TRÉSOR DE L’ANTIQUITÉ – CÉRAMIQUES GRECQUES DU MUSÉE DE BOULOGNE-SUR-MER

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« Votre galerie deviendrait une des plus précieuses pour l’histoire de la céramique. » Adrien de Longpérier, 1861 Le Musée de Boulogne-sur-Mer possède l’un des plus beaux ensembles français de vases grecs. Celui-ci, acquis par la ville en 1861, provient pour l’essentiel de la collection constituée par Charles-Louis-Fleury Panckoucke, fils de d’imprimeur-libraire et lui-même éditeur. Passionné d’antiquités, Panckoucke acquiert en particulier une série de vases grecs ayant Héraclès pour sujet, au point qu’il projeta d’éditer une « Héraclide » pour diffuser les images du héros au plus grand nombre. C’est cette collection que la Ville acheta, confortée dans son choix par Adrien de Longpérier, conservateur du Musée du Louvre : « Si vous achetiez la collection, la Ville de Boulogne aurait la seule belle collection de vases qui existe en dehors de Paris ; cela ferait une spécialité pour votre Musée que les savants d’Allemagne viendraient visiter après le Louvre » (Lettre du 22 juillet 1861). À travers 41 pièces choisies, c’est cette collection qui est à l’honneur dans cet ouvrage ; son origine, sa destruction partielle en 1918 quand une torpille allemande réduisit nombre de céramiques en tessons, sa restauration et sa nouvelle présentation après des décennies d’un travail minutieux. Malgré les vicissitudes des deux guerres mondiales, le fonds compte toujours plus de 470 numéros parmi lesquels quelques vases attribués à des artistes majeurs, comme l’amphore représentant le suicide d’Ajax attribuée au potier et peintre Exékias, Éros par le Peintre de Berlin ou encore le vase à partir duquel Beazley forgea l’identité du « Painter of the Boulogne Horse ». Largement illustré, le lecteur trouvera dans cet ouvrage, auquel ont contribué les plus grands spécialistes français du sujet, les derniers apports de la recherche scientifique sur le sujet tout autant que le bonheur des yeux.

ci-dessus : Cheval entre deux yeux et deux palmettes (détail)

Première de couverture : Eros au cerceau (détail)

28 €

TRÉSORS DE L’ANTIQUITÉ Céramiques grecques du musée de Boulogne-sur-Mer

TRÉSORS DE L’ANTIQUITÉ

Céramiques grecques du musée de Boulogne-sur-Mer


Préface

« La Grèce antique est la plus belle invention des temps modernes », écrivait Paul Valéry. Héritage de voyageurs, soldats, rêveurs, savants, touristes…, la Grèce est à la fois objet de savoir, de désir, de nostalgie et d’admiration. La grande collection Panckoucke achetée en 1861 par la ville de Boulognesur-Mer est à la mesure de la fascination exercée par les Grecs anciens. Elle est le reflet d’une vie de passion vouée à réunir les plus beaux vases de l’Antiquité des mondes grec et étrusque. Elle est ensuite au cœur de la construction du jeune musée et en constitue jusqu’à ce jour encore un des joyaux. Comme le précisent les procès-verbaux lors de l’acquisition de cet ensemble exceptionnel, « tout le monde savant connaît la magnifique collection de vases grecs peints recueillie par Panckoucke ». Paradoxalement aucune publication ne lui avait encore été spécifiquement dédiée. Cet ouvrage permet de montrer un aperçu d’une collection dont on a entendu les plus grands éloges depuis plus de 150 ans. Nous tenons à ce titre à remercier l’ensemble des spécialistes qui ont œuvré à l’étude de cet ensemble depuis des décennies, en particulier M. François Lissarrague. En ce début de XXIe siècle, notre ambition est également de faire connaître cet héritage au plus grand nombre et de permettre à chacun de se l’approprier. Le format original de ce livre mêlant papier et numérique invite le lecteur à explorer ces œuvres, patrimoine de l’humanité, sous l’angle de leur histoire et de leur forme, mais également sous celui de l’imaginaire et de la poésie. Autant de façons de « partir pour la Grèce »…

Frédéric Cuvillier Ancien ministre Maire de Boulogne-sur-Mer Président de la Communauté d’Agglomération du Boulonnais Régine Splingard Adjointe au maire déléguée à la Culture


Ce livre a bénéficié du soutien du ministère de la Culture, DRAC Hauts-de-France dans le cadre de l’appel à projet Services numériques innovants.

François Lissarrague (F.L.), directeur d’études de l’EHESS*, anthropologie et histoire des mondes antiques

PHOTOGRAPHIE ET MODÉLISATION 3D Summum 3D : François Bougnères et Benoît Touchard

Le contenu augmenté de ce livre est accessible depuis l’application gratuite SnapPress.

Jean-Jacques Maffre (J.-J.M.), ancien membre de l’École française d’archéologie d’Athènes, professeur de civilisation grecque à l’Université de Paris IVSorbonne

Un ouvrage réalisé par les éditions INVENIT Direction éditoriale et artistique : Dominique Tourte Création graphique : Christelle Leveugle, Valérie Dussart et Dominique Tourte Réalisation maquette : Christelle Leveugle Correction : Marie-Jo Escaillet

MUSÉE DE BOULOGNE-SUR-MER Direction, Elikya Kandot Service des collections (recherche, documentation et régie des œuvres), Priscilla Billiard, Stéphane Delpierre, Francis Donval, Gaëlle Etesse, Florence Fourcroy, Justine Vambre Service des publics (médiation, accueil, communication), Sabine Chaillet, Rosemary Charton, Oriane Couspeyre, Dolorès Delattre, Matthieu Dhalenne, Maxime Favier, Axel Fortin, Alexandra Gambart, Lucie Hunka, Aurélie Louchet, Anaïs Pogoda Administration (secrétariat), Christèle Ledoux, Valérie Macaire Stagiaire, Mathilde Vauquelin Et l’ensemble du personnel technique et de surveillance, Éric Anquez, Régine Cattez, Serge Crépin, Éric Danzoy, Anne-Marie Deletroy, Lysiane Gueudre, Jean-Marie Level, Audrey Martel, Jeremy Parmentier, Alain Ropital, Annie Telliez AUTEURS Essais et notices d’œuvres Cécile Colonna, conservatrice du patrimoine, conseillère scientifique à l’INHA*, domaine Histoire de l’art antique et histoire de l’archéologie Martine Denoyelle (M.D.), conservatrice en chef du patrimoine, chargée de mission à l’INHA*, département des Études et de la Recherche Louise Détrez (L.D.), conservatrice du patrimoine, Bibliothèque nationale de France, département des Monnaies, médailles et antiques Françoise Gaultier (F.G.), conservatrice générale du patrimoine, directrice du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, Musée du Louvre Elikya Kandot, conservatrice du patrimoine, directrice du Musée de Boulogne-sur-Mer Florence Le Bars (F.L.B.), docteur en archéologie et histoire de l’art antique, membre associé ARSCAN*, équipe ESPRI&LIMC

