Street art & délaissés urbains

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street art & dĂŠlaissĂŠs urbains

Alexis Wanert



Street Art & Délaissés Urbains

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’architecte Alexis Wanert, étudiant en 2

ème

année de Master.

Présenté sous la direction de Julie Denef et de Zoé Declercq. Année académique 2012-2013

Université Catholique de Louvain. Faculté d’architecture, d’ingénierie architecturale et d’urbanisme LOCI Site de Tournai. 50, chaussée de Tournai _7520 Ramegnies-Chin


TABLE DES MATIERES

A.

Introduction .................................................................................................... .3

B.

L’Art Urbain contemporain ................................................................... 13 L’art urbain à partir du XXe siècle ....................................................17

1. a.

Emergence de l’art urbain : graffiti-signature et graffiti ............ 17

b.

Street art .................................................................................................................... 21

2.

Les motivations de l’art urbain.........................................................25 a.

Graffiti-signature et graffiti : pratiques rebelles ................................ 25

b.

Street art : art du XXI siècle ? ................................................................... 27

c.

Ambigüité entre graffiti et street art ...................................................... 29

3.

C.

e

L’art urbain à Bruxelles ...........................................................................33 a.

Historique ................................................................................................................... 33

b.

Législation ................................................................................................................. 41

La ville productrice d’espaces délaissés...................................... 45 1.

Introduction sur la ville moderne....................................................49

2.

Perception ......................................................................................................51


3.

La ville générique ...................................................................................... 55

4.

Les interstices urbains ........................................................................... 61

5.

Les espaces intermédiaires ............................................................... 67

D.

Ville & Street Art ......................................................................................... 71 1.

Définition des limites de l’étude....................................................... 73

2.

Bruxelles .......................................................................................................... 75

3.

Le quartier des Marolles ....................................................................... 83

4.

Les Impasses ............................................................................................... 99

5.

Le site de Neerpede .............................................................................103

6.

Contre exemple : les boulevards du centre ........................111

E.

Conclusion .................................................................................................. 121

F.

Bibliographie ............................................................................................... 131

G.

Iconographie ............................................................................................. 135



« Là où on pense que la ville finit, et où en fait elle recommence. » PIER PAOLO PASOLINI



A. INTRODUCTION

3


Fig. 1 : Fresque Avenue Van Volxem, Forest. 2010


Mon travail trouve sa source dans l’exposition présentée en juin 2011 par le musée d’Ixelles : Explosition, l’art du graffiti à Bruxelles. A cette occasion, le musée se propose de mettre

ses cimaises à disposition des graffeurs Bruxellois. 1 En parallèle à cet évènement, Adrien Grimmeau, historien de l’art et professeur à l’ISELP de Bruxelles publie au mois de mai 2011 un ouvrage, Dehors, le graffiti à Bruxelles. 2

Le livre propose d’étudier pour la première fois l’esthétique du graffiti Bruxellois depuis ses débuts, qualifiés de vandales et contre-culturels, au milieu des années 70, jusqu’à aujourd’hui, époque marquant son ouverture à la société et son entrée dans les galeries d’art. Lors de la lecture de ce livre, j’ai fait un constat troublant, que l’on pourrait appliquer à de nombreuses publications traitant du même sujet : les œuvres sont décrites de manière décontextualisée. La question de la ville, pourtant support à part entière du graffiti, n’est pas abordée ici. C’est en partant de cette observation que j’ai entrepris de travailler sur la question de l’art urbain et plus particulièrement du rapport qu’il entretient avec la ville. L’art urbain est une expression difficile à décrire aujourd’hui, de par une certaine ambiguïté.

1

Le terme graffeur, ou graffiteur, désigne, dans le milieu de l’art urbain, les personnes réalisant des graffitis 2 GRIMMEAU, Adrien. Dehors ! – Le graffiti à Bruxelles. CFC éditions, 2011

5


Fig. 2 : L'art urbain comme Êtude des perspectives et des façades. Bruxelles. 1912


La première utilisation de l’expression art urbain remonte à la Renaissance, et plus particulièrement à la seconde partie du Quattrocento. Françoise Choay le définit alors comme un art qui « intervient, surtout de façon fragmentaire, pour régulariser,

restructurer et embellir le tissu médiéval […], mais aussi dans la création d’entités urbaines autonomes. ». Elle précise par ailleurs que, « relevant de l’architecte-artiste, l’art urbain diffère des procédures et aménagements médiévaux par son caractère théorique et globalisant, ainsi que par sa finalité esthétique. » 3. A partir ce ces idées, on pourrait convenir que l’art urbain tel qu’il existait au XV° Siècle serait le précurseur de l’urbanisme contemporain. La différence entre les deux notions résidant dans l’intérêt que porte l’art urbain sur des questions d’esthétique, là où l’urbanisme se penche sur des questions d’ordre scientifique. L’art urbain possède également une connotation autocratique et théâtrale, il est l’œuvre d’un architecte-artiste, concevant la ville de manière intégrale. A la fin du XIX° Siècle, époque des premières théories urbanistiques post-industrielles, certains architectes (généralement rattachés au courant culturaliste), tels que

4 Camillo Sitte ont cherché à promouvoir l’art urbain au sein de l’urbanisme moderne. A Bruxelles, Charles Buls, bourgmestre de la ville (1881 – 1899) définissait l’art urbain comme une manière

3

CHOAY, Françoise, MERLIN, Pierre. Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement. Presses Universitaires de France, 2010, p.83-84 4 SITTE, Camillo. L’art de bâtir les villes – L’urbanisme selon ses fondements artistiques. Livre et Communication, coll. « Architectures », 1990 (traduit de l’allemand par D. Wieczorek)

7


Fig. 3 : Le Corbusier. La ville de 3 millions d’habitants. 1924


de repenser l’esthétique des villes : « conserver les valeurs du

passé tout en l’adaptant aux exigences modernes. »5

Malgré tout, le concept d’art urbain aura tendance à être éclipsé par les idées de l’urbanisme progressiste. Selon les dires des modernistes, la ville moderne doit être universelle, rationnelle et fonctionnelle. Adolf Loos n’affirmait-il pas que 6 « l’ornement est un crime » ?

Dès lors, l’art urbain n’aura plus sa place dans la conception des villes dès le début du XX° Siècle. L’expression ira même jusqu’à disparaître du vocabulaire courant. Récemment, elle est réapparue, mais a été réappropriée pour un tout autre usage. Aujourd’hui, nous associons en effet la notion d’art urbain à la pratique (marginale ou non) du graffiti. Ce changement d’usage soulève beaucoup d’interrogations. Pourquoi un travail, jadis dédié aux architectes est-il aujourd’hui abandonné à des artistes autoproclamés ? Les architectes ne remplissent-ils plus cette mission d’ordre esthétique de telle sorte que certains citoyens en éprouvent le besoin ?

C’est dans cette optique que mon travail visera à combattre certains préjugés ancrés dans l’imaginaire collectif : l’art urbain moderne, ou graffiti n’est peut-être pas une pratique visant à

5

SMETS, Marcel. Charles Buls – Les principes de l’art urbain. Ed. Mardaga, 1995. p.18 6 LOOS Adolf, Ornement et crime, Ed. Payot & Rivages, 2003 (traduit de l’allemand par S. Cornille).p.71

9


Fig. 4 : JR. Shanghai. 2010


détruire la ville. Il peut être au contraire un moyen de lui apporter une plus-value, de lui injecter une part de poésie. Afin de démontrer cette pensée, mon travail sera structuré comme une lecture comparée du paysage urbain et de la production artistique qui l’habite. Je m’appliquerai tout d’abord à décrire l’art urbain contemporain, d’en comprendre ses origines populaires, et ses motivations. Cette première approche du sujet sera l’occasion de préciser des nuances au terme de l’art urbain. Je me proposerai par la suite d’explorer, dans la littérature architecturale, différents modes de penser et de produire la ville ayant caractérisé le 20ème Siècle, et producteurs de délaissés urbains. On prendra ici pour hypothèse que l’art urbain spontané investit principalement ces lieux. Enfin, la dernière partie de mon exposé consistera à mettre en relation la ville et l’art urbain. Elle sera structurée et illustrée selon une étude sur le terrain, à travers la ville de Bruxelles. Cette phase d’investigation nous permettra de comprendre dans quels contextes et logiques s’inscrit le graffiti.

11



B. L’ART URBAIN CONTEMPORAIN

13


Fig. 5 : Inscriptions sur un mur. Pompéi. V

ème

S. av. JC

Fig. 6 : Tags. Metro de New York. 1973


Depuis les premières sociétés humaines, l’art dit officiel a toujours été accompagné, de manière plus ou moins visible

7 d’une forme d’art parallèle dite rebelle . Des pictogrammes ou gravures ont par exemple été découverts au XIXe siècle par des archéologues sur les colonnes de l’Acropole à Athènes, ou sur les murs de Pompéi. Ces premières formes d’expressions illégales sur les supports urbains étaient surtout utilisées par les citoyens pour inscrire une trace de leur passage ou de leur existence. Ainsi, à Pompéi, au 1er siècle, on pouvait lire sur les murs des phrases telles que : « Publius

Cornicius Restitutus s’est trouvé ici avec son frère » 8. Ces

messages exprimaient des idées personnelles, pouvant évoquer des sentiments, des déclarations politiques, sociales, poétiques ou encore philosophiques. On pourrait remonter plus loin dans le temps et citer les traces de graffitis retrouvés chez les aztèques, ou même encore l’art rupestre. Néanmoins, l’art urbain prit une ampleur considérable bien plus tard. C’est dans nos villes post-industrielles, et en particulier aux Etats-Unis dans les années 1960, que le graffiti va faire parler de lui. Cette pratique longtemps éclipsée à travers l‘histoire puisque considérée comme non conforme (de par son origine : la rue) va prendre une telle place dans l’espace urbain contemporain qu’il sera difficile d’éviter les débats à son sujet.

7

STAHL, Johannes. Street Art. H.F.Ulmann, 2008, p.6 CANU, Alain. Graffiti de Pompéi. http://www.noctes-gallicanae.fr/Pompeii/graffitis.htm (23.05.2012) 8

15


Fig. 7 : Graffeurs. Philadelphie. 1967

Fig. 8 : Graffitis sur une rame du mĂŠtro New-Yorkais. 1970


Aujourd’hui, « tout le monde, quels que soient le lieu

d’habitation ou le milieu social, a apparemment quelque chose à dire sur la peinture urbaine illégale »9.

1. L’ART URBAIN A PARTIR DU XXE SIECLE a. Emergence de l’art urbain : graffiti-signature et graffiti

C’est dans le milieu des années 1960 que le graffiti-signature 10 (plus fréquemment désigné par le mot tag) apparaît dans les ghettos de Philadelphie, puis rapidement dans les quartiers pauvres de New-York. Pratiqué par des gangs ou par des jeunes, souvent âgés de 16 ou 17 ans, il consiste à inscrire son nom, ou plus souvent son pseudonyme sur les murs du quartier, puis de la ville, à l’aide d’une bombe de peinture aérosol ou d’un feutre marqueur. Ces pièces d’une grande simplicité, et de format réduit, sont répétées, des dizaines, voire des centaines de fois dans l’espace urbain. C’est en quelque sorte une compétition qui se met en place entre les graffeurs : celui dont la signature va être la plus présente dans l’espace urbain gagnera en réputation.

