Stanley Kubrick en 1613 minutes

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STANLEY KUBRICK EN

1613

MINUTES


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STANLEY KUBRICK EN

1613

MINUTES



REPÈRES 8 FEAR AND DESIRE

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KILLER’S KISS

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THE KILLING

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PATH OF GLORY

40

SPARTACUS 48 LOLITA 56 DR. STRANGELOVE

64

2001: A SPACE ODYSSEY

70

A CLOCKWORK ORANGE

80

BARRY LYNDON

88

THE SHINING

96

FULL METAL JACKET

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EYES WIDE SHUT

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Attention Ce livre dévoile les intrigues des treize longs métrages du réalisateur américain, Stanley Kubrick.


REPÈ


ÈRES


BIOGRAPHIE

Stanley Kubrick est né le 26 juillet 1928, dans le Bronx. Il vient d’une famille de classe moyenne. Son père lui apprend les échecs, il était aussi passionné de physique. Ces passions vont être remplacées à ses treize ans, quand son père lui offre son premier appareil photo. Il réalisait beaucoup de photographie en s’inspirant du travail de Weegee. Jusqu’à ses dix-sept ans, il fait des études pas très intéressantes pour lui. C’est à cet âge qu’il est repéré par la revue « Look » pour devenir photographe. Il y travaille pendant quatre ans. Durant ces quatre années, il apprend énormément de choses pour le métier de photographe. Il réalise, notamment, une série sur le boxeur Walter Cartier. Vers ses dix-neuf ans, sa passion pour le cinéma est devenue obsessionnelle. Il passe environ cinq soirs par semaine au Museum of Modern Art pour visionner une grande partie des films célèbres, et il consacrait ses week-ends pour regarder les films nouveaux. Il a vu le meilleur et le pire du cinéma, mais il considère que tout film vu est formateur. Kubrick est autodidacte, ce qui va lui permettre d’imposer son point de vue sur toute la réalisation de ses films. C’est à vingt et un ans qu’il réalise son premier court-métrage documentaire sur le boxeur Walter Cartier, du nom de Day of the Fight et il enchaîne l’année d’après avec Flying Padre. Sur ces deux films, il fut scénariste, réalisateur, cameraman, ingénieur son et monteur. Grâce au modeste succès de ses deux courts-métrages, Kubrick décide de démissionner de Look pour pouvoir se concentrer sur ses réalisations cinématographiques. En 1952, il se lance dans son premier long métrage du nom de Fear and Desire. Il demanda à Howard Sackler d’écrire le scénario du film, un film centré sur la guerre. Pour récolter des fonds, il emprunte de l’argent et n’hésite pas à hypothéquer sa maison. C’est à se moment, qu’il réaliser une série de films à petit budget : Le Baiser du Tueur et Ultime Razzia. Il se fait remarquer par Kirk Douglas, car les réalisateurs indépendants étaient très rares à cette époque. Douglas lui proposa de réaliser le film Les Sentiers de la Gloire. Un film qui dénonce les excès et les injustices au sein du domaine militaire. Ensuite, Kubrick est invité par Kirk Douglas à reprendre la réalisation du film Spartacus qu’il accepte et remanie. En 1961, Kubrick s’installe en Angleterre. L’Angleterre est beaucoup plus ouverte d’esprit, il décide d’y vivre pour ne plus subir de censure sur ses films, comme aux USA.

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C’est donc à cette période qu’il décide d’adapter le roman de Nabokov « Lolita ». Peu de temps après, il commence l’écriture du scénario de Docteur Folamour. Ce film sera un très grand succès mondial, et rapporte assez à Kubrick pour lui permettre de créer sa propre maison de production, ce qui lui donnera l’occasion d’enfin contrôler le déroulement complet de la création de ses films. Après cinq ans de recherches et de préparations, il se lance dans la réalisation de 2001 : l’Odyssée de l’Espace, film adapté de la nouvelle d’Arthur C.Clarke du nom de La Sentinelle. Il va utiliser des techniques qui vont révolutionner le cinéma de science-fiction. Georges Lucas sera fortement influencé pour la réalisation de sa double trilogie : Star Wars, et Ridley Scott le seront aussi pour Blade Runner. Kubrick laisse une fin subjective à 2001 : L’Odyssée de l’Espace, ce qui fait un peu polémique. Le film est un gros succès, ce qui lui permet de financer son prochain film du nom d’Orange Mécanique, film adapté du livre d’Anthony Burgess. Ce long métrage traite du sujet sensible du problème du conditionnement et du lavage de cerveau. En 1975, il réalise Barry Lyndon, un film historique qui est un tour de force esthétique. Kubrick voulait avoir un côté réaliste pour ce film, il filme donc toutes les scènes du film en intérieur, éclairé à la bougie. Pour filmer Barry Lyndon, il a utilisé une optique commandée par la NASA, avec une très grande ouverture de diaphragme. Les avis sont très mitigés pour ce film. Après le succès moyen de Barry Lyndon, Stanley Kubrick cesse toute activité pendant cinq ans. Pendant ces années, il produit le film The Shining. Cette adaptation du livre de Stephen King est, d’après Kubrick, son oeuvre la plus personnelle. Kubrick a modifié l’histoire de base, qui n’a pas forcément plu à King, qui refusa d’être crédité au générique du film. En 1987, il réalise Full Metal Jacket, un film sur la guerre du Vietnam inspiré d’un texte de Gustave Hasford. Pour ce film, il a construit le Vietnam en plein cœur de Londres, dans une usine désaffectée. Onze ans plus tard, il réalise Eye Wide Shut qui sera son dernier film. Là encore, il réalise un film très controversé. Il a eu à peine le temps de terminer le montage du film, qu’il décède le 7 mars 1999 chez lui, à Hertfordshire, dans la banlieue de Londres. Eye Wide Shut sortira six mois plus tard. Stanley Kubrick est un cinéaste majeur du XXe siècle.

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PERSONNALITÉ Kubrick est à la base une personne très réservée, mais il change du tout

au tout quand il se trouve derrière une caméra. Malgré sa timidité profonde, c’est une personne respectée. Quand il se lançait sur un projet, il était imperturbable et extrêmement créatif. Il arrivait à retranscrire ses pensées à la perfection. Il était aussi très perfectionniste. Kubrick était extrêmement éprouvant pour ses acteurs et techniciens. Il n’hésitait à se disputer, ou à ignorer ses acteurs pour que leurs personnages soient le plus réalistes possible. Rien ne pouvait perturber Stanley Kubrick. Il était capable de donner sa vie pour la réalisation d’un film. Il est devenu un réalisateur incontournable du milieu cinématographique. Il est vu comme un génie paranoïaque du cinéma.

STYLE

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Cinéaste extrêmement perfectionniste, il peaufinera chaque long métrage pour offrir un fond et une forme en parfaite adéquation. Il réalise treize films différents, mais complémentaires, énergiques et toujours innovants. Ses films sont structurés de manières linéaires, sans flash-back et découpée en partie très nettement visibles et identifiables, très souvent en nombre de trois. Dans Orange Mécanique, par exemple, on distingue parfaitement les crimes, la punition et la rédemption. Pour 2001 : l’Odyssée de l’Espace, les parties sont explicitement intégrées dans le film avec des intertitres. Kubrick a déclaré : « J’aime un départ en lenteur, ce départ qui pénètre le spectateur dans sa chair et qui l’engage tellement qu’il peut apprécier les notations délicates et les passages empreints de retenues au lieu qu’il faille lui taper sur la tête par des paroxysmes dramatiques et un suspense raccrocheur. » En ce qui concerne les personnages, Kubrick sait toujours l’émotion que doit avoir un de ses personnages. Il est capable de tout pour obtenir ce qu’il veut d’un personnage.


FILMOGRAPHIE

Courts métrages 1950 - Day Of The Fight 1951 - The Flying Padre 1953 - The Seafarers

Longs métrages 1953 - Fear And Desire 1955 - Le Baiser du Tueur ( Killer’s Kiss ) 1956 - L’Utilme Razzia ( The Killing ) 1957 - Les Sentiers de la gloire ( Path of Glory ) 1960 - Spartacus 1962 - Lolita 1964 - Docteur Folamour ( Dr. Stangelove ) 1968 - 2001 : L’Odyssée de l’Espace ( 2001 : A Space Odyssey ) 1971 - Orange Mécanique ( A Clockwork Orange ) 1975 - Barry Lyndon 1980 - The Shining 1987 - Full Metal Jacket 1999 - Eyes Wide Shut

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RECONNAISSANCES ET DISTINCTIONS 1956 - Proposition pour le BAFTA du meilleur film pour L’Ultime Razzia 1957 - Proposition pour le BAFTA du meilleur film pour Les Sentiers de la Gloire 1962 - Proposition pour le Golden Globe du meilleur réalisateur pour Lolita 1964 - BAFTA du meilleur film pour Docteur Folamour 1964 - Meilleur réalisateur, New York Film Critics Circle Awards pour Docteur Folamour 1964 - Proposition pour l’Oscar du meilleur film pour Docteur Folamour 1964 - Proposition pour l’Oscar du meilleur réalisateur pour Docteur Folamour 1964 - Proposition pour l’Oscar du meilleur scénariste pour Docteur Folamour 1968 - Oscar des meilleurs effets visuels pour 2001 : L’Odyssée de l’Espace 1968 - Proposition pour l’Oscar du meilleur réalisateur pour 2001 : l’Odyssée de l’Espace 1968 - Proposition pour l’Oscar du meilleur scénariste pour 2001 : l’Odyssée de l’Espace 1971 - Meilleur réalisateur, New York Film Critics Awards pour Orange Mécanique 1972 - Proposition pour l’Oscar du meilleur film pour Orange Mécanique 1972 - Proposition pour l’Oscar du meilleur réalisateur pour Orange Mécanique 1972 - Proposition pour l’Oscar du meilleur scénariste pour Orange Mécanique 1975 - Meilleur réalisateur, National Board of Review pour Barry Lyndon 1975 - Meilleur réalisateur, British Academy of Film and Télévision Arts pour Barry Lyndon 1975 - BAFTA du meilleur réalisateur pour Barry Lyndon 1975 - Proposition pour l’Oscar du meilleur film pour Barry Lyndon 1975 - Proposition pour l’Oscar du meilleur réalisateur pour Barry Lyndon 1975 - Proposition pour l’oscar du meilleur scénariste pour Barry Lyndon 1977 - Proposition pour le César du meilleur film étranger pour Barry Lyndon 1987 - Proposition pour l’Oscar du meilleur scénariste pour Full Metal Jacket 2000 - Proposition pour le César du meilleur film étranger pour Eyes Wide Shut Stanley Kubrick a également un astéroïde à son nom. La promotion 2001 de l’institut national des sciences appliquées de Strasbourg ( ENSAIS ) porte son nom. Le 26 Janvier 1995, Il est fait commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres.

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FEAR AND DESI


R

IRE



FEAR AND DESIRE Scénario : Howard Sackler Acteurs : Frank Silvera, Kenneth Harp, Paul Mazursky Année de sortie : 1953 Durée : 62 minutes Genre : Guerre Nationalité : Américain

RÉSUMÉ

Dans un pays indéterminé se déroule une guerre indéterminée. Quatre soldats, survivants d’un crash d’avion, se retrouvent égarés dans une forêt en territoire ennemi. Possédant en tout et pour tout une arme, ils trouvent une patrouille de deux soldats et les massacrent. Par la suite, ils croisent une jeune fille isolée revenant d’une rivière située en contrebas et l’attachent à un arbre pour éviter qu’elle ne les dénonce. Pendant que trois des soldats se préparent à construire un radeau pour tenter de retourner en territoire allié, Sydney est affecté à la surveillance de la jeune. Déstabilisé mentalement par les conséquences de la guerre ainsi que de son désir naissant envers la prisonnière, il sombre peu à peu dans la folie.

