Extrait guide Boulogne-sur-mer

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le Guide

Boulogne-sur-Mer m u s é e s architectures paysages PRÉFACE

Didier Lockwood


Coordination Frédéric Debussche (FD) Animateur de l’Architecture et du Patrimoine, service Ville d’art et d’histoire, mairie de Boulogne-sur-Mer avec la collaboration de Véronique Tonnel (VT) Adjointe de l’animateur de l’Architecture et du Patrimoine, service Ville d’art et d’histoire, mairie de Boulogne-sur-Mer

Les auteurs Archives municipales de Boulogne-sur-Mer (AMB) Karine Berthaud, directrice des archives municipales de Boulogne-sur-Mer Maxime Blamangin, responsable des expositions et des fonds iconographiques Aurélie Rangognio, directrice-adjointe Olivier Blamangin (OB) Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) Xavier Boniface (XB) Professeur d’histoire contemporaine, université du Littoral-Côte d’Opale Sandrine Boucher (SB) Conservateur, responsable du département Études et Patrimoine, bibliothèque municipale de Boulogne-sur-Mer Amélie Cerise (AC) Fondatrice de l’association : à table !, La Saurisserie Suzanne-Maquet

Jean-Pierre Dournel (JPD) Agrégé d’histoire, professeur honoraire de chaire supérieure Édith Fosse (ÉF) Écrivain Alban Gautier (AG) Maître de conférences, université du Littoral-Côte d’Opale Dominique Ghesquière (DG) Écrivain, spécialiste de l’opéra-comique et de l’opéra-bouffe Denis Hayot (DH) Doctorant, spécialiste des châteaux philippiens Karine Jay (KJ) Conservateur en chef, directrice de la bibliothèque municipale de Boulogne-sur-Mer Martin Kohan (MK) Écrivain et scénariste argentin Traduction : Fatiha Idmhand Marie-Line Landron (MLL) Chargée de communication, chambre de commerce et d’industrie de la Côte d’Opale Alain Lottin (AL) Professeur émérite d’histoire moderne Charles Mériaux (CM) Maître de conférences, université Charles-de-Gaulle Lille-3 Nausicaá – Centre National de la Mer (CNM) Michel Parenty (MP) Historien, spécialiste des châteaux et manoirs du Boulonnais

Anne-Marie Cojez (AMC) Docteur en littérature et langue française, université du Littoral-Côte d’Opale

Élisabeth Portet (ÉP) Chargée d’études et de gestion scientifique au Centre des monuments nationaux

Frédéric Debussche (FD) Animateur de l’Architecture et du Patrimoine, service Ville d’art et d’histoire, mairie de Boulogne-sur-Mer

Jean-Pierre Ramet (JPR) Historien, spécialiste de l’histoire locale et de la vie maritime, président de l’association La Beurière

Angélique Demon (AD) Archéologue de la Ville de Boulogne

Céline Ramio (CR) Directrice du musée-château

Claire Ditte (CD) Journaliste

Catherine Suchanecki (CS) Chargée de mission à l’École-Musée

Véronique Tonnel (VT) Adjointe de l’animateur de l’Architecture et du Patrimoine, service Ville d’art et d’histoire, mairie de Boulogne-sur-Mer Luc Tassart (LT) Président honoraire du Cercle historique San Martín

Abréviations BnF : Bibliothèque nationale de France CMH : classé monument historique Les astérisques renvoient au glossaire, p. 147.

Anne-Gaëlle Vincent (AGV) Responsable du service Urbanisme, Ville de Boulogne-sur-Mer

Remerciements

LĂ©gendes

Nous tenons à remercier tous les auteurs qui nous ont apporté leur aimable contribution, ainsi que M. Didier Lockwood et les personnes qui nous ont accompagnés dans la réalisation de ce guide : Mme Mireille Hingrez-Céréda, maire de Boulogne-sur-Mer, M. Claude Allan, premier adjoint au maire, M. Patrick Dréhan, adjoint au maire chargé de la Culture, M. Richard Klein, architecte et professeur à l’école d’architecture de Lille, Mme Nicole Jarno, présidente du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer, M. Alain Bontemps, président de l’association Chapelle du Saint-Sang, M. l’abbé Laurent Pouliquen, curé de Saint-Louis de Boulogne. Nous exprimons aussi notre gratitude à Mme Liliane de Kermadec, M. Yann Gobert-Sergent et M. Michel Parenty, qui ont bien voulu nous ouvrir leurs collections personnelles.