9

WACLAWEK, Anna. Street Art & Graffiti. Thames & Hudson, 2012, p.7 10 Ibid. p.10

17


Fig. 9 : Graffitis Ă Chinatown. New York. 2010


Ces derniers vont donc rapidement se mettre en quête d’espaces vus pour y apposer leur signature : des espaces en hauteur, difficiles d’accès ou même les rames du métro NewYorkais assureront aux acteurs du graffiti-signature une visibilité excellente et une bonne manière de s’approprier la ville dans son entièreté. La forme des signatures va également évoluer au cours des années 70. Les graffeurs cherchent à développer des styles qui leurs sont propres, en travaillant sur l’échelle, les couleurs ou la typographie de leur message. Le terme de graffiti-signature n’est alors plus forcément légitime pour décrire des pièces nécessitant un travail de recherche plus approfondi. On désignera cette nouvelle pratique par le terme de graffiti. Nous conviendrons ici que le graffiti ne s’adresse alors en aucun cas au grand public : les graffeurs cherchent avant tout à dialoguer entre eux par le biais des murs. Cette pratique n’est donc pas encore comprise et lisible aux yeux de tous, et le graffiti va être rapidement classé comme un synonyme de violence, de délinquance et de vandalisme, par la population et par les pouvoirs publics.

19


Fig. 10 : Blu & JR. Berlin. 2007


b. Street art

Au cours des années 1980, le mouvement graffiti, jusque là restreint à quelques villes Nord-Américaines, va prendre de l’ampleur. Il se propage d’abord sur le continent américain par le biais des trains recouverts de graffitis, puis s’exporte à l’échelle planétaire : le phénomène se démocratise à Paris, Londres ou encore Sydney. Cette multiplication exponentielle des scènes du graffiti va pousser la recherche esthétique et conceptuelle à de nouvelles formes de représentation. Ainsi va naître le street art, ou post-graffiti, comme l’affirment certains auteurs : « Comparé au graffiti fondé sur la lettre qui est facile à reconnaître, le post-graffiti se targue d’une plus grande diversité et comprend des œuvres qui s’inscrivent dans la continuité de la tradition du graffiti-signature, s’y opposent ou y 11

contribuent sans y appartenir » . Le post-graffiti se distingue par la multiplicité des techniques qu’il englobe : les pochoirs, la craie, le fusain, les affiches, les stickers, les mosaïques… mais aussi par sa volonté de toucher une population plus large. Les œuvres sont mises en place dans des endroits bien plus accessibles physiquement comme visuellement. Le but n’est plus de marquer son territoire dans la ville à la manière des pionniers américains du graffiti. Les signatures codées des graffeurs sont remplacées par des messages

11

Ibid. p.29

21


Fig. 11 : Herakut. Lunebourg. 2009


graphiques interpelant directement et clairement le grand public. Il peut s’agir d’œuvres humoristique tout comme d’œuvres à visée clairement dénonciatrice d’un aspect de la société. Plus généralement, l’artiste « s’engage à travers son geste dans un

acte de confrontation ciblé, dans un dialogue avec la collectivité » 12. L’apparition du street art ne signifie pas pour autant la disparition du graffiti. Bien souvent, les 2 disciplines cohabitent et dialoguent au sein de l’espace urbain, et ce malgré leurs préoccupations différentes. Il n’est d’ailleurs pas rare que des street artistes pratiquent parallèlement le graffiti-signature pour assurer une sorte d’autopromotion de leur travail.

12

ARDENNE, Paul. Un art contextuel – création artistique : en milieu urbain, en situation, d’intervention, de participation. Flammarion. 2002. p.11

23


Fig. 12 : D*face. London. 2010


2. LES MOTIVATIONS DE L’ART URBAIN a. Graffiti-signature et graffiti : pratiques rebelles

La pratique du graffiti s’inscrit avant tout dans une logique contestataire. Historiquement originaire des quartiers populaires, il est une manière pour les graffeurs de faire entendre leurs préoccupations sociales et de dénoncer les conditions de vie dans les ghettos et les cités. En utilisant par exemple les rames de métro comme support pour leurs œuvres, les activistes entendent propager leur message parmi des classes sociales différentes de la leur. Les métros circulant dans l’ensemble de la ville, les graffitis vont pouvoir toucher l’ensemble de la population, même si, bien souvent, le message reste codé, et difficile à interpréter par le grand public. Il est intéressant de noter que la pratique du graffiti repose sur une idéologie antinomique : « se faire entendre tout en restant

dans l’anonymat »13. Les graffeurs refusent généralement d’être

assimilés à des artistes : ils considèrent leur pratique comme une forme de rébellion contre l’ordre établi. Par ailleurs, le graffiti est aussi une réaction face à l’omniprésence de la publicité dans l’espace urbain. En s’imposant aux yeux de tous, il remet en cause la légitimité des grandes entreprises d’infliger aux villes leur imagerie.

13

WACLAWEK, Anna. Street Art & Graffiti. Thames & Hudson, 2012, p.43

25


Fig. 13 : Daniel Feral. Graffiti & Street Art graphic. 2011


Mais le graffiti ne serait-il pas critiqué et sanctionné par les autorités justement parce qu’il met en évidence la difficulté de ces dernières à gérer et contrôler l’espace public ?

b. Street art : art du XXIe siècle ? Par opposition avec le graffiti, il est indéniable que le street art se veut une pratique accessible au public. Le statut de street artiste est fondamentalement différent du statut de graffeur, malgré des ressemblances notables (notamment par leur volonté commune de propager des idées engagées en investissant l’espace urbain) Comme le laisse suggérer l’appellation street artiste, les acteurs du mouvement acceptent volontiers leur assimilation à l’artiste, ce qui n’est pas le cas des graffeurs. Outre l’idée de poétiser l’espace public, le but fondamental du street artiste est de développer une esthétique à part entière. Ce n’est d’ailleurs pas sans raison que le street art a fait son entrée dans les galeries d’art depuis quelques années. De ce point de vue, l’espace urbain et le musée deviennent des lieux complémentaires. Les artistes utilisent la rue comme un laboratoire à ciel ouvert, avant de présenter leurs productions dans un lieu plus conventionnel, mais certains considèrent également la galerie d’art comme un moyen de

27


Fig. 14 : Kidult. Paris. 2011


tester leurs œuvres devant un public restreint avant de les installer dans la rue pour les présenter à la collectivité.

c. Ambigüité entre graffiti et street art Ces deux approches ainsi établies, nous pouvons comprendre aisément que les critiques redondantes du grand public à l’égard de tout ce qui provient de la rue soient liées à une confusion entre le graffiti et le street art. Cette confusion semble d’autant plus handicapante que même les acteurs du mouvement de l’art urbain ne semblent pas s’accorder, tant sur la légitimité de tel ou tel mouvement que sur la frontière entre les 2 disciplines. Certains graffeurs par exemple ont tendance à rejeter fondamentalement le street art, qu’ils considèrent comme un phénomène de mode, puisant son imaginaire dans la culture underground et illégale du graffiti pour le transformer en un produit de consommation. Le graffeur français Kidult par exemple, s’attache à défendre cette idée en vandalisant ironiquement des devantures de grandes enseignes parisiennes ou new-yorkaises, qui auraient profité de cette esthétique à des fins commerciales :

29


Fig. 15 : Pixação. São Paulo. 2010


“All these retail outlets have once used graffiti as a commercial tool to get more money and be “cool” without knowing anything about the culture. I didn’t simply say “hello” to them. If they really like graffiti, I just gave them what they love.” 14 Certains, peut-être plus ouverts, auront tendance à affirmer que les 2 disciplines peuvent être compatibles, de par leur volonté d’injecter de la poésie et de la créativité dans nos villes.

« A en croire certains médias, le graffiti serait à l’agonie. Il n’y aurait plus de graffeurs mais uniquement des ‘artistes issus du graffiti’ dont l’actualité n’est pas à chercher dans la rue ou dans les terrains vagues mais sur internet, au détour d’une collaboration avec une marque de montres, de baskets ou de sacs à dos. Et tant pis pour la créativité… Si cela avait intéressé quelqu’un, on aurait vu, dès les années 90, autre chose que des regards méfiants, des portes qui se ferment et des moustaches surmontées d’un képi bleu. Mais l’heure n’est pas à l’apitoiement car, au-delà du buzz préfabriqué et des pseudoexperts qui cherchent à redéfinir notre culture, il reste des projets motivés par la passion et l’envie d’aller de l’avant » 15 Il n’en reste pourtant pas moins vrai que certaines pratiques, bien que basées sur des idéologies défendables, ne cherchent pas forcément à améliorer visuellement l’espace public. Nous ne prendrons donc en considération, pour la suite de ce travail, que des œuvres qui interrogent la ville, son développement, et ses dents creuses oubliées des urbanistes. 14

KIDULT. http://kidultone.com/?page_id=848. (03.01.2013) GZELEY, Nicolas. Graffiti All Stars n°17. System Press Edition. Août 2012. p.3 15

31



3. L’ART URBAIN A BRUXELLES a. Historique

Alors que l’art urbain illégal fait son apparition dans la plupart des capitales européennes des la fin des années 1960 (il s’est par exemple démocratisé à Paris à l’occasion des évènements sociaux de mai 68), la ville de Bruxelles a tardé à voir la mouvance se développer sur son territoire. De nombreux historiens de l’art s’accordent à dire que c’est la structure même de la ville qui a retardé son arrivée. Contrairement à de nombreuses villes occidentales, Bruxelles ne présente pas de problèmes de grands ensembles, de cités ou de ghettos : des lieux où apparaissent généralement les premières manifestations de graffiti.

16

C’est donc de manière improbable que l’esthétique du graffiti fait son entrée dans la culture Bruxelloise : avant d’apparaître sur les murs de la ville, elle est présentée à l’occasion d’une exposition, From New York with love 17, en 1985, présentant le travail décontextualisé de quelques graffeurs new-yorkais.

16

SCOHIER, Claire. Les murs, réceptacles passés et présents de nos cris multiples. Bruxelles en mouvement n°239. p.5. 10 Juillet 2010. http://www.ieb.be/-BEM-no239- (23.05.2012) 17 GRIMMEAU, Adrien. Dehors ! – Le graffiti à Bruxelles. CFC éditions, 2011. p. 34

33


Fig. 16 : Le Bombeur Fou. Bruxelles. 1985


A ce moment, seuls deux artistes se risquent à investir l’espace public : Metallic Avau, qui diffuse des citations et des poèmes sur les murs de la capitale selon la technique du pochoir, et Le bombeur fou, étudiant suisse inscrit à Saint Luc, qui s’applique à propager à Saint-Gilles et Ixelles l’esthétique du graffiti qu’il importe de sa ville d’origine Zürich, où le mouvement est déjà bien ancré dans la culture urbaine. Ce ne sera que quelques années plus tard que le mouvement prendra de l’ampleur, accompagné par la culture hip-hop nouvellement arrivée des Etats-Unis. Ainsi, l’année 1990 voit les infrastructures de la STIB 18 se faire envahir par les graffeurs : rames de métro et de tramways, tunnels et stations deviennent des supports qui permettent de faire voyager cette nouvelle esthétique dans toute la ville. La STIB adoptera alors des positions contradictoires à l’égard du sujet. Elle soutiendra les productions de certains artistes pionniers sur ses infrastructures, mais appliquera rapidement une politique de surveillance accrue avec la croissance exponentielle des interventions des graffeurs (vidéosurveillance, brigades de contrôle) : « De 1981 à 1986, dit-on à la STIB, les différents tags connus et

réguliers étaient consignés dans un seul classeur. Pour la période 1986 à 1987, il a fallu un autre classeur. Et on sait déjà que pour 1989, un classeur ne suffira pas : on y compte déjà 288 rapports » 19. 18

Société des transports intercommunaux de Bruxelles BOUILLON, Pierre. Colt, Zéno, Joss : le tag déferle sur Bruxelles, Le Soir, 19 septembre 1989. 19

