tendances
Recettes
influences
printemps-été 2011
Bien Faire du graphisme ( aujourd’hui ) # 0
« je suis abonnée à étapes depuis 2007. je check manystuff et ffffound tous les jours. j’ai lu Histoire du graphisme en france et Mise en page(s) etc. ce mois-ci. je lis le blog de renaud huberlant et celui d’etienne mineur aussi. je voue un culte à fanette mellier, frederic teschner et malte martin. je regarde les belles images sur R mag heyheyitsok.org. je vais aux expositions de la galerie anatome. je suis allée aux conférences d’etienne hervy, superscript2, fabrice praeger et graphê (parmis bien d’autres...) je compare les sites de mes amis graphistes. j’analyse les affiches dans la rue. Je récupère tous les flyers sympas qui me tombent sous la main...
...Je suis influencée. »
Édito Le bon graphisme ? Typographie, mise en page,inspiration, influence, tendance, règle, connaissance, logiques structurelles, harmonie, couleurs, affiche, hiérarchie… Un livre suffirait-il à décrire et à expliquer tous les aspects d’un sujet aussi vaste que le graphisme, à en donner toutes les clés pour pratiquer cet art ? Probablement pas. C’est pourquoi plutôt qu’un ouvrage voici une revue, une publication périodique qui permettra au fil des numéros (que nous espérons nombreux) d’aborder les différents thèmes que nous évoque ce titre. Récurrences formelles, logiques structurelles qui semblent se répéter, choix colorés que l’on retrouve, réappropriations, recombinaisons… Comment qualifier l’ensemble de ces images et compositions qui semblent faites d’une seule et même main ? Y-a-t-il une voie royale à suivre dans le graphisme ? Et voici donc le but de ces pages : donner les bases pour que chacun soit en mesure, par lui-même, d’inventer à partir de ces éléments donnés qui constituerait aujourd’hui le « bon graphisme ».
Alice Lagarde
« Copier sur un seul, c’est du plagiat. Copier sur deux, c’est de la recherche. » Wilson Mizner (scénariste américain, 1876-1933)
sommaire 3 Édito 7 tous
influencés ? 9 états des lieux 11 Veille visuelle 13 délits d’influences 15 où trouver l’inspiration ? 17 recettes graphiques 19 affiche culturelle 23 Tic graphique 27 Le bon choix 29 Graphisme mode d’emploi 31 la profession sans visage 33 le geste expert du graphiste 35 le renard vif 37 VS 41 bien faire du fanette mellier 43 bien faire du frederic teschner 45 copié collé ?
tous influencés ? « Dis-moi qui tu admire, je te dirais qui tu es. » sainte-beuve
8
Tous influencés ?
bien faire /
un état des lieux Pensez-vous
Quel est le logiciel que vous utilisez le plus souvent?
8O
étudiants en graphisme français ont répondus à nos questions et nous ont parlés de leur pratique du graphisme.
Conditionnent-ils, en partie votre production?
90
influencé
80 70
02 Illustrator
par votre
60
03 In Design
50
OUI
05 Mes mains
30
?
47%
Sans opinion
OUI
04 Dreamweaver
40
école
13%
01 Photoshop
82%
NON 40%
20
18% 10
NON
Quelle est la typographie que vous utilisez le plus souvent ?
Plutôt sérif ou sans sérif?
100
90
90
01 Helvetica
80
62%
70
02 Din
60 50
04 Futura
38%
40
05 Arial
30
80
82%
01 02 03 04 05
70
03 Akzidenz
Pour Quelles raisons?
Visitez-vous les sites internet d’autres étudiants?
100
60 50
OUI
40
Curiosité Comparaison Suivi Admiration Inspiration
30 20
20
Sans sérif sérif
8%
Si oui, À quelle fréquence?
01 02 03 04 05
Quotidiennement Plusieurs fois par semaine Une fois par semaine Une fois par mois Rarement
Non Pour Quelles raisons?
