L’illustration de la couverture est un collage réalisé par Alexandre BODIN présentant ses propres illustrations superposant une coupe perspective ‘‘modifié’’ du projet «The Ark (Prince Edward Island)» réalisé par David Bergmark et Ole Hammarlund en 1976.
Ce carnet présente le mémoire de l’étudiant BODIN Alexandre Master 2 - 2019/2020 sous la direction de JEZEQUELLOU Dominique
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Avant toute chose, je souhaiterais remercier Dominique Jézéquellou, pour m’avoir guidé tout le long de l’exercice de ce mémoire, que ce soit pendant les recherches ou la phase d’écriture. Je remercie l’école pour les moyens mis à notre dispositions pour s’informer. Je remercie aussi les professeurs de l’ENSAB pour l’enseignements et les réfèrences qu’ils ont pu m’apporter aux cours de mes études, nottament Loïc Daubas, Angélique Lecaille et Rozenn Kervella pour ce qui est de la sensibilisation relative à l’écologie. J’aimerais aussi remercier Jean-Baptiste Durand, avec qui j’ai pu converser à de nombreuses reprises sur les sujets qu’aborde ce mémoire et la dimension critique qu’il a pu y apporter. Pour terminer, je remercie grandement Léa Gosselin pour l’aide précieuse qu’elle a su m’apporter au cours de la rédaction de cet écrit, m’épaulant à la fois dans la formulation, la compréhension et la rélecture de ce dernier.
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Sommaire. Introduction p.5 a) Enjeux écologiques actuels p.6 b) Qu’est ce que le Low-Tech ? p.10
I - Le Low-Tech ou l’architecture d’hier ? p.13 a) De la pierre au béton ou l’évolution des modes de construires p.14 b) Les technologies d’hier : les tours à vents p.17 c) Construire avec son environnement et ses ressources p.22
II - À la recherche d’une autosufissance, le Low-Tech comme expérimentation d’un nouvel habitat p.29 a) La recherche d’une architecture autonome avant le choc pétrolier p.32 b) L’habitation déconnecté ou les contradiction d’un monde moderne p.40 c) L’autonomie au service de l’industrie ? p.46
III - Low-Tech et écologie, la remise en question d’un mode s’action actuel p.53 a) Les laboratoires Low-Tech ou la relève d’une recherche expérimentale p.55 b) Low-Tech et précarité : les limites du système ? p.64 c) L’écologie dans l’architecture conventionnelle d’aujourd’hui p.68
Conclusion p.81 Références et Bibliographie p.84
Introduction
a) Enjeux écologiques actuels Nous sommes aujourd’hui dans une société qui se veut moderne et consciente des problèmes de son temps, une société qui trouvera hypothétiquement réponse à tous les maux de l’humanité à coup de progrès et de nouvelles technologies. Et pourtant la crise écologique à laquelle nous faisons face ne date pas d’hier, en fait dès 1972 le club de Rome* publia un rapport intitulé “les limites de la croissance (dans un monde fini)” ou encore appelé rapport Meadows (nom du scientifique ayant écrit l’essai). Dans ce rapport, Meadows nous présente un modèle (World3) simulant une dynamique assez fidèle de la population humaine dans son environnement face à des besoins évoluant et face aux limites des ressources disponibles dans l’environnement. Il en tire alors dix scénarios possibles le menant à cette conclusion : Tant que notre société reste dans un système recherchant la croissance ( plus de monde consommant plus et des technologies de plus en plus poussées ) il est sûr qu’à un moment donné le système s’effondrera sur lui-même.¹ En 2008, le physicien Graham Turner a comparé cette étude théorique à la réelle trajectoire qu’a pris notre société depuis 1972 et il s’est avéré que ce sont les deux scénarios menant les plus rapidement à un effondrement qui coïncident le plus avec notre trajectoire. Il faut, en plus de cela, souligner qu’en 1972 n’était pas encore pris en compte le dérèglement climatique car nous n’avions pas alors conscience de son existence. De nouvelles études, notamment celle faite par l’agence française de développement, mettent en exergue que, si rien n’est fait, c’est au cours du siècle dans lequel nous nous trouvons que cet effondrement aura lieu.² Contrairement à ce que dit l’adage le progrès, tel qu’on l’entend aujourd’hui, finira forcément un jour par s’arrêter. Alors pourquoi rien n’est fait ? En fait, dès la parution du rapport en 72, de nombreuses personnes se révoltaient face à l’idée d’une croissance zéro évoquée par Meadows, notamment l’économiste William Nordhaus qui estimait qu’une découverte d’une source énergétique infinie comme la fusion nucléaire résoudrait tous nos problèmes. Pour l’instant le temps ne joue pas en sa faveur et nous n’avons toujours pas trouvé comment accéder à une telle source d’énergie. Nous avons des preuves plus que suffisantes pour que notre société prenne en compte cette problématique dans sa manière d’évoluer. En fait c’est bien un sujet qui est pris au sérieux par nos politiques, bien qu’une grande partie de la population reste sceptique face à “la collapsologie”, soit niant complètement la possibilité d’un tel phénomène soit adoptant une pensée cornucopienne, c’est à dire qu’ils estiment que les innovations *Le Club de Rome est un groupe de réflexion fondé en 1968 réunissant des scientifiques, des économistes, des fonctionnaires nationaux et internationaux, ainsi que des industriels de 52 pays, préoccupés des problèmes complexes auxquels doivent faire face toutes les sociétés, tant industrialisées qu’en développement. 1. Meadows, D., Meadows, D., & Randers, J. (2017). Les limites à la croissance (dans un monde fini). l’écopoche.- Préface 2. Giraud, G. (2017, octobre 5). Gaël Giraud - Dangers imminents liés au dérèglement climatique - Séminaire TREVE - 3 Octobre 2017.
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technologiques finiront par résoudre le problème, comme a pu le faire Nordhaus avant eux.³ Certains pourraient me rétorquer que les choses sont déjà prises en mains, que chacun dans notre quotidien nous faisons le nécessaire à notre échelle pour que tout aille pour le mieux. Je trie mes déchet, je mange bio, je prône le photovoltaïque et l’éolien. Loin de moi l’idée de vous faire déchanter mais tout cela ne nous avance pas tant que ça. Il n’existe que très peu d’activités humaines qui n’aient pas d’impact environnemental. Il n’y a pas de voiture propre, d’énergie renouvelable (entièrement) “verte”. Même recycler demande de l’énergie. Il faut admettre cela mais aussi résister au greenwashing nous poussant à la surconsommation de produits “écologiques” dont nous n’avons pas la nécessité mais qui nous convainc que nous venons de faire un geste pour la planète. Comme nous le dit Philippe Bihouix dans son livre “l’âge des Low-Tech” : «Il n’y a pas de produit ou de service plus écologique, économe en ressource, recyclable, que celui que l’on n’utilise pas. La première question ne doit pas être “Comment remplir tel besoin (ou telle envie) de manière plus écologique” mais “pourrait-on vivre aussi bien, sous certaines conditions, sans ce besoin?”»⁴ Il fait ici référence à deux manières de penser l’écologie : - Une première que l’on pourrait qualifier d’écologie de l’offre, où l’on reste dans un système recherchant la croissance à tout prix mais où l’on prétend résoudre le problème en concevant des produits de manières “plus propres” sans que cela n’ait vraiment d’impact sur notre quotidien. On pourrait aussi parler de croissance verte. - Une seconde que l’on pourrait qualifier d’écologie de la demande, où l’on préfère remettre en cause directement notre manière de consommer et tout le système économique qui va avec. On pourrait alors parler de décroissance. Les personnes adhérant à cette pensée ne croit plus en “l’écologie industrielle” et se sont eux rendu compte de l’oxymore. Préconiser un système continuant de tourner grâce à une décroissance n’est pas simple à entendre j’admets cela. Dans notre société où tout est de plus en plus automatisé, où les nouvelles technologies nous accompagnent au quotidien, nous rendant dépendants (et à quel coût ?) et où chaques nouvelles technologies, oeuvrant dans énormément de secteurs différents, nous fait rêver à un futur plus fou que l’on aurait pu l’imaginer, je comprends que cela puisse paraître inconcevable. Mais soulignons un problème qu’implique la croissance verte parmis tant d’autres : Des nouvelles technologies telles que les panneaux photovoltaïques ou encore les éoliennes demandent des convertisseurs d’énergie, composants électroniques, complexes fait de métaux rares et de taille infiniment petite, ce qui implique qu’ils sont difficilement réemployables. Ces métaux sont extraits de minerais dans une source finie (à l’échelle des temps humains) et leur extraction demande des moyens énergétiques importants et des machines tout aussi complexes. La source de minerais 3. Noble, G. (2019, février 20). La «low-tech» est-elle une solution pour l’immobilier durable ? Récupéré sur batiactu.com 4. Bihouix, P. (2014). L’âge des Low-Tech, vers une civilisation techniquement soutenable. Paris: Edition du Seuil. p.114
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est pour l’instant loin d’être épuisée, mais plus on en extrait, plus il faut creuser profondément (dans les secteurs où de tels forages sont aujourd’hui autorisés) et plus il est nécessaire d’avoir des machines complexes faites elles aussi de métaux rares. Nous sommes alors pris dans un cercle vicieux, les métaux réclament plus d’énergie pour être extraits et pour produire cette dîtes énergie on a besoin de plus de métaux. Ajoutons à cela que le rendement de ces technologies produisant des énergies renouvelables demande une grande capacité de déploiement, c’est à dire plus de panneaux solaires ou d’éoliennes pour subvenir à nos besoins énergétiques par rapport aux moyens mis en place actuellement.⁵ Comme vous avez pu le comprendre, il faut agir si on veut inverser la tendance actuelle qui nous mène vers ce tabou qu’est l’effondrement de notre société, et ce dans plusieurs secteurs. Celui qui va principalement nous intéresser pour ce mémoire est celui de la construction car il a un rôle majeur pour une transition écologique viable et qu’en tant que futurs architectes on se doit de se renseigner sur les contraintes et réponses éventuelles qu’on peut apporter face à ces enjeux. Le domaine du bâtiment est extrêmement consommateur en matériaux et en énergie. En 2010, le secteur de la construction représentait 40% des émissions de CO2 des pays dit “développés”, 37% de la consommation d’énergie et 40% des déchets produits. Chaque jours pour chaque Français 10,7 kg de déchets dû au BTP sont produits et 200 cm3 de sols sont artificialisés en France. En 2017, le ministère de la transition écologique annonçait sa Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC), portée notamment par Nicolas Hulot. Dans le secteur de la construction cela impliquait trois missions (scopes) différentes qui devaient être remplies d’ici 2050 . Elles devaient être la réduction d’émission du CO2 auprès : - Du bâtiment, pour les émissions directes (scope 1) liées aux consommations d’énergie pendant la phase d’usage des bâtiments (gaz, fioul…) et aux fuites de fluides frigorigènes -De la production de l’énergie, pour les émissions indirectes (scope 2) liées à la consommation d’électricité, de chaleur ou de froid via les réseaux urbains -De l’industrie, pour les émissions indirectes (scope 3) liées à la fabrication des matériaux et équipements mis en œuvre dans les constructions neuves ou rénovations Ils visaient alors, pour les bâtiments neufs, de passer de 115 MtCO2e à 0 MtCO2e d’ici 2050 pour les 2 premiers scopes et ne s’étaient pas prononcés pour le troisième scope.⁶
5. Sismique Le Podcast. (2018, septembre 13). L’âge des Low-Tech Philippe Bihouix : Comprendre comment la limite de nos ressources en métaux conditionne demain. Récupéré sur youtube.com 6. Daunay, J. (2019, janvier 14). LE BÂTIMENT, UN SECTEUR EN PREMIÈRE LIGNE DES OBJECTIFS DE NEUTRALITÉ CARBONE DE LA FRANCE EN 2050. Récupéré sur carbone4. com
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Source : Analyse Cabone 4, d’après les budgets carbone de la SNBC pour le bâtiment sur ses scopes 1 et 2
Au final pour l’instant très peu de démarches ont été mises en place et il y a surtout eu une révision du SNBC. Aujourd’hui, dans le domaine des bâtiments, la SNBC concentre ses efforts sur un plan de rénovation énergétique des bâtiments et dit en faire une priorité nationale, c’est une bonne chose mais ce n’est pas forcément assez quand on voit l’ampleur du milieu de la construction en France.⁷ Comme vous pouvez le constater, les enjeux climatiques pris en compte se résument au taux de CO2 émis par nos différents secteurs et à leur régulation et non pas à l’ensemble des problématique qu’induit un système en constante croissance. Dans le secteur de la construction comme dans les autres domaines le problème n’est pris que par une toute petite maille d’un très grand filet, et encore ils ont revu leurs ambitions à la baisse. Mais là où la SNBC a eu raison c’est que pour la construction c’est bien durant l’ensemble du cycle de vie de nos bâtiments qu’il faut agir : De la conception jusqu’à la destruction de nos bâtiments en passant par leur consommation d’énergie ou leur reconversion possible au cours de leur existence. Ce sont différentes étapes importantes qui permettent de juger l’impact environnemental d’un bâtiment au fil du temps.
7. Ministère de la Transition écologique et solidaire. (2019). Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC). Récupéré sur ecologique-solidaire.gouv.fr
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b) Qu’est ce que le Low-Tech ? Face à de tels constats, aussi pessimistes soient-ils, on ne peut pas rester dans le déni et ne rien faire. Mais quelles peuvent-être les solutions à ce problème indémêlable qu’est l’effondrement des sociétés ? Il faut déjà prendre conscience qu’il n’y a pas de solution miracle, toute solution que l’on peut estimer a un impact plus ou moins faible sur le dérèglement climatique et l’arrêt de la croissance dans notre société. Mais une réponse à ces problématiques me paraît assez pertinente en plus d’être applicable dans le milieu de l’architecture comme de nombreux autres domaines. Cette réponse est l’exact opposé de ce que certains peuvent penser. Nous ne sortirons pas de cet affaissement grâce à l’avancée des technologies de pointes, qui nous promet un futur meilleur sans prise en compte des limites de notre monde, mais bien par la sobriété de nos futures technologies qui répondront efficacement, avec le moins de complexité possible, à nos besoins. Les basses technologies ou Low-Tech sont pour moi le futur de demain. Mais d’abord expliquons avec plus d’exactitude ce que sont les Low-Tech et ce qu’est la méthode de pensée Low-Tech. Le terme “Low-Tech” est un oxymore en opposition au high-tech. C’est une expression qui a été employée pour la première fois dans l’écrit “Small is Beautiful (1973)” de Ernst Friedrich Schumacher* qu’il apparentait alors à la notion de technologie intermédiaire. Cette dernière, elle même devenue technologie appropriée sous le mandat de Jimmy Carter en 1976 aux Etat-Unis qui utilisa le concept comme réponse aux chocs pétroliers pour aider les pays en voie de développement. Le Low tech aujourd’hui consiste surtout à considérer les activités humaines sous un nouvel angle : -Il faut en premier lieu prendre en compte la nature comme un capital à préserver et pas comme une source de revenus inépuisable. -Ces ressources qu’elle peut nous fournir étant limité, nous pouvons les exploiter de manière raisonnée dans le soucis d’une économie pérenne. -La préservation de l’environnement est une donnée qui doit entrer en jeu dans les décisions économiques à toutes les échelles. Plus concrètement les technologies dites “Low-Tech” ce sont des technologies modestes, à bas coût, faciles à mettre en oeuvre, facilement réparables voir même dans certains cas biodégradables, utilisant des ressources simples et locales. Les Low-Tech sont au mieux faites de matières recyclables, au pire faites de matières recyclées, maximisant alors la démarche du réemploi. Ce sont des innovations que l’on pourrait dénommées comme étant “frugales” car elles répondent à des besoins pouvant être complexes, parfois même vitaux, avec peu et de manière simple.¹ On a souvent tendance à associer le Low-Tech au mouvement DIY (Do it yourself), né au début du XXe siècle, qui consistait au fait de concevoir sans l’aide direct d’un professionnel d’un domaine particulier, en architecture on ferait alors référence à l’autoconstruction. Ce même DIY implique *Pionnier de l’introduction des idées écologistes en matière d’économie et de politique de développement 1. Low-Tech Lab. (2010). Présentation du Low-Tech Lab. Récupéré sur lowtechlab.org et Wikipédia. (2020). Low-Tech. Récupéré sur wikipedia.org
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aujourd’hui une certaine opposition à la société de consommation face aux problèmes que peuvent engendrer des exploitations démesurées de matières rares, l’obsolescence programmée, le nombre de déchets produits par objet acheté, la surconsommation énergétique… Ce n’est donc plus tant le professionnel en question qui dérange mais bien la société et le système économique dans lesquels il s’inscrit.² Le Low-Tech est vu par certains comme une philosophie de vie : réparer soi-même ses appareils plutôt que de les jeter, utiliser son vélo au quotidien plutôt que sa voiture, construire son propre habitat, c’est dans l’esprit Low-Tech! Hier nous avions les mobiliers d’Enzo Mari qui fournissait ses plans gratuitement aujourd’hui des plateformes open source proposent des notices complètes pour fabriquer des milliers de meubles. Ces plateformes regroupent des individus en communauté, et faire communauté pour résoudre des problématiques mondiales comme locales avec les moyens du bord c’est l’une des essences du Low-Tech. En architecture le Low-Tech s’applique à différentes échelles et sur différents critères. Bien entendu, malgrés la volonté “bas coût” de la démarche, les utilisations du Low-Tech seront plus ou moins onéreuses en fonction des projets et de ce qui est mis en place. Certaines techniques demandent le besoin de personnes qualifiées pour des méthodes qui ne sont pour l’instant pas démocratisées dans le secteur de la construction. Plusieurs questions subsistent encore : -Comment mettre en place un système (et par extension un secteur de la construction) qui fonctionnerait grâce aux Low-Tech? -Comment s’applique le Low-Tech en Architecture et quel est le rôle de l’architecte dans tout cela? Les projets qui vous seront présentés afin d’illustrer mon propos peuvent presque tous être qualifiés de Low-Tech, il ne s’agit pas tant de l’utilisation de basses technologies mais peut être aussi du choix des matériaux en fonction de la géographie et de la géologie du terrain, de l’utilisation de réemploi, de la recherche d’une autosuffisance en énergie, de la “non-utilisation” de technologies énergivores standardisées dans le bâtiment, tout comme la volonté de réduction de leur impact environnemental.... Ils n’ont pas tous été pensés comme étant Low-Tech mais s’inscrivent dans cette démarche malgré tout. Pour autant chacun ne répondent pas aussi bien sur tous les points des différents enjeux du Low-Tech.