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ANALYSE

Fear and Desire a été financé entièrement par Kubrick. L’équipe était minime et le nombre d’acteurs était insuffisant. Malheureusement, cette situation n’a pas donné de résultat probant d’après Kubrick. Néanmoins, pour ce qui concerne la structure du film, ces contraintes ont été bénéfiques sur quelques points : le film a été tourné sans enregistrement synchrone, ce qui fait que Fear and Desire a acquis sa bande sonore après le tournage. Le décalage entre le son et l’image est très visible et peu parfois être gênant. Mais c’est ce qui donne un certain charme à ce film. En suppléant ce qui ne saurait être dit, la voix off peut établir une distance entre les personnages. Dans Fear and Desire, cette distance ne peut être réduite, car il n’y a pas de distinction sonore entre la voix off des monologues intérieurs et les paroles prononcées. Ensuite, l’acteur Kenneth Hart joue à la fois le lieutenant et le général ennemi. En un sens, grâce au schéma narratif du film, ce « jumelage » tend vers un point culminant où les fers se croisent. Ici se dessine déjà en partie, la maîtrise de Kubrick.

PRATIQUEMENT TOUS LES FILMS DE KUBRICK METTENT L’ACCENT SUR LE REGARD, SUR LES YEUX, D’UNE FAÇON OU D’UNE AUTRE. FEAR AND DESIRE EST UN MANTRA DU REGARD.

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Un des éléments enfouis dans l’archéologie du film, élément qui émerge parfaitement former, s’avère être la manière dont Kubrick aborde la thématique des yeux. Il existe beaucoup de récits de Kubrick où les personnages sont amenés à des moments d’introspection qui placent la signification du regard dans un contexte d’absence. Le personnage de Sidney, dans le film, a ce moment. Il l’a eu au cours d’une séquence de montage. Pour une scène d’embuscade où deux soldats ennemis mangent du pot-au-feu dans une maison abandonnée, on passe à une série de montage rapide entre des visages de tueurs, des visages tués et les aliments écrasés sous des doigts mourants. La séquence se termine sur l’image de Sidney qui se trouve paralysé dans un vide noir. La scène montre sa tête, posée sur la table, victime du regard distant. Il pourrait être mort, mais il cligne des yeux. On dit que les sens, dans un corps privé d’un seul d’entre eux, s’en trouvent accrus.

LA MUSIQUE A ÉTÉ ENTIÈREMENT COMPOSÉE POUR LE FILM. BIEN QUE LA MUSIQUE TENTE D’AVOIR UNE TONALITÉ LUGUBRE, KUBRICK N’AVAIT PAS LES MOYENS D’ACHETER DES MUSIQUES/CHANSONS POUR ACCENTUER CERTAINS DÉTAILS DU FILM. Les motion pictures ne sont que son et vision, deux sur cinq dans le domaine des possibilités. Rares sont les films, n’importe quel film, qui ne mettent pas l’accent sur le regard, sur les yeux. Mais Fear and Desire est un mantra du regard. Retour à la case départ. Ce film campe maints décors à venir. Une des lois implicites du cinéma consiste à dire qu’il ne faut jamais permettre à un acteur de regarder la caméra en face. Sidney ignore cet interdit. En un sens, tous les films de Kubrick l’ignorent. Tel l’hypnotiseur qui répète : « Regardez-moi dans les yeux » , la technique qui permet à l’acteur de regarder dans la caméra met l’action entre parenthèses. Pour certains, les événements sont ainsi placés à l’extérieur ; pour d’autres, pour la masse de la population, ils sont placés au-dessus d’eux.

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Avec son premier long métrage, Kubrick y allait à pleins tubes pour satisfaire aux exigences de son ambition sans bornes. Le film est, par moments, surécrit, surjoué, voire fragile par son côté excessif. Pourtant, des structures cristallines, des motifs thématiques en sortent indemnes. En tant que jeu d’équilibre entre le sauvage ( arbitraire ) et l’irréfutable ( planétaire ), Fear and Desire, ne cessera de résonner tout au long de cette carrière.


KILLE KISS


ER’S S



KILLER’S KISS Titre français : Le Baiser du Tueur Scénario : Stanley Kubrick et Howard Sackler Acteurs : Frank Silvera, Jamie Smith, Irene Kane Année de sortie : 1955 Durée : 65 minutes Genre : Thriller Nationalité : Américain

RÉSUMÉ

Davey Gordon fait les cent pas dans la gare en attendant son train pour Seattle. Il repense aux évènements qui ont bouleversé sa vie. Quelques jours avant un combat contre Kid Rodriguez, Davey Gordon était tombé sur Gloria Price alors que celle-ci s’apprêtait à rejoindre son patron et amant Vincent Rapallo. La nuit suivante, un cri avait sorti Davey de son cauchemar, Gloria était agressée par Vincent. Davey a aussitôt volé à son secours, Rapallo prenant la fuite. Gloria lui raconte toute l’histoire : sa défunte mère, la jalousie qu’elle éprouve envers sa soeur qui fut ballerine avant de se suicider juste après la mort de leur père. C’est ainsi qu’elle avait trouvé, un job de danseuse dans le club de Vincent. Davey était tombé sous le charme de Gloria. Bien décidés à partir ensemble, Gloria a réclamé son dernier salaire à Vincent. Il est entré dans une rage folle, allant jusqu’à la menacer. Vincent envoya deux de ses sbires liquider Davey. Les hommes de Rapallo ont tués son manager, suite à un quiproquo. Vincent fait kidnapper Gloria et lorsque Davey vole de nouveau à son secours, il se fait prisonnier. C’est alors que Gloria retourne sa veste. Davey parvient à s’enfuir et à neutraliser Vincent au bout d’une course poursuite. Il tue Rapallo. Remis en liberté Davey n’avait plus reçu de nouvelle de Gloria depuis. Voilà comment Davey se retrouve à la gare, prêt à traverser le pays, convaincu de ne plus jamais revoir sa belle. Gloria le rejoint quelques secondes avant le de partir, pour l’embrasser.

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ANALYSE

Le principe sur lequel se repose la narration et la mise en scène kubrickiennes est la mise en miroir et en parallèle de la vie des deux protagonistes. Les miroirs sont nombreux dans le film. La séquence où on voit les deux personnages principaux descendre un matin l’escalier les menant chacun de leur appartement au rez-de-chaussée, et sortir ensemble de l’immeuble dans lequel ils vivent. Tous les deux ont une existence plutôt médiocre, manifestement difficile, dans laquelle ils prennent des coups. Davey, dont Vincent à l’occasion de dire qu’il « était bon boxeur », perd le combat qui l’oppose à Kid Rodriguez. Gloria qui parle du dancing où elle travaille comme d’un lieur dépravé, comme d’un « zoo humain », subit donc les assauts du patron du « Pleasureland ». Davey et Gloria se différencient sur un point. Lui a ses parents en vie, apparemment pas un père et une mère, mais un oncle et une tante, et il a des contacts réguliers avec eux. Gloria, quant à elle, n’a plus de famille. Elle a perdu sa mère, son père et sa soeur dans des conditions dramatiques.

LE BAISER DU TUEUR EST L’ŒUVRE D’UN CINÉASTE QUI DEVIENDRA LE MAITRE A CETTE ÉPOQUE, KUBRICK APPRENAIT SON MÉTIER, IL SE CHERCHAIT ET FAISAIT DES ERREURS.

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Les défauts de ce film sont nombreux : un jeu d’acteurs peu convaincant, une postsynchronisation catastrophique, avec des musiques envahissantes et des bruitages désagréables. La narration est verbeuse, et quelques fois trop explicative. Le récit n’est pas toujours cohérent. La facture d’ensemble est très artificielle, peut-être trop formaliste : des voix off, des angles de prises de vues systématiquement tendus ( exagération de la plongée et de la contre-plongée ), des images en négatif pour figurer un cauchemar, un montage qui joue sur le contrepoint. Du symbolisme intradiégétique, la poupée associée à la personne de Gloria, les mannequins associés à la mort, des flash-back à l’intérieur de flash-back, etc.

MAIS CE FILM NE COMPORTE PAS QUE DU NÉGATIF. ON PEUT METTRE EN AVANT QUELQUES SOMPTUEUX CADRAGES ET SURCADRAGES, ON SENT QUE KUBRICK APPORTE SON SAVOIR-FAIRE DE PHOTOGRAPHE, UN TRAVAIL SUR LES OMBRES ET LES LUMIÈRES, ET LES PLANS DE RUE ÉTONNAMMENT PRIS INSTANTANÉMENT.

Le baiser du tueur obéit aux codes du film noir, mais on ne saurait considérer Gloria comme une femme fatale. Elle est blonde, a un visage doux, porte des vêtements clairs. Elle ne dessine pour Davey aucun défunt funeste. Kubrick, qui aurait tourné plusieurs séquences finales pour se laisser le choix de la conclusion, à opter pour un sympathique happy-end.

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THE KILLI


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THE KILLING Titre français : L’Ultime Razzia Production : James B. Harris et Stanley Kubrick Scénario : Stanley Kubrick, Jim Thompson Acteurs : Sterling Hayden, Coleen Gray, Vince Ewards, Marie Windsor Année de sortie : 1956 Durée : 80 minutes Genre : Drame Nationalité : Américain

RÉSUMÉ

Johnny Clay travaille sur un dernier coup fumant avant de prendre sa retraite en se mariant avec Fay : braquer le champ de courses. Un coup de deux millions de patates. Après c’est fini, c’est promis ! Il monte une équipe composée de Randy Kennan, un flic, qui lui donne des indications, George Peatty, un caissier minable, pour accéder à la salle des paris, Nikki Arane, un sniper et d’un ancien catcheur, Maurice Oboukhoff, pour faire diversion. Tout a été calculé de manière millimétrée. Si chacun respecte sa partition, c’est la richesse assurée. Le caissier est faible et ne peut s’empêcher de tout raconter à sa femme Sherry, qui s’empresse d’en parler à son amant, Val Cannon. Ce dernier voit grand. Plus que de prendre la part de George, il a l’intention de dévaliser les cambrioleurs. Le plan se déroule sans accroc, à l’exception de Nikki qui est abattu par un officier de police. Les hommes se retrouvent au lieu de rendez-vous. Avant que Johnny les rejoigne, Val fait intrusion et provoque une tuerie. Suite à ce carnage, Johnny passe son chemin, comme prévu. George, grièvement blessé, parvient à rentrer chez lui pour abattre sa femme. Johnny file à l’aéroport avec Fay. Sa valise pleine de billets est trop encombrante pour qu’il l’emmène en cabine. Il est contraint de l’enregistrer au moment d’embarquer, le couple observe leur bagage se renverser sur le tarama et disperser leur fortune aux quatre vents. Ils tentent de quitter l’aéroport, mais ils sont identifiés par le responsable de la compagnie aérienne. Résigné, Johnny renonce à prendre la fuite.

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ANALYSE

En 1958, Stanley Kubrick a vingt-huit ans. C’est un jeune cinéaste en devenir, qui forge son art en autodidacte. Même si au début, il reniera Fear and Desire, film de guerre métaphorique, longtemps introuvable, et que Le baiser du tueur tient plus de l’anecdotique série B que du chef d’oeuvre, ses coups d’essai en solitaire attireront l’attention de la puissante United Artists, alors en phase de diversification et attirée par le cinéma de genre. L’Ultime Razzia fait office de jalon à bien des égards : c’est une des premières oeuvre produite par une grosse compagnie, avec un budget conséquent, première adaptation, première collaboration avec un chef opérateur ( une légende raconte que Kubrick remit le technicien expérimenté à sa place, à l’occasion d’une histoire de focale sur un travelling chevalin ). Le cinéaste collabore à cette occasion avec James B. Harris. L’Ultime Razzia est basée sur le polar de Lionel White : Clean Break.