Couverture, 1re de haut en bas : rampe de l’escalier de l’hôtel Désandrouin ; les Buildings ; vitrail de l’église Saint-Pierre ; À REVOIR bateaux de pêche sur le bassin Loubet. e 4 : vue aérienne de Boulogne-sur-Mer, depuis le pont de l’Entente-Cordiale. Page 1 : cordages sur le port de Boulogne-sur-Mer. Page 2 : coupole de la basilique Notre-Dame. Pages 6-7 : …… ……………… ……………. Page 8 : colonne de la Grande Armée à Wimille.

© Éditions du patrimoine Centre des monuments nationaux Paris, 2013 ISBN : 978-2-7577-0283-3

Avertissement Ce guide donne des clefs pour découvrir la ville de Boulogne, son histoire et son patrimoine. Nous incitons vivement le lecteur à s’approprier les promenades suggérées, en les recomposant à son idée et en empruntant les extensions de parcours indiquées (R « Détours »). Des propositions sont faites au terme de chaque itinéraire (« La visite et ses variantes »). Les horaires d’ouverture des églises ne sont donnés qu’à titre indicatif. Pour de plus amples informations, pour des précisions concernant la visite de certains monuments et sites, ainsi que pour des visites guidées ou des ateliers thématiques de découverte du patrimoine boulonnais, se reporter, en fin d’ouvrage, aux « adresses utiles ».


Pourquoi proposer au Calaisien que je suis d’écrire la préface d’un guide consacré à Boulogne-sur-Mer ? Une provocation ? En effet, ces deux villes se sont révélées être, au regard de l’Histoire, de fidèles concurrentes, chacune se distinguant par ses plus belles performances et réalisations. Parmi celles qui m’ont le plus marqué : le statut de plus grand port de voyageurs pour Calais et celui de plus grand port de pêche pour Boulogne, une saison en Ligue 1 de football pour Boulogne, une finale de Coupe de France pour Calais ! J’ai vécu, dans ma prime jeunesse, cette constante et sympathique rivalité. C’est elle qui, par le chauvinisme qu’elle engendrait, me permettait de me rendre à Boulogne en parfait conquérant. Je me souviens notamment de ces compétitions de natation qui nous donnaient, à nous Calaisiens, l’occasion d’aller gentiment « bouffer du Boulonnais ». Je pense que c’est cette confrontation qui m’a permis de porter un regard toujours nouveau sur Boulogne. En effet, se rendre à Boulogne provoquait en moi, Calaisien, la même sensation que celle que l’on peut avoir lorsque l’on se rend à l’étranger, un véritable dépaysement ! La route de Calais à Boulogne présage déjà du changement géographique : on quitte le plat pays pour, progressivement, dès la sortie ouest de Calais, voir le paysage se mettre à chanter en sensuelles collines et verdoyants vallons, et même aller jusqu’à dangereusement s’escarper si l’on prend la route de la côte et que l’on franchit le magnifique et imposant Cran d’Escalles. Aller à Boulogne, c’était alors pour moi entrer doucement dans une autre histoire, et je me souviens de cette curieuse et délicieuse sensation, surtout lorsque je m’y rendais avec mes amis à vélo. Cela représentait une véritable performance, car la trentaine de kilomètres qui sépare les deux villes mettait durement à l’épreuve nos jeunes mollets. Voir poindre à l’horizon la colonne Napoléon nous redonnait du courage pour boucler les derniers kilomètres. En fait, pas de Boulogne sans Calais, et inversement. C’est cette dynamique, cette dualité qui m’a permis de garder un regard toujours neuf sur Boulogne. Comme l’écrivait Georges Perec, « ce que nous appelons quotidienneté n’est pas évidence mais opacité, une forme de cécité, une manière d’anesthésie ».