2. Wikipédia. (2019). Do it yourself. Récupéré sur wikipedia.org
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I - Le Low-Tech ou l’architecture d’hier ?
a) De la pierre au béton ou l’évolution des modes de construires De l’Antiquité jusqu’au XVIIIIe siècle, les matériaux utilisés dans l’architecture n’ont que très peu évolué. Selon les régions du monde, on concevait avec les matières locales. En France, on retrouvait alors des murs en terre (ayant des procédés de construction différents en fonction du climat régional), de la maçonnerie de pierre (qu’elle soit taillée ou non), différents types de mortiers faisant office de liant comme la chaux hydraulique et l’utilisation du bois pour les structures de planchers ainsi que les charpentes, des toits en tuile d’argile, en ardoises, en chaume… Très tôt dans le secteur de la construction nous nous sommes mis à concevoir avec des matériaux non renouvelables, mais les matériaux dont il est question sont présents en très grande quantité sur notre planète et sont à priori inépuisables à l’échelle humaine. Une pénurie de matériaux comme l’argile, le calcaire, le sable est difficilement imaginable. L’architecture des petites gens comme celles des nobles étaient alors conçue dans une certaine tradition malgré les différents mouvements architecturaux qu’il y a pu avoir au cours des siècles. On concevait malgré nous en fonction de l’environnement car avec les matériaux à portée de mains avec des techniques constructives plus simples à mettre en oeuvre, n’utilisant pas de technologies complexes et dans la plupart des cas en autoconstruction. De ce fait les constructions de cette très longue période s’étalant jusqu’au XVIIIe peuvent, pour la majorité d’entre elles, être qualifiées de Low-Tech. Mais un des problèmes majeurs qu’ont en commun ses différents matériaux est qu’ils se transportent plutôt mal ( faible coût mais poids important donc le transport joue énormément dans le prix final). De nos jours, nous ne faisons plus forcément usage des matières premières locales mais en importons une grande majorité de plus ou moins loin. A titre d’exemple, à Dubaï, ville pourtant située dans un désert, la majorité du sable utilisé pour les remblais est importé d’Australie car le sable local n’a pas les capacités physiques nécessaires aux retenues pour les immenses et aberrants projets immobiliers qui y sont réalisés. Aujourd’hui on utilise les pierres dans le milieu de la construction principalement pour des critères esthétiques et non pas pour la praticité et encore moins l’utilisation de ressources locales.¹ Tout de même, nous pouvons souligner que le béton de ciment existait déjà durant cette période car, comme vous le savez surement, ses premières utilisations remontent à la Rome antique où des traces d’anciens bâtiments comme des traces écrites (“de architectura” par Vitruve) attestent de l’existence d’un tel mortier. Une première démocratisation de son utilisation se fait au XVIIIe siècle (expliquant en partie les dates citées plus tôt) suite à différentes recherches notamment celle de l’anglais John Smeatton mettant en avant le rôle de l’argile dans la conception du ciment, ou encore celle de Bry Higgins mettant en valeur l’importance de la granulométrie. Il faudra attendre la fin du XIXe pour voir naître les premiers ciments Portland artificiels et les premiers brevets d’un béton armé.² Mais c’est bien suite, à la seconde guerre mondiale, que l’utilisation du béton c’est le plus démocratisée. L’effort de reconstruction est mis en avant par
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1. Klaus, D. (1998). Low Tech Light Tech High Tech, Building in the Information Age. Munich: Birkhäuser. p. 44 - 45 et Bihouix, P. (2014). L’âge des Low-Tech, vers une civilisation techniquement soutenable. Paris: Edition du Seuil. p.47-50 2. Simonnet, C. (2005). Le béton, histoire d’un matériau : Economie, technique, architecture. Paris: Parenthèses. p 222
Affiche réalisée en 1945 en faveur de l’effort de reconstruction du pays Source : © Fondation Charles de Gaulle
les dirigeants du pays, De Gaulle propose alors de gagner cette dernière bataille qu’est celle de la production.³ Une réponse plus économique mais surtout plus rapide et efficace que les méthodes d’antan se met en place, éclipsant nos anciennes traditions jusqu’à devenir les standards du milieu de la construction. On ne jure plus que par le béton et le parpaing ! Mais pourquoi l’utilisation du béton* dérange ? L’utilisation du béton de ciment dans la construction est un des éléments les plus significatifs de la volonté de croissance de notre monde moderne. *Il faut savoir que lorsque l’on parle de béton aujourd’hui on a tendance à oublier qu’il n’existe pas qu’un seul type de béton. Le terme béton désigne un assemblage de matériaux de nature minérale, sous forme d’agrégat ou de granulats, agglomérés par un liant. Il existe donc différents types de béton de nature et de matériaux différents : chaux, terre… Le béton dont l’utilisation fait le plus souvent débat c’est bien le béton dît “de ciment” 3. Fondation Charles de Gaulle. (s.d.). « la France à la Libération ». Récupéré sur charles-degaulle.org
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Rendez vous compte qu’il s’agit aujourd’hui de la deuxième matière minérale la plus utilisée par l’homme dans le monde après l’eau ( 1 mètre cube par habitant ), et un tiers des habitations sont aujourd’hui conçues avec ce matériau. C’est en partie la composition de ce béton qui est aujourd’hui assez controversée. La clinkérisation est nécessaire afin d’apporter un composant au liant du béton hors elle participe de manière significative aux émissions de gaz à effet de serre produites par nos cimenteries. Le clinker à lui seul produit 5% des GES émis par l’homme. Aujourd’hui on recherche l’excellence avec cette matière qui permet des formes modulables à l’infini et pourtant toujours structurelle ! Le BHP, le BEFUP, les bétons autoplaçants, sont autant de nouvelles prouesses qui impliquent tout autant des adjuvants plus que jamais polluants et un béton de moins en moins naturel. On pourrait aussi s’attarder sur l’utilisation des ferraillages armant le béton ou parfois utilisés dans la pré-contrainte ou post-contrainte. La recherche des meilleurs granulats et agrégats possibles dont le sable fait partie a aussi conduit à la surexploitation de plages détruisant par la même occasion des écosystèmes littoraux. Il serait peut-être temps de limiter l’utilisation du béton et non de seulement y songer. Dès les années 1980, des réflexions autour de la réutilisation de la terre dans la construction avait été mises en place pour limiter l’utilisation du béton à outrance. Le problème c’est que ce n’est pas bénéfique aux industries, il n’y a pas de pré-production car la terre est extraite sur place et employée sur place. Ce n’était pas intéressant car il n’y a pas de transformation complexe à effectuer ni de commerce car on trouve de la terre sur tous les chantiers. Aujourd’hui, des industriels se penchent sur le sujet et mettent en place des méthodes plus complexes (et pas forcément plus performantes que les méthodes traditionnelles) exigeant une industrialisation des procédés. Il est alors question de terre projetée, de briques de terre comprimées, de béton de terre ayant des adjuvants… Malgrès cela je pense qu’une industrialisation de la construction terre est inévitable. C’est triste de l’avouer mais je pense que cela sera peut-être obligatoire afin de démocratiser les bâtis terre contemporains et d’ensuite pouvoir mettre en avant les conceptions plus traditionnelles.⁴
4. Wikipédia. (2019). Clinker. Récupéré sur wikipedia.org et Wikipédia. (2020). L’histoire du béton de ciment. Récupéré sur wikipedia.org
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b) Les Technologies d’hier : les tours à vents Mais au-delà de la matérialité locale des constructions traditionnelles pré-XVIIIIe ce qu’il faut souligner c’est surtout la manière dont nos constructions étaient adaptées aux zones de climat dans lesquelles nous construisions et cela malgré l’absence de technologies complexes. On retrouve en ces architectures des exemples à suivre si l’on veut concevoir de l’architecture Low-Tech. Dans les quatres types de climats principaux : tropical, aride, modéré et froid, ce sont toujours aux mêmes contraintes qu’il faut répondre : contrôler les apports solaires, ventiler quand nécessaire, avoir un taux d’humidité convenable et se protéger des différents intempéries. Ces contraintes sont plus ou moins importantes et ne sont pas prises sous le même angle en fonction des territoires, de fait une variation des réponses architecturales est observable. A titre d’exemple dans les déserts les chaleurs extrêmes et le manque d’eau ont conduit vers un habitat plutôt mobile avec des abris légers et facilement transportables alors que dans les forêts tropicales où chaleur rime avec humidité on a vu naître des constructions principalement bien ventilées, ayant une protection contre le soleil et la pluie tout en utilisant des matériaux qui sèchent rapidement.¹ Des techniques similaires voient pourtant le jour dans plusieurs parties du monde, on parlera ici plus précisément de principes de ventilations naturelles en prenant comme aperçu les tours à vents. Les tours à vents les plus célèbres sont les badgirs, ce sont des éléments architecturaux traditionnels dans la culture persane, la cité antique de Yazd était notamment connue comme la “ville des capteurs de vents” ( En persan Bad signifie Vent et Gir Capter). Traditionnellement, ils sont construits en adobe, les propriétés de la terre crue permettant de réduire la transmission de chaleur. Le principe est en soi assez simple, nous sommes face à une très grande tour, divisée en conduits verticaux, évoquant la forme d’une cheminée qui serait dotée de longues fentes permettant de rediriger les vents à l’intérieur des bâtiments afin de les rafraîchir. On retrouve plusieurs formes de badgirs la plupart sont des polygones réguliers et permettent de capter le vent dans plusieurs directions, toutefois certaines conditions climatiques, comme la présence de désert à proximité, pouvait obliger de concevoir le badgir de manière unilatérale afin d’éviter les sables et poussières transportés par les vents. Comme nous l’explique Roland Dehgan Kamaragi les tours fonctionnent de deux manières : “Pendant la journée, les rayons du soleil tapent sur la face sud des Badgirs et la chauffe. Le vent entre dans un des conduits, descend vers la pièce à vivre et remonte ensuite par les conduits opposés. C’est en remontant qu’il évacue l’air chaud. Cette évacuation d’air chaud permet d’abaisser la température ambiante de la pièce à vivre. Durant la nuit, le vent frais de l’extérieur descend dans les conduits, se réchauffe par la chaleur de l’air stocké durant la journée dans la pièce à vivre et évacue l’air chaud autant par les autres conduits du Badgir que par les portes et fenêtres du «Otagh-Badgir». Ce cycle thermique se poursuit jusqu’au moment où la température des parois internes et la température externe se trouvent identiques.”² 1. Klaus, D. (1998). Low Tech Light Tech High Tech, Building in the Information Age. Munich: Birkhäuser. p.46 2. Dehghan Kamaragi, R. (2015). Les Badgirs, Thèse d’architecture, GSA, Paris-Est. Récupéré sur badgir-persian-gulf.com
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Badgirs de la ville de Yazd Source : https://www.badgir-persian-gulf.com ©2015 by Roland DEHGHAN KAMARAGI
Badgirs de la ville de Siraf
Badgirs de la ville de Kong
Source : https://www.badgir-persian-gulf.com
Source : https://www.badgir-persian-gulf.com
©2015 by Roland DEHGHAN KAMARAGI
©2015 by Roland DEHGHAN KAMARAGI
Badgir à 4 faces munis de parois interne en forme de X Source : https://www.badgir-persian-gulf.com ©2015 by Roland DEHGHAN KAMARAGI
Turbulence causant l’extraction d’air chaud vers l’extérieur depuis le conduit opposé. Source : https://www.badgir-persian-gulf.com ©2015 by Roland DEHGHAN KAMARAGI
Fonctionnement du Badgir en journée et durant la nuit Source : https://www.badgir-persian-gulf.com ©2015 by Roland DEHGHAN KAMARAGI
Ce phénomène semble s’expliquer par la différence de pression entre la base et le sommet de la colonne, permettant d’aider l’air chaud à évacuer vers le sommet. Couplé au badgir, on retrouvait souvent un second système de refroidissement du foyer. Le plus souvent, il s’agissait d’un simple bassin situé sous le badgir mais parfois des systèmes plus complexes comme des qanats (forme d’aqueduc souterrain) reliant les badgirs a des yakhtchals ( dôme très épais et semi enterré pouvant stocker un volume important de glace ).³ Les badgirs ne sont pas les seuls exemples de tours à vents, on retrouvait ce principe dans les steppes au Pakistan notamment les maisons à Hyderabad. Ces tours à vents (appelé Mangh) avait une architecture très différente, elles étaient toutes mono-orientées et avait un conduit triangulaire sur lequel repose un panneau incliné faisant face aux vents dominants. Les grandes habitations pouvaient multiplier leur nombre de tours afin de ventiler au mieu l’ensemble de la maison. La particularité du Mangh était que le panneau supérieur servait aussi de volet afin de ventiler la maison à des moments précis dans la journée. En été, les résidents ouvraient la tour juste avant le coucher du soleil vers 17h00 et la refermaient le lendemain vers 11h00 (l’été le vent venait du sud-ouest donc les Manghs lui faisaient face) alors qu’en hiver se produisait l’inverse, les tours étaient ouvertes de 11h à 15h.⁴ Dans sa thèse, Roland Dehgan Kamaragi à étudier le fonctionnement des tours à vents, plus particulièrement les badgirs, afin de démontrer la performance environnementale d’un tel système de ventilation naturelle face aux ventilations mécaniques actuelles tout en pointant du doigt le défaut de ces dernières face aux enjeux environnementaux et parfois même sanitaires. Pour se faire, il a effectué de nombreux tests, certains sur le terrain où des mesures et observations furent effectuées in-situ, d’autres en soufflerie sur des maquettes à échelle réduite et des simulations informatiques d’écoulement de l’air au sein du badgir en fonction de certains paramètres. Sa recherche permet autant de remettre au goût du jour cet technique traditionnelle, il a notamment mis en place un workshop en 2015 à l’école d’architecture de Paris-Malaquais où un Badgir échelle 1:2 fut conçu à titre expérimental, mais il réussit surtout à expliquer scientifiquement les raisons de l’efficacité de ces tours tout en clarifiant leur fonctionnement jusqu’à proposer des améliorations au système en fonction des paramètres environnementaux.⁵
3. Dehghan Kamaragi, R. (2015). Analyses numériques du comportement mécanique des Badgirs, la CFD (Computational Fluid Dynamics), Récupéré sur badgir-persian-gulf.com 4. Guan, Y. (s.d.). ANCIENT WIND CATCHERS IN HYDERABAD. Récupéré sur insideflows. org 5.Dehghan Kamaragi, R. (2015). WORKSHOP Construction d’un Badgir à l’échelle 1/2 Récupéré sur badgir-persian-gulf.com
20.
Tours à vent d’Hyderabad Source : «Architecture without architects» by Bernard Rudofsky
La skyline d’Hyderabad Source : Guan, Y. (s.d.). ANCIENT WIND CATCHERS IN HYDERABAD. Récupéré sur insideflows.org
c) Construire avec son environnement et ses ressources Réussir à ventiler un bâtiment naturellement était un des objectifs premiers dans les climats chauds, les Tours à vents sont un exemple parmis tant d’autres mais j’aimerais tout de même en faire figurer un autre remarquable : La ville de Jaisalmer est située dans le désert Indien. Là où cet ville a eu un défi en plus à relever dans son entière conception c’est d’abord par le peu ressources matérielles présentes sur place. Plutôt que de faire importer l’ensemble des matériaux qui leur manquaient ils se sont adaptés pour concevoir avec la ressource la plus abondante sur place : la pierre de grès (roche sédimentaire issue de grains de taille majoritairement sableuse). Le grès a été utilisé comme mur porteur mais également pour réaliser la structure des planchers ou encore le dessin millimétré des façades. Réduite en sable et gravier c’est cette même pierre qui a pu servir de mortier pour assembler différentes pierres de taille entre elles. En fait très peu d’éléments architecturaux ne sont pas réalisés avec cette pierre et ce dans l’entièreté de la ville. S’ils ont pu concevoir autant de modules de bâtiments avec ce matériau c’est surtout car ce grès particulier est plus facilement sculptable que d’autres et ne se brise pas trop rapidement malgré sa dureté, on qualifierait plutôt cette pierre de maléable.* La portée limite que peuvent atteindre les poutres en grès a servi de base pour créer une grille structurelle quasiment identique pour tous les bâtiments de la ville, chaque maison comprenant deux à sept travées par unité construite. Elles étaient construites avec des façades “publiques” aux dessins complexes permettant d’ombrager les intérieurs et s’avançant sur la rue d’étage en étage donnant le sentiment d’un passage exigu. On retrouve au coeur de chaque unité une cour intérieure jouant un rôle clé dans le fonctionnement du logement. Chaque pièce de l’habitation est éclairée par cette cour qui permet surtout d’aérer l’ensemble du bâtiment fonctionnant comme un système de ventilation intégré. Le vent et les courants thermiques pénètrent le bâtiment et circulent jusqu’à cette cour centrale, refroidissant l’ensemble des pièces au passage. Les parties “construites” des maisons ont des puits au niveau des derniers étages facilitant les entrées d’airs, le reste des planchers étant suffisamment perméable pour laisser circuler les courants thermiques. Ainsi même dans un désert cette ventilation permettait un confort de vie suffisant la journée lors des fortes chaleurs. Pour ce qui est de la nuit, il faut tout d’abord prendre en compte que ce grès a des capacités de stockage d’énergie thermique plus importante que d’autres pierres, il absorbe donc une certaine quantité de chaleur la journée qu’il restitue la nuit. Si ces dernières sont trop froides les habitants allumaient alors un feu dont les fumées s’échappent sans imprégner le bâtiment grâce à ce même système de ventilation. Les cuisines sont situées au rez-de-chaussée et sont toujours attenantes à la cour afin que celle-ci joue le rôle de conduit d’aération directe. Des éléments en demibols, sculptés eux aussi dans le grès, sont parfois situés sur les extérieurs *les propriétés de ce grès précis ne sont pas les mêmes que tous les grès car ce nom désigne un grand nombre de roches dont les propriétés et techniques de mise en oeuvre ne peuvent être comparées car cela varie énormément en fonction du contexte géographique et surtout géologique
22.
