L’habitat groupé, un modèle d’habitat répondant aux crises environnementales et sanitaires contemp..

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L’habitat groupé, un modèle d’habitat répondant aux crises environnementales et sanitaires contemporaines ? Cas d’étude sur les habitats groupés en Région Bruxelles Capitale

Albert ALMAZOV Mémoire de master en Architecture 2020 - 2021

Sous la direction de Bernard DEPREZ et Jean GARCIN

ULB - Faculté d’Architecture la Cambre-Horta Place Eugène Flagey 19 1050 Ixelles


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Remerciements Je tiens tout d’abord à exprimer ma reconnaissance à Bernard Deprez et Jean Garcin. Je remercie également toutes les personnes qui ont pris de leur temps pour répondre à mes questions et plus particulièrement à Oliver et Dora, Isabelle, Dido ainsi qu'Anne-Catherine qui ont apporté de précieux éléments de réponses à ce présent mémoire. Enfin, pour leur encouragement et leur soutien durant ces années d’étude, je remercie mes parents, mes amis et tout particulièrement Ons. 3


RÉSUMÉ Les récents phénomènes d’étalement urbain (énergivores) ont des conséquences; deux d’entre d’elle, l’artificialisation et l’imperméablisations des sol, sont à l’origine de graves inondations et d'épisodes de sécheresses tels que le monde les a vécus cet été (2021). Ces phénomènes inquiétants nous poussent à nous pencher sur les potentialités de la densité, au regard de la lutte contre l’étalement et d’exigences environnementales et sociétales croissantes. Mais, vivre en communauté (encore faudrait-il le vouloir), n'est plus très conseillé avec la crise sanitaire que nous vivons. Dans une logique de limitation des ressources, en vue de l’urgence climatique qui s’abat sur nous, s’étaler, n’est pas conseillé non plus. Mais alors, quel modèle d’habitat privilégié dans un tel contexte ? Autrement dit, comment réconcilier les attentes individuelles des ménages avec les défis urbanistiques agissant au nom de la collectivité (qui plus est dans un contexte de crise) ? Des voies sont effectivement possibles pour lier qualité de vie et limitation d’une expansion urbaine coûteuse. Nous étudierons ici l'hypothèse de l'habitat groupé en Région Bruxelles Capitale.

Mots-clés : environnement - santé - étalement urbain - densité - habitat groupé

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“Au lendemain où nous serons tous vaccinés, que restera-t-il de toutes nos idées généreuses pour améliorer notre cadre de vie, de nos « bonnes visions » de la ville du futur ?” Hervé JUDEAUX

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TABLE DES MATIÈRES Etat de l’art

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Introduction

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Chapitre 1 : Liens historiques entre l’urbanisme et la santé

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1. La révolution pasteurienne et la naissance de l’Urbanisme

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1.1. L’urbanisme à l’âge pré-pastorien

13

1.2. L’urbanisme à l’âge pastorien

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2. La rupture entre l’urbanisme et la santé Chapitre 2. La nécessité de renouer les liens entre urbanisme et santé

20 21

1. Les perturbateurs endocriniens 22 2. La contamination de l’air extérieur par des particules fines et des émissions d’oxyde d’azote 22 3. Les Gaz à Effet de Serre (GES) 23 Chapitre 3 : Les enjeux contemporains de l’urbanisme et l’architecture 1. Concept de l’étalement urbain : définition et mesures

24 24

1.1. La densité de population ou de logements et son gradient

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1.2. Les espaces agricoles et naturels consommés par l’urbanisation

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1.3. La distance au centre-ville de l’implantation de la construction neuve

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2. Les causes de l’étalement urbain

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2.1. L’évolution de notre société et de nos modes de vie

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2.2. Le rapport coût et surface habitable du logement

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2.3. Le temps de trajet entre logement et le travail

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2.4. Le modèle de la maison individuelle à la proximité de la nature

33

3. Les conséquences de l’étalement urbain

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3.1. L’altération du paysage rural et l’artificialisation des sols

35

3.2. Accroissement des gaz à effet de serre

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3.3. Coût en infrastructures

37

3.4. La gentrification rurale

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4. Crise sanitaire, amplificateur de l’exode urbain ?

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4.1. Fuis tôt, loin, et reviens tard

40

4.2. Covid-19 et Exode

42

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5. La densité, au nom d’une gestion économe de l’espace

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5.1. Densité : vers une tentative de définition

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5.2. La densité “fait peur”

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5.3. Densité, intensité ou densité vécue

49

5.4. Des formes d'habitat pour une “densification attractive”

52

Chapitre 4: L’Habitat Groupé, une réponse urbaine aux crises contemporaines

56

1. Définition

56

2. Historique et évolution des habitats groupés

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3. L’habitat groupé en Région Bruxelles-Capitale

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3.1. Le bilan de l'habitat groupé dans la RBC

63

3.2. Exemples dans la Région Bruxelles-Capitale

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3.2.1. Brutopia

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3.2.2. L’Échappée

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3.2.3. Ambassade

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4. Entretien semis-dirigés de (futurs) habitants d’habitats groupés 4.1. Méthodologie

85 85

4.1.1. Méthode de recueil de l’information

85

4.1.2. Champ d'analyse et échantillonnage

86

4.1.3. Méthode d’analyse des données

88

4.2. Résultats de l’étude

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4.3. Conclusion

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Conclusion générale

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BIBLIOGRAPHIE

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ANNEXES

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Etat de l’art Tout comme le soulignait le rapport de l’ONU1, Magali Talandier souligne que la crise sanitaire du covid et le confinement qui en découle a entraîné en France un exode urbain vers les petites villes et les campagnes. Il est cependant encore prématuré d’évaluer si cet exode est temporaire ou définitif. Dans le cas où cet attrait pour les zones rurales continue de s’amplifier, le risque d’étalement urbain et le développement des infrastructures qui en

1

ONU, “Note de synthèse : La Covid-19 dans un monde urbain”, juillet 2020, en ligne, s.l, s.a, https://www.un.org/sites/un2.un.org/files/covid-19_in_an_urban_world_french.pdf

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découlent (route, hôpitaux, écoles, emploi, alimentation, energies, services…) est inquiétant compte tenu du contexte écologique actuel et futur2. Les défenseurs de l’étalement urbain comme moyen de lutte contre la propagation de la maladie

semblent

oublier

qu’en

Occident,

dans

nos

systèmes

interdépendants,

hyperconnectés et avec des populations en mouvance constante, la dispersion et l'espacement entre les logements n’empêchent pas nécessairement l’apparition et la propagation d’un virus. Ce sont surtout le strict respect des mesures d’hygiène et de distanciation physique qui empêchent le virus de se propager. Il est donc plus opportun de repenser la ville et de concilier densité urbaine et propagation des maladies3. L’étalement urbain ne peut pas, à notre sens, être une réponse à la crise sanitaire comme l’affirme l’immunologue Jean-François Delfraissy. Ce dernier souligne le problème de la promiscuité en ville, dans les transports en communs, dans les centres commerciaux, que le développement des banlieues pourrait amoindrir.4 A notre sens, la crise climatiques nous oblige justement à remettre ce modèle en question car il n’est pas tenable à long terme. Il nous semble opportun de revenir aux petits commerces de proximité et de consommer local.

Jean-François Delfraissy pointe du doigt le problème de la promiscuité dans les transports en communs, mais ne questionne pas la non-adaptabilité de l’offre et ne souligne pas les autres moyens de transports possibles (comme le vélo par exemple). A moyen terme, l’étalement urbain accapare les terres auparavant destinées à l’agriculture, ce qui augmente la dépendance des pays à l'importation alimentaire. Les gens vivant en périphérie sont également tributaires de la voiture. De plus, nous avons plus récemment constaté en Belgique la manière dont la bétonisation des terres aggrave les inondations lors des crues.

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TALANDIER, Magali, “Tous au vert ? Scénario retro-prospectif d’un exode urbain”, juin 2020, France, en ligne, https://www.researchgate.net/profile/Magali-Talandier/publication/342095549_Tous_au_vert_Scenario_retro-prospectif_d'un _exode_urbain/links/5ef138b992851ce9e7fcb471/Tous-au-vert-Scenario-retro-prospectif-dun-exode-urbain.pdf 3 INNOCENTI, Pierre-Châtel, “ Architecture post-COVID : vers un retour aux sources du modernisme ? Pavillon de l’arsenal, Mai 2020, en ligne, s.l, https://www.pavillon-arsenal.com/fr/et-demain-on-fait-quoi/11701-architecture-post-covid-vers-un-retour-aux-sources-du-m odernisme.html 4

4114, “Quelle architecture post-pandémie?”, Juin 2020, en ligne, s.a, s.l, https://4114.technal.fr/quelle-architecture-post-pand-mie-b109.php

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Si le sociologue Richard Senett insiste lui aussi sur les avantages de la densification urbaine et notamment l’efficience sur le plan énergétique, il craint le conflit futur entre les attentes en termes de santé publique et celles sur le climat5. Selon Pierre Corriveau, Président de l’ordre des architectes du Québec, le problème de la propagation du virus ne trouve pas tant ses racines dans la densification urbaine mais plutôt dans le non-respect des distanciations sociales et des mesures d’hygiène6 (transport en communs, pratiques sociales et culturelles7, pauvreté…). Eric Robitaille, également membre de l’OAQ8, souligne le fait que des villes denses comme Séoul et Hong-Kong sont parvenues à faire face au virus de manière efficace car ces états ont mis en place des règles de confinement plus strictes ce qui prouve bien que le problème dans la contagion du virus ne puise pas ses racines dans la densité urbaine mais dans la rigueur du comportement des gens face à la maladie. Il souligne également qu'indépendamment du comportement des individus, l’âge de la population, le niveau socio-économique, l’état de santé général et l’accès aux soins de soins de qualités de la population sont d’autres facteurs explicatifs qu’il faut prendre en compte9. En effet, l’offre de soin en ville est à priori plus accessible qu’à la campagne. Les gens fuient la ville plutôt pour des questions de confort en confinement, que pour éviter la maladie10. Pierre Corriveau insiste lui aussi sur l’importance de la lutte contre l’étalement urbain et cela passe par l’innovation dans l’aménagement urbain : Il faut repenser la densité, pas la craindre. A cet effet, comme de nombreux autres auteurs, il revendique “la ville du quart d’heure” 5

VALLEE, Pauline, “A quoi ressemblera la ville post-coronavirus ?”, mai 2020, en ligne, s.l, https://www.wedemain.fr/dechiffrer/https-www-wmaker-net-wedemain-a-quoi-ressemblera-la-ville-post-coronavirus_a4690html/ 6

CORIVEAU, Pierre, Magazine de l’ordre des architectes du Quebec, “Architecture et pandémie”, Esquisses hors-série, en ligne, s.l, s.d, https://www.oaq.com/wp-content/uploads/2020/04/ESQ_HSCOVID202521-1.pdf 7

POUYAT, Alice, “L’épidémie va-t-elle provoquer un exode des citadins vers la campagne ?”, WE demain, avril 2020, en ligne, s.l, https://www.wedemain.fr/dechiffrer/coronavirus-l-epidemie-va-t-elle-provoquer-un-exode-des-citadins-vers-la-campagne_a4 670-html/ 8

Ordre des Architectes du Québec

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CORIVEAU, Pierre, Magazine de l’ordre des architectes du Quebec, “Architecture et pandémie”, Esquisses hors-série, en ligne, s.l, s.d, https://www.oaq.com/wp-content/uploads/2020/04/ESQ_HSCOVID202521-1.pdf 10 POUYAT, Alice, “L’épidémie va-t-elle provoquer un exode des citadins vers la campagne ?”, WE demain, avril 2020, en ligne, s.l, https://www.wedemain.fr/dechiffrer/coronavirus-l-epidemie-va-t-elle-provoquer-un-exode-des-citadins-vers-la-campagne_a4 670-html/

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concept théorisé par l’urbaniste Carlos Moreno11 et selon lequel tout citadin doit accéder à aux six fonctions urbaines, en quinze minutes à pied ou à vélo : Habiter, travailler, s’approvisionner, se soigner, apprendre & se divertir12. La ville devient alors une agglomération de petits villages. Cela passe par le détachement des grands centres-villes, des centres commerciaux et autres open space de bureaux, et l’encouragement à l’utilisation des commerces de proximité, l’élargissement des trottoirs et des pistes cyclables et au développement des parcs et espaces verts au centre de la ville. Ces espaces publics représentent également des lieux de rencontre où les distanciations physiques sont respectées mais où le lien social perdure13. L’immobilisme forcé au début de la crise sanitaire nous a obligé à relocaliser notre consommation et notre sociabilité et nous avons été nombreux à nous tourner vers les circuits courts14.

Introduction Explosion des maladies chroniques, épisodes d'inondation et de sécheresse de plus en plus intenses et fréquents, covid-19, … sont autant de problématiques contemporaines qui nous poussent à nous interroger sur notre mode de vie. Les pouvoirs publics et le système de santé contemporain semblent impuissant face à la crise sanitaire et environnementale que nous vivons. Le présent mémoire a pour ambition de s’interroger sur le retour d’un urbanisme “hygiéniste” interrogeant l’environnement et sa dégradation. Plus particulièrement, nous nous interrogerons sur l’habitat

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VALLEE, Pauline, “A quoi ressemblera la ville post-coronavirus ?”, mai 2020, en ligne, s.l, https://www.wedemain.fr/dechiffrer/https-www-wmaker-net-wedemain-a-quoi-ressemblera-la-ville-post-coronavirus_a4690html/ 12

Idem

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CORIVEAU, Pierre, Magazine de l’ordre des architectes du Quebec, “Architecture et pandémie”, Esquisses hors-série, en ligne, s.l, s.d, https://www.oaq.com/wp-content/uploads/2020/04/ESQ_HSCOVID202521-1.pdf 14

VALLEE, Pauline, “A quoi ressemblera la ville post-coronavirus ?”, mai 2020, en ligne, s.l, https://www.wedemain.fr/dechiffrer/https-www-wmaker-net-wedemain-a-quoi-ressemblera-la-ville-post-coronavirus_a4690html/

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groupé en tant que modèle d’habitat en phase avec les impératifs sanitaires et environnementaux propre au milieu urbain. Pour ce faire, nous allons tout d’abord étudier les liens qu’entretiennent l’urbanisme et la santé à travers l’histoire. L’objectif étant de mieux appréhender comment les épisodes d'épidémies européennes ont influencé l’espace urbain, la conception de nos intérieurs, de nos bâtiments et de nos villes. Ensuite, nous allons nous interroger sur la nécessité de renouer des liens entre urbanisme, architecture et santé. Plus précisément sur les principales causes de l’expansion des maladies chroniques et du réchauffement liés au milieu urbain. Pour ensuite, déterminer les enjeux contemporains auxquels l’urbanisme doit faire face. Plus précisément, nous étudierons les enjeux relatifs à l’étalement urbain. Nous nous demanderons aussi si la crise sanitaire, avec ses impératifs de distanciation social; n’aurait pas amplifié ce phénomène d’exode et d’étalement. Au regard de la lutte contre l’étalement et d’exigences environnementales et sociétales croissantes, nous nous interrogerons ensuite sur les potentialités de la densité. Enfin, nous étudierons l’habitat groupé (HG) comme potentiel modèle d’habitat pour lutter contre les exigences environnementales et sanitaires. Plus précisément, notre étude de cas portera sur l’habitat groupé en Région Bruxelles Capitale (RBC). Nous ferons d’abord un tour d’horizon des caractéristiques des HG dans la région, ensuite nous analyserons, plus en profondeur, les caractéristiques architecturales, environnementales, économiques et sociales de 3 habitats groupés. Afin de confronter la théorie à la réalité, nous accompagnerons cette analyse par des entretiens semi-directifs auprès de résidents d’HG en RBC. L'objectif étant aussi d'observer un aspect plus sociologique de notre objet d’étude (leurs motivations à rejoindre un habitat groupé, les défis qu’ils ont rencontré à la réalisation du projet, l’organisation effective de leur vie en communauté, leur expérience du confinement en habitat partagé, …).

Chapitre 1 : Liens historiques entre l’urbanisme et la santé Dans ce chapitre, nous allons étudier, à travers l’histoire, comment l’architecture et l'urbanisme entretiennent un lien étroit avec la santé et l’hygiène. Chaque épidémie a effectivement entraîné un bouleversement des espaces urbains.15 15

COHEN, Jean-Louis, “Architecture et formes urbaines au défi des épidémies”, Sciences sociales et humanité, Novembre 2020, s.l, en ligne, https://www.fondation-cdf.fr/2020/11/12/architecture-et-formes-urbaines-au-defi-des-epidemies/

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1. La révolution pasteurienne et la naissance de l’Urbanisme Les épidémies du XIXe et XXe siècles16 sont à l'origine de l’alliance entre urbanisme et doctrine médicale hygiéniste. Les théories hygiénistes ont effectivement influencé la conception de nos intérieurs, de nos bâtiments et de nos villes.17 Nous distinguons deux périodes principales dans l’histoire de ce rapport entre urbanisme et santé : l’âge pré-pastorien (où l’on pensait que les miasmes dans l’air étaient à l’origine de ces épidémies) et l’âge pastorien (où Louis Paster démontre que les maladies se propagent plutôt à travers l’eau).

1.1. L’urbanisme à l’âge pré-pastorien La révolution industrielle a concentré dans les villes, habitants et travailleurs, dans des conditions insalubres qui ont contribué au développement et propagation de maladies infectieuses (typhoïde, variole, syphilis, choléra …) et des épidémies ravageuses. Six grandes pandémies de choléra ont frappé l’Europe entre 1830-189218. La médecine de l’époque était impuissante et se référait notamment à Hippocrate et son traité des Airs, des eaux, des lieux. Selon lui, le milieu était coupable et la mortalité était directement associée aux mauvaises conditions climatiques et topographiques, aux situations d’habitats insalubres et à l’environnement local malsain. Plus particulièrement, l’état du sol urbain en putréfaction, qui dégageait miasmes et vapeurs méphitiques, était la cause principale des épidémies et des fièvres à répétition. Ainsi, pour les médecins de l’époque, il fallait débarrasser l’air des villes de ces odeurs responsables, selon eux, de la propagation des épidémies. Il fallait impérativement assainir la ville en “désodorisant” l’espace urbain. Comment ? En

évacuant les eaux usées et

stagnantes malodorantes, en amenant une eau pure, en favorisant les écoulements et les flux, en plantant des arbres et végétaux pour purifier l’air, …

16

Les XIXe et XXe siècles furent le théâtre de plusieurs épidémies telles que les épidémies de choléra et tuberculose (au XIXe), la grippe espagnole au (XXe) 17

BARLES, Sabine, « Les villes transformées par la santé, XVIIIe-XXe siècles », Les Tribunes de la santé, n° 33, 2011, p. 31-37, s.l, en ligne, https://www.cairn.info/revue-les-tribunes-de-la-sante1-2011-4-page-31.htm 18

BOURDELAIS, Patrice, RAULOT Jean-Yves, “Une peur bleue : Histoire du choléra en France, 1832-1854”, Payot, 1987, 293p

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Bref, toute une série de mesures hygiénistes ont été mises en place et ont donné lieu aux premières expériences/théories “urbanistiques” telles que : -

La cité ouvrière (Mulhouse, 1853 ; Menier 1867 ; Le Creusot, 1870…) : lotissements verts autour des villes minières et des industries qui réunit usine et habitat individuel (que l’on peut considérer comme pur produit de la politique paternaliste du patronat).

-

La cité utopique (Ch. Fourier, 1822 ; R. Owen, 1825 ; E. L. Cabet, 1840 ; J. B. Godin, 1874 ; W. Richardson, 1876…)19, à l’instar du Familistère de Guise et du Phalanstère de Fourier, ont été imaginés pour fuir “la ville malsaine” vers la campagne.

-

Les grands travaux de Londres (E. Chadwick 1800-1890) ont mené à la première grande réforme sanitaire anglaise (Public Health Act, 1848), puis au gigantesque réseau d’assainissement réalisé par l’ingénieur J. Bazalgette (1819-1891).

-

Les grands travaux de Paris (E. Haussmann, 1853-1870) destinés aussi à modifier la situation sanitaire de la capitale par des interventions sur l’espace urbain, ont conduit à la réalisation de 3 nouveaux systèmes : (1) système de percées et nouveaux îlots à cours dans le but de ventiler et d’aérer la ville , (2) système de parcs et d’espaces verts pour apporter de l’oxygène et (3) des réseaux d’adduction d’eau et d’égouts pour l’assainissement.

-

Le plan d'extension de Barcelone (I.Cerda, 1859) et son livre Teoria general de la urbanizacion (1867) inventent l’urbanisme progressiste vantant la “médicalisation” de l’espace20.

Figure 1: La cité ouvrière de Mulhouse dans Bulletin de la société industrielle du Mulhouse, 1853.

Figure 2: Le projet pour la nouvelle communauté de Harmony, Indiana par R. Owen, 1825.

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F. Choay, op.cit, parle de pré-urbanistes à leur propos. Parmi toutes ces expériences qui ont échouées, il faut citer le cas du Familistère de Guise de Godin, une aventure qui dura jusqu’en 1968 20

F. Choay écrit : «Avec Cerda, l’urbaniste revêt, pour ne plus la quitter, la blouse blanche du thérapeute », La règle et le modèle, Seuil, 1996.

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source: https://gallica.bnf.fr/

source: https://www.espazium.ch

Figure 3: Joseph Bazalgette (en haut à droite) au niveau de l'égout nord qui se construit sous la station de pompage Abbey Mills de Londres

Figure 4: Travaux nocturnes des constructions de la rue de Rivoli, éclairés par la lumière électrique

source: https://www.bbc.com photographie de O. Herschan. 1862

source: https://fr.wikipedia.org illustration de J.Galdrau, 1854.

Figure 5: Plan Cerda, 1859.

source: https://fr.wikipedia.org

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1.2. L’urbanisme à l’âge pastorien Avec la deuxième révolution industrielle (électricité et pétrole) le surpeuplement des espaces urbains continuent à croître. La population continue à s’entasser (près de 3 millions à Paris) et les conditions sanitaires se détériorent encore, avec l’apparition, notamment, de la peste blanche, véritable fléau de la première moitié du 20e siècle21. La question du logement, négligée dans la période précédente, s’aggrave et conduira Paris à détruire les îlots insalubres dits “tuberculeux” : 6 îlots ont été détruits en 1906 et 17 en 1920. Considérée comme dangereuse, c’est la ville entière qui sera amenée à changer, selon Le Corbusier, il est impératif de lui donner de nouvelles “conditions de nature”. Même si Louis Paster (1822-1895) découvre le rôle des micro-organismes dans la contagion (et que la plupart des germes dangereux ont été découverts), la médecine reste encore démunie de vaccins et d’antibiotiques et ce, jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les solutions pour lutter contre la propagation des épidémies restent ainsi intimement liées à l’architecture et l’urbanisme. Par exemple, les recherches de Koch sur la tuberculose initie la construction de sanatoriums en Amérique du Nord et plus tard en Europe22. Ce fut les premières maisons de repos où les patients atteints de tubérculos (qui pouvaient se le permettre) sont allés se faire soigner dans un environnement ouvert, vert et plus rural. Autrement dit, à l’opposé de la densité et des conditions urbaines surpeuplées des villes de l’époque. Les principes de l’hygiénisme se propagent et ont donné lieu aux premières réglementations sanitaires. A l’instar, par exemple, de la loi de 1894 du « tout-à-l’égout », qu’on peut considérer comme les prémices de la première grande loi de santé publique en France (1902). De cette loi découle

des “dispensaires de prévention” et des “bureaux municipaux

d’hygiène” ‘(ancêtre du ministère de la santé) responsables de la voirie, des égouts, de la collecte des déchets, de l’identification des îlots insalubres, ...

21

FAURE, Olivier, “Histoire sociale de la médecine (XVIIIe-XXe siècles)”, Revue d’histoire moderne et contemporaine, Paris, 1994, 738-740p 22

Dont le célèbre Sanatorium de Paimo en Finlande par Alvar Aalto en 1929.

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En outre, la Section d’Hygiène Urbaine et Rurale du Musée social (1908) et la Société Française des Urbanistes (1911) voient le jour. Elles sont à l’origine de la première loi d’urbanisme, loi Cornudet (1919-1924) qui donne lieu aux Plans d’Aménagement d’Extension et d'Embellissement (PAEE). Et parallèlement aux nouvelles réglementations sanitaires, des nouvelles théories urbanistiques ont été mises en place, à l’instar de : -

La cité-jardin (E. Howard 1898 & R. Unwin 1909) Pour lutter contre la ville industrielle anglaise considérée comme trop polluée et qui favorise la propagation du choléra, Ebenezer Howard a avancé le modèle de cité-jardin (Garden Cities of tomorrow, 1898). Ce modèle combine les avantages de la ville et ceux de la campagne, sa planification est limitée à 2400 hectares et à 30 000 habitants. En France, H. Sellier réalisera une quinzaine de cités-jardins dans l’ancien département de la Seine. La dernière, la Cité de la Muette à Drancy (1934), préfigure les futurs grands ensembles.

-

La Charte d’Athènes, rédigée lors du 4ᵉ Congrès International d'Architecture Moderne en 1933, avec comme thème “La ville fonctionnaliste”. Cette charte condamne, entre autres, l’élément traditionnel de la forme urbaine, à savoir l’îlot, qui pose des problèmes de salubrité dans certains quartiers. Ces derniers doivent être démolis au nom de la santé publique et contre ce fléau incurable qui est la tuberculose. Le soleil, l’espace et la verdure sont alors mis en avant, ainsi que le concept de “zonage” afin de répartir les espaces urbains selon 4 fonctions principales: (1) habiter, (2) travailler, (3) circuler et (4) se récréer.

Figure 6: Diagramme d’un quartier et du centre de cité-jardin par E.Howard, 1898.

Figure 7: Le Corbusier lors de la CIAM IV qui se tient sur un bateau, le Patris II, 1933.

source: https://engelsbergideas.com

source: https://nrc.nl

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L’architecture moderne est effectivement apparue en même temps que les grandes politiques d’hygiène publique occidentales. Dans la hiérarchisation des grands thèmes qui forgent le modernisme en architecture, l’impératif d’un habitat plus sain est en haut de la liste. Influencés par l’époque dans laquelle ils vivaient, les architectes modernes tels que Le Corbusier ou Alvar Aalto, étaient obsédés par la maladie et ont développé un nouveau genre d’architecture plus hygiénique prenant notamment en compte le soleil, l’air et le plein air. Les « 5 points de l’architecture moderne » définit par Le Corbusier (1927), conceptualise certains principes fonctionnalistes (développés par l’école de Chicago) tout en mêlant les considérations hygiénistes issues de l’enseignement du Bauhaus : 1. Les pilotis qui surélèvent le rez-de-chaussée du bâtiment par rapport au sol et, qui permettent ainsi de libérer la circulation, mais aussi d’effectuer une séparation du sol et de ses pathogènes. 2. Le plan libre pour permettre un mode de vie flexible et, ainsi simplifier et libérer l’espace intérieur. 3. La façade libre, indépendante de la structure. 4. Les fenêtres en bandeau pour faire entrer la lumière et ouvrir la vue. 5. Le toit-terrasse qui protège le béton, en plus de permettre une bouffée d’air frais. Dans une perspective hospitalière, esthétique et humaine, l’architecture moderne primitive était caractérisée par des lignes épurées, des surfaces blanches, de grandes étendues de verre et une relation entre intérieur et extérieur. En opposition avec logements datant de l’époque victorienne, qui eux, étaient principalement composés de bois massif (avec des détails des menuiseries = nids à poussières) et de petites fenêtres qui limitaient l’entrée de la lumière naturelle et la bonne ventilation des lieux. En ce qui concerne l’aménagement d’intérieur, on oublie les meubles tapissés, les tapis, les tentures, les longs rideaux, ainsi que les nombreux petits objets encombrants23. On privilégie les matériaux légers et lavables, les formes épurées et minimalistes permettant à l’air et la lumière de circuler le plus librement possible (et évitant aussi que la poussière ne stagne)24. Les meubles “modernes” sont composés de matériaux tels que l’acier inoxydable et le cuir, ils 23

GROSS, Rebecca, “Quel impact a eu la tuberculose sur l’architecture moderne ?”, Houz, avril 2020, en ligne, s.l, https://www.houzz.fr/magazine/quel-impact-a-eu-la-tuberculose-sur-l-architecture-moderne-stsetivw-vs~134939575 24

et évitant, par exemple, que les bacilles de la tuberculose ne s’y logent.

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sont élevés sur pieds pour faciliter leur déplacement, le nettoyage de leur environnement et dégager la vue. A titre d’exemple, la chaise longue LC4 conçue par Charlotte Perriand pour Le Corbusier (1928) s'inspire des chaises inclinables que l’on retrouvait dans les sanatoriums (pour pouvoir surélever les jambes afin de faciliter la circulation du sang). Figure 8: Charlotte Perriand sur la chaise longue LC4

source: https://etapes.com

19


2. La rupture entre l’urbanisme et la santé A la fin des années 1960, les premières critiques sur l’urbanisme moderne, jugé réducteur, apparaissent. Les sciences sociales lui reprochent son caractère moraliste et l’absence de considération pour les dimensions constitutives de la Ville, à savoir, sa forme urbaine, sa mixité, son caractère social, son espace public, son histoire et son patrimoine…25. En outre, au fil du XXe siècle, les traitements pour maladies infectieuses ont évolué avec le développement de vaccins, d’antibiotiques et de médicaments antiviraux. Les progrès de la médecine ont fait qu’elle s’est affranchie de l’urbanisme en s'orientant vers le tout curatif. Dès 1990, l'urbanisme de réseaux va devenir dominant : on observe une prise de conscience de l’importance de la circulation, des flux et de la connectivité dans la ville. En réponse aux déficiences des urbanistes "traditionnels", vont émerger une nouvelle génération de paysagistes-urbanistes, à l’instar de Michel Corajoud, qui vont étendre leurs compétences en matière de paysage et de composition à la ville et à son espace public. En outre, la mondialisation a impacté la croissance des villes et a produit une nouvelle figure urbaine : la métropole. L’urbanisme abandonne ses finalités de justice sociale et de santé publique pour intégrer ainsi une notion “stratégique” de performance, de productivité, de concurrence, de marketing urbain, … L’impératif productiviste a supplanté l’impératif sanitaire.26

25

LEVY, Albert, “Vers un nouvel hygiénisme ? Pour un renouveau des rapports entre urbanisme et santé”, s.l, s.d, en ligne, https://www.revue-belveder.org/wp-content/uploads/2020/02/LEVY-Albert_Vers-un-nouvel-hygi%C3%A9nisme_version-lo ngue.pdf 26 idem

20


Chapitre 2. La nécessité de renouer les liens entre urbanisme et santé Nous venons de voir que l’urbanisme a apporté des solutions aux causes sociales et urbaines des épidémies de maladies infectieuses du XIXe et début du XXe siècle. Nous avons aussi vu que, grâce aux avancées de la médecine, l’urbanisme s’est émancipé des questions sanitaires. Seulement, à partir des années 1970, à peine les problèmes relatifs aux maladies infectieuses résolues, apparaissent déjà les problématiques liés aux maladies chroniques. Or, une fois n’est pas coutume, le système de santé contemporain semble impuissant face à l'explosion mondiale des maladies chroniques où les facteurs urbains et environnementaux, la ville actuelle, sa forme, sa production, son fonctionnement ont effectivement une grande part de responsabilité. Autrement dit, la ville moderne et/ou post-moderne, en participant à résoudre les maladies infectieuses, aurait favorisé l’émergence des maladies chroniques. Les difficultés sanitaires qui se posent, à nouveau, nous poussent à nous interroger sur le retour d’un urbanisme hygiéniste interrogeant l’environnement (de vie) et sa dégradation.