OUI
18% NON
10
Visitez-vous des sites internet dédiés à l’actualité du graphisme?
92%
omment construiton une écriture graphique ? Sommes nous prisonniers des outils que nous utilisons ?
100
avoir été
10
C
01 Nouveauté/Actualités 02 Inspiration 03 Tendances 04 Curiosité 05 Plaisir 06 Culture
Récoltez-vous des images trouvées sur ces sites / blogs / webzines?
Pouvez-vous m’en citer un
?
100 90
90%
80
01 02 03 04 05
FFFFOUND ÉTAPES FUBIZ MANYSTUFF WHO KILLED BAMBI
70 60 50 40
OUI
30 20 10
10% NON
9
Pour Quel usage?
01 02 03 04 05
Banque d’images Inspiration Référence Composition/collage Plaisir
21%
Visitez-vous les sites internet de graphistes professionnels?
Êtes-vous abonné À l’un d’eux?
Lisez-vous des revues consacrées aux graphisme?
01 Étapes (86%) 02 Back Cover 03 Graphê
19%
NON
NON
Quelles est LA référence selon vous?
Vous arrive-t-il de les prendre comme exemple?
OUI
OUI
OUI
NON
67%
33%
Pour Quelles raisons?
“ÉTAPES”
79%
Culture Admiration Inspiration Actualité Stage
Avez-vous déjà copié?
Avez-vous déjà été tenté d’imiter un principe graphique que vous avez-vu?
Était-ce un plagiat assumé?
87%
90
01 02 03 04 05
81%
NON 62%
80
NON 61%
70
OUI 38%
60
OUI 39%
OUI
50
Avez-vous eu peur de vous faire prendre?
40 30 20
NON 80%
13%
OUI 20%
10
NON
Éprouviez-vous un sentiment de satisfaction, de honte ?
01 02 03 04 05
Cela vous est-il arrivé plusieurs fois?
NON 57%
Satisfaction Honte Frustration Dépit Culpabilité
Diriez-vous que c’est une étape obligée pour un étudiant?
OUI 43%
12% Sans opinion
OUI À quel moment de vos études ?
01 De façon ponctuelle 02 Au début 03 De façon récurrente
Diriez-vous avoir déjà suivi une «tendance» du graphisme?
quelle a été votre réaction?
Pensez-vous avoir déjà été copié par quelqu’un d’autre?
OUI
47% 52%
NON NON
41%
48%
Si vous deviez vous situez, diriez que vous avez déjà :
100 90
01 Colère 02 Fierté 03 Agacement 04 Choc 05 Indifférence
86%
copié imité
80
Reproduit
70
contrefait 60 50
été inspiré été influencé
OUI
40
Recyclé
30 20 10
détourné
14% NON
cité Autre 10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
10
Tous influencés ?