1. Klaus, D. (1998). Low Tech Light Tech High Tech, Building in the Information Age. Munich: Birkhäuser. p52 - 53
(en façade ou sur les toits) servant de réservoirs d’eau lors des rares précipitations qui, lorsqu’elles ont lieu, peuvent être intenses. L’ensemble de cette ville est conçue sur un plan urbain très compact avec des bâtiments plutôt hauts et proches les uns des autres, ne laissant passer que très peu de rayons du soleil. Cette cité est un exemple concret de la possibilité de concevoir un ensemble complexe, réfléchis et ingénieux répondant à des besoins concrets, pourtant primaires, et cela avec très peu de ressources si ce n’est celles humaines et la pierre présente sur place.¹
Rue étroite de Jaisalmer Source :photo de David-Gifford récupéré sur flickr.com Jaisalmer, Rajasthan (1978)
Section d’une habitation de Jaisalmer Source :newlearn.info. (s.d.). Clear Comfortable Low Energy Architecture : Jaisalmer, Hot and Dry. Récupéré sur new-learn.info
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Jusqu’ici les exemples de techniques traditionnelles sont plutôt situés dans des climats chauds, hors le rapport à l’extérieur et le type de construction notamment face aux vents et aux courants n’est pas exactement le même dans des zones plus froides. Tous les bâtiments dans les zones froides doivent limiter au maximum les pertes de chaleur dues au climat extérieur. Ces dernières pouvant être induites par convection mais parfois aussi dues à la ventilation, ce qui doit être pris en compte dans la conception de l’habitat. Dans les toundras ou taïgas les étés sont courts et chauds, mais les hivers suivent souvent très rapidement derrière et sont quant-à-eux extrêmement froids et longs. La plupart des peuples étaient nomades portant leurs abris avec eux. Il s’agissait de tentes légères dessinées sur un plan circulaire dont les parois extérieures étaient faites de bois et/ou de grilles tissées. Pour se protéger du vent ces structures simples étaient souvent recouvertes de fourrures et de peaux. Lorsque les nuits étaient plus froides que d’autres, on allumait un feu au centre de la tente, le haut de cette dernière n’étant pas couvert afin de laisser se dégager les fumées. Une certaine sédentarité était tout de même présente au sein de ces peuples. Leurs habitations permanentes étaient creusées dans les sols sur un plan circulaire similaire aux tentes. La masse de terre au dessus de l’habitation minimisant les pertes de chaleur vers l’extérieur. Pour empêcher le vent de pénétrer le bâtiment, l’entrée est basse et longue et fait face à la direction principale du vent, un système de trappe pouvant être mis en place afin de limiter encore plus les entrées d’airs. Des foyers ouverts au centre de l’habitat chauffent ces maisons ce qui implique une ouverture supérieure pour l’évacuation des fumées. Cette dernière est située au plus haut de manière à donner une forme convexe à l’ensemble empêchant au maximum le vent de s’engouffrer dans l’habitat. Une fois le feu entièrement consumé l’ouverture supérieure pouvait être recouverte par de la peau de bête si nécessaire. Lorsque l’on observe sa section, le principe de ces habitats peut facilement être rapproché à l’architecture de certains igloos inuits. Afin de se protéger du froid, des techniques équivalentes peuvent apparaître même si les matériaux et méthodes constructives utilisés ne sont pas les mêmes. Voir émerger des formes architecturales similaires répondant aux mêmes problématiques, malgré la distance géographique, est pour moi signe d’une certaine efficacité de la solution. Tous ces exemples montrent que dans le passé des peuples ont su réagir de manière appropriée à leur environnement en faisant parfois usage des énergies éoliennes, solaires ou encore thermiques. Ils étaient à la recherche d’un confort convenable afin de s’isoler au mieux de climats extrêmements froids.²
2. Klaus, D. (1998). Low Tech Light Tech High Tech, Building in the Information Age. Munich: Birkhäuser. p51
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Axonométrie d’une habitation permanente
Section d’une habitation permanente
Source : Behling, S., & Behling, S. (1996). Sol Power : Die Evolution
Source : Behling, S., & Behling, S. (1996). Sol Power : Die
der solaren Architektur. Berlin: Prestel.
Evolution der solaren Architektur. Berlin: Prestel.
Photo d’une habitation nomade Source : Behling, S., & Behling, S. (1996). Sol Power : Die Evolution der solaren Architektur. Berlin: Prestel.
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Ces différentes solutions techniques, répondant à des problèmes primaires pour un lieu de vie, sont des modèles d’enseignements d’architectures orientées vers le climat et utilisant des basses technologies. Néanmoins, cela reste des projets appartenant à une certaine époque et il est difficile de concevoir la possibilité de créer de tels projets de nos jours, ne serait-ce pour des questions de coût pour certains mais surtout du confort en résultant. Il faut par-dessus tout comprendre, grâce à ce type d’exemple, les moyens que l’on peut se donner et savoir appliquer des technologies similaires mais s’adaptant plus facilement à nos contextes économiques, politiques et sociologiques. Dans leur livre “Solar Power : The Evolution of Sustainable architecture” Sophia et Stefan Behling présentent d’autres exemples d’architectures utilisant correctement nos énergies naturelles dans le développement de nos constructions et cela jusqu’à l’ère moderne.³ De nos jours, nos architectures peuvent s’assimiler à des boîtes hermétiques et opaques qui, une fois bien isolées de l’extérieur, peuvent être contrôlées et régulées au maximum avec des machines plus complexes, dans le cas de la ventilation on ferait notamment référence aux VMC. Pourtant, il faut concevoir que ce ne sont pas forcément les manières les plus censées de faire. De nombreux paramètres sont à prendre en compte. La simplicité et les méthodes “conventionnelles” dont s’est empreint le secteur de la construction ne répondent pas forcément à tout, aussi bien que cela puisse paraître. Si hier nous construisions en bauge dans le pays de Rennes ce n’est pas que parce que cette matière première était extraite directement sur site, mais c’est aussi et surtout car nous avions déjà compris les différentes propriétés qu’avait la terre crue : elle isole correctement, a une grande inertie thermique, permet de réguler l’hygrométrie du bâtiment… Alors pourquoi se priver de nos savoirs anciens ? Les techniques traditionnelles étaient plus adaptées aux environnements dans lesquels nous construisions. Nos techniques constructives étaient alors plus raisonnées, adaptées en réponse au climat, tout cela avec des matériaux locaux, un impact environnemental moindre et des solutions techniques sobres et simples pour un confort de vie raisonnable. Soulignons qu’en occident actuellement nos exigences quant au confort ont énormément augmenté et c’est une contrainte importante pour une évolution vers une transition écologique viable. Mais, depuis l’ère industrielle jusqu’à nos jours, nombreux sont ceux qui ont remis en question nos méthodes constructives et ce savoir ancien a pu à mainte reprise émerger à nouveau, le plus souvent adapté aux questionnement et besoins d’une époque. Encore faut-il comprendre pourquoi ces méthodes ne se sont alors pas immiscée dans nos vies occidentales ?
3. Behling, S., & Behling, S. (1996). Sol Power : Die Evolution der solaren Architektur. Berlin: Prestel.
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II - À la recherche d’une autosuffisance, le Low-Tech comme expérimentation d’un nouvel habitat
Les conceptions Low-Tech viennent poser question à une grande branche de métiers et celui de l’architecte ne fait pas exception. Si concevoir soi-même est une des essences premières du mouvement Low-Tech il y a bien une remise en question de l’exercice de l’architecture au sein de ce mouvement. Un tel questionnement naissait déjà dans les années 60, pour preuve, une exposition nommée “Architecture without architects” ayant eu lieu de novembre 1964 à février 1965 au Moma de New-York mettait en avant des architectures vernaculaires. Cette exposition mise en place par Bernard Rudofsky se voulait surtout démonstrative d’une certaine richesse architecturale ancienne et surtout une forme de critique ou de contradiction à l’architecture moderne mise habituellement en avant au Moma. La publication de son livre “Architecture without architects. A Short introduction to Non-Pedigreed Architecture” a très vite suivi cette exposition, il revenait alors plus en détail sur les richesses que pouvaient nous apporter ses architectures dans leurs visions artistiques, fonctionnelles comme culturelles qui étaient alors vues comme en marge de la société occidentale. Se manifestait alors aux Etats-Unis une forme de contre-culture, poussée notamment par le mouvement des “Do It Yourself”. Un très grand nombre de collectifs se mettent en place et s’engagent dans des constructions utilisant des énergies alternatives plus propres, défiant d’une certaine manière les conceptions qui étaient alors d’actualité en occident. Leur but premier était de concevoir un espace domestique complètement autonome cela illustrant deux intentions : rompre les liens avec toutes formes de réseaux pour se débarrasser de ces symboles de dépendance mais aussi avoir la main mise sur la gestion de l’habitat, son économie domestique et surtout de donner la possibilité à l’habitant de garantir lui même ses nécessités vitales. On retrouve au sein de cette recherche de l’autosuffisance une forme de revendication anarchiste dans le milieu de l’architecture qui, suite au choc pétrolier au début des années 70, va prendre de l’ampleur. Tous les acteurs de cette contre-culture ne revendiquaient pas l’autonomie énergétique même si elle était souvent évoquée. A cette période on ne retrouvait pas la volonté d’un mouvement à part entière, on l’évoquera comme tel seulement après. Au cours de cette partie, je vais surtout m’appuyer sur des exemples qui étaient principalement en recherche d’une autosuffisance sans pour autant perdre de vue la dimension politique qu’avait de telles conceptions.¹
1. Lopez, F. (2014). Le rêve d’une déconnexion de la maison autonomme à la cité autoénergétique. Paris: Edition de la Vilette. p.157 -158
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Photo de l’exposition «Architecture without architectes» Source : Photographic Archive. The Museum of Modern Art Archives, New York. Photograph by Rolf Petersen 1964
Couverture du Livre “Architecture without architects. A Short introduction to Non-Pedigreed Architecture” (1987) B. Rudofsky
a) La recherche d’une architecture autonome avant le choc pétrolier Retournons tout d’abord fin des années 60, à cette période les EtatsUnis et le Canada allouaient des budgets importants au développement d’énergies nouvelles. Une large partie de cet argent servait à la conception d’habitats expérimentaux souvent réalisés dans des cadres universitaires. C’était notamment le cas de l’Ecol House réalisée par le groupe de recherche “Minimum Cost Housing Group” qui regroupait étudiants et architectes de Montréal autour d’un sujet : édifier un modèle d’habitation autonome à bas coût pour les pays en voie de développement. Le chantier est mis en oeuvre en 1972. L’unité est principalement faite de matériaux de récupération et une forme de recyclage des eaux par un système de distillation et de traitement des déchets est réalisé au niveau des salles de bain. L’ensemble sera estimé à 1900 dollars sans compter la mise en place d’une éolienne de 400W. Au final, il résulte de cette mise en oeuvre une architecture plus semblable à un abri de survie qu’à une maison durablement habitable et c’est souvent ce qui pourra être reproché à ces formes de conceptions. (cet échec n’empêchera pas le MCHG de faire perdurer leurs recherches autour des problèmes liés aux logements des populations pauvres).¹ Pourtant d’autres s’y sont essayés ! A la même période, Steve Baer, inventeur et pionnier des technologies d’habitat passif, avait su faire parler de son travail. Il avait conçu des maisons ‘alternatives’ inspirées des dômes géodésiques de Buckminster Fuller qu’il nommera Zome car plus irréguliers dans leurs structures mais plus aisés à construire, plus pragmatiques dans un sens et surtout plus adaptables aux habitants. Il a participé notamment à la conception de ce qui est aujourd’hui considéré comme la première commune hippie rurale Drop city, symbole d’un certain éveil écologique américain. Situé à 6km de Trinidad dans le Colorado, il construira avec cette communauté d’étudiants du Kansas un ensemble de lieux de vie constitué de 3 coupoles et de dômes logements. L’ensemble de ces bâtiments était alors réalisé en ossature bois et recouvert de tôle récupérée. Le tout était isolé par un enduit goudronné étanche et une couche de polystyrène. Son modèle constructif se développera avec le temps jusqu’à prendre la fameuse appellation Zome menant à des structures plus irrégulières. Il publiera un livre “Dome cookbook” où il partage ses méthodes de construction afin que quiconque puisse concevoir son propre zome. En 1971, Michel Pillet dira des projets de Baer dans la revue Architecture d’Aujourd’hui : “Il y a des zomes en bois, il y en a en acier, en aluminium, il y en aura en matière plastique. Certains sont couverts de contre-plaqué, d’autres sont de toutes les couleurs, couverts de tôles de voitures récupérées dans les démolitions. (...) De près, le fini de certains zomes laisse à désirer ; mais Steve a formé une équipe qui se déplace afin d’aider les constructeurs à améliorer leurs techniques d’assemblage”. Ces conceptions peuvent être qualifiées de brutes et, comme Pillet le fera remarquer, on ne comprend pas forcément au premier regard comment une telle architecture peut “tenir-debout”. Mais c’est là que la conception de Baer se révèle ingénieuse car c’est un ensemble soigneusement calculé que forme cette structure bois rigide et sous son aspect aléatoire le zome cache en réalité des calculs mathématiques bien complexes.²
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1. Lopez, F. (2014). Le rêve d’une déconnexion de la maison autonomme à la cité autoénergétique. Paris: Edition de la Vilette. p.158 - 159 et CCA. (2016, septembre 1). Is the Problem... Still the Environment? Récupéré sur cca.qc.ca 2. Contal, M.-H. (2010, mais 20). Steve Baer (Albuquerque, NM, USA) : sobriété et autosuffisance. Récupéré sur lecourrierdelarchitecte.com
Diagramme prÊsentant le processus constructif de l’Ecol House Source : Architectural Design 43 (1973): p.245
Photo de Drop-city Source : Clark Richert, The Complex, in El Moro, outside Trinidad, Colorado c. 1966
Steve Baer ne s’est pas arrêté là et dans ses autres travaux passionnés on retrouve des recherches sur les systèmes constructifs solaires. Certains dispositifs sont aujourd’hui obsolètes, en ces années 70 s’alliait plus facilement le réalisme écologique de l’époque avec l’optimisme industriel du XXe s… Et pourtant un ensemble de conceptions “LowTech” atypiques peut être tiré de ses recherches : Le “Drum-wall” est un exemple parmis tant d’autres. Il s’agit là d’un mur capteur, fabriqué à l’aide de bonbonnes métalliques remplies d’eau et peintes en noir. Toutes les bonbonnes sont couchées, alignées dans l’ossature derrière une feuille de verre qui concentre les rayons vers le bas des bonbonnes, dessinant la façade faisant face au soleil. L’eau contenue dans les bonbonnes stocke la chaleur qui peut ensuite être distribuée par radiation et convection. De nombreuses autres technologies pourraient-être citées, toutes ayant des noms très évocateurs comme ‘Beadwall’, ‘Track Racks’, ‘grills pisteurs de soleil’, ‘Sunbender’ etc…³ Aujourd’hui Baer est vu comme un des fondateurs de l’architecture bioclimatique alors que lui même ne se revendique pas comme architecte. Il continue ses recherches au sein de son entreprise la ZomeWorks Corporation où il conçoit avec ses associés des systèmes solides et techniquement accessibles par n’importe qui, en essayant d’être au maximum adapté aux tradition américaine de l’Ouest.⁴ “Zomeworks pense le futur d’une démocratie d’individus autonomes, chacun sur son territoire.” ⁵ ce qui est en soit une manière de penser plutôt d’anarchiste individualiste. Le travail qu’il a mené a permis à énormément de monde de se rendre compte de la diversité des solutions que l’on pouvait proposer pour concevoir un habitat autonome. Il ne s’est jamais éloigné de ses convictions ce qui lui a permis de rester dans l’indifférence des décideurs du monde de la construction. Dans les années 70, la presse architecturale diffusait amplement ses expérimentations et celles d’autres collectifs (MCHG notamment) et cela au-delà du territoire américain. La quête de l’habitat autonome se répandait.. En Angleterre, à Londres, des revendications anarchistes se faisaient entendre. Un collectif d’étudiants de l’Architectural Association School of Architecture (AA) nommée “Street farmers” se manifestèrent en réaction à la prééminence d’architecture high-tech aux allures futuristes comme celle que pouvait alors promouvoir Archigram. Le collectif, notamment composé de Bruce Haggart, Peter Crump et Graham Caine, a d’abord publié deux fanzines inspirés du mouvement situationniste portant le nom éponyme de “Street Farmers 1&2”(1971-1972). On y retrouvait des collages provocateurs et textes dénonçant la complicité des architectes dans le contrôle étatique et capitaliste des villes. Leurs images caricaturales mettant en exergue un langage rurale au sein de grandes villes symbole du pouvoir : “Des guerillos urbains reverdissent la ville en labourant les rues et des vaches grignotent les bâtiments, laissant place à la réintroduction de la végétation et de l’agriculture”.⁶ Ils plaidaient pour concevoir des communautés autoorganisées sur des principes anarchistes, utilisant des logements autonomes et des technologies alternatives, les libérant d’un cadre contrôlé par l’état.
