Le Fil Novembre/Decémbre 2013

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POUR TOUS CEUX QUI OnT la PaSSIOn DES DROITS HUMaInS

novembre/décembre 2013

voLUme 43 n° 006

PROjETOnS UnE lUMIèRE DanS la nUIT ÉCRIRE POUR lES DROITS 2013


DanS CE nUMÉRO DU FIl Un PETIT VIllaGE, UnE VOIX FORTE Les habitants d'un petit village palestinien risquent leur vie pour protester pacifiquement contre l'occupation israélienne. PaGE 4

Un lIEn aVEC lE MOnDE L'Éthiopienne Birtukan Mideksa a fait l'objet d'une mobilisation dans le cadre d'Écrire pour les droits 2009. Elle espère que l'écriture de lettres fera preuve cette année de son efficacité pour obtenir la libération de son ami le journaliste Eskinder Nega. PaGE 8

« On PEUT ÊTRE jETÉ En PRISOn POUR Un MOT, POUR UnE IDÉE » La blogueuse tunisienne Lina Ben Mhenni est consternée par la condamnation à sept années d'emprisonnement de Jabeur Mejri, « coupable » d'avoir exprimé ses opinions sur Internet. PaGE 10

TORTURÉE « aU HaSaRD » Pourquoi Miriam López, une mère de famille, a-t-elle été enlevée par des hommes cagoulés, puis torturée et détenue pendant plusieurs mois ? Nous nous arrêtons sur la réalité de la torture au Mexique. PaGE 14

En COUVERTURE En décembre, participez à la plus grande manifestation de défense des droits humains du monde ! Grâce à ce numéro spécial du FIL, faites connaissance avec toutes les personnes dont vous pouvez changer la vie. Découvrez comment fonctionne Écrire pour les droits. PaGE 6. Photo de couverture : En Pologne, des jeunes allument des lanternes arborant le portrait de personnes pour lesquelles Écrire pour les droits s'est mobilisé en 2012. © Amnesty International

« n'OUBlIEZ PaS BOPHa ! »

PRIS DanS lES ManIFESTaTIOnS DU PaRC GEZI La vie de Hakan Yaman a basculé un jour de juin où des policiers l'ont brutalement agressé. PaGE 19

DIRE DES VÉRITÉS QUI DÉRanGEnT : Un EnGaGEMEnT CHER PaYÉ Le dirigeant politique bahreïnite Ebrahim Sharif est l'un des 13 militants de l'opposition emprisonnés à la suite du soulèvement de 2011. Nous avons rencontré son épouse, Farida Ghulam. PaGE 20

VIVRE aU GRanD jOUR Ihar Tsikhanyuk a été roué de coups par des policiers parce qu'il avait voulu créer une organisation de défense des droits des homosexuels. Il évoque pour LE FIL sa lutte contre l'homophobie montante au Bélarus. PaGE 24

ÉGalEMEnT DanS CE nUMÉRO nOTRE aCTUalITÉ et la rubrique En PREMIèRE lIGnE, consacrée à la Syrie (PaGES 2-3). Pourquoi Tun Aung, au Myanmar, a besoin de votre aide (PaGE 11) ; un reportage photo sur trois Russes dont le sort symbolise la répression du président Poutine contre l'opposition politique pacifique (PaGE 12). Vous saurez aussi comment se battent Bimbo Osobe et les habitants expulsés de Badia-Est, à Lagos (Nigeria)(PaGE 18), et comment, au Honduras, les menaces et les intimidations n'arrêtent pas les défenseurs des droits humains (PaGE 22).

Recevoir lE FIl

lE FIl peut être téléchargé à cette adresse : www.amnesty.org/en/stayinformed/enewsletters/the-wire les particuliers peuvent recevoir 6 numéros annuels du FIl pour 15 £/24 $/17 € Pour les institutions, le tarif est de 35 £, 54 $ ou 41 €. les sections et structures d’amnesty International peuvent acquérir des exemplaires à prix réduit. Contactez-nous par courriel wire.subscribe@amnesty.org ou par téléphone : + 44 207 413 5814/5507. Pour rejoindre amnesty International rendez-vous sur http://www.amnesty.org/en/join

© amnesty International ltd www.amnesty.org Index : nWS 21/006/2013 ISSn : 1472-443X aIlRC-FR pour la version française 47, rue de Paradis - 75010 Paris Imprimé sur papier recyclé Banbury litho - Oxon - Royaume-Uni. Tous droits de reproduction réservés. Cette publication ne peut faire l’objet, en tout ou en partie, d’aucune forme de reproduction, d’archivage ou de transmission, quels que soient les moyens utilisés (électroniques, mécaniques, par photocopie, par enregistrement ou autres), sans l’accord préalable des éditeurs. Wire, Editorial and Publishing Programme, amnesty International, International Secretariat, Peter Benenson House, 1 Easton Street london WC1X 0DW, Royaume-Uni

© Amnesty International

Parce qu'elle a défendu les habitants de son quartier, la militante cambodgienne Yorm Bopha est en prison. Son mari et son fils espèrent que l'attention internationale contribuera à la faire libérer. PaGE 16


BIEnVEnUE DanS lE FIl DE nOVEMBRE-DÉCEMBRE Ces « lumières de l’espoir » ont été allumées à Tokyo, au japon, en 2011 à l'occasion d'Écrire pour les droits, le plus grand événement de défense des droits humains du monde. les personnes qui les ont fabriquées se sentaient profondément concernées par une injustice frappant une autre personne. Chaque bougie a été allumée par quelqu'un qui voulait changer les choses. Chaque flamme a éclairé une vignette. les portraits de personnes assassinées, victimes de disparitions forcées, emprisonnées pour avoir exprimé leurs opinions. Des personnes en attente de justice. Dans le monde entier, des milliers de citoyens se sont réunis dans des centres associatifs, des cafés, des églises, des écoles, des bureaux, sur des places publiques ou dans la rue. Ensemble, nous avons envoyé près de 2 millions de messages demandant aux pouvoirs en place d'ouvrir les portes des cellules, de dire la vérité et de faire passer la justice. Et nous avons redonné espoir à celles et ceux qui ont subi des atteintes aux droits humains, en leur montrant que nous pensons à eux et que nous voulons les aider. En ce mois de décembre, nous allons recommencer. Découvrez dans ce numéro du FIl les récits poignants des hommes et des femmes qui sont au cœur d'Écrire pour les droits 2013. Découvrez comment fonctionne ce gigantesque événement mondial et comment vous pouvez y participer. Et prenez quelques minutes pour allumer une petite flamme et agir concrètement pour quelqu'un. Ensemble, nous allons éclairer le monde. Pour lire lE FIl en ligne, ainsi que notre blog lIVEWIRE, rendez-vous sur livewire.amnesty.org


Notre

Actualité

Nouvelles de l’action et des campagnes d’Amnesty International

lES nOUVEaUX aMBaSSaDEURS DE la COnSCIEnCE

© Amnesty International

La collégienne pakistanaise Malala Yousafzai, qui défend le droit à l'éducation, et le chanteur et militant américain Harry Belafonte ont reçu en septembre la plus grande distinction d'Amnesty International, le prix Ambassadeur de la conscience. « J'ai l'espoir qu'en unissant nos efforts, nous parvenions un jour à concrétiser notre rêve de donner une éducation à chaque enfant », a déclaré Malala Yousafzai. Amnesty est « notre boussole morale », a expliqué pour sa part Harry Belafonte, qui s'est dit particulièrement honoré de partager le prix avec Malala, « une vraie héroïne de notre temps ». Le nom du prix évoque le poème From the Republic of Conscience, écrit pour Amnesty International par Seamus Heaney, poète irlandais aujourd'hui décédé.

lE COMBaT COnTInUE Diana Nyakowa, qui vit à Nairobi (Kenya) dans le bidonville de Deep Sea, a été heureuse de faire la une du FIL de septembre/octobre. Le combat contre les expulsions forcées dans la ville se poursuit : « Nous ne mangeons pas, nous ne dormons pas – impossible de savoir quand les bulldozers vont venir. Nous sommes inquiets car notre gouverneur [Evans Kidero] a déclaré qu'il allait nettoyer Nairobi. Et nous savons bien ce qu'il veut dire : les bidonvilles sont les endroits les plus sales de cette ville et il veut nous en chasser pour les livrer aux investisseurs. »

rendez-vous sur amnesty.org/en/endforcedevictions

2 lE FIl [ nOV/DÉC 2013 ]

Paga Hill, Papouasie-Nouvelle-Guinée, 2013. Cette femme et son enfant vivent dans les ruines d'une des 20 maisons détruites par la police en mai 2012, au moment même où des responsables du village contestaient devant le tribunal la légalité de l'avis d'expulsion. Des policiers armés de bâtons, de barres de métal, de machettes et d'armes automatiques s'en sont pris aux habitants. Ceux qui ont eu le courage de revenir vivent aujourd'hui dans des abris de fortune, sous la menace constante d'une nouvelle expulsion. Au début de 2014 Amnesty va publier un rapport et lancer une campagne d'action pour la fin des expulsions forcées en Papouasie-Nouvelle-Guinée.

nE PaS lIRE En août, un réseau clandestin d'agents de la liberté a participé à une brève campagne expérimentale. Armés de l'appareil photo de leur téléphone portable, ils ont détourné des messages répressifs des autorités qu'ils avaient interceptés, créant des messages en faveur de la liberté d'expression. Pourquoi ? Parce que de petits actes de résistance suscitent des conversations, Les conversations donnent naissance à des actes, et les actes conduisent au changement. Séduit par ce projet artistique modeste mais radical, l'artiste et militant chinois Ai Weiwei l'a retweeté plusieurs fois.

Pour en savoir plus : ifoundtheletter.org/secretvideo et facebook.com/Ifoundtheletter

25 000 SIGnaTURES POUR lE CHIlI En septembre, au palais présidentiel chilien de La Moneda, juste avant le 40e anniversaire du coup d'État, des militants d'Amnesty ont remis aux autorités une pétition portant plus de 25 000 signatures venues de nombreux pays, notamment l'Espagne, l'Allemagne, le Royaume-Uni, le Pérou, le Venezuela, l'Italie et le Japon. D'une seule voix, nous avons réclamé la fin de l'impunité pour les violations graves des droits humains commises durant le régime militaire d'Augusto Pinochet.

Un grand merci à tous ceux qui ont signé – votre soutien demeure essentiel pour les victimes et les proches de victimes de torture et de disparition forcée.

PaRTICIPEZ À la CaMPaGnE 16 jOURS D'aCTIOn POUR lES FEMMES ET lES FIllES Les violences faites aux femmes sont des violations des droits humains : tel est le message fort de notre campagne annuelle 16 jours d'action, qui se déroulera du 25 novembre au 10 décembre 2013. Au moyen de lettres, de pétitions et d'autres actions, nous chercherons à faire répondre de leurs actes ceux qui ont commis des violences liées au genre au cours des conflits armés – présents ou passés – au Bangladesh, en Égypte, en République démocratique du Congo, en Syrie et au Venezuela.

mobilisez-vous en faveur d'une vraie sécurité pour les femmes et les filles sur amnesty.org/en/womens-rights/16-days


aGEnDa

En première ligne

SRI lanKa : nOTRE CaMPaGnE SE POURSUIT

Plus de 2 millions de réfugiés syriens. Est-ce que cela ne suffit pas ? © Amnesty International

Pas moins de 47 545 personnes, dans 181 pays (retrouvez-en quelques-uns ci-dessous) ont signé notre pétition #DitesLaVérité, appelant les autorités sri-lankaises à reconnaître les violations des droits humains. Kasippillai Manoharan, dont le fils a été tué par les forces de sécurité en 2006, a remis les signatures à une délégation sri-lankaise aux Nations unies en septembre. Comme le Sri Lanka doit accueillir en novembre une réunion de haut niveau, signez notre pétition demandant aux responsables des pays du Commonwealth de ne pas approuver les pratiques criminelles de ce pays en le nommant à la présidence de cette organisation.

« La situation tragique en Syrie met en relief le terrible coût humain d'un commerce mondial des armes irresponsable. Le Traité sur le commerce des armes est l'occasion de prévenir de pareilles souffrances à l'avenir. » Salil Shetty, secrétaire général d'Amnesty, à propos de la signature historique du Traité sur le commerce des armes par le plus grand exportateur mondial d'armement, les États-Unis. En octobre 2013, 113 pays avaient signé le texte.

© Amnesty International

© VLad Sokhin

rendez-vous sur bit.ly/SriLankacrimes

BOnnE nOUVEllE : l'IRanIEnnE naSRIn SOTOUDEH a ÉTÉ lIBÉRÉE Le 18 septembre, l'avocate des droits humains et prisonnière d'opinion Nasrin Sotoudeh a été remise en liberté. Elle purgeait une peine de six ans de détention à la prison d'Evin, à Téhéran. Elle avait passé une longue période à l'isolement et était très affaiblie à la suite de plusieurs grèves de la faim. Nasrin a remercié tous ceux qui s'étaient mobilisés pour obtenir sa libération : « Je sais tout ce que vous avez fait pour moi, et je veux vous remercier, vous et vos collègues, pour votre action », a-t-elle déclaré.

