Mémoire de projet de fin d'étude Anaïs Tourneux

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L’îlot sourdéac, ou l’autre échelle de la création MéMOIRE DE FIN D’ÉTUDES ANAÏS TOURNEUX - ENSAPM

]


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[ ] ANAÏS TOURNEUX MéMOIRE DE FIN D’ÉTUDES 2011 - 2012

école Nationale Supérieure d’Architecture Paris Malaquais Département Architecture Dispositifs Domestiques

Directeur d’étude : Patrice MOTTINI Encadrement : Laurence Benoist-Veillet

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SOMMAIRE 2 – LE SITE : GÉNÉRALITÉS & CARACTÉRISTIQUES INTRINSÈQUES

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INTRODUCTION 1 - L’ILE DE NANTES : UN PROJET URBAIN

10 - 11 12 - 13 14 - 17 18 - 19 20 - 29 30 - 31 32 - 33 34 - 35 36 - 45

Identité Naissance d’un projet de l’île de Nantes Projet officiel de l’île de Nantes Les acteurs Un futur cœur d’agglomération ? Le lieu des petits riens urbains Les activités : naissance du programme Ville Créative Ciblage d’un terrain pour mon PFE

48- 49 50 - 53 54 - 55 56 - 57 58 - 59 60 - 61 62 - 63 64 - 65 66 - 71 72 - 75 76 - 77

Histoire de la Prairie-au-Duc Panorama : le quartier ouest de l’île de Nantes Morphologie des différentes parties de l’île Ambiance du quartier Réseau viaire Des bâtiments–îlots Imperméabilité des îlots Les interfaces Terminologie utilisée Caractéristiques intrinsèques du site Un quartier d’activités culturelles et économiques 3 – LE SUJET

80 - 83 84 - 87 88 - 89 91 92 - 93

Quel projet pour la parcelle ? Habiter étudiant Restaurant universitaire

Conclusion : En attendant le projet BIBLIOGRAPHIE [5]


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Introduction & Problématisation du sujet

L

’îlot Sourdéac est un îlot situé sur l’île de Nantes, auquel fait face le paysage de l’estuaire de la Loire, le plus long fleuve de France. Au delà du paysage dans lequel il s’inscrit, ce qui fait la qualité de cet îlot, c’est son hétérogénéité. Une hétérogénéité d’ architectures de différentes époques, une hétérogénéité de typologies d’édifices, ou encore une hétérogénéité de matières, à laquelle j’ai été sensible le jour où j’ai découvert le quartier de la création et les projets contemporains qui y prennent place actuellement. Ce quartier de la création est paradoxal : il est à l’origine un pôle de compétence spontané qui a été rapidement repris comme un projet politique, pour devenir aujourd’hui un pôle de compétence projeté, planifié. Si cet îlot se situe au cœur d’un site en pleine mutation, le paradoxe est qu’il a échappé à tout projet. Aujourd’hui il se présente comme un résidu de cette transformation urbaine. Une raison à cela est peut être le caractère spontané de sa fabrication : du logement au 18e, complété par des équipements d’ordre industriel le siècle dernier, puis par l’installation de surfaces de stockage.

sont pas en adéquation par rapport aux objectifs fixés par le projet. L’objectif majeur de ce projet est la création d’un nouveau centre et d’un quartier dynamique, effervescent et compétent, autour de la création. Or, bien que tous les éléments et toutes les bonnes volontés nécessaires soient réunis, les « petits riens urbains », preuves de la réussite de la mutation de cet ancien territoire industriel en territoire urbain, est à nuancer. En effet, les nantais ne semblent pas reconnaître le quartier au même titre que d’autres quartiers d’activités. C’est à partir de ces observations que j’ai construit le projet, avec dans l’idée que l’îlot pourrait être le lieu d’expression d’une échelle différente du quartier de la création. Et c’est par la construction d’un restaurant universitaire, d’un logement étudiant repensé dans sa typologie, mais aussi en redéfinissant le rapport du piéton à l’espace construit, que ce projet espère apporter une qualité dans le quartier de la création dont le devenir semble aujourd’hui décidé.

L’analyse du site qui constitue la première partie du mémoire, révèle que le projet urbain s’appuie sur des prédispositions et des vérités existantes et s’avère donc légitime. En revanche, la seconde partie du mémoire, montre que les moyens mis en place, eux, ne [7]


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1 - L’