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3. Zomeworks Corporation. (2020). Zomeworks Corporation : Passive Energy Products. Récupéré sur zomeworks.com 4. Wikipédia. (2019). Steve Baer. Récupéré sur wikipedia.org 5. cit. Contal, M.-H. (2010, mais 20). Steve Baer (Albuquerque, NM, USA) : sobriété et autosuffisance. Récupéré sur lecourrierdelarchitecte.com 6.cit. Lopez, F. (2014). Le rêve d’une déconnexion de la maison autonomme à la cité autoénergétique. Paris: Edition de la Vilette. p.162
Photo de la maison de Steve Baer Source : http://lecourrierdelarchitecte.com/article_109 photo prise par Jon Naar
Principe du ÂŤDrum-wallÂť Source : Solar Space Heating and Cooling, Soteris A. Kalogirou, in Solar Energy Engineering (Second Edition), 2014
Document technique de la maison de Steve Baer Source :
Denzer, A. (2013). The Solar House: Pioneering
Sustainable Design. Rizzoli.
Leurs idées ont également été mises en avant par deux programmes télévisés, l’un étant dans le cadre d’un documentaire “Open Door” et l’autre “Clearings in the Concrete Jungle” sur la BBC. Mais ce qui leur a valu leur première vrai renommée c’est la réalisation concrète de leurs idéaux en un bâtiment !⁷ Le projet de diplôme de cinquième année de Graham Caine fut l’occasion pour le collectif de réaliser une maison autosuffisante constituée de matériaux de récupération ( essentiellement bois et plastiques…). L’EcoHouse fut érigée en 1972 en tant que laboratoire expérimental vivant, le projet ayant été soutenu par un don de 2000 livres sterling d’Alvin Boyarski président de l’AA à l’époque. Le site sur lequel il fut conçu est un terrain emprunté à Thames Polytechnic, dans la banlieue Sud de Londres, pour une durée provisoire de 2 ans autorisée par la municipalité. Bien que, par son esthétique désenchantée et sa forme étrange pouvant rappeler celle d’un OVNI, le bâtiment s’attira bien des critiques des habitants voisins, il restait néanmoins un nid où florissaient énormément d’idées inventives ! Dans la maison de Graham rien n’était gaspillé, l’habitation était équipée d’un chauffe-eau solaire, d’une éolienne très basique, d’un système de récupération et de potabilisation de l’eau et d’un digesteur des déchets organiques humains servant à la production de méthane pour la cuisson. Il aimait parler de ce dernier point car le corps humain et l’énergie qu’il peut produire le fascinait, ce qui donna lieu à des croquis parfois très explicites mettant en avant le fonctionnement de la maison et le rôle de l’humain dans tout cela. Il entretenait aussi une serre hydroponique dans laquelle il faisait pousser des radis, des tomates, du tabac ou encore des bananes en partie aussi grâce aux effluents des habitants. En cas de forte sécheresse et s’il ne pleuvait pas pendant trop longtemps, la maison avait la possibilité de se connecter au réseau d’eau de la ville. Le but premier de l’Eco-House était surtout de montrer par cet exemple la possibilité d’une indépendance énergétique et alimentaire pouvant être construite à moindre frais et par n’importe qui, sans compétences particulières. Argument dont Caine faisait son fer de lance : “Si quelqu’un connaît mes compétences en charpente, ou plutôt leur absence, alors il se dira : ‘si vous l’avez construit, n’importe qui le peut!’ Je considère le projet comme relevant d’une attitude non pas romantique mais révolutionnaire, en ce sens que ce projet est à la fois un moyen de révolutionner la vie et un stimulus ; il présente une alternative réaliste au système d’exploitation de notre environnement.”⁸ Caine vivra deux ans avec sa famille dans la maison qui poussera, s’étendra au fil des expérimentations notamment avec des extensions en bambous.. La presse publiera sur le sujet, en voici quelques citations : “The House that grows”, “a new way of living” dans le London Garden News ou encore “Living off the Sun in South London” et “ A Revolutionary structure” respectivement dans The Observer et le magazine Oz. Malgré un engouement médiatique autour de la question et les résultats concluant du projet des Street Farmers, Caine n’obtiendra pas son diplôme. Il échouera à ses examens finaux faute de désaccord sur le point de vue de ce qu’est et doit être une architecture. Il n’avait présenté que le fruit de ses recherches avec des tableaux et diagrammes scientifiques, surveillant dans les 7. E. Hunt, S. (2014). The Revolutionary Urbanism of Street farm. Eco Anarchism, Architecture and Alternative Technology in the 1970s. Tangent Books. 8. cit. de Graham Caine : Lopez, F. (2014). Le rêve d’une déconnexion de la maison autonomme à la cité auto-énergétique. Paris: Edition de la Vilette. p.162
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Diagramme de l’eco-house Source : stefan szcelkun’s survival scrapbook, vol. 5: energy (Bristol, uk: unicorn Bookshop Press, 1975)
moindres détails les performances des machines interconnectées de l’EcoHouse ainsi que des croquis présentant une potentielle politique alternative envisageable selon lui, mais aucun dessin architectural. Le jury n’a pas pu pardonner l’effacement d’un “juste milieu”. Ils étaient, et cela malgré leur optimisme sur ses recherches, contre son rejet des formes conventionnelles de représentation architecturale. L’histoire de l’Eco-House soulève un paradoxe disciplinaire important. C’était devenu un laboratoire expérimental parrainé par “the Environmental Council of London” et a su susciter l’intérêt du public grâce à la presse populaire et faire ainsi naître un espoir d’une ère politique alternative et durable pour la sphère urbaine. Malgré tout, face à un manque de références architecturales aux conventions disciplinaires fondamentales, en quête d’une forme et de proportions maîtrisées avec un vocabulaire spatiale savant, elle a été rejetée et vivement critiquée par la communauté architecturale. Et pourtant, les dirigeants de l’AA ont su voir en ce projet un outil de réforme sociale propulsé par une recherche plutôt scientifique et non pas favorisant les nouvelles technologies. Caine et les Street Farmers furent soutenus par la direction de leurs écoles qui permirent à Caine de poursuivre ses expériences dans le cadre d’une recherche académique à L’AA et ce malgré son échec. Il fut même engagé comme instructeur au sein de l’école. En 1975, au grand soulagement des voisins, la maison sera tout de même démontée faute d’obtenir une autorisation municipale.⁹ 9. Kallipoliti, L. (2012, Mars). From Shit to Food: Graham Caine’s Eco-House in South London, 1972-1975. Récupéré sur researchgate.net et Kallipoliti, L. (2018). The Architecture of Closed Worlds. Or, What Is the Power of Shit? Storefront for Art and Architecture. (Utilisé sur l’ensemble du texte traitant de l’Eco House)
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Couverture de Street Farmers 1 Source : E. Hunt, S. (2014). The Revolutionary Urbanism of Street farm. Eco Anarchism, Architecture and Alternative Technology in the 1970s. Tangent Books.
Concept visuel non-publié réalisé pour le documentaire “Clearings in a Concrete Jungle,” 1973 Source : Kallipoliti, L. (2012, Mars). From Shit to Food: Graham Caine’s Eco-House in South London, 1972-1975
Collage additionnel de Street Farmers 2 (jamais publié) présentant divers documents relatif à l’eco-house Source : Kallipoliti, L. (2012, Mars). From Shit to Food: Graham Caine’s Eco-House in South London, 1972-1975
b) L’habitation déconnectée ou les contradictions d’un monde moderne En 1973, suite au premier grand choc pétrolier auquel fera face le monde, le mouvement de l’autosuffisance sera encore plus grand voir même encouragé par des figures politiques voyant en ces technologies appropriées une solutions pour les pays émergents et qui sait peut-être plus ? Mais une cause en entraînant une autre, très vite des mouvements libéraux contre l’idée d’un pouvoir étatique, à l’image de la pensée de Graham Caine, vont se manifester et cela dans de nombreux pays occidentaux. Cette nouvelle vague d’anarchistes ne revendique pas tant une architecture sans architectes plus qu’une architecture sans capitalistes. Se libérer des connexions aux réseaux et créer un habitat indépendant est pour eux une phase essentielle pour se passer d’un monde régi par le pouvoir. Ils pointent du doigt une instrumentalisation de notre mode d’habiter et de construire qui est selon eux plus rattaché à un pouvoir étatique qu’à une volonté individuelle. La conception d’un habitat Low-Tech n’est alors pas qu’une démarche écologique mais surtout une revendication d’émancipation individuelle. Ce constat étant fait, les recherches, écrits et conceptions recherchant une autonomie énergétique n’étant pas supervisés par un état était souvent mal vu ou interprété directement comme anarchiste.¹ En France Michel Rossel, architecte et urbaniste, fut l’une des figures de cette contre-culture et le fruit d’une de ses recherches sollicitera de nombreux débats. Début des années 70, alors étudiant à l’unité pédagogique d’architecture n°6 de Paris (Actuelle Paris La-Villette), il apprendra l’existence des revendications et mouvements architecturaux DIY et il suivra des cours où l’autonomie énergétique sera étudiée. Dans le cadre de cette pratique pédagogique, il écrira son mémoire “Mémoire de la lutte de classes à la maison autonome espace du désir”, préparé de 1970 à 1975. Ce dernier se heurtera à de grandes polémiques, étant vu comme un “brûlot situationniste” allant à l’exact opposé de ce que l’on attendait d’un mémoire de fin d’études à l’époque. On retrouve dans ce mémoire 3 parties composées de collages de textes, de tracts et d’analyse de projets. La première partie est une critique de la dépendance des architectes auprès du pouvoir bancaire et de la technocratie, considérant l’architecture de son époque comme réductrice d’une pratique sociale et évoquant la nécessité d’un changement de perspective. Les deux autres parties sont des études expérimentales mettant en avant la possibilité d’un dépassement de ces problématiques : la première étant l’étude du Bourdigou, un village de vacances autonome et auto construit par ses habitants qui finira détruit et la seconde son projet de diplôme, une maison autonome qui deviendra avec le temps le projet concret de “la grange aux ardents”. Le discours inspiré, le rythme et la provocation de ce texte ne plaira pas à tous ses lecteurs et une forme de censure se confrontera à ce mémoire, touchant majoritairement au titre et à la couverture de ce dernier. La couverture illustrée d’une photo à Barcelone de juillet 1936 mettant en avant “le prolétariat en armes contre le putsch de Franco” et d’une seconde illustration, un dessin représentant deux corps entrelacés intitulé “Vague d’herbe sur l’espace du désir”. Le 10 décembre 1975, le ministère de la culture adresse une lettre au directeur de l’UP6 demandant une reformulation du titre et modification de la couverture sous-peine d’annulation de soutenance. Le titre du mémoire deviendra “Recherche pour une maison aux sources d’énergies autonomes intégrée dans son milieu écologique” mais, en réaction à la polémique, Rossel
40.
1. Lopez, F. (2014). Le rêve d’une déconnexion de la maison autonomme à la cité autoénergétique. Paris: Edition de la Vilette. p.165
appliquera ce changement de titre en transparence à la couverture originale à laquelle il joindra le message suivant : «À propos d’un titre de mémoire censuré. Le ministère m’a demandé de changer le titre de mon mémoire car incompréhensible. Il va de soi que la poésie n’est pas comprise par le pouvoir, ou le pouvoir comprend trop la poésie explicite qui le nie. [...] Le titre poétique inspirant de deux tabous bourgeois : la lutte de classe plus le sexe. L’architecture érogène n’a pas de place à l’Université. Mais n’ayant pas de temps à perdre actuellement avec des névropathes, pour engager une lutte à ce niveau avec la masse des diverses individualités qui ne partagent pas les vues du pouvoir à UP6, je me permets de traiter par l’humour d’une couverture transparente cet acte arbitraire du pouvoir “libéral”»
Photo de la Grange aux Ardents
Coupe de la Grange aux Ardents
Source : https://www.archilibre.org/inspiration/grange/ardents.html
Source : Lopez, F. (2014). Le rêve d’une déconnexion de la maison autonomme à la cité auto-énergétique. Paris: Edition de la Vilette. p.188
Couverture du Mémoire de Michel Rosell avant et après modification Source : Lopez, F. (2014). Le rêve d’une déconnexion de la maison autonomme à la cité auto-énergétique. Paris: Edition de la Vilette. p.185
Il pourra finalement passer sa soutenance et obtenir son diplôme. Malgré son ton provocateur et la polémique engendrée ce sont de réels problématiques et questionnements qui étaient soulevés dans son mémoire. La remise en question du pouvoir et du rôle de l’architecte dans celui-ci amène la question de l’autosuffisance et de l’autoconstruction, problématique qui à ce jour ne peuvent être disjoints de questionnements politiques. Ce mémoire et les polémiques qu’il a engendré illustre bien la réaction des institutions ( ici françaises) quand de tels sujets sont abordés. Ces thèmes, car importants et omniprésents dans la culture architecturale, seront malgré tout traités dans le futur par de nombreuses autres personnes comme Yona Friedman, architecte théoricien et sociologue français dont les études et écrits ont fait l’objet de nombreuses expositions artistiques.² Mais là où le mouvement sera de plus grande ampleur reste aux Etats-Unis où, suite au grand choc pétrolier, de nombreux questionnements se dessinent quant-à l’incertitude d’une production continue et donc d’une sécurité continue. Les acteurs de cette recherche ne veulent plus se cantonner à concevoir des maisons en périphérie des villes ou dans des espaces ruraux mais directement dans nos urbanités. Des groupes comme l’emblématique Institute Farallones prône cette nouvelle manière de faire car cette insécurité concerne tout le monde, ils diront : “Que ferez-vous quand une grève des transports obligera votre épicerie à fermer, quand il n’y aura plus d’essence à la station service du coin, plus de gaz naturel dans les tuyaux pour le four ou le chauffage, et ainsi de suite? Que ferez vous quand les prix de la nourriture, de l’essence, de l’électricité et du gaz naturel augmenteront et quand l’eau deviendra rare?”³ Questionnement toujours d’actualité par ailleurs. Mais le Farallones Institute émet des doutes vis à vis de l’autonomie totale, tout d’abord car selon eux ce n’est pas la solution à la crise environnementale, même si elle était soutenable elle est trop difficile sans remettre en question nos besoins. De plus, ils préfèrent rester électriquement reliés aux réseaux afin d’éviter une trop grande tension avec les municipalités, les conflits étant presque systématiques concernant le poids des normes énergétiques. Ce dernier point étant d’autant plus vrai dans les zones urbaines, la polémique provoquée par l’Energy Task Force à New-York dans les années 70 illustrant parfaitement cela. Les propriétaires d’un immeuble du quartier Lower East Side fondèrent une coopérative afin de mettre en place une rénovation énergétique dont le but premier est l’autonomie. Ils engageront une installation de trentes panneaux solaires pouvant assurer 85% des besoins de chauffage du bâtiment, ainsi qu’une éolienne, qui délivre une puissance moyenne de 2 kilowatts, fonctionnant avec le réseau électrique public et dont les surplus partiraient dans les lignes de la ville. Ce projet fut initialement subventionné de 40 000 dollars par l’administration publiques de Washington mais les compagnies électriques protestèrent aussitôt prétendant la possibilité que ce nouveau système perturbe le bon fonctionnement du réseau créant des dérèglements techniques. Très vite la presse s’empare du scandale en prenant le partie des habitants : “[...] Le surplus repart dans les réseaux de la ville, inversant ainsi les chiffres de leur compteur et réduisant les factures mensuelles. Mais la compagnie d’électricité de New-York, la Consolidated Edison Company, les menaces
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2. Lopez, F. (2014). Le rêve d’une déconnexion de la maison autonomme à la cité autoénergétique. Paris: Edition de la Vilette. p.183-187 (utilisé pour l’ensemble du passage sur le mémoire de Rosell) 3. Olkowski, H. (1978). The Integral Urban House : Self Reliant living in the city. San Francisco (CA): Ierra Club/Farallones Institute. p.4
de déconnexion. Ramsey Clark, ancien procureur générale des Etats-Unis et partisan de la législation sur les droits civils, défend cette communauté du Lower East Side.”⁴ Des partisans des énergies alternatives, qu’ils soient des groupements de citoyens, des journalistes ou encore des personnalités politiques, s’accaparèrent à leurs tours le débat. Certains criant haut et fort que la compagnie électrique mentirait délibérément afin d’éviter toute concurrence et la banalisation d’un tel système pouvant les rendre dispensable, appuyant leur argumentaire sur les dires d’ingénieurs indépendants et de l’ETF. D’autres comme le journaliste Gerry Foley, les taxant de “babas-cools des classes moyennes” jouant les débrouillards mais qui abandonneront aux premières complications, trouvant en leurs discours une éthique sociale douteuse éloignée des réalités du monde. Mais là où tout le monde pouvait se mettre d’accord, c’est que ce combat, s’il est remporté par la population du Lower East Side, deviendrait un cas juridique majeur reconnaissant la possibilité d’un pluralisme de production électrique. L’ETF malgré les représailles continuera son offensive et entreprendra d’équiper trois autres bâtiments sur 11th Street et un autre plus grand encore dans le Sud du Bronx. Le service du logement et de l’urbanisme de New-York leur attribuera 30 000 dollars supplémentaires pour l’installation de 12 000 m² de collecteurs solaires à destination de 28 appartements. La compagnie électrique n’avait pas l’intention de céder à leurs attentes et de perdre le contrôle sur la production. Finalement, face aux trop fortes pressions exercées sur le groupement, l’immeuble sera rebranché sur le secteur dominant.
