LES CONTES DE PERRAULT

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REFERENCE

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LES CONTES

DE PERRAULT


IMPRIMERIE PAUL DUPONT



'"Te^

Garni er frèr

P.Pv^^


1 LES CONTES

DE

PERRAUL GRAVURES EN CHROMOLITHOGRAPHIE PAR

T.

VIGNETTES DE

G.

LIX

STAAL, YAN D'ARGENT, TOFANI, ETC.

,::l^l,flkl\,

PARIS GARNIER

FRÈRES, 6,

LIRRAIRES-ÉDITEURS

RUE DES SAINTS-PÈRES,

6


rat! Vbl^ VUHK PUBLIC LIPRARY



•>'-qw«aâ i» «oiiiù»?*' V

Garmer frères. Editeurs Pans,

irnp

Le petit

»'

»

Dufrénoy. 49 Rue du Mor.lpapnasse Paris

Chaperon rouge.


LES

CONTES DE PERRAULT

LE PETIT CHAPERON ROUGE

L était

une

su voir

:

sa

fois

Cette bonne seyait

si

Un jour

une

mère en

petite

de

fille

village, la plus jolie

mère-grand plus

était folle, et sa

femme

lui fit faire

un

petit chaperon^ rouge, qui lui

bien, que partout on l'appelait

mère, ayant

sa

fait

qu'on eût

folle encore.

le petit

des galettes,

Cliaperon rouge.

hii

dit

LOiiunent se porte ta mère-grand, car on m'a dit qu'elle était malade

:

«

Va

voir

porte-lui

:

une

galette et ce petit pot de beurre. » Le petit Cliaperon rouge partit aussitôt pour aller

chez sa mère-grand, qui demeurait dans un autre village. elle

rencontra compère

le loup,

qui eut bien envie de

de quelques bûcherons qui étaient dans

pauvre enfant, qui ne savait pas lui dit

:

«

— Ohî

qu'il était

ma mère-grand, ma mère lui envoie.

Je vais voir

de beurre que

oui, lui dit le petit

tout là-bas, là-bas, à

Ancienne

la

coiffure, qui fut

la foret. Il

En

passant dans un bois,

manger; mais

la

lui

n'osa, à cause

il

demanda où

elle allait.

La

dangereux de s'arrêter à écouter un loup,

et lui porter

une galette avec un

Demeure-t-elle bien loin?

Chaperon rouge

c'est

;

première maison du

en usage jusqu'au temps du

par delà

village.

le

petit pot

dit le loup.

moulin que vous voyez

— Eh bien,

roi Cliarles IX.

lui

dit le loup, je

veux


LES CONTES

2

voir aussi

l'aller

:

je

DE PERRAULT

vais par ce chemin-ci, et toi par ce chemin-là; et nous

m'y en

verrons à qui plus tôt y sera.

Le loup

se mit à courir de toute sa force par le

petite

chemin qui

était le plus court

s'en alla par le

lille

chemin

;

et la

le

plus

long, s'amusant à cueillir des noisettes, à

courir après les papillons et à faire des bou-

quets des petites fleurs qu'elle rencontrait.

Le loup ne fut pas longtemps à la

maison de

Qui est

toc, toc. «

petit

mère-grand;

la

Chaperon rouge,

faisant sa voix, qui et

un petit

envoie.

»

dans son

i)ot

jeta sur la

'

cherra. » Le loup tira

bonne femme

de trois jours

qu'il avait

la

che\

et la dévora en

danslelitdelamère-grand, en attendant

le

heurte

dit le loup

en contre-

vous apporte une galette

de beurre, que ma mère vous

lui cria

:

«

illette, et la

moins il

:

C'est votre fdle le

était

à cause qu'elle se trouvait

lit,

mangé. Ensuite

La bonne mère-grand, qui

peu malade, bobinette

la

là?

à arriver

il

de rien

ferma

la

Tire

porte s'ouvrit. ;

car

un

la chevillettc,

il

porte et

petit Chape-

y

Il

se

avait plus

s'alla

^

coucher ^^

ron rouge, qui, quelque temps après, vint heurter à^la porte

toc, toc. «

:

qui entendit

Qui est là?

Le

»

grosse voix du

la

petit

louj),

Chaperon rouge,

eut peur d'abord;

mais, croyant que sa mère-grand était enrhumée, répondit

:

« C'est

votre

fille, le

Chaperon rouge, qui vous

petit

apporte une galette et un petit pot de beurre que ma mère

vous envoie. voix

:

«

Tire

»

Le loup

lui cria,

la chevillette, la

en adoucissant un peu sa

bobinette cherra. » Le petit Ello s'amusait à

Chaperon rouge

Le loup, «

Mets

la

la

tira la chevillette, et la

voyant entrer,

lui dit

porte s'ouvrit.

en se cachant dans

galette et le petit pot de beurre sur la

1.

Petit verrou de bois qui

2.

Grand

coffre

ferme

les portes

l'on serre le pain

dans

dans

les

les villages

campagnes.

huche

~,

le

lit

sous

la

couverture

:

et viens te coucher avec


Cjarnier frères, EdileursPa

'rénov,

Les Fées

49 Rie Ju Montparnasse

Pa?is



LE

PETIT

Le prlit (lliaperon rouge se

iioi.

»

)ieu

élounée de voir coMuneul

ui dit

:

«

Ma mère-grand,

(jue

CHAPERON

(l(''shal)iilc

sa

ROUGE

3

et va se iiiellre

mère-grand

élail

(aile

vous avez de grands hias

î

dans

le lit,

elle fui

en son déshabillé. Elle

C'est pour

mieux t'em-

— Ma mère-grand, que vous avez de grandes jand)es —C'est pour nieux courir, mon enfant. — Ma mère-grand, que vous avez de grandes — C'est pour nueux écouter, mon enfant. — Ma mèie-grand, que vous avez de grands yeux! — C'est pour mieux mon enfanl. — mère-grand, que vous avez de grandes dents — C'est pour manger. en disant ces mots, ce méchant )rasser

ma

fille

î

î

oreilles!

le voir,

î

loup se jeta sur

le petit

te

Chaperon rouge

iMa

» Et,

et le

mangea.


LES

6

si

demanda

belle, lui

« Ilélas

î

monsieur,

ce qu'elle faisait

c'est

DE PERRAULT

CONTES

toute seule, et ce qu'elle avait à pleurer.

ma mère qui m'a

chassée du

bouche cinq ou

d'où cela

lui

venait. Elle lui raconta toute son aventure.

reux,

considérant qu'un

et,

en mariage

Pour

sa

h

six perles et autant

tel

don

valait

une autre, l'emmena au

sœur,

elle se

fit

Le

fils

du

fils

la

sa

du

roi

son pèie, où

propre mère

la

il

du

roi

j)0uvait

MORALITÉ L'honnêteté coûte des soins

Mais

tôt

ou tard

Et souvent dans

.le

elle a sa

les

Ont encor plus de force

moins.

le

les pistoles

Peuvent beaucoup sur

Cependant

;

récompense,

temps qu'on y pense

Les diamants et

les esprits

;

douces paroles et

donner

l'épousa.

chassa de chez elle

mourir au coin d'un bois.

Et veut un peu de complaisance

qui vit

en devint amou-

malheureuse, après avoir bien couru sans trou\ er personne qui voulût alla

roi.

pria de lui dire

mieux que tout ce qu'on

palais

que

tant haïr,

Le

lo^i^is. »

de diamants,

sortir de sa

sont d'un plus grand prix.

la

:

et la

recevoir,



La Barbe Bleue


LA BARBE-BLEUE

L était

à la

une

lois

un liomine qui avait de

campagne, de

la vaisselle

belles

maisons à

la ville et

d'or et d'argent, des meubles en bro-

derie et des carrosses tout dorés. Mais, par malheur cet avait la barbe bleue ni

femme

:

ni fdle qui

cela le rendait

si

laid et

ne s'enfuît devant

si

honnne

terrible, qu'il n'était

lui.

Une de ses voisines, dame de qualité, avait deux fdles ])arfaitement belles. demanda une en mariage, en lui laissant le choix de celle

Il

lui

en

qu'elle voulait lui donner. Elles n'en voulaient point

toutes deux, et se le renvoyèrent l'une à l'autre, ne

pouvant se résoudre à prendre un barbe bleue. Ce qui avait déjà

les

homme

qui eût

dégoûtait encore, c'est

la

qu'il

épousé plusieurs femmes, et qu'on ne savait

pas ce que ces

femmes

étaient devenues.

La Barbe-Bleue, pour

faire connaissance, les

mena,

avec leur mère et trois ou (piatre de leurs meilleures amies, et quelques jeunes gens du voisinage, à une de ses oiilaieiit

punit toutes Jeux

maisons de campagne, où on demeura huit jours entiers.

Ce

n'était

que promenades, que parties de chasse

(pie collations

:

on ne dormait point

et

et

de pèche,

on passait toute

la

([ue

danses et festins,

nuit à se taire des malices


.

CONTES DE PERRAULT

LES

8

les

uns aux autres

:

enfiu tout alla

maître du logis n'avait plus

Dès qu'on fut de retour

la

si

barbe

à la ville, le

bien, que si

la

commença

cadette

un

bleue, et que c'était

fort

à trouver

sa

femme qu'il était obligé de faire un voyage

en province de six semaines au moins pour une affaire de conséquence

de se bien divertir pendant son absence qu'elle ;

campagne

à la

dit-il, les clefs

si

elle voulait;

fit

que partout

mon

elle fit

mes

mes

la

grande galerie de l'appartement bas

:

s'il

colère

vous arrive de l'ouvrir,

» Elle

.

il

ouvrez tout,

monte dans son carrosse

jeune mariée, tant

maison, n'ayant osé

le

elles avaient

lui

d'or et

mon

où est

la clef

allez

du cabinet du

partout; mais,

défends de

telle sorte^

les

le

mari y

;

pour son voyage.

envoyât quérir pour aller

d'impatience de voir toutes

y venir pendant que

ma

venait d'être ordonné

et part

Les voisines et les bonnes amies n'attendirent pas qu'on cliez la

Voilà, lui

la vaisselle

n'y a rien que vous ne deviez attendre de

promit d'observer exactement tout ce qui

et lui, après l'avoir embrassée^

qu'elle les

pierreries; et voilà lepasse-

pour ce petit cabinet, je vous défends d'y entrer, et je vous que,

;

«

coffres-forts

partout de tous les appartements. Pour cette petite clef- ci, c'est

bout de

qu'il la priait

bonne chère.

des deux grands garde-meubles; voilà celles de

argent; celles de mes cassettes où sont

;

venir ses bonnes amies

d'argent, qui ne sert pas tous les jours; voilà celles de

or et

le

mariage se conclut

Au bout d'unmois, la Barbe-Bleue dit à

menât

que

honnête homme.

les richesses

de

sa

cause de sa barbe bleue, qui

était, à

leur faisait peur.

Les voilà aussitôt à parcourir

les

chambres,

les cabinets, les

garde-robes, toutes

plus belles et plus riches les unes que les autres. Elles montèrent ensuite aux garde-

meubles, où des

lits,

elles

ne pouvaient assez admirer

le

nombre

et la beauté des tapisseries,

des sophas, des cabinets, des guéridons, des tables et des miroirs où l'on se

voyait depuis les pieds jusqu'à

la tête, et

dont les bordures, les unes de glace,

les

au très

d'argent et de vermeil doré, étaient les plus belles et les plus magnifiques qu'on eut

jamais vues;

elles

ne cessaient d'exagérer et d'envier

le

bonheur de leur amie, qui

cependant ne se divertissait point à voir toutes ces richesses, à cause de l'impatience qu'elle avait d'aller ouvrir le cabinet de l'appartement du bas. Elle fut

si

pressée de sa curiosité, que, sans considérer qu'il était malhonnête de

quitter sa compagnie, elle descendit par pitation, qu'elle pensa se

du cabinet,

rompre

elle s'y arrêta

le

un

escalier dérobé, et avec tant

cou deux ou trois

quelque temps, songeant à

fois. la

Etant arrivée

de préci-

à la

porte

défense que son mari

lui


BARBE-BLEUE

LA avait faite, cl considéranl

sanlc

mais

;

la

Icnlalion

|)()urrail

([iril

(«lail si

D'abord

moments,

ne vit rien,

elle

elle

commença

dans lequel se miraient des murs

:

an-ivcr inalhciir d'avoir vlv désobris-

lui

ne

ïovlv, i\nv\[Q

petite clef etouvi'it en Irendiltuit

que

cY'laient toutes les fennnes (pie

qu'elle venait de retirer de la serrure, lui

femmes morles,

se remetti'e

un

elle pi-il

donc

la

])cu

mourir de peur,

ramassa

mais

:

caillé,

attacliées le long

Barbe-Bleue avait épousées, et

la

tomba de

i)eu repris ses sens, elle

cbambre pour

à la

:

fenêtres étaient fermées. Après (iuciqiies

corps de plusieurs

les

siinnonler

plancber était (ont couvert de sang

le

avait égorgées l'une après l'autre. Elle pensa

Après avoir un

la jxiL

porte du cabinet.

la

i)arce (jue les

à voir

9

la

et la clef

qu'il

du cabinet,

main. referma

la clef,

porte

la

cl

moula

elle

n'en pouvait venir à bout, tant elle était émue.

Ayant remarqué que

du cabinet

clef

la

tacbée de sang, elle l'essuya deux ou trois

mais

le

sang ne s'en

laver, et il

même

allait

point

la frotter a\

ec

:

à fait

de

:

il

moyen de

n'y avait pas

quand on

car

ôtait le

la

fois

eut beau

du sable

y demeura toujours du sang;

fée\ et

elle

était

la

et

;

la

du grès,

clef était

nettoyer tout

sang d'un côté,

il

revenait

l'autre...

La Barbe-lîleue revint de son voyage dès

le soir

même,

et dit qu'il avait reçu des lettres en cliemin

(pii lui

avaient appris que

l'alfaire

pour laquelle

il

1

ir

Je peur

était parti venait d'être

terminée

à son avantage.

Sa femme Ht tout ce qu'elle put pour

lui

témoigner

<{u'elle était ravie

de son

prompt retour. Le lendemain,

il

lui

demanda

les clefs, et elle les lui

trenddanle, qu'il devina sans peine tout ce qui

D'où vient,

«

— — 1.

les

Il

lui dit-il,

faut, dit-elle,

Ne manquez

la clef

l'ai

du cabinet

un ouvrage de

et d'autres objets

n'est point

laissée là-baut sur

pas, dit la Barbe-Bleue, de

C'est-à-dire que la clef était

anneaux constellés

que

que je

donna, mais d'une main

si

s'était passé.

me

la

ma

avec

donner

féerie. Elle était cncliaiitéo

magiques, du genre des talismans.

les

autres

?

table.

tanliU.

»

sans doute, couune

la

lampe meiveilleusej


Après plusieurs remises,

il

fallut a])porter la clef.

La Barbe-Bleue, Tayant considérée, Pourquoi y

«

a-t-il

Bleue

y avez

vues.

:

Je n'en sais rien, répondit

n'en savez rien? reprit le

la

Barbe-

la

Eb bien

cabinet.

entrerez, et irez prendre votre place auprès des

aux pieds de son mari en pleurant et en

marques d'un

toutes les

— Vous

mort.

!

dames que vous

»

Elle se jeta

un rocber,

attendri

clef?

Vous avez voulu entrer dans

je le sais bien^ moi.

;

la

femme

dit à sa

du sang sur cette

pauvre femme, plus pâle que

Madame, vous y

PERRAULT

DE

CONTES

LES

10

demandant pardon, avec

lui

vrai repentir, de n'avoir pas été obéissante. Elle aurait

belle et affligée

un cœur plus dur qu'un rocber.

comme

« Il

elle était

faut mourir.

mais

;

la

Madame,

lui

Barbe-Bleue avait lout à

et

dit-il,

l'beure.

— Puisqu'il faut mourir, répondit-elle en donnez-moi un peu de temps

davantage.

monte, je

ne viennent point les vois, fais-leur

ils

:

m'ont promis

signe de se bâter.

Anne

lui

verdoie

répondait

:

«

plaît, » lui

la

la

Barbe-Bleue, mais pas un

:

«

qu'ils

me

:

«

Ma sœur Anne

tour,

la

pour voir

si

(car

mes

elle

frères

viendraient voir aujourd'bui, et,

si

tu

»

baut de

le

et lui dit

baut de

la

tour

ma sœur Anne, ne

Je ne vois rien que

;

et la

pauvre

affligée lui criait

vois-tu rien venir

le soleil

? »

Et

la

de

sœur

qui })oudroie^ et Iberiie qui

vite,

ou je monterai là-bautî

— Encore un moment,

s'il

vous

vois-tu

rien

répondit sa femme. elle

criait

tout bas

:

«

Anne,

ma sœur Anne, ne

»

sœnir

qui verdoie.

1.

la

Barbe-Bleue, tenant un grand coutelas à sa main, criait de toute

Descends

Et aussitôt venir?

yeux baignés de larmes,

»

-.

Cependant sa force

Anne,

«

:

sœur

te prie, sur le

La sœur Anne monta sur

temps en temps

les

»

Lorsqu'elle fut seule, elle appela sa s'appelait ainsi),

2.

regardant

Je vous donne un demi-(juart d'beure, reprit

moment

Et

le

pour prier Dieu.

Anne

lui réj)ondit

»

Poudroyer, darder, Verdoyer, jeter un

éljlouir les yeux.

éclat vert.

:

«

Je ne vois rien que

le soleil

qui poudroie et l'berbe


LA BARBE-BLEUE Descends donc

«

vais, » ré|)(tn(lil

rien venir

— — — — —

l'.l

Hni'i)e-|{l(Mie.

lit

puis elle criai!

je nionlei'iii

<>ii

:

l;i-li;inl

— Je

î

m'en

Anne, ma sœur Anne, ne vois-(u

«

?

Je vois, répondil

la

sœur Anne, une

iJirossc

poussièie

\ienl de ce cùté-ci...

((ui

Sont-ce mes frères? Hélas

Ne

î

non.

veux-tu

ma

p;is

sœur-, je vois

descendre

elle criait

:

«

Anne,

Je vois deux cavaliers

Li'oupeau de moutons..,

lui

criait la

?

Encore nn petit moment?

Et puis

vile, crin

(emine.

la

Barbe-Bleue.

répondit sa femme.

»

ma sœur Anne,

ne vois-tu rien venir

viennent de ce côté

cpii

mais

;

?

ils

sont l)ien

loin

encore.

— —

Dieu

soit loué

Je lenr

fais

î

s'écria-t-elle

La Barbe-Bleue se mit

femme

descendit et

ne sert de rien, dit par

en

les

allait

il

ment pour

si

fort,

Barbe-Bleue;

la

lui

abattre

le pria

de

se recueillir. «

mande-toi bien ce

frères,

il

la

que toute

la

maison en trembla. La pauvre

pieds tout éplorée et tout écbevelée.

mourir

faut le

î

»

Puis,

la

«

Cela

prenant d'une main

coutelas

La pauvre

tête.

se tournant vers lui et le regardant avec des

yeux mourants,

Dans

à crier

alla se jeter à ses

cheveux, et de l'autre levant

l'air,

femme,

un moment après, ce sont mes

signe tant rpie je puis de se hâter.

lui

donner un petit mo-

Non, non,

dit-il,

recom-

Dieu... » Et levant son bras...

momeni, on heurta

si

fort à la porte, (pie

la Barbe-Bleue s'arrêta tout court.

On

ouvrit, el

aussit(U on vit entrer deux cavaliers qui, mettant l'épée à

la

main, coururent droit

à la

Barbe-Bleue. Il

Il

reconnut

l'un

([uv c'étaient les frères

dragon et l'autre mousquetaire, de sorte

ver; mais

les

put gagner

le

deux

frères le

perron.

Ils lui

la prit d'i

par

les

cheveux.

de sa femme,

poursuivirent de

si

qu'il

s'enfuit aussitôt

près, (pi'ils

l'ail

pour se sau-

râpèrent avant

passèrent leurs épées au travers du corps et

le

(pi'il

laissèrent

mort.

La pauvre femme se lever

était pi-es([ue aussi

pour embrasser ses

frères.

morte que son mari,

et n'iw ait pas hi force

de


.

LES

12

Irouva que

se

Il

la

CONTES

DE

PERRAULT

Barbe-Bleue n'avait point crhéritier, et qu'ainsi sa

femme

demeura maîtresse de tous ses biens Elle

en employa une partie à marier sa jeune sœur Anne avec un jeune gen-

tilhomme dont

elle était

aimée

dejiuis

longtemps

charges de capitaines à ses deux frères, et

un

fort

avec

la

honnête homme, qui Barbe^Bleue,

lui fit

oublier

le le

;

une autre partie

reste à

se marier

à acheter des

elle-même à

mauvais temps qu'elle avait passé



Garnier frères

lidiĂŽeurs

Paris

lip'.

La Belle au

bois

Dufrenoy.

dormant.

4"j

??:e

h

Monlpapnat'se Par;


LA BELLE AU BOIS DORMANT

y

L

avait

une

fois

pas d'enfants,

si

eaux du monde

:

un

une reine qui étaient

roi el

faciles (|u'on

vœux, pèlerinages

n"v faisait. Enlin pourtaut fdle.

On

fil

ne saurait dice.

la

d'elles faisant

coutume des eût, par ce

nables

fées

un don, comme

moyen, toutes

la

faciles

de n'avoir

tout fut mis en œuvre, et rien

un beau baptême: on donna

en ce temps-là,

si

allèrent à toutes les

reine devint grosse et accoucha d'une

princesse toutes les fées qu'on put trouver dans

chacune

',

lis

le

pa)

s (il

})our

marraines

à la petite

s'en trouva sept), afin (pie

c'était la

princesse

les perfections

imagi-

.

Après

les

cérémonies du baptême, toute

compagnie revint au

un grand chacune

festin

d'elles

palais

pour

du

roi,

les fées.

il

On mit

y

la

avait

devant

un couvert magnifique, avec un palais

étui d'or massif où

il

y

avait

fourchette et un couteau de

chacun prenait sa place à priée, parce qu'il

qu'on

la

y

une

fin or,

table,

on

cuiller,

une

garni de diamants et de rubis. Mais, vit entrei-

une

vieille fée,

comme

qu'on n'avait point

avait plus de cinquante ans qu'elle n'était sortie d'une tour, et

croyait morte ou enchantée. Le roi

lui

lit

donner un couvert

1. On allait on pèlerinage, pour avoir des enfants, à Notre-Dame de Liesse, à Saint-Rent en Bretagne, à Notre-Dame de Roqueniadour en Querci, à Saint-Urbic en Auvergne, etc.

;

Anjou,

mais

il

n'y


H

CONTES DE PERRAULT

LES

moyen de

eut pas

n'en avait

donner un

lui

d'elle, l'entendit, et,

la [»rincesse, alla,

parler

La

les sept fées.

grommela quelques menaces entre auprès

comme aux

étui d'or massif

que sept pour

fait faire

vieille

autres, parce

crut qu'on

Une des jeunes

ses dents.

que

l'on

méprisait et

la

fées, qui se

trouva

jugeant qu'elle pourrait donner quelques fâcheux don à

dès qu'on fut sorti de table, se cacher derrière

la

de

tapisserie, afin

dernière, et de pouvoir réparer, autant qu'il serait possible, le mal que

la

la

vieille aurait fait.

Cependant,

fées

les

donna pour don

lui

qu'elle aurait

de

commencèrent

comme un ange

l'esprit

admirable à tout ce qu'elle ferait; la

la

;

la

quatrième,

comme

cinquième, qu'elle chanterait

(pi'elle

un rossignol

tctc, avec plus

Ce

Dans

ce

paroles

:

main duii fuseau,

don

fit

frémir toute

moment

la

jeune fée

terrible

Rassurez-vous,

«

princesse se percera

la

Le

roi,

»

pour tâcher d'éviter

le

par lequel chez

soi,

Au

il

l)out

arriva

que

où une bonne

ma bonne femme? (pii

ne

la

la

est vrai

il

durera cent ans, au bout desquels

(pii

la vieille, fit

que fait

:

le fils

publier un édit

au fuseau, ni d'avoir du fuseau

filer

et

le roi

la

reine ('tant allés à une de leurs maisons

jeune princesse, courant un jour dans alla justpi'au

le roi

Ah

î

— Je que

faites-vous? donnez-moi que je voie

file,

ma

Cette bonne

l)elle

cela est joli si

le

château, et

haut d'un donjon, dans un petit gale-

avait faites de filer au fuseau.

dit la princesse.

connaissait pas.

;

ancienne a

mais, au lieu d'en mourir, elle tombera

vieille était à filer sa quenouille.

ouï parler des défenses que

mon

vie.

la

de quinze ou seize ans, il

et dit tout haut ces

n'en mouri'a point

malheur annoncé par

montant de chambi-e en cliambre, tas

;

la

n'y eut personne qui ne pleurât.

il

la ta])isserie,

fille

défendait à toutes personnes de

sous peine de

de plaisance,

votre

main d'un fuseau

réveiller.

la

de derrière

fée

la vieille

en mourrait.

pour défaire entièrement ce que

seulement dans un profond sommeil d'un roi viendra

sixième, qu'elle jouerait de

de dépit que de vieillesse, que

et (pi'elle

compagnie, et

roi et reine,

je n'ai pas assez de puissance la

la

sortit

danserait parfaitement bien;

la

;

dernière perfection. Le rang de

étant venu, elle dit, en branlant la

celle d'après,

;

troisième, qu'elle aurait une grâce

la

princesse se percerait

La plus jeune

à la princesse.

personne du monde

toutes sortes d'instruments dans la

don

à faire leur

qu'elle serait la plus belle

î

femme «

Que

n'avait point

faites-vous

là,

enfant, lui réjjondit la vieille,

reprit la princesse

:

comment

j'en ferais autant. Elle n'eut pas plus tôt


LA fuseau,

])ris le

comme

(jiie.