35


Fig. 17 : Pierre Fromont. Station Simonis. 1987/88


L’absence de ghettos à Bruxelles, comme tel est le cas à New York va par ailleurs permettre aux artistes de sauter l’étape du graffiti-signature : la majorité des graffeurs s’intéressera d’avantage à la recherche esthétique qu’au simple fait de marquer son territoire, comme le faisaient les pionniers du graffiti nord-américain. Certains auteurs laissent également à penser que la tradition bruxelloise pour la bande dessinée a joué un rôle important dans le développement de l’esthétique du graffiti durant cette période : de nombreux artistes ne se contentent plus de peindre leurs signatures avec des typographies stylisées, mais y intègrent de plus en plus des personnages, bien souvent marqués par le style de la ligne claire. Jusqu’à la fin des années 1990, le graffiti reste largement cantonné avec les réseaux de transport : en plus de peindre les infrastructures de la STIB, les graffeurs investissent les supports muraux accompagnant les chemins de fer de la SNCB, en particulier le long de l’axe Bruxelles - Hal. L’objectif étant d’être vu par un maximum de monde. C’est autour de l’an 2000 que va avoir lieu un tournant dans l’histoire de l’art urbain bruxellois. Avec le développement d’internet, les jeunes artistes s’ouvrent sur de nouvelles influences, et découvrent des artistes étrangers n’utilisant plus uniquement la bombe aérosol pour investir la rue : affiches, autocollants ou mosaïques vont élargir le paysage artistique de la ville. Par la même occasion, cette évolution des moyens d’expression vont introduire une remise en cause de l’interaction entre le grand public et l’art urbain. Le street art ne sera plus conçu comme de simples fresques que les 37


Fig. 18 : Oli-B. Bruxelles. 2012


voyageurs pourraient observer durant leurs trajets en transport en commun, mais plutôt comme une manière d’interagir avec l’observateur, de susciter des réflexions en tout genre. Le street art va alors s’immiscer plus profondément dans le tissu urbain de la ville, cherchant à interpeler les bruxellois en dépassant frontières sociales. En 2001, la cellule urbanisme de la ville de Bruxelles propose la création d’une association, Recyclart, qui a pour vocation de faire revivre le quartier de la gare de la Chapelle, notamment en faisant interagir l’art urbain avec les bâtiments abandonnés de la gare. Ce projet, également suivi par l’Union européenne montre l’ouverture progressive des autorités sur la question du street art. Paradoxalement, les évolutions plus récentes du mouvement street art l’ont fait revenir là où il avait fait son apparition à Bruxelles : dans les galeries. Témoignant de l’intérêt grandissant du public pour l’art urbain, la galerie A.L.I.C.E, située dans le centre-ville, présente en 2005 sa première exposition consacrée au street art, et plus particulièrement en présentant les œuvres de l’artiste Alexöne.

39


Fig. 19 : Banksy. London. 2006


b. Législation

Bien que le graffiti et le street art connaissent un développement exponentiel dans l’agglomération bruxelloise depuis plusieurs années, et ce de manière appréciée ou non du grand public, il n’en reste pas moins vrai que ces pratiques sont sévèrement punies par la loi belge. Cette loi s’est par ailleurs d’autant plus durcie que le phénomène a pris de l’ampleur dans la culture urbaine. La loi du 25 janvier 2007 a pour objectif de punir toute personne réalisant un graffiti sur un bien appartenant à autrui. Cette loi a été justifiée pour plusieurs raisons : les graffitis dégradent la ville et créent un sentiment d’insécurité. Par ailleurs, il est précisé que le coût de nettoyage des biens dégradés est élevé. La loi prévoit des sanctions qui peuvent s’appliquer au niveau pénal, mais aussi au niveau administratif et communal. Ainsi, les graffeurs s’exposent à un emprisonnement pouvant aller jusqu’à six mois (ou même jusqu’à un an en cas de récidive dans les cinq années suivant la condamnation), et à une amende comprise entre vingt-six euros et deux cent euros

20 selon le niveau de dégradation provoqué. Dans le meilleur des cas, ils peuvent être condamnés à des travaux d’intérêts publics, souvent matérialisés par le nettoyage de zones touchées par le graffiti.

20

SMOOS, Sylvie. Tags et graffitis repénalisés, 2011. http://www.uvcw.be/actualites/2,129,1,0,1691.htm (20.05.2012)

41


Fig. 20 : Banksy. London. 2006


Il est intéressant de noter que la ville de Bruxelles consacre énormément d’argent en ce qui concerne le nettoyage des graffitis : 4,6 euros par habitant chaque année, ce qui représente plus que pour des villes comme New York (0,7 euros) ou Los Angeles (3,4 euros) pourtant fortement

touchées par le phénomène. 21 Cependant, nous pouvons constater que certaines communes pratiquent une politique de nettoyage beaucoup plus intensive que d’autres. Des quartiers plus populaires comme Ixelles ou Saint-Gilles ne sont que rarement soumis à des opérations de nettoyage, tandis que d’autres tels que le Pentagone ou le quartier Européen à Schuman sont beaucoup plus réactifs sur ce sujet. On peut s’interroger sur l’intérêt d’investir de tels moyens dans le nettoyage des murs, lorsque l’on sait que ceux-ci seront de nouveau investis par les graffeurs par la suite. Certains artistes considèrent même le nettoyage comme une opportunité pour l’art urbain de se renouveler.

22

21

SERGE, Louis. Pochoirs et pochoiristes à Bruxelles : Etude contextualisée des graffitis urbains dans la capitale de l’Europe. Ed. Maedia, 2010, p.88 22 Ibid. p.101

43



C. LA VILLE PRODUCTRICE D’ESPACES DELAISSES.

45


Fig. 21 : Banksy. Detroit. 2010


La ville est par essence le support de l’art urbain. Le graffiti tout comme le street art sont tributaires de l’espace urbain et de l’architecture, bien qu’ils portent souvent sur eux un regard critique. Il semble apparaître une certaine logique dans le développement de l’art urbain. Il n’est par exemple pas concevable pour un artiste d’utiliser une église ou un monument historique comme support pour son œuvre, tandis qu’il est déjà plus évident pour un promeneur de se retrouver face à un bâtiment désaffecté et investi par des artistes urbains. Nous nous proposons ici d’émettre l’hypothèse que le street art s’est développé autour d’un code moral, peut-être inconscient, lui conférant certaines limites dans ses champs d’action. Il semble intéressant d’aborder l’étude spatiale de l’art urbain en considérant celui-ci comme une manière de panser les espaces publics et non comme une pratique visant à la dégradation. L’objectif de ce chapitre est donc de mettre en évidence, de manière théorique, les différentes manières dont se créent les appendices urbains que le street art se proposerait de soigner. Il s’agira d’une part de transcrire la pensée de certains auteurs sur le sujet, mais également d’en comprendre l’origine et le fonctionnement, de manière à anticiper le travail d’analyse des espaces délaissés bruxellois.

47


Fig 22 : maquette du projet du quartier Nord. Bruxelles. 1978


1. INTRODUCTION SUR LA VILLE MODERNE Le passage de la ville traditionnelle à la ville postindustrielle pourrait se résumer à une évolution des préoccupations des urbanistes et des pouvoirs publics. La ville dite traditionnelle se distingue par une conception « multifonctionnelle » tandis que la ville moderne répond à une logique « unifonctionelle » et zonée.

« On est passé de la production de lieux – référents symboliques où l’articulation espace-temps se définit par rapport au regard humain et à un rythme proche de la marche humaine, et exige une harmonie entre éléments paysagers, urbanistiques et architecturaux - , à la production d’espaces – fractions du territoire urbain dont la nature se définit uniquement en terme de fonction (circulation, centralisation administrative ou financière, distribution des marchandises) et dont l’articulation espace-temps se définit par rapport aux contraintes économiques et techniques régissant l’accomplissement efficace de chaque fonction isolée » 23 En d’autres termes, l’urbanisme moderniste ne penserait plus la ville comme un ensemble cohérent, tel que le faisaient les partisans de l’art-urbain de la renaissance, mais comme un ensemble d’éléments isolés, notamment au profit de la voiture et de la circulation à grande vitesse.

23

ARAU. Bruxelles vu par ses habitants. Commission Française de la culture de l’Agglomération de Bruxelles. 1984. p.12

49


Fig. 23 : Stanley Kubrick. Chicago. 1949


2. PERCEPTION

Il semble nécessaire d’aborder ce travail de compréhension de la ville moderne par une analyse rapide de la perception que s’en font ses acteurs. L’architecte Kevin Lynch propose, en 1998 dans son ouvrage The Image of the City, une étude de 3 villes américaines : Boston, Jersey City, Los Angeles, et plus particulièrement de la manière dont elles sont vues par leurs habitants.

« Structurer et identifier son milieu est une faculté vitale chez tous les animaux. Toutes sortes d’indications sont utilisées : les impressions visuelles, de couleur, de forme, de mouvement, ou de polarisation de la lumière, aussi bien que d’autres sensations telles que l’odeur, le son, le toucher, la kinesthésie, la sensibilité à la pesanteur et peut-être aux champs magnétiques et électriques. […] Bien qu’il reste quelques phénomènes troublants, il semble aujourd’hui improbable que le fait de trouver son chemin soit dû à un quelconque ‘ instinct ‘ magique. […] S’égarer complètement est peut-être une expérience assez rare pour la plupart des gens dans la ville moderne. Nous sommes soutenus par la présence des autres et par des moyens particuliers de trouver notre chemin : cartes, numérotation des rues, signalisation routière, écriteaux des autobus. Mais s’il arrive par malheur que nous soyons désorientés, la sensation d’anxiété et même de terreur qui accompagne cette perte de l’orientation nous révèlent à quel

51


Fig. 24 : Robert Venturi. Learning from Las Vegas. 1972


point en dépendent nos sentiments d’équilibre et de bien être » 24

Lynch soulève ici un reproche que l’on pourrait faire à la ville moderne. En cherchant à rationnaliser l’architecture, et la libérer de tout élément superflu, les progressistes ne seraient-ils pas en train de produire une ville uniforme et dépourvue de repères spatiaux ? La surabondance d’éléments graphiques dans l’espace public contemporain (signalétique, affiches publicitaires, graffitis) ne serait-elle pas un moyen vain pour donner aux habitants des repères, et de la même manière, les rassurer ? L’architecture ne se suffirait-elle donc plus à ellemême ?

24

LYNCH, Kevin. L’Image de la cité. Ed. Dunod. 1998. p.4

53


Fig. 25 : Elia Zenghelis & Rem Koolhaas. The city of the captive globe 1972


3. LA VILLE GENERIQUE

En 1995, Rem Koolhaas, architecte urbaniste hollandais, écrit un essai intitulé La Ville Générique, qui sera publié quelques années

plus tard dans son recueil Junkspace 25. Cet essai est conçu comme un manifeste soutenant la ville contemporaine. Toutefois, le texte porte malgré lui un regard critique sur les pratiques modernes. Le terme générique du titre évoque le manque d’identité que présentent les villes aujourd’hui : « les

villes contemporaines sont-elles, comme les aéroports contemporains – ‘toutes les mêmes’ ? » 26. Le raisonnement qu’il nous présente n’est donc pas spécifique à une ville en particulier, mais à portée générale. Koolhaas tente d’apporter une réponse à cette question en s’appuyant sur plusieurs points, mais ce sont ses idées sur l’urbanisme qui vont ici nous interpeller. L’un des facteurs de perte identitaire de la ville résiderait dans la conception de l’espace public par les urbanistes, ou plutôt dans sa non-conception : « La rue est devenue un résidu, un

outil d’organisation, un simple segment du plan métropolitain continu, où les restes du passé rencontrent les équipements du présent dans un face-à face gêné »27.