Photographie de l’installation de capteurs solaires sur le toit du 519 11th Street prise par Jon Naar Source : Lopez, F. (2014). Le rêve d’une déconnexion de la maison autonomme à la cité auto-énergétique. Paris: Edition de la Vilette. p.170
4. Van Buren, A. (1977 ). Urban homesteading. Architectural Design vol.47 n°4, p.244.
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Cet exemple est des plus révélateurs des contradictions et hésitations sur le sujet de l’autonomie énergétique. D’un côté, on retrouve ceux contre, ici la compagnie électrique principalement, se rendant compte du bouleversement que cela pourrait engendrer au niveau de notre mode de fonctionnement actuel, la peur de ce renouveau et de la perte que cela pourrait leur causer. De l’autre côté, ceux qui sont pour, ici une partie de la population mais surtout une partie des institutions, mais malgré toute leur bonne volonté ils se font rattraper par les contraintes inhérentes à la problématique, au site et aux différents acteurs de la société. En ressort une contradiction plus que forte : une société privée, travaillant avec l’état, menace un groupement d’individus menant des expérimentations touchant à leurs domaine dont ils avaient jusqu’alors le monopole, expérimentations pourtant soutenues et financées par l’état.⁵ Beaucoup des réalisations convoquées jusqu’ici furent bloquées dans leurs courses par des municipalités, des collectivités territoriales ou encore des entreprises privées et souvent plus rapidement lorsqu’ils étaient en zone urbanisée. Cette contrainte et cette insécurité qu’apportent les villes à ces projets permettent tout de même une médiatisation de leurs revendications et une mise en avant des problématiques environnementales auprès d’un plus large public. Dans le cas précis que nous venons d’aborder : les fonds libérés par l’état, afin d’aider la population du Lower East Side, ont participé à la promotion du marché des énergies renouvelables et la compétitivité entre les secteurs. En ville, les démarches de constructions autonomes/autosuffisantes font face à des problèmes de mises aux normes plus strictes, de raccordement aux réseaux presque systématiquement obligatoire, de conflits de voisinages… Ces complications font partie que mène la contre-culture et certains savent s’en servir à leur avantage. On comprendra tout de même le retranchement de beaucoup de projets en zone rurale où plus de libertés sont permises. ( absence d’infrastructure, peu de voisinage…) Cependant ces derniers furent vivement critiqués par certaines figurent politiques et architecturales soulignant la contradiction de projets autonomes au milieu de nulle part. “L’environnement est trop important pour être laissé aux architectes ou aux écologistes[...]La culture environnementale dans la discipline architecturale n’est pas aussi forte qu’elle devrait l’être[...]Vous savez, il est inutile de construire une maison zéro émission si vous avez besoin d’une voiture pour quitter la maison et aller travailler.”⁶ Ce furent les mots de Mirko Zardani (Architecte, théoricien, professeur et directeur du centre de l’architecture canadienne) suite à une exposition mettant en exergue le projet de maison autonome “The Ark Bioshelters” conçu par David Bergmark and Ole Hammarlund qui était situé sur l’île du prince Edward. Malgré son accord sur la cause, il est réfractaire à la mise en oeuvre d’un tel projet isolé. Je pense qu’aujourd’hui sur la question écologique de tels débats ont toujours lieu quant à la pertinence de petites actions, de petits groupements, de petites constructions isolées qui peuvent paraître anecdotiques face à la gigantesque industrie qu’est notre société occidentale. Mais, pour ma part, je pense qu’il est idiot de pointer du doigt ceux qui essayent de faire changer les choses ne serait-ce qu’à leur échelle. C’est peut-être idéaliste de croire que plusieurs petites actions peuvent avoir un très grand impact, mais c’est bien grâce à ces dernières que l’écologie et l’environnement sont aujourd’hui un minimum “pris en compte” par nos institutions.
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5. Lopez, F. (2014). Le rêve d’une déconnexion de la maison autonomme à la cité autoénergétique. Paris: Edition de la Vilette. p.168-173 (utilisé pour l’ensemble du passage sur l’Energy Task Force) 6. Bozikovic, A. (2017, novembre 12). Looking to Canada’s past in hopes of a greener architectural future. Récupéré sur theglobeandmail.com
Coupe perspective de the Ark of Prince Edward Island (1976) Source : Bozikovic, A. (2017, novembre 12). Looking to Canada’s past in hopes of a greener architectural future. Récupéré sur theglobeandmail.com
Photographie de the Ark of Prince Edward Island (1976) Source : Bozikovic, A. (2017, novembre 12). Looking to Canada’s past in hopes of a greener architectural future. Récupéré sur theglobeandmail.com
c) L’autonomie au service de l’industrie ? A cette époque, le milieu de l’architecture était très critique envers ceux qui revendiquaient une architecture sans architectes. Pourtant symbolique incarnation de technologies en devenir, les constructions autosuffisantes ne firent pas exception à la règle. Le monde académique n’est que peu charmé voir se moque de ces réalisations, y voyant un paupérisme architectural, un retour en arrière ou des semi-technologies. Reyner Banhan (auteur et critique architectural) comparera ces systèmes de gestion énergétique à des vaisseaux / des satellites auxquels on aurait retiré l’efficacité technologique. Selon lui, le poids des techniques employées et les efforts que les habitants devraient mobiliser constituraient un trop grand retour en arrière et une domesticité contrainte.¹ Pourtant, ces réintérprétations sauvages de techniques de pointes et cette nouvelle “vie moderne” en marge de notre société avait beaucoup à apporter et nombreux sont ceux qui l’avait réalisé en ce temps. En fait, la profession architecturale fut invitée, dès la publication du rapport de Rome (Les limites de la croissance, 1972) et suite à la conférence de Stockholm sur l’environnement (1972), à réfléchir à la question environnementale et aux conséquences que cela aurait dans le monde de la construction. Très peu de grandes figures de l’architecture avaient jusqu’alors travaillé sur la question, si ce n’est Richard Buckminster Fuller ou encore Yona Friedman même si aucun des deux n’a réalisé de structure réellement autosuffisante. Personne n’avait jusqu’alors été l’étendard réconciliant profession architecturale et constructions autosuffisantes marginales. L’Autonomous Housing Project (AHP) dévoilé lors du Royal Institute of British Architects (Riba) de 1972* a presque réussi ce pari. Alexander Pike et John Frazer entreprirent la réalisation de cette maison autonome et autosuffisante à la pointe des techniques modernes, allant à l’opposé des réflexions de leurs prédécesseurs réfractaires à cette idée, recherchant autant la technicité que la déconnexion aux réseaux. Leur proposition était la suivante, l’AHP est “Un logement-type qui peut fonctionner sans aucun branchement. Mais l’argument n’est pas un retour à une “vie simple” ou archaïque. Nous défendons une autonomie très sophistiquée, comme l’a laissé entendre le titre de notre intervention “Société simple et techniques complexes”. Nous devons utiliser toutes nos connaissances technologiques pour accroître l’efficacité dans l’utilisation des matériaux et énergies alternatives.”² Leur projet arrive en amont de la prise de conscience collective et en plus d’être précurseur il est soutenu par les institutions et les industriels. Une quantité de documents techniques, expliquant leur démarche et le fonctionnement de la maison, sera produit afin de rendre leur discours non seulement avant-gardiste mais le plus crédible possible. *Le thème était “Designing for survival : architects and the environnmental crisis” 1. Reynher, B. (1969). L’architecture de l’environnement tempérée. 2. Pike, A., & Frazer, J. (Septembre 1972). Simple societes and complex technologies. Riba Journal, 377-378.
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Leurs objectifs sont précis et cadrés par une recherche en ingénierie civile prévoyant un calendrier s’étalant sur 9 ans en 3 grandes étapes ( le Science Research Council leur permettant d’obtenir des subventions de l’état : 207 800 livres sterling exactement) : - Constituer une base théorique et critique pour soutenir l’autonomie et les services énergétiques ainsi que la validité économique potentielle d’une telle habitation; c’est la phase d’étude - Concevoir l’habitat utilisant ses technologies étudiées au préalable qui soit industrialisable, performant et confortable. Concevoir des documents de présentation clairs, une maquette d’étude volumétrique et esthétique. Développer les équipements nécessaires pour construire et tester un prototype de maison autonome à l’échelle 1 (prévu pour 1975) - Une fois l’habitation test opérationnelle une famille s’y installera pour 2 ans afin de familiariser le public à l’idée de maison autonome ( prévu pour 1978). En parallèle, l’équipe s’occupera de la commercialisation du produit fini et évaluera le prix au regard des coûts de production de la marge à se faire, bref trouver le bon modèle économique... L’objectif est clair : créer la maison autonome parfaite, construite en série et rentable ! Alexander Pike porte un intérêt éminent à l’architecture produite en série, ayant notamment étudié l’effort de reconstruction d’après guerre et écrit un mémoire de fin d’études sur le logement préfabriqué en 1956. Pour Pike, les contraintes économiques et organisationnelles nécessite que la conception, la production, le transport et la construction soient réfléchis comme plusieurs éléments d’un seul même processus. Il lui paraît donc naturel de passer par de la préfabrication. Il garde néanmoins un regard critique sur les prises de décisions des industries et urbanistes quant à la réalisation de quartiers des périphéries de grandes villes, comme Londres. Pour réaliser l’AHP, ils observeront et piocheront certaines de leurs idées dans les expérimentations de la contre-culture américaine sans pour autant y adhérer. Il est nécessaire selon eux de revoir le confort domestique qu’avait à proposer ces modèles et Pike est persuadé que “Un certain nombre d’innovation techniques pourraient améliorer les possibilités de l’habitation autonome si elles étaient mises au point, fabriquées en série et commercialisées. Tel est le cas de deux systèmes déjà exploités dans les programmes de recherches spatiales.”³ Il fait alors référence aux piles à combustibles et aux panneaux photovoltaïques qui était originellement des produits issus de l’industrie aérospatiale qui n’étaient, au début des années 70, pas abordables d’autant plus pour un simple projet de maison individuelle. La question de l’échelle du projet se posait au départ mais l’équipe a préféré se pencher sur de l’individuel car c’est plus abordable pour une première expérimentation, que la production en série pourrait généralisé un système et que seulement ensuite se poserait la question d’une plus grande échelle (celle d’un quartier ou d’une ville?). Ils avaient alors de grandes ambitions pour leur projet. Le système de la maison utilisera un panel large de sources renouvelables afin d’effectuer le plus de combinaisons possibles. Seront employés l’énergie solaire (eau chaude sanitaire, utilisation de serre pour les échanges thermique ), l’éolien (électricité, ventilation naturelle), la 3. Pike, A. (1973). L’habitation Autonome. Le moniteur des travaux publics et du bâtiment n°13 , p.99-104.
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Photographie d’Alexander Pike devant la maquette de l’Autonomous Housing Project (1973) Source : Lopez, F. (2011). L’utopie énergétique d’Alexander Pike. Récupéré sur archives-ouvertes.fr
Diagramme du système intégré de l’Automous Housing Project Source : Lopez, F. (2014). Le rêve d’une déconnexion de la maison autonomme à la cité auto-énergétique. Paris: Edition de la Vilette. p.203
Coupe de l’Autonomous Housing Project (1974) Source : Lopez, F. (2011). L’utopie énergétique d’Alexander Pike. Récupéré sur archives-ouvertes.fr
Plan du RDC et du R+1 de l’Autonomous Housing Project (1974) Source : Lopez, F. (2011). L’utopie énergétique d’Alexander Pike. Récupéré sur archives-ouvertes.fr
géothermie (chauffage), la récupération des eaux et sa purification (collecteur d’eau, Filtre électrique, phytoépuration…)et la méthanisation ( Principe de Digesteur, permet de produire des gazs pour cuisiner et de l’électricité... ). La multiplicité des techniques peut paraître étonnante surtout avec des technologies permettant un rendement bien supérieur aux projets qu’on a pu analyser jusqu’alors. Dans ces derniers, cette multiplicité peut se justifier même si elle n’est pas systématique (Cf. Baer’s House ou The Eco-House). Ici la raison à cela, c’est avant tout la volonté de concevoir un modèle d’une maison autosuffisante pour tous types de climats. L’équipe était très enthousiaste à cette idée, à l’échelle mondiale il y avait une absence globale de réseaux, et pour eux un tel projet rendait possible une stratégie de services alternatifs et adaptables. Créer une maison indépendante des réseaux pouvant s’installer n’importe où, c’est une grande innovation pour eux. En 1971, Pike aura le rôle de conseiller aux Nations Unies pour un programme de construction d’urgence au Pérou, cela le confortera dans sa conviction que l’autonomie énergétique était vouée à un grand avenir dans les pays pauvres et émergents où les infrastructures étaient quasiment inexistantes. L’équipe adoptera une forme simple pour le bâtiment se méfiant de l’expressionnisme high-tech qui, pour eux, peut très vite faire daté. L’objet final sera un cube incliné, semblable à la forme d’une tente romaine, dont la moitié de l’espace au sol sera occupée par une serre en double hauteur de 35 m² et, l’autre moitié, l’habitat sur 2 étages cumulant 70m². Le toit sera surmonté d’une très grande éolienne à l’allure d’une antenne futuriste ancrée dans le milieu du faîtage. La maquette conçue en 1973 les confortera dans l’idée et le fonctionnalisme de la forme. Le projet aura un succès médiatique international ! Le premier article vantant les mérites de l’AHP sera rédigé par Popular Science en août 1973, s’en suivra une diffusion massive. En septembre 1973, des publications, expositions et conférences se multiplient pour l’équipe du projet, mettant en avant le principe de l’autosuffisance et la réalisation concrète qu’ils avaient apporté. Leur succè s’exporte au Japon, en Yougoslavie même ! Des titres d’articles comme “The house of the future”, “The house built on science” ou encore “the decentralized unit” pullulent dans la presse anglo-saxonne. Le projet devient la référence concrète de l’autonomie énergétique des années 70. La BBC consacrera un reportage entier sur le sujet, intitulé “Toward the Autonomous House”. Des architectes comme Foster, Rogers ou encore Pidgeon témoigneront de leur soutien au projet et salueront les efforts fournis par l’équipe. Pourtant certains politiques et architectes verront en ce projet une volonté d’autogouvernementalité cachée sous une belle présentation. Suite à des écrits décrivant leur projet différemment de leur vision, Pike prendra plus de précautions dans ce qu’il livrera aux médias : “Nous ne sommes pas des écolos, nous essayons d’établir une base théorique avant de lancer la phase constructive.”⁴ Pike fera changer le nom du projet de Autonomous Housing Project à Autarkic Housing Project (maison autarcique). Il expliquera que selon lui le terme autonome serait trop connoté, renvoyant à des notions anarchistes, des sociétés autonomes, hors ce ne serait pas son but. Il recherche avant tout l’autonomie technique et non pas administrative. Il ne cherche pas à se détacher de l’état comme ont pu le faire les acteurs de la contre-culture avant lui. John Frazer ne sera pas de son avis. Sa vision se détachant de celle de Pike qui n’aurait pas le courage politique de
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4. London Evening Standart. (15 Mars 1974). House of the Future.
revendiquer leur vision première. Pike aurait, au cours de leurs recherches, rendu le projet trop conventionnel et institutionnalisé la cause à tort dans le simple et unique but de mieux le vendre. Le manque de radicalité politique et la vision trop pécuniaire de Pike poussera Frazer à quitter ce projet devenu trop conformiste. D’un projet progressiste et avancé technologiquement, l’AHP deviendra très vite caduque en plus de perdre un de ses acteurs principaux. Les responsables sont les mêmes que d’habitude et, même en industrialisant la cause, faire émerger les technologies alternatives fut une tâche difficile. On demandera à Pike de revoir ses ambitions à la baisse ce qu’il refusera jusqu’à la fin. Le projet sera définitivement abandonné en 1978 où la subvention ne sera pas renouvelée, Alexander Pike défendra ses idées et tentera de faire réémerger son projet jusqu’en mars 1979, où il mourra soudainement d’une embolie cérébrale à l’âge 55 ans.⁵ On retiendra de ce projet des ambitions très grandes et la volonté d’adapter l’autosuffisance architecturale aux exigences d’un monde occidental industriel. L’ensemble reste plus que critiquable et surtout irraisonné dans ses ambitions. Engager un tel projet suite au regard et surtout en conséquence de la publication du rapport de Rome paraît inconcevable. Industrialiser un procédé c’est déjà à l’encontre de ce qui est dénoncé dans ce rapport. Vendre des équipements “ultra-modernes”, une maison pouvant faire tourner des “téléviseurs et ordinateurs dernier cri” c’est surtout ne pas comprendre ce pourquoi il faut concevoir des maisons autosuffisantes. Vouloir concevoir un bâtiment adapté à tous types de climats est aussi selon moi preuve d’ineptie, une architecture doit savoir prendre en compte son contexte et son concepteur doit faire en fonction de ce dernier. Il est futile de vouloir créer un bâtiment adapté à tous les milieux, surtout si cela signifie incorporer des dispositifs inutilisables dans certains environnements, comme ils ont pu le faire. Frazer a très sûrement compris la futilité de leur travail, d’où son départ. Pike quant à lui est devenu au cours de ce projet un homme d’affaire cherchant la technique avant tout et évitant au maximum les controverses politiques que portait l’AHP malgré lui.
5. Lopez, F. (2011). L’utopie énergétique d’Alexander Pike. Récupéré sur archives-ouvertes.fr et Lopez, F. (2014). Le rêve d’une déconnexion de la maison autonomme à la cité autoénergétique. Paris: Edition de la Vilette. (utilisé pour l’ensemble des recherches sur the Autonomous Housing Project et Pike)
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III - Low-Tech et écologie, la remise en question d’un mode d’action
A l’ère de l’information, il est plus que temps de trouver des solutions aux enjeux environnementaux, et fermer les yeux lorsque certains tentent de nous les apporter ne fera pas avancer la cause. Nombreux sont ceux qui, comme dans les années 70, mettent en place de nouveaux modes d’habiter, de nouveaux types de constructions et cela en partie au travers du Low-Tech. C’est d’ailleurs dans la dernière décennie qu’on a vu réémerger ce terme et la mise en avant de ces basses technologies. De plus, comme on a pu l’évoquer, on observe un retour de techniques traditionnelles “vernaculaires” et leur emploie dans des bâtiments contemporains. Dans le “Manifeste pour une frugalité heureuse”, écrit en janvier 2018, Alain Bornarel, Dominique Gauzin-Müller et Philippe Madec mettent en garde les professionnels du bâtiment sur la responsabilité de leurs choix futurs. Ils préconisent une frugalité de l’énergie, notamment par la démachinisation des techniques, une frugalité en matière, préférant les matériaux biosourcés aux exploits du béton et de l’acier, ainsi qu’une frugalité en technicité, préconisant l’utilisation de la technologie là où elle est pertinente sans la globaliser préférant une approche Low-Tech.¹ Le milieu de la construction et les architectes prennent conscience petit à petit de leur rôle à jouer dans la transition écologique bien que certains y restent hermétiques. Beaucoup d’initiatives se mettent en place et ce audelà des simples préconisations gouvernementales. Dans cette partie, nous aborderons des initiatives architecturales écologiques contemporaines ainsi que le rôle et l’emploi des Low-Techs dans notre société moderne. Elle permettra aussi d’amener un regard critique sur l’affiliation écologique de certains projets actuels, légitimant parfois des choses finalement inadéquates voir déraisonnées dans l’ensemble.