Tout d’abord, il semble pertinent de s’interroger sur les grandes causes de l’expansion des maladies chroniques liées au milieu urbain. Albert Levy27 en dégage 3 principaux : (1) La contamination chimique de l'air intérieur par les perturbateurs endocriniens (PE), (2) la contamination de l’air extérieur par des particules fines (et très fines) et des émissions d’oxyde d’azote et (3) le dérèglement climatique causé par les émissions de gaz à effet de serre (GES).

27

LEVY, Albert, “Vers un nouvel hygiénisme ? Pour un renouveau des rapports entre urbanisme et santé”, s.l, s.d, en ligne, https://www.revue-belveder.org/wp-content/uploads/2020/02/LEVY-Albert_Vers-un-nouvel-hygi%C3%A9nisme_version-lo ngue.pdf

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2.1. Les perturbateurs endocriniens Ce sont des substances chimiques28 qui ont la particularité d’être présents à peu près partout dans notre environnement : dans la terre, dans l’eau, dans l’air, dans l’alimentation, dans les emballages, dans les bouteilles en plastique, dans les produits d’entretien, dans les cosmétiques… mais aussi dans les matériaux de construction : fenêtres et planchers en PVC, moquettes, peintures, isolants, cloisons, meubles…Et la particularité de ces perturbateurs endocriniens, c’est que ce n’est pas la dose mais la période d’exposition qui importe. Certains pays en Europe ont pris conscience du rôle néfaste des PE sur la santé : allergies, irritations, infections, intoxications voire de cancers du sein et de la prostate, problème de croissance et d’infertilité mais aussi d’obésité et de diabète, et prennent des dispositions : interdire les fenêtres en PVC et, de manière générale, travailler sur un système de ventilation plus efficace.

2.2. La contamination de l’air extérieur par des particules fines et des émissions d’oxyde d’azote Cette contamination est principalement due au chauffage résidentiel et tertiaire. Ils sont aussi favorisés par l’urbanisme de réseaux et de flux qui imposent l'intensification des déplacements motorisés domicile/travail quotidiens énergivores et extrêmement polluants. A Paris, par exemple, le chauffage résidentiel et tertiaire représente 43% des émissions de particules contre 36% pour le trafic et 14% pour les chantiers. En ce qui concerne la pollution de l’air par oxydes d’azote, il est principalement due au trafic, 65 %

et 20% par le

chauffage29. Il y a plus de 500 000 morts en Europe causées par la pollution atmosphérique, et 48 000 en France (2017). Ces morts sont la conséquence des maladies chroniques telles les maladies cardio-vasculaires et surtout respiratoires.

28 29

(comme les bisphénol A, les phtalates, les parabènes ou encore les perfluorés) (Airparif, 2019)

22


2.3. Les Gaz à Effet de Serre (GES) Enfin, les GES sont générés par la consommation croissante d’énergies fossiles encore essentiel au fonctionnement urbain. La ville, dans sa forme, son fonctionnement, son métabolisme, est la principale source d’émissions de GES (80 % d’émissions de GES dans le monde). Et nous le savons, les GES sont responsables de la dégradation du climat qui entraîne à son tour des épisodes de grande chaleur. Ce phénomène d'îlot chaleur urbain30 peut rendre l'environnement invivable voire dangereux, comme l’a montré la canicule de l’été 2003 qui a généré plus de 15 000 morts en France. Le fonctionnement de l’urbanisme moderne a été rendu possible à partir de l’usage des énergies fossiles (charbon et pétrole). L’accent fut mis, à l’époque, sur le progrès apporté par ses énergies sans pour autant avoir pris en considération le danger qu’elles représentaient en termes de pollution atmosphérique. Selon Albert Levy31, les maladies chroniques peuvent aussi être appelées “maladies de civilisation” au sens qu’elles découlent directement de nos modes de vie majoritairement urbains. Face à la crise sanitaire du Covid-19, aux maladies dues à notre mode de vie moderne mais également au péril écologique, le modèle de la ville est en plein questionnement.

30

Amplification de la température lié à la densité du bâti et à la concentration des activités

31

LEVY, Albert, “Ville, Urbanisme et santé”, Millénaire 3, Novembre 2017, s.l, en ligne, https://www.millenaire3.com/Interview/ville-urbanisme-et-sante

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Chapitre 3 : Les enjeux contemporains de l’urbanisme et l’architecture Nous avons précédemment vu les principales causes de l’expansion des maladies chroniques et du réchauffement liés au milieu urbain. Dans ce chapitre, nous allons étudier les enjeux contemporains auxquels l’urbanisme doit faire face en termes de santé et d’environnement. Plus précisément, nous étudierons les enjeux relatifs à l’étalement urbain. Aussi, nous verrons si la crise sanitaire, avec ses impératifs de distanciation social; n’aurait pas amplifié ce phénomène d’exode et d’étalement.

1. Concept de l’étalement urbain : définition et mesures L’étalement urbain décrit le phénomène d'expansion géographique de la ville et, plus généralement, des aires urbaines dû, entre autres, à l'implantation en périphérie d'habitats peu denses. L’Insee considère comme urbain (ou unité urbaine) un ensemble de communes sur lequel on trouve une zone de bâti continu. Plus précisément, un espace dans lequel résident au moins 2 000 habitants et au sein duquel il n’y a pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions. Selon cette définition, la surface du territoire urbain32 a augmenté de 19 % entre 1999 et 2010, passant de 100 000 à 119 000 km². Entre 1999 et 2010, 1 368 communes rurales sont passées de l’espace rural à l’espace urbain, le plus souvent par intégration à une agglomération33. En outre, le rythme de croissance de l’espace urbain (entre les recensements de 1999 et 2007) a été plus important que lors des décennies précédentes. En 2020, Bruxelles a perdu 5 à 6 % de son activité immobilière par rapport à l’année 2019 alors que dans certaines provinces wallonnes l’activité a augmenté entre 5 et 10%. Cela montre qu’il y a une part de la population bruxelloise qui a effectivement récemment quitté Bruxelles pour la Wallonie. Bien qu’il n’y ait de consensus ni sur sa définition ni sur sa mesure, l’Agence européenne pour l’environnement affirme qu’il y a étalement urbain lorsque la croissance des surfaces artificialisées est plus rapide que celle de la population. Dans le temps, il se traduit, entre autres, par une augmentation de la surface de terrain nécessaire à l’accueil d’une unité 32

géographie du territoire fondée sur la BD Topo de l’IGN de janvier 2010.

33

Chiffres issus de l’Insee, août 2010 :

https://www.insee.fr/fr/statistiques/1280970

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d’activité ou d’habitat. Néanmoins, la mesure de l’étalement urbain mobilise des indicateurs divers et variés, nous les avons ici regroupés (afin de mieux appréhender ce phénomène) :

1.1. La densité de population ou de logements et son gradient La densité de population peut se mesurer de deux manières. Premièrement, en nombre d’habitants par rapport à la superficie de l’agglomération et deuxièmement, en nombre de logements par rapport à cette même surface. Bien qu’elle varie dans le temps, la densité urbaine est toujours plus forte au centre qu’à la périphérie. Le gradient de densité nous informe sur l’ampleur avec laquelle la densité de population décroît du centre vers la périphérie de l’agglomération. Autrement dit, l’évolution du gradient de densité est utilisée pour étudier la vitesse de la concentration ou bien de l’étalement de l’agglomération dans le temps. Si ce gradient augmente dans le temps, le centre urbain se densifie ; si, au contraire, il diminue, cela veut dire que la ville s’étale. Le tableau ci-dessous34, étudie la densité de la population dans un rayon de 5km depuis le centre et la distance moyenne de la population au centre, afin d’en déduire le gradient de densité. Il en ressort qu’à Lyon, Lille et plus particulièrement Paris, on observe un phénomène d’étalement dans ces villes. Figure 9: Densité, distance au centre et gradient de densité

Note: Ce tableau comprend deux parties indépendantes. Les densités estimées par anneau concentrique n'ont pas été utilisées pour le gradient qui repose sur les densités par commune. Source: A.Jacquot d’après Insee, recensements de la population; C. Blaudin de Thé, calculs du gradient. 34

La Revue du CGDD, “Urbanisation et consommation de l’espace, une question de mesure”, Commissariat général au développement durable, mars 2012, p7, en ligne, s.l, http://www.bv.transports.gouv.qc.ca/mono/1110607.pdf

25


1.2. Les espaces agricoles et naturels consommés par l’urbanisation L’étude de la consommation des espaces agricoles et naturels est également un bon indicateur pour mesurer l’étalement urbain. Plusieurs sources de données permettent d’appréhender les nouvelles surfaces construites ou artificialisées. Notamment l’enquête Teruti-Lucas, qui a été organisée par le service statistique du ministère chargé de l'agriculture en France. Conduite annuellement, cette enquête nous informe sur l’occupation et l’utilisation des sols. Il en ressort notamment que les espaces artificialisés ne cessent de s’étendre avec une augmentation de 315 milles hectares entre 2006 et 201035. Ces espaces artificialisés (par des routes, des nouvelles constructions, des zones commerciales …) s’étendent, en France, aux dépens terres agricoles (58%) et de milieux semi-naturels. Cependant, comme on peut le constater sur le tableau ci-dessous, depuis la période 2009-2011, au niveau national, on peut voir une baisse de consommation d’espaces36. Cette baisse est conséquente, car la consommation 2009-2010 est égale à 1,5 fois celle de 2015-2016. Ensuite, pour les périodes allant de 2016 à 2019, la consommation d’espaces annuelle stagne autour de 25 milles hectares.

35

Idem L’analyse porte ici sur la consommation des terres naturelles, agricoles et forestières. Les chiffres présents prennent en compte l’usage des sols. A titre d’exemple,si une parcelle agricole est transformée en maison, on considérera comme « consommé » l’intégralité de l’opération (maison, jardin, parking et nouvelle voirie). On parle d’usage dominant de la parcelle. 36

26


Figure 10: Consommation annuelle d’espaces naturels, agricoles et forestiers ( en ha, France dont DOM)

Source: Consommation annuelle d’espaces NAF au niveau national, Fichier foncier 2009-2019

Une autre base de données, cette fois géographique, nous informe sur l'extension des espaces artificialisés en Europe. Piloté par l’Agence européenne de l'environnement, la base de données “Corine Land Cover” qui étudie l’occupation biophysique des sols, dévoile que le taux de terres artificialisées, au sein de l’Europe 3637, a augmenté de 3,4 % entre 2000 et 2006. Elle se fait majoritairement aux dépens d’espaces naturels (vs. agricole en France). Les prairies et les zones agricoles hétérogènes (qui ont une valeur environnementale certaine) représentent, quant à elles, pas moins 30 % de ces surfaces nouvellement artificialisées .

37

Les 32 États membres de l’Agence européenne pour l’environnement, soit les 27 États membres de l'Union européenne ainsi que l'Islande, le Liechtenstein, la Norvège, la Suisse et la Turquie, auxquels s‘ajoutent les pays coopérants (7 pays des Balkans occidentaux), moins ceux qui n’avaient pas encore réalisé leur base CLC 2006 à la date de l’évaluation, c'est-à-dire la Grèce, le Royaume-Uni et la Suisse (ces deux derniers l’ont réalisée depuis).

27


Entre 2000 et 2018, le taux de sols artificialisés reste positif à l’échelle des 36. Comme on peut le voir dans le graphique ci-dessous, l’Europe produit pas moins de 922,58 km2 d’espaces nouvellement artificialisés chaque année.

Figure 11: Le solde entre la production et la consommation d’espaces artificialisés.

source: Fiches d'information sur l'occupation du sol 2000-2018 sur https://www.eea.europa.eu/

Même si on observe, depuis l’année 2000, une diminution de nouveaux sols artificialisés en Europe, sa production reste importante. La lutte contre l’appauvrissement et l’artificialisation des sols joue un rôle déterminant, notamment pour l’équilibre climatique et la préservation de la biodiversité.

28


1.3. La distance au centre-ville de l’implantation de la construction neuve Un autre indicateur intéressant à prendre en compte est effectivement la distance entre le centre-ville et l’implantation de la construction neuve. En effet, en analysant la répartition des distances entre les nouveaux bâtiments construits et le centre urbain, on peut déterminer si la construction neuve s’éloigne du centre dans le temps, donc si la ville s’étale, ou bien au contraire si le centre se densifie38. Grâce à Sitadel, qui stocke les informations sur les permis de construire délivrés, nous savons, par exemple, qu’entre 1990 et 2010, 7 millions de logements neufs et 520 millions de m2 de nouveaux locaux à usage non résidentiel ont été construits en France métropolitaine. En analysant les tableaux39 ci-dessous, nous observons plusieurs tendances : -

les logements sont en général plus proches de la ville centre que les locaux non résidentiels ;

-

les habitats individuels sont construits plus loin du centre que les habitats collectifs ;

-

les bureaux et commerces sont plus proches du centre que les entrepôts et bâtiments agricoles.

38

La Revue du CGDD, “Urbanisation et consommation de l’espace, une question de mesure”, Commissariat général au développement durable, mars 2012, p.19, en ligne, s.l, http://www.bv.transports.gouv.qc.ca/mono/1110607.pdf 39

Idem p.13

29


Figure 12: Distance de la construction neuve par rapport au centre des aires urbaines

source: MEDDTL/SOeS, Sitadel Figure 13: Répartition de la construction neuve selon le type de commune

source: MEDDTL/SOeS, Sitadel

Plus généralement, quel que soit le type de construction d’architecture (logements individuels, logements collectifs, les bâtiments agricoles, ...), la part de la construction neuve située dans les communes rurales (donc éloignée du centre) est en croissance, ce qui atteste d’une forme d’étalement urbain. Bien qu’il existe divers indicateurs de mesure pour l’étalement urbain et qu’il faut les interpréter avec précaution, il existe effectivement une tendance à l’étalement urbain en Europe. Nous allons, à présent, étudier les causes de ce phénomène pour ensuite en déterminer les conséquences.

30


2. Les causes de l’étalement urbain Tout d’abord, il importe de préciser que les causes du phénomène de l’étalement urbain sont complexes voire multidimensionnelles. Dans le modèle de Wheaton40, quatres paramètres suffisent pour prédire l’extension de la ville : l’accroissement de la population, la hausse du revenu des ménages mais aussi la baisse des coûts de transport ou celle de la productivité agricole (qui détermine le niveau de la rente foncière) augmentent la taille de la ville. Dans le modèle américain de Brueckner (1983)41, l’étalement urbain, non imputable à la croissance de la population, est expliqué, à la fois par la hausse du niveau de vie qui permet aux ménages de se loger plus grand et par la baisse des coûts des transports qui relâche la contrainte de proximité au centre. Pour Galster et al. (2001)42, il y a étalement urbain lorsqu’au moins, l’un des indicateurs suivants est “faible en valeur” : (1) le caractère continu du développement, (2) la concentration, (3) la proximité des emplois et des infrastructures, (4) la centralité, (5) la mixité des usages et (6) la continuité. Ce genre d’indicateurs exigent de cartes précises permettant d’observer la structure spatiale du territoire, en particulier le caractère aggloméré ou dispersé des bâtiments et des infrastructures. Ces indicateurs sont principalement structurants, hors d’autres déterminants (recherche d’espaces verts, modèle d’habitat voulu,...) sont aussi à prendre en compte. A la lecture de plusieurs études et auteurs sur le sujet43, nous décidons d’isoler 4 raisons principales expliquant cette tendance.

40

WHEATON, W.C, “Land use and density in cities with congestion “, Journal of Urban Economics, n°2, volume 43, 1998, p. 258-272 41 BRUECKNER, J.K., FANSLER, D.A., « The economics of urban sprawl : theory and evidence on the spatial sizes of cities », The review of Economics and Statistics, n°65, 1983, p.479-482 42 GALSTER G., HANSON, R., RATCLIFF, M.R., WOLMAN, H., COLEMAN, S. and FREIHAGE, J., “Wrestling sprawl to the ground: Defining and measuring an elusive concept. Housing Policy Debate”, 2001, pp. 681-717. 43

La Revue du CGDD, “Urbanisation et consommation de l’espace, une question de mesure”, Commissariat général au développement durable, mars 2012, p.7, en ligne, s.l, http://www.bv.transports.gouv.qc.ca/mono/1110607.pdf

31


2.1. L’évolution de notre société et de nos modes de vie La taille des ménages en Europe a diminué. Elle est passée de 3,05 personnes par ménage en 1968 à 2,3 en 201944. Cette diminution de la taille des ménages s’explique notamment par : (1) la baisse du nombre d’enfants par ménage, (2) l’autonomie résidentielle des personnes âgés , (3) le vieillissement de la population qui intensifie le nombre de ménages “âgés” sans enfant et (4) l’augmentation des familles monoparentales ou célibataires. Certes, la taille des ménages s’est réduite mais le nombre de ménages a, quant à lui, augmenté (de 1,32% en 40 ans). Même constat pour le nombre de logements, qui, en 40 ans, a été multiplié par 1,7.

2.2. Le rapport coût et surface habitable du logement Les ménages européens (dont le nombre augmente) souhaitent accéder à une plus grande surface habitable : on observe une augmentation de la surface habitable au sein des ménages qui est passée de 72,0 m2 en moyenne (1973) à 91,2 m2 (2006), soit un augmentation de 24,6 m2 à 40,1 m2 par personne. En Wallonie, le standard d’habitat a progressé de 195 m2 en 1983 à 265 m2 en 2001, une croissance énorme de la surface habitable de 36 %45. Or, en quelques années, la part du foncier dans le coût total d’investissement pour un logement a considérablement augmenté, passant de 10 % à 50 %46; contraignant les moins aisés à s’éloigner de la ville et de ses équipements pour trouver un terrain « abordable ». En outre, les personnes seules sont attirées par Bruxelles et sa mixité sociale, plus généralement, les isolés ont tendance à rechercher la ville. Or ils sont de plus en plus freinés par le prix du logement.

44

INSEE, “Taille des ménages dans l’Union Européenne. Données annuelles de 2004 à 2019” , mars 2021, en ligne, s.l, s.a, https://www.insee.fr/fr/statistiques/2381488#tableau-figure1_radio1 45 HALLEUX, Jean-Marie, et al. “Etalement urvbain et services collectifs :Les surcoûts d’infrastructures liés à l’eau”, Revue d’économie régionale et urbaine, mars 2008, p.21-42, s.l, en ligne, https://www.cairn.info/revue-d-economie-regionale-et-urbaine-2008-1-page-21.htm 46

PELEGRIN, François, GENEL, Elisabeth, “Ambiances, densités urbaines & développement durable”, Editeur : PC Editions, 2008, p.11

32


2.3. Le temps de trajet entre logement et le travail Le temps de trajet entre domicile-travail constitue l’un des critères les plus importants dans le choix du logement. Les activités économiques, qui ont tendance à sortir du centre et à se concentrer à la périphérie (en pôles d’activité), expliquent cette tendance à l'étalement. Ce phénomène de décentralisation des emplois est fort pour les commerces et les services aux particuliers (qui suivent la population) ainsi que pour les industries traditionnelles (qui fuient les charges foncières trop élevées du centre). Toutefois, il est quasi inexistant pour certains services supérieurs, fortement dépendants des économies d’agglomération. Mais, avec l’amélioration des capacités de circulation, ce n’est plus la distance qui compte mais bien le temps de trajet domicile travail/étude. Le développement de l’usage de la voiture et des voies de circulation a rapproché, en temps, les périurbains du centre des villes. Par exemple, un habitant de la ville de Paris parcourait, en 2008, en moyenne 12 km par jour en 48 minutes pour se rendre au travail, alors qu’un habitant de la couronne périurbaine parcourait 33 km en 45 minutes47.

2.4. Le modèle de la maison individuelle à la proximité de la nature Au souhait des ménages d’accéder à une plus grande surface habitable s’ajoute l’envie de posséder une maison individuelle avec ou à proximité d’espaces verts. Le modèle de la maison individuelle est effectivement un type d'habitation très recherché par la majorité des ménages. Les critères et valeurs attachées à l’habitat individuel sont essentiellement associées à la tranquillité (voire l'isolement), la proximité de la nature, la propriété, l'espace, etc.

47

La Revue du CGDD, “Urbanisation et consommation de l’espace, une question de mesure”, Commissariat général au développement durable, mars 2012, p.5, en ligne, s.l, http://www.bv.transports.gouv.qc.ca/mono/1110607.pdf

33


Les jeunes ménages quittent Bruxelles (10.000 personnes par an), en général au deuxième enfant, afin de fuir le bruit et le manque de verdure48. Dans une enquête réalisée pour l'Observatoire de la ville de Paris en 2007, il ressortait que 56 % des Français souhaitaient habiter dans une maison individuelle isolée, 20 % dans une maison individuelle située dans un ensemble pavillonnaire et 11 % dans un petit habitat individuel en ville. Qu'il concerne du petit habitat collectif en ville, de grands immeubles et ensembles, l'habitat collectif n'intéresse jamais plus de 5 % des personnes interrogées49. Une autre enquête (2010) menée par le Commissariat général au développement durable (sur 3 800 personnes) nous en dit plus sur les préférences en matière de logement50. Selon l’enquête, les ménages français consentent en moyenne à payer 30 % du loyer (ou du prix) d’un appartement en plus pour habiter dans une maison aux mêmes caractéristiques (même surface, même accessibilité, même voisinage, même confort énergétique). Il est intéressant de signaler que cette tendance est plus marquée parmi les interviewés vivant loin des grands centres urbains. Par exemple, le consentement à payer plus cher pour une maison plutôt qu’un appartement est de 45 % en zone périurbaine alors qu’il est de 17 % dans les villes centres des aires urbaines. Autrement dit, les interrogés qui habitent des logements individuels (plus nombreux loin des centres-villes) ont une préférence bien plus forte pour la maison; alors que les personnes vivant dans des logements collectifs (plus fréquents dans les centres) y accordent très peu ou pas d’importance. Pour conclure, le phénomène d’étalement urbain est notamment dû à l’augmentation du nombre de ménage et donc à une augmentation de demandes de logements. Ces ménages, dont la taille diminue pourtant, souhaitent accéder à une surface habitable plus grande avec l’idéal du logement individuel synonyme de tranquillité, de nature, de sécurité … Le développement de l’usage de la voiture et des voies de circulation a permis aux ménages d’accéder à leur modèle d’habitat rêvé sans pour autant faire des concessions sur le temps de trajet domicile-travail et/ou domicile-école, critère essentiel dans le choix résidentiel. Fuir le

48

PAUTHIER, Isabelle, “Gardons nos villes plus respirables après le déconfinement”, Etopia, mai 2020, en ligne, s.l, https://etopia.be/covid-19-isabelle-pauthier-gardons-nos-villes-plus-respirables-apres-le-deconfinement/?fbclid=IwAR0vgCd kmZPCAGWueorTiLD0DWLJ2ikspfioyrtPK3TJqJt1alHZvuFsZCs 49

La Revue du CGDD, “Urbanisation et consommation de l’espace, une question de mesure”, Commissariat général au développement durable, mars 2012, p.93, en ligne, s.l, http://www.bv.transports.gouv.qc.ca/mono/1110607.pdf 50

La Revue du CGDD, “Urbanisation et consommation de l’espace, une question de mesure”, Commissariat général au développement durable, mars 2012, p.47, en ligne, s.l, http://www.bv.transports.gouv.qc.ca/mono/1110607.pdf

34


stress, la pollution, l’insécurité des grandes villes sont aussi des raisons citées par les ménages. En outre, les ménages qui partent ne sont plus attirés par le caractère "connecté et social" des grandes villes et préfèrent construire leur vie de famille dans un cadre vert et où le coût de la vie est plus avantageux.

3. Les conséquences de l’étalement urbain Vivre à la campagne, s’éloigner des villes c’est un peu devenu à la mode. Des gros titres en librairies témoignent de cette tendance : « Revanche des villages » (Éric Charmes, Seuil, 2019), « Renaissance des campagnes » (Vincent Grimault, Seuil, 2020), … Mais nous allons voir que l’étalement urbain n’est pas sans conséquence et va à l’encontre des objectifs de transition vers une ville durable et saine pour ses habitants.

3.1. L’altération du paysage rural et l’artificialisation des sols Selon Magali Talandier, professeure en urbanisme et aménagement du territoire à l’université de Grenoble, sur du long terme, l’étalement mène à une altération du paysage rural due, notamment, à une demande de nouveaux logements. Bien qu’il existe une offre de logement dans les centres-bourgs, ce sont en réalité des maisons sans jardin situées, dans la majorité des cas, en cœur de village. Or, elle fait remarquer, à juste titre, que ce n’est pas ce que recherchent les "néoruraux". Ces derniers ont besoin de terres pour construire leur maison individuelle 4 façades avec jardin. Il y aurait une fragilisation des espaces ruraux due aux demandes de nouvelles constructions et des conflits avec les terres agricoles51. L’ingénieur géographe, urbaniste et expert-démographe, Pierre Merlin, appelle, lui aussi, à être vigilant sur la transformation de l’espace rural52. D’après lui, les bâtiments existants en milieux ruraux ont trop peu été exploités, et les maisons neuves sont en rupture avec le logement traditionnel. Alors que les maisons traditionnelles sont mitoyennes, en bordure de rue, avec jardin à l’arrière, les nouvelles constructions sont au milieu de jardins, dispersées dans l’espace rural ou groupées en lotissements. En outre, il s’avère que les matériaux locaux 51

TALANDIER, Magali, “Tous au vert ? Scénario retro-prospectif d’un exode urbain”, juin 2020, France, en ligne, https://www.researchgate.net/profile/Magali-Talandier/publication/342095549_Tous_au_vert_Scenario_retro-prospectif_d'un _exode_urbain/links/5ef138b992851ce9e7fcb471/Tous-au-vert-Scenario-retro-prospectif-dun-exode-urbain.pdf 52

MERLIN, Pierre, “L’exode urbain, La Documentation française”, Paris, n°5303,(2009), 176 p.

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sont peu employés et qu’il y a une rupture dans les couleurs des bâtiments. En outre, la majeure partie des nouveaux logements s’opère sur des terrains éloignés des centres-villes et initialement destinés à d’autres usages (agricoles, forestiers ou semi naturels). Autrement dit, la progression des surfaces artificialisées se fait au détriment des surfaces d’espaces semi-naturels, y compris les terres agricoles à haute valeur environnementale, comme par exemple les prairies. En France métropolitaine par exemple, 88 % des espaces artificialisés le sont au détriment des espaces agricoles et 12 % aux dépens des espaces naturels53. Que sont devenus les sols artificialisés ? Principalement des tissus urbains discontinus, des zones industrielles et commerciales. En outre, les sols artificialisés deviennent, pour la plupart, imperméables. L’imperméabilisation des sols désigne le recouvrement permanent d’un terrain et de son sol par un matériau imperméable (asphalte ou béton, par exemple), notamment lors de la construction de bâtiments et de routes. Historiquement, beaucoup de villes se sont installées au bord des fleuves ou en bordure du littoral pour bénéficier notamment des voies d’échange liées à la présence d’un fleuve ou à celle d’un port. Or, l’imperméabilisation des sols perturbe le cycle de l’eau, en quantité et qualité et accélère les phénomènes de ruissellement, avec une amplification des épisodes de sécheresse et d’inondations. En effet, l’écoulement des eaux est rapide sur les sols imperméabilisés alors que les terres perméables participent à la régulation des crues. Les récents épisodes d'inondations en Wallonie (juillet 2021) nous rappellent que la sécurité des populations et des biens est une contrainte à prendre en compte dans la délimitation des zones constructibles. Enfin, avec l’expansion de l'artificialisation des sols, la biodiversité est altérée et les connexions écologiques entre les espaces naturels résiduels disparaissent ce qui, sur du long terme, compromet notre capacité d’adaptation aux dérèglements climatiques.

53

La Revue du CGDD, “Urbanisation et consommation de l’espace, une question de mesure”, Commissariat général au développement durable, mars 2012, p.3, en ligne, s.l, http://www.bv.transports.gouv.qc.ca/mono/1110607.pdf

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3.2. Accroissement des gaz à effet de serre L’accroissement des distances de transport entre logement et lieu de travail est un facteur d’augmentation des émissions de gaz à effet de serre (GES). Les habitants des grandes villes ont plus tendance à utiliser des transports à mobilité douce (vélo, trottinettes, transports en commun, …) nettement moins énergivores que la voiture. Ceci est notamment dû au fait qu’on peut pratiquement tout trouver à environ 10 km de la ville. À Bruxelles, par exemple, deux tiers des déplacements font moins de 5 km54. Le kit CO2 élaboré par l’Insee et le SOeS a évalué ces émissions, suivant la distance parcourue et le mode de transport utilisé. D’après les résultats, il y a une différence notable entre les habitants des villes-centres des aires urbaines et ceux des couronnes périurbaines. Les émissions varient de 380 kg de CO2 par habitant en villes-centres des pôles urbains à 900 kg de CO2 par habitant en couronne périurbaine, soit plus du double. En outre, les consommations d’énergie en chauffage sont évidemment aussi sensibles à la taille des logements, majoritairement plus grands en périphérie, et au nombre de logements individuels, plus nombreux dans l’espace périurbain.

3.3. Coût en infrastructures La périurbanisation, et les formes d’habitat qui lui sont associées, génèrent des surcoûts. Afin d'accueillir les nouveaux habitants dans de bonnes conditions, l’étalement urbain entraîne des coûts supportés par la collectivité et l'environnement : coût en infrastructures et moyens de transport, coût d’extension des réseaux d’alimentation en eau, gaz et électricité, liaisons télécommunications et accès Internet, … Et, qui plus est, c’est dans le domaine de l’eau que les surcoûts de l’étalement sont les plus conséquents. Une étude (2008) sur les surcoûts d'infrastructures liés à l'eau en

54

PAUTHIER, Isabelle, “Gardons nos villes plus respirables après le déconfinement”, Etopia, mai 2020, en ligne, s.l, https://etopia.be/covid-19-isabelle-pauthier-gardons-nos-villes-plus-respirables-apres-le-deconfinement/?fbclid=IwAR0vgCd kmZPCAGWueorTiLD0DWLJ2ikspfioyrtPK3TJqJt1alHZvuFsZCs

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Wallonie55 montre notamment que la périurbanisation résidentielle, ayant touché la Wallonie (1980-1990), représente un surcoût d’un milliard sept cent millions d’euros. Prenons l’exemple des coûts d’assainissement : dans “les urbanisations denses”, les frais remontent à 3 700 € par logement alors que pour les lotissements à faible densité la fourchette de prix se trouve plutôt entre 6 200 et 7 500 € par logement. De manière plus générale, l’étude montre que les quartiers de lotissements sur vastes parcelles apparaissent deux fois plus coûteux en termes d'infrastructures que les opérations de densification.

