TRAIN STORIES-Taylor

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TRAIN STORIES

TAYLOR


INDEX


I

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II

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III

Mars

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Novembre

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Août

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IV

Février

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V

Mai

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VI

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VII

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Juin

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Avril

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VIII

Juillet

IX

Janvier

X

Octobre

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XI

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XII

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Décembre

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Septembre

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II

NOVEMBRE


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I


22:52

Un 25 Novembre

Le train entrait en gare de Wien Westbahnhof, son terminus. Je n’avais presque pas ouvert l’œil depuis mon départ de Prague dans l’après–midi; la nuit précédente avait été courte. L’agitation des passagers se préparant à descendre m’avait réveillé. Le dernier à sortir du wagon, les yeux à peine réveillés, mes premiers pas autrichiens me procuraient une impression étrange, amplifiés par l’atmosphère lugubre et pesante de ce début de nuit d’automne. Les haut–parleurs de la gare annonçaient d’un ton glacial et impérial les correspondances possibles. Je ne compris que quelques mots et cela me plongeait au cœur d’un film historique se déroulant au début du siècle dernier. Je marchais sur le quai, en essayant de faire le moins de bruit possible avec mon gros sac de bombes. C’était une habitude, due à ma discrétion obsessionnelle dans ce genre de situations, mais, en ces lieux hostiles, elle prenait une importance particulière, une importance presque vitale. Je voyais en chaque homme non occupé à marcher sur le quai, un garde ou un policier en civil, prêt à me suivre ou même m’interpeler en m’assenant d’un ton des plus chaleureux et hospitaliers: «Halte! Ausweis bitte!» Arrivé, lentement et prudemment aux portes du hall principal, je poussai un des battants pour découvrir une immense salle froide, mélangeant classicisme et Jugendstil. L’heure tournait et je n’avais pas de temps à perdre en contemplation. Vite chercher les consignes à bagage; hors de question de me trimballer toutes mes affaires, encore moins toutes mes pellicules déjà utilisées! Je les trouvai facilement grâce aux petits logos indicatifs les représentant. J’y laissai la plupart de mes affaires et ne pris avec moi que mon manteau, un bonnet et un typique petit sac allemand en tissu avec cinq bombes sélectionnées, une paire de gants, des caps, —de quoi faire un panel— mon fidèle Mju II avec une pellicule vierge, ma lampe torche et une petite pince coupante au fond du sac. Ainsi prêt, il ne me restait plus qu’à trouver une station de métro pour m’enfoncer dans les tunnels de la ville. NOVEMBRE

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IV

FEVRIER


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I


01:15

Un 9 février

R nous déposa tous les trois à l’embranchement d’un chemin qui descendait vers les voies. On apercevait les trains. On tenait chacun notre propre sac de bombes. Mais M prit également celui de R, qui partit garer la voiture un peu plus loin, dans une petite rue discrète. Le peu de trajet qu’il avait à faire à pied pour nous rejoindre lui faisait courir le risque de croiser une voiture de police ou de sécurité et de se faire contrôler; autant qu’il n’ait rien de suspect sur lui, surtout à cette heure–ci et dans ce petit pays. Nous descendions dans l’obscurité quand une voiture arriva à vive allure sur la route principale. Craignant d’être éclairés par les phares, on courut au bout du chemin et l’on se cacha dans le noir à l’abri de buissons le long du premier train. Je m’adressai tout doucement à M et C: – On bouge pas. On reste tranquille un instant! – Tu crois qu’elle nous a vus? me demanda M. – C’est possible oui, répondis–je. Restons planqués là un moment, au moins en attendant R. Lui il a du voir la voiture dans son rétroviseur. Si c’était la police ou la sécu, il a du continuer sa route comme si de rien n’était. Et il nous dira plus tard si elle s’est arrêtée ou non. Mais bon, c’était surement rien du tout… – Ouais c’est clair! Mais bon c’est bien stressant parce que dans ce pays c’est tous des balances, et puis ils ont assez de frics pour coller de la sécurité cachée toute la nuit, à nous attendre, reprit M. – Boh! Tu crois? Quand même! Ça a l’air tranquille, non? Je pense pas que ça soit souvent fait ici. – Je ne sais pas, je pense pas non plus. C’est assez pommé et nous on a fait un nouveau train ici il y a un mois, comme ceux parqués en gare là–bas. C’était vraiment tranquille. – Pas ceux–là alors? Je désignais les deux trains régionaux vert et blanc parqués à côté de nous. – Non, non! – Putain c’est une rivière derrière? Ah ouais! Je l’avais pas vue. FÉVRIER