Courrier

Vous souhaitez que vos opinions et commentaires soient publiés sur cette page ? Adressez un courriel à thewire @amnesty.org

Charlotte Phillips, chercheuse d'Amnesty sur les droits des réfugiés et des migrants, s'est rendue récemment dans un camp où vivent des milliers de réfugiés syriens.

D

ifficile de ne pas se sentir accablé face à l'ampleur et à la brutalité du conflit en Syrie. On ne compte plus les hommes et les femmes atteints par des souffrances terribles. Les déplacés sont innombrables. La situation s'est aggravée en août 2013. Des vidéos ont été publiées montrant les corps de très nombreux civils vraisemblablement tués par des armes chimiques dans la banlieue de Damas. Puis les Nations unies ont annoncé que le nombre de réfugiés syriens avait officiellement franchi le cap tragique des 2 millions. Un million d'entre eux au moins sont des enfants, qui ont souvent moins de 11 ans. Je me suis rendue récemment dans le camp de Zaatri, en Jordanie, qui accueille plus de 120 000 réfugiés syriens – c'est un des plus grands camps de réfugiés au monde. Il y a là des gens qui ont subi des tortures ou des blessures, qui souffrent de graves maladies, des personnes âgées ou affectées par un handicap. Au siège d'Amnesty, à Londres, nous recevons pratiquement tous les jours des appels téléphoniques et des courriels de Syriens, dont beaucoup se trouvent dans les pays voisins de la Syrie. Ces hommes et ces femmes demandent de l'aide. Ils demandent que leurs droits soient protégés. Ils veulent commencer une nouvelle vie – et pensent souvent ne pouvoir le faire que dans un pays tiers sûr. Les agences des Nations unies qui travaillent sur le terrain ont lancé un appel à la communauté internationale afin qu'elle verse des fonds. Car, malgré des dons importants, le financement actuel reste très insuffisant pour garantir un certain nombre de services essentiels, comme la nourriture, l'éducation, l'accès fiable à l'eau et l'hébergement. L'ONU, qui a lancé le plus grand appel humanitaire de toute son histoire, estime que 3 milliards de dollars environ sont actuellement nécessaires pour venir en aide aux réfugiés syriens dans la région. Mais ceci ne suffit pas. Les États donateurs doivent aussi faire le nécessaire pour évacuer les réfugiés les plus vulnérables et les accueillir chez eux. Alors qu'aucune solution politique ne se dessine, nous pouvons au moins donner à ceux qui ont réussi à fuir la possibilité de vivre en toute sécurité et dans la dignité. Si vous vivez dans un pays qui peut et doit faire davantage, demandez à votre gouvernement d'accroître son soutien aux réfugiés syriens.

Lisez le billet de charlotte dans son intégralité sur http://bit.ly/syria-2million

3 lE FIl [ nOV/DÉC 2013 ]


© Haim Schwarczenberg

TERRITOIRES PalESTInIEnS OCCUPÉS

Un PETIT VIllaGE,

UnE VOIX FORTE

Tous les vendredis, les habitants un masque ou enfilent un costume de super-héros. TROIS CaMÉRaS BRISÉES du village palestinien de nabi On pourrait les prendre pour une bande d'amis en Les manifestants quittent l'ombre protectrice de route pour un pique-nique. l'arbre et entament leur marche sur la route, en criant Saleh mettent leur vie en danger des slogans et brandissant des panneaux. Saleh, qui Un PIQUE-nIQUE ? pour manifester pacifiquement vient ici depuis des années, nous explique : « Les soldats attendent avec des lance-grenades Mais ce n'est pas un pique-nique. Les habitants de contre le vol de leurs terres et de Nabi Saleh protestent contre le vol de leurs terres, lacrymogènes et des grenades incapacitantes. Ils se leur eau par des colons israéliens. contre la perte de leur source et contre l'occupation mettent à tirer dès que les protestataires atteignent un certain point, et visent en général directement les militaire israélienne. L'armée israélienne attend de lE FIl a passé une journée avec personnes et les habitations. l'autre côté de la clôture. « Si la marche se poursuit néanmoins, les Depuis 2008, la source est inaccessible depuis le ces hommes, ces femmes et ces militaires utilisent contre les manifestants pacifiques village. La colonie israélienne illégale de Halamish se enfants courageux. des balles métalliques recouvertes de caoutchouc, l'est appropriée, explique Saleh Hijazi, chargé de

U

n vendredi d'été en Cisjordanie. Il est midi, le soleil est brûlant. Perdu sur une colline au nord-ouest de la capitale, Ramallah, le petit village de Nabi Saleh s'anime peu à peu avec l'appel à la prière lancé depuis la mosquée. Après la prière, les habitants se rassemblent à l'ombre d'un arbre. Ce vendredi comme tous les vendredis de l'année depuis 2009, les hommes, les femmes et les enfants de Nabi Saleh s'apprêtent à défiler jusqu'à la source du village. Les jeunes filles portent des jupes colorées et couvrent leurs épaules d'un drapeau palestinien. Il est arrivé que des habitants se griment en clown, mettent

campagne sur Israël et les territoires palestiniens occupés à Amnesty. « Avant, les habitants du village l'utilisaient pour les cultures, explique-t-il. Maintenant, c'est un site touristique qui n'est ouvert qu'aux colons. » Saleh nous montre les bâtiments blancs de la colonie, sur la colline proche. « Depuis des années Halamish gagne du terrain en empiétant sur des terres qui appartiennent à Nabi Saleh et à un autre village palestinien, Deir Nidham. » Saleh nous fait aussi remarquer la base de l'armée israélienne, toute proche, et les jeeps militaires stationnées près de la source et à l'entrée de Nabi Saleh.

voire des balles réelles. « Parfois, l'armée asperge aussi les maisons d'un liquide appelé “skunk” (“mouffette”), dont l'odeur nauséabonde persiste longtemps. Il est même pulvérisé à l'intérieur des maisons et sur les gens qui se trouvent là. » Sur la route, les habitants du village marchent aux côtés de militants venus du monde entier en signe de solidarité et de soutien. Aux côtés de ses enfants, Bilal Tamimi, tout sourire, leur souhaite la bienvenue à Nabi Saleh. Il porte une caméra à l'épaule. Comme l'a fait Emad Burnat avec le documentaire 5 Caméras brisées (un long-métrage sélectionné pour les Oscars 2013, qui retrace la lutte du village palestinien de

lIGnE > > > 4 > > > > > > > > > > > > > > >aGISSEZ > >En> >SUR>aMnESTY.ORG/InDIVIDUalS-aT-RISK >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> lE FIl [ nOV/DÉC 2013 ]


TERRITOIRES PalESTInIEnS OCCUPÉS

De gauche à droite : Dans le village palestinien de Nabi Saleh, en Cisjordanie occupée, adultes et enfants se rassemblent pour la manifestation hebdomadaire après la prière du vendredi. Depuis 2009, l'armée israélienne a tué deux manifestants et blessé des centaines d'autres habitants du village, y compris des enfants.

Bilin), Bilal filme le combat mené depuis des années par les habitants. Il enregistre la persévérance des villageois et leur volonté demeurée intacte malgré les tragédies qui s'abattent sur eux. Trois de ses caméras ont été brisées, dont une au moins par une balle métallique recouverte de caoutchouc.

DEUX jEUnES HaBITanTS TUÉS Depuis le début des manifestations, en 2009, le

« Nous devons dire aux autorités israéliennes : “Ça suffit ! Ce que vous avez en face de vous, ce n'est plus un petit village isolé sur une colline. Ce que vous avez en face de vous, c'est tout le mouvement d'Amnesty.” » village a perdu deux de ses jeunes. Mustafa Tamimi a été tué en décembre 2011. Il avait 28 ans. « Ce jour-là, l'armée a eu recours à une force excessive, explique Saleh, et certains ont riposté en lançant des pierres contre les jeeps militaires au moment où elles démarraient. Un soldat qui se trouvait dans la dernière jeep a ouvert sa portière et lancé une grenade lacrymogène au visage de Mustafa, qui était tout près de lui. » Mustafa est mort à l’hôpital deux jours plus tard. La manifestation se poursuit sur la colline et Saleh nous montre l'endroit où Rushdi Tamimi, un homme âgé de 31 ans, a été touché par des tirs à balles réelles en novembre 2012. Il a succombé à ses blessures à l’hôpital deux jours plus tard. « Des centaines de personnes, dont des enfants, ont été blessées par des balles en métal recouvertes de

© Haim Schwarczenberg

© Tamimi Press

Les forces de sécurité israéliennes répriment régulièrement les manifestations pacifiques à Nabi Saleh en utilisant du gaz lacrymogène, des balles métalliques enrobées de caoutchouc et même, parfois, des balles réelles. On voit à l'arrière-plan la colonie israélienne illégale qui empiète sur les terres du village.

caoutchouc, y compris sur la partie supérieure du corps et au visage. » Rushdi était le beau-frère de Bassem Tamimi, un autre chef de file de la lutte, qui a été emprisonné par Israël pour sa participation aux manifestations. Bassem explique aujourd'hui à un jeune journaliste qu'il est essentiel de manifester sans violence. Il défile en compagnie de ses enfants, mais sa femme, Nariman Tamimi, une militante de premier plan, n'est pas présente.

Ahd, âgée de 12 ans, s'accroche à sa mère alors que celle-ci est interpellée par des soldats israéliens (août 2012). Nariman Tamimi (vignette Écrire pour les droits à gauche) est l'une des centaines de personnes arrêtées depuis le début des manifestations hebdomadaires des habitants du village, en 2009.

répondre de leurs actes, qui font des morts et des blessés et entraînent la destruction de biens. Nos voix, notre solidarité et nos actions montreront à tous les villages qui manifestent régulièrement et de manière pacifique contre l'occupation militaire dans les territoires palestiniens qu'ils ne sont pas seuls. Un grand merci à Amnesty International Israël pour sa contribution à cet article.

HOMMES ET FEMMES, UnIS DanS la lUTTE Nariman (représentée sur la vignette de la page de gauche) a dû rester à la maison car les autorités israéliennes l'ont assignée à domicile. Elle offre un café bien fort aux nombreux militants et sympathisants qui lui rendent visite. « Nariman et les autres femmes de Nabi Saleh sont en première ligne de ce combat, souligne Saleh. Ici les hommes et les femmes se tiennent les coudes face au harcèlement constant de l'armée. » Sur le trajet de la manifestation, les enfants s'arrêtent sous un arbre où ils chantent et crient des slogans dans un mégaphone, tandis que les adultes descendent la colline en direction de l'armée. Les militaires lancent des grenades lacrymogènes. Les flancs de la colline se couvrent de nuages de fumée blanche.

UnISSOnS-nOUS POUR DIRE « Ça SUFFIT !» « Il est essentiel d'affirmer notre solidarité avec les habitants de Nabi Saleh, ces courageux défenseurs des droits humains, déclare Saleh. Nous devons unir nos voix pour dire aux autorités israéliennes d'arrêter de les persécuter. « Nous devons dire avec insistance qu'elles doivent cesser de recourir à une force excessive contre les manifestants, et amener les soldats à

ÉCRIVEZ UnE lETTRE, COnTRIBUEZ À lEUR PROTECTIOn Participez à Écrire pour les droits 2013 et envoyez une lettre ou une carte de solidarité à :

naji Tamimi, Popular resistance committee, nabi Saleh, birzeit/ramallah, Palestine. vous pouvez aussi laisser un message aux habitants sur leur page Facebook : bit.ly/nabi-saleh demandez au ministre de la défense d'Israël d'ordonner aux forces de sécurité l'arrêt de la force excessive et injustifiée contre les manifestants de nabi Saleh, et de veiller à ce que les responsables présumés d'actes ayant causé la mort ou des blessures soient déférés à la justice. Écrivez à l'adresse suivante : moshe Yaalon, minister of defence, ministry of defence, 37 Kaplan Street, Hakirya, Tel Aviv 61909, Israël Fax : +972 3 691 6940 Courriel : minister@mod.gov.il

@aMnESTYOnlInE SUR> TWITTER ET TWEETEZ > > > > > > > > > > > > > > > > >SUIVEZ >> >>>> >> > >aVEC > #WRITE4RIGHTS > > > > > > > > > > > > > > > > > 5> > > lE FIl [ nOV/DÉC 2013 ]


ÉCRIRE POUR lES DROITS 2013

© AF Rodrigues/Amnesty

© Amnesty International

© Amnesty International

Participez à la plus grande manifestation de défense des droits humains ! Tous les ans, au moment de la journée des droits de l'homme (10 décembre), des centaines de milliers de personnes aux quatre coins du monde envoient un message à quelqu'un qu'elles n'ont jamais rencontré.

C

'est une méthode éprouvée par Amnesty : 52 années de défense des droits humains ont montré que les mots avaient le pouvoir de changer des vies. L'année dernière, des militants de 77 pays au moins ont participé à notre marathon annuel d'écriture de lettres, et engagé 1,9 million d'actions – un record. Depuis le lancement d'« Écrire pour les droits » à l'échelle mondiale, en 2002, des millions de personnes ont pris part à cette opération d'Amnesty. À l'image de notre mouvement de plus de trois millions de personnes, c'est une manifestation qui reflète la diversité du monde, sa créativité et son enthousiasme.