HEIJ.1-:

elle

AT

('lail

\ive.

li'(»|t

Tarrèl des fées fordouuail ainsi, elle seii perça

La bonne

vieille,

la

un peu

main

rioin-dic. cl

d aillcin-s

(|iic

eL tuniha ('Nanouie.

bien euiharrassëe, crie au secours: on vieni de tous cùLés; on

jcUe de l'eau au visage de

piincesse, on

la

tempes avec de leau de

lui frolte les

DOHM.Wr

IJÔIS

la

la

délace, on

frappe dans

lui

reine de lloni;iie

'

;

les

mains, on

mais rien ne

la

faisait

revenir.

Alors leroi,(iui éUiil monté au bruit, se sou vint de

la

pr(''diclion(leslé'(;s. el. jiiiicanl

bien

(\u"\\ fallait

(pie cela arrivât pniscjue les fées Invaienl dit.

dans

le j)lus bel

appartement du

en broderie d'or et d'argent.

lil

palais, sur

On

mellre

lit

la

princesse

un

ciU dit un

ange, tant elle était belle; car son évanouisse-

ment

n'avait point ôté les couleurs vives de

son teint lèvres les

:

ses joues t^'taient incarnates, et ses

comme du

corail; elle avait

yeux fermés, mais on doucement, ce qui

tout

n'était pas

Le

roi

seulement

l'entendait respirer faisait

voir

qu'elle

morte.

ordonna qu'on

la

laissât

dormir en

repos, jusqu'à ce que son lieure de se réveiller

venue. La bonne fée

fùl

vie en la

dans à la

le

condamnant

royaume de

princesse

;

mais

(]ui lui

avait sauvé la

dormir cent ans

à

euo

3Iataquin, à douze mille lieues de elle

tumi-a cva»ouie.

était là,

lors(pie l'accident arri\a

en fut avertie en un instant par un

})etit

nain qui avait

des bottes de sept lieues (c'étaient des bottes avec lesquelles on faisait sept lieues

d'une seule enjambée)

dans un cbariot tout de à la descente

La

.

feu, traiiié

du cbariot.

grandement [)révoyanle, elle serait

fée partit aussitôt,

Elle elle

on

la vit,

par des dragons. Le

approuva

tout ce qu'il avait lait

pensa que. (piand

la

dune

au boni

;

mais

comme

princesse viendrait

bien embarrassée toute seule dans ce grand cbàteau

:

la

main

elle était

à se réveiller,

voici ce qu'elle

Elle toucba de sa baguette tout ce qui était dans le cbàteau (liors

gouvernantes, fdies d'bonneur, femmes de cbambre,

beure, arriver

présenter

roi lui alla

le roi

lil.

et la reine),

genlilsbommes,

officiers,

maîtres d'bôtel, cuisiniers, marmitons, galoi)ins, gardes, suisses, pages, valets de 1.

Cette eau doit sou

nom

à sainte Elisabeth, leiuo de Hongrie.


pied

;

elle

loucha aussi tous

freniers, les gros

matins de

les la

DE PERRAULT

CONTES

LES

16

chevaux qui étaient dans

hasse-cour et

princesse, qui était auprès d'elle sur son

mirent tous, pour ne se réveiller qu'en tout [)rèts à

la

servir

feu, toutes pleines

se

fit

en un

Alors

quand

lit.

Dès qu'elle

même

moment

:

les fées n'étaient

du château et

de bien afin

que

loin. la

ne

On

a

eut touchés,

si

ils

s'endor-

afin d'être

feu aussi.

le

Tout

cela

après avoir baisé leur chère enfant, sans qu'elle s'éveillât,

château.

firent publier des défenses à qui il

que ce

fût d\Mi approcher.

poussa^ dans un quart d'heure, tout

grande quantité de grands arbres et de

d'épines entielacées les unes dans les autres, que bête ni (pi'on

les

temps que leur maîtresse,

pas longues à leur besogne.

Ces défenses n'étaient pas nécessaires; car autour du parc, une

avec les pale-

en aurait besoin. Les broches mêmes, qui étaient au

elle

rs le

en sorte

les écuries,

petite Pouffle, petite chienne de la

de perdrix et de faisans, s'endormirent, et

le roi et la reine,

soi'liient

la

oyait plus (pie

le

ne douta point que

petits,

de ronces et

homme n'y auraient pu j)asser

;

haut des tours du château, encore n'était-ce que la fée

n'eût encore

fait là

un tour de son métier,

princesse, pendant qu'elle dormirait, n'eût rien à craindre des curieux.

Au bout de

cent ans,

(pie la princesse

que des tours

le fils

du

endormie, étant

qu'il voyait

roi (pii régnait alors, et qui était allé à la

chasse de ce côté-là,

dune autre

demanda

au-dessus d'un grand bois fort épais. Chacun

selon qu'il en avait ouï parler

:

les

uns disaient que

c'était

famille

ce (pie c'était lui

répondit

un vieux château où

il


BEIJ.E

I-A

rcvenaildcscsprils: sabbat. La plus

pût

Mon

prince,

les sorciers

cprini Oi-rc

('-lail

y

a plus de ciu(pianle ans

cent ans, et qu'elle

sei'ail

Le jeune prince, mettrait

les

de

17

conln-c

la

deniein-ail

\

.

niisnCiil leur

\

el (pie

j;i

il

rni|)or(ai!

pouvoir manger à sou aise, et sans

savait (\u'vn croiiv. lors(|u*iiu vieux |);i\san pril

il

dans ce château une princesse,

lamour

DOli NIANT

suivre, ayaut seul le pouvoir de se faire un passage au travers du bois.

le

Le prince ne «

que (ons

opinion

eoiniiiiiiie

HUIS

Al

enfanls (piil pouvait alliaper, pour

(oiis les

(pi'ou

aiilrcs,

It's

si

ce qui en élait.

A

il

la

mon

p;M(.le el lui dil

le lils d'iui roi. à (pii elle était

aventure

de

l'eu

y devait

doi inir

réservée.

»

ciul. sans balancei-. (piil

il

:

:

père quil y avait

plus belle qu'on eût su voir: (pTelle

réveillée par

belle

et par la gloire,

ouï dire à

j"ai

à ce (Hscours, se sentit tout

une

à

lin

la

que

et pousse'' pai-

;

résolu! de vcur sur-le-cbamp

peine s'avança-t-il vers

que

le bois,

tous ces grands arbres, ces ronces et ces épines s'écartèrent d'eux-mêmes pour vers le château, qu'il

avenue où

il

entra

et,

;

que personne de

vit

le laisser

passer.

voyait au bout

ses

un peu,

ce qui le surprit

gens ne

marcha

Il

d'une grande il

pu suivre,

l'avait

parce que les arbres s'étaient rapprochés dès qu'il avait été passé.

Il

ne

laissa

pas de continuer son chemin

prince jeune et amoureux est toujours vaillant. tout ce qu'il vit d'abord était capable de

le

Il

:

glacer de crainte. C'était un silence afïreux

limage de la mort s'y présentait partout; ce n'étaient et

d'animaux qui paraissaient morts.

Il

passe une grande cour pavée de marbre,

des gardes, qui étaient rangés en haie, Il

la

il

lit,

dont

eût jamais vu

et

leurs lasses, où

monte

l'escalier:

il

y

a\ ait

endornùs eu buvant. il

entre dans

la

salle

carabine sur l'épaule, et ronflant de leur

:

les

11

entra dans une chambre toute dorée, et

rideaux étaient ouverts de tous côtés,

une princesse qui

paraissait avoir quinze

resplendissant a\ait quelque chose de lunu'neux et

;

qu'ils s"(''taient

traverse plusieurs chambres, pleines de gentilshommes et de dames, dormant

tous, les uns debout, les autres assis.

sur un

:

des corps étendus d'hommes

qu'endormis

encore quelques gouttes de vin, montraient assez

mieux.

(jue

reconnutpourtani bien, aux nez bourgeonnes et

à la face vermeille des suisses, qu'ils n'étaient

Il

un

entra dansunegrandeavanl-cour, où

en admirant, et

il

se mit à

genoux auprès

et

le

ou seize ans, et dont

de divin.

d'elle.

plus beau spectacle

Il

il

vit

(ju'il

l'éclat

s'approcha en trend^lant


LES CONTES DE PERRAll/r

18

comme

Alors,

fin

la

de Tenchantement était venue,

princesse s'éveilla; et,

la

regardant avec des yeux plus tendres qu'une première vue ne semblait «

Est-ce vous,

mon prince? lui

vous vous êtes

ces paroles, et plus encore de la

charmé de

comment

savait

dit-elle,

témoigner

lui

])ien fail

manière dont

plus que lui-même. Ses discours furent mal rangés;

peu d'éloquence, beaucoup d'amour. pas s'en étonner

:

elle avait

eu

le

Il

était plus

temps de songer

ne s'étaient pas

ils

le

permettre »

étaient diles. ne

en plurent davantage:

ils

ne doit

l'on

à ce qu'elle nurait à lui dire; car la

:

Le prince,

l'assura qu'il l'aimait

bonne

fée,

pendant un

avait procui-é le plaisir des songes agréables. Enfin,

lui

qu'ils se parlaient, et

heures

il

embarrassé qu'elle, et

y a apparence fl'bistoire n'en dit })Ourtant rien) que sommeil,

attendre.

elles

sa joie et sa reconnaissance;

le

si

il

long

y avait quatre

il

dit la moitié des choses qu'ils avaient

à se dire.

Cependant tout charge

;

le palais s'était réveillé

comme

et,

<rhonneur, pressée la

ils

n'étaient pas tous

comme les

magnifiquement, mais

ma

il

princesse ils

:

chacun songeait à

la

princesse à se lever

collet

monté

'

;

elle

faire sa

mouraient de faim. La dame

:

la

princesse que

tout habillée,

elle était

se garda bien de lui dire qu'elle était habillée

mère-grand, et qu'elle avait un

Ils

la

autres, s'impatienta, et dit tout haut à

viande était servie. Le prince aida

fort

avec

amoureux,

comme

n'en élait pas moins belle.

passèrent dans un salon de miroirs, et y soupèrent, servis par les officiers de

la

princesse. Les violons ei les hautbois jouèrent de vieilles pièces, mais excellentes, quoiciu'il

y eût près de cent ans qu'on ne

de temps,

grand aumônier

le

d'honneur leur

tira le rideau. Ils

besoin, et le prince

être en peine de

Le prince dans

la

les

la (juitla

dès

lui dit

roi

la

dormirent peu^

et après souper, sans

;

chapelle du château, et la

perdre

la

dame

princesse n'en avait pas grand

matin pour retourner

qu'en chassant,

il

s'était

(pii

lui

son père, qui était un bon

pas bien persuadée, avait toujours

jouât plus

à la ville

où son père devait

lui.

hutte d'un charbonnier,

fromage. Le

et,

voyant

qu'il allait

perdu dans avait fait

homme,

Mode du temps de Henri IV

:

cette

(pi'il

mode

la forêt, et qu'il

manger du

le

presque tous

une raison en main pour s'excuser quand

nuits dehors, elle ne douta plus

1.

le

les

maria dans

crut; mais sa les il

jours à

avait

un

siècle

au

moment où

la

mère n'en

;

car

l'auteur écrivait.

fut

chasse, et qu'il

avait couché

n'eût quelque amourette

avait couché

pain noir et du

il

deux ou

trois

vécut avec

la


LA princesse

[)lus

une

fut

lille.

jamais se

tout bas à

passer de

jietits

jeter sur eux

lui lit

le

la

mort, ce

roi fut

cérémonie

elle

^

à son

l'ois

mais

n'osa

il

monde

On

de se

se retenir

à

disait

(pi'en \(t\anl

cl

deux ans.

el (piil se \il

le

ma-

U

([uérir \

|f^|V5A^. k

la ville

entra au milieu de toute

cour.

Quelque temps après, la

élail

parce

l'aimât, car elle élail

des ogres,

arriva au boni de

(pii

une entrée magiiifKpie dans

capitale,

vie.

la

(pioiipi'il

les inclinations

avait

femme, dans son cbàteau. On

reine sa

le

plusieurs

dit

dans

enfants, elle avait toutes les peines du

lia^e, et alla en «grande la

(|ui

./o?^r,

|ii'eniiei'.

ne l'avait é|)Ousée qu'à cause de ses ^lands biens.

le roi

la coin- (pi'elle

déclara [)ul)li([uement son

il

crai^nîiit

le

qu'on nonuna

se contenter

la

il

lils

sœur. La reine

sa

fallait :

un

aussi le prince ne ^oulait jamais rien dire.

:

Mais (juand maître,

que

l)eau

de son secret

lier à elle

de race ogresse, et

même

|>Ius

e\pli(pier. (piil

[)(»ur le faire

deux enl'aidsdonl

eul

el

DOUMANT

ISOIS

lM?//'ore, et le second

encore

j)araissait

<pi"il lils,

de deux ans entiers,

nommée

AT

lil'IJ.E

guerre

oisin.

à

laissa

Il

le

roi alla faire

l'empereur Gantalabutte, son la

régence du royaume o

à On

.

la

reine sa mère, et lui reconuiianda fort

sa

femme

et ses enfants

:

devait être à

il

la

guerre tout

.

,

lui

ht une eiilive niaguilniuc.

dès

l'été el.

(pi'il fut

parti, la

mère envoya sa bru et ses enfants à une maison de campagne dans pour pouvoir plus aisément assouvir son horrible envie. Elle y alla (jucKpies jours mon diner la après, et dit un soir àsonmaitre d'Iiotel « Je veux manger demain à les bois,

reine

:

petite Aurore.

— Abî

Madame,

(cl elle le dit

d'un ton d'ogresse

veux manger

à la sauce

Ce pauvre homme.

Kobert

boid)on.

Il

tin

:

le

ruismier non

Je

le

veux, dit

la

reine

chair fraîche), et je

la

la

»

el

fallait la

pas se jouer à une ogresse, prit son petite

Aurore

:

en criant se jeter à son cou.

cou leau

.

en\ie de manger de

à la cinuubre de

en sautant

se mit à pleurer

Sauce inventée par

(pii a

'.

maître d'hôtel..

le

VON ani bienciu'il ne

grand couteau, et moida (piai latre ans, et vint

dit

lui

Rul>ei-t, (lu

tomba des mains,

temps du Luuis XlV.

et

elle avait el lui il

alla

pour

lors

demander du dans

la

basse-


LES CONTES DE PERRAULT

20

cour pour couper

la

^orgc

à

un

ai;neau, et lui

])etit

temps

la

donnée

petite Auroi'e el lavait

à sa

bonne sauce, que

lit

une

si

bon. .11 avait emporté en

tresse l'assura qu'elle n'avait jamais rien mangé de

femme,

si

dans

poiu' la caclier

sa maî-

même

logement

le

qu'elle avait au fond de la basse-cour.

Huit jours ajjrès, à

mon

souper

le

la

méchante reine

petit Jour.

»

Il

dit à son maitre d'hôtel

ne répli([ua pas, résolu de

:

manger

Je veux

«

tromper comme

la

l'autre

fois.

alla

Il

à sa

chercher

le petit

Jour, et

femme, qui

le

cacha avec

chevreau fort tendre,

petit

trouva avec un petit fleuret à

le

des armes avec un gros singe

faisait

la

il

:

petite Aurore, et

(pie l'ogresse

:

«

Je veux

manger la

reine à

un

la

du

à la place

petit Jour

un peu dure, quoique

dit

au

Ce

fut

cette

pouvoir encore tromper. La jeune

la

la

gorge à

deux de

fois.

la

la Il

reine, et

jeune reine;

il

en

lui

enfants,

qu'on «

tendant

le

mes pauvres

les avait

moi où

qu'il avait recju

enfants que

lui

vous ne

j'ai

la

faire à

chambre

sui'prendre. et lui dit avec

donné

répondit

le

;

j'irai

lui dit-

revoir

mes

pauvre maître d'hôtel tout attendri, \ous ne

laisserez pas d'aller revoir vos enfants;

à son souper, avec le

enragés avaient mangé

la

tant aimés. » Elle les croyait morts depuis

»

Il la

mena

brasser ses enfants et pleui'er avec eux,

contente de sa cruauté, et

de couper

reine mère. « Faites, faites,

la

ména-

lui rien dire.

jeune biche en votre place.

Un

de

je les ai cachés, et je tromperai encore la reine,

mangea

sa vie,

main, dans

la

cou, exécutez l'ordre ([u'on vous a

enlevés sans

et

poignard à

ne voulut pourtant point

Non, non, madame,

mourrez point,

pour sauver

la

chambre, dans l'intention de n'en pas

sa

s'excitait à la fureur, et entra, le

beaucoup de respect Tordre elle,

prit la résolution,

Il

monta dans

peau

sa

:

moyen de trouver dans

belle et blanche; et le

gerie une bète aussi dure (pie cela?

un

méchante reine

soii',

reine avait vingt ans passés, sans compter les cent ans qu'elle avait dormi était

il

porta

le

Il

mêFiie sauce que ses enfants. »

pauvre maître d'hôtel désespéra de

alors (jue le

donna

main, dont

la

trois ans.

Irouva admirablement bon.

Gela était fort bien allé jusque-là; mais,

maitre d'hôtel

que

n'avait pourtant

môme

elle se

la l'eine

en

mais ce sera chez

lui faisant

aussitôt à sa chambre, où, il

alla

appétit

accommoder une

que

si

c'eût été

la

manger une

la laissant

biche, ({ue

reine

;

la

elle était

em-

reine

bien

préparait à dire au roi, à son retour, que des loups

et ses

deux enfants.

soir qu'elle rôdait à son ordinaire

dans

les

cours et basses-cours du château,


I.

|)(Mir\ lialciu'i-' .l(tm'(|iii

A

lilvMJ-:

(|ii('l(|U(' \i;iii(lc

pleurait. j)ai'ee({iie

la

Al

riaiclic. elle

reine sa

|)()|;\|\N|-

l{()IS

cnlcndil

mère voulail

.

dans une

salle basse, le petit

le l'aire loiieller.

à cause (|u'il avait

élé luéeliant: et elle enlendil aussi

la

pelile

frère.L ogresse reconnu!

la

reine el de ses enlanU: et. furieuse d'avoir élé

la

commanda

Ironipée, elle

\oi\(le

dès

le

Aurore

(pii

deuiandail pard(m pour sou

lendemain au

matin, avec une voix épouvanlal)le,

(|ui

l'aisîiit

lremI)lerloutle monde. (pi'onap|torlàl au milieu

delà cour une grande cuve, (pielle

lit

remplir

de crapauds, de vipères, de couleuvres et de scjpenls, pour y faire jeter

mailrc dhôtel, sa

donné ordre de

a^;lit

la

femme les

reine et ses enfants, et sa servante

amener

les

mains

:

le

elle

liées

dei'rière le dos.

Us étaient roi,

là,

et les

bourreaux se préparaient

qu'on n'attendait pas

poste, et

demanda

si

tôt,

entra dans

la

à les jeter C(»ur.

dans

à clieval

la

;

cuve, lorscpie il

le

venu en

était

tout étonné ce que voulait dire cet liorrible spectacle. Pei'sctnne

n'osait l'en instruire, (piand l'oi'resse, enragée de voir ce (pi'elle voyait, se jeta elle-

même

tète

la

bétes quelle

y

sa

la

mère; mais

première dans

la

cuve, et fut dévorée en un instant par les

avait fait uiettre. Le roi ne laissa pas d'en être fàcbé il

:

\

ilaines

elle était

s'en consola bientôt avec sa belle fenune et ses enfants.


LE MAITRE CHAT LE CHAT BOTTE

.\

meunier ne

laissa

pour lous biens, à

trois enfants qui! avait,

que son moulin, sonàne et son chat. Les partages furent bientôt faits; ni le notaire ni le

auraient eu bientôt le

moulin,

Ce dernier ne pouvait pourront gagner Iors(pie j'aurai il

mangé

tout

second Tàne, et

un

se consoler d'avoir

honnêtement en

leur vie

mangé mon

faudra que je

le

procureur n'y furent

chat, et

meure de faim.

que je

le

un

sac, et

me

:

«

Ne vous

faire faire

chat

ne

fit

pas

affligez pas,

si

mon

ou

bottes,

dans

fit

pas semblant,

pour

aller

dans

Allusion à la fable deiuiL'i'e du liuisièrae

11

sa peau,

il

la

dit

lui

avait vu

lui

me

d'un air

donner

les broussailles, et »

Quoique

faire tant

comme quand

il

le

vous

maitre du

de tours de

se pendait par

farine pour faire le rnort^ qu'il ne désespéra

pas d'en être secouru dans sa misère.

1.

})our moi,

;

un manchon de

mal j)artagé que vous croyez.

grand fonds là-dessus,

qu'il se cachait

frères, disait-il,

maître; vous n'avez qu'à

souplesse pour })rendre des rats et des souris, les pieds,

mes

:

»

une paire de

verrez ({ue vous n'êtes pas

lot

mettant ensemble

serai fait

Le chat, qui entendit ce discours, mais n'en posé et sérieux

pauvre patrimoine. L'ainé eut

plus jeune n'eut que le chat.

pauvre

si

se

me

le

])oint appelés. Ils

la

Fontaine

:

le

Cliat et

le

deux

Rat.


Le

Chat

bottĂŠ



LE chnl

le

L(>i's([ii('

alla

ce

ciil

son sac à son cou,

il

(|iril

en prit

dans une garenne où

il

y

lacerons^ dans son sac, et

quelque jeune

dans son

son's;tc, et le

maître

eliat, tirant

Tout glorieux de chez

le roi,

le lit

monter

à

(c'était le

nom

Voilà,

«

:

de garenne que M.

à

inclhml

lapins.

Il

mil du son et des

coninie sil eùl élé niorl,

il

allendil

rpie

l'ourrei'

avail mis.

y

:

im jeune

('(ourdi de lapin enira

s'en

cl le

dans

(uasans miséricorde

alla

On

parler.

une grande révérence

fit

il

et lui dit

roi

cl.

encore des luses de ce nionde, vint se

il

lui

:

ra|)partement de Sa Majesté,

où, étant entré,

au

à

bi'.ivciiiiMil

l)(»ll;i

aussitôt les cordons, le prit

proie,

sa

demanda

et

se

^rand noinhre de

avait

couché, (piileut conlenlemenl

fut-il

il

23

cordons avec ses deux pâlies de d(>vanl. cL s'en

s'élendanl

(pi'il

1U)TT1>

dcinniKN'.

av;iil

les

insliiiil

pour mani;er ce

sac,

A peine

peu

lapin,

CFfAT

le

un

Sire,

lapin

marquis de Carabas

qu'il lui prit

en gré de donner

son maître, m'a chargé de vous présenter

de sa part.

plaisir.

remercie, et

me

(pi'il

fois,

tenant

il

alla

toujours

se cacher dans

son

lescoi-dons et les tua tous les deux.

du

avait fait

un

ouvert, et

sac

lorsque deux perdrix y furent entrées,

lui lit

l'ait

»

Tue autre l)lé,

Dis à ton maître, répondit

(pic je le

le roi.

il

Il

faire

alla

ensuite les |)résen(er au roi. connne

lapin de garenne. Le roi reçut encore

donner

})(tur

une paire do bo

tira

ave(; plaisir les

deux perdrix,

et

il

il

boire.

Le chat continua ainsi, pendant deux ou trois mois, de porter de temps en temps, au

du gibier delà chasse de son maître. Un jour

roi.

à la

i)!omenade. sur

monde, faite:

il

bord de

dit à son maître

:

la

« Si

rivière, avec sa

me

laisser faire.

(pril sut (pie le roi devait aller fille,

vous v(nilez suivre

vous n'avez qu'à vous baigner dans

trerai, et ensuite

1.

le

la rivière,

»

Plante laiteuse qu'on donne aux lapins dans

!pb

campagnes.

la

mon à

plus belle princesse du

conseil, votre fortune est

rendroil (pie je vous

mon-


LES CONTES DE PERRAULT

24

Le marquis de Carabas

Dans

serait bon.

le

à crier de toute

qui se noie

!

A

»

sa force

ce

Au

«

:

fois

vint à passer, et le chat se mit

qu'il se baignait, le roi

du

secours! au secours! Voilà M.

mit

cri, le roi

avait apporté tant de

de M.

ce que son chat lui conseillait, sans savoir à quoi cela

fit

temps

gibier,

il

marquis de Carabas

le

portière et, reconnaissant

la tète à la

ordonna

gardes qu'on

à ses

chat qui

le

allât vite

lui

au secours

marquis de Carabas.

le

Pendant qu'on

pauvre manjuis de

retirait le

carrosse, dit au roi que,

dans

temps

les

la rivière,

(pie son

était

il

des voleurs qui avaient emporté ses habits, quoiqu'il eût crié au voleur sa force

le

:

du

le chat, s'approcliant

maître se baignait,

!

venu

de toute

drôle les avait cachés sous une grosse pierre. Le roi ordonna aussitôt

^

aux

officiers

rir

un de

M.

de sa garde-robe d'aller qué-

le

;

et

bonne mine

(car

il

trouva fort à son

Carabas ne

lui

les

pour

roi lui fit

beaux ha-

donner relevaient

lui

de sa personne),

fait

ou

comme

qu'on venait de

bits

habits,

marquis de Carabas. Le

mille caresses

sa

beaux

ses plus

était la

beau

fille

et le

g[-é,

du

et bien roi

le

marquis de

eut pas plus tôt jeté deux

trois regards fort

respectueux et un

peu tendres, qu'elle en devint amoureuse Vous serez tous

l.aehe-,

fuumie

eli.ur

^'"^

^^

a Kite

foHe.