25 26 27

KOOLHAAS, Rem. Junkspace. Ed. Quodlibet, 2006 Ibid. p.45 Ibid. p.41

55


Fig. 26 : rue de la Loi. Bruxelles. 2009


Ainsi, en focalisant leur attention sur la conception de bâtiments autonomes, de programmes architecturaux complexes et refermés sur eux-mêmes, les urbanistes laisseraient de côté le dessin de l’espace public. C’est pourtant bien l’espace public, qui, selon Koolhaas, devrait être le générateur de la ville, et non le contraire. Ainsi, de cette inversion du processus de conception s’expliquerait cette déshumanisation des villes que l’architecte dénonce. On peut constater que dans cet ouvrage, l’auteur s’attelle à illustrer la plupart de ses idées avec le cas de New York, ville qu’il avait longuement analysée à l’occasion de son ouvrage Delirious New York (1994). Ce constat est d’autant plus intriguant lorsqu’on sait que New York constitue l’un des berceaux du graffiti des années 1970. Plus tard dans le texte, il affirme de manière encore plus crue que « la rue est morte. Cette découverte a coïncidé avec des

tentatives frénétiques pour la faire renaître. L’art public est partout, comme si deux morts faisaient une vie. La piétonisation – censée préserver – ne fait que canaliser le flot de ceux qui sont voués à fouler aux pieds l’objet qu’ils voulaient honorer » 28

28

Ibid. p.57

57


Fig. 27 : quartier EuropĂŠen. Bruxelles. 2013


Il est donc clair que la ville générique, fruit de la pensée moderniste, produit par nature une série de résidus urbains qui lui enlèvent toute substance. Ce serait dans ce même contexte résiduel que pourrait se développer l’art urbain. Koolhaas semble considérer ici que l’art public (qui se définit comme une pratique de l’art urbain dans un contexte légal et commandé) ne serait qu’un moyen vain de redonner une âme aux villes modernes. Qu’en serait-il alors du street art ?

59


Fig. 28 : Doel. 2012


4. LES INTERSTICES URBAINS

L’analyse de la pensée de Koolhaas nous permet de comprendre que les villes contemporaines développent des espaces dépourvus de vie, sans toutefois en préciser leur nature. Une première approche plus détaillée de ces espaces peut être faite avec le concept d’interstice urbain. L’expression a été proposée et définie à l’occasion d’une étude sociologique menée par le Ministère de l‘Equipement français, portant sur l’analyse des espaces parisiens en marge, et des activités économiques qui s’y développent.

29

Même si le but de l’étude – mettre en relation les espaces en marge de la ville et les emplois qu’ils génèrent – n’est pas à proprement parler le but de notre travail, les analyses spatiales que l’ouvrage propose ne sont pas dépourvues d’intérêt. La ville est présentée comme la somme de 2 types d’espaces distincts : l’espace majeur et l’espace mineur. L’espace majeur se définit comme celui qui domine la ville, de par sa taille, et son caractère normatif. C’est un espace contrôlé par la société. Les espaces mineurs - interstices urbains – sont des

espaces « cachés […] et soustraits des regards »30. Il peut s’agir

29

HATZFELD, Hélène. HATZFELD, Marc. RINGART, Nadja. Quand la marge est créatrice – Les interstices urbains initiateurs d’emploi. Ed. de l’Aube, La Tour d’Aigues, 1998 30 Ibid. p.13

61


Fig. 29 : impasse de la rue St Jacques. Lille. 2012


par exemple de terrains vagues, de squats, de friches industrielles, d’une cité exclue de l’espace urbain, d’une ruelle présentant des activités marginales. Plus généralement, tout

espace « oublié des politiques urbaines » 31 peut se définir comme un interstice urbain. Contrairement à ce que Koolhaas énonce dans son essai, l’interstice urbain n’est pas présenté ici comme un défaut dans le processus de l’urbanisme contemporain, mais comme le fruit d’un phénomène plus complexe. L’existence de l’interstice découlerait des évolutions successives de la ville au fil des époques, et de sa réappropriation par des générations aux préoccupations différentes. En d’autres termes, l’existence de l’interstice serait liée au temps. Pour mieux comprendre cette idée, les auteurs assimilent la ville à un puzzle. Les pièces de ce puzzle se distinguent en 2 catégories : le bâti, et les usages. L’évolution de la société et de ses besoins implique que le puzzle est constamment remodelé : un bâtiment affecté à un usage donné à une époque peut être associé à un nouvel usage par la suite. Une gare peut par exemple se transformer en un musée. « C’est là que l’interstice entre en fonction. Le puzzle n’en est

pas un véritable. Une partie des pièces se marient entre elles, soit. Une autre partie parvient à entrer en force, grâce au temps. Une dernière partie n’entre pas parce que les dessins des pièces ne correspondent pas du tout entre eux. Il reste

31

Ibid. p.19

63


Fig. 30 : Grands Moulins de Paris. Lille. 2011


ses espaces, des jours, des superpositions, des plis. Ce sont les interstices. » 32 En d’autres termes, les interstices urbains sont des espaces qui ont pu avoir un sens à une époque donnée, mais que les évolutions successives des besoins de la ville ont rendus obsolètes. Ils échappent par conséquent à toute logique d’aménagement. Non pas parce qu’ils ont été oubliés par les concepteurs des villes, mais parce que ces derniers ne sont pas parvenus à leur donner une véritable fonction. Il est alors aisé de s’imaginer que des artistes urbains puissent s’immiscer dans ces lieux dans le but de leur donner une nouvelle utilité. Mais l’art urbain peut-il prétendre à faire revivre de tels espaces simplement en s’y invitant ? Ne pourrait-on pas, en tant qu’architectes, imaginer d’autres utilités pour ces interstices ? Nous pouvons néanmoins affirmer que l’art urbain a le mérite d’attirer les regards et les débats des pouvoirs publics sur ces lieux, en plus de leur proposer une nouvelle image.

32

Ibid. p.23

65


Fig. 31 : David Mangin. Osaka. 2010


5. LES ESPACES INTERMEDIAIRES

Une autre approche des espaces délaissés urbains peut être faite en étudiant la structure de la ville dans sa globalité, et notamment dans les rapports qu’elle entretient entre son centre et sa périphérie. Cette idée a été proposée par Laurence Roulleau-Berger, chercheur en sociologie urbaine à l’université Lyon-2. En 1993, elle présente les espaces de transition entre le centre ville et la 33

banlieue dans son ouvrage La Ville-intervalle . Son travail se base essentiellement sur l’étude des agglomérations françaises - en particulier l’agglomération parisienne - présentant une bipolarité centre / périphérie évidente, que l’on ne retrouve pas de manière franche dans la région bruxelloise. Certains points relevés dans sa pensée restent néanmoins intéressants à souligner. Le concept d’espace intermédiaire, ou « espaces de transition culturels »34 désigne des lieuxs situés entre ville et banlieue, des espaces fortement marqués par les infrastructures de déplacement. Ces espaces sont marqués par une temporalité particulière puisqu’ils ne sont faits que pour être traversés : nous pourrions les comparer à des no man’s land délimitant une frontière entre les quartiers (pauvres) périphériques et le centre ville. 33

ROULLEAU-BERGER, Laurence. La Ville-intervalle - Jeunes entre centre et banlieue. Ed. Méridiens - Klincksieck, 1993. 34 Ibid. p.17

67


Fig. 32 : Ring. Anderlecht. 2013


Selon Laurence Roulleau-Berger, il est fréquent de constater que ces lieux particuliers sont investis par des activités et des micro-cultures marginales, notamment par des jeunes de banlieue : « ils constituent des sources de régulation

autonomes par rapport aux sources de régulation créées par l’Etat »35. différence des interstices urbains, les espaces intermédiaires ne sont donc pas intégrés directement au tissu de la ville, mais en sont mis à l’écart : coincés entre le tissu historique et le tissu résidentiel qui se développe en périphérie. Ces espaces, fortement marqués par des infrastructures de transport lourdes – chemins de fer, autoroutes, boulevards périphériques et échangeurs – peuvent difficilement être habités. Ils constituent des lieux ou l’art urbain, en tant que contre-culture, pourrait avoir tendance à se développer. A

la

On pourrait rapprocher cette idée de ce que l’anthropologue Marc Augé définit comme les non-lieux : « ces espaces

d’anonymat qui accueillent chaque jour des individus plusnombreux. Les non-lieux, ce sont aussi bien les installations nécessaires à la circulation accélérée des personnes et des biens (voies rapides, échangeurs, gares, aéroports), que les moyens de transport eux-mêmes (voitures, trains ou avions) »36

35

Ibid. p.25 AUGE, Marc. Non-lieux, introduction à une anthropologie de la surmodernité. Ed. Seuil. 1992. p.101 36

69



D. VILLE & STREET ART

71


Figure 33 : Gregor. Lodz. 2010


1. DEFINITION DES LIMITES DE L’ETUDE

Nous avons montré que l’art urbain que l’on retrouve dans les villes peut être classé suivant deux catégories distinctes : le graffiti et le street art. Bien qu’il soit en réalité difficile de faire des raccourcis, tant certaines productions peuvent susciter le débat, nous pouvons affirmer qu’une catégorie des acteurs de l‘art urbain ne cherche pas la reconnaissance de la société, tandis qu’une autre s’intéresse de manière fondamentale au dialogue interposé artiste – ville – public. C’est la seconde catégorie que nous analyserons plus en détail par la suite du travail, à travers la région Bruxelloise. Il parait en effet difficilement concevable d’avancer qu’une pratique telle que le graffiti, ne s’adressant qu’à un groupe social particulier que sont les graffeurs, puisse être bénéfique pour l’ensemble de la société. La pratique du street art, au contraire présente une philosophie plus soutenable, puisqu’elle se propose d’apporter une esthétique nouvelle à des espaces souvent oubliés par les penseurs de la ville.

73


Fig. 34 : quartier du Midi. Bruxelles. 2003


2. BRUXELLES

Après avoir défini quel type de production pourrait nous intéresser au sein de l’art urbain – le street art – et posé de manière théorique différents contextes spatiaux dans lesquels ces derniers ont tendance à émerger, il semble opportun d’établir un rapprochement plus concret à travers une étude de terrain. Tout d’abord, parce que ce rapprochement permettra de vérifier si les artistes investissent en effet ces espaces en perte de vitesse, et non des espaces présentant une véritable identité architecturale. Mais surtout parce qu’une approche plus concrète de la question nous permettra probablement d’affiner la définition des espaces supports de l’art urbain. Les différentes conceptions du délaissé urbain, décrites en amont, n’ont en effet pas la prétention d’être exhaustives et universelles. Un aller-retour entre le travail théorique, et l’investigation sur le terrain constituera donc la suite du travail. La décision d’analyser le phénomène du street art à l’échelle de l’agglomération bruxelloise n’est pas le fruit du hasard. Bruxelles est une ville qui présente une structure urbaine complexe liée à une superposition ambigüe de tissus d’époques différentes. Jusqu’à la fin du 19ème Siècle, la ville a conservé son apparence médiévale, et ne s’est intéressée que tardivement aux aménagements modernistes. L’ « haussmannisation » de la ville par exemple, ne devint une préoccupation des pouvoirs publics qu’à partir de 1865, à 75


Fig. 35 : le palais de Justice vu depuis les Marolles. Bruxelles. 1932


l’occasion d’un concours remporté par Léon Suys (par comparaison, la ville de Paris terminait ses travaux de transformation à la même époque). Ce retard dans le développement de la ville, combiné aux envies pressantes de différents bourgmestres de moderniser le centre ville eut pour conséquences la réalisation d’opérations urbaines bâclées et souvent considérées comme échouées par les bruxellois. Plus tard, après la seconde guerre mondiale, la ville obtient le titre de « capitale de l’Europe » et devient, en 1958, le siège de nombreuses institutions de l’Union Européenne. Là encore, on observe une vague de travaux urbains radicaux, justifiés par la volonté de faire de Bruxelles une ville symbole de la modernité de l’Europe.

