Ne paraît pas aux mois de juillet-août. 9, rue Berckmans 1060 Bruxelles
DÉPOT À BRUXELLES X
Libertes!
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FÉVRIER 2008 – N°441 – LE MENSUEL D’AMNESTY INTERNATIONAL
L’EMPRISE RUSSE IRAN TÉMOIGNAGES SOUS LE VOILE
LOUVAIN-LA-NEUVE LES VOIES DE LA LIBERTÉ
É D ITO R I A L
DÉTRESSES ET AMALGAMES L
e 23 janvier, des miliciens du Hamas mettaient bas quelques pans de la muraille métallique qui, à Rafah, sépare la bande de Gaza de l’Égypte. Cette brèche était rapidement envahie par plusieurs centaines de milliers de Palestiniens, heureux d’échapper un temps aux rigueurs de plus en plus insupportables du blocus et de l’isolement imposés par l’armée israélienne. Pour Israël, l’imperméabilisation de la Ligne Verte gazaouite se justifie par la nécessité de protéger les civils israéliens du risque d’attentats que fait peser l’infiltration de militants clandestins palestiniens, d’autant que, depuis le «désengagement» d’août 2005, 4 000 roquettes auraient été tirées de Gaza sur les localités israéliennes voisines, dont la ville de Sderot. Avec la victoire du mouvement islamo-nationaliste palestinien aux législatives de janvier 2006 et sa prise violente du pouvoir à Gaza en juin 2007, l’imperméabilisation a tourné au blocus, tandis que l’armée israélienne a repris ses «liquidations ciblées» et ses incursions, et qu’en décembre 2007, le gouvernement israélien a décrété la bande de Gaza «entité ennemie».
L’Égypte a refermé la brèche frontalière de Rafah, mais l’imbroglio politique et le désastre humanitaire restent entiers. Sur le plan politique, l’Égypte est censée contrôler (avec l’Union européenne) la frontière sud d’un territoire que l’État d’Israël prétend ne plus occuper depuis septembre 2005, mais que le droit international considère toujours comme occupé, avec les obligations (médicales, sociales et économiques) envers les civils occupés qui incombent à la puissance occupante, obligations qu’Israël ne rencontre pas vraiment en imposant un blocus, une punition collective dont les premières victimes sont les civils palestiniens. De même, l’Autorité palestinienne (AP) et son éphémère gouvernement d’union nationale ont explosé en deux gouvernements. À Gaza, le gouvernement est dirigé par le Hamas, vainqueur des élections, qu’Israël et la communauté internationale ne reconnaissent pas, et qui ne reconnaît pas davantage l’État d’Israël. En Cisjordanie, le gouvernement est dirigé par le Fatah, perdant des élections et non investi par le Parlement, mais qu’Israël et la communauté internationale reconnaissent, et qui reconnaît Israël, ce dernier contrôlant par ailleurs la moitié du territoire. Enfin, sur le plan humanitaire, la population de Gaza dépend toujours de l’aide internationale et du bon vouloir israélien, en l’absence d’une réelle volonté politique internationale. Pour humainement intolérable qu’elle soit, cette situation ne justifie pas que, le 28 janvier, des manifestants, réunis à Bruxelles pour dénoncer le blocus de la bande de Gaza, aient défilé sous un immense calicot frappé du slogan inculte et nauséabond : «Gaza, la nouvelle Shoah ?». e
Libertés ! • Rue Berckmans, 9 – 1060 Bruxelles • Tél : 02 538 81 77 Fax : 02 537 37 29 • libertes@aibf.be • www.libertes.be • Éditrice responsable : Christine Bika • Rédacteur en chef : Pascal Fenaux • Comité de rédaction : Bruno Brioni, Thandiwe Cattier, Valérie Denis, Véronique Druant, Samuel Grumiau, Anne Lowyck, Brian May, Suzanne Welles • Ont collaboré à ce numéro : Gilles Bechet, Yasmina Hamlawi et Julien Winkel • Maquette : RIF • Mise en page : Gherthrude Schiffon • Impression : Remy Roto • Couverture : Un paracommando russe patrouille à proximité de la mosquée de Piervomaiskoe, un village daghestanais frontalier de la Tchétchénie. © PANOS / Heidi Bradner
CHANGEMENT D’ADRESSE – ATTESTATION FISCALE – MODIFICATION, ANNULATION OU NOUVELLE COTISATION DE MEMBRE/DONATEUR(TRICE) Madame Michele Ligot : mligot@aibf.be H je change d’adresse (inscrire uniquement la nouvelle adresse) Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Prénom: . . . . . . . . . . N° de membre: . . . . . . . Adresse: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . N° . . . . . bte . . . . . . . . . . Code postal: . . . . . Localité: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tél (obligatoire): . . . . . . . . . . . . . . . E-mail: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . H Oui, j'adhère aux objectifs d'Amnesty et souhaite devenir membre H Je répartis le montant de : H ma cotisation H de mon abonnement sur toute l’année en complétant ce coupon et en le renvoyant à Amnesty International, 9 rue Berckmans à 1060 Bruxelles. Tout montant qui dépassera 14,87 e (prix de la cotisation ou de l'abonnement), sera considéré comme un «don», et par là-même jouira de la déductibilité fiscale pour autant que ce supplément soit de 30 e ou plus. Je verse tous les mois, au départ de mon compte n° . . . . . . . . . . – . . . . . . . . . . . . . . la somme de : H 2,5 e H 5 e H . . . . . . . . e (toute autre somme de mon choix) au profit du compte 001-2000070-06 de Amnesty International à partir du . . . . . . . . . . et jusqu’à nouvel ordre. Je conserve le droit d’annuler ou de modifier cet ordre à tout moment. ou je verse en une fois le mandat de . . . . . . . . . . . . . . au compte 001-2000070-06 Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prénom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Date de naissance: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . N° . . . . . . . . bte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Code postal: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Localité: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tél (obligatoire): . . . . . . . . . . . . . . . . E-mail: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Profession: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Date: . . . . . . . . Signature:
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SOMMAIRE ACTUEL
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DOSSIER
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I Iran : Témoignages sous le voile I Annonce : Assemblée générale 2008 I Insolites-Brèves
L’EMPRISE RUSSE I Russie : Une transition «dé-démocratique» ? I Nord Caucase : Entre tentions russe, islamiste et séparatiste I Tchétchénie : Normalisation de surface I Ingouchie : La débandade I Kabardino-Balkarie : Hors contrôle ? I Daghestan : Le chaos
MOUVEMENT
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ISAVELIVES.BE
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CULTURE/AGENDA
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I Gros plan : «Il faut rassembler les forces vives» I Jeunes : Son nom ? Bougieman I Belgique : Guantánamo ne profite jamais
I Lettres du mois I Bonnes nouvelles
I Fanfare en mineur I Noir de squat I L’homme à la caméra
ACTU EL KENYA ÉLECTIONS ET MASSACRES Depuis l’élection présidentielle controversée du 27 décembre 2007, qui a vu le président Mwai Kibaki l’emporter sur son opposant Raila Odinga, le Kenya est pris dans un cycle infernal de manifestations politiques et d’exactions ethniques, certaines commises par les forces de l’ordre. Plusieurs journalistes ont reçu des menaces de mort, au lendemain du meurtre du député de l’opposition kenyane, Melitus Mugabe Were. Les menaces proviennent du gang des Mungiki, une secte clandestine kikuyu (l’ethnie du président) redoutée pour ses assassinats barbares. Des menaces de mort ont également été émises contre neuf militants renommés des droits humains au Kenya, également en majorité des Kikuyus, accusés d’être des «traîtres» à leur ethnie. Officiellement, plus de 1 000 personnes ont été tuées entre le 30 décembre et le 30 janvier, mais ce nombre pourrait être beaucoup plus élevé. Selon l’ONU, les violences ont provoqué le déplacement de plus de 255 000 personnes, tandis que plus de 6 000 autres se sont réfugiées en Ouganda. e
INDONÉSIE UN CRIMINEL S’EST ÉCHAPPÉ Le 27 janvier, Haji Mohammed Suharto est mort à l’âge de 86 ans. L’ancien dictateur indonésien, chassé du pouvoir en mai 1998, était responsable d’une répression anticommuniste et ethnique qui aurait un peu moins d’un million de morts. En disparaissant, Suharto échappe définitivement à la justice. e
BANGLADESH NON À L’IMPUNITÉ Le 8 janvier, une délégation menée par Irene Khan, secrétaire générale d’Amnesty International, s’est adressée aux organisations de la société civile à Dacca. Elle a rappelé que les crimes de guerre commis durant la guerre d’indépendance de 1971 (qui impliqua le Pakistan, l’Inde et le Bangladesh) devaient faire l’objet d’enquêtes conformes au droit international. Et, lors d’une rencontre avec le gouvernement de transition, la délégation a demandé qu’il respecte ses obligations internationales en matière de respect des droits humains, «sans dérogation possible au titre de l’état d’urgence». e
PAKISTAN LA TOURNÉE DU PRÉSIDENT Le lundi 21 janvier 2008, lors de sa tournée européenne, le président pakistanais Pervez Musharraf a rencontré à Bruxelles le haut représentant de l’UE pour la politique étrangère commune et la sécurité, Javier Solana, ainsi que des membres du Comité Affaires étrangères du Parlement européen. À cette occasion, l’organisation a rappelé à Javier Solana les violations des droits fondamentaux perpétrées au Pakistan, en dépit de la levée officielle de l’état d’urgence. Violemment volatile (voir Libertés! n° 439 de décembre 2007), la situation politique du Pakistan s’est aggravée avec l’assassinat, le 27 décembre, à Rawalpindi (Pendjab), de la candidate à l’élection présidentielle, Benazir Bhutto, en compagnie de vingt autres personnes. e
Un groupe d’écolières iraniennes en excursion dans les vestiges d’une ville de l’ère zoroastrienne, dans la région de Yazd. Dakhimeh, avril 2007. © Yasmina Hamlawi
IRAN
TÉMOIGNAGES SOUS LE VOILE L’Iran offre à ses visiteurs une complexité insoupçonnée et des contrastes déroutants. Il en va ainsi des femmes que l’on s’attend à voir marcher tête basse et dont on croit ne pouvoir saisir qu’un regard fuyant. On s’imagine la femme iranienne comme l’archétype de la femme soumise, déformée par un tchador noir. Pourtant, les Iraniennes ont su utiliser les armes du clergé chiite pour s’imposer dans une société faite et pensée par les hommes.