Le promenade. Le chat,

rosse, et qu'il fût

de

à réussir, prit les

devanls

il

leur dit

:

«

la

Le «

roi

et.

le

leur avait

M.

car-

le

pré que vous

marquis de Carabas, vous serez tous hachés

menu comme

si

vous ne dites au roi que

»

ne manqua pas de demander aux faucheurs

C'est à

montât dans son

de voir que son dessein commençait

ayant renconti'é des paysans qui fauchaient un pré.

Bonnes gens qui fauchez,

fauchez appartient à 3L chair à ])àté.

:

roi voulut qu'il

ravi

le

fait

marquis de Carabas,

peur. « Vous avez

— Vous voyez.

Sire, répondit le

» dirent-ils

un

à

qui étaitce pré qu'ils lauchaient

tous ensemble; car

bel héritage, dit

marquis;

rapporter abondannnent toutes les années.

»

c'est

le roi

la

menace du

:

chat

au marquis de Carabas.

un pré qui ne manque point de


LE CHAT BOTTK

Lo maître

à

cluit.

([iii

allait (oiijonrs

Bonnes gens qui moissonnez,

«

M.

Le

le

roi,

25

devant, rencontra des moissonneurs, et leur

si

vous ne dites que tous ces

marquis de Caral)as, vous serez tous hachés menu comme chair

moment

qui passa un

encore avec

et le roi s'en réjouit

voulut savoir à

marquis de

qu'il voyait. « C'est à 31. le

disait toujours la

a[)rès,

même chose à

le

(pii

:

à pâté.

»

a|»partenaient tous les hiés

(^arahas, » répondirent les

marquis. Le chat,

dil

appartiennent

l)Iés

tous ceux qu'il rencontrait, et

moissonneurs;

devant

(pii allait

carrosse,

le

étonné des

le roi était

grands hiens du marquis de Carahas.

Le maître chat arriva enfin dans un heau château, dont

le

maître était un ogre,

le

plus riche qu'on ait jamais vu, car toutes les terres par où le roi avait passé étaient

de

la

dépendance de ce château. Le chat eut soin de s'informer qui

ce qu'il savait faire, et

demanda

près de son château sans avoir l'honneur de L'ogre

le

que vous aviez

d'animaux

;

si

révérence.

lui faire la

reçut aussi civilement que le peut un ogre, et

assuré, dit le chat,

élait cet ogre, et

à lui parler, disant qu'il n'avait pas voulu passer

le lit

On m'a

reposer. «

don de vous changer en toutes sortes

le

que vous pouviez, par exemple, vous transformer en

en éléphant.

lion,

Cela est vrai, répondit l'ogre brusquement, et, pour vous le montrer, vous

m'allez voir devenir lion. »

gagna aussitôt

Le chat

les gouttières,

ne valaient rien pour marcher sur

Quelque temps après,

le

fut

si

effrayé de voir

non sans peine

un

lion

et sans péril, à cause

devant

lui, qu'il

de ses bottes, qui

les tuiles.

chat ayant vu que l'ogre avait quitté sa première forme,

descendit, et avoua qu'il avait eu bien peur. «

On m'a

assuré encore, dit le chat,

mais je ne saurais le croire, que vous aviez aussi le pouvoir de prendre la forme des plus petits animaux

avoue que voir. »

;

par exemple, de vous changer en un rat, en une souris

je tiens cela tout à fait impossible.

Et en

même

temps

il

— Impossible? reprit

se changea en une souris

(pii

l'ogre;

Cependant

le roi,

qui vit, en passant,

dedans. Le chat, qui entendit

au-devant et dit au

roi

:

«

le

beau château de

l'ogre,

mangea.

la

voulut entrer

Votre 3Iajesté

soit la le

bienvenue dans ce château de M.

marquis, s'écria

le roi, ce

ne se peut rien de plus beau que cette cour plaît. ces bâtiments qui l'environnent; voyons les dedans, s'il vous Il

allez

bruit du carrosse qui passait sur le pont-levis, courut

marquis de Carabas. — Comment, monsieur encore à vous?

je vous

se mit à courir sur le

plancher. Le chat ne l'eut pas plus tôt aperçue, qu'il se jeta dessus et le

:

vous

et

»

le

château est

que tous


LES CONTES DE PERRAULT

26

Le marquis donna le

premier,

collation,

même

mais

gendre.

»

:

«

II

(pii

;

jeune princesse

fait

les

et dès le

;

salle,

suivant

et, ils

le roi

M

.

le

marquis de Carahas, de

grands hiens

le

devaient venir voir ce

y

était.

jour

seigneur et ne courut plus après

il

les

épousa souris

la

princesse.

que pour

roi,

qui en

après avoir hu cinq ou

marquis, que vous ne soyez

faisant de grandes révérences, accepta l'honneur

même

Le

même que sa fdle,

qu'il possédait-, lui dit, le

qui montait

trouvèrent une magnitupie

préparer pour ses amis, qui

ne tiendra quh vous, monsieur

Le marquis,

faisait le roi

à la

n'avaient osé entrer, sachant que le roi

qualités de

voyant

était folle, et

coups

main

que Togre avait

jour-Kà,

charme des honnes

six

la

entrèrent dans une grande

ils

mon

que

lui

Le chat devint grand

se divertir.



Cendrillo n


CENDRILLON LA PETITE PANTOUFLE DE VERRE

L était

une

fois

une femme, Elle avait

un gentilhomme

la ])lus

deux

liautaine et

filles

la

(|ui

épousa en secondes noces

plus fière qu'on eût jamais vue.

de son humeur, et qui

ressemhlaient en

lui

toutes choses. Le mari avait de son côté une jeune

d'une douceur et d'une honte sans exemple

de sa mère,

(pii

était

la

ses

filles

son

:

elle

:

ne put

souffrir les

faites,

que

la

encore plus haïssahles. Elle

et celles

son, dans

helle-mère

la

éclater sa

mauvaise rendaient

chargea des plus viles occupations de

de mesdemoiselles ses

filles

un grenier, sur une méchante

dans des chamhres parquetées, où

;

montées \ qui elle

des

lits

des plus à

(pii l'aurait

1.

dans

la

mai-

mode, fille

;

et des

ouffrail

grondée, parce (pie

gouvernait entièrement.

Lorsqu'elle avait s'asseoir

la

La pauvre

tout avec patience, et n'osait se plaindre à son père, le

mai-

pendant que ses sœurs étaient

la tète.

femme

la

chamhre de

couchait tout an haut de

paillasse,

elles avaient

frottait la

miroirs où elles se voyaient depuis les pieds jusqu'à

sa

mais

lille,

tenait cela

eid'ant. qui

fit

honnes qualités de cette jeune

c'était elle (pii nettoyait la vaisselle et les

madame

elle

meilleure personne du monde.

Les noces ne furent pas plus tôt

humeur

:

les

fait

son ouvrage, elle

cendres, ce

Les niaiclies des escaliers.

allait se

mettre au coin de

(|ui faisait (pi'ou l'appelait

la

cheminée,

communément dans

et

le logis


LES CONTES DE PERRAULT

28

Ciicendron. La cadette, qui n'était pas

si

malhonnête que son aînée,

Cendrillon. Cependant Ccndrillon, avec ses méchants fois plus belle

arriva

Il

qualité.

dans

le

que

que

du

roi

donna un

bal, et qu'il

Nos deux demoiselles en furent

sait le linge

.

l'appelait

laissait d'être

cent

en pria toutes

les habits et les coiffures

Nouvelle peine pour Cendrillon, car

c'était elle qui repas-

On ne

de ses sœurs, et qui godronnait^ leurs manchettes. la

personnes de

les

aussi priées, car elles faisaient grande figure

pays. Les voilà bien aises et bien occupées à choisir

qui leur siéraient le mieux

ne

quoique vêtues magnifiquement.

ses sœurs,

le fils

liahits,

manière dont on

parlait

que de

s'habillerait. « Moi, dit l'aî-

mon habit de velours rouge et Moi, dit la cadette, ma garniture d'Angleterre. je n'aurai que ma jupe ordinaire mais, en récompense, je mettrai mon manteau à fleurs d'or et ma barrière de diamants, qui n'est pas des plus indifférentes. » On envoya quérir la bonne née, je mettrai

;

~

coiffeuse,

pour dresser

rangs, et on

fit

bonne faiseuse \

Elle allait s'asseoir da

pour goût bon. Cendrillon

les conseilla le

lui

cornettes

les

à

deux

acheter des mouches de appelèrent

Elles

demander son

mieux du monde,

avis

et s'offrit

car elle avait

:

la

Cendrillon

même à les

le

coiffer,

ce qu'elles voulurent bien.

En

les coiffant, elles lui disaient: « Cendrillon, serais-lu

— — Tu

llélas

!

mesdemoiselles, vous vous moquez de moi

as raison,

on

Une autre que elle les coiffa

elles étaient

rirait

si

on voyait un Cucendron

(Cendrillon les aurait coiffées

;

bien aise d'aller au bal

ce n'est pas

aller

au bal.

de travers

;

ce

(pi'il

me

»

mais

elle était

bonne

:

parfaitement bien. Elles furent près de deux jours sans manger, tant

transportées de joie.

pour leur rendre

la taille

plus

On rompit plus de douze lacets,

menue,

à force

de

les serrer,

et elles étaient toujours devant leur miroir.

Enfin l'heureux jour arriva, on partit, et Cendrillon les suivit des yeux,

longtemps qu'elle put. Lorsqu'elle ne

1.

Empesait.

2.

Bandeau. Ce sont les modes du temps où l'auteur

3.

?

faul.

les vit plus, elle se

écrivait.

le

plus

mit à pleurer. Sa marraine.


.

CE.XDUILLON loule en pleurs,

(|ui In vil

drais bien. lui dit

:

«

.

.

demanda

bien aller au bal, n'est-ce pas?

— Eh bien, seras-tu bonne

mena dans

chambre, et

sa

ce (ju'elle avait.

Je voudrais bien.

«

Va dans

«

:

le

à sa

marraine, ne pouvant deviner

bal

Sa marraine

la

citrouille fut aussitôt

la

Ensuite

comment

creusa, et, n'ayant laissé

elle alla

sortait elle lui donnait

l'ée,

en

jardin, et apporte-moi

put trouver, et

une porta

au

la faire aller

de

i'écorce, la frappa

la

sa baguette, et

changée en un beau carrosse tout doré.

regarder dans

vie. Elle dit à (Cendrillon

je vou-

t'y ferai aller. » Elle

cette citrouille pourrait

que

.

était

oui, dit Cendrillon

î

mariaine: je

tille? dit sa

dit

lui

— Hélas

citrouille. » Cendrillon alla aussitôt cueillir la plus belle qu'elle

.

.

(prdle ne put achever. Sa marraine, qui

» Elle pleurait si fort

Tu voudnus

soupirant. la

lui

29

la

de lever

un coup de

un beau cheval, ce qui tU un

souricière,

trappe de

la

la

trouva six souris toutes en

elle

chaque souris

souricière, et à

sa baguette, et la souris était aussitôt

bel attelage

de

six

chevaux d'un beau

cpii

changée en

gris de souris

[)ommelé

Comme drillon,

elle était

en peine de

cpioi elle ferait

n'y a pas quelque rat dans

s'il

marraine va voir.

raison, dit sa

:

Cendrillon

»

gros rats. La fée en prit un d'entre louché,

il

fut

la ratière,

les trois^ à

changé en un gros cocher,

(pii

lui

un cocher

:

«

Je vais voir, dit Cen-

nous en ferons un cocher. apporta

la ratière,

il

y

cause de sa maîtresse barbe,

— Tu

as

avait trois et,

l'ayant

avait les plus belles moustaches qu'on ait

jamais vues. Ensuite

elle lui dit

:

«

Va dans

soir ; apporte-les-moi. » Elle

en et

six la(|uais, qui c|ui

La aise?

ne

fit

ne

s'y tenaient attachés

comme s'ils

— Oui, mais est-ce que la

y trouveras

:

Eh

«

la

marraine les changea

j'irai

n'eussent

fait

autre chose de toute leur vie.

bien, voilà de quoi aller au bal, n'es-tu pas bien

comme cela, avec mes vilains babils?

toucher avec sa baguette, et en

môme temps

carrosse; mais sa marraine

passer minuit, l'avertissant que,

si

lui

elle

»

Sa marraine

ses habits furent changés en

des habits d'or et d'argent, tout chamarrés de pierreries paire de pantoufles de verre, les plus jolies du

monta en

six lézards, derrière l'arro-

eut pas plus tôt apportés, que

montèrent aussitôt derrière le carrosse, avec leurs habits chamarrés,

fée dit alors à Cendrillon

que

le jardin, tu

les

;

elle lui

monde. Quand

donna ensuite une

elle fut ainsi parée, elle

recommanda, sur toutes choses, de ne pas

demeurait au bal un moment davantage, son

carrosse redeviendrait citrouille, ses chevaux des souris, ses la([uais des lézards, et

que

ses vieux habits reprendraient leur première forme.


LES CONTES DE PERRAULT

30

ne manquerait pas de sortir du bal avant minuit.

Elle promit à sa marraine qu'elle

ne se sentant pas de

Elle part,

Le

joie.

fds

du

roi,

qu'on

alla avertir qu'il venait

d'arriver

une i^rande princesse qu'on ne connaissait point, courut

donna

main à

la

compagnie.

Il

se

la fit

descente du carrosse, et alors

un grand

silence

;

la

mena dans

la

recevoir.

salle

la

on cessa de danser,

Il

lui

était la

et les violons

ne

jouèrent plus, tant on était attentif à contempler les grandes beautés de cette inconnue.

On

n'entendait qu'un bruit confus:

vieux avait

qu'il était,

longtemps

ne

laissait

qu'il n'avait

pas de

«

vu une

Ah!

Le

qu'elle est belle! »

si

belle et

même,

roi

regarder, et de dire tout bas à

la

aimable personne. Toutes

si

tout

reine qu'il

la

les

y dames

étaient attentives à considérer sa coifiureet ses habits,

pour en avoir, dès

le

lendemain, de

semblables, pourvu qu'il se trouvât des étoffes assez belles et des ouvriers assez habiles.

Le

fils

du

roi la

mit

à la

place

rable, et ensuite la prit poui' la Elle dansa avec tant

encore davantage. collation, Le

au

fils

lo, courut

la

taut

ivov.i.

il

elle leur fit

;

plus hono-

de grâce, qu'on l'admira

On

apporta une fort belle

dont le jeune prince ne mangea point.

était

occupé à

s'asseoir auprès

honnêtetés

la

mener danser.

la

considérer. Elle

de ses sœurs, et leur

part des oranges et des citrons que

le

prince

lui

fit

alla

mille

avait donnés,

ce qui les étonna fort, car elles ne la connaissaient point.

Cendrillon entendit sonner onze heures trois quarts; elle

révérence à elle alla

la

compagnie,

et s'en alla le plus vite qu'elle put.

trouver sa marraine,

bien aller encore elle était

le

et,

après

lendemain au

l'a^

bal,

fit

aussitôt

Dès

une grande

qu'elle fut arrivée,

oir remerciée, elle lui dit (ju'elle souliailerail

parce que

le

occupée à raconter à sa marraine tout ce qui

heurtèrent à la porte, Cendrillon leur alla ouvrir.

«

fils

du

s'était

roi l'en avait priée.

Comme

passé au bal, les deux sœurs

Que vous êtes longtemps à revenir! »

leur dit-elle en bâillant, en se frottant les yeux et en s'étendant comme si elle n'eût

que de se

réveiller

:

elle n'avait

s'étaient quittées. « Si lu étais

pas ennuyée elle

nous

;

il

fail

cependant pas eu envie de dormir depuis qu'elles

venue au

bal, lui dit

est venu la plus belle princesse, la

a fait mille civilités; elle

une de

ses sœurs, tu

ne

t'y serais

plus belle qu'on puisse jamais voir;

nous a donné des oranges et des citrons.

»


CE.XDRILLOX Cendrillon ne se sentait pas de joie

mais

elles lui ié()ondirent

en peine,

etcpi'il

î

elle leur

:

monde pour

donc bien belle?

« Elle était,

ne poiu-rais-je donc pas

31

demanda

fusse folle.

(pie je

taudi'ail

»

mon

lui

])rèter

Le lendemain, parée que

la

habit à

(Cendrillon

fut bien aise, car elle aurait été

voulu

celh' princesse,

du

le lils

l'oi

en

élail fort

Cendiil-

(pii elle était.

Dieu

vous êtes heu-

(jue

î

voir? Hélas! mademoiselle Javotte. |)rètez-moi

la

Javotte, je suis de cet avis! Prêter Il

nom de

savoir

.\!on

votre habit jaune, que vous mettez tous les jours.

en

le

connaissail pas, que

la

donnerait toute chose au

lon sourit, et leui' dit

reuses

qu'on ne

;

— Vraiment,

un

mademoiselle

dit

(^uceudron conuiie cela!

vilain

bien à ce refus, et elle

s'attendait

grandement embarrassée

si

sa

sœur eût bien

son habit.

deux sœurs furent au

les

bal, et Cendrillon aussi,

mais encore plus

jn'emière fois. Le fds du roi fut toujours auprès d'elle, et ne cessa de

lui

conter des douceurs. La jeune demoiselle ne s'ennuyait point, et oublia ce que sa

marraine

recommandé, de sorte

lui avait

qu'elle entendit sonner le

minuit, lorsqu'elle ne croyait pas qu'il fut encore onze heures fuit aussi

légèrement qu'aurait

traper. Elle laissa

fait

tomber une de

une biche. Le prince

elle

cence, qu'une de ses petites pantoutles,

tomber.

On demanda aux

une princesse mal vêtue,

Quand

:

ils

gardes de

la

lui

pareille

et

de

celle

s'ils

belle

si la

roi l'avait

dame y

qu'assurément

ses petites pantoufles

ramassée, et il

était fort

l'at-

carrosse, sans

qu'elle

avait laissé

n'avaient point vu sortir

deux sœurs revinrent dubal^ Cendrillon leur demanda

tomber une de du

ne put

fille

fort

paysanne que d'une demoiselle.

avait été

;

qu'elle s'était enfuie lorsque minuit avait sonné, et

le fils

il

dirent qu'ils n'avaient vu sortir personne qu'une jeune

encore bien diverties, et

laissé

mais

prince ramassa bien

étant resté de toute sa magnifi-

porte du palais

et qui avait plus l'air d'une

les

la

le

bien essoufllée, sans

méchants habits; rien ne

laquais, et avec ses

que

premier coup de

elle se leva et s'en-

la suivit,

ses j)antoufles de verre,

soigneusement. Cendrillon arriva chez

:

amoureux de

si

de verre,

qu'il n'avait fait la

que

la

si

elles s'étaient

elles lui dirent

promptement plus jolie du

la

regarder tout

que

oui,

mais

qu'elle avait

monde

le reste

;

du

que bal,

personne à qui ap|)artenait

belle

la

petite pantoufle. Elles disaient vrai

;

qu'il épouserait celle

l'essayer

peu de jours après, dont

le

le fils

du

roi

pied serait bien juste à

aux princesses, ensuite aux duchesseset

fit

la

publier, à son de trompe,

pantoufle.

à toute la

On commença

à

cour, mais inutile-


LES CONTES DE PERRAULT

32

On

ment.

porta chez les deux sœurs qui firent tout leur possible pour faire entrer

la

leur pied dans

pantoufle, mais elles ne pin-ent en venir à bout. Cendrillon, qui les

la

regardait^ et qui reconnut sa pantoufle, dit en riant

pas bonne!

Ses sœurs se mirent à rire et à se

»

faisait l'essai

de

fort belle, dit filles.

Il fit

qu'elle

la

que

:

«

Que je voie

moquer

d'elle.

si

elle

ne

pantoufle, ayant regardé attentivement Cendrillon, et cela était très juste, et qu'il avait

me serait

Le gentilhomme qui la

trouvant

ordre de l'essayer à toutes

asseoir Cendrillon, et, approchant la pantoufle de son petit pied, et qu'elle lui était juste

y entrait sans peine,

comme de

il

les

vit

L'étonnement

cire.

des deux sœurs fut grand, mais plus grand encore quand Cendrillon tira de sa poche l'autre petite pantoufle qu'elle mit à son autre pied. Là-dessus, ari-iva la marraine, (pii,

ayant donné un coup de sa baguette sur

encore plus magnifiques que tous Alors les deux sœurs

au

la

reconnurent pour

bal. Elles se jetèrent h ses pieds,

traitements qu'elles

lui

avaient

les habits

de Cendrillon,

pour

lui

fait souffrir.

la

belle

On

la

mena chez

le

bonne que

jeune prince, parée

belle,

fit

il

les priait

comme elle était.

la

cour.

mauvais

dit,

en

les

de l'aimer bien

11 la

trouva encore

l'épousa. Cendrillon, qui était aussi

loger ses deux sœurs au palais, et les maria, dès

deux grands seigneurs de

les

Cendrillon les releva, et leur

plus belle que jamais; et, peu de jours après,

à

devenir

fit

personne qu'elles avaient vue

demander pardon de tous

embrassant, qu'elle leur pardonnait de bon cœur, et qu'elle toujours.

les

les autres.

le

jour

même,


RIQUET

une

L était

M6"L

/^T^

^%\J CP^è::^

s'il

.

en vertu du don

m

nus au

ne

cela consola

monde un

si

un peu

vilain

la

la

Il

Une

est vrai

,,

.

elle

personne

pauvre reine, qui

marmot.

:

que

qu'il

mal

fée,

qui

.

aimable

même

ajouta lui

si

laid et

laisserait pas d'être

venait de

([u'ellc

autant d'esprit qu'il en aurait à

Tout

.

.

aurait beaucoup d'esprit

qu'il

poui'i'ait.

lils si

avait forme humaine.

se ti'ouva à sa naissance, assura qu'il

parce

M'slaJ

une reine qui accoucha d'un

fois

qu'on douta lonii:temps

fait,

HOUPPE

LA

yV

aimerait

qu'il

donner

faire,

mieux.

le

était bien affligée d'avoir

cet enfant

ne commença pas

plus tôt à parler, qu'il disait mille jolies choses, et qu'il avait dans ses actions sais

quoi de

si

spirituel qu'on

en

était

charmé. J'oubliais de dire

avec une petite houppe de cheveux sur à

la

houppe, car Riquet

Au bout de

était le

sept ou huit ans,

la

La première qui vint au monde qu'on appréhenda que qui avait assisté à

modérer

la

joie

la

de

la

la tète,

nom de reine du

rpii lit

royaume

était plus belle

que

le

nomma

voisin accoucha de le

jour;

trop grande joie qu'elle en avait ne

reine, elle lui déclara

qu'on

la

houppe

que celte

la

seconde fdle dont

elle

moments

ne

lliquet

après,

deu\

reine en fut

lui fît

mal. La

lilles.

si

aise,

même fée

était présente, et,

pour

i)elile pi'incesse n'aurait

d'esprit, et qu'elle serait aussi stupide qu'elle était belle. Cela mortifia

reine; mais elle eut, quelques

je

au monde

sa ftimille.

naissance du petit lliquet à

la

ce

qu'il vint

un bien plus grand chagrin,

accoucha se trouva extrêmement

laide. «

Ne vous

pas

beaucoup car

affligez

la

la

pas


LES CONTES DE PERRAULT

34

tant,

Madame,

d'esprit qu'on

lui dit la fée,

votre

fille

sera récompensée d'ailleurs, et elle aura tant

ne s'apercevra presque pas

qu'il lui

manque de

veuille! répondit la reine; mais n'y aurait-il pas

d'esprit à l'ainée, qui est

de

l'esprit, lui dit la fée;

a rien

si

belle?

— Je

moyen de

ne puis rien pour

mais je puis tout du côté de

que je ne veuille pour votre

pouvoir rendre beau ou belle

la

la

lui

beauté.

— Dieu

taire avoir

elle.

plaira.

le

un peu

Madame, du

beauté; et com^ie

côté

il

n'y

donner pour don de

satisfaction, je vais lui

personne qui

la

»

A mesure que ces deux princesses devinrent grandes, leurs perfections crurent aussi

avec

elles, et

cadette.

11

on ne parlait partout que de

enlaidissait à

vue

si

la

lui

demandait, ou

maladroite, qu'elle n'eût

née sans en casser une,

Quoique

la

beauté de l'aînée et de

d'œil, et l'ainée devenait plus stupide

répondait rien à ce qu'on cela

la

que leurs défauts augmentaient beaucoup avec

est vrai

beauté

ni boire

soit

elle

l'esprit

de jour en jour

de

la

La cadette

l'âge. :

ou

elle

ne

répondait une sottise. Elle était avec

pu ranger quatre porcelaines sur

le

bord d'une chemi-

un verre d'eau sans en répandre la moitié sur ses

habits.

d'un grand avantage dans une jeune personne, cependant

cadette l'emportait toujours sur son aînée dans toutes les compagnies. D'abord on

allait

du côté de

la

plus belle pour

la

voir et l'admirer; mais bientôt après on allait


A

lUQl'Kr à celle qui avait le plus d'esprit, était

pour

IIOIPPE

I.A

lui

35

eutendre dire mille choses agréables; et on

étonné qu'en moins d'un (piart d'heure l'ainée n'avait plus personne auprès

d'elle, et

que tout

monde

le

remarqua bien

stupide, le

;

s'était

rangé autour de

la

cadette. L'ainée, qu()i([ue fort

donné sans regret toute

et elle eût

sa beauté

pour avoir

la

moitié de l'esprit de sa sœur. La reine, toute sage qu'elle était, ne put s'empêcher

de

lui

reprocher plusieurs

fois sa bêtise; ce cpii pensîi faire

mourir de douleui; cette

pauvre princesse.