3.4. La gentrification rurale

Un autre risque souvent soulevé par les urbanistes est celui de la gentrification rurale. Ce terme est d’abord apparu en Angleterre avec les recherches sur l’exode urbain des années 1970-19990. Cet outil permet de comprendre les dynamiques contemporaines des espaces ruraux qui se transforment, au profit, notamment de groupes sociaux favorisés. Il souligne les transformations et les inégalités liées à ce processus. Il y aurait effectivement un risque de gentrification rurale car, contrairement à ce qu’on pourrait croire, les ménages qui ont les moyens de s’installer dans les campagnes sont plutôt privilégiés, financièrement et culturellement. En outre, ceux qui partent sont ceux qui choisissent de quitter la vie urbaine sans pour autant faire des concessions au niveau bien-être. Bien au contraire, ils recherchent tous les avantages de la ville mais à un rythme moins stressant, avec une maison individuelle qui donne un accès facile à la nature56. Pour garantir tout le confort urbain, il faut, au minimum, un accès à l’emploi, à la santé, à l’éducation, aux loisirs… mais dans un modèle d’habitat dispersé, il faut prévoir de développer de nouveaux réseaux numériques, énergétiques, routiers afin d’assurer la connexion de ces espaces. L’augmentation de la demande d’installation conduit à une évolution du marché immobilier. Les prix

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HALLEUX, Jean-Marie, et al. “Etalement urbain et services collectifs :Les surcoûts d’infrastructures liés à l’eau”, Revue d’économie régionale et urbaine, mars 2008, p.21, s.l, en ligne, https://www.cairn.info/revue-d-economie-regionale-et-urbaine-2008-1-page-21.htm 56

CASSELY, Jean-Laurent, “Quitter la ville, les nouvelles frontières de la gentrification”, SLATEfr, mars 2020, s.l, en ligne, http://www.slate.fr/story/187968/sociologie-quitter-ville-campagne-trois-familles-collapsos-rural-chic-instagram-france-moc he-peripherique-gentrification

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d’immobilier qui augmentent empêchent certains ruraux, notamment les jeunes, de trouver un logement correspondant à leur budget. En résumé, l’étalement urbain présente de nombreuses conséquences pour l’homme et son environnement :

(1) les automobilistes, ayant majoritairement conservé leur emploi en

milieu urbain, dégagent trop de gaz à effet de serre,

responsables du réchauffement

climatiques et de la croissance des maladies chroniques (2) le modèle d’habitat privilégié (maison individuelle) conduit à un coûteux éparpillements des coûts d'infrastructure et de services publics, qui va à l’encontre d’une politique de préservation des ressources (3) l’utilisation résidentielle de terres agricoles mènent à une artificialisation des sols souvent irréversibles, menant à des épisodes de sécheresses et d'inondations meurtrières…

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4. Crise sanitaire, amplificateur de l’exode urbain ?

Avec la crise sanitaire que nous vivons (covid-19), où l’isolement et la distanciation sociale étaient préconisés, nous nous demandons si ce phénomène contemporain d’étalement urbain ne s’est-il pas exacerbé ?

4.1. Fuis tôt, loin, et reviens tard Durant des siècles, le seul remède contre la peste fut l’abréviation C.L.T. de la locution latine “Cito, longe fugeas, tarde redeas” : Fuis tôt, loin, et reviens tard57. Au Ve siècle avant notre ère, Hippocrate préconisait déjà ce remède contre les épidémies. Quand Avignon a été frappée par la peste noire en 1348, la cour pontificale a fait ses valises, même phénomène à Paris, au XIXe siècle, mais pour échapper au choléra. En période d’épidémies (peste et choléra), la majorité des citadins aisés de l’époque se réfugient à la campagne. Au Moyen-Age, les aristocrates avaient des châteaux à la campagne et des maisons en ville. Les paysans avaient, eux aussi, leur résidence secondaire, avec leur cabanon au milieu du champ. C’était un lieu de repli pendant les épidémies, guerres civiles ou luttes religieuses. Afin de se mettre à l’écart en période de peste et d’émeute, les grands bourgeois du XIXe siècle avaient non seulement, un appartement au-dessus de l’entreprise, mais aussi une maison de campagne où ils produisaient des légumes, loin de la ville nauséabonde. Avec le temps, ce système s’est démocratisé en France avec les résidences secondaires. Londres a été périodiquement touchée par des épidémies de peste. Celle de 1665, sous l’impulsion du roi Charles II a été la plus meurtrière. Pas moins de 15% de la population en est morte (environ 100 000 personnes). Elle a provoqué une phénomène d’exode massif de Londres qui aurait perdu ⅔ de ses habitants et plus de 10 000 maisons auraient été

57

MOTTET, Marianne, “Les ‘réfugiés épidémiques’ : L’exode urbain et la pression immobilière en ruralité”, Juillet 2021, s.l, en ligne, http://acrf.be/wp-content/uploads/2021/05/acrfana_2021_07_exode_rural_pression-imob_MM.pdf

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abandonnées58. Ce sont d’abord les londoniens les plus riches qui se dépêchent de quitter la ville. La Cour de Charles II a rapidement quitté Londres pour Salisbury, puis pour Oxford. Peu à peu Londres se vide et l’exode de masse, le plus important que la Ville ait jamais connu, touche toutes les classes, tous les commerces, toutes les professions59. Londres se transforme en une “cité morte” et n’est plus peuplée que des plus pauvres, pour qui la fuite n’était pas une option. Henry Foe (H.F), habitant de Londres durant l'épidémie60, est choqué par l’aspect désertique de sa ville où il ne restait que les pestiférés, soit placés en quarantaine, soit errant dans les rues à la recherche de ressources pour survivre.

Figure 14: Une famille embarque sur la Tamise, pour durant la grande peste de Londres, par J.Byfield, 1825.

source: Hathi Trust Digital Library

58

BEQ, Julie, “Faire face à la catastrophe : la Grande peste de 1665 dans A journal of the plague year de Daniel Defoe (1722)”, Sciences de l’Homme et Société, 2020, p88, s.l, en ligne, https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02895755/document 59

Idem p.89

60

Idem

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La question que l’on se pose est la suivante : Les citadins contemporains auraient-ils conservé le réflexe de : “ Fuis tôt, loin, et reviens tard61” ? Avec l’arrivée de la COVID, certains ont effectivement quitté la ville. Ce phénomène a été observé un peu partout dans le monde: Bruxelles, New-York , Montréal ou encore Paris.

4.2. Covid-19 et Exode Le phénomène de “quitter la ville” n’est certes pas nouveau, mais avec la crise sanitaire, le terme “exode urbain” refait à nouveau les gros titres des médias. La question que l’on se pose ici est : est-ce que le phénomène d’exode sanitaire existe réellement ? En France, les médias ont effectivement sorti de nombreux articles pour décrire la fuite des citadins. Ils ont notamment relayé une étude statistique des données téléphoniques réalisée par l’opérateur téléphonique Orange62. Grâce à ses données, ils ont mis en avant certaines tendances. Par exemple, 1 million de Franciliens auraient quitté leur domicile, en une semaine, à l’annonce du premier confinement (mars 2020). Les centres urbains auraient été désertés au profit des campagnes. Néanmoins quelques grandes villes, à l’instar de Lyon et Marseille, auraient conservé, voire gagné des habitants. En vue de la situation, l’Insee a aussi réalisé une étude sur la « nouvelle répartition de la population sur le territoire ». Cette dernière, qui reprend les données des opérateurs mobiles Orange et Bouygues Telecom, montre que 11% de Parisiens auraient quitté la capitale lors de la mise en place du confinement. L’enquête estime que 400 000 personnes sont parties de Paris intra-muros et plus d'un million de la région parisienne63. Gardons en tête que ses données, n’ont pas le recul nécessaire pour définir les flux de population pendant le premier confinement. Cet exode sanitaire a notamment été amplifié par le développement du télétravail et sa standardisation annoncée. Il aurait d’abord concerné les jeunes, qui ont rejoint leurs parents

61

MOTTET, Marianne, “Les ‘réfugiés épidémiques’ : L’exode urbain et la pression immobilière en ruralité ”, Juillet 2021, s.l, en ligne, http://acrf.be/wp-content/uploads/2021/05/acrfana_2021_07_exode_rural_pression-imob_MM.pdf 62 UNTERSINGER, Martin, “Confinement : plus d’un million de Franciliens ont quitté la région parisienne en une semaine”, Le Monde, Mars 2020, s.l, en ligne, https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/03/26/confinement-plus-d-un-million-de-franciliens-ont-quitte-la-region-parisien ne-en-une-semaine_6034568_4408996.html 63

INSEE, “Population présente sur le territoire avant et après le début du confinement :résultats consolidés”, mai 2020, en ligne, s.l, s.a, https://www.insee.fr/fr/information/4493611

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en province, mais aussi les plus aisées, disposant déjà de « lieux de refuge » (maison de famille ou résidence secondaire) en dehors de la ville. Selon l’ESCoE (l’Economic Statistics Centre of Excellence, l’équivalent de l’Insee), c’est 1,3 million de personnes qui auraient quitté le Royaume-Uni en 2020, dont 700 000 rien qu’à Londres. Toutefois, l’Observatoire des migrations de l’université d’Oxford reconnaît qu’il y a eu un exode des expatriés ces derniers mois mais est sceptique face à ces estimations64. Selon l’Observatoire, les départs se situeraient davantage entre 400 000 et 900 000 personnes. Cet exode sanitaire toucherait principalement les migrants venant d’Europe centrale, orientale et du Sud-Est. Les migrants, dans la restauration, dans l'hôtellerie et d’autres secteurs de services, seraient partis rejoindre leur pays d’origine car ils auraient perdu leur travail à cause du Covid-19. Ils ne voyaient pas l’intérêt de rester étant donné que le coût de la vie et du logement est plus élevé au Royaume Uni. Sans compter qu’avec le Brexit, les résidents étrangers ont rencontré des difficultés à bénéficier des aides sociales. Toutefois, selon Madeleine Sumption, la directrice de l’Observatoire des migrations, il y a de fortes chances que ces départs soient temporaires : Certains ont préféré rejoindre leur famille parce qu’ils avaient la possibilité de télétravailler. Mais une fois que les bureaux vont réouvrir, ils seront probablement de retour »65. En Belgique, il n’existe pas encore de recensement à ce sujet, il n’y à pas assez de recul sur le phénomène. Toutefois la Fédération du Notariat (Fednot) a soulevé quelques chiffres intéressants pour l’année 2020. Ils ont comparé deux périodes, avec le même nombre de jours ouvrables : la période entre le 1er janvier 2021 et le 16 mars 2021 et la période entre le 1er janvier 2020 et le 18 mars 2020. Ils ont constaté, une augmentation des activités (= transactions immobilières) de 11,2 % au niveau national. Ce qui est intéressant, c’est d’observer les disparités au niveau régional : alors qu'en Flandre les activités augmentent de + 14,7% et qu’en Wallonie l’augmentation est de + 8,9%, Bruxelles, quant à elle, voit son activité chuter de - 6,2%. Le porte-parole de la fédération, Renaud Grégoire nuance ses chiffres et affirme que : « A Bruxelles, la chute de l’activité doit être fortement relativisée. Le 64

La principale source de données utilisée par l’Economic Statistics Centre of Excellence pour mesurer les flux d’émigration et d’immigration – l’International Passenger Survey – aurait été suspendue au cours de la pandémie. 65

SUMPTION Madeleine, “Where did all the migrants go ? Migration data during the pandemic”, The migration observatory, février 2021, s.l, en ligne, https://migrationobservatory.ox.ac.uk/resources/commentaries/where-did-all-the-migrants-go-migration-data-during-the-pan demic/

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début de l’année 2020, avant le confinement, avait été exceptionnel. Si on compare avec la même période en 2019, on voit une augmentation de l’activité en 2021. Même s’il y a un intérêt important pour les espaces verts, cela ne signifie pas que le marché bruxellois est délaissé »66. Selon le professeur d'urbanisme et coordinateur du laboratoire LoUIsE à la Faculté d'architecture de l'Université Libre de Bruxelles, Geoffrey Grulois, l’exode sanitaire est temporaire67. Le besoin de sociabilité fait que les villes resteront toujours attrayantes. Il rappelle que dans l'histoire urbaine, la crainte d’un exode urbain est revenue assez régulièrement. La ville en confinement n’offre pas les services et facilités qui la rendent si attrayante et unique (concerts, musées, festivals, …); une “reprise à la normale" devrait forcément ramener à la maison les amoureux de la ville. Dans le cadre du présent mémoire, nous avons interrogé une future résidente d’un habitat groupé sur son expérience en période de confinement et sa réponse confirme cette théorie d’un exode sanitaire temporaire : “ chez nous c'est petit, c'est pour ça qu'on voulait déménager de base.. On a un 80m2; et donc j'avoue que quand ils ont annoncé le lockdown, on est parti en fait, on est parti de nuit comme des voleurs, comme à la guerre quoi ! Et on est allé chez mes beaux-parents qui habitent à la campagne. On est parti pour deux semaines et au final on est restés trois mois! Et donc on était chez eux à la campagne, ils ont une super grande maison, nous on occupait tout l'étage du haut. Mais honnêtement, si on était resté chez nous, je pense qu'il y aurait au moins un des deux enfants qui serait passé par la fenêtre quoi! Je ne sais pas comment ils ont fait les gens, parce que mes deux garçons avaient 5 et 7 ans, ils sont super remuants. Déjà la semaine avant le confinement ils avaient très dur, de ne pas voir leurs amis parce que l'école était déjà fermée. Déjà ça c'était compliqué alors qu'on pouvait encore sortir !”68.

66

FEDNOT, “Baromètre immobilier : forte augmentation de l’activité immobilière début 2021”, mars 2021, s.l, en ligne, https://www.fednot.be/communique-de-presse-2/barometre-immobilier-forte-augmentation-de-lactivite-immobiliere-debut-2 021/?fbclid=IwAR3DJzSIZXM-s7JYT9bKAdrbIXzT3IPViQ8fZXp7LtDbzsdhIltxD0hUoGQ 67 WAVREILLE, Aline, “Ne me quitte pas : qui sont ces Bruxellois qui quittent la capitale ?”, juin 2021, s.l, en ligne, https://www.rtbf.be/lapremiere/emissions/detail_les-podcasts-de-la-premiere/accueil/article_podcast-ne-me-quitte-pas-qui-so nt-ces-bruxellois-qui-quittent-la-capitale?id=10685069&programId=16224 68

Isabelle, future membre de l’habitat groupé, l’Ambassade à Schaerbeek, qui vit actuellement dans un appartement 2 chambres avec ses deux enfants (6 et 9 ans) et son compagnon, cherchait un logement plus grand et c'est à ce moment-là qu’elle a songé à l'habitat partagé. La possibilité d’avoir un jardin pour ses enfants mais aussi de partager des espaces communs avec un groupe ayant les mêmes valeurs qu’elle l’ont convaincu. Pour consulter l’ensemble de l’entretien avec Isabelle, voir annexe 2.

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Un récent rapport de la SCHL (Société Canadienne d'Hypothèques et de Logement) a étudié les effets de la pandémie actuelle et du télétravail sur le comportement des acheteurs de la grande région de Montréal69. Plusieurs éléments intéressants en ressortent : au total 12 750 ménages ont quitté Montréal pour la banlieue en 2020; parmi eux, 8700 ont acheté une maison unifamiliale et 4050 ont emménagé dans une copropriété. La proportion de ménages qui ont acquis une unifamiliale en périphérie a atteint 29 % en 2020, alors qu’elle ne représentait que 22 % à 24 % entre 2015 et 2019. En ce qui concerne les ménages en copropriété, cette proportion s’est élevée à 21 % en 2020, contre 13 % à 17 % de 2015 à 2019. En outre, plusieurs Municipalité Régionale de Comté (MRC) limitrophes, à l’instar des MRC de Joliette, des Maskoutains et de Pierre-de-Saurel, ont aussi enregistré une hausse importante du nombre d’acheteurs issus de l’île de Montréal et des banlieues avoisinantes. Ainsi, la pandémie est venue accélérer la migration des ménages du Grand Montréal vers des MRC limitrophes, mais ces chiffres sont, une nouvelle fois, à prendre avec des pincettes. Comme pour Bruxelles et Paris, c’est un phénomène qui existait bien avant la pandémie. Non seulement, parce que les maisons unifamiliales des MRC limitrophes affichent un prix inférieur à celui de la RMR70 de Montréal mais aussi parce qu’à cette période l’environnement était favorable à l’achat : les taux d’intérêt sont très bas, le développement économique s’accélère dans certaines régions périurbaines, les prix des propriétés ont été relativement abordables dans les banlieues éloignées, … En résumé, bien qu’il y ait effectivement eu des mouvements de population des métropoles vers les périphéries, nous n’avons pas le recul nécessaire, ni les ressources scientifiques à portée de main pour parler d’un réel exode sanitaire. On peut toutefois affirmer que certains sont partis pour un temps défini, celui du confinement par exemple et que d’autres en ont profité pour partir pour plus longtemps voire pour toujours. Ces derniers ne veulent pas seulement se mettre à l’abri du virus, ils recherchent un cadre de vie plus agréable, moins pollué, moins stressant, plus ouvert à la nature. Pour ces derniers, la crise sanitaire et notamment le contexte immobilier favorisant l’achat, ont aidé à passer le cap. En ce sens, le Covid-19 a été dans certains cas un simple accélérateur de la tendance existante.

69

SCHL-CMHC, “Effets de la pandémie sur le marché de l’habitation de Montréal”, novembre 2020, s.l, s.a, en ligne, https://www.cmhc-schl.gc.ca/fr/blog/2020-housing-observer/pandemics-impacts-montreals-rental-resale-market 70 Une région métropolitaine de recensement (RMR) ou une agglomération de recensement (AR) est formée d'une ou de plusieurs municipalités adjacentes situées autour d'une grande région urbaine (appelée noyau urbain).

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5. La densité, au nom d’une gestion économe de l’espace Dans les précédentes parties, nous avons étudié les liens entre la santé, l’urbanisme et l’architecture; et notamment l’urgente nécessité de renouer ce lien. A travers le chapitre sur le phénomène contemporain de l’étalement urbain, nous avons observé les conséquences qu’il représente notamment en matière de consommation d’espaces naturels et agricoles et l'artificialisation et d’imperméabilisation des sols. Nous avons aussi vu que cet étalement est en partie dû à la volonté des ménages de bénéficier d’une maison individuelle avec jardin. Mais, comment réconcilier les attentes individuelles des ménages

avec les défis

urbanistiques agissant au nom de l’économie de l’espace ? Une des pistes, que ce chapitre propose d’étudier, est “la densité qualitative”. Autrement dit, cette partie ambitionne de s’interroger sur les potentialités de la densité, au regard de la lutte contre l’étalement et de ses coûts. A la fin des années 1980, certains scientifiques comme Newman et Kenworth ont effectivement démontré la relation bénéfique existante entre densité et consommations énergétiques dans le domaine du transport71. Comme discuté précédemment, il s’agit d’un des secteurs les plus polluants de notre société. Ils ont influencé une série d’autres études, adaptées à des contextes géographiques variés et à d’autres dimensions de la ville, comme les coûts des services et d’infrastructures, le taux de couverture des transports publics ou, encore, l’accès aux nouvelles technologies. Un appel “à la densification”72 raisonnée commence à retentir au sein des politiques et normes urbanistiques de la ville qui encouragent une gestion économe de l’espace. Des voies sont effectivement possibles pour lier qualité de vie et limitation d’une expansion urbaine coûteuse.

71

NEWMAN, Peter, “Cities and automobile dependence : A source book”, Ashgate, Novembre 1989, 406p

72

BODART, Céline et.al, “La densification des tissus urbanisés en Wallonie, opportunités pour leur qualification”, 2013, 24p, s.l, en ligne, file:///C:/Users/ltherache/Downloads/cpdt_ndr_43_densification4.pdf

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5.1. Densité : vers une tentative de définition En urbanisme, la notion de densité peut avoir de nombreuses approches et permet de traiter des phénomènes variés. La densité en tant qu’indicateur nécessite donc de préciser les modes de calcul, les espaces, les échelles de références et l’objet dénombré73. Un ‘indice de densité’ a été proposé par l’administration fédérale du logement des États-Unis en 1971 : le LIR (Land Use Intensity Rating), en français, « le degré d’intensité d’occupation du sol ». Cet indice de densité conjugue le COS (Coefficient d’Occupation du Sol) à d’autres indices traduisant les espaces verts, l’espace habitable, l’espace de loisirs et le stationnement. Dans la pratique, le LIR n’a malheureusement pas été utilisé car il était procéduralement trop complexe. Pour mieux appréhender la densité, Pascal Amphoux suggère de parler de polarité74 afin de connoter la dimension non seulement spatiale mais aussi mesurable de la densité75. Cette perspective permet de mettre en relation diverses échelles, allant du bâtiment, à l’îlot, au quartier et jusqu’à la ville, tout en interrogeant la notion de centralité. Les notions de centralité, polarité, densité sont ‘comparatives’. Il veut dire par là qu’elles imposent une comparaison (voire une hiérarchisation) entre différents tissus urbains. Permettre des comparaisons (entre deux espaces ou bien deux périodes, …) aide effectivement à mieux appréhender une densité spatiale idéale prenant en compte le contexte sanitaire, climatique, économique et social. Néanmoins, distinguons la densité résidentielle, soit le rapport entre le nombre de logements et la surface d’étude en dehors des voies publiques qui mesure strictement l’occupation du sol par des logements, à la densité de population, soit le nombre d’habitants par kilomètre carré qui s’applique généralement aux différents espaces de la ville (centre et périphérie). Ici, nous parlerons de densité au sens résidentiel du terme.

73

MARRY Solène, “Etalement et densité : quels enjeux urbains à l’oeuvre dans la conception des formes urbaines ?”, 23p, s.l, s.d, en ligne, https://www.unil.ch/files/live/sites/ouvdd/files/shared/URBIA/urbia_15/Decoupe_12.pdf 74 (forme spatiale créant des espaces de confrontation avec autrui) 75

AMPHOUX, Pascal, et.al, “La densité urbaine. Du programme au projet urbain”, rapport de recherche n°142, France, 166p, en ligne, https://cressound.grenoble.archi.fr/fichier_pdf/rap/rap_amphoux_2001_densite_tout.pdf

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5.2. La densité “fait peur” Plusieurs pays européens ont conçu des villes compactes pour répondre aux nouvelles exigences du développement durable. Au delà des ambitions environnementales de réduction des consommations et des émissions de gaz à effet de serre, la ville compacte, par la densité de ses habitations, la proximité de ses équipements et services ou encore ses réseaux de transports et communication, revalorise les qualités essentielles de la ville, qui sont entre autres la maximisation des interactions sociales et des proximités des populations (Claval et Claval, 1981). Nous avons précédemment étudié les coûts et conséquences (environnementales) d’une ville qui s’étale encore et toujours. Nous n’avons toutefois pas parlé des liens physiques entre l’individu et la société, car finalement, comme le fait remarquer Marcel Roncayolo, la ville est certes un lieu, mais aussi et avant tout une « collectivité sociale » (Roncayolo, 1990). Malheureusement, par la rareté de ses habitations, de ses services et de ses équipements, la ville diffuse évoque davantage l’idée d’une « non-ville » dans laquelle les liens physiques entre l’individu et la société manquent. Or, aujourd’hui, plus que jamais, l’isolement, exacerbé par l’actuelle crise sanitaire, fait partie de l’un des nombreux maux de notre société. C’est aux Pays-Bas qu’est né le concept de compact city et où a été mise en place une mission interministérielle relative aux questions de densité. Mixant les fonctions urbaines, la ville compacte valorise l’espace public et la mobilité alternative. Au Royaume-Uni, les questions d'urbanisme compact existent depuis 1990 avec la politique des Planning Policies Guidances (PPG) à laquelle se sont ajoutés, depuis quelques années, les Planning Policies Statements (PPS), fixant un cadre légal et global dans le but d’augmenter la densité, de freiner l’étalement et d’organiser les transports. Quatre ans plus tard (1994), c’est au tour de la Norvège de porter la densification au rang d’objectif national par décret royal. Elle a, à ce propos, mené une forte politique de communication, avec comme message « densifier avec qualité ». Plus tardivement, en France, la Fédération Nationale des Agences d’Urbanisme (FNAU) encourage une redensification du tissu urbain existant. Le mouvement “densifier la Ville” se propage en Allemagne, dans les pays scandinaves mais aussi dans les grandes métropoles comme Vancouver, Casablanca, San Francisco, Tokyo, ...

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Dans cette optique, maîtriser l’étalement urbain suppose de « refaire la ville sur la ville », en d’autres termes, de « densifier la ville ». Mais « la densité est un mot qui fait peur » (Pelegrin-Genel, Pelegrin, 2008, p. 25). Dans l’inconscient populaire, la densité diffuse une image négative, en France, près de 65 % de la population considère la densité comme quelque chose de négatif76. Elle reflète la représentation des ensembles de tours et de barres, dans lesquels seulement 1% de la population française ne verrait pas d’inconvénient à y vivre77. Les grands ensembles sont effectivement fortement critiqués pour leur caractère monolithique, leur enclavement par rapport à la ville, et les problèmes sociaux qui s’y multiplient. S’ajoute à cela, le fameux désir des ménages de jouir d’un chez-soi individuel (sans vis-à-vis, avec des prolongements extérieurs qui contribuent à l’éloignement du voisin, ou encore avec des espaces pour ranger ou bricoler).

5.3. Densité, intensité ou densité vécue Il est, dès lors, essentiel de penser un nouvel habitat humain combinant les qualités de la ville (et ses interactions) et de la campagne (et ses espaces individuels). C’est dans cette optique que l’architecte et professeure, Béatrice Mariolle,78 préfère parler “d’intensité” plutôt que de “densité”, évoquant ainsi le rapport entre, d’une part, la somme des habitants et des emplois et, d’autre part, la surface urbanisée. Autrement dit, plus les activités résidentielles et économiques sont concentrées en un lieu, plus la vie y est intense. Pour répondre aux actuels défis de notre société (réchauffement climatique, maladies chroniques, épidémies, isolement, …), le levier de la densité doit être repensé pour une (re)construction d’une « ville intense et accueillante » (Mariolle, 2007, p. 67). Plusieurs 76

ADEM, “Faire la ville dense, durable et désirable”, France, février 2018, 72p, en ligne, https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/ville-dense-durable-desirable-010251.pdf 77

TNS Sofres, “Les français et leur habitat. Perception de la densité et des formes d’habitat”, janvier 2007, p.3, s.l, en ligne, https://www.demainlaville.com/content/uploads/2016/04/tns-perseptiondeladensite.pdf 78

Mariolle, B. (2007). D comme Densité. Les Cahiers de la recherche architecturale et urbaine (20/21), pp. 64- 67.

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formes de densité urbaine existent mais c’est bien la densité vécue par les citoyens qui importe. Le défi à relever est donc de montrer que la maîtrise de la densité contribue à rendre durables et désirables nos villes. La densité “vécue” correspond à la perception subjective des citoyens, à leur ressenti, positif ou négatif, vis-à-vis d’une forme urbaine. Elle découle d’une construction complexe propre à chaque individu79 et formée par ses représentations mentales mais aussi des différentes sources d’informations sensorielles (la vue, l’odorat, le toucher et l’ouïe). Les sentiments d’entassement et/ou d’étouffement sont le résultat d’un écart entre la densité vécue et le niveau de densité désiré. Lorsque l’espace vital n’est plus respecté, la surcharge d’informations et d’interactions devient une vraie source de stress et de malaise. La densité vécue est influencée tant par les interactions sociales et personnelles que par l’espace bâti. Bien que la densité vécue soit subjective et non mesurable, différents facteurs influencent directement la perception de la densité d’une ville, d’un quartier et d’un logement. Les caractéristiques architecturales telles que la forme, le volume et la hauteur des bâtiments conditionnent les rapports des individus à l’espace et à la densité. La proportion entre espaces libres et espaces construits sont aussi relativement déterminants. Il y a aussi des paramètres d’ordre plus “sensoriels” qui influencent la perception de l’espace, tels que les nuisances (bruit, pollution de l’air…), l’entretien des espaces publics mais également le trafic automobile ou une trop importante fréquentation du quartier par les piétons (le centre de Madrid, selon mon expérience personnelle, est un bon exemple de stress lié aux piétons), …80

79

ADEM, “Faire la ville dense, durable et désirable”, France, février 2018, 72p, en ligne, https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/ville-dense-durable-desirable-010251.pdf 80 Idem

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Figure 15: Différents types de formes urbaines à densité égale

source: D’après IAU, Appréhender la densité, 2005

La figure ci-dessus, où l’on peut observer une même densité de 76 logements/ha, exemplifie bien cette notion de la “perception de la densité” selon les variations de formes. Mais comment agir sur la densité vécue et le cadre urbain ? La directrice de l’Agence de Transition Écologique (ADAME), Marie-Christine Premartin suggère de planifier la densification sous le prisme de trois leviers d’actions permettant d’agir à l’échelle territoriale: (1) planifier la reconquête des friches urbaines et industrielles, (2) planifier l'intensification urbaine autour des pôles de transports collectifs et (3) densifier et revitaliser les anciens centres-bourgs. Premièrement, les friches intégrées au tissu urbain sont une véritable opportunité de reconstruction de la ville sur elle-même. La friche urbaine ou industrielle, selon sa nature, son état, sa morphologie, sa localisation et son origine peut se décliner en habitats, en équipements publics, en zones industrielles et/ou commerciales. Elles permettent effectivement de densifier les zones urbaines existantes (à fort potentiel) tout en préservant les terres agricoles. Deuxièmement, canaliser l’urbanisation à proximité des axes structurants de transports en communs, permettrait de lutter contre le poids de l’automobile dans les déplacements quotidiens, notamment au sein des espaces périurbains. 51


D’un point de vue environnemental, l’intérêt est donc de diminuer la consommation d’énergie, des GES et des émissions de polluants. D’ailleurs la densification autour des pôles de mobilité est l’un des objectifs stratégiques de la loi “Grenelle 2” (12 juillet 2010). Cette stratégie présente aussi l'avantage de redynamiser des quartiers historiques, sans pour autant modifier le bâti. Enfin, redynamiser les centres-anciens, via des rénovations, permet d’agir à la fois sur la qualité et l’organisation du bâti. Étant donné les équipements et services déjà existants, les centre-bourgs bénéficient d’un potentiel de mixité des fonctions élevé, doublé d’une bonne situation géographique. En adaptant les espaces publics et commerciaux, aux besoins actuels des habitants, les centres-anciens réaffirment l’identité culturelle et patrimoniale de la ville. En outre, la redynamisation permet également d’éviter que de nouveaux sols agricoles, forestiers ou naturels soient artificialisés.