« Le paysage bruxellois révèle ainsi de manière extrêmement aigue une rupture manifeste dans la logique du développement urbain que l’on peut dater principalement, par la simple observation – si l’on excepte la jonction nord – Midi – d’après la seconde guerre mondiale. […] Pour des raisons historiques propres à Bruxelles la déstructuration du tissu urbain y a été particulièrement violente. En effet, le contexte institutionnel a offert très peu de résistance à l’émergence d’une logique unifonctionelle « à l’américaine » s’imposant à l’ensemble de la vie urbaine, alors que l’on peut dire que l’originalité de la ville européenne était d’être traversée par des logiques multiples dont les sédimentations s’accumulaient avec le siècles en strates visibles, et constituaient sa diversité et sa complexité » 37 37

ARAU. Bruxelles vu par ses habitants. Commission Française de la culture de l’Agglomération de Bruxelles. 1984. p.12 77


Fig. 36 : place du Congrès. Bruxelles. 2012


On pense ici aux quartiers rasés autour des gares du Nord et du Midi, au quartier des Marolles, déstructuré par la jonction nord-midi et par les travaux du palais de justice, à la place de la Monnaie, où le « vaisseau néo-classique de l’Opera » semble faire figure de vestige préhistorique au milieu des grattes ciels modernistes, ou encore aux rues de la Loi, Belliard, rappelant vaguement le paysage des villes verticales américaines. On pourrait encore relever de nombreux fragments de la ville correspondant à cette description. En observant l’ensemble de l’agglomération Bruxelloise, on prend rapidement conscience que la proportion de territoire considérée comme symbolique (pour les touristes par exemple : la grand place, l’Ilot Sacré) est extrêmement réduite, en comparaison avec le territoire transformé par le mouvement moderne. Cet aspect de ville saccagée par le modernisme, plus qu’ailleurs, ces opérations urbaines rarement pensées à long terme, sont des éléments qui expliquent la manière dont nous percevons la ville aujourd’hui : un territoire complexe, générateur de nombreux délaissés urbains. Ces délaissés sont le résultat de l’insertion brutale de la ville moderne dans le tissu médiéval. Des espaces deviennent inutiles, perdent leur fonction première, ou se retrouvent coupés de la ville par la modification du réseau viaire. Ce sont ces différents facteurs qui ont justifié ma décision d’étudier le street art à l’échelle des délaissés urbains bruxellois, tant ils sont nombreux et variés.

79


Fig. 37 : quartier de la Chapelle. Bruxelles. 1940


Le choix bruxellois diversité. Il de penser l’histoire.

des zones d’études au sein du paysage urbain s’est fait de manière à présenter une certaine vise ainsi faire un lien avec les différentes manières et de faire la ville que Bruxelles a vécues au fil de

La suite de ce travail présentera donc une analyse de 5 cadrages délimités au sein de la région de Bruxelles-Capitale. Ces lieux n’ont pas la prétention de porter l’ensemble de la production du street art bruxellois, mais en sont néanmoins représentatifs. L’analyse portera sur : -

-

-

Des lieux produits pouvant êtres vus comme le résultat d’une vision générique de la ville : le quartier de la Chapelle, les boulevards du centre. Des lieux interstitiels résultant de la superposition de couches urbaines d’époques différentes : le quartier du palais de justice, les ruelles du Pentagone. Des espaces intermédiaires, produits par la croissance et l’extension de la ville : les abords de l’échangeur de Neerpede.

Afin de cerner au mieux les enjeux de ces différents lieux, il semble nécessaire de les aborder au travers d’une étude historique. Cette analyse permettra de mieux comprendre la manière dont le street art s’y insère. L’étude et le recensement du street art sera présentée au moyen de relevés photographiques et cartographiques précis, voulant représenter la réalité telle qu’elle se présentait aux bruxellois en 2012. 81


Fig. 38


3. LE QUARTIER DES MAROLLES Le quartier des Marolles, situé sur une pente du sud de l’enceinte historique bruxelloise, constitue l’un des plus vieux quartiers de la ville. Les premiers habitants s’y installèrent dès le 10ème siècle, afin d’échapper aux crues de la Senne. Il s’agissait d’artisans, de maraîchers et plus généralement d’ouvriers. A travers l’évolution de la ville, les 4 hectares du quartier ont toujours conservé cet aspect populaire, tant dans la population y vivant que dans l’architecture, faite de rues sinueuses et d’impasses où s’établissaient les artisans. En sillonnant le quartier, on peut remarquer le street art s’agglomère autour de 2 pôles distincts : les alentours du palais de Justice, et le alentours de la gare de la Chapelle. Ce sont des lieux qui matérialisent les limites physiques et mentales du quartier.

a. Les abords du palais de Justice

En 1860, un arrêté royal ordonne la construction d’un nouveau palais de Justice pour la ville, visant à remplacer l’ancien édifice, localisé dans le centre ville, et jugé trop petit. Le site du mont des Potences, situé au sommet des Marolles est désigné pour son édification. 83


Fig. 39


Le projet est attribué à Joseph Poelaert, qui dessinera un bâtiment aux proportions colossales : 665 000 m³, 576 locaux. Ce projet qualifié aujourd’hui de disproportionné nécessita l’expropriation d’environ 150 habitations du quartier, acte qui provoqua une réelle déchirure dans le tissu social des Marolles. La partie haute de ce quartier populaire est en effet rasée pour y accueillir un édifice public ne se préoccupant que très peu de son environnement direct. Le bâtiment est d’ailleurs orienté sur la nouvelle rue Royale, qui met en perspective la place Royale et le palais de Justice, et tourne le dos au quartier sur lequel il s’impose. Parallèlement à ces travaux, un nouveau plan d’urbanisme prévoit le tracé de la rue Blaes dans le quartier. Cette grande artère rectiligne coupera le réseau de rues médiévales des Marolles du Nord au Sud, dans la lignée d’une politique haussmannienne cherchant à maîtriser les rebellions du peuple et à prévenir l’apparition d’éventuelles barricades. Les dessins présentés ci-contre représentent la portion du quartier des Marolles dont il est question ici. Le plan datant du début du 19ème Siècle présente un réseau de rues sinueuses s’intégrant à la topographie de la vallée de la Senne. Le plan de 1860 présente le nouveau palais de justice, à l’est du quartier, et le tracé de la rue Blaes, à l’ouest. Ces 2 ouvrages ont considérablement modifié la structure urbaine des Marolles, et de nombreux îlots ont été rasés à cette occasion. On remarque cependant qu’une couche bâtie persiste entre les 2 époques (en grisé sur les plans) Il s’agit d’îlots de logements anciens desservis par d’étroites ruelles, qui n’ont globalement 85


Fig. 40


pas été affectées par les travaux. Ces ruelles qui, jusqu’à présent vivaient d’artisanat et de commerce, se retrouvent prises en étau dans un système moderne qui va les isoler de ce qui reste du quartier. Les habitants des bas-Marolles n’y passeront désormais plus puisqu’elles aboutissent au palais de Justice qui attire une population de hauts fonctionnaires habitants dans d’autres quartiers. Inversement, les usagers du palais de justice ne s’aventurent que rarement dans le quartier. Il s’agit donc d’une couche urbaine délaissée, isolée de la ville, qui va progressivement se vider d’une partie de ses habitants, laissant leurs maisons à l’abandon pour rejoindre des lieux de vie mieux intégrés à la ville. En se promenant dans le quartier, on peut constater que ce sont dans ces mêmes ruelles que se retrouvent la majorité des pièces de street art des Marolles. Ce quartier qui véhicule parfois une image dégradée et sale est en réalité très propre et respecté de sa population. Seules ces ruelles semblent être investies par les street artistes. Le street art semble être une tentative de redonner de la vie, de redonner une image positive à ces rues délaissées et délabrées. Les pièces s’invitent sur des murs aveugles, des maisons abandonnées, des fenêtres condamnées, des panneaux de chantier. Des passants s’arrêtent de temps en temps pour contempler les murs, les photographient, et engagent la conversation. Le street art semble ici apporter un plus à la ville, et amène de la couleur à ces espaces déshumanisés, tout en proposant des messages engagés remettant en question le statut de leur lieu d’accueil. 87



Les ruelles bordant le palais de Justice permettent de saisir la dimension éphémère du street art. Grâce à un travail de relevé photographique répété à 1 an d’intervalle, il est possible de constater que les œuvres présentes sur une surface changent. S’agit-il d’une opération d’effacement et de nettoyage mise en place par la ville, ou simplement d’un recouvrement d’une œuvre par une autre ? Toujours est-il que le street art propose aux habitants et promeneurs du quartier une évolution et un renouvellement, de la même manière qu’un musée propose des expositions temporaires à son public.

Fig. 41 : Street art. quartier des Marolles. 2012

89


Fig. 42


b. Alentours de la gare de Bruxelles-Chapelle

L’origine du quartier de la Chapelle remonte au 12ème Siècle. En 1134, l’église de la Chapelle est édifiée sous le règne de Godefroid Ier, dans une volonté de sacraliser les différentes entrées de la ville de Bruxelles. L’église, alors investie par des moines, se situe donc à l’extérieur de la première enceinte. Elle est entourée de champs et de marais, au fond de la vallée de la Senne. Rapidement, de nombreuses constructions liées à l’artisanat vont apparaître autour de la Chapelle, et profiter de la situation avantageuse des terrains proches de la Senne : filatures, blanchisseries et lavoirs commencent à s’édifier et forment un ensemble présentant le caractère populaire que l’on retrouve encore aujourd’hui dans le quartier. En 1379 s’achève la construction de la seconde enceinte de la ville. Le quartier est alors annexé par la ville et son urbanisation s’opérera de manière intense. Il deviendra un lieu prisé par une population ouvrière attirée par la proximité des lieux de travail et le coût peu élevé des habitations. Rapidement, le tissu urbain va se confondre avec le quartier des Marolles, situé plus au sud, sur les pentes de la vallée de la Senne. Le quartier de la Chapelle est plus connu aujourd’hui sous le nom de BasMarolles. Il ne connaitra que très peu de perturbations majeures jusqu’au 20ème siècle, hormis le tracé de la rue Blaes en 1860 qui nécessita l’expropriation de quelques ilots de logement. C’est à partir de 1925 que le Bas-Marolles va connaître un épisode traumatisant. La ville souhaite depuis 1869 mettre en 91


Fig. 43


place une jonction ferroviaire entre ses 2 nouvelles gares construites à l’extérieur du Pentagone : la gare du Midi et la gare du Nord. Une jonction sous-terraine qui traverserait la ville de part en part. Son édification fût néanmoins retardée, en particulier à cause des frais engendrés par le voûtement de la Senne, le tracé des boulevards du centre, et la 1ère guerre mondiale. Les travaux ont finalement lieu de 1925 à 1952, date de l’inauguration de la jonction nord-midi. Ils nécessitèrent la destruction de plus de 1200 maisons et rues médiévales du centre. La jonction ferroviaire est enterrée sous un long boulevard monumental qui serpente dans la ville entre de nouveaux bâtiments publics modernes : la Bibliothèque Royale, les Archives générales du Royaume, la Cité Administrative, plusieurs musées, et 3 nouvelles gares de proximité : la gare de la Chapelle, la gare Centrale et la gare du Congrès. Le projet a été critiqué dès le départ par les bruxellois : en plus d’avoir défiguré une partie du centre historique, il propose des boulevards bordés uniquement de bureaux, servant de voies rapides pour les automobiles la journée, et désertés par la population dès la nuit tombée, Le relief accidenté du quartier de la Chapelle rendit difficile la création des tunnels pour la section de jonction devant le traverser. Ainsi, les voies ferrées ressortent du sous-sol au niveau de l’église de la Chapelle pour franchir le quartier au niveau du sol, et ce jusqu’à la gare de Bruxelles Midi.