Un jour

qu'elle s'était retirée dans

homme

venir à elle un petit le

jeune prince lliquet à

amoureux le

monde,

le plaisir

un bois

poui' y [)l;undre son

a^ ait quitté le

de

la

malheur,

elle vit

désagréable, mais vêtu très magnifiquement. C'était

houppe, qui, étant devenu

la

d'elle sur ses portraits qui couraient

par tout

royaume de son père pour

voir et de lui parler. Ravi de

ainsi toute seule, la

ioi't

d l'aborda avec tout

le

la

avoir

renconlrer

respect et toute

politesse imaginables. Ayant remarqué, après

avoir

lui

fait les conqjliments ordinaires, ({u'elle était fort mélan-

colique,

lui

il

dit

Je ne comprends pas, Madame,

«

:

conunent une personne aussi belle que vous

l'êtes j)eut

être aussi triste que vous paraissez; car, <pioique je puisse

me

vanter d'avoir vu une infinité de belles personnes, je

puis dire que je n'en plaît à dire,

ai

Monsieur,

reprit Riquct à

hi

jamais vu dont répondit

» lui

de

Il

croit

demeura

là. «

La beauté,

grand avantage, qu'elle doit tenir lieu de

— J'aimerais mieux,

dit la princesse, être aussi laide (jue vous, et avoir

que d'avoir de

la

Ijeauté

n'y a rien, Madame,

en manquer. de

fort bête, et c'est

il

—Je là

est

ne

ferez-vous? dit

princesse.

la

de

sais

comme

j'en

;u',

et être hôte autant

marque davantage qu'on

la

le

J'ai le

a

de

que je

l'esprit,

nature de ce bien-là, que plus on en

pas cehb dit

le

que de a,

plus

princesse; mais je sais que je suis

la

chagrin qui

puis aisément mettre

afflige, je

l'esprit,

(pii

que vient

Madame, qui vous donner de

princesse; et elle

vôtre

la

possède, je ne vois rien qui puisse vous allliger

croire n'en pas avoir; et

on

si

beauté approche de

la

l'esprit,

g^iis,

la

houpi»e, est un

tout le reste; et, (piand on

beaucoup.

la

me

fin à

tue.

Si ce n'est

votre douleur.

pouvoir, Madame, dit Ri([uet à

autant qu'on en saurait avoir, à

la

que

cela.

— Et conunent la

houppe, de

personne que je dois aimer

le


.

LES CONTES DE PERRAULT

36

plus

comme vous êtes, Madame,

et

;

cette personne,

il

ne tiendra qu'à vous que vous

ayez autant d'esprit qu'on peut en avoir, pourvu que vous vouliez bien m'épouser.

La princesse demeura tout interdite et ne i-épondit rien. à la

houppe, que cette proposition vous

je vous

de

fait

en

même temps

»

La princesse avait

cette année ne viendrait jamais; de sorte qu'elle accepta faite. Elle

n'eut pas plus tôt promis à Riquet à

la

houppe

la

facilité

incroyable à dire tout ce qui

fine, aisée et naturelle. Elle

soutenue avec

houppe crut

Quand ment

lui

elle fut

sulut et

si

avoir

tuelles.

Toute

la

un

trouva

d'une manière et la

donné plus d'esprit

lui

elle se

que Riquet à

d'une

elle babilla

qu'il

telle force,

ne s'en était réservé pour lui-même.

cour ne savait que penser d'un change-

la

extraordiuaire; car autant on

auparavant, autant

:

de

lui était

qu'elle l'épouserait dans

lui plaisait, et à le dire

retournée au palais, toute si

d'es-

la fin

commença, dès ce moment, une conversation galante

houppe, où

iiicpict à la

peu

proposition qui

an à pareil jour, qu'elle se sentit tout autre qu'elle n'était auparavant

une

si

grande envie d'en avoir, qu'elle s'imagina que

si

»

Je vois, reprit Riquet

peine, et je ne m'en étonne pas; mais

la

donne un an tout entier pour vous y résoudre.

prit, et

«

lui

avait ouï dire d'impertinences

entendait-on dire de choses bien sensées et infiniment spiri-

cour en eut une joie qui ne se peut imaginer;

il

n'y eut que sa cadette

qui n'en fut pas bien aise, parce que, n'ayant plus sur son aînée l'avantage de l'esprit, elle

ne paraissait plus auprès

Le

roi se conduisait

d'elle

qu'une guenon

par ses avis;

il

allait

fort désagréable

même

quelquefois tenir conseil dans son

appartement. Le bruit de ce changement s'étant répandu, tous

royaumes voisins

firent leurs efforts

dèrent en mariage; mais

elle

pour

si

spirituel et

lui.

Son père,

si

bien

faire aimer, et

fait,

un d'eux. Cependant

qu'elle

en vint un

il

qu'il lui

Elle alla par hasard se

Gomme

deman-

la

si

puissant,

si

bonne volonté

plus on a d'esprit et plus on a de elle

demanda, après avoir

donnât du temps pour y penser.

promener dans

le

même

bois où elle avait trouvé Riquet

houppe, pour rêver plus commodément à ce qu'elle avait à

qu'elle se promenait, rêvant

pieds,

la

s'en étant aperçu, lui dit qu'il la faisait maitresse sur le choix d'un

peine à prendre une ferme résolution sur cette alfaire,

à la

jeunes princes des

ne put s'empêcher d'avoir de

époux, et qu'elle n'avait qu'à se déclarer.

remercié son père,

les

presque tous

n'en trouvait point qui eût assez d'esprit^ et elle les

écoutait tous sans s'engager à pas riche,

pour s'en

profondément,

comme de plusieurs personnes qui

elle

entendit

un

faire.

Dans

le

temps

bruit sourd sous ses

vontet viennentetqui agissent. Ayant prêté


lUQUET A LA HOUPPE que Tuu

roreillc plus altentivcmenl, elle ouït

mite

»

l'autre

;

:

«

Donne-moi cette chaudière

La terre s'ouvrit dans

même

le

cuisine pleine de cuisiniers, de

un

j)()ur faire

temps, et

en

11

:

disait

:

l'autre

:

elle vit

marmitons

festin magnifique.

»

37

Apporte-moi eette mar-

« «

Mets du bois dans ce

feu. »

comme une graude

sous ses pieds

et de toutes sortes d'officiers nécessaires

sortit

une bande de vingt ou trente rôtisseurs,

qui allèrent se camper dans une allée du bois, autour d'une table fort longue, et qui tous, la lardoire à la

main

et la

queue de renard sur

l'oi-eille

',

se mirent à travailler en

cadence, au son d'une chanson harmonieuse.

La princesse, étonnée de ce spectacle, leur demanda ]»our (pii

Madame, pour

lui

répondit

prince lliquet à

le

plus apparent de

le

houppe, dont

la

la

les

ils

travaillaient. « C'est,

bande,

noces hc

feront demain. » La piincesse, encore plus surprise (ju'elle

y

(pi'il

ne

l'avait été, et se

avait

d'épouser

le

un an qu'à

ressouvenant tout à coup

pareil jour elle avait

prince Riquet à

ber de son haut. Ce qui

la

faisait ({u'elle

venait pas, c'est que, ({uand elle elle était bête, et le

prince

lui avait

qu'en prenant

donné,

promis

houppe, pensa tom-

fit

ne s'en sou-

cette promesse,

nouvel esprit que

le

elle avait oublié toutes ses

sottises.

Elle n'eut pas fait trente pas, en continuant sa pro-

menade, que Riquet

à la

brave, magnifique, et

marier. «

j^^^^

ici

pour exécuter

— Je vous avouerai ma

se présenta à elle,

la

le crois,

1.

dit la

sans esprit, je

Les cuisiniers élégants se la

^^^

^^

^

^

ma

parole, et je

ne doute point que

la

princesse,

que je

n'ai la

pas encore

prendre

telle

souhaitez. lui dit

jndre

à tenir

franchement, répondit

— Vous m' étonnez, Madame, — Je princesse, homme

^^

la vôtre.

résolution là-dessus, et que je ne crois pas pouvoir jamais

que vous

un

^^^^

^

prince qui va se

Vous me voyez. Madame, exact

vous ne veniez

pris

houppe

comme un

queue.

On

voit encore,

me

et

Riquet à

la

houppe.

assurément,

si

j'avais affaire à

trouverais bien embarrassée.

dans leur négligé de travail, de dans certaines provinces, des chasseurs

coiffaient,

la

Une

un

peau de quelque animal, dont

coiffés ainsi.

brutal, à

princesse n'a que sa


.

LES CONTES DE PERRAULT

38

me dirait-il, et comme celui à qui

parole,

mais

il

faut je

parle est

l'homme du monde qui

je

l'avez

promis;

plus d'esprit, je

me résoudre à vous épouser comment voulez-vous qu'ayant l'esm'avez donné, qui me rend encore plus difficile en gens que je n'étais,

pouvais néanmoins

que vous

a le

entendra raison. Vous savez que, quand je n'étais qu'une bête, je ne

suis sûre qu'il

prit

me

que vous m'épousiez, puisque vous

:

prenne aujourd'lnii une résolution que je

n'ai

pu prendre dans ce temps-là?

vous pensiez tout de bon à m'épouser, vous avez eu grand tort de m'oter

ma

Si

bêtise

me faire voir plus clair que je ne voyais un homme sans esprit, répondit Riquet à la houppe, devait être bien reçu, comme vous \enez de le dire, à vous reprocher voti'e manque de parole, pourquoi voulez-vous. Madame, que je n'en use pas de même dans une chose où y va de tout le bonheur de ma vie? Est-il raisonnable que les personnes qui ont de l'esprit soient d'une et de

Si

il

pire condition

avez tant, et

A la

que ceux qui n'en ont pas? Le pouvez-vous prétendre, vous qui en avez tant souhaité d'en avoir? Mais venons au

([ui

fait, s'il

vous

plait.

ma laideur^ y a-t-il quelque chose en moi cpii vous déplaise. Êtes- vous mal contente de ma naissance, de mon esprit, de mon humeur et de mes manières? — Nullement, répondit la princesse; j'aime en vous tout ce que vous venez de me réserve de

dire.

Si cela est ainsi, reprit Iliquet à la

vous pouvez

me

rendre

le

faire? lui dit la princesse.

— Cela

m'aimez assez pour souhaiter que pas, sachez

que

la

rendre spirituelle

même la

houppe, je vais être heureux, puisque

hommes.

plus aimable des

cela soit; et afin.

fée (pii, au jour

persoiuie qui

— Comment

cela se peut-il

se fera, répondit Riquet à la houppe,

me

de

ma

plairait,

si

vous

Madame, que vous n'en doutiez

naissance,

me

vous a aussi

lit

le

fait le

don de pouvoir don de pouvoir

rendre beau celui que vous aimerez, et à qui vous voudrez bien taire cette faveur.

Si la

deveniez

chose en est

le

prince du

ainsi, dit la princesse, je

monde

le

souhaite de tout

mon cœur que vous

plus aimable, et je vous en fais le don autant qu'il

est en moi. »

La princesse n'eut pas plus à ses

tôt

yeux l'homme du monde

le

prononcé ces paroles, que Riquet à plus l)eau, le

mieux

eût jamais vu. Quelques-uns assurent que ce ne furent point qui opérèrent, mais que l'amour seul cesse,

ayant

fait

fit

cette

métamorphose.

la

houppe parut

plus aimable qu'elle

fait et le

les Ils

charmes de disent que

la

la fée

prin-

cette réflexion sur la persévérance de son amant, sur sa discrétion et

sur toutes les bonnes qualités de son

ame et de son

esprit,

ne vit

[)lus la

dilformité de


RIOUET A LA HOUPPE hiidcur de sou visage; ([ue sa bosse ne

SOU corps ni

la

(runliomme

(pii l'ait le

elïVoyablement^

elle

ne

39 lui

seml)la plus (pic le

^ros dos, et qu'au lieu (pic jus(pralors elle lui

trouva plus (ju'un certain air penche

l'avait

(pii la

bon

air

vu boiter

charmait.

Ils

disent encore ([ue ses yeux, (|ui étaient louches, ne lui eu parurent ([ue plus brillants; (|ue leur dcu-èglement passa

dans son esprit pour

d'amour; et qu'enfin son gros nez rouge eut pour

la

niarcpie d'un violent excès

elle

quehjuc chose de martial et

d'hcM'OÏque.

Quoi

(pi"

en obtint

il

le

en

soitj la princesse lui

consentement du

coup d'estime pour Riquet

roi

à la

promit sur-le-champ de répouser, pourvu

son père. Le roi ayant su que sa

houppe,

qu'il connaissait d'ailleurs

très spirituel et très sage, le reçut avec plaisir les

noces furent faites ainsi que Riquet à

qu'il

la

l'avait

ndji,

dans l'air

Tout est beau dans Tout ce qu'on aime

cet écrit

que

ce

que

la

vérité

même.

l'on aime,

a de l'esprit.

le

lendemain,

prévu, et selon les ordres

MORALITE Ce que l'un

avait beau-

pour un prince

pour son gendre. Dès

houppe

en avait donnés longtemps auparavant.

Est moins un conte en

fille

cpi'il


LE PETIT POUCET

L était

une

fois

un

une bûcheronne qui avaient sept

l)ùclieron et

que dix ans, et

enAints, tous garçons; Taînc n'avait

n'en avait

que

d'enfants en

si

faisait

le

n'était

bonté de son esprit.

la

guère plus grand que

Ce pauvre enfant tort.

Cependant

peu,

il

Il

il

le

Il

pouce, ce qui

était le souffre-douleur

était

le-

plus fin et

le

sa

fît

de

eu tant

allait vite

la fois.

Ce qui

les chagrinait encore, c'est

mot prenant pour

bêtise ce qui était

;

quand

qu'on l'appela la

femme

il

vint au

le petil

maison, et on

lui

monde,

i!

Poucet.

donnait toujours

plus avisé de tous ses frères, et,

s'il

parlait

écoutait beaucoup.

une année

vint

le

que

plus jeune ait

incommodaient beaucoup, parce

était fort petit, et,

bûcheron

douleur les voir

:

«

Tu

si

grande, que ces pauvres gens

que

ces enfants étaient couchés, et

très fâcheuse, et la famine fut

résolurent de se défaire de leurs enfants.

que

vie.

plus jeune était fort délicat et ne disait

une marque de

c'est

pas moins de deux à

étaient fort pauvres, et leurs sept enfants les

qu'aucun d'eux ne pouvait encore gagner sa

que

le

s'étonnera que le bûcheron

peu de temps; mais

en besogne, et n'en Ils

On

sept.

était

vois bien

Un

soir

auprès du feu avec sa femme,

il

lui dit,

cœur serré de ;

mourir de faim devant mes yeux, et je suis résolu de

demain au

le

que nous ne pouvons plus nourrir nos enfants je ne saurais

bois, ce qui sera bien aisé

;

car, tandis qu'ils

n'avons qu'à nous enfuir sans qu'ils nous voient.

les

mener perdre

s'amuseront h fagoter, nous

Ah!

s'écria la

bûcheronne.


Garnier frères

Edite



PETIT POUCET

Li:

bien (oi-meino inoner pcixlrc tes onfnnls?

poiirrais-tii

représenter leur grande pauvreté,

lui

ne

elle

Son

»

mai'i avait l)oaii

y consentir;

i)()uvait

elle

était

pauvre, mais elle était leur mère.

Cependant, ayant considéré faim, elle

Le

Poucet ouït tout ce

petit

qu'ils parlaient d'affaires,

de son

jjère, i)Our les

reste de

({uelle

douleur ce

la nuit,

dirent, car. a>ant entendu

rpi'ils

levé

s'était

il

doucement

écouler sans étie vu.

songeant

bord d'un ruisseau, où

il

alla se

Il

à ce qu'il avait à faire.

mourir de

Il

d.e

dans son

lit

et s'était glissé sous l'escabelle

recoucher et ne dormit point du se leva de

bon malin,

et alla an

remplit ses poches de petits

cailloux blancs, et ensuite revint à la maison. et le petit

serait de les voir

lui

consentit, et alla se coucher en pleunuil.

y

On

partit,

Poucet ne découvrit rien de tout ce

qu'il

savait à ses frères. allèrent dans

Ils

une

forêt fort épaisse, où, à dix

pas de distance, on ne se voyait pas l'un l'autre.

Le bûcheron se mit à couper du ramasser

à

Le père et

les la

mère,

les

bois, et ses enfants

pour

broutilles

faire

des

voyant occupés à

fagots.

travailler,

s'éloignèrent d'eux insensiblement, et puis s'enfuirent ° I

,^

I

tout à coup par

un

Lorsque ces enfants sévirent force. car,

Le

seuls,

ils

il

avait laissé tomber le long

avait dans ses poches.

Il

leur dit donc

:

«Ne

du chemin

suivirent, et

il

les

mena

étaient ^enus dans la foret.

contre

Dans

Ils

il

ils

y

:

..„,

|„.;v..

la

maison,

frères;

mon pèreet ma

suivez-moi seulement.

jusqu'à leur maison par

le

même chemin

n'osèrent d'abord entrer, mais

ils

»

qu'ils

se mirent tous

porte, pour écouter ce que disaient leur père et leur mère.

la

le

moment que

le

bûcheron

et

la

bûcheronne arrivèrent chez eux,

n'espéraient plus rien. Cela leur redonna

mouraient de faim. Le bûcheron envoya sur l'heure il

reviendrait à

mes

logis

seigneur du village leur envoya dix écus, qu'il leur devait

dont

.].

les petits cailloux blancs qu'il

craignez point,

mère nous ont laissés ici, mais je vous ramènerai bien au Ils le

.,]..']].

se mirent à crier et à pleurer de toute leur

petit Poucet les laissait crier, sachant bien par où

en marchant,

!

petit sentier détourné.

avait longtemps qu'ils n'avaient

mangé,

elle

sa

la

il

y

le

avait longtemps, et

vie. car les

pauvres gens

femme à la boucherie. Comme

achela trois fois plus de viande qu'il


LES CONTES DE PERRAULT

42

n'en

pour

fallait

bûcheronne dit:

souper de deux personnes. Lorsqu'ils furent rassasiés,

le

Hélas! où sont maintenant nos pauvres enfants?

«

bonne chère de ce qui nous reste

Mais aussi, Guillaume, c'est

là.

perdre; j'avais bien dit que nous nous en repentirions. Que

mon

cette forêt? Hélas!

Le bûcheron s'impatienta

à la fin

que

mais

bûcheron ne

le

c'est qu'elle lui

gens qui aiment fort

rompait

W

la tête,

ont toujours bien

celles qui

La bûcheronne

était tout

mes pauvres enfants?

»

la

menaça de

aise

et qu'il était de

son

fils

Ils

taisait.

Thumeur de beaucoup

d'autres

que

dit.

«

:

une

Hélas! où sont maintenant

fois si

te voilà crotté! viens

que tous

mes

enfants,

haut, que les enfants, qui élaient à :

«

Nous

voilà,

porte, et leur dit en les embrassant

la

aîné, qu'elle aimait plus

que je

las,

«

:

vous avez

Que je

l)ien

la !

»

suis

faim

Ce Pierrot

te débarbouille. »

les autres,

nous voilà

;

et

était

parce qu'il était un peu rousseau,

un peu rousse.

et qu'elle était

se mirent à table, et

mère, à qui

ne se

femme;

de vous revoir, mes chers enfants! Vous êtes bien

comme

elle

si

sa

porte, l'ayant entendue, se mirent à crier tous ensemble

toi, Pierrot,

es

disent bien, mais qui trouvent très importunes

en pleurs

Elle le dit

Elle courut vite leur ouvrir

battre

la

fût peut-être encore plus fâché

femmes qui

les

Tu

»

î

car elle redit plus de vingt fois qu'il s'en

;

repentirait, et qu'elle l'avait bien dit. n'est pas

maintenant dans

Dieu, les loups les ont peut-être déjà mangés!

bien inhumain d'avoir perdu ainsi tes enfants

Ce

qui les as voulu

toi

font-ils

la

feraient

Ils

ils

mangèrent d'un appétit qui

racontaient

la

peur

faisait plaisir

eue dans

qu'ils avaient

la

au })ère et à

forêt,

la

en parlant

presque tous ensemble. Ces bonnes gens étaient ravis de revoir leurs enfants avec eux, et cette joie dura tant que les dix écus durèrent. Mais, lorsque l'argent fut

dépensé,

encore;

première Ils

retombèrent dans leur premier chagrin,

ils

et,

pour ne pas manquer

le

coup, de

les

et résolurent

mener bien

de

les

perdre

plus loin que

la

fois.

ne purent parler de cela

Poucet, qui

fit

se fût levé de

grand matin pour

à bout, car

trouva

il

faire, lorsque, la

leur dt^'euner,

secrètement

si

qu'ils

son compte de sortir d'affaire connne

il

la

aller

porte de

la

(ju'il

il

avait déjà

à

à double tour.

il

le petit

mais, quoiqu'il

fiiit;

ramasser des petits cailloux,

maison fermée

bûcheronne leur ayant donné songea

ne fussent entendus par

ne put en venir 11

ne savait que

chacun un morceau de pain pour

pourrait se servir de son pain au lieu de cailloux, en


LE

POUCET

PETIT

jelanl par iiiiolles lo long des cheniins où

le

ils

43

passaient:

serra donc dans

le

il

sa poche.

Le père ol)sciir;

Le

mère

et la

et,

dès

les nienèi-ent

(pi'ils

y

fiiivnl,

ils

dans rendroil de

petit Poucet ne s'en chagrina pas heaucoup. parce

son diemin, par

mais

bien sui'pris

fut

il

moyen de

le

la l'orèt le [)lus éj)ais

gagnèrent un faux fuyant, et (pi'il

croyait retrouver aisément

son pain, qu'il avait semé parlout où

lorscju'il

et le plus

les laissèrent là.

il

avait passé;

ne put en retrouver une seule miette

les

:

oiseaux étaient venus, qui avaient tout mang(''.

Les voilà donc bien raient.

alïïigés

La nuit vint, et

il

;

car plus

s'éleva

tables. Ils croyaient ii'enlendre

ils

s'enloncaienl dans

un grand vent qui leur

foret, plus

la

faisait

s'éga-

ils

des peurs épouvan-

de tous

côtés que des liurlements de loups qui ve-

naient à eux pour les manger.

Ils

presque se parler, ni tourner survint une grosse pluie

jusqu'aux os

;

ils

qui les perça

glissaient à

tombaient dans

boue,

la

n'osaient

la tête. Il

chaque pas, d'où

se

ils

relevaient tout crottés, ne sachant que faire

Le

de leurs mains. petit

Poucet grimpa au haut d'un

arbre, pour voir petite lueur

s'il

comme

ne découvrirait rien

:

tournant

la

tète de tous côtés,

d'une chandelle, mais qui était bien loin par delà

cendit de l'arbre, et, lorsqu'il fut à terre,

il

ne vit plus rien

Cependant, ayant marché quelque temps avec ses frères, du côté lumière, Ils

il

la

revit en sortant

arrivèrent enfin à

car souvent

ils la

maison où

demanda

Ils

heurtèrent à

Cette femme, les voyant tous

mange

une des-

cela le désola. qu'il avait

vu

la

bois. était cette chandelle,

la

non sans bien des frayeurs

:

une bonne femme vint leur ouvrir.

porte, et

si

la foret,

jolis^ se

et qui

enfants?

Ilélasî

demandaient

mit à pleurer et leur dit

où êtes- vous venus! Savez-vous bien

les petits

Il

ce qu'ils voulaient. Le petit Poucet lui dit qu'ils étaient de pauvres

enfants qui s'étaient perdus dans

enfants,

vit

perdaient de vue, ce qui leur arrivait ton tes les fois qu'ils descendaient

dans quelque fond. Llle leur

la

du

:

il

la foret.

madame,

lui

([ue c'est

ici

la

à coucher par charité. :

«

Hélas

î

mes pauvres

maison d'un ogre qui

répondit lepetit Poucet, qui trend)lait


LES CONTES DE PERRAULT

44

de toute

sa force aussi bien

loups de

la

forêt

nous retirer cbez vous;

La femme de

y

sous

la

le lit et alla

on avait mais

il

tiré

ne

du

porte

ouvrir

la

11

Ahî

sais à

il

tient

Il

me

les tira

genoux en

donc

alla

monsieur qui »

me

le

— Je sens

si

comme

le

femme

cacher

les fit

souper était prêt et

était

si

encore tout sanglant,

ce soit ce veau, (]ue je viens

chair fraîche, te dis-je encore une fois,

travers

;

il

y

a

ici

quelque chose que je n'en-

se leva de table et alla droit au

il

feu,

droite et à gauche, disant qu'il

femme, que

la

bon

souper de logre.

tu veux :

me

lit.

tromper, maudite femme! Je ne

bien t'en prend d'être une vieille bête.

vient à propos, pour traiter trois ogres de

mes amis

qui

venir voir ces jours-ci. »

de dessous

lui

que ce seraient Il

flairait à

Il

femme de

le lit l'un

demandant pardon

ogres, qui, bien loin d'avoir de là

;

après l'autre. Ces pauvres enfants se mirent à

mais

la pitié, les

ils

avaient affaire au plus cruel de tous les

dévorait déjà des yeux, et disait à sa

de friands morceaux, lorsqu'elle leur aurait

prendre un grand couteau

l'aiguisait

les

entendirent heurter trois ou quatre

mit à table. Le mouton

que je ne te mange aussi

Voilà du gibier qui

doivent

se

disant ces mots,

dit-il, voiià

quoi

il

faut, lui dit sa

reprit l'ogre en regardant sa

«

soit

se chauffer auprès d'un

broche pour

demanda d'abord

porte. L'ogre

vin, et aussitôt

En

la

à se réchauffer, ils

diiabiller^ que vous sentiez.