5.4. Des formes d'habitat pour une “densification attractive” Aujourd’hui, il est important d’imaginer des formes d’habitat adaptées à une densification attractive de la ville, associant les qualités du logement individuel et celles du logement collectif; qui plus est, dans un contexte de crise sanitaire. Par exemple, en Suisse, où nous comptons 1 million de maisons individuelles (correspondant à deux tiers de tous les bâtiments consacrés exclusivement à l’habitation)81, la stratégie MétamorpHouse explore des pistes pour rendre la densification attractive. Comment ? En jouant sur la durée limitée de la “phase familiale". Le désir de vivre dans une maison individuelle avec jardin va souvent de pair avec une vie de famille avec enfants. Or la phase familiale a une durée limitée, alors que, nous l’avons vu, l’espérance de vie augmente. En résulte beaucoup de logements occupés par les parents restés seuls après le départ de leurs enfants adultes. En Suisse, c’est le cas pour près de la moitié des maisons individuelles, où vivent des ménages de petites tailles composés d’une ou deux personnes âgées pour la plupart de plus de 50 ans82. Cette stratégie “MétamorpHouse” implique aussi bien les propriétaires et 81

Office fédéral de la statistique, “Construction et logement”, 2021, s.l, s.a, en ligne,

https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/construction-logement.html 82

BEYELER, Mariette, “Quand la maison individuelle se transforme”, Suisse, s.d, en ligne, 4p., https://www.reiso.org/articles/les-dossiers-annuels?task=export.export&id=3059

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les communes dans une démarche participative afin de réduire l’importante empreinte des maisons unifamiliales. Cette démarche “win-win”, met l’accent sur la densification douce, qui permet une offre de logements supplémentaires par insertion dans le tissu déjà bâti sans destruction massive de l’existant, sans changement significatif des formes urbaines, dans le respect des qualités du quartier et de ses habitants. D’un point de vue social, cette stratégie encourage la mixité et permet de combattre l’isolement qui touche la population vieillissante (mais pas que)83. En chine, après des épisodes de confinements extrêmement stricts, les pouvoirs publics ont lancé un concours international dont l’objectif est de répondre aux nouveaux enjeux de l’habitat dans un monde qui a changé. Le grand gagnant le bureau d’architecture barcelonais Guallart avec sa proposition de ville autosuffisante84.

Figure 16: Projet de ville autosuffisante par Guallart Architects, Xiong'an, 2020.

source: https://www.designboom.com/

83

BEYELER, Mariette, “MétamorpHouse - Stratégie de densification douce : Résumé du rapport final sur la mise en oeuvre pilote à Villars-Sur-Glâne”, Suisse, 2017, 5p en ligne, https://www.beyeler-jaunin.ch/documents/170301_metamorphouse_ofl_resume_fr.pdf 84

E-Architect, “Housing post covid competition China”, 2’18’’, août 2020, en ligne, https://www.youtube.com/watch?v=PUPWClS-h8c

53


Figure 17: Nouvelle typologie urbaine: îlot autosuffisant, par Guallart Architects, 2020.

source: https://www.designboom.com

Ils proposent une nouvelle vision de l’unité d’habitation, à savoir, un espace qui peut gonfler ou se dégonfler selon les besoins. Concrètement, il est question de la bulle psychologique des habitants en fonction de leurs usages (qui peut notamment être une réponse aux problématiques subjectives liées à la densité vécue, que nous venons de voir). En outre, ce modèle permet le partage des surfaces additionnées pour divers usages : ainsi, un espace de coworking se transforme en une salle de fête pour l’anniversaire d’un des usagers par exemple. Cette vision a l’immense avantage de concilier toutes les crises contemporaines, à ce propos, Guallart affirme que : « notre proposition découle de la nécessité d’apporter des solutions aux différentes crises qui se déroulent en même temps sur notre planète, afin de créer à nouveau la vie urbaine basée sur la bioéconomie circulaire qui renforcera les villes et les communautés ». Comment ont-ils réussi ce tour de passe passe ? Le projet est imaginé selon le principe des couches d’oignons, définissant différentes fonctions nécessaires à la vie toutes échelles confondues : de la maison à l’alimentation, en passant par la communauté. Les quatre blocs seront construits en utilisant du bois massif et des solutions de conception passive; ils auront un programme d’utilisation mixte comprenant des appartements, des résidences pour jeunes et vieux, des bureaux, une piscine, des magasins, un marché alimentaire, une crèche, un centre administratif et une caserne de pompiers entre autres programmes. Le vrai plus est que l’ensemble peut muter à travers le

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temps et les besoins des habitants. Tous les bâtiments seront couverts par des serres produisant de la nourriture pour la consommation quotidienne et par des toits en pente permettant de produire de l’énergie solaire. Tous les appartements auront un accès direct à l’extérieur, à savoir une grande terrasse exposée plein sud. Non seulement, elle agira comme un régulateur thermique mais elle offrira une véritable plus value en en période de confinement puisqu'elle permettra aux résidents de prendre l’air, pour les plus jeunes de jouer, se reposer, … De même, les foyers seront préparés à disposer d’espaces de télétravail et connectés aux réseaux 5G, créant ainsi des connexions à l’échelle du quartier pour l’échange de ressources85. À Bruxelles, par exemple, le projet d’habitat groupé Brutopia du bureau stekke + fraas, a acquis le statut de Bâtiment Exemplaire en 2009 et remporte le prix The Blue House en 2013, qui récompense la rénovation ou la construction d'une habitation privée belge qui répond de la manière la plus exemplaire au double enjeu de la durabilité et de l'accessibilité financière.

85

SIMOENS, Pascal “Lorsque la covid révèle un nouveau potentiel habité, durable et numérique”, Les échos du logement 128, 2021, p.20-24

55


Chapitre 4: L’Habitat Groupé, une réponse urbaine aux crises contemporaines

Dans cette partie, nous souhaitons étudier l’Habitat Groupé en tant que moyen de lutte contre l’étalement urbain en répondant aux exigences environnementales et sanitaires actuelles. Cette forme d'habitat met les citoyens au cœur de la réalisation du projet et à ce titre, il répond aussi à des enjeux relatifs à l’intérêt général en matière de bien être, de santé et d'environnement.

1. Définition

Une fois n’est pas coutume, il n’existe pas de définition universelle de l’habitat groupé. Il peut se traduire par des projets multiples à vocation culturelle, solidaire, spirituelle… et il n’en existe donc pas un modèle ou une définition unique. Les architectes, Jouret et de Biolley donnent la définition suivante de l’habitat groupé : “Nouvelle forme d’habitat conçue et gérée par les habitants eux-mêmes, chaque unité d’habitation (famille, célibataire...) constituant une unité autonome d’un point de vue culinaire et sanitaire. Notons aussi la volonté de chacun de dépasser la simple économie d’échelle afin d’augmenter les contacts avec les autres et partager ensemble un certain nombre de choses (jardin, buanderie, repas..). (...) projet de vie collectif (...) avec une volonté de dépasser les économies d'échelles dues au groupement, pour atteindre des contacts sociaux plus denses. Cette volonté d’aller au-delà du simple rapport de bon voisinage se concrétise par la présence de terrains, d’équipements de locaux communs, pris en charge collectivement par le groupe86’’. En outre, l'architecte Nicolas Bernard87 insiste également sur le fait que les habitats groupés luttent contre la pauvreté. En effet, les personnes précaires subissent un délitement du lien social et détiennent un réseau informel

86

JOURET, BIOLLEY, “L’habitat groupé : le mythe du village”, p.99

87

BERNARD, Nicolas “L'habitat groupé dit solidaire : un phénomène à visage multiple”, Revue pratique de l'immobilier, no.3, 2008, p. 131-159

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d’entraide et de solidarité très faible. La vie en habitat groupé contribue au remaillage du tissu social. L’architecte Prudence Vandecandelaere souligne les perspectives de mixité sociale et d’entraide que représente le modèle d’habitat groupé face aux enjeux contemporains. L’objectif de ce type de projet est de repenser le logement comme vecteur de liens sociaux, d’entraide et de solidarité et non comme objectif d’accumulation de patrimoine. Ce type de projet est également une solution partielle au problème d’accès au logement dans les grandes villes. L’habitat groupé répond également aux besoins de dynamique locale et de développement durable du territoire. Cette manière d’habiter attire de plus en plus de gens face aux successions de crises sociales, politiques et économiques88. Selon la situation géographique, on observe ainsi diverses appellations et définitions de l’habitat groupé. Dans les pays anglo-saxons, on parle de co-housing qui se définit "par la propriété individuelle des maisons ou des logements et par celle commune de certains locaux"89. Dans un co-housing, la participation est centrale, ce sont les (futurs) usagers qui participent, en groupe, à la conception et à l’organisation de leur habitation. La gestion quotidienne de l’habitat, plus particulièrement des espaces communautaires, est assurée par les résidents. La différence avec notre définition de l’habitat groupé est que le cohousing est un concept plus large, englobant par exemple les kots étudiants. Au Pays-Bas, l’habitat groupé est connu sous le nom de "Woongroepen"90 et est très populaire auprès des personnes plus âgées. Dans les années 70, les autorités publiques interviennent sur les difficultés à accéder à un logement, ils ont ainsi acheter et rénover une série de bâtiments pour en faire des logements qui se présentent, d’une part, sous la forme de petites structures indépendantes et autonomes, et d'autre part, sous forme d’une série de logements au sein d'une plus grande structure de logements où, par exemple, 10 ou 20 logements sur 100 sont des habitats groupés. A l’instar de l’habitat groupé en Belgique, le degré de participation est très varié au sein des 88

VANDECANDELAERE, Prudence, “L’habitat partagé durable, un nouveau modèle de logement face aux enjeux contemporains” (Université libre de Louvain, section architecture, mémoire de master, sous la dir. du prof. WILBAUX Quentin, 2020) 89

Agenda Plus, n°165, page 9.

90

Habitat et Participation avec le soutien de la Fondation Roi Baudouin, Habitat de personnes âgées aux Pays Bas, woongroepen et centres de ressources, Louvain La Neuve, 2002.

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Woongroepen. Ces derniers sont strictement encadrés par des “centres de ressources et de gestions des demandes”, structures indispensables à l’élaboration d’un Woongroepen aux Pays-Bas. Leur principal objectif est de mettre les gens ensemble selon leurs besoins et envies. Le mode d’organisation est quant à lui propre aux habitants. Au Danemark, sous l’influence de mouvements populaires des années 60, un nouveau modèle d’habitat voit le jour, l'habitat autogéré communautaire, nommé Bofaelleskaber91. Plus précisément, il serait né en réponse aux grandes mutations sociales de l’époque. Notamment le fait, qu’à présent, les deux parents travaillent, ce qui a notamment un impact sur la garde des enfants. La vie communautaire, très prenante, se structure en partie autour de cette demande et plus généralement, autour de l'épanouissement des enfants. Tout le monde doit s’investir dans la communauté, il arrive que les résidents se retrouvent jusqu'à cinq fois par semaine pour manger ensemble et s’organiser. Une particularité de ces habitats groupés est que, très souvent les portes restent ouvertes, qu'il n'y a pas de clôtures et que les fenêtres sont rarement occultées. Les habitats autogérés communautaires sont généralement aux abords de la ville avec des accès faciles aux espaces verts, mais aussi à une vie de quartier pas trop éloignée du tissu urbain. Enfin, ils sont majoritairement réalisés à l'initiative des futurs habitants, qui participent à toutes les phases de conception du projet. En Suède, les “Maisons Collectives”, appelées les Kollektivhuis92, existent depuis les années 50. Elles sont nées de mouvements féministes et sont particulièrement adaptées aux familles mono-parentales et aux enfants dont les deux parents travaillent. Tout simplement car elles proposent des services facilitant la vie quotidienne avec des enfants (la restauration, un service de garde d’enfants, des activités pour les occuper, sont à proximité des écoles,...). Ensuite, l’intégration des personnes âgées et des services communs favorisant une meilleure solidarité intergénérationnelle qui sont aussi devenus une prérogative des Kollektivhuis. D’abord marginalisées et destinées à une élite socio-culturelle “avec des idéaux post-matérialiste”93, c’est dans les années 70 que les Kollektivhuis se popularisent.

91

MAYERL, Roland, “C’est reparti”, Habitat et participation, Revue n°40, 1991, Louvain-la-Neuve, 28p, en ligne, https://www.habitat-groupe.be/IMG/pdf/hep.media.40.pdf 92 Idem, p.6 93

Idem

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Pour le présent mémoire, nous allons nous en tenir à la définition de l’ASBL bruxelloise, Habitat et Participation: “Un habitat groupé, c’est un lieu de vie où habitent plusieurs entités et où l’on retrouve des espaces privatifs et des espaces collectifs autogérés94”. Cette définition implique plusieurs dimensions ; spatiale, avec des espaces privés et des espaces partagés, sociale car l’objectif est l’épanouissement de la vie sociale et l’épanouissement de l’individu, volontariste car il y a une volonté d’y vivre collectivement autour d’un projet commun, idéologique puisqu’il y a un projet commun à tous les membres du groupe, d’autogestion car les habitants sont gestionnaire de leur lieu de vie et de leur mode de vie et enfin de temporalité puisque le projet évolue dans le temps en fonction des habitants.

2. Historique et évolution des habitats groupés

Historiquement, l’idée d’habiter collectivement n’est pas neuve. L’habitat groupé puiserait ses origines au Moyen-Âge, avec le jumelage des maisons qui étaient tournées autour des puits, des cours et des potagers pour des raisons fonctionnelles95. Par la suite, de nombreux auteurs dans le domaine de l’architecture ont imaginé ou effectivement réalisés différentes manières d’habiter et ce, dès le 18e siècle. Par exemple, Claude-Nicolas Ledoux imagine une forme d’habitat groupé où il décrit son projet à la fin du 18e siècle de la manière suivante : “seize familles vivaient ensemble dans le calme des bois ; elles avaient chacune un appartement complet, tous les besoins de la vie isolée… les communs, les salons de rassemblement, la salle à manger, tous les accessoires qui assurent l’aisance et la commodité étaient réunis …”96. A Bruxelles, les pionniers d’Habitat et Participation (créée en 1982) avaient établi un lien fort entre habitat partagé et les formes d’habitat mises en place au XIXe siècle : les phalanstères. Charles Fourier (1772- 1837) est à l’origine cette nouvelle manière de vivre communautaire, où 400 familles (1 120 personnes) pourraient vivre ensemble dans un grand bâtiment qui serait tout à la fois un logement, un espace de travail avec une 94

Habitat et participation asbl, “Guide pratique - Habitat groupé”, 2007, p.11 POPRAVKA, Vanessa, “Le livre blanc de l’habitat participatif”, avril 2013, s.l, en ligne, https://issuu.com/palabresimmo/docs/livre-blanc-habitat-participatif 95

96

Habitat et participation asbl, “Guide pratique - Habitat groupé”, 2007, 378p, https://www.habitat-groupe.be/IMG/pdf/guide_pratique.pdf

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exploitation agricole à proximité « pour cultiver les fruits et les fleurs » et un lieu d’amusement. Plus précisément, chaque membre de la communauté appartiendrait à l’un des 3 échelons de la société : le capital, le travail et le talent. Économie sociétaire basée sur l’agriculture principalement, le bâtiment serait composé d’appartements individuels et d’espaces communs, avec une cour couverte et centrale, lieu de vie communautaire. Son projet resta théorique mais l’un de ses disciples, Victor Considérant, lança une première expérience sociétaire dans le village de Rambouillet en France en 1854. Il construit un phalange miniature composé de plusieurs bâtiments de fermes, d’ateliers et de briqueteries.

Figure 18: Plan d’un Phalanstère ou palais habité par une phalange industrielle, par C.Fourier, 1829.

source: http://www.charlesfourier.fr/

Le Phalanstère de Charles Fourier, a également inspiré des industriels idéalistes à l’instar de Jean-Baptiste Godin (1817-1888) et son fameux familistère de Guise (1859). Cet industriel veut offrir à ses ouvriers tout le confort des logements modernes (dont jouissent les bourgeois de l’époque) tout en étant proche de son usine. Il s’agit d’un énorme bâtiment divisé en 3 blocs fermés avec au centre des cours (couvertes de verrières et composé de rues intérieures) destinées aux activités collectives et ce, tout autour des logements ouvriers. Un autre familistère, à Laeken, sera créé sur ce modèle ainsi que de nombreux habitats groupés pour personnes âgées en Hollande.

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Figure 19: Carte postale, Vue du Familistère de Godin, à Guise vers 1905-1908.

source: https://ateliercst.hypotheses.org/

Dans la foulée des utopistes, citons aussi Robert Owen (1771-1858) considéré comme le père du mouvement coopératif en Angleterre. Il crée la New Harmony aux États-Unis où il développe un cadre propice à une amélioration durable du sort des ouvriers sur base d’une vie en communauté ( plus précisément de petites communautés semi-rurales de 500 à 3000 habitants fédérées entre elles). Soulignons que tous ces auteurs, inspirés du socialisme étatique, ont intégré à l’habitat une

dimension collective du travail. Il ne s’agit jamais de simples projets de lieux de vie puisqu’il y a toujours des espaces pensés pour le travail et la production de biens. Mais, dès les années 1970, des personnes vont se réunir au sein d’espaces logements avec des caractéristiques qui les différencient des modèles précédents, à savoir : (1) la variable travail-emploi qui ne fait plus partie intégrante du modèle, (2) le patron est « éliminé » au profit d’une structuration du collectif ; on parlera à présent d’habitat groupé « autogéré » et (3) la notion de communauté évolue vers une conception hybride : l’habitat groupé se trouve à mi-chemin entre de l’habitat collectif et de l’habitat individuel (avec une articulation et un gradient propre à chaque projet)97.

97

THYS, Pascale, “Logement-travail, un lien obsolète ou à revisiter”, Les échos du logement 128, 2021, p.24-30

61


Attention, la notion de travail n’a pas tout à fait disparu (au contraire), cela veut juste dire que l’ensemble du modèle ne s’articule plus autour de cette thématique. Autrement dit l’ambition n’est plus de faire du bénéfice, mais de s’articuler « autrement » avec le monde de l’économie marchandisée, avec très souvent une critique de la société (comme c’était déjà le cas pour les pionniers utopistes du XIXe siècle). Quelques exemples belges pour mieux appréhender les évolutions : La Maison Communautaire de la Verte Voie à Thimister (1973) est un des premiers habitats groupés en Wallonie. L'objectif principal de cette coopérative est de créer un habitat développant une vie associative régionale, avec pour utopie une autre répartition des richesses. L’Abbaye de Saint-Denis en Broqueroie (1978) est un habitat groupé dans une ancienne abbaye et qui propose, via son associations “Les Amis de L’Abbaye”, des activités « éco-responsables » ainsi qu’un marché local toutes les deux semaines98. Au sein de l’habitat groupé de la Ferme de Vevy Weron à Wépion (1984), où l’anti-consumérisme est à l’honneur, les habitants y élèvent des chèvres et ont un potager collectif. Ils vendent leurs produits locaux et y accueillent des stagiaires en formation. Aujourd’hui, les habitats groupés renvoient à toujours plus de collectif avec l'ambition de se lancer dans des activités « réelles » (c’était déjà le cas) et qui dépassent le cercle des habitants (ce qui n’était pas vraiment le cas auparavant). Ils ont des formes juridiques (coopérative, asbl, Community Land Trust, ...) leur permettant de s’ouvrir au quartier voire à la ville. Selon Pascale Thys, coordinatrice et chargée de missions pour l’asbl “Habitat et Participation” : “Ils se voient comme la plus petite entité économique permettant de survivre dans une société qui a besoin de se réinventer face à un avenir très sombre”99.

98

Pour en savoir plus sur les activités possibles à l’Abbaye de Saint Denis : http://www.abbaye-st-denis.be.

99

THYS, Pascale, “Logement-travail, un lien obsolète ou à revisiter”, Les échos du logement 128, 2021, p.24-30

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3. L’habitat groupé en Région Bruxelles-Capitale Cette partie ambitionne de faire un tour d’horizon de la question de l’habitat groupé dans la Région de Bruxelles-Capitales (RBC). D’observer les raisons de leur émergence, leur implantation ainsi que leurs caractéristiques architecturales et sociales. Aussi, nous analyserons, plus en profondeur trois habitats groupés en RBC et nous confronterons la théorie à la réalité du terrain à travers des entretiens auprès de (futurs) résidents. L’objectif étant de répondre à notre hypothèse selon laquelle les habitats groupés constituent une réponse urbanistique aux différentes crises contemporaines étudiées dans les chapitres précédents.

3.1. Le bilan de l'habitat groupé dans la RBC A l’instar de nombreuses autres villes en Europe, il y a depuis 20 ans à Bruxelles un véritable enthousiasme pour les projets d'habitat groupé. Les raisons du succès100 ? Premièrement, c’est la difficulté d'accéder à un logement en RBC. Ceci s’explique notamment par une forte augmentation du prix du logement due à une croissance démographique (la demande) plus rapide que l’offre de logement101. Deuxièmement, les mutations de notre société, comme l’isolement des personnes âgées (mais pas uniquement), l’augmentation des familles monoparentales, l’urgence climatique, la crise du logement… ont notamment encouragé les pouvoirs publics à s’intéresser à des modèles d’habitats alternatifs, plus durables et modulaires. En 2009, la compétence du logement revient à Christos Doulkeridis (écolo) qui a revu le Code bruxellois du logement (2013) et a permis la reconnaissance juridique de plusieurs formes alternatives d’habitat à dimension collective102. Les modèles de co-habitats ont ainsi pu avoir le soutien de réseaux associatifs et surtout, la légitimité nécessaire pour un accès à des subsides103. S'ensuit ensuite 100

LENEL, Emmanuel, et.al, “Les expériences contemporaines de co-habitat en Région de Bruxelles-Capitale”, Brussels Studies, n°142, Belgique, 2020, en ligne, https://journals.openedition.org/brussels/pdf/4172 101

DESSOUROUX, Christian, et.al, “Le logement à Bruxelles : Diagnostic et enjeux”, Brussels Studies, n°99, Belgique, 2016, en ligne, https://journals.openedition.org/brussels/1346 102

Tels que l’habitat solidaire, au CLTB et à l’habitat intergénérationnel.

103

LENEL, Emmanuel, et.al, “Les expériences contemporaines de co-habitat en Région de Bruxelles-Capitale”, Brussels Studies, n°142, Belgique, 2020, en ligne, https://journals.openedition.org/brussels/pdf/4172

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des appels à projet (budget) et des partenariats avec des associations, des Agence Immobilières Sociales (AIS) et, plus récemment, des communes et leur CPAS. D’après l’inventaire réalisé par l’Asbl Habitat et Participation, la Région Bruxelles Capitale compte une vingtaine de projets d’habitats groupés et solidaires104 se situant, pour la majorité, dans les quartiers populaires denses, du côté nord-ouest du canal. Dans cette zone, où la crise du logement est particulièrement forte et où l’offre de logements (sociaux) ne suit pas la demande, le réseau associatif mise sa stratégie de logements sur le co-habitat105. Le soutien d'associations, tel que le Community Land Trust Brussels (CLTB), a effectivement facilité l’acquisition de terrains et de logements partagés. Ensuite, évidemment, le prix du foncier, moins cher qu’ailleurs à Bruxelles, a aussi joué un rôle dans cette implantation; et a permis à des groupes de citoyens d’acheter ensemble, malgré un marché de l’immobilier très concurrentiel.

Figure 20: Projets répertoriés: habitat groupé, selon le site www.habitat-groupe.be par C. Salembier et G. Ledent, 2019.

source: http://journals.openedition.org/echogeo/docannexe/image/21095/img-2.jpg

104

https://www.habitat-groupe.be/liste-habitats-alternatifs/

105

LENEL, Emmanuel, et.al, “Les expériences contemporaines de co-habitat en Région de Bruxelles-Capitale”, Brussels Studies, n°142, Belgique, 2020, en ligne, https://journals.openedition.org/brussels/pdf/4172

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D’un point de vue architectural, les habitats groupés sont tous articulés autour (1) de l’espace privatif, (2) de l’espace collectif et (3) de l’environnement immédiat.106 L’habitat groupé est effectivement particulièrement attaché à son environnement et s’ouvre et/ou se ferme à lui en fonction de ces 3 espaces. Premier point commun entre tous les projets récents en RBC, est l’intégration avec les autres bâtiments dans un îlot fermé. Ce qui permet de contrôler et délimiter l’espace privé de l’espace public. Cela étant dit, les résidents, n’ont pas envie de s’isoler, ils cherchent plutôt à créer un degré d’ouverture idéal. Certains projets d’habitats groupés vont ainsi choisir des matériaux privilégiant des jeux de transparences dans les espaces intermédiaires (les portails, halls d’entrée et cages d’escalier) et entre la rue et le logement. Un autre élément architectural commun que l’on retrouve dans des projets d’habitats groupés est la coursive. Elle distribue les différentes unités privatives mais peut devenir une extension de l’espace privé (appropriations de cet espace avec du mobilier, plantes, jeux d’enfants,... ) mais aussi un espace commun convivial ( les enfants y jouent, les adultes se rencontrent,... ). Enfin, pour les habitats partagés en RBC, la collectivité ne se fait pas au détriment de l’intimité. Préserver l’intimité familiale est importante pour les résidents. Les espaces et leur articulation sont ainsi conçus pour obtenir une balance entre espaces privatifs et espaces communs. A propos d’intimité, une forte attention est portée à l'acoustique des espaces de logement. Figure 21: Portail d’entrée

source: https://stekkeplusfraas.be/ 106

Figure 22: Une des coursives de Brutopia, Forest.

source: https://stekkeplusfraas.be/

Idem

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En ce qui concerne “le persona107” des habitats groupés en RBC, plus précisément celui des HG autogérés par des groupes de particuliers, nous observons qu’il est majoritairement composé de classes moyennes intellectuelles. Les groupes d'habitants sont socialement et économiquement proches. Ils ont ont généralement un niveau de diplôme supérieur avec des professions qualifiées dans le secteur socioculturel, l’enseignement ou encore la recherche108. Ils partagent des valeurs communes telles que la solidarité, l’écologie, la mixité, la participation citoyenne et articulent très souvent leur vie en communauté à travers ces thèmes. Ils sont davantage rassemblés par un idéal de vivre ensemble que par la nécessité économique109.

107

Profil type

108

LENEL, Emmanuel, et.al, “Les expériences contemporaines de co-habitat en Région de Bruxelles-Capitale”, Brussels Studies, n°142, Belgique, 2020, en ligne, https://journals.openedition.org/brussels/pdf/4172 109

Idem

66


3.2. Exemples dans la Région Bruxelles-Capitale Dans cette partie, nous allons analyser 3 habitats groupés en région Bruxelles-Capitale : le projet Brutopia à Forest, le projet L'Échappée à Laeken et le projet l’Ambassade à Schaerbeek. L’objectif étant de mieux appréhender les caractéristiques de ce modèle habitat.

Figure 23: Carte avec les 3 exemples d’habitats groupés dans la RBC.

source: carte générée via https://gis.urban.brussels/brugis/

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3.2.1. Brutopia

Attributs du projet Brutopia “S’unir pour habiter Bruxelles d’une manière qui soit à la fois durable, collective, responsable, écologique et surtout financièrement accessible.”110 Adresse

Avenue van Volxem 383 / rue de Mérode 449 à 1190 Forest

Architecte

Stekke + Fraas (conception) / AAAArchitectures (exécution)

Année (durée du projet)

2008 - 2013 (5 ans)

Type de travaux

Démolition / Construction

Nombre d’immeubles

2 immeubles R+4 et R+5

Nombre d’unités

29 unités (27 passifs et 2 très basse énergie)

Nombre d’occupants

80 occupants (dont 30 enfants)

Source111 : Stiernon, Dorothée. Habitats groupés - Éléments clés applicables dans un habitat groupé. (2016), p.10

Brutopia à Forest est le plus grand habitat groupé en Belgique. Les 80 habitants (dont 30 enfants) sont répartis en 29 appartements (entre 73m² et 154m²) situés dans deux immeubles différents, pour un site total de 5000m2112. L’un se trouve en front rue sur l’avenue Van Volxem et l’autre rue de Mérode. Au milieu des deux bâtiments, à l’intérieur de l’îlot, se trouve le jardin commun de 740 m2, avec plantations indigènes pour la biodiversité. Le quartier environnant est l’un des plus dense de la capitale, il est socialement et économiquement sensible.

110

https://www.habitat-groupe.be/habitat-alternatif/habitat-ecologique/brutopia/ STIERNON, Dorothée, “Habitats groupés. Éléments clés applicables dans un habitat groupé”, (UCL - Faculté d'Architecture, d'Ingénierie architecturale, d'Urbanisme - Belgique, 2016) 111

112

DETHIER, Perrine, HALLEUX, Jean-Marie, “Habitat groupé et autopromotion collective : quel accompagnement pour favoriser l’auto-organisation ?”, 2019, 20p

68


D’un point de vue architectural, chacun a pu s’approprier son espace personnel. Par exemple, les façades n’étaient pas figées et, sous certaines conditions, chacun pouvait choisir la taille de ses fenêtres et de sa terrasse. Le bémol est le manque de lumière naturelle pour les habitats au rez-de-chaussée ainsi que les stores automatiques à lamelles en alu, qui ont été mis sur les façades côté jardin pour des questions d’intimité et non de protection solaire. La vie en communauté et les espaces partagés Au sein de Brutopia, il existe 9 groupes de travail afin que chaque résident puisse s'investir dans le projet en fonction de ses intérêts et de ses compétences. Chaque résident doit fournir un nombre d’heures de travail à la communauté (3h/mois). Si elles ne sont pas prestées, l’habitant concerné verse une somme d’argent (10 euros/h non prestée), en compensation113. Les espaces communs (voir tableau ci-dessous), le grand jardin, la salle polyvalente de 75m2, la terrasse en toiture et les coursives (de 240 cm de largeur) sont des lieux de rencontre, de jeux et de partage entre les habitants. Pour favoriser la rencontre et le lien social entre les habitants, il y a une seule circulation verticale par immeuble.

