AIDS Support and Technical Assistance Resources
Démonstration des résultats du programme « Répondre aux besoins des populations les plus à risque dans la région MENA » en utilisant l’approche du changement le plus significatif
Rapport régional Avril – Juin 2012
DATE : 8 juillet 2013 La publication de ce document a été rendu possible grâce au le soutien du Plan d’urgence du Président des États-Unis pour la lutte contre le SIDA (PEPFAR) et l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) sous l’accord de coopération N° GHHI-00-0700068-00. Les opinions exprimées ici sont la seule responsabilité du projet AIDSTAR-Two et ne reflètent pas nécessairement celles d’USAID ou du gouvernement américain.
Submitted to USAID by Management Sciences for Health
TABLE DES MATIÈRES
Liste des abréviations ....................................................................................................... 3 Remerciements................................................................................................................. 4 Résumé exécutif ............................................................................................................... 5 Introduction ..................................................................................................................... 8 I. Contexte ...................................................................................................................... 10 I.1. La séroprévalence chez les HSH vivant dans la région MENA .............................................. 10 I.2. La législation relative aux rapports sexuels entre hommes ................................................. 13 I.3. Les partenaires du programme MENA ............................................................................... 14 I.4. Le programme MENA en quelques chiffres et dates clés .................................................... 16
II. Méthodologie du projet de démonstration des résultats du programme MENA ........... 20 II.1. L’approche du changement le plus significatif ................................................................... 20 II.2. Déroulement du projet de démonstration des résultats (avril-juin 2012) ........................... 21
III. Résultats du programme MENA à travers l’analyse des « histoires significatives » sélectionnées .................................................................................................................. 23 III.1. Changements au niveau du vécu des bénéficiaires ........................................................... 23 III.2. Changements au niveau de l’accès à des services adaptés ................................................ 29 III.3. Changements au niveau du vécu des éducateurs pairs ..................................................... 33 III.4. Changements au niveau des associations partenaires ...................................................... 38 III.5. Changements au niveau de l’environnement ................................................................... 45
Conclusion : l’impact du programme MENA .................................................................... 51 Bibliographie .................................................................................................................. 54 Annexes.......................................................................................................................... 55 Annexe 1. Déroulement du projet de « démonstration des résultats » – Avril-juin 2012 ........... 55 Annexe 2. Profil des répondants ............................................................................................. 57 Annexe 3. Outils de collecte des données ................................................................................ 58 Annexe 4. Enseignements du projet « démonstration des résultats »....................................... 65 Annexe 5. Liste des équipes d’enquêteurs ............................................................................... 69
LISTE DES ABREVIATIONS AMSED APCS ATL MST/SIDA CDV CPS DCP EP HSH IEC IHAA IST LGBT MARP MENA MST NU ONG ONUSIDA OPALS OPV OSC PNLS/MST PVVIH SIDA SIDC TS UDI USAID VIH
Association Marocaine de Solidarité et de Développement Association de Protection Contre le SIDA Association Tunisienne de Lutte contre les MST et le SIDA Conseil et dépistage volontaires Approche du changement le plus significatif Diagnostic communautaire participatif Éducateur pair Hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes Information, éducation et communication International HIV/AIDS Alliance (l’Alliance) Infections sexuellement transmissibles Lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels Most-at-risk populations (populations les plus à risques) Middle East and North Africa (Moyen-Orient et Afrique du Nord) Maladies sexuellement transmissibles Nations Unies Organisation non gouvernementale Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA Organisation Panafricaine de Lutte contre le SIDA Oui pour la Vie Organisation de la société civile Programme national de lutte contre le SIDA et les MST Personne vivant avec le VIH Syndrome de l’immunodéficience acquise Association Soins Infirmiers et Développement Communautaire Travailleurs/travailleuses du sexe Utilisateurs de drogue par voie intraveineuse United States Agency for International Development Virus de l’immunodéficience humaine
Rapport régional sur le changement le plus significatif dans la région MENA
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REMERCIEMENTS Le présent rapport a été élaboré dans le cadre du programme régional intitulé « Répondre aux besoins des populations les plus à risque dans la région MENA » (ci-après le « programme MENA »), géré par le programme AIDSTAR-Two et soutenu par le Bureau pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord et le Bureau VIH/SIDA de l’Agence des États-Unis pour le Développement International (USAID). Le Programme MENA est mis en œuvre par l’Alliance Internationale contre le SIDA à travers AIDSTARTwo. Ce rapport est le produit d’un projet de documentation qualitative des résultats du programme MENA mené entre avril et juin 2012. Il a été rédigé par Senim Ben Abdallah, avec la contribution de Gaelle Mulot. Manuel Couffignal, coordinateur régional et Catherine Simmons, responsable du programme pour l’Alliance, ont révisé et complété le rapport. Nous exprimons notre gratitude aux organisations partenaires de ce projet : Association de Protection Contre le SIDA, Association Marocaine de Solidarité et de Développement, Organisation Panafricaine de Lutte contre le SIDA, sections de Rabat et de Fès, Association Tunisienne de Lutte contre les MST et le SIDA – section de Tunis, Helem, Oui pour la Vie et Soins Infirmiers et Développement Communautaire, pour leur investissement dans la réalisation de ce projet. Nos remercions les coordonnateurs pays, Nadia Badran (Liban), Said Kharouiche (Maroc), Bilel Mahjoubi (Tunisie) et Omar Ouhaddad (Algérie), pour leur appui à ce projet ainsi que les enquêteurs pour leur investissement dans la réalisation du travail de terrain et la transcription des entretiens. Nous remercions également les répondants, bénéficiaires et éducateurs pairs en Algérie, au Liban, au Maroc et en Tunisie, qui nous ont livré leur perception sur divers aspects de leurs parcours. Nous leur rendons hommage pour leur accueil chaleureux, le temps qu’ils nous ont offert et leur collaboration. Nous tenons à remercier spécialement les représentants d’institutions clés au Liban et en Tunisie pour leur témoignage. Nous remercions tout particulièrement Jennifer Mason, conseillère Santé au Bureau Asie et MoyenOrient d’USAID, pour ses commentaires et son soutien durant le processus de rédaction. En enfin, nous adressons nos sincères remerciements à Elizabeth Walsh du programme AIDSTAR-Two pour sa relecture du rapport.
Les opinions et observations exprimées dans ce rapport sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles des institutions impliquées dans la réalisation de projet. Les déclarations et propos cités dans le présent rapport sont les opinions et perceptions des personnes interrogées et doivent être considérées comme telles. Les noms des répondants dont les témoignages ont été rapportés dans ce rapport ont été changés pour des raisons de confidentialité, à l’exception des noms des personnes représentant des institutions.
RESUME EXECUTIF Documentation des résultats du programme MENA en utilisant l’approche CPS Depuis 2004 et avec le soutien d’USAID, l’Alliance met en œuvre en partenariat avec des associations de la société civile en Algérie, au Liban, au Maroc et en Tunisie un programme régional qui vise à répondre aux besoins en santé sexuelle et prévention des IST/VIH des hommes ayant des rapports sexuelles avec des hommes (HSH). Actuellement, les trois résultats intermédiaires du programme « Répondre aux besoins des populations les plus à risque dans la région MENA » (ci-après « programme MENA ») sont : 1. étendre l’accès aux services de prévention du VIH et du SIDA, soins et le soutien pour les HSH ; 2. améliorer la qualité des services de prévention, de soins et de soutien fournis aux HSH ; 3. contribuer à créer un environnement plus favorable pour la réponse aux besoins des HSH en matière de santé sexuelle et de prévention du VIH. Le présent rapport a pour vocation de documenter les principaux changements engendrés par ce programme de prévention ciblant les HSH. Il s’inscrit dans le cadre d’un cycle d’appui technique aux associations partenaires mis en œuvre entre avril et juin 2012 et ayant pour thème la démonstration des résultats des projets à base communautaire. Dans le cadre de ce travail, l’approche méthodologique du « Changement le plus significatif » (CPS) a été adoptée pour appréhender les transformations engendrées par le programme dans les quatre pays concernés. Cinq « domaines de changement » ont été retenus : changements induits par le programme 1) au niveau de la population cible, 2) au niveau de leur accès à des services de prévention et de soins, 3) au niveau des éducateurs pairs impliqués dans le programme, 4) au niveau des organisations partenaires et 5) au niveau de l’environnement. Le travail sur le terrain s’est déroulé en mai 2012. Un total de 84 entretiens a été réalisé auprès de 41 bénéficiaires, 23 éducateurs pairs impliqués dans l’accompagnement des HSH, 15 représentants des associations partenaires et 5 représentants d’agences de la riposte nationale au SIDA. Le présent rapport présente et analyse les données recueillies relatives aux 19 histoires sélectionnées comme étant les plus significatives lors de groupes de discussions organisés dans chaque pays. Les résultats du programme MENA en Algérie, au Liban, au Maroc et en Tunisie. L’Association de Protection Contre le SIDA (APCS) à Oran en Algérie, l´Association Tunisienne de Lutte contre les MST et le SIDA (ATL) à Tunis en Tunisie, l’Association Soins Infirmiers et Développement Communautaire (SIDC), Helem et Oui pour la Vie (OPV) à Beyrouth et Damour au Liban, et l’Association Marocaine de Solidarité et de Développement (AMSED) et l’Organisation Panafricaine de Lutte contre le SIDA (OPALS) à Rabat et Fès au Maroc sont parmi les très rares associations de la région qui répondent aux besoins de santé des HSH. Elles ont progressivement développé une expertise dans l’accompagnement de cette
population et la facilitation de leur accès à des services de santé et sociaux adaptés à leurs besoins. Les différents témoignages recueillis auprès des bénéficiaires ont permis de mettre l’accent sur le développement personnel (compétences de vie, estime de soi et confiance en soi) des HSH grâce notamment à la mise en place d’espaces d’accueil conviviaux dans les locaux de la plupart des associations partenaires. De nombreux HSH interrogés ont déclaré avoir amélioré leur confiance et acceptation de soi et s’être engagés dans la lutte contre l’homophobie grâce au soutien et à l’accompagnement des associations. Pour nombre d’HSH, les espaces associatifs mis à leur disposition à Rabat, Fès, Oran, Beyrouth et Tunis constituent un lien social qui leur donne l’occasion d’échanger des informations et des expériences sans craintes, sans se sentir jugés, où ils peuvent acquérir de nouvelles connaissances et accéder à de nombreux services adaptés. Beaucoup des bénéficiaires interrogés – y compris des HSH vivant avec le VIH – indiquent avoir trouvé un lieu de parole et de tolérance dans les locaux des associations partenaires. Le programme a également considérablement amélioré l’accès des HSH à des services de prévention et de prise en charge adaptés : accès aux préservatifs et dépistage et conseils gratuits et anonymes, accès à un médecin, orientation vers des services spécialisés notamment dans la prise en charge des IST, soutien psychosocial, éducation par les pairs visant, entre autres, la promotion de pratiques sexuelles à moindre risque. Le programme a par ailleurs contribué à l’apparition de comportements préventifs parmi la population HSH. Nombre de bénéficiaires ont souligné l’apport du travail de ces associations en ce qui concerne l’amélioration de leurs connaissances, la correction d’informations et idées fausses vis-à-vis du VIH/SIDA. Les entretiens réalisés ont mis en relief l’adoption de comportements préventifs par le recours à un usage régulier du préservatif et au test de dépistage parmi certains bénéficiaires. La mise à la disposition du préservatif et du lubrifiant ainsi que la mise en place d’approches d’éducation par les pairs se sont avérées être des orientations adéquates pour impliquer et responsabiliser les HSH. La mobilisation communautaire et l’implication des HSH sont un autre acquis essentiel du programme MENA. Les associations partenaires ont tissé des liens, formé et intégré dans leurs équipes des membres de la communauté des HSH, leur permettant ainsi de passer de bénéficiaires à acteurs impliqués dans la mise en œuvre des actions de prévention les concernant. Cette inclusion aide cette population à lutter contre la stigmatisation tout autant que les services de soutien psychosocial, les activités de sensibilisation et plaidoyer. Nombre d’HSH mobilisés dans le cadre de ce programme sont devenus des acteurs de la riposte au SIDA dans leur pays (représentants HSH à l’instance de coordination nationale, responsables de projets de prévention, etc.). Le plaidoyer pour un environnement favorable constitue un autre acquis important. Les associations partenaires ont mené de nombreuses activités pour créer les conditions favorables pour une meilleure compréhension et prise en considération des besoins spécifiques de la population HSH, le plus souvent invisible. Le plaidoyer régulier des associations a contribué à faire parvenir la voix d’HSH aux intervenants œuvrant dans le domaine de la promotion de la santé afin que ces derniers reconnaissent la nécessité de
prendre en considération la question des rapports sexuels entre hommes dans la riposte au SIDA, et faire des HSH une cible de santé publique prioritaire tant en terme d’accès à l’information qu’en terme de soins dans les programmes nationaux de lutte contre le SIDA. Les pouvoirs publics ont davantage pris conscience de la vulnérabilité et des besoins des HSH à travers ce programme. La sensibilisation de leaders religieux, notamment en Algérie et au Liban, a également contribué à briser le silence autour de la question rapports sexuels entre hommes dans le domaine religieux. Enfin, le travail de ces associations a contribué à sensibiliser la population générale. La sensibilisation et le réseautage avec les services de santé et sociaux contribuent à briser le silence autour de la question des HSH. En rendant visible une population qui ne l’était pas, le programme a joué un rôle indéniable dans l’avancée des droits et l’amélioration de la qualité de vie des HSH dans les sites concernés.
INTRODUCTION Le VIH dans la région MENA La région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (plus usuellement appelée par son abréviation anglaise MENA) a un faible taux de prévalence du VIH (actuellement 0,2 % chez les adultes de 15 à 49 ans). Malgré cela, il existe dans la région différents facteurs de risque pour le VIH, notamment une population jeune et fortement mobile, la pauvreté, les inégalités, y compris entre les sexes, la consommation de drogues, l’allégement du contrôle social des individus et la discrimination à l’égard des populations clés. Des taux de prévalence du VIH significatifs sont déjà signalés au sein de différentes populations clés dans plusieurs pays.1 Dans cette région, les comportements qui favorisent la propagation de l’épidémie du VIH sont principalement sexuels. La riposte au SIDA nécessite de faire face à des comportements d’ordre privé et, dans certains cas, des comportements considérés comme illégaux et condamnés par la loi, tels que les rapports sexuels entre hommes et le commerce du sexe. Les interdits socioculturels ainsi que le risque de discrimination associé poussent beaucoup d’hommes ayant d’HSH à dissimuler leurs pratiques, y compris aux professionnels de santé. Le dépistage, la prise en charge et le traitement du VIH et d’autres infections sexuellement transmissibles s’avèrent donc particulièrement complexes. Dans ce contexte, il y a encore peu de programmes dans la région ciblant spécifiquement les HSH. Répondre aux besoins des HSH dans la région MENA : le Programme MENA Mis en œuvre en partenariat avec des associations en Algérie, au Liban, au Maroc et en Tunisie, le programme MENA vise à répondre aux besoins des HSH et à les accompagner. Depuis 2008, le programme proposent des activités de prévention des IST et du VIH qui prennent en compte les vulnérabilités particulières des HSH, encouragent le partage d’expériences à travers la région, et influencent l’environnement institutionnel et organisationnel en faveur d’une réponse forte au VIH aux niveaux local, national et régional. Il a permis de créer des programmes de sensibilisation dans plus de 10 sites dans les pays dans lesquels les organisations partenaires mettent en œuvre un ensemble de services de prévention combinée visant les HSH et ce, conformément aux bonnes pratiques internationales. Les interventions incluent, entre autres, l'éducation par les pairs, la fourniture de produits de prévention, le conseil et le dépistage volontaire, l’orientation vers des services de diagnostic et traitement des IST, et le soutien juridique et social. Le projet de « démonstration des résultats » du programme MENA Dans le cadre du programme MENA, l’Alliance a mené entre avril et juin 2012 un cycle d’appui technique ayant pour thème la « démonstration des résultats pour les projets à base communautaire ». Cet appui technique avait pour objectif de former les associations partenaires à la collecte, l’analyse et l’exploitation de données qualitatives, et d’appuyer leurs efforts en matière de documentation et d’évaluation interne des changements au niveau communautaire. Les évaluations de mi-parcours ou de fin de projet traditionnelles utilisent généralement les données quantitatives (rendement/production : effet immédiat). Il est cependant plus rare de documenter les effets à plus moyen terme des projets. La question clé qui pourrait guider la présente démarche pourrait être celle-ci : la situation aujourd’hui serait-elle la même si le projet n’avait pas existé (en
1
Nous nous referons aux informations telles que présentées par la Banque Mondiale dans le rapport Characterizing the HIV-AIDS Epidemic in the MENA, Time for strategic action (2010) et le rapport d’ONUSIDA Regional Report on AIDS in the MENA (2011)
gardant à l’esprit que d’autres projets et organisations ont pu jouer un rôle dans les changements observés) ? Pour compléter leur système d’information de routine, les partenaires du programme MENA ont convenu de documenter les changements induits par le programme à différents niveaux, tels que : -
Niveau individuel : Qu’est-ce qui a évolué dans le parcours des bénéficiaires du programme MENA, soit ici les HSH et les éducateurs pairs ? Niveau accès aux services : Qu’est-ce qui a évolué concernant leurs accès aux services ? Les usagers ont-ils connu des changements dans ce domaine ? Niveau institutionnel, organisationnel : Qu’est-ce qui a évolué au niveau de l’organisation ? De quelle manière cette dernière a-t-elle bénéficié du programme ? Niveau environnemental : Quels sont les changements dans la riposte au SIDA engendrés par le programme ?
Le présent rapport est le fruit de ce projet de documentation participative et qualitative. Il a pour vocation d’identifier les changements les plus significatifs engendrés par le programme MENA
I. CONTEXTE I.1. La séroprévalence chez les HSH vivant dans la région MENA La région MENA : l’une des deux régions du monde où l’épidémie se développe le plus rapidement Seulement deux pour cent du total du nombre estimé de personnes vivant avec le VIH (PVVIH) résident dans la région MENA et les données épidémiologiques disponibles à travers la région indiquent de faibles niveaux continus d’infection par le VIH dans la population générale. Toutefois, la situation épidémiologique, en particulier chez les populations les plus à risque (MARP) ou les populations clés, a commencé à soulever de sérieuses préoccupations, notamment avec la publication en 2010 d’un rapport de la Banque mondiale.2 Plus récemment, le Rapport régional sur le SIDA publié par l’ONUSIDA en 20113 a souligné que, malgré une séroprévalence globale demeurant faible, de récentes estimations indiquent que le MENA est l’une des deux régions où l’épidémie se développe le plus rapidement. La hausse du nombre estimatif de PVVIH est vraisemblablement le résultat d’une prévalence accrue du VIH chez les populations clés plus exposées et de la transmission en aval du virus à un plus grand nombre d’individus généralement moins exposés à l’infection. Au cours de la dernière décennie, les estimations annuelles de nouvelles infections ont presque doublé tout comme la mortalité liée au SIDA. L’épidémie du VIH reflète la diversité de la région, caractérisée, d’une part, par le fait que différentes populations sont gravement affectées à différents endroits et, d’autre part, des attitudes, politiques, engagements politiques, une disponibilité des services de VIH et un accès à ces derniers variés. Si dans certains pays, l’épidémie est principalement concentrée chez les utilisateurs de drogue par voie intraveineuse, dans d’autres, elle affecte les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes ou les travailleurs/travailleuses du sexe ; une forte proportion de femmes vivant avec le VIH aurait été infectée par leurs conjoints aux comportements à haut risque ; les travailleurs migrants comptent également parmi les populations vulnérables. Dans les pays disposant de données de meilleure qualité, l’hétérogénéité et la diversité de l’épidémie est visible. Au Maroc, par exemple, l’épidémie est concentrée chez les utilisateurs de drogue par voie intraveineuse à Nador, dans la partie septentrionale du pays (où 17,9 % d’entre eux vivent avec le VIH) et chez les HSH au Sud (voir ci-dessous). Une faible couverture des programmes de prévention ciblant les populations clés Selon le rapport de l’ONUSIDA pour 2011, la riposte actuelle se caractérise par une faible couverture des programmes de prévention ciblant les populations clés, ce qui contribue à limiter les connaissances sur le VIH et à accroître les comportements à risque au sein de ces populations. Toutefois, il existe une prise de conscience croissante de l’importance de travailler avec ces populations dans la région et l’on s’efforce de plus en plus de comprendre les problèmes et de s’attaquer aux faiblesses. 2
« Caractériser l’épidémie du VIH/sida au Moyen-Orient et en Afrique du Nord : la nécessité d’une action stratégique », Banque mondiale, 2010. 3 Rapport régional sur le SIDA au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, ONUSIDA, 2011.