A
u printemps dernier, il était à la fois risible et tragique de voir les forces de police iraniennes courir derrière des femmes «trop peu voilées», le long des grandes avenues du Téhéran Nord. Les autorités iraniennes venaient de lancer le nouveau Plan de contrôle et de répression afin de confronter les Iraniennes au respect du Code vestimentaire islamique. Les Forces de Sécurité d’État, secondées en cas de nécessité par les Gardiens de la Révolution islamique (pasdaran), se sont ainsi vues assigner la très sérieuse mission de contrôler la longueur des manteaux, le maintien des hidjabs sur les chevelures ou tout autre signe jugé provocateur et contraire aux bonnes mœurs islamiques. Ce vent «pittoresque» de répression soufflant sur l’Iran ne constitue pas une nouvelle forme d’arbitraire. Cette campagne est resservie chaque année à la même période, alors que les chaleurs annoncées par le printemps poussent les Iraniennes à agrémenter de couleurs les tenues sombres réglementaires et à s’éloigner d’une observation rigoureuse des canons vestimentaires édictés. Des parlementaires considérés comme modérés au sein du Majlis (Parlement) ont
dénoncé les effets indésirables d’une telle répression. Ils s’interrogeaient publiquement sur les priorités du gouvernement : s’acharner sur des manteaux saillants plutôt que de faire reculer la pauvreté et la criminalité. L’ayatollah Seyyed Mahmoud Hashemi Shahroudi, à la tête du système judiciaire iranien depuis 1999, a averti le gouvernement des effets indésirables de certaines méthodes : «traîner femmes et jeunes filles jusqu’aux postes de police pour quelques mèches de cheveux déplacées, non seulement n’apportera pas la moralité au pays, mais en plus risque d’avoir des effets fort négatifs» (1). Ces campagnes sont d’autant plus sujettes à critique qu’elles ne concernent qu’une minorité de femmes, celles des quartiers huppés des grandes villes. C’est au lendemain de la Révolution islamique de 1979 que l’ayatollah Khomeiny imposa le hidjab comme l’un des symboles fondateurs de la nouvelle société. Malgré les vagues de protestations que cette réforme avait initialement suscitées, la majorité des Iraniennes d’aujourd’hui se conforment au code vestimentaire islamique. Elles s’en sont accommodées et ont su, paradoxalement, retourner cette obligation à leur avantage, en une trentaine d’années.
Libertés ! Février 2008 3
ACTU EL Le hidjab a en quelque sorte accordé un blanc-seing aux femmes d’Iran qui ont outrepassé les limites et interdits pour s’imposer dans la sphère publique et dans de nombreux corps de métiers. Professeure d’anglais et mère de famille moderne, Roya approuve le régime islamique qui a instauré un climat de sécurité pour les jeunes femmes : «Les jeunes filles sont libres d’étudier, de travailler ou de vaquer à leurs occupations sans se faire ennuyer. Nous vivons dans un pays où je n’ai pas peur pour mes filles.» Revêtues du voile comme d’une immunité dans une société traditionnellement patriarcale, les Iraniennes ont assigné à la tenue vestimentaire islamique un rôle contraire à celui escompté par ses législateurs. D’après Fatmeh, militante féministe, «le hidjab est un faux débat et cache d’autres préoccupations plus décisives pour le statut des femmes iraniennes». Fatmeh agit pour la révision du Code de la famille dont de nombreuses règles discriminent les femmes : les lois concernant le divorce et la garde des enfants, l’héritage, la valeur du témoignage d’une femme (2)… Elle insiste sur le caractère rétrograde de la législation iranienne en comparaison à l’évolution sociale de ces dernières années. Quelques jeunes femmes brandissent le voile en étendard de leurs croyances et de leur appartenance communautaire. C’est le cas de Nafiseh, jeune étudiante, fière d’arborer le hidjab. Elle maintient que même si l’obligation de le porter venait à tomber, elle n’y renoncerait pas pour autant : «Il est du devoir des musulmanes de se couvrir la tête et de témoigner d’une attitude humble et vertueuse». Et de poursuivre, «le problème ne réside non pas dans le hidjab, mais en notre gouvernement qui, malgré ses professions de foi, ne respecte pas les valeurs édictées par l’islam. Il s’agit d’un gouvernement corrompu.». Shahrzad acquiesce tout en regrettant le manque de confiance accordée aux femmes et à leur libre-arbitre : «Il semblerait que le gouvernement craint les
femmes et les changements qu’elles pourraient apporter à la société». Nombreuses sont les Iraniennes qui adhèrent à ce point de vue et estiment que la fusion entre le séculier et le spirituel ne constitue pas une entrave intrinsèque à leurs libertés sociales, politiques et économiques. En d’autres termes, l’Islam et les droits de la femme peuvent faire bon ménage. Les limitations qui leur sont imposées proviendraient d’une dérive de l’actuel gouvernement. La question du voile en Iran se dessine tout en nuances et pour certaines dans la douleur. Shoreh, doublement discriminée en tant que musicienne et baha’ie, n’a plus la patience d’attendre que les lois s’adoucissent. Elle rêve de pouvoir marcher librement dans la rue sans avoir à se couvrir : «Superstitions, tout cela n’est que superstitions. Cette volonté de vouloir cacher les cheveux de la femme sous un hidjab ne la rend pas moins attractive. En quoi les cheveux d’une femme sont-ils pêchés ? En quoi les cheveux d’une femme sont-ils un danger? S’ils sont dérangés par la féminité, c’est à eux de baisser le regard». Les Baha’is souffrent de persécution par le clergé chiite, leur religion étant dénoncée pour hérésie. Beaucoup choisissent l’exil pour échapper à l’exclusion sociale et aux lois discriminatoires qui les enserrent. Les jeunes femmes d’Iran disposent, au dire de leurs aînées, d’opportunités considérables dues notamment à l’accent mis par le gouvernement sur l’éducation. Les Iraniennes représentent aujourd’hui entre 65 à 70 % des effectifs universitaires et l’arrivée prochaine de ces jeunes femmes instruites sur le marché du travail constitue la pierre angulaire d’une nouvelle société iranienne qui reste encore à définir, entre religion et modernité. e Yasmina Hamlawi (1) www.iranfocus.com (2) Par exemple, l’Article 223 du Code pénal iranien estime que le témoignage d’un homme vaut celui de deux femmes.
L’INSOLITE TAXES, SEX AND SUN Au Texas, les clients des clubs de strip-tease doivent désormais payer 5 dollars supplémentaires pour financer la prévention contre les crimes sexuels et l’ouverture de centres d’accueil pour les victimes de viol. Cette taxe devrait rapporter près de 40 millions de dollars par an. Soutenue par des mouvements féministes, la mesure provoque un tollé chez les danseuses et les propriétaires de clubs. Selon eux, les clients vont fuir et le droit à la liberté d’expression est violé. Vue comme une atteinte du gouvernement contre une vieille tradition cow-boy texane, l’initiative suscite une opposition farouche. Dans cet État, les clubs de strip-tease permettent aux jeunes filles de payer leurs études universitaires ou de faire leurs débuts dans le show-business. Certains juristes craignent quant à eux que la taxe ne crée un précédent susceptible de se traduire par l’imposition de taxes punitives contre les cliniques pratiquant l’avortement dans les États de la Bible Belt [où vivent un grand nombre de protestants rigoristes]. e (D’après Courrier International)
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE 2008 L
gique ou, à tout le moins, avec le plan opérationnel de la section.
’Assemblée générale ordinaire d’AIBF est convoquée ce 28 mars 2008 à 09h30 au siège de l’association. Conformément aux statuts de notre asbl, une AG statutaire n’est valable que si 2/3 des membres sont présent(e)s ou représenté(e)s. AIBF comptant actuellement plus de 25000 membres, il est peu probable que le quorum soit atteint. Une seconde AG sera donc convoquée le 26 avril à Gembloux. Celle-ci pourra délibérer quel que soit le nombre de membres présents ou représentés. Le Carrefour Finances aura lieu le 12 avril de 14h30 à 17h00 au 29 rue Blanche, 1060 Bruxelles (SaintGilles).
CANDIDATURES AU CONSEIL D’ADMINISTRATION OU AU COMITÉ D’ÉVALUATION ÉTHIQUE DES PARTENARIATS
RÉSOLUTIONS Les projets de résolution et les amendements aux statuts et au règlement d’ordre intérieur doivent être adressés au Conseil d’administration au moins 60 jours avant la date de l’Assemblée générale, soit pour le 26 février 2008. Les projets et les amendements introduits après l’écoulement du délai sont automatiquement écartés, à l’exception des projets de résolutions d’urgence. Les projets de résolution et les amendements aux statuts et au règlement d’ordre intérieur ne sont recevables qu’à condition d’être appuyés par la signature de 5 membres au moins. Toute résolution soumise à l’Assemblée générale doit être accompagnée d’une brève déclaration d’intention
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et des motifs de la résolution. Toute résolution dont l’adoption aurait des répercussions non négligeables sur l’utilisation des ressources financières et/ou humaines de la section doit, pour être recevable, être introduite par des considérants, soit accompagnée d’une notice qui explique son lien avec le plan straté-
Conseil d’administration Seuls les membres de l’association depuis au moins deux ans, en règle de cotisation, peuvent poser leur candidature au poste d’administrateur. Sauf dérogations prévues par le règlement d’ordre intérieur, les candidatures au Conseil d’administration doivent être envoyées par écrit au moins 60 jours avant la date de l’Assemblée générale annuelle, soit pour le 26 février 2008, et adressées au siège de l’association, à l’attention de la présidente du Conseil d’administration (Christine Bika). Les candidats joignent à leur acte de candidature un bref «curriculum vitae» (une dizaine de lignes) et une lettre de motivation. Comité d’évaluation éthique des partenariats Les candidats au Comité d’évaluation éthique des partenariats doivent compter au moins deux ans d’ancienneté en tant que membres d’AIBF et être en règle de cotisation. Ils doivent envoyer leur candidature au Secrétariat national au moins 60 jours avant l’Assemblée générale, soit pour le 26 février 2008, sauf dérogation accordée par cette dernière. e
DOSSIER
L’EMPRISE RUSSE Le 2 mars prochain, les électeurs russes seront appelés à nommer le successeur de Vladimir Poutine à la présidence de la Fédération de Russie. Au terme de huit années de restauration d’un appareil policier et militaire mis à mal sous la «thérapie de choc» ultralibérale et les frasques de la présidence de Boris Eltsine, la Russie est redevenue, sous la poigne de fer de Poutine, une puissance européenne qui n’hésite plus à jouer du rapport de forces militaire et pétrogazier dans ses relations avec l’Union européenne et ses voisins. Cette restauration musclée s’est bien évidemment d’abord manifestée dans la remise au pas des régions et républiques autonomes du Nord Caucase, à commencer par la République de Tchétchénie. Mais, les craintes exprimées par les défenseurs des droits humains lors du dossier que nous avions consacré à la Tchétchénie semblent s’être confirmées («Tchétchénie, une guerre inouïe», Libertés! n° 417 d’octobre 2005). Les quelques embryons de société civile ont été remis au pas et nombreux sont ceux qui ont tout simplement étouffé sous la pression du Kremlin, quand ce ne sont pas des journalistes qui ont été assassinés dans des circonstances plus que troubles et dans un climat général d’impunité. Quels sont les enjeux des prochaines élections ? Que se passe-t-il dans le Caucase russe ? Quelle est la nature du nouveau régime en place à Moscou ? Ce dossier apporte quelques fragments de réponses.
La «Force Alfa» du ministère de l’Intérieur bloque l’accès au Parlement russe. La «Maison Blanche» vient d’être pilonnée sur ordre du président Eltsine, au plus fort de la crise constitutionnelle de 1993 opposant ce dernier à son vice-président Alexandre Routskoï et au président du Parlement, Rouslan Khasboulatov. Moscou, octobre 1993. © NOVOSTI / Vladimir Viatkine
RUSSIE
UNE TRANSITION «DÉ-DÉMOCRATIQUE ?» Depuis son arrivée à la tête de la Fédération de Russie en 1999, les spéculations vont bon train sur la source du pouvoir de Vladimir Poutine. À l’heure où, officiellement, ce dernier s’apprête à céder la place à un successeur élu au suffrage universel en mars 2008, les questions ne sont pas moins nombreuses quant à la dérive de la Russie dans un processus de «dé-démocratisation». Rencontre avec Aude Merlin*, chargée de cours en Sciences politiques à l’Université libre de Bruxelles (ULB).