Y échapper, c’est accroître notre regard, réapprendre à voir en profitant de tout ce qui nous est étranger… différent. Ainsi, me rendre à Boulogne me permettait de redécouvrir Calais et de n’en apprécier que mieux ses particularités. En me sortant d’une conception binaire et archaïque du monde, cette révélation mit fin à ma peur de l’inconnu, la peur de l’« Autre ». En fait, me rendre à Boulogne, c’était une aventure, c’était oser se perdre pour mieux apprécier le retour chez soi. Boulogne est une ville à la fois « écrin », protégée par les collines qui l’enserrent, et offerte à la mer ; cette topographie particulière me procurait une sensation de sécurité et de bien-être, un sensualité qui tranchait avec le charme particulier de Calais, ville étalée, plane et rectiligne, balayée par le vent, préfigurant les paysages si poétiquement décrits par Jacques Brel. Me rendre à Boulogne, c’était donc partir en vacances ! C’était aussi pénétrer au cœur de cette si belle Côte d’Opale, qui inspirera bon nombre de mes compositions. Comme chaque ville, chaque lieu, Boulogne a ses odeurs, ses lumières, ses bruits, ses couleurs, son architecture, son histoire, sa respiration, son accent. C’est tout cela qui fait la vie d’une ville, sa poésie. L’odeur du poisson qui s’engouffre dans les grandes artères ouvertes sur le port, les imposantes fortifications de la vieille ville, le bruit des chalutiers dans leur incessant ballet aux parfums « mazoutés », les embruns iodés qui nous tiennent éveillés, le brouhaha à l’accent « déchantant » du marché déchiré par le cri des mouettes, les restaurants de fruits de mer et de moules-frites de la place Dalton, sans oublier les musiques superbes du Festival de la Côte d’Opale, qui bercent chaque année la ville et ses environs. Ce guide va donc vous emmener dans l’aventure et vous aidera à vous « perdre » avec volupté dans les délices de la découverte de nouvelles sensations. Lisez puis fermez les yeux, vous y serez…

Didier Lockwood Violoniste de jazz


Sommaire L’histoire 12 Boulogne antique 15 Boulogne au Moyen Âge 19 Les Temps modernes 24 Le « grand » xixe siècle : 1789-1914 30 Le xxe siècle

Le guide 40 Itinéraire 1 La ville fortifiée

De la place Godefroy de Bouillon Ă  la rue Saint-Jean

66 Itinéraire 2 L’enceinte urbaine

Du château-musée au cimetière de l’Est

86 Itinéraire 3 La basse ville

Du jardin de la sous-préfecture à la place de Lorraine

104 Itinéraire 4 La ville reconstruite

De la place de Lorraine au pont de l’Entente-Cordiale

118 Itinéraire 5 La ville portuaire et maritime

Du bassin Loubet au calvaire des Marins

138 Itinéraire 6 Napoléon et le Boulonnais

De la poudrière à Wimereux

146 Annexes

Adresses utiles

Manifestations culturelles et événements

Spécialités du Boulonnais

Glossaire Bibliographie

Index des architectes, artistes et Ă©crivains

Index des rues, sites et monuments


L’histoire

Boulogne-sur-Mer


1 2 L’ H I S T O I R E D E B O U L O G N E - S U R - M E R

L’ H I S T O I R E D E B O U L O G N E - S U R - M E R 13

Boulogne antique « L’activité singulière des soldats était parvenue, malgré l’extrême pénurie de toutes choses, à construire environ six cents navires […] et vingt-huit galères […]. [César] les instruit de ses intentions et leur ordonne de se rendre tous au port Itius, d’où il savait que le trajet en Bretagne est très commode […]. Avec cinq légions et un nombre de cavaliers égal à celui qu’il laissait sur le continent, [il] leva l’ancre au coucher du soleil, par un léger vent du sud-ouest » (Guerre des Gaules, livre V, 2 & 8). Boulogne, au carrefour des communications et du commerce Ainsi commence le récit par Jules César de sa seconde expédition en Bretagne, l’actuelle Angleterre, une tentative de conquête qui va marquer durablement le devenir de Boulogne-sur-Mer. Les textes anciens ne permettent pas de localiser précisément le Portus Itius d’où s’embarquent les troupes romaines en 54 avant notre ère, mais l’estuaire de la Liane a pu offrir un abri naturel aux navires de l’expédition. Quel que soit le port d’attache du corps expéditionnaire, c’est à sa position littorale, en bordure du détroit du Pas-de-Calais, et à l’intérêt porté par Rome à l’île de Bretagne que Boulogne, alors appelée Gesoriacum ou Bononia, doit son développement et son statut de principale ville portuaire de la Gaule belgique. Cologne