Malgré des progrès réalisés par les pays de la région MENA ces dernières années, la disponibilité, l’accessibilité et la qualité des interventions de santé diffèrent. Le conseil et dépistage du VIH demeure néanmoins un défi de taille. Le rapport de l’ONUSIDA note, qu’entre 1995 et 2008, seulement 4 % de tests ont été réalisés pour les populations clés exposées à un plus grand risque. Dans la majorité de la région, le dépistage du VIH est n outre obligatoire et même si le conseil et le dépistage volontaires disponibles sont de qualité, l’accès pour les MARP n’est pas toujours simple, principalement en raison de la stigmatisation, la discrimination, l’engagement et les capacités limités des organisations de la société civile (OSC) travaillant avec ces populations et de structures existantes insuffisamment adaptées aux leurs besoins. Dans tous les pays de la région, on note une insuffisance du leadership politique et l’existence de la stigmatisation et de la discrimination. Ces dernières constituent notamment l’une des principales raisons qui expliquent que les personnes vivant avec le VIH et les populations clés n’ont pas accès aux services essentiels de VIH. De nouvelles preuves de l’existence d’une épidémie concentrée chez les populations d’HSH Une stigmatisation prédominante fait des HSH une population en grande partie cachée et touchée de manière disproportionnée par l’infection par le VIH comparativement à la population générale de la région. Jusqu’à récemment, les données étaient quasiment inexistantes ; mais des preuves s’accumulent désormais sur l’épidémiologie du VIH chez les HSH du MENA. La faculté de médecine Weill Cornell a mené une étude intitulée « Are HIV Epidemics among MSM Emerging in the MENA? » (Assiste-t-on à une émergence de l’épidémie du VIH chez les HSH de la région MENA ?)4, étude publiée en 2011. Les auteurs ont relevé que l’épidémie du VIH chez les HSH est manifeste dans plus de la moitié des pays de la région, assortie de preuves d’une épidémie concentrée dans plusieurs pays, notamment en Tunisie et au Maroc (voir ci-dessous). Dès 2008, la contribution de la transmission par les HSH au total des cas de VIH signalés dépassait 25 % dans plusieurs pays. Les niveaux élevés de comportements à risque, le faible taux général d’utilisation régulière du préservatif (généralement en deçà de 25 %), la fréquence relative du commerce du sexe par les hommes (entre 20 et 76 %) et le cumul important avec un comportement hétérosexuel à risque sont préoccupants et laissent penser qu’une propagation plus étendue est possible. Les auteurs soulignent l’urgence d’étendre la surveillance du VIH et l’accès aux services de dépistage, de prévention et de traitement du VIH afin de prévenir une transmission plus accrue du VIH chez les HSH dans la région. Un autre rapport de la Banque mondiale intitulé « The Global HIV Epidemics among MSM » (L’épidémie mondiale du VIH chez les HSH)5 souligne que les HSH vivant dans la région MENA sont exposés à un risque élevé, en raison des pratiques sexuelles à haut risque, des faibles niveaux d’utilisation du préservatif et de connaissances insuffisantes sur le VIH. La prévalence du VIH chez les HSH en Algérie, au Liban, au Maroc et en Tunisie Le tableau ci-dessous résume les données disponibles sur le nombre estimé de PVVIH et la prévalence du VIH chez les populations clés des quatre pays couverts par le projet MENA, tel qu’indiqué dans le dernier rapport régional de l’ONUSIDA : 4
« Are HIV Epidemics among MSM Emerging in the MENA? » Évaluation systématique et synthèse des données, Mumtaz G, et aL, PloS Med, 2011. 5 « The Global HIV Epidemics among MSM », Banque mondiale, 2011.
Tableau 1. Données sur les populations clés des pays de la région MENA couverts par le projet Nombre estimé de PVVIH
Algérie 13 000-24 000
Liban 2 700-4 800
Maroc 19 000-34 000
Tunisie 1 800-3 300
(estimation basse-haute, données de fin 2009)
Séroprévalence parmi les populations clés
UDI : n/d TS : 4 % HSH : n/d
UDI : n/d TS : n/d HSH : 2 %
UDI : 17,9 % (Nador) TS : 3 % HSH : 5,6 % (Agadir) 2,8 % (Marrakech)* 59 % (Agadir) 31,3 % (Marrakech)
UDI : 3 % TS :0,4 % HSH : 13 %*
HSH déclarant avoir utilisé un n/d 46 % 36 % préservatif lors du dernier rapport sexuel Source : Rapport d’ONUSIDA sur le SIDA au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, 2011, sauf *
*D’autres données ont été rendues disponibles. En Tunisie, l’on estime à 13 % le nombre d’HSH qui vivent avec le VIH. Cette conclusion découle d’une étude nationale biocomportementale réalisée en 2011 par ATL, partenaire de projet d’USAID, pour le compte du ministère de la Santé et de la Lutte contre le SIDA. Fait notable, cette étude, qui a porté sur un échantillon de 1 100 HSH, a eu recours à une méthodologie d’échantillonnage plus rigoureuse et a porté sur une population bénéficiant d’un accès plus accru que lors de l’étude précédente réalisée en 2009. L’étude de 2009 avait déjà indiqué une inquiétante prévalence de 5 % chez les HSH. Dans cette étude, la surveillance active a été réalisée auprès de 1 778 HSH en Tunisie et elle a révélé que les pratiques à haut risque d’exposition au VIH étaient courantes. Plus précisément, plus de 90 % de ces personnes ont signalé avoir eu de multiples partenaires de sexe masculin au cours des six précédents mois et près de 75 % de personnes dans l’échantillon ont indiqué avoir eu des rapports sexuels anaux non protégés dans la même période. L’on note également une prévalence des pratiques bisexuelles, 69 % de l’échantillon indiquant avoir eu des rapports sexuels avec des femmes. En outre, 92 % ont indiqué avoir eu des rapports sexuels non protégés avec au moins un partenaire de même sexe et une partenaire sexuelle au cours sur cette même période. Malgré un accès aux préservatifs assez élevé, son utilisation était limitée, avec moins de 20 % de personnes indiquant les utiliser toujours avec leurs partenaires de sexe masculin et près de 50 % indiquant avoir utilisé des préservatifs lors de rapports sexuels transactionnels. Seulement 15,6 % ont indiqué qu’ils utilisaient des lubrifiants pendant les rapports sexuels avec des hommes. Et seuls 34 % des personnes interrogées ont déclaré avoir déjà subi un test de dépistage du VIH. De même, les données disponibles au Maroc sont une source d’inquiétude. Une récente étude bio-comportementale publiée par le ministère de la Santé indique que la prévalence chez les HSH a atteint 6 % à Agadir et 3 % à Marrakech, marquée par de faibles taux d’utilisation du préservatif pendant les rapports sexuels à risque et de faibles niveaux de dépistage du VIH. Des programmes de prévention ciblant les HSH se développent actuellement dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre le SIDA pour 2012-2016, laquelle cible pour la première fois de manière explicite les HSH comme une population
prioritaire. Le gouvernement et plusieurs organisations à base communautaire assurent la fourniture des services. Au Liban, la faible quantité de données disponibles indique que les HSH constituent une population à haut risque. Moins de 50 % des HSH ont indiqué avoir utilisé un préservatif avec leur dernier partenaire masculin et 30 % des HSH ont subi un test de dépistage du VIH au cours des 12 derniers mois et connaissaient leur statut sérologique. Ces évaluations ont confirmé une prévalence de pratiques à risque assorties de niveaux de connaissance limités chez les HSH au Liban. Ces données confirment que certains pays de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord évoluent vers une épidémie concentrée, en particulier chez les HSH.
I.2. La législation relative aux rapports sexuels entre hommes Dans beaucoup de pays de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, les rapports sexuels entre hommes sont loin d’être perçus comme une affaire privée, car parce que la frontière entre libertés individuelles et ordre social et public demeure floue. Aussi, les rapports sexuels entre hommes continuent d’être interdits moralement et condamnés par la loi. En Algérie, l’article 338 du Code pénal indique que : « Tout coupable d’un acte d’homosexualité est puni d’un emprisonnement de deux mois à deux ans et d’une amende de 500 à 2 000 DZD [7 USD - 27 USD]. Si l’un des auteurs est mineur de dix-huit ans, la peine à l’égard du majeur peut être élevée jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 10 000 DZD [130 USD] d’amende. » Au Liban, le Code pénal de 1943, modifié en 2003, stipule dans son article 534 : « Les relations sexuelles contre nature sont punies d’emprisonnement pour une durée entre un mois et un an, et d’une amende entre 200 000 et un million de livres libanaises [170 USD 670 USD]. » Au Maroc, l’article 489 du Code pénal condamne « les actes licencieux ou contre nature avec un individu du même sexe ». L’homosexualité est punissable de six mois à trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 120 à 1 200 dirhams [14 USD - 140 USD]. En Tunisie, l’article 230 du Code pénal, dans sa version française, précise que la sodomie entre adultes consentants peut conduire à une peine de prison allant jusqu’à trois ans. Les termes de cet article ne précisent pas le sens de la sodomie. Mais, le texte arabe, qui fait foi, « traduit » la sodomie, utilisée comme dans le texte français, en spécifiant l’homosexualité masculine « al-liouat » et l’homosexualité féminine « al-mousahaka ». « Ces précisions apportées par le texte arabe montrent une intention ferme d’incriminer le comportement homosexuel masculin ou féminin »6. Dans les quatre pays, la question de la dépénalisation des rapports sexuels entre hommes semble se heurter à une certaine résistance socioculturelle et politique. L’omniprésente 6
FERCHICHI Wahid, L’homosexualité en droit tunisien, Entre l’incrimination du code pénal et le droit au respect de la vie privée, Tunis, p. 4 (non publié).
homophobie à l’encontre des HSH continue d’influer sur les politiques et les programmes. La stigmatisation et la discrimination à l’égard de cette population représentent toujours un réel obstacle à son accès aux services de santé sexuelle et au respect de ses droits humains. Selon l’étude « Homosexualité bisexualités : Mythes et réalités », nombre d’hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes au Liban vivent de grandes souffrances : « menaces de mort, humiliations, chantages, agressions, marginalisations, discriminations, rejets, dépressions, tentatives de suicide, honte, culpabilité, haine de soi, vies affectives ruinées, isolement, sont le lot de la plupart des personnes ouvertement ou secrètement homosexuelles vivant dans une société telle que la nôtre, homophobe et hétérosexiste »7. En dépit de l’interdiction juridique, beaucoup d’hommes dans la région continuent à avoir des rapports sexuels avec des hommes pour plusieurs raisons (attirance sexuelle pour les hommes, absence de femmes, recherche de profit,…) et certains d’entre eux multiplient les partenaires sexuels masculins, tout en ayant parfois également des partenaires sexuels féminins.
I.3. Les partenaires du programme MENA Le programme MENA est mis en œuvre par huit associations partenaires. Ces associations sont présentées dans le tableau ci-dessous. Tableau 2. Présentation des associations partenaires du programme MENA Pays
Association APCS Association de Protection contre le SIDA
Algérie
HELEM Protection Libanaise des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres Liban
7
Principes et mission Mission : promouvoir la santé de l’individu, des communautés et le bien-être de la cellule familiale dans une société saine et équilibrée. Principes fondateurs : 1. Droits humains et équité 2. Prise en compte des contextes sociaux et culturels 3. Accès universel 4. Partenariat Mission : Helem mène une lutte pacifique pour la protection des lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels (LGBT) contre toutes sortes de violations des droits civils, politiques, économiques, sociaux, ou culturels. Principes fondateurs : Droits des LGBT
Axes d’intervention sur le VIH - Prévention et sensibilisation concernant le VIH/IST - Prise en charge médicale et psychosociale - Plaidoyer et défense des droits des PVVIH et populations clés et plus particulièrement la lutte contre la stigmatisation et la discrimination
- Plaidoyer pour la suppression des articles du Code pénal libanais qui condamnent l’homosexualité - Développement d’outils spécifiques sur l’éducation et la santé sexuelle des LGBT - Prévention du VIH et des IST - Prise en charge globale des PVVIH
RABBATH Maha, Homosexualité bisexualités : Mythes et réalités, Beyrouth, Helem, p. 6.
SIDC Soins Infirmiers et Développement Communautaire
OUI POUR LA VIE
AMSED
Maroc
OPALS Sections de Fès et de Rabat
Mission : répondre aux besoins de santé de la jeunesse, des personnes âgées les plus vulnérables à travers l’autonomisation de la communauté. Principes fondateurs : approche des droits permettant d’atteindre les groupes plus démunis et les plus marginalisés de la population Mission : atteindre les personnes démunies et les jeunes afin d’identifier leurs besoins et les appuyer dans leur réalisation
- Sensibilisation de la population générale et des groupes vulnérables - Appui social, médical et financier aux personnes vivant avec le VIH et leurs familles
- Aider les personnes ayant des besoins spécifiques, y compris les HSH - Orientation des personnes en détresse vers les organismes adéquats - Éducation et sensibilisation des jeunes - Prévention du VIH
Principes fondateurs : explorer de manière proactive les besoins des populations clés et y répondre Mission : renforcer les - Renforcement institutionnel : capacités des individus et des contribuer au leadership de la organisations société civile dans la mise en communautaires à soutenir le œuvre des interventions de développement humain local développement humain durable au niveau local Principes fondateurs : - Santé : contribuer à réduire la solidarité ; justice sociale ; vulnérabilité aux IST/SIDA en partenariat ; tolérance; intégrant la prévention dans gouvernance. les programmes de développement - Éducation : instaurer un environnement favorable pour une éducation de qualité - Environnement : renforcer les capacités de plaidoyer des OSC en faveur de l’environnement Mission : promouvoir la santé - Action à base communautaire sexuelle et génésique et - Prévention pour les populutter contre le VIH par la lations vulnérables : jeunes, prise en charge médicale et femmes, populations clés psychosociale, la prévention, - Soutien médical et la défense du droit à la santé psychosocial pour les afin d’améliorer la qualité de personnes infectées et vie de la population affectées par le VIH et le SIDA
ATL MST/SIDA – section de Tunis Tunisie
Mission : contribuer à la - Lutter contre la propagation du riposte nationale au VIH en VIH/SIDA et réduire son impact Tunisie et réduire son impact à tous les niveaux à tous les niveaux - Soutenir les personnes vivant avec le VIH et le SIDA Principes fondateurs :approche communautaire participative
I.4. Le programme MENA en quelques chiffres et dates clés Le programme MENA concerne quatre pays : l’Algérie, le Liban, le Maroc et la Tunisie. Il a été pendant longtemps difficile d’y aborder la question des HSH dans le cadre de la riposte nationale au VI et au SIDA, essentiellement en raison de la pénalisation de cette pratique sexuelle. Sans compter que l’expression même ne semble pas trouver un consensus au sein de cette population hétérogène8. Le programme a connu deux phases différentes, résumés ci- dessous. Première phase (2005-2007) Diagnostic communautaire et renforcement des capacités des associations partenaires Le renforcement des capacités de six organisations de la société civil e et la prestation de services de prévention du VIH/IST aux HSH : l’Alliance a développé de nouveaux partenariats avec cinq organisations de la société civile et introduit des projets spécifiques de prévention auprès des HSH en Algérie, au Maroc, en Tunisie et au Liban. Le partenariat existant au Maroc (avec AMSED et ALCS/Association de Lutte contre le SIDA) a été renforcé et le travail de prévention à destination d’HSH amélioré. L’appui technique fourni a permis de renforcer les capacités des organisations partenaires en gestion de projet, en suiviévaluation et transmission de rapports, ainsi que dans les domaines techniques spécifiques relatifs à la prestation de services appropriés pour les HSH. L’utilisation des outils de diagnostic communautaire participatif pour développer des programmes adaptés : des analyses participatives communautaires ont été conduites dans chaque pays, en collaboration avec les organisations de mise en œuvre. Ces analyses ont été 8
L’expression « hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes » a l’avantage de couvrir une population qui ne se limite pas seulement aux personnes qui se définissent en tant qu’homosexuels, renvoyant davantage à un phénomène comportemental qu’à un groupe spécifique de personnes, sachant que dans le contexte du VIH/sida, le comportement à risque, importe bien plus que l’identité sexuelle. L’expression englobe des groupes variés tels que les « homosexuels », les « gays », les « bisexuels », les hommes offrant leurs services sexuels aux hommes. Ces termes renvoient à des constructions identitaires qui diffèrent d’un groupe et d’un contexte socioculturel à un autre. En effet, certains HSH ne s’identifient pas aux « homosexuels ». Dans certains contextes socioculturels, ils ont le sentiment de devoir se revendiquer comme hétérosexuels afin de préserver leur « identité » masculine. Le silence et la stigmatisation entourant le sexe entre hommes, même au sein de leurs propres communautés, augmentent l’invisibilité des HSH dans le contexte plus large. Il n’existe donc pas une seule et unique catégorie d’hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, mais plutôt plusieurs combinaisons de pratiques sexuelles.
animées par des groupes d’HSH formés au préalable (190 au total), avec le soutien de partenaires locaux et l’appui technique de l’Alliance. Les membres de la communauté des HSH avaient une place centrale dans l’instance de décision de chaque projet. Ceci a permis d’assurer la légitimité et l’appropriation du travail par la communauté. Cette approche a aussi encouragé les organisations à intégrer les besoins des HSH dans leur travail de prévention général. Encart 1 : le Diagnostic Communautaire Participatif (DCP) Qu’est-ce qu’un DCP ? Le diagnostic communautaire participatif (DCP) est un processus dynamique de responsabilisation des populations dans l’identification des problèmes, la hiérarchisation des besoins et la planification des actions de développement communautaire. Cet exercice s’organise par le biais de réunions avec des membres de la communauté afin de discuter autour des thèmes décidés à l’avance. Une fois les informations collectées, elles sont analysées pour mettre en place des programmes ou projets qui répondent au mieux aux besoins qui ont été identifiés avec et par la communauté. Un DCP est la première étape de la mise en place d’un programme à base communautaire suivant les principes directeurs de la participation, de l’équité et de la transparence. Il doit toujours déboucher sur une action concrète à mener avec et pour les populations cibles. Le DCP initié dans les quatre pays a exploré les connaissances, attitudes et comportements des HSH et de leurs partenaires sexuels par rapport aux sujets suivants : la santé sexuelle ; les infections sexuellement transmissibles ; le VIH/SIDA ; l’homosexualité et les rapports sexuels entre hommes ; l’information disponible sur ces sujets ; le rôle de la famille, de la communauté et les prestataires de services. les dynamiques relationnelles entre hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et les interactions existantes entre ces derniers et leur environnement. Le DCP s’est intéressé en particulier la question de la vulnérabilité des HSH par rapport aux IST, au VIH/et au SIDA. Il est à noter que les problèmes les plus graves et les plus fréquents qui ont été évoqués lors de ces diagnostics ont été : la faible disponibilité des préservatifs et lubrifiants ; le manque d’information sur la sexualité et les IST, le VIH et le SIDA ; les infections sexuellement transmissibles ; le manque de services de santé sexuelle ; la discrimination dont sont victimes les HSH.