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Fig. 44


La jonction et la gare de la Chapelle se présentent donc aux habitants du quartier comme une masse de béton démesurée rectiligne et opaque, découpant littéralement le tissu urbain et social en 2 parties. Seuls 3 petits tunnels passant sous les voies de chemin de fer sont prévus pour relier les 2 parties du quartier de la Chapelle. Aujourd’hui, le quartier semble pincé entre de grands ensembles de logement sociaux au sud, et la barrière formée par les équipements ferroviaires et la gare de la Chapelle. Il paraît peu vivant, ce qui est probablement dû à son aspect monofonctionnel (le logement). La gare n’a pratiquement plus aucune utilité puisque très peu de trains s’y arrêtent encore. La proximité avec les gares du midi et centrales ont sans doute convaincu la SNCB qu’il n’était plus rentable de s’y arrêter. On peut donc le considérer comme un lieu abandonné et laissé pour compte. Le street art s’empare de cette poche urbaine et délaissée de manière très intensive. Toutes les parois de l’infrastructure ferroviaire, les tunnels et même l’intérieur de la gare sont investis par des fresques, des œuvres au pochoir, des affiches et photos collées grossièrement. On trouve même quelques sculptures composées de matériaux de récupération. Le mouvement se focalise très peu sur les constructions voisines : les artistes préfèrent ici pointer du doigt l’architecture ferroviaire et sa forme traumatisante pour les habitants du quartier de la Chapelle.

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Certaines œuvres d’une qualité graphique particulière sont signées par des artistes de renommée mondiale : Roa, Bonom, Obes, Invader, Sonke. Parfois, le tag vient se mêler aux œuvres de street art, ce qui pourrait procurer un sentiment global de dégradation chez certains, mais c’est vraiment le street art, ses couleurs, ses formes et ses messages variés qui prédominent. Plusieurs tentatives ont été mises en place par la ville pour réinjecter de la vie dans ce quartier. L’association Recyclart s’est installée en 2001 dans les locaux de la gare, désertés par les commerçants et par la SNCB. Aujourd’hui, l’association a pour objet de dynamiser la vie sociale et culturelle du quartier, en organisant la création de fresques de qualité, mais aussi en proposant des expositions, concerts et conférences. Au-delà de son action à l’échelle du quartier, Le skate-park, situé face à l’église de la Chapelle illustre également la volonté de la commune bruxelloise de faire revivre les lieux. Mais ce type de solutions est-il suffisant pour réparer les dégâts que l’architecture de la liaison nord-midi a créés ? Lorsque l’on change de point de vue, et que l’on monte au niveau des quais et des voies de chemin de fer, la perception change brusquement. Le street art disparaît au profit de pièces de graffitis-signatures de qualité moindre. La situation change, ce ne sont plus les riverains qui perçoivent ces pièces, mais les voyageurs en train. On peut alors comprendre la présence massive de créations typographiques de grande échelle, affichant des pseudonymes de graffeurs, comme on peut les retrouver habituellement le long des axes de circulation rapide. Fig. 45 : Street art. quartier de la Chapelle. 2012

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Fig. 46


4. LES IMPASSES

Le tissu urbain bruxellois présente de nombreux appendices particuliers, symboles d’une autre époque : les impasses (et les ruelles), fragments d’un espace urbain propre à la ville. Malgré la disparition d’une grande partie d’entre-elles avec l’ « haussmannisation » de la ville, on en trouve encore plusieurs dizaines aujourd’hui. Ces espaces urbains trouvaient une utilité dans le passé de par leur aspect fonctionnel. Il s’agissait de lieux de commerce, d’espaces de travail pour des artisans, ou encore de lieux réservés à l’industrie (filatures, blanchisseries…) L’évolution des usages de la société et de l‘espace urbain ont rendu les impasses superflues. Elles se retrouvent aujourd’hui comme vidées de leur substance originelle et délaissées par la ville. Certaines d’entre-elles ont trouvé une fonction nouvelle. Elles sont privatisées pour un logement individuel, pour une terrasse de restaurant, une entrée de théâtre. Certaines ont même été refermées et couvertes afin d’être transformées en cage d’escalier pour la maison voisine. Dans ces différents cas, les impasses ont su s’accorder avec notre époque et nos pratiques, avec plus ou moins de réussite. D’autres, cependant, n’ont pas encore retrouvé d’utilité nouvelle. Elles servent maladroitement d’arrière-cours dans lesquelles viennent s’entasser les ordures des restaurants voisins, ou servent d’urinoirs de fortune pour les gens de 99



passage. C’est dans cette dernière catégorie d’impasse que le street art intervient le plus souvent. Comme pour tenter de les faire revivre. Les interventions ne cherchent que rarement à interpeller le passant de manière directe : la situation spatiale de ces impasses les rend à l’écart de l’agitation de la ville. Il s’agit plutôt d’œuvres qui cherchent avant tout à amener de la couleur, de la beauté dans ces espaces oubliés des urbanistes. Dans la même logique, d’autres types de délaissés ponctuels apparaissent de temps à autre comme supports au street art dans le territoire Bruxellois. Il s’agit de maisons ou d’édifices abandonnés, bien souvent délabrés ou squattés. Il peut aussi s’agir de parcelles en attente d’une construction nouvelle, envahis par d’étranges forêts d’étais métalliques, maintenant l’écart entre les murs pignons voisins. Le street art s’y insère là aussi, de manière visible ou non depuis l’espace public. Le street art ne s’inscrit pas n’importe où, contrairement au graffiti. Il ne cherche pas à se montrer, mais peut-être simplement à révéler les déchets que produit la ville contemporaine. En s’inscrivant sur des supports ou dans des espaces laissés pour compte, les artistes cherchent à leur apporter une plus value esthétique, dont ils manquent généralement, tout en y attirant l’attention des habitants et des pouvoirs publics. Il est d’ailleurs intéressant de noter que certains délaissés, une fois investis par une forme d’art illégale, sont rapidement pris en charge par la municipalité. Pas simplement pour les nettoyer, mais aussi, de temps en temps, pour y entreprendre des travaux de rénovation.

Fig. 47 : Street art. ruelles Bruxelloise. 2012

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Fig. 48


5. LE SITE DE NEERPEDE

Le quartier de Neerpede, se situe à l’extrémité ouest de la commune d’Anderlecht. Fort d’une surface de 3,5 km², qui en fait le plus vaste quartier de l’agglomération bruxelloise, il marque la limite administrative entre la région de Bruxelles – Capitale et le territoire flamand. Neerpede était à l’origine un hameau dont les premières représentations cartographiques remontent au 16ème Siècle. Il se situait alors au milieu d’une ample zone rurale : la vallée de le Pede. Les rares habitants de ce hameau vivaient essentiellement de l’agriculture et d’activités liées à l’existence d’un cours d’eau, affluent de la Senne, le Neerpedebeek (on retrouve encore aujourd’hui de nombreux moulins dans le quartier) Au début du 20ème Siècle, le hameau est annexé par la commune d’Anderlecht, qui va entreprendre une urbanisation lente du quartier, tout en cherchant à préserver ses qualités naturelles. Les données cartographiques de 1937 affirment déjà une volonté urbaine à grande échelle : on peut remarquer le tracé hypothétique de ce qui pourrait être une ébauche du Ring. Les années 60 voient l’aménagement du parc des Etangs, destiné à créer une interface verte entre le tissu rural et le monde urbain.

103


Fig. 49


La construction du Ring bruxellois s’effectue alors dans les années 70. Le tronçon reliant Drogenbos à Grand-Bigard est construit entre 1977 et 1978. Il enjambe le parc des Etangs selon un axe nord - sud, séparant ainsi celui-ci en 2 zones distinctes, l’une tournée vers la ville, et l’autre ouverte sur le monde rural. Par la même occasion, un vaste centre commercial et son infrastructure routière se met en place à l’ouest du Ring, multipliant ainsi les bretelles autoroutières passant au dessus du parc. Il en résulte aujourd’hui une portion de ce territoire végétal envahie par une forêt de quelques 150 piliers en béton servant à supporter les installations du Ring. Ces équipements ont longtemps repoussé les promeneurs locaux, qui associaient le parc à une image sordide de bord d’autoroute. En 1991, alors que le parc peine à attirer les riverains, une poignée de graffeurs bruxellois investit pour la première fois les pylônes du Ring pour y apposer plusieurs fresques. Rapidement, devant la multiplicité de supports que le lieu propose aux graffeurs, il devient un lieu prisé pour l’expérimentation graphique. Des artistes affluent de toute la Belgique pour venir proposer leurs créations. Les habitants du quartier reviennent peu à peu se promener dans le parc, attirés par ce musée à ciel ouvert qui se met en place progressivement. La commune d’Anderlecht adopte par ailleurs une politique de tolérance vis-à-vis des graffeurs. Elle organise même depuis maintenant quelques mois des visites guidées, des rencontres d’artistes avec les habitants, afin de casser les préjugés concernant le graffiti et le street art. 105


Fig. 50


C’est cette même politique qui justifie toute la qualité graphique que l’on ressent en arpentant le site. Les artistes ne travaillent pas dans les conditions classiques illégales, et prennent ainsi leur temps à développer leurs œuvres. Aujourd’hui, le site de Neerpede est reconnu dans le monde du graffiti européen sous le nom de Graffiti Hall of Fame. Le street art se développe d’ailleurs sous toutes les formes possibles : fresques, calligraphies, pochoirs, affiches, craies… Rapidement saturés, les 150 piliers du Ring ont actuellement tendance à être régulièrement recouverts par de nouvelles œuvres. Une règle spécifique au mouvement du street art veut que l’on ne puisse recouvrir que les œuvres dont la qualité est jugée insuffisante. C’est ce qu’Adrien Grimmeau définit comme le principe de « méritocratie ». 38 Cette convention, bien que pouvant être jugée comme subjective par certains, a tendance à faire continuellement augmenter la qualité des œuvres présentées à Neerpede. Les œuvres peu abouties sont recouvertes de créations plus intéressantes. Il s’agit donc aujourd’hui d’un lieu réservé à des artistes ayant déjà une certaine expérience dans le domaine.

38

GRIMMEAU, Adrien. Dehors ! – Le graffiti à Bruxelles. CFC éditions, 2011. p.58

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Ce cas de situation, qui s’est développé dans le contexte finalement assez commun d’espace intermédiaire que proposent les autoroutes de la périphérie d’une grande ville, montre à quel point le street-art peut être un moyen de régénération urbaine. Ce parc, délaissé par la population locale, retrouve depuis quelques années le succès dont il pouvait jouir avant la construction du viaduc du Ring. Et plus que son succès à l’échelle du quartier, ce sont aujourd’hui de nombreux bruxellois qui viennent s’y promener, s’y attarder, et se mêler à une population de jeunes artistes, satisfaits de voir leur travail apprécié par la société.