BIEN REÇU PAR LA CRITIQUE ANGLO-SAXONNE, L’ULTIME RAZZIA PLACE LE JEUNE KUBRICK AU RANG DES CINÉASTES PROMETTEURS, ET LUI OUVRE LES PORTES DES GROSSES PRODUCTIONS.

Time Magazine le compare à un nouvel Orson Welles. En France, la réception est plus tiède : joliment salué dans Le Monde et Positif, le film fait peu de remous aux cahiers, pourtant curieux de séries B américaines, et se voit qualifié d’un simple « Copie d’un bon élève, sans plus », par Jean-Louis Godard. L’Ultime Razzia a un récit sec et nerveux. Le film s’inscrit parfaitement dans le genre du polar, dont il reprend les codes essentiels, des personnages à la morale douteuse aux ambiances enfumées en passant par les enjeux véreux et la mécanique sanglante. Et s’il ne se défait pas de certains codes des séries B de l’époque ( musique omniprésente, montage un peu haché et casting inégal ), il investit brillamment le sousgenre du « film de casse parfait ».

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Déstructurés, chronométrés et soutenus par une voix off joueuse, les préparatifs et l’exécution du Hold-up forment une ligne sous haute tension qui s’ébroue entre pics dramatiques et creux bavards. Le film semble magnétisé par sa galerie de personnages, casting d’inconnus sans figure proéminente aux motivations convaincantes et aux backgrounds individuels. L’inventivité de Kubrick perce la membrane classique de L’Ultime Razzia en de multiples éclats formels. Captation documentaire de l’ambiance du champ de courses, jeux d’annulations inconfortables des plans d’intérieur, étonnante séquence d’après fusillade en caméra à l’épaule. À travers l’effeuillage chronologique hyperdétaillé de la mécanique criminelle, Kubrick laisse effleurer sa volonté de contrôle et sa fascination pour les mécaniques implacables. Rivé aux allées et venues millimétrées et quasi-robotiques des gangsters, le cinéaste capte ce que le geste humain retient, et ce qui lui échappe.

CHEZ KUBRICK S’AFFRONTENT DÉJÀ LES FORCES D’ORGANISATIONS ET DE DÉSORGANISATION, LA VOLONTÉ DE CONTRÔLE DES HOMMES SE HEURTANT AUX PUISSANCES DU HASARD ET DU CHAOS.

L’Ultime Razzia n’est pas un grand film, et fait assurément partie de ces oeuvres artificiellement rehaussées par l’aura postérieure de leurs créateurs. Mais sa torsion habile des règles du genre ainsi que ses audaces formelles en font un film singulier qui signe la fin d’un apprentissage. Fort d’un succès public et critique, Kubrick peut s’emparer des moyens de l’édifice hollywoodien pour forger en miroir déformant et ouvrager les premiers jalons mémorables de son oeuvre inclassable. C’est d’ailleurs par ce film qu’il se fera remarquer par Kirk Douglas, qui lui proposa de reprendre la réalisation de Spartacus quelques années plus tard.

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PATH OF GLOR


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PATHS OF GLORY Titre français : Les Sentiers de la Gloire Production : James B. Harris et Stanley Kubrick et Kirk Douglas Scénario : Stanley Kubrick, Jim Thompson, Calder Willingham Acteurs : Kirk Douglas, Ralph Meeker, Adolphe Menjou, George Macready Année de sortie : 1957 Durée : 88 minutes Genre : Guerre Nationalité : Américain

RÉSUMÉ

Loin du champ de bataille, le Général George Broulard ordonne au général Mireau une mission suicide afin de prendre une position allemande. Mireau délègue cette mission au Colonel Dax qui ne voit pas l’intérêt de cette offensive. L’attaque contre la colline est lancée. Mireau ordonne de tirer contre ses propres hommes pour les forcer à avancer. Personne ne bouge. C’est le fiasco. Furieux, il exige que cent hommes passent devant la cour martiale pour lâcheté devant l’ennemi. Seuls trois hommes seront jugés, à titre symbolique : le Caporal Paris ainsi que les soldats Ferol et Arnaud. Dax, avocat dans le civil, se propose de les défendre. Sa plaidoirie est aussi émouvante qu’inutile. Il s’agit d’un faux procès. Dax fournit à Broulard la preuve que Mireau a exigé que l’on tire sur ses hommes dans l’espoir de sauver ses soldats, en vain. Les trois hommes seront exécutés malgré tout. Broulard est séduit par le charisme de Dax qu’il considère ambitieux. Il lâche aussitôt Mireau et propose à Dax de monter la garde. Dégoûté par ce jeu de chaises musicales, Dax refuse la promotion. Broulard le taxe alors d’idéalisme. Après l’exécution, les militaires noient leur désarroi dans le bruit et l’alcool. La chanson d’une jeune prisonnière allemande va les apaiser. Dax les laisse en profiter quelques instants, avant de continuer le combat.

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ANALYSE

Les Sentiers de la Gloire est un film adapté du best-seller du même nom de Humphrey Cobb, publié en 1935. Les films de guerres ne sont pas inconnu pour Kubrick. Ce film affirme le style et la thématique du Maître, déjà nettement perceptible dans L’Ultime Razzia. Formellement, il manifeste déjà un goût particulier pour les compositions géométriques et les longs travellings, les progressions dans les tranchées étroites en mettent plein les yeux. Mais, Les Sentiers de la Gloire marque surtout, le début de l’étude Kubrickienne des mécanismes de déshumanisation, et l’armée fournit d’excellents exemples. On pourrait, bien entendu opposer l’état-major opérant depuis son château à la masse des fantassins croupissant dans la boue.

KUBRICK POUSSE LA DÉMARCHE DE DÉSHUMANISATION BIEN PLUS LOIN : LES OFFICIERS SONT CLAIREMENT IDENTIFIÉS, MAIS LES SOLDATS RESTENT ANONYMES, SAUF DEUX EXCEPTIONS.

Lorsque Mireau visite les tranchées, il demande le nom de quelques soldats, qui sont dorénavant porteurs d’une identité, mais seul l’officier accorde ce droit. Les soldats sont individualisés lorsqu’ils doivent servir « d’exemple » et sont donc fusillés. Mais Les Sentiers de la Gloire va plus loin, en démontrant que ce système ne fonctionne pas seulement à un niveau global, mais aussi individuel : chaque personnage est déresponsabilisé. Aucun ne prend de décision de sa propre volonté, mais chacun se réfère à une responsabilité supérieure, que ce soit pour couvrir une erreur, ou encore un meurtre sacrifiant un soldat témoignant de son incompétence. Même l’opérateur radio agit en se référant au code pour se protéger des éventuelles accusations.

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KUBRICK NE MONTRE PAS UN SYSTÈME D’OPPRESSION CENTRALISÉ, MAIS UNE SÉRIE DE MICROSTRUCTURES OÙ CHACUN PARTICIPE SANS JAMAIS SE SENTIR RESPONSABLE.

La seule exception est le Colonel Dax, dont il est précisé qu’il n’est pas militaire de carrière, au contraire de Mireau qui en fait sa fierté. Dax agit selon ses propres principes, ce qui lui vaudra l’incompréhension du général Broulard, qui pense que sa lutte contre Mireau est motivée par une ambition personnelle. Kubrick traitera de l’aliénation durant toute sa carrière, le premier jalon se trouve ici.

LES SENTIERS DE LA GLOIRE N’A JAMAIS ÉTÉ INTERDIT DE PROJECTION EN FRANCE LA RÉALITÉ EST PRESQUE PIRE.

Le film avait suscité de violentes réactions de l’armée et d’anciens combattants belges, durant la première projection en Belgique. Soucieux de s’épargner une polémique supplémentaire en pleine guerre d’Algérie, le Quai d’Orsay demande à Washington de suggérer au distributeur d’oublier de proposer le film en France. Les cinéphiles seront contraints de passer la frontière pour découvrir ce film. Les Sentiers de la Gloire sortira en France en 1975, durant l’été. Un très grand film sur un sujet très sensible, comme le prouvent les violentes polémiques déclenchées par chaque tentative de réhabilitation des victimes de la justice militaire.

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SPART


TACUS



SPARTACUS Production : Bryan Productions, Inc & Universal Pictures Campagny, Inc Scénario : Howard Fast et Dalton Trumbo Acteurs :Kirk Douglas, Laurence Oliver, Peter Ustinov, John Gavin Année de sortie : 1960 Durée : 184 minutes Genre : Péplum Nationalités : Américain

RÉSUMÉ

En Libye, Spartacus se fait remarquer par son impertinence. Il est laissé pour mort jusqu’à ce qu’un éleveur de gladiateurs, Batiatus, le repère. À Capua où il reçoit sa formation, Spartacus tombe amoureux d’une esclave du nom de Varinia. Crassus passe au camp et exige deux combats à mort. Spartacus est épargné par Draba qui cherche à assassiner Crassus. Il quitte les lieux en emportant Varinia avec lui. Spartacus n’a aucune raison de rester à Capua. Il provoque une insurrection et invite les esclaves à le suivre. Varinia s’échappe. Les Sénateurs veulent répondre par la force. Six cohortes devraient suffire. Contre toute attente, Spartacus triomphe. Gracchus négocie avec les pirates pour que les esclaves puissent quitter l’Italie, ce qui empêcherait Crassus d’arriver au pouvoir, mais c’est peine perdue. Crassus exploite la naïveté de César pour prendre les commandes. Il convainc les pirates de rompre leur promesse et lance l’armée contre les esclaves. Le nouveau gouverneur cherche Spartacus parmi les rescapés, mais tous les esclaves se lèvent pour le protéger. Furieux, Crassus fait prononcer la crucifixion des escales. Le gouverneur vit avec Varinia qui le rejette. Il ordonne un combat à mort entre Antoninus et Spartacus. Ce dernier l’emporte et aura droit à la crucifixion. Crassus craint que son ennemi ne devienne un martyr. De son côté, Gracchus a perdu Rome. Avant de se suicider, il soudoie Batiatus de libérer Varinia et son bébé qu’elle a eu avec Spartacus.

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ANALYSE

Quand Spartacus sort dans les salles, en 1960, Stanley Kubrick n’a que trente-deux ans et il vient de diriger un film aux dimensions hollywoodiennes. Lui qui n’avait tourné que des films assez modestes jusque-là par leurs budgets et par leurs histoires se charge d’un film doté d’un budget de douze millions de dollars et des centaines et des centaines d’acteurs. Un projet pharaonique conçu et scrupuleusement protégé par Kirk Douglas. L’acteur a rencontré Stanley Kubrick sur Les Sentiers de la Gloire et le cinéaste n’a pas encore l’aura qu’il obtiendra plus tard. Spartacus est sans doute son film le moins personnel, c’est une commande qu’il exécutera sans avoir son mot à dire. Le cinquième film de Stanley Kubrick n’est certes pas le plus intéressant de sa carrière, mais c’est un des meilleurs péplums de la grande époque… Spartacus est l’adaptation cinématographique d’une histoire vraie. Spartacus a réellement existé. Ce film peut faire penser à un biopic.

COMME C’EST GÉNÉRALEMENT LE CAS À HOLLYWOOD, L’HISTOIRE NE SERT QUE DE PRÉTEXTE À ÉLABORER LE SCÉNARIO D’UN FILM QUI DOIT PARLER AU PLUS GRAND NOMBRE. Le scénario de Spartacus n’hésite ainsi pas à s’éloigner du personnage pour en faire un héros des temps modernes, à l’assaut d’un Empire romain décadent et en faveur de la liberté et partant, de la démocratie. Conçu dans les années 1950, le film est d’abord un pied de nez au climat anticommuniste de l’époque. L’âge d’or du sénateur McCarthy et de sa croisade contre le communisme a eu des conséquences sur l’industrie du cinéma. Des acteurs, des réalisateurs et des scénaristes sont mis sur liste noire, ce qui les empêche de travailler suite à des soupçons de sympathies communistes. Le cinéma a toujours réussi à contourner les règles, mais Spartacus enfonce le clou.