bien faire /
la veille visuelle P
ublicité, affiches, graffitis, panneaux de signalisation… Le simple fait de se promener dans la rue nous confronte à une multitude d’images et de formes en tout genre. Il nous suffit de nous connecter à internet pour que cette multitude d’images se multiplie à l’infini. Nous avons accès, aujourd’hui, grâce à internet à de nombreux contenus dédiés à la pratique du graphisme : sites de professionnels, d’étudiants, blogs critiques (la cuisine du graphiste, visual évasion…), journaux spécialisés (étapes, grafik, Back cover…),
Fubiz, Manystuff, Ffffound… Nous avons vu l’émergence de nombreux sites dits de « veille visuelle » destinés à partager ce qui se fait aujourd’hui partout dans le monde. «Daily dose of inspiration», «Every morning I check Manystuff»... 92% des étudiants interrogés (cf. sondage p.9-10) nous disent visiter régulièrement ces sites, la plupart le faisant quotidiennement, voir plusieurs fois dans la même journée. Nouveautés, modes, inspirations… Les étudiants se constituent une bibliothèque d’images qu’ils conservent dans un dossier sur leur ordinateur. Des images, le plus souvent sans noms, ni origines. On ne sait plus qui l’a fait, d’où ça vient… Peutêtre que dans ces conditions l’emprunt n’en n’est plus vraiment un… Rester en contact avec ce qu’est le graphisme actuel, tendance, «le bon graphisme» semble être une préoccupation majeure de la jeune génération de graphiste sortant des écoles. «C’est ce que veulent les professeurs», «C’est ce que veulent les clients» nous disent-ils. Et pourtant l’originalité semble de mise plus que jamais avec le très valorisé graphisme d’auteur, ce qui entre en contradiction avec cette volonté d’entrer dans le moule. Cette multitude d’images formatentelles la production ou à l’inverse, engendrent-elles une multitude de créations hybrides? « L’inspiration, c’est pour Antoine et Manuel un cheminement universel, à la fois propre à chacun et commun à tous. Des images emmagasinées depuis l’enfance, mais surtout des sensations, des émotions et des souvenirs. Plus tard, avec du recul on leur donne une nouvelle forme. » (http://www.evasion.cc/blog/)
▲
11
Une semaine d’images sur http://ffffound.com 4/12/2010 3/12/2010 2/12/2010 1/12/2010
30/11/2010 29/11/2010 28/11/2010
78 images
84 images
100 images
89 images
92 images
66 images
86 images
– de 30 ans
A2 c’est mieux
▲
Frederic Tacer
▲
Hey Ho
▲
Côme de Bouchony
▲
Moe
▲
Camille Baudelaire
▲
Atelier Müesli
▲
Superscript2
▲
Les Graphiquants
▲
Leslie David
▲
DeValence
▲
David Carson (1956)
Barbara Kruger (1954)
Push Pin Studio (formé en 1954)
Rick Griffin
studio de graphisme graphiste
(1944-1991)
illustrateur typographe artiste
Milton Glaser Délits d’influences
(1929)
Paul Rand (1924-1999)
Paul Cox (1959)
Saul Bass (1920-1996)
Pierre faucheux (1924-1999)
Neville Brody (1957)
Jean Widmer (1929)
(1914-1996)
en
pé
an
ce
o ur
nt
e
e
Fr
continent américain
Josef Müller-Brockmann
n ti
n
co
Max bill (1908-1994)
Emil Ruder (1914-1970)
Roman Cieslewicz (1930-1996)
13
Sylvia Tournerie
Antoine&Manuel (formé en 1993)
Thomas Huot-Marchand (1977)
Helmo
(formé en 2007)
M/M
Catherine Zask
(formé en 1992)
(1961)
Alex Trochut (1981)
Frederic Teschner (1972)
Donuts
(formé en 2005)
Grapus (formé en 1970)
Experimental Jetset (formé en 1997)
Daniel Eatock (1975)
Stefan Sagmeister (1962)
Tom Henni
▲
Thomas Huot-Marchand
▲
Mathieu Hubert
▲
thomas cantoni
▲
Akroe
▲
Sylvia Tournerie
▲
Jean-Jaques Tachdjian
▲
Caroline Pauchant
▲
Agnès Dahan
▲
Tabas
▲
Pascal Colrat
▲
Geneviève Gaukler
▲
Catherine Zask
+ de 30 ans
▲
Cu r
ioc ity
Fu biz
Je visite les sites de graphistes professionnels
Fff
fou nd
Ma ny stu
ff
Je consulte les sites de veille visuelle
ed it
CB News
Gra in
éditions Thames & Hudson éditions Pyramid éditions Die Gestalten Verlag éditions Rotovison
éditions Taschen
Idea magazine
Graphê
publicité
étapes:
éditions Collins Design
Collection Design & Designer Collection Les Essentiels Graphisme Graphisme fait main Les fondamentaux du graphisme Mise en page(s), etc. Etapes : 15 ans de culture visuelle Petit manuel de graphisme
graphisme
Back cover
UV -lo g
j’emprunte ou j’achète un livre dédié au graphisme ou à la culture visuelle
Où pu trou l’inspir j’ouvre un magazine dédié au graphisme ou à la culture visuelle
art
Grafik magazine
Beaux-Arts
Co ol hu nte r
J’ouvre un livre Tous influencés ? 14
au hasard :
M&M
Hey Ho Labomatic Les Graphiquants Rezo zero Anette Lenz Experimental Jetset Pierre Di Scullio
Ruedi Bauer
Stefan Sagmeister
Catherine Zask
Nous travaillons ensemble
Office abc
Etienne Mineur Cheval Vert Frederic teschner H5
Akatre Superscript2
à 2 c’est mieux
Etienne Robial
Alex Trochut Fanette Mellier
Akroe Muriel Paris
Vincent Perrotet
Atelier Müesli Phillipe Apeloig Tom Henni
Helmo
Antoine & Manuel
Ich&Kar Atelier de création graphique
bi ?