»

que

vous ne voulez pas

vous voulez bien Ten prier.

c'était l'ogre qui revenait. Aussitôt sa

;

sentait la chair fraîche. «

tends pas.

entier à

en sembla que meilleur.

lui

si

mena

les laissa entrer, et les

Comme ils commençaient grands coups à

esl bien sur si

qui crut qu'elle pourrait les cacher à son mari jusqu'au

un mouton tout

avait

Il

nous aimons mieux que ce

aura pitié de nous,

qu'il

l'ogre,

lendemain matin, il

que ferons-nous?

ses frères,

et, cela étant,

nous mange; peut-être

car

que

ne manqueront pas de nous manger cette nuit,

;

et,

fait

en approchant de ces pauvres enfants,

sur une longue pierre, qu'il tenait à sa main gauche.

empoigné un, lorsque

sa

femme

lui dit

:

«

Que voulez-vous

N'aurez-vous pas assez de temps demain? plus mortifiés.

— Tais-toi,

bien à souper, afin

reprit sa

il

en avait déjà

Lheure ils

qu'il est?

en seront

femme

voilà

:

un

as raison, dit l'ogre, donne-leur

et la

cju'ils

faire à

Il

reprit l'ogre,

— Mais vous avez encore tant de viande, moitié d'un cochon. — Tu

veau, deux moutons

femme

une bonne sauce.

ne maigrissent pas, et va

1. Terme de cuisine, qui signilie préparer les viandes pour pour préparer au jeu de mots qu'on verra plus tard.

les

les

accommoder en

mener coucher. ragoût.

Ce terme

est

»

employé

ici


LE PETIT

La bonne femme manger, tant de

(juoi si

ce qui

lui

ils

fut ravie

de

POUCET

joie, et leur

porta

étaient saisis de peur. Pour Togre.

bien régaler ses amis.

donna un peu dans

L'ogre avait sept

filles,

Il

45

l)ien à il

souper; mais

ils

ne purent

se remit à boire, ravi d'avoir

but une douzaine de coups de plus qu'à l'ordinaire;

la tète, et ro])ligea

de

s'aller

courber.

qui n'étaient encore que des enfants. Ces petites ogresses

loii!,'uc pit

avaient toutes le teint fort beau, parce qu'elles mangeaient de leur père; mais

elles avaient

de

petits

yeux

la

chair fraîche,

comme

gris et tout ronds, le nez crochu, et

une

l'une de fort grande bouche, avec de longues dents fort aiguës et fort éloignées beaucoup, promettaient elles mais méchantes; fort encore pas l'autre. Elles n'étaient

car elles mordaient déjà les petits enfiuits pour en sucer le sang.


LES CONTES DE PERRAULT

46

On

les avait fait

grand

lit,

coucher de bonne heure, et

chambre un autre lit de mit coucher

même grandeur

la

y avait dans la ce fut dans ce, lit que la femme de

:

la tête.

Il

Le petit Poucet, qui avait remarqué que

même,

pas égorgés dès

le soir

de ses frères et

le sien,

sienne, afin

il

de l'ogre avaient des couronnes

les fdles

tout doucement les mettre sur

alla

que l'ogre

couronnes d'or,

les prît

voulait égorger. La chose réussit

sur

le

veille.

se jeta donc

Il

pour

qu'il

la

comme

l'avait

il

tête de ses frères et

pour

les

garçons

qu'il

pensé; car l'ogre, s'étant éveillé

et prenant son

lit,

chambre de

ses

garçons qui dormaient tous, excepté

un

main de

bel ouvrage

de ses

filles,

;

comme :

«

les petits

balancer, la gorge à ses sept

filles.

il

fois. »

où étaient

dit-il, j'allais

soir. »

bonnets des garçons

En

la

Allons

avait tàté celle de

Vraiment,

je vois bien que je bus trop hier au

où ayant senti

lit

«

:

Poucet, qui eut bien peur

le petit

l'ogre qui lui tâtait la tête,

nos gaillards; travaillons hardiment. »

dit-il,

deux

du

et s'approcha

filles,

tous ses frères. L'ogre, qui sentit les couronnes d'or faire là

grand couteau

se portent nos petits drôles; n'en faisons pas à

à tâtons à la

lorsqu'il sentit la

lit

les avoir

tête des sept fdles de

la

mit sur

ses filles, et ses filles

brusquement hors du

comment

monta donc

les petits

au

remords de ne

minuit, eut regret d'avoir différé au lendemain ce qu'il pouvait exécuter

voir, dit-il, Il

l'ogre

se leva vers le milieu de la nuit, et, prenant les bonnets

l'ogre, après leur avoir ôté leurs la

même

garçons; après quoi elle alla se coucher auprès de son mari.

les sept

d'or sur la tête, et qui craignait qu'il ne prît à l'ogre quelque

sur

dans nn

elles étaient tontes sept

ayant chacune une couronne d'or sur

:

Il

disant ces mots,

alla

Ah

«

il

î

ensuite

les voilà,

coupa, sans

Fort content de cette expédition,

il

alla se

recoucher auprès de sa femme. Aussitôt que dit

le petit

Poucet entendit ronfler l'ogre,

de s'habiller promptement et de

le suivre. Ils

jardin, et sautèrent par-dessus les murailles.

toujours en tremblant, et sans savoir où

L'ogre s'étant éveillé dit à sa

femme

:

«

ils

Ils

il

réveilla ses frères, et leur

descendirent doucement dans

coururent presque toute

la

le

nuit,

allaient.

Va-t'en là-haut habiller ces petits drôles

d'hier soir. » L'ogresse fut fort étonnée de la bonté de son mari, ne se doutant point

de

la

manière

qu'il

les aller vêtir. Elle

ses sept Elle

filles

entendait qu'elle les habillât, et croyant qu'il

monta en haut, où

elle fut

lui

ordonnait de

bien épouvantée, lorsqu'elle aperçut

égorgées et nageant dans leur sang...

commença par

s'évanouir (car c'est le premier expédient que trouvent presque


lAi

femmes en

toutes les

trop longtemps à

POUCET

PEin;

47

femme ne

fût

chargée, monta en haul pour

lui

pareilles rencontres). L'ogre, craignant

besogne dont

l'aire la

l'avait

il

que

sa

aider. Il

ne fut pas moins étonne que sa fenune,

lors(pi'il

«

Ahî

payeront,

qu'ai-je

à l'heure Il

les

malheureux,

le

nez de sa femme; et l'aNanl

Donne-moi .

et tout

lait

re-

mes

vite

hottes de sept lieues, lui

alin (|ue j'aille les at-

dit-il,

»

campagne;

et,

après avoir couru de tous côtés, enlin

chemin où marchaient

les

pauvres enfants, qui

Il

se mit en

du

-n'étaient plus (ju'à cent pas

de leur père.

logis

il

entra dans

-s^

^

montagne en mon-

virent l'ogre qui allait de

Ils

vit cet atîreux si)ectacle.

:

traper

le

le

»

jeta aussitôt une potée d'eau dans

venir «

î

me

là? s'écria-l-il. Ils

l'ail

tagne, et qui traversait des rivières aussi aisément

du moindre ruisseau.

qu'il aurait fait

Le

lieu

le

s'y

un rocher creux proche

petit Poucet, qui vit

ils

étaient,

y

lit

cacher ses frères, et

fourra aussi, regardant toujours ce que l'ogre

deviendrait.

L'ogi'e.

se

([ui

long chemin qu'il avait

fait

trouvait fort

inutilement

bottes de sept lieues fatiguent fort leur il

las

du

(car

les

upan

homme), voulut

se reposer; et, par hasard,

s'asseoir sur la roche oii les petits garçons s'étaient cachés.

alla

Comme

il

n'en pouvait plus de fatigue,

temps, et vint à ronfler

moins de peur

(pie

il

s'endormit, après s'être reposé quelque

effroyablement, que

si

([uand

il

tenait

les

pauvres enfants n'eurent pas

son grand couteau

[)our

leur

couper

la

gorge.

Le

ment

à la

et dit à ses frères

maison pendant que Togre dormait bien

point en peine de

Le

moins de peur,

petit Poucet en eut

lui.

Ils

fort, et

qu'ils

crurent son conseil, et gagnèrent vite

petit Poucet, s'étant

approché de

l'ogre, lui lira

la

doucement

mit aussitôt. Les bottes étaient fort grandes et fort larges fées, elles avaient le

de s'enfuir prompte-

;

mais,

don de s'agrandir et de s'apetisser selon

la

ne se missent maison. ses bottes et les

comme elles

jambe de

étaient

celui qui les


LES CONTES DE PERRAULT

48

chaussait

de sorte qu'elles se trouvèrent aussi justes à ses jambes que

;

été faites pour

alla droit à la

Il

maison de

ses fdles égorgées. « a été pris par

il

dire de ils

me

elles

eussent

moment

le

femme

donner tout ce

le

tuer

La bonne femme,

que voilà, pour

poignard sur

la

de vous

est, et

il

en rien retenir, parce qu'autrement

chose presse beaucoup,

la

ne croyiez pas que je suis un affronteur,

l'état

il

ne leur donne tout

s'il

qu'ils lui tenaient le

qu'il a vaillant, sans

Comme

qui pleurait, auprès de

Poucet, est en grand danger, car

m'a aperçu, et m'a prié de vous venir avertir de

prisse ses bottes de sept lieues

ogre ne

trouva sa

il

lui dit le petit

une troupe de voleurs, qui ont juré de

tueront sans miséricorde.

le

l'ogre,

Votre mari,

son or et tout son argent. Dans gorge,

si

lui.

a voulu

il

faire diligence, et aussi afin

que je

que vous

»

donna aussitôt tout ce qu'elle avait; car cet

fort effrayée, lui

pas d'être fort bon mari, quoiqu'il mangeât les petits enfants. Le

laissait

petit Poucet, étant chargé de toutes les richesses de l'ogre, s'en revint au logis de

son père, où Il

y

fut reçu avec bien

il

a bien des

de

la joie.

gens qui ne demeurent pas d'accord sur cette dernière circonstance,

et qui prétendent cpie le petit Poucet n'a jamais fait ce vol à l'ogi'e; qu'à la vérité n'avait pas fait conscience de lui

que pour courir après et

même

lorsque

prendre ses boites de sept

les petits enfants.

Ces gens-là assurent

pour avoir bu et mangé dans

le petit

Poucet eut chaussé

les

bottes de l'ogre,

succès d'une bataille qu'on avait donnée.

que,

Le

s'il le

roi lui

souhaitait,

il

lui

promit une grosse

il

était à

il

alla, disent-ils,

Il

somme le soir

d'argent

même;

gagnait tout ce qu'il voulait

:

s'il

et,

en venait

se trouvait quelques elles le

payaient

si

femmes

fait

trouver

à bout.

de

là,

où et

il

du

le roi, et lui dit la fin

Le

du jour.

petit

Poucet

lui là

donnaient tout ce

qu'il

son plus grand gain.

qui le chargeaient de lettres pour leurs maris;

mal, et cela

mettre en ligne de compte ce

Après avoir

lieues

car le roi le payait parfaitement pour

voulait pour avoir des nouvelles de leurs amants, et ce fut Il

îissurent que,

cette première course l'ayant fait

porter ses ordres à l'armée, et une infinité de dames

mais

Ils

s'en alla à la cour,

deux cents

il

ne se servait

il

de bonne part,

le savoir

apporteiait des nouvelles de l'armée avant

rapporta des nouvelles dès connaître,

dont

maison du bûcheron.

la

armée qui

savait qu'on était fort en peine d'une

lieues,

qu'il

allait à si

peu de chose,

qu'il

ne daignait pas

gagnait de ce côté-là.

pendant quelque temps

le

métier de courrier, et y avoir amassé


i.i-:

beaucoup de bien, (pron eut de

il

revinl

le revoir. Il

porc ET

l'KTiT

son père, où

('liez

l'aise. Il aclieta

création pour son père et ses frères; et par là

bien sa cour en

même

n'est pas possi!)lo dimagiiier

il

mil loule sa famille à

19

il

les établit tous, et

temps.

MOHAI.ITK

On ne

s'afflige

Quand

ils

point d'avuir ijeaiicoiip crnifanls,

sont tous beaux,

Et d'un extérieur qui

Mais

On

si

le

l'un d'eux est faible,

méprise, on

faits et liien

Iticn

l)rille;

le raille,

on ne on

Quebiuefois cependant c'est ce petit

Qui fera

le

bonheur de toute

dit

le pille

mot, :

marmot

la famille

la

joie

des offices de nouvelle

grands

lit

parfaitement


L'ADROITE PRINCESSE LES AVENTURES DE FINETTE

i

temps des premières croisades, un

de TEurope se résolut

bon ordre aux ministre

si

plus ce prince, c'était

le

je sais seulement que,

loui; il

royaume

sais quel

inlidèles,

voyage,

il

dans

mil un

conlia la réju;ence à

la si

un

habile qu'il fut en repos de ce côté-là. Ce qui inquiétait soin de sa famille. lui avait

Il

avait

comme, en

ces

perdu

la

reine son épouse

point laissé de fds, mais

Ma chronique ne m'a

detroisjeunes princesses à marier. ;

si

de son royaume, et

alTaires

depuis assez peu de temps: elle ne

nom

de je ne

guerre aux

Avant que d'entreprendre un

Palestine.

le

roi

d'aller faire la

il

se voyait père

point appris leur véritable

temps heureux,

la

simplicité des peuples

donnait sans façon des surnoms aux personnes éminentes. suivant leurs bonnes qualités ou leurs défauts, on avait

ce qui signifie indolente en style

Finette

:

noms

.lamais

on

n'a rien

sa coiffure

la

l'aînée

de ces [w'mca^ses^ N(mc/talanfe,

seconde, Babillardc

:

et la troisième.

qui avaient tous un juste rapport aux caractères de ces trois sœurs.

vu de

si

indolent qu'était Nonchalante. Tous les jours elle n'était

pas éveillée à une heure après midi lit,

surnommé

moderne;

:

on

la traînait à l'église telle qu'elle sortait

de son

en désordre, sa robe détachée, point de ceinture, et souvent une mule

d'une façon et une de l'autre.

On corrigeait cette différence durant la journée

ne pouvait résoudre cette princesse à être jamais autrement qu'en mules;

une fatigue insupportaiile

à

;

mais on

elle trouvait

mettre des souliers. Quand Nonchalante avait dîné, elle


i;

ADliOl

l'UlNCESSI-:

11'

se mellail à sa loilello. où elle élail jusqu "au soir leinps.

à

jiis(|ii"à

miiiuil, à jouer c( à

([uon avait été à rhabiller

la th'sliahiller

grand

se coucher qu'au

Bahillarde

Celte princesse était fort vive,

vie.

n'employait (pie peu de temps pour sa j)ersonne; mais si

ne

étrange que, depuis qu'elle lui

de son

longLenips

était pres(jue aussi

ne pouvait jamais parvenir à aller

elle

:

clic cinpIoxaiL le resle

jour.

une autre sorte de

menait

:

souper; ensuite on

elle avait

était éveillée jusqu'à ce <prelle

IVit

et

une envie de parler endormie,

la

houche

fermait pas. Elle savait l'histoire des mauvais ménages, des liaisons tendres.

des galanteries, non seulement de toute

mais des

plus

registre de

bourgeois.

petits

femmes

toutes les

cour

la

Elle

([ui

tenait

exerçaient

certaines rapines dans leur domesticjue, pour se

donner une parure plus éclatante,

mée précisément de la

comtesse une

marquis un

tel.

et était infor-

ce que gagnait

telle,

la

Pour être instruite de toutes cc^

petites choses, elle écoutait sa

couturière avec

de

j)lus

nourrice et

de ces belles histoires depuis

pourvu

({u'elle parlât, elle

s;i

(prdle n'aurait

plaisir

écouté un ambassadeur, et ensuite dissait

suivante de

et le maitre d'hôtel du

elle étourle roi

son père jusqu'à ses valets de pied; car.

ne se souciait pas à qui.

La démangeaison de parler produisit encore un autre mauvais princesse. Malgré son rang,

blondins de

la

cour de

lui

ses

airs

trop

fiuuiliers

donnèrent

effet

chez cette

la liardiesse

aux

débiter des douceurs. Elle écouta leurs fleurettes sans

façonpouravoir

le plaisir

de leur répondre; car à quehfue prix (|ue ce

que du matin au

soir, elle

écoutât ou caquetât. Babillarde, non plus que Nonchalante,

ne s'occupait jamais sait aussi

ni à penser, ni à faire

peu d'aucun soin domestique,

aucune

ni des

réflexion, ni à lire

;

fût,

elle

il

fallait

s'embarras-

amusements que produisent

l'aiguille

et le fuseau. Enfin ces deux sœurs, dans une éternelle oisiveté, ue faisaient jamais

agir ni leur esprit ni leurs mains.

La sœur cadette de ces deux princesses sait elle

incessamment de

l'esprit et

s'appliquait à en faire

de

sa

était d'un caractère bien différent. Elle agis-

personne

un bon usage.

;

elle avait

une vivacité surprenante,

et

Elle savait parfaitement bien danser,


DE PERRAULT

LES CONTES

r,^2

chanter, jouer des inslriimeiils petits travaux

de

main

la

l'ordre et la règle dans la officiers

(|ui

ils

une adresse atlmirable

réussissait avec

maison du

car dès ce temps-là,

;

;

amusent d'ordinaire

empochait, par ses soins,

roi, et

de voler

se mêlaient

à tous les

personnes de son sexe, mettait

les

les pilleries

des

les princes.

Ses talents ne se bornaient pas là; elle avait beaucoup de jugement, et une pré-

sence d'esprit

si

de toutes sortes

merveilleuse qu'elle trouvait sur-le-champ des

un piège dangereux qu'un ambassadeur de mauvaise dans un traité que

ambassadeur dans

et

de son maître,

changea

le roi

lui avait inspirés sa

fille,

il

avait

foi

de signer.

ce prince était tout près

termes que

les

moyens pour

jeune princesse avait découvert, par

d'affaires. Cette

du

l'article

trompa

tendu au

Pour punir

la

roi

son père

perfidie de cet

mettant

traité; et, en le

à son tour le

sortir

sa pénétration,

trompeur même.

La jeune princesse découvrit encore un tour de fourberie qu'un ministre voulait jouer au cet

roi

homme-là

marques de lui

donna

le

un

si

faisait

qu'elle,

autres

de

\]

et,

par

donna

le conseil qu'elle

nom

de Finette. Le

retomber

l'infidélité

filles qu'il

;

mais

il

s'il

de

il

le

(pie ses autres filles

peuple ;

et

il

n'avait point eu d'autre enfant

se défiait autant de la conduite de ses

se reposait sur celle de Finette. Ainsi,

comme

en donna tant que

beaucoup plus

roi l'aimait

grand fond sur son bon sens que,

sa famille,

fit

il

sa pénétration et de sa finesse d'esprit; elle

serait parti sans inquiétude

il

à son père,

sur lui-même. La princesse donna, dans plusieurs autres occasions, des

pour être sur des démarches

se croyait sur de celle de ses sujets,

il

prit les

mesures que

je vais dire.

Vous

qui êtes

si

savante dans toutes sortes d'antiquités, je ne doute pas, comtesse

charmante, que vous n'ayez cent

Le

roi

fois

(entendu parler du merveilleux pouvoir des fées.

dont je vous parle, étant ami intime d'une de ces habiles femmes,

cette amie; lui dit ce

il

lui

représenta l'inquiétude où

prince, (pie les

chose contre leur devoir

était

il

touchant ses

filles.

deux aînées dont je m'inquiète aient jamais ;

mais

elles

ont

si

peu

d'esprit, elles sont

si

«

alla

Ce

fait la

trouver

n'est pas,

moindre

imprudentes, et

vivent dans unesi grande désoccupation, queje crains que. pendant mon absence, elles n'aillent s'embar(pier

dans quel(]ue

Finette, je suis sûr de sa vertu

tout égal

pour mes

:

c'est filles,

de se casser

;

folle

intrigue pour trouver de quoi s'amuser. Pour

cependant je

qui soient faites avec

sit()t

que

celle à qui elle

un

tel

comme les autres, pour faire me Mve trois (pienouilles de verre

la traiterai

pourquoi, sage fée. je vous prie de art

que chaque quenouille ne manquepoint

appartiendra fera quelque chose contre sa gloire.»


l/ADliOllE

Comme

celle fée était des plus

PKI.NCKSSK

donna

lia!)iles. elle

chantées et travaillées avec tons

ordonnail de

dans un

de l'un et de l'autre sexe;

enchantées, dont portes de

Vous

la

il

allez,

prit

il

un

la

les

Le

il

le

temps de sonahsence,

fait

leur ôta tous leurs

Il

présent des quenouilles princesses et ferma les

les

partit.

coi'hillon qu'elles

provisions pour

la

y

en danger de

on avait eu soin d'attacher une poulie

:

une corde

avait mis

en-

avail.

princesses dans une tour

peut-être croire, iMadame, que ces princesses étaient

tour, et on

(pi'il

roi dit à ses tilles (|u'il leur

emhrassa

il

les clefs, puis

dessein

le

(jue ce fût.

après leur avoir

et,

lui-même

mourir de faim. Point du tout fenêtres de

pour

pendant tout

celte tour

leur expliqua les qualités,

tour, dont

mena

aucune personne

et qu'il leur dc'l'endaitd'v recevoir oiriciers

il

lieu hien désert.

demeure dans

leur

l'aire

à ce prince trois (luenouille^

les soins nécessaires

Maisilnefnl pas content de cette précanlion; fort haute, (pii était hàtie

53

à

une des

à laquelle les princesses attachaient

descendaient chaque jour. Dans ce corbillon, on mettait leurs

journée, et, (juand elles l'avaient remonté, elles reliraient avec

soin la corde dans la chambre.

Nonchalante et Babillarde menaient dans cette solitude une vie elles

(jui les

s^ennuyaient à un point qu'on ne saurait exprimer; mais

patience; car on leur avait

fait la

quenouille

moindre démarche un peu équivoque ne

Pour Finette,

elle

la fit

si

lui

fournissaient des

désespérait

fallait

:

prendre

terrible qu'elles craignaient

que

la

casser.

ne s'ennuyait point du tout; son fuseau, son

truments de musique

il

amusements;

on mettait dans

et,

aiguille et ses ins-

outre cela, par l'ordre

du ministre qui gouvernait

l'Etat,

lettres qui les informaient

de tout ce qui se passait au dedans et au dehors du

royaume. Le

permis

roi l'avait

ainsi

et le ministre,

;

ne manquait pas d'être exact sur cet

empressement, et prendre

la

s'en divertissait.

moindre part

force de s'amuser de

si

;

le corbillon

pour

faire sa

cour aux princesses,

article. Finette lisait toutes ces

Pour

ses

deux sœurs,

elles

elles disaient (ju'elles étaient trop

peu de chose

des princesses des

:

il

nouvelles avec

ne daignaient

j)as

y

chagrines pour avoir

la

leur fallait au moins des cartes pour se

désennuyer pendant l'absence de leur père. Elles passaient

donc

et je crois qu'elles ne

ainsi tristement leur vie,

en murmurant contre leur destin

manquèrent pas de dire qui/ vaut mieux

d'être né fils de roi. Elles étaient souvent

moins ce qui se passait dans

la

être né

:

heureux que

aux fenêtres de leur tour pour voir du

campagne. Un jour, comme Finette

était

occupée


CONTES DE PERRAULT

LI<:S

54

dans sa chambre à quelque joli ouvrage, ses sœurs, qui étaient à pied de leur tour une pauvre

femme velue de

fort pathétiquement; elle les priait les

la

fenêtre, virent au

haillons déchirés, qui leur cria sa misère

mains jointes

de- la laisser

teau, leur représentant qu'elle était une malheureuse étrangère

de choses, et qu'elle leur rendrait service avec

la

entrer dans leur châ-

(|ui

savait mille sortes

plus exacte lidélité. D'abord les

princesses se souvinrent de l'oi'dre qu'avait donné le roi leur pèje de ne laisser entrer

personne dans

la

tour

;

mais Nonchalante était billarde

que

si

si

lasse

de se servir elle-même, et Ba-

ennuyée de n'avoir que ses sœurs

l'envie qu'eut l'une d'être coiffée

en

à qui parler,

détail, et l'em-

pressement qu'eut l'autre d'avoir une personne de plus pour jaser, la

les

engagea à se résoudre de

laisser entrer

pauvre étrangère. «

du

Pensez-vous, dit Babillarde à sa sœur, que

roi s'étende sur

Je crois que nous

la

— Vous ferez ce

des gens

comme

défense

la

cette malheureuse?

pouvons recevoir sans conséquence. qu'il

vous

plaira,

ma sœur

répon-

»,

dit Nonchalante.

Babillarde, qui n'attendait

cendit aussitôt le corbillon

dedans, et

les

princesses

la

que ce consentement, des:

pauvre femme se mil

la

montèrent avec

le

secours

delà poulie.