Pour exprimer leur solidarité à 12 personnes ou groupes dont les droits fondamentaux ont été violés, certains se hâtent de rédiger quelques tweets au cours d'une journée surchargée, d'autres consacrent 24 heures à un marathon d'écriture. Ils écrivent aussi aux autorités. Un gouvernement peut balayer d'un geste un message isolé. Mais lorsque des milliers de voix réclament le changement, il est plus difficile de faire la sourde oreille. De l'Inde à l'Islande, de la Barbade au Burkina Faso, des hommes et des femmes signent des pétitions en faveur des droits humains et envoient des milliers de lettres, de tweets, de fax et de SMS. Beaucoup organisent des veillées et fabriquent des lanternes qui mettent en lumière les portraits des 12 personnes ou groupes de personnes. Cette année encore, des événements marquants sont prévus aux quatre coins de la planète : concerts, projections lumineuses, sessions d'écriture de 24 heures, actions sur Facebook et Twitter, entre autres. Participez ! Vos mots peuvent changer une vie. « L'amour afflue de toute la planète, s'est exclamé Chiou Ho-shun, détenu dans le couloir de la mort à Taiwan depuis 1989, et des amis du monde entier m'ont donné une force incroyable. Les mots ne peuvent pas exprimer ma gratitude envers eux tous. Merci ! »

© Amnesty International

© Amnesty International

© Amnesty International/ERNEST

© Amnesty International

© Michael Sawyer

« l’aMOUR aFFlUE DE

8. amnesty reçoit des informations indiquant que les actions menées font bouger les choses. 7. les choses changent, l'espoir grandit : on voit parfois les conditions de détention s'améliorer ; des détenus sont remis en liberté. les personnes concernées savent que des gens font une affaire personnelle de l'injustice qui les frappe.

6. les messages arrivent sur le bureau des autorités, dans les cellules de prison, au domicile des proches…

5. Partout dans le monde des gens signent des pétitions et écrivent des lettres, des tweets, des courriels, des fax et des SMS.

lIGnE > > > 6 > > > > > > > > > > > > > > >aGISSEZ > >En> >SUR>aMnESTY.ORG/InDIVIDUalS-aT-RISK >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> lE FIl [ nOV/DÉC 2013 ]


© Amnesty International

TOUTE la PlanèTE »

ÉCRIRE POUR lES DROITS 2013

ÉCRIVEZ UnE lETTRE, CHanGEZ UnE VIE

ÉCRIRE POUR LES DROITS PEUT-Il

• contactez le bureau d'Amnesty le plus proche pour obtenir davantage de renseignements et participer. allez sur http://amnesty.org/fr/join/en • Participez en ligne : www.amnesty.org/fr/individualsat-risk • Suivez-nous sur Twitter (@amnestyonline) et envoyez des tweets en utilisant #write4rights

Voici quelques messages de personnes mises en avant lors des éditions précédentes d'Écrire pour les droits.

1. amnesty s'informe sur des personnes et groupes de personnes dans le monde dont les droits humains sont menacés, et qui ont besoin de solidarité et de justice.

VRaIMEnT CHanGER UnE VIE ?

« j’ai été enseveli sous une avalanche de lettres et de cartes postales. au nouvel an, j'ai passé mon temps à lire ces centaines de lettres et de cartes. je peux affirmer que je n’en ai pas raté une seule. Ça a été un nouvel an indescriptible ! » Ales bialiatski, prisonnier d'opinion au bélarus

« C'est ce genre de soutien qui nous aide à continuer de vivre. » baribor Koottee, chef du village de bodo, au nigeria, qui a été dévasté par un déversement de pétrole en 2008

Écrire pour les droits : comment ça marche ?

2. nous choisissons 12 cas pour lesquels une mobilisation au niveau mondial peut changer la donne, immédiatement.

3. nous les communiquons aux bureaux d'amnesty partout dans le monde.

4. les militants organisent des manifestations et des actions pour ces 12 personnes et groupes de personnes, ou certains d'entre eux, au moment de la journée des droits de l'homme (10 décembre).

« Merci de garder juan présent, merci de l'avoir fait connaître dans le monde entier. je voudrais remercier toutes les personnes qui ont donné de leur temps et qui ont partagé ma douleur. » Ana montilla, épouse du militant des droits humains Juan Almonte Herrera, qui a « disparu » en 2009 en république dominicaine

« Ces lettres m’ont donné de l’espoir, car quelqu’un sur cette terre pense à moi et à mon mari, qui est détenu depuis sept ans sans inculpation ni jugement. » Tahani, épouse du Soudanais Hamad al neyl Abu Kassawy, qui figure parmi les milliers de personnes détenues en Arabie saoudite dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme ».

Dans le sens des aiguilles d’une montre en partant de la gauche : Écrire pour les droits en France, en Corée du Sud, au Burkina Faso, au Maroc, en Mongolie, au Brésil, au Canada, en Autriche et en Thaïlande. @aMnESTYOnlInE SUR> TWITTER ET TWEETEZ > > > > > > > > > > > > > > > > >SUIVEZ >> >>>> >> > >aVEC > #WRITE4RIGHTS >>>>>>>>>>>>>>>>> 7>>> lE FIl [ nOV/DÉC 2013 ]


ÉTHIOPIE

© AP Photo/Samson Haileyesus

Un lIEn aVEC lE MOnDE

Birtukan Mideksa a passé plusieurs années en détention en Éthiopie. Cette prisonnière d'opinion était l'un des cas d'Écrire pour les droits 2009. le soutien international, dit-elle, a eu dans son cas une énorme importance, et la force du Marathon des lettres peut être mobilisée cette année pour venir en aide à son ami Eskinder nega.

B

irtukan Mideksa nous parle depuis Boston (États-Unis), où elle est boursière de l'université Harvard, en master d'administration publique à la Kennedy School. Pour cette brillante étudiante, la vie sur le campus est bien différente de son quotidien dans la cellule d'une prison éthiopienne où elle se trouvait il y a quelques années seulement. Les geôles éthiopiennes, son ami Eskinder Nega ne les connaît que trop bien. Il purge actuellement une peine de 18 années d'emprisonnement en raison de ses activités de journaliste. Birtukan et Eskinder ont été détenus ensemble entre 2005 et 2007. L'épouse d'Eskinder, Serkalem, était incarcérée au même moment. Amnesty International les a considérés tous trois comme des prisonniers d'opinion. Chacun a fait l'objet d'une action de la campagne Écrire pour les droits : Serkalem en 2006, Birtukan en 2009 et Eskinder cette année, car il est de nouveau en prison.

« J'ai été emprisonnée deux fois, précise Birtukan. La première fois pendant 18 mois, la deuxième pendant 21 mois. Ces 10 dernières années, Eskinder a été incarcéré huit fois. Sa femme, Serkalem, a elle aussi été emprisonnée. Cette histoire-là, c'est celle que vivent des milliers, des millions d'opposants au gouvernement en Éthiopie. Et les choses ne font qu'empirer. »

la PIRE PÉRIODE En 2005, Birtukan était la dirigeante d'Unité pour la démocratie et la justice, la principale formation d'opposition du pays. Le parti a perdu les élections organisées cette année-là, dans des circonstances controversées. Des milliers de personnes ont été interpellées lors de manifestations tenues pacifiquement par l'opposition pour contester la légitimité des résultats du scrutin. Birtukan, Eskinder, Serkalem et plus de 100 autres personnes – journalistes et dirigeants de l'opposition notamment – ont été poursuivis devant la justice.

lIGnE > > > 8 > > > > > > > > > > > > > > >aGISSEZ > >En> >SUR>aMnESTY.ORG/InDIVIDUalS-aT-RISK >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> lE FIl [ nOV/DÉC 2013 ]


ÉTHIOPIE

© DR

« Toute cette période a été très difficile, surtout pour Serkalem, se souvient Birtukan, qui a partagé un temps la cellule de la jeune femme. Elle était enceinte et devait vivre aux côtés de 70 à 80 prisonniers dans une cellule très sale. Ça sentait affreusement mauvais. « Quand elle a accouché… Ça a été un moment où je me suis vraiment sentie accablée. Elle est partie à l'hôpital… et est revenue seule. Elle a dû laisser son bébé à sa mère. Ma propre fille vivait avec ma mère – elle avait huit mois. Alors nous nous sommes consolées mutuellement. C'est notre attachement à nos enfants et la conscience de nos responsabilités de mères qui nous a fait passer de si durs moments. Ça a vraiment été la pire période de ce séjour en prison. »

UnE SOURCE DE RÉCOnFORT Condamnée à la détention à perpétuité, Birtukan a été libérée après quelque 18 mois d'emprisonnement, à la faveur d'une grâce. Sa liberté n'a été toutefois que de courte durée. Après avoir évoqué, lors d'une réunion publique en Suède en novembre 2008, le processus qui avait abouti à sa libération, elle a été arrêtée de nouveau en Éthiopie, le 28 décembre 2008. La grâce qui lui avait été octroyée a été annulée et sa peine d'emprisonnement à vie a été rétablie. Amnesty a lancé des Actions urgentes en sa faveur et défendu son cas dans le cadre d’Écrire pour les droits 2009. Pour Birtukan, qui passait alors de longues périodes à l'isolement, cette mobilisation collective a été un lien la rattachant à la vie. « En 2009, seules ma mère et ma fille étaient autorisées à me rendre visite, explique-t-elle. J'étais réellement coupée du monde. Je n'avais pas accès aux médias. Nous n'avions pas le droit de parler des initiatives d'Amnesty International, mais ma mère me disait que des gens de l'organisation étaient mobilisés pour me sortir de là. C'était une source de réconfort. Cela me redonnait espoir. Je gardais ainsi un lien avec le monde réel. » Birtukan a été libérée en octobre 2010. « La pression que vous tous avez exercée sur le gouvernement éthiopien a fortement contribué à ma remise en liberté », dit-elle. Elle espère que nous allons pouvoir renouveler cette mobilisation, cette fois en faveur d'Eskinder.

Un OPTIMISME InTaCT En 2012, Eskinder a été emprisonné pour « terrorisme » après des discours et des articles dans lesquels il critiquait l’État et prônait la liberté d’expression. C'est un combattant admirable, dit Birtukan. « Eskinder est l'une des personnes les plus vertueuses que je connaisse dans mon pays, explique-t-elle. Il a une véritable foi dans la bonté de l'être humain. Cette conviction se fait sentir dans sa vie personnelle comme dans sa vie militante. L'amour

qu'il a pour son pays et sa détermination à faire en sorte que chacun vive dans la dignité sont vraiment immenses. « Son engagement militant ne s'est jamais limité à une simple critique du pouvoir. Eskinder a toujours laissé au gouvernement le bénéfice du doute. Il a toujours cherché à expliquer, sans relâche, ses opinions, ses idées. »

Page de gauche : Éthiopie, 6 octobre 2010. Birtukan Mideksa (au centre), est accueillie par des dizaines de sympathisants à sa sortie de la prison d'Addis-Abeba. Son cas était l'un de ceux retenus pour la campagne mondiale d'Amnesty Écrire pour les droits en décembre 2009.

« Ma mère me disait que des gens de l'organisation étaient mobilisés pour me sortir de là. C'était une source de réconfort. Cela me redonnait espoir. Je gardais ainsi un lien avec le monde réel. »

Elle donne aussi de la légitimité au combat. « Certains disent qu'il ne sert à rien de se battre pour le respect des droits humains en Afrique, explique-t-elle. Certains veulent même ne regarder que la performance économique d'un pays. Mais nous ne devons pas sacrifier nos droits humains pour un bénéfice économique. « Tous ces sujets qui vous préoccupent viennent réaffirmer le caractère inviolable de nos droits fondamentaux, ces droits qui sont attachés à notre qualité d'êtres humains, quoiqu'il arrive. Votre travail est immensément important, il apporte un soutien moral essentiel à des militants comme Eskinder ou moi-même. »

Cet homme engagé a été en butte à une campagne de harcèlement, notamment à des menaces. Le journal qu'il dirigeait avec Serkalem a été interdit. Il a été emprisonné à plusieurs reprises. En 2005, pendant la période où les trois amis étaient incarcérés, Eskinder a été placé à l'isolement durant des mois entiers. « Il n'est pas devenu aigri pour autant, fait observer Birtukan. Son optimisme et sa conviction sont restés intacts. »

Un SOUTIEn InDISPEnSaBlE Avec son réseau de sympathisants dans le monde entier, Amnesty dispose d'un fort levier pour obtenir la libération d'Eskinder, pense Birtukan. « Le soutien que nous recevons, nous, prisonniers politiques, est indispensable. « Mais nous ne devons pas oublier les gens dans le pays. Ils aimeraient nous exprimer leur soutien, mais la répression est terrible. Les gens ne peuvent pas dénoncer ainsi notre emprisonnement, de manière organisée. » L'aide d'Amnesty n'en est que plus nécessaire, souligne Birtukan.

Ci-dessus : L'une des rares photos d'Eskinder Nega avec sa femme, Serkalem Fasil, et leur fils Nafkot (2007).