Cassel Boulognesur-Mer

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Ci-dessus : vue aérienne de la ville haute, dont le plan suit celui de la ville romaine. Ci-contre : carte des principales voies antiques reliant Boulognesur-Mer au reste du monde romain, Service archéologie de Boulogne-sur-Mer. Double page précédente : Auguste Philippe, Vue de la ville, du port et de la rade de Boulognesur-Mer (détail), 1831, huile sur toile, musée de Boulogne-sur-Mer.

Aucune découverte archéologique ne permet d’attester une origine gauloise de la cité. Mais le littoral de ce qui est alors la Morinie est densément occupé bien avant la conquête, par de petits ports côtiers et de nombreux établissements agricoles, qui pratiquent parfois l’activité de production du sel. Dès l’âge du fer, la région est au cœur d’un réseau trans­ régional de relations commerciales. Des peuples belges se sont installés dans le sud-est de l’Angleterre et les nombreuses monnaies gauloises qu’on y a trouvées témoignent de l’intensité des échanges entre les deux rives de la Manche. Ces échanges s’intensifient avec l’annexion progressive de la Bretagne à l’Empire. Les expéditions de Jules César débouchent sur la mise en place de royaumes vassaux au sud-est de l’Angleterre. Dès l’époque augustéenne (27 av. J.-C. – 14 apr. J.-C.), Boulogne est l’aboutissement d’importantes voies de communication, en particulier la « voie de l’Océan », qui permet de gagner la vallée du Rhône et Rome via Amiens et Reims, ou les voies qui établissent une liaison directe avec la frontière rhénane, via Bavay ou Cassel et Tongres. Le port antique se développe ainsi au carrefour d’un réseau routier qui relie la Bretagne aux marchés de Méditerranée et de Germanie. Cette position stratégique est confortée par l’administration fiscale romaine qui fait rapidement de Boulogne le poste douanier de perception du portorium (taxe sur les importations et les exportations imposée aux provinces), et donc le point de passage obligé de toutes les marchandises transitant entre la Bretagne et le monde romain. Strabon, qui écrit sa Géographie dans les première années du règne de Tibère (14-37 apr. J.-C.), confirme que certains souverains bretons « ont établi des relations d’amitié avec César Auguste par des ambassadeurs et des services obligeants, ils ont consacré des offrandes au Capitole et ils ont mis toute leur île à la disposition des Romains », tout en acceptant de « payer Aureus de l’empereur Tibère, 1er quart de lourdes taxes sur les marchandises qu’ils exportent du i er siècle apr. J.‑C., découvert dans le en Celtique et sur celles qu’ils en importent » (IV, 5, 3). Boulonnais, musée de Boulogne-sur-Mer. Un port romain pour conquérir la Bretagne Une nouvelle période s’ouvre au milieu du ier siècle de notre ère avec la reprise du projet d’annexion de la Bretagne à l’Empire romain. En 39 apr. J.-C., Caligula (37-41 apr. J.-C.) rassemble ses troupes à Gesoriacum pour une expédition avant de renoncer à franchir le détroit. Il fait cependant élever, sur les falaises dominant l’estuaire, un phare autrefois identifié à la tour d’Odre [➝ p. 134]. Le projet aboutit finalement sous son successeur, l’empereur Claude (41-54 apr. J.-C.), qui mobilise une armée d’invasion considérable et s’embarque depuis Boulogne en 43 apr. J.-C. Ces opérations militaires marquent la transformation de la Bretagne en province romaine et sans doute la naissance de la classis britannica (flotte de Bretagne). Flotte militaire permanente, installée de part et d’autre de la Manche à Boulogne et Douvres, la classis britannica est chargée de la police dans le détroit et des transports logistiques et de personnel de l’administration. Depuis les années 1970, les fouilles archéologiques réalisées dans la ville haute de Boulogne ont permis d’y localiser le camp militaire romain, sur une superficie d’environ 12 hectares. Les remparts médiévaux du xiiie siècle reprennent, pour l’essentiel, le plan en quadrilatère des enceintes romaines successives [➝ p. 74] et les principales voies du camp antique sont aujourd’hui encore fossilisées dans le paysage urbain [➝ p. 44]. Au nord-est s’étendent le quartier des casernements (retentura) et ses bâtiments d’une cinquantaine de mètres de long, avec un logement d’officiers et dix chambrées de soldats s’ouvrant sur une galerie de façade. Construites dans la première moitié du iie siècle, ces casernes sont largement restaurées à la fin du iie ou au début du iiie siècle, probablement sous le règne de Septime Sévère (193-211 apr. J.-C.) et restent en activité jusqu’aux années 260 de notre ère.