Quand les

cette

dégoûta;

changerait

le

femme

fut devant leurs yeux, l'horrible malpropreté de ses habits

voulurent

elles

lui

en donner d'autres, mais

lendemain, et que pour l'heure

Comme elle achevait de

parler, Finette revint

faite,

dissimula

Cependant

la

le

fait

en

les servir.

pour

ses sœurs; elles lui dirent

montei'; et Finette, qui vit que c'était une chose

chagrin qu'elle eut de cette imprudence.

nouvelle officière des princesses

prétexte de leur service, mais, en

madame,

songer à

de sa chambre. Cette princesse fut

étrangement surprise de voir cette inconnue avec quelles raisons elles l'avaient

elle leur dit qu'elle

qu'il était elle allait

je ne sais

si

effet,

fit

cent tours dans

pour observer

la

disposition

le

château, sous

du dedans

vous ne vous en doutez déjà, mais cette gueuse prétendue

aussi dangereuse dans le château que le fut le

déguisé en abbesse fugitive.

comte Ory dans

le

couvent où

il

;

car^ était

entra,


i.'Ai)i;()HE

Pour ne pas vous

Ce jeune prince, qui le roi

55

tenir davanlaii^e en suspens, je vous dirai (pie celte créature

couverte de haillonsétait

entièrement

PitiNCKssi!:

son

un des plus

j)ère et

le

artili(Meux esprits

n'avait pas besoin

il

car ce roi était d'un caractère

de Moult-BcnùiK Pour

aine d'un roi puissant, voisin

le (ils

était

si

doux

et

jeune prince,

si

de beaucoup de qu'on

facile

comme

surnommé

détours^ les peuples l'avaient

du père des princesses.

de son temps,

lui

avait

n'ai-issait (jue

il

Riche-en-CaïUHe^,

et,

,i,^ouvcrnait

finesse

pour

donné

le

cela

;

surnom

par artifice et par

pour abréger, on

disait Htclie-Cuuli'le. il

avait

un frère cadet qui

était aussi

de défauts: cependant, malgré frères

une union

parfaite

de l'âme qu'avait

(pialités

personne étaient le

si

si

le

rempli de

bell(>s (pialités

que son aine

différence d'iiumeur, on voyait entre ces

la

que tout

le

monde en

prince cadet,

la

était surpris.

Outre

beauté de son visage et

remarquables qu'elles l'avaient

fait

nommer

la

les

l'était

deux

bonnes

grâce de sa

Bel-à- Voir. C'était

prince lliclie-Cautèle qui avait inspiré à l'ambassadeur du roi son père ce trait de

mauvaise

que

foi

l'adresse de Finette avait fait

tomber sur eux. Ricbe-Cautèle, qui

n'aimait déjà guère le roi, père des princesses, avait achevé par

aversion: aussi, quand ses

filles,

il

se

fit

il

un pernicieux

neux. Uiche-Cautèle obtint

la

plaisir

la

tour des princesses,

En examinant l'aire

monde

le

prit des

roi

la

le

prudence d'un père

prendre en

si

soupçon-

mesures

cpii le firent

parvenir à entrer

vous avez vu.

château, ce prince remarqua qu'il était facile aux |)rincesses de se il

en conclut

qu'il devait rester si

punir de son entreprise téméraire.

Il

le

de

son père d'aller faire un voyage,

jour, parce cpielles pourraient bien,

et le faire

habits et

il

comme

entendre des passants, et

[)endant tout

les

le

de tromper

permission du

sous des prétextes qu'il inventa, et

dans

sut les précautions que ce prince avait prises à l'égard de

les haillons

appeler du

conserva donc toute

personnage de gueuse de profession;

sœurs eurent soupe, Hiche-Cautèle jeta

dans son déguisement

elles s'en avisaient,

qui

la

journée

et, le soir. lors(pie les trois le

couvraient et laissa voir

des habits de cavalier tout couverts d'or et de pierreries. Les j)auvres princesses furent

si

épouvantées de cette vue

(pic toutes se

nette et Babillarde, qui étaient agiles, chalante, qui avait à i)eine

1.

Beaurou|i

liéii

2.

Riche ou

foiii'

eurent

mirent à fuir avec précipitation. Fi-

bient(')t

l'usage démarcher,

fut en

gagné leur chambre

:

mais Non-

un instant atteinte parle|)rince.


LES CONTES DE PERRAUJ.T

56

Aussitôt

il

se jeta à ses pieds, lui déclara qui

il

était, et lui dit

que

réputation de

la

beauté et ses portraits l'avaient engagé à quitter une cour délicieuse pour

sa

offrir ses

vœux

Nonchalante fut d'abord

et sa foi.

répondre au prince, qui était toujours à genoux douceurs et

lui faisant

mille protestations,

pour époux dès ce moment-là même, de disputer,

elle dit

mais comme, en

;

sa mollesse naturelle

nonchalamment

la

conclusion de ce mariage

;

venir

disant mille

lui

ne

pas

lui laissant

la

force

à Riche-Cautèle qu'elle le croyait sincère,

qu'elle acceptait sa foi. Elle n'observa pas de plus grandes formalités

dans

lui

éperdue qu'elle ne pouvait

conjurait avec ardeur de le recevoir

la

il

si

mais aussi

que

en perdit sa quenouille

elle

et

celles-là :

elle se

brisa en mille morceaux.

Cependant Babillarde et Finette étaient dans des incpiiétudes étranges

avaientgagnéséparémentleur chambre,

comme chacune

bres étaient assez éloignées Tune de l'autre; et

ignorait entièrement le destin de ses deux sœurs,

fermer

Le lendemain,

l'œil.

tement bas

devant

dans

elles,

lui dit qu'il

sortit, et

chercher 11

était

pernicieux prince

au bout du jardin

;

les

la

de ces princesses

passèrent

et là cette princesse

nuit sans

la

témoigna

à lliche-

quoiqu'elle n'osât se présenter

crainte qu'elles ne blâmassent fort son mariage.

se chargeait de le leur faire approuver

;

et,

Le prince

après quelques discours,

enferma Nonchalante sans qu'elle s'en aperçût

;

ensuite

il

se

mit à

princesses avec soin.

quelque temps sans pouvoir découvrir dans quelles chambres

fut

elles

mena Nonchalante dans un appar-

l'inquiétude où elle était de ses sœurs,

Cautèle

il

(pii

le

elles

:

Ces cham-

et elles s'y étaient renfermées.

elles étaient

enfermées. Enfin, l'enviequ'avait Babillarde de toujours parler étant cause que cette princesse parlait toute seule en se plaignant,

chambre

et la vit par le ti'ou

porte, et

lui dit,

et sa foi

(pi'il

comme

il

de

la

le

prince s'approcha de

la

porte de sa

serrure. liiche-Cautèle lui parla au travers de

avait dit à sa sœur,

avait fait l'entreprise d'entrer dans

que la

c'était

tour.

Il

pour

lui offrir

la

son canu'

louait avec exagération sa

beauté et son esprit; et Babillarde, qui était très persuadée qu'elle possédait un mérite extrême, fut assez

un

flux

folle i)our croire

ce que

le

prince

de paroles qui n'étaient pas trop désobligeantes.

eût une étrange fureur de parler pour s'en acquitter

moments, car de

la

elle était

journée; par

la

Il

lui disait

:

elle lui

fallait (pie

comme

répondit

cette princesse

elle faisait

dans ces

dans un abattement terrible, outre qu'elle n'avait rien mangé

raison qu'il n'y avait rien dans sa chan)bre propre à mangei*.


PlUNCESSK

I.'ADUOITE

Comme

elle était

d'une paresse extrême, et

loujonrs parler, elle n'avait pas «pie rhose, elle avait

la

57

ne songeait jamais à rien,

(|ii'elle

(ju'à

moindre ^n'évoyanee quand ellcavail besoin deipiel:

recours à Finette; et cette aimable i)rincesse, qui était aussi

la-

borieuse et prévoyante (pie ses sœurs l'étaient peu, avait toujours dans sa cbambre

une

elle-même. Babillarde donc, qui n'avait pas

sée par la

de massepains, de pâtes et de confitures

inlinité

laites

faim et par

la

les

tendres protestations que

porte, l'ouvrit enfin à ce séducteur

ment

comédien auprès

le

Ensuite teau, où

ils

d'elle

:

il

et,

;

quand

sèclies et liciuides qu'elle avait

même avantage,

le

lui faisait le

elle

eut ouvert,

se sentant pres-

prince au travers de il

fit

encore parfaite-

avait bien étudie son rôle.

sortirent tous deux de cette chambre, et s'en allèrent à

l'office

du cbà-

trouvèrent toutes sortes de rafraî-

ils

chissements

car le corbillon en fournissait tou-

;

jours les princesses d'avance. Babillarde continuait d'abord à être en peine de ce qu'étaient

devenues ses sœurs

;

mais

étaient sans doute toutes la

chambre de

de rien

elle s'alla

mettre dans

sur je ne sais quel fondement, qu'elles

l'esprit,

Finette, où elles ne manquaient

Riche-Cautèle

.

,

deux enfermées dans

fit

tous ses efforts pour

la I'IUl'

confirmer dans cette pensée, et

iraient trouver ces princesses vers le soir <pi'il fallait les

Enfin (fu'ils

teau,

aller

chercher (piand

prince et

le

la

ils

donna

recommença

la

main

elle

:

à la princesse,

que de

au

l'avoir reçu

parti

Il

lui dit,

moment même, pour époux,

étant sans contredit

ment un

([ui le

pour

le

fut pas

de cet avis;

comme

mena dans

il

elle

pour

ce lieu

;

et,

après

;

et,

elle, et les

quand

il

y

fut,

il

avantages qu'elle

si

elle allait

trouver ses sœurs avant

ne manqueraient pas de s'y opposer, puis([ue,

plus puissant pi'ince voisin,

l'ainée

répondit

avait dit à Nonchalante, qu'elle devait

i)arce que,

elles

iiiorreriiix.

ap[)artement du châ-

à aller voir le bel

qu'il avait

à exagérer la tendresse

foi

ne

princesse mangèrent ensemble de fort bon accord

trouverait en l'épousant.

accepter sa

de verre en

auraient mangé.

eurent achevé, Hiche-Cautèle demanda il

vit sa iiiiciioiiille

dit cpi'ils

lui

que pour

elle

;

il

paraissait plus vraisemblable-

qu'ainsi cette princesse ne consentirait

jamais à une union qu'il souhaitait avec toute l'ardeur imaginable. Babillarde, après bien des discours qui ne signifiaient rien, fut aussi extravagante (pie l'avait été sa


.

DE PERRAULT

LES CONTES

58

sœur;

elle

accepta

prince pour époux, et ne se souvint des effets de sa quenouille

le

de verre qu'après que cette quenouille se fût cassée en cent pièces.

Vers

le soir, liabillarde

retourna dans sa chambre avec

prince, et

le

chose que vit cette princesse, ce fut sa quenouille de verre en morceaux bla à ce spectacle; le prince lui ])arler la

demanda

le

sujet de son trouble.

première

la

Elle se trou-

.

Comme

tère des quenouilles cesses serait par

;

et ce prince eut

une

de scélérat de ce que

joie

entièrement convaincu de

Cependant lîabillardc n'était pas en humeur d'aller chercher sessœurs avec raison qu'elles ne pussent approuver sa conduite mais ;

trouver, et dit qu'il ne manquerait de celte assurance,

la

princesse, qui n'avait pas dormi de

N'est-il pas vrai, belle comtesse,

et

ils

filles

elle craignait

:

prince offrit de les aller

la nuit,

comme

il

que ce Riche-Cautèle

imprudentes personnes

s'assoupit; et, pendant

avait fait de Nonchalante.

était

un grand

scélérat, et ces

Je suis fort en colère contre

?

tous ces gens-là, et je ne doute pas que vous n'y soyez beaucoup aussi inquiétez point,

mys-

moyens pour les persuader de l'approuver. Après

qu'elle dormait, Uiche-Cautèle l'enferma à clef,

deux princesses de lâches

le

le

père des prin-

le

mauvaise conduite de ses

la

rage de

la

rendait incaiiable de rien taire, elle dit sottement à Riche-Cautèle

seront tous traités

comme

méritent.

ils le

11

mais ne vous

;

n'y aura que

la

sage

et courageuse Finette qui triomjtbera.

Quand

ce prince perfide eut enfermé Babillarde,

château, les unes après les autres

qu'une seule, Finette

.

qu'il voyait

Comme

il

les

n'était pas

une dupe comme

voyant

il

était

une harangue

il

alla

dans toutes

chambres du

les

trouva toutes ouvertes,

les

assurément

circulaire,

ses aînées, l'écouta assez

qu'il était éclairci qu'elle était dans sa

il

celle

il

conclut

s'était retirée

s'en alla débiter à

la

porte

longtemps sans

chambre,

lui

elle lui dit

répondre.

que,

s'il

était

tendresse aussi forte et aussi sincère pour elle qu'il voulait le lui per-

vrai qu'il eût

une

suader, elle

le priait

de descendre dans

et qu'après elle lui parlerait tant

donnait sur

comme

choses qu'il avait dites à ses sœurs. Mais cette princesse, qui

de Finette

Enfin,

et

fermée par dedans,

avait conqjosé

mêmes

;

(pi'il

le

jardin et d'en fermer

voudrait par

la

la

porte sur lui;

fenêtre de sa chambre, qui

le jardin.

Uiche-Cautèle ne voulut point accepter ce parti ; et,

comme la princesse s'opiniàtrait

toujours à ne point vouloir ouvrir, ce méchant prince, outré d'impatience, alla quérir

une bûche laissé

et enfonça la porte.

Il

trouva Finette armée d'un gros marteau, qu'on avait

par hasard dans une garde-robe

(pii était

proche de sa chambre. L'émotion ani-


PRINCESSE

i;.\l)nOITE

mail

de cette [)rineesse

le teint

à Iliclie-Cautèle

en reculant

dit fièrement,

avec ce marteau.

l'amour qu'on

a

— Quoi

ré[)utation

Il

en

finit

la

et

;

mais

elle lui

vous approchez de moi. je vous fendrai

cruelle haine?

si

de son Ion

Il

hardiesse

pour é[)oux au plus les princesses ses

il

H

dit

tète

que

lui avait ins|)irée

devait

lui dit qu'elle

avait eue d'enfoncer sa porte.

<pi'il

l'avait fait à ses

vite.

la

pocrite,

ajouta cpiil ne s'était dé-

avec respect son cœur et sa main, et

comme

li\

se mit à lui prôner de nou-

» Il

de son esprit merveilleux.

la

colère, elle |)arnt

à ses pieds

cliaud)re à l'autre, l'ardeur violenle

voulant persuader,

par où s'étaient retirées les

si

yeux fassent pleins de voulut se jeter

il

belle [)rincessc, s'écria Jliclie-Cautèle

lui offrir

intérêt de le recevoir

de

!

Prince,

violence de sa passion

la

lui

«

:

de sa beauté

guisé cpie pour venir

pardonner à

et, (iiioiquc ses

pour vous s'al tire une

veau, mais d'un bout do la

;

d'nne beauté à enclianler.

59

sœurs,

de son

qu'il était

encore à Finette

qu'il

ne savait

sœurs, parce qu'il ne s'étaitpas mis en peine

chercher, n'ayant songé qu'à elle. L'adroite princesse, feignant de se radoucir,

chercher ses sœurs, et qu'après on prendrait des mesures tous en-

lui dit qu'il fallait

send)le; mais Riche-Cautèle lui répondit

(ju^il

ne jmuvait se résoudre à aller trouver

les princesses, qu'elle n'eût consenti à l'épouser,

parce que ses sœurs ne manqueraient

pas de s'y opposer à cause de leur droit d'aînesse. Finette, qui se défiait avec raison de ce prince perfide, sentit redoubler ses soupçons

par cette réponse elle trembla de ce qui pouvait être arrivé à ses sœurs, et se résolut de :

venger du

les

(ju'elles

môme coup qui lui

ferait éviter

un malheur

sans peine à l'épouser, mais qu'elle était persuadée que soir étaient toujours

se

pareil à celui qu'elle jugeait

avaient eu. Cette jeune princesse dit donc à lliche-Cautèle qu'elle consentait

donner une

foi

malheureux, qu'ainsi

les

elle le priait

réciproijue au lendemain matin

:

mariages qui se faisaient

de remettre

pour i>enser au

bon

fort

lit,

ciel; ([u'ensuite elle le

chez

elle

de

n'a-

un peu de temps seule

mènerait dans une chambre où

et qu'après elle reviendrait s'enfermer

le

cérémonie de

elle ajouta (|u'elle l'assurait

vertir les princesses de rien, et lui dit qu'elle le priait de la laisser

un

la

il

trouverait

jusqu'au lendemain.

Riche-Cautèle, qui n'était pas un fort courageux personnage, et qui voyait toujours Finette

armée du gros marteau dont elle badinait comme on fait d'un

Cautèle, dis-je,

consentit à ce que souhaitait

quelque temps méditer. sur

le

ne

Il

la

éventail

princesse, et se retira pour

fut pas plus tôt éloigné,

que Finette courut

;

Uiche-

la laisser

faire

un

lit

trou d'un égoul qui était dans une chambre du château. Cette chambre était

aussi propre qu'une autre

;

mais on jetait dans

le

trou de cet égout, qui était fort spa-


LES CONTES DE PERRAULT

60

cieux, toutes les ordures faibles

;

puis elle

fit

du château. Finette mit sur ce trou deux bâtons

bien proprement un

sa

chambre. Un moment après, Riche-Cautèle y revint, et

elle venait

de

faire le

lit,

fait

tout d'un coup

rompre

La chute du prince

éloigné de

la

fit

avec précipitation, et sa pesanteur

le lit

bâtons,

les petits

pouvoir se retenir, en se faisant vingt bosses c()tés.

princesse le conduisit

la

et se retira.

Le prince, sans se déshabiller, se jeta sur ayant

croisés très

par-dessus, et s'en retourna aussitôt dans

lit

un grand bruit dans

chambre de Finette;

il

tomba au fond de

à la tête, et le

elle sut aussitôt

tuyau

que

l'égout, sans

en se fracassant de tous :

d'ailleurs

il

n'était pas

son artifice avait eu tout le

succès qu'elle s'était promis, et elle en ressentit une joie secrète qui

ment agréable. On ne peut pas

lui fut

extrême-

décrire le plaisir

qu'elle eut de l'entendre barboter dans l'égout.

méritait bien cette punition, et

la

Il

princesse avait

raison d'en être satisfaite. Mais sa joie ne l'occupait pas

si

fort qu'elle

Son premier soin facile

ne pensât plus

à ses

fut de les chercher.

Il

sœurs. lui fut

de trouver Babillarde. Riche-Cautèle, après

avoir enfermé cette princesse à double tour, avait laissé la clef à sa II

se

y ta'Mii

li

cette qu'elle

fit

chambre. Finette entra dans

Jit ixrc pucipitatioii.

réveilla sa sceur

chambre avec empressement

en sursaut. Elle

fut bien confuse

en

la

bruit

et le

voyant. Finette

lui

raconta de ([uelle manière elle s'était défaite du prince fourbe qui était venu pour les outrager. Babillarde fut frappée de cette nouvelle

malgré son caquet, Riche-Cautèle

lui

elle élait si

avait dit.

Il

peu

comme

d'un coup de foudre; car,

éclairée, qu'elle avait cru ridiculement tout ce que"

y a encore des dupes comme

celle-là

au monde.

Cette princesse, dissimulant l'excès de sa douleur, sortit de sa chambre pour aller

avec Finette chercher Nonchalante. Elles parcoururent tou tes les cliambres du château sans trouver leur sœur; enfin Finette s'avisa qu'elle pouvait bien être dans ra])par-

tcment du jardin

:

elles l'y

blesse, car elle n'avait pris

nèrent tous

les

trouvèrent en

effet,

demi-morte de désespoir

aucune nourriture de

la

et

journée. Les princesses

de

lui

fai-

don-

secours nécessaires; ensuite elles firent ensemble deséclaiicissements

qui mirent Nonchalante et Babillarde dans s'en allèrent reposer.

une douleur mortelle puis toutes ;

trois


i;adroite princesse Uiclio-CaulMe passa

(;ej)eiidaiil

venu,

il

ne fut i^uère mieux.

pas voir toute

l'horrc^ui-,

se tourmenter,

du château. rivière,

dont

il

lians[iorter à lui était

il

lui lit

roi

se faire

prendre une

la vie, et la

entendre à des ^ens

(pii lit

si

([ui [)ècliaient

loisir; et la

forte haine contre Finette,

moments

hien tristes;

la

honteuse faiblesse de ses sœurs

})rincesses, qui était causée par les suites

dans cette

(pi'il

Il

lit

songea uioins à

gloire lui élait mille lois [)lus

mettait dans un désespoir

la

la

mauvaise santé de ces deux

(jui

était déjà

lui

lui.

la

un habile fourbe,

son esprit depuis son aventure pour devenir fourbissime. L'égout

contusions ne

se

disgrâce qui

de leur mariage indigne, mit encore

constance de Finette à l'épreuve. Riche-Cautèle,

plus fin que

ne pouvait

il

compassion à ces bonnes ^ens.

peine à se rendre maîtresse. Cependant

elle avait

ra[)pela tout

aise, et, (|iian(l le jour fui

son père, pour se faire guérir à

Cette princesse passait des

dont

mal à son

se venger d'elle.

(pi' à

chère que

(bi-(

jour n'y donnait jamais. Néanmoins, à force de

le

dans un état

cour du

arrivée

se guérir

parce (pie

moyen de

fut tiiv

la

nuil

la

prince se trouvait tians des cavernes (Jont

Irouva lissuede l'égoutqui donnait dans une rivière assez éloignée

trouva

Il

(À-

61

ni les

donnaient pas tant de chagrin que ledépit d'avoir trouvé quelqu'un se douta des suites des

Il

[)rincesses malades,

il

fit

deux mariages

et

pour tenter

les

deux

porter, sous les fenêtres de leur château, de grandes caisses

remiilies d'arbies tout chargés de

beaux

fruits.

Nonchalante et Babillarde, qui étaient

souvent aux fenêtres, ne manquèrent pas de voir ces fruits: aussitôt envie violente d'en manger, et

elles

il

leur prit une

persécutèrent Finette de descendre dans

le

corbillon pour en aller cueillir. La complaisance de cette princesse fut assez grande ])Our vouloir bien contenter ses sœurs* elle descendit, et leur apporta de ces fruits, qu'elles

mangèrent avec

Le lendemain,

il

la

beaux

dernière avidité.

parut des fruits d'une autre espèce. Nouvelle envie des princesses,

nouvelle complaisance de Finette* mais les officiers de Riche-Cautèle, cachés, et qui

avaient

manqué leur coup

sirent de Finette et

la

première

fois,

ne

le

mancjuèrent pas

celle-ci

:

ils

se sai-

l'emmenèrent, aux yeux de ses sœurs, qui s'arrachaient

les

che^ eux de désespoir.

Les

satellites

de Riche Cautèle

maison de campagne où il

était le

firent

si

bien, qu'ils

étaittransportédefureur contre cette princesse,

elle

menèrent Finette dans une

})rince pour achever de se remettre en santé. il

lui dit

Comme

centchoses brutales, îupioi

répondit toujours avec une fermeté et une grandeur d'àme dignes d'une héroïne


LES CONTES DE PERRAULT

69

comme

Enfin, après l'avoir gardée quelques jours prisonnière,

elle était.

conduire au sommet d'une montagne extrêmement haute,

un moment après manière qui

elle.

Dans ce

lieu,

vengerait des tours

le

à Finette

montra barharement

lui

il

la

comme elle

punir

jeter dans ce tonneau, puis le rouler du haut de

la

la

lit

mourir d'une

Ensuite ce perfide i)rince

un tonneau tout hérissé par dedans de que, pour

il

y arriva lui-même

fallait faire

qu'elle lui avait laits.

rasoirs et de clous à crochet, et lui dit allait la

annonça qu'on

lui

il

et

le

canifs,

de

méritait, on

montagne en has.

Quoique Finette ne fut pas Romaine, elle ne fut pas plus effrayée du supplice qu'on préparait que Régulus ne l'avait été autrefois à la vue d'un destin pareil. Cette

jeune i)rincesse conserva toute sa fermeté et

même

toute sa présence d'esprit. Riche-

Cautèle, au lieu d'admirer son caractère hé'^'"^=

'

roùiue, en prit une nouvelle rage contre elle et songea à hàler sa

se

mort. Dans cette vue,

il

baissa vers l'entrée du tonneau qui devait

être l'instrument de sa vengeance, pour exa-

miner

s'il

était bien

fourni de ses

armes

meurtrières. Finette, qui vit son persécuteur attentif à regarder, ne perdit point de

temps; le fit Elle le

fit

elle le jeta

dans

rouler du haut de

le

la

tonneau, et elle

montagne en

bas,

rouler du haut de la montajjnc.

sans donner au prince le temps de se reconnaître.

Après ce coup,

une extrême douleur

elle prit la fuite la

;

et les officiers

du prince, qui avaient vu avec

manière cruelle dont leur maître voulait traiter cette aimable

princesse, n'eurent garde de courir après elle pour l'arrêter. D'ailleurs

ils

étaient

si

effrayés de ce qui venait d'arriver à Riche-Cautèle, qu'ils ne purent songer à autre

chose qu'à tâcher d'arrêter furent inutiles

:

il

le

tonneau, qui roulait avec violence- mais leurs soins

roula jusqu'au bas de

la

montagne, et

ils

en tirèrent leur prince

couvert de mille plaies. L'accident de Riche-Cautèle mit au désespoir

Voir. Pour

les

peuples de leurs États,

était très haï, et

ments

si

même l'on

nobles et

si

ils

le roi

Moult-Bénin et

le

prince Bel-à

n'en furent |)oint touchés. Riche-Cautèle en

s'étonnait de ce

que

le

jeune prince, qui avait des senti-

généreux, put tant aimer cet indigne aîné. Mais

tel était le

bon

naturel de Bel-à- Voir, qu'il s'attachait fortement à tous ceux de son sang et Riche-Cau;


I.