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En effet, un rapide cours d’eau faisait un bruit assez distinct en contrebas derrière nous. – Faut faire gaffe à pas tomber dedans! Ouais, je disais, on pensait, en fait, faire un end to end à trois ou quatre sur un wagon de ceux–là en prenant bien notre temps et aller éventuellement après, si tout se passait bien, faire un panel rapide sur un de ceux de la gare, pour le modèle. – Mmh! Ce serait cool mais tu crois… Je m’arrêtai net. Une voiture arriva soudainement plein phares et se mit à descendre à toute vitesse le chemin, droit sur nous. Dans la panique, chacun trouva le premier refuge possible. Je plongeai sous le train, les deux autres sautèrent dans les buissons épais de derrière. La voiture arriva en bas, face aux têtes des trains, tourna légèrement et s’arrêta de l’autre côté. De là où on était, on ne voyait pas grand chose. On entendit les portières et perçut les faisceaux lumineux des torches. Oups! Je m’avançai un peu plus pour me cacher sous les essieux, au niveau des roues du wagon. J’entendis C et M bouger dans les buissons et faire beaucoup de bruit. Soudain quelque chose tomba dans l’eau; la pente abrupte avait du avoir raison d’un des sacs de bombes. A gauche, les gardes semblaient inspecter consciencieusement les lieux de leur lampe torche, à droite mes deux partenaires essayaient visiblement de quitter les lieux en longeant la petite rivière. Je me retrouvais un peu dans une nasse. On n’avait rien fait certes mais rien que notre présence dans ces lieux était répréhensible, surtout avec des bombes de peinture. Autant éviter de se faire arrêter. De plus, il ne s’agissait sûrement que d’une ronde de sécurité et rester cachés en attendant leur départ était le plus judicieux et le plus malin. Je respirais silencieusement, quand par dessous le train, je vis au loin une lampe arriver lentement vers moi, entre les deux trains. Plouf! Cette fois–ci, c’était beaucoup trop fort pour n’être qu’un sac ou une pierre. C’était bel et bien C ou M qui venait de 60

IV


tomber dans l’eau. Et un deuxième! Putain, ils étaient tous les deux dans l’eau. Je m’inquiétais pour eux. L’eau devait être très froide en cette saison, et il y avait beaucoup de courant. Je n’avais aucune idée de la profondeur. En tout cas, le garde ne semblait étonnamment pas avoir entendu puisqu’il ne changea pas pour autant son allure, ni sa direction. Je me retrouvais la seule proie de ce limier. Arrivé à mon niveau, le faisceau de la lampe en bout de bras éclaira furtivement mes jambes mais le bas du train me cachait de son visage. Il continua sa ronde puis je l’entendis monter dans un wagon. Le temps passa. Des secondes, des minutes, qui paraissaient interminables. Je me sentais comme une bête sauvage traquée, un loup recherché par des chasseurs. Plus aucun bruit ne venait des buissons, ni du dépôt. Mais la voiture était toujours là, donc ses occupants ne devaient pas être loin. Alors il fallait encore attendre. Soudain, les phares me rappelèrent à la réalité, et je vis la voiture partir. C’était une voiture de police. Il ne me semblait pas avoir entendu de portières avant le moteur. Ainsi, ne pouvais–je pas savoir si tous ses occupants étaient repartis. Je les voyais bien me faire le coup d’en laisser un planqué dans un wagon, au cas où…J’étais bien piégé! Tout seul, sans aucune idée d’où étaient les autres. Etaient–ils noyés?! A l’agonie dans le froid quelque part? Etaient–ils partis ou encore tout proches, trempés sur le bord à attendre? Et R? Où était–il? Caché quelque part à attendre que tout ça se passe, comme moi? Comment se retrouver? Et la voiture de tout à l’heure? Etait–ce la même que celle–ci? Je ne pense pas. De toute façon, au pire, si la police l’avait contrôlé, il n’avait rien à se reprocher. Connaissant le coin, il avait du dire qu’il venait de tel endroit où il avait passé la journée, et qu’il rentrait tranquillement chez lui, en passant par les routes nationales, ou même qu’il cherchait un endroit pour se garer et se reposer un peu dans sa voiture, avant de reprendre la route. Plongé dans mes pensées et toutes ces questions sans réponses, toujours couché entre les roues du train, résigné à mon sort, je me laissais malgré moi gagner par un sommeil imprévu. FEVRIER