Q
ue se passe-t-il en Russie ? On observe des tendances qui ne remontent pas seulement à l’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir. On a souvent coutume de marquer une rupture entre la période de Boris Eltsine et celle de Poutine. Or, ce qui ressemble à une rupture est plutôt une nouvelle phase dans un processus de «dé-démocratisation», c’est-à-dire de régression démocratique par rapport aux petites pousses de démocratisation qui avaient germé sous le dernier dirigeant soviétique, Mikhaïl Gorbatchev. La «dé-démocratisation» a commencé en 1993, sous Eltsine, avec en particulier le bombardement du Parlement et le choix de la force pour résoudre un conflit strictement politique.
Lorsqu’il arrive au pouvoir, Poutine clame sa volonté de restaurer la «verticale du pouvoir» et ce qu’il appelle «la dictature de la loi», des expressions pour le moins discutables. Or, il n’y a pas de «dictature de la loi», dès lors que la loi n’est pas respectée et ne s’applique pas à tous, comme en témoignent, par exemple, les errements de l’enquête sur l’assassinat de la journaliste Anna Politkovskaïa en octobre 2006. Par contre, pour ce qui est de la «verticale du pouvoir», elle s’est exprimée par la suppression de l’élection au suffrage universel des gouverneurs locaux, juste après Beslan. Par ailleurs, en dépit des proclamations officielles, la corruption reste importante voire structurelle à tous les niveaux, en particulier dans le domaine de la Justice.
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DOSSIER j Natalia Rozkova, une grabataire de 83 ans d’un village de la banlieue moscovite, vote pour les élections législatives. Selvatchovo, 2 décembre 2007. © AFP / Viktor Korotaïev
Enfin, l’espace du pluralisme politique s’est sensiblement restreint, en particulier depuis 2005, lorsqu’un amendement à la loi sur les partis politiques a imposé comme condition d’enregistrement ou de réengistrement un seuil de membres qui n’est plus de 10 000, mais de 50 000 adhérents… Dans un pays où la culture démocratique est embryonnaire, un tel seuil ne revient-il pas à étouffer toute velléité de société civile structurée ? Tout à fait. D’autant que les Russes ont d’autres enjeux à relever au quotidien pour se risquer à militer dans un parti politique, d’opposition qui plus est. Tout cela explique donc la montée en puissance de Russie unie [le parti «présidentiel» de Vladimir Poutine] qui est davantage la reconstitution d’un bloc «nomenklaturiste» qu’un parti politique au sens classique du terme. Quel paysage politique a émergé de la fin du système soviétique ? Tout d’abord, il y a un Parti communiste incarné par Vladimir Ziouganov, le KPRF, sans compter une constellation de petits partis communistes locaux. On a également assisté à l’émergence d’une mouvance libérale avec la création rapide du Parti démocratique russe (PDR, également appelé Iabloko, acronyme de ses fondateurs Iavlinski, Boldyrev et Loukine). Un autre parti «libéral» est l’Union des Forces de Droite (SPS), à cette différence près que ce dernier est un vrai parti de droite ayant produit des personnalités comme Egor Gaïdar, le ministre de la «thérapie de choc» ultralibérale. Iabloko était, lui, un parti «puriste» qui, non seulement, n’allait jamais aux affaires, mais était aussi davantage soucieux des questions sociales. Enfin, il y a des partis violemment populistes, comme le Parti libéral-démocrate de Vladimir Jirinovski, désormais allié à la mouvance de Poutine. Dans les années nonante, au fur et à mesure que des oligarchies économiques se sont structurées autour de gens comme Boris Berezovski, Roman Abramovitch ou Vladimir Gusinski, une lutte s’installe au sein même du pouvoir. Une grande partie de la vie politique va quant à elle ensuite s’articuler autour du clivage entre le «centre» et les «régions», une lutte qui rejaillit lors de la question de la succession de Boris Eltsine. Le clan dit «des régions» est en fait une association entre Moscou et plusieurs gouverneurs locaux, incarnée par le parti La patrie - Toute la Russie de Iouri Loujkov et Evgueni Primakov. Fin des années nonante, cette alternative est «cassée» par médias interposés, pour aboutir au retrait de Primakov (le seul vrai homme politique) et, à partir de 2000, ce parti est fusionné de force par Poutine avec le parti Unité pour former l’actuel Russie unie. Depuis l’arrivée de Poutine, quel est le paysage politique ? Si le SPS, Iabloko et le KPRF (communiste) existent toujours, ce dernier est tout ce qu’il reste d’opposition réelle représentée à la Douma. La coalition L’Autre Russie, outre qu’elle est pénalisée par les médias de masse acquis au Kremlin, souffre d’être un agrégat disparate et incohérent de personnalités comme l’ancien Premier ministre Mikhaïl Kassianov ou l’ancien champion d’échecs Garry Kasparov. Les élections législatives du
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2 décembre 2007 ont donné une majorité de 64 % à Russie unie, un parti à la tête duquel Poutine ne se présentait théoriquement pas, mais dont l’image et le nom ont fait l’objet d’un matraquage électoral. Cela dit, il semblerait qu’en se fiant aux rares enquêtes indépendantes, la popularité de Poutine reste relative. Les années Eltsine avaient été très humiliantes et, associées à la dérégulation et à la mise en coupe du pays par les oligarques, elles avaient durablement discrédité la notion de démocratie. Du coup, le terrain était mûr pour le discours de restauration nationale et internationale tenu par Vladimir Poutine («la dictature de la loi», «on butera les terroristes [tchétchènes] jusque dans les chiottes»). La hausse des cours du brut a permis l’émergence d’une classe moyenne qui, du coup, crédite le président de bons résultats économiques. Mais, le système Poutine reste fragile, comme le montrent les enquêtes de l’institut indépendant Levada. Les gens sont quotidiennement confrontés à la corruption et ils ne sont dupes ni de la situation en Tchétchénie, ni du bourrage de crâne en faveur de Edinaïa Rossia («Russie unie»). Comme ils peuvent davantage voyager hors de Russie ou se connecter à Internet, ils voient bien qu’ils ont une information monolithique, en particulier à la télé. Pourquoi un tel bourrage de crâne, alors que Russie unie était pratiquement assuré de gagner les élections et que Medvedev fera sans doute de même ? Poutine a peur des élections à cause d’un traumatisme personnel. En 1996, alors qu’il était responsable de la campagne d’Anatoly Sobtchak à la mairie de Saint-Pétersbourg, il a essuyé un échec cuisant et il s’est aperçu que des élections démocratiques, ce n’était pas forcément contrôlable… D’autre part, il a vu ce qui s’est passé en décembre 2004 en Ukraine et en novembre 2003 en Géorgie. Du coup, les élections de décembre 2007 ontelles été truquées ou non ? Ce qui semble certain, c’est qu’il y a eu amplification de pratiques plutôt problématiques, comme des excursions organisées pour personnes âgées avec passage obligé par le bureau de vote. Une autre pratique, c’est ce qu’on appelle les «ressources administratives», c’est-à-dire l’utilisation massive des administrations pour s’assurer que leur personnel allait voter Russie unie. Et, dans certaines régions, ça a carrément été le bourrage des urnes. Dans le Nord Caucase, la Tchétchénie aurait «voté» à 99 % pour Russie unie et le Daghestan à 89 %... Les observateurs étrangers, ainsi que, par exemple, l’ONG Golos («La Voix»), ont observé davantage de falsifications qu’en 2003. Quels partis soutiennent la candidature de Dmitri Medvedev ? Outre Russie unie, il y a Russie juste (une vraie-fausse opposition officielle, dite de centre gauche), le Parti agraire et Force civique. Mais là n’est pas la question. Il n’existe pas de partis politiques au sens occidental du terme : il a suffi que Poutine annonce publiquement qu’il soutenait la candidature de Dmitri Medvedev pour que les intentions de vote en sa faveur soient multipliées par deux. Et elles atteignent aujourd’hui, à la fin
DOSSIER janvier 2008, 82 %, alors que ce candidat vient d’annoncer qu’il ne participerait pas aux débats télévisés ! Face à lui, le communiste Ziouganov totalise 9 % d’intentions de vote, le populiste Jirinovski 8 %, et l’inconnu Bogdanov 1 %. Quant à Kassianov, il était crédité à la mi-janvier de 1 % (et sa candidature vient d’être écartée…). Certains parlent d’un retour du KGB derrière la personne de Poutine ? C’est de la paranoïa ? Une théorie du grand complot ? Il faut être prudent. Ce qui semble indiscutable, c’est que Poutine a été marqué par sa formation, lui qui avait voulu travailler pour le KGB dès l’âge de 17 ans. Lorsqu’il a été recruté à 23 ans, c’était en outre pour faire du renseignement dans le pays le plus quadrillé d’Europe de l’Est, la République démocratique allemande… Ensuite, Poutine a été traumatisé par
la chute du mur de Berlin, lorsqu’il a été abandonné par ses «parrains». Depuis quelques mois, deux camps sont en train de se dessiner : celui des «libéraux» et celui des «services». Le fait que, pour lui succéder, Poutine ait choisi comme dauphin Dmitri Medvedev – «Monsieur Gazprom» – et non Sergueï Ivanov – «Monsieur FSB» [successeur du KGB], cela signifie qu’il a besoin de donner des gages au camp des «libéraux». En effet, une tendance lourde depuis Eltsine, ce sont les relations de consanguinité entre le pouvoir politique et les groupes, holdings et autres consortiums industriels. La seule lecture des organigrammes indique qu’une grande partie de l’entourage politique de Poutine, soit dirige un groupe économique, soit est membre de son directoire. e Propos recueillis par Pascal Fenaux * Elle vient également d’éditer Où va la Russie ? (Éditions universitaires de Bruxelles, 2007).
NORD CAUCASE
ENTRE TENTATIONS RUSSE, ISLAMISTE ET SÉPARATISTE La situation au Nord Caucase est un cocktail complexe de facteurs socioéconomiques, ethniques et religieux qui explique les tensions dans la région. La religion est un prétexte confortable aussi bien pour les wahhabites qui légitiment leur combat pour un islam pur que pour Moscou qui justifie par là sa lutte antiterroriste et la verticalité de son pouvoir.