Espaces et équipements partagés au sein du projet Brutopia Espaces collectifs -

Jardin commun de 757m² Salle polyvalente 75m² Buanderie 15m² 92 places couverts pour les vélos Parking souterrain de 29 places

Équipements collectifs -

1 chaudière à gaz par immeuble ventilation double-flux récupération d’eau de pluie panneaux solaire thermiques 64m² panneaux photovoltaïques 33m² 2 voitures partagées partage d’outils mais pas d’atelier compost (échanges de vêtements et jouets)

Source114 : Stiernon, Dorothée. Habitats groupés - Éléments clés applicables dans un habitat groupé. (2016), p.10 113

Information donnée par Serge Fraas, architecte et résident de Brutopia, à l'occasion d’un Webinaire organisé par Habitat et Participation le 30/30/2021 (pas encore publié, c’est Anne Catherine, membre de l’Asbl; qui nous l’a envoyé à l’occasion du présent mémoire) https://www.habitat-groupe.be/agenda/brabant-wallon/03-03-architecture-un-outil-pour-la-cohesion-sociale-et-la-dynamique -collective-dans-les-habitats-groupes-solidaires/ 114

STIERNON, Dorothée, “Habitats groupés. Éléments clés applicables dans un habitat groupé”, (UCL - Faculté d'Architecture, d'Ingénierie architecturale, d'Urbanisme - Belgique, 2016)

69


Brutopia prône une mixité générationnelle et une forte solidarité envers les personnes âgées. A ce propos, Brutopia dispose d'un centre de jour pour les personnes âgées au rez-de-chaussée. Le projet a reçu le prix “Blue House” en 2013 par La Fondation pour les Générations Futures. Un bémol concerne la durée de la réalisation du projet (5 ans), la longueur du processus a engendré une évolution du groupe au cours de la réalisation du projet. Notamment parce que certaines familles ne pouvaient pas se permettre d’attendre si longtemps pour entrer dans le logement. Bref bilan environnemental D’un point de vue environnemental, le bilan est positif pour Brutopia. Ce nouveau projet a permis la dépollution du sol et a, aussi, atteint d’excellentes performances énergétiques, notamment grâce aux panneaux photovoltaïques et solaires; tout en respectant un budget abordable. Brutopia fait d’ailleurs partie des “bâtiments exemplaires” (Batex 2009)115 de Bruxelles. En ce qui concerne l'imperméabilisation du sol, 44% du terrain est en terre pleine, avec des espaces plantés, ce qui est idéal pour l’infiltration des eaux et la biodiversité. En outre, ils ont un système de récupération des eaux avec stockage dans une citerne. Enfin, l’habitat groupé est à proximité des transports en commun, favorisant leur usage auprès des habitants de Brutopia (plutôt que l’usage de la voiture). Pour les longs trajets, ils ont à leur disposition 2 voitures partagées et autogérées. Bref bilan économique Le groupe de Brutopia a acheté et construit le terrain sans promoteur (en auto promotion), ce qui correspond à une économie de 10 à 20 %. En outre, grâce à la bonne isolation thermique et à la bonne étanchéité à l’air, les habitants y font de sérieuses économies en facture d'énergie sur du long terme. De plus, grâce au jeu de coursives, un seul ascenseur est nécessaire à l’immeuble. Les investissements communs les plus importants ont été la salle polyvalente et le bardage sur 24 cm d’isolant (matériaux + mise en œuvre difficiles)116.

115

Bruxelles Environnement, “Habitat groupé participatif de 27 logements, de 4 surfaces commerciales”, Info fiches, Bâtiments exemplaires 2009, Belgique, 2p, s.l, s.a, en ligne, https://app.bruxellesenvironnement.be/batex_search/Docs/fs_097_FR.pdf 116

STIERNON, Dorothée, “Habitats groupés. Éléments clés applicables dans un habitat groupé”, (UCL - Faculté d'Architecture, d'Ingénierie architecturale, d'Urbanisme - Belgique, 2016)

70


Figure 24: Brutopia, implantation dans le quartier de Saint-Antoine, Forest.

source: https://earth.google.com

Figure 25: Brutopia, façade rue Mérode

source: https://stekkeplusfraas.be/

71


Figure 26: Plan RDC

source: https://www.archdaily.com/ Figure 27: Plan +1

source: https://www.archdaily.com/

72


Figure 28: Coupe transversale

source: https://www.archdaily.com/ Figure 29: Vue intérieur d'îlot

source: https://www.archdaily.com/

73


3.2.2. L’Échappée Attributs du projet l’Echappée “Un groupe de particuliers, des citoyens réunis par le projet de créer à Bruxelles un habitat alternatif qui réponde aux besoins d’espace, aux attentes sociales et aux préoccupations environnementales ainsi qu’aux possibilités financières de chacun-e.”117

Adresse

rue de Drootbeek 30 à 1020 Laeken

Architectes

Stekke + Fraas, architectes

Année (durée du projet)

2010 - 2016 (6 ans) - Achat du site : 2003

Type de travaux

Démolition / Construction

Nombre d’immeubles

2 immeubles (R+4 à front de rue et R+2 en intérieur d’îlot)

Nombre d’unités

18 unités basses énergies (avec un espace extérieur privatif)

Nombre d’occupants

46 occupants (dont 16 enfants)

Sources : https://stekkeplusfraas.be/ et https://www.echappee.collectifs.net/

C’est en 2003 que le projet L'échappée débute avec l’acquisition du terrain, situé dans le quartier du Vieux Laeken Est. Il s’agit d’un quartier dense, économiquement mixte, situé entre des espaces verts et le centre-ville, avec milieu associatif fort et bien desservi en transports en commun. En comparaison avec la moyenne de la RBC, la population y est plus jeune (30,5 % de la population entre 0 et 17 ans contre 22,5 % pour l’ensemble de la Région) et plus de 40% de la population du quartier en âge de travailler est inoccupée118. Les 46 habitants (dont 16 enfants) de l'Échappée sont répartis en 18 appartements d’une surface habitable comprise entre 50 et 150m².119 Le projet exploite deux bâtiments distincts, l’un est 117

MOYSON, Anne-Françoise, “L’habitat groupé pour vivre autrement”, Le Vif week-end, avril 2021, s.l, en ligne, https://weekend.levif.be/lifestyle/maison/architecture/l-habitat-groupe-pour-vivre-autrement-reportage/article-normal-14158 31.html?cookie_check=1629190662 118

(Statbel, 2017)

119

DETHIER, Perrine, HALLEUX, Jean-Marie, “Habitat groupé et autopromotion collective : quel accompagnement pour favoriser l’auto-organisation ?”, 2019, 20p

74


situé sur rue (R+4) et l’autre en intérieur d’îlot (R+2), avec au milieu des deux bâtiments, le jardin commun de 400m2120. La vie en communauté et les espaces partagés Les entrées des logements se font toutes depuis le jardin ou le grand passage couvert commun. Une organisation simple qui favorise les rencontres et le lien entre les usagers121. La salle commune polyvalente (salle de jeux/chambre d’amis) est située au rez-de-chaussée, reliant à la fois le jardin partagé et la rue. Elle est pensée pour être modulaire et permettre de multiples activités entre habitants ou avec/pour le quartier. Des groupes de travail facilitent les échanges (de savoirs) entre les cohabitants et permettent de respecter les attentes et désirs de tous les habitants. Les habitants se partagent des outils et organisent des achats collectifs. La mixité des ménages au sein de l'Échappée en fait un lieu d’apprentissage de la citoyenneté, de l’autonomie, mais aussi de la critique grâce à la confrontation des différentes valeurs prônées au sein d'habitat partagé122.

Espaces et équipements partagés au sein du projet L’Echappée Espaces collectifs -

jardin commun 400m² potager en toiture salle polyvalente salle de jeux/chambre d’amis atelier de bricolage local vélo buanderie parking au sous sol

Équipements collectifs -

chaufferie collective (chaudières à condensation en série) récupération des eaux de pluies panneaux photovoltaïques 3 voitures partagées partage d’outils groupe d’achats collectifs échange de savoirs compost

Source: https://stekkeplusfraas.be/ et https://www.echappee.collectifs.net/

120

Idem STEKKE + FRAAS architecte, “L’échappée, un co-habitat de 18 logements”, s.l, s.d, s.a, en ligne, https://stekkeplusfraas.be/projets/lechappee-laeken/ 121

122

SALEMBIER, Chloé, LEDENT, Gérald, “Parents en co-habitat. Vers une parentalité élargie ?”, EchoGéo, mars 2021, 20p, s.l, en ligne, https://www.echappee.collectifs.net/wp/wp-content/uploads/2021-03-echogeo-21095-parents-en-cohabitat-vers-une-parentali te-elargie.pdf

75


Bref bilan environnemental Les valeurs écologiques sont présentes avec l’installation de panneaux photovoltaïques, un système de récupération des eaux de pluies et la chaufferie commune. Ils ont aussi un compost et potager en toiture ainsi qu’un local vélo encourageant l’usage de ce moyen de transport écologique. Bref bilan économique et financier Lors de l'acquisition du terrain, les emprunts auprès des banques n’avaient pas encore été contractés par tous les habitants et certains d’entre eux ne disposaient pas des fonds nécessaires pour acheter leur part de terrain. Il y a donc eu une aide des autres ménages de l’habitat groupé pour avancer la somme nécessaire à l’acquisition. Ainsi, l’une des particularités du projet et qu’il a été la mise en place à l’aide d’un financement solidaire123. A l’instar de Brutopia, le projet a été géré en autopromotion; ce qui permet, nous l’avons vu avec Brutopia, une économie allant de 10 à 20 %. Les coûts d'infrastructures (chaufferie collectives, buanderie, parking au sous-sol, local à vélo, atelier de bricolage) et d’équipements (3 voitures partagés, partages d’outils, machine à laver, sèche linge) sont partagés entre les 18 unités et coûtent ainsi moins cher que dans un habitat classique (où un ménage doit tout acheter seul).

123

DETHIER, Perrine, HALLEUX, Jean-Marie, “Habitat groupé et autopromotion collective : quel accompagnement pour favoriser l’auto-organisation ?”, 2019, 20p

76


Figure 30: L’Échappée, implantation dans le quartier de Vieux Laeken Est. Source: https://earth.google.com

Figure 31: Façade sur rue

Source: https://stekkeplusfraas.be/

77


Figure 32: Concert de Carl et les Hommes-boîtes dans le jardin commun Source: https://www.echappee.collectifs.net/?cat=43

Figure 33: Habitante et médecin de l’habitat, explique aux enfants le virus, la distance sociale etc...

Source: https://www.echappee.collectifs.net/?cat=43

78


3.2.3. Ambassade

Attributs du projet l’Ambassade “Partager un logement, mutualiser les ressources, acquérir un lieu commun, penser durable, construire dans l'intelligence collective un projet qui pourrait changer le monde.”124 Adresse

Rue Léopold Courouble 25 et Av. Eugène Demolder 37 à 1030 Schaerbeek

Architecte

cOarchi par Twyce Architects

Année

2017 - travaux en cours

Type de travaux

Démolition / Réaffectation

Nombre d’immeubles

3 immeubles

R+3 Ambassade à front de rue, Léopold Courouble R+2 en intérieur d’îlot R+3 maison à front de rue, Eugène Demolder

Nombre d’unités

17 unités (dont 2 solidaires) +1 unité pour activité professionnel (paramédical)

Nombre d’occupants

32 occupants (dont 6 enfants)

Source: http://www.coarchi.be/

Le projet Ambassade est porté par 32 citoyens (dont 6 enfants) qui se sont réunis à l’occasion de la mise en vente de l’ancienne Ambassade d’Espagne (rue Courouble à Schaerbeek). D’où le nom de l’habitat groupé. Acheté en juin 2017 par le groupe, il est, à l’heure actuelle, toujours en construction, avec la fin des travaux prévue pour cet hiver (2021). Il qui regroupe 3 bâtiments à Schaerbeek : un bâtiment remarquable (architecte : Michel Polak) à rue Courouble (l’ancienne ambassade), une maison de maître à rue Demolder et un bâtiment (de 124

https://www.facebook.com/ambassadehabitatgroupe/

79


type industriel) en intérieur d’îlot. Le projet transforme et rénove les bâtiments existants en 17 logements privatifs et espaces communs avec des valeurs durables et de mixité économiques et intergénérationnelles125. Avec des futurs cohabitants âgés de 2 à 69 ans, l’intergénérationnel a été une priorité. Aussi, les revenus des habitants varient fortement d’une unité à l’autre, ce qui représente également une belle mixité socio-économique126.

Composition des ménages du projet l’Ambassade Diversité des âges 0 à 10 ans

10 à 20

20 à 30 ans

30 à 40 ans

40 à 50 ans

50 à 60

60 à 70

4

1

5

10

2

3

5

Diversité des compositions de ménages Isolé

6

Couple

6

Isolé avec enfant(s)

1

Couples avec enfant(s) 3

source : Document de présentation du projet Ambassade par cOarchi, hors ligne.

Le groupe est assisté par cOarchi/Twyce dans le développement du projet. Ils encadrent le groupe en ce qui concerne le budget, le développement, la planification et certaines décisions nécessitant une expertise. Le projet est situé en plein centre de la ville, dans une commune à forte densité de population. L’espace de vie aéré et partagé, s’ouvre sur le quartier. L’objectif est ainsi de favoriser les interactions entre les occupants. Les futurs habitats voit le projet comme une “opportunité unique de tisser des liens humains de qualité entre les habitants du projet, de créer des espaces de rencontres, de vivre-ensemble et d’échanges avec le quartier” mais aussi d’explorer de “nouveaux modes de perméabilité entre les sphères privées et publiques, individuelles et collectives pour un renouveau urbain.” L’habitat groupé est actuellement candidat au prix BE exemplary, par lequel la Région de Bruxelles-Capitale récompense les projets architecturaux exemplaires, tel que Brutopia par exemple.

125

126

cOarchi, Ambassade, Bruxelles, s.l, s.a, s.d, en ligne, http://www.coarchi.be/fr/projects/46-ambassade Document de présentation du projet Ambassade par cOarchi, hors ligne.

80


La vie en communauté et les espaces partagés Le groupe fonctionne selon les principes de la sociocratie. Concrètement, les futurs résidents se réunissent en plénière une fois par semaine et travaillent en sous-groupes (commissions). Ce système est privilégié par le groupe pour faciliter l’acceptation de chacune des décisions prises par l’ensemble des habitants. Ce mode de gouvernance permet d’éviter l’effet négatif du vote ou du veto au profit de la décision par consentement. “La décision par consentement vise à trouver les meilleures solutions pour faire avancer le projet tout en permettant à chacun de s’approprier la décision, exprimer ses ressentis ainsi que ses éventuelles objections majeures.”. Deux logements solidaires sont également portés par le projet à l’aide d’une agence immobilière sociale. Aussi, des journées portes ouvertes et des ateliers seront organisés pour le voisinage avec l’aide d’une cohabitante maraîchère formée par Bruxelles Environnement. Le potager permettra l'organisation d’activités intergénérationnelles intégrant partage de connaissances et découvertes pour les enfants.

Espaces et équipements collectifs du projet l’Ambassade Espaces collectifs -

2 jardins commun 450m² et 200m² potager en toiture salle polyvalente 200m² bibliothèque commune salle de jeux/chambre d’amis atelier de bricolage local vélo buanderie

Équipements collectifs -

chaufferie collective (chaudières à condensation en série) récupération de des eaux de pluies et des eaux grises panneaux photovoltaïques voitures partagées compost collectif

Source : http://www.coarchi.be/

81


Bref bilan écologique Il semble que le groupe a mis la question environnementale au cœur du projet. Bien qu’ils soient en rénovation, les logements atteindront des normes écologiques proches du passif grâce à, notamment, un gros investissement dans l’isolation thermique. L’habitat partagé est aussi muni de panneaux photovoltaïques, d’un système de récupération des eaux de pluies et des eaux grises et d’un potager collectif. Il y aussi une volonté de réduire la mobilité individuelle, via des ateliers, des voitures partagées, et d’encourager la mobilité douce via un local pour 50 vélos.

La conception et l’usage des jardins et du potager visent à la cohésion du groupe autour d’activités collectives à portée sociale et environnementale. Par exemple, le potager collectif s’envisage selon le concept : « de la graine à l’assiette ». Aussi, le groupe souhaite construire des bacs de culture avec l’aide d’un menuisier, organiser un plan de cultures et préparer des repas collectifs autour de la production avec la volonté de produire ses propres graines, créer un compost pour réduire ses déchets et favoriser la biodiversité et la consommation de légumes oubliés locaux.

Bref bilan architectural et urbanistique La dé-densification de la parcelle127 permet plus de lumière et d’ensoleillement aux parcelles voisines en intérieur d’îlot. L’architecture de ce projet se veut également malléable, polyvalente, adaptable. Les espaces privés et collectifs regorgent de dispositifs permettant la division, le regroupement des entités et la modularité des espaces. D’un point de vue urbanistique, rénover un si grand espace abandonné pour en faire des logements de qualité, durables et porteurs de sens est un avantage énorme pour le quartier.

127

démolition de deux bâtiments sur cinq, initialement sur le site.

82


Figure 34: Ambassade à cheval entre le Quartier de Helmet et de la gare de schaerbeek Source: https://earth.google.com

Figure 35: La façade de l’ancienne Ambassade d’Espagne à Schaerbeek Source: https://plus.lesoir.be/

83


Figure 36: Vue axonométrique du projet Ambassade à Schaerbeek Source: http://www.coarchi.be/fr

Figure 37: Matériaux récupérés

Source: http://www.coarchi.be/fr

84


4. Entretien semis-dirigés de (futurs) habitants d’habitats groupés Afin de confronter la théorie à la réalité, mais aussi d'observer un aspect plus sociologique de notre objet d’étude, nous avons mené une enquête de terrain auprès de (futurs) résidents d’habitats groupés en RBC. L’objectif étant d’en savoir plus sur leurs motivations à rejoindre un habitat groupé, les défis qu’ils ont rencontré à la réalisation du projet, l’organisation effective de leur vie en communauté, leur expérience du confinement en habitat partagé, … Mais aussi d'en savoir plus sur les enjeux liés à ce modèle d’habitat et les éventuels points d'améliorations.

4.1. Méthodologie Cette partie a pour objectif de décrire notre protocole d’étude. Tout d’abord, nous allons présenter les méthodes de recueil de l’information. Dans la deuxième partie, nous exposerons notre champ d’analyse et notre échantillonnage. Enfin, dans la troisième partie, nous développerons notre méthode d’analyse des données. En annexe 2, vous accéderez aux retranscriptions complètes des interviews les plus pertinentes.

4.1.1. Méthode de recueil de l’information

Entretiens semi-dirigés Nous avons choisi de collecter des données au moyen d’entretiens qualitatifs individuels semi-directifs. Raymond Quivy et Luc Van Campenhoudt définissent l’entretien semi-dirigé de la manière suivante : ’’Il est semi-directif en ce sens qu’il n’est ni entièrement ouvert, ni canalisé par un grand nombre de questions précises. Généralement, le chercheur dispose d’une série de questions-guides, (…) Autant que possible, il « laissera venir » l’interviewé, afin que celui-ci puisse parler ouvertement (…)’’. Cette méthode convient à notre objet d’étude car les enquêtés vivent dans des habitats groupés et sont donc des témoins directs de la vie liée à l’étude de notre modèle d’habitat sous covid à Bruxelles. Ils sont en mesure de présenter leur expérience et les enjeux qui en découlent aujourd’hui, notamment l’impact sur 85


le développement de notre modèle d’habitat à échelle locale en temps de pandémie. Les entretiens individuels semi-dirigés sont adéquats lorsque l’on tente de présenter des trajectoires de vie, dans leurs dimensions sociales et individuelles. Ces entretiens ont été réalisés entre le 15 juillet et le 10 août 2021 à Bruxelles. Ces entretiens ont été réalisés au domicile des enquêtés, par vidéoconférence et dans les bureaux de l’asbl “habitats et participation” à Bruxelles. Concernant les caractéristiques de ces entretiens, il s’agit d’entretiens individuels d'environ une heure. Certaines entrevues ont été légèrement plus courtes, d’autres beaucoup plus longues. Il nous a semblé assez facile d’introduire un climat de confiance avec les interviewés. Nous supposons que le fait d’être introduit par une organisation spécialisée dans le développement d’habitats groupés, connue des enquêtés, diminue en partie la méfiance qu’ils auraient pu avoir envers nous. Les entretiens ont plutôt ressemblé à des discussions naturelles qu’à une véritable enquête, comme énoncé ci-dessus, nous avons ‘’laissé venir’’ à nous l’information. Au fil des rencontres, le guide d’entretien était moins utilisé. L’interview était redirigée sur l’objet d’étude quand l’enquêté déviait, sans cependant couper la parole.

Guide d’entretiens Afin d’effectuer ces interviews, un guide d’entretien a été élaboré avant de partir sur le terrain. Certaines questions ont été supprimées et les enquêté(e)s ont fait émerger de nouvelles interrogations et ont permis de mettre à jour de nouveaux enjeux. Le guide d’entretien comporte quatre parties : (1) les attributs de l’individu questionné ; (2) La situation et les conditions de vie ; (3) L’expérience de la vie en habitat groupé (sous covid) ; (4) Les enjeux futurs.

4.1.2. Champ d'analyse et échantillonnage Le choix de l’échantillon Notre sujet d’étude a tout d’abord été délimité par le contexte actuel, qui nous a tous beaucoup atteint : la crise sanitaire du covid. Par ailleurs, les habitats groupés sont un modèle 86


d’habitat qui nous intéresse car il représente à notre sens une solution partielle aux crises du logement, aux crises écologiques et économiques ainsi qu’aux problèmes d’isolement qui ont été exacerbés par les épisodes de confinement. La rencontre avec des individus qui vivent en habitat groupé sous la covid ne pouvait qu’être pertinent selon notre objet d’étude. Il nous a également semblé adéquat de rencontrer une association qui œuvre dans le développement de ce type d’habitats, afin d’avoir un regard plus objectif, professionnel et global sur le sujet. Enfin, il était impératif d’être introduit au sein de notre échantillon par des personnes de confiance. Grâce à Habitat et Participation, nous avons pu entrer en contact direct avec des habitants d’habitats groupés à Bruxelles. Localisation de l’étude Étant donné le contexte sanitaire actuel, il était dans tous les cas difficile de mener des enquêtes de terrain en dehors de la Belgique, même si certains projets situés en France nous intéréssaient particulièrement. Par ailleurs, compte-tenu de notre intérêt personnel pour la vie en ville et des futurs enjeux écologiques et sanitaires qui la concerne, notre choix s’est naturellement tourné vers Bruxelles. Difficultés et limites rencontrées La première limite réside dans notre méthode d’accès aux interviewés. En effet, d’une part nous avons été introduit par une association qui a elle-même désigné l’habitat dans lequel nous allions mener les enquêtes. D’autre part, la méthode « de proche en proche » consiste à demander à un premier interviewé de l’habitat de désigner d’autres interviewés puis de faire la chaîne. Les enquêtés mobilisent donc leurs connaissances pour faire avancer l’enquête. En outre, selon Jean-Claude Kauffman, ‘’un échantillon ne peut être considéré comme représentatif dans une démarche qualitative’’. Il est dès lors important de varier les critères tels que l’âge, la profession… L’échantillon effectif Notre échantillon effectif est composé de 11 individus, soit 5

hommes et 6

femmes,

habitants à Bruxelles en habitat groupé. Il nous paraissait important de veiller à l’équilibre hommes/femmes présents dans notre échantillon puisque l’impact de la crise influence autant les hommes que les femmes, mais potentiellement pas de la même manière. Les individus se

87


situent dans une tranche d’âge entre 34 et 42 ans et ils ont le point commun d’avoir tous déjà vécu en colocation.

4.1.3. Méthode d’analyse des données Les résultats des entretiens individuels semi-directifs vont permettre de valider ou de nuancer nos hypothèses. Le but de la démarche empirique est de répondre à notre question de recherche et de tester la théorie. Pour nous appuyer dans l’examen de notre matériau, la technique d’analyse du contenu thématique à travers l’analyse catégorielle nous semblait être la plus adéquate. Cette technique est sélective, elle vise la simplification des contenus et comporte une part d’interprétations, elle n’est donc pas neutre. L’analyse de contenu thématique découpe de manière transversale, ce qui se dit d’un entretien à l’autre, sur le même thème. De cette façon, nous cherchons la cohérence par thème et non la cohérence par entretien. Il s’agit de comparer les fréquences de certaines caractéristiques préalablement regroupées en thèmes. Une des limites de l’analyse de contenu thématique à travers l’analyse catégorielle est le risque de présupposés simplistes. Nous tenterons de souligner et résumer ce qui nous semble fondamental dans les conversations, selon notre objet d’étude. Pour cela, nous allons tout d’abord retranscrire de manière littérale une partie des discours produits par les interviewés.

4.2. Résultats de l’étude

Dans ce dernier chapitre, nous allons, sur base des résultats de notre enquête, tenter de fournir des éléments afin de répondre à notre question de recherche. Premièrement, nous veillerons à comprendre les motivations à rejoindre à habitat groupé, ensuite nous observerons les obstacles rencontrés par les (futurs) usagers et enfin, nous étudierons l’expérience de l’habitat groupé en confinement. L’objectif étant aussi de savoir s’il peut constituer un modèle de logement compatible avec la crise sanitaire contemporaine.

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Les motivations à vivre dans un habitat groupé : A la question concernant les motivations à rejoindre un habitat groupé, tous, sans exception, ont mentionné les espaces communs à partager, en particulier la possibilité d’avoir un jardin pour que leurs enfants puissent y jouer. Notre échantillon semble particulièrement sensible au fait que leurs enfants puissent s’épanouir socialement avec d’autres et il semblerait que les espaces communs (jardin, salle de jeux, potager collectif, ateliers...) y contribuent fortement. C’est notamment grâce à ces espaces partagés que les parents ont su s’organiser pour télétravailler durant le confinement tout en gardant les plus petits à la maison. Olivier Chaput, spécialisé en intelligence collaborative et résident de l’habitat groupé “L’échappée” à Laeken, témoigne de l’avantage de la “mutualisation” des espaces : “(...) Dans les pays scandinaves, avec les habitats groupés, on va parfois avoir jusqu'à 30% de réduction de la surface privative, ce qui libère des budgets pour des espaces communs. Les chambres de mes deux garçons font une dizaine de mètres carrés, c’est pas des petites chambres mais... c’est moins grand que ce que j’avais imaginé que si j'avais été à la campagne. S'ils veulent jouer avec des copains, ils ont la salle de jeux commune qui sert à dix autres enfants, et donc on a moins de mètres carrés consommés; pour le jardin c’est la même chose (...)”. Isabelle, future résidente de l’habitat groupé “L’Ambassade” à Schaerbeek, met en avant un autre avantage propre aux habitats partagés, la “modularité” des espaces selon les besoins : (...) mon compagnon est Français (...) et on a besoin de beaucoup d'espaces quand sa famille vient nous visiter; mais on se dit, quand ils ne sont pas là, qu'est ce qu'on va faire de ces espaces ? Les enfants, les adultes peuvent les utiliser en fonction du besoin du moment. En fait, on aimait bien cet esprit de modularité avec des espaces communs qu'on peut partager et changer (...). Cette tendance au partage et à l’optimisation de l’espace est confirmée par les dires d’Anne Catherine, chargée de missions AIPL à Bruxelles pour l’ASBL Habitat et Participation : (...) l’habitat groupé, ce n’est pas uniquement d’avoir des voisins sympas et de faire des choses ensembles et d’avoir des projets en commun, c’est aussi l’idée de réduire ses mètres carrés personnels et augmenter les surfaces communes, pour pouvoir même loger plus de personnes en réduisant certains coûts (...) C’est aussi une solution contre l’urbanisation, l’étalement urbain, la bétonisation (...), dont on a précédemment observé les ravages en termes de dérèglement climatique et de maladies chroniques. Notre échantillon accorde toutefois une place importante à leur intimité et aux limites de chacun quant à la vie en communauté. Par exemple, pour Dora, habitante de l’habitat groupé

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“L’échappée” à Laeken, c’est justement la vie en communauté avec des personnes qu’elle ne connaissait pas qui la stressait, (...) moi ça me stresse, vivre en communauté ça ne va pas être possible, je vais me sentir obligé de tout le temps être avec tout le monde. Je ne vais pas savoir mettre les limites, je vais me sentir envahie (...). Mais lors d’une réunion d’introduction, elle a rapidement été rassurée, par un membre de L’échappée, quant aux respect de l’intimité et des limites de chacun : (...) moi je voudrais dire aux potentiels candidats qu’on est très attentif au fait que chacun a son espace chez soi, qu’on ne devra pas manger tous les jours ensemble et qu’on ne se sent jamais obligé d’être ensemble, de faire des travaux ensemble et de vivre les uns sur les autres. Moi personnellement je serai attentif à ça dans le groupe, à ce que chacun puisse respecter ses limites, son intimité (...)128. Ils ont également tous mentionné le désir et le plaisir de vivre avec des personnes partageant les mêmes valeurs. Celles qui reviennent le plus souvent sont : les valeurs écologiques, d'économie circulaire, de mixité sociale et générationnelle ainsi que de solidarité envers les plus précaires. A propos de solidarité, plusieurs habitats groupés129 ont des accords avec les CPAS de leur commune et/ou disposent de logements solidaires (ou ambitionne à en disposer). Anne Catherine, chargée de missions AIPL à Bruxelles pour l’ASBL Habitat et Participation, confirme cette tendance à la promotion de logements solidaires propres aux habitats groupé à Bruxelles : (...)” On a également un agrément APL ( Aide à la Promotion du Logement), on propose donc une aide via des assistantes sociales qui vont aider les gens dans la précarité à s'insérer par le logement. On essaie de plutôt développer une approche plutôt collective” (...) ensuite à Bruxelles on a également un agrément AIPL ( Association d'Insertion Par le Logement ), qui est un agrément très large et dans lequel on est axé sur la promotion, l’information, la défense de l'habitat groupé solidaire (qui est inscrit au Code du Logement tout comme l’habitat intergénérationnel (...)130. Une autre raison qui a poussé notre échantillon à vivre en habitat groupé est l’idée d’avoir des projets et de participer à la vie du quartier. Ce n’est pas propre à tous les interviewés (60%) mais c’est tout de même une tendance qui revient : (...) Et donc c'est aussi l'idée d'avoir des projets, de participer à la vie du quartier tout en restant dans un groupe (...) qui a aussi motivé Isabelle. A ce propos, Anne Catherine ajoute que l’ASBL travaille aussi sur la participation citoyenne “pour que les gens s'approprient le quartier”. 128

Pour la retranscription complète de l’entretien avec Dora S. de L'échappée, voir annexe 2.