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Le scénario de Trumbo est dans un état d’esprit particulier : Spartacus devient une sorte de communiste avant l’heure et la communauté d’esclaves libérés rappelle fort les mouvements hippies des années 1970. Le scénario simplifie les faits pour ne retenir qu’une lutte sans merci avec deux camps bien opposés et un manichéisme appuyé. Tous les Romains sans exception sont corrompus ou alors sans pitié et ils sont tous prêts à tout pour conserver leur pouvoir et écraser les esclaves qui sont entièrement positifs. L’acteur principal du film est aussi l’instigateur du projet et il est le producteur exécutif du film. Un. Poste clé qui laisse au comédien toute la liberté d’imposer son point de vue, et Spartacus témoigne bien de ce pouvoir.

SPARTACUS EST LE FILM LE MOINS PERSONNEL DE KUBRICK, ET POUR CAUSE, IL S’AGIT BEAUCOUP PLUS D’UN FILM DE KIRK DOUGALS.

Quand Kirk Douglas fait appelle à Kubrick, le message est très clair : C’est lui qui dirige. Différentes scènes annexes du récit de base se comprennent mieux depuis l’arrivée de Kubrick. La fin du film est aussi totalement réécrite. Après ce film, Kubrick est dégoûté de son expérience sur Spartacus. C’est à cette période qu’il décide de quitter les États-Unis pour partir vivre en Angleterre. Mais la présence de Kubrick sur le tournage a beaucoup changé le rendu final du film. Le long métrage aurait sans doute été moins violent et moins réaliste s’il n’avait pas été là.

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LOLIT


TA



LOLITA Production : James B. Harris et Stanley Kubrick Scénario : Vladimir Nabokov et Stanley Kubrick Acteurs : James Mason, Shelley Winters, Peter Sellers, Sue Lyon Année de sortie : 1962 Durée : 153 minutes Genre : Drame Nationalités : Britannique, Américain

RÉSUMÉ

Humbert Humbert, professeur de littérature cherchait à séjourner dans une pension du New Hampshire. Il est tombé sur celle tenue par Charlotte Haze, une veuve en mal d’amour qui, jouant les enjôleuses et les érudites, lui fait visiter sa maison et lui vante tous les avantages de la chambre à louer. C’est là qu’il avait rencontré la jeune Dolores Haze, aussi surnommée Lolita. Il finit par en tomber fou amoureux malgré la différence d’âge. Il s’est marié avec Charlotte pour mieux se rapprocher de Dolores. Quand la mère a envoyé sa fille en camps de vacances, Humbert n’a pas pu cacher son ennui. Charlotte l’a soupçonné et a fini par découvrir le journal intime de son mari dans lequel il parlait de sa passion pour sa belle-fille et de son mépris pour sa femme qu’il qualifiait de « grosse vache ». Charlotte était dépitée. Elle s’est enfuie et s’est fait renverser par une voiture et meurt de ses blessures. Humbert, se retrouve « libre », et il décide donc d’entamer une relation avec la jeune Dolores. De retour à Beardsley College, c’est un Humbert impuissant qui a senti Dolores s’éloigner de lui petit à petit. Des années plus tard, Dolores mariée et enceinte jusqu’aux dents a révélé à Humbert qu’elle l’avait quitté pour Clare Quilty. Cela n’a pas empêché Humbert de la supplier une dernière fois de tout quitter. Après avoir été éloigné par Dolores, Humbert s’en est allé tuer Quilty. Puis, il mourut d’une thrombose en attendant son procès.

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ANALYSE

Lolita, c’est d’abord un livre écrit par Vladimir Nabokov. Ce livre a d’abord été édité comme oeuvre pornographique, avant de devenir un Best Seller. On dit que Kubrick était tellement impatient de lire ce livre, que Harris devait déchirer les pages de son livre pour les donner à Kubrick. La réalisation du film fut compliquée. Kubrick n’avait pas assez d’argent que pour financer un film comme celui-ci. Il a donc accepté de reprendre le tournage du film Spartacus, pour pouvoir financer Lolila. Après cela, Kubrick se donne énormément sur ce projet. Il achète les droits du livre à Nabokov. Il décide de laisser Nabokov rédiger le scénario du film. Qu’il refuse dans un premier temps, mais fini par accepté à cause de l’instance de Kubrick. Nabokov produit un premier jet de 400 pages très sulfureuses. Kubrick et Harris décident de censurer une grosse partie du scénario écrit par Nabokov. On peut se permettre d’être cru en littérature, mais pas vraiment dans le cinéma, surtout à l’époque.

LOLITA, MALGRÉ LES CENSURES FAITES PAR KUBRICK ET HARRIS, FAIT TOUT DE MÊME SCANDALE, CAR LE SUJET TRAITÉ EST FORTEMENT SENSIBLE À CETTE ÉPOQUE DANS LE CINÉMA.

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Le tournage se fait en Angleterre, à cause du manque de moyens assez conséquent. En Angleterre, il a bénéficié de la taxe « Eady Levy », qui permet au producteur d’amortir le coût d’un tournage. Le tournage du film dura 88 jours. Le film n’a pas été tourné totalement en Angleterre, certaines scènes ont été filmées aux USA. Kubrick s’inspire de Citizen Kane, d’Orson Wells, et commence son film par la scène finale, ce qu’il avait déjà fait dans le film Le baiser du tueur. Kubrick n’a pas eu que cette influence. Il ne cache pas son admiration pour Luis Buñuel. Cette inspiration se ressent dans le côté fétichiste de Lolita.

ON NE MANQUERA PAS D’APPRÉCIER LA MISE EN SCÈNE DU CINÉASTE. ELLE SE VEUT PROVOCANTE. KUBRICK LA REND SUBTILEMENT PERVERSE AUSSI. LOLITA SE VEUT AUSSI VIOLENT ET SORDIDE. TOUT CE QUI POSSÈDE UN CÔTÉ MALSAIN TRANSPARAÎT DANS LA RÉALISATION.

La qualité esthétique du film est très travaillée. Rien que le nom « Lolita » a une consonance très sensuelle. Les décors sont aussi très recherchés. On relèvera aussi la grande maîtrise de Kubrick, pour le noir et blanc. Pour ce film, Kubrick est moins friand des mouvements de caméra, mais sa mise en scène reste particulièrement travaillée. C’est une réalisation plus sobre et plus subtile. En ce qui concerne le rôle de Lolita. Il fallait trouver une actrice jeune, mais également mature. Dans le livre, Lolita est une jeune adolescente de douze ans, ce qui rendit la chose compliquée pour Kubrick. Il finit par tomber sous le charme de la jeune Sue Lyon, qui a quatorze ans à l’époque. Les musiques du film possèdent deux tons. Un premier qui cherche à accentuer le côté « coquin » de Lolita et le deuxième, joue sur le suspense et la tension qui terrasse Humbert.

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D’après Kubrick, le film n’atteint pas l’oeuvre de Nabokov, à cause de la censure, mais aussi, les quelques modifications que le scénario a dû subir. Néanmoins, Lolita traite d’un des sujets phares de Kubrick, qui est ici l’hypocrisie de l’être humain. Inutile de préciser que Lolita a fait scandale à sa sortie. Le film sera interdit aux moins de dix-huit ans en salle. Avec le temps, Lolita s’est imposée comme étant un film culte, comme une égérie de l’œuvre de Kubrick. Même si Kubrick n’est pas fière de sa réalisation, il a tout de même réussi un pari risqué : adapter une œuvre très controversée, et en proie à la censure, avec une liberté presque totale sur le plan de la production.


DR.

STRANG


GELOVE



DR. STRANGELOVE Titre français : Docteur Folamour Production : Columbia Pictures Scénario : Stanley Kubrick, Peter George, Terry Southern Acteurs : Peter Sellers, George C. Scott, Sterling Hayden Année de sortie : 1964 Durée : 95 minutes Genre : Comédie Nationalités : Britannique, Américain

RÉSUMÉ

En pleine Guerre froide, le Général Ripper est victime d’un coup de chaud. Avant de se barricader, il ordonne la mise en application du plan R et envoie tous les B-52 frapper l’Union soviétique. Alerté, le président Muffley convoque une réunion de crise dans la war room. Le Général Turgindson émet l’hypothèse de profiter de cette attaque imprévue pour mener enfin l’assaut et en finir avec l’URSS. Le président Muffley qui pense avant tout à la trace qu’il va laisser dans l’histoire n’est pas de cet avis. Il invite l’ambassadeur soviétique et rentre en contact avec son homologue, Dimitri Kissov, pour faire preuve de sa bonne foi. La seule option qui se présente aux ÉtatsUnis est de donner aux Russes les positions des avions pour les détruire. Kissov informe le président américain de l’existence d’un plan de représailles en cas d’attaque américaine. La doomsday machine signerait la fin de l’humanité. Pendant ce temps, le Capitaine Mandrake parvient à décrypter le code du plan R. Il rappelle tous les B-52, sauf celui de Major Kong. À court d’idées, le président fait appel au Dr Folamour pour imaginer une solution en cas d’apocalypse nucléaire. Ancien nazi, Folamour suggère de partir vivre sous-terre et imagine un plan de reproduction basé sur un tri sélectif, avec un ratio de 1 homme pour dix femmes dans le but d’assurer la continuité de l’espère humaine. Il est trop tard. Le Major King a lancé sa bombe. Des champignons atomiques poussent un peu partout sur la planète.

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ANALYSE

Dr Folamour est un diamant tranchant et sombre, à l’humour désespéré. Il est à l’image de la vision qu’aura eue Kubrick de l’Humanité au travers de sa filmographie. Comique, mais sans pitié, le constat dressé par Stanley Kubrick évite tous les inconvénients du film à thèse, grâce à une mise en scène millimétrée et un scénario d’une rare intelligence. En 1958, Peter George, ancien lieutenant de la Royal air force, développe dans son roman Red Alert, un scénario de fin du monde catastrophique, à cause d’une crise nucléaire entre deux grandes puissances des années 60. Kubrick décide de racheter les droits de ce roman très sérieux, il décide, avec l’aide de Terry Southern décide, de tourner l’histoire vers une comédie noire et déjantée. Les situations dangereuses que Kubrick a mis en scène provoquent le rire, un rire jaune, il est vrai. Peu de films regorgent de répliques cultes, de dialogue extrêmement drôle et de situation totalement surréaliste au sein d’un contexte très dramatique.

MAIS LE FILM NE SERAIT RIEN SANS LE GÉNIE COMIQUE DE PETER SELLERS. IL INCARNE TROIS RÔLES À LA PERFECTION.

Il interprète Docteur Folamour, Mandrake, Muffley. Il habite littéralement chaque scène et fait taire toutes les personnes qui l’ont critiqué sur ses capacités d’acteurs. Il alterne la sobriété et l’improvisation. Ses personnages portent, en quelque sorte, le film sur leurs épaules. Le reste de la distribution est un sans faute sur toute la ligne. George C. Scott, Sterling Hayden et Slim Pickens, sont tous grandiose et ont la possibilité montrer leurs talents d’acteurs dans différentes scènes du film. Dr Folamour est un chef-d’œuvre. Kubrick montre son sens du cadrage, sans oublier une photographie exceptionnelle de Gilbert Taylor, tout en noir et blanc. L’utilisation de la musique a toute son importance et la technique des effets spéciaux. Dr Folamour marque un tournant dans la carrière de Stanley Kubrick, en marquant les points forts du réalisateur.