C
oincée entre la Mer Noire et la Mer Caspienne, la région du Caucase est constituée d’une mosaïque d’ethnies, de langues, de religions et d’États. Cette région est divisée d’est en ouest par la chaîne de montagne éponyme entre le Nord Caucase, qui est sous souveraineté de la Fédération russe, et le Sud Caucase, qui est quant à lui constitué de trois États indépendants : la Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Le Caucase est le théâtre de conflits passés, présents et peut-être à venir. Les invasions et les vicissitudes de l’Histoire y ont laissé leurs traces. Rêvant d’accéder aux mers chaudes, la Russie tsariste avait d’abord tenté de russifier cette région hétérogène. Ensuite, sous l’ère soviétique, Staline a procédé à des découpages administratifs faisant fi de toute logique ethnique ou linguistique, selon l’adage «diviser pour mieux régner». Actuellement, dans le Nord Caucase, plus on se déplace vers l’est, plus la région se dérussifie. En voyageant d’ouest en est, on passe ainsi des kraïs (territoires) de Krasnodar et Stavropol, majoritairement habités de Russes, aux républiques autonomes de Kabardino-Balkarie et d’Ossétie du Nord, peuplées entre 20 et 30 % de Russes, jusqu’aux républiques les plus orientales du Caucase du Nord (Ingouchie, Tchétchénie et Daghestan) où, en 2002, on a recensé moins de 5 % de Russes. L’économie de l’ensemble de la région est elle aussi fortement contrastée. Si la région occidentale de Krasnodar se porte bien – Sotchi accueillera les Jeux olympiques d’hiver en 2014 – d’autres régions située plus à l’Est comme l’Ingouchie et le Daghestan sont rongées par la violence, le chômage ou la
corruption. La structure clanique de ces sociétés fait que l’argent qui y circule ne profite pas forcément à l’État et donc à ses citoyens, mais plutôt aux «familles». Les inégalités sociales s’y sont accrues, appauvrissant et fragilisant une frange de la population, dès lors plus sensible à la cause tchétchène, voire au radicalisme islamique. Pourtant, la pratique de l’islam dans ces régions avait toujours été plutôt traditionnelle et empreinte de soufisme, mouvement de spiritualité.
ISLAM, DJAMAAT ET POUVOIR Quoique que bien implanté dans la région, l’islam, et en général le contexte religieux, n’explique que partiellement la situation actuelle du Nord Caucase. La communauté musulmane de Russie représente 12% de sa population. Pour cette population, l’islam est un mode de vie, certes, mais aussi un moyen de préserver son identité nationale. La Tchétchénie et le Daghestan sont restés assez religieux durant la période soviétique. L’effondrement de l’URSS, la crise économique qui a suivi et l’appel de Boris Eltsine à prendre autant d’autonomie possible ont favorisé le développement d’un nationalisme ethnique et religieux dans la région. Ainsi de jeunes islamistes qui, dans un premier temps, s’étaient regroupés autour d’un maître soufi ont intégré peu à peu des formations armées puissantes. L’arrivée du saoudien Khattab parmi les rebelles tchétchènes durant la première guerre a favorisé l’expansion du wahhabisme, une lecture rigoriste de l’islam. Avec Bassaev, il a par la suite planifié l’invasion du Daghestan en 1999 dans l’espoir de réunir ces deux républiques au sein d’un État Islamique commun. Depuis des siècles, les régions montagneuses daghestanaises sont le repaire des djamaat : des communautés vivant en autarcie et selon un style de vie islamique. L’influence croissante des groupes armés radicaux a entraîné l’apparition d’un nouveau type de djamaat, prônant l’application de la charia et servant de relais à Khattab et Bassaev. Peu à peu des djamaat se sont formées partout dans le Caucase, comme la djamaat ingouche de Magomet Yevloyev ou la djamaat Yarmuk en Kabardino-Balkarie. Des formations similaires se retrouvent par ailleurs dans les républiques des Karatchaïs-Tcherkess et d’Ossétie du Nord. Les leaders tchétchènes ont souvent voulu réunir ces différentes djamaat au sein d’un front uni caucasien, mais l’incursion wahhabite ratée au Daghestan a montré que les populations répugnaient à vivre sous un régime de charia. Il faut dire aussi qu’en proposant et en soutenant certains dirigeants, en maintenant des élites locales au pouvoir et en arrosant généreusement la région d’aides financières, on peut dire que Poutine a réussi jusqu’à présent à éviter l’embrasement total du Caucase ou du moins la «tchétchénisation» de la région. e Véronique Druant
j Les entités territoriales et nationales du Nord Caucase depuis 1992. D’après Artur Tsoutsiev, Atlas ètnopolitceskoj istorii Kavkaza – 1774-2004, Evropa, Moscou 2006 © Benoît Martin, Atelier de Cartographie de Sciences Po, mai 2006.
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DOSSIER TCHÉTCHÉNIE
NORMALISATION DE SURFACE Au premier abord, l’année 2007 a été synonyme d’un retour à la vie normale en Tchétchénie. La guerre paraît être un mauvais souvenir et les villes se reconstruisent. Mais cette note positive ne doit pas occulter un climat de peur et de terreur toujours présent et qui dépasse largement dépassé les frontières tchétchènes.
F
inie la vie terrée dans les caves. Le grand air, les centres commerciaux, les ballades le long de l’avenue Kadyrov (anciennement Lénine) agrémentent à nouveau le quotidien des Tchétchènes. La capitale Grozny vit au rythme de la reconstruction, s’offrant un lifting de façade. Ils sont loin les champs de ruines et les paysages lunaires. Même l’enseigne Mac Do scintille au cœur de la ville ; bref, la vie normale. Derrière cette résurrection, un homme : Ramzan Kadyrov, ancien combattant séparatiste tchétchène de trente ans, nommé en mars 2007 président de la République autonome de Tchétchénie par le président russe Vladimir Poutine. Perçu comme un gars «cool» par certains car il affectionne désormais les survêtements et les voitures de sport, Kadyrov remet peu à peu debout la société tchétchène par le biais de sa Fondation. La population ne se soucie pas trop de savoir comment les caisses de la Fondation Kadyrov sont alimentées. Kadyrov a signé nombre de contrats avec des millionnaires tchétchènes de Moscou. Mais la rumeur parle aussi de dessous de tables perçus dans les administrations et renflouant les poches de Ramzan Kadyrov. Fidèle à la tradition clanique, il nomme ses proches à des postes importants, comme son cousin devenu Premier ministre. Kadyrov est aussi entouré depuis des années des redoutés kadyrovtsi, espèce de milice privée à sa dévotion. Certes, la situation s’est améliorée : plus de bombardements ni d’état de guerre. Cependant les violations des droits humains persistent: enlèvements, tortures, viols, exécutions extrajudiciaires continuent en toute impunité. Les kadyrovtsi seraient responsables des trois quarts des disparitions recensées en Tchétchénie. Il est de plus en plus difficile d’obtenir des informations car les ONG et les journalistes subissent de fortes pressions. La loi de 2006 réglementant les activités et le financement des ONG en Fédération de Russie a renforcé les tracasseries administratives et a vu moult associations fermer pour cause de refus de réenregistrement. La Tchétchénie se révèle être une société encore gouvernée par la force, mais pas encore par le droit.
LES BOEVIKIS*, UNE ESPÈCE EN VOIE D’EXTINCTION ? Depuis juin 2006, différentes figures de la résistance et du gouvernement séparatiste tchétchènes ont été tuées. Tel fut le sort funeste de trois anciens présidents de la République tchétchène indépendantiste : Aslan Maskhadov, Abdul-Khalim Sadullayev et Shamil Bassaev (assassiné avec quatre autres commandants militaires de la résistance tchétchène). À la plus grande satisfaction de l’administration Poutine, ces disparitions auraient cassé la résistance. Il est indéniable que l’intensité des combats a diminué. Cependant Doku Umarov, successeur de Bassaev, continue de planifier la division du Caucase en six fronts de résistance. Il s’est aussi proclamé «émir» [prince musulman] du Nord Caucase en octobre dernier. Il se considère comme la seule autorité légale de tous les territoires où les moudjahidin lui ont juré fidélité en sa qualité de leader du Djihad. Des doutes se font entendre quant aux intentions véritables que dissimuleraient ces déclarations. Selon Akhmad Zakaev, ministre des Affaires étrangères de la république tchétchène en exil (et qui a démissionné de ses fonctions en novembre 2007), il faudrait voir la main du FSB derrière ces apparentes actions de déstabilisation car le but de l’ancien KGB serait de pouvoir renforcer la présence de l’armée russe dans le Nord Caucase. e V.D. * Boevikis : combattants tchétchènes
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l L’ancienne avenue Lénine, dans le centre de la capitale tchétchène, relevée de ses ruines et rebaptisée avenue Akhmat Kadyrov, du nom de l’ancien président prorusse assassiné en mai 2004 et père de l’actuel président, Ramzan Kadyrov. Grozny, juin 2006. © NOVOSTI / Vladimir Viatkine
KABARDINO-BALKARIE
HORS CONTRÔLE ? L
a Kabardino-Balkarie n’échappe pas à la vague de terreur qui frappe ci et là à travers le Caucase. Jusqu’en 2005, cette république était gouvernée d’une main de fer par le président Valery Kokov, lequel muselait l’opposition en réprimant aussi bien la religion musulmane que le radicalisme islamiste et en fermant tout simplement les mosquées. Il faut pourtant savoir que les deux peuples, Kabardes et Balkares, sont tous deux musulmans sunnites. Inutile de préciser que ce dernier jouissait d’une impopularité à la hauteur d’un chômage et d’une corruption endémiques. Dans ce contexte, les intérêts des factions islamistes locales (comme la djamaat Yarmouk) ont rencontré ceux de la résistance tchétchène de l’époque qui, pour se débarrasser des forces russes, ne voyait pas d’un mauvais œil la perspective d’une menace d’insurrection sur l’ensemble du Nord Caucase. À sa suite, Moscou a promu Arsen Kanokov, un homme d’affaires qui avait par le passé financé la construction d’églises et de mosquées. Malgré l’attentat de Nalchik qui a coûté la vie à 150 personnes en octobre 2005, des améliorations en matière de liberté d’expression ont pu être enregistrées. Cependant l’actuel président ne semble pas avoir la maîtrise des exactions commises par les forces de sécurité locales. Par ailleurs, le Centre antiterroriste pour le Nord Caucase, placé sous la houlette de Moscou, siège à Nalchik, ce qui a pour conséquence de multiplier les arrestations de «présumés terroristes» ou de journalistes et autres défenseurs des droits humains s’intéressant de trop près aux méthodes de ce Centre. Enfin, les groupes armés islamiques restent actifs. En janvier 2008, le colonel Anatoly Kyarov, chargé de traquer Anzor Astemirov, le leader de la section de Kabardino-Balkarie du front caucasien, a été assassiné. e V. D.
DOSSIER INGOUCHIE
DAGHESTAN
LA DÉBANDADE
LE CHAOS
Beaucoup comparent la situation ingouche d’aujourd’hui à celle qui régnait en Tchétchénie à la fin des années nonante : opérations antiterroristes, enlèvements et vagues de violence.