129

6 enquêtés sur 11 ont mentionné le fait que leur habitat groupé proposait ou souhaitait proposer des logements solidaires. Pour la retranscription complète de l’interview avec Anne Catherine, voir annexe 2

130

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Les difficultés et obstacles rencontrés : Parmi les difficultés rencontrées à la réalisation d’un projet d’habitat groupé, la difficulté à obtenir un permis à Bruxelles est très souvent soulignée. Aussi, ce qui a souvent été un obstacle, c’est la concurrence assez incroyable qu’il y a Bruxelles pour l’achat d’un bâtiment ou d’un site. En particulier pour les groupes en auto-promotion, qui n’arrivent pas à concurrencer les promoteurs immobiliers qui se ruent sur les beaux terrains/immeubles. Anne-Catherine, qui accompagne les personnes souhaitant vivre en habitat groupé, confirme cette tendance : (...) un des enjeux principaux à Bruxelles c’est de faire face à la spéculation immobilière et la financiarisation du logement. C’est ce qui empêche les gens de monter leurs projets, cette concurrence assez incroyable pour l’achat de bâtiments. La plupart des gens que je suis me disent :“ j’ai trouvé un super bâtiment” et deux jours plus tard “ il a été racheté par promoteur immobilier” (...) C’est pour ça que le CLT (Community Land Trust) est vraiment une solution (...). Olivier, consultant et résident de l’Echappée, fait aussi référence à ce défi et au travail de la CLT : “Un des enjeux majeurs est que les pouvoirs publics puissent faciliter l’accès aux informations pour les collectifs privés qui veulent construire en auto-promotion (...) je pense que Community Land Trust bosse là-dessus (...). A cela, s’ajoute souvent la problématique des sols pollués, notamment en métaux lourds, comme obstacle à la recherche/construction d’un site. Se pose aussi la question du statut juridique, l’habitat groupé n’en a pas, ce qui a mené à quelques longs débats sur la “compliquée” répartition des coûts liés aux espaces communs. Ils estiment aussi qu’ils ont eu tous les aléas classiques d’un chantier en construction mais que le processus est nettement plus long, car s'ajoute l’enjeux de le faire pour une dizaine, une vingtaine voire une trentaine de ménages (et plus). Cette longueur du processus a l’inconvénient, et pas des moindres, d' effriter le groupe dont une partie des membres, finissent parfois par décrocher et quitter le projet. L’expérience de l’habitat groupé sous covid : Bien qu’il y ait parfois quelques ajustements à faire : (...) les gens se critiquent sur la manière d'appliquer les mesures (...) d'autres, qui n'ont pas voulu jouer le jeu de la grosse bulle(...)131, ils ont toutefois tous estimé que c’était une chance de vivre en habitat partagé 131

Pour voir l’ensemble de l’entretien avec Dido, voir Annexe 2

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en période de crise sanitaire. L’expérience de confinement en habitat groupé a effectivement été perçue comme plus agréable que dans un logement “classique”; comme en témoigne Dora : (...) on s’est retrouvé à faire les courses les uns pour les autres, (...) je ne me sentais pas du tout isolée (...) Au niveau des relations, je trouve que je me suis rapprochée des autres parents (...) Et alors, les enfants étaient déjà une belle bande, mais ils sont devenus comme frères et sœurs, puisqu’ils n’allaient plus à l’école et ne se voyaient qu’entre eux(...) l’esprit de solidarité était déjà présent mais le confinement a amplifié sa manifestation.”. Son époux, Olivier, ajoute à ce propos : “L’habitat groupé amène plus de résilience et donc, d’une certaine manière, la capacité de passer à travers les crises, oui. Après, je ne sais pas si l’habitat groupé est spécifiquement une réponse à l’aspect sanitaire, hygiénique ou médical de la crise COVID; mais cette crise est aussi sentimentale, avec de la précarité et autres; là clairement l’habitat groupé fait une différence”. A contrario, ceux qui n’étaient pas encore dans leur habitat groupé lors du confinement (mars 2020), ont tellement mal vécu l’expérience qu’ils ont fuit (ou fuiront au prochain lockdown), à l’image d’Isabelle, future membre de l’habitat groupé, l’Ambassade à Schaerbeek : “ Nous, c'était une catastrophe oui ! D'ailleurs c'est simple on a fuit.. parce qu'au bout de deux jours j'ai bien compris qu'on allait pas pouvoir télétravailler avec les enfants à la maison. Ils ont besoin de courir quoi, les enfermer ça les rendait fou. S’il y a un nouveau confinement et qu'on n'est pas encore à L'Ambassade, à mon avis on partira.”132. Le principal avantage commun à tous les interviewés est celui relatif au télétravail, qui a, selon eux, été facilité par les espaces de coworking mais aussi par l’entraide entre les parents pour la garde des enfants, faire les courses, … Anne Catherine affirme cette tendance pour les logements groupés qu’elle suit à Bruxelles en affirmant que : “(...) depuis la pandémie Covid-19, les gens ont vraiment utilisé l’habitat groupé et ses possibilités pour être une bulle et se rendre services et être dans l'échange, contrairement à une personne qui vit seule en appartement. L’architecture qui est censée porter la dynamique collective a vraiment joué son rôle (...)”.133 Pour conclure, notre échantillon nous a appris plusieurs choses. Premièrement, ce qui les motive à vivre en habitat groupé c’est de bénéficier de grands espaces communs (en particulier l’accès à un jardin et à une salle commune), plus grand que ce qu’ils auraient pu s’offrir seuls. Ces espaces partagés les ont d’ailleurs beaucoup aidé lors du confinement. A ce propos, ils ont tous estimé qu’il s’agissait d’une chance d’être en HG en cette dure période de crise sanitaire. Personne ne s’est senti isolé, au contraire, la solidarité, déjà présente, s’est 132 133

Pour consulter l’ensemble de l’entretien avec Isabelle, voir annexe 2 Pour la retranscription complète de l’interview avec Anne Catherine, voir annexe 2

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amplifiée. Deuxièmement, vivre avec des personnes partageant les mêmes valeurs est pour eux une chance tant pour les adultes que pour les enfants. Les parents sont ravis de participer à la vie du quartier et heureux de voir leurs enfants s’épanouir dans un milieu riche en intéractions et mixités. En ce qui concerne les obstacles à la réalisation d’un HG, il y a d’une part la longueur du processus, qui peut être un facteur de découragement et d’autre part, le marché très concurrentiel de l'immobilier à Bruxelles. Heureusement, la présence d’organisation tel que la CLT(B) a permis à des nombreux HG de se réaliser. L’aide au logement est d’ailleurs l’un des prérogatives des HG avec la présence, parfois, de logements solidaires en leur sein. Enfin, tous prônent un mode de vie plus collectif et écologique.

4.3. Conclusion Notre analyse de l'habitat groupé à Bruxelles et nos entretiens avec des résidents confirment notre hypothèse selon laquelle ce modèle d’habitat apporterait des solutions concrètes à une transition vers une ville durable, saine et où les gens souhaitent vieillir et/ou faire grandir leurs enfants. L’habitat groupé se veut exemplaire à plusieurs titres et tente d’inspirer de futurs démarches de vivre-ensemble et de rénovation urbaine. D’abord, il est un outil efficace contre l’étalement urbain et ses nombreuses conséquences (voir chapitre 3) : il paraît évident maintenant que la mise en commun d’un grand nombre d’espaces et de services visant à une réduction de la taille des logements privatifs constitue une pratique nouvelle, en phase avec l’évolution de la société qui se doit d’être plus économe en termes d’espace. Au sein des habitats groupés, les architectes ont effectivement réussi le pari de faire accepter qu’une même qualité d’espace pouvait être atteinte, en revoyant à la baisse le nombre de m2 par logement. A l’instar du projet Ambassade, certains HG permettent de limiter cet étalement des constructions tout en assurant l’entretien d’un patrimoine bâti. En outre, grâce aux espaces partagés, l’habitat groupé est flexible; il permet une certaine modularité des espaces pouvant s’adapter aux évolutions de la vie du ménage. Cette modularité des espaces est en adéquation avec les ambitions du gouvernement bruxellois, qui a lancé (2019) un nouvel appel à projet favorisant l’habitat évolutif134.

134

LEVY, Albert, “Ville, Urbanisme et santé”, Millénaire 3, Novembre 2017, s.l, en ligne, https://www.millenaire3.com/Interview/ville-urbanisme-et-sante

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Selon Albert Levy, “La ville dense et compacte est un idéal du point de vue de la quête d’une ville durable. Mais si cette ville continue de fonctionner avec des énergies fossiles, cela devient un piège pour ses populations qui y vivent (...) Une véritable ville dense doit pouvoir fonctionner avec des énergies renouvelables, des modes de mobilité douce, d’autres formes d’habitat et de chauffage, ...”. Les HB semblent l’avoir intégré puisqu’ils ont tous investi (du temps et de l’argent) pour réduire leur empreinte écologique. Par exemple, ils sont quasiment tous munis de panneaux photovoltaïques, d’un système de récupération des eaux de pluies et d’un potager collectif. Les matériaux utilisés sont souvent plus écologiques (que dans un logement classique) et choisis pour leur faible nocivité sur la santé. Il y aussi une volonté de réduire la mobilité individuelle, via des ateliers, des voitures partagées, et d’encourager la mobilité douce via un local pour vélos. Au-delà de l’aspect climatique, les gaz à effet de serre, dont les deux principales sources d'émissions en Belgique sont les secteurs du bâtiment et des transports, ont une responsabilité dans la montée des maladies chroniques (voir chapitre 2). En outre, l’un des enjeux de la crise du logement à Bruxelles est de réussir à faire face à la spéculation immobilière et la financiarisation du logement. La concurrence assez incroyable pour l’achat de bâtiments à Bruxelles est une des raisons qui explique qu’une partie d’entre nous finissent par partir. La force du nombre permet de concurrencer les promoteurs immobiliers. Les habitats groupés, grâce au soutien de réseaux associatifs, apportent une alternative et innovante aux difficultés d’accès au logement. Et bien que le processus soit plus long que dans un projet individuel, les projets sont conçus sur-mesure, en s’adaptant autant que possible aux capacités financières des membres du groupe. Aussi, l’habitat groupé permet de combattre l’individualisme et l’isolement à travers des liens sociaux riches, de l’entraide et de la mixité. Ce sont les personnes âgés qui souffrent fortement de la solitude (encore plus aujourd’hui avec la crise sanitaire) et il semblerait que les habitats groupés en RBC soient tous sensibles à cette problématique. Ils vantent les avantages de cette mixité générationnelle, notamment par l'épanouissement des enfants à être en contact avec des personnes de tout âge et horizon. En outre, les

résidents d’HG

dynamisent le quartier (souvent populaire) car ils sont à l’origine de démarches participatives (ateliers thématiques, potagers collectifs, fêtes de voisins,…) et mettent parfois à disposition leur salle commune pour les associations locales. Les commerces de proximité, les services d’aide à la personne, … peuvent trouver dans les habitats groupés à la fois des clients et des partenaires. 94


5. Conclusion générale Nous avons tout d’abord étudié à travers l’histoire, comment l’architecture et l'urbanisme ont entretenu un lien étroit avec la santé et l’hygiène des Hommes. Nous avons ainsi constaté que les épidémies du XIXe et XXe siècles sont à l'origine de l’alliance entre urbanisme et doctrine médicale. Les théories hygiénistes ont effectivement influencé la conception de nos intérieurs, de nos bâtiments et de nos villes. A l’instar du célèbre plan d'extension de Barcelone (I.Cerda, 1859) où l’architecte Ildefonso Cerda propose un urbanisme progressiste répondant aux problèmes et besoins des populations de la ville. Pour certains, son ouvrage, La théorie générale de l’urbanisation, où il décrit son plan d’expansion, signe en quelque sorte la naissance de l’urbanisme. Dans la hiérarchisation des grands thèmes du modernisme en architecture, nous avons vu que l’impératif d’un habitat plus sain est une des priorités. Ensuite, nous avons vu qu’au fil du XXe siècle, les traitements pour les maladies infectieuses ont évolué avec le développement de vaccins, d’antibiotiques et de médicaments antiviraux. C’est la rupture entre l’urbanisme et la santé. Avec la mondialisation, l’urbanisme abandonne l’impératif sanitaire au profit d’un marketing urbain avec des impératifs de performance et de productivité. Mais, à peine les problèmes relatifs aux maladies infectieuses résolues, apparaissent déjà (1970) les problématiques liés aux maladies chroniques. Or, une fois n’est pas coutume, le système de santé contemporain semble impuissant face à l'explosion

mondiale

des

maladies

chroniques

les

facteurs

urbains

et

environnementaux, la ville actuelle, sa forme, sa production, son fonctionnement ont effectivement

une grande part de responsabilité.

Les difficultés sanitaires et

environnementales qui se posent, à nouveau, nous poussent à nous interroger sur le retour d’un urbanisme “hygiéniste” interrogeant l’environnement et sa dégradation. Plus précisément, nous avons observé les conséquences de l’étalement et l’exode urbain. Sous cet angle d’approche, nous nous sommes intéressés, au chapitre 3, aux enjeux contemporains de l’urbanisme; plus particulièrement aux phénomènes d’étalement urbain, d’exode et leurs conséquences pour notre santé et notre environnement. Notamment de consommation d’espaces naturels et agricoles et l'artificialisation et d’imperméabilisation des sols, à l’origine des inondations. Sous oublier, l’accroissement des gaz à effet de serre, responsable du réchauffement climatique et provoquant des maladies chroniques. Nous nous

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sommes interrogés sur la nécessité d’une ville durable et dense en réponse aux crises que nous vivons (sanitaires, climatiques, économiques). Toutefois, la densité n’est pas perçue positivement, au contraire, les ménages sont en quête d’une maison individuelle avec jardin. L’un des défis de l’architecture contemporaine est de rendre la densité positive et agréable. Un défi d’autant plus compliqué dans un contexte de crise sanitaire où l’on prône la distanciation sociale et l’isolement. A ce propos, nous nous sommes penchés sur un possible phénomène d’exode urbain lié au covid-19. Bien qu’il y ait effectivement eu des mouvements de population des métropoles vers les périphéries, nous n’avons pas assez de recul pour parler d’exode sanitaire. Nous avons toutefois constaté que ceux qui avaient de la famille ou une seconde résidence à la campagne sont partis temporairement, le temps du confinement. Pour ceux qui cherchaient déjà un cadre de vie plus agréable, moins pollué, moins stressant, plus vert, le confinement n’a été qu'un accélérateur. Nous avons ainsi pris conscience de l’importance d’imaginer des formes d’habitat adaptées à une densification attractive de la ville, associant les qualités du logement individuel et celles du logement collectif. Pour répondre à notre question de recherche : “ L’habitat groupé, un modèle d’habitat en phase avec les impératifs sanitaires et environnementaux propre aux villes denses ?, nous avons choisi d'analyser le modèle d’habitat groupé en Région Bruxelles Capitale. La région compte pas moins d’une vingtaine d’habitats partagés et solidaires, situés majoritairement dans des quartiers populaires denses où la crise du logement se fait particulièrement sentir. Les mutations de notre société, comme l’isolement des personnes âgées, l’augmentation des familles monoparentales, l’urgence climatique, la crise du logement… ont notamment encouragé les pouvoirs publics à s’intéresser à des modèles d’habitats alternatifs, plus durables et modulaires. Les modèles de co-habitat ont ainsi pu avoir le soutien de réseaux associatifs et la légitimité nécessaire pour un accéder aux subsides de la ville. Nous avons aussi vu que les résidents, issus de classes moyennes aisées, sont davantage rassemblés par un idéal de vivre ensemble que par des impératifs économiques. L’habitat groupé en RBC ne coûte effectivement pas moins cher que l’achat d’un logement individuel. Il présente toutefois des qualités recherchées par les ménages, que nous avons pu appréhender grâce à notre de terrain auprès de résidents d’HG en RBC. A la question concernant les motivations à rejoindre un habitat groupé, tous, sans exception, ont mentionné les espaces communs à partager, en particulier la possibilité d’avoir un jardin

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pour que leurs enfants puissent y jouer. C’est notamment grâce à ces espaces partagés que les parents ont su s’organiser pour télétravailler durant le confinement tout en gardant les plus petits à la maison. A propos du covid, ils ont tous estimé qu’il s’agissait d’une chance d’être en HG en cette dure période de crise sanitaire. Ils formaient une grosse bulle, ce qui fait que personne ne s’est senti isolé, au contraire, la solidarité, déjà présente, s’est amplifiée. Ils ont également mentionné le désir de participer à la vie du quartier et de vivre avec des personnes partageant les mêmes valeurs. Ils explorent de nouveaux modes de perméabilité entre les sphères privées et publics tout en accordant toutefois une place importante à leur intimité. D’un point de vue architectural, les habitats groupés sont effectivement articulés autour de l’espace privé, de l’espace partagé et de l’environnement immédiat. Les espaces et leur articulation sont ainsi conçus pour obtenir une balance entre espaces privatifs (îlot fermé) et espaces communs (coursives, jeux de transparence). A propos d’intimité, une forte attention est portée à l'acoustique des espaces de logement. Enfin, nous avons constaté que le modèle d’habitat partagé, dans sa forme, sa production, son fonctionnement permet, non seulement, de réduire les coûts d'infrastructure et de services publics, mais favorise aussi une maîtrise du climat urbain et de son étalement (grâce aux partages d’équipements et d’espaces communs ainsi que l’utilisation des énergies renouvelables). De plus, l’offre de mobilité douce (vélo, logement à proximité des transports en communs, voitures partagées, ...) permet de résorber les gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatiques et de la croissance des maladies chroniques. A cela, on peut ajouter l’agriculture partagé, voire le basculement vers une économie circulaire, le partage de connaissances, la lutte contre l'isolement et le logement précaire, ... autant de caractéristiques qui confirment notre hypothèse selon laquelle le modèle d’habitat groupé est moteur d’un renouveau urbain vers un ville dense tout en étant agréable et respectueuse de l’environnement, de l’homme et sa santé.

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ANNEXES Annexe 1 : Guide d’entretien 1. Entretien avec un(e) habitant(e) d’un habitat groupé Attributs de la personne interrogées Prénom Lieu et date de naissance Etat civil Enfants ? (+ âge) Nombre d’habitants du foyer Commune ? Parcours de logement (en quelques mots) ? Type de logement actuellement ? Habitat groupé (motivations - défis - caractéristiques) Habitat groupé (motivations - défis - caractéristiques) 1) Quelles sont les raisons qui expliquent que vous souhaitiez vivre en habitat groupé ? (motivations) 2) Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez fait face dans la recherche et la mise en place du projet d’habitat groupé ? (inconvénient/défis) 3) Pouvez-vous m’en dire plus sur votre projet d’habitat groupé ? (développer le projet et ses caractéristiques) 4) Avez-vous un conseil à donner, à tous ceux qui souhaiteraient se lancer dans cette aventure de l’habitat groupé ?

L’expérience de la vie en habitat groupé sous Covid 5) Le confinement (et plus largement le covid) a-t-il eu une influence sur vos habitudes au sein de votre logement ? (en terme d’occupation de l’espace privé) Même question (5) mais en termes d’espaces partagés 6) Avez-vous noté du changement en termes de relations entre les co-habitants en période de confinement (et plus largement, de crise sanitaire) ? 7) Avez-vous reçu des aides / conseils d’organismes extérieurs ? 8) Si pas, auriez-vous trouvé ça nécessaire ? Pour quel domaine/sujet ?

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9) Avez-vous ressenti/vu de l’entraide, de la solidarité entre les habitants ? Dans quelle mesure ? 10) Selon vous, le modèle d’habitat groupé présente-t-il des avantages dans le contexte actuel de crise sanitaire (avantages par rapport au modèle d’habitat “classic”)? 11) A contrario, quels pourraient être, selon vous, les inconvénients d’un habitat groupé dans un contexte de crise sanitaire (comparé à un modèle de logement “classic”) ? 12) Désirez-vous ajouter quelque chose sur votre expérience dans votre logement sous covid?

Les enjeux futurs de l’habitat groupé 13) Imaginons un nouveau confinement à la maison, il y a-t-il des choses que vous feriez différemment chez vous ? (au sein des espaces partagés et espaces privés, des règles mises en place par exemple, … ) 14) L’habitat groupé en période de crise sanitaire, vous le définiriez comme une chance ou calamité ? (Choisir l’une des deux réponses et demander ensuite de développer la réponse (si c’est pas déjà fait) 15) Suite à cette expérience, y-a-t-il des choses que vous aimeriez modifier chez vous ? (en terme d’aménagement de l’espace privé) (en terme d'aménagement de l’espace partagé) 16) Imaginons que la ville de Bruxelles vous offre un budget (illimité) dont l’objectif est de repenser l'architecture de votre logement, afin d’anticiper d’autres confinements/crises sanitaires à venir, que changeriez-vous /développeriez-vous ? 17) Même question, mais pour les espaces communs. 18) Est-ce que la crise sanitaire a influencé votre envie de vivre/ou ne plus vivre en habitat groupé ? Si oui, de quelle manière ? 19) Selon vous, en quoi l’habitat groupé peut-il être une réponse à une crise sanitaire ? (poser cette question uniquement si la réponse n’a pas encore été donné en 6) 20) Selon vous, quels sont les enjeux futurs de l’habitat groupé ? (globalement)

2. Entretien avec un(e) future habitant(e) d’un habitat groupé Attributs de la personne interrogées Prénom Lieu et date de naissance Etat civil

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Enfants ? (+ âge) Nombre d’habitants du foyer Commune ? Parcours de logement (en quelques mots) ? Type de logement actuellement ? Habitat groupé (motivations - défis - caractéristiques) 1) Quelles sont les raisons qui expliquent que vous souhaitiez vivre en habitat groupé ? Pourquoi à Bruxelles ? (Motivations) 2) Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez fait face dans la recherche et la mise en place du projet d’habitat groupé ? (Inconvénient/défis) 3) Pouvez-vous m’en dire plus sur votre projet d’habitat groupé ? (développer le projet) L’expérience du logement sous Covid/Confinement 4) Le confinement (et plus largement le covid) a-t-il eu une influence sur vos habitudes au sein de votre logement ? (en terme d’occupation de l’espace) 5) Avez-vous ressenti des tensions entre les habitants du foyer (vous y compris) relatives aux éventuels changements de l’occupation de l’espace? 6) Selon vous, le modèle d’habitat groupé présente-t-il des avantages dans le contexte actuel de crise sanitaire (avantages par rapport au modèle d’habitat “classic”? 7) A contrario, quels pourraient être, selon vous, les inconvénients d’un habitat groupé dans un contexte de crise sanitaire (comparé à un modèle de logement “classic” ? 8) Désirez-vous ajouter une remarque sur votre expérience au sein de votre logement sous covid ? Les enjeux futurs de l’habitat groupé 9) Imaginons un nouveau confinement à la maison, il y a-t-il des choses que vous feriez différemment chez vous ? (au sein des espaces partagés et espaces privés, des règles mises en place par exemple, … 10) L’habitat classique (non groupé donc) en période de crise sanitaire, vous le définiriez comme une chance ou calamité ? (Choisir l’une des deux réponses et demander ensuite de développer la réponse (si c’est pas déjà fait 11) Imaginons que la ville de Bruxelles vous offre un budget (illimité) dont l’objectif est de repenser l'architecture de votre logement, afin d’anticiper d’autres confinements/crises sanitaires à venir, que changerez-vous /développerez-vous?

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12) Est-ce que la crise sanitaire a influencé votre envie de vivre/ou ne plus vivre en habitat groupé ? Si oui, de quelle manière? 13) Selon vous, en quoi l’habitat groupé peut-il être une réponse à une crise sanitaire ? 14) Selon vous, quels sont les enjeux futurs de l’habitat groupé ? (globalement)

3. Entretien avec une personne spécialisé dans le domaine de l’habitat groupé 1) Quel est le rôle de ... ? Autrement dit vos missions, vos objectifs, ... ? (en lien avec l’habitat groupé) 2) Pensez-vous que la crise sanitaire va impacter (ou a déjà impacté) le modèle de l’habitat groupé d’un point de vue architectural ? Si oui, de quelle manière ? 3) Comment pensez-vous que la crise sanitaire va impacter (ou a déjà impacté) le modèle de l’habitat groupé d’un point de vue social /relationnel ? 4) Pensez-vous que l’habitat groupé peut apporter des éléments de réponses aux défis liés à la problématique du logement en période de crise sanitaire ? 5) Si oui, (et qu’elle n’a pas encore développé sa pensée), qu’est-ce qu’un habitat groupé peut amener de plus (qu’un habitat classique) ? 6) A contrario, quels sont les défis que les habitats groupés doivent encore relever pour répondre aux défis liés à la problématique du logement en période de crise sanitaire ? 7) De manière plus générale, quels sont, selon vous, les principaux enjeux futurs de l’habitat groupé ? 8) Avez-vous un conseil/une remarque à donner, à tous ceux qui souhaiteraient investir dans un habitat groupé ?

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Annexe 2 : Retranscription des entretiens semis-dirigés cités dans le mémoire (4) 1. Entretien avec

Isabelle B. - Future habitante d’un habitat groupé

“L’Ambassade” (réception des travaux fin 2021) Attributs de la personne interrogées Prénom

Isabelle B.

Lieu et date de naissance

Namur - 23 juillet 1979

Etat civil

Cohabitante ( Compagnon et leurs 2 enfants )

Enfants ? (+ âge)

6 ans et 9 ans

Nbre d’habitants du foyer

4

Commune ?

Schaerbeek

Parcours de logement (en qlq mots) ?

Type de logement actuellement ?

-

Chez les parents à Namur Bruxelles en coloc durant les études Une année à l'étranger avec mon compagnon

Actuellement propriétaire d'un appartement deux chambres à Schaerbeek

Habitat groupé (motivations - défis - caractéristiques) 1) Quelles sont les raisons qui expliquent que vous souhaitiez vivre en habitat groupé ? Pourquoi à Bruxelles ? (Motivations) “Notre logement était trop petit et donc en cherchant un nouveau logement avec 3 chambres, on a découvert l'Habitat Groupé via Coarchi. On connaissait déjà mais on pensait que c'était plus à la campagne etc.. Là on a bien aimé le projet et donc on s'est greffé au projet organisé par Coarchi ... Pour l'instant on est en appartement et on aime bien vivre en appartement et

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en même temps on se dit que c'est chouette pour les enfants d'avoir un jardin, en plus on doit pas spécialement devoir l’entretenir, parce que mon compagnon est français et donc on rentre souvent en France et on a besoin de beaucoup d'espaces quand sa famille vient nous visiter; mais on se dit quand ils ne sont pas là qu'est ce qu'on va faire de ces espaces ? Les enfants, les adultes peuvent les utiliser en fonction de notre besoin du moment. En fait on aimait bien cet esprit de modularité avec des espaces communs qu'on peut partager et changer. Donc au début c'était surtout ça et puis voilà on s'est inséré dans un groupe donc il y a tout le côté... les valeurs écologiques, l'économie circulaire etc.. qui anime très fort le groupe, donc ça c'est des valeurs qui nous tiennent assez fort. On a pas encore eu beaucoup l'occasion d'en discuter parce qu'on est très pris par le chantier mais l'idée à termes c'est aussi d'avoir des projets. Dans l'habitat groupé il y a deux logements solidaires, il y a un atelier et la salle commune, on a pas encore d'idée précise mais on a pleins d'idées. Et donc c'est aussi l'idée d'avoir des projets, de participer à la vie du quartier tout en restant dans un groupe quoi.” 2) Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez fait face dans la recherche et la mise en place du projet d’habitat groupé ? (Inconvénient/défis) “Le permis hein, mais ça c'est pour tous les habitats groupés ! En soit c'est un projet immobilier, j'ai envie de dire, classique. A part le fait qu'il n'y pas de promoteur, on fait de l'autopromotion comme disent les architectes. Sinon, on a eu les mêmes galères que tout le monde; le permis, l'entrepreneur qui est un peu foireux, problèmes de coordinations avec les corps de métiers. Au niveau du chantier, on a eu un échantillon de problèmes qu'on peut avoir, on a quand même une pollution du sol, un incendie... Je crois qu'on a tout eu. Ça c'est lié au chantier spécifiquement. Après, par rapport au groupe, le groupe s'est formé assez vite autour du site, ça c'était assez facile je dirais. Maintenant ce qu'on aimerait c'est d'enfin vivre là bas et pouvoir démarrer nos projets, etc.. mais c'est sûr que d'autres difficultés surgiront à ce moment-là quoi.” (Question intermédiaire) Donc vous n’avez pas fait de recherche préalable, vous avez directement trouvé votre site ? “C'est Coarchi qui a fait visiter le site, donc en gros ils ont organisé plusieurs séances de visites et puis ceux qui étaient un peu plus intéressés pouvaient venir alors à une réunion un 115


peu plus formelle ou ils ont vraiment expliqué plus en détails. Et alors à un moment donné, si on était vraiment intéressé on devait dire... Par exemple nous on a dit : "nous on veut un 120m2 avec 4 chambres, on ne veut pas un rez-de-chaussée.. " Il y avait 2/3 critères, c'était la surface, le nombre de chambres plus un autre critère un peu dur, du genre, oui nous on voulait pas un rez-de-chaussée par exemple. Et puis alors eux, ils ont fait le puzzle et un soir, ceux qui avaient répondu sont venus chez Coarchi. D'abord ils ont accroché les plans sur les murs en disant : ce qu'on va d'abord faire, c'est que chacun va essayer de retrouver son appart. Et en fait ça été très rapide, chacun a retrouvé l'appart que les architectes nous ont finalement donné. A partir de là, on a dû aller très très vite, parce qu'on avait visité début juin et il y avait une vente publique fin juin. Donc on a vraiment dû aller super vite quoi, ce qui était à la fois stressant et à la fois excitant, là déjà avec cette idée qu'il y a le groupe autour et donc c'était rassurant quelque part. On a des amis qui disait que leur groupe se constitue et qu'ils cherchent un site mais ça c'est un peu foireux parce que du coup... nous par exemple on a eu le problème au moment du permis, à un moment donné on nous dit " oui mais là le studio est trop petit, faudrait le fusionner avec l'appart d'à côté qui est assez petit aussi". Oui mais y a déjà des gens qui y vivent.. Pas comme un promoteur immobilier lui il s'en fout, il crée tous les espaces et puis une fois que c'est fait il commence à vendre quoi. Donc nous on a eu cette difficulté là mais je me dis que constituer un groupe qui cherche un site, je trouve que c'est beaucoup plus compliqué quoi.” 3) Pouvez-vous m’en dire plus sur votre projet d’habitat groupé ? (développer le projet) “Il y a 3 bâtiments sur le site, donc un plus gros bâtiment, à front de rue, du côté de Courouble, un plus petit en îlot centrale et puis il y a encore la petite maison dans la rue Demolder, où il y a deux appartements, la dedans il y a deux logements solidaires. Au total il y aura 17 familles, très multigénérationnelles. On a un peu tous les âges et tous les profils, autant des familles que des couples, des célibataires, des plus âgés. C'était important pour nous, la variété de profil. Par exemple, chez Casa Nova, c'est vraiment toutes des familles avec des enfants un peu du même âge, c'est très chouette aussi parce que les enfants jouent ensemble etc.. Ici l'intergénérationnel, oui on trouvait que ça apporte un plus quoi. Et on ne va pas se mentir, on est un peu dans l'entre soi hein, on est tous propriétaires donc je ne dis pas qu'on est riches mais on est quand même tous relativement aisés on peut dire et c'était important pour nous de diversifier les profils sociaux quoi. Une des unités solidaires 116


appartient à la copropriété et l'autre appartient à un des maîtres d'œuvre. On a des commissions pour tout et on a une commission logement solidaire, je ne suis pas dedans, je n'ai pas les détails, mais je sais que c'est via une AIS qu'elles seront louées. C'était prévu dès le début parce que c'était important pour le groupe.”