Fig. 51 : Street art. Neerpede

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Fig. 52


6. CONTRE EXEMPLE : LES BOULEVARDS DU CENTRE Afin de compléter mon travail d’analyse et de compréhension du phénomène du street art dans la ville et dans ses délaissés, il m’est apparu nécessaire de me pencher sur l’étude d’un espace urbain ne présentant pas, à priori, les caractères des délaissés étudiés en amont. Poser comme hypothèse que le street art n’intervient que dans des lieux que la ville a laissé de côté nécessite en effet de comprendre comment le reste de la ville est investie par les pratiquants de l’expression murale. Il m’a semblé opportun de concentrer cette étude sur les boulevards centraux bruxellois. Ces boulevards présentent en effet la particularité de couper différents quartiers, chacun habités de manière différente par les bruxellois. Cette caractéristique peut en effet laisser supposer que les supports muraux y soient investis de manière différente selon leur localisation. L’origine des boulevards du centre remonte à la fin du 19ème siècle. En 1865, alors que de nombreuses villes européennes avaient déjà entrepris une telle démarche, Bruxelles entame une réflexion sur l’assainissement de son tissu médiéval. La Senne qui serpente alors dans le pentagone est en effet considérée comme une source d’insalubrité et à l’origine de nombreuses épidémies touchant la population (peste, choléra…) Jules Anspach, bourgmestre de la ville, organise de vastes travaux ayant pour objectif le voûtement de la Senne. Par la même occasion, cet admirateur du baron Haussmann propose d’embellir la cité afin de la hisser au rang de capitale 111


Fig. 53


européenne. Un concours d’urbanisme est donc lancé, qui sera remporté par Léon Suys. Ce dernier propose le percement de grandes artères coupant les quartiers insalubres du nord au sud de la ville, afin de relier visuellement et physiquement les gares du nord et du midi, construites peu de temps auparavant. Le projet, qui nécessitera l’expropriation de plusieurs milliers d’habitations, s’accompagne de l’édification de nombreux édifices publics qui rythment et séquencent les boulevards : une fontaine monumentale, une bourse de commerce, des halles centrales, et un temple. Seule la bourse sera réellement édifiée, à hauteur de la Grand-Place. Dans la même logique qu’à Paris, les boulevards ont comme ambition de devenir un haut lieu de la bourgeoisie bruxelloise, accueillant des commerces et édifices prestigieux. Mais cette dernière intention n’eut pas l’effet attendu. Peu de logement furent construits, ce qui rendit difficile l’appropriation du lieu par les bruxellois.

« Certes, ils ont contribué à l’embellissement de la ville, mais ils n’ont pas apporté de réponse au désir de ramener la bourgeoisie dans le centre historique. Les parcelles de terrain étant étroites et chères, les promoteurs ne se bousculèrent pas pour construire des logements. » 39 Cette mauvaise planification des travaux poussa la ville à faire chuter fortement le prix des parcelles bordant les boulevards afin d’accélérer son urbanisation. De nombreux promoteurs se hâtèrent donc pour bâtir des constructions n’apportant que

39

VAN LOO Anne. L’haussmannisation de Bruxelles : la construction des boulevards du centre, 1865 – 1880. Revue de l’Art. Ophrys Editions. 1994. p.46

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Fig. 54


très peu d’intérêt esthétique aux grandes artères. Nous pouvons ainsi comprendre pourquoi nombre de ces bâtiments furent rasés plus récemment, dans les années 70, au profit d’immenses tours de bureaux, en particulier le long du tronçon Bourse - Gare du Nord. Ces observations se ressentent encore aujourd’hui avec la distinction nette de séquences le long des boulevards, crées par l’architecture, les fonctions attribuées aux édifices, et la population qui les parcourt. Une première séquence pourrait être déterminée entre le nord des boulevards, à proximité de la gare du nord, jusqu’au niveau de la bourse de commerce. Cette portion de l’espace urbain est aujourd’hui bordée en grande partie par des édifices modernes (bureaux, boutiques et restaurants de prestige) on y retrouve une population composée en grande majorité de travailleurs, mais aussi de touristes. Afin de donner une image propre de ces espaces, la ville procède régulièrement à des opérations de nettoyage des graffitis. Nous retrouvons donc très peu de productions graphiques sur ces murs. Par ailleurs, les édifices modernes, proposant souvent des façades entièrement vitrées, se prêtent mal à la pratique du graffiti. Il est alors intéressant de constater que le mode d’expression qui devient le plus frappant sur ce tronçon est l’autocollant. Ces derniers se retrouvent apposés en grand nombre sur les poteaux électriques, les panneaux de circulation, les gouttières, et parfois sur certaines devantures de commerces. Ces autocollants partagent des messages engagés, politisés, anarchistes visant à interpeller la population aisée qui parcoure les lieux. 115



On peut y lire par exemple des messages tels que feu aux prisons, c’est leur crise faisons-les payer, ou encore, jusqu’à sa mort l’état restera notre ennemi … Une seconde séquence se dessine alors entre la bourse et la gare de Bruxelles Midi. Cette séquence urbaine propose un visage tout à fait différent de la première puisqu’elle traverse une couche de quartiers populaires, en particulier autour de la place Anneessens et du boulevard Maurice Lemonnier. Les boulevards sont ici bordés de nombreux cafés populaires, restaurants de kebabs, commerces halals, ou de revendeurs de téléphones portables. La population semble beaucoup plus locale, et habite clairement l’espace urbain, contrairement au premier tronçon qui se compose majoritairement d’une population de passage. Nous pouvons observer que l’ensemble de l’espace public devient ici support au graffitisignature, offrant un aspect beaucoup plus saccageur de la ville. Ces tags envahissent littéralement l’espace urbain, en s’apposant avec violence sur tous les supports possibles. Murs, portes, bancs publics, cabines téléphoniques, panneaux de circulation, boites aux lettres, arrêts de bus, armoires électriques, distributeurs automatiques, et même parfois le sol se voient recouverts de signatures souvent illisibles. Certaines vitrines sont également attaquées par les signatures par gravure. La disposition des tags ne semble obéir à aucune logique spatiale particulière, si ce n’est de saturer visuellement la rue. Nous pouvons toutefois noter qu’une forme de logique semble se mettre parfois en place : le tag appelle le tag, certaines zones paraissent plus prisées que d’autres, pour leur visibilité depuis la rue. Fig. 55 : Graffiti engagé. Boulevards du centre. 2012

117



Les supports perpendiculaires aux boulevards (retours de murs, renfoncement de portes d’entrée…) s’imposent directement au regard des passants et sont par conséquent bien plus saturés en graffitis-signature. Contrairement à la première séquence, les dégradations n’ont ici pas l’air de préoccuper les services de nettoyage de la ville. Ces deux séquences urbaines sont l’occasion de constater que le street art ne cherche aucunement à s’immiscer dans l’espace public vécu par la population. Ici, l’expression graphique apparaît nettement comme une manière d’exprimer un malaise social, que ce soit par l’intermédiaire de la dégradation que par l’apposition d’autocollants engagés. Elle ne propose par contre aucun apport esthétique à la ville, et ne peut donc être aucunement assimilée au street art. Néanmoins, ces pratiques partagent avec le street art un engagement social. Tandis que le street art vise à agir comme un signal d’alarme sur des zones délaissées de la ville, le tag cherche à exprimer un sentiment de mal être que les pouvoirs publics ne peuvent se permettre d’ignorer. Paradoxalement, le tag n’entretient donc pas réellement de lien direct avec l’espace urbain.

Fig. 56 : Graffiti signature. Boulevards du centre. 2012

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E. CONCLUSION

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Fig. 57 : David Mangin. Les grandes mutations parisiennes. 2003


Près d’un siècle après l’apparition des premières théories progressistes, la ville moderne se trouve aujourd’hui face à de nombreux enjeux de développement et de densification. En réaction à une population citadine augmentant de manière exponentielle, et parfois face à l’échec des grands projets urbains de l’après guerre, les planificateurs de la ville contemporaine semblent évoluer actuellement vers une forme d’étalement urbain poussée à l’extrême. Pour David Mangin, les dernières statistiques françaises décrivent « une densité urbaine divisée par deux sur une

étendue multipliée par quatre ou cinq, le tout en une quarantaine d’années » 40

Mais cet urbanisme de la ville diffuse ne fait que repousser les problèmes de développement rencontrés dans les centres historiques, tout en ajoutant de nouvelles contraintes spatiales : mobilité, impact sur le territoire rural. Il est donc nécessaire de porter une attention particulière sur le cœur du problème. Bruxelles, pour revenir à son analyse, est

« aujourd’hui une

ville blessée, où les traumatismes accumulés, s’aggravant l’un l’autre, créent un mouvement centrifuge, et une dépression au centre […] une ville étranglée dans un carcan institutionnel, abandonnée par ses anciens habitants, envahie par des bureaux, par une architecture de marketing sans qualité. Mais

40

MANGIN, David. La ville franchisée – formes et structures de la ville contemporaine. Ed. de la Villette. 2010. p.11 123


Fig. 58 : MAP Office. Guangzhou. 2005


aussi une ville qui se repeuple de nouveaux venus, une ville qui est devenue un enjeu européen, une ville dont tout le monde pressent le potentiel et dont l’avenir international se profile de plus en plus » 41 Face à ce type de constat, il serait pertinent, en tant qu’architectes, de nous attacher à remettre en question les formes de la ville intra-muros, et plus particulièrement de ses cicatrices. Dans ce sens, le street-art semble être un élément extrêmement enrichissant dans le processus du développement urbain. D’abord, car il peut être perçu comme un indicateur visuel permettant d’attirer les regards vers des espaces délaissés et en difficulté. Les analyses présentées dans ce travail démontrent en effet clairement la logique de positionnement des artistes dans le paysage urbain. Ensuite, car il agit sur la ville de manière proactive, et devance bien souvent les urbanistes dans le processus de redynamisation urbaine. En se voulant une pratique populaire, il pourrait légitimement aspirer à représenter les revendications des habitants. Le travail d’analyse à l’échelle du territoire Bruxellois met en évidence 2 grandes familles d’espace dans lesquelles s’insèrent le street art.

41

LOZE, Pierre. CARTUYVELS, Vincent. CLAISSE, Joël. Change, Brussels Capital of Europe. Prisme Ed. 2006. p.22 125


Fig. 59 : ROA. Stavanger. 2010


Il peut s’agir d’espaces produits par une pensée moderne de la ville (les lieux créés par tabula rasa, les espaces intermédiaires) ou d’espaces interstitiels, fruits de l’évolution du tissu urbain à la manière d’un palimpseste. Il est intéressant de constater que ces lieux semblent présenter des facultés différentes à pouvoir s’adapter à la ville du 21ème Siècle. Les espaces produits par l’urbanisme moderne semblent difficilement ré-affectables à une fonction spécifique, tandis que les espaces interstitiels pourraient trouver de nouveaux usages plus aisément. Il est par exemple peu concevable d’imaginer que l’architecture puisse prétendre à redonner une qualité spatiale aux espaces embrigadés par les bretelles autoroutières à Neerpede. Face à ce type de situation, d’autres activités pourraient engendrer une redynamisation de l’espace. Le street art en fait partie et semble prouver, à travers l’exemple bruxellois, qu’il est un moyen efficace pour assurer de manière pérenne la vie sociale à l’échelle locale. Inversement, nous pouvons affirmer sans risque que les espaces interstitiels présentent une meilleure adéquation avec le domaine de l’architecture. Une ruelle à l’abandon, un terrain vague ou un bâtiment industriel en ruine sont des situations que les outils architecturaux sont plus à même d’appréhender. Le street-art n’y aurait alors plus qu’une fonction d’indicateur, préalablement à l’intervention de l’architecte et de la ville.

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Fig. 60 : Microbo. Catane. 2010


Ces constats peuvent évidemment poser de nombreuses questions. Les villes auraient-elles toujours autant d’intérêt à combattre le street art, sans chercher à le distinguer de la pratique dévastatrice du graffiti-signature ? Ne devrait-elle pas le prendre en considération, et même l’utiliser dans certains cas ? Le processus urbain ne pourrait-il pas devenir plus représentatif des envies de la population ? Le street art est une pratique encore jeune, peu connue, et parfois maladroite. Mais son aspect participatif, populaire et spontané pourrait en faire un élément de cohésion et de régénération puissant au sein de la ville du 21ème Siècle.