G
ouvernée par le controversé Murat Ziazikov, un ancien du FSB et proposé à sa propre succession par le président russe Vladimir Poutine en 2005, l’Ingouchie a accueilli en 1999 un nombre impressionnant de réfugiés tchétchènes. Mais, depuis 2002, les forces de sécurité ingouches ont commencé à rechercher des boevikis dans les camps de réfugiés. Les incursions de boevikis tchétchènes en 2004 n’ont fait que légitimer les exactions des autorités ingouches. Depuis lors, l’Ingouchie est la proie d’opérations antiterroristes avec leurs cortèges de violations des droits humains. Les humiliations et la violence subies par la population, couplées à un taux de chômage croissant, ont eu pour effet de déstabiliser la société et de renforcer l’extrémisme religieux. En 2007, la situation sécuritaire au sein de la république s’est terriblement détériorée. On dénombre une trentaine d’explosions et d’échanges de tirs par mois. Ces attaques visent autant la police et les autorités locales que les civils. Outres les attentats commis par les rebelles tchétchènes, des civils, toutes ethnies confondues – russes, ingouches ou roms – sont également tués par des hommes armés non identifiés se déplaçant dans des voitures sans immatriculation et qui, selon certains témoins, parleraient un russe dépourvu d’accent. De même, en juillet 2007, un raid punitif s’est déroulé dans le village de Aliyurt. L’impopularité du président ingouche Ziazikov est telle qu’il y a quelques semaines, une pétition a été lancée l’accusant de corruption et lui demandant de démissionner. Ramzan Kadyrov lui a même proposé son aide afin de remettre de l’ordre dans la république, offre qu’il a décliné. Dans la nuit du 23 au 24 novembre 2007, Oleg Orlov, un membre de l’ONG de défense des droits humains Memorial a été enlevé en compagnie de trois journalistes dans leur chambre d’hôtel à Nazran. L’objectif de cet enlèvement qui n’a duré qu’une nuit était sans doute de les empêcher de se rendre à une manifestation contre les actes répressifs des autorités locales. Manifestation qui a été fortement réprimée, cela va s’en dire. Une autre explication souvent émise au sujet de la disparition de jeunes Ingouches serait le différend opposant l’Ingouchie à l’Ossétie du Nord. Les deux républiques se disputent le district de Prigorodny, un territoire qui a appartenu à l’Ingouchie jusqu’en 1944 et qui depuis lors est rattaché à l’Ossétie du Nord. En 1992, un conflit meurtrier a éclaté, occasionnant un déplacement massif de population ingouche. La situation s’est ensuite apaisée, mais les tensions ont repris de plus belle depuis la tragique prise d’otage de Beslan, en septembre 2004. e V.D.
Le Daghestan compte à lui seul davantage d’ethnies et de langues que l’ensemble du Caucase, ce qui en fait la république autonome la plus volatile de toute la Fédération de Russie.
A
u Daghestan, une trentaine de peuples cohabitent dont la majorité sont d’ethnie avar, lezguine, lakh, kumik, tchétchène, etc. En février 2006, Vladimir Poutine a proposé au poste de président de cette république bigarrée l’Avar Mukhov Aliev, ancien Premier secrétaire du Parti communiste de la république du Daguestan. Cependant Aliev ne parvient pas à endiguer le chômage qui atteint les 30 %, ni la corruption endémique, les détournements de recettes fiscales. Makhatchkala, la capitale du Daghestan, souffre de coupures d’électricité et de chauffage poussant la population en ce mois de janvier 2008 à manifester son mécontentement. Malgré la neige et les 18 degrés sous zéro. Depuis 2006, la situation sécuritaire ne fait que s’aggraver : attentats, explosions et enlèvements y sont monnaie courante. Les explosions visent en général les autorités locales. En février 2007, un attentat a été perpétré contre le ministre de l’Intérieur, Adilgeri Magomedtagirov, auquel il a échappé de justesse. Il est de notoriété publique que les méthodes utilisées par son administration lors des enquêtes et des interrogatoires sont illégales et immorales. On déplore également l’enlèvement ou la disparition de plus d’une vingtaine de personnes entre janvier et août 2007. Diverses hypothèses circulent : soit ces personnes ont rejoint des formations armées dans les montagnes (djamaat), soit elles ont été enlevées par les autorités. De nombreux témoignages convergent au sujet de jeunes hommes disparaissant sur le chemin les menant à la mosquée. Leur corps criblé de balles est retrouvé 300 km plus loin et la presse s’empresse de publier des photos les montrant le corps gisant par terre, arme d’un côté et littérature islamique de l’autre, avec comme sous-titre : «wahhabite»*. Pour achever ce tableau noir, retenons que les défenseurs des droits humains ont la vie dure au Daghestan. Le cas d’Osman Boliev est à cet égard exemplaire, les autorités l’ayant arrêté à maintes reprises et l’accusant d’être un agent à la solde de l’étranger ou de complice des «terroristes». e V.D.
* Le wahhabisme est une forme rigoriste de l’islam sunnite prônant le retour à l’islam des origines (salafisme)
j Un agent des forces spéciales russes à côté du cadavre d’un militant nationaliste tué lors d’un raid dans la capitale du Daghestan. Makhatchkala, juillet 2005. © AFP / Sergueï Rassoulov
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MOUVEMENT GROS
PLAN
«IL FAUT RASSEMBLER LES FORCES VIVES» Les «coordinations pays» jouent un rôle central dans l’action d’Amnesty. En charge d’une zone géographique, elles définissent et coordonnent les actions qui y sont liées. Chefs d’orchestre de ces équipes, les responsables de coordination effectuent un travail crucial. Ce mois-ci, rencontre avec François Graas, responsable de la coordination Brésil.
Q CERCLE PETER BENENSON LIÈGE, LE MARDI 19 FÉVRIER À 20H00 TCHÉTCHÉNIE : UNE GUERRE INAUDIBLE Projection du film Alexandra d’Alexandre Sokourov, suivie d’un débat. Selon les autorités fédérales russes, le conflit en Tchétchénie s’est apaisé… Qu’en est-il réellement ? En décembre 2007, les électeurs tchétchènes ont voté à 99,4 % en faveur de Russie unie, le parti du président Poutine. Comment l’homme qui déclencha la deuxième guerre en 1999 et fit raser Grozny, peut-il y être aussi populaire ? À l’approche de l’élection présidentielle russe de mars 2008, présentation des enjeux. En présence d’Aude Merlin, chargée de cours en Sciences politiques à l’Université libre de Bruxelles (ULB), est co-auteure de Tchétchénie : une affaire intérieure ?, éd. Autrement/CERI, 2005. e Lieu : Cinéma ‘Le Parc’ – rue Paul-Joseph Carpay, 22 – 4020 Liège Entrée : 5,5 e (prix plein) - 4,7 e (membre Cercle Peter Benenson si réservation) Réservation souhaitée auprès d’Ingrid Plancqueel au 02 538 81 77 ou cerclebenenson@aibf.be
BRUXELLES, LE MERCREDI 5 MARS À 18H00 PLANIFICATION ET BARBARIE : L’INTELLIGENCE CONTRE LA MORALE ? On a longtemps pensé que le génocide était une «exception» de l’époque moderne, avant de se demander si, au 20e siècle, le génocide ne formait pas l’extrême pointe de notre modernité désenchantée ? N’existe-t-il pas une continuité entre la démocratie et son envers ? Pour prévenir l’émergence d’une telle inhumanité, peut-être faut-il moins célébrer les vertus de la raison que se prémunir contre ses excès ? En présence de Leopoldo Mùnera (professeur de Sciences politiques à l’Université nationale de Colombie, à Bogotá) et Alfredo Gomez-Muller (philosophe, professeur à l’Institut catholique de Paris). Médiateur : Matthieu de Nanteuil - Professeur de sociologie à l’Université Catholique de Louvain (UCL). e Lieu : ULB - Bâtiment A- salle Y2.108 – avenue Paul Héger – 1050 Bruxelles Entrée : 5 e (adultes) 2 e (étudiants et demandeurs d’emploi) Réservation souhaitée auprès d’Ingrid Plancqueel au 02 538 81 77 ou cerclebenenson@aibf.be
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u’est ce qui t’a amené à rejoindre les rangs d’Amnesty en tant que responsable de la coordination
Brésil ? Je suis parti au Brésil à 18 ans pour un échange dans le cadre d’un programme d’étude et je suis revenu complètement fou de ce pays. Par la suite, je suis devenu membre d’Amnesty et, en 2004, j’ai voulu m’engager par rapport au Brésil afin d’essayer d’avoir une influence sur ce qui s’y passe. J’ai découvert via une relation qu’il existait des «coordinations pays» au sein d’Amnesty et je me suis donc lancé. Par la suite, petit à petit, je suis devenu responsable de la coordination… En arrivant à Amnesty, tu avais donc déjà une certaine connaissance du Brésil… Oui… Je pensais d’ailleurs que je n’apprendrais pas grand chose, notamment au niveau des faits, j’étais très sûr de moi (rires)… Or, c’est tout le contraire qui s’est passé… J’ai énormément appris, tant au niveau de ce qui se passe dans le pays qu’au niveau plus général des droits humains, qui est vraiment une matière passionnante… Tu parles de «ce qui se passe dans le pays». Peux-tu préciser le type de thématiques traitées par la coordination ? Depuis décembre 2005, nous nous sommes centrés sur la violence urbaine, qui est vraiment un gros problème au Brésil, notamment dans les favelas. Le cas le plus connu à ce niveau est bien sûr celui du Complexo do Alemao, à Rio de Janeiro. Nous sommes ici dans une situation de conflit entre les forces de l’ordre et les groupes de criminels organisés, de type narcotrafiquants. Ces derniers «tiennent» véritablement la favela et y fournissent même certains services comme le gaz ou l’électricité. D’un autre côté, il y a la police, qui n’est pas présente quotidiennement mais fait des incursions régulières, très violentes et se frotte aux bandes organisées. Les principales victimes de cette véritable guerre sont les civils vivant dans les favelas ; civils pour la plupart innocents mais qui se retrouvent pris entre deux feux ou considérés par la police comme des suspects potentiels du simple fait de déambuler dans les rues… Les femmes, aussi, sont victimes de ces violences. Ce sujet sera d’ailleurs un de nos leitmotivs pour 2008 puisque nous allons lancer, à partir d’avril, une campagne sur la violence urbaine ET les femmes. Il y a par ailleurs également de gros problèmes au niveau de la violence conjugale au Brésil…
Avec également d’importantes difficultés d’accès à la justice pour les femmes victimes de cette violence conjugale… Tout à fait, et c’est un sujet qui nous préoccupe beaucoup. Il est très compliqué pour une femme victime de violences de se faire entendre au Brésil, surtout si elle est issue de milieux défavorisés. Par contre, si l’une d’elles se retrouve aux prises avec la justice, elle encourt également quelques fois de sérieux risques. Ainsi, à titre d’exemple, nous avons eu récemment à nous occuper du cas d’une jeune fille de 15 ans, mineure donc, qui a été enfermée pendant plus d’un mois avec une vingtaine de détenus hommes et qui été violée plusieurs fois par jour en échange de sa nourriture. En grattant un peu, nous nous sommes rendu compte que c’était loin d’être un cas isolé et que ce genre de situation était récurrent… Nous nous battons donc aussi pour que le sort des femmes en milieu carcéral soit amélioré. Les problèmes que tu évoques sont-ils, selon toi, d’ordre financier ou structurel… ? Quand on parle de ces événements aux autorités brésiliennes, elles nous répondent que le Brésil est un pays du tiers-monde, qu’il n’y a pas de moyens et qu’il est compliqué, dans ces conditions, de faire bouger les choses… C’est en partie vrai, mais je suis convaincu qu’il y a aussi une question de volonté politique… Les moyens existent, mais ils sont utilisés autre part que dans ces domaines-là… Le problème des plus défavorisés, au Brésil, c’est qu’on les a oubliés. Il y a des zones entières dans le pays, principalement dans les villes, où des franges énormes de la population sont laissées pour compte, sans soins de santé, sans éducation, sans transport publics… Ce vide laissé par l’Etat permet au crime organisé de se développer… Concrètement, comment la coordination Brésil agit-elle afin de faire bouger les choses ? Le travail que nous effectuons est très peu basé sur les actions urgentes. Nous nous centrons plutôt sur les causes structurelles, sur des thématiques assez larges. En Belgique, nous essayons donc de sensibiliser un maximum la population. Nous avons ainsi organisé une exposition photo (NDLR : l’exposition Nous vivons dans la peur) autour de la thématique des violences policières dans les favelas. Elle comporte 30 photos prises à Rio de Janeiro par une photographe brésilienne…