ADIiOllK

lèle avait toujours

eu l'adresse de

n'aurai! jamais i)u

sepaidonnerde

lémoi^ner tant

lui

uy

guérir promptement

en

prit, rien

nimer de

en

})lus

i)lus, et

temps sans être

le

le

livrée à

mit tout en usage pour tâcher de

il

empressés que tout

les soins

château où

de nouveaux chagrins. Lcsdcux princesses mirent au monde fort

embarrassée. Ce^iendant

:

soudre à s'exposer encore une

fois, quoi(iu'elle

en

vît

réussir le dessein (|u'elle avait, toutes les mesures ([ue

homme, enferma

déguisa en

un

ctieval,

la ville

Quand

les enfants

du

roi

bien la

le

courage de cette

honte de ses sœurs

la

le péril. Elle prit,

prudence

[)eut ins[)irer

de ses sœurs dans des boîtes, et

Finette fut dans cette

oii était

ville, elle

la

manière magnifi([ue doni

de l'Europe; car, dès ce temps-là,

ciel

de

lit

ellepi'it

Richc-Cautèle.

apprit que

il

turiers sans emploi, sans talent, qui se donnaient pour des

avaient reçu des dons du

:

faire

elle se

et quelques autres; et dans cet équipage elle arriva à

Moult-Bénin,

les cliarlatans

:

y

elle

prince Bel-à-Voir récompensait les remèdes qu'on donnait à son frère avait

courions

la lit ré-

pour

bouche de ces enfants, pour leur laisser la respiration

emporta ces boîtes

capitale

monde s'enve-

sœurs, et n'y fut pas long-

elle avait laissé ses

princesse ne s'abattit point l'envie (pi'elle eut de cacher

petits trous, vis-à-vis la

le

send)liiieiil

danger (pi'elleavaitcouru, avait encore

l'effroyable

dont Finette se trouva

fils,

généreux prince

souffrir longtem[)s.

fViire

dégagécde

heureusement

chacune un

d'auiilié, (|ue ce

ne soulageait Riclie-Caulèle; au contraire, ses plaies

Finette, après s'être l'egagné

frère, et

cependant, malgré

:

63

pas répondre avec vivacité. lîel-ù-Voir eutdonc

une douleur violente des blessures de son les

l'hlXCKSSE

y

le

al liié à la

avait quantité d'aven-

bonunes admirables, qui

pour guérir toutes sortes de maux. Ces gens, dont

la

seule science était de fourbcr hardiment, trouvaient toujours beaucoiq) de ci'oyance

parmi les

les

noms

lieu

peuples

.

Ils

savaient leur en imposer pai* leur extérieur extraordinaire et

de leur naissance; et

mérite chez

le

la

prérogative de venir de loin leur lient souNcnl lieu de

vulgaire.

L'ingénieuse princesse, bien informée de tout cela, se donna un ce royaume-là lier

[)ar

bizarres qu'ils prenaient. Ces sortes de médecins ne restent jamais dans le

:

ce

nom

était Sanat io

;

puis elle

iit

nom

éli'anger

annoncer de tous côtés

pour

(jne le cheva-

Sanalio était arrivé avec des secrets merveilleux pour guérir toutes sortes de

blessures les plus dangereuses et les plus envenimées. Aussitôt liel-à-Voir envoya

quérir

le

prétendu chevalier. Finette vint,

monde, débita cinq ou

six

mots de

l'art

dun

lit

le

médecin empiricpie

air cavalier

:

le

mieux du

lien n'y manquait. Cette


DE PERRAULT

LES CONTES

64

princesse fut surprise de

la

l)onne

mine

et des manières agréables de Bel-à-Voir, et,

après avoir raisonné quelque temps avec ce prince au sujet des blessures de RicbeCautèle, elle dit qu'elle allait quérir une bouteille d'une eau incomparable, et que

cependant

elle laissait

deux boites

qu'elle avait apportées, et qui contenaient des

onguents excellents, propres au prince blessé. Là-dessus,

coup de

le

prétendu médecin sortit

voir tant tarder. Enfin,

le

on entendit des prit tout le

il

ne revenait point; on

de petits enfants dans

cris

monde, car

on découvrit que ces

;

comme

l'on s'impatientait

envoyer

le

beau-

presser de revenir,

cbambre de Riche-Cautèle. Cela

la

ne paraissait point d'enfants. Quelqu'un

il

cris

allait

sur-

])réta l'oreille, et

venaient des boîtes de l'empirique.

neveux de Finette. Cette

C'étaient en effet les

princesse leur avait

fait

prendre beaucoup de

nourriture avant que de venir au palais

comme

il

y

avait déjà longtemps,

taient de nouvelle, et

ils

ils

;

mais,

en soubai-

expliquaient leurs besoins

en cbantant sur un ton dolent.

On

ouvrit les

boîtes, et l'on fut fort surpris d'y voir bien effec-

tivement deux marmots qu'on trouva

fort jolis.

Ricbe-Cautèle se douta aussitôt que c'était encore On

un nouveau tour de Finette

fut foi-t surpris d'y

:

il

en conçut une

fureur (pi'on ne peut pas dire, et ses

augmentèrent

à

un tel

point, qu'on vit bien qu'il fallait qu'il en

maux en

mourût.

Bel-à-Voir en fut pénétré de douleur, et Ricbe-Cautèle, perfide jusqu'à son dernier

r

moment, songea

à abuser

de

la

tendresse de son frère. « Vous m'avez toujours aimé,

prince, lui dit-il, et vous pleurez

amitié par rapport

à la vie.

mettez-moi de m'accorder

ma perte.

Je meurs

la

;

Je n'ai plus besoin des preuves de votre

mais

si

je vous

ai

été véritablement cber, pro-

prière que je vais vous faire.

Bel-à-Voir, qui, dans l'état où

il

»

voyait son frère, se sentait incapable de

lui rien

refuser, lui promit, avec les plus terribles serments, de lui accorder tout ce qu'il lu'

demanderait. Aussitôt que Ricbe-Cautèle eut entendu ces serments,

en l'embrassant: j'ai à

vous

«

Jemeurs

faire, c'est

il

dit à son frère,

consolé, prince, puisque je serai vengé; car

la

prière que

de demander Finette en mariage aussitôt que je serai mort. Vous

obtiendrez, sans doute, cette maligne princesse, et dès (pi'elle sera en votre pouvoir,


princesse

I;AI)I{()ITE

vous

[)longei'ezun poiguard (huis

lui

limprudcnce de

\e

se repentit de

il

ne voulut rien témoigner de son repentir

lliehe-Cautèle,

dont

il

ra\

l'ut

mort

([ug sa

i

mérite était chéri de (ont

le

Finette, qui était encore une

bientôt

son livre,

nétait plus tempsde se dédire, (pii

quérir

le

et [>eu

la

monde.

reporta

la

montra au

quenouille où

la

les (juenouilles

voir les trois quenouilles à

roi

la fois. Il

;

mais

la fée

qui lui avait donné

de

vie auprès d'elle^ et

Pour commencer

la

les

les

punir

punition des

puis, ayant fait

;

filles ainées([u'il les

comme

elles

la pi-iant

le

elle avait

illustres qui s'étaient

rendues célèbres par leurs vertus de

de

l'art

la féerie,

la

et

le

elles

voyaient

les

sienne; et à

Theure

garder toute leur

nombre

galerie de son

infini

de femmes

mouvement et

voyait de tous côtés des tro[)hées et ce ne fut pas

une légère

triomphe de ces héroïnes avec

fée leur dit avec gravité (pie,

occupées que celles dont

mère de

On

si

les

avait réduites.

tout vice et

pour leur

faire

la

pour

réparer

bonne manière. En

elles s'étaient aussi bien

tableaux, elles ne seraient pas tondiées

;

la

source de tous leurs malheurs. les le

empêcher de retond)er jamais dans des malheurs pareils,

temps qu'elles avaient perdu,

elle allait les

occuper d'une

effet, elle obligea les princesses de s'employer aux travaux

grossiers et les plus vils

la

Pour

indignes égarements où elles s'étaient perdues; mais ([ue l'oisiveté était

fée ajouta que,

;

par leur vie laborieuse. Par

méprisable où leur malheureuse imprudence

comble de chagrin,

les

et

femmes vertueuses,

mortification i)our les deux sœurs de comparer situation

les

toutes ces figures avaient du

étaient en action de})uis le matin jus(|u'au soir. et des devises à la gloire de ces

de

la

envoya

mena dans une

peindre Ihisloire d'un

château enchanté, où

effet merveilleux

même manège

méritaient.

i)rincesses, la fée les

l'ait

et

alla

soupçonneux, voulut

le roi, ([ui était

quenouilles, en

toui',

une profonde révé-

n'y eut que Finette qui put montrer

roi entra dans une telle fureur contre ses deux

La

trois piiii-

de verre. Nonchalante

elle l'avait prise. Babillarde fit le

et Finette à son tour apporta sa quenouille

dans

ses sonirs, apprit

de lem[)s après on annonça aux

de demander à voir

fut

quenouille de Finette,

rence, elle

même à

de regretter

loin

du ro\ aume à Bel-à-Voir,

l'assuràl la succession

retour du roi leur père. Ce prince vint avec empressement dans leur

son premier soin

un

expira peu de temps après.

heureusement relouriu'e avec

l'ois

mort de Riche-Cautèle,

la

cesses le

le

à

il

Moult-Bénin en eut une sensible douleur. Pour son peuple,

roi

mois:

soin. liel-à-Voir IVéuiil (riiorrcur à ces

ses serments: mais

il

Le

65

les

plus

et, sans égard pour leur teint, elle les en\ oyait cueillir des


-

LES CONTES DE PERRAULT

66

pois dans ses Jardins et en arracher les mauvaises herbes. Nonchalante

au désespoir qu'elle eut de mener une vie

mourut de chagrin de s'échapper

la

nuit du château de les

Le bon naturel de Finette et,

lui

roi.

se cassa

la fée,

lit

ressentir

si

son père, qui ra\ la

que ce jeune

La

([iielle

ait

le ])rince

elle craignait

;

dans

])rince

;

arbre, et

la

:

dans

haine

la

c(cur d'un frère dont

le

fait

car. dès

l'on considérât

avec raison que

il

était

la sacri-

j)rincesse alla consulter la sage fée. qui

avait méprisé Nonchalante et Bahillarde.

seulement

vous n'avez pris juscfu'ici des mesures

si

Princesse, vous

«

:

justes pour votre con

duite qu'en vous mettant toujours dans l'esprit (pie ht prudence est la sûreté. Continuez

mourut

Bel-à-Voir l'avait

ne ^oulllt l'épouser que pour

ïée ne ^oulut rien révéler à Finette; elle lui dit

êtes sage et prudente

un

accordée sans l'en avertir

moindre chose que

avait ]K>ur elle n'eût passé

fiera son frère. Pleine de cette inquiétude, l'estimait autant

tète contre

une douleur bien vive du destin de ses

mariages. Finette treml)la à cette nouvelle

chéri; et elle appréhenda

la

apprit que

elle

ce temps-là, l'inclination des parties était

que Riche-Cautèle

elle

:

mains des paysans.

au milieu de ses chagrins,

demander en mariage au

les

ne jmt résister

à ses inclinations

de fatigue. Bahillarde. qui trouva moyen, cjuelque temps après,

et

de cette blessure entre

sœurs,

peu conforme

si

mère de

devons sou^ enir vivement de l'importance de cette maxime,

parviendrez à être heureuse sans d'autres éclaircissements de

la fée,

le

secours de

mon

art. » Finet te,

s'en retourna au palais dans

et

la

vous

n'ayant pu tirer

une extrême agitation.

Quelques jours après, cette princesse fut épousée par un ambassadeur, au

nom du

prince Bel-à-Voir; et on l'emmena trouver son époux dans un équipage magnificjue.

On

lui fit

des entrées de même dans les deux premières villes frontières du roi Moult

Bénin; et dans d'elle

la

troisième elle trouva

par l'ordre de son père. Tout

jeune prince aux approches lui

en

faisait la

Quand

le

mariage

si

il

(ju'il

était surpris

avait

la vit.

il

fut fraj)pé

de voir

la

tristesse de ce

témoigné souhaiter

lui,

au-devant de

de ses charmes,

il

lui

en

lit

la

:

le roi

même

princesse.

com|>liment, mais

confuse, que les deux cours, qui savaient combien ce prince était

spirituel et galant, crurent qu'il en était

reux

prince Bel-à-Voir qui était venu au-devant

monde

guerre, et l'avait envoyé, malgré

Bel-â-Yoir

d'ime manière

d'uii

le

vivement touché, qu'à force d'être amou-

si

perdait sa présence d'esprit. Toute

la ville

n'entendait de tous côtés que des concerts

souper magnili({ue, on songea

à

mener

les

et

retentissait des cris

de

joie, et l'on

des feux d'artitice. Enfin, après un

deux époux dans leur appartement.


I.ADIiOlTE Finclt(\ qui se souvonait toujours de

Plil.NCESSE

maxime

la

67

avait

la

à cette et les

elef

du cabinet de l'appartemenl

femme de

renouNelée dans

((ue la fée lui ii\ai(

rosprit, avait son dessein en tète. Cette ])rin('esse avait

^a^né une de

ncs l'eunnes

(|u"on lui destinait, et elle aAail donne''

jwrter dans ce cabinet de

la j)aille.

une

vessie,

du san^ de moulon.

boyaux de quelques-uns des animaux qu'on avait manj^ésausoupei'.

passa dans ce cabinet sous quehjue prétexte, et composa une

boyaux et la vessie pleine de sani'.Ensuite

laquelle elle mit les

J^a

de

rii»ure

princesse

paille

dans

elle ajiisl;! celle ligure

en désbabillë de femme et en bonnet de nuit. Lfu-sque Finelte eut achevé celle marionnette,

elle alla

rejoindre

compagnie,

la

et |)eu

(|ui

ordre

de lemps

a|)rès

belle

on condiusit

la

princesse et son époux dans leur appartement.

Quand on eut donné donner,

lui fallail

flambeaux et

femme de Le

})rince.

dans

la

(|u'il

les la

cacha dans un

le lit, et se

son épée, et

femme de

au

la [)assa

tra-

Au même

prétendue Finette.

la

de tous côtés,

sentit le sang ruisseler

il

et trouva la

temps

chambre.

fois tout haut, prit

«

la toilette le

après avoir sou])iré deux ou trois

vers du corps de

moment

à

dame d'honneur emporla

se relira. Aussilùl Finette jeta

paille

des coins de

la

paille sans

mouvemenl.

h

pm

s.,,,

tant de cruelles agitations, quoi! après avoir lant balancé

ments aux dépens d'un crime, jai ôlé ])Our

aimer

eu

{)as

la

î

force de m'affranchir d'un

d'avoir Iroj) de vertu?

même épée... » A ces mots^ Finette

tomber son épée,

«

fit

vie à

passa

et i.

a..

umv,.,-s j,, corps.

une

la

à

moment

serment qu'un

Ah ciel

î

son lour par

enlendit (pie

suis pas

(|ue je

la

je garderais

vue

l'ai

:

mes

ser-

j'élais

ce|)endanl je n'ai

frère possédé de furinii' a\ ail exigé

peut-on songei- à vouloir |)unii'une fenmie

ma

j ai

satisfait ton injusle

mort. Oui,

le [>rince, cpii.

cherchait pour se

telle sottise;

Prince, je ne

î

le

si

une charmanle princesse que

Eh bien! Hiche-Caulèle,

mais je vais venger Finelle

pas qu'il

la

Ses charmes m'ont ravi dès

de moi par une indigne surprise

la

épée

Qu'ai-je fait? s'écria lîel-à-Voir. Quoi! après

bi'lle

vengeance:

princesse,

il

laul (jue

dans son Iransporl. avail

passer au Iravers du

c<»r|)s

:

elle

laissé

ne \()ulut

ainsi elle lui cria:

morte. Votre bon cœur

ma

fait

devintM-

volre re-


LES CONTES DE PERRAULT

68

pcnlir;

et,

par

une tromperie

Là-dessus Finette raconte à Bel-à-Yoir

femme de admira infinie

la

de

paille.

lui

avoir épargné

heureux serments qu'on Cependant,

» la

ai

joie d'apprendre

un crime auquel

que

la

princesse vivait,

si

elle

il

prudence et

il

une obligation

ne pouvait penser sans horreur

avait eu la faiblesse de ne pas voir

la

;

nullité des

et

il

mal-

avait exigés de lui par artifice.

Finette n'eût pas toujours été bien persuadée que pnidence est mère

eût été tuée, et sa mort eût été cause de celle de Bel-à-Voir; et puis

après on aurait raisonné à loisir sur la

épargné un

crime.

je

prudence qu'elle avait en toutes sortes d'occasions, et lui eut

ne comprenait pas comment

de sûreté,

la

Le prince, transporté de

vous

prévoyance rprelle avait eue touchant

innocente,

la

présence d'esprit!

bien funestes, pour les réserver à

la

bizarrerie des sentiments de ce prince. Vive

elles

un

préservèrent ces deux époux de malheurs

destin le plus

doux du monde.

Ils

eurent

toujours l'un pour l'autre une tendresse extrême, et passèrent une longue suite de l)eaux jours dans

une gloire

et

dans une

félicité

qu'on aurait peine à décrire.


.

PEAU-D'ANE

I.

était

une

fois

un

de tousses voisins j)ius

roi

heureux de tous

conllrmé par

le

si

grand,

de ses

et

les

leur chaste

hymen

était

choix qu'il avait

née une

fdle,

qu'on jmuvait dire

si

res|)ec(é

([u'il

était le

monarques. Son bonheur était encore d'une ])rincesse aussi belle (|ue

fait

vertueuse; et ces heureux époux

De

aimé de ses peuples,

si

alliés,

ivaientdans une union parfaite.

\

douée de tant de grâces

et

de charmes,

qu'ils ne regrettaient point de n'avoir pas une plus ample lignée

La magnificence,

le

goût

et

l'abondance régnaient dans son palais

;

les

ministres

étaient sages et habiles; les courtisans vertueux et attachés; les

domestiques

fidèles et

laborieux

;

les écuries

vastes

et

remplies des plus beaux chevaux du monde, couverts de riches caparaçons

:

mais ce qui étonnait

les

étrangers

venaient admirer ces belles écuries, c'est qu'au lieu

un maître âne

apparent,

(pii

le })lus

de longues et grandes

étalait

l'n à lin étalait ses

oreilles.

Ce

roi lui avait

n'était pas par fantaisie,

donné une place

au

lieu d'être

la

nature

l'avait

malpropre, était couverte, tous

beaux écus et de louis d'or de toute espèce, qu'on Or,

comme

longues oreilles.

le

particulière et distinguée. Les vertus de ce rare animal

méritaient cette distinction, puisque litière,

mais avec raison, que

les vicissitudes

de

la

formé les

si

extraordinaire, que sa

matins, avec profusion, de

allait recueillir à

son réveil.

vie s'étendent aussi bien sur les rois

que sur

les


LES CONTES DE PERRAULT

70

sujets, et

que toujours

les

biens sont mêlés de quelques maux,

le ciel

permit que

reine fût tout à coup attaquée d'une âpre maladie, pour laquelle, malgré l'habileté des médecins,

Le

roi sensible et

s'affligeait

temples de son royaume,

mots,

le roi fit

c'est que,

:

s'il

celle

dit

(jui

vœux

d'une épouse

si

«

:

de

chère mais

les

;

dieux

Trouvez bon, avant que je meure, que j'exige

lui

les ai

de vous suivre.

les

»

A

ces

baigna de pleurs

hyménée

parler d'un second

ma chère reine, parlez-moi plutôt comme je ne vous

le

ardents à tous les

vous prenait envie de vous remarier...

avec une fermeté qui augmentait successeurs, et,

que l'hymen est

La reine, sentant sa dernière heure approcher,

des cris pitoyables, prit les mains de sa femme,

et, l'assurant (|u'il était superflu dit-il enfin,

proverbe fameux

pour

offrit sa vie

époux qui fondait en larmes

une chose de vous

le

sans modération, faisait des

et les fées étaient invoqués en vain. dit à son

la

science et

on ne put trouver aucun secours. La désolation fut générale.

amoureux, malgré

tombeau de l'amour,

la

:

«

;

Non, non,

— L'État, reprit

la

reine

regrets de ce prince, l'État doit exiger des

donné qu'une

fille,

vous presser d'avoir des

fils

vous ressemblent mais je vous demande instamment, par tout l'amour que vous

({ui

;

avez eu pour moi, de ne céder à l'empressement de vos peuples que lorsque vous aurez

trouvé une princesse plus belle et mieux alors je

mourrai contente.

On présume que

la reine,

serment, ne croyant

que

c'était s'assurer

mari ne

fit

que moi; j'en veux votre serment,

et

qui ne manquait pas d'amour-propre, avait exigé ce

qu'il fût

que

faite

»

le roi

au monde personne qui pût

l'égaler,

ne se remarierait jamais. Enfin

elle

tant de vacarme; pleurer, sangloter jour et nuit,

pensant bien

mourut. Jamais

menus

droits

du

veuvage furent son unique occupation. Les grandes douleurs ne durent pas. D'ailleurs et vinrent en corps prier le roi

dure

et lui

fit

les

répandre de nouvelles larmes.

Il

que feue

sa

femme, pensant que

une princesse plus

reine fût vertueuse et point stérile

1.

Nom

;

qu'on donne aux

({u'à la

filles

;

parut

lui

belle et

la

la

mieux

cela était impossible. Mais le conseil traita

babiole une telle promesse, et dit qu'il importait peu de

et sa tran(iuillité

l'État s'assemblèrent,

allégua le serment qu'il avait fait à

reine, défiant tous ses conseillers de pouvoir trouver faite

grands de

de se remarier. Cette première proposition

de

beauté, pourvu qu^une

que TÉtat demandait des princes pour son repos

vérité l'infante

*

avait toutes les qualités requises

des rois en Espagne et en Portugal.

pour


.

PEAl -D'ANK faire

une grande ou

([ii'alors,

reine, mais

enfants ne seraient plus réputés du

de son nom. raieiil

les

même

lui.

sang,

ou

un

('"Iran^cr

(|ue.

el (jue,

|)(nir

s'il réi;iiail

(''i»oiix

avec

(pii

enlraîne-

frappé de ces considérations. ])romil

roi,

cl

;

elle, ses

n'y ayani point de prince

peuples voisins pourrai(^nt leur susciter des guerres

ruine du royaume. Le

la

elioisir

lui

(jifil f'allail

remmènerait chez

cet étranger

(pi'il

songerait à les contenter.

Effectivement

il

chercha, parmi

les

princesses à marier,

grâces de

les

la

feue reine: ainsi

s'avisa de trouver ([ue l'infante, sa

il

ne se déterminait point. Malheureusement,

tille,

était

non seulement

mais qu'elle surpassait encore de beaucoup reine sa

mère en

nesse,

l'agréable fraîcheur de son ])eau

enflamma le

([ui serai! celle (pii |)(»ui rail

convenir. Cha<[ue jouronluiaj)portail des pori rails charmanls: mais aucun n'avait

lui

cacher

le roi

esprit et

d'un feu

à l'infante, et

il

il

belle et bien faite à l'avir.

la

en agréments. Sa jeu-

si

violent

«pi'il

lui dit cpi'il avait

de l'épouser, puiscpi'elle seule pouvait

le

teint

ne put résolu

dégager

de son serment La jeune princesse, remplie de vertu et de pudeur, pensa s'évanouir à cette horrible proposition. Elle se jeta le

aux pieds du

conjura, avec toute

lîi

contraindre à commettre un

Le

roi qui s'était

pour mettre

la

roi,

son père, et

force qu'elle put trouver dans son esprit, de ne tel

mis en tête ce bizarre projet, avait consulté un

conscience de

la

la

pas

crime. \'\cux

druide*

princesse en repos. Ce druide, moins religieux (pi'am-

bitieux. sacrifia, à l'honneur d'être confident d'un grand roi, l'intérêt de l'innocence

du

et de la vertu, et s'insinua avec tant d'adresse dans l'esprit

lement pie et

le

crime cpi'il

que d'épouser

sa

allait fille.

commettre,

Ce prince,

qu'il lui

flatté

par

persuada les

de se préparer

une œuvre

discours de ce scélérat, l'embrassa,

revint d'avec lui plus entêté que jamais dans son projel

l'infante

roi. lui adoucit tel-

même cpie c^était :

il

lit

donc ordonnera

à lui obéir.

La jeune princesse, outrée d'une vive douleur, n'imagina rien autre chose

1.

Prêtre des anciens Gaulois.

(pie


LES CONTES DE PERRAULT

72

marraine. Pour cet

d'aller trouver la fée des Lilas, sa

dans un

joli cabriolet attelé

même nuit

effet, elle partit la

d'un gros mouton qui savait tous les chemins. Elle y

arriva heureusement. La fée, qui aimait l'infante, lui dit qu'elle savait tout ce qu'elle

venait

mais qu'elle n'eût aucun souci, rien ne pouvant

dire,

lui

exécutait fidèlement ce qu'elle allait

que d'épouser votre père

ce serait une grande faute

elle,

vous pouvez

l'éviter

faut qu'il vous

et son pouvoir,

pour remplir une

dites-lui que,

:

donne une robe de

couleur du temps

la

ne pourra y parvenir.

il

ma

prescrire; « car,

lui

;

mais, sans

;

nuire

lui

chère enfant,

fantaisie

le

si elle

lui

dit-

contredire,

que vous avez,

il

amour

jamais, avec tout son

»

La princesse remercia bien sa marraine; et dès

lendemain matin

le

au

elle dit

roi

son père ce que la fée lui avait conseillé, et protesta qu'on ne tirerait d'elle aucun aveu qu'elle n'eût nait,

une robe couleur du temps. Le

assembla

dition {|ue,

fameux ouvriers,

les plus

s'ils

ne pouvaient réussir,

d'en venir à cette extrémité

L'empyrée

:

dès

n'est pas d'un plus

le

il

roi, ravi

et leur

les ferait tous

second jour,

beau bleu,

de l'espérance qu'elle

commanda

ils

lorsqu'il

don-

lui

cette robe, sous la con-

pendre.