Andras Marton (A.M.), docteur en archéologie et histoire ancienne, chercheur associé au Centre de recherche bretonne et celtique, Université de Bretagne Occidentale et EPHE AOrOc Christine Merlin, conservatrice-restauratrice du patrimoine, chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres Joffrey Nogrette, diplômé de master 1 à l’École du Louvre Mathilde Vauquelin, diplômée de master 2 à l’École du Louvre Annie Verbanck-Piérard (A.V.-P.), conservatrice de la Section Grèce-Rome, Musée royal de Mariemont (Belgique) Marie-Christine Villanueva (M.-C.V.), chercheur honoraire au CNRS*, enseignante à l’École du Louvre, collaboratrice scientifique au musée du Louvre, département des Antiquités grecques étrusques et romaines * Archéologies et Sciences de l’Antiquité (ARSCAN) * Centre national de la recherche scientifique (CNRS) * École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS) * Institut national d’histoire de l’art (INHA)

Créations littéraires Carole Fives, artiste plasticienne, vidéaste, écrivaine et chroniqueuse d’art Georges Guillain, poète, critique à la Quinzaine littéraire et créateur du Prix des Découvreurs Nadine Ribault, écrivaine, poétesse et romancière Patrick Varetz, écrivain, romancier VIDEOS Arnaud Sannier, vidéaste, Ville de Boulogne-sur-Mer, service communication CREATION MUSICALE Conception : Dominique Vasseur Voix : Sofia Serdari

REMERCIEMENTS Ce livre doit son entreprise à l’engagement de M. Frédéric Cuvillier, ancien ministre, maire de Boulogne-sur-Mer, et de son conseil municipal, en particulier Mme Régine Splingard, adjointe au maire déléguée à la Culture. Sa réalisation a également bénéficié du soutien et de la confiance de la direction générale de la Ville et de la direction de la Culture. La préparation de ce catalogue a impliqué des chercheurs de tous horizons : musées, universités, Bibliothèque nationale de France (BNF), Centre national de la recherche scientifique (CNRS), École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS), École du Louvre, Institut national d’Histoire de l’Art (INHA). La dimension scientifique de l’ouvrage est accompagnée d’un regard artistique. Nous tenons à remercier : L’équipe de chercheurs réunie dans les années 1980-90 autour d’un catalogue manuscrit original de la collection de vases grecs. Ce travail a constitué le point de départ du présent ouvrage.

L’ensemble des auteurs de ce livre pour leur contribution absolument essentielle à ce projet, mais aussi pour la confiance et l’amitié qu’ils nous ont témoignées. L’équipe des éditions Invenit pour l’engagement sans faille de son directeur Dominique Tourte, ses conseils et sa créativité, ainsi que Christelle Leveugle pour la conception graphique de la maquette. L’équipe de Summum 3D, François Bougnières et Benoît Touchard. Arnaud Sannier pour les captations vidéo. Dominique Vasseur et Sofia Serdari. L’ensemble de l’équipe du musée et Mathilde pour son enthousiasme porteur. Ainsi que l’ensemble des institutions qui nous ont généreusement ouvert l’accès à leurs sources : Le Quadrant, réseau des bibliothèques de Boulogne-sur-Mer, Bibliothèque des Annonciades, Sandrine Boucher, Karine Jay. Archives municipales de Boulogne-sur-Mer, Karine Berthaud, Maxime Blamangin. Museo Archeologico Nazionale di Firenze (Polo Museale della Toscana), Mario Iozzo. Département d’archéologie de l’université de Zurich, Christoph Reusser. Deutsche Nationalbibliothek Leipzig. La Contemporaine (bibliothèque, archives, musée des mondes contemporains), Nanterre.


PARTIE I

Histoire et vie d’une collection


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L’état des sources ne permet pas aujourd’hui d’identifier précisément quelles sont ces œuvres remarquées au sein des guides de l’époque. Les chroniques comptent de nombreux et généreux donateurs (notables, marins…), tandis que parallèlement l’administration engage des achats peu fréquents par leur nombre mais d’importance par leur qualité et leur prix. L’acquisition de la collection de vases de Charles Louis Fleury Panckoucke en 1861 est un des exemples les plus emblématiques de cette volonté d’excellence et marque un tournant pour la collection grecque. Cet achat est par ailleurs révélateur de la volonté de constituer un musée d’importance comptant parmi les atouts touristiques de la station balnéaire alors en pleine expansion, mais aussi parmi les lieux de référence pour les savants européens. Le pari initial est réussi, plusieurs générations de spécialistes et amateurs font référence aux vases grecs et étrusques de Boulogne-sur-Mer, mais cette collection reste paradoxalement aussi renommée que méconnue5. Ce livre souhaite contribuer à faire connaître plus largement cet important ensemble des collections françaises. Au cœur des quelque 470 œuvres conservées, une quarantaine ont été choisies pour le présent ouvrage. La sélection opérée offre un aperçu représentatif de la richesse et de la diversité de ce fonds qui compte parmi les « trésors » de l’art grec conservés en région.

Genèse d’une collection ELIKYA KANDOT

« Votre galerie deviendrait une des plus précieuses pour l’histoire de la céramique. » Adrien de Longpérier, conservateur au musée du Louvre, 1861 En 1825, année de fondation de son muséum, Boulogne-sur-Mer se situe au croisement de Paris et Londres grâce au développement de nouvelles liaisons ferroviaires et maritimes. La cité portuaire réputée pour son activité de pêche prend désormais son essor avec le développement touristique. L’ouverture un an plus tôt d’un nouveau casino avec bains de mer propulse la ville parmi les stations balnéaires les plus modernes et les plus en vogue. Durant toute la première moitié du XIXe siècle, la ville investit dans le développement d’équipements culturels pour le loisir et l’instruction. Le muséum figure parmi ces institutions naissantes avec l’acquisition du cabinet de curiosités du peintre d’histoire naturelle Alexandre Isidore Leroy de Barde (1777-1828). Dès ses origines, le musée de Boulogne-sur-Mer compte des vases antiques dans ses collections. Parmi les quelque 2 640 pièces de la collection Leroy de Barde se trouvent, aux côtés des naturalia et exotica, « 80 vases et lampes antiques1 »dont une dizaine de vases provenant de Grande Grèce sont encore attribuables à cet ensemble aujourd’hui2. Nous ne connaissons aucune représentation de ce cabinet ni d’inventaire détaillé. L’artiste a toutefois réalisé une série de six aquarelles conservées au musée du Louvre représentant les étagères d’un cabinet de curiosités recomposé. Une de ces œuvres dédiée aux vases grecs et étrusques3 (fig. 1) témoigne du goût du peintre pour les céramiques antiques qu’il a notamment pu observer au sein de prestigieuses collections anglaises. Le jeune muséum poursuit tout au long du XIXe siècle sa vocation encyclopédique avec une politique d’acquisition tout à la fois ouverte et sélective. En 1859, la galerie dédiée aux Antiques présente « un grand nombre d’antiquités égyptiennes, grecques, celtiques, gallo-romaines », parmi lesquelles sont soulignés « des vases étrusques peints d’une grande élégance4 ».