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I


Les portes s’ouvrirent. – Allons nous assoir, conseilla H. Je pense qu’il vaut mieux rester dans la cabine avec nos affaires, en attendant sagement les douaniers. – Oui, tu as entièrement raison. D’abord, un membre du personnel du train nous ramena nos passeports qu’il avait pris après le départ de Varsovie. Puis ce fut le tour de la douane polonaise. Celle–ci, bien qu’impressionnante, se contenta de vérifier rapidement les trois passeports, sans commentaire. On attendit un long moment, sans trop oser parler. Soudain de grands bruits et des cris vinrent de l’extérieur. On alla voir à la fenêtre du couloir. Plus loin sur le quai, des gardes arrêtaient deux personnes. Un type était déjà couché à terre, les mains attachées. H voulait prendre une photo mais cela ne donnerait rien à travers la vitre. Et loin de lui l’envie d’essayer de sortir ou même de s’en rapprocher. Tant pis. On était là dans le couloir à tout observer, avec un mélange de crainte et de curiosité, quand l’arrivée tonitruante des douaniers ukrainiens nous fit retourner nous assoir en moins de temps qu’il ne fallait pour le dire. Les grosses voix impératives se rapprochaient petit à petit de notre compartiment. Ils étaient nombreux et soudain un garde immense au regard flippant se dessina dans la porte vitrée qui parut ridicule à côté. Après un premier échec, il nous répéta quelques mots dans une langue que l’on pouvait comprendre. On lui tendit un à un notre passeport et le visa à l’intérieur. – Why you come to Ukraine? – Tourisme, répondit–on. – You have something to declare? Alcool? Cigarettes? Money? Weapons? – No, nothing! déclara D d’un ton ferme et persuasif. – Ok. You stay inside, here. I keep your passports. Le douanier partit avec nos passeports. – Il va où comme ça? s’interrogea D. Attends mais moi je veux mon passeport. C’est la fête ou quoi?! JUIN

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On vit au bout d’un moment notre douanier sortir du train, traverser les quais et aller jusqu’à la gare. Tous les autres douaniers le suivaient progressivement jusqu’au dernier. L’inquiétude grandissait dans le trio. On commençait à penser que le garde avait oublié de nous rendre nos passeports, involontairement ou pas. Le haut–parleur de la gare se mit alors à émettre une voix incompréhensible qui ressemblait plutôt à nos oreilles à un discours communiste militant de propagande. Et pour ne faire qu’accentuer notre stress, le train se mit à bouger. – Mais on se casse? Mais attends c’est la merde là! Qu’est– ce qu’on fait là? reprit D. On commença à sérieusement paniquer quand H prit la parole. – Mais attendez! On repart dans l’autre sens! – Mais c’est quoi ce délire? On repart peut–être dans l’autre sens parce que le réseau est comme ça, supposai–je. La ligne pour Kiev doit être dans ce sens et il doit y avoir un aiguillage un peu plus loin. Ils ont du changer la loco de côté entre temps. Tout droit, c’est sûrement pour une autre destination. Ça arrive parfois ce genre de configuration; par exemple à Aachen en Allemagne, ou encore à… – Super! Ta culture ferroviaire nous épate mais cela ne nous avance pas beaucoup! Comment on fait pour nos passeports? – Ah oui merde! Il faut trouver le contrôleur au plus vite. On sortit du compartiment pour essayer de trouver un responsable mais en vain. – Attendez! Le train s’arrête de nouveau. – Mais oui! – Et bien voilà, déclarai–je d’un ton plein d’espoir. Il faisait juste une manœuvre pour changer de voie. Ils vont sans doute nous mettre sur le premier quai et là les douaniers nous rendront nos passeports. – J’espère que tu as raison, dit D. Mais alors je voudrais bien savoir pourquoi le train n’est pas directement arrivé sur cette voie!? 96