Accroître l’accès aux services pour les HSH et soutenir le développement d’un environnement propice aux projets : les projets dans les quatre pays ont permis aux HSH d’être directement impliqués à chaque étape du programme, depuis l’analyse initiale des besoins jusqu’au développement et à la mise en œuvre des activités, et l’évaluation de la phase initiale. Le programme fournit des services de prévention essentiels tels que la distribution de préservatifs et de lubrifiants, le soutien par les pairs et la diffusion d’informations sanitaires de base. Un système intégré d’orientation a été développé ou renforcé dans chaque site du projet afin d’améliorer l’accès des HSH aux services de santé et
autres services. Au cours de cette première phase, environ 20 000 HSH et partenaires de santé furent touchés ; une soixantaine de formations et appuis techniques furent proposés ; 50 000 préservatifs et 10 000 sachets de lubrifiants furent distribués. La création de liens au niveau régional et le partage des expériences et enseignements entre pays : les organisations de la société civile dans les quatre pays ont créé des liens entre elles en établissant une plateforme de discussion, d’entraide et d’apprentissage au sujet de la prévention axée sur les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. Deuxième phase (2008-2012) Prévention combinée, éducation par les pairs, plaidoyer contre la stigmatisation et la discrimination La deuxième phase du programme a commencé fin 2008 et est actuellement mise en œuvre dans le cadre du programme AIDSTAR-Two. Cette phase s’appuie sur les enseignements de la phase pilote. Les partenaires cherchent à consolider, renforcer et étendre la couverture des activités existantes9. Les domaines principaux d’intervention sont : le travail de plaidoyer aux niveaux national et régional, le renforcement des capacités des partenariats régionaux en prévention axée sur les HSH et autres populations à risque et la lutte contre la stigmatisation et la discrimination. Il s’agit par le biais de ces actions de renforcer et de pérenniser une réponse au VIH adaptée aux besoins de cette population aux niveaux national et régional. Actuellement, les trois résultats intermédiaires du programme MENA sont : 1 étendre l’accès aux services VIH/SIDA pour les HSH (prévention, soins et soutien) ; 2 améliorer la qualité des services de prévention, de soins et de soutien ; 3 contribuer à créer un environnement plus favorable pour la réponse au VIH/SIDA et les services de prévention, de soins et de soutien. Les associations partenaires proposent aux HSH un ensemble de services de prévention combinée : éducation par les pairs, fourniture de produits de prévention, conseils et dépistage volontaire, orientation vers des services de diagnostic et traitement des IST, et soutien juridique et social :
9
Au Maroc, ALCS ALCS/Association de Lutte contre le Sida s’est retiré du projet et AMSED a créé un nouveau partenariat avec OPALS/Organisation Panafricaine de Lutte Contre le Sida
Tableau 3. Services fournis aux HSH par les partenaires du programme MENA Services fournis
Travail de proximité
Centres d’accueil des associations partenaires
Information et sensibilisation : prévention, connaître son statut sérologique, IST, stigmatisation, où aller (essentiellement par des éducateurs pairs) Fourniture de préservatifs Fourniture de lubrifiants Dépistage VIH – rapide Dépistage VIH – non rapide Pré et post test VIH et conseils Diagnostic et traitement des IST Soutien juridique/conseil Soutien psychologique et social : groupe de soutien de pairs, conseil individuel par un psychologue, médiation familiale, conseil juridique par un avocat
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Orientation vers des services (publics ou d’autres ONG)
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II. METHODOLOGIE DU PROJET DE DEMONSTRATION DES RESULTATS DU PROGRAMME MENA L’approche du « changement le plus significatif » a été adoptée en vue d’appréhender les transformations engendrées par les actions initiées au profit des HSH en Algérie, au Liban, au Maroc et en Tunisie. Cette approche privilégie la méthode qualitative : il s’agit de s’interroger sur le sens donné par les acteurs concernés aux transformations vécues et perçues. Il s’agit par ailleurs d’une approche participative permettant aux associations partenaires d’être parties prenantes du processus de collecte des données ainsi que du processus d’analyse et de validation des résultats.
II.1. L’approche du changement le plus significatif L’approche du changement le plus significatif (CPS) 10 est une méthodologie de suivi et d’évaluation participative. Elle est utilisée dans les contextes communautaires et de développement en adoptant notamment la méthodologie qualitative. Elle vise à réunir les points de vue (histoires) des répondants et à les analyser d’une façon inductive. Elle rassemble les idées et les perceptions des répondants à partir de données individuelles. Les « histoires » recueillies forment la base des données elles sont analysées et discutées afin d’identifier les changements clés qui ont lieu au cours d’un projet. Le contenu de l’entretien doit être traité de façon confidentielle, et sauf autorisation accordée par le répondant, l’ensemble de ce contenu doit rester anonyme. L’approche CPS vise à saisir la perception d’efficacité et d’impact par le biais de : - la collecte d’histoires relatives aux changements les plus significatifs de terrain ; - la sélection d’histoires clés ; - la discussion approfondie des changements identifiés dans les histoires retenues, lors d’un ou de plusieurs groupes de discussion. - la vérification des histoires clés pour s’assurer de leur exactitude.
10
Nous nous sommes inspirés de « La Technique du « changement le plus significatif » (CPS), Guide de l’utilisateur », élaboré par Rick Davies et Jess Dart, avril 2005.
Illustration extraite de « La Technique du « changement le plus significatif » (CPS), Guide de l’utilisateur ».Voir note de bas de page n° 10.
Lors de l’utilisation de cette approche, il est recommandé d’identifier des thématiques tôt dans le processus de collecte des données : ces thématiques sont généralement appelées « domaines de changement » ou, en d’autres termes, les grandes thématiques pour lesquelles il faut collecter des données. Afin de refléter les trois résultats intermédiaires attendus du programme MENA mentionnés précédemment, cinq domaines de changement ont été retenus : - changements au niveau du « vécu » des HSH – Bénéficiaires ; - changements au niveau de l’accès de la population HSH aux services (ex : préservatifs/lubrifiants, dépistage, soutien juridique, etc.) - Accès aux services - changements au niveau de l’expérience et du vécu des éducateurs pairs mobilisés et impliqués dans le projet – Éducateurs pairs ; - changements au niveau des capacités et expérience des organisations impliquées dans le projet – Organisation ; - changements au niveau de l’Environnement -Environnement. Des guides d’entretien ont été élaborés pour recueillir des informations sur les changements les plus significatifs liés à ces thématiques (voir Annexe 3).
II.2. Déroulement du projet de démonstration des résultats (avril-juin 2012) Le tableau ci-dessous résume les principales activités menées entre avril et juin 2012 pour réaliser la documentation des résultats du programme MENA en utilisant l’approche CPS (le déroulement détaillé est présenté en Annexe 1) :
Tableau 4. Activités relatives au CPS du programme MENA Activité
Objectif principal
Lieu
Période
Atelier régional de formation de formateurs
Présentation de l’approche du CPS, de la conception des outils et planification du travail sur le terrain
Tunis
23 – 26 avril 2012
Collecte des données
Réalisation, traduction et transcription des entretiens
Algérie, Liban, Maroc, Tunisie
Mai 2012
Groupes de discussion : analyse participative des données et sélection des histoires
Sélection des histoires recueillies et échange autour des enseignements
Beyrouth, Oran, Rabat, Tunis
Mai 2012
Atelier régional de validation des histoires sélectionnées et échange sur les enseignements
Validation des histoires et échange autour des enseignements
Rabat
21 – 22 juin 2012
Deuxième analyse et rédaction des rapports
Rédaction des rapports régionaux et nationaux
Travail au bureau
Juillet – septembre 2012
III. RESULTATS DU PROGRAMME MENA A TRAVERS L’ANALYSE DES « HISTOIRES SIGNIFICATIVES » SELECTIONNEES Cette partie présente les données recueillies relatives aux 19 histoires retenues par les partenaires du programme MENA pour ce rapport régional, lors de l’atelier de travail organisé en juin 2012.
III.1. Changements au niveau du vécu des bénéficiaires En ce qui concerne le domaine « Bénéficiaires », 54 histoires ont été recueillies dans les quatre pays auprès de 39 bénéficiaires et 15 éducateurs pairs. Les thématiques évoquées par les répondants sont variées. Plusieurs répondants ont parlé de l’amélioration de leurs connaissances à propos du VIH/SIDA et de leur prise de conscience des risques courus. Dans nombre de témoignages, l’utilisation du préservatif et du lubrifiant, le recul de l’isolement et l’amélioration de la confiance en soi et de l’estime de soi ont été cités comme les changements les plus significatifs qui ont marqué les parcours des répondants. Au cours de l’atelier régional organisé en juin 2012, les partenaires du programme MENA ont sélectionnés 4 histoires, qui reflètent les changements les plus significatifs dans l’expérience et le vécu des Bénéficiaires. Tableau 5. Liste des thématiques abordées par les répondants des histoires sélectionnées : N°
Code
1
AB1
2
LB4
Profil du répondant Ahmed, 22 ans, sans emploi, célibataire, se définit comme bisexuel
Said, 28 ans, sans emploi, célibataire, se définit comme HSH et homosexuel (travailleur du sexe)
Changements les plus significatifs dans les expériences des bénéficiaires Amélioration des connaissances relatives aux IST, au VIH/SIDA Recul de l’isolement, de la solitude, la clandestinité et du repli sur soi Développement de la confiance en soi et de l’estime de soi Engagement dans la lutte contre l’homophobie Sensibilisation des homophobes au respect des HSH Développement du courage pour se défendre Plus grand sens de la responsabilité pour défendre la cause des HSH Amélioration des capacités de négociation avec les clients Adoption d’une sexualité protégée Prise de conscience des risques liés au VIH/SIDA Développement de l’attachement/confiance à l’association Recul de l’isolement (avoir peur, se sentir mal dans sa peau…) Assertivité sociale (amélioration de la confiance en soi et de l’estime en soi et développement des capacités de négociation avec les clients) Amélioration des connaissances (VIH/SIDA, CDV, droits humains) Adoption d’une sexualité protégée
3
MB1
Najib, 26 ans, étudiant, célibataire, se définit comme homosexuel
4
TB1
Chaker, 31 ans, gestionnaire, célibataire, se définit comme gay
Meilleure prise de conscience des risques Adoption d’un comportement préventif (préservatif, test de dépistage) Responsabilisation Amélioration de la confiance en soi Engagement du partenaire sexuel pour la prévention Attachement/confiance à ATL MST/SIDA – section de Tunis Liberté d’expression plus importante Développement de la solidarité entre les HSH Amélioration de la confiance en soi Amélioration de l’estime de soi Recul de l’isolement Engagement dans la vie associative et dans l’activisme pour la défense des droits
L’histoire d’Ahmed en Algérie En Algérie, l’équipe d’APCS a sélectionné à l’histoire d’Ahmed, âgé de 22 ans, sans emploi, célibataire, en raison de l’éclairage qu’elle a pu apporter sur les changements les plus significatifs engendrés par le programme mis en place en faveur des HSH. APCS a également estimée que l’histoire d’Ahmed était la plus riche en informations et la plus détaillée parmi les récits recueillis auprès des bénéficiaires en Algérie. Comme dans le parcours de beaucoup d’HSH, l’histoire sélectionnée d’Ahmed révèle que l’estime de soi a du mal à se développer chez cette population dans un contexte hostile aux rapports sexuels entre hommes. En effet, le sentiment de rejet connu par nombre d’HSH serait à l’origine de leur méfiance de l’autre et de leur manque de confiance en soi. Le sentiment de culpabilité chez ces personnes renforce le rejet de soi. Dans ses déclarations, Ahmed exprime son malaise à cause du rejet des HSH par la société, notamment pour ceux qui sont perçus comme « efféminés ». Il décrit son ancienne vie : « Quand j’ai découvert mon homosexualité, j’ai découvert l’homophobie, j’ai vécu ma sexualité dans l’isolement, la solitude et la clandestinité et le repli sur soi (je suis très efféminé) par crainte de la stigmatisation, peur du rejet par ma famille mes proches, j’ai vécu caché en raison des tabous et des préjugés sociaux (cette société conservatrice, où les pratiques homosexuelles sont sévèrement réprimées). » L’histoire sélectionnée révèle que certains HSH adoptent des pratiques qui les conduisent à nier leur liberté individuelle, leurs rêves et leurs aspirations en échange d’une reconnaissance sociale. Dans ce contexte, la protection dans la vie sexuelle est loin une priorité. Ce bénéficiaire d’APCS décrit son vécu avant d’avoir connu l’association : « Le mépris, le harcèlement psychologique, la faible estime de moi fragilisaient ma personnalité me conduisant à la dépression, dépression qui m’a conduit à prendre des risques lors de mes rapports sexuels. En clair, il est difficile d’avoir envie de se protéger et de protéger les autres quand on pense ne pas en valoir la peine. » En raison de leur peur de la stigmatisation et de la discrimination, les HSH se replient souvent sur eux-mêmes ; ils ne font pas confiance aux institutions, notamment
gouvernementales. Remédier à cette situation a constitué pour APCS un défi majeur. Pour Ahmed, l’acceptation de soi a nécessité non seulement une détermination personnelle, mais aussi un soutien psychosocial fourni par APCS. Il livre son expérience : « La mise à disposition des HSH d’un psychologue m’a permis de lutter contre la timidité, ce complexe d’infériorité dont j’ai souffert et qui m’a rongé pendant toute mon adolescence. Le changement le plus significatif [pour moi] reste le travail sur l’estime de moi, la confiance en moi et l’assurance. Je m’assume enfin en tant qu’homosexuel, je m’accepte, je ne me laisse plus insulter, je réponds aux provocations, je me défends, je défends la cause de ma communauté, je sens qu’on me respecte plus. » Dans le parcours de ce bénéficiaire, l’acceptation de soi et l’amélioration de la confiance en soi et de l’estime de soi sont des facteurs déterminants dans la prise de conscience des risques courus ayant trait aux infections sexuellement transmissibles, y compris le VIH/SIDA, et l’adoption d’une sexualité protégée. Ce dernier déclare : « Ce qui a changé en moi : j’ai appris les précautions nécessaires et utiles à prendre pour me protéger et aussi protéger mes partenaires (les arguments nécessaires) pour négocier le port du préservatif, pour savoir résister à la pression des clients, comment gérer au mieux la frustration résultant d’un refus avec un partenaire occasionnel. » L’engagement d’APCS en faveur des HSH ne cesse de croître. Cette association a participé au développement personnel de nombre d’HSH grâce, entre autres, au soutien psychosocial fourni. Il s’agit d’une expérience pionnière en Algérie qui a contribué de faire sortir de l’ombre cette population considérée pendant longtemps, à juste titre, comme étant invisible en lui permettant de bénéficier d’actions spécifiques en vue d’un meilleur accompagnement en matière de santé sexuelle. L’histoire de Said au Liban Pour l’équipe libanaise, l’histoire de Said, âgé de 28 ans, sans emploi, célibataire, qui se définit en tant que HSH et homosexuel, a sélectionné parce qu’elle a estimé que c’était la plus riche en informations et la plus détaillée parmi les récits recueillis auprès des bénéficiaires.
On retrouve dans les histoires d’un grand nombre d’HSH une crainte en filigrane. Dans son parcours, Said a connu la peur en raison de son orientation sexuelle. L’accès de Said au statut du bénéficiaire auprès d’Helem au Liban l’a aidé à gérer ce sentiment. Pour lui, Helem représente un repère vers lequel il peut se tourner en cas de besoin ; il s’agit d’un lieu d’accueil, un point de convergence pour diverses populations qui, sans cela, ne se serait probablement jamais rencontrées. À ce propos, il déclare : « J’ai maintenant un lieu dans lequel je peux me rendre lorsque je me sens mal. Si quelque chose m’arrive je sais maintenant où aller. Avant je n’avais personne à qui en parler. J’avais toujours un sentiment de peur. Mais maintenant ça me soulage
énormément de parler avec des personnes qui me comprennent et en qui j’ai confiance. » Nombre d’HSH ont honte et ne s’acceptent pas. Certains peuvent se replient sur eux-mêmes à cause de la stigmatisation et la discrimination dont ils sont victimes au quotidien. Ainsi, peut s’avérer difficile d’accéder à des services adéquats en matière de santé sexuelle et de développer leurs compétences pour se protéger des infections sexuellement transmissibles. Grâce aux divers services auxquels Said a peut accéder, il a été en mesure de faire évoluer son regard sur lui-même et sur son environnement. Cette évolution lui a également permis d’avoir une sexualité plus protégée. Il explique : « J’ai davantage confiance en moi grâce au service psychologique et social. Je me sens plus protégé grâce à mes connaissances, à l’utilisation des préservatifs, au test de dépistage pour les IST. Je suis plus confiant et j’ai plus de pouvoir pour imposer mes conditions sur les clients. » Dans le parcours de Said, l’accès aux services et l’amélioration de la confiance et de l’estime en soi l’ont rendu plus conscient et plus responsable. Grâce à l’accompagnement de l’association, il redécouvre et revendique ses droits en tant qu’être humain. Il déclare : « Ce projet m’a rappelé que j’ai des droits en tant qu’être humain. J’avais oublié cela pendant longtemps surtout parce que je ne suis pas libanais : les clients m’insultaient souvent pour cette raison. » Le témoignage de Said montre l’importance de l’ONG comme point de repère pour soutenir les HSH dans leur recherche identitaire : les efforts déployés par Helem pour donner les moyens aux bénéficiaires les aident à adopter une sexualité plus responsable. L’histoire de Najib au Maroc L’équipe marocaine a sélectionné l’histoire de Najib, un étudiant de 26 ans. Il se définit comme homosexuel. Son témoignage évoque les connaissances liées aux VIH/SIDA et comment l’association a réussi à lui transmettre des informations en matière d’éducation sexuelle. Le témoignage de Najib souligne qu’avant sa rencontre avec les éducateurs pairs d’OPALS, il n’avait aucune connaissance sur les infections sexuellement transmissibles, y compris le VIH/SIDA. Pour lui quelqu’un avec un beau physique ne pouvait être porteur d’une infection sexuellement transmissible : l’apparence physique était alors pour lui une indication permettant de faire la distinction entre les personnes infectées et les personnes non infectés. Par conséquent, une personne attirante représentait l’absence de risque. Najib ne connaissait pas la phase asymptomatique du VIH. « Je vais être franc, je me fiais beaucoup à l’apparence pour le choix d’un partenaire, je faisais confiance à un beau physique ! J’ai déjà participé à une séance de sensibilisation au sein de l’organisation avec le groupe des éducateurs pair. Lors de la discussion relative aux IST et au SIDA avec le médecin, nous avons abordé les signes apparents du VIH et là le médecin a beaucoup insisté sur la phase de séropositivité lors que laquelle la personne infectée ne « montre » aucun signe de la maladie. Et maintenant je suis conscient de mes erreurs […] j’ai compris beaucoup de choses. […]
depuis que je connais R.A, mon éducateur pair, on se voit souvent, et à chaque fois il me rapporte des histoires réelles : des HSH qui ne se protègent pas et qui finissent par attraper des infections sexuellement transmissibles. Cela fait peur. Oui, moi je n’ai pas beaucoup de relations, je cherche des relations stables, mais qui sait ! » Après son échange avec d’OPALS et avoir participé à diverses activités, Najib a obtenu de nouvelles informations et a pris conscience des risques réels de transmission du VIH. Il déclare utiliser des préservatifs lors de ses rapports sexuels. Ce changement a été sélectionné comme significatif à l’échelle du projet d’OPALS car il est représentatif de l’importance du travail de terrain. Grâce au travail de proximité et de sensibilisation des éducateurs pairs, des HSH adoptent des comportements préventifs en matière de VIH/SIDA. Cette prise de conscience s’est traduite dans l’histoire sélectionnée par une seconde démarche de prévention : Najib précise en effet avoir accompagné son partenaire lors de son dépistage du VIH auprès d’OPALS. « J’ai sensibilisé mon partenaire, il a été très compréhensif et a même accepté de faire le test pour moi. Je l’ai accompagné à OPALS, il a vu le médecin et il a fait le test : négatif et là j’ai dit, même si ton test est négatif, le préservatif d’abord et avant tout. Pourquoi ce changement ? Être séropositif c’est ne pas pouvoir faire machine arrière, maintenant pour me protéger c’est moi qui décide. » Cette histoire a permis de mettre l’accent sur le rôle de l’éducateur pair qui est de repérer et d’analyser la vulnérabilité du bénéficiaire et d’adapter son travail à la situation de cette personne. Le témoignage de Najib montre que le travail de proximité est capital pour améliorer les connaissances relatives aux infections sexuellement transmissibles et au dépistage du VIH, mais également pour sensibiliser les partenaires sexuels des bénéficiaires quant aux risques encourus lors d’une sexualité non protégée. L’histoire de Chaker en Tunisie Pour l’équipe tunisienne, l’histoire de Chaker, un gestionnaire âgé de 31 ans, a été sélectionnée parce qu’elle démontre, entre autres, l’importance de l’écoute, du soutien psychosocial et de l’espace de parole donnée par l’ATS MST/SIDA, section de Tunis, dans le parcours d’un homme ayant des rapports sexuels avec des hommes. Avant son intégration au programme en faveur des HSH, Chaker s’était replié sur lui-même. Le sentiment de rejet connu par nombre d’HSH serait à l’origine de leur méfiance de l’autre et leur manque de confiance en soi. L’estime de soi a du mal à se développer chez certains HSH à cause du regard peu « respectueux » de l’autre vis-à-vis de cette population. « Avant de connaître ATL et le programme HSH, je vivais dans une grande solitude sociale et je n’avais pas vraiment de contact avec la communauté gay sauf dans le cadre d’aventures sexuelles. » Après quelques années de solitude, Chaker a commencé à s’ouvrir sur le monde extérieur. Grâce au programme d’ATL MST/SIDA – section de Tunis pour les HSH, il a noué des liens avec des semblables, avec qui il partage un style de vie, des préoccupations, des aspirations. Cette association lui a offert la sécurité et l’a aidé à s’affirmer.