MOUVEMENT CERCLE PETER BENENSON BRUXELLES, LE VENDREDI 7 MARS À PARTIR À 17H00 «LES MOTS EN COLÈRE» - FOIRE DU LIVRE DE BRUXELLES Cette année, le thème de la Foire du livre est « Les mots en colère ». Le Cercle Peter Benenson et la Coordination Culture d’Amnesty International vous convient à une lecture de poèmes déclamés en français, en espagnol et en arabe, entrecoupés d’intermèdes musicaux. Avec Jean-Marie Pétiniot (comédien) et Marie Van Her (chanteuse et comédienne). e Lieu : Tour et Taxis – avenue du Port 86 C – 1000 Bruxelles Entrée : 7 e (adultes) 3 e (étudiants, seniors et demandeurs d’emploi) - gratuit (membres du Cercle Peter Benenson - uniquement sur réservation - 50 places disponibles) Réservation souhaitée auprès d’Ingrid Plancqueel au 02 538 81 77 ou cerclebenenson@aibf.be
François Graas, coordinateur Brésil, devant le siège du Secrétariat national. Saint-Gilles (Bruxelles), janvier 2008. © Bruno Brioni
Cette exposition est toujours en cours ? Elle a été montée à Liège en octobre et nous réfléchissons actuellement à la possibilité de la mettre en place ailleurs en Belgique, comme à Bruxelles ou à Namur. Au delà de ce genre d’initiative, la coordination Brésil effectue également un travail plus «classique»… Oui, nous tentons de «mettre la pression» sur les autorités grâce à l’envoi de lettres ou de cartes postales. Nous entretenons aussi des contacts avec les autorités belges (NDLR : au niveau du Ministère des Affaires étrangères) afin d’essayer de faire passer nos revendications et nos recommandations. Nous travaillons aussi avec les autorités brésiliennes en Belgique. Quel est ton rôle dans toute cette organisation ? Personnellement, je me considère un peu comme un intermédiaire. J’ai des contacts avec des personnes très différentes au sein d’Amnesty et en dehors. J’ai ainsi de très bonnes relations avec l’équipe Brésil du Secrétariat international d’Amnesty, basé à Londres. J’ai aussi des contacts avec mes homologues hollandais, français, suisses, espagnols et avec les autres coordinations belges travaillant sur la question de l’Amérique du Sud (NDLR : un petit groupe informel regroupant l’ensemble des coordinations en charge de l’Amérique du Sud, appelé la «Délégation des Amériques», a d’ailleurs été créé à ce propos). Plus globalement, je sers aussi de relais par rapport aux autorités belges, à la presse et surtout vis-à-vis du Secrétariat national d’Amnesty Belgique Au niveau de ta fonction justement, quel bilan fais-tu pour l’année 2007 ? Il est très positif… Je suis arrivé fin 2005 et en 2006 j’ai dû m’adapter… 2007 est donc la première année vraiment complète, pleine, au cours de laquelle j’ai eu à m’occuper de la coordination. Et, modestement, j’ai l’impression qu’au cours de cette période, les choses ont
bougé au Brésil, doucement mais sûrement, notamment au niveau des services assurés par l’Etat dans les favelas. Il est clair que ce n’est pas uniquement dû à l’action d’Amnesty, mais nous avons eu notre petit rôle… Pour les points négatifs, je pense qu’il faudrait que nous ayons davantage de contacts avec les groupes locaux, que nous les connaissions mieux et que nous soyons plus à même d’identifier leurs besoins… Et pour 2008, quel est le programme ? Il y aura l’action concernant la violence urbaine et les femmes dont j’ai déjà parlé. A ce propos, deux DVD traitant de cette thématique seront d’ailleurs publiés par le Secrétariat International. Ce dernier sortira également, en avril, un nouveau rapport concernant le Brésil. Dans ce cadre, il faudra donc que nous le diffusions. Un souhait particulier pour cette nouvelle année ? Je voudrais tout d’abord souligner un élément positif dont j’ai oublié de parler : nous sommes passés, en 2007, de 1 à 3 membres au sein de la coordination Brésil, ce qui est une très bonne nouvelle. Nous disposons dorénavant d’un francophone, d’une hispanophone et d’une lusophone… Ce qu’il faut maintenant, c’est mettre en place une meilleure dynamique, répondre aux attentes des groupes et coordonner au mieux nos actions… Il faut aussi que nous améliorions notre coordination entre tous les bénévoles travaillant au sein d’Amnesty. Ainsi, par exemple, la question des femmes touche bien évidemment beaucoup plus de pays que le Brésil et il serait intéressant pour nous d’arriver à mettre en commun les compétences de toutes les personnes s’occupant des différents aspects de cette problématique. Il faut rassembler les forces vives et l’expertise dont nous bénéficions en interne grâce aux bénévoles et aux permanents… Il faut aussi que nous améliorions nos contacts avec les autres associations travaillant sur le sujet du Brésil… e Entretien réalisé par Julien Winkel
Comme chaque année, Amnesty sera présente à la Foire du Livre (Stand 227) du 5 au 9 mars et proposera un grand choix de livres et de documents sur le thème des droits humains. Le public sera également invité à acheter des livres qui seront envoyés à des prisonniers d’opinion.
LE PRINTEMPS DES FORMATIONS Voici la liste des prochains modules pour lesquels il reste encore de la place : 01/03
de 10h00 à 16h30
Les violences conjugales
06/03
de 19h00 à 22h00
Découvrir Amnesty
15/03
de 09h30 à 16h30
Mission et fonctionnement d’Amnesty
19/04
de 09h30 à 12h30
Découvrir Amnesty
14/05
de 19h00 à 22h00
Découvrir Amnesty
17/05
de 09h30 à 16h30
Mission et fonctionnement d’Amnesty
24/05
de 10h00 à 16h30
Homosexualités et droits humains
31/05
de 10h00 à 16h00
La protection internationale des droits fondamentaux
Toutes ces formations ont lieu à Bruxelles. Si vous venez de devenir membre d’Amnesty et si vous souhaitez faire connaissance avec le mouvement, nous vous conseillons de participer à la formation «Découvrir Amnesty». Grâce à celle-ci, vous en saurez plus sur le contexte de création de l’organisation, son historique, sa mission, ses campagnes actuelles et les différentes manières de s’y impliquer. Par contre, si vous désirez approfondir votre compréhension de notre travail et de notre structure, le module «Mission et fonctionnement d’Amnesty» répondra certainement mieux à vos attentes. Pour vous inscrire et/ou obtenir des détails concernant le contenu des formations, rendez-vous sur notre site Internet : http://www.amnesty.be/formations Pour tout renseignement, n’hésitez pas à nous contacter par e-mail à formations@aibf.be ou par téléphone au 02 538 81 77, de préférence les mercredi, jeudi et vendredi.
A bientôt ! e
Libertés ! Février 2008 11
MOUVEMENT JEUNES
SON NOM ? BOUGIEMAN
Ce sont aussi 80 groupes locaux qui, sur le terrain, font un travail d’action et de sensibilisation aux droits humains. Pour vous y joindre, contactez votre régionale.
On avait déjà Superman, Batman, Bob Morane… Il faudra désormais compter avec un nouveau petit venu dans le monde des superhéros, Bougieman.
SECRÉTARIAT NATIONAL AIBF Rue Berckmans 9 1060 Bruxelles 02 538 81 77 Fax : 02 537 37 29 www.amnesty.be
B
ougieman n’est pas comme les autres. Déjà, sa grosse tête en forme de bougie lui donne un drôle d’air. Au premier regard, il paraît un peu sévère, voire menaçant. Si on l’observe un peu mieux, on voit dans ses yeux de la détermination, de la colère transformée en énergie ! Mais surtout, Bougieman a un pouvoir spécial: avec sa flamme, il arrive à redonner de l’espoir à ceux qui en ont besoin, et à combattre ceux qui font régner l’injustice. L’énergie de Bougieman est renouvelable : grâce à sa motivation, grâce à ses résultats, il parvient à rassembler un grand nombre de gens à ses côtés. Comme Peter Benenson, lorsqu’il a fondé Amnesty, il a compris que la colère face à l’injustice ne suffit pas : il faut faire partager ce sentiment au plus grand nombre et trouver des moyens simples, efficaces et nonviolents pour défendre les victimes. Ce petit personnage permet de présenter Amnesty aux enfants à partir de 6 ans. N’importe quel jeune peut devenir un Bougieman et agir pour défendre les droits humains, avec des gestes concrets : acheter une bougie, écrire des lettres, sensibiliser son entourage, organiser des manifestations, parler des victimes dans les médias…
SECRÉTARIAT INTERNATIONAL Easton Street 1, London WC1X ODW United Kingdom 00 44 207 413 5500 AMNESTY INTERNATIONAL VLAANDEREN Kerkstraat 156 2060 Antwerpen 6 03 271 16 16
La brochure est accompagnée d’un dossier pédagogique qui permet d’approfondir la connaissance d’Amnesty et des droits humains. Le tout est en vente au prix exceptionnel de 1 e, pour que chaque enfant puisse en acheter un. Pour vous en procurer, contacter le programme jeunesse à jeunes@aibf.be ou au 02 543 79 08. e Roland D’Hoop
BELGIQUE
GUANTÁNAMO NE PROFITE JAMAIS I
© AIBF
12 Libertés ! Février 2008
l y a six ans, les autorités américaines transféraient les premiers détenus de la «guerre contre le terrorisme» vers le centre de détention de Guantánamo Bay. Pour marquer cette date, Amnesty International a remis au gouvernement des États-Unis plus de 1 100 signatures de parlementaires de pays européens et du reste du monde appelant à la fermeture de Guantánamo. La fermeture de ce centre de détention est une étape cruciale pour mettre fin au recours de plus en plus fréquent aux détentions illégales dans le cadre de la «guerre contre le terrorisme». Amnesty International a toujours condamné les actes de terrorisme qui font des milliers de morts et de blessés civils. Cependant, ce n’est qu’en renforçant le système de défense des droits humains que l’on pourra arriver à se prémunir véritablement des attaques terroristes, pas en l’affaiblissant en recourant à des pratiques illégales. Le 11 janvier dernier, militants et sympathisants des sections francophone et flamande d’Amnesty International se sont retrouvés dans le Pentagone. Plus exactement, ils ont défilé à Bruxelles, de la place de la Liberté jusque à l’ambassade des États-Unis pour rappeler leur demande de fermer Guantánamo. En compagnie de parlementaires fédéraux, une délégation d’Amnesty Belgique a été reçue par l’ambassade. e
RESPONSABLES RÉGIONAUX D’AMNESTY BRABANT WALLON Jean-Philippe CHENU chemin de la Terre Franche 13 1470 Genappe 010 61 37 73 jpchenu@aibf.be BRUXELLES Tanguy PINXTEREN Rue de la Flèche 16 A 1000 Bruxelles 02 513 77 10 tpinxteren@aibf.be HAINAUT OCCIDENTAL Myriam DELLACHERIE rue Basse Couture 20 7500 Tournai 069 22 76 18 mdellacherie@aibf.be HAINAUT ORIENTAL Nicole GROLET av. Elisabeth 6 6001 Marcinelle 071 43 78 40 ngrolet@aibf.be LIÈGE Christiane PIVONT rue Bellevue 66 4020 Liège christiane.pivont@tiscali.be 04 343 89 76 Christine BIKA Responsable de la gestion de la permanence – C/O Bureau régional d’AI – rue Souverain Pont 11 – 4000 Liège du lundi au samedi de 13 h 00 à 17 h 30 – 04 223 05 15 LUXEMBOURG Daniel LIBIOULLE Avenue de la Toison d’Or 26 6900 Marche en Famenne 084 31 51 31 dlibioulle@aibf.be NAMUR Romilly VAN GULCK Rue Vivier Anon 8 5140 Sombreffe 071 88 92 51 rvangulck@aibf.be
IS AV ELIV ES . B E B O N N ES N O UV EL L ES Dans tous les pays du monde, des gens sont libérés grâce au travail des membres d’Amnesty. Des témoignages émouvants nous parviennent des prisonniers libérés ou de leur famille. Ils montrent qu’une action de masse peut avoir des résultats pour un meilleur respect des droits humains.