5/ D ans les années 1990 un projet de catalogue des vases grecs du musée de Boulognesur-Mer est réalisé sous l’impulsion de François Lissarrague, avec le concours de : Irène Aghion, Martine Denoyelle, Françoise Gaultier, Daphné Gondicas, Jean-Jacques Maffre, Marie-Christine Villanueva. Manuscrit non publié, archives du musée de Boulognesur-Mer.

fig. 1

Alexandre Isidore Leroy de Barde, Vases grecs et étrusques, aquarelle et gouache, XVIIIe siècle , Paris, Musée du Louvre

1/ Morand François, L’année historique de Boulognesur-Mer. Recueil de faits et d’évènements…, Boulogne-sur-Mer, Mme Vve Deligny, 1859, p. 56. 2/ N ous remercions ici Louise Détrez et Joffrey Nogrette pour leurs recherches. Les vases portent les numéros d’inventaire 451, 453, 457, 458, 459, 460, 461, 477 et 583 (Reg. 3). 3/ Voir Verbanck-Piérard, 2003. 4/ B runet Ignace, Nouveau guide dans Boulognesur-Mer et ses environs, 4e éd., Boulogne-surMer, C. Watel, 1859, p. 58 (cité par J. Nogrette, 2019, p. 5)


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13 - Histoire et vie d’une collection fig. 1

Nicolas Henri Jacob (dessinateur), Pierre Langlumé (lithographe), C. L. F. Panckoucke, éditeur des Victoires des Français, du Dictionnaire des sciences médicales, lithographie, 1820, Leipzig, Deutsche Nationalbibliothek.

Heurs et malheurs de la collection Panckoucke FRANÇOIS LISSARRAGUE

La collection de vases grecs aujourd’hui conservée au musée de Boulognesur-Mer a une longue histoire ; elle comprend pour l’essentiel des vases achetés par la ville de Boulogne en 1861 aux héritiers de Charles Louis Fleury Panckoucke (1780-1844). Je voudrais évoquer ici à grands traits cet extraordinaire collectionneur ainsi que l’histoire de ses collections1. Il faut employer le terme au pluriel, car C. L. F. Panckoucke ne s’est pas contenté de collectionner les vases, comme on va le voir. Né en 1780, C. L. F. Panckoucke (fig. 1) appartient à une importante famille de libraires-imprimeurs parisiens venus de Lille2. Son père, installé à Paris en 1762, y développe une entreprise qui édite les œuvres de Buffon, une Encyclopédie méthodique en 162 volumes, mise à jour de l’Encyclopédie de Diderot. Correspondant de Voltaire, Charles Joseph Panckoucke défend l’esprit des Lumières et crée ce que l’on pourrait appeler un empire de presse, reprenant le Mercure de France et surtout fondant en 1789 Le Moniteur, qui sera le journal officiel de la France jusqu’à la fin du Second Empire. Son jeune fils fait d’abord des études littéraires et devient secrétaire de la présidence du Sénat avant l’âge de vingt ans. Il épouse en 1808 une jeune artiste, élève du peintre de fleurs Redouté, Ernestine Desormeaux, qui lui donne un fils, Ernest3. En 1813, C. L. F. Panckoucke devient directeur de l’entreprise familiale. Il connaît d’importants succès, parmi lesquels il retient lui-même quatre entreprises marquantes : à partir de 1812, il publie le Dictionnaire des sciences médicales, en 60 volumes, puis de 1817 à 1821 la collection en 27 volumes des Victoires et conquêtes des Français de 1792 à 1815 ; il réédite entre 1820 et 1830, en petit format, la Description de l’Égypte (26 volumes et 5 volumes de planches), popularisant ainsi une œuvre que le coût de la première édition rendait prohibitive. Enfin, il imprime à partir de 1828 une Bibliothèque latine-française, dans laquelle son fils Ernest traduit Horace et Phèdre (1834) et lui-même Tacite. Ces productions lui ont valu d’être nommé chevalier, puis officier de la Légion d’honneur. Grand bourgeois aisé, homme de lettres cultivé, C. L. F. Panckoucke est un ami des arts, un grand collectionneur ; fier de son œuvre, il en a donné une description sous forme d’une brochure éditée en 1841, au titre

1/ J e reprends ici sous forme réduite une étude intitulée « Entre livre et Musée, la collection Panckoucke », dir. A.-F. Laurens, K. Pomian eds., L’Anticomanie. La collection d’antiquités aux 18e et 19e siècles, Paris, 1992, p. 219-240. 2/ S ur cette famille, voir Tucoo-Chala, 1977 ainsi que Mollier, 1988. 3/ S ur E. Desormeaux, voir Cavalier, 2010.