24 L’ H I S T O I R E D E B O U L O G N E - S U R - M E R

Le niveau d’alphabétisation a progressé. Au début du siècle, 60 % des hommes et 42 % des femmes signent le registre des mariages ; ils sont respectivement 72 % et 56 % en 1788, un taux supérieur à la moyenne nationale. En 1786, les frères des Écoles chrétiennes, les filles de la Charité et les ursulines enseignent à plus de 900 élèves de toutes les couches sociales, tant en basse ville que dans la ville haute. L’enseignement secondaire est dispensé par les oratoriens. Toutefois la société boulonnaise reste très contrastée. En 1781, on dénombre 1 974 âmes dans la ville haute, toujours composée de nobles, d’ecclésiastiques, d’hommes de loi et de domestiques, et 6 523 dans la basse ville. Négociants, commerçants et artisans peuplent la Grande Rue et ses alentours, tandis que matelots et marins-pêcheurs se regroupent surtout dans le quartier de la Beurière. Bréquerecque et les Tintelleries sont encore des faubourgs peu habités. Beaucoup de Boulonnais vivent sous le seuil de pauvreté, dans une ville où les drames de la mer font nombre de veuves et d’orphelins. Comme le rappellent les échevins en 1764, les riches ne sont pas assez nombreux pour les secourir… À la veille de la Révolution, l’opinion publique évolue sensiblement sous l’influence des Lumières et des progrès techniques : Dumont de Courset publie un traité savant sur l’agriculture du Boulonnais, Pilâtre de Rozier tente de traverser la Manche en ballon (il meurt à cette occasion) [➝ p. 76], des notables, amateurs de théâtre, jouent les pièces de Beaumarchais et côtoient nobles et militaires dans la loge maçonnique tout en professant des idées voltairiennes. Les États généraux, en 1789, vont leur donner l’occasion de s’exprimer. al

Ci-dessus : J. E. Vaillant, l’ancienne sénéchaussée, aquarelle, xix e siècle, bibliothèque municipale de Boulogne-sur-Mer. Le bâtiment de la sénéchaussée royale, fondée au xv e siècle, fut détruit au xix e siècle. L’aile visible sur le dessin datait de la Renaissance. Ci-contre : Pêcheurs de Boulogne-sur-Mer, gravure de la France pittoresque, xix e siècle, coll. Yann Gobert-Sergent.