SOUDAN LIBÉRATION Le 22 janvier, Ammar Najm Eddine Jalak a été libéré. Détenu à la prison de Dabak, au nord de Khartoum, il avait été arrêté le 23 novembre à l’aéroport de Khartoum par des agents du Service de la Sûreté nationale et du Renseignement (SSNR). Sans être formellement inculpé, il était accusé de contacts avec l’Armée de Libération du Soudan (ALS), qui opère dans le Darfour, en vue de mettre sur pied un mouvement armé en Nubie, dans le nord du Soudan. Ammar Najm Eddine Jalak aurait été torturé, comme d’autres prisonniers. «Merci infiniment, a-t-il déclaré à Amnesty International, j’étais dans une situation très grave, j’ai été torturé et personne n’avait de nouvelles de moi. Lorsqu’ils m’ont relâché, ils m’ont dit que c’était à cause des pressions internationales.» Aucune charge n’a été retenue contre lui. e
CHINE RÉMISSION Li Heping, avocat spécialisé dans la défense des droits humains basé à Pékin, se remet des suites de son agression et ne semble plus faire l’objet de menaces. Sa licence d’avocat a été renouvelée en novembre 2007. Enlevé et agressé par douze hommes non identifiés devant son cabinet le 29 septembre, il avait été emmené dans un lieu inconnu, battu pendant plusieurs heures à coups de matraques électriques et enjoint de quitter Pékin et de ne plus travailler sur des affaires liées aux droits humains, sous peine de subir une nouvelle agression. Amnesty International suit l’évolution de sa situation et interviendra de nouveau en sa faveur si nécessaire. e
MEXIQUE CAUTION Manuel Olivares Hernández, directeur du Centro Regional de Derechos Humanos «José María Morelos y Pavón» (Centre régional des Droits humains «José María Morelos y Pavón») dans l’État de Guerrero, ainsi que les 15 membres du Consejo Ciudadano de Chilapa (Conseil citoyen de Chilapa) ont été libérés sous caution le 9 novembre dernier. Dans une tentative d’intimidation, ils avaient été injustement inculpés d’«attaques contre les voies de communication», «association de malfaiteurs» et «participation à une émeute». e
ÉTATS-UNIS RESTITUTION EMPÊCHÉE Sameh Khouzam a été libéré de la prison du comté de York, en Pennsylvanie, le 15 janvier 2008, cinq jours après qu’un juge fédéral eut ordonné au gouvernement américain de ne pas le renvoyer en Égypte, dans le cadre des «restitutions». Amnesty International craignait que cet homme ne soit torturé ou soumis à d’autres formes de mauvais traitements dans son pays. Le juge a estimé que Sameh Khouzam avait «apporté des preuves crédibles des tortures qu’il avait subies aux mains de responsables égyptiens de l’application des lois» et que «pas même le président des États-Unis ne dispos[ait] du pouvoir de sacrifier sur l’autel des relations internationales le droit de ne pas être torturé». À sa libération, Sameh Khouzam a exprimé sa «gratitude» et son «soulagement d’être à nouveau un homme libre. Je remercie de tout cœur mes avocats et la justice américaine d’avoir empêché le gouvernement de me renvoyer en Égypte, où je savais que la torture m’attendait.» e
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IRAN
EN PRISON POUR AVOIR DÉFENDU LA DÉMOCRATIE E
madeddin Baghi, défenseur des droits humains, purge une année de prison. Le 14 octobre 2007, il a été inculpé en tant que chef de l’ONG Association de défense des droits des prisonniers et accusé de «diffusion de documents secrets». Sa libération sur parole a été fixée à 500 millions de rials (36 450 e). Alors que sa famille était sur le point de payer la caution, il doit désormais purger un an de prison à la suite d’un procès datant de 2003. Il a été reconnu coupable d’avoir «imprimé des mensonges» et «mis en danger la sécurité nationale» après la publication de son livre La Tragédie de la Démocratie en Iran. Il n’a pas eu accès à un avocat au cours du procès. Le 26 décembre 2007, durant sa mise au secret dans la prison d’Evin (Téhéran), il a eu une première attaque. Hospitalisé, il a eu une seconde attaque, mais a dû retourner en prison le lendemain sans pouvoir voir sa famille. Le 17 janvier, il a été transféré à l’hôpital et a été libéré sur parole pendant un mois, le temps de suivre un traitement. Depuis plusieurs années, Emadeddin Baghi et l’Association de défense des droits des prisonniers font campagne pour les droits des prisonniers et contre la peine de mort, en
particulier celle prononcée contre des enfants. Il a déjà fait 3 ans de prison pour des articles consacrés à l’assassinat de dissidents politiques et d’écrivains dans les années 90, meurtres que le gouvernement a attribués plus tard à des éléments corrompus du ministère des Renseignements. Après sa libération en février 2003, il a dirigé un journal jusqu’en 2004, date de son interdiction par les autorités. Il est actuellement en appel contre le jugement rendu en 2007 après avoir été reconnu coupable «de propagande contre le système» parmi d’autres inculpations en rapport avec ses activités de défense en faveur d’Iraniens arabes condamnés à mort à la suite de procès inéquitables. e
MODÈLE DE LETTRE Excellence, Emadeddin Baghi, défenseur des droits humains et chef de l’Association de défense des prisonniers, purge un an de prison après avoir été reconnu coupable de «publication de documents secrets». Il a subi deux attaques, l’une en prison, l’autre à l’hôpital. Il vient d’obtenir une libération provisoire d’un mois pour suivre un traitement médical. En tant que membre/sympathisant(e) d’Amnesty International qui considère Emadeddin Baghi comme un prisonnier d’opinion, je vous demande instamment de ne pas renvoyer cet homme en prison. Dans l’espoir d’une issue favorable, je vous prie de croire, Excellence, à l’assurance de ma haute considération. Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
LETTRE À ADRESSER À : Son Excellence l’Ayatollah Mahmoud Hashemi Shahroudi, Bureau du Ministre de la Justice, Pasteur Street, Vali Asr Ave South of Serah-e Jomhouri Téhéran, Iran E-mail : info@dadgostari-tehran.ir
COPIE À ENVOYER À : POUR CONSULTER LES LETTRES DU MOIS EN LIGNE : http://www.isavelives.be/fr/taxonomy/term/540
Ambassade d’Iran, Avenue F.D. Roosevelt, 15, 1050 Bruxelles Fax : 02 779 46 66 – E-mail : secretariat@iranembassy.be
Libertés ! Février 2008 13
IS AV ELIV ES . B E GAMBIE
MODÈLE DE LETTRE
JOURNALISTE DÉTENU AU SECRET L
e journaliste Chief Ebrima B. Manneh a été arrêté dans les locaux du Daily Observer en juillet 2006. Malgré des témoignages de sa présence au commissariat de Fatoto, Amnesty International ne sait où il est actuellement détenu et s’inquiète de sa «disparition forcée». Il a été enlevé par des policiers en civil soupçonnés d’appartenir au Service central d’espionnage, lesquels nient toute implication. À la suite de tentatives répétées de son père et de confrères pour connaître son sort, le gouvernement a diffusé un communiqué officiel en février 2007 niant toute implication dans son arrestation et disant tout ignorer. Selon des témoins, Chief Manneh a été emmené à l’hôpital Royal Victoria (dans la
capitale Banjul) fin juillet 2007 par des membres de la Police d’intervention pour soigner une hausse de tension. Les témoins relèvent des contradictions dans les propos des forces de police et du ministre de l’Information. Les versions divergent quant aux raisons qui ont abouti à l’arrestation de Chief Manneh. Certains disent qu’il a été arrêté à un désaccord avec Saja Tall, directeur général du Daily Observer et allié du président Yahya Jammeh. D’autres disent qu’il a été arrêté pour avoir transmis des informations à un journaliste étranger, informations jugées nuisibles à l’image de la Gambie. D’autres enfin lient son arrestation à une tentative de publication d’un rapport critiquant le gouvernement dans le Daily Observer. e
Monsieur le Président, Chief Ebrima B. Manneh, journaliste au Daily Observer, a été arrêté dans les locaux de son journal en juillet 2006 et personne ne sait où il se trouve depuis. Il a sans doute été enlevé par des policiers en civil membres du Service central de l’espionnage, lesquels nient toute implication. Son père et des collègues ont tenté de connaître son sort, mais un communiqué officiel publié en février 2007 nie lui aussi toute implication. D’après des témoins, il aurait été emmené à l’hôpital Royal Victoria à Banjul fin juillet 2007 pour des problèmes de surtension. Ces témoins ont relevé des contradictions entre les explications de la police et du ministre de l’Information. En tant que membre/sympathisant(e) d’Amnesty International, je vous demande la libération immédiate et inconditionnelle de Chief Manneh, prisonnier d‘opinion. Espérant une issue favorable et rapide à cette affaire, je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l’assurance de ma haute considération. Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
LETTRE À ADRESSER À : A.J.J. Yahya Jammeh, Président et ministre de la Défense, Private Mail Bag, State House, Banjul, Gambie Fax : +220 422 7034 – E-mail : info@statehouse.gm
COPIE À ENVOYER À : Ambassade de Gambie, Avenue F.D. Roosevelt, 126, 1050 Bruxelles Fax : 02 646 32 77 – E-mail : info@gambiaembassy.be
COMMENT AGIR EFFICACEMENT ?