interminable : Collection d’antiquités égyptiennes, grecques et romaines, d’objets d’art du XV e siècle, quatre cents vases et coupes grecs offrant par leurs sujets la série des travaux d’Hercule et des monuments homériques, manuscrits et éditions princeps, bibliographie de plus de mille éditions de Tacite, tableaux et gravures de diverses écoles, vitraux, meubles et détails de la vie civile et militaire des Chinois, réunis et classés par ordre des temps et des lieux avec les décors particuliers à chaque pays, par C. L. F. Panckoucke, officier de la Légion d’honneur. Il est difficile d’évaluer aujourd’hui l’importance des collections rassemblées par C. L. F. Panckoucke, car elles n’existent plus, pas plus que n’existe l’Hôtel de Thou où il demeurait et dont il donne la description. Situé au 14 de la rue des Poitevins, le bâtiment a été détruit en 1895, lors du percement de la rue Danton, dans le 6e arrondissement de Paris4. Nous ne pouvons que rêver, à partir de l’image qu’il cherche à en donner dans sa brochure. Si certaines descriptions peuvent paraître surestimées, notamment en ce qui concerne les tableaux, il nous reste quelques évocations, en particulier celle que l’on doit à Baudelaire dans sa « Morale du joujou » où il évoque une visite, alors qu’il était enfant et que Madame Panckoucke l’avait pris par la main pour le conduire dans une pièce de ce vaste hôtel particulier : « Elle ouvrit la porte d’une chambre où s’offrait un spectacle extraordinaire et vraiment féérique. Les murs ne se voyaient pas, tellement ils étaient revêtus de joujoux. Le plafond disparaissait sous une floraison de joujoux qui pendaient comme des stalactites merveilleuses… Il y avait là un monde de jouets de toute espèce, depuis les plus chers jusqu’aux plus modestes, depuis les plus simples jusqu’aux plus compliqués. Voici, dit-elle, le trésor des enfants… Choisissez.5 » Aux trésors de Madame Panckoucke semblent correspondre les trésors accumulés par son époux. C. L. F. Panckoucke qui, dans sa brochure, s’adresse à son petit-fils Arthur et insiste sur le caractère à la fois

4/ Hillairet, 1963, vol. 1, p. 410-411. 5/ Ch. Baudelaire, « Morale du joujou », Œuvres complètes, Bibliothèque de la Pléiade, I, Paris, 1975, p. 581.


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pédagogique et encyclopédique de ses collections : « J’ai voulu classer par siècles et par pays les objets que j’avais rassemblés, et j’ai vu avec plaisir cet ordre devenir une source d’instruction pour moi et pour mes amis.6 » Les collections s’étendent dans tout l’hôtel, avec des pièces spécialisées, comme autant de « petits musées » ; on traverse ainsi au premier étage une salle Écossaise, une Galerie de fleurs, une salle des Victoires (consacrée à la publication des éditions Panckoucke), une salle d’Égypte, une salle Gothique, une salle de Pompéi où se trouve un rappel de tous les auteurs latins édités par Panckoucke, une dernière salle enfin dite « cabane d’Atala » « parce qu’elle contient la plupart des objets si éloquemment décrits par le plus illustre de nos écrivains, M. de Chateaubriand ». Au second étage se trouve une galerie de tableaux avec 84 toiles, puis une salle consacrée à Tacite, dont C. L. F. Panckoucke a donné la traduction dans sa collection latine-française, et où l’on voit, outre le manuscrit de cette traduction, une collection d’environ mille éditions de Tacite. La description de cet étage se termine par une salle chinoise. Enfin, la grande salle du rez-de-chaussée et le parloir contiennent 420 vases grecs et plus de 100 tableaux. Les collections sont variées et abondantes ; le musée ainsi constitué présente un double caractère, à la fois proche des cabinets de curiosités de tradition classique et en même temps lieu de mémoire familiale, en partie organisé en fonction de la production éditoriale de Panckoucke. Haut lieu narcissique également qui met en valeur le manuscrit de la traduction de Tacite autant que les nombreuses éditions de cet auteur. En 1837, C. L. F. Panckoucke rédige son testament7 et prévoit des sommes importantes pour l’entretien de ses collections, demandant que rien n’y soit changé. En 1841, l’année où il publie la description que l’on vient d’évoquer, il ajoute de nouvelles dispositions à ce testament, dans lesquelles il prévoit de donner à la ville de Meudon, où se trouve sa résidence secondaire, les fonds nécessaires pour créer « un musée à fonder un siècle après ma mort ». Il donne le plan de ce musée, qui prendra la forme d’un temple grec, et prévoit dans la cour un tombeau égyptien où il sera enterré. Projet ambitieux, mégalomane pourrait-on dire, et qui n’aura pas de suite. C. L. F. Panckoucke meurt en 1844 ; sa femme Ernestine renonce à l’usufruit prévu par testament, et son fils lui établit une rente en lui laissant l’usage de l’hôtel rue des Poitevins, où elle mourut en 1860. La ville de Meudon accepta le legs de l’éditeur, mais le fils Ernest, après avoir versé le capital prévu par son père, tenta de se dérober au reste de ses obligations. En 1850, un jugement l’oblige à payer les arrérages d’une rente, mais le délivre de la donation du musée, son avocat ayant évoqué la personnalité dérangée de C. L. F. Panckoucke. À la mort de sa mère, Ernest vend la maison de Meudon ainsi que la collection de vases sur laquelle il est temps de s’arrêter un moment. Panckoucke a fait imprimer, sans doute vers 1836, un catalogue de ses vases, rédigé par L.-J.-J. Dubois, « dessinateur des antiquités égyptiennes au Musée Royal du Louvre ». Ce dernier est lié à Champollion qui l’engage au Louvre en 1826 quand le département dont il a la charge est créé. Dubois participe à l’expédition de Morée (ainsi qu’on appelait alors le Péloponnèse), mais tombe malade à Olympie et doit rentrer. Il est l’auteur de très nombreux catalogues d’antiquités égyptiennes, grecques et romaines. Le catalogue qu’il rédige pour Panckoucke est exceptionnel dans cette série de catalogues, car il concerne une classe unique d’objets, les vases, et il n’est pas fait pour préparer une vente, mais simplement pour mettre en ordre et en valeur la collection que Panckoucke est en

train de constituer. Le catalogue est modeste : 24 pages in 8°. Il adopte un classement thématique puis typologique, suivant cet ordre : Divinités (Minerve n° 1-8 ; Apollon n° 9 ; Mercure n° 10-13 ; Bacchus n° 14-57 ; Hercule n° 58-79) ; Histoire héroïque (n° 80-130) ; Mélanges (n° 131-218) ; Animaux (n° 219-241) ; Vases ornés d’arabesques (n° 242-295) ; Vases sans ornements (n° 296-341) ; Vases de fabrique étrusque (n° 347-367) ; Vases dits de fabrique égyptienne (n° 368-395) ; Vases de fabrique incertaine (n° 396-405) ; Supplément (n° 406-412). Un tel classement est courant dans les années 1830-1850. Il part d’une perspective iconographique – Dieux, Héros, Vie religieuse et quotidienne (ce qui est appelé « Mélanges ») – pour se diluer ensuite dans des sections plus vagues – Animaux, Arabesques, Vases sans ornement – et finir par des indications de « fabriques » qui restent débattues à cette date, les vases dits égyptiens correspondant à ce qui a depuis été reconnu comme étant corinthien. L’originalité du catalogue Panckoucke réside dans la planche dépliante qui l’accompagne ; elle sert à la fois à indiquer les formes de vases, mais aussi, en restituant – assez maladroitement du reste – l’ensemble de leur décor, à donner une idée de la collection (fig. 2). Il est difficile de préciser comment Panckoucke a commencé à acheter des vases ; lui-même indique que « cette collection a été acquise à grands frais pendant plusieurs voyages en Italie », et certains vases portent encore le

fig. 2

Planche de formes de l’Héracléide de C. L. F. Panckoucke, gravure, 1836 ?, Boulogne-sur-Mer, Le Quadrant, bibliothèque des Annonciades, fonds ancien, Inv. S1 3592.