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Gra ph is
bu m
bu m
/ A rch ive
Le blo gd eR en au dH Le ub erl Ty po an gra t ph e
Bu m
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La cu is
d’écoles étrangères
ev as ion
flyer programme affiche
Pixelcréation
Etapes.fr
de ad
Je récupère ce qui peut l’être
d’autres écoles françaises
de votre école
Beware
Vis ua l
presse signalétique enseigne publicité affiche
Je regarde ce que font les autres
de votre classe
sn ot
Je sors dans la rue
Artisanat
Je suis à l’école
R Mag Heyheyitsok
Koikoikoi
It’s Nice That
Zeutch
tte i
Science Nature Musique Télévision Design
Copains de classe Anciens élèves élèves d’autres sections Exposition interne Diplômés
Je regarde ce que les professeurs et intervenants pro ont à me montrer
Je consulte les webzines dédiés aux arts visuels
Je regarde les sites d’autres étudiants
Culture design Histoire de l’art Conférence Workshop Intervenants professionnels
Je consulte les blogs dédiés aux champs du graphisme
Be rna de
Technologie Presse Littérature
Mode Cinéma
Je me connecte sur le web
Photographie Art
uis-je uver ration?
15
Partout où mes yeux se poseront
Je sors dehors
recettes graphiques « form follows fashion ! » source inconnue
18
Recette graphique
bien faire /
une affiche culturelle Forme géométrique
Couleur
Personnage
Paysage ville
image d’époque
Objet Installation
source : http://ffffound.com/
Traitement de l’image
Texte Texte
Texte Texte texte
Linéale
19
Effet Produit
= Effet attĂŠnuation
= Effet Produit
=
20
Recette graphique
=
Expo si tion
21
=
22
Recette graphique
bien faire /
le tic graphique À
l’instar du monde du vêtement, le microcosme du graphisme est sujet à ses modes et ses tendances. Selon les générations et les époques certaines formes deviennent incontournables. Pour exemple le moment où Antoine & Manuel ont commencé à produire leur forme rhizomiques pour le CCNT, l’on a vu fleurir une multitude de composition graphique ayant des structures similaires.
«Il est plus facile de copier que de penser, c’est ce qui fait la mode.» Wallace Stevens L’on connaissait les typos «bonnes à tout faire» comme la Din ou l’Helvetica, utilisée pour des messages très variés. Maintenant certaines formes deviennent-elles aussi « multifonctions ».
Dans un contexte de mondialisation, où l’on assiste à un lissage des formes et une uniformisation des créations graphiques, certains principes deviennent des «hits». De la production étudiante au graphisme professionnel, on observe une véritable uniformisation de création, le même principe graphique utilisé à tout va. Pour exemple la diagonale présentée ici, véritable phénomène de mode que l’on trouve dans créations de nombreux graphistes de pays différents. A-t-elle encore une signification ?