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1. Bornarel , A., Gauzin-Müller, D., & Madec, P. (2018, janvier 18). Manifeste pour une Frugalité Heureuse & Créative. Récupéré sur frugalite.org
a) Les laboratoires Low-Tech ou la relève d’une recherche expérimentale Les expérimentations concernant l’autonomie et l’auto-construction ont su se faire leur place au XXIe siècle. Des interprétations modernes et analyses des méthodes issues de la contre-culture des années 70 s’opèrent, mais la nouvelle génération ne se reposera pas simplement sur ces connaissances et ces acquis. De nouvelles méthodes et techniques se mettent au point. Parfois des communautés entières, à l’image de Drop city, acquièrent un territoire et s’y installent sur de longues durées afin d’expérimenter leurs techniques tout comme leurs idéaux politiques. C’est le cas de nombreuses structures récentes sous forme “d’éco-lieu”, comme le projet Eotopia en France¹, mais nous parlerons ici plutôt du projet expérimental du “Groupe de recherches écologiques de La Baie”, autrement appelé GREB. Le GREB est un laboratoire de recherche québécois fondé en 1990 dont la recherche “s’effectue avec une forte préoccupation pour une occupation et un développement rationnels du territoire. Les trois axes d’intervention du GREB sont les suivants : recherche, expérimentation, éducation et action civique.”² Ce groupe de recherches, formé par Patrick Déry et Pierre Gilbert, a installé un éco-hameau près de la ville de Saguenay au québec, dans le proche Moyen-Nord (bien que le GREB ne se résume pas qu’à cela). Ce nouvel environnement sert autant de lieu d’expérience et d’application de leurs recherches mais aussi d’expérimentation de leur projet de société. Leurs recherches sont axées sur des solutions concrètes aux problèmes environnementaux, économiques et sociaux. Le plus souvent touchant directement à leurs modes de vie (adaptation sociale aux problèmes) expliquant la volonté de s’impliquer eux et leurs familles dans l’expérimentation. Il s’agit plus que de simples recherches d’aspects techniques ou technologiques car ils implantent des principes et valeurs à leurs projet : “développement durable; • écologie; • progrès social et scientifique; • non-violence et recherche de la paix; • éducation; • équité, répartition de la richesse et justice sociale; • approche intégrée des problèmes et des solutions; • développement sur le long terme; • démocratie et droits de la personne; • beauté et harmonie des paysages et du cadre bâti...”³ Ils ont des valeurs proches du communisme, auxquelles ils adjoignent des notions plus écologiques. L’écohameau, conçu dans le respect de son environnement, a sa propre organisation interne et sa propre économie. Le lieu comportant aujourd’hui six maisons, auxquelles se joindront neuf autres d’ici peu, ainsi qu’une ferme écologique comprenant des serres, un bâtiment d’accueil, une grange-étable, un grand hangar et des entrepôts divers.. Chaque unité bâtie doit respecter un plan d’aménagement mis en place par le GREB encadrant notamment l’implantation et l’aménagement des constructions, le tout afin de garantir une mise en oeuvre d’architecture solaire passive et de matériaux naturels, en plus d’une harmonisation architecturale. Le but premier de cette communauté est de prouver la possibilité et la pérennité d’un mode de vie hors d’un système basé sur la croissance et l’économie : “Il est clair pour nous que le seul point de vue économique n’est pas viable à moyen et long terme car, généralement, les conséquences sont reportées sur les générations futures. Aussi, les 1. Eotopia. (2020). Un espace expérimental orienté vers une économie axée sur le don inconditionnel et le respect du vivant. Récupéré sur eotopia.org 2. Greb. (2019). Le GREB. Récupéré sur greb.ca 3. Greb. (2009, juin 14). Le projet de société du GREB. Récupéré sur greb.ca
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solutions «toutes technologiques» ne garantissent pas non plus la viabilité à long terme de nos sociétés, si nos habitudes de vie et nos structures de fonctionnement ne sont pas repensées en profondeur.” Plus concrètement ce qu’a pu faire le GREB jusqu’à aujourd’hui c’est : - Produire des recherches scientifiques afin de : 1- tester des habitats passifs et partiellement autosuffisants et auto-construits avec des matériaux “biosourcés” 2-concevoir de nouvelles formes de culture, des alternatives à l’agriculture conventionnelle.. - Produire des publications de leurs recherches, des articles et présentations en accès libre sur internet. Bien qu’ils recherchent une plus large diffusion (ce qui est aujourd’hui complexe car ils s’autofinancent) Actuellement leurs projets en cours sont : les tests des principes de serres solaires autonomes ou adossées à un bâtiment, des panneaux et murs solaires thermiques, ainsi que la réalisation d’une ferme pouvant fonctionner après l’épuisement du pétrole. Dans leurs inspirations, ils citeront le New Alchemy Institute, porté notamment par Sean WellesleyMiller and Day Chahroudi et leur principe de Bioshelters que j’ai déjà pu mentionner. On peut d’ailleurs facilement assimiler leur ”ferme pour l’après pétrole” à ces Bioshelters car tous deux engagent une autosuffisance alimentaire et conçoivent des espaces de culture liés directement aux lieux de vie commune formant un ensemble, ne pouvant être distingués.⁴ Mais leur réalisation qui a fait leur principale renommée jusqu’à aujourd’hui c’est une construction en ballots de paille plus couramment appelée la technique du GREB. Cette technique inspirée des constructions paille traditionnelles, a été mise au point dans les années 90 par Patrick Déry et Martin Simard. Cette technique constructive offre les avantages d’une construction en paille classique ( confort thermique/acoustique, durabilité, régulation de l’hygrométrie, matière biodégradable…) en y apportant une plus grande flexibilité, plus de solidité, une facilité d’exécution et coût de réalisation réduit. Tous ces apports sont réalisables grâce à un assemblage bois simple et léger en double ossature avec des sections de bois réduites et une mise en place de la paille sous forme de ballots au sein desquels on vient couler, après coffrage, un mortier composé de sable, de sciures de bois, de chaux aérienne et parfois de ciment. La mise en place se décrit comme il suit : ‘‘- Pose des rangs de paille ; - Pose des brides métalliques ; - Pose des clous ; - Préparation des coffrages ; - Pose des coffrages ; - Coulage du mortier ; - Recommencer à 1 autant de fois que nécessaire ; - Nettoyage et finition.’’⁵ Les murs en GREB peuvent s’adapter à tous types de projets comme des maisons à étages ou même des murs courbes. Aujourd’hui, cette méthode s’est largement répandue dans le reste du monde et est une des techniques constructives les plus connues les plus appliquées pour ce qui de la construction en paille contemporaine. De nombreuses structures tentent de démocratiser son utilisation aujourd’hui comme le “Réseau Français de la Construction Paille” ou encore l’association “Approchepaille”. La mise en avant de cette technique constructive a su mettre en lumière les recherches architecturales et scientifiques innovantes de ce groupe de recherche indépendant tentant de prouver la pertinence des techniques alternatives et des innovations low-tech.⁶
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4. Greb. (2019). Projets en cours sur le site expérimental du GREB. Récupéré sur greb.ca 5. Wikipédia. (2019). Technique du GREB. Récupéré sur wikipedia.org 6. Approche-Paille. (2019). Association APPROCHE-Paille. Récupéré sur dev.approchepaille.fr
Panoramique de l’écohameau de la Baie Source : Greb. (2019). L’écohameau de La Baie, Un laboratoire porteur de sens. Récupéré sur greb.ca
Photographie d’une maison en GREB en construction
Photographie d’un mur en GREB
Source : Greb. (2019). La Technique du GREB Récupéré sur greb.ca
Source : Greb. (2019). La Technique du GREB Récupéré sur greb.ca
Photographie de Panneaux thermiques intégrés à un habitat Source : Greb. (2019). Albums : Technologies Récupéré sur greb.ca
Schéma illustrant le concept de la ferme pour l’après-pétrole Source : Greb. (2019). Projet en cours, Récupéré sur greb.ca
Dans une toute autre dynamique, le Low-Tech Lab partage ce même objectif. Le Low-Tech Lab est un projet associatif d’expérimentation mettant en place une plateforme de recherche et de partage de documentation visant à promouvoir les technologies alternatives dites “Low-Tech”. D’une petite équipe originaire de Concarneau s’est développée une très grande communauté francophone coopérative développant cette base de données Open Source de tutoriels et d’expérimentation de basses-technologies. Leur but est d’encourager un maximum la diffusion de ces techniques et de permettre la facilité de leurs mises en oeuvre pour chacun. Aujourd’hui ,leur site web catalogue plus de 100 Low-Techs, issues de différents coins de la planète, touchant de l’habitat jusqu’à l’alimentation en passant par l’énergie, l’eau... Ils expérimentent sur de nombreux sujets que nous avons déjà pu aborder, les biodigesteurs/méthaniseurs, la ventilation naturelle, la production électrique grâce aux vents… Leurs actions ne se restreignent pas simplement à la mise en place de ce catalogue en ligne, ils cherchent notamment à aider des communautés dans le besoin par le développement local de Low-Techs, encourageant cette implantation via des ONG déjà sur place ou des collectivités. Ils proposent aussi des ateliers de sensibilisation aux enjeux environnementaux, économiques et sociétaux actuels au travers du prisme des Low-Tech et de leur philosophie. Ces ateliers peuvent aborder des thèmes assez précis comme l’alimentation de demain, les cultures d’insectes, l’accès à l’eau potable… Le but fondamental de l’association étant de sensibiliser à toutes ces questions et de permettre aux gens d’avoir cette possibilité d’autonomie, de pouvoir répondre à leurs besoins premiers, et de réduire leur impact environnemental (comme parfois sa facture).⁷ Aujourd’hui le groupe réalise deux gros projets sur le long terme. Le premier étant directement lié à l’activité principale de l’association : C’est le Nomade des mers. Démarré depuis Septembre 2015 une équipe fait le tour du monde à bord d’un bateau-laboratoire pour dénicher et documenter des basses-technologies aux quatres coins du monde. Ce projet, lancé par Corentin de Chatelperron, permet autant d’expérimenter ces Low-Techs à bord du catamaran, que de diversifier les apports culturels de cette philosophie. En 15 étapes c’est pas moins de 30 Low-Techs qui furent documentées. Ce projet a été un des plus remarqués de l’association car Arte a diffusé en 2018 une série documentaire en 15 épisodes appelé “Nomade des mers, les escales de l’innovation”⁸ et l’équipe a recensé plus de 50 parutions dans la presse. Au cours de ce périple le Nomade des Mers a posé l’encre pour une durée de 4 mois sur une île déserte au large de la Thaïlande, permettant une situation de totale autarcie, afin de mettre en application les combinaisons de différentes Low-technologies les plus prometteuses et de voir si l’équipage arrive à subvenir à ses besoins. A la suite de cette expérience naîtront des outils similaires à de la cartographie modélisant les interconnexions les plus efficaces entre différentes Low-technologies. A travers les erreurs comme les réussites de cette expérimentation, ils arrivent à valoriser le fruit de leur travail. Depuis, le Nomade des mers a repris la route parcourant l’Océan Pacifique puis les amériques direction la France pour faire le bilan d’ici 2021.⁹ 7. Low-Tech Lab. (2010). Présentation du Low-Tech Lab. Récupéré sur lowtechlab.org 8. Arte. (2019). Nomade des Mers, les escales de l’innovation. Récupéré sur https://boutique. arte.tv/detail/Nomade_des_mers 9. Low-Tech Lab. (2019). Nomade des mers. Un tour du monde à la découverte de l’innovation low-tech. Récupéré sur lowtechlab.org
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Vie à bord du Nomade des mers (19 mai 2017) Source : https://www.flickr.com/photos/147733455@N08/sets/72157682954377574
Schéma représentant les différentes Low-Tech à bord du Nomade des mers Source : https://wiki.lowtechlab.org/wiki/Nomade_des_mers#3
Carte présentant les différentes étapes du voyage Source : https://wiki.lowtechlab.org/wiki/Nomade_des_mers#3
En parallèle de ce premier projet, le Low-Tech Lab réalise la mise en place d’un habitat Low-Tech près de Concarneau à bord d’une Tiny House qui combinera 12 Low-Techs adaptées au site, ce dernier étant un pré. Le but de ce projet est très similaire à l’escale qu’a pu réaliser le Nomade des mers à la différence près que ce projet est réalisé dans un contexte occidental et dans un climat breton. De plus, ce projet est extrêmement documenté pendant sa réalisation, une série de vidéos Youtube présentant les différents aspects du projet à travers le quotidien des deux habitants de la Tiny, partageant tour à tour l’habitation. Des bilans réguliers seront effectués, on peut d’ailleurs retrouver sur leur site un rapport d’expérimentation présentant les différentes techniques appliquées, leurs défauts comme leurs qualités que ce soit vis à vis du rendement, du confort à l’usage, du bilan environnemental… Leurs premiers bilans sont plutôt positifs bien que certaines Low-techs soient à revoir à l’usage selon eux. Le projet a été lancé en Septembre 2018 et se terminera réellement en Septembre 2020.¹⁰ A travers la démarche générale de cette association, on peut questionner l’apport des outils de diffusion modernes comme internet sans lesquelles leur travail ne pourrait exister. Pourtant cela pose une réelle question, car l’utilisation de l’informatique est presque à l’opposé de la prise de conscience et du militantisme de leur programme, ils défendent d’ailleurs une utilisation plus consciencieuse et responsable d’internet. Et bien évidemment le Low-Tech lab est conscient de cela, mais internet étant leur premier outil de diffusion, bien que polluant, il vaut mieux s’en servir pour une bonne cause, notons d’ailleurs que leur site internet est en refonte complète afin de réduire son impact environnemental. Corentin de Chatelperron dit sur le sujet : « Pour moi, le progrès, c’est prendre le meilleur de ce qui se fait pour aller dans le sens d’une amélioration ». Les innovations low-techs ne s’opposent donc pas forcément aux high-techs, elles peuvent être complémentaires. Pour lui , la meilleure innovation hightech à ce jour reste le World Wide Web : « C’est grâce à Internet que l’on a pu mutualiser les savoir-faire, et créer une communauté low-tech dynamique enthousiaste. »¹¹ Plus proche de notre métier, je me devais de mentionner Rural Studio. Rural Studio c’est un programme hors campus de conceptionconstruction à l’école d’architecture, d’urbanisme et de paysagisme de l’Université d’Auburn en Alabama. Ce programme a été mis en place en 1992 par les architectes et professeurs Dennis K. Ruth et Samuel Mockbee. Ils proposaient aux étudiants une immersion sur site de minimum 6 mois dans le Comté de Hale, un des comtés les plus pauvres du pays. Donnant aux étudiants l’entière responsabilité d’un projet, pour les plus démunis, de sa conception à sa réalisation. Les populations sur place n’ayant rien à offrir en contrepartie, les étudiants doivent faire avec les moyens du bord et le peu de subventions que leur fournit l’université. La philosophie du Studio suggère que tout le monde, riche comme pauvre, mérite le bénéfice d’une bonne conception. En 2001, après le décès de Samuel Mockbee, dernier membre fondateur encore actif sur le projet, Andrew Freear lui succédera comme directeur. Il élargira leur champ d’intervention pour répondre aux besoins de la communauté. Leurs projets s’étendent alors sur plus d’une 10. Lévêque, P.-A., & Chabot, C. (2020, Janvier). Habitat Low-Tech, Un projet Low-Tech... Récupéré sur lowtechlab.org 11. Socio Jam. (2018, novembre 28). Qu’est-ce que les innovations lowtech ? Récupéré sur socio-jam.com (cit. Corentin de Chatelperron)
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Photo de l’habitat Low-Tech Source : https://www.we-explore.org/exploremag/2019/05/le-low-tech-lab-lance-lexperimentation-de-lhabitat-low-tech-autonome/
Schéma représentant le rendements des différentes Low-Tech de l’habitat Source : https://www.we-explore.org/exploremag/2019/05/le-low-tech-lab-lance-lexperimentation-de-lhabitat-low-tech-autonome/
année en plusieurs phases d’actions et sont dans cinq comtés différents. Une des philosophies inculquées aux étudiants est de s’interroger continuellement sur ce qui doit-être construit, plutôt que ce qui peut être construit. «Nous encourageons les jeunes architectes en herbe à s’attaquer à la responsabilité éthique des conséquences sociales, politiques et environnementales de ce qu’ils conçoivent et construisent.»¹² dira Andrew Freear. En plus de développer un esprit d’entraide et une pratique concrète de l’architecture à ces étudiants, le Rural Studio met en avant des constructions “non-conventionnelles” et des méthodes Low-Tech. Que ce soit par la mise en application du DIY sur l’ensemble de leurs projets, partant du dessin des plans jusqu’à la pose de la couverture, ou l’utilisation de réemploi ou encore de technologies alternatives. Les étudiants ont autant réalisé de simples maisons “rudimentaires” comme des bâtiments semi-autonomes que ce soit par la gestion des eaux pluviales et leur traitement ou encore la mise en place d’une ferme auto-irriguée, ou d’une ferme solaire. Ces étudiants ne manquent pas d’idées et guidés par leurs professeurs il arrivent à réinventer l’architecture et ses modes de conceptions, étant libre de tester de nouvelles techniques qui seraient inconcevables avec les normes actuelles, permettant parfois de démocratiser de nouveaux savoir-faire. Certains de leurs projet alliant techniques modernes et/ou esthétique contemporaine avec des pratiques d’architecture vernaculaire plutôt rurales. Leurs recherches et conceptions s’intéressant aux communautés rurales de manière globale, ils gardent à l’esprit que maisons, comme infrastructures et ressources pour concevoir doivent toutes être connectées aux nombreuses facettes de la vie rurale. Les étudiants de Rural studio n’apprennent pas seulement à concevoir et à construire, ils apprennent avant tout à s’écouter, à travailler en équipe, à comprendre leur environnement en le pratiquant et à être en échange avec les populations pour qui ils travaillent. Aujourd’hui plus de 200 projets ont été réalisés par Rural Studio et plus de 1000 étudiants, “Architectes citoyens”, ont passé cette formation.¹³
12. Rural Studio. (s.d.). Becoming the Town Architect. Récupéré sur ruralstudio.org (cit. Andrew Freear, traduit de l’anglais) 13. Rural Studio. (2020). Our Projects. Récupéré sur ruralstudio.org
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Photo du projet FARM SOLAR POWER (2016) réalisé par Josh Adams, Lauren Barnes, Catie Denney, Kenny Fallon, Zoe Gardner Source : http://ruralstudio.org/project/rural-studio-farm-solar-power/
Croquis du projet THINNINGS BATHHOUSE, expérimentation de la construction bois, (2011) réalisé par Michael Dowdy, Franklin Frost, Will McGarity, Mary Pruitt. Source : http://ruralstudio.org/project/rural-studio-farm-solar-power/
Photographie du projet CORRUGATED CARDBOARD POD, expérimentation de construction en carton (2001) réalisé par Gabriel Comstock, Amy Jo Holtz, Andrew Olds. Source : http://ruralstudio.org/project/corrugated-cardboard-pod/
b) Low Tech et précarité : les limites du système ? Comme on a pu le constater précédemment, le Low-Tech est souvent associé à une forme de lutte contre la précarité. Qu’elle soit une volonté des gouvernements comme aux USA sous Jimmy Carter, ou encore des recherches associatives, comme le Low-Tech Lab, ou universitaires comme Rural Studio ou le MCHG, cette lutte, quand elle touche à la construction, est souvent encadrée par des architectes ou autres professionnels du bâtiment, le plus souvent des personnes issues de la société occidentale. Pourtant, dans les pays émergeants comme dans les pays sous-développés, il existe une forme de Low-Tech plus sporadique qui n’est pas du tout encadrée par une forme d’institution quelle qu’elle soit. Cette autre affectation du LowTech pose question car elle n’a pas du tout les mêmes enjeux et ne prend pas en compte les mêmes facteurs par rapport à l’application qu’en fait le monde occidentale. Pour parler de ce phénomène, je vais m’appuyer sur un article de Revu urbanités parlant des basses technologies et services urbains en afrique subsaharienne. En Afrique subsaharienne, 62 % des citadins vivent dans ce que l’on peut qualifier de bâtis précaires. Il n’est pas étonnant de retrouver dans ces villes un fonctionnement de pratiques informelles mobilisant peu de capital technique et des mises en place d’infrastructures qu’on assimilera à des bricolages socio-techniques. Là bas, le Low-tech n’est pas tant une volonté qu’une nécessité. Est-ce que nous sommes pour autant face à des villes low-tech ? Oui et non. D’un côté, en mettant en oeuvre des technologies simples, bon marché et faciles d’accès comme d’utilisation, tout en favorisant le réemploi, les réparations et l’autoconstruction, on se situe bien dans une dynamique proche du Low-Tech. Pourtant le dispersement et la disparité de ces pratiques ne tendent pas à montrer une volonté d’un projet conscient visant des innovations durables prenant en compte les limites des ressources et préconisations des techniques sobres. En réalité, la globalité de ces villes est plus proche d’une approche Low-Cost que Low-Tech et si des techniques Low-Tech sont employées c’est principalement car elles sont peu onéreuses. De plus, les différentes notions de responsabilité et de respect de l’environnement caractérisant les innovations Low-Tech sont loin d’être des acquises là-bas, bien que l’emploi des techniques alternatives s’y multiplie ces dernières années. Que ce soit dans le secteur de l’eau, des déchets ou de l’énergie, l’offre actuelle est trop défaillante et face à cela, immobilisés par leurs insécurités économiques, ils sont obligés de répondre avec une sobriété, contraints parfois aux solutions Low-Tech. A travers cet exemple, on réalise la véritable ambivalence des Low-Techs, qui n’est pas autant un sujet de la décroissance et du développement durable que cela n’y laisse à penser avec une vision occidentalo-centrée.