6/ P anckoucke, 1841, p. 5. 7/ A rchives nationales, MCN, XII 719, 29/11/1844.


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sceau en cire du royaume de Naples et des Deux-Siciles autorisant leur exportation ; cela confirme une provenance d’Italie du Sud. Mais les vases les plus importants, du point de vue iconographique, proviennent des fouilles de Vulci et ont été achetés dans les grandes ventes qui se sont multipliées à partir des années 1830. On peut retracer ainsi certains achats de Panckoucke, lors d’une vente Campanari à Londres en 1832 (six vases) ; vente Canino à Paris en mars 1834 (huit vases) ; vente Durand à Paris en avril-mai 1836 (neuf vases) ; vente Canino à Paris, mai 1837 (cinq vases) ; vente Magnoncourt à Paris, avril 1839 (un vase) ; vente Canino à Paris, janvier 1840 (deux vases) ; vente Beugnot à Paris, mars 1840 (dix-sept vases) ; vente Canino à Paris, avril 1843 (cinq vases)8. On notera que les ventes Campanari et Canino proposent uniquement des vases provenant des fouilles de Vulci en Étrurie, menées soit par les frères Campanari, soit par Lucien Bonaparte, prince de Canino. Au vu de ses achats, on observe une inflexion vers 1836, au moment où Panckoucke imprime son catalogue. Il s’est en effet rendu compte qu’il possédait bon nombre de vases représentant les exploits d’Héraclès. En bon éditeur, il forme alors le projet de publier en souscription un recueil de ces vases, sous le titre Héracléide. Histoire d’Hercule, par C. L. F. Panckoucke, d’après les vases grecs de sa collection et de diverses collections avec un texte explicatif par le même et l’indication de tous les monuments de l’art relatifs aux travaux d’Hercule. Seul le prospectus de ce projet existe (fig. 3). Le titre s’inspire de ceux donnés par Raoul-Rochette à ses études dans les Monuments inédits parus en 1833 : Orestéide, Achilléide, Odysséide. Panckoucke annonce une publication in-folio de 22 planches à paraître en livraisons ; chaque mois, une planche accompagnée d’un texte de plusieurs pages formant une monographie du sujet sera livrée pour le prix de sept francs. Panckoucke a une conception intéressante du dessin tel qu’il l’envisage à travers sa critique des déformations néoclassiques de ses prédécesseurs : « Les sujets ont été calqués avec un soin minutieux. Un coloriage très exact complète l’illusion. En isolant le sujet du vase, il nous a semblé qu’on détruisait ce sentiment de l’antique qui avait présidé à leur création. De plus, on a, dans les ouvrages de Millin, de Tischbein et autres, représenté les sujets seulement au trait, ce qui leur ôte la physionomie originale ; on a été plus loin, on a fait copier ces traits par de jeunes artistes, très bon dessinateurs, et on les a laissés corriger les incorrections, les négligences des figures des vases ; enfin, pour parvenir davantage à s’éloigner de toute vérité, on a forcé le trait d’un côté, comme pour indiquer une ombre, c’est-à-dire un relief qui n’existait pas. » Ces remarques montrent à quel point Panckoucke était sensible à la qualité du dessin et aux procédés de reproduction qui ne devaient pas dénaturer l’original. Ce projet n’a pas abouti, mais on note qu’à partir de 1836 Panckoucke achète davantage de vases « héracléens » et cherche à se procurer des vases qui complètent la série des travaux qu’il possède déjà. Ainsi, dans le supplément au catalogue imprimé, les n° 406 à 412 sont tous des vases représentant Héraclès, achetés en particulier lors de la vente Durand. L’Héracléide n’a pas dépassé le stade du prospectus, tout comme le Musée Panckoucke de Meudon n’a jamais vu le jour. Mais la collection de vases n’a pas disparu. Au décès de sa mère, Ernest Panckoucke l’a vendue non pas aux enchères publiques, mais aux marchands Rollin et Feuardent, experts sur la place de Paris. Ils la proposent au Musée de Boulognesur-Mer, qui leur avait jusque-là acheté des monnaies. M. Marmin,

secrétaire de la commission du Museum, consulte entre autres le conservateur des antiquités au Louvre, Adrien de Longpérier9. La réponse de ce dernier est éloquente : « […] La collection est riche, intéressante… Si vous renonciez à l’affaire, je tâcherais d’acquérir pour le Louvre un certain nombre de vases qui nous manquent. À Rome on donnerait au moins 30 000 F de cette collection. Mais actuellement à Paris on est moins ardent pour la céramographie. J’estime le tout à 14 000 F avec la conviction qu’une vente publique produirait davantage. Je crois que M. Panckoucke a bien dépensé trois fois cette somme, mais c’était au temps de la ferveur. Si vous achetiez la collection, la Ville de Boulogne aurait la seule belle collection qui existe en dehors de Paris ; cela ferait une spécialité pour votre Musée que les savants d’Allemagne viendraient visiter après le Louvre.10 » Forte de cet avis, la Ville achète la collection pour la somme de 12 000 F, payable en six fois de 1862 à 1867. Le nombre exact de vases reçus alors est difficile à établir. Il n’y a pas eu d’inventaire précis avant 1874. Tous les vases ayant appartenu à Panckoucke ne se trouvent pas à Boulogne ; certains ont dû être vendus isolément par Rollin et Feuardent, d’autres ont été gardés par la famille. En août 1920, Georges Panckoucke, le petit-fils d’Ernest, écrivait au conservateur du Musée de Boulogne : « Je me rappelle avoir vu au Musée de Boulogne, où j’ai fait autrefois de fréquents séjours, une collection de vases étrusques connus sous le nom de collection Panckoucke. Si vous l’avez encore, il me reste dans mon appartement 5 ou 6 vases qui en proviennent et me paraîtraient devoir la compléter heureusement. Je serais tout disposé à vous les offrir.11 » Ainsi, les derniers vases Panckoucke, en particulier une merveilleuse amphore représentant Éros12, rejoignent en 1921 le reste de la collection, complétant un ensemble exceptionnel. Le geste généreux de l’arrièrepetit-fils de C. L. F. Panckoucke vient en quelque sorte compenser les réticences de son grand-père Ernest et d’une certaine façon recrée le lien entre édification du musée et culte des ancêtres cher à C. L. F. Panckoucke.

replacer par fig. 2 ou supprimer ? j’ai les deux indications dans le PDF

8/ Pour le détail de ces achats, voir Lissarrague, 1992.