II

n'eut pas

chagrin

le

apportèrent

la

est ceint de

nuages d'or, que

robe

désirée.

si

cette belle robe lorsqu'elle fut étalée. L'infante en fut toute contristée et ne savait

comment

se tirer d'embarras.

à la marraine, qui,

iïcn

Le

roi pressait la conclusion.

demander une de

la

couleur de

la

lune.

envoya chercher les plus habiles ouvriers, couleur de

la

s'affligea

immodérément

fort,

une

ou je crois que,

pareille robe,

diamants et

il

les

si

vous

le

lui

femmes

la

et lui

dit:

demandez une robe couleur du

roi votre père, car

la

refuser,

son père,

roi

La

et sa nourrice.

«

fée des

Ou

je

soleil,

me

nous

jamais on ne pourra parvenir;!

ou nous gagnerons au moins du temps.

demanda

lui

n'y eut pas vingt-quatre heures.

»

robe; et l'amoureux roi donna, sans regret, tous

rubis de sa couronne })0ur aider à ce superbe ouvrage, avec ordre

de ne rien épargner pour rendre cette robe égale au tous ceux qui

ne pouvait rien

vint au secours de l'affligée princesse,

L'infante en convint, les

roi, qui

encore

d'essayer

lui dit

commanda si expressément une robe

lors([u'eIle fut avec ses

viendrons à bout de dégoûter faire

fallut recourir

charmée de cette superbe robe que des soins du

Lilas, qui savait tout,

trompe

Le

et leur

lune, qu'entre donner et apporter

L'infante, plus

Il

étonnée de ce que son secret n'avait pas réussi,

soleil.

Aussi, dès qu'elle parut,

virent déployée lurent obligés de fermer les yeux tant

éblouis. C'est de ce

temps que datent

les lunettes vertes et les

ils

furent

verres noirs.

Que


PEAU-D'ANE

73

devint rinlanlc à celte vue? Jnmais on n';nait lien

coidondue,

travaillé. VAU' étail

dans sa ehainhre, où

vo\ant

pis; car, en «

Oh

pour

î

la fée

ma

coup,

le

amour de votre père

à

une

vous conseille de

lille,

honteuse ([u'on ne peut dire,

de

dit-elle à Tinlante,

lui l'aire; c'est la

peau de cet âne

cpiil

pensait en

Le pauvre àue plus aucun

si

la

même

le roi fùl

moyen

lejc

(pi'elle

détes-

tem[)s (pie son père ne pourrait jamais se résoudre à

élonné de celte

fut sacrifié, et

((

ne man(juez pas

allez, et

:

demande

passionnémeni, et

»

sou désir pour

sacrilier son âne, vint le Irouxcr, et lui e\j)Osa

animal. Quoi(pie

aime

de liouver encore un moyen d'éluder un mariage

l/infante^, ravie

hien

nous allons metlre lindigne

sera un peu ('tourdi de

(pi'il

dire (pie vous désirez celte [)eau.

lail, et «pii

(^e lui

terrible épreuve. Je le crois bien entélé de ce mariage,

qui fournit à t(»utes ses (léj)enses avec tant de profusion lui

arlistenienL

si

devint roui>e de colère.

soleil, elle

prochain: mais je pense

(pTil croit si

de

heaii el

si

sous [)réte\te d'avoii' mal aux veux, elle se leliia

l'attendait, plus

robe du

la

et,

de

vti

l;i

fantaisie,

peau galamment apportée

d'éluder son malheur,

la

peau de ce bel

ne balança pas à

il

la satisfaire.

ne voyant

à l'infante, (pii.

désespérer, lors(pie sa marraine

s'allait

accourut. «

Que

faites-vous,

ma

lille? dil-elle,

meurtrissant ses belles joues;

voici le

voyant

la

moment

j)rincesse déchirant sis

le

cheveux

el

plus heureux de votre vie. Enve-

loppez-vous de cette peau, sortez de ce palais, et allez tant (fue terre pourra vous

porter

:

lorscpi'on sacrifie tout à la vertu, les dieux savent

en récoinpenseï-. Allez,

j'aurai soin (jne votre toilette vous suive partout; en cpielquc lieu arrêtiez, votre cassette,

que vous vous

où seront vos habits et vos bijoux, suivra vos pas sous terre;

et voici uia baguette (jue je vous

donne

:

en frapi)anl

la

lerre. (piand

besoin de cette cassette, elle paraîtra à vos yeux, mais hàlez-vous de tardez pas.

sortit

de cette vilaine peau, après

la

pria

de

ne pas rabaiidonner.

s'être barbouillée de suie

de cheminée, et

de ce riche palais sans être reconnue de personne.

L'absence de l'infante causa une grande rumeur. Le fait

ne

»

L'infante embrassa mille fois sa marraine, s'alfubla

vous aurez

[)artir, el

préparer une

darmes

et plus

fête magnifi(iue, était inconsolable.

de mille mousquetaires pour

qui la protégeait, la rendait invisible

aller à la

roi,

Il fit

au désespoir, ptirtir

quête de sa

aux plus habiles recherches.

([ui

avait

plus de cent genfille;

mais

la fé'c,


DE PERRAULT

LES CONTES

74

Ainsi

il

fallut bien s'en consoler.

Pendant ce temps Tinfante cheminait. loin, et

Elle alla bien loin, bien loin, encore plus

cherchait partout une place; mais quoique par charité on

manger, on

trouvait

la

dans une belle

ville,

si

lui

donnât à

crasseuse que personne n'en voulait. Cependant elle entra

à la porte

de laquelle était une métairie, dont

fermière

la

avait besoin d'un souillon pour laver les torchons, nettoyer les dindons et l'auge

des cochons. Cette femme, voyant cette voyageuse d'entrer chez

elle,

ce

que

la

cuisine,

malpropre,

On

s"v

la

lasse

mit dans un coin reculé

elle fut, les

premiers jours, en butte

aux plaisanteries grossières de peau d'àne

proposa

lui

elle était

la

d'avoir tant marché.

de

si

de grand cœur, tant

l'infante accepta

la valetaille,

tant sa

rendait sale et dégoûtante. Enfin on

accoutuma;

d'ailleurs elle était

remplir ses devoirs, que

la

si

fermière

soigneuse de

la

prit sous sa

protection. Elle conduisait les moutons, les faisait

parcpierau temps où

dons paître avec une (pi'elle

n'eut jamais

il

le fallait; elle

menait

telle intelligence, qu'il

fait

autre chose

:

les

din-

semblait

aussi tout fruc-

tifiait sous ses belles mains.

Un

jour qu'assise près d'une claire fontaine, où

elle déplorait

souvent sa

triste condition, elle s'a\ isa

de s'y mirer; l'efiroyable peau d'àne, qui

habillement. ré[)ouvanta. Hon-

sa coiffure et son

teuse de cet ajustement, elle se décrassa

blanches que de

l'ivoire, et

La joie de se trouver mais

il

ment

lui fallut

le

si

le

faisait

visage et les mains, qui devinrent plus

son beau teint reprit sa fraîcheur naturelle. belle lui

donna envie de

s'y baigner, ce qu'elle exécuta; la

métairie. Heureuse-

ainsi elle eut le loisir

de tirer sa cassette,

remettre son indigne peau, pour retourner à

lendemain était un jour de fête;

d'arranger sa toilette, de poudrer ses beaux cheveux, et de mettre sa belle robe couleur

du temps Sa chambre .

était

si

petite,

que

la

queue de

cette belle robe ne pouvait

pas s'étendre. La belle princesse se mira et s'admira elle-même avec raison, qu'elle résolut, les

pour se désennuyer, de mettre tour

à tour ses belles

si

bien

robes les fêtes et

dimanches, ce qu'elle exécuta ponctuellement. Elle mêlait des fleurs et des dia-


.

PEAU-D'ANE inants dans ses beaux cheveux, avec n'avoir pour témoins de sa beauté

un art admirable;

que

ses

autant avec son horrible peau d'àne, dont on

Un jour de

fête

que Peau-d'Ane

75

mis

avait

montons

la

donné

avait

lui

et souvent elle soupirait de

et ses dindons, le

rpii

Taimaient

nom dans cette

robe couleur de

qui celte ferme appartenait, vint y descendre pour se reposer en revenant de

Ce prince

était jeune,

beau et admirablement bien

reine sa mère, adoré des peuples.

accepta

qu'il

;

puis

il

se mit

rant ainsi de lieu en lieu,

il

porte fermée. La curiosité

cevant prit

princesse

la

enfoncer

la

sortit avec peine

qui était c'était

belle et

si

l'œil à la sei'rure

;

richement vêtue, qu'à son

une

souillon, qu'on

allée

sombre

air

noble et modeste

il

la

l'au-

satisfait

pour s'informer

et obscure, mais ce fut

nommait Peau-d'Ane,

On

lui

répondait que

à cause de la peau dont elle s'ha-

crasseuse, que personne ne la regardait ni ne lui

qu'on ne l'avait prise que par

Le prince, peu

une

vit

poite, sans le respect que lui inspira cette ravissante personne.

de cette

billait, et qu'elle était si sale et si

pitié,

pour garder

de cet éclaircissement,

vit bien

les

moutons

que

et les dindons.

ces gens grossiers n'en

revint au palais

du

son père, plus amoureux qu'on ne peut dire, ayant continuellement devant

les

savaient pas davantage, et qu'il était inutile de les questionner.

yeux

la

belle

image de cette divinité

repentit de n'avoir pas heurté à

la

qu'il avait

vue par

le

Il

trou de

la

porte, et se promit bien de n'y pas

serrure.

dans

la

même

nuit,

une

lièvre

si

terrible,

La reine sa mère, qui n'avait que

remèdes médecins Enfin,

que bientôt

lui d'enfant, se

il

Il

se

manquer une

antre fois. Mais l'agitation de son sang, causée par l'ardeur de son amour,

la

il

mais ([ue devint-il en aper-

personne qui demeurait dans cette petite chambre.

la

parlait, et

roi

Kn cou-

[)arcourir les basses-cours et tous leurs recoins.

mettre

la

prince une collation champêtre,

entra dans une sombre allée, au bout de laquelle lui lit

roi, à

chasse.

l'amour de son père et de

t'ait,

offrit à ce jeune

la

pour une divinité? L'impétuosité du sentiment ((u'il éprouva dans ce moment

rait porté à Il

si

à

On

terme.

du

soleil, le fds

lui

donna,

fut réduit à toute extrémité.

désespérait de ce que tous les

étaient inutiles. Llle promettait en vain les plus grandes récompenses aux ;

ils

ils

y employaient tout

leur art, mais rien ne guérissait le |)rince

devinèrent qu'un mortel chagrin causait tout ce ravage;

reine, qui, toute pleine de tendresse

de son mal, et que, (piand

il

s'agirait

pour son de

lui

fils,

céder

la

couronne,

cendrait de son troue sans regret, pour l'y faire monter; (pie princesse,

quand

même on

serait en

guerre avec

ils

en avertirent

vint le conjurer de dire

le roi

le roi s'il

la

cause

son père des-

désirait quel(|ue

son père, et qu'on eût de justes


DE PERRAULT

LES CONTES

76

sujets

pour s'en plaindre, on

qu'elle le conjurait

pour obtenir ce

sacrifierait tout

de ne pas se

La reine n'acheva pas ce touchant discours sans mouiller torrent de larmes.

«

Madame,

suis pas assez dénaturé

de longues années et

pour désirer

qu'il veuille

à

me

le

visage du prince d'un

le

prince avec une voix très faible, je ne

couronne de

la

mon

père; plaise au

bien que je sois longtemps

ciel qu'il

plus fidèle et

le

mon

— Ah

m'en coûte.

cher

ton père, en

î

sauve

me

fils,

la

mienne

dit-il,

je vais

vous obéir

:

me

je

sont

La reine, étonnée de ce

officiers qui

c'est la plus vilaine bête après le loup;

une peau

votre métairie et qui garde vos dindons. chasse, a peut-être

mangé de

On courut

à la métairie, et l'on le

fit

bien

ma

chers. Oui, fasse

qui

madame,

un

« C'est,

reprit

fille,

une crasseuse, qui loge dans

noire,

— N'importe, ;

ma

un gâteau,

par hasard avait vu cette

sa pâtisserie

ma-

î

pensée,

me l'apporte. » nom bizarre, demanda

dit la reine;

c'est

en un mot, je veux que I*eau-d'Ane (puisque Peau-d'Ane

son mieux un gâteau pour

roi

on

et que, dès qu'il sera fait,

Peau-d'Ane?

si

me

mère, je désire que Peau-d'Ane

de ses

du

un crime de mettre

ferais

me

en danger deux êtres qui

un sateau pc

— Eh

puisqu'il faut vous déclarer

dame,

était cette

vie;

la

et celle

déclarant ce que tu désires, et sois

bien assuré qu'il te sera accordé.

la

plus

comme je le suis à vos mon fils, reprit la

mais,

retour de

vive

marier; et vous pensez bien que, soumis

reine; rien ne nous coûtera pour te sauver

Lllo fit^de son niicu\

le

m'olTrez, je n'ai point

î

volontés, je vous obéiiai toujours, quoi qu'il

f

leur.

la

Quant aux princesses que vous

respectueux de ses sujets encore pensé

enfin

lui dit

mais

qu'il désirait:

mourir, puisque de sa vie dépendait

laisser

venir Peau-d'Ane, pour

une il

y

lui

mon

fantaisie

fils,

au

de malade

a) lui fasse

ordonner de

;

promp-

faire

de

prince.

Quelques auteurs ont assuré que Peau-d'Ane, au moment que ce prince avait mis l'œil à la

serrure, les siens l'avaient aperçu

fenêtre, elle avait vu ce prince restée, et

Quoi

si

jeune,

que souvent ce souvenir

qu'il

en

soit,

lui

si

;

et })uis, que,

beau et

si

bien

regardant par sa petite

fait,

que

l'idée lui

en

était

avait coûté quelques soupirs.

Peau-d'Ane l'ayant vu, ou en ayant beaucoup entendu parler


PEAU- D'ANE avec

chambre, jela

77

moyen dèlre connue,

ravie de ixtiivoir Iiounci- un

('loge,

s'eulerma dans sa

sa vilaine peau, se décrassa le visage et les mains, se coiiïa de ses

blonds cheveux, mit un beau corset d'argent brillant, un jupon pareil, et se mit à faire le gâteau tant désiré

de

elle pril

:

la |)lus

|nire farine, des (cufs et

du beurre

bien fiais.

En

de dessein ou autreinenl, une bague cpiClle

travaillant, soit

tomba dans

a\ail au doigt

pâte, s'y mêla; et, dès (jue le gâteau fut cuit, s'affublant de son

la

horrilde peau, elle donna

gàleau

le

à rofliciei'. à (pii elle

du prince; mais cet homme, ne daignant pas

lui

demanda des nouvelles

répondre, courut chez

le

prince

lui

porter ce gâteau.

Le prince

le prit

que

vivacité,

les

avidement des mains de cet homme, et

médecins,

étaient présents, ne

([ui

fureur n'était pas un bon signe

bague

(pi'il

:

effectivement,

le

trouva dans un des morceaux du gâteau

mangea avec une

le

prince pensa s'étrangler, avec ;

mais

il

la tira

baisa mille fois cette bague,

quand

il

la

mit sous son

il

accordât de

la

faire

fait

venir; n'osant

([u'il

tout

moment,

se donna, pour imaginer

serrure, de crainte qu'on se

ce gâteau qu'il avait

non plus dire ce

moquât de

naire; toutes ces idées le tourmentant à les

éme-

pourrait voir celle à qui cette bague pouvait aller; et n'osant croire, sil

demandait Peau-d'Ane, qui avait

la

line

jugea ne pouvoir

clie\ et, et l'en lirait à

croyait n'être vu de personne. Le tourment

comment

de

le cercle était si étroit, qu'il

du monde.

servir qu'au plus joli petit doigt Il

la

adroitement de sa

bouche, et son ardeur à dévorer ce gâteau se ralentit, en examinant cette

raude montée sur un jonc d'or, dont

telle

manquèrent pas de dire que cette

médecins, ne sachant plus ([ue

faire,

lui,

demandé. avait vu

(pi'il

et qu'on le prît

la fois, la lièvre le

déclarèrent à

la

(pi"<»n

j)ar

le

lui

Irou

pour un vision-

reprit fortement; et

reine que le prince était

malade d'amour. La reine accourut chez son fdsî s'écria le

monarque

te la donnerons, fùt-elle

conlirma

le

serment du

auteurs de ses jours

une

alliance qui

:

«

la

roi.

avec

lils,

aflligé,

le roi,

nomme-nous

qui se désolait

celle

que

:

«

Mon

lils.

mon

cher

veux nous jurons que nous

tu

;

plus vile des esclaves. » La reine, en IVndjrassant,

Le

Mon père

vous déplaise:

raude de dessous son chevet,

pi'ince, attendri

et

et.

ma mère,

par

les

larmes et

lui

des

leur dit-il, je n'ai point dessein de faire

pour j)reuve de cette vérité,

c'est

les caresses

que j'épouserai

la

dit-il

personne

à

en tirant l'émequi cette bague


CONTES DE PERRAULT

LES

78/

ira, telle qu'elle soit; et

il

n'y a pas apparence que celle qui aura ce

une rustaude ou une paysanne. Le

reine prirent

roi et la

que

ainsi

bague, l'examinèrent curieusement, et jugèrent,

la

prince, que cette bague ne pouvait aller

le

doigt soit

joli

»

quà quelque

de bonne

fille

maison. Alors

tambours,

les

ayant embrassé son

le roi,

les fifres et les

([ue l'on n'avait qu'à venir

fils,

en

le

conjurant de guérir, sortit,

trompettes par toute

la ville,

fit

sonner

et crier par ses hérauts

au palais essayer une bague, et que celle à qui

elle irait

juste épouserait l'héritier du trône.

Les princesses d'abord arrivèrent, puis les duchesses, mais Il

elles

eurent beau toutes s'amenuiser

les doigts,

marquises et les baronnes

les

aucune ne put mettre

la

;

bague.

en fallut venir aux grisettes, qui, toutes jolies qu'elles étaient, avaient toutes

les

doigts trop gros. Le piince, qui se portait mieux, faisait lui-même l'essai. Enfin, on

en vint aux

filles

de chambre;

elles

ne réussirent pas mieux.

sonne qui n'eût essayé celte bague sans succès, lorsque cuisinières, les

marmitonnes,

les

gardeuses de moutons

:

Il

n'y avait plus per-

prince

le

demanda

les

on amena tout cela; mais

leurs gros doigts rouges et courts ne purent seulement aller par delà l'ongle. «

A-t-on fait venir cette Peau-d'iVne, qui m'a fait

un gâteau ces jours derniers?

»

dit le prince.

Chacun «

se prit à rire, et lui dit

Qu'on

l'aille

excepté quelqu'un.

On

amour

(|uelque

dame

chercliait

sa

n'eût la

le

;

il

ne sera pas dit que

j'aie

tintamarre

la

dindonnière.

et le cri des hérauts d'armes, s'était bien

tambour

doigt aussi

:

elle

aimait

le

prince; et,

comme

le véri-

la

menu

({ue le sien. Elle eut

que

donc une grande joie

chercher, et qu'on heurta à sa porte. Depuis qu'elle avait su qu'on à mettre sa bague, je ne sais quel espoir l'avait portée à se

soigneusement, et

fa!l)alas,

heurtait à

faisait ce

un doigt propre

coiifer plus

roi

est craintif et n'a pointde vanité, elle était dans la crainte continuelle

quand on vint

ment

le

courut, en riant et en se moquant, chercher

doutée que sa bague

de

elle était sale et crasseuse.

»

L'infante, qui avait entendu le

table

que non, tant

chercher tout à l'heure, dit

à

mettre son beau corset d'argent, avec

le

jupon plein

de dentelles d'argent, semé d'émeraudes. Sitôt qu'elle entendit qu'on porte, et qu'on l'appelait pour aller chez le prince, elle remit prompte-

peau d'àne, ouvrit sa porte;

et ces gens,

en se moquant

d'elle, lui

dirent (|ue


.

PKAIJ-DANE le roi

la

demandait pour

menèrent chez

ils la

n'osa croire

que ce

le

l'ùl

lui (airo

prince,

('pouscr son

(pii

de

rire, fille,

vue

elle «pi'il avail

Triste et confondu de s'être

si

79

puis, avec de longs ("clats

lui-même, étonné de raccoutrement de celle si

fils

:

pompeuse

et

si

helle.

lourdenieni lrom|)é:

,llimPliUV''ll,jn,It%-x, ^,„^

^^

Elle parut d'une beauté

«

Est-ce vous,

basse-cour de

la

lui dil-il. <pii

si

ravissante que

le

prince se mit ù ses genou:

looez au fond de cette allée oljscure, dans

la

troisième

métairie"?

Oui, seig;neur, répondil-elle.

Montrez-moi votre main soupir.

».

dil-il

en tremblant et poussant nu

.

ailles- iz.

ty^

CIRCULATION HtNS ROOM

|>rofond


Dame!

qui fut bien surpris! Ce furent le roi et

bellans et les grands de

une

petite

au plus la

CONTES DE PERRAULT

LES

80

main

délicate,

peau tomba, et

qu'il était, se

mit

elle

à ses

monde

;

et par

un

parut d'une beauté

genoux, et

les serra

ne s'en aperçut presque pas, parce que leur force, et lui

reine, ainsi

blanche et couleur de rose, où

doigt du

joli petit

la

que tous

demander

si

petit

ravissante,

si

bague

que

fait

;

mais on

bien épouser leur fils. La princesse, confuse

plafond s'ouvrit, et que

le

tout faible

rougir

reine vinrent l'embrasser de toute

lui

en remercier, lorsque

Tintante se donna,

la fit

cependant

descendant dans un char

diam-

s'ajusta sans peine

le prince,

avec une ardeur qui

le roi et la

elle voulait

la

mouvement que

de tant de caresses et de l'amour que les

les

cour, loi-sque de dessous cette peau noire et crasseuse sortit

la

marquait ce beau jeune prince, la

fée des

allait

Lilas,

de branches et de fleurs de son nom, conta, avec une

grâce infinie, l'histoire de l'infante.

Le

roi et la reine,

charmés de voir que Peau-d'Ane

redoublèrent leurs caresses

amour

princesse, et son

;

mais

le

une grande princesse, vertu de

la

princesse fut telle, qu'à peine donna-t-il

le

la

s'accrut par cette connaissance.

L'impatience du prince pour épouser

temps de

était

prince fut encore plus sensible à

la

convenables pour cet auguste hyménée. Le

faire les préparatifs

roi et la

reine, qui étaient affolés de leur belle-fille, lui faisaient mille caresses, et la tenaient

incessanunent dans leurs bras sans

le

consentement du

;

elle avait déclaré qu'elle

son père

roi

ne pouvait épouser

aussi fut-il le premier à qui on

:

le

prince

envoya une

invitation, sans lui dire quelle était l'épousée; la fée des Lilas, qui présidait à tout

comme de raison, Il

l'avait exigé, à

cause des conséquences.

vint des rois de tous les pays

cabriolet; de

plus

éloignés,

:

uns en chaise à porteur, d'autres en

les

montés sur des éléphants, sur des

tigres, sur des

aigles; mais le plus magnifique et le plus puissant fut le père de l'infante, qui

heureusement avait oublié son amour déréglé, belle,

dont

et avait

épousé une reine veuve, fort

n'avait point eu d'enfant. L'infante courut au-devant de lui;

il

la

reconnut aussitôt, et l'embrassa avec une grande tendresse, avant qu'elle eut

le

il

temps de se jeter Le

à ses

firent avec toute la

ficences,

Le

genoux.

roi et la reine lui

roi,

présentèrent leur

pompe

ne virent et ne regardèrent père du prince,

fils,

qu'il

combla d'amitiés. Les noces se

imaginable. Les jeunes époux, peu sensibles à ces magni-

fit

(ju'eux.

couronner son

fils

ce

même jour,

et, lui

baisant

la

main.


PE AU-DANI-: le plîica

sur son Lmnc, maillé

la

rcsislanccdc ce

SI

bien né:

lils si

Les fêtes de cet illustre mariage durèrent près de trois mois

deux époux durerait encore, lant

ils

s'aimaient,

s'ils

MOUALITI'.

Mais, tant que dans

Des mères

et

le

est, diflicile

à croire;

monde on aura

des enfants,

des mères-grand's.

On en gardera

la

mémoire.

iRCULAT10^ IM'8

HOO»*

lui

lalliil

obéir.

mais l'amour des

n'étaient pas morts cent ans

après.

Le conte de Peau-d'Aiie

il

;



TABLE DES MATIÈRES

Le

petit

Chaperon

rouge

1

Les Fées

4

Barbe-Bleue

La Belle au

7 bois

dormant

13

Le MAITRE Chat ou le Chat botié

22

Cendrillon ou la petite Pantoufle de verre

27

Riquet a la Houppe

33

Le

40

petit Poucet

L'adroite Princesse ou les Aventures de Finette

50

Peau-d'Anb

69

imprimerie PAUL DUPONT. (Cl.) 78. 12.97

CENTRAL

t.,,..

CHILDRENS


^.








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