« Ce qui m’a le plus attiré dans le programme HSH et les services fournis par ATL, c’est tout simplement l’environnement. Pour moi, ATL représente un espace de liberté et de tolérance, même sous la dictature de l’ancien régime, je sentais vraiment que j’avais une marge de liberté au sein d’ATL grâce aux réunions organisées, aux activités et aux journées thématiques, car là je pouvais m’exprimer librement. Je parlais ouvertement et avec aisance de mes pratiques sexuelles, et je pouvais partager naturellement mes préoccupations avec les autres membres de la communauté gay. » Comme beaucoup d’HSH, ce répondant éprouve le besoin d’appartenir à un groupe de semblables. En effet, le développement d’un réseau social basé sur l’affinité sexuelle joue un rôle important dans la définition de l’identité chez de nombreux hommes qui cherchent à trouver des moyens d’assumer leur homosexualité. Le cercle d’amis pour nombre d’HSH est le cadre privilégié pour parler de leur intimité. Des formes de solidarité et d’entraide se renforcent davantage au sein du groupe des HSH lorsque les membres rencontrent des problèmes communs, ou ont les mêmes préoccupations. « Actuellement je me sens très proche de ma communauté, j’ai beaucoup appris en discutant avec les amis venant à ATL qui parlaient de leurs vécus. En résumé, maintenant, je sens que je suis bien entouré […] Je sens que j’ai plus de confiance en moi, mon estime de moi n’a fait que s’améliorer. » L’acceptation de l’homosexualité grâce à un cadre associatif comme celui que propose ATL MST/SIDA – section de Tunis favorise l’adoption de comportements préventifs à l’instar des autres HSH. À force de côtoyer les mêmes personnes qui se protègent, une prise de conscience se développe peu à peu et incite les nouveaux venus à se protéger et protéger les autres.
III.2. Changements au niveau de l’accès à des services adaptés Concernant le domaine « Accès aux services », 33 histoires ont été recueillies auprès des bénéficiaires de l’accompagnement des HSH dans les quatre pays. Les thématiques évoquées par les répondants sont variées. Certaines d’entre elles ont été citées par plusieurs répondants : par exemple, l’accès aux informations relatives au VIH/SIDA, l’accès gratuit aux préservatifs et aux lubrifiants et l’accès gratuit et anonyme au dépistage du VIH. Au cours de l’atelier régional organisé en juin 2012, les partenaires du programme MENA ont sélectionnés 3 histoires, qui reflètent les changements les plus significatifs concernant l’accès des Bénéficiaires aux services appropriés. Le tableau ci-dessous présente les principales thématiques évoquées par les répondants dans les 3 histoires sélectionnées. Tableau 6. Liste des thématiques abordées par les répondants des histoires sélectionnées : N°
Code
1
LB1
2
TBA
3
AB1
Profil du répondant Anis, 31 ans, sans emploi, célibataire, se définit comme bisexuel (PVVIH)
Changements les plus significatifs concernant l’accès aux services appropriés Accès au soutien psychosocial Accès aux conseils Accès aux informations de prévention Accès aux services de proximité (dépistage mobile du VIH) Acceptation de soi-même en tant que PVVIH Prise de conscience des risques Chaker, 31 ans, Accès à un espace de parole libre pour parler d’orientation gestionnaire, sexuelle et de comportements célibataire, se Accès à une gamme de services (dépistage du VIH gratuit et définit comme anonyme, soutien psychosocial, écoute active, groupes de homosexuel soutien) Accès à l’information en matière de VIH/SIDA Soutien des pairs facilitant l’accès aux services Mourad, 21 ans, Accès aux informations relatives aux IST/VIH/SIDA sans emploi, Accès aux préservatifs et aux lubrifiants célibataire, se Accès au dépistage du VIH et découverte de la séropositivité définit comme Accès au soutien psychologique HSH Obtention d’une aide financière (PVVIH)
L’histoire d’Anis au Liban L’équipe libanaise a sélectionné l’histoire d’Anis, âgé de 31 ans, sans emploi, célibataire, qui se définit en tant que bisexuel, témoignant de l’investissement de SIDC dans la riposte au SIDA par le biais de la mise en place de divers services appropriés aux HSH. Dans l’histoire d’Anis, l’entrée en contact avec SIDC lui a également permis de découvrir son statut sérologique positif. Il déclare : « Je suis en contact avec SIDC depuis un an. Pendant cette période, j’ai pu bénéficier des activités de soutien aux PVVIH, car j’ai découvert ma séropositivité par le biais du travail qu’effectuait l’unité mobile de l’ONG dans la rue. J’ai pu profiter du suivi psychologique et social et des informations scientifiques sur la prévention. »
L’absence ou le manque de discussion sur le SIDA risque de renforcer l’isolement des personnes vivant avec le VIH, qui sont souvent vulnérables pour plusieurs raisons : l’annonce de l’infection par le VIH, la lourdeur du traitement, la dégradation de leurs conditions de vie, l’inactivité professionnelle, l’invalidité. L’accompagnement d’Anis par SIDC l’a aidé à accepter sa séropositivité. Il décrit cette évolution ainsi : « Concernant les changements que j’ai vécus suite à ce projet, j’ai senti que je n’étais pas seul, j’ai pu vivre en paix et être rassurer. J’étais trop faible quand j’ai appris ma séropositivité. Le soutien que j’ai reçu était plus moral que matériel […]. Ce que j’ai gagné, c’est le fait d’accepter ma situation telle qu’elle est et que je vis ma séropositivité tranquillement. J’avais des idées noires sur le VIH, j’ai cru que ma vie était finie, mais grâce à vous ces idées ont changé et je me suis dit : je suis encore en vie et les gens qui m’entourent sont « biens » et la vie continue. » Certaines personnes vivant avec le VIH vivent leur situation dans la solitude et l’inquiétude. L’estime de soi a du mal à se développer chez nombre d’entre elles à cause de la peur du regard de l’autre si l’on découvrait leur « maladie ». Le malaise identitaire et le manque de confiance chez certaines personnes vivant avec le VIH entraînent un repli sur soi chez cette population. SIDC a apporté à Anis le soutien nécessaire à sa recherche identitaire, suite à la découverte de sa séropositivité. Il déclare : « J’avais plus peur de l’avenir et j’ignorais comment j’allais continuer ma vie. L’association m’a beaucoup aidé et soutenu. Et j’étais réceptif. Et malgré la gravité de ma situation, j’ai pu surmonter les problèmes avec son aide et mes propres croyances. » Dans sa déclaration, Anis s’engage à protéger les autres du VIH. Il ne souhaite pas voir le nombre de cas d’infections par le VIH augmenter ce qui entraverait la possibilité d’assurer le traitement pour toutes les personnes vivant avec le VIH. À ce propos, il dit : « J’ai attrapé le virus. Il ne faut pas le transmettre aux autres, car cela aggraverait le problème ; le nombre des PVVIH augmenterait et le ministère de la Santé ne pourrait plus fournir les médicaments pour un nombre élevé de malades. » Le test du dépistage du VIH a du mal à entrer dans les mœurs des HSH, même pour ceux qui se sont exposés dans leur parcours à des comportements à risque. Pourtant, la découverte tardive de l’infection par le VIH réduit l’efficacité du traitement et favorise la propagation du VIH dans la population. Les témoignages des plusieurs bénéficiaires révèlent que, dans leurs actions de sensibilisation à l’attention des HSH, les associations partenaires insistent sur l’importance et la nécessité de pratiquer le test de dépistage du VIH. À ce titre, les associations n’ont pas cessé de promouvoir cet acte de responsabilité auprès des populations clés en insistant sur son anonymat et sa gratuité. L’histoire de Chaker en Tunisie Pour l’équipe tunisienne, l’histoire sélectionnée est celle de Chaker, un bénéficiaire âgé de 31 ans, actuellement gestionnaire. Le répondant souligne l’importance de l’accès à un espace de parole libre pour parler d’orientation sexuelle et de comportements. À travers la
fréquentation des séances d’écoute, des groupes de parole ou encore des discussions rendues possibles par l’association, le répondant affirme que : « Le plus important pour moi c’était de trouver des gens disposés à m’écouter, car j’avais constamment besoin de parler de mon orientation sexuelle, de mes pratiques et des risques encourus. Au sein d’ALT, j’ai trouvé une équipe qui répondait toujours présente. Toute l’équipe d’ATL est tout le temps et à tout moment au service des bénéficiaires. […] Je suis gay et je veux de moins en moins vivre dans la clandestinité. De par mon orientation sexuelle, il n’existe pas de cadre légal où je peux parler librement de ce que je pense et de ce que je vis. Avec ATL, j’ai trouvé cet espace, et je pense que c’est très important pour les gays tunisiens car il n’y a pas d’espaces ou d’associations où peuvent se rencontrer les jeunes appartenant à la communauté LGBT afin de discuter et parler de leur vie. » ATL MST/SIDA – section de Tunis a su se positionner comme une nouvelle source d’informations et ainsi répondre à des besoins identifiés. À ce titre, le répondant évoque le caractère professionnel d’ATL-Tunis : « Je ne peux que féliciter leur approche professionnelle et les outils utilisés qui sont très intéressants, ludiques, éducatifs et adaptés à nos spécificités : nous sommes très à l’aise dans un climat de confiance et convivialité. » ATL-Tunis a accordé une importance particulière à proposer un espace de parole et d’écoute sans jugements ni préjugés. Aussi, en développant des projets spécialement conçu pour les HSH, ATL-Tunis a offert un espace jusqu’ici inexistant et a répondu à un vide associatif. Les HSH fréquentant l’association soulignent qu’ils se sentent à l’aise en parlant avec leurs semblables. L’histoire de Mourad en Algérie L’équipe algérienne a pour sa part sélectionné l’histoire de Mourad, âgé de 21 ans, sans emploi, célibataire, témoignant des efforts déployés par cette association dans la promotion du dépistage du VIH gratuit et anonyme auprès des populations clés et l’accompagnement des personnes vivant avec le VIH. Nombre d’HSH semblent ignorer l’existence du test du dépistage du VIH ou peu soucieux de connaître leur statut sérologique. Dans l’histoire de Mourad, son interlocuteur au sein d’APCS lui a permis de découvrir son statut sérologique positif. Il déclare : « Je dois avouer que le changement le plus significatif que j’ai connu via ce projet, c’est malheureusement la découverte de ma séropositivité après mon premier passage au CDV d’APCS. » Le SIDA continue à faire peur en dépit des progrès de la recherche médicale qui ont permis de développer des traitements qui maintiennent le VIH en situation d’inactivité pour une durée de plus en plus importante. L’annonce de l’infection par le VIH est souvent vécue dans la souffrance et la solitude. Se trouver confronté à ce virus qui fait peur est pour chacun un moment important et bien souvent difficile à gérer. En effet, les personnes vivant avec le VIH sont amenées, avec des difficultés plus ou moins importantes, à se redéfinir. Divers éléments
liés à la construction identitaire de la personne vivant avec le VIH peuvent rentrer en ligne de compte : l’image de soi, le rapport aux autres, le regard sur le monde, la vision d’avenir. Accepter de vivre avec le VIH est un long processus qui dépend non seulement de la personne concernée, mais aussi de la famille, des amis et professionnels de la santé. Ce répondant a appris à vivre avec le VIH, en lui donnant un nom masculin, à savoir Abesse. Ainsi, il déclare : « Ça fait maintenant 2 ans que je vis avec « ABESSE », c’est le nom que j’ai donné à ce virus qui a fait intrusion dans mon corps et ma vie sans me demander la permission et avec lequel je vais devoir vivre toute ma vie. Ce changement est important pour moi, car le jour où j’ai eu confirmation de ma séropositivité, toute ma vie a été bouleversée. » Le silence, choisi ou imposé, est un fardeau pour un grand nombre de personnes vivant avec le VIH. Leur souffrance peut être pesante, parce qu’elle n’est pas partagée avec l’entourage. Mourad reconnaît le rôle d’APCS dans l’acceptation de sa séropositivité. Il livre son récit en ces termes : « Grâce au suivi, à l’accompagnement et à la persévérance du psychologue de l’association, j’ai pu surmonter toutes ces difficultés. J’ai repris confiance en moi, j’ai accepté ma séropositivité je me suis libéré de toutes les idées noires qui m’ont hantées. Avec le recul, je remercie Dieu et les acteurs de ce projet qui m’ont permis de découvrir ma séropositivité avant d’être plus malade et m’ont permis de bénéficier rapidement des soins et du traitement contre le virus […]. APCS m’a beaucoup aidé et soutenu moralement, financièrement car sans son soutien j’aurais été vraiment perdu dans la nature. Surtout dans notre contexte algérien, ce n’est vraiment pas facile de dire que je suis un homosexuel et c’est encore deux fois plus difficile de dire que je suis un homosexuel qui vit avec le SIDA. »
III.3. Changements au niveau du vécu des éducateurs pairs Au total, 23 histoires ont été recueillies par les éducateurs pairs impliqués dans l’accompagnement des HSH en Algérie, au Liban, au Maroc et en Tunisie. Au cours de l’atelier régional organisé en juin 2012, les partenaires du programme MENA ont sélectionnés 4 histoires, qui reflètent les changements les plus significatifs concernant les expériences des éducateurs pairs. Le tableau ci-dessous présente les principales thématiques évoquées par les répondants dans les 4 histoires sélectionnées. Tableau 7. Liste des thématiques abordées par les répondants des histoires sélectionnées : N°
Code
Profil du répondant Jamel, 21 ans, célibataire, se définit comme gay
1
MEP2
2
TEP7
Bassem, 32 ans, célibataire, se définit comme gay
3
AEP5
Rachid, 30 ans, célibataire, interprète, se définit comme gay
4
LEP1
Walid, 31 ans, étudiant, célibataire, se définit comme HSH
Changements les plus significatifs dans les expériences des éducateurs pairs Adoption d’un comportement préventif (usage régulier de préservatifs, test de dépistage) Implication, engagement dans le travail de proximité et dans le travail de l’association Affirmation de soi Renforcement des capacités individuelles Sentiment d’appartenance à un groupe Meilleure confiance en soi Acceptation de l’orientation sexuelle Investissement/militantisme à la cause de la communauté des HSH Impact visible de la prévention Accès aux services Participation à des sessions de formation Accès à un espace convivial Épanouissement dans le volontariat et les services Développement des liens avec des PVVIH Ouverture et plus de respect à l’égard des HSH « efféminés » Recul du sentiment de peur et de culpabilité Développement de la confiance en soi Amélioration des rapports avec la famille Amélioration des capacités de communication et d’écoute Développement du sentiment d’être utile Renforcement des capacités individuelles par le biais de formation (éducation par les pairs, planification du travail terrain, communication…) Ouverture à d’autres populations d’HSH Identification des besoins des populations et meilleure connaissance des comportements des HSH Adaptation de l’approche en fonction des sous-groupes de la population HSH Amélioration de la confiance en soi en tant qu’éducateur pair Amélioration des rapports avec les bénéficiaires
L’histoire de Jamel au Maroc L’équipe marocaine a sélectionné l’histoire de Jamel, 21 ans, célibataire, qui se définit comme gay. Ce témoignage se rapporte à l’acquisition d’une meilleure confiance en soi grâce au travail d’OPALS. Dans l’histoire de Jamel, le développement de l’estime de soi a conduit à l’adoption de comportements préventifs. Avant sa rencontre avec d’OPALS, Jamel reconnaît qu’il n’acceptait pas son orientation sexuelle, n’appréciait pas son corps et vivait un sentiment de rejet de la part de la famille et de culpabilité vis-à-vis à la religion : « Avant, j’étais très préoccupé par ma vie, à force d’y penser, je n’arrivais même plus à dormir. J’ai beaucoup souffert de la stigmatisation [...]. Je n’avais pas le courage de faire face à cette situation. Aujourd’hui, je me sens prêt pour me défendre : « un lion ». J’étais sous-estimé à cause de l’ignorance […]. Maintenant, je sens que j’ai une dignité et une personnalité et que j’ai le droit de vivre ma féminité comme je veux à condition de respecter l’environnement social (afin d’éviter la stigmatisation et la discrimination). Maintenant, j’ai le soutien de l’ONG. » À présent par son contact et son engagement à d’OPALS, Jamel a la conviction qu’il doit respecter son orientation sexuelle tout en se protégeant. « Au début, j’étais le pair d’un ami. Durant cette période, je n’étais qu’en partie convaincu du danger des IST et du VIH. Après avoir intégré OPALS, et après avoir bénéficié de plusieurs activités, y compris la formation et les services du Centre CTA, ma façon de voir les choses a changé. Je considère que l’ONG m’a beaucoup apporté. Les changements sont multiples : je doutais beaucoup. Maintenant, j’ai une grande responsabilité et un engagement envers mes pairs. Après les formations auxquelles j’ai assisté, je veux tout appliquer et transmettre les informations acquises. Le projet a offert beaucoup de choses : des moyens de prévention, des outils, des services de santé, un endroit propice aux réunions et aux différentes activités. » L’histoire de Bassem en Tunisie L’équipe tunisienne a choisi l’histoire de l’éducateur pair, Bassem, un étudiant de 32 ans. Il est important de noter que cette histoire reflète l’expérience des autres éducateurs pairs, telle que mentionnée dans les autres entretiens collectés. Le changement évoqué dans cette histoire fait apparaître le sens de la responsabilité qui a émergé chez le répondant, grâce à son implication dans les activités d’ATL MST/SIDA – section de Tunis et les formations dont il a bénéficié. Fort des connaissances acquises en matière de VIH/SIDA et de prévention, Bassem a non seulement bénéficié de ces apports pour lui-même prenant ainsi conscience de l’importance de la prévention, mais il est également capable, à présent, de sensibiliser ses pairs sur le terrain. En possession de techniques de terrain et d’une connaissance du VIH/SIDA, l’éducateur pair interrogé souligne son engagement auprès des HSH : « Aujourd’hui je me sens responsable de [mes] comportements sexuels, je suis conscient de l’importance de la prévention et des dangers auxquels est confronté notre communauté, à commencer par les importants risques d’infection par le VIH puisqu’on assiste à une concentration de l’épidémie dans notre communauté. »
Le sentiment d’appartenance à un groupe ou à une communauté montre comment Bassem s’est engagé auprès de ses pairs. Désormais, il se reconnaît en tant qu’homme ayant des rapports sexuels avec des hommes et revendique les droits du groupe. C’est ainsi qu’il souligne : « Je sens maintenant qu’avec le groupe que j’ai intégré, nous sommes plus forts. Il y a ce sentiment d’appartenance que je ressens et qui est très important, on est donc maintenant un groupe fort, solide et on peut défendre nos droits. » Dans ce sens, la lutte contre la stigmatisation et la discrimination à l’encontre des HSH semble une étape importante de son investissement personnel. « Ce travail de prévention et de mobilisation de la communauté et des acteurs clés de la riposte contre le SIDA a conduit à des changements profonds. Maintenant si par exemple un homosexuel efféminé se présente dans un quelconque service il ne sera plus rejeté. Certes, il y a encore du travail à faire mais je crois qu’on a fait un grand pas. » Les tâches de l’éducateur pair sont l’information, l’éducation, la communication, la sensibilisation, le conseil, l’orientation, l’offre de services non médicaux à ses pairs. L’éducateur pair doit être discret, pour des raisons de confidentialité, engagé et motivé. Par ailleurs, l’éducateur pair ne doit en aucun cas porter un jugement de valeur sur ses camarades, ni proférer des discours moralisateurs. Les partenaires du programme MENA dans les quatre pays se sont engagés à dispenser des sessions de formation aux éducateurs pairs pour diffuser les informations de base concernant la santé sexuelle et génésique à ses alliés et afin que ces derniers puissent à leur tour transmettre ces informations à leurs pairs. Le principe d’éducateur pair est de faciliter l’acceptabilité et la diffusion de l’information auprès d’individus réticents à recevoir ces informations des professionnels de la santé, pour diverses raisons (manque de temps, refus de se rendre dans les services hospitaliers…). L’histoire de Rachid en Algérie L’équipe algérienne a sélectionné l’histoire de Rachid, un interprète célibataire de 30 ans, pour illustrer le changement le plus significatif dans le domaine « Éducateurs pairs ». Le témoignage de Rachid reflète le parcours de plusieurs éducateurs collaborant avec APCS. Rachid a non seulement accédé à divers services fournis par APCS (informations relatives au VIH/SIDA, soutien psychosocial, espace d’échange), mais il a aussi participé à différentes sessions de formation organisées par l’association au profit des éducateurs pairs. Pour ce répondant, le statut de l’éducateur pair lui a apporté un épanouissement personnel en l’aidant à s’investir dans le domaine de la riposte au SIDA. Il déclare : « Il faut dire que ce projet m’a apporté énormément de changements, à commencer par mon épanouissement dans le volontariat, la solidarité. J’ai réussi à vaincre la peur que j’avais des maladies sexuellement transmissibles et du SIDA ; mieux encore, j’ai eu la chance de connaître et devenir ami avec des personnes vivant