9/ Boulogne-sur-Mer, Archives municipales R II Musée 9, PV séance du 19 août 1861. 10/ Il ne croyait pas si bien dire ; le premier article consacré aux vases de Boulogne-sur-Mer est paru en allemand, dans l’Archäologischer Anzeiger, 1889, p. 184187, sous la plume de Maximilian Mayer. 11/ Boulogne-sur-Mer, Archives municipales, R II Musée 1916-1930. 12/ Boulogne-sur-Mer, Inv. 656.R3 (ici cat. 1).


18 - Histoire et vie d’une collection

Étude historique et matérielle des vases Panckoucke : bilan provisoire LOUISE DÉTREZ

« Cette Collection est l’une de celles qui renferment proportionnellement le plus grand nombre de vases dignes du plus haut intérêt par leurs dessins1 », revendique le propriétaire2 ; elle « est extrêmement intéressante. J’ai pu identifier encore quelques pièces très anciennes », renchérit un siècle plus tard Nicolas Plaoutine3. Des travaux récents, comme le réexamen en cours de la consistance théorique, effective et matérielle du fonds Panckoucke, continuent de faire la démonstration de l’intérêt des provenances et de la qualité artistique des vases qui le composent4. LES VASES PANCKOUCKE : AVANT ET APRÈS Du catalogue à la collection La conformité de la numérotation des vases, fiable en général mais parfois faussée par de multiples facteurs, demande à être vérifiée systématiquement dans le catalogue Dubois (n° 1-405)5, puis dans son Supplément6 (n° 406-419), enfin dans le registre d’inventaire pour les numéros supérieurs. Manques et additions sont effectivement tôt repérés, l’absence d’inventaire en bonne et due forme est avérée à une date avancée, tandis que les destructions liées au premier conflit mondial ont nécessairement accru les difficultés d’identification7. « Remonter à l’origine des vases et les suivre au cours de leurs pérégrinations. » (Alfred Merlin)8 Les travaux de N. Plaoutine et l’étude magistrale que François Lissarrague a consacrée au cabinet Panckoucke en ont abondamment documenté la formation et la dispersion9. L’apport de travaux académiques récents, le recours à la Beazley Archive Pottery Database10 et l’établissement d’un tableau cumulatif structuré par les entrées du catalogue Dubois permettent de proposer quelques compléments. Reconnaître dans des vases portant un numéro inférieur à 405 des achats postérieurs à 183511 est contrefactuel, objectera-t-on. Les substitutions entre vases Panckoucke que soupçonnait M. Mayer12 paraissent pourtant autoriser cette hypothèse : dans le souci de faire correspondre systématiquement vases et entrées du catalogue, on aura probablement attribué

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abusivement certains numéros en nommant des remplaçants à la place de manquants – un procédé qui conduit à sous-estimer à la fois les absents et les surnuméraires13. La source d’approvisionnement du premier propriétaire connu de l’hydrie Inv. 410 est identifiée par Marie-Amélie Bernard d’après un dessin portant l’annotation « Basseggio da Campanari14 ». L’inestimable dépouillement par Isabelle Decise des procès-verbaux de ventes d’antiques dans la première moitié du XIXe siècle, en documentant de nouveaux achats Panckoucke15, permet de proposer des identifications susceptibles de rendre leur origine à plusieurs vases : - À la vente Révil de 183516, le lot n° 52, dont I. Decise17 indique qu’il est un achat Panckoucke, semble correspondre à Inv. 66718 ; n° 5419 à Inv. 448 ; n° 8320 à Inv. 474 ; n° 25221 à Inv. 422 ; n° 26022 à Inv. 51423 ; n° 50, dont Morgan Belzic indique qu’il est un achat Panckoucke à Inv. 65624. - À la vente Canino de 183725, le lot n° 16526 à Inv. 563. - À la vente Magnoncour de 183927, le lot n° 11528 à Inv. 576. - À la vente Canino de 184029, le lot n° 7730 à Inv. 9831. - À la vente Canino de 184332, le lot n° 8933 à Inv. 134 ; tandis que N. Plaoutine reconnaît dans le n° 2535 Inv. 44436 et M. Belzic dans le n°181, Inv. 51637. L’amphore Inv. 420 paraît enfin figurer sous le n° 3 du catalogue de la vente Canino – de livres majoritairement – tenue à Rotterdam en 184038. « Je suppose que je pourrai plus tard identifier d’autres vases qui auraient dû se trouver à Boulogne.39 » Parmi les vases Panckoucke n’ayant pas rejoint Boulogne-sur-Mer40, Dietrich von Bothmer, nous informe aimablement Joan R. Mertens, a reconnu Suppl. n° 407 dans une oenochoé ayant autrefois appartenu à la collection Hearst41 et Suppl. n° 416 dans l’hydrie 23.160.142 conservée au Metropolitan Museum de New York43. L’AMÉLIORATION PROGRESSIVE DE L’INTÉGRITÉ DES VASES PANCKOUCKE Depuis les restaurations d’après-guerre L’étude des fragments de la collection boulonnaise corrige progressivement le défaut d’intégrité de bien des vases à l’issue des campagnes de restauration du XXe siècle44. On doit notamment à J. Robert Guy l’association de nombreux tessons aux vases qu’ils complètent45, rendant souhaitables de futures interventions de conservation-restauration46. L’apparition de nouveaux fragments Le 15 décembre 2014, grâce aux souvenirs de Philippe Girot, concierge du musée, qui tenait l’information de son prédécesseur, deux sacs de tessons ont été retrouvés ; le 3 mars 2019 survenait la redécouverte avec Gaëlle Etesse, responsable du service des collections, de deux petits cartons contenant des fragments, bientôt rejoints par un élément supplémentaire. Ce matériel, que nous avons eu le bonheur de trier, non seulement complète des vases lacunaires47 mais encore fait réapparaître des fragments de vases réputés perdus48, dont les numéros d’inventaire se déduisent des notices du cat. Dubois. Il s’agit de la coupe n° 5249 (fig. 1), d’une amphore à col (n° 11450 ?), probablement de la coupe n° 16651, d’un cratère en cloche (n° 206 ?) et d’une coupe (n° 272, 426 ou 498)52.