TARIFS POSTAUX
Les cas exposés concernent des victimes de violations des droits humains dont s’occupe Amnesty International. Chaque appel compte. Un texte (à écrire ou à photocopier) vous est proposé pour chaque cas. Dans l’intérêt des victimes, écrivez en termes mesurés et courtois aux adresses indiquées. Ces lignes sont lues partout dans le monde par les quelque 1800000 membres d'Amnesty International. Elles sont reproduites dans de nombreux pays par des dizaines de journaux et constituent la clé de voûte de l'action du mouvement.
Lettres (jusqu’à 50 grammes) Europe : 0,80 e (Prior) ou 0,70 e (Non Prior). Reste du monde : 0,90 e (Prior) ou 0,75 e (Non Prior) La surtaxe aérienne est incluse (étiquette requise).
INDE
MODÈLE DE LETTRE
UN DÉFENSEUR DES DROITS HUMAINS DÉTENU A rrêté le 14 mai 2007, Binayak Sen, médecin et défenseur des droits humains, est toujours détenu à la prison de Raipur, dans l’État de Chhattisgarh. Amnesty International pense que les charges retenues contre lui ont une motivation politique et sont destinées à museler les défenseurs des droits humains opposés au Salwa Judum, une campagne «populaire» contre le Parti communiste (maoïste) indien (illégal). Binayak Sen a rendu visite à plusieurs reprises à Narayan Sanyal, un dirigeant du PCI à la prison de Raipur. La police affirme que, durant ces visites, Narayan Sanyal a transmis des lettres à Binayak Sen pour les donner à Piyush Guha, un autre membre présumé du PCI, lequel a ensuite également été arrêté. Amnesty International pense que l’arrestation de Binayak Sen peut aussi être liée à ses enquêtes sur des exécutions extrajudi-
14 Libertés ! Février 2008
ciaires dans l’État de Chhattisgarth par des policiers, toujours dans le cadre de la campagne Salwa Judum, une campagne «spontanée» de lutte contre la violence maoïste. Une reconnaissance de culpabilité risque de menacer des milliers de défenseurs des droits humains en Inde et de limiter dramatiquement leur liberté d’association. Binayak Sen a fait appel pour obtenir une libération sur parole mais son appel a été rejeté, au prétexte que la police est en train d’enquêter sur ses liens présumés avec un groupe armé de gauche. Ses défenseurs disent que les preuves retenues contre lui ne sont ni solides ni fondées. Les avocats de Binayak Sen n’ont reçu aucune information sur ces preuves, apparemment trouvées à son domicile. Une audience a eu lieu le 28 décembre. Des rapports récents font état d’une détérioration de son état de santé. e
Monsieur le Ministre, Binayak Sen, médecin et défenseur des droits humains, , est toujours détenu à la prison de Raipur, dans l’État de Chhattisgarh. Amnesty International pense que les charges retenues contre lui ont une motivation politique et sont destinées à museler les défenseurs des droits humains opposés au Salwa Judum, une campagne «populaire» contre le Parti communiste (maoïste) indien (illégal). Binayak a demandé une libération sur parole mais celle-ci lui a été refusée. Il semblerait que son état de santé se soit nettement détérioré. En tant que membre/sympathisant(e) d’Amnesty International qui considère que les charges retenues contre lui ont une motivation politique, je prie les autorités de faire en sorte que Binayak Sen ait un procès équitable dans les plus brefs délais, que ses avocats aient accès au matériel nécessaire à sa défense, et qu’il reçoive les soins médicaux dont il a besoin. Espérant une réponse favorable à ma requête, je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma considération distinguée. Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
LETTRE À ADRESSER À : Monsieur Shivraj Patil, Ministre de l’Intérieur Ministère de l’Intérieur North Block, Central Secretariat New Delhi – 110 001, Inde
COPIE À ENVOYER À : Ambassade de l’Inde Chaussée de Vleurgat, 217, 1050 Bruxelles Fax : 02 648 96 38 – E-mail : admin@indembassy.be
C U LT U R E AGENDA THÉÂTRE BEAUTIFUL THING Beautiful Thing (Une si jolie chose) est un hymne à l’amour… Dans la banlieue ouvrière du Sud-Est de Londres, en cet été caniculaire, trois adolescents se morfondent. Jamie, chahuté par ses camarades de classe, peu enclin à la compétition, sèche les cours. Steve se fait tabasser par son père alcoolique. Leah, renvoyée du lycée, plane dans le monde musical de Mama Cass. Les deux garçons se confient l’un à l’autre et leur amitié se transforme en sentiment amoureux. Jeune auteur gay militant originaire de Liverpool, Jonathan Harvey a reçu de nombreux prix pour ses textes de théâtre. Il a travaillé sur plusieurs séries télévisées et sur la fameuse comédie musicale Closer to Heaven avec les Pet Shop Boys. Beautiful Thing a connu une carrière théâtrale mondiale avant d’être adapté au cinéma. Il s’agit d’un des premiers films à montrer une histoire amoureuse entre deux adolescents du même sexe. Avec Toni D’Antonio (Toni), Gauthier de Fauconval (Jamie), Elsa Poisot (Leah), Terence Rion (Steve) et Pascale Vyvère (Sandra) e Au Théâtre de Poche, Bois de la Cambre, Chemin du Gymnase 11, 1000 Bruxelles, du 26 février au 29 mars 2008 à 20h30. Réservations : 02 649 17 27 – reservation@poche.be
FESTIVAL LES VOIES DE LA LIBERTÉ
FANFARE EN MINEUR
U
ne voiture brinquebalante emmène des trognes hilares au son d’une musique fanfaronnesque. Ils sont guettés par un vieillard aux inventions farfelues. Les énergumènes, qui se révèlent être des inspecteurs de l’enseignement (?), sont présentés à un jeune benêt et à une institutrice aux formes plantureuses. Les premières images ne laissent aucun doute, on est bien dans un film de Kusturica. Sur les traces du jeune paysan parti se déniaiser en ville, le film se poursuit avec un homme volant propulsé par un canon, une ravissante jeune citadine et des truands plus bêtes que méchants. Le réalisateur bosno-serbe assume avec bonhomie la naïveté et la trivialité de son récit. Le problème, c’est que derrière cet univers familier, l’inspiration est aussi rare que les filles à marier dans le village du jeune garçon. Les images poétiques ou le vent de folie chaotique qui soufflaient sur les précédents films de Kusturica se laissent désirer. Est-ce par lassitude, ou par nostalgie de l’enfance, qu’il a évité toute allusion trop marquée à la situation de son pays pour se plonger dans un univers cartoonesque au premier degré ? Le résultat est certes sympathique mais lassant à force d’accumulation. Pause ou récréation dans sa filmographie, Promise me this ne prétend pas à être plus que ce qu’il est. La promesse aurait pu être plus ambitieuse. e Gilles Bechet
Promise me this, d’Emir Kusturica, sortie nationale le 13 février
NOIR DE SQUAT
L
es silhouettes fatiguées et les corps blessés qui occupent les immeubles abandonnés des grandes villes font désormais partie du décor. Dans son premier roman, David Le Breton, anthropologue et sociologue, leur a donné un nom et raconte des bribes de leurs vies. Pour ces jeunes marqués par l’existence, les squats ne sont qu’une étape d’un parcours dans les limbes d’une société repue et indifférente. Dans la promiscuité et la crasse se joue le théâtre d’un lent suicide où la loi du plus fort règne en maître. La trajectoire de ces rebuts de la société, va croiser celle de quelques rebuts de l’Histoire récente, des ex-chefs de milices serbes pour qui le monde est toujours en guerre. Prédateurs et marginaux étaient faits pour se rencontrer. Dans l’horreur. Situé pour l’essentiel à Strasbourg où l’auteur, comme l’un de ses principaux personnages, enseigne à l’université, le roman est trempé dans l’encre la plus noire. Un goudron de noirceur qui a tendance à engluer l’intrigue qui n’est sans doute pas le premier souci de l’auteur. Vision glauque d’une ville duale, c’est un roman qui interpelle au risque d’asphyxier der son absence d’espoir. e G.B.
Du 26 février au 3 mars 2008, Louvain-la-Neuve vivra au rythme de la liberté et des droits. Lundi 25 à 19h30 : vernissage de l’exposition photos de Thierry Falise réalisées tout récemment en Birmanie. Mardi 26 : vernissage d’expos à la Médiathèque, la Bibliothèque publique, au Complexe sportif Blocry. Mercredi 27 : vernissage de l’expo au Centre culturel d’Ottignies/repas solidaire sous chapiteau. Jeudi 28 : Table ronde Afrique et film de MarieFrance Rwanda, à travers notre humanité / Concert rock sous chapiteau avec Red Flowers, The Vagabonds,... Vendredi 29 : Table ronde Amérique latine et film de J.J. Lozano Hasta la Ultima Piedra. A 19h30: avantpremière du film Calle Santa Fe de Carmen Castillo (Chili 2007) à l’UGC. Samedi 1er mars : Université des militants Dimanche 2 : Concert apéro classique avec Miguel Angel Estrella (piano) et Nicole Deletaille (violoncelle). Lundi 3 : Table ronde Asie et film de Hadja Lahbib Le Choix des Femmes Clôture le lundi 3 mars : Mega concert à l’Aula Magna avec, entre autres, Maurane (à confirmer), Gabriel Rios, Maljean, Manou Gallo, William Dunker, Benoît Doremus, Riké, Saule,… (tickets en vente à la FNAC) e
ors du Festival des Libertés, en novembre dernier, à Bruxelles, le public a eu l’occasion de rencontrer René Vautier, cinéaste maudit s’il en est. En effet, la plupart de ses films seront, tout au long de sa vie, quasiment interdits de projection. Son premier film Africa 50 lui vaudra ses premiers problèmes. Au départ, il s’agissait d’une commande de la Ligue d’Enseignement destinée à mettre en valeur la mission éducative de la France des colonies. Mais lorsque le jeune cinéaste découvre la réalité quotidienne des Africains et la réalité coloniale, il va les montrer sans fard. Le documentaire sera interdit durant 40 ans et lui vaudra treize inculpations et un an de prison. Ensuite viendra Un Homme est mort sur les grandes grèves de Brest en 1950, Algérie en flammes en 1957, tourné dans le maquis du FLN et plus tard, la fiction Avoir 20 ans dans les Aurès qui remportera pourtant le Prix de la Critique au Festival de Cannes en 1972. René Vautier n’a jamais cessé de se battre contre tout ce qui le révoltait avec sa seule caméra comme arme. Aujourd’hui une bande dessinée lui rend hommage. Un Homme est mort retrace un épisode de la vie du cinéaste. Comment il a pu, en quelques jours et avec les moyens du bord, réaliser un film sur les journées d’avril 50, grandes grèves des ouvriers et des dockers de Brest, à la fois contre la guerre d’Indochine et pour de meilleurs salaires, qui se terminèrent dans un bain de sang. Le film a disparu. C’était l’une des premières expériences d’un cinéma qui voulait non seulement donner la parole aux acteurs sociaux mais aussi construire avec eux des films mettant en scène leurs préoccupations quotidiennes. Le livre contient un très bon dossier sur le cinéma militant. e Suzanne Welles
Programme complet : www.voiesdelaliberte.be
Un Homme est mort – Kris (dessin) et Etienne Davodeau (scénario) - Futuropolis – 15 e
Mort sur la route, David Le Breton, Editions Métailié, 336p, 18 e
L’HOMME À LA CAMÉRA
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Libertés ! Février 2008 15