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demandez au Premier ministre, Hailemariam desalegn, de remettre en liberté eskinder nega, immédiatement et sans condition. Veuillez envoyer votre message à l'adresse suivante (utilisez la formule d'appel : monsieur le Premier ministre, / dear Prime minister) : P.o. box 1031, Addis Ababa, éthiopie Courriel : mojmo@ethionet.et

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TUnISIE

« On PEUT ÊTRE jETÉ En PRISOn POUR Un MOT, POUR UnE IDÉE » le blogueur tunisien jabeur Mejri paye de sa liberté le fait d'avoir exprimé sur Internet des opinions qui ont été jugées hostiles à l'islam. En 2012, il a été condamné à plus de sept ans d'emprisonnement pour « atteinte aux valeurs sacrées par la parole ou l'action » et « atteinte à la morale publique ». lina Ben Mhenni tient le blog A Tunisian Girl. Elle évoque pour lE FIl sa consternation devant la condamnation de jabeur et les risques courus par les Tunisiens qui expriment librement leurs opinions.

«L

a condamnation de Jabeur nous a fait un choc terrible. C'est incroyable. Les gens parlent de la réussite de la transition démocratique en Tunisie, mais peut-on parler de démocratie dans un pays où quelqu'un se voit infliger une si lourde peine de prison simplement parce qu'il a exprimé ses opinions ? « Avant le départ de Ben Ali, les blogueurs étaient en butte à la censure et risquaient d'être arrêtés et emprisonnés. Nous avons ensuite vécu pendant quelques mois une période d'euphorie révolutionnaire pendant laquelle les Tunisiens ont pu s'exprimer librement [après le premier soulèvement au MoyenOrient et en Afrique du Nord, en janvier 2011]. Mais cela n’a pas duré. « Aujourd'hui il n'y a pas de censure officielle : les gens peuvent s'exprimer librement, mais ils doivent être prêts à en payer le prix. Cela peut commencer par une campagne de diffamation sur Internet ou dans les journaux, des actes de harcèlement moral et physique dans la rue, des menaces, en ligne ou dans

© REUTERS/Zoubeir Souissi

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Ci-dessus : La blogueuse tunisienne Lina Ben Mhenni à son ordinateur dans un café de Tunis (2011). Son blog, A Tunisian Girl, est rédigé en arabe, en anglais et en français. Elle a reçu plusieurs récompenses internationales pour son travail, notamment le prix international du meilleur blog de la Deutsche Welle et le prix international du journalisme d'El Mundo.

Jabeur est un prisonnier d'opinion emprisonné uniquement pour avoir exercé son droit fondamental à la liberté d'expression. envoyez-lui une lettre ou une carte ! Écrivez à l'adresse suivante : Jabeur meJrI, Prison civile de mahdia, route de chiba 5100, mahdia, Tunisie Le seul espoir de Jabeur maintenant est d'obtenir la grâce du président moncef marzouki – lui-même un ancien prisonnier d'opinion. demandez-lui de libérer Jabeur mejri, immédiatement et sans condition. Écrivez à (utilisez la formule d'appel : monsieur le Président,) : m. moncef marzouki, Président de la république, Palais Présidentiel, Tunis, Tunisie Fax : + 216 71 744 721 Courriel : boc@pm.gov.tn

la vraie vie. Et cela peut continuer jusqu'à l'arrestation, au procès et à l'emprisonnement. Jusqu'aux menaces de mort et à la mort. »

PROCèS D'OPInIOn « On peut être jeté en prison pour un mot, pour une idée. Les “procès d'opinion” font aujourd'hui partie de notre vie quotidienne. Jabeur est notre premier prisonnier d'opinion. Les rappeurs Weld El 15 et Klay BBJ ont été condamnés à un an et neuf mois d'emprisonnement à cause d'une chanson. Un autre jeune homme s'est vu infliger une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis pour avoir écouté un morceau de rap.

« J'ai l'impression d'avoir perdu ma liberté en essayant de me battre pour mon pays et pour la liberté de mon peuple. Si nous ne réagissons pas à ce qui se passe, bientôt tous les sujets seront tabous. » « Comme dans de nombreux autres pays, la religion et la politique sont des sujets tabous en Tunisie. On ne peut critiquer, ni les autorités en général, ni les islamistes en particulier. « Je me sens menacée, tout simplement parce que je tiens un blog et que je critique le gouvernement et la situation en Tunisie, et cet affreux retour en arrière. Mon nom figure sur une liste noire et je suis sous protection policière. J'ai l'impression d'avoir perdu ma liberté en essayant de me battre pour mon pays et pour la liberté de mon peuple. Si nous ne réagissons pas à ce qui se passe, bientôt tous les sujets seront tabous. »

la FIn DU DROIT À la DIFFÉREnCE « Les autorités ont prononcé cette peine contre Jabeur pour intimider d'autres personnes, pour les empêcher de s'exprimer, pour supprimer leur droit à la différence. Elles ont voulu faire savoir que pour vivre en Tunisie, il faut se conformer à leurs règles et leurs croyances.

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MYanMaR

MaInTEnOnS la PRESSIOn SUR lE MYanMaR notre chargée de campagne sur l'asie du Sud-Est explique comment sa passion pour le Myanmar l'a amenée à militer au sein d'amnesty, et pourquoi Tun aung a besoin de votre aide. « Il PERD ESPOIR » La sœur de Jabeur Mejri, Inès, nous a donné des nouvelles de son frère emprisonné. « Nous allons voir Jabeur tous les jeudis, nous lui apportons de la nourriture et d'autres choses. La dernière fois que nous l'avons vu, ses propos nous ont vraiment fait mal. Il perd espoir, il se sent très fatigué et est très inquiet. Il avait sollicité une grâce avant l'Aïd [en août 2013], mais les choses sont au point mort depuis. Nous nous faisons beaucoup de souci pour lui. « Avant il était dans une cellule surpeuplée et il vivait ça très mal. Il était sur le point de craquer, alors ils ont accepté de le changer de cellule. Il est maintenant détenu dans une pièce avec sept ou huit personnes, et il va beaucoup mieux. « Mais il a toujours du mal à dormir, parce qu'il ne cesse de penser à ce qui lui est arrivé et à ce qui va advenir de lui. Nous continuons à nous battre pour lui, et toute aide est la bienvenue pour que nous obtenions une grâce présidentielle en sa faveur. »

« Notre liberté d'expression est vraiment en danger. Je crains que nous ne soyons en train de perdre les fruits magnifiques de notre révolution : la disparition de la peur et la liberté d'expression. Nous devons continuer de nous battre pour protéger et préserver ce droit. « Nous devons faire cesser les attaques contre la liberté d'expression, et réformer notre justice. Il faut que les juges refusent de travailler sous la baguette des dirigeants ou des partis politiques. Il ne faut pas que nous cédions aux intimidations. « Je veux dire à tous les Tunisiens : Nous devons nous rassembler pour dire “non” à la censure et aux procès d'opinion. »

retrouvez le blog de Lina sur http://atunisiangirl.blogspot.co.uk

J

e m'intéresse aux droits civils et politiques depuis mon adolescence en Irlande. Mon père a été membre d'Amnesty toute sa vie, c'est pourquoi j'ai toujours connu l'organisation. J'ai fait une recherche universitaire de troisième cycle sur les causes sousjacentes des tensions entre communautés indienne et birmane à Rangoun dans les années 1930. Je suis allée dans le pays aussi. C'est une combinaison de ces facteurs qui m'a amenée à travailler sur le Myanmar à Amnesty International. La situation politique au Myanmar est très mouvante depuis quelques années. Selon les chiffres officiels, les amnisties qui ont eu lieu depuis le changement de gouvernement en mars 2011 ont permis la libération de plus de 28 000 prisonniers, parmi lesquels figurent plusieurs centaines de prisonniers d'opinion. Mais des centaines d'autres personnes sont restées en détention ou ont été arrêtées pour avoir exercé leur droit à la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique. Les militants d'Amnesty peuvent intervenir pour maintenir la pression sur le gouvernement du Myanmar afin qu'il cesse ces violations. Lors d'Écrire pour les droits 2010, les membres d'Amnesty dans 33 pays avaient lancé plus de 45 000 actions demandant la libération d'une militante politique pacifique, Su Su Nway. C'est certainement l'une des raisons pour lesquelles le nouveau gouvernement l'a placée sur la liste des prisonniers ayant bénéficié de sa première grande amnistie. Je nourris l'espoir que nous parviendrons à faire de même pour Tun Aung (représenté sur la vignette cidessus), dont le cas a été porté à ma connaissance quelques semaines après son arrestation, en juin 2012. Ce médecin, père de famille et grand-père, s'est mobilisé pour améliorer la tolérance entre les groupes ethniques et religieux dans l'État d'Arakan. Les autorités locales le considéraient comme un allié capable d'apaiser les tensions entre communautés dans les moments de crispation.

Un vendredi après-midi de juin, les autorités ont demandé à Tun Aung de calmer un groupe d'hommes rassemblés devant une mosquée à Maungdaw, dans l'ouest du Myanmar. Ils protestaient contre le massacre de 10 musulmans perpétré une semaine auparavant par des bouddhistes qui voulaient venger le viol et le meurtre présumés d'une femme bouddhiste.

« Tun Aung a tout fait pour rétablir le calme, mais la foule a refusé de l'écouter. Il a été arrêté quelques jours plus tard et condamné à 17 années d'emprisonnement .» Tun Aung a tout fait pour rétablir le calme, mais la foule a refusé de l'écouter. Il a été arrêté quelques jours plus tard et condamné à 17 années d'emprisonnement après avoir été déclaré coupable de plusieurs chefs, dont celui d'incitation à l'émeute. Âgé de 66 ans, atteint d'une tumeur à l'hypophyse, il a besoin de soins médicaux. Il est essentiel que nous fassions connaître le cas de Tun Aung à un large public – c'est pourquoi c'est l'un des cas d'appel d'Écrire pour les droits 2013. Il doit rester présent dans les esprits des responsables du Myanmar lorsqu'ils décideront d'une nouvelle amnistie – comme cela s'est produit avec Su Su Nway. Tun Aung doit être remis en liberté immédiatement, pour reprendre le cours de sa vie, dans sa famille, auprès de ses patients et comme responsable local. Je suis persuadée que les membres d'Amnesty dans le monde entier vont peser de tout leur poids et obtenir sa libération.

ÉCRIVEZ UnE lETTRE, CHanGEZ Sa VIE Écrivez au président Thein Sein (utilisez la formule d'appel : monsieur le Président/Your excellency) pour lui demander de remettre en liberté Tun Aung, immédiatement et sans condition. adresse : President’s office, nay Pyi Taw, myanmar Courriel : president-office.gov.mm/contact

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RUSSIE

© REUTERS/Denis Sinyakov

lIBERTÉ

POUR lES TROIS DE BOlOTnaÏa !! le sort de trois hommes arrêtés place Bolotnaïa à Moscou symbolise aujourd'hui la politique de répression engagée récemment par le président Poutine contre l'opposition politique pacifique.

D

es dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue à Moscou le 6 mai 2012, la veille de la troisième investiture de Vladimir Poutine comme président de la Russie. Elles voulaient rejoindre un rassemblement organisé par l'opposition place Bolotnaïa, près du Kremlin. Les autorités locales avaient donné leur feu vert au cortège et au rassemblement. À la dernière minute, la police a bloqué l'un des deux accès autorisés à la place, ce qui a créé un goulot d'étranglement. La pression et la tension se sont accrues à mesure que les manifestants approchaient du barrage de police. Ils ont fini par déborder le cordon de policiers et des heurts ont éclaté.

Des centaines de personnes ont été arrêtées dans les rues de Moscou ce jour-là. Treize sont actuellement poursuivies au pénal, dont Vladimir Akimenkov, Artiom Saviolov et Mikhaïl Kosenko. Ces hommes qui ne se connaissaient pas ont vécu un parcours similaire depuis ce jour de mai. Remis en liberté le 7 mai, ils ont été arrêtés de nouveau en juin et sont toujours incarcérés. Tous trois sont accusés d’avoir participé à des « émeutes de grande ampleur ». Artiom Saviolov et Mikhaïl Kosenko sont en outre accusés de violences contre des policiers. Amnesty considère ces trois hommes comme des prisonniers d'opinion. Lisez leur histoire et aidez-nous à obtenir leur libération.

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RUSSIE

Page de gauche : Affrontements entre la police antiémeutes russe et des protestataires lors des manifestations de la place Bolotnaïa, dans le centre de Moscou (6 mai 2012).

© Dmitry Borko

Artiom Saviolov (ci-dessous) a été arrêté juste après la rupture du cordon de policiers. Il explique qu'on l'a poussé, ce que semblent confirmer les séquences vidéo disponibles. Il est accusé d'avoir utilisé la force pour tenter d'empêcher un policier d'arrêter un autre manifestant, et d'avoir crié « À bas l'État policier ! ». Il nie vigoureusement ces accusations et affirme qu'il a tout fait pour éviter le contact avec la police. Il souffre d'un sérieux trouble de la parole et a du mal à parler – à plus forte raison à crier des slogans.

Mikhaïl Kosenko (à gauche) explique qu'il était au premier rang des manifestants et qu'un policier, agressé rudement, est tombé sur lui. Mikhaïl a repoussé le policier, sans violence. Des images vidéo confirment ses dires. Les autorités l'accusent néanmoins d'avoir donné des coups de poing et de pied à cet agent des forces de l'ordre, qui a déclaré qu'il n'avait jamais vu Mikhaïl auparavant. Mikhaïl, qui souffre de troubles mentaux, est très vulnérable. Il semble que son état se soit considérablement détérioré depuis son arrestation. Les médicaments dont il a besoin ne lui sont pas délivrés. Récemment, on lui a refusé l'autorisation de se rendre aux obsèques de sa mère. En octobre, un tribunal moscovite a décidé que Mikhaïl sera contraint de recevoir un traitement psychiatrique ; or, depuis dix ans, il était suivi en consultation externe, ce qui lui réussissait. Il pourrait subir une privation de liberté de durée indéterminée. Mikhaïl n'est membre d'aucun parti ni d'aucune organisation politique. Il n'avait jamais été accusé de violences auparavant.