20 - Histoire et vie d’une collection

21 - Histoire et vie d’une collection fig. 1

Attribuée à la manière du Peintre d’Epeleios (Beazley), coupe fragmentaire Inv. 52. R3. « Faces extérieures d’une coupe ; six éphèbes nus […] paraissent livrés à l’agitation qui précède l’ivresse […] tandis qu’un autre, plus faible ou moins sobre encore que ses compagnons, se courbe en épanchant une coupe qu’il tient à la main. […] Centre : un éphèbe marche en détournant la tête, et tenant de ses mains une coupe et des crotales. » (cat. Dubois, n° 52, p. 5).

fig. 3

Attribué au Peintre de Walters (Beazley), cratère à colonnettes Inv. 144.R3 (perdu ?). Cat. Dubois, planche de formes, vignette 52.

LE PRÉCIEUX SECOURS DE DESSINS ANCIENS Des dessins53 documentent des zones aujourd’hui manquantes54 : bornonsnous à évoquer le cas de la coupe Inv. 561 (cat. 20), déclarée « complète » en 182955, mais dont le dessin opportunément publié par Arthur Sambon en 1905 révèle par soustraction l’étendue des lacunes aujourd’hui (fig. 2). Bien plus, d’autres nous conservent le souvenir de pièces actuellement perdues, telles que la coupe n° 1056, l’amphore n° 6057, le fragment d’amphore n° 6658, le cratère à colonnettes n° 14459 (fig. 3), les coupes n° 18560 et 55661 (fig. 4). Peut-être ces relevés faciliteront-ils l’affectation des fragments qui réapparaîtraient. fig. 2

Mise en couleur des fragments manquants (les parties conservées laissées au trait) à la coupe Inv. 561.R3 (cat. 20), d’après Sambon, 1905, fig. 32.

fig. 4

Médaillon de coupe : satyre au thyrse et au kéras (corne à boire), Inv. 556.R3 (coupe perdue ?), Sambon, 1905, fig. 27, p. 280.


Notes 1/ Dubois, 1835, « Note d’un archéologue […] », p. 3. 2/ Lissarrague, 1992, p. 231, note 36. 3/ Lettre de N. Plaoutine, le 8 novembre 1936, musée du Louvre, DAGER. Nicolas Plaoutine (1893-1942), spécialiste de céramique grecque aux travaux précurseurs sur l’histoire des collections. 4/ J’exprime ma gratitude à M. Belzic, M.-A. Bernard, P. Billiard, C. Colonna, I. Decise, S. Delpierre, F. Donval, G. Etesse, P. Girot, E. Kandot, F. Lisarrague, T. Mannack, J. R. Mertens, V. Milande, M. Muratov, J. Nogrette, C. Ramio et M.-C. Villanueva-Puig. 5/ Désormais abrégé « cat. Dubois ». Le principe de la reprise des numéros du catalogue Dubois est énoncé en préambule au registre d’inventaire. 6/ Désormais abrégé « Suppl. ». 7/ Mayer, 1889, p. 184-185 ; Pottier, 1890, p. 68 ; Lissarrague, 1992, p. 236-238 ; Ramio, 2010 ; la contribution de J. Nogrette dans ce volume. 8/ Merlin, 1935, p. 53. 9/ Lissarrague, 1992, p. 231-240. 10/ Désormais abrégé « BAPD ». 11/ D ate de publication du cat. Dubois proposée par Lissarrague, 1992, p. 228 (confirmée par le Bullettino, 1835, p. 142). 12/ Mayer 1889, p. 184-185. 13/ Ainsi la coupe sans numéro correspondant au n° 169 du catalogue de la vente Canino 1843 (Lissarrague, 1992, p. 240) s’est-elle vu restituer le n° 11 par C. Ramio (2010). Il ne peut s’agir du cat. Dubois n° 11 « titulaire », dont le départ n’aura pas été enregistré (cf. Mayer 1889, p. 185 et Pottier 1890, p.67, note 1) : vacante, l’entrée n° 11 aura été remployée pour un nouvel arrivant, le registre d’inventaire livrant une sorte de mixte entre la lettre du catalogue et l’iconographie de la coupe Canino. 14/ Gerhard’scher Apparat, Berlin, XII, 16 : Bernard 2016, p. 368 et note 1379. Sur son appartenance à la collection Durand (De Witte, 1836, p. 102-103 n° 305) : Pottier, 1890, p. 96 ; Plaoutine, Cahier IX et Cahier d’Oxford ; Lissarrague, 1992, p. 239. 15/ Decise 2012, vol. 1, p. 65. 16/ 27-30 avril 1835 : Decise 2012, p. 19 et 97-108. 17/ Decise 2012, vol. 3, p. 97. 18/ En 1829, cette amphore découverte dans un tombeau de Nola faisait partie de la collection Durand : T. Panofka, Annali, I, 1829, p. 273 et note 1, Monumenti inediti, 1, 1829, pl. V, 4. Également : Reinach 1899, p. 63, n° 6. 19/ Decise, 2012, vol. 3, p. 97. 20/ Ibid. p. 99. 21/ Ibid. p. 107. 22/ Ibid. 23/ C. Ramio (2010) a rendu son numéro Inv. 514 à cette coupe qui, l’ayant perdu, avait reçu le numéro rétrospectif 2003.2.149 514. 24/ Il est attesté dès l’année suivante dans la collection Panckoucke : De Witte, 1836, p. 20, note 1 au n° 47. 25/ 8 mai 1837 et suiv. : Decise, 2012, vol. 3, p. 22 et 119-133. Je remercie M.-A. Bernard des renseignements qu’elle m’a fournis sur les ventes Canino. À propos de la dispersion