L’expérience du logement sous Covid/Confinement 4) Le confinement (et plus largement le covid) a-t-il eu une influence sur vos habitudes au sein de votre logement ? (en terme d’occupation de l’espace) “Pour le projet de L'Ambassade, pendant le confinement on ne se voyait plus avec le groupe et donc pour avancer sur le projet, c'est pas l'idéal non plus quoi.. Et comme chez nous c'est petit, c'est pour ça qu'on voulait déménager de base.. On a un 80m2 et donc j'avoue que quand ils ont annoncé le lockdown, on est parti en fait, on est parti de nuit comme des voleurs, comme à la guerre quoi ! Et on est allé chez mes beaux-parents qui habitent à la campagne. On est parti pour deux semaines et au final on est restés trois mois! Et donc on était chez eux à la campagne, ils ont une super grande maison, nous on occupait tout l'étage du haut. Mais honnêtement, si on était resté chez nous, je pense qu'il y aurait au moins un des deux enfants qui serait passé par la fenêtre quoi! Je ne sais pas comment ils ont fait les gens, parce que mes deux garçons avaient 5 et 7 ans, ils sont super remuants. Déjà la semaine avant le confinement ils avaient très dur, de ne pas voir leurs amis parce que l'école était déjà fermée. Déjà ça c'était compliqué alors qu'on pouvait encore sortir !” 5) Avez-vous ressenti des tensions entre les habitants du foyer (vous y compris) relatives aux éventuels changements de l’occupation de l’espace? ) “Pas vraiment, parce qu'on était chez les beaux-parents à la campagne. Nous par exemple, avant on faisait jamais du télétravail, jusqu'à présent on est encore à 100%. Mais on nous a déjà dit, à nos boulots, qu'on reviendrait jamais à 100% et du coup bah c’est pour ça aussi qu'on a super envie de déménager, pas uniquement pour ça évidemment... Dans la salle commune l'idée c'est de pouvoir aussi faire un peu de coworking et de pas être tout le temps

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tout seul, toute la journée.. C'est ça qui nous pèse pour le moment avec le télétravail. Puis avoir le jardin, pouvoir aller un peu dans le jardin..” (6) Selon vous, le modèle d’habitat groupé présente-t-il des avantages dans le contexte actuel de crise sanitaire (avantages par rapport au modèle d’habitat “classic”)? “Oui, oui là c'est évident.. Bon évidemment les infectiologues ne vont pas trouvé que c'est une bonne idée. Je ne sais pas comment les autres habitats groupés ont fait pendant le confinement mais je pense qui si on avait déjà habité là, on aurait juste fait une grosse bulle et puis c'est tout. Je ne suis pas sûre que Marc Van Ranst aurait validé l'idée, mais je pense que ça aurait été beaucoup moins pénible. Nous ça allait encore parce qu'on était chez mes beaux parents à la campagne donc c'était encore chouette. Mais c'est vrai qu'en ville, je pense que pour ce genre de trucs on est beaucoup plus résilients quoi. Notamment pour le télétravail de pouvoir s'organiser, je m'imagine avec d'autres parents de pouvoir dire je les prends le matin, puis l'après midi ils vont ailleurs, rien que ça, ça doit déjà être un soulagement donc pour le covid. Et puis pour un tas d'autres trucs, quand il y a des accidents de la vie, c'est quand même plus rassurant de savoir que le groupe est là quoi.”

5) A contrario, quels pourraient être, selon vous, les inconvénients d’un habitat groupé dans un contexte de crise sanitaire (comparé à un modèle de logement “classic”) ? “Quand on a acheté, notre notaire m'a dit: "oui mais les habitats groupés c'est bien mais il faut aimer les longues réunions et beaucoup de discuter..." C'est vrai, comme on prend toutes les décisions de consentement, bah c'est sûr que chaque décision, enfin parfois ça va assez vite mais souvent ça prend beaucoup de temps. En fait, on fonctionne par le processus de gestion par consentement mutuel, je pense que les autres habitats groupés c'est comme ça aussi. À chaque fois qu'une décision doit être prise il y a quelqu'un qui vient avec une proposition, le porteur de proposition.. Il y d'abord tout un tour de clarifications, un tour de ressentis et puis un tour d'objections. S'il y a, par exemple, dix objections, bah il faut que les dix objections soient levées et éventuellement la proposition amendée avant que la proposition soit implémentée. L'avantage c'est qu'une fois la proposition acceptée, tout le monde est derrière. On est dans une copro classique, quand il y a une décision, en général c'est plus au moins 50% pour et 50% contre, du coup il y a la moitié qui est dégoutée.. Et 118


donc ça pose d'autres problèmes aussi. Mais c'est vrai que les décisions prennent du temps, c'est un autre rythme quoi. Spécifiquement en temps de covid un inconvénient.. je ne sais pas. Après en temps normal, c'est vrai qu'il faut avoir de la patience pour écouter les avis de tout le monde, s'aligner, etc..” 6) Désirez-vous ajouter une remarque sur votre expérience au sein de votre logement sous covid ? “Non pas spécialement.”

Les enjeux futurs de l’habitat groupé 7) Imaginons un nouveau confinement à la maison, il y a-t-il des choses que vous feriez différemment chez vous ? (au sein des espaces partagés et espaces privés, des règles mises en place par exemple, … “Si on déménage là-bas et qu'un nouveau confinement arrive, ça sera différent, parce qu'on restera déjà à Bruxelles. Et donc cela va tout changer et il y aura un nouveau roulement sur l'organisation, le télétravail avec les enfants. L'occupation de la salle commune sera différente, du coup là les enfants vont à l'école, ils sortent beaucoup, ils ont toutes leurs activités. Si on est de nouveau confiné, ils seront bien contents d'aller à la salle commune retrouver des copains, ça prendra beaucoup plus d'importance évidemment.” 8) L’habitat classique (non groupé donc) en période de crise sanitaire, vous le définiriez

comme une chance ou calamité ? Choisir l’une des deux réponses et demander ensuite de développer la réponse (si c’est pas déjà fait) “Nous c'était une catastrophe oui ! D'ailleurs c'est simple on a fuit.. parce qu'au bout de deux jours j'ai bien compris qu'on allait pas pouvoir télétravailler avec les enfants à la maison. Ils ont besoin de courir quoi, les enfermer ça les rendait fou. Si il y a un nouveau confinement et qu'on n'est pas encore à L'Ambassade, à mon avis on partira.” 9) Imaginez que la ville de Bruxelles vous offre un budget (illimité) dont l’objectif est de repenser l'architecture de votre logement, afin d’anticiper d’autres confinements/crises sanitaires à venir, que changeriez-vous /développerez-vous? 119


“Le fait qu'on est des espaces privés et des espaces communs déjà ça nous permettra de pouvoir circuler. Non, je ne changerai rien en particulier.” 10) Est-ce que la crise sanitaire a influencé votre envie de vivre/ou ne plus vivre en habitat groupé ? Si oui, de quelle manière? “Ah oui clairement, tout le temps pendant le confinement on se disait que si on était déjà à L'Ambassade ça serait plus chouette! On se le dit très souvent. Le fait de pouvoir utiliser les espaces communs et pouvoir s'entraider entre nous, faire les courses pour les personnes plus âgées, pour que les enfants puissent jouer entre eux. Il n'y a que des avantages évidement.”

11) Selon vous, en quoi l’habitat groupé peut-il être une réponse à une crise sanitaire ? “Encore une fois, à mon avis les infectiologues vont dire que ce n'est pas une bonne idée parce que si on considère que c'est une grande bulle, alors qu'ils recommandaient une bulle de quatre. J'ai appris récemment qu'en Belgique on est toujours à la bulle de 8. Nous on est quand même 17 familles, je me dis OK.. Moi je dirai que pour la santé mentale c'est une bonne idée.” 12) Selon vous, quels sont les enjeux futurs de l’habitat groupé ? (globalement) Ça, on en avait discuté avec notre notaire qui s'est spécialisé dans les habitats groupés. Le problème c'est que l'habitat groupé n'a pas de statut juridique donc nous en vrai on est une copro classique. On y vit pas encore on ne se rend pas encore compte mais la gestion des lieux communs, c'est très compliqué. Il y a des habitats groupés qui ont choisis de créer une fondation, nous pas. Par exemple dans une copropriété les frais sont par rapport à la surface de chaque appartement mais évidemment pour les espaces communs ça ne fonctionne pas. C'est pas parce que tu as un appart de 200m2 que tu as surutilisé les espaces communs, à la limite au contraire, c'est plutôt les plus petites unités qui vont utiliser de manière plus intense les ces espaces. Nous, pour les frais qui relève vraiment de la copro, là on est obligé c'est dans la loi, c'est par rapport aux surfaces des appartements et par contre pour les frais liés à 120


l'habitat groupé, la salle commune, le jardin ,le garage à vélo, l'atelier etc.. c'est par rapport au nombre de personnes qui habitent dans l'appartement et sauf que les enfants comptent pour 1/2, je crois. Voilà, on a vraiment dû chipoter et ça notre notaire nous a dit qu'il faudrait vraiment un statut juridique pour pas devoir faire des bricolages avec la copropriété, une fondation qui gère les espaces communs... c'est des montages un peu compliqués. Ça permettrait aussi peut-être d'ouvrir l'habitat groupé à un autre public parce qu'il faut quand même.. nous on a Jeanne qui s'occupe des comptes etc, mais ça crée vraiment des comptes assez compliqués avec des Excels qui donnent mal à la tête, pour gérer tout ça. On a des profils différents, un juriste donc quand on a besoin d'un conseil juridique on se tourne vers lui, la comptabilité.. Voilà chacun fournit l'expertise qu'il a en fait.”

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2. Entretien avec Olivier Chaput et son épouse Dora S. - Résidents de l’Habitat Groupé “L’échappée”. Attributs des personnes interrogées Prénom

Lieu et naissance

date

Etat civil

Enfants ? (+ âge)

de

Olivier Chaput (O.C) (www.olivierchaput.be)

Dora S. (D.S)

Woluwe saint lambert 02/11/83

Uccle 22/06/84

Marié

Mariée

2 enfants : 5 ans et demi et 15 2 enfants : 5 ans et demi et 15 mois mois

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Nbre d’habitants du 2 adultes et 2 enfants + 1 chat foyer Commune ?

Parcours de logement (en qlq mots) ?

1020 Laeken

-

-

-

domicile parental (Nivelles jusqu’à 12 ans et puis Bierges jusqu’à 19 ans) 3 ans de voyages (Québec, Rotterdam,...) chez ma copine (maintenant épouse) durant quelques mois 3 ans de location à Ixelles (2010-2013)

2 adultes et 2 enfants + 1 chat

1020 Laeken

-

domicile parental jusqu’à l’âge de 18 ans kot (Namur et Louvain-la-Neuve) Erasmus à Goettingen en Allemagne colocation à Bruxelles (2007 à 2010) 3 ans de location à Ixelles (2010-2013)

suivi d’un projet achat (Habitat suivi d’un projet achat (Habitat Groupé - L’Échappée) à Groupé - L’Échappée) à Laeken avec location à Laeken avec location à proximité (2013-2016) proximité (2013-2016) finalement vie à l’Échappée finalement vie à l’Échappée depuis octobre 2016 depuis octobre 2016 Type de logement actuellement ?

Habitat Groupé "L'Échappée" (octobre 2016 à ce jour)

Habitat Groupé "L'Échappée" (octobre 2016 à ce jour)

Habitat groupé (motivations - défis - caractéristiques) 1) Quelles sont les raisons qui expliquent que vous souhaitiez vivre en habitat groupé ? (motivations)

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O.C: “Ça fait 5-6 ans maintenant que je travaille sur les questions de transition, de pic de pétrole et que je pratique de l'intelligence collective. Le collectif est une ressource pour moi; et quand j’ai rencontré le collectif “L'Échappée”, qui m'a demandé de faciliter leur mise au vert, ça m’est vite devenu évident que, ça pouvait être un chouette collectif avec lequel avancer. Je suis revenu auprès de mon épouse, elle m’avait dit si tu veux vivre avec moi, ça sera à Bruxelles et je lui ai répondu, si tu veux continuer à vivre à Bruxelles, ça sera dans un habitat groupé." D.S: “Il est donc rentré du week-end où il a facilité pour L’Échappée et il m’a dit que si je voulais toujours vivre à Bruxelles avec lui ça serait avec ces gens. J’ai répondu que je ne les connaissais pas, moi ça me stresse, vivre en communauté ça ne va pas être possible, je vais me sentir obligé de tout le temps être avec tout le monde. Je ne vais pas savoir mettre les limites, je vais me sentir envahie. Et puis il y avait justement, le mercredi qui suivait, une réunion, parce qu’il cherchait encore des gens et donc ils ont ouvert au public. Olivier m’a amené en me disant de venir voir par moi même. Et ce qui m’a tout de suite rassuré c’est que, à peine après l’introduction, une personne qui était déjà investie dans le groupe, a parlé de ça. Qui a dit: “ moi je voudrais dire aux potentiels candidats qu’on est très attentif au fait que chacun a son espace chez soi, qu’on ne devra pas manger tous les jours ensemble et qu’on ne se sent jamais obligé d’être ensemble, de faire des travaux ensemble et de vivre les uns sur les autres. Moi personnellement je serai attentif à ça dans le groupe, à ce que chacun puisse respecter ses limites, son intimité”. Et donc, dès la réunion d’introduction on a parlé de ce sujet là; et j’ai vu qu’une autre personne était vraiment sensible à cette thématique. Et puis je me suis rendu compte que, à part ce point là, j’était complètement partante pour tous les autres points, de vivre avec des gens géniaux, d’avoir les mêmes valeurs, de signer une charte, qu’on a lu et on était à 100% d’accord avec tout ce qu'il y avait dedans. Pour cette crainte là, j’étais rassurée. Et donc on a rejoint très vite après”. O.C: “Il me vient de compléter ou de nuancer, les gens de L’Échappée ne sont pas plus exceptionnels ou plus extraordinaires qu’une grande quantité d’autres personnes. La seule particularité c’est que les initiateurs du projet ont formalisé une charte et les gens ici se retrouvent autour de cette charte. L’Échappée, c’est un immeuble d’appartements relativement classique, ou chacun à sa cuisine, sa salle de bain, sa chambre.. Et à cette copropriété classique ont été ajoutés quelques espaces qui peuvent être partagés comme la salle commune ou le jardin, plutôt que de faire 20 parcelles. Dora, parce que c’est le juste

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terme, on parle de communauté mais on est loin d’un monastère dans lequel chacun à sa chambre et qu’on mange tous dans le réfectoire. Au final, on est surtout des voisins plus plus, parce qu’on s’est accordé, avant de devenir voisins, sur un socle de valeurs, qui sont des valeurs assez classiques; une sensibilité à l’écologie, une solidarité, une valeur dans le multiculturel, l’intergénérationnel.”

2) Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez fait face dans la recherche et la mise en place du projet d’habitat groupé ? (inconvénient/défis) O.C: “Il n’y a pas eu de difficulté dans la recherche. Je crois voir, quand je lis dans habitat groupé ou autres, qu’il y a beaucoup de gens qui cherchent. Personnellement, l’aventure d’habitat groupé m’a tellement convaincu ou a été tellement bonne qu’en 2017, avec Dora on est en train d’accompagner... On est lié à la création d’un autre habitat groupé “Oasis” à Hordin, à la campagne, avec plus d’espaces verts et de production alimentaire. Et donc, on a jamais eu de difficulté à trouver l’habitat groupé, puisqu'on a, soit rejoint quelque chose qui tournait, soit on l’a initié. Pour la mise en place du projet, on a eu toutes les difficultés, puisque dans les deux cas c’est de la construction, en tout cas à Bruxelles c’est de la construction totale avec démolition et de l’autre côté y a une petite part de rénovation et une construction et donc on a eu toutes les histoires classiques d’un chantier de construction. Puis, à ça s’ajoute l’enjeux de le faire avec 18 ménages à Bruxelles et 7 à Hordin , qui se mettent d’accord. C’est pas comme une goutte d’eau qui tombe du ciel et puis aucune difficulté, inconvénient ou défis. Mais il n'y en a pas plus qu'ailleurs, ce sont juste des choses normales: gérer la commune pour avoir un permis qui avance etc..” D.S: “On est quand même un cas particulier, parce que d’abord, on a pas du chercher, on a sauté dans le train en marche au niveau de L’Échappée. Et au niveau de notre projet Oasis, à la campagne, on a tout créé, on a pas dû chercher. Mais par contre la mise en place, à L’Échappée, les difficultés étaient surtout autour du chantier et à Hordin, en plus du chantier c’était constituer un groupe, il y a eu des déboire dans le groupe, des gens qui sont partis, des candidats qui finalement ne s'intéressent pas ou ça les intéressent un peu et puis ils décrochent.”

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3) Pouvez-vous m’en dire plus sur votre projet d’habitat groupé ? (développer le projet et ses caractéristiques) O.C: “L'Échappée c’est un habitat groupé, en milieu urbain, de 18 appartements, réalisé en 2 blocs, un de 6 et un de 12 en front de rue. Entre ces deux blocs, on partage un jardin commun. Au rez-de-chaussée du bloc à front de rue, il y a une salle commune polyvalente d’une centaine de mètres carré qui possède une cuisine, une salle de bain PMR et une salle de jeux pour les enfants qui peut faire office de chambre d’amis. On y a installé un projecteur et on se fait des ciné-club une fois par mois en plus du brunch le premier dimanche du mois. De plus d’une possible auberge espagnole tous lesvendredis. On a aménagé le toit du deuxième immeuble en potager toit/terrasse. Et sous notre jardin et une partie de nos immeubles se trouvent un garage dans lequel il y a 16 places de parking dont la moitié a été revendue à des gens de la rue, parce qu’on ne pouvait pas les financer. De plus, on a 3 voitures partagées par les habitants de L’Échappée et on a également plus de 40 places pour vélos. On a aussi un atelier où on a mis des outils en commun et une buanderie commune. Un habitat groupé urbain parce que pas beaucoup de verger ou potager mais quand même beaucoup de vie, d'interactions. Le couple le plus jeune à acquérir, au début du projet en 2013, avait moins de 30 ans et les plus âgés allaient être pensionnés, On a dorénavant 3/4 pensionnés et 16 enfants.” 4) Avez-vous un conseil à donner, à tous ceux qui souhaiteraient se lancer dans cette aventure de l’habitat groupé ? O.C: “L’ingrédient principal de l’habitat groupé pour moi c'est le vivre et le faire ensemble. Le conseil principal est de développer, muscler sa capacité au développement personnel dans l’interaction avec les autres. C’est déformé par ma vision professionnel de ce genre d’activité mais je crois vraiment qu’un habitat groupé c’est avant tout une capacité à des adultes qui ne sont pas en couple, c’est un défis déjà dans le couple mais ici on l'amplifie par plusieurs adultes, à se mettre en mouvement dans une direction commune et s’ajouter en permanence. Intrinsèquement il y a du coup, un aspect qui est de développer une capacité à faire la part des choses entre ce que sont mes préférences et ce que sont mes besoins et comment je trouve l’équilibre avec ça et ce que les autres ont comme préférences.” D.S: “Je répondrais de manière plus basique, comme habitante, parce qu’Olivier c’est aussi son travail et donc il répond de manière très pro. Conseil, ça serai, je rejoins

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quand même Olivier, sur le fait d’être le plus au clair sur ses envies. Distinguer vraiment tout ce qui est envies, besoins indispensables et ce qui est plus discutables, au niveaux des attentes, du projet, combiens d’unités, la localisation, ce qu’on veut être en commun. Il faut savoir que ça prend énormément de temps, il faut avoir du temps dans sa vie pour ça. Et puis de la patience, c’est vraiment pas rien de s’engager dans un habitat groupé. Je ne veux pas faire peur mais il est important de savoir à l’avance. Et puis y a des choses auxquelles on renonce, apprendre à faire des compromis, à revoir son échelle des priorités, à être souple à ce niveau là. Il faut également doser son énergie, ne pas donner tout au début, il faut savoir que c’est très long, c’est un marathon. Il faut vraiment quand on construit un habitat groupé, se dire, ok là je suis à mon maximum, je fais une pause ou je fais une réunion par semaine mais pas plus. Et pouvoir s’accorder des moments de vacances parce que ça dure des années, ce n'est pas juste 3 mois.” O.C: “Effectivement, un habitat groupé, si c’est pas comme un enfant pour la vie mais en tout cas une aventure de minimum trois ans. Ceux qui commencent en se disant que ça va durer moins de 3 ans prennent un risque très grand. Après quand tout va bien on est parti aussi pour la vie mais la mise en route, c’est au moins un an ou deux pour s’installer, ça dépend toujours parce qu’on peut aussi dans un habitat groupé déjà en route. Je connais des groupes qui, 5 ans plus tard, sont toujours à la mise en place.”

L’expérience de la vie en habitat groupé sous Covid 5) Le confinement (et plus largement le covid) a-t-il eu une influence sur vos habitudes au sein de votre logement ? (en terme d’occupation de l’espace privé) O.C: “La première partie du confinement amène à une réduction du temps de travail à l'extérieur et en plus qui est tombé à la même période que la naissance de notre deuxième enfant. Et donc une réduction de mon temps de travail d’abord et donc j’ai passé beaucoup plus de temps à la maison.” D.S: “Moi j’étais en congé maternité mais l’influence directe était que notre aîné n’avait plus école, donc il était tout le temps à la maison aussi tout comme les autres enfants de l’habitat. Et donc ça était un soutien énorme d’être en habitat groupé parce que du coup on a pu s'arranger avec les autres parents. Assez vite on a mis des règles pour pas que ça

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soit le chaos total, pour les enfants qui devaient faire école à la maison, restaient chez eux jusqu’à 11h, à partir de 11h on les lâchés dans le jardin, ils avaient un peu récréation et puis ils s’occupaient dans le jardin. À 13, on les appelaient pour manger, séparément pour pas qu’ils soient toujours ensemble et puis on essayait de respecter les règles mais entre enfants la distance c’était impossible et donc on a assez vite convenu qu’on était comme une grande bulle et puis tant pis on savait pas garder la distance entre les enfants mais au moins pour manger, ils étaient chacun chez eux, ils se lavaient bien les mains. Et puis entre 13h et 14h ils ne pouvaient pas sortir pour que les gens qui voulaient être dans le calme pendant le temps de midi ou pour travailler avaient un temps de pause. Les enfants étaient de nouveau dehors entre 14h30 et 17h, suivis d’un football et puis on rangeait tout le jardin et ensuite chacun rentrait chez soi. Mais ça a été, pour nous encore plus, comme j'étais en fin de grossesse et puis j’ai accouché, on était avec un tout petit bébé, d’avoir les autres enfants et les autres parents pour gérer le fait que l'aîné n’avait plus d’école, ça était une aide énorme et donc on a était vraiment ravi d’être dans un habitat groupé.”

Même question (1) mais en termes d’espaces partagés O.C: “Une diversité de perspectives au sein de l'habitat groupé, quand même 30 adultes, et donc certaines personnes, plus puristes que d’autres, ont assez vite soulignés l’importance d’un certain respect des mesures sanitaires et donc les espaces communs sont restés accessibles à tous mais n’étaient plus le lieu de rencontre du collectif parce que plusieurs d’entres nous se sont opposés à ce que ces rencontres collectives ont lieu. J’ai évoqué les brunchs, les auberges espagnoles et même le ciné club, quand il a repris après la pause, c’étaient avec les fenêtres ouvertes et des chaises espacées d’un mètre cinquante. Donc l’usage des espaces communs a peut être augmenté, quelques-uns ont télétravaillé dans la salle commune mais il n’a pas été plus collectif au début. Il a fallu un certain temps pour qu’on réorganise une réunion, assemblée générale. On avait des réunions tous les mois, à la base pour le fonctionnement et presque une semaine sur deux de prise de nouvelles, échanges et autres, le confinement a réduit tout ça et il a fallu plusieurs mois pour qu’on tienne une réunion dans le jardin. Et on a fait des réunions sur “zoom” où chacun d’entre nous était dans son appartement à moins 20 mètres les uns des autres mais on s’est parlé via l’ordinateur.”

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6) Avez-vous noté du changement en termes de relations entre les co-habitants en période de confinement (et plus largement, de crise sanitaire) ? O.C: “Les relations entre les co-habitants ont été moins spontanées, dans la présence physique l’un à l'autre. Après on a observé, ce n’était pas une surprise mais c’était quand même très agréable, énormément de solidarité. Donc à chaque fois qu’une cellule se disait être confinée en quarantaine, parce que même si on s’est vu comme une grosse bulle, on ne sait jamais tous mis en quarantaine parce que l'un d'entre nous était testé positif. Une fois que l’un ou l’autre annoncé qu’il restait chez lui, on s’est retrouvé à faire les courses les uns pour les autres, on s’est retrouvé à organiser des moments ou les enfants de cellules non contaminées, n’allait pas dans le jardin pour que les enfants dit “malades”, ou les enfants de parents malades puissent avoir le jardin en disposition”. D.S: “On leur a apporté des jeux, des puzzles devant leurs portes pour les occuper. Et puis nos premiers repas après l'accouchement ont été préparés par les autres. Après c’est des choses qui se faisaient déjà avant, puisqu’on a eu au moins une naissance par an depuis 2016, dans l’habitat groupé. C’est vrai ce que tu dis, c’était moins spontané mais moi avec les autres parents, on se parlait tous les jours quoi. Je ne me sentais pas du tout isolée, moi étant enceinte et puis avec un bébé pendant le confinement. On se parlait régulièrement et puis on allait applaudir aussi tous ensemble, c’était très chouette. Nous on traversait le jardin pour aller dans la rue mais les autres étaient à leurs fenêtres ou terrasses, et donc on applaudissait ensemble, on faisait du bruit avec les enfants. Au niveau des relations, je trouve que je me suis rapproché des autres parents parce que ceux qui étaient le plus stressés, c'étaient les célibataires, pas tous bien sûr. Et alors les enfants étaient déjà une belle bande mais ils sont devenus comme frères et sœurs, puisqu’ils n’allaient plus à l’école et ne se voyaient qu’entre eux.”

7) Avez-vous reçu des aides / conseils d’organismes extérieurs ? O.C: “Je n’ai pas l’impression qu’on a reçu plus ou moins que d’autres. Mais une des personnes du cohabitat est médecin généraliste et une autre qui occupe une des places du parking et qui habite dans la rue, est également médecin généraliste. On était donc en contact avec ces personnes. Mais notre habitat groupé n’a pas eu de conseils ou d’aides.”

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8) Si pas, auriez-vous trouvé ça nécessaire ? Pour quel domaine/sujet ? O.C: “Non mais je me pose la question de savoir si les mesures auraient pu être différentes pour nous ou est ce qu’il aurait fallu pouvoir rendre légitime les assouplissements qu’on s’est auto permis? Mais je pense que la proportion de citoyens qui nous sommes dans la population est tellement anecdotique que ça n'aurait pas de sens de mettre en place des choses pour nous. Surtout que je reste avec le sentiment, qu’on était, qu’on est et qu’on sera un public très privilégié et j’aurai envie que des aides et des mesures soit d’abord développer pour d’autres publics.”

9) Avez-vous ressenti/vu de l’entraide, de la solidarité entre les habitants ? Dans quelle mesure ? O.C: L’esprit de solidarité était déjà présent mais le confinement a amplifié sa manifestation.

10) Selon vous, le modèle d’habitat groupé présente-t-il des avantages dans le contexte actuel de crise sanitaire (avantages par rapport au modèle d’habitat “classic”)? O.C: “Je dirai clairement oui, après pour avoir beaucoup discuté de ce qui est un habitat groupé, de la maison kangourou à éco-quartier, au final ce qui nous différencie d’une autre copropriété classique, c’est le fait d’avoir depuis le début d’être rassemblé autour d’une charte de valeurs et de faire vivre une vision ou des idéaux communs autour de ce que ça serai cet habitat. Ce que je veux dire par là, c’est pas tant notre habitat est différent mais notre esprit de groupe et donc d’autres propriétés pourrait un jour devenir des habitats groupés juste en décidant de prendre soin des uns et des autres.” D.S: “Je discutais avec une collègue, elle me disait qu’il y avait aussi une solidarité dans leur rue et qu'ils ne sont pas dans un habitat groupé. Simplement ils habitent la même rue et ils ont des enfants du même âges et il y a eu aussi de l'entraide. Chez nous, c’était juste plus facile au niveau logistique. Par contre ma sœur qui est dans un habitat classique avec son compagnon et ses deux enfants, a été fortement impactée. Elle devait télétravailler et son

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compagnon aussi et donc avec les enfants en bas âges c’était très dur. Donc nous on compare et on se rend compte que nous avons eu beaucoup plus d’avantages.”

11) A contrario, quels pourraient être, selon vous, les inconvénients d’un habitat groupé dans un contexte de crise sanitaire (comparé à un modèle de logement “classic”) ? O.C: “Je n’ai vu aucun inconvénient au fait de vivre en habitat groupé parce que c'est un ensemble d’habitats privés qui partagent des choses en plus. Est-ce qu’on peut dire qu’on l’a déjà vu ? Toujours est-il que, je n’aurai pas de mal à imaginer, si un jour l’un d’entre nous, parce qu’il est tombé sur sa tête, décide de ne plus vivre dans l’habitat groupé et il pourrait tout à fait vivre dans son appartement privé. Et c’est vraiment un accès plus plus mais que tu peux également choisir de ne pas faire et y aura pas de conséquences négatives si t’en profite pas. On a un voisin qui se plaint que les enfants font du bruit dans le jardin mais tu peux avoir ce problème dans un habitat classique.” 12) Désirez-vous ajouter quelque chose sur votre expérience dans votre logement sous covid ? O.C: “Je fais un bond sur l’autre habitat groupé à Hordin, dans lequel on est dans la face de la création de groupe, beaucoup de réunions, etc.. Il y a un couple de belges qui vivait à Nantes et qui ont organisé leur retour en Belgique pour aménager dans un habitat groupé. Pour eux le confinement a été une facilité, parce qu’ils ont pu participer à nos réunions sur Zoom, ce qui a rendu nos réunions beaucoup plus accessibles. Ce n’est pas propre à l’habitat groupé mais le collectif a dû se réinventer, il est devenu plus accessible. À Hordain on a quelques bruxellois, on a quelques wallons, le couple qui était en France.

Les enjeux futurs de l’habitat groupé 13) Imaginons un nouveau confinement à la maison, il y a-t-il des choses que vous feriez différemment chez vous ? (au sein des espaces partagés et espaces privés, des règles mises en place par exemple, … )

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O.C: “Je pense que les produits désinfectant dans les espaces communs seront là plus tôt. Je pense aussi à toutes ces histoires un peu bêtes qu’on a eu de crainte d’approvisionnement. On est dans un principe de groupe d’achat, en fait on passe des commandes à un intermédiaire et il se pourrait que si il y a un autre confinement, on pourrait le faire différemment. Sinon je ne ferai pas beaucoup de choses différemment.” 14) L’habitat groupé en période de crise sanitaire, vous le définiriez comme une chance ou calamité ? (Choisir l’une des deux réponses et demander ensuite de développer la réponse (si c’est pas déjà fait) O.C: “Une vraie chance” ! D.S: “On le souhaite à un maximum de gens. Pour les gens qui savourent le collectif parce que je peux imaginer pour quelqu’un qui commence en avoir marre de ses voisins, que ça pourrait être un enfer d’être enfermé ici; mais j’ai envie de dire que c’est pas probable avec les voisins plus ou moins choisis et avec qui on a décidé de faire un bout de chemin, c’est plus simple qu’avec des voisins qu’on subit quoi”. 15) Suite à cette expérience, y-a-t-il des choses que vous aimeriez modifier chez vous ? ( en terme d’aménagement de l’espace privé) O.C: “Mon bureau qui est dans un lieu de passage, près de la cage d’escalier et donc avec toute la famille à la maison c’est un peu compliqué.” (en terme d'aménagement de l’espace partagé) D.S: “Le confinement à donner le temps à tous ceux qui étaient en télétravail, au chômage corona, etc.. d’aménager le potager sur le toit. C’est clairement grâce au confinement que ça a pu être fait. On a investi ce lieu.” O.C: “De manière globale, on a vu certains travaux de rénovation et d’amélioration du bâti pour ceux qui en ont les moyens qui se sont fait pendant cet épisode de confinement mais effectivement chez nous, si ça n’a pas été le déclencheur, s’est venu rajouter une couche. On avait aux gros œuvres, à la construction en 2015, mis le budget pour que structurellement le toit puisse être aménagé, ce qui n’avait pas été organisé avant le confinement.”