ÉCRIVEZ UnE lETTRE, CHanGEZ lEURS VIES © Dmitry Borko

merci d'envoyer de belles cartes, bien colorées, à chacun des trois hommes : vladimir Gheorguievitch Akimenkov, Artiom victorovitch Saviolov et mikhaïl Aleksandrovitch Kosenko (traduisez si possible votre message en russe).

© Dmitry Borko

© Aleksandr Baroshin

Envoyez vos cartes à : Pre-trial detention facility, SIZo-2 “butyrka”, ul. novoslobodskaya, 45, moscou, 127055, russie

Vladimir Akimenkov (à gauche et ci-dessus) milite au Front de gauche, un mouvement politique d'opposition. Il a été arrêté dans les minutes qui ont suivi la rupture du cordon de policiers par les manifestants. Il pense avoir été interpellé parce qu'il est un militant politique bien connu de la police. Des images vidéo montrent à l'évidence qu'il est resté face aux forces de l'ordre, sans franchir le cordon de policiers, et qu'il s'est abstenu de toute violence. Le seul élément à charge serait la déclaration d'un agent de police, selon lequel Vladimir a lancé une hampe de drapeau qui a touché un autre policier.

ou bien envoyez un courriel à post.rosuznik@gmail.com, en mentionnant le nom du destinataire. demandez au procureur général de remettre en liberté ces trois hommes et de garantir des procédures équitables à toutes les personnes détenues à la suite des événements de la place bolotnaïa. Envoyez vos appels à : Yurii Yakovlevich chaika, Prosecutor General of the russian Federation, Prosecutor General’s office, ul. b. dmitrovka, d.15a., 125993 moscou, GSP-3 russie

Le témoignage, vague dans sa version initiale, a été modifié en profondeur et complété de multiples détails six mois plus tard. Vladimir souffrait de graves troubles oculaires avant son arrestation. Son état a empiré. Son avocat et sa famille sont profondément inquiets, compte tenu de ses conditions de détention. Ils craignent qu'il ne perde complètement la vue.

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MEXIQUE

TORTURÉE « aU HaSaRD » Des hommes cagoulés ont enlevé Miriam lópez sur le chemin de TORTURE ET lUTTE COnTRE la l'école de ses enfants. Incarcérée CRIMInalITÉ La torture demeure la méthode privilégiée par la pendant des mois, elle a subi des police mexicaine pour mener ses enquêtes tortures. Comment cela est-il criminelles. Souvent, des gens subissent des mauvais possible ? lE FIl constate que la traitements pouvant aller jusqu'à la torture parce torture est une réalité au Mexique. qu'on veut leur faire signer des déclarations les

I

l a fallu du temps pour que Miriam Isaura López Vargas parvienne à reconstituer ce qui lui est arrivé. Le 2 février 2011, cette mère de famille âgée de 30 ans venait de déposer trois de ses quatre enfants à l'école, à Ensenada, une ville du nord du Mexique. Deux hommes portant une cagoule ont surgi, l'ont fait monter de force dans une camionnette et ont démarré. « Je ne savais pas qui ils étaient, je leur ai posé la question, ils m’ont alors mis une arme sur la tempe et m’ont dit de la fermer ou ils me feraient exploser la cervelle », a-t-elle expliqué plus tard. Les hommes étaient en fait des soldats en civil. Ils ont emmené la jeune femme dans une caserne de Tijuana, une ville peu éloignée. Miriam dit avoir ensuite vécu la pire semaine de sa vie. « Ils m’ont torturée : ils m’ont mis à plusieurs reprises un linge mouillé sur le visage, puis ils ont versé de l’eau dessus, je ne pouvais plus respirer. Ils m’ont infligé des décharges électriques. » Profondément traumatisée, elle a eu le courage, plus tard, de dire à son compagnon que les soldats l'avaient violée à plusieurs reprises. Ils voulaient l’obliger à « avouer » qu’elle avait passé de la drogue à un poste de contrôle militaire. Miriam clame son innocence et explique qu'elle allait simplement, comme d'habitude, rendre visite à sa mère, à 45 kilomètres de là. Après avoir été torturée pendant sept jours, Miriam a été conduite dans un centre de détention à Mexico. Au bout de 80 jours, elle a été inculpée d'infraction à la législation sur les stupéfiants et transférée dans une prison d'Ensenada. Le 2 septembre 2011, après un non-lieu pour insuffisance de preuves, elle a enfin été remise en liberté.

incriminant, eux ou d'autres personnes, pour une infraction dont ils sont innocents. Ces déclarations justifient ensuite des poursuites pénales. Les autorités ferment volontiers les yeux sur ces procédés car ils permettent la désignation de « criminels » présumés

« J’essaie de vivre normalement, mais j'ai constamment peur, pour moi, pour ma famille, qu’il leur arrive quelque chose. » et entretiennent l'idée que la police lutte efficacement contre la criminalité. C'est ainsi que de nombreux innocents sont incarcérés. Les délinquants, eux, courent toujours les rues, les victimes n'ont pas accès à une véritable justice et toute la population reste menacée par la criminalité et la violence. Les procureurs se sont appuyés sur la déposition de Miriam pour mettre en cause d'autres personnes dans des affaires de stupéfiants. Ils avaient simplement besoin de quelqu'un pour combler une lacune dans l'échafaudage de « preuves » justifiant des inculpations.

MIRIaM… ET lES MIllIERS D'aUTRES Le Mexique a lancé il y a quelques années des opérations de lutte contre le grand banditisme et les cartels de la drogue, déployant des dizaines de milliers de militaires. Les témoignages sur des mauvais traitements ou même des actes de torture infligés par des soldats ou des policiers se sont multipliés depuis. Bien plus qu'autrefois, les Mexicains courent le risque d'être arrêtés sans raison et torturés. Les simples citoyens comme Miriam, qui n'ont que peu de moyens et un accès limité à l'assistance juridique indépendante, sont particulièrement vulnérables.

Selon la Commission nationale des droits humains, les allégations d'actes de torture et autres mauvais traitements ont bondi de 500 % au Mexique entre 2006 et 2012. La Commission enquête par ailleurs sur quelque 2 400 cas de disparitions dans lesquels sont impliqués des agents de l'État.

aBanDOnnÉS PaR lES aUTORITÉS Les gouvernements mexicains successifs n'ont cessé d'affirmer leur intention d'empêcher et de punir les actes de torture. À ce jour, ils sont pourtant bien loin d'avoir mené des enquêtes exhaustives sur les faits dénoncés ; pratiquement personne n'a été traduit en justice. Les autorités, y compris les juges, manquent également à leur obligation légale d'empêcher l'utilisation de témoignages obtenus sous la torture comme preuve lors de procès. En 2012, des personnes de la Commission nationale des droits humains ont examiné Miriam. Les résultats de l'examen correspondaient aux actes de torture, et en particulier aux violences sexuelles, relatés par la jeune femme. Le bureau du procureur général de la République a néanmoins demandé un nouvel examen, par ses propres services médicolégaux.

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© Comité de Derechos Humanos de Nuevo Laredo © Agencia Reforma

MEXIQUE

Celui-ci n'a été mené qu'en mai 2013. Miriam avait porté plainte pour torture en décembre 2011. Au moment de la mise sous presse du FIL, Miriam et son avocate n'avaient toujours pas été informées des conclusions de cet examen.

DITES À MIRIaM QU'EllE n'EST PaS SEUlE Le 15 décembre 2013, cela fera deux ans que Miriam López aura déposé plainte au bureau du procureur général de la République pour les atteintes aux droits humains subies. L'enquête n'a pour ainsi dire pas progressé depuis. Malgré des preuves médicales convaincantes et le fait que Miriam a donné les noms de certains de ses tortionnaires, personne n'a jamais été officiellement interrogé. Au Mexique, la plupart des victimes de torture ont trop peur pour porter plainte. Les femmes qui ont subi une agression sexuelle craignent d'être montrées du doigt si elles parlent de ce qui leur est arrivé. Miriam a décidé de tout dire car elle est déterminée à obtenir justice. Et elle veut éviter que d'autres ne subissent les mêmes épreuves.

Elle a besoin de votre soutien. Elle habite à Ensenada, en Basse-Californie, à 2 000 kilomètres de Mexico, où son affaire est instruite. Elle est en contact régulier avec son avocate, avec une ONG mexicaine qui la soutient et avec Amnesty. Elle poursuit sa lutte, au prix de difficultés quotidiennes. « J’essaie de vivre normalement, nous a-t-elle confié, mais j'ai constamment peur, pour moi, pour ma famille, qu’il leur arrive quelque chose. » Miriam nous a demandé de ne pas publier de photo d'elle, afin de ne pas mettre ses proches en danger. Dites à Miriam qu'elle n'est pas seule. Il est très important que des milliers de personnes soutiennent ses efforts pour obtenir justice.

Ci-dessus : Au Mexique, État de Tamaulipas (janvier 2012), des soldats patrouillent dans la ville de Nuevo Laredo, sur les bords du Rio Grande. Un spectacle désormais courant dans les rues du pays. Ci-dessus à droite : Miriam López.

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Sur la page Facebook de miriam (bit.ly/miriamlopez), cliquez sur « J'aime » et laissez-lui un message de solidarité, en indiquant votre nom et votre pays. veuillez demander au procureur général de la république du mexique de conduire sans délai une enquête exhaustive et impartiale sur les actes de torture qui auraient été infligés à miriam en 2011, d'en rendre publics les résultats et de déférer à la justice les responsables présumés de ces actes. Envoyez vos appels à : (utilisez la formule d'appel : estimado Señor Procurador General, / monsieur le Procureur général,) Jesús murillo Karam, Procurador General de la república, Procuraduría General de la república, Paseo de la reforma 211-213, col. cuauhtémoc, c.P. 06500, mexico, mexique Courriel : ofproc@pgr.gob.mx

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© Amnesty International

«n'OUBlIEZ PaS BOPHa ! » Mère, commerçante, épouse, militante : Yorm Bopha est tout cela à la fois. Mais surtout, insistent son mari et son fils âgé de 10 ans, Bopha n'est pas là, et leur manque.

«J

e n'arrête pas de penser à Maman, dit Lous Lyhour. Je veux qu'elle sorte vite, qu'elle rentre à la maison. » Une demande toute simple de la part d'un petit garçon qui a besoin de sa mère. Mais la mère de Lyhour n'est pas en train de travailler ou de faire ses courses. Elle a été condamnée à trois ans de prison sur la base d'accusations mensongères et purge actuellement sa peine. Yorm Bopha, pilier du foyer familial, a été arrêtée en septembre 2012. Elle était l'un des chefs de file du mouvement de résistance citoyenne contre les expulsions forcées dans le quartier du lac Boeung Kak, dans le centre de Phnom Penh. Elle avait pris ouvertement fait et cause pour 13 autres militantes

emprisonnées à la suite d'une manifestation pacifique en mai 2012. Les autorités cambodgiennes l'ont alors harcelée et menacée. Bopha participe depuis 2010 au mouvement citoyen local contre les expulsions massives menées dans le secteur du lac Boeung Kak. Il est essentiellement animé par des femmes. « Son engagement était un exemple pour nous, témoigne son mari, Lous Sakhorn. Je la soutenais et j'étais fier d'elle. Son combat faisait partie de notre vie. » Sakhorn était toutefois bien conscient des dangers qu'elle courait. « Je me faisais du souci pour elle. Je lui disais : “Sois prudente, ne te mets pas trop en avant.” Elle me répondait : “Je veux le micro, pour parler, je ne veux pas juste être au milieu de la foule !” J'étais inquiet, bien sûr, mais je la soutenais. On nous avait pris nos terres, et cela nous touchait au vif. »

20 000 PERSOnnES EXPUlSÉES Pour les habitants du quartier du lac Boeung Kak, les problèmes ont commencé en 2007 avec la cession des terrains à une société pour un projet d'aménagement. Quelque 20 000 personnes ont depuis été expulsées de chez elles. Aucune consultation sur le projet n'a été menée auprès des habitants – au point qu'ils en ont appris l'existence par l'intermédiaire du journal télévisé. En août 2008, la société a commencé à injecter du sable dans le lac, ce qui a provoqué des inondations qui ont détruit des maisons. De nombreuses familles

© Amnesty International

CaMBODGE

ont refusé de partir et un mouvement de résistance a alors vu le jour. En février 2012, le lac avait disparu sous des monceaux de sable. Les autorités ont harcelé et menacé les habitants, pour les forcer à accepter une indemnisation insuffisante ou un relogement dans des endroits éloignés de leur travail et ne disposant pas des services élémentaires. Les familles encore présentes ont continué de protester et de faire valoir leur droit de conserver leur maison. En août 2011, elles ont cru avoir remporté une victoire. Le Premier ministre a alloué 12,44 hectares de terrain du lac Boeung Kak à quelque 900 familles. Toutefois, les autorités locales ont écarté certaines familles, et parmi celles qui ont reçu un titre de propriété, il en est qui ne disposent toujours pas de leur parcelle. Les manifestations se sont donc poursuivies – et les arrestations aussi.

