Bob de Moor et moi avons imaginé et réalisé, chez nous, cette planche en quelques jours... Lorsque le journaliste helvétique est revenu nous voir, nous lui avons présenté cette page Un document rare pour les comme étant la première d’un tout nouveau récit. tintinophiles et les martinophiles: Enthousiaste, il l’a abondamment photographié. la reproduction intégrale de ces L’article a été publié dans le magazine ‘’L’Illustré’’ 6 pages de ce magazine suisse de Lausanne, en décembre 1965, avec ce fameux L'Illustré - victime malgré lui de ce document en vedette. canular. Si beaucoup d'entre vous Précisons tout de même que ce journaliste mansavent qu'une fausse planche a été quait, à l’époque, un peu de rigueur puisque non diffusée, peu savent, en revanche, seulement la planche reproduite n’était pas de la qu'une interview tout à fait bidon main de Hergé - pourtant annoncée comme telle de Hergé l'accompagne... - mais il s’est aussi amusé à créer de toute pièce une interview du père de Tintin, probablement à Une véritable merveille - retrouvée partir de compilations d’entretiens couplés avec par Frédérique - toujours citée mais des témoignages recueillis lors de son séjour aux rarement présentée. studios. Lorsque Hergé a pris connaissance de ce Explications du Maître. fait quelques semaines plus tard - nous avions posé le magazine sur son bureau - il s’est enfermé dans sa pièce et s’est mis à hurler quelque chose comme : “Nom de Dieu !”... Puis, le silence, car il n’en a pas reparlé pendant un certain temps jusqu’au jour où il m’a demandé de lui céder ou de lui vendre cette planche. A ce moment-là, je lui ai déclaré que je lui donnais gracieusement à condition de ne jamais la détruire. Il m’a répondu qu’il allait y réfléchir. Quelques semaines plus tard, il est revenu avec sa proposition d’achat et j’ai maintenu la mienne. Alors nous en sommes restés là…
Toutes les photos et dessins présentés dans ce document d’archive issu du magazine l'Illustré sont de 1965-2007 © Hergé-Moulinsart
Certains biographes prétendent que vous étiez parti d’une planche esquissée par Hergé... C’est tout à fait faux ! De son vivant, Bob de Moor a toujours protesté contre cette affirmation. Nous étions, techniquement, parfaitement capables de réaliser quoi ce soit sur Tintin sans pour autant
fouiner dans les papiers de Hergé. C’est scandaleux. Ce qui m’étonnera toujours chez certains de ses biographes - pas tous, naturellement - c’est cette capacité d’affirmer des faits avec certitude et une grande arrogance, sans jamais avoir connu Hergé, ni même avoir consulté le moindre collaborateur des studios ! Dans certaines biographies de Hergé, j’ai carrément disparu des studios, les photos sont recadrées et l’histoire est réécrite, un peu comme l’on faisaient dans les manuels scolaires sous Staline. C’est bien simple, à les lire : je n’ai jamais existé ! Les personnes considérées gênantes sont les premières à disparaître. Depuis quelques temps, votre nom réapparait dans les biographies et la remarquable exposition consacrée à Hergé au Centre Beaubourg par Moulinsart semble avoir joué la carte de l’appaisement ; vous êtes omniprésent sur les photos. Un juste retour aux sources ? Heureusement, je n’ai pas travaillé 20 ans aux Studios Hergé pour gommer des dessins tout de même ! J’ai fréquenté Hergé quotidiennement en étant l’un de ses plus proches collaborateurs, nous habitions l’un à côté de l’autre (ndlr: la maison de Hergé est à moins de 100 mètres de celle de Jacques Martin) pendant plus de trente années. Nous étions très amis, même si nous nous sommes beaucoup accrochés. Je supporte de plus en plus difficilement les propos tenus par certains auteurs arrivistes qui décrivent des faits qui n’ont pas vécu. C’est de l’imposture et si la vérité est enfin rétablie, je ne peux que m’en réjouir... Question de spécialiste : qui a fait quoi sur cette planche ? J'ai d'abord inventé un petit scénario, composé la planche puis placé les personnages. A la suite de cela, j'ai passé la planche à Bob de Moor qui a exécuté les décors que j'avais esquissé. Et nous avons mis à l'encre, lui les décors et moi les personnages. Propos recueillis par Christophe FUMEUX pour les Enfants d'Alix
Toutes les photos et dessins présentés dans ce document d’archive issu du magazine l'Illustré sont de 1965-2007 © Hergé-Moulinsart