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“Bidouiller, bricoler, fabriquer, innover” le savoir-faire manuel n’a jamais quitté les villes africaines, passé de constructions en terre cuite au bricolage de vieux moteurs automobiles jusqu’aux réparations des derniers smartphones. Les réparations sont partout, sur les marchés, sur le bord des routes, il est toujours possible de trouver quelqu’un pour réparer sa montre cassée comme bricoler son carburateur ou kit solaire. Le réemploi ne concerne pas que les objets matériels, même l’eau est réutilisée, un même volume sert à la vaisselle comme à réfrigérer un moteur. Pourtant, à première vue, cette économie semblant interne au pays, des réparations et du réemploi fait par des artisans locaux, n’a rien d’un circuit court. L’ensemble des pièces que l’on retrouve dans ces pays pauvres viennent, le plus souvent, de pays plus aisés. Pendant longtemps, pour l’automobile, on retrouvait des Peugeot et Renault françaises, aujourd’hui ce sont des
Dispositif privé de stockage et de revente informelle d’eau à Mambanda (Douala, Cameroun)(Nantchop, 2015) Source : https://www.revue-urbanites.fr/12-jaglin/
Machine de conditionnement d’eau en sachet et véhicule de distribution à Niamey (Niger) (Younsa Harouna, 2017) Source : https://www.revue-urbanites.fr/12-jaglin/
véhicules japonais que l’on retrouve en plus grande quantité. En fait, les artisans africains dans l’ère moderne ne sont plus des concepteurs mais des artisans de maintenance, ils remodèlent localement les produits venus d’ailleurs et s’adaptent avec les moyens du bord parfois en combinant avec ce qu’ils ont sur place. Les grandes multinationales ont bien compris les enjeux et fournissent l’offre de ce marché informel, se permettant parfois le luxe d’expérimenter, comme dans le domaine de l’électrification offgrid (hors réseau classique). Le problème c’est que ces entreprises ne fournissent que des produits low-cost, souvent importés de loin, impliquant un transport extrêmement polluant, et la plupart du temps des produit peu écologiques : des produits plastiques, des high-techs bas de gamme… Mais si on regarde le côté positif de la chose, dans le secteur de l’eau et de l’électricité, ces produits Low-Cost comme Low-Tech importés ou générés avec ces importations ont permis des progrès notables pour l’accessibilité. Là où les expertises techniques et machines importées d’Europe ont souvent été coûteuses et monopolisées par des entreprises publiques inefficaces pour la démocratisation et le partage des ressources, cette nouvelle diversification des apports énergétiques permet d’éviter ce monopole. Mais à quel coût? Ces nouveaux dispositifs dans lesquels les plastiques sont indispensables et où les durées de vie de produits à bas coût sont infimes en comparaison aux produits de gammes supérieures multiplient les risques de déchets non recyclables. Même si il peut être question de panneaux photovoltaïques, pourtant étant dans l’imaginaire collectif un produit écologique, car fournissant une énergie dite “renouvelable”. Les architectures en elles-même sont autant touchées que la technique. De plus en plus de bâtiments en parpaings et en métal apparaissent ça et là. Les savoir-faire anciens étant de plus en plus délaissés, on construit de moins en moins avec des matériaux locaux ce qui peut être regrettable. Pourtant, certains militent pour conserver ces savoir-faire, et mettent en avant des avancées frugales, associant ces constructions vernaculaires à des solutions ingénieuses issues des LowTechs. Le problème étant que ces personnes sont trop marginales et que leur fonctionnement peine à franchir le cap de la simple expérimentation. En Afrique Subsaharienne, 41% de la population vie sous le seuil de pauvreté international. Là où certains voient en ces pays émergents des lieux d’expérimentation pour nouveaux modes de vie plus éthiques et responsables vis à vis de la planète, il faut comprendre la réalité : la conscience écologique est le cadet de leurs soucis. En vérité, ces pays sont plutôt à la recherche d’un développement vers la croissance proche de nos pays, là où aujourd’hui nous prenons conscience de l’impact de notre propre développement. Mais oui, les basses technologies peuvent leurs apporter une aide précieuse, mais si la croissance n’est pas contrôlée, que personne ne remet en question les produits qu’on les laisse consommer et que certains profitent de leur précarité, jamais il n’en résultera un projet éthique, écologique et responsable. Et, en plus de polluer énormément, on perdra un pan culturel de l’histoire de l’humanité, laissant ces populations se débarrasser de leurs origines, préférant calquer notre société de la croissance et de consommation ne correspondant pas aux besoins mondiaux.¹
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1. Jaglin, S. (2019, octobre 15). Basses Technologies et Services Urbains en Afrique Subsaharienne : un Low-Tech loin de l’écologie. Récupéré sur revue-urbanites.fr (utilisé sur l’ensemble du texte de cette partie)
Mini-réseau Jabula au Cap, Afrique du Sud Source : http://zonkeenergy.com/Gallery/JabualAirialSmall.jpg
Vendeur informel de panneaux photovoltaïques à Cotonou (Bénin) (Rateau, 2018) Source : https://www.revue-urbanites.fr/12-jaglin/
c) L’écologie dans l’architecture conventionnelle d’aujourd’hui Si, au cours de ce mémoire, j’ai voulu évoquer des architectes et autres acteurs de la construction “écologique et responsable”, très peu d’entre eux ont des démarches qui sont reconnues par leurs pairs. Pourtant, aujourd’hui, on ne cesse d’invoquer des termes comme l’architecture durable, l’architecture écologique, respectueuse de son environnement ou comme certains journalistes aiment à l’appeler l’architecture “eco-friendly” ou tout simplement “verte”. Le problème est que, dans l’inconscient collectif, une architecture écologique c’est une architecture arborant une végétation luxuriante, parfois un bardage bois mais, dans tous les cas, qui reste dans une approche plutôt urbaine et contemporaine voir parfois futuriste. Je ne veux pas jeter la pierre sur tous ces architectes qui pratiquent un façadisme de l’écologie, derrière lesquels des structures bétons et acier tiennent un projet d’apparence responsable. En réalité, je suis conscient de la difficulté pour mettre en oeuvre un bâtiment réellement écoresponsable et de fait tous les architectes ne peuvent pas s’en donner les moyens, sachant que certains peinent à simplement introduire une structure bois pour des bâtiments ayant plus de deux étages. Alors tenter de faire avec le minimum que l’on peut c’est quelquefois louable, même si beaucoup utilisent cette façade verte comme un faux argument de vente, parfois sous la contrainte du maître d’ouvrage ou du promoteur. Aujourd’huin on voit aussi de plus en plus de bâtiments passifs, souvent cela est vendu comme étant des projets à but écologique, ces bâtiments consommant moins, ayant un bilan carbone réduit, parfois même vus comme des références pour la loi de la transition énergétique ainsi que la RT2020 poussant à avoir une construction à énergie positive. Et, dans les faits, tout cela est plutôt vrai, mais la réalité c’est que si ces bâtiments fonctionnent réellement c’est parce qu’ils réduisent le coût énergétique à l’emploi. Là où cela pose problème c’est que ce dont va se soucier un particulier, tout comme un maître d’ouvrage en général, c’est la note finale : combien va lui coûter son projet à la conception et/ou combien cela va lui coûter à l’utilisation. On se retrouve donc logiquement avec des bâtiments construits de manière passive certes, réduisant les frais des factures de leurs usagers, mais conçus de manière traditionnelle, en parpaings, en béton, avec des isolants classiques ( laine de verre, laine de roche…), et cela afin de réduire les coûts de construction aussi. On se retrouve donc avec des bâtiments écologiques à l’usage, mais pas pendant leur construction ni à la fin de leur vie. Après avoir évoqué ces sujets globaux, dans cette dernière partie j’ai surtout envie d’évoquer des architectes contemporains notoires qui on tenté des choses, même si celles si ne sont pas toutes des réussites. 1. Groupe Keeplanet. (2019). LE GUIDE DE LA RE 2020 (RT 2020). Récupéré sur rt-2020.com et Eco infos. (2020, janvier 23). La Réglementation Thermique 2020. Récupéré sur lesenergies-renouvelables.eu 2. Wikipédia. (2020, janvier 13). Vincent Callebaut. Récupéré sur wikipedia.org
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Pour commencer, je vais évoquer le cas de Vincent Callebaut. Vincent Callebaut est un architecte d’origine belge, installé sur Paris qui s’est principalement fait connaître à travers ses projets fictifs aux allures futuristes. Des villes flottantes, des bâtiments reprenant des formes et motifs naturels, le plus souvent arborant une végétation dense bien que contrôlée. Même si ces formes architecturales futuristes et ces projets High-Tech peuvent invoquer le contraire, il est très intéressé par des sujets tels que l’énergie renouvelable, l’agriculture urbaine, ou l’autosuffisance. On l’a souvent assimilé comme un architecte théorique, il a pourtant réalisé quelques projets dont l’Agora Garden à Taipei, la capitale taïwanaise, sur lequel je vais m’attarder.² L’Agora Garden est une tour résidentielle de 20 étages accueillant 40 appartements de “luxe” ayant chacun un balcon végétalisé, en plus d’équipements comme un centre de remise en forme, une piscine et des terrasses accessibles sur le toit, le tout pour un immeuble d’une dimension totale de 42.335m². Ce qui fait la particularité esthétique de bâtiment c’est sa forme hélicoïdale, inspirée des brins d’ADN en double hélice, où chaque étage est tourné de 4,5° par rapport au précédent, permettant un déversement de végétation sur l’ensemble du bâtiment où pas moins de 23.000 arbres sont plantés. Cette végétation, véritable écosystème à part entière, permettra, selon les dires de Callebaut, de prélever 130 tonnes de CO2 dans l’atmosphère de Taipei. A l’échelle de son bâtiment il tente de réaliser un espace assimilant des concepts de l’autosuffisance, vendant ses principes comme pionniers, visant à limiter l’empreinte écologique des citadins. Il intègre au bâtiment des potagers permettant une suffisance alimentaire, un système de récupération des eaux de pluie, alimentant en direct les potagers, ainsi qu’une grande pergola photovoltaïque sur le toit. Et je dois bien avouer que ce projet me gène particulièrement. Callebaut en présentant son bâtiment invite les architectes à “Penser «hors des sentiers battus», bousculer les vieilles structures.”. Il explique que “Faire évoluer la société est la chose la plus difficile à faire dans ce monde ... mais c’est possible étape par étape.”³ et je suis plutôt d’accord avec cette pensée comme la plupart des concepts philosophiques qu’il intègre à sa démarche. Le véritable coeur du problème est qu’il pense être pionnier en réalisant un projet immobilier exploitant les idées de ses aînés des années 60/70, sans prendre en compte les principes de la décroissance faisant évoluer son projet dans une croissance verte aveugle. Pour réaliser un tel projet, il a dû faire appel à de nombreuses technologies complexes souvent hightech et met en place les dernières techniques existantes que ce soit pour ses panneaux photovoltaïques, les systèmes structurels complexes… Un autre point pouvant être gênant dans ce projet est la mise en place d’arbres sur le bâtiment. De tels végétaux ont besoin d’énormément de place pour pouvoir se développer correctement, surtout au niveau des racines, la plupart du temps les planter dans un coffrage béton limite leur croissance. Il serait beaucoup plus raisonnable de les planter à même le sol, mais la réintroduction de la nature en ville et le manque de place dans les mégalopoles semblent induire pour Callebaut des architectures arborées, peu importe les limitations de l’exercice.⁴ 3. Callebaut, V. (2017, janvier 6). TAO ZHU YIN YUAN. Récupéré sur vincent.callebaut.org 4. Faucompré, P. (2017, juin 28). Agora garden, une tour à géométrie spiroïdale aux ambitions écologiques. Récupéré sur build-green.fr et batiactu. (2016, décembre 01). La tour hélicoïdale Agora Garden prend forme à Taïwan. Récupéré sur batiactu.com:
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En fait, tous les aspects que je reproche à ce projet sont pensés et font partie intégrante de sa démarche et de ce qu’il appelle les archibiotectes. Ce mot, inventé par lui-même en 2008, désigne une approche de l’architecture mêlant bâti, biologie et technologie de l’information. Pour lui, la principale raison de l’existence de l’architecture est de protéger l’homme de la nature. Aujourd’hui, on s’efforce de réconcilier l’homme avec cette dernière, et c’est en concevant des bâtiments-jardins, où l’architecture devient cultivable comestible et durable, qu’il faut le faire d’après Callebaut. La contradiction d’un tel discours c’est que durable et technologique ne fonctionnent pas ensemble, ils sont même presque opposés. En dehors de l’aspect technologique de son discours, la démarche de Vincent Callebaut reste intéressante, le soucis est que cette dernière est trop intégrée à l’ensemble de ses projets, ce qui rend la plupart de son travail assez paradoxale. Il n’en reste pas moins un acteur de l’écologie important, que beaucoup voient comme une figure de l’éco-construction moderne.