PROTÉGER lES SIEnS Bopha a fini par payer le prix de son engagement militant. En septembre 2012, Sakhorn et elle ont été arrêtés et accusés d'avoir orchestré une agression contre deux hommes soupçonnés de vol. Alors qu'aucun élément ne l'impliquait dans cette affaire, le couple a été condamné en décembre 2012. La peine de Sakhorn a été assortie d'un sursis ; Bopha a été envoyée en prison. « C'est tellement injuste, pour Bopha, se lamente Sakhorn. C'est simplement une femme qui s'est mobilisée pour protéger les terres de sa famille et celles de sa communauté. Elle pensait à la génération qui vient. Nous ne faisons plus confiance à notre pays, ni à la loi. La loi sert les intérêts des puissants. » Le tribunal a condamné Bopha et Sakhorn à verser de lourds dommages et intérêts aux deux hommes, ce qui a mis la famille dans une situation

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© Jenny Holligan

CaMBODIa

« C'est tellement injuste, pour Bopha. C'est simplement une femme qui s'est mobilisée pour protéger les terres de sa famille et celles de sa communauté. Elle pensait à la génération qui vient. » Sur le plan affectif, le prix à payer est tout aussi élevé. « Mes études ont beaucoup souffert de la détention de ma mère », dit Lyhour, qui avait neuf ans lorsque Bopha a été arrêtée. « Il ne veut tout bonnement plus aller à l'école, ajoute Sakhorn. Il veut aller aux manifestations en faveur de sa mère. Je ne peux pas m'opposer à cela. C'est parce qu'il a mal, et je le comprends. » La douleur de Sakhorn est tout aussi palpable. « Nous étions très heureux tous les trois. Nous allions nous promener tous ensemble devant le palais royal ou à la pagode, ou simplement faire un tour en ville. J'ai de très beaux souvenirs de tout cela. Depuis qu'elle est en prison, c'est comme si le froid s'était abattu. C'est comme si nous avions perdu une partie de nous, perdu notre main droite. »

Il FaUT QUE lE MOnDE SaCHE Yorm Bopha est actuellement détenue à la Prison judiciaire, dans la banlieue de la capitale, Phnom Penh. Sakhorn et Lyhour sont autorisés à lui rendre visite deux fois par semaine. « Elle va bien, nous dit

© Amnesty International

financière difficile. Bopha était le soutien de famille, rappelle Sakhorn. « C'est elle qui gagne l'argent du foyer, explique-t-il. Elle s'occupait du commerce, elle vendait des tissus. » Sakhorn souffre d'hypertension. Son état de santé ne lui permet pas de travailler.

Sakhorn, mais ce n'est pas facile d'être en prison. Elle se trouve dans une petite cellule avec sept autres personnes. » Peut-être que le fait de savoir que les citoyens se battent pour obtenir sa libération lui rend sa détention plus supportable. « Les habitants du lac Boeung Kak n'oublient pas Bopha !, se réjouit Sakhorn. Ils manifestent. Ils envoient des pétitions à l'Assemblée nationale, à la municipalité, au gouvernement, à des ambassades étrangères et à la Banque mondiale. » Et que représente pour Sakhorn et Lyhour le soutien apporté par Amnesty à Bopha ? « J'en suis très heureux, dit Sakhorn. Cela me donne l'espoir de voir ma femme libérée un jour. Ce qui serait une victoire pour la justice et pour les Cambodgiens. Cela montre que la justice peut exister. »

Ci-dessus, de gauche à droite : Lous Sakhorn, le mari de Bopha, pose avec une affiche représentant son épouse. Le lac Boeung Kak, Phnom Penh (Cambodge) Les riverains risquent d'être chassés de chez eux au profit de projets d'urbanisme privés. Beaucoup vivent ici depuis plus de 20 ans et n'ont nulle part où aller. De nombreux habitants ont dû partir déjà lorsque l'entreprise a commencé à combler le lac avec du sable, provoquant des inondations dans les maisons. Le lac a maintenant complètement disparu. Une fleur de lotus à la main, Yorm Bopha (à droite) et d'autres militantes réclament la libération de 13 autres défenseures des droits humains du lac Boeung Kak, à Phnom Penh. Ce mouvement de contestation des expulsions forcées massives conduites dans leur quartier est essentiellement animé par des femmes. Ci-dessus à gauche : « Je n'arrête pas de penser à Maman » : photo récente de Lous Lyhour, le fils de Bopha. Il avait neuf ans au moment de l'arrestation de sa mère, en 2012.

ÉCRIVEZ UnE lETTRE, CHanGEZ Sa VIE Écrivez au ministre de la Justice (utilisez la formule d'appel : monsieur le ministre/Your excellency). demandez-lui de libérer Yorm bopha immédiatement et sans condition. adresse : minister of Justice, ministry of Justice, no 240 Sothearos blvd, Phnom Penh, cambodge Courriel : moj@cambodia.gov.kh

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nIGERIa

UnE VICTIME DEVEnUE MIlITanTE « Beaucoup de gens n'ont plus de toit sur leur tête, beaucoup d'enfants ne peuvent plus aller à l'école, beaucoup de femmes n'arrivent plus à nourrir leurs enfants et beaucoup de pères sont bien en peine de subvenir aux besoins de leur famille. C'est pourquoi j'ai décidé de me battre jusqu'au bout pour défendre mes droits et les droits des autres. »

S

i Bimbo Osobe avait baissé les bras et renoncé à la lutte, on lui pardonnerait volontiers. Cette femme est l'une des milliers de personnes qui ont assisté, impuissantes, à la démolition de leurs maisons et de leurs commerces à Badia-Est (État de Lagos) lors d'une opération d'expulsion forcée menée sur ordre des autorités le 23 février 2013. La première fois qu'Amnesty l'a rencontrée, en mai 2013, Bimbo Osobe dormait dehors, sous une moustiquaire. Elle venait d'avoir une crise de paludisme. Comme ses moyens de subsistance avaient été détruits, elle ne pouvait se nourrir et se vêtir que grâce à l'aide d'amis ou de personnes de bonne volonté. Elle avait envoyé ses enfants vivre chez des parents, pour leur épargner les privations et l'angoisse par lesquelles elle passait. Mais Bimbo (représentée sur la vignette, en haut à droite) ne veut pas être une victime. Ce qu'elle veut, c'est la justice. Et lorsque nous l'avons retrouvée en août, elle avait déjà entrepris d'améliorer par l'action militante sa situation et celle de sa communauté. Grâce à la bienveillance d'une personne, Bimbo a trouvé un hébergement dans un secteur de Badia-Est épargné par les bulldozers. Elle aide d'autres habitants à trouver eux aussi une solution de

logement acceptable, et à obtenir des indemnités. Elle vit toujours séparée de ses enfants, mais leur envoie des manuels scolaires achetés avec les dons de personnes qui soutiennent sa cause. Lors du lancement en août du rapport d'Amnesty sur Badia-Est, Bimbo entraînait les autres habitants à entonner des chants de solidarité et d'encouragement. Elle n'a pas cessé de s'adresser à tous avec passion, et a fait fonction d'interprète dans un atelier sur les droits en matière de logement. Lors d'une table ronde sur le droit à un logement convenable dans l'État de Lagos, Bimbo a exhorté les autorités à reloger les personnes touchées et à leur verser une indemnisation. Amnesty fait campagne pour obtenir l'arrêt des expulsions forcées à Badia-Est et pour que toutes les personnes touchées soient indemnisées et protégées. L'avenir reste menaçant : le gouvernement de l'État a indiqué qu'il avait l'intention de démolir toutes les habitations, dans le cadre de deux opérations d'expulsion massive. La solidarité internationale est essentielle pour donner aux habitants de Badia-Est la force de continuer leur combat pour obtenir un logement convenable. « Nous remercions Amnesty International de nous avoir soutenus après la démolition, a déclaré

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Bimbo Osobe

Bimbo, et nous espérons que vous allez continuer à nous aider dans la lutte pour le respect de nos droits. » Le groupe de militants dont fait partie Bimbo prévoit d'afficher au centre associatif où il se réunit toutes les cartes de solidarité reçues.

À gauche : Intervention de Bimbo Osobe lors du lancement du rapport d'Amnesty If you love your life, move out!, sur l'expulsion forcée au cours de laquelle son quartier a été détruit. Lagos, Nigeria, août 2013. À droite : Des habitants de Badia-Est assistent au lancement du rapport d'Amnesty.

ÉCRIVEZ UnE lETTRE, CHanGEZ lEURS VIES merci d'envoyer une lettre, une photo ou une carte avec un message de soutien à : badia east Technical committee, c/o Social and economic rights Action center (SerAc), Plot 758, chief Thomas Adeboye drive, omole Phase 2, Isheri, Lagos State, nigeria

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© Amnesty International

© DR

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TURQUIE

PRIS DanS lES ManIFESTaTIOnS DU PaRC GEZI la vie de Hakan Yaman a basculé le jour où des policiers s'en sont pris à lui lors des manifestations de juin 2013 à Istanbul (Turquie).

L

e 3 juin dans la soirée, Hakan Yaman, qui est chauffeur de minibus à Istanbul (Turquie), rentrait chez lui après sa journée de travail. D'immenses manifestations avaient eu lieu pendant le week-end, la police y avait répondu en multipliant les violences et il régnait dans la ville un climat de tension. Le 30 mai, la police était intervenue contre des manifestants rassemblés dans un parc du centre-ville appelé Gezi pour protester contre la destruction prévue de l'un des derniers espaces verts d'Istanbul. Elle avait utilisé du gaz lacrymogène, frappé des personnes et incendié leurs tentes. Sensibilisés par la cause défendue et révoltés par la répression des autorités, des dizaines de milliers de citoyens sont descendus dans la rue dans diverses villes de Turquie au cours des jours suivants. Pour toute réponse les autorités ont eu de nouveau recours au gaz lacrymogène, à la violence et aux arrestations. Hakan (37 ans) rentrait chez lui, où l'attendaient sa femme et ses deux enfants. Il a croisé une manifestation de dénonciation des violences policières des jours précédents. Quelques instants après, des policiers l'agressaient avec une grande violence. « J'ai d'abord été aspergé par un canon à eau, at-il expliqué à Amnesty. Ensuite, j'ai reçu une grenade lacrymogène dans le ventre et je suis tombé. Cinq policiers se sont mis à me frapper à la tête. L'un d'eux m'a crevé l'œil avec un objet dur. « J'ai entendu l'un des policiers dire “Il a son compte, celui-là. Finissons-le.” Ils m'ont traîné sur 10

ou 20 mètres et m'ont jeté dans un feu. Ils sont partis, et je suis arrivé à sortir du brasier. Des manifestants m'ont emmené à l'hôpital. » Hakan Yaman a perdu un œil et 80 % de sa vision pour celui qui lui reste. Il a eu des fractures multiples - crâne, front, pommettes et menton - et des brûlures du 2e degré dans le dos. « Ils m'ont pris pour un manifestant et ont voulu me tuer », dit-il. Hakan a subi un traitement exceptionnellement brutal, mais ce cas de violences policières est loin d'être isolé. Selon l'Ordre des médecins de Turquie, on avait recensé au 10 juillet plus de 8 000 cas de personnes blessées pendant les manifestations. De nombreux éléments permettent d'assigner la mort de trois personnes aux violences policières.

La plus jeune de leurs filles a subi un tel choc qu'elle n'a pas pu parler à son père pendant plusieurs semaines. « Maintenant, elle ne le quitte pas d'une semelle, poursuit Nihal. Elle le prend sans arrêt dans ses bras et l'embrasse. » Amnesty demande aux autorités turques d'empêcher toute violence injustifiée contre des manifestants ou toute autre personne. Nous demandons également que les allégations de mauvais traitements infligés durant les manifestations du parc Gezi fassent l'objet d'une enquête effective, et que les responsables présumés soient traduits en justice. La vie de Hakan a été bouleversée à jamais par cette agression. Il a porté plainte pour tentative de meurtre. Au moment de la mise sous presse du FIL, le parquet avait interrogé trois policiers antiémeutes, qui avaient nié toute implication dans les faits.

Hakan ne pourra plus jamais conduire un minibus. « Nos enfants ont beaucoup souffert de ce qui s'est passé », nous a confié Nihal, son épouse. La plus jeune de leurs filles a subi un tel choc qu'elle n'a pas pu parler à son père pendant plusieurs semaines. « Maintenant, elle ne le quitte pas d'une semelle, poursuit Nihal. Elle le prend sans arrêt dans ses bras et l'embrasse. » Ci-dessus, de gauche à droite : Hakan Yaman avant son passage à tabac ; avec Nihal, sa femme ; et après l'agression.