avec le VIH dans l’association, ce qui a renforcé encore davantage mes convictions sur la prévention. » Par ailleurs, le regard de Rachid sur les HSH, notamment efféminés, a évolué. Ce changement a demandé un travail sur soi, grâce à l’adhésion de ce répondant au programme d’APCS, au profit des HSH. L’ouverture de ce répondant sur le monde d’extérieur lui a permis de mieux se connaître, de mieux connaître ses pairs et de s’engager dans leur accompagnement. Dans son récit, il décrit son évolution dans l’acceptation de soi et de ses pairs : « Le changement le plus significatif pour moi, c’est le fait d’avoir surmonté la difficulté que j’avais à l’égard des homosexuels, et surtout les homosexuels efféminés. Même si je suis moi-même efféminé, je les évitais voire je ne les supportais pas : d’un côté j’avais peur d’eux, je les trouvais vulgaires et violents […]. Grâce à ce projet qui m’a donné l’occasion d’entrer en contact avec d’autres homosexuels, entre autres les éducateurs pairs et les bénéficiaires, ainsi que les différentes formations reçues et les ateliers abordant l’estime de soi, la discrimination, j’ai vaincu ma timidité ; j’ai plus confiance en moi ; j’ai réussi à affronter mes parents et à les convaincre d’accepter mon travail d’éducateur pair. » L’engagement de Rachid dans l’éducation par les pairs lui a apporté la fierté. Dans sa démarche, il a pris conscience des risques auxquels les hommes ayant des rapports avec des hommes sont exposés. C’est pourquoi il s’investit dans la protection de pairs. Il déclare ainsi : « Je suis fier de mon travail en tant qu’éducateur pair et j’accepte ma communauté sans aucune peur ni préjugé ; en plus, je me rends et je me sens utile pour préserver la santé de mes semblables avec plus d’ouverture envers les autres sans avoir à me cacher, ou juger les autres, je suis plus sûr de moi-même et plus à l’aise dans ma peau ; je me suis retrouvé, car c’est dans ma nature d’aider mon prochain. » L’histoire de Walid au Liban L’équipe libanaise a sélectionné l’histoire de Walid, un étudiant âgé de 31 ans, célibataire, qui se définit en tant que HSH. Elle reflète le parcours de plusieurs éducateurs collaborant avec les 3 associations impliquées dans l’accompagnement des HSH au Liban. Ces dernières œuvrant dans le domaine de l’accompagnement des HSH se sont engagées à dispenser des sessions de formation aux éducateurs pairs. Le but principal de cette formation est de transmettre des informations de base concernant la santé sexuelle. Walid a participé à plusieurs sessions de formation organisées par SIDC. Il est conscient de l’importance de la conciliation entre les aspects théoriques et pratiques de l’accompagnement des populations. Il précise : « Je suis éducateur pair dans le projet et j’ai tiré profit de toutes les formations en termes d’informations, d’approches pour éduquer mes pairs, de planification de mon travail sur le terrain et dans l’ensemble j’ai pu bénéficier du travail de terrain et du côté pratique. J’ai pu appliquer les informations théoriques que j’ai apprises. »
Dans son parcours, Walid s’est rendu compte de la diversité de la population des HSH, ce qui l’a amené à prendre conscience de la nécessité d’adapter ses actions à son public. Il raconte son expérience : « En tant qu’éducateur pair, ce qui a changé c’est que j’ai fait la connaissance d’autres groupes et communautés qui étaient différents des gens que je connaissais, et j’ai appris comment utiliser des approches adaptées à chacun de ces groupes. La façon de travailler et de parler, le contenu des informations destinées aux jeunes de la rue diffèrent pour les jeunes dans les bars et les boîtes de nuit. Je ne suis plus « borné » à utiliser une seule méthode ou approche. » L’éducateur pair s’investit pour faciliter la diffusion des informations auprès d’individus réticents à recevoir ces informations, et ce pour diverses raisons. L’engagement de Walid dans l’accompagnement des HSH a développé chez lui le sens de l’observation des contextes et la capacité d’adaptation aux situations. Il décrit cette évolution avec fierté : « C’est durant le travail de rue j’ai pu sentir la différence entre les populations avec qui je rentre en contact et j’ai commencé à utiliser deux méthodes ou approches différentes. C’était très important car cela rend plus utile mes interventions et ne rends plus confiant en la qualité de l’information que je transmets et quand je sens que les personnes avec qui je parle acceptent facilement, posent plus de questions et sont intéressées, mon travail devient plus significatif et plus utile. »
III.4. Changements au niveau des associations partenaires Au total, 15 histoires ont été recueillies auprès du personnel et des responsables d’associations. Au cours de l’atelier régional organisé en juin 2012, les partenaires du programme MENA ont sélectionnés 4 entretiens, qui reflètent les changements les plus significatifs concernant les organisations partenaires. Le tableau 8 ci-après présente les principales thématiques évoquées par les répondants dans les 4 histoires sélectionnées.
Tableau 8. Liste des thématiques abordées par les répondants des histoires sélectionnées N°
Code
Profil du répondant Bilel Mahjoubi coordinateur exécutif ATL MST/SIDA – section de Tunis Aziz Tadjeddine président d’APCS
1
TA3
2
AA1
3
LA4
Mahdy Sharafeddine membre du comité directeur Helem
4
MA2
Dr Boutaina Drissi Alami, OPALS, Rabat
Changements les plus significatifs concernant les organisations partenaires Mobilisation des HSH dans la riposte au SIDA Implication de la communauté comme acteur clé Partage d’un savoir-faire au niveau régional Acceptation de la présence des HSH par le personnel de l’association Mise en place d’un espace convivial pour les HSH Appropriation par l’équipe de l’association de la thématique des rapports sexuels entre hommes Développement des compétences de l’équipe de l’association dans divers domaines Mise en place d’un service juridique Développement du partenariat avec les leaders religieux Développement de la responsabilisation et l’autonomisation des HSH Participation des HSH à la prise de décision au sein de l’association Appropriation du projet par les HSH Mise en place d’actions plus adaptées aux HSH et leur étant destinées dans un contexte d’épidémie concentrée Engagement de nombre d’HSH dans la riposte au SIDA au profit de la population générale Développement des partenariats de l’association avec d’autres associations au Liban et à l’échelle régionale Renforcement des capacités des membres et des éducateurs de l’association Développement de services au profit des HSH et de leurs familles Publication de documents relatifs aux droits des bénéficiaires Développement dans le cadre du programme d’une stratégie de plaidoyer avec la collaboration de différents acteurs Intégration du réseau des associations œuvrant dans le domaine social et de la santé Partenariat entre l’association et le PNLS Visibilité des HSH accrue en matière de plaidoyer pour favoriser l’accès aux services (soins et autres) aux populations clés
Témoignage en Tunisie L’équipe tunisienne a sélectionné l’histoire du coordinateur exécutif d’ATL MST/SIDA – section de Tunis, Bilel Mahjoubi. Cette histoire décrit la mise en place d’un projet pionnier en faveur des HSH et témoigne du courage qu’il a fallu pour démarrer un tel projet dans un contexte hostile envers ces derniers. En effet, étant donnée le contexte socioculturel et légal
condamnant les rapports sexuels entre hommes en Tunisie, il n’existait aucun programme de prévention appropriée pour cette population. Par ailleurs, en seulement quelques années, la Tunisie a connu un changement crucial : de générale, la riposte au VIH/SIDA est devenue une riposte ciblée sur les populations les plus vulnérables qui jusqu’alors étaient un sujet tabou. En outre, ATL-Tunis a mis en place une prévention destinée aux HSH : l’association a réussi à intégrer et à fonder ses actions sur des personnes issues de la communauté ciblée en ouvrant ses portes aux membres mêmes de la communauté tout en les professionnalisant. En adoptant une approche communautaire participative, ATL-Tunis a su mettre en place les conditions nécessaires à la réussite des actions visant les HSH. Ainsi comme le souligne le répondant : « La plus grande réussite de ce programme est à mon sens que les HSH mobilisés sur le terrain, sont devenus des éducateurs pairs, des formateurs, des activistes, des fondateurs d’ONG œuvrant pour les droits des HSH et surtout des gestionnaires de programmes qualifiés. » Des HSH, membres de l’association, ont développé et mis en œuvre des projets adaptés à cette population. Cet aspect est une des principales forces de l’association. Des membres de la communauté sont représentés à différents niveaux de l’organisation : la mobilisation des membres de la communauté apparaît à la fois comme une évidence pour avoir des projets qui fonctionnent, mais également comme une condition incontournable. Par ailleurs, l’association a œuvré pour que les bénéficiaires deviennent des acteurs clés du programme. Ce processus d’évolution est appuyé par les formations, l’expérience acquise sur le terrain et l’espace de confiance qu’offre ATL MST/SIDA – section de Tunis à ses membres. Cette implication directe de la population cible apparaît comme un enseignement majeur de l’association. Désormais forte de ses atouts, l’association, pionnière dans la région, propose un appui technique à d’autres ONG dans la région MENA. Ce partage d’un savoir-faire professionnel a été évoqué comme suit par le répondant qui précise que, selon lui, ATL MST/SIDA – section de Tunis est : « Une organisation professionnelle, crédible, ayant développé une expertise en matière de travail auprès des populations clés, devenue une association d’appui technique et de renforcement des capacités des ONG de la région MENA. » Témoignage en Algérie L’équipe algérienne a sélectionné l’histoire du président d’APCS, Aziz Tadjeddine. Dans son témoignage, le président d’APCS évoque l’historique de l’intégration de la question des rapports sexuels entre hommes dans les activités de l’association, en dépit des faiblesses et des résistances institutionnelles initiales quant à cette question. Progressivement, APCS s’est engagé dans la fourniture d’un appui technique destiné aux HSH. Le travail de cette association se présente dès lors comme un travail de longue haleine qui consiste non
seulement à identifier les besoins des HSH en matière de santé sexuelle et génésique, mais également à adapter les actions les plus pertinentes pour cette population. À ce propos, le répondant a souligné : « Au début, nous avons accepté que le projet se fasse à notre niveau sans préjugés et ni a priori ; je précise que nous n’avions ni les qualifications, ni les compétences nécessaires pour traiter cette question et que nous ne mesurions pas les obstacles internes et externes (résistance de certains membres de l’association….). Lors du premier atelier de formation avec les HSH, nous nous sommes rendu compte que les jeunes avaient impérativement besoin d’informations, de moyens de prévention et de soutien. Nous avons donc décidé de nous impliquer dans ce projet avec plus de conviction. » Monsieur Tadjeddine estime que l’association a connu nombre de changements grâce au programme MENA, tels que l’acceptation de la présence des HSH par le personnel de l’association, la mise en place d’un espace convivial pour cette population, l’appropriation par l’équipe de l’association de la thématique des rapports sexuels entre hommes, le développement des compétences de l’équipe de l’association dans divers domaines, la mise en place d’un service juridique, le développement du partenariat avec les leaders religieux… Mais, le changement le plus significatif selon lui est le développement de la responsabilisation et de l’autonomisation des HSH. En effet, APCS a été amenée à réviser les manières de penser des populations ciblées, souvent considérées comme un objet d’intervention. Le président de l’association déclare à cet effet : « Mais le changement le plus significatif que nous avons vu émerger dans notre association grâce à ce projet, c’est l’autonomisation et la responsabilisation des HSH qui deviennent de plus en plus les artisans de leur vie. Actuellement, les HSH assument mieux leur rôle d’éducateur, réalisent avec plus de confiance et conviction leur travail avec les bénéficiaires, sans crainte d’être stigmatisés par la société. Ils sont partie prenante dans la prise de décision, la gouvernance et l’animation de la vie associative. » Il salue par ailleurs la participation accrue des HSH dans la réponse sanitaire, non seulement auprès de leurs pairs mais aussi auprès de la population générale. Par conséquent, l’engagement de certains hommes ayant des rapports avec des hommes bénévoles émane de leur prise de conscience : ils sont amenés à s’impliquer personnellement dans la riposte au VIH/SIDA et la promotion de la santé sexuelle. Dans ce contexte, il déclare : « Certains HSH, en plus de leur travail avec leur communauté, ont décidé de s’impliquer dans la sensibilisation de la population générale. Autrement dit, ils s’investissent plus dans le bien-être de tous les jeunes ce qui valorise davantage leurs actions, et leur donne le sentiment de vivre dans la société. En effet, ils estiment que le fait de rester dans leur communauté est une sorte d’exclusion ! Ce changement est important pour l’association car il répond parfaitement à notre besoin pour une action pertinente et ciblée contre le SIDA dans notre région ; sachant que nous sommes face à une épidémie concentrée. »
APCS a œuvré en vue d’appréhender les HSH et de les accompagner en tant qu’acteurs et partenaires. Grâce à leur familiarisation avec la vie associative, nombre d’HSH ne veulent plus être écartés des actions, des mesures et des programmes qui les concernent. Aussi APCS a-t-elle entrepris d’associer les HSH dans l’identification, la mise en œuvre et l’élaboration de la plupart des actions en leur faveur. Témoignage au Liban L’équipe libanaise a sélectionné l’histoire collectée auprès de M. Mahdy Sharafeddine, membre du comité directeur d’Helem, comme illustrant le changement le plus significatif relatif au domaine « Organisation ». Dans son témoignage, le représentant d’Helem reconnaît le rôle du programme MENA dans l’ouverture de l’organisation sur son environnement. Il déclare : « Les apports du projet MENA sont très importants, surtout car ce projet est parmi les premiers projets sur lesquels l’association a travaillé. Il a participé à son expansion et à son essor à travers son partenariat avec d’autres associations locales et régionales. » Aujourd’hui, Helem est une association connue pour son engagement dans la défense des droits humains, pour sa maîtrise du contexte des populations clés, y compris les besoins des HSH, pour son ouverture sur les expériences associatives nationales et internationales. Son expérience dans l’accompagnement des HSH s’est consolidée. Dans l’évolution de cette association, le programme a joué un rôle important : « Lorsqu’Helem a été choisie pour participer au projet MENA en raison de son travail avec les HSH, cela a permis à l’association de devenir un partenaire du programme national de lutte contre le SIDA au Liban. Elle s’est ainsi intégrée dans le système de réseautage avec les associations qui travaillent pour les droits de l’homme et la santé sexuelle à l’intérieur et à l’extérieur du Liban. Cette expansion n’aurait pas pu se faire aussi rapidement sans ce projet. » Par ailleurs, plusieurs services ont été développés par Helem afin de satisfaire les besoins des HSH, d’une part, et de défendre les droits de cette population, d’autre part. Selon le représentant d’Helem, cet engagement a été soutenu par le programme en faveur des HSH. Il indique : « Ce projet a aussi intégré le service de soutien psychologique dans l’intervention. Le projet a également lancé une hotline et le service d’accueil, le travail avec les parents, la publication des documents concernant les droits de nos bénéficiaires. Par ailleurs, ce projet a développé des stratégies de plaidoyer en collaboration avec des avocats, des médias, des leaders religieux, la police et des acteurs clés de la région. » Témoignage au Maroc L’équipe marocaine a sélectionné l’histoire de la représentante d’OPALS, le Dr Boutaina Drissi Alami. Le changement le plus significatif évoque ici comment le renforcement des
compétences individuelles a permis à des éducateurs pairs de parler de leurs droits en tant qu’hommes ayant des rapports sexuels auprès du Centre national des droits de l’Homme. Par ailleurs, son témoignage montre comment OPALS, avec l’appui technique d’AMSED, a su s’ouvrir à Rabat et à Fès et s’adapter aux éducateurs pairs qui se sont progressivement sentis intégrés dans l’espace associatif : grâce au travail d’OPALS et la mise à disposition de différents outils tels que la formation, les ateliers, les séances de discussion, les éducateurs pairs ont peu à peu plus pris confiance en eux et se sentent désormais à l’aise pour évoluer au sein de l’association. L’affirmation de leur orientation sexuelle s’est peu à peu construite et renforcée. À ce titre, le Dr Boutaina Drissi Alami déclare : « Nos premières réunions de suivi se faisaient obligatoirement un vendredi après le départ du personnel de l’organisation, car les éducateurs pairs ne se sentaient pas à l’aise en présence d’une dizaine de personnes, ce qui je l’avoue était justifié par un regard très stigmatisant à leur encontre. Mais au fil du temps la confiance s’est installée [...]. Ils ont notamment modifié leur façon de s’habiller et ne cachent plus leurs déhanchements. » Ces premiers changements ont abouti à un renforcement de la confiance en soi et en la communauté : plusieurs éducateurs pairs se sont engagés dans la défense des droits humains. C’est ainsi que le Centre national de droits de l’Homme a reçu des HSH qui se sont présentés en tant que partenaires d’OPALS. « Si je dois citer un changement « le plus significatif », c’est la visite de nos éducateurs pairs au Centre national des droits de l’Homme en avril [2012]. Pour moi, c’est plus qu’un changement, c’est une victoire. Les éducateurs pairs ont été reçus en tant que HSH et ont assisté à une séance au cours de laquelle les droits de l’Homme ont été définis comme étant les mêmes pour tous, quelle que soit notre appartenance. C’est un succès. Et je crois que le plus important pour notre groupe d’HSH, c’est que cette visite est le début d’un travail sur l’autostigmatisation à laquelle ils sont confrontés et ils sont conscients que leurs droits ne sont pas différents de ceux des autres marocains. » Meilleure confiance en soi, conscientisation de son rôle à jouer, prise de parole sur la question des HSH et des droits, les éducateurs pairs d’OPALS de Rabat et de Fès revendiquent un espace de parole et d’échange. À ce sujet, Dr Bouteina Drissi Alami précise : « Pour l’association, ce qui a changé, c’est plus de visibilité en matière de plaidoyer pour favoriser l’accès aux services (soins et autres) aux populations plus exposées au risque. » L’engagement des éducateurs pairs défend les droits, répond aux besoins, relève les défis des HSH au quotidien. Afin d’illustrer ce changement relatif au travail des éducateurs pairs, le répondant fait référence à une autre intervention : « Je ne pourrais pas finir sans citer que nos éducateurs pairs font partie du comité Jeunes d’OPALS. Ils ont intégré l’organisation et n’œuvrent pas uniquement
dans le cadre du projet qui leur est destiné, ce comité Jeunes s’est entretenu pendant 45 minutes, le 4 avril avec le directeur exécutif d’ONUSIDA, Michel Sidibé, au sein des locaux d’OPALS ; les HSH ont pris la parole et ont exprimé leur opinion en tant que jeunes HSH. » OPALS et AMSED ont réussi à mettre en place les conditions nécessaires pour que les HSH défendent eux-mêmes leurs droits et se fassent entendre.