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2001 A SP ODYS


1: PACE SSEY



2001: A SPACE ODYSSEY Titre français : 2001 : L’Odysée de l’Espace Production : Metro-Goldwyn-Mayer Scénario : Stanley Kubrick & Arthur C. Clarke Acteurs : Keir Dullea, Gary Lockwood, William Sylvester, Daniel Richter Année de sortie : 1968 Durée : 156 minutes Genre : Science-Fiction, Anticipation Nationalités : Britannique, Américain

RÉSUMÉ

Des siècles plus tard, Dr Heywood Floyd est en mission secrète sur la base de Clavius. Il fait des recherches sur un mystérieux monolithe enfoui sous le sol lunaire. Dès qu’il touche l’objet, une puissante onde électromagnétique s’y échappe. Deux ans plus tard, Discovery One fait route vers Jupiter. À son bord, Dave Bowman et Franck Poole, astronautes, sont accompagnés de cinq scientifiques en hibernation. HAL, l’ordinateur de bord, les suspects une pièce défectueuse, mais les deux astronautes n’en tiennent pas rigueur. HAL cherche à se débarrasser des astronautes, qui sont devenus une menace. HAL désactive les cinq scientifiques et décide d’envoyer Pool faire une balade dans l’espace. Bowman tente d’aider son coéquipier, mais HAL refuse tout simplement qu’ils reviennent à bord. Bowman parvient à revenir dans le vaisseau par un accès de secours, et il désactive HAL. Il découvre, par hasard, un message préenregistré du Dr Floyd, précisant que l’onde magnétique était pointée vers Jupiter. À proximité de la planète, Bowman part en mission de reconnaissance autour du monolithe, mais il se fait aspirer par un vortex. Après un étrange voyage dans divers univers, il se retrouve dans une chambre néo-futuriste où il s’aperçoit mourant dans un lit au pied duquel se trouve le fameux monolithe. Quand il le touche, il se métamorphose en foetus flottant autour de la terre.

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« J’AI TENTÉ DE CRÉER UNE EXPÉRIENCE VISUELLE QUI AILLE AU-DELÀ DES RÉFÉRENCES VERBALES HABITUELLES ET QUI PÉNÈTRE DIRECTEMENT LE SUBCONSCIENT DE SON CONTENU ÉMOTIONNEL ET PHILOSOPHIQUE. J’AI EU L’INTENTION DE FAIRE DE MON FILM UNE EXPÉRIENCE INTENSÉMENT SUBJECTIVE QUI ATTEIGNE LE SPECTATEUR AU NIVEAU LE PLUS INTÉRIEUR DE SA CONSCIENCE JUSTE COMME LE FAIT LA MUSIQUE. VOUS AVEZ LA LIBERTÉ DE SPÉCULER À VOTRE GRÉ SUR LA SIGNIFICATION PHILOSOPHIQUE ET ALLÉGORIQUE DE CE FILM. » Stanley Kubrick pour une interview de Playboy en 1968.

ANALYSE

Cette phrase démontre bien toute la richesse que contient ce film, mais Kubrick veut que chaque personne fasse sa propre interprétation. Il est important de rappeler que ce film n’est pas un film pour intellectuels, il suffit juste de se laisser embarquer dans ce voyage vers l’inconnu. C’est en s’immergeant que les réponses viendront. Au premier degré, cette expérience hypnotique peut fonctionner même si les tenants et aboutissants resteront toujours obscurs pour certains, un poème n’a pas nécessairement besoin d’être compris pour être apprécié. Un jour, Kubrick a l’idée de faire un film sur la notion d’une vie intelligente extraterrestre. Il se documente beaucoup sur le sujet, et devant l’évidence qu’une autre forme de vie intelligente existait ailleurs que sur la Terre, il se décide à tourner un film sur le sujet. Avec l’écrivain de science-fiction, Arthur C. Clarke, ils réalisent un premier jet de scénario qui deviendra le scénario de 2001, après modification.

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LE TOURNAGE DE 2001 SE DÉROULE SUR SEPT MOIS ET LA POSTPRODUCTION PREND ENVIRON DEUX ANS. LE BUDGET EST COLOSSAL, 60% SONT ATTRIBUÉS AUX EFFETS SPÉCIAUX UTILISÉS DANS PLUS DE DEUX-CENTS PLANS. Que ce soit le travail sur les maquettes, les effets visuels ou photographiques, ceux-ci n’ont absolument pas vieilli et n’ont rien à envier au tout numérique d’aujourd’hui. C’est en 1968 que Kubrick voit enfin son film sortir. Le résultat final est l’un des rares exemples de superproduction qui se révèle être en même temps un film expérimental. Mais il n’a pas été conçu sous cette forme elliptique au départ. Il devait être initialement quasi documentaire avec voix off et séquences d’interviews scientifiques ou métaphysiques. C’est en cours de tournage que Kubrick procède à d’importants changements, éliminant au fur et à mesure tous les éléments trop explicites du scénario et élaguant considérablement les dialogues. Par cette décision il n’a pas été loin d’atteindre le rêve qu’il avait toujours intérieurement souhaité, réaliser un film muet.

2001: L’ODYSSÉE DE L’ESPACE EST UNE ŒUVRE EXTRÊMEMENT AMBITIEUSE, UN POÈME VISUEL ET PHILOSOPHIQUE SUR LE DESTIN DE L’HOMME DANS SA RELATION AU TEMPS, AU PROGRÈS ET AU MYSTÈRE. Le film aborde tous ces thèmes sans jamais être pesant ni surtout prétentieux. Il est constamment intrigant et passionnant par toutes les questions qu’il soulève. En ce qui concerne la scène finale, qui questionne un grand nombre de spectateurs, Kubrick répond : « Le troisième monolithe entraîne Bowman dans un voyage intérieur et interstellaire jusqu’au zoo humain où il est placé, qui n’est pas sans rappeler un milieu hospitalier terrestre, sorti tout droit de ses rêves et de son imagination.

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Plongé dans l’éternité, il passe de l’âge mûr à la sénescence, puis à la mort. Il renaît sous la forme d’un être supérieur, un enfant étoile, un ange, un surhomme si vous préférez, et revient sur terre, prêt pour le prochain bond en avant de la destinée évolutive de l’homme. » Le plus grand paradoxe de ce film pourrait provenir de la description de ses personnages principaux. Alors que tous les humains nous apparaissent complètement fades, ternes, sans passion, sans enthousiasme ni envie autres que celle de bien réussir leur travail, le seul personnage qui nous semble être pourvu de sentiments est le super ordinateur Hal. Hal possède une conscience, et quand il finit par mourir, c’est une scène qui touche un grand nombre de spectateurs. Ils demeurent étonnés d’avoir été plus attristés par le « décès » de la machine que par ceux justes auparavant des humains.

EN PLUS D’ÊTRE UN FILM D’UNE GRANDE RICHESSE, IL S’AGIT AUSSI D’UNE EXPÉRIENCE CINÉMATOGRAPHIQUE INOUBLIABLE.

Ici, le progrès passe donc toujours par le meurtre : ce pessimisme de Kubrick pourrait être tempéré par la naissance de cet enfant des étoiles qui sera sans doute à l’origine d’un nouveau pas en avant pour la progression de cette Humanité, un pas en avant que l’on n’espère pas seulement scientifique, mais aussi humaniste. La construction du récit en quatre blocs autonomes et le découpage des séquences atteignent une sorte de perfection.Toute la partie « documentaire » est d’une rigueur scientifique sans égale qui fera dire de Kubrick que c’était un perfectionniste, et surtout un visionnaire puisque sa représentation de l’espace a été tellement juste qu’interrogés un jour sur ce qu’ils avaient vu dans l’espace, des astronautes américains ont répondu « C’est comme dans 2001 » alors que le cosmonaute Alexis Leonov dit avoir l’impression d’être allé deux fois dans l’espace, la première étant lors de sa vision du film.

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Pour 2001, Kubrick utilise encore la musique classique, qui sera composée par Richard Strauss, au début du film, ensuite, György Ligeti, lors des séquences les plus mystérieuses, voire angoissantes du film. Cette musique quasiment atonale crée un malaise et un sentiment d’étrangeté vraiment très puissants. Mais l’idée de génie de Kubrick est certainement d’avoir utilisé le célébrissime Beau Danube Bleu de Johann Strauss pour ce qui reste la scène la plus lumineuse et poétique de ce chef-d’oeuvre « la valse des vaisseaux ». Cette vaste rêverie poétique au pouvoir de fascination sans précédent qui vous plonge dans un état voisin de l’hypnose, aux perspectives métaphysiques vertigineuses qui stimulent l’imagination du spectateur, est la preuve irréfutable que les seuls artistes exerçant dans les arts dits « sérieux » n’ont pas le monopole du génie et que si l’on accole cet adjectif à des célébrités comme Mozart, Zola ou Manet, on peut aussi bien l’attribuer à un cinéaste. Le cinéma est aussi un art honorable, ce dont beaucoup doutent encore, à l’instar de la littérature, la peinture ou la musique.

CE FILM EST UN CHEF D’ŒUVRE ARTISTIQUE QUI PEUT SE TROUVER AU MÊME PIED D’ÉGALITÉ QUE DE NOMBREUSES AUTRES ŒUVRES EN DEHORS DU DOMAINE CINÉMATOGRAPHIQUE.

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A CLOCK ORAN


KWORK

NGE



A CLOCKWORK ORANGE Titre français : Orange mécanique Scénario : Stanley Kubrick Production : Warner Bros. Acteurs : Malcolm McDowell, Patrick Magee, Michael Bates Année de sortie : 1971 Durée : 136 minutes Genre : Anticipation, science-fiction, drame, thriller Nationalités : Britannique, Américain

RÉSUMÉ

Alex et sa bande se mettent en appétit en défonçant un clochard bourré sous un pont. Ils s’invitent, ensuite, chez l’écrivain F. Alexander qu’ils mutilent, pendant qu’Alex viole sa femme, et finissent par voler l’écrivain. Les Droogs d’Alex protestent. Ils réclament un partage équitable du butin et aussi des opérations de plus grandes envergures. Alex décide de se rendre chez une riche collectionneuse d’art qu’il finit par tuer. Au moment de quitter la scène de crime, ses droogs le piègent. Alex se fait arrêter pour meurtre. Pour alléger sa peine, Alex est choisi pour servir de cobaye pour un programme de réinsertion expérimental. Il se fait droguer et est forcé de regarder des scènes de brutalité. Cette expérience vise à le dégoûter de toute forme de violence. Après sa remise en liberté, il se fait mettre à la porte par ses parents. Il se fait tabasser par le clochard du début. Il se fait secourir par deux policiers qui ne sont en fait que deux de ses droogies qui se vengent de ce que leur a fait subir Alex dans le passé. Alex finit par trouver refuge dans la maison de F.Alexander, qui ne le reconnaît pas. Il va finalement le reconnaître pendant qu’Alex prend un bain. F. Alexander pousse Alex au suicide. Alex survit. À l’hôpital, le ministre vient lui rendre visite devant un parterre de journalistes. Alex n’est plus malade et a retrouvé ses visions de violence.

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ANALYSE

Orange Mécanique est l’adaptation du roman d’Anthony Burgess, du même nom. De tous les films de Kubrick, Orange Mécanique est le plus sulfureux en termes de violence et de sexualité. Il ne sera visible que dans une seule salle de cinéma en Angleterre, le jour de sa sortie, avant d’être censuré et interdit à la diffusion, au Royaume-Uni par Stanley Kubrick lui-même. Cette interdiction sera levée après sa mort. Kubrick avait reçu des menaces de mort après la sortie du film, ce qui justifie sa décision pour protéger sa famille. Orange Mécanique est une fable construite en 3 mouvements. Le premier décrit les abus commis par Alex. Il n’obéit qu’à ses règles. Caché derrière un masque, il tabasse, viole et pille, semant la terreur sur son passage afin d’assouvir son besoin d’ultra violence. Sa bande finit par le trahir et Alex se fait donc arrêter par la police pour meurtre. Dans le deuxième mouvement, on suit Alex dans son séjour en prison. Pour alléger sa peine, il accepte de subir un traitement expérimental visant à éliminer toutes ses pulsions de violence et de sexe de son esprit. Libre et inoffensif dans le troisième mouvement du film, Alex se retrouve à la rue, sans défense et se fait maltraiter par ses anciennes victimes.