ÉCRIVEZ UnE lETTRE, DEManDEZ jUSTICE

merci d'apporter votre soutien à Hakan en lui envoyant une lettre ou une carte postale – comme c'est un passionné de Formule 1, vous pouvez choisir une photo de voiture de course. Écrivez à : Hakan Yaman, c/o ruhat Sena danışman, Uluslararası Af Örgütü Türkiye Şubesi, Kamer Hatun mahallesi, Hamalbaşı cad. no:22 dükkan:2 daire:2-3-4, 34435 beyoğlu/İstanbul, Turquie. demandez au ministre de la Justice de veiller à ce qu'une enquête effective, indépendante et impartiale soit ouverte pour identifier et poursuivre les responsables de l'agression perpétrée contre Hakan Yaman le 3 juin 2013. Écrivez à (utilisez la formule d'appel : dear minister, / monsieur le ministre,) : mr Sadullah ergin, ministry of Justice, Adalet bakanlığı, 06659 Ankara, Turquie Fax : +90 (0312) 419 33 70. Courriel : ozelkalem@adalet.gov.tr

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BaHREÏn

DIRE DES VÉRITÉS QUI DÉRanGEnT : Un EnGaGEMEnT CHER PaYÉ Peu après le début du soulèvement populaire à Bahreïn en 2011, 13 opposants de premier plan ont été arrêtés. leur « crime » ? Ils avaient exprimé leurs opinions, pacifiquement : ils s'opposaient à la monarchie, aspiraient à la démocratie et demandaient la fin de la corruption. les peines qui leur ont été infligées à l'issue d'un procès inéquitable vont de cinq ans d'emprisonnement à la détention à perpétuité. Certains disent avoir été torturés. Tous sont des prisonniers d'opinion. lE FIl s'est entretenu avec Farida Ghulam, l'épouse du dirigeant d'opposition Ebrahim Sharif.

Pouvez-vous nous parler un peu de vous, d'Ebrahim et de ses liens avec les autres prisonniers ? Ebrahim est un responsable politique important : il est secrétaire général de la Société nationale pour l’action démocratique – le parti Waad, un parti laïque – depuis 2007. Nous sommes mariés depuis 28 ans. Je milite pour les droits des femmes depuis l'âge de 17 ans et je suis présidente de la première organisation de défense des droits des femmes créée à Bahreïn. Je suis actuellement responsable de la section des femmes au parti Waad. Je travaille au ministère de l'Éducation, où je suis spécialiste de l'évaluation. Ebrahim (à droite sur la vignette ci-dessus ; à gauche, Abdulhadi al Khawaja) a son franc-parler, et le gouvernement s’est mis à le considérer comme une menace. Lorsque vous êtes dans l'opposition et que vous révélez des vérités qui dérangent, des histoires de terres volées ou des budgets secrets, par exemple, dont les gens ont peur de parler, vous devenez un homme à abattre. Ceux qui ont été arrêtés avec lui ne sont pas tous de la même école de pensée, mais tous appartiennent à l'opposition. Après le 14 février 2011 [début du soulèvement populaire à Bahreïn], les gens se rassemblaient au rond-point de la Perle [dans la capitale, Manama], où Ebrahim et d'autres

responsables prenaient la parole tous les soirs. Le gouvernement a mis tout le monde dans le même panier et les a accusés de tentative de renversement du régime.

Que s'est-il passé lorsqu'ils ont été arrêtés ? Ebrahim a été arrêté le 17 mars 2011 [les 13 arrestations ont eu lieu entre le 17 mars et le 9 avril 2011]. Entre 30 et 40 soldats sont venus à la maison à 2 h 00 du matin et ont sonné avec insistance. L'un d'eux a mis en joue Ebrahim, le visant à la tête. Ebrahim est resté très calme et lui a dit que l'arme n'était pas nécessaire, qu'il allait les suivre de son propre gré. Ils l'ont emmené. Lorsque je leur ai demandé où je pourrais joindre mon mari, ils ont éclaté de rire. Ça été un moment très dur. Cette nuit-là, Ebrahim et les autres ont été totalement dévêtus et placés à l'isolement. Une équipe de tortionnaires venait les frapper trois fois par jour, une heure environ à chaque fois. Ils versaient de l'eau froide sur le matelas d'Ebrahim et montaient la climatisation, pour l'empêcher de dormir. La torture a cessé au bout de deux mois, parce que leur cas a suscité l'attention au niveau international. Les hommes souffrent maintenant de douleurs et de maladies diverses, ils ont des séquelles de torture et la plupart n'ont pas été soignés.

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BaHREÏn

© Al Jazeera English

© Amnesty International

importante pour nous, elle nous redonne force et confiance pour continuer. Quelle joie pour nous de voir qu'il y a des gens qui attachent de l'importance aux droits fondamentaux, qui défendent les principes, qui consacrent une partie de leur temps et de leurs efforts à nous venir en aide. Cette solidarité est magnifique.

Que s'est-il passé pendant les procès et après ? Au total les procès ont duré 21 mois. Les hommes n'ont eu aucun moyen de se défendre. Certains ont été condamnés à la détention à perpétuité [Hassan Mshaima, Abdelwahab Hussain, Abdulhadi al Khawaja, Abdel Jalil al Singace, Mohammad Habib al Miqdad, Abdel Jalil al Miqdad et Saeed Mirza al Nuri], d'autres à 15 ans d'emprisonnement [Mohammad Hassan Jawwad, Mohammad Ali Ridha Ismail, Abdullah al Mahroos et Abdul Hadi Abdullah Hassan al Mukhodher]. Pour mon mari et un autre homme [Salah Abdullah Hubail al Khawaja], la peine a été de cinq ans. En avril 2012, à notre grande surprise, une juridiction d'appel civile a déclaré que le procès devant le tribunal militaire n'était pas valide et que les hommes devaient être remis en liberté. Mais le parquet a assuré que cela ne changeait rien.

« Pour les militants bahreïnites, c'est formidable de voir cette mobilisation internationale et de savoir que des gens parlent de leur cas. »

Ça a été terrible, surtout pour ceux qui étaient condamnés à perpétuité. Mais quand on pense à la situation politique dans son ensemble, et à la répression massive du gouvernement, notre problème nous semble un petit peu moins important. Il faut se montrer fort, pour sa famille et pour les autres.

Quelles ont été les conséquences de leur condamnation, pour vous et pour les autres familles ? Je prends davantage la parole en public – toutes les familles saisissent la moindre occasion de parler de ceux qui sont emprisonnés. J'ai reçu beaucoup de marques de haine, des lettres, des messages sur Twitter – des gens m'ont envoyé la photo d'une corde en m’accusant de trahison. J'ai été suspendue de mon poste pendant trois mois, et soumise à des interrogatoires. Mais ce n'est pas grave, car je défends une cause juste. Le régime veut contrôler toutes les tribunes possibles pour l'opposition, notamment la télévision nationale et la plupart des magazines. Mais maintenant tout le monde utilise très bien Twitter pour communiquer. Lorsqu'il s'agit d'un gros compte, le ministère de l'Intérieur ou celui de la Justice répondent parfois, en utilisant des mots humiliants et en vous accusant de mentir. Mais nous ne faisons que dire la vérité.

Ces 13 hommes font partie des cas d'Écrire pour les droits 2013, qu'est-ce que cela représente pour eux ? Cela améliore leur moral, car ils savent ainsi qu'on ne les oublie pas ! Je remercie vraiment Amnesty de toutes ces initiatives. Tous ces gens qui écrivent pour les défendre… ce n'est pas rien ! Pour les militants bahreïnites, c'est formidable de voir cette mobilisation internationale et de savoir que des gens parlent de leur cas. Dans notre pays tout est fait pour réduire l'opposition au silence, pour répandre des mensonges et déformer la réalité. Votre mobilisation est très

Qu'espérez-vous pour l'avenir de votre pays ? Nous avons une feuille de route pour préparer un avenir meilleur, le Document de Manama. Nous voulons une société qui garantisse l'égalité pour tous, une société dans laquelle les citoyens peuvent obtenir un emploi s'ils ont des compétences et non une société dans laquelle les chiites et les membres de l'opposition ne sont pas traités comme les autres. Nous continuons de compter sur la pression internationale pour faire évoluer le gouvernement de Bahreïn. Il doit reconnaître que le soulèvement est dû à des problèmes politiques anciens et jamais résolus, et cesser de vouloir maintenir son emprise sur tout. Il arrive un moment où il faut arrêter de mentir.

Ci-dessus : Farida Ghulam (au centre) et des employés d'Amnesty posent avec des photos de prisonniers d'opinion bahreïnites, Secrétariat international, Londres, février 2013. « Solidarité et résistance », peut-on lire en arabe sur l'affiche que tient Farida. Ci-dessus à gauche : Manama (Bahreïn), 19 février 2011. Lors d'une manifestation au rond-point de la Perle, deux hommes sur le toit d'une voiture brandissent un drapeau proclamant « Paix ! » en arabe et en anglais.

ÉCRIVEZ UnE lETTRE, CHanGEZ lEUR VIE merci d'écrire une lettre ou une carte de solidarité aux familles des 13 hommes, aux bons soins de : bahrain Team, Amnesty International, 1 easton Street, London Wc1X 0dW, UK demandez au roi de bahreïn de libérer les 13 militants de l'opposition emprisonnés, immédiatement et sans condition, d'ordonner une enquête sur la torture dont ils auraient fait l'objet et d'amener les responsables présumés à répondre de leurs actes. Écrivez à (utilisez la formule d'appel : Your majesty, / Sire, et votre majesté dans le corps du texte) : Shaikh Hamad bin ‘Issa Al Khalifa, office of His majesty the King, P.o. box 555, rifa’a Palace, manama, bahreïn Fax : +973 1766 4587 (montrez-vous persévérant) Courriel : geneva.mission@mofa.gov.bh

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HOnDURaS

« IlS nE PEUVEnT PaS nOUS COUPER lES aIlES » Depuis plus de 30 ans, une organisation hondurienne de défense des droits humains représente la lueur de l'espoir pour les gens dont les droits fondamentaux ont été violés.

E

bed Yánez a quitté sa maison de Tegucigalpa tard dans la soirée le 26 mai 2012, sans prévenir ses parents. Cet adolescent de 15 ans qui n'avait pas le permis a pris la moto de son père et est parti rejoindre une amie. Dans la capitale hondurienne, les sorties nocturnes sont dangereuses. Ebed n’est jamais rentré. Inquiets, ses parents l'ont cherché partout le lendemain. Ils ont fini par retrouver son corps à la morgue. Ebed avait été tué par balle. Wilfredo Yánez, le père d'Ebed, veut que sa mort ne reste pas impunie. Se mettant en grand danger, il a suivi des indices et recueilli des éléments de preuve. Quelques jours plus tard, il a établi qu'Ebed avait refusé de s'arrêter à un barrage militaire, et que des soldats l'avaient abattu. Wilfredo a porté plainte auprès du parquet, sans grand espoir d'obtenir de l'aide. La faiblesse des institutions du Honduras, déjà patente, s'est encore accrue après le coup d'État militaire de 2009. Et la situation des droits humains, qui était préoccupante, n'a fait qu'empirer. Selon les chiffres de l'ONU, le Honduras présente le taux d'homicides le plus élevé au monde, et 20 % seulement des infractions pénales font l'objet d'une enquête. Dans ce pays, l'un des plus pauvres des Amériques, 60 % de la population vit dans la pauvreté. Les policiers, dont la corruption est notoire, sont fréquemment liés au milieu criminel. En réponse à l'emprise grandissante des cartels de la drogue, les autorités ont déployé davantage de soldats dans les rues du pays. Comme la plupart des victimes de violations des droits humains au Honduras, Wilfredo s'est donc tourné vers le Comité des familles de détenus et disparus du Honduras (COFADEH) pour obtenir de l'aide.

lE DanGER, IlS COnnaISSEnT Au Honduras, il est dangereux de militer pour la défense des droits humains. Des journalistes, des avocats, des syndicalistes, et des leaders indigènes et paysans ont été tués en raison de leur travail en faveur des droits humains. Des membres du COFADEH ont reçu des SMS les menaçant de violences sexuelles. Certains ont été agressés physiquement. Les locaux de l'organisation ont fait l'objet de nombreuses effractions. Mais rien de tout

cela n'a réussi depuis plus de 30 ans à empêcher les militants de promouvoir et défendre les droits humains. L'organisation a été fondée en 1982 par des parents de militants politiques, d'étudiants et de

« Les gens sont touchés lorsqu'ils voient les colombes. Aujourd'hui plus que jamais, il est essentiel de poursuivre la campagne de solidarité. » responsables syndicaux qui avaient « disparu » aux mains des forces de sécurité sous le régime militaire. Elle n'a cessé de collecter des témoignages de victimes, de protéger les personnes en danger et de soutenir celles et ceux qui, comme, Wilfredo, réclament justice.

BlESSÉ PaR BallE PEnDanT UnE SORTIE DE PÊCHE On n'oublie pas une visite dans les locaux du COFADEH à Tegucigalpa. Les gens attendent patiemment pour rencontrer un avocat et lui faire part de ce qui leur est arrivé, dans l'espoir qu'on puisse les aider. Beaucoup viennent de loin. Nous avons rencontré de nombreuses victimes de violations des droits humains qui n'avaient pas porté plainte auprès des autorités car elles s'en méfiaient et en avaient peur. Ces hommes et ces femmes préfèrent s'adresser au COFADEH, qui transmet alors la plainte au parquet. La dernière fois que nous nous sommes rendus dans les locaux de l'organisation, en mai 2013, nous avons rencontré Wilmer Sabillón. Quelques semaines auparavant, un militaire de la Marine lui avait tiré dessus alors qu'il était à la pêche. Le jeune homme n'a pas reçu les soins nécessaires et n'est pas encore tout à fait remis. Wilmer était très soulagé d'être entré en contact avec le COFADEH. En l'espace de quelques heures, le Comité lui avait pris rendez-vous avec un médecin pour une expertise médicolégale. Il avait saisi la justice et déposé plainte auprès de la section du parquet chargée des droits humains. Une personne du COFADEH est restée toute la journée aux côtés de Wilmer et de sa famille. En août, un membre de la Marine a été inculpé de tentative de meurtre contre Wilmer.