III.5. Changements au niveau de l’environnement Le travail sur le terrain a permis aux partenaires du programme MENA de recueillir 23 histoires relatives au domaine de l’environnement. Elles ont été collectées auprès de 15 représentants des associations, 5 acteurs clés et 3 éducateurs pairs. Au cours de l’atelier régional, les partenaires ont sélectionnés 4 entretiens, qui reflètent les changements les plus significatifs concernant l’environnement. Le tableau 9 ci-après présente les principales thématiques évoquées par les répondants dans les 4 histoires sélectionnées. Tableau 9. Liste des thématiques abordées par les répondants des histoires sélectionnées : N°
Code
Profil du répondant Dr Mustafa El Nakib président du programme national de lutte contre le SIDA libanais
1
LAC1
2
TAC2
Dr Myriam Ben Mamou chargée de programme ONUSIDA
3
MA2
Rachida Akerbib coordinatrice du département de la Santé d’AMSED
Changements les plus significatifs concernant l’environnement Développement du programme au fil du temps Renforcement des capacités institutionnelles des associations Meilleure visibilité des associations Développement des partenariats de l’association au Liban et à l’échelle régionale Meilleure connaissance autour des HSH et de l’homosexualité Réduction de la stigmatisation et de la discrimination envers des HSH de la part de la société Meilleure visibilité des HSH Défense par les HSH de leurs droits Développement du sentiment de sécurité/protection chez les HSH Meilleur connaissance de l’épidémie du VIH parmi les HSH Meilleure analyse/connaissance de la situation des HSH Meilleure visibilité des HSH Acceptation de la question des rapports sexuels entre hommes par les acteurs de la riposte au SIDA Intégration de la question de la vulnérabilité des HSH dans la planification stratégique Bonne utilisation des résultats de la recherche en plaidoyer Visibilité/reconnaissance des HSH Reconnaissance de la nécessité de travailler avec les HSH comme priorité de santé publique
4
AA1
Prof. Aziz Tadjeddine président d’APCS
Libération de la parole et de l’action autour de la thématique des rapports sexuels entre hommes Traitement médiatique de la question des rapports sexuels entre hommes sans censure Implication des leaders religieux dans la riposte au SIDA et dans l’accompagnement des HSH Participation des leaders religieux à l’élaboration de recommandations en faveur des HSH Reconnaissance du travail de l’association au profit des HSH de la part du ministère de la Santé
Témoignage au Liban L’équipe libanaise a sélectionné l’histoire collectée auprès du D r Mustafa El Nakib, directeur du PNLS libanais. Dans son témoignage, il reconnaît le dynamisme du programme MENA en faveur des HSH et le développement de leurs activités. Toutefois, malgré les efforts déployés, la prévalence du VIH n’a pas baissé chez les HSH. Cette population souffre d’une forte vulnérabilité. Le manque des ressources financières constitue souvent une entrave à l’accompagnement des HSH. Dans ce contexte, le Dr Mustafa El Nakib déclare : « Je trouve que ce projet est très actif au niveau de ses services et de ses interventions. Il s’est très bien développé au cours de ces dernières années […]. Les résultats sont au-dessous des attentes. Au contraire, je trouve qu’il y a plus de personnes atteintes par le SIDA au niveau de la population cible. » Considérant la stigmatisation et la discrimination comme un obstacle à la prévention du VIH/SIDA, les associations impliquées dans le programme en faveur des HSH se sont engagées dans la lutte contre l’homophobie, d’autant plus que les rapports sexuels entre hommes font l’objet d’une répression légale au Liban. Selon le directeur du PNLS, la société libanaise commence à être plus ouverte à cette question grâce aux activités menées visant la promotion de la santé. Il déclare : « L’information, la communication et les activités de prévention ont permis à la société de mieux comprendre les sujets en relation avec les MST ainsi que l’homosexualité. Ces acquis ont poussé la société à être moins discriminante. » Par ailleurs, la visibilité des HSH s’améliore. Il s’agit ici d’une avancée non négligeable dans la riposte au VIH/SIDA et dans la réhabilitation de cette population dans la société. Pour le directeur du PNLS : « La population HSH, elle est devenue plus visible. Elle est maintenant en mesure de mener sereinement des activités publiques, de réclamer ses droits et de les défendre. Elle a moins peur à se montrer […] et trois ONG qui s’occupent de la population HSH. C’est le résultat du soutien de l’Alliance aux organisations en question. Ce soutien a permis aux bénéficiaires de se sentir mieux protégés et mieux compris, en particulier car ils sont considérés comme des criminels par la loi ; c’est pourquoi ils ressentent à tout moment le besoin d’être protégé de ces lois. »
Grâce à leur familiarisation avec la vie associative, nombre d’HSH sont moins indifférents à l’égard de la sphère publique au Liban. Ils sont de plus en plus conscients que leur implication est un moyen qui peut les aider dans leurs possibilités, leurs choix et leurs décisions. La participation des HSH contribue à la riposte au VIH/SIDA par le partage de leurs expériences. Grâce à l’appui de SIDC, Helem et Oui pour la vie, de nombreux HSH ont pris conscience que leur mobilisation dans la lutte contre les infections sexuellement transmissibles et le SIDA est essentielle afin de garantir la prise en compte de leurs droits et de leurs besoins en matière de santé. En s’inspirant du proverbe « Si vous voulez un travail bien fait, faites-le vousmême », de jeunes HSH se sont lancés dans le travail associatif et le bénévolat afin de défendre leurs intérêts, et d’apporter soutien et conseil à leurs pairs. Ils se sont également investis dans le travail de proximité avec d’autres types de populations concernées par ces infections, notamment les jeunes issus de la population générale. Témoignage en Tunisie L’équipe tunisienne a sélectionné le témoignage du Dr Myriam Ben Mamou, chargée de programme au secrétariat d’ONUSIDA en Tunisie, pour sa richesse d’informations et sa connaissance approfondie de l’évolution de la situation des HSH en Tunisie. Le Dr Myriam Ben Mamou a insisté sur le rôle qu’ATL-Tunis a joué pour briser le silence autour de la question des rapports sexuels entre hommes et pour réduire l’invisibilité des HSH : « On est passé d’une époque où parler d’HSH était très difficile et quasiment impossible en milieu public avec des partenaires gouvernementaux, à une situation où cette question a été acceptée, avec une évolution progressive. […] De plus en plus, on entend le représentant des HSH indiquer lors les réunions techniques « je représente les HSH » ; c’est un phénomène nouveau et c’est particulièrement courageux dans le contexte actuel, étant donné que ce comportement est toujours réprimé par la loi. C’est quelque chose qui a vraiment changé. […] À travers ce programme, la participation des personnes issues de la communauté a donné un visage humain à cette question, en particulier pour les techniciens pour lesquels c’était auparavant quelque chose d’abstrait. Cela a donc humanisé cette question et c’est très important. » Dans son récit, le Dr Ben Mamou a également mis l’accent sur l’importance des études non seulement dans l’amélioration des connaissances de cette population, mais également dans le meilleur ciblage des interventions qui leur sont adressées. À ce propos, elle déclare : « La première étude menée auprès des populations clés était une étude comportementale auprès des HSH. […] c’était je pense un point important dans le démarrage de l’objectivation de la situation épidémiologique en Tunisie auprès des groupes clés. Selon moi, c’était vraiment la première contribution importante du projet à ce niveau-là. Nous sommes en effet passés d’une époque où parler d’HSH était très difficile et quasiment impossible en milieu public avec des partenaires gouvernementaux, à une situation où cette question a été acceptée, avec une évolution progressive. »
Il ressort du témoignage du Dr Ben Mamou qu’ATL-Tunis s’est appuyé sur des activités d’analyse et de recherche afin de rassembler les éléments factuels concernant les HSH, d’identifier leurs besoins et de mieux cibler les actions à mener en faveur de cette population. À titre d’exemple, les résultats obtenus par le biais du diagnostic communautaire participatif11, mené en grande partie par des HSH sur leurs pairs, ont été exploités pour élaborer et mettre en place plusieurs activités (information, communication, formation et soutien, entre autres). Les études bio-comportementales de 2009 et de 2011 menées par ATL-Tunis auprès des HSH ont permis de mieux appréhender l’étendue de l’épidémie et de cerner le vécu de cette population insuffisamment analysée. Dans cette perspective, la représentante de l’ONUSIDA estime : « Je pense qu’à partir du moment où nous avons eu des chiffres concernant les comportements, puis, en 2009 sur la prévalence, chiffres qui ont été confirmés en 2011, c’est là que nous avons réellement prouvé de manière irréfutable que l’épidémie était concentrée notamment dans la population HSH et qu’il était de notre devoir à tous de nous efforcer d’offrir une réponse efficace. » La diffusion des résultats de ces travaux sont autant de preuves pouvant être utilisées par les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux pour briser le silence autour de la question des rapports sexuels entre hommes et pour tenir compte de la vulnérabilité de cette population dans la planification stratégique. Le Dr Ben Mamou Par ailleurs a par ailleurs insisté sur les progrès réalisés dans l’intégration de la question des rapports sexuels entre hommes à la planification stratégique de la riposte au SIDA en Tunisie, initiée en 2004. Le plan stratégique national de lutte contre le SIDA et les IST (2012-2016) portait principalement sur les populations clés, y compris les HSH. En Tunisie, de nombreux répondants ont fait référence à l’axe stratégique de ce plan concernant « la réforme du cadre juridique et la promotion des droits humains afin de garantir la dignité humaine et la réduction de la stigmatisation et de la discrimination dans tous les contextes de la riposte au VIH » : « Dans le PNLS, les droits humains, la réforme du cadre juridique et la veille concernant les droits humains sont des axes importants. Je pense qu’il est impératif que la communauté s’implique également, même si le contexte n’est pas favorable. » Dans son témoignage, le Dr Ben Mamou a également évoqué la question de la participation des HSH : grâce à leur familiarisation avec la vie associative, de nombreux HSH investissent la sphère publique. En effet, ils ne veulent plus être écartés des actions, mesures et/ou programmes qui les concernent. ATL – Tunis a par conséquent fait participer cette population à l’identification et à la mise en œuvre des actions en leur faveur. À ce titre, l’interviewée souligne : « En 2006 quand ces études ont commencé à être mises en œuvre, il n’y avait, au niveau national, aucun organisme ou intervenant en dehors d’ATL qui avait un 11
International HIV/AIDS Alliance, ATL MST/SIDA - section de Tunis, « Diagnostic communautaire participatif, Répondre aux besoins en santé sexuelle des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes à Tunis », Tunis, International HIV/AIDS Alliance, ATL/SIDA - section de Tunis, 2006.
accès facile à la population. Oui clairement à travers ce programme HSH, ATL a joué un rôle important pour la recherche opérationnelle auprès des populations clés, ATL était pionnière dans ce domaine. […] Je pense que la grande force du programme HSH, c’est de travailler avec des personnes qui sont issues de la communauté ; c’est une évidence et c’est vrai qu’on a assisté à une évolution. […] il me semble très important aussi que le rôle d’activisme et de veille d’ATL ne soit pas dilué dans seulement la fourniture de services. » L’engagement d’ATL-Tunis en faveur des HSH ne cesse de croître. Cet investissement constitue un précieux héritage en termes d’analyse et de soutien à une population clé diverse. De nombreux indices témoignant d’une dynamique institutionnelle, basée sur le développement d’un savoir-faire, sont orientés vers la volonté d’une promotion de la santé et le respect des droits humains auprès des HSH. Témoignage au Maroc L’équipe marocaine a sélectionné l’histoire de Rachida Akerbib, coordinatrice du département de la Santé d’AMSED. Ce témoignage relate le contexte initial lié au besoin de travailler avec les HSH et les travailleurs du sexe. Le changement le plus important demeure cette reconnaissance des HSH en tant que question de santé publique. Pour illustrer les défis de la démarche initiée, elle précise : « Au début, le projet suscitait beaucoup de débats, notamment en ce qui concerne l’homosexualité et le travail du sexe masculin. À chaque fois, le débat était intéressant et aussi complexe, étant donnée la sensibilité des questions soulevées en particulier du point de vue religieux et moral. L’homosexualité est considérée contre nature… ». Dans ce contexte, il est clair que mettre en place un projet pour et avec des HSH était une démarche à la fois novatrice et courageuse. Comme l’explique la répondante, le travail auprès des HSH s’est révélé essentiel pour la santé publique : « Il y a un constat : [la] situation épidémiologique au Maroc. Il faut reconnaître que c’est une population très exposée au risque et notre rôle en tant qu’agent de développement est de faciliter l’accès de ces populations aux services quels que soient leur identité sexuelle et leurs comportements et pratiques sexuelles. » En initiant le projet MENA pour et avec les HSH, AMSED et ses partenaires (ALCS puis OPALS, voir note de bas de page n° 9) ont pu évoquer publiquement la nécessité d’améliorer l’accès à la prévention et aux soins de cette population. Rachida Akerbib a par ailleurs souligné qu’à présent différents acteurs reconnaissent l’existence d’une épidémie concentrée chez les HSH : « Peu à peu, le sujet devient une question de santé globale. Nous devons faciliter l’accès aux services de prévention dans un cadre respectueux et non stigmatisant. Ainsi, plusieurs mesures ont été prises en ce sens par le programme national de lutte contre le SIDA, mesures auxquelles j’ai participé en représentant AMSED : reconnaissance des HSH en tant que population ayant un risque plus élevé d’infection par le VIH dans le Plan
stratégique national de lutte contre le SIDA ; organisation d’un atelier de réflexion sur l’intégration du VIH dans la sûreté nationale ; organisation d’ateliers de formation sur la stigmatisation destinés aux médecins ; revue de la composante Droit et genre dans le PNLS 2007-2011. » Témoignage en Algérie L’équipe algérienne a sélectionné l’histoire rapportée par le président d’APCS. Selon ce dernier, l’association a contribué à donner une visibilité aux HSH tout s’efforçant de répondre à leurs besoins. C’est une avancée non négligeable dans la riposte au VIH/SIDA et dans la réhabilitation de cette population dans la société. À ce propos, le professeur Aziz Tadjeddine raconte : « Ce changement est important pour moi, car dans un contexte difficile, hostile et agressif, l’association en prenant le temps qu’il fallait est parvenu à mettre en place une telle thématique dans un pays, où il est impossible de parler de l’homosexualité sans se faire insulter ou agresser verbalement ! Nous avons réussi à libérer la parole. » En Algérie, les leaders religieux ont pris conscience de la vulnérabilité de certains groupes invisibles, y compris les HSH. Désormais, certains d’entre eux tiennent compte de la spécificité de la question des rapports sexuels entre hommes : dans certains cas, ils orientent les personnes venues leur demander conseil en matière de VIH/SIDA et rapports sexuels entre hommes vers APCS. Ce partenariat avec les leaders religieux a permis à APCS de formuler des recommandations susceptibles d’orienter les actions de l’association à l’avenir. À cet effet, le répondant souligne : « Mais le changement le plus significatif c’est l’implication des imams dans ce projet, alors que l’homosexualité est condamnée et interdite par l’islam […]. Nous avons pu regrouper 18 imams en septembre 2011 autour d’une table ronde, réalisée dans le cadre de ce projet où nous avons discuté de la prise en charge et de l’appui des populations vulnérables, en particulier les HSH […].les imams ont formulé une série de recommandations dans lesquelles ils sont en grande partie impliqués. » Les efforts déployés par APCS ont contribué à briser le silence autour de la question des rapports sexuels entre hommes. Les HSH, qui ont été pendant longtemps laissés pour compte, voire marginalisés par la plupart des acteurs sociaux et intervenants dont les professionnels de la santé, commencent à être pris en considération par nombre d’acteurs. Dans ce contexte, la société civile s’avère être un trait d’union entre certains groupes de population et les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux qui s’impliquent dans leur bien-être.