23
De gauche à droite Christophe Le Gall Vincent Perrotet Frederic Teschner Agathe Moynot Alain Vonck
Ne sommes-nous pas dans un graphisme prêt-à-l’emploi ? Les outils que nous utilisons ne conditionnent-ils pas notre production ? Prenons comme exemple les options de soulignement préconçues par le logiciel InDesign, nous avons le choix entre une dizaine de formes géométriques. On a vu apparaître dans les mises en pages ces soulignements, certains ayant plus de succès que d’autres. Mais ce genre de forme automatisé contribue à lisser le paysage graphique. Hop, une barre en diagonale et j’obtiens un effet « graphique » à ma composition. Le challenge étant pour les graphistes de s’approprier ces outils pour en faire un usage personnel et original. C’est ce que nous ont confiés les étudiants en graphisme interrogés, copier est pour eux un moyen d’apprendre une technique, de maîtriser un principe graphique pour ensuite le réadapter à leur propre création.
«C’est en copiant qu’on invente.» Paul Valéry ▲
26
Recette graphique
bien faire /
le tic graphique
beaucoup retrouvent tronquées à sur l’autel tendance
27
d’images se aujourd’hui fond perdu du graphisme
30
Graphisme ready made
bien faire /
le bon choix C
omment choisir un caractère ? S’il ne peut être le résultat d’une sélection dictée par des critères scientifiques, le choix d’un caractère ne se limite pas pour autant à son aspect formel et à ce qu’il peut connoter. Il s’agit de tester en différents corps, de juger de son rythme, de sa couleur. Correspond-il à l’esprit de la composition , convient-il au contenu qu’il transmet? Difficile d’avoir une certitude, mais simplement une impression de justesse qui naîtra d’une observation attentive.
Pour vous éviter bien des tracas, voici le top 5 des typos que déclarent le plus utiliser les étudiants en graphisme français interrogés lors de notre sondage. ▲
01 /
Helvetica
02 /
Din
03 /
Akzidenz
04 /
Futura
05 /
Arial
31
« Au début des années 1970, Helvetica n’était pas une police de caractère mais un mode de vie. » (M. Vanderbyl)
« Comment expliquer qu’une même police soit choisie pour transmettre des messages aussi différents ? » (P. Grosjean)
«Quand tu ne sais pas quel caractère choisir, opte pour Helvetica : tu es sûr de ne pas te tromper. » « I have comme to value Akzidenz grotesk more than its successors Helvetica and Univers. » (J. Müller-Brockmann)
«avec la din, la Helvetica n’est plus la seule sur le terrain de la police bonne à tout faire.» (Velvetyne.com)
« Arial ne jouit pas d’une bonne réputation auprès des professionels du graphisme et de la typographie. en effet, l’Arial a été dessiné comme un substitut de l’Helvetica donc sans Helvetica, pas d’arial. » (article wikipedia)
graphisme mode d’emploi « C’est en copiant qu’on invente » Paul Valéry
34
Graphisme ready made
bien faire /
la profession sans visage M
ais qui se cache derrière toutes ces affiches ?
Dans un monde sous l’emprise du numérique, la nécessité de se présenter et de se mettre en valeur, à la troisième personne, se fait plus pressante que jamais. Ce mode de présentation publique permet aux graphistes de se constituer des archives personnelles et informes les spectateurs sur les artistes et leurs créations. En tant que concepteur graphique, où vous situez-vous ? Vos choix de présentation sont-ils conceptuels ou pratiques ? Artistiques ou esthétiques ? Pour une large part, les choix de présentation s’avèrent assez pratiques et convenus, les mêmes questions se posent à tous, partout dans le monde. Devons nous montrer ou non des mains ? Combien de pages ? Avec ou sans texte ? Des schémas émergent et quelques surprises sont au rendez-vous : du vernis à ongles bleu, un accessoire étrange… En définitive, la pose est devenue une image d’Épinal. Difficile d’y échapper, nous finissons tous par reproduire l’image vue et revue de nombreuses fois.