VI



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I


U remarqua une voiture suspecte garée tout près. Il s’agissait d’une berline sombre, genre Chrysler ou Chevrolet. – C’est bizarre ce genre de voitures parquées comme ça dans ce quartier. Ça pourrait être un véhicule banalisé du «Vandal Squad». Mais il n’y a personne dedans. Restez là, on va monter voir s’il y a du monde en station. Si c’est ok, on vous appelle. Je sifflerai. Ils montèrent l’escalier et nous restions là avec O, comme deux idiots, au coin du bloc en pleine lumière. – Je ne trouve pas ça très prudent, lui dis–je. On aurait pu laisser les sacs dans la voiture et un ou deux pouvaient aller voir en station l’air de rien. Comme d’hab… Il était bien d’accord. Mais bon, une fois de plus, on se disait que c’était des précautions d’Européens et que peut–être ici c’était différent. Il est vrai qu’il ne s’agit plus de New York des années 80 et qu’il n’y a quand même plus grand monde qui peint le métro. Enfin bon… Je prenais tout de même le sac de O et le posais avec le mien sur la poubelle pleine de déchets à côté de nous. A peine quelques secondes passèrent que l’on entendit crier dans la station. Puis des pas de quelqu’un qui court. Je regardai O sans savoir quoi faire. Et là, soudain, une berline grise arriva à toute vitesse et s’arrêta juste devant nous, en mode dérapage. Deux hommes sortirent et se mirent à courir dans l’escalier, tout en nous fixant particulièrement. O me prit le bras. – Putain c’est le «Vandal Squad»! On fait quoi? – Viens on se casse, ils vont sûrement redescendre. – Et les sacs? – On les prend, on va les cacher plus loin, sinon ils vont tout de suite les trouver. On se mit à marcher rapidement, mais sans courir, dans la petite rue qui quittait l’avenue. On ne savait pas ce qui se passait au–dessus de nous, ni derrière nous. Surtout ne pas se retourner! On s’attendait à tout moment à se faire poursuivre ou à entendre crier. Heureusement, on se JANVIER

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retrouva rapidement dans un endroit sombre. La faible lumière de cette ruelle nous permettait de nous retourner légèrement. Personne! On se mit à courir un peu. Arrivés au coin de la première rue, on tourna. – Bon, on fait quoi, me demanda O. – Bin je ne sais pas! On n’a rien fait! Eux non plus, c’est sûrement un contrôle. Le seul truc, c’est que les autres ont leurs bombes. – Je ne sais même pas où on est! On n’a qu’à retourner à la voiture et attendre cachés pas loin, non? – Oui, on n’a qu’à faire ça! Et on va cacher les bombes dans le coin… On marcha discrètement mais rapidement en direction de la voiture, tout en restant dans les petites rues sombres. On cherchait désespérément un endroit pour cacher nos sacs mais en vain. Il n’y avait que des petits immeubles et les seuls jardins qu’il y avait étaient des cours fermées. Au loin, je vis notre voiture. Cela semblait tranquille. On y arrivait presque, quand, sur l’avenue au loin, je vis passer une voiture. Pas de doute, c’était bien la même berline grise! Et bien sûr, nous étions en pleine lumière à son passage. Je la vis s’arrêter net. Et faire marche arrière très rapidement. Sans réfléchir, je profitais de la présence d’un petit van parqué qui nous cachait d’eux 2 ou 3 secondes pour attraper le sac d’O et le jetait avec le mien sur la terrasse de la maison juste à côté de nous. On continua à marcher quelques mètres l’air de rien. La voiture arriva à notre niveau à toute vitesse, crissement de pneus, ouverture des portières, les deux types sortirent en nous pointant avec des flingues. – Bougez plus!! Mains contre le mur!! Police! Ils gueulaient comme pas possible. Ils semblaient vraiment prêts à tirer. On ne cherchait pas à jouer les héros. On a aussitôt posé les mains contre le mur. Moi j’étais devant un store métallique de magasin abandonné. Le léger temps d’hésitation que j’ai pu avoir pour poser mes mains sur la saleté et la rouille du store me valut une bonne claque sur la tête et un coup de pied à l’intérieur des jambes pour les faire s’écarter. 148

IX



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TRAIN STORIES

XII histoires de Trains et de Graffiti Taylor, writer bien connu pour ses nombreux graffiti à travers le monde, nous raconte dans TRAIN STORIES douze histoires insolites et épiques qui nous emmènent dans l’univers particulier des voyages en train et celui du Graffiti sur trains et métros, de Moscou à New York, en passant par Barcelone, Dublin, Bucarest, Rome, Vienne… Chaque histoire est illustrée d’une photographie exclusive prise par l’auteur. En suivant le récit de ses aventures, de ses rencontres et de ses réflexions, on découvrira un milieu underground fascinant, souvent méconnu et parfois sujet à controverses.


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