CONCLUSION : L’IMPACT DU PROGRAMME MENA Dans le cadre de la riposte au SIDA, il est nécessaire pour échanger des informations autour de cette épidémie mondiale d’aborder divers sujets délicats, tels que la sexualité hors mariage, le commerce du sexe, les rapports sexuels entre hommes et la consommation de drogues. Dans plusieurs contextes socioculturels, comme ceux dans la région du MoyenOrient et de l’Afrique du Nord, il est cependant encore difficile de traiter de ces sujets. L’« invisibilité » des HSH et la forte stigmatisation des rapports sexuels entre hommes, font que les actions de prévention, de soins et prise en charge sont souvent insuffisantes. C’est dans ce contexte que les organisations partenaires du programme MENA financé par USAID ont concentré leurs efforts sur la fourniture d’informations et de services sur la prévention combinée à la population HSH. L’approche du changement le plus significatif a été adoptée en vue de documenter les changements engendrés par les interventions des organisations partenaires au profit des HSH. Il a ainsi été révélé que les HSH bénéficiant du programme ont désormais accès à de meilleurs services de santé sexuelle, et constatent que leurs droits humains sont davantage respectés, et ce grâce à l’engagement des associations partenaires du programme MENA. Le chemin est encore long pour que cette population puisse jouir pleinement de ses droits et être socialement reconnue sans être victime de stigmatisation et de discrimination. Ce rapport a néanmoins de mettre en évidence certains des progrès réalisés dans ce domaine. Un espace d’ouverture et de tolérance Les associations partenaires du programme MENA œuvrent en faveur des HSH et s’engagent pour défendre leurs besoins en matière de santé et leurs droits humains. Dans un contexte où les rapports sexuels entre hommes sont punis par la loi et où les HSH ne sont pas pris en considération dans les politiques et les programmes de lutte contre le VIH/SIDA, ces associations ont au fil du temps acquis une expertise dans l’accompagnement de cette population afin qu’elle est accès aux services. Les différents témoignages recueillis par le biais de l’approche du changement le plus significatif ont permis de mettre l’accent sur le caractère « humain/convivial »/de l’intervention des associations partenaires qui s’est traduit par la création d’espaces conviviaux où l’accompagnement des HSH privilégie avant tout l’estime de soi : qu’ils soient bisexuels, gays, transsexuels, travailleurs de sexe ou homosexuels séropositifs ou non, le maître mot de ces organisations est le respect de la dignité de cette population. Comme souligné à maintes reprises dans ce rapport, de nombreux HSH se replient souvent sur eux-mêmes et ont du mal à s’accepter en raison de la peur de la stigmatisation et de la discrimination. Ces différentes associations ont mis à leur disposition des espaces de tolérance où leur dignité et leurs droits sont préservés et respectés. Pour nombre d’HSH l’espace associatif est donc un havre de paix où ils peuvent s’exprimer librement : ils s’y sentent en confiance grâce au professionnalisme et à l’éthique des membres de ces associations.
L’engagement actif des HSH Grâce à l’engagement de partenaires du programme sur le terrain, des liens ont été tissés entre les membres actifs des associations et les HSH, permettant ainsi ces derniers de passer d’un objet d’intervention à un acteur participant aux réponses les plus adéquates aux besoins de cette population. Les organisations concernées œuvrent afin que les HSH participent à l’élaboration, à la mise en œuvre et au suivi des actions de prévention des IST, du VIH et du SIDA. Dans cette optique, l’approche de l’éducation par les pairs a favorisé le travail de proximité auprès de divers groupes d’HSH. Nombre de témoignages recueillis mettent l’accent sur la solidarité entre les bénéficiaires et les membres des organisations. Dans un environnement hostile aux rapports sexuels entre hommes, les liens entre les membres de cette population semblent être un rempart contre la stigmatisation et la discrimination. Les associations œuvrent par conséquent à promouvoir le soutien psychosocial aux HSH, et à leur donner davantage confiance en eux. C’est ainsi que les HSH ont pris conscience de leur rôle clé dans la riposte au SIDA. Ils luttent désormais pour stopper l’augmentation du nombre de cas d’infection par le VIH et se battent pour permettre aux PVVIH de bénéficier d’un traitement antirétroviral, et de plus de services de prise en charge et de soutien. Créer un environnement ouvert et favorable pour une meilleure prise en charge et un meilleur soutien des HSH Dans l’accompagnement des HSH, les partenaires du programme MENA se sont également efforcer de créer un réseau entre les différentes institutions qui œuvrent dans la riposte au VIH/SIDA afin de créer les conditions favorables pour une meilleure prise en considération des besoins de cette population dans une société où les rapports sexuels entre hommes sont réprimés ou punis par la loi. L’idée de développer des réseaux entre ces associations et les autres acteurs clés permet par exemple d’intégrer la question des rapports sexuels entre hommes dans les politiques et les programmes nationaux. Des réseaux efficaces peuvent permettre de mieux orienter les HSH vers ou au sein des divers services, d’élargir le soutien proposé aux individus et de garantir une meilleure compréhension des besoins et difficultés de cette population. Prévention des comportements sexuels à risque et sensibilisation des HSH à une sexualité protégée Lors de l’élaboration et de la mise en œuvre d’actions en faveur des HSH, il est primordial de tenir compte de leurs spécificités et de ne pas se concentrer uniquement sur leur marginalisation. Ainsi, les partenaires du MENA se sont engagées à adopter des actions et programmes intégrant l’approche de la réduction des risques sans aucune connotation stigmatisante afin de ne pas marginaliser outre mesure les HSH. Par ailleurs, il est important de signaler que les partenaires en question ont également œuvré pour l’amélioration des conditions de travail des hommes qui vendent des services sexuels, en promouvant chez cette population l’estime de soi, la solidarité et l’entraide (éducation par les pairs) et en garantissent un meilleur accès des HSH en général, aux services de prévention, de prise en charge et de soutien liés aux infections sexuellement transmissibles, dont le VIH/SIDA, tout en mettant en les encourageant à effectuer le test de dépistage gratuit et anonyme du VIH.
Un meilleur accès aux services, une plus grande estime de soi parmi la population des HSH participent indéniablement à la riposte nationale au SIDA. De nombreux progrès restent à faire, tel que systématiser l’usage du préservatif, promouvoir le dépistage, améliorer le continuum entre prévention, dépistage et soins ou encore poursuivre la lutte contre la stigmatisation et la discrimination dont est victime cette population. Dans la région MENA, les rapports sexuels entre hommes continuent d’être socialement condamnée et punis par la loi, et les programmes spécifiquement adaptés aux HSH demeurent peu nombreux. Le tabou autour des rapports sexuels entre hommes renforce la vulnérabilité d’une population peu visible et sous-analysée. Pourtant, un meilleur accompagnement des HSH, par le biais de campagnes de prévention spécifiques et de services de santé adaptés et non stigmatisants, réduirait la propagation du VIH et du SIDA aussi bien au sein de cette population que dans la population générale. La riposte au SIDA gagnerait en efficacité en brisant le silence autour des rapports sexuels entre hommes.
BIBLIOGRAPHIE ONUSIDA, Rapport mondial, 2010. ATL MST/SIDA, Analyse de la situation de la vulnérabilité vis-à-vis de l’infection à VIH des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, Tunis, ATL MST/SIDA – section de Tunis, avec le soutien d’ONUSIDA, 2007, 114. ATL MST/SIDA, Enquête sérocomportementale auprès des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, Tunis, ATL MST/SIDA – section de Tunis, avec le concours de la DSSB et le soutien du GFATM et d’ONUSIDA, Tunis, 2009. ATL MST/SIDA, Enquête sérocomportementale auprès des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, Tunis, ATL MST/SIDA – section de Tunis, 2011, (à paraître). DAVIES Rick, DART Jess, La Technique du « changement le plus significatif » (CPS), Guide de l’utilisateur, avril 2005. DSSB, Plan stratégique national de lutte contre l’infection à VIH/SIDA et les IST 2006-2010, Tunis, DSSB, 2006. FERCHICHI Wahid, L’homosexualité en droit tunisien, Entre l’incrimination du code pénal et le droit au respect de la vie privée, Tunis (non publié). FERCHICHI Wahid, SAGHRIA Nizar, Les rapports homosexuels dans les textes de loi, Étude générale sur les textes de loi dans les pays arabes avec deux rapports du Liban et de la Tunisie, Beyrouth, Helem. International HIV/AIDS Alliance, AMSED, ALCS, Diagnostic Communautaire participatif, Répondre aux besoins en santé sexuelle des Hommes ayant des relations Sexuelles avec des Hommes à Rabat et Tétouan, janvier 2006. International HIV/AIDS Alliance, AMSED, OPALS, Diagnostic Communautaire participatif, Répondre aux besoins en santé sexuelle des Hommes ayant des relations Sexuelles avec des Hommes à Rabat et Kénitra, janvier 2011. International HIV/AIDS Alliance, ATL MST/SIDA – section de Tunis, Diagnostic Communautaire participatif, Répondre aux besoins en santé sexuelle des HSH à Tunis, avril 2006. International HIV/AIDS Alliance, Entre hommes, Prévention du VIH et des IST pour les hommes qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes, Grande Bretagne, International HIV/AIDS Alliance, 2003. Ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme Hospitalière, Plan national stratégique de lutte contre les IST/VIH/SIDA 2008-2012, 2009. NAP, Newsletter, Let’s talk about HIV, if not now then when, décembre 2011. National Aids control Program, Mishwar, An Integrated Bio-Behavioral Surveillance Study, Among Most At Risk Populations In Lebanon: Female Sex Workers, Injecting Drug Users, Men who have sex with Men And Prisoners, novembre 2008. Office Fédéral des Réfugiés, Maghreb, Homosexualité et prostitution, Papier thématique, BerneWabern, OFR, 2000. PNLS/MST, Analyse de la situation et de la riposte nationale au VIH/SIDA et aux IST en Tunisie, Tunis, PNLS/MST, GFATM, ONUSIDA, 2010. RABBATH Maha, Homosexualité bisexualités : Mythes et réalités, Beyrouth, Helem, p. 6. Rapport d’activité sur la riposte nationale au SIDA, Algérie 2012, Suivi de progrès sur la déclaration politique sur le VIH/SIDA de 2011.
ANNEXES Annexe 1. Déroulement du projet de « démonstration des résultats » – Avriljuin 2012 L’approche participative augmente la qualité, l’efficacité et la pertinence des politiques et des programmes, notamment par le renforcement des systèmes communautaires. Dans les différentes phases de l’appui technique de ce projet, nous nous sommes appuyés sur une approche participative qui a assuré l’implication de divers acteurs, notamment des HSH. Par conséquent dans les quatre pays, des représentants des HSH ont participé aux principales étapes de ce projet, à savoir : - le premier atelier régional de formation des enquêteurs et de conception des outils de collecte de données ; - la collecte des données ; - les groupes de discussion – sélection des changements les plus significatifs ; - le second atelier régional pour valider et communiquer/diffuser les résultats. A) Atelier régional de présentation de la méthode CPS et de conception des outils (avril 2012) Le premier atelier régional, organisé en Tunisie en avril 2012, avait pour objectif de présenter en détail la méthode retenue pour ce projet à savoir l’approche du changement le plus significatif ; de finaliser les guides d’entretiens pour chaque type de répondants ; et d’établir le budget nécessaire à la réalisation et au suivi de la collecte des données. B) Collecte des données (mai 2012) Dans le cadre de ce travail, les entretiens ont été réalisés auprès de populations suivantes : les bénéficiaires, les éducateurs pairs impliqués dans l’accompagnement des HSH, les représentants des organisations et les acteurs clés de la riposte au SIDA (au Liban et en Tunisie). Un total de 84 entretiens a été réalisé. Nous avons interviewé 41 bénéficiaires des organisations partenaires du programme MENA et 23 éducateurs pairs impliqués dans l’accompagnement des HSH. Les nombres d’entretiens menés par pays et par type de répondants sont précisés dans le tableau ci-dessous.
Nombre d’entretiens menés par pays et par type de répondants Algérie
Liban
Maroc
Tunisie
Total
Bénéficiaires
9
12
8
12
41
Éducateurs pairs
5
6
5
7
23
des 3
6
2
4
15
Autres acteurs clés
-
2
-
3
5
Total
17
26
15
26
84
Représentants associations
C) Analyse participative des données et sélection des histoires (mai 2012) Dans cette étude, des groupes de discussion ont été organisés dans chaque pays au cours du mois de mai 2012, afin de discuter des histoires clés et de les sélectionner. Les personnes qui ont pris part aux groupes de discussion étaient des représentants des organisations partenaires, des bénéficiaires, des éducateurs pairs, des enquêteurs et dans certains cas des acteurs clés extérieurs. Les groupes de discussion ont permis de réduire le nombre d’histoires recueillies, en se concentrant sur : l’importance et la validité d’une histoire ; l’intégration d’éléments de preuve pour appuyer le changement ; les liens avec les domaines du changement choisis pour l’évaluation. Pour chaque domaine, le groupe a sélectionné, par le biais d’un vote ou d’un consensus, une histoire pour représenter le changement le plus significatif. D) Atelier régional de validation des histoires et enseignements tirés (juin 2012) Un second atelier a eu lieu deux mois plus tard les 21 et 22 juin 2012 à Rabat sur la validation des données et la communication des résultats. Les objectifs de cette rencontre étaient les suivants : - présenter et valider les résultats des rapports nationaux ; - sélectionner les histoires pour le rapport régional ; - identifier les enseignements du processus mis en place. Onze personnes ont participé à ce deuxième atelier régional, représentant 6 organisations partenaires du programme MENA.
Annexe 2. Profil des répondants Profil des bénéficiaires interrogés (41 répondants) : 5 sont âgés de moins de 20 ans, 21 d’entre eux ont entre 20 et 30 ans et 15 plus de 30 ans. 5 ont fréquenté le primaire uniquement, 6 un établissement du premier cycle d’enseignement de base, 13 d’entre eux le 2e cycle de l’enseignement de base (le secondaire), 15 l’enseignement supérieur. 1 est au chômage et n’a jamais travaillé, 14 sont sans emploi mais ont déjà travaillé auparavant, 17 travaillent, 6 sont étudiants et 1 marocain est rentier. La plupart (19) habitent avec leur famille, 8 chez des membres de leur famille, 5 ont leur propre domicile, 5 habitent avec ou chez des amis et 1 interviewé au Liban était sans domicile fixe. 5 répondants sont mariés et 3 ont des enfants, les 36 autres sont célibataires. Pour ce qui est de la perception de leur identité sexuelle, 15 déclarent se sentir bisexuels, 9 se considèrent comme homosexuels, 5 comme HSH, 10 en tant que gay et 1 au Liban en tant que transgenre. Près de la moitié déclarent avoir subi une violence verbale et/ou physique, au cours des 12 derniers mois précédents l’enquête, en raison de leur orientation sexuelle. Les lieux et cadres de rencontres des partenaires sexuels masculins les plus cités sont : Internet, la rue, les cafés/salons de thé, les bars/restaurants et dans une moindre mesure les parcs ou jardins, les discothèques, les bains maures. Parmi les interviewés, 17 souhaitent quitter le pays, 7 disent ne pas penser à l’avenir, 4 désirent quitter le foyer parental, 2 veulent changer de région et 8 souhaitent ne rien changer. Profil des éducateurs pairs interrogés (23 répondants) : 1 répondant a moins de 20 ans, 16 d’entre eux ont entre 20 et 30 ans, 6 plus de 30 ans. La plupart des personnes interrogées (21) a fréquenté un établissement scolaire : 2 ont fréquenté le 1er cycle de l’enseignement de base, 4 des établissements de 2e cycle de l’enseignement de base (secondaire), 1 a suivi une formation professionnelle et 14 ont poursuivi des études supérieures. 2 d’entre eux sont au chômage et n’ont jamais travaillé, 4 sont sans emploi mais ayant déjà travaillé auparavant, 7 travaillent et 9 sont des étudiants. La plupart des éducateurs pairs vivent avec sa famille (17 d’entre eux), 5 déclarent avoir leur propre domicile, 1 chez des membres de sa famille et 2 chez ou avec des amis. 14 sont célibataires, 1 est divorcé et 3 vivent avec un partenaire sexuel masculin. Pour ce qui est de la perception de leur identité sexuelle, 3 déclarent se sentir bisexuels, 1 se considère homosexuel, 4 se considèrent HSH et 15 gay. En ce qui concerne la violence subie de la part des éducateurs pairs, 12 déclarent avoir subi une violence verbale et/ou physique au cours des 12 derniers mois précédents l’enquête en raison de leur orientation sexuelle. Les lieux de rencontre de partenaires sexuels masculins les plus cités par les éducateurs pairs sont : Internet, les cafés/salons de thé, les bars/restaurants, et dans une moindre mesure la rue, les discothèques, les jardins publics et les bains maures. 8 souhaitent quitter le pays, 3 disent ne pas penser à l’avenir, 1 désire quitter le foyer parental, et 5 souhaitent ne rien changer.
Annexe 3. Outils de collecte des données Ils ont été élaborés lors de l’atelier régional d’avril 2012 : 1) Guides d’entretiens 1. Introduction « Bonjour, je m’appelle (insérer votre prénom) et je suis membre de l’organisation (insérer le nom de l’organisation). Depuis 2004, cette organisation met en œuvre un programme régional MENA qui répond aux besoins en santé sexuelle des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) et travaille entre autres sur l’amélioration des conditions de vie des HSH au (insérer le nom du pays). Pour cela, nous menons des activités comme : (insérer les activités majeures menées par l’organisation. Ex : distribution de préservatifs/lubrifiants, soutien juridique, en ligne, orientation, CDV, etc.). Nous réalisons cet entretien avec nos bénéficiaires afin d’améliorer nos services et vous en faciliter l’accès et l’usage. L'objectif de notre étude est de donner un aperçu de l'impact des programmes de la région MENA en recueillant leurs observations sur les changements les plus significatifs survenus. » 2. Confidentialité Veuillez préciser de façon explicite au répondant : « Nous pouvons utiliser votre récit afin de mieux comprendre les résultats du projet et d’aider notre organisation à revoir ses activité . » Acceptez-vous ?... (le répondant) : Que votre récit soit publié de manière anonyme (cochez la case correspondante) Oui Non Que notre entretien soit enregistré Oui Non (L’enregistrement ne servira qu’à faciliter la transcription de vos réponses et sera détruit par la suite. Personne en dehors de l’organisation n’y aura accès.) 3. Détails Nom de l’enquêteur : Mode de réalisation (face à face, par téléphone, par mail, auto-administré, etc.) : Date de l’entretien : Durée de l’entretien : Code : 4. Questions 4.1 Questions pour les bénéficiaires Changement à votre niveau 1. Depuis quand êtes-vous en contact avec notre organisation ? 2. Pendant cette période, comment avez-vous bénéficié de ce projet /avez-vous été impacté par ce projet ?