Comme si présenter ses travaux dans la position réglementaire du graphiste nous adoubait et nous faisait rentrer dans le «cercle». C’est devenu un rite de passage, deux mains tenant les coins, deux jambes dépassant du bas de l’affiche et parfois un début de chevelure. Les photos d’affiche présentée à bout de bras font légions. Il est rare de trouver un site qui déroge à la règle. Cette posture n’est pas uniquement la reproduction d’un schéma préétablis, par exemple, les mains dans la présentation d’un projet ont toute leur importance et un but fonctionnel. Tantôt elle donne des indications d’échelle, tantôt elle sert d’élément décoratif.
Les mains sont nos plus fidèles alliées de la présentation, elles montrent le corps qui a façonné les projets. ▲
35
De gauche à droite Cyril Cohen Ingeborg Scheffers Manuel Zenner Frederic Tacer Ziga Testen François Feutrie Marin Van Hum Pierre Ferrandez Node Violenn Simon François Feutrie
36
Graphisme ready made
bien faire /
le geste expert
37
▲les deux mains sur les côtés de l’affiche ▲Visage dissimulé par l’affiche ▲Visage hors-champ ▲Variation
38
Graphisme ready made
bien faire /
le renard vif U
n pangramme (du grec pan: “tous” et gramma: “lettre”) est une phrase comportant toutes les lettres de l’alphabet. Avec un peu d’ingéniosité, il est facile d’en créer sur le modèle des phrases réflexives : «Jugez que ce texte renferme l’alphabet, dix voyelles, k et w.» (Thérèse Amiel) En français, un pangramme ne peut évidemment comporter moins de 26 lettres (42 si l’on compte les lettres accentuées et ligatures de l’alphabet français). Si l’on peut atteindre la limite théorique en recourant massivement aux abréviations et aux sigles, le talent consiste à construire une phrase cohérente la plus courte possible, sans lettres solitaires, ni abréviation ou sigle.
Wild fox jumping over a dead dog, Londres, 2009
Une des finalités d’un pangramme est de tester les machines à écrire. Bien connu du monde du graphisme, on l’utilise en typographie pour faire des tests de fontes de caractères.
«Portez ce vieux whisky au juge blond qui fume» est probablement le plus célèbre pangramme français. En anglais, il s’agit de « The quick brown fox jumps over the lazy dog ». Le pangramme est devenu aujourd’hui un véritable gimmick de graphiste. Installation, affiche… Le pangramme, phrase dépourvu de sens, est le prétexte à de l’esthétique pur. Ink Magazine, revue thématique et participative questionnant les champs du design graphique (fondée en 2006 par le studio Superscript²), consacre même un article sur le sujet, le tout en mettant en scène l’un des pangrammes les plus célèbres qui soit. Attention ! Avant de choisir un pangramme, une petite précaution d’usage pour se comporter en vrai graphiste.
- Préférez plutôt : The quick brown fox jumps over the lazy dog (VO) ou Portez ce vieux whisky au juge blond qui fume (VF) - Plutôt que : Mon pauvre zébu ankylosé choque deux fois ton wagon jaune ▲
The existence of typography in a visual world. An awakening session by David Lukas 7 November 2006, CMYK Room
39
The quick brown fox brush his teeth over the lazy dog
▲Présentez
votre typographie à l’aide du pangramme de votre choix (cf. liste recommandée) sous la forme d’une affiche.