CE QUI CHOQUE DANS CE FILM, C’EST UNE VISION D’UNE SOCIÉTÉ QUI SE TROUVE ÊTRE ENCORE PLUS IMMORALE QUE LE HÉROS LUI-MÊME. MÊME SI LE PERSONNAGE D’ALEX EST DÉCRIT COMME UNE SORTE DE BARBARE, IL REPRÉSENTE L’ÊTRE HUMAIN À L’ÉTAT BRUT, SELON KUBRICK.

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Ainsi, les personnes maltraitées par Alex semblent socialement bien plus castrées que libres, ce qui donne une vision pathétique de l’homme moderne, à genoux face à un pouvoir qui n’est présent que pour le contrôler à défaut d’assurer sa protection. Orange Mécanique ne met en avant aucun idéalisme. Les policiers sont d’anciens délinquants, les agents des services sociaux sont aigris, les membres de l’élite côtoient des criminels dans des bars huppés et les politiques sont représentés comme manipulateurs, du ministre, soucieux de l’opinion publique qui le maintiendra à sa place, à son ennemi du parti adverse, l’Écrivain, dont l’aide apportée à celui qui a violé sa femme ne relève que d’un machiavélique calcul. Alex n’est que le produit, exagérer et gênant d’une société démissionnaire qui préfère transformer radicalement un individu, à la place de se remettre en question.


STANLEY KUBRICK RESTE TRÈS FIDÈLE À LA TRAME DU ROMAN DE BRUGESS. IL ACCENTUE LE CÔTÉ DÉCADENT DU MONDE, QU’IL DÉCRIT AVEC UNE REPRÉSENTATION EXACERBÉE DU SEXE DANS LE DÉCOR.

La Neuvième Symphonie de Beethoven sera pointée du doigt dans ce film, pour expliquer les origines du comportement violent d’Alex. Kubrick a aussi soigné les costumes de ses personnages. Couleurs tapeà-l’oeil, jusque dans les couleurs de cheveux, et des noeuds papillon grotesques, Kubrick illustre la dimension ridicule qu’occupent les habitants dans ce monde fictif. Alex et sa bande sont totalement opposés à ces codes. Ils sont vêtus d’une combinaison blanche, des bottes militaires et d’un chapeau melon, ce qui force le décalage entre leurs looks raffinés et la brutalité de leurs actes. Pop, voir psychédélique, l’esthétique d’Orange Mécanique est l’un des plus atypiques de l’histoire du cinéma, même si avec les années, ce film peutêtre plus considéré comme étant kitch, d’un point de vue esthétique.

ORANGE MÉCANIQUE EST PARTILIÈREMENT JUSTE DANS SON ANALYSE DE LA SOCIÉTÉ. CETTE OEUVRE DE KUBRICK EST EN QUELQUE SORTE UN MIROIR DÉFORMANT QUI REFLÈTE, DE MANIÈRE CYNIQUE ET TERRIFIANTE, LE MONDE DANS LEQUEL NOUS VIVONS.

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BARR LYND


RY DON



BARRY LYNDON Production : Warners Bros Scénario : Stanley Kubrick Acteurs : Ryan O’Neal, Marisa Berenson, Leon Vitali, Patrick Magee Année de sortie : 1975 Durée : 177 minutes Genre : Historique, Comédie dramatique Nationalités : Britannique, Américain

RÉSUMÉ

Redmond Barry tombe amoureux de sa cousine Nora Brady, mais celle-ci s’intéresse à l’officier Britannique John Quin et à sa rente. Redmond, vexé, le provoque en duel après lequel il se voit contraint de quitter l’Irlande. Avant de partir, il se fait dérober par le capitaine Feeney et ses hommes. Redmond s’engage dans l’armée, et il y rencontre le Capitaine Grogan qui l’informe qu’il n’a pas tué Quin. Il est envoyé en Allemagne puis déserte en partant pour la Hollande et en prenant l’identité d’un soldat. En chemin, il rencontre le Capitaine Potzdorf qui lui donne le choix entre le livrer aux Anglais, ou rejoindre l’armée prussienne. Barry retourne une nouvelle fois sa veste. Après la guerre, il travaille au service du Chevalier Balibari, par l’intermédiaire duquel il rencontre la Comtesse de Lyndon. Barry la charme, et se marie avec elle, prenant le titre de Barry Lyndon à la mort de son mari. Il s’installe en Angleterre et abuse de la richesse de son épouse. Le premier fils de la Comtesse, Lord Bullingdon, désapprouve ce mariage. Barry le brutalise. Des années plus tard, Lord Bullingdon confronte une nouvelle fois Barry. La mort de leur fils Bryan va sceller la fin du couple. Lord Bullingdon réclame un duel. Barry accepte. Il refuse de tirer. Lord Bullingdon insiste et lui tire dans la jambe. Bullingdon lui propose de lui payer la rente si Barry accepte de quitter le pays. Barry voyage à travers l’Europe et tient sa promesse de ne jamais revenir en Angleterre.

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ANALYSE

Stanley Kubrick est obnubilé par l’idée de réaliser un film sur Napoléon. En 1974, ce projet a tout pour être concrétisé, mais il est beaucoup trop coûteux pour la Warner. Malgré beaucoup de critiques, avant même que le projet ne soit lancé, Kubrick ne baisse pas les bras et trouve une solution pour offrir un nouveau film qui sera moins coûteux. Il décide de faire l’adaptation du roman « Les Mémoires de Barry Lyndon de Thackeray ». Pourtant il n’est pas difficile de comprendre pourquoi Kubrick a décidé d’adapter cet ouvrage. En effet, en plus du cadre napoléonien, Kubrick reprend un thème qu’il aime aborder : l’erreur humaine. Pour Kubrick, le meilleur roman pour faire un film n’est pas un roman d’action, mais un roman tourné vers la vie intérieure de ses personnages. C’est pour cette raison qu’il a décidé de porter les aventures désenchantées de Barry Lyndon, à l’écran.

CE FILM A DEMANDÉ UNE PRÉPARATION DE 250 JOURS DE TOURNAGES. BARRY LYNDON SOULIGNE UNE NOUVELLE FOIS LE TALENT VISUEL ET LA MAÎTRISE DE LA MISE EN SCÈNE DE CE GÉNIE DU CINÉMA.

Barry Lyndon est vu comme un documentaire. Ce voyage dans le passé est marqué par un ensemble de décors, de costumes, d’accessoires, mais aussi de comportements d’époque. Kubrick se concentre sur ses interprètes, car ce sont les personnages, les situations et la technique qui prédominent la réalisation. Il attend beaucoup de ses comédiens, ce qui lui vaut souvent de passer pour un dictateur sur un plateau de tournage. Le travail qu’a fourni Kubrick répond à une exigence voulue par le cinéaste pour être au plus près d’une époque, mais surtout pour que Barry Lyndon soit « un film de Stanley Kubrick ».

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En effet, de très nombreuses séquences du film marquent à jamais l’esprit du spectateur. La lumière naturelle à la bougie, la musique poétique au climat tragique, les costumes et le détail dans l’expression des visages soulignent avec justesse le propos, l’émotion et la période que Kubrick veut nous montrer. L’éclairage, particulièrement celui à la bougie, est une des caractéristiques du film, car au 18e siècle, on s’éclairait à la bougie. Kubrick veut être le plus réaliste possible. Pour cela, il a utilisé un objectif utilisé par la NASA, avec une ouverture de diaphragme incroyable, ce qui leur permettra de filmer dans des conditions de basses lumières. Ce choix est un grand défi pour Kubrick. Il aura fallu 3 mois pour que la mise au point de l’objectif soit parfaite. Mais le résultat parle de lui-même, aucun film, encore aujourd’hui, n’a réussi à restituer une lumière à la bougie aussi naturelle.

UNE AUTRE PARTICULARITÉ, PROPRE À KUBRICK, C’EST L’UTILISATION DU ZOOM QUI PERMET LE PASSAGE D’UN POINT DE L’ESPACE À UN AUTRE.

Le choix du zoom lui offre la possibilité d’éviter d’avoir un montage trop découpé et permet ainsi de garder une certaine douceur et fluidité. Ce calme hiératique qu’on a pu lui reprocher va devenir une des qualités les plus mémorables du film. Kubrick nous offre une œuvre de très grande qualité visuelle, mais on ne peut pas passer outre la bande-son richement variée utilisant des musiques de compositeurs aussi différents que Bach, Haendel, Mozart, Schubert ou encore, Vivaldi. Pour le cinéaste, la musique sert à la fois d’accompagnement de l’image cinématographique, mais aussi comme modèle de communication c’est-à-dire qu’il vise un cinéma qui fonctionne moins au niveau du rationnel qu’au niveau de l’affectif. La musique joue un rôle majeur dans la narration et dans le climat mélancolique de l’œuvre.

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Outre la musique, le réalisateur utilise comme autre particularité sonore la voix off. Elle est déjà employée dans neuf autres de ses films afin de créer une distance par rapport aux personnages et aux situations.Le film repose en effet sur un savant équilibre entre un discours extérieur à l’action, qui commente le cours des choses, et une participation plus classique grâce à l’entremise des plans rapprochés, de découpage au plus près des regards, des gestes, de la tension des évènements. L’importance narrative et émotionnelle de l’image est constante. Barry Lyndon oscille entre deux points de vue, refusant la dramaturgie conventionnelle de la transparence : soit nous sommes dans l’iconographie historique, soit nous sommes dans le pur subjectif. C’est une œuvre inclassable qui peut paraître déroutante et c’est ce qui a dérangé certains spectateurs à sa sortie.


THE SHIN


NING



THE SHINING Production : Hawk Films, Peregrine Scénario : Stanley Kubrick, Diane Johnson Acteurs : Jack Nicholson, Shelley Duvall, Danny Lloyd, Scatman Crothers Année de sortie : 1980 Durée : 146 minutes Genre : Horreur Nationalités : Britannique, Américain

RÉSUMÉ

L’écrivain, Jack Torrance devient le gardien de l’Hotel Overlook, durant la période creuse. Stuart Ulman, le directeur, lui signale que Gardy, le précédent gardien, a tué sa femme et ses jumelles avant de se suicider. Quand Jack arrive avec sa femme Wendy et leur fils Danny, tout le personnel part. Dick Hallorann, un vieux chef cuisinier noir, ressent que Danny a, comme lui, le « Shining » : un don de médium. De terribles visions d’ascenseur débordant de sang alertent le petit garçon du danger. Les jours et les semaines passent. La neige s’accumule, les privant du téléphone. Jack, devient de plus en plus instable, voire violent. Danny a visité la chambre 237 et en revient couvert de bleus, il dit avoir été infligés par une vieille femme. Wendy soupçonne son mari, ce qui le met dans une rage folle ! Celui-ci se réfugie dans la salle de bal, où il discute avec l’imaginaire Lloyd, barman. « Contacté » par Danny, Halloran s’inquiète. Dans la chambre 237, Jack rencontre une jeune femme nue, qui se transforme en vieille femme cadavérique. Jack retourne à la salle de bal bondée, dans un style années 1920. Il reconnaît Grady parmi les serveurs, qui lui conseillent de sévir comme lui-même l’a fait. Wendy découvre que Jack tape la même phrase à l’infini. Jack la surprend. Terrorisée, elle l’assomme avec une batte de base-ball, puis l’enferme dans la réserve. Hélas, la fuite est impossible : Jack a détruit radio et chenillette. Près de sa mère épuisée, muni d’un couteau, Danny répète et écrit « REDRUM ». Dans le miroir, Wendy lira « MURDER ». Armé d’une hache, Jack poursuit Wendy et Danny. Il défoncera la porte de la salle de bain où est bloquée sa femme. Puis il poursuit Danny dans le labyrinthe, où il reste coincé. Wendy et Danny s’échappent avec la voiture de Hallorann.