des vases : Buranelli, 1995 ; Bernard, 2016, p. 173-185 ; Giroux, 2002 ; Halbertsma et Van Heel, 2017 ; Nørskov, 2017. 26/ Ibid., p. 127. 27/ 17 avril 1839 et suiv. : Decise, 2012, vol. 3, p. 24 et 139-149. 28/ Ibid., p. 146. 29/ 1 3-16 janvier 1840 : Decise, 2012, vol. 3, p. 24-25 et 151-158. 30/ Ibid., p. 155. Également Plaoutine, Cahier d’Oxford. 31/ Différent, donc, de cat. Dubois n° 98. 32/ 4-8 avril 1843 : Decise, 2012, vol. 3, p. 27 et p. 183-197. 33/ Ibid., p. 188. 34/ Différent, donc, de cat. Dubois n° 1, cf. Mayer 1889, p. 185 et Pottier 1890, p. 67, note 1. 35/ Ibid., p. 184. 36/ Cahier d’Oxford. 37/ Un achat relevé par Decise 2011, vol. 3, p. 191. Par ailleurs Sambon 1905, p. 277. 38/ Catalogue d’une riche et belle collection de livres et de vases étrusques, etc. […] appartenant à Madame la Princesse de Canino dont la vente se fera le lundi 20 janvier 1840 et jours suivants […] à Rotterdam, p. 35, n° 3. Sur cette vente : Bernard, 2016, p. 183 ; Halbertsma et Van Heel, 2017, p. 57. 39/ L ettre de N. Plaoutine à É. Bosquillon de Jenlis, annexée à l’inventaire. 40/ M ayer, 1889, p. 184-185 ; Pottier 1890, p. 67 ; Plaoutine, Cahier VIII, p. 232 ; inventaire ; Lissarrague, 1992, p. 236-238. 41/ Suppl. n° 407 (cat. Durand, 1836, n° 272 : N. Plaoutine, Cahier d’Oxford ; Lissarrague, 1992, p. 239) manque à Boulogne-sur-Mer (Mayer 1889, p. 185 ; Pottier, 1890, p. 67, note 1 et inventaire) et doit correspondre à BAPD 303270 (ABV 427.26 ; Para. 183), acquise de Mikas, Segredakis et E. Brummer par la Brummer Gallery le 11 septembre 1935 et vendue à William R. Hearts le 1er avril 1936 (Cloisters Library and Archives, Metropolitan Museum of Art, Brummer Gallery Records : 18901996, P12066. Je remercie chaleureusement J. R. Mertens de m’avoir recommandé la consultation de cette source accessible en ligne). 42/ Vente Canino 1837, n° 85 (Lissarrague, 1992, p. 239), manque à Boulogne-sur-mer (Pottier, 1890, p. 67, note 1 et inventaire). 43/ L’association par Gerhard (1843, p. 194) de la coupe cat. Durand n° 257 (adjugée à F. de Magnoncour en 1836 à la vente Durand, puis acquise par Jarry sous le n° 52 à la vente Magnoncour en 1839, aujourd’hui New York, Metropolitan Museum 41.162.1 : J. De Witte, Supplément, p. 4 ; N. Plaoutine, Cahiers VII, IX et d’Oxford ; Decise 2011, vol. 3, p. 142) à la collection Panckoucke n’a pour l’heure pas pu être confirmée. Je remercie vivement J. R. Mertens et Maya Muratov des recherches approfondies qu’elles ont menées à ce sujet. 44/ Voir les contributions de C. Merlin et J. Nogrette dans ce volume. 45/ P armi d’autres sans doute, identifiés par des étiquettes rondes : Inv. n° 18, 70, 125, 126. 46/ S ignalons encore le cas des coupes Inv. 11 et 153 (non marquées : Ramio, 2010) ou de l’olpé 112.

47/ L e cratère en cloche Inv. 36, la coupe-skyphos 77 (cat. 7), l’amphore 87 (identification de F. Lissarrague), l’amphore 90, la péliké 122, l’oenochoé 158, l’amphore 413 et l’hydrie 417 (voir Pottier, 1890, pl. XV). 48/ I ls figurent dans la liste des objets détruits (Delagneau, 1960) et ont été déclarés « non retrouvé[s] » lors du récolement : Ramio, 2010. 49/ Mayer, 1889, p. 185 ; ARV2, 150.34. 50/ À son sujet : Mayer, 1889, p. 186. 51/ À son sujet : ibid., p. 185 et Sambon, 1905, p. 278. 52/ V oir Mayer, 1889, p. 185, renvoyant à Klein, 1887, p. 73, n° 5, lui-même à Gerhard, 1831, n° 694 et De Witte, 1848, p. 80, n° 7 ; Sambon, 1905, p. 277-278. 53/ E ntre autres, cat. Dubois, planche de formes (cf. Pottier, 1890, p. 67, note 1), Inv. 35 : vignette 43 (« intact », vente Canino 1834, n° 45, p. 9, cf. Lissarrague, 1992, p. 239 ; toutefois Sambon, 1905, p. 275) ; Pottier, 1890, Inv. 126 (sur son marquage erroné : Ramio, 2010) : pl. XIII, 1, et Inv. 158 : pl. XIII, 2 ; Sambon, 1905 : Inv. 370 : fig. 8, p. 269. 54/ C ertains fragments constitutifs seraient toutefois vainement recherchés, les comptes-rendus des interventions de Jacques Bousquet par Robert Delagneau précisant que de nombreux vases incomplets étaient repeints (archives du musée). Voir les contributions de J. Nogrette et C. Merlin dans ce volume. 55/ B onaparte 1829, n° 563 p. 76, qui « appel[le] complets les vases dont on a trouvé et réuni tous les fragments » (ibid., p. 4). 56/ L enormant, De Witte, 1858, pl. LXXV, recopiée par Jean-Baptiste Muret, Recueil de monuments antiques, vol. 4, pl. 7 (je remercie Cécile Colonna de m’avoir généreusement donné accès à la plateforme de travail du Digital Muret). Sur cette coupe : De Witte, 1840, p. 65, note 1 ; Lenormant, De Witte, 1857, p. 114, note 4 ; 1858, p. VIII, 207-208, 246 et note 2 ; Sambon, 1905, p. 277. 57/ C at. Dubois, planche de formes, vignette 46 : Pottier, 1890, p. 67, note 1 (sans certitude Sambon, 1905, p. 277), et peut-être n° 71 : vignette 48 (manque à Boulogne-sur-Mer : Mayer 1889, p. 185 ; Pottier loc. cit. et inventaire). 58/ D e Witte, 1838, p. 123 et pl. C, que N. Plaoutine (Cahier XXII et annotation de l’exemplaire de Reinach, 1922, p. 352 numérisé par l’INHA) identifie avec le n° 2 du florilège de la collection Panckoucke par J. De Witte (Bullettino, 1834, p. 241 – un terminus ante quem pour son acquisition). À son sujet, également Mayer, 1889, p. 185. 59/ C at. Dubois, planche de formes, vignette 52 ; sans doute ARV2 279.2. 60/ S ambon, 1905, p. 278 et fig. 29 p. 280 : ARV2 151.61. Également Mayer, 1889, p. 187. 61/ S ambon, 1905, p. 278 et fig. 27, p. 280 : sans doute n° 556 (ARV2 133.18 pourrait renvoyer plutôt à Inv. 93). À titre d’hypothèse et au prix d’erreurs : vente Canino 1840 n° 47 ? Un achat Panckoucke signalé par Decise, 2011, vol. 3 p. 154 et N. Plaoutine, Cahier d’Oxford.


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