L’ H I S T O I R E D E B O U L O G N E - S U R - M E R 2 5

Le « grand » xixe siècle : 1789-1914 Le temps des turbulences Les Boulonnais ont abordé l’année 1789 en hommes de l’Ancien Régime ouverts aux Lumières et partisans de réformes modérées. Les cahiers de doléances reflètent cette dualité : volonté de corriger les « abus » et d’obtenir un retour périodique des états généraux, mais aussi de défendre leurs franchises et privilèges, notamment en matière fiscale. Ces préoccupations sont relayées à l’Assemblée constituante par les deux députés du tiers état, Bernard Gros et Nicolas Latteux. Après le 14 juillet, Boulogne ne connaît pas de révolution municipale. Une Société des amis de la Constitution, fondée le 26 août 1790, recrute dans la noblesse libérale, la bourgeoisie et chez les oratoriens. Affiliée au club des Jacobins, elle est remplacée en août 1792 par une Société des amis de l’égalité, de recrutement plus populaire. C’est sur celle-ci que s’appuie le représentant en mission Dumont pour tancer les autorités locales, soupçonnées de fermer les yeux sur les émigrés qui passent par Boulogne pour gagner l’Angleterre : 600 arrestations ont lieu, mais peu d’exécutions (on sait qu’un prêtre réfractaire d’Hucqueliers a été exécuté). À Boulogne, la Terreur est très modeste. Après Thermidor, les modérés reviennent sur le devant de la scène, autour de Pierre Daunou, ancien oratorien et député à la Convention, l’un des rédacteurs de la Constitution de l’an III et fondateur de l’Institut. À Boulogne, il favorise l’installation de l’école centrale du Pas-de-Calais et la création de la Société d’agriculture. Sous le Directoire, une partie du patrimoine religieux change de mains : un groupe d’hommes d’affaires boulonnais et arrageois acquièrent l’évêché et la cathédrale ; cette dernière est bientôt démolie. À partir de 1804, la ville connaît une intense animation avec le camp dit « de Boulogne », qui s’étend de Wissant à Étaples. En 1805, il abrite 60 000 soldats commandés par le maréchal Soult et 15 000 marins commandés par l’amiral Bruix. Bonaparte y fait cinq séjours entre 1803 et 1805 ; c’est au cours du quatrième qu’il décore de la Légion d’honneur près de 2 000 militaires et une dizaine de civils dans le vallon de Terlincthun, devant 80 000 soldats et 20 000 spectateurs. En novembre 1804, Soult pose la première pierre de la future colonne de la Grande Armée. Ci-dessus : Napoléon au camp de Boulogne, estampe sur velin, xxe siècle, Wimille, colonne de la Grande Armée.

Ci-contre : David d’Angers, Pierre Daunou, bibliothèque municipale de Boulogne-sur-Mer.


Le guide

Boulogne-sur-Mer


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40 L E G U I D E

ITINÉRAIRE 1 • LE GUIDE 41

La ville fortifiée

De la place Godefroy de Bouillon à la rue Saint-Jean Protégée par ses murailles, la ville haute de Boulogne, lieu du pouvoir et de l’aristocratie, se serre autour de la basilique NotreDame. Depuis l’Antiquité, elle conserve le plan du camp romain originel. Ses rues, ses places, ses édifices invitent le promeneur à remonter l’histoire… [Durée : environ 1 h (sans tenir compte de la visite de la basilique)] 2

Place Godefroy de Bouillon 1

Situées au croisement des deux axes principaux du camp romain, les principia (postes de commandement) devaient se trouver approximativement à l’emplacement de l’actuelle place Godefroy de Bouillon. Elles comprenaient le logement du commandant en chef de la flotte de Bretagne (praetorium) et le trésor (quaestorium). C’était également en ce lieu que se tenaient les rassemblements. De nos jours encore, le tracé des principales rues de la ville fortifiée rappelle celui des voies du camp qui reliaient

1. La basilique Notre-Dame et les remparts de la ville fortifiée. 2. Détail de la salle des pas perdus du palais de justice. 3. La place Godefroy de Bouillon, vers 1860, lithographie d’Asselineau, bibliothèque municipale de Boulogne-sur-Mer. Pages 36-37 : La ville haute et la basse ville depuis le lycée Auguste Mariette.

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3

les quatre portes de l’enceinte romaine : on retrouve ainsi le tracé de la via praetoria entre la porte des Degrés et la porte de Calais, par les rues de Lille et du Puits d’Amour et celui de la via principalis entre les portes des Dunes et Gayole, par la rue d’Aumont [➝ p. 12]. En 1893, l’ethnologue Ernest Hamy réalise un sondage à l’intersection des rues d’Aumont et du Puits d’Amour. Dans l’axe nord-ouest/sud-est du camp, il signale la présence d’accotements de grosses pierres et d’une voie, dont le dallage est constitué de grandes pierres régulières posées sur un lit de ciment rose. ob et ad


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