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LE SPECTATEUR QUI REGARDE THE SHINING POUR LA PREMIÈRE FOIS EST CONDAMNÉ À LE REVOIR. ANALYSE

Celui qui aime le film reviendra dans les couloirs de l’Hôtel Overlook et s’interrogera sur ce qu’il a vu, et celui qui ne l’aime pas a deux choix possibles, ou bien refuser de replonger ou bien essayer à nouveau, mais, dans les deux cas, il y pensera, obsédé par cette question : pourquoi les autres le voient-ils comme un grand film et pas moi ? Après l’échec de Barry Lyndon, Stanley Kubrick souhaite réaliser un film plus « commercial » et rivaliser ainsi avec la génération montante du nouvel Hollywood. L’Exorciste de Friedkin, ou encore les dents de la mer de Spielberg, ne le laisse pas indifférent. Kubrick comprend que l’horreur est désormais le Zeitgeist, l’esprit du temps. Pour Shining, Kubrick a décidé d’adapter le roman du même nom de Stephen King. Kubrick transforme le récit avec l’aide de Diane Johnson, une spécialiste de la littérature fantastique.

STANLEY KUBRICK A RÉALISÉ CE FILM À L’ABRI DES MÉDIAS. IL S’EST ENFERMÉ PENDANT DES MOIS DANS UN STUDIO LONDONIEN POUR TOURNER LE FILM. Le personnage de Wendy est modifié, les flash-back aussi, et encore d’autres éléments du décor, décris par King dans son roman. Il a recréé l’intérieur de l’hôtel Overlook, qui se situe au Colorado. Il répétait chaque prise, plus de quarante fois, même pour une simple action. La maniaquerie de Kubrick semblant alors correspondre à celle de son personnage principal, qui tape sur sa machine à écrire le même texte à l’infini, dans d’infimes variations de mise en page ! Kubrick est casanier, incapable de voyager, dans la deuxième moitié de son existence. il est évident que le récit de cet homme qui s’enferme pour « créer » est un autoportrait à la fois amusé et angoissé. La personnalité de Kubrick est montrée au travers de ce film. L’omniprésence et l’omnipotence du cinéaste démiurge, par son humour aussi, Shining n’est pas tant une histoire à prendre au premier degré qu’un commentaire, à la limite de la caricature, sur le film d’épouvante.

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Kubrick est un homme rationnel qui observe avec distance tous les phénomènes dits « surnaturels ». Concernant Shining, le cinéaste, disciple lucide de Freud, Schnitzler et Max Ophüls, déclarait : « L’attrait essentiel qu’exercent les histoires de revenants vient de ce qu’elles impliquent une promesse d’immortalité : au niveau inconscient, elles plaisent parce que, si l’on peut avoir peur des fantômes, c’est qu’on accepte, ne fût-ce qu’un instant, l’idée qu’il existe des êtres surnaturels, et cela suppose très évidemment qu’au-delà de la tombe il y a autre chose que l’oubli. » Pourquoi ce film nous marque-t-il autant ? La première raison est que nous subissons, l’obsession de la signature.

KUBRICK EST DONC AVANT TOUT UN PRAGMATIQUE QUI AMBITIONNE, APRÈS AVOIR LU TOUTES LES ÉTUDES SUR LE SURNATUREL, DE FAIRE LE FILM SYNTHÈSE DE L’ÉPOUVANTE.

C’est une vieille maladie épidémique qui remonte au XIXe siècle, prenant sa souche dans le mythe du Génie romantique. Les experts du « marché de l’art » nous l’affirment : si une œuvre est signée Cézanne, Picasso, ou Warhol, elle est donc forcément géniale. Ceux qui ne voient pas ce génie, passeront pour des ploucs et devront se torturer les méninges. De fait, Kubrick « traumatise » le cinéphile par sa présence au générique du film. Il nous possède comme l’hôtel possède Jack Torrance. Il faut donc essayer de prendre du recule, et se demande si le film nous marquerait autant s’il n’y avait pas le nom de Kubrick au générique. Deuxième raison pour laquelle Shining nous marque, c’est qu’il est visuellement conçu pour impressionner. Une fois vues, impossibles de l’oublier. Par la puissance, la précision et la pureté de son style, Kubrick est comparable aux grands compositeurs du XIXe siècle. Le mouvement rythmique de Shining évoque celui d’une symphonie wagnérienne : montées en puissance répétées, entrecoupées d’explosions.

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Le concept du film est de montrer que l’horreur ne vient pas forcément d’un château gothique ou d’un cloaque redneck, mais d’une moquette proprette et kitsch, d’un éclairage électrique plat dans une salle de bain.Ce qui fait peur au fond dans Shining, c’est le vide et la laideur fonctionnelle de la vie moderne, vide qui accuse notre stérilité existentielle et qui nous laisse encore plus seuls face à nos démons intérieurs. Le labyrinthe résume visuellement et symboliquement l’essence du film : lorsqu’on y pénètre, on ne peut que tourner en rond dans un vide inquiétant, dans une sorte de gouffre « horizontal ». On entre en fait dans une boucle où la logique habituelle du temps et de l’espace, telle qu’on la conçoit dans notre société, s’efface peu à peu pour disparaître ensuite complètement : Jack a toujours vécu là, il a toujours été le gardien de l’Overlook. Le film est bel et bien une boucle spatio-temporelle où le domestique se dissout totalement dans le cosmique. Et au fond du labyrinthe, Jack se tient face à nous, en miroir : notre double est dans la glace et nous regarde.


FULL META JACK


L AL KET



FULL METAL JACKET Production : Warners Bros. Pictures Scénario : Stanley Kubrick, Michael Herr, Gustave Hasford Acteurs : Matthew Modine, Adam Baldwin, Vincent D’Onofrio, R. Lee Erney Année de sortie : 1987 Durée : 116 minutes Genre : Drame, Guerre Nationalités : Britannique, Américain

RÉSUMÉ

Les premières classes James Davis ( Joker ), Robert Evans ( Cowboy ) et Léonard Lawrence ( Baleine ), subissent les foudres du sergent Hartman qui doit les préparer au combat.Hartman va d’ailleurs se montrer très sévère avec Baleine qui n’a pas le niveau. Joker devient responsable de Baleine. Hartman punit le groupe au moindre écart de Baleine. La méthode fonctionne : les soldats se vengent la nuit suivante. Baleine progresse et montre de belles aptitudes au tir. Sauf qu’il a perdu les pédales. Joker essaie de le ramener à la raison. Sans succès. Léonard tue son sergent avant de se suicider. Au Vietnam, Joker rejoint Stars and Stripes en tant que journaliste. Il se dispute avec son chef à propos du journal, lui reprochant de servir la propagande américaine sans reporter ce qui se passe réellement. Puni pour son effronterie, Joker est envoyé au casse-pipe à Phu Bai. Joker tombe par hasard sur Cowboy. Il va suivre sa division alors qu’elle progresse vers Hué. La patrouille se fait tirer dessus par un tireur VietCong. Cowboy est touché à la poitrine. Le groupe finira par trouver le sniper qui se trouve être une jeune fille. Lors de l’assaut, Joker perd le contrôle de son fusil et se fait sauver par son collègue Rafterman. Grièvement blessée, la jeune fille agonise. La Brute qui voulait la laisser mourir à petit feu autorise son exécution à la condition que Joker s’en charge. Il lui tirera une balle dans la tête. Joker avoue que bien qu’il soit dans un monde de merde, il est content d’être en vie. Et il n’a pas peur. En tout cas c’est ce qu’il dit.

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ANALYSE

Full Metal Jacket est le troisième film de guerre de Kubrick. Le film est distinctement scindé en deux parties, il nous plonge d’abord dans le champ d’entraînement des marines de Paris Islande, avant de s’envoler avec les soldats fraîchement diplômés pour la guerre du Vietnam. Aux Gauches droites, gauche droite, et à la violence de l’endoctrinement du sergent instructeur Hartman se succèdent des plans montrant l’horreur des combats. C’est en visionnant « R.A.S » de Yves Boisset que Kubrick eut l’idée de réaliser un troisième film de guerre. Il aurait été impressionné par l’esthétique quasi documentaire du réalisateur français. Après un long et laborieux processus d’écriture marqué par le croisement de deux oeuvres ( Le Merdier, récit autobiographique du vétéran Gustav Hasford, et dispatches, autre récit vécu sur la Guerre de Vietnam, écrit cette fois-ci par Michael Herr ), Stanley Kubrick débute le casting. Même si l’envie de travailler avec Arnold Schwarzenegger ou encore Bruce Willis, Kubrick décide de choisir des acteurs moins, voir pas connu. Dans le rôle du sergent instructeur Hartman, il finit même par engager R. Lee Emery, un vétéran qui devait à la base officier en tant que conseiller technique sur le tournage. Dans le rôle de l’engagé Baleine, il fait confiance à Vincent D’Onofrio, un inconnu à qui il demande de prendre trente-deux kilos pour figurer l’embonpoint emprunté du personnage.

LA DIMENSION DOCUMENTAIRE DU FILM ÉTANT À LA BASE DU PROJET, STANLEY KUBRICK ET SON PERFECTIONNISME REMPLISSENT DES DIZAINES DE BOÎTES DE DOCUMENTATION.

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Kubrick décide de tourner tout le film en Angleterre. À l’aide de deuxcents palmiers espagnols et de cent-mille arbres en plastique importés de Hong Kong, il transforme une usine désaffectée de la banlieue de Londres en village Viet-Cong défiguré par les bombes. L’armée américaine refuse de prêter du matériel à cause de la dimension antimilitariste du scénario, Kubrick est obligé de faire appel à des collectionneurs. Ce décor méticuleusement reconstitué, associé à la steadycam, très importante pour le réalisateur, permet de parvenir au sentiment d’extrême immersion désiré par Kubrick. En postproduction, il habille le film d’une bande-son pop où se côtoie Nancy Sinatra, The Trashmen et l’imparable Paint It Black de The Rolling Stones. Quant à l’auteur de la musique qui accompagne les scènes de combat, il s’agit de la fille de Kubrick, Vivian, ici dissimulée sous le pseudonyme d’Abigaïl Mead. Après sept ans de dur labeur, Full Metal Jacket sort enfin en salle.


MALGRÉ DES DÉCORS ÉPOUSTOUFLANTS, FULL METAL JACKET TERMINE À LA 23E PLACE DU BOX-OFFICE AMÉRICAIN EN 1987. Absent de la très autoritaire liste des 100 meilleurs films de l’histoire, Full Metal Jacket est un peu le mal aimé de sa dense filmographie. Un film qui vaut pour ses scènes de dialogues cultes, mais dont la dimension artistique n’atteint pas celle de ses autres films. Au-delà des parties comiques, le film suit le trajet de la plupart des films de Kubrick. C’est un inexorable cheminement vers le monstrueux, vers l’inhumain. Si la fabrique de soldats du capitalisme, d’hommes dociles, insensibles, cruels, misogynes et homophobes dégoûte dans un premier temps et semble acheminer le film vers un propos antimilitariste, sa conclusion dresse un constat bien plus retors : en chaque homme se cache un tueur de sangs froids, un monstre ridicule et implacable, un butor capable de tout par folie, par luxure, ou par nécessité de survie. C’est la dualité de l’homme.

