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la vie à cayenne avant leS grandeS vagueS migratoireS

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7. MATÉRIALITÉ

7. MATÉRIALITÉ

LA VIE À CAYENNE AVANT LA DÉPARTEMENTALISATION ET LES GRANDES VAGUES MIGRATOIRES

L’histoire de Cayenne se distingue quelque peu du développement des autres villes de Guyane. Puisqu’elle est le centre de la colonie depuis l’initiative française de la fin du XVIIème siècle, elle s’est urbanisée plus rapidement et contrairement au reste du département son développement est antérieure à la départementalisation.

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Au XVIIIème siècle, la société guyanaise est une société colonialiste dont le fonctionnement repose sur des rapports de classes entre maîtres et esclaves. Durant cette période, Cayenne n’est pas habitée par les colons mais par une classe intermédiaire, constituée d’artisans, de commerçants, de petits fonctionnaires, etc… La plupart des familles Créoles installées en ville possèdent un ou plusieurs esclaves et représentent la classe supérieure et l’exemple à imiter pour le reste de la population.

Au début de son histoire, la ville de Cayenne n’est pas la priorité des colons et se laisse investir librement par la classe intermédiaire. Les rues sont plus particulièrement la propriété des esclaves - les Créoles ne sortent que rarement - qui l’investissent et l’habitent.

Cayenne change peu à peu au XIXème siècle sous l’impulsion du gouverneur Pierre Clément. Il transforme Cayenne en une ville animée mais au sein de laquelle la vie sociale des Créoles se déroule toujours en vase clos, au sein des théâtres ou des salons. Quant à la ville, très peu investie par la communauté, elle est dans un “état déplorable”1. Les rues, laissées aux esclaves, ne sont pas en bon état et les vastes espaces non bâtis sont envahis par les mauvaises herbes.

En 1854, lorsque l’or est découvert, son exploitation est porteur d’un développement économique qui impact Cayenne et qui signe l’arrivée des premiers immigrants. De “grosses maisons de commerce”2 ainsi que les premières boutiques ouvrent leurs portes entre 1870 et 1880. Alors que l’exploitation aurifère attire une population antillaise, les commerces sont principalement tenus par des immigrants venus de Chine. Le groupe socioculturel conserve le monopole des petites commerces jusqu’à aujourd’hui et représente une grande partie de la population de Cayenne. Regroupés au sein du quartier chinois, les Chinois ont su implantés au sein de la vie guyanaise leurs pratiques et leurs coutumes.

A la fin du siècle, le devant de la scène publique est occupé par une nouvelle classe bourgeoise, enrichie de ce nouvel essor économique. Parallèlement, le bagne a ouvert ses portes en Guyane et les bagnards entretiennent la ville et les espaces publics, leur conférant un statut digne de ce nom. Désormais la classe bourgeoise créole occupe la rue et les relations sociales se nouent au détour des rues.

Le centre-ville accueille donc une bourgeoisie et une “population intermédiaire”3 , reléguant les groupes ethniques qui arrivent sur le territoire en périphérie.

Ce mouvement de population est à l’origine de nombreux quartiers périurbains, construits essentiellement par les nouveaux immigrants en quête d’espaces libres.

La société guyanaise évolue et développe une attirance pour le paraître. On mesure l’aisance des familles cayennaise à la générosité dont elle fait preuve, autant auprès de ses voisins et de sa famille que des nécessiteux. De grands repas sont donc organisés, partagés et la vie sociale s’apprécie plus que jamais au cœur de la rue.

Cette recherche d’opulence de la fin du XIXème siècle conduit à l’édification des belles demeures typiques de Cayenne. Appelées maisons de maître comme leurs ancêtres, elles élèvent l’architecture créole à son apogée. La classe inférieure de Cayenne, ne pouvant s’offrir ces belles demeures, loge dans des maisons plus modestes, également en bois, mais de plain pied et bâties sur des plots. Ce besoin d’opulence conduira finalement la bourgeoisie créole et son besoin de grandeur, hors des villes. En quête d’espace, elle migre hors de la ville, pour accéder à de plus grandes propriétés. Le centre-ville est une nouvelle fois laissé aux mains de la classe intermédiaire et des autres groupes socio-culturels.

“la naiSSance et l ’ apogée de l ’ architecture créole traditionnelle cayennaiSe couvrent donc à peu prèS une centaine d ’ annéeS, du milieu du XiXè Siècle juSque verS le milieu du XXème Siècle. elle reflète et eXprime danS toute Sa Splendeur la Société bourgeoiSe créole qui elle auSSi eSt à Son apogée et qui S ’ inveStit danS l ’ eSpace urbain ” 4

Dans les années 1960, Cayenne, chef lieu de la Guyane est “un gros village”5, “adossé à son arrière pays entièrement couvert par la forêt”6 .

Bien que la départementalisation ai largement contribué à accélérer son urbanisation et à modifier son paysage, elle est depuis l’arrivée des Français, le centre névralgique de la Guyane. A l’image de Paris, qui, en métropole, conserve le monopole économique et culturel, Cayenne est la ville la plus développée et urbanisée du département depuis le début de la colonie.

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RICHTER Monique, “Pour une réhabilitation de l’habitat créole à Cayenne”, Editions L’Harmattan, Paris, 2010, p22 5 MAM LAM FOUCK Serge, “La société guyanaise à l’épreuve des migrations, 1965-2015”, Université de la Guyane, Editions Ibis Rouge Editions, 2015 6 MAM LAM FOUCK Serge, “La société guyanaise à l’épreuve des migrations, 1965-2015”, Université de la Guyane, Editions Ibis Rouge Editions, 2015

Plan urbain de la ville de Cayenne. Source géoportail ©Production personnelle Le point orange localise la maison d'enfance de Paul Kali qui nous sert de cas d'étude au sein de ce mémoire

La façade d'une maison traditionnelle de cayenne, celle de Paul Kali ©Production personnelle

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