Image de synthèse du projet : LILYPAD, Floating ecopolis for climate refugees, Oceans 2008-2017, Source : http://vincent.callebaut.org/object/080523_lilypad/lilypad/projects
Image de synthése du projet DRAGONFLY, Metabolic farm for urban agriculture, New York City 2009 Source : http://vincent.callebaut.org/object/090429_dragonfly/dragonfly/projects
Croquis et détails techniques de l’Agora Garden Source : http://vincent.callebaut.org/object/110130_taipei/taipei/projects
Photo de la maquette de l’Agora Garden Source : http://vincent.callebaut.org/object/110130_taipei/taipei/projects
Photo du chantier de l’Agora Garden (2016) Source
:
http://vincent.callebaut.org/object/110130_taipei/ taipei/projects
Comme second architecte souvent associé à l’écologie, plus connu cette fois-ci, je vais parler de Norman Foster. Inspiré, dans un premier temps, par la philosophie architecturale de Richard Buckminster Fuller, avec qui il réalisera des bases théoriques de projets environnementaux, il s’intéressera de plus près au nouvelles technologies et aux apports qu’elles peuvent amener à ses projets, sans pour autant perdre sa conscience écologique. On associera souvent sont travail au mouvement High-Tech même si ce dernier a toujours refusé d’y être assimilé, allant même jusqu’à expliquer que “la technologie n’est pas une fin en soit”.⁵ Les premiers projets qui peuvent venir en tête lorsqu’on aborde l’architecture “durable” chez Foster c’est surement le 30th St May Axe (2004), plus communément appelé “The Gherkin” (Le Cornichon), dont la particularité est d’avoir une ventilation naturelle malgré ses 180m de haut, ou encore l’hôtel de ville de Londres (2002), surnommé “Glass Testicule” (je ne traduirais pas), utilisant un principe de ventilation exploitant l’eau froide en provenance du sol et assimilant l’énergie solaire afin de concevoir un bâtiment avec un haut rendement énergétique. Ici, je vais parler d’un projet plus ancien, le dôme du Reichstag à Berlin (1999).⁶ Le Palais du Reichstag est conçu pour abriter l’assemblée du Reich en 1894. En 1933, le bâtiment sera incendié, présenté comme un complot communiste par les nazis, et durant la seconde guerre mondiale il sera bombardé. Le bâtiment aura une première rénovation entre 1961 et 1973 dirigée par l’architecte Paul Baumgarten qui ne s’occupera pas de la coupole, endommagée pendant la guerre, qu’il fera simplement démolir. Ce n’est qu’après la réunification allemande dans les années 90 que le parlement décidera de réintégrer le palais et de lancer par la même occasion un concours pour la rénovation d’une partie du palais et l’édification d’une nouvelle coupole, concours que remportera Foster. Le bâtiment sera réouvert officiellement en Avril 1999. Le bâtiment originel (1894) incorporait déjà des systèmes énergétiques progressistes et écologiques pour son époque et mérite encore une certaine considération. Ils avaient mis en place un système de climatisation central semblable au “Hypocauste” romains incorporé dans la maçonnerie, bien qu’il intégrait quelques technicités mécaniques. Lors de sa réhabilitation en 1961, il n’inclut plus ces principes et passe aux systèmes standards de l’époque.⁷ Mais si j’invoque ce projet c’est parce qu’il fait partie de l’argumentaire de Foster dans l’essai “The Third Industrial Revolution” écrit dans le cadre du manifeste «Green Industrial Revolution», publié par l’université de Berlin en 2008” Dans ce texte, il introduit la notion de durabilité et parle du rôle du secteur de la construction et des architectes en général face aux défis environnementaux. “Dans le monde industrialisé, les bâtiments et leurs activités consomment près de la moitié de l’énergie que nous produisons et sont responsables de la moitié des émissions de dioxyde de carbone [...] L’emplacement et la fonction d’un bâtiment; sa flexibilité et sa durée de vie; son orientation, sa forme et sa structure; ses systèmes de chauffage et de ventilation et les matériaux utilisés; ensemble ont un impact sur la quantité d’énergie requise pour la construire, l’entretenir et l’utiliser, et pour voyager vers et depuis celle-ci. Ce sont des questions qui préoccupent ma pratique depuis ses débuts.” Il met en avant une prise de conscience de lui et de son équipe quant à l’importance d’une interconnectivité et des qualités des systèmes
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5. Chaslin, F. (s.d.). FOSTER Norman (1935- ). Récupéré sur universalis.fr 6.Wikipédia. (2020, Janvier 2). Norman Foster (architecte). Récupéré sur wikipedia.org 7. Klaus, D. (1995). The Technology of Ecological Building Basic Principales and Measures, Examples and Ideas. Zurich/Munich: Birkhäuser. p.222-226
énergétiques intégrant l’environnement. Pour illustrer ses propos il mentionne plusieurs projets afin de montrer l’évolution de leurs réponses dans le temps. Dans ces projets, dont le principe des Climatroffices réalisé avec Fuller, il inclut le Dôme et la rénovation du Reichstag. Il évoque le Parlement allemand comme un vieux bâtiment autrefois très consommateur en énergie, annuellement il aurait produit suffisamment d’énergie pour chauffer jusqu’à 5000 logements. L’élévation de la température d’un seul degré un jour d’hiver aurait pu permettre de chauffer dix maisons pendant un an selon Foster. Suite aux modifications que Foster a apporté au bâtiment, l’ensemble de l’énergie de celui-ci est fourni par un co-générateur interne au bâtiment, fonctionnant grâce à un biocarburant propre et renouvelable - huile végétale raffinée- système bien plus propre que ceux utilisant des combustibles fossiles. Le résultat est que le Reichstag a diminué ses émissions de dioxyde de carbone de 94%. L’excédent de chaleur produit par le système est stocké sous forme d’eau chaude dans un conteneur profondément enfoui qui peut-être pompée pour chauffer le bâtiment en hiver ou envoyée dans une installation de refroidissement par absorption afin de produire de l’eau réfrigérée et rafraîchir le bâtiment en été. Le bâtiment produit d’ailleurs plus d’électricité que ce qui lui est nécessaire, il agit donc comme une mini-centrale électrique pour le quartier du gouvernement. Bien qu’incluant des technologies complexes, ce projet a su transformer intelligemment un bâtiment ancien et polluant en un espace de production énergétique. Bien entendu, pour ce qui est de la partie “nouvelle” du bâtiment il y a des choses à redire mais les faits sont là : un bâtiment du XIXe siècle peut-être remodelé en un bâtiment efficace et fournisseur d’énergie propre. Sachant que l’avenir de l’architecture se jouera en grande partie sur les rénovations et pas simplement sur des constructions neuves, il est important de pouvoir étudier de telles références. Pour conclure son texte Foster dit ceci : “Je reconnais cependant qu’en tant qu’architectes, nous ne sommes aussi puissants que notre plaidoyer. Nous comptons sur les gouvernements, les décideurs, les clients [...]pour nous permettre de planifier et de concevoir les villes du futur. Le changement climatique mondial est une préoccupation qui unifie le monde et a un impact sur la façon dont nous envisageons le futur et adaptons les communautés existantes pour qu’elles deviennent plus durables. C’est un objectif que nous pouvons et devons atteindre, non seulement à l’échelle des bâtiments individuels, mais au-delà à l’échelle des communautés et des régions. C’est une question de survie.”⁸ Foster, contrairement à Callebaut, n’est pas un simple rêveur et à conscience que ces projets ne sont pas parfaits sur le plan écologique, mais il essaye de faire bouger les choses à son échelle et de faire prendre conscience au secteur de la construction que l’on a tous un rôle à jouer si on veut que les choses changent réellement. Pour ce faire, il a adopté des méthodes High-Tech, ce qui peut être regrettable, mais cela est autant dû à ses goûts et inspirations personnels qu’à l’adaptabilité dont doivent faire preuve les architectures écologiques contemporaines pour épouser les exigences de notre monde moderne. 8. Foster, N. (2008). The Third Industrial Revolution. Récupéré sur fosterandpartners.com: https://www.fosterandpartners.com/media/546759/essay0.pdf (utilisé pour l’ensemble du passage évoquant la rénovation, les citations étant traduites de l’anglais)
73.
Photographie de nuit du 30 St Mary Axe Source : citywallpacerhd.com
Schéma montrant l’apport de l’allure du Gherkin face au vent Source : Normand Foster: works 5, page 495
Photographie du London City Hall Source : https://www.jindrichsmitka.cz/londynska-radnice/
Photographie de l’intérieur du dôme du Reichstag Source : https://i.redd.it/jhvz6a0d2cvz.jpg
Plan et coupe du Reichstag (1999) Source : http://www.laits.utexas.edu/berlin/buildings.php
Pour terminer cette partie, je vais évoquer brièvement le travail de Shigeru Ban, notamment ses construction faites de cartons. C’est en 1985, lorsqu’il travaille dans ses locaux de jeune architecte, qu’il se pose la question pour la première fois en observant les tubes de cartons, servant normalement de support pour les plans. Après plusieurs mois de recherches et d’expérimentations, durant lesquels il visitera des usines de production de carton, où il découvrira à quel point les tubes en papiers recyclés sont bon marché et la modularité que l’on peut y apporter (longueur, épaisseur, diamètre…), il extraira un principe structurel capable de supporter des charges lourdes et de développer des ossatures de cartons complexes.⁸ Il tentera une première expérience en réalisant la scénographie de l’exposition d’Alvar Aalto, avec essentiellement des tubes de cartons fixés entre eux, et cela en 1986 à Tokyo. Il réalisera plus tard sa première réelle construction en carton extérieur, bien que modeste, en 1989. Il s’agissait d’une tonnelle située à Nagoya au Japon, mais ici les tubes ont servi principalement de coffrage perdu pour du béton et ne sont pas complètement structurels. La plupart des tubes avaient été étanchéifiés à la paraffine. Après démontage, les tubes ont été analysés et il semblerait que malgré l’exposition au vent et à la pluie, le durcissement de la colle et une exposition modérée aux UV ont entraîné une augmentation de la résistance à la compression du carton en lui-même. En 1990, on lui accordera de construire un second bâtiment en carton pour le hall principal du Festival de la ville d’Odawara au Japon. Les délais et budget pour la structure bois qui devait initialement être installée étant trop justes, on a suggéré que le carton était une forme de bois “évolué”. Les tubes de cartons furent utilisés comme principaux appuis structurels, sans renforts extérieurs cette fois-ci. L’ensemble ayant été contrôlé par un service technique, seule la toiture fut réalisée en structure tridimensionnelle acier par manque de temps. Au bout de 6 mois, le bâtiment éphémère fut démonté. Le module PTS (Paper Tube Structure) sera homologué par le Ministère japonais de la construction et après ce projet il réalisera ses premiers bâtiments pérennes en carton. Il commencera par une simple annexe puis réalisera des maisons puis des dômes, une église, un pont… S’en suivra une très grande médiatisation de son travail et de nombreuses expositions...⁹ Ban est aussi un architecte que l’on peut qualifier d’humanitaire, il mettra à profit sa technique constructive simple et bon marché pour réaliser des abris pour des personnes démunies. En 1995, il se portera, pour la première fois, volontaire et réalisera les Paper Log House et la Paper Church, à l’aide d’étudiants venus de tout le pays, suite au tremblement de terre dramatique à Kobé sur le site d’une église détruite. Le coût total pour une unité habitable de 52m² est en dessous de 2000 $. Les murs sont faits de tubes de papiers de 106 mm de diamètre et de 4 mm d’épaisseur, pour l’isolation une éponge étanche accrochée avec de l’adhésif est prise en sandwich entre les tubes, le toit quant à lui est un matériau similaire à une toile de tente. L’ensemble des structures étant facilement démontables et les matériaux disposés pouvant quasiment tous être recyclés, les papers Log-House deviennent très vite des alternatives intéressantes pour les hébergements d’urgence. Les principes plus ou moins complexes seront réutilisés ailleurs, au Rwanda en 1999 dans le cadre du haut commissariat des nations unis pour les réfugiés, en Inde dans l’état de Gujarat en 2001
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8. Thonnelier, J. (2013, octobre 9). SHIGERU BAN : VILLE EN CARTON, VILLE RECYCLÉE, « VILLE PRÉPARÉE ». Récupéré sur urbanews.fr 9. Jodidio, P. (2015). Shigeru Ban Comple Works 1985-2015. Taschen.
suite à un tremblement de terre, et plus récemment en 2018 pour les abris d’urgence du camp de réfugiés de Kakuma au sud du Soudan.¹⁰ A travers son travail, d’abord expérimental, ressort une véritable expérience de vie, montrant que le carton, si ce n’est tous matériaux légers issus du recyclage, permet d’apporter des solutions aux villes et personnes en situations précaires voir d’urgence. Ces nouvelles architectures des “pays à risques” ou “en voie de développement” interrogent nos propres manières de concevoir l’architecture. Shigeru Ban n’a pourtant jamais eu la prétention d’être un architecte de l’écologie, ni un architecte de l’urgence, bien que l’on associe assez facilement son travail à ces deux notions. Il déclarera : “Si aujourd’hui je crée une architecture d’urgence, demain je peux dessiner le bâtiment d’un grand couturier. Je ne m’impose aucune règle. J’aime développer de nouveaux systèmes avec ce qui est disponible sur place, en m’adaptant” et en parlant d’écologie il dira aussi : “Je n’ai jamais attendu cette mode. Quand j’ai commencé à utiliser du carton recyclé, personne ne parlait d’environnement ou de développement durable. Aujourd’hui, ce sont des sujets sensibles que l’on utilise à tout va”.¹¹ Lorsqu’il obtint le prix Pritzker en 2014 pour la réalisation du centre Georges Pompidou à Metz de nombreuses presses le nommèrent comme l’architecte “spécialiste des structures en carton et du Low-Tech”. Il est aujourd’hui une des figures majeures de l’architecture, surnommé l’architecte de papier, il démontre à tous la possibilité de faire autrement avec des matériaux sortant de l’ordinaire ce qui a permis une très grande avancée pour l’architecture de demain ! La réalité actuelle de l’écologie dans le secteur de la construction est assez bancale. Entre les expérimentations individuelles, les industriels et architectes réalisant des projets s’apparentant à du simple greenwashing, et les acteurs convaincus par la cause mais freinés par les réglementations et institutions, nous sommes encore loin de pouvoir faire changer facilement les choses. Pourtant nombreux sont ceux qui travaillent sur la question. Nos approches écologiques ne se sont jamais développées aussi rapidement qu’aujourd’hui, et si cela va pour le mieux, le nombre de ces acteurs ne cessera pas de croître. La seule question qui reste en suspens étant : Quel impact réel peut avoir notre réaction bien trop tardive ?
10. Ban, S. (2020). Paper Tube Structure. Récupéré sur shigerubanarchitects.com 11. Ribadeau-Dumas, L. (2014, Mars 26). Le Pritzker 2014 à l’architecte-humaniste japonais Shigeru Ban. Récupéré sur francetvinfo.fr
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Photographie de la scénographie de l’exposition d’Alvaar Aalto (1986) Tokyo Source : http://www.shigerubanarchitects.com/works/1986_alvar_aalto/index.html
Photographie de la Tonelle Paper Arbor (1989) Nagoya Source : http://www.shigerubanarchitects.com/works/1989_paper-arbor/index.html
Photographie de la structure extérieur du ODAWARA HALL AND EAST GATE (1990) Kanagawa Source : http://www.shigerubanarchitects.com/works/1990_odawara-hall-and-east-gate/index.html
Photographie du Paper Loghouse (1995) Kobe Source : https://www.urbanews.fr/2013/10/09/36324-shigeru-ban-ville-en-carton-ville-recyclee-ville-preparee/#jp-carousel-36332
Photographie du Paper Loghouse (2001) Gujarat Source : http://www.shigerubanarchitects.com/works/2001_paper-log-house-india/index.html
Photographie de la Cardboard Cathedral (2013) Christchurch Source : http://www.shigerubanarchitects.com/works/2013_cardboard-cathedral/index.html
Conclusion
Comme nous avons pu le constater au cours de ce mémoire, de nombreux acteurs, d’aujourd’hui comme d’hier, ont pu militer afin de prévenir d’un possible effondrement suite à la croissance inconsciente sur laquelle se fonde notre société. Dans le rapport Meadows, des solutions étaient envisagées mais toutes proposaient des démarches plutôt radicales dont la mise en place aurait été dès 2002, dix-huit ans plus tard rien de concret n’a été réalisé.¹ Dans les années 70, personne n’écoutait les mises en garde scientifiques et les solutions radicales proposant de nouvelles manières d’habiter. Alors imaginez, à l’ère du numérique il est encore trop, voir plus, complexe de faire changer les mentalités et le mode de consommer, si ce n’est par la contrainte. L’écologie est pour autant devenue plus qu’un simple sujet de société, nous commençons enfin à mesurer l’impact de nos modes de vie sur l’environnement, bien que certains n’y croient encore qu’à moitié. De vrais engagements se mettent en place et les politiques sont prêts à écouter le cri de révolte des plus jeunes générations. Les grandes entreprises réaliserons tôt ou tard quelle ne peuvent plus perdurer ainsi et le monde de l’architecture ne s’en portera que mieux. Des nouveaux modes de construire et de nouveaux savoir-faire inspirés d’anciens émergeront. Tout cela est presque certain, la vrai question est : quel coût aura cette réaction trop tardive ? Aujourd’hui, si on veut faire changer les choses cela commence par une prise de conscience collective. Avant cela, en tant qu’architecte, c’est bien par la diffusion et nos modes d’actions que l’on peut espérer faire changer le regard de la population et des politiques sur ce problème majeur. Il faut savoir diversifier nos manières de construire et ne pas se limiter aux standards actuels que cela soit de l’ordre structurel, fonctionnel ou encore technique. J’espère en tant que futur architecte que le monde de la construction de demain sera ouvert aux expérimentations pouvant aider à un futur meilleur afin de créer un réel changement et non pas de vagues réglementations n’apportant que peu. Il faut s’inspirer de ceux qui étaient là avant nous mais aussi savoir rester critique, s’inspirer du savoir faire sobre et efficace et ne pas trop en demander. Je pense très sincèrement que le Low Tech est une solution mais il ne fonctionnera jamais seul dans notre société actuelle. La réponse que peuvent nous apporter ces technologies devra s’associer à de nouvelles manières de penser, à des décisions politiques fermes et surtout une prise de conscience de la majorité. Sans cela, le Low-Tech restera un pavé jeté dans la marre de l’effondrement et ne restera qu’une lubie des temps modernes voyant en ce bricolage de ressources précaires une bouée de sauvetage fictive. Dans tout cela une chose est certaine : Aujourd’hui, l’utopie a changé de camp. L’utopie, c’est croire en un monde où notre modèle économique est basé sur la croissance illimitée. “Il faut se résoudre à dire la vérité sur les réussites comme les échecs du présent et sur les potentialités comme les obstacles de l’avenir.” ² Dennis Meadows
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