3. Par rapport à cela, en quoi votre situation a-t-elle changé ? Qu’est-ce que cela vous a apporté ? 4. Parmi ces changements, lequel a été le plus important ? 5. Questions pour obtenir plus de précisions : a. Pouvez-vous me donner plus de détails sur ce changement (comment, pourquoi, grâce à quoi, grâce à qui, pour qui, quand ?) et b. Pouvez-vous nous donner des exemples de ce qui s’est passé ? 6. Pourquoi cela a été important pour vous ? Commentaires de l’enquêteur (résumez le changement le plus significatif identifié et précisez pourquoi il est important pour cette personne) :
Changement(s) relatif aux services reçus (si non abordé dans la première partie) Merci pour ces réponses. 1. Ce projet a travaillé sur des services spécifiques, comme : le dépistage VIH, le diagnostic et traitement des IST, les services en ligne, le soutien juridique, etc. à personnaliser selon l’organisation). Avez-vous bénéficié de ces services ? 2. Par rapport à cela, en quoi votre situation a-t-elle changé ? Qu’est-ce que cela vous a apporté ? 3. Parmi ces changements, lequel a été le plus important ? 4. Questions pour obtenir plus de précisions : a. Pouvez-vous me donner plus de détails sur ce changement (comment, pourquoi, grâce à quoi, grâce à qui, pour qui, quand ?) et b. Pouvez-vous nous donner des exemples de ce qui s’est passé ? 5. Pourquoi cela a été important pour vous ? Commentaires de l’enquêteur (résumez le changement le plus significatif identifié et précisez pourquoi il est important pour cette personne) :
4.2. Questions pour les éducateurs pairs Changement à votre niveau en tant qu’éducateur pair 1. Depuis quand travaillez-vous avec notre organisation en tant qu’éducateur pair ? 2. Pendant cette période, comment avez-vous bénéficié de ce projet ? 3. Par rapport à cela, en quoi votre situation d’éducateur pair a-t-elle changé ? Qu’est-ce que cela vous a apporté ? 4. Questions pour obtenir plus de précisions : a. Pouvez-vous me donner plus de détails sur ce changement (comment, pourquoi, grâce à quoi, grâce à qui, pour qui, quand ?) et
b. Pouvez-vous nous donner des exemples de ce qui s’est passé ? 5. Pourquoi cela a été important pour vous ? Commentaires de l’enquêteur (résumez le changement le plus significatif identifié et précisez pourquoi il est important pour cette personne) :
Choisir une seconde thématique 1) changement au niveau de la population HSH OU 2) changement au niveau de l’environnement. Ce choix est à déterminer selon la contribution attendue des répondants. Vous devez choisir les répondants qui pourront répondre selon leur contribution possible à la première ou seconde question. Option 1 : changement au niveau de la population HSH 1. À présent, nous allons parler des HSH avec lesquels vous travaillez. Avez-vous vu des changements au niveau de la population ? 2. Par rapport à cela, en quoi leur situation a-t-elle changé ? Qu’est-ce que cela leur a apporté ? 3. Parmi ces changements, lequel a été le plus important ? 4. Questions pour obtenir plus de précisions : a. Pouvez-vous me donner plus de détails sur ce changement (comment, pourquoi, grâce à quoi, grâce à qui, pour qui, quand ?) et b. Pouvez-vous nous donner des exemples de ce qui s’est passé ? 5. Pourquoi cela a été important pour la population ? Commentaires de l’enquêteur (résumez le changement le plus significatif identifié et précisez pourquoi il est important pour cette personne) :
Option 2 : changement au niveau de l’environnement 1. À présent, nous allons parler de l’environnement. Avez-vous constaté des changements au niveau de l’environnement ? Il peut s’agir de l’environnement de la population HSH, de l’environnement de l’organisation ou de la riposte VIH/SIDA dans notre pays. 2. Si besoin, donnez des exemples. Par exemple, par environnement, on peut entendre la communauté des HSH, les sous-groupes dans la population, les personnes dans l’environnement des HSH qui peuvent avoir des influences positives ou négatives (prestataires de services, force de l’ordre, homophobes), les acteurs clés liés à l’organisation, les acteurs et les décideurs dans la lutte contre le SIDA (organisations, secteur public). 3. Suite à ce projet, en quoi l’environnement a-t-il changé ? 4. Parmi ces changements, lequel a été le plus important ? 5. Questions pour obtenir plus de précisions : a. Pouvez-vous me donner plus de détails sur ce changement (comment, pourquoi, grâce à quoi, grâce à qui, pour qui, quand ?) et b. Pouvez-vous nous donner des exemples de ce qui s’est passé ? 6. Pourquoi cela a été important ?
Commentaires de l’enquêteur (résumez le changement le plus significatif identifié et précisez pourquoi il est important pour cette personne) :
4.3 Questions aux membres de l’organisation Changement au niveau de l’organisation 1. Depuis quand travaillez-vous avec notre organisation ou êtes-vous membre de notre organisation? 2. Pendant cette période, comment l’organisation a-t-elle bénéficié de ce projet /a-t-elle été impactée par ce projet ? 3. Par rapport à cela, qu’est-ce qui a changé au sein de l’association ? Qu’est-ce que cela a apporté à l’association ? 4. Parmi ces changements, lequel a été le plus important ? 5. Questions pour obtenir plus de précisions : a. Pouvez-vous me donner plus de détails sur ce changement (comment, pourquoi, grâce à quoi, grâce à qui, pour qui, quand ?) et b. Pouvez-vous nous donner des exemples de ce qui s’est passé ? 6. Pourquoi cela a été important pour l’association ? Commentaires de l’enquêteur (résumez le changement le plus significatif identifié et précisez pourquoi il est important pour cette personne) :
Changement au niveau de l’environnement 1. Pendant cette période pendant laquelle vous étiez impliqué, avez-vous constaté des changements au niveau de l’environnement ? Cela peut concerner l’environnement de la population HSH, l’environnement de l’organisation ou la riposte VIH/SIDA dans notre pays. 2. Si besoin, donnez des exemples. Par exemple, par environnement, on peut entendre la communauté des HSH, les sous-groupes dans la population, les personnes dans l’environnement des HSH qui peuvent avoir des influences positives ou négatives (prestataires de services, force de l’ordre, homophobes), les acteurs clés liés à l’organisation, les acteurs et les décideurs dans la lutte contre le SIDA (organisations, secteur public). 3. Suite à ce projet, qu’est-ce qui a changé dans l’environnement ? 4. Parmi ces changements, lequel a été le plus important ? 5. Questions pour obtenir plus de précisions : a. Pouvez-vous me donner plus de détails sur ce changement (comment, pourquoi, grâce à quoi, grâce à qui, pour qui, quand ?) et b. Pouvez-vous nous donner des exemples de ce qui s’est passé ? 6. Pourquoi cela a été important ?
Commentaires de l’enquêteur (résumez le changement le plus significatif identifié et précisez pourquoi il est important pour cette personne) :
4.4 Questions pour les représentants des intervenants 1. Depuis quand collaborez-vous avec notre organisation ? 2. Selon vous, ce projet a-t-il contribué à la riposte contre le SIDA ? Si oui, comment ? 3. Quels sont les changements que vous avez perçus suite à nos efforts de prévention avec la population HSH ? 4. Parmi ces changements, lequel a été le plus important ? 5. Questions pour obtenir plus de précisions : a. Pouvez-vous me donner plus de détails sur ce changement (comment, pourquoi, grâce à quoi, grâce à qui, pour qui, quand ?) et b. Pouvez-vous nous donner des exemples de ce qui s’est passé ? 6. Pourquoi cela a été important ? Commentaires de l’enquêteur (résumez le changement le plus significatif identifié et précisez pourquoi il est important pour cette personne) :
5. Clore l’entretien Remerciez le répondant de sa disponibilité et du temps qu’il vous a accordé. Précisez qu’en partie grâce à sa participation, l’efficacité des projets relatifs au VIH/SIDA ciblant les HSH devrait être mieux connue. Sur cette base, de nouveaux projets encore plus adaptés devraient voir le jour. Incluez, selon le souhait des pays, un mot sur la restitution et/ou partage des résultats avec les bénéficiaires du projet. Donnez le maximum de détails sur le processus que vous avez identifié pour ce faire.
2) Questionnaire sur le profil des répondants Pays
Algérie Liban
Code du questionnaire Enquêteur Date de l’entretien Statut du répondant
APCS SIDC Oui pour la Vie Helem Maroc 3 AMSED OPALS – Fès OPALS – Rabat Tunisie 4 ATL MST/SIDA – Tunis ……………………… …………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………… Bénéficiaire [__] Éducateur pair [__]
N° Q1 Q2
Questions Quel âge avez-vous ? Avez-vous été à l’école ?
Q3
Quel niveau avez-vous atteint dans vos études ?
Q4
Quelle est votre profession (l’activité qui vous prend le plus de temps actuellement) ?
Q5
Où vivez-vous maintenant ?
Q6
Situation actuelle ?
Q7
Combien avez-vous d’enfants, le cas échéant ? Comment vous définissezvous ?
Q8
matrimoniale
1 2
[__] [__] [__] [__] [__] [__]
Réponses codées Âge en années [__|__] Oui Non Primaire Premier cycle de l’enseignement de base e Secondaire/2 cycle de l’enseignement de base Supérieur Formation professionnelle Enseignement pour adultes Actif. Précisez……..……………………….... Sans emploi et a déjà travaillé Sans emploi et n’a jamais travaillé Élève/étudiant Rentier Ne peut pas travailler pour des raisons de santé Autre………………………………………………... Dans votre propre domicile Avec la famille Chez des membres de votre famille Chez/avec des amis Sans domicile fixe Autre………………………………...…………...…. Célibataire Fiancé Marié Divorcé Veuf Vivant avec un partenaire sexuel de sexe masculin Vivant avec un partenaire sexuel de sexe féminin Séparé
Saut 1 2 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 7 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 7 8
Nombre d’enfants
[__|__]
Gay Homosexuel HSH
1 2 3
Q4
Q9
Q10
Q11
Au cours des 12 derniers mois, avez-vous subi une agression verbale ou physique à cause de votre orientation sexuelle ? Au cours des 12 derniers mois, où avez-vous le plus souvent rencontré vos partenaires sexuels masculins ?
Quels sont vos projets futurs ?
Bisexuel Hétérosexuel Transgenre Autre……………………………………………..... Oui
4 5 6 7 1
Non
2
Rue Cafés/salons de thé Bars/restaurants Discothèques Parc/publics jardins Bains maures Internet Autre………………………………………………... Ne rien changer Quitter le domicile parental Changer de ville ou de région Quitter le pays Ne pas penser à l’avenir Autre……………………………………………….
1 2 3 4 5 6 7 8 1 2 3 4 5 6
Annexe 4. Enseignements du projet « démonstration des résultats » L’utilisation de l’approche des changements les plus significatifs était une première expérience pour les associations partenaires. Celles-ci se sont facilement approprié l’approche proposée et ont exprimé leur intention de la réutiliser pour documenter leur travail auprès d’autres populations clés. Le projet a favorisé l’échange : - au sein des organisations impliquées dans chaque pays ; - entre les organisations des quatre pays, d’une part, et les représentants de ces organisations et l’Alliance, d’autre part, lors des deux ateliers régionaux organisés ; - entre les organisations concernées et les intervenants clés de la riposte au SIDA (au Liban et en Tunisie). Un bilan des activités des organisations Ce projet de documentation participative des résultats du programme MENA a été l’occasion pour les organisations concernées de dresser le bilan de leur contribution à la riposte au VIH/SIDA et de leur accompagnement d’une population diversifiée, peu visible et souvent livrée à elle-même. L’expérience a permis dans certains cas aux organisations de relever certaines faiblesses. Cet exercice de documentation et d’apprentissage a été considéré de une opportunité pour observer de façon rétrospective les interventions effectuées, ce qui s’avère le plus souvent irréalisable faute de temps et en raison de l’importante charge de travail quotidienne. Selon certains intervenants, l’adoption de cette approche a participé au développement du partenariat entre leur organisation et les bénéficiaires. En ce qui concerne l’implication des éducateurs pairs, il apparaît que cet exercice a contribué non seulement au développement de leurs compétences, mais leur a également permis de prendre du recul par rapport à leur travail sur le terrain avec les publics visés. L’importance du suivi Pour nombre de participants impliqués la mise en œuvre de ce projet, la planification et le suivi continu sont des étapes cruciales. Il n’a cependant pas toujours été possible de réaliser un suivi continu en raison de la charge de travail du superviseur du travail sur le terrain, d’une communication insuffisante entre les différents membres de l’équipe et du manque d’expérience dans le traitement des données qualitatives collectées. Une approche pertinente et facile à mettre en œuvre Les représentants des organisations partenaires en Algérie, au Liban, au Maroc et en Tunisie se sont facilement appropriés l’approche CPS. Selon eux, cette approche participative et transparente, qui privilégie la méthode qualitative, est pertinente, relativement facile à mettre en œuvre et pourrait être utilisée d’une manière régulière. Les groupes de discussion organisés dans les quatre pays pour sélectionner les histoires reflétant les changements les plus significatifs ont été considérés comme des moments forts dans la mise en œuvre du projet de documentation. Des délais cours Les équipes des enquêteurs n’ont pas rencontré de difficultés majeures dans l’utilisation des outils d’investigation élaborés. La période de trois semaines pour collecter, transcrire et traduire les entretiens s’est cependant avérée trop courte, en particulier pour assurer le suivi relatif à la qualité des histoires et fournir un feedback aux enquêteurs. Les superviseurs du
travail de terrain ont notamment eu du mal à vérifier toutes les histoires, alors que la vérification des entretiens demeure une étape importante. La courte durée consacrée au travail de terrain a empêché les équipes algérienne et marocaine de recueillir le témoignage de certains partenaires stratégiques. Pourtant, le regard des intervenants extérieurs sur les changements les plus significatifs engendrés par le projet est indispensable pour renforcer la crédibilité de l’étude et fournir des informations complémentaires sur les actions menées. Les difficultés liées à la sélection des CPS Malgré la clarté des questions des guides d’entretien, il ressort que les répondants semblent avoir du mal à choisir les changements les plus significatifs parmi les changements qu’ils ont mentionnés : il s’agit ici d’une difficulté à hiérarchiser les changements et les « classer » selon leur importance de façon claire et cohérente. Le manque de préparation des enquêteurs Tous les enquêteurs ne maîtrisaient pas les techniques d’entretien, notamment celle destinée à obtenir de plus amples précisions. Dans certains cas, cette difficulté s’est répercutée négativement sur la qualité des entretiens qui n’ont pas été toujours riches en informations. Dans certains cas, un manque de diversité dans les histoires collectées a par ailleurs été observé : certains récits étaient redondants en ce qui concerne certains changements significatifs identifiés, tels que l’accès au préservatif et au test de dépistage du VIH, l’amélioration des connaissances relatives au VIH/SIDA. Étendre cette expérience à d’autres populations Dans l'ensemble la méthodologie s'est avérée précieuse : elle a démontrée de manière efficace, en utilisant les propres mots des bénéficiaires, l’impact sur les bénéficiaires de la lutte contre la stigmatisation, d’une meilleure compréhension et hiérarchisation de leur propre santé, etc. Satisfaites de cette première expérience, les organisations ont constaté la valeur ajoutée de ce type d’évaluation qualitative et ont exprimé leur intention d’utiliser l’approche des changements les plus significatifs auprès d’autres populations avec lesquelles elles travaillent. Les enseignements en Algérie Le processus de mise en œuvre de l’approche des changements les plus significatifs a favorisé l’échange au sein d’APCS autour des interventions auprès HSH. Cette expérience a été perçue par les personnes impliquées comme l’occasion de faire un bilan de la contribution d’APCS dans la riposte au VIH/SIDA et l’accompagnement d’une population spécifique et diversifiée. L’équipe d’APCS n’a rencontré aucune difficulté pour s’approprier cette approche et utiliser les outils d’enquête. Cependant, certains points faibles ont été relevés à l’issue de cette expérience, à savoir : les techniques d’entretien, la transcription des données, les délais (la courte durée consacrée au travail de terrain a empêché l’équipe d’APCS de recueillir les histoires de certains de leurs partenaires, tels que les leaders religieux). À l’issue de cette expérience, l’équipe d’APCS a exprimé son souhait d’utiliser l’approche des changements les plus significatifs auprès d’autres populations vulnérables avec lesquelles elle travaille.
Les enseignements au Liban Le processus de mise en œuvre de cette approche a favorisé l’échange au sein de SIDC, Helem et OPV. Il a leur permis d’observer de façon rétrospective leur contribution à la riposte au VIH/SIDA et leur contribution dans l’accompagnement des hommes ayant des rapports sexuels entre hommes. Les trois équipes se sont facilement approprié l’approche des changements les plus significatifs. Les enquêteurs n’ont rencontré aucune difficulté dans l’utilisation des outils d’investigation. Malgré une expérience positive, certains points négatifs ont été constatés : - le travail a accusé un retard en raison de la non-disponibilité des certains acteurs ; - la période consacrée à la collecte, la transcription et la traduction les entretiens s’est avérée courte, notamment pour assurer le suivi de la qualité des histoires ; - les répondants semblent avoir rencontré des difficultés pour choisir le changement le plus significatif, malgré la clarté des questions des guides d’entretien ; - la traduction depuis le libanais vers le français a prolongé le délai, mais cela a permis d’avoir à disposition deux versions des récits. En dépit de ces difficultés, il est important de souligner le succès de cette expérience en ce qui concerne le développement de l’estime de soi dans cette population : de nombreux répondants ont exprimé leur volonté de témoigner en donnant leur nom. C’était leur façon de défendre la cause des HSH dans leur pays. Les trois organisations ont exprimé leur souhait d’utiliser l’approche CPS auprès d’autres populations avec lesquelles elle travaille. Les enseignements au Maroc L’approche du changement le plus significatif a permis de fournir des histoires assez riches en informations sur les changements intervenus depuis qu’AMSED et OPALS ont mis en place leurs activités. Il faut toutefois noter que certaines faiblesses ont été observées quant à l’adoption de cette approche lors du travail sur le terrain : - malgré la clarté des questions des guides d’entretien, certains enquêteurs ne maîtrisaient pas les techniques d’entretien, avec des répercussions négatives sur la qualité des entretiens dont les informations étaient parfois insuffisantes ; - la courte durée consacrée au travail de terrain a empêché les équipes d’AMSED et d’OPALS de recueillir les histoires de certains de leurs partenaires, y compris les représentants du ministère de la Santé ou encore ONUSIDA. Des informations ont été recueillies auprès des enquêteurs et du coordinateur pour identifier les enseignements. La période consacrée à la collecte, la transcription et la traduction les entretiens s’est avérée trop courte, notamment pour assurer le suivi de la qualité des histoires et fournir un feedback aux enquêteurs. De plus, lorsque les enquêteurs n’ont pas été formés lors de l’atelier régional, les histoires recueillies n’étaient pas de bonne qualité, elles étaient courtes et parfois incomplètes. Malgré ces points faibles, cet exercice a permis à ces organisations de renforcer leurs compétences. Ainsi, OPALS envisage de réutiliser cette méthode dans un futur proche dans le cadre d’autres projets auprès de migrants. Les enseignements en Tunisie
L’approche des changements les plus significatifs a fourni des histoires riches en informations sur les changements intervenus depuis qu’ATL-Tunis a mis en place ses activités. IL est cependant implorant de noter que cette expérience a mis en évidence certains faiblesses dans l’adoption de cette démarche, notamment concernant la collecte, la transcription, la traduction et la vérification des entretiens, en particulier certaines histoires se sont révélées incomplètes. Il convient de noter qu’ATL-Tunis a souligné le caractère positif de cette approche qui lui a permis de faire le bilan de ses forces et de ses faiblesses. C’est pourquoi elle souhaite réutiliser cette méthode dans un futur proche pour d’autres projets. Peu coûteuse, facile à mettre en place et à planifier, cette méthode a séduit les membres de l’organisation.
Annexe 5. Liste des équipes d’enquêteurs -
Algérie :
Omar Ouhaddad (coordinateur pays), APCS Mohamed El Amine Ain Kouir Abdelouafi Ouali Djamila Ouabdsselam Fatiha Razik
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Liban :
Nadia Badran (coordinatrice pays), SIDC Rony N. Abou Daher, (superviseur, traducteur), SIDC Joseph Azzi, OPV Ibrahim Diahb, Helem Elie Elkik, OPV Roy Fadel, OPV Mario Hayek, OPV Rabih Maher, Helem
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Maroc :
Said Kharouiche (coordinateur pays), AMSED Rachida Akerbib, AMSED Boutaina Drissi Alami, OPALS Rachid Krissou, OPALS
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Tunisie :
Bilel Mahjoubi (coordinateur pays), ATL MST/SIDA – section de Tunis Badr Baabou Skander Gajim Issem Gritli Hassen Hnini Nadhem Oueslati Slim Troudi