129



F. BIBLIOGRAPHIE

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G. ICONOGRAPHIE

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Fig. 1 : Farm Prod. Fresque Avenue Van Volxem, Forest. 2010. http://www.kosmo-art-tour.com/fr/archives.html Fig. 2 : L'art urbain comme étude des perspectives et des façades. Rue de Ravenstein, Bruxelles. 1912. Fonds Buls, farde 19 Fig. 3 : Le Corbusier. La ville de 3 millions d’habitants. 1924. Urbanisme, Ed. Vincent Fréal, 1966, p.234 Fig. 4 : JR. The wrinkles of the city. Shanghai. 2010. Street art & graffiti, Anna Waklaviek, Thames & Hudson, 2012, p.143 Fig. 5 : Auteur inconnu. Inscriptions sur un mur. Pompéi. Vème S. av. JC. http://jenite.bg/pictures/645588_500_.jpg Fig. 6 : Erik Calonius. NYC Subway Graffiti. 1973. http://www.capitalnewyork.com/files/Subway70s400.jpg Fig. 7 : Graffeurs. Philadelphie. 1967. Extrait de Wall Writers, de Roger Gastman (documentaire, 2012) Fig. 8 : New York Times, New York City Graffiti. 1970. http://i.imgur.com/ZrLPZ.jpg Fig. 9 : Vivienne Gucwa. Chinatown Rooftop Graffiti. New York. 2010. http://24.media.tumblr.com/tumblr_m42m30KMEV1qft5vfo1_500.jpg Fig. 10 : Blu & JR. Berlin. Sans titre. 2007. http://www.blublu.org/sito/walls/2007/big/034.jpg Fig. 11 : Herakut. Art doesn’t help people. Lunebourg. 2009. Street art & graffiti, Anna Waklaviek, Thames & Hudson, 2012, p.128 Fig. 12 : D*face. I need a riot. London. 2010. Street art & graffiti, Anna Waklaviek, Thames & Hudson, 2012, p.111 Fig. 13 : Daniel Feral. Graffiti & Street Art graphic. 2011. http://blogs.colette.fr/mandi/files/2011/04/5574172247_26ec7884d4_z1.jpg Fig. 14 : Kidult. Sans titre. Paris. 2011. http://www.alexnassar.fr/wpcontent/uploads/2012/09/agnes-b-kidult.jpeg Fig. 15 : Auteur inconnu.

Pixação. São Paulo. 2010.

http://24.media.tumblr.com/tumblr_lqnywyuz9t1qj18mmo1_500.jpg Fig. 16 : Le Bombeur Fou. Bruxelles. 1985. Dehors ! – Le graffiti à Bruxelles. Adrien Grimmeau. CFC éditions, 2011. p. 33 Fig. 17 : Pierre Fromont. Station Simonis. Bruxelles. 1987/88. Dehors ! – Le graffiti à Bruxelles, Adrien Grimmeau, CFC éditions, 2011. p. 45 Fig. 18 : Oli-B. Just black ink. Bruxelles. 2012. http://oli-b.be/wordpress/wpcontent/uploads/2013/01/justblackink-web-727x1024.jpg Fig. 19 : Banksy.

Celebrating the launch of the graffiti removal hotline. London. 2006. Wall and Piece, Banksy, Century, 2005. P.64 Fig. 20 : Banksy. One month later. London. 2006. Wall and Piece, Banksy, Century, 2005. P.64 Fig. 21 : Banksy. Sans titre. Detroit. 2010. Street art & graffiti, Anna Waklaviek, Thames & Hudson, 2012, p.34 Fig 22 : La maquette des rêves ambitieux, world trade center. Bruxelles. 1978. Bruxelles vu par ses habitants, ARAU. 1984. p.110 Fig. 23 : Stanley Kubrick. Chicago. 1949. http://floresdelfango.blogspot.be/2010/11/stanley-kubrick.html Fig. 24 :


Robert Venturi. Learning from Las Vegas. 1972.

http://media.tumblr.com/tumblr_kzspakmAjA1qa1cnp.jpg Fig. 25 : Elia Zenghelis & Rem Koolhaas. The city of the captive globe. Delirious New York. 1972. http://www.rappresentazione.it/wpcontent/uploads/2012/02/CityOfCaptiveGlobe.jpg Fig. 26 : Auteur inconnu. Rue de la Loi. Bruxelles. 2009. http://www.flickr.com/photos/mikegk/4379770068/ Fig. 27 : Microsoft Corporation. Quartier Européen. Bruxelles. 2013. http://be.bing.com/maps/ Fig. 28 : Laurent Dubus. Doel. 2012. http://www.flickr.com/photos/dl-photo/7857464978/ Fig. 29 : Impasse de la rue St Jacques. Lille. 2012. Cda. Fig. 30 : Christophe Bach. Grands Moulins de Paris. Lille. 2011. http://www.flickr.com/photos/bachristophe/6319893862/ Fig. 31 : David Mangin. Osaka. 2010. La ville franchisée, formes et structures de la ville contemporaine, David Mangin, Voumen, 2010, p.289 Fig. 32 : Microsoft Corporation. Ring. Anderlecht. 2013. http://be.bing.com/maps/ Fig. 33 : Gregor. Lodz. 2010.

http://www.galeriaurbanforms.org/.thumbs/1100x750_prop/files/image/Urban Form/13.jpg Fig. 34 : Le soir. Le Midi entre chaos et espoirs. Bruxelles. 2003. Le Soir, 12 mars 2003 Fig. 35 : Auteur inconnu. Le palais de

Justice vu depuis les Marolles. Bruxelles. 1932.

http://static.skynetblogs.be/media/145257/792976560.4.jpg Fig. 36 : Bart

Van Damme. Place du Congrès. Bruxelles. 2012.

http://www.flickr.com/photos/bartvandamme/8082511419/ Fig. 37 : Groupe SNCB. Travaux de la jonction dans le quartier de la Chapelle. Bruxelles. 1940. http://www.bozar.be/activity.php?id=11663 Fig. 38 : Retranscription personnelle de la carte : Brussels. Chapman & Hall. London. 1837 Fig. 39 : Retranscription personnelle de la carte : Brussels. Letts, Son & Co. London. 1883 Fig. 40 : Retranscription personnelle de la carte : Bruxelles Urbis-topo. CIRB. 2013. http://www.cirb.irisnet.be/catalogue-de-services/urbis/cartographie-digitaleurbis Fig. 41 : Street art. quartier des Marolles. 2013. Cda. a : rue du

Temple b : rue du Faucon c : rue du Temple d : rue des Chandeliers e : place du Jeu de Balle f : rue Christine g : place du Jeu de Balle h : rue des Chandeliers i : rue des Chandeliers j : rue Christine k : rue de la Porte Rouge l : rue des Chandeliers m : rue des Chandeliers n : rue du Temple Fig. 42 : Retranscription personnelle de la carte : Brussels. Chapman & Hall. London. 1837 Fig. 43 : Retranscription personnelle de la carte : Brussels. Letts, Son & Co. London. 1883 Fig. 44 : Street art dans le 137


quartier de la Chapelle. Retranscription personnelle de la carte : Bruxelles Urbis-topo. CIRB. 2013. http://www.cirb.irisnet.be/catalogue-deservices/urbis/cartographie-digitale-urbis Fig. 45 : Street art. quartier de la Chapelle. 2013. Cda. a : rue des Brigittines b : rue des Ursulines c : rue des Brigittines d : rue du Poinçon e : rue Terre-Neuve f : rue des Ursulines g : rue des Ursulines h : rue des Brigittines i : rue des Ursulines j : rue des Ursulines k : rue des Brigittines l : rue des Brigittines m : rue de Terre-Neuve n : gare de Bruxelles-Chapelle o : rue des Brigittines p : rue des Brigittines q : rue des Brigittines Fig. 46 : Ruelles bruxelloises. 2013. Retranscription personnelle de la carte : Bruxelles Urbis-topo. CIRB. 2013. http://www.cirb.irisnet.be/catalogue-deservices/urbis/cartographie-digitale-urbis Fig. 47 : Street art. ruelles et impasses bruxelloises. 2013. Cda. a : rue de la Chaufferette b : impasse du Gril c : rue Saint Gery d : impasse de la Fidélité e : impasse de la Tête de Bœuf f : rue du Chien Marin g : impasse des Bœufs h : impasse du Cheval i : impasse du Gril j : impasse des Bœufs k : rue des Echelles l : impasse du Roulier m : impasse de la Tête de Bœuf Fig. 48 : Anderlecht. Retranscription personnelle de la carte : Brussels. Chapman & Hall. London. 1837 Fig. 49 : Neerpede. Retranscription personnelle de la carte : Bruxelles Urbis-topo. CIRB. 2013. http://www.cirb.irisnet.be/catalogue-de-services/urbis/cartographie-digitaleurbis Fig. 50 : Street art à Neerpede. Retranscription personnelle de la

carte : Bruxelles Urbis-topo. CIRB. 2013.

http://www.cirb.irisnet.be/catalogue-de-services/urbis/cartographie-digitaleurbis Fig.51 : Street art. Neerpede.. a/b/c/d/o : Gauthier Houba, 2012, http://facebook.com/gauthierhoubaphotography e : William Schmitt, 2011, http://www.flickr.com/photos/william_schmitt/5696549835/ f/h/p : L’atelier peinture, 2011, www.acaciney.skynetblogs.be/archive/2011/03/16/unesortie-arts-urbains-le-19-mars-2011.html g/n : Julien Mourlon, 2009, http://www.flickr.com/photos/julius_laidback/ i/q : Nicolas Belayew, 2010, http://www.flickr.com/photos/tchiktchak j/l : Sevybxl, 2012, http://www.flickr.com/photossevybxl k : SpaceOpera, 2011, http://www.flickr.com/photos/spaceopera/7325482430/ m : Kriebel, 2010, www.flickr.com/photos/kriebel/5217856575 q : Oli-B, 2011, www.oli-b.be

Fig. 52 : Boulevards du Centre. 1860. Retranscription personnelle de la carte : Projet de Bourse, grand Boulevard et Halles centrales. Réédification du cours de la Senne sous les Boulevards. Léon Suys. 1865 Fig. 53 : Boulevards du Centre. 1865. Retranscription personnelle de la carte : Projet de Bourse, grand Boulevard et Halles centrales. Réédification du cours de la Senne sous les Boulevards. Léon Suys.


1865 Fig. 54 : Graffiti le long des boulevards du Centre. Retranscription personnelle de la carte : Bruxelles Urbis-topo. CIRB. 2013. http://www.cirb.irisnet.be/catalogue-de-services/urbis/cartographie-digitaleurbis Fig. 55 : Graffiti engagé. Boulevards du centre. 2013. Cda. a/c/q :

boulevard Anspach b/d/e/f/g/h/i/j/k : boulevard Emile Jacqmain l/m/n/o/p/r : boulevard Adolphe Max Fig. 56 : Graffiti signature. Boulevards du centre. 2013. Cda. a/b/e/h/o : boulevard Maurice

Lemmonier c/d/f/g/i/k/l/m/n : boulevard Anspach j : avenue de Stalingrad Fig. 57 : David Mangin. Les grandes mutations parisiennes. 2003. La ville franchisée, formes et structures de la ville contemporaine, David Mangin, Voumen, 2010, p.139 Fig. 58 : MAP Office. Underneath. Guangzhou. 2005. http://www.spatialagency.net/2009/08/25/mapoffice_4-960x383.jpg Fig. 59 : ROA. Stavanger. 2010. Graffiti Art Magazine n°16, 2011, p.54 Fig. 60 : Microbo. Catane. 2010. Street art & graffiti, Anna Waklaviek, Thames & Hudson, 2012, p.157 Couverture : Banksy. Boring. London.2012. Cda

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Je souhaite adresser mes remerciements à toutes les personnes qui m’ont apporté leur aide, de près ou de loin, pour mettre sur pied ce mémoire. Je remercie en particulier Julie Denef, pour son implication, et la grande liberté qu’elle m’a donnée, afin de faire évoluer ce travail. Je remercie également Zoé Declercq, pour ses conseils enrichissants, qui m’ont été d’une grande aide. Je remercie enfin ma famille, et mes amis, qu’ils soient lillois, tournaisiens, bruxellois, ou d’ailleurs, tranks ou non, pour le soutien qu’ils m’apportent depuis toutes ces années.

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