FULL METAL JACKET EST PEUT-ÊTRE LE FILM QUI CERNE AU PLUS PRÈS LA MISANTHROPIE PROFONDE DE STANLEY KUBRICK. Cette posture versatile et complaisante, mi-figue, mi-raisin, a toujours posé problème dans les films de Kubrick qui valent plus pour la perfection de leur construction et leur pouvoir de sidération visuelle que pour l’intérêt de leur discours sur l’être humain. Tels un soldat d’élite et son fusil, il est passé maître absolu dans la manipulation de la caméra et la construction d’un film, mais a opéré une prise de distance vis-à-vis de l’humain. Full Metal Jacket lui a permis d’aller jusqu’au bout de son idéal de détachement et d’abstraction.

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EYES WIDE SHUT


S E T



EYES WIDE SHUT Production : Warners Bros. Scénario : Stanley Kubrick & Frederic Raphael Acteurs : Tom Cruise, Nicole Kidman, Sydney Pollack, Todd Field Année de sortie : 1999 Durée : 159 minutes Genre : Drame Nationalités : Britannique, Américain

RÉSUMÉ

Le Dr Bill Harford mène une vie parfaite dans un New York très bourgeois : un métier sérieux, une cravate ajustée, la mèche impeccable. Sa femme est parfaite, sa fille est polie, le sapin est bien droit, les guirlandes scintillent et les pantoufles sont chaudes. Il ne manquerait presque un chien. Un soir de cannabis, Alice laisse pleinement éclater sa jalousie. Bill lui répond qu’elle est sa femme et n’a pas à s’en faire. Fort de son alliance ou du fait que sa femme soit la mère de sa fille. Alice arrive à un âge où elle regrette sa jeunesse. Pour se venger, elle va se moquer de lui, puis elle va lui parler d’un marin pour lequel elle aurait bien imaginé tout plaquer. Cette révélation va hanter Bill et le faire basculer dans une nuit de tentations en tout genre. Il est d’abord violé par une femme. Il va être tenté par une prostituée rencontrée au détour d’une rue. Rattrapé au dernier moment par un coup de fil de sa femme, il continue sa nuit folle, avec une connaissance qui l’envoie dans un temple de la débauche. Spectateur un peu ébahi dans ce musée orgiaque. Mis à l’index devant le monde, honteux, il est pris au piège de ses propres fantasmes. À son retour, sa femme lui partage un rêve insoutenable. Bill va être rongé par le doute. Il cherche désespérément à remonter le fil de ces événements pour y trouver un sens. Plus rien n’est pareil. Tout a disparu. Sa femme le démasque. Il avoue. Ayant pour lui de ne jamais avoir franchi la limite, sa femme passera l’éponge, pour cette fois, profitant de l’occasion pour lui faire une petite leçon de morale avant de faire l’amour.

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EYES WIDE SHUT FAIT OFFICE DE CHANT DU CYGNE POUR STANLEY KUBRICK. LE CÉLÈBRE RÉALISATEUR DÉCÈDE DURANT LA POSTPRODUCTION DU FILM, ET LAISSE SES INTERPRÈTES SEULS POUR DÉFENDRE UN FILM QUI FERA CONTROVERSE, CERTAINS LE JUGEANT CHOQUANT, D’AUTRES TERRIBLEMENT ENNUYEUX. AUJOURD’HUI, CE FILM EST CONSIDÉRÉ COMME UNE ŒUVRE EMPREINTE DE FANTASME ET DE RÊVES, OÙ LE DÉSIR EST OMNIPRÉSENT.

ANALYSE

Eyes Wide Shut est l’adaptation de la nouvelle « La nouvelle rêvée » de Arthur Schnitzler. Eyes Wide Shut est le projet d’une vie. La vie de Stanley Kubrick. D’après sa femme, il en parlait souvent, déjà à l’époque de la sortie d’Orange Mécanique. Par un rembobinage rapide, on voit bien que la moelle épinière de la filmo kubrickienne n’a jamais varié d’un iota : toujours cette obsession à vouloir fouiller les caractéristiques du genre humain afin d’en faire des sources intarissables d’ambiguïté et d’interrogations. Kubrick a mis plus de vingt-cinq ans à concrétiser un projet dont l’origine remonte à l’époque de sa propre naissance. Le hasard est si énorme et le résultat si fascinant qu’on ne peut pas voir en Eyes Wide Shut autre chose qu’une prophétie faite en film.

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QUAND ON SAIT QUE KUBRICK VIVAIT RECLUS EN BON PÈRE DE FAMILLE, ON PEUT CLAIREMENT S’IMAGINER QU’IL VOULAIT QUESTIONNER LA FAÇON DONT LA VIE PEUT ÊTRE VÉCUE AUTREMENT. Kubrick effectue un saut dans l’inconnu, travaille sa nature profonde pour finalement l’éclairer, et entame une « mission nomade » qui le ramènera chez lui. Et lorsqu’il explore son propre univers, il se rend bien compte qu’il ne le connaît pas, qu’il ne contrôle rien, qu’il n’est que le pion d’une vaste mascarade où lui-même se gargarise de son apparence de roi. Toujours cette conviction de Freud selon laquelle la souveraineté du Moi n’a aucun poids face à la force de l’inconscient. Kubrick entérine ici cette idée de deux manières. D’abord en installant son film dans un New York décrit comme le terreau du nomadisme que la Grosse Pomme a toujours incarné, où de riches Caucasiens dansent dans un bal, et où Bill, marqué au fer rouge par l’image mentale de sa femme baisée par un marin, finit par errer tel un étranger dans un décor urbain artificiel qui n’est que le reflet de son propre imaginaire.

ENSUITE EN MULTIPLIANT LES PERCÉES FANTASMATIQUES TOUT AU LONG D’UN RÉCIT DIABOLIQUE, PAR AILLEURS, TRÈS FIDÈLE À LA NOUVELLE DE SCHNITZLER.

C’est sur le terrain du fantasme que Kubrick, fuyant plus que jamais le traitement littéral d’un sujet, trouve l’angle idéal en laissant la symbolique du masque irriguer tout le film : ainsi, l’action traite aussi bien la façon dont un individu dissimule un acte secret en occultant sa propre identité ( côté conscient ) que la façon dont ce même individu invente ou détruit son propre personnage de fiction ( côté inconscient ). Le film tout entier est donc lui-même un masque, déjà en tant qu’illustration théâtrale et opératique des faux-semblants de la vie sociale, ensuite en tant qu’exploration des espaces intérieurs par un mouvement continuel de la caméra dans un univers de plus en plus onirique.

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Et derrière ce grand-angle en guise de caméra-masque, il y a un œil grand ouvert sur les paradoxes de l’humanité. L’œil d’un démiurge génial, né avec une caméra à la place des orbites, qui aura dû attendre la fin de sa vie pour intégrer enfin son organe fétiche dans le titre d’un de ses films. Le titre du film évoque un oeil ici fermé, comme pour signifier qu’une certaine vérité ne doit pas être vue. Toute la stratégie de Kubrick est justement d’inviter l’œil à voir au-delà des choses, à faire en sorte que l’exigence plastique et narrative de son film interdise à ce regard tout début de fuite ou d’esquive. Certes, on frise un peu la tautologie en disant cela : tous les films du cinéaste n’ont eu de cesse que de piéger celui qui les regarde, poussant celui-ci à déceler sans cesse de nouvelles clés et de nouvelles lectures à chaque nouvelle vision. Eyes Wide Shut peut-être le seul film du cinéaste à s’être ancré aussi frontalement dans son époque contemporaine, semble aller infiniment plus loin en fouillant une zone bien plus restreinte et intime chez son spectateur, histoire de le rendre actif dans un récit où le personnage central lui servira de double à son corps défendant. Il y a quelque chose d’obsédant, de profondément douloureux dans ce film.

ON NE S’INTERROGE PLUS SUR CE QU’ON A VU DANS LE FILM, ON S’INTERROGE SUR CE QU’IL A PU PROVOQUER.

Ne serait-ce pas tout simplement parce que le récit vise moins à raconter une histoire qu’à la laisser se créer elle-même au gré de la remise en question de son héros/spectateur ? Bonne pioche. On se souvient aussi que Kubrick, de par son brillant passé de photographe pour le magazine Look, fut de ces cinéastes qui ont toujours fait l’effort de construire et d’ordonner des plans où le contexte et la texture des choses suffisent à imprimer une idée. Pour ce film, Kubrick révèle les tentations fatales qu’implique le voyage dans l’inconnu. Des tentations qui prennent la forme de « visions » et d’« apparitions ».

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En ce qui concerne le montage, Kubrick semble se délecter d’abuser des travellings fluides et des mouvements circulaires dans une atmosphère futile à souhait, ensuite parce qu’il s’amuse à lâcher l’idée d’un « désir inassouvi » chez les deux parties. Kubrick raisonne exactement comme David Lynch : lui n’a pas oublié qu’un rêve n’est jamais totalement un rêve et que la réalité n’est au fond qu’une sombre duperie. Concrètement, il n’y a rien d’invraisemblable ni même d’incohérent dans Eyes Wide Shut, film avant tout pirandellien où chaque « vérité » énoncée par n’importe quel personnage est sujette à caution. Son protagoniste et son spectateur sont ici logés à la même enseigne : à force d’être plongé dans un tourbillon de signes, d’hypothèses contradictoires et de points de vue différents, l’effort d’une interprétation intime leur est réclamé.

LA DRAMATURGIE D’EYES WIDE SHUT DÉROULE LA TRAGÉDIE MENTALE D’UN HOMME QUI, FACE À L’INCAPACITÉ DE MATÉRIALISER SES PROPRES FANTASMES ET D’EN TIRER UN RÉSULTAT, RETOURNE AU COUPLE MOINS PAR CONVICTION MORALE QUE PAR PEUR DE VIVRE.

David Lynch, grand fan de Kubrick, n’a jamais caché sa préférence pour Lolita. À bien y réfléchir, c’est assez difficile à croire quand on assimile la puissance onirique d’Eyes Wide Shut en tant que porte ouverte sur les méandres de l’inconscient, soit le domaine que Lynch a toujours su cristalliser mieux que personne par le biais d’un découpage de cinéma. La virtuosité formelle de Kubrick, que seuls les cons ou les aveugles pourraient ne pas juger imparable, atteint ici un absolu rare dans l’élaboration d’un vertige total chez le spectateur. Dans son rythme lancinant, dans ses étourdissants jeux de lumière, dans l’exploration subjective de ses décors, dans la puissance évocatrice et absolutiste de sa courte focale, ou encore dans les déplacements millimétrés d’acteurs jamais aussi bien dirigés qu’ici, tout l’art kubrickien donne à une microhistoire la dimension d’un rêve magique, intemporel et paradoxal, où tout reste en suspens.

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De même que ses choix musicaux mêlant la majesté du classique à la sophistication du contemporain renvoient à ce que Lynch pouvait charrier comme sensations contradictoires dans ses expériences mentales les plus marquantes. Le testament de Stanley Kubrick avait-il ainsi toutes les chances de devenir son chant du cygne ? Ne pouvait-il tirer sa révérence autrement qu’en sculptant le pic le plus élevé d’une œuvre déjà himalayenne en l’état ? Ce Kubrick-là, forcement incompris par certains, était-il destiné à devenir celui qui allait mûrir le mieux dans notre cortex cinéphile ? Là aussi, en guise de réponse à toutes ces questions, un seul mot s’impose : « Fuck ! ». Ce n’est pas le signe d’une déception, mais bel et bien l’expression d’une surprise. On a vu et vécu ce film les yeux grands ouverts. On l’encensera donc les yeux grands fermés.



Ce livre a été écrit et mis en page par Alice Montesi Année 2019-2020


STANLEY KUBRICK EN 1613 MINUTES

Stanley Kubrick en 1613 minutes est un ouvrage contenant les treize œuvres du monument du cinéma, Stanley Kubrick. De Fear and Desire, en passant par Orange Mécanique ou encore Eyes Wide Shut, ce livre met en avant les défis techniques, les idées inventives, et aussi les anecdotes de chaque film.


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