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HOnDURaS

Wilmer n'est que l'une des nombreuses personnes pour lesquelles le COFADEH est intervenu. L'organisation est devenue la voix des victimes. Les gens qui veulent obtenir justice savent que c'est elle qui peut les aider. Les militants du COFADEH sont aussi très attachés à la transmission de la mémoire. Ils ne veulent pas qu'on oublie que l'État est responsable de quelques 200 disparitions forcées commises dans les années 1980. La population du Honduras compte une très forte proportion de jeunes. Beaucoup risquent d'être enrôlés dans des bandes organisées. Un réseau national de jeunes militants a vu le jour sous l'égide du COFADEH. Dans des ateliers et des séminaires, des militants expérimentés enseignent désormais aux plus jeunes ce que sont les violations des droits humains et comment recueillir des informations sur ces pratiques. Ils les incitent à s'engager sur le terrain et à promouvoir des valeurs telles que l'égalité et la solidarité. Pour Bertha Oliva, membre fondatrice et coordinatrice générale du COFADEH, les jeunes sont la force de l'organisation.

ESPOIR ET SOlIDaRITÉ InTERnaTIOnalE La solidarité internationale joue un rôle essentiel aussi. Dans la pièce principale des bureaux du COFADEH est accroché un drapeau rouge brodé de colombes (l'emblème de l'organisation). Des membres d'Amnesty au Royaume-Uni le leur ont offert l'an dernier à l'occasion du 30e anniversaire du Comité (voir cidessus). « Les gens sont touchés lorsqu'ils voient les colombes, explique Bertha. Aujourd'hui plus que jamais, il est essentiel de poursuivre la campagne de solidarité et d'exiger que l'État hondurien respecte le travail des défenseurs des droits humains. Ils auront beau essayer, ils ne pourront pas nous couper les ailes. » Le COFADEH reste mobilisé auprès de Wilfredo dans son combat pour obtenir justice après la mort d'Ebed. Un soldat est actuellement inculpé et placé en détention. Le travail du COFADEH est d'autant plus important que le Honduras s'apprête à élire en novembre un nouveau président – et la situation des militants est d'autant plus périlleuse. Merci d'écrire une lettre de soutien – vos mots aideront et protégeront les membres du COFADEH.

© Amnesty International

Plus d'information sur bit.ly/coFAdeH

Ci-dessus : Garder le souvenir présent - les murs du siège du COFADEH à Tegucigalpa, la capitale hondurienne, sont couverts des photos de personnes qui ont « disparu » sous le régime militaire au Honduras. Ci-dessus à droite : Ce drapeau avec des colombes brodées à la main a été offert par AI Royaume-Uni à l'occasion du 30e anniversaire du COFADEH, en novembre 2012.

© COFADEH

GaRDER lE SOUVEnIR PRÉSEnT

QU'EST-CE QU'Un DÉFEnSEUR DES DROITS HUMaInS? ■ Les défenseurs des droits humains sont mobilisés pour la défense des droits des autres, au même titre que des leurs. Ce sont leurs actions, et les causes qu'ils défendent, qui font d'eux des défenseurs des droits humains. Ils agissent de manière pacifique. ■ Ils s'efforcent de donner réalité à la promesse de justice, de droits humains et de liberté pour tous, même dans les situations controversées. ■ Le droit de défendre les droits humains est reconnu et protégé par le droit international relatif aux droits humains. ■ La Déclaration sur les défenseurs des droits de l'homme a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en 1998. ■ Les États ont l'obligation de protéger les défenseurs des droits humains..

ÉCRIVEZ UnE lETTRE, COnTRIBUEZ À lEUR PROTECTIOn merci d'envoyer une lettre ou carte – idéalement représentant une colombe – au coFAdeH et d'exprimer votre soutien au travail de l'organisation. Écrivez à : comité de Familiares de detenidos desaparecidos en Honduras (coFAdeH) barrio La Plazuela, Avenida cervantes, casa no. 1301, Tegucigalpa, Honduras demandez au nouveau président du Honduras (qui sera élu en novembre 2013) de reconnaître publiquement le travail essentiel et légitime des défenseurs des droits humains, de s’engager à les soutenir et de condamner toutes les attaques dont ils sont la cible. Écrivez à (utilisez la formule d'appel : dear President elect, / monsieur le Président élu,) : President elect of Honduras, c/o central America Team, Amnesty International, 1 easton Street, London, Wc1X 0dW, UK.

@aMnESTYOnlInE SUR> TWITTER ET TWEETEZ > > > > > > > > > > > > > > > > >SUIVEZ >> >>>> >> > >aVEC > #WRITE4RIGHTS > > > > > > > > > > > > > > > > > 23 > > > lE FIl [ nOV/DÉC 2013 ]


Yagelo © Sergey

VIVRE aU GRanD jOUR © DR

« lE TEMPS QU'IlS SOIEnT PRÊTS, jE le Bélarussien Ihar Tsikhanyuk, SERaI MORT » ouvertement homosexuel, donne des uand je vois une injustice, je la combats. J'ai été élevé comme ça. Pour moi, spectacles transformistes. Des policiers l'injustice c'est l'horreur. l'ont roué de coups parce qu'il avait voulu « En août, je suis allé dans une boutique de vêtements de Minsk [la capitale du Bélarus] avec un créer une organisation de défense des que je tenais par la main. Les gens qui droits des homosexuels. Ils l'ont menacé garçon tenaient le magasin nous ont jetés dehors en nous injuriant. Je suis revenu le lendemain et ils se sont de mort lorsqu'il a porté plainte.

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Toutes les autres photos : © DR

Ihar demande la justice pour ce qu'il a subi, et il veut avoir la liberté d'être lui-même, sans crainte. lE FIl l'a rencontré.

excusés. Ils m'ont assuré que ça ne se reproduirait plus. J'ai réussi à les convaincre qu'ils avaient tort. C'est ça, défendre ses droits. Je n'avais rien volé, je n'avais tué personne. Tout ce que j'avais fait, c'était tenir mon ami par la main. « Un garçon et une fille peuvent se tenir par la main, pourquoi pas nous ? Je me moque de ce que les gens pensent. Je ne peux pas rester là à attendre qu'ils soient prêts. Le temps qu'ils soient prêts, je serai mort. Nous n'avons qu'une vie, nous devons la vivre le mieux possible ! »

ÊTRE GaY aU BÉlaRUS

À gauche et ci-dessus à droite : Les différents visages d'Ihar Tsikhanyuk, artiste transformiste.

« Ici, les médias présentent les gays et les lesbiennes comme des malades, des fous, des tarés, des sauvages. Selon le président, notre pays n'est pas prêt à accepter des gens comme nous, et il n'a pas honte de cette situation. Les gens voient le président

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THÉMaTIQUE

signé la demande d'enregistrement et on a fait pression sur nous pour que nous écrivions une lettre de rétractation. « J'étais alors hospitalisé pour un ulcère à l'estomac. Des policiers sont venus à l'hôpital et m'ont emmené de force dans leur voiture. Ils m'ont demandé ce que j'avais été faire à Minsk avec d'autres gays. Comme je refusais de leur répondre, ils se sont mis à me frapper à la tête et à la poitrine. Ils m'ont dit de ne pas retourner à Minsk, et de ne pas m'impliquer dans cette organisation. »

« TOUS lES ÊTRES HUMaInS SOnT ÉGaUX DanS la RÉPUBlIQUE DU BÉlaRUS »

« Nous n'avons qu'une vie, nous devons la vivre le mieux possible ! »

prendre cette position, et ils pensent la même chose. « Je suis ouvertement homosexuel. Je n'ai pas honte, je ne cache rien. J'essaie de montrer que c'est une chose normale. Je m'habille en femme lorsque je fais mon spectacle de travesti dans les clubs. Mais c'est très difficile. Il faut s'attendre à vivre à tout moment une situation hostile, à être agressé par des jeunes gens, des proches, les autorités politiques… « Les homosexuels au Bélarus ont l'habitude de cacher la façon dont ils vivent. Ils ne savent pas comment porter plainte s'ils sont tabassés ou renvoyés de leur travail. Beaucoup de mes amis me sollicitent et me demandent de l'aide. « La communauté LGBTI [des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres ou intersexuées] était très soudée auparavant ici. Mais comme le gouvernement a multiplié les mesures homophobes ces temps derniers – des clubs gays ont été fermés, on ne parvient plus à organiser des manifestations, des réunions ou des soirées –, les gens perdent peu à peu le contact. »

MIS À la PORTE DE l'ÉGlISE « Je suis chrétien orthodoxe. Avant, je fréquentais un monastère à Hrodna [nord-ouest du pays]. Je connaissais une religieuse là-bas. En 2009, je suis allé à la Gay Pride de Moscou, et j'ai donné beaucoup d'interviews là-bas. Quand je suis revenu à Hrodna, la

supérieure m'a chassé de l'église en plein office, devant tous les paroissiens. Elle m'a montré du doigt en disant : “Ce garçon, Ihar, il est gay, il aime les hommes.” Elle a dit aux fidèles qu'il fallait cracher sur les gens comme moi, et me mettre à la porte si je revenais, parce que je portais atteinte à la réputation de l'église. « Ma mère est très conservatrice et très pieuse. Le jour où elle m'a vu embrasser un garçon dans ma chambre, ça l'a horrifiée. Pendant un bon mois, elle ne m'a pas adressé la parole. Puis elle m'a dit que je devais me confesser à un prêtre, parce que j'étais possédé par le démon. « J'ai terminé ma scolarité et j'ai quitté la maison. Les choses se sont alors calmées. Aujourd'hui ma mère me soutient, elle me pose même des questions sur ma vie personnelle et me dit de prendre soin de ma santé. »

SORTI DE FORCE DE l'HÔPITal « En décembre 2012, nous avons décidé de créer Lambda, une organisation de défense des droits humains des LGBTI. Les autorités ont commencé à s'en prendre à nous dès que nous avons déposé au ministère de la Justice un dossier d'enregistrement accompagné des signatures nécessaires [au regard de la loi]. Les membres fondateurs ont été convoqués à la police. On nous a demandé pourquoi nous avions

Après cet incident mes proches ont commencé à avoir peur d'être attaqués. Je leur ai dit que j'allais les protéger. Certains amis m'ont assuré qu'ils me soutenaient et me comprenaient, mais d'autres m'ont conseillé de ne pas porter plainte, car j'irais alors audevant des problèmes et pourrais me faire tuer. « J'ai rédigé une plainte. Les policiers auxquels je me suis adressé m'ont dit alors : “Hé ! Tu sais que tu vas finir avec neuf grammes de plomb dans la tête ?” Je n'en croyais pas mes oreilles, qu'ils osent me dire ça ouvertement. « Aujourd'hui encore, je me sens humilié, vidé, parce que je ne peux rien faire. Au Bélarus, nous manquons de moyens d'action et nous n'avons pas de lois efficaces pour protéger les personnes LGBTI. « C'est très important pour nous d'avoir le soutien de la campagne d'Amnesty Écrire pour les droits. Cela va donner du courage et de l'espoir aux personnes LGBTI. Cela va montrer que tous les êtres humains sont égaux dans la République du Bélarus. »

ÉCRIVEZ UnE lETTRE, SOYEZ À SES CÔTÉS Soutenez Ihar et envoyez-lui une carte ou une lettre : Ihar Tsikhanyuk, c/o belarus Team, Amnesty International, 1 easton Street, London Wc1X 0dW, royaume-Uni demandez au procureur général du bélarus de conduire une enquête sur le comportement des policiers qui ont maltraité et menacé Ihar Tsikhanyuk en février 2013 au poste du quartier d'octobre, à Hrodna, et de déférer à la justice les responsables présumés. Écrivez à (utilisez la formule d'appel : dear Prosecutor General, / monsieur le Procureur général,) : Alyaksandr Koniuk, Generalnaya Prokuratura, ul. Internatsionalnaya 22, 220030 minsk, bélarus Courriel : info@prokuratura.gov.by Fax : +375 17 226 42 52 (dites « fax » si quelqu’un décroche)

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« l'HISTOIRE EnSEIGnE QU'Il n'Y a PaS D'ESPOIR DE CE CÔTÉ-CI DE la TOMBE. l'ÉVÉnEMEnT EST FORT RaRE, MaIS PaRFOIS la laME DE FOnD lOnGUEMEnT DÉSIRÉE DE la jUSTICE PEUT DÉFERlER, ET l'ESPOIR ET l'HISTOIRE En VIEnnEnT À RIMER. » EXTRaIT DE THE CURE AT TROY (LA GUÉRISON À TROIE), SEaMUS HEanEY (1939-2013) POèTE IRlanDaIS, MIlITanT ET aMI D'aMnESTY InTERnaTIOnal


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