▲Veillez
à personnaliser votre pangramme selon le nom de votre typographie. Exemple avec la typo Heldentica du studio Autobahn
k c i u q e Th brown h s u r b x fo h t e e t s i h e h t r e v o g o d y z a l
40
Graphisme ready made
quick brown fox vs
41
vs le juge blond
, s u o v r u o p t i n fi Qu’est ce qui dé ? r e n g i s e d n ’u d e le styl
i n a m e «Un n e r r u réc e t r o p p a ’ d t u l o s e n u u q i h p gra e d n a dem » t n e i l c
e r è i e t n e r n o i t a l à e n u ’ d r e l k c u a G e v è i v Gene
44
Graphisme ready made
bien faire /
du fanette mellier A
vez-vous déjà imiter un principe graphique que vous avez vu? À cette question 87% des étudiants nous répondent «oui».
« Quand il y a séduction, on cherche à s’approprier les choses. » Obsession, admiration, appropriation, apprentissage, chacun cherche à développer son propre langage à partir de ce qu’il voit et de ce qui lui plaît. « Parce que je veux faire aussi beau. » « Pour créer mon style à partir du sien. » « pour voir si j’étais capable de le faire. » La copie est inséparable de la notion d’apprentissage, ou d’enseignement académique : historiquement le professeur fait d’abord copier des dessins à l’élève, pour qu’il maîtrise progressivement les instruments et les techniques picturales. En graphisme l’apprentissage semble être le même. On admire une personnalité, ses compositions, ses principes graphiques et on tente de faire pareil pour voir si on est capable de produire d’aussi beaux effets graphiques.
Récurrences formelles, logiques structurelles qui semblent se répéter, choix colorés que l’on retrouve... Comment qualifier l’ensemble d’une production ? Définir un «style» ? comment parler de style sans parler de références? d’idéaux? La question revient systématiquement dans les interviews : « Quelles sont vos influences ? », « Y a-t-il des graphistes, studios ou designers que vous admirez ? », « Quels graphistes vous inspirent ? », « Quelles sont les personnes qui ont influencé votre travail ? ». Admettre que l’on est influencé pour un graphiste n’est pas chose facile, la peur du plagiat étant trop grande.
N
ée en 1977, diplômée en 2000 de l’École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg, Fanette Mellier a poursuivi sa formation en travaillant quelques années auprès de graphistes dont elle admire le travail: Pierre Di Sciullo, puis Pierre Bernard au sein de l’Atelier de création graphique. En 2005, elle s’installe comme graphiste indépendante, et travaille pour des commanditaires dans le domaine de l’édition littéraire, et de l’action culturelle et sociale, entre autres.
Son travail s’articule, avec une porosité certaine, entre projets de commande et de recherche autour de la question de l’objet imprimé. Par ailleurs, entre 2007 et 2009, elle a été en résidence au Pôle graphisme de la Ville de Chaumont, en marge du Festival, où elle a mené un projet sur les liens entre graphisme et littérature.
«Je travaille rarement avec des photographes, des illustrateurs. L’image, je l’aborde exclusivement par le biais du graphisme. Par exemple, le livre bastard battle, il n’y a pas d’image de couverture à proprement parlé, c’est l’objet en soi qui est une image.»
Chaque numéro de Bien faire du graphisme (aujourd’hui) sera l’occasion de disséquer le travail de deux graphistes particulièrement en vue dans le paysage graphique. Nos deux premiers cas d’études sont deux graphistes ayant fait leur gamme auprès des mêmes mentors (Pierre Di Sciullo et Pierre Bernard), Fanette Mellier et Frederic Teschner.
Son travail de mise en forme intervient dans la discrétion, le jeu sur la lisibilité et le détail (et souvent en collaboration avec une personne pour l’écriture des textes). Fanette Mellier propose une typographie soignée mais peu austère employant parfois l’une des fontes de sa création. Les visuels sont en retrait, prenant leur ampleur dans les phases de fabrication. Loin de jouer la complexité ou la cherté, la graphiste emploie plutôt des astuces, intervient en direct sur les encres...