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16) Imaginons que la ville de Bruxelles vous offre un budget (illimité) dont l’objectif est de

repenser

l'architecture

de

votre

logement,

afin

d’anticiper

d’autres

confinements/crises sanitaires à venir, que changeriez-vous /développeriez-vous ? O.C: “Même si on avait un petit jardin et que nous nous ai sentis privilégiés pour ça. Moi si demain j’avais la possibilité, j’augmenterai les accès à des espaces verts, la verdurisation des toitures, la possibilité du cheminement piéton, il me vient l’image des ponts aériens légers pour les piétons. J’ai vraiment l’impression que Bruxelles en confinement a été difficile par ses îlots de chaleurs, la bétonisation..” D.S: “Moi, je miserais tout sur les dimanches sans voiture, des choses pour faciliter la vie en ville avec les enfants. On a besoin de sortir, de bouger encore plus, de plaines de jeux, qui sont vite débordés d’enfants.” 17) Même question, mais pour les espaces communs. D.S: “On a des projets en cours pour encore améliorer le jardin et notamment avoir une cabane en hauteur pour les enfants. A part ça, je ne vois pas tellement ce qu’on pourrait faire de plus”. O.C: “La micro tension qui existe, enfin que j’ai entendu auprès de certains parents, et qui n’est pas négligeable, l’absence de balançoire amène que si les enfants veulent y jouer, on va jusqu'à la plaine de jeux et ils croisent d’autres enfants et donc il y a une mixité sociale. J’ai pas envie que notre jardin soit ouvert à tous mais en même temps quand il est fermé à tous, nos enfants jouent entre eux et ne sont pas en contact ou en échangeant avec les autres enfants du voisinage.” 18) Est-ce que la crise sanitaire a influencé votre envie de vivre/ou ne plus vivre en habitat groupé ? Si oui, de quelle manière ? O.C: “Moi je dirai oui, clairement un plus au collectif, la crise sanitaire m’a renforcé dans le sentiment qu'au-delà d’un habitat groupé, peut être la dimension “oasis” de Pierre Rabhi. Ma vision a évolué, il est plus que jamais important d’avoir accès à son espace de verdure. Je pense que l’habitat groupé de demain devrait encore plus être végétalisé.” D.S: “J’ai eu la confirmation que c’était un très bon choix de vivre en habitat groupé! J’en ai parlé autour de moi de l’aide que c’était et j’ai vu beaucoup de gens prendre 132


la décision de se lancer dans cette voie. Comme l’a dit Olivier, ce n’est pas pour tout le monde mais ça n'empêche qu’ils ont quand même pu réfléchir à des alternatives pour avoir de l'entraide même si c’est pas via l’habitat groupé”. 19) Selon vous, en quoi l’habitat groupé peut-il être une réponse à une crise sanitaire ? (poser cette question uniquement si la réponse n’a pas encore été donné en 6) O.C: “L’habitat groupé amène plus de résilience et donc, d’une certaine manière, la capacité de passer à travers les crises, oui. Après je ne sais pas si l’habitat groupé est spécifiquement une réponse à l’aspect sanitaire, hygiénique ou médical de la crise COVID; mais cette crise est aussi sentimentale, avec de la précarité et autres; là clairement l’habitat groupé fait une différence. Il y a bien évidemment d’autres systèmes qui pourraient le faire. Moi je me suis quand même fort posé la question, à quel point les initiatives de transitions et les collectif de citoyens de la transition, avaient réussi, c’était vu et d’une certaine manière, c’était soutenu au travers de la crise et du confinement. Je sais qu’il y a des endroits où ce sont des réseaux qui se sont retrouvés à s’entraider pour coudres des masques etc… Je pense effectivement que le côté groupé, couche supplémentaire, qui est entre la famille et le voisinage, est une réponse aux crises. Ce qui me vient également c’est qu’en milieu rural il faudra aussi de l’habitat groupé pour éviter l’étalement urbain, de chaqu'un son quatres façades. Ceux qui quittent leur appartement à Bruxelles pour se construire une quatre façades est vraiment catastrophique. La réponse de l’habitat groupé par rapport à l’urbanisme c’est surtout la mutualisation. Le livre “Le cohabitat- Reconstruisons des villages en ville!” de Mattieu Lietaert, l’initiateur de L’Échappée, témoigne assez bien de ça. Dans les pays scandinaves, avec les habitats groupés, on va parfois avoir jusqu'à 30% de réduction de la surface privative, ce qui libère des budgets pour des espaces communs. Les chambres de mes deux garçons font une dizaine de mètres carrés, c’est pas des petites chambres mais c’est moins grand que ce que j’avais imaginé que si j'avais été à la campagne. S'ils veulent jouer avec des copains, ils ont la salle de jeux commune qui sert à dix autres enfants, et donc on a moins de mètres carrés consommés. Pour le jardin c’est la même chose, si demain dans la ville, les gens du premier ou deuxième peuvent profiter du jardin du rez-de-chaussée, on aura peut-être moins besoin de s'étaler parce qu’on mutualise et partage des espaces. Le bémol c’est que parfois tu as prévu d’aller lire ton livre dans le jardin et ton voisin a prévu un barbecue et les enfants jouent au foot,.. ce qui demande une organisation.”

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20) Selon vous, quels sont les enjeux futurs de l’habitat groupé ? (globalement) D.S: “Déjà créer un habitat groupé est un grand enjeux en soi. Un des enjeux futurs est qu’il y en ait de plus en plus, que ça soit de plus en plus connu. Même les gens qui, à priori, ne sont pas attiré par le collectif, peuvent se rendre compte, comme moi il y a sept ans, qu’il y a plusieurs formes d’habitat groupé et qu’il y a moyen de s’y retrouver quand on est solitaire. Qu’on puisse réfléchir à d’autres formes d’habiter, que ça se diversifie et que ça ne reste pas figé. Il y aura de plus en plus de crises, qu’elles soient sanitaires, climatiques ou autres et donc comment faire en sorte qu’un maximum de personnes soient résilientes par rapport à ces crises”. O.C: “Un des enjeux majeurs est que les pouvoirs publics puissent faciliter l’accès aux informations pour les collectifs privés qui veulent construire en auto-promotion. C’est difficile pour l’instant, de trouver les terrains qui peuvent accueillir ce genre de projets, ou alors, tu dois aller trouver des grands terrains vides à l'extérieur du monde urbain. Mais dans le monde urbain, ça reste un grand défi. Le travail existe déjà, la “Community Land Trust Bruxelles”. Parce que pour moi la grande question, c’est sachant qu’on a tous pu devenir propriétaires et que la moitié d'entre nous a dû faire appel aux Fonds du Logement, comment est ce que demain on rend l’habitat groupé accessible au public plus précaire? Alors, on pourrait se dire comment le rendre accessible à des gens qui sont locataires? Les locataires se retrouvent parfois à payer cinq fois la valeur de leur logement en loyer. Un de mes amis raconte dans son spectacle; “j’ai vu une maison qui me convenait, si je pouvais l’acheter cash je la paie une fois, si j’emprunte à la banque je l’a paie deux fois et demi et si quelqu’un d’autres l'achète puis je deviens locataire, au bout de ma vie je l’aurai payé cinq fois”. Donc c’est assez terrible, pour tous ceux qui ne sont pas capables de devenir propriétaire, soit peut-être exclus d’une possibilité d’habitat groupé, d’habitat dans lequel on s'investit, dans lequel on fait des racines. On revient sur la question de l’accès à la propriété, mais je pense que Community Land Trust bosse là-dessus, et ça serait plus les soutenir eux (ceux qui ont du mal à avoir accès au logement). Il y a peu d'endroits ou il faudrait réinventer les choses, c’est plus continuer dans le bon sens.”

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3. Entretien avec Dido G. - Future habitante d’un habitat groupé (en recherche) Attributs de la personne interrogées Nom & Prénom

Dido G.

Lieu et date de naissance

Namur 08/09/1984

Etat civil

Cohabitant légal,

Enfants ? (+ âge)

Une fille de 3 ans et demi

Nbre d’habitants du foyer

3

Commune ?

Forest, 1190

Parcours de logement (en qlq mots) ?

-

Type de logement actuellement ?

Logement familial jusqu'à 18 ans Colocations ( une quinzaine au total dans plusieurs pays ) de 18 à 28 ans Location d'appartements à Bruxelles étant en couple

Actuellement, location d'un appartement, dans une maison ou il y a 5 unités au total. On partage des espaces communs (buanderie, espace vélos, salle polyvalente et un jardin) mais ce n'est pas un habitat groupé. On a pas d'accord entre nous, on a pas pu se choisir et on s'entend juste bien entre nous. Il n'y pas de règlement.

La situation et les conditions de vie avant l’arrivée de la pandémie 1) Quelles sont les raisons qui expliquent que vous souhaitiez vivre en habitat groupé ? (motivations). Pourquoi à Bruxelles ? “Il y a pas mal de raisons. L'aspect social, c'est une des premières raisons. Le fait d'être entouré de pleins gens, de voir des gens et d'avoir un lien avec les voisins. J'aime vraiment l'aspect convivial. Et puis je pense aussi, idéologiquement, par rapport aux aspects de solidarité qu'il y a entre les gens … il n'y a pas ça dans tous les habitats groupés mais, ça

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serait super important, dans un habitat groupé, que l'on puisse avoir un accord avec un CPAS ou un truc comme ça pour pouvoir accueillir des gens qui sont, de manière temporaire, plus en difficultés et de pouvoir faire bénéficier l'habitat groupé à des gens plus précarisés. De manière plus idéologique, je trouve que la solidarité c'est quelque chose dans la société, qui n'est pas du tout valorisé et qui est hyper important et auquel je crois vraiment. Si je pouvais vivre dans un lieu qui me permet de pouvoir être solidaire, je trouve ça top. Une autre raison pour laquelle j'ai envie de vivre dans un habitat groupé, c'est dans l'idée d'avoir encore d'autres enfants. Pour moi c'est vraiment important de vivre avec des gens qui ont aussi des enfants parce que.. juste, je trouve ça beaucoup trop dur d'être isolé avec des petits chez toi. Parce que quand ils sont petits, tu dois tout le temps être chez toi.. C'est une des raisons qui me motive vraiment à trouver rapidement, en me disant que ça va quand même être plus simple de ne pas être isolé. C'est quand même toujours lié à l'isolement. Nous, on cherche à Bruxelles pour la vie culturelle, pour le dynamisme de la ville qui nous plait et pour la continuité avec la famille.” 2) Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez fait face dans la recherche et la mise en place du projet d’habitat groupé ? (inconvénient/défis) “On a vécu plusieurs histoires. En fait on avait trouvé un lieu, on était un groupe mais le lieu a été retiré de la vente... C'est un peu un aléa du marché de l'immobilier je dirais. Et on avait un autre problème c'est que le terrain qu'on a trouvé était top de chez top, il avait un gros défaut, ce qu'il était pollué assez fort aux métaux lourds donc ça c'était un gros problème. Le prix des terrains et des bâtiments, c'est vraiment super cher et donc ça a été aussi un obstacle. Et l'obstacle principal c'est la longueur du processus. Et qu'on est quand même relativement pressé. Après l'échec du premier projet, on est quand même resté encore un an dans ce chouette groupe. Le groupe a continué à chercher un nouveau terrain et puis à un moment, le groupe s'étiole parce que les gens sont fatigués quoi.” 3) Pouvez-vous m’en dire plus sur votre projet d’habitat groupé (qui n’a finalement pas vu le jour) ? (développer le projet) “C'était un projet de rénovation. Il y avait de la place pour 24 unités et on pouvait aller jusqu'à 28. Il y avait des gens de toutes les tranches d'âges, allant jusqu'à 80 ans. C'était les plus belles parties qui était consacré aux espaces communs, il y avait quand même beaucoup d'espaces communs! Il y avait un auditoire, une grande salle avec des boiseries magnifiques. Il y avait l'idée d'avoir une cuisine en commun, une salle de fêtes, un potager et il y avait un parc. On avait aussi une volonté de s'ouvrir vers les écoles et d'ouvrir

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différentes choses. On avait également un accord avec le CPAS de la commune pour avoir deux logements solidaires”. 4) (Si pas encore répondu) Quelles en sont les causes de la non concrétisation du projet d’habitat groupé ? “Le premier projet, sur le site de l'Abbaye de Florival (Grez-Doiceau), c'est Coarchi qui a fait un appel à candidatures et moi à la base je ne voulais pas être dans le Brabant Wallon et ma tante se trouvait dans ce projet et elle m'a obligé de venir voir le lieu et c'est vrai que le lieu était fantastique. Pour finir le terrain a été donc retiré de la vente. Ensuite on est rentré dans un autre projet qui était déjà en place mais finalement on a pas été pris.”

L’expérience du logement sous Covid/Confinement 5) Le confinement (et plus largement le covid) a-t-il eu une influence sur vos habitudes au sein de votre logement ? (en terme d’occupation de l’espace) “Oui oui à fond parce qu'on a été quasiment les seuls de notre maison à utiliser les espaces communs au maximum, parce qu'ici on vit dans un 65m2 avec un enfant, et donc c'est vraiment petit. Et donc, soit quelqu'un doit aller bosser dans l'espace commun, soit la personne qui s'occupait de la petite, allait dans l'espace commun. C'est ça qui nous a sauvé la vie pendant le covid, c'est cet espace clairement!” 6) As-tu ressenti des tensions entre les habitants du foyer (vous y compris) relatives aux éventuels changements de l’occupation de l’espace ? “Non il n'y a pas eu de tensions”. 7) Selon vous, le modèle d’habitat groupé présente-t-il des avantages dans le contexte actuel de crise sanitaire (avantages par rapport au modèle d’habitat “classic”) ? Oui oui ! Après je ne sais pas comment les gens d'un habitat groupé se sont organisés, enfin j'ai eu des échos comme quoi certains ont utilisé les espaces communs et d'autres non. Mais le fait que les enfants puissent continuer à jouer ensemble et des trucs comme ça.. Moi je trouve que c'est vraiment super quoi! 8) Si oui (et si pas encore répondu à la question), quels sont ses avantages ?

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“Plus d'entraides, quand quelqu'un ne va pas bien on peut l’aider, moins d'isolation pour les personnes âgées, etc..” 9) A contrario, quels pourraient être, selon vous, les inconvénients d’un habitat groupé dans un contexte de crise sanitaire (comparé à un modèle de logement “classic”) ? “Je connais un habitat groupé ou ça a clashé avec le covid parce que les gens se critiquent sur la manière d'appliquer les mesures et des trucs comme ça. Ou alors certaines personnes restées vraiment isolées, volontairement quoi et d'autres qui n'ont pas voulu jouer le jeu de la grosse bulle.” 10) Désirez-vous ajouter une remarque sur votre expérience au sein de votre logement sous covid ? “En fait on a deux chambres et la chambre de notre enfant donne dans notre chambre donc il y aucun moyen de s'isoler sauf si elle ne dort pas et que je peux aller dans sa chambre. Le besoin de pouvoir s'isoler dans son logement est super important.”

Les enjeux futurs de l’habitat groupé 11) Imaginons un nouveau confinement à la maison, il y a-t-il des choses que vous feriez différemment chez vous ? (au sein des espaces partagés et espaces privés, des règles mises en place par exemple, … ) “J'ai des idées comme ça mais c'est des conneries hein.. Je me suis vraiment dis "mais pourquoi je n'ai pas installé de bac à sable dans le jardin !" Parce que c'est des trucs qui occupent les enfants pendant des heures, donc voilà c'est un détail mais (rire), j'installerai un bac à sable dans le jardin partagé mais qui est assez petit et très humide. Mais je ne me vois pas refaire un confinement dans le logement ici quoi! En fait on a confiné ici, c'était.. enfin nous on a commencé a angoissé à mort, on l'a vraiment pas bien vécu. Je pense que si il y a un nouveau confinement, on part d'ici quoi (rire). On va dans un autre truc, je n'ai pas d'accès vers d'autres logements mais je pense qu'on irait ailleurs.” 12) L’habitat classique (non groupé donc) en période de crise sanitaire, vous le définiriez comme une chance ou calamité ? (Choisir l’une des deux réponses et demander ensuite de développer la réponse (si c’est pas déjà fait)

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“L'expérience était négative mais c'est pas à cause du logement "classique" mais surtout le fait qu'on avait un logement trop petit et qu'on avait pas vraiment d'espaces verts et tout ça, oui.” 13) Imaginons que la ville de Bruxelles vous offre un budget (illimité) dont l’objectif est de

repenser

l'architecture

de

votre

logement,

afin

d’anticiper

d’autres

confinements/crises sanitaires à venir, que changeriez-vous /développeriez-vous ? “On aurait besoin de 3/4 chambres et que chacune puisse être fermée (rire) et un jardin bien sûr.” 14) Est-ce que la crise sanitaire a influencé votre envie de vivre/ou ne plus vivre en habitat groupé ? Si oui, de quelle manière ? “Oui, je dirai que ça l'a renforcé.” 15) Selon vous, en quoi l’habitat groupé peut-il être une réponse à une crise sanitaire ? “De manière générale, ça peut adoucir la vie des gens mais je crois pas que c'est ça qui va apporter une réponse”. 16) Selon vous, quels sont les enjeux futurs de l’habitat groupé ? (globalement) “J'avais suivi une formation chez "Habitat et Participation" et ils parlaient beaucoup des personnes âgées et du vieillissement et ça m'avait quand même super fort touché. Et quand on était dans le projet d'habitat groupé, je discutais beaucoup avec des personnes âgées et finalement dans ma vie j'en rencontrais pas beaucoup. L'accompagnement du vieillissement, c'est vraiment le gros challenge. Après pour chercher, j'ai l'impression que les sociétés immobilières, etc, se ruent là dedans, dans tous ces projets. Et donc nous autant que citoyens, c'est quand même hyper dur de pouvoir à un moment être compétitif, mettre des offres et acquérir des biens avant eux..”

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4. Entretien avec Anne-Catherine Remacle - Chargée de Mission au sein de l’ASBL “Habitat et participation”

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1) Quel est le rôle de l’ASBL Habitat et Participation ? Autrement dit vos missions, vos objectifs, ... ? (en lien avec l’habitat groupé) “Habitat et participation est une ASBL qui travaille de manière générale sur les processus participatifs dans l’habitat. On a un objectif social qui est très large. C’est uniquement depuis les années 2000 qu’on a commencé à travailler plutôt sur l’habitat groupé, en développant le pôle ressource d’habitat groupé en Wallonie. L’ASBL Habitat et Participation a plusieurs casquettes en Wallonie et à Bruxelles. Le pôle ressources Habitat Groupé en Wallonie qui aide les gens à monter leur projet d’habitat groupé en les conseillant et les orientant au niveau des dynamiques collectives, gouvernances partagés, questions urbanistique et également architecture ( dans une moindre mesure étant donné qu’il n’y a pas d’architectes dans l’équipe ). On a également un agrément APL ( Aide à la Promotion du Logement), on propose donc une aide via des assistantes sociales qui vont aider les gens dans la précarité à s'insérer par le logement. On essaie de développer une approche plutôt collective, pour que les gens ayant les mêmes problèmes… en mettant le focus sur l’habitat Kangourou, l’habitat groupé solidaire, les maisons communautaires, la colocation etc.. A Bruxelles et en Wallonie, on a également un agrément d’éducation permanente. On va donc travailler sur la participation citoyenne, pour que les gens s'approprient le quartier. Ensuite à Bruxelles on a également un agrément AIPL ( Association d'Insertion Par le Logement ), qui est un agrément très large et dans lequel on est axé sur la promotion, l’information, la défense de l'habitat groupé solidaire (qui est inscrit au Code du Logement tout comme l’habitat intergénérationnel ). On apporte également une aide aux gens qui veulent monter leur projet d’habitat groupé. L’AIPL est censé être pour les personnes plutôt dans la précarité mais au final nous, on part du fait que la précarité n’est pas juste économique, on utilise la définition de l’OCD de la précarité, c’est à dire que la précarité peut être économique mais aussi lié à l’âge et/ou à un handicape. On essaie d’avoir une vision plus holistique de la précarité, que la précarité économique, qui est assez limitative quand on veut monter des projets. On est également dans Co-Creat avec Inovriris, on travaille avec l’UCL et l’ULB, sur des questions de la consommation d'énergie pour le chauffage. On se base sur le corps et sur la technique en se disant que chauffer toute une maison n’est pas logique. On essaie également de nouer des partenariat avec des AIS ( Agences Immobilières Sociales ) pour développer des projets innovants.”

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2) Pensez-vous que la crise sanitaire va impacter (ou a déjà impacté) le modèle de l’habitat groupé d’un point de vue architectural ? Si oui, de quelle manière ? “Oui bien sûr, l’architecture peut être un vecteur de dynamiques collectives, en faisant un habitat traversant ( si l’habitat et sur deux rues ), avec des coursives, en faisant des grands couloirs où les enfants peuvent jouer et les voisins peuvent se rencontrer. Toutes ces choses sont déjà mises en place par les architectes même avant la pandémie. Mais ce qu’on remarque avec les habitants d’habitats groupés depuis la crise sanitaire, que toutes ces choses théoriques ont été prouvé depuis la pandémie Covid-19, les gens ont vraiment utilisé l’habitat groupé et ses possibilités pour être une bulle et se rendre services et être dans l'échange, contrairement à une personne qui vit seule en appartement. L’architecture qui est censée porter la dynamique collective a vraiment joué son rôle étant donné que les espaces étaient là.”

3) Comment pensez-vous que la crise sanitaire va impacter (ou a déjà impacté) le modèle de l’habitat groupé d’un point de vue social /relationnel ? “Il y a eu un boom de demandes, assez rapidement avec le début de la pandémie, surtout pour les habitats intergénérationnels, parce que les gens se sont rendu compte que c’est horrible d’être seul quand on ne peut sortir de chez soi. On a fait un cycle de l’intergénérationnel cet automne, pour les personnes vieillissantes qui ne veulent plus revivre ce qui s’est passé lors de cette crise et donc les demandes concernant le modèle des habitats intergénérationnels est toujours très demandés depuis le début de la crise sanitaire. Parce que c’est une vraie alternative et puis il s’agit d’un logement vraiment adaptable, pour une personne vieillissante. Par exemple, un projet porté par la Mutualité Chrétienne à Walhain, baptisé Vivagora, havre des possibles. Son concept s'appuie principalement sur deux principes : partager des espaces d'habitat et tisser des liens intergénérationnels. Et donc, on a vraiment vu une augmentation de demandes de manière générale, parce que les gens se sont rendu compte que c’est plus agréable d’être confiné à plusieurs que de se retrouver seul.”

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4) Pensez-vous que l’habitat groupé peut apporter des éléments de réponses aux défis liés à la problématique du logement en période de crise sanitaire ? “Oui, c’est une vraie solution par rapport au fait que l’habitat groupé, ce n’est pas uniquement d’avoir des voisins sympas et de faire des choses ensembles et d’avoir des projets en commun, c’est aussi l’idée de réduire ses mètres carrés personnels et augmenter les surfaces communes, pour pouvoir même loger plus de personnes en réduisant certains coûts. C’est une vraie solution par rapport aux logements sociaux à Bruxelles. De manière générale, j’essaie d’avoir une vision très systémique de la pandémie qui est une petite branche du changement climatique et je pense comme solution pour l’habitat, parce qu’on a moins de mètres carrés par personne et donc on peut loger plus de personnes dans de meilleures conditions. C’est aussi une solution contre l’urbanisation, l’étalement urbain, la bétonisation dont on peut voir les conséquences qu’on a pu observer la semaine passée. Un des objectifs est aussi de rendre l’habitat groupé accessible au plus grand nombre parce que les gens issus de la précarité de manière très large, qui nous contactent, ça arrive tous les jours. Le problème, c’est que l’habitat groupé pour les personnes précaires est encore très minim, parce que l’habitat groupé est majoritairement acquisitif. Contrairement aux idées reçues, ce n’est pas moins cher, en plus de tes parties privées, tu as des parties collectives et donc ça coûte généralement plus cher. Et donc c’est un véritable frein, des habitats groupés locatifs il y en a pas beaucoup, à Bruxelles, une seule compagnies en fait, c’est “Vicinity”, qui avant s’appelait “Urbani”, ils ont un peu le monopole d’habitat groupé locatif. Certains habitats groupés, comme Brutopia qui ont cinq unités qui sont en location (prévu en amont), ce qui n’est pas beaucoup. Il y en a d’autres qui ont des unités locatives mais ce n'est pas la majorité.”

5) Si oui, (et qu’elle n’a pas encore développé sa pensée), qu’est-ce qu’un habitat groupé peut amener de plus (qu’un habitat classic) ? “On ne dit pas que l’habitat groupé est une solution à tout, ce qu’on défend avant tout, c’est un logement choisi et digne. C’est à dire, si tu ne choisis pas d’aller dans un habitat groupé ou t’en a pas envie, ça ne sera pas une solution pour toi. Par contre, si c’est ton choix, cela va t’apporter des solutions. On est sur un vrai questionnement, parce qu’il y a de plus en plus de pouvoirs publics qui créent de l’habitat groupé solidaire, pour des personnes en précarité surtout économiques mais les processus pour savoir qui va en bénéficier est

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compliqué, parce que soit la personne va attendre des années pour avoir un logement social, soit on propose un habitat groupé solidaire directement et donc c’est un non choix. Et donc ce n’est pas une solution à tout mais qui peut l’être pour les gens qui ont envie d’être dans quelque chose de collective”.

6) A contrario, quels sont les défis que les habitats groupés doivent encore relever pour répondre aux défis liés à la problématique du logement en période de crise sanitaire ? “Premièrement, d’avoir un soutien des pouvoirs publics, parce que dans le Plan d’urgence Logement, l'habitat groupé n’est cité nulle part, ni la collocation d’ailleurs. En fait le coliving à une connotation très négative à Bruxelles, parce qu’ils utilisent ce terme là pour toutes les colocations de luxe et donc on ne peut utiliser ce terme de manière englobante. Il n’y aucune solution d’habitat groupé ou d’habitat participatif qui n’est cité dans ce Plan Logement. Cela veut dire aussi que c’est une négation de réalité de pleins gens qui vivent en colocation ou des gens qui vivent en groupe à Bruxelles, il y en a énormément, notamment parce que ça coûte moins cher. On se rend compte qu’il y a un trou. Alors que bizarrement, au niveau de l'urbanisme, il semblerait que Pascal Smet (secrétaire d'État bruxellois à l'aménagement du territoire) soit ouvert dans cette réforme du RRU (Le Règlement Régional d’Urbanisme) d’assouplir les normes urbanistiques pour le “co-housing”. C’est juste une première étape mais qui n’aide pas à grand choses pour le moment parce que c’est juste reconnu, à part de temps en temps des dérogations pour tout ce qui est AIS (Agences Immobilières Sociales), CPAS (Centre Public d’Action Sociale), etc, pour justement ne pas prendre leurs listes d’attentes. Ca n’apporte pas grand chose mais ça a été placé là pour qu' un jour peut être ça puisse apporter des choses comme des réductions de taxes, etc mais pour le moment cela n’apporte rien. Ensuite, une reconnaissance, on l’a déjà mais pas totalement, surtout que c’est un réel apport.”

7) De manière plus générale, quels sont, selon vous, les principaux enjeux futurs de l’habitat groupé ? “Un des enjeux, est d’avoir plus de flexibilité, par exemple le Fonds du Logement aussi bien à Bruxelles qu’en Wallonie, les CPAS, les AIS, ont des projets d’habitats groupés mais ils ont

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beau de nous demander des conseils, mais ils restent très limité car ils ont un cadre très cadrant, qui va à l’encontre du bon fonctionnement de l’habitat groupé et donc il faudrait intégrer de la flexibilité la dedans. Je parle surtout pour Bruxelles, étant donné que je travaille ici, je connais moins bien la situation en Wallonie, en tout cas, un des enjeux principaux à Bruxelles c’est de faire face à la spéculation immobilière et la financiarisation du logement. C’est ce qui empêche les gens de monter leurs projets, cette concurrence assez incroyable pour l’achat de bâtiments. La plupart des gens que je suis me disent : “ j’ai trouvé un super bâtiment” et deux jours plus tard “ il a été racheté par promoteur immobilier”, ça c’est quand même un peu complexe. C’est pour ça que le CLT (Community Land Trust) est vraiment une solution parce que le CLTB (Community Land Trust Bruxelles), c’est pour des gens qui sont éligibles au logement social, c’est super de rendre propriétaires ces personnes mais du coup ça limite aussi le public. Ils ont créé, avec d’autres associations (dont L’Ilot, La Communa, les Petits Rien, etc..), la coopérative FairGround (une coopérative immobilière à finalité sociale). Pour le moment, ce qui va se passer, ça va aussi être pour les personnes en précarité économique via des AIS mais dans le futur ils ne sont pas du tout fermés à ce qu’il y est des projets autres, de type Habitat Groupé, Habitat Participatif, qui rentrent dans le FairGround. Et donc c’est toujours sur cette logique de CLTB, pour enlever le sol de la spéculation et donc je pense que c’est une vraie solution pour ne plus avoir ce problème. Il faut aussi savoir, que proportionnellement, à Bruxelles, c’est un très petit pourcentage de logements sociaux par rapport à Paris ou Bérlin, et puis même à Bérlin ils ont fait le gèle des loyers, ce qui n’est pas encore le cas à Bruxelles.”

8) Avez-vous un conseil/une remarque à donner, à tous ceux qui souhaiteraient investir dans un habitat groupé ? “J’ai pleins de conseils à leurs donné mais chaque projet est extrêmement différent, il n’y a pas de projets identiques. Nous, la première chose qu’on dit aux gens quand on les reçoit pour les aider à monter leur projet: Quel est le degré de collectif que vous voulez mettre ? Parce que tu peux avoir un habitat groupé et en fait les gens ont juste envie d’avoir un jardin ensemble et c’est tout, se dire que c’est ça leur collectif. Après tu as aussi des gens qui ont envie de faire tout ensemble et c’est très bien aussi. Il n’y a pas un bon ou un mauvais projet, c’est juste se poser cette question là. Et puis de ce degré de collectif va découler tout le reste, le modèle juridique, le modèle financier et donc tout ça va amener à la question: Comment

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est ce qu’on va structurer notre habitat groupé de manière architecturale, etc. Et aussi la localisation, parce qu’au final si on se rend compte que l’écologie et l’environnement sont très importants, on veut un grand jardin et donc au final les gens qui voulaient vivre à Bruxelles vont se rendre compte que ça va être plus compliqué, bien que c’est encore possible, vont finalement se diriger vers la Wallonie ou la Flandre. Et aussi, surtout à Bruxelles, l’urbanisme. Avoir des bons rapports avec le services urbanisme de la commune où on veut aller s’installer parce que c’est surtout là, la division, le changement d’affectation, l’accès aux pompiers, ça peut complètement anéantir un projet d’habitat groupé.”

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