▲
▲
45
Principe 1 Les formes géométriques
Principe 2 La typographie en couleurs
Principe 3 le spectre colorimétrique
Principe 4 Traitement de l’image
46
Graphisme ready made
bien faire /
du frederic teschner tiques (CNAP) ou la DAP (Direction
« C’est dangereux le suc- des arts plastiques). Frédéric Teschner enseigne le design cès. On commence à graphique à l’ESAD d’Amien et participe également à des jurys d’écoles se copier soi-même et d’art. se copier soi-même est « On est dans la culture plus dangereux que de copier les autres… C’est de la mise à jour. Il y a trop d’autoréférences stérile. » à cette discipline qu’est Pablo Picasso le graphisme. » ous l’observons, avec le « style »
N
vient les récurrences formelles comme l’observe le graphiste espagnol Alex Trochut : « je m’efforce de me renouveler, même si j’ai parfaitement conscience que lorsqu’on met tous mes projets côte à côte, on voit bien qu’ils ont tous été réalisés par la même personne. » Le danger étant d’appliquer une formule graphique automatique sans se préoccuper du sujet : « Que l’on puisse reconnaître la patte d’un artiste n’est pas une chose mauvaise en soi, mais quand le style se réduit à l’application d’une formule, ça ne me convainc pas. J’ai peur de me répéter et je m’efforce de créer des choses nouvelles. » dira Alex Trochut
N
é en 1972, diplômé de l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris en 1997, Frédéric Teschner débute auprès de Pierre Di Sciullo puis de l’Atelier de Création Graphique (sous la direction de Pierre Bernard) avant de développer, fin 2002, son propre travail en tant que graphiste indépendant. Il a depuis régulièrement collaboré avec des architectes (Pierre-Jorge Gonzalez et Judith Haase AAS, Paris/ Berlin), des designers (François Azambourg, Pierre Charpin, David Dubois, Martin Szekely), de jeunes chorégraphes (Compagnie Kataline Patkaï), des galeries (InSitu/Fabienne Leclerc, Kreo), ou encore le Théâtre de Gennevilliers. À partir de 2003, il a conçu les identités visuelles de plusieurs expositions (catalogue et signalétique) au Centre Pompidou, en particulier celle de l’«Espace 315» (inauguré en 2004 pour présenter la création contemporaine la plus récente), ou encore celle de l’exposition « Airs de Paris », qui célébrait en 2007 les trente ans de l’institution. Les collaborations avec d’autres musées se sont multipliées ces deux dernières années (le Mémorial de la Shoah à Paris, le MAC/VAL à Ivry, dernièrement le Musée d’art moderne de la Ville de Paris), avec des centres d’art (Villa Noailles à Hyères; Cneai à Châtou ; DCA, l’association rassemblant un grand nombre de centres d’art contemporain en France) ou d’institutions du ministère de la Culture et de la Communication telles que le Centre national des arts plas-
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Principe 1 le dĂŠgradĂŠ de formes
Principe 2 la diagonale
Principe 3 les jeux de trames
Principe 4 la bichromie
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Graphisme ready made
bien faire /
du copié collé ?
- Helmo 2008
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- Vincent Perrotet 2011
« Un style est ce qui décourage le plagiat et tente le pastiche. »
(robert sabatier)
Bien faire du graphisme (aujourd’hui) est une publication à l’initiative d’Alice Lagarde dans le cadre du DSAA créateur concepteur à La Martinière-Diderot de Lyon, session 2011. Alice Lagarde tient à remercier tous les contributeurs de leur participation à ce projet. Alice Lagarde tient également à s’excuser auprès de toutes les personnes dont les images ont été reproduites sans autorisation. Conception éditoriale et graphique : Alice Lagarde Bien faire du graphisme (aujourd’hui) est imprimé sur le papier Cyclus print 90 g/m2. Le texte est composé en Letter Gothic Std, Conduit itc et Helvetica Neue. Achevé d’imprimé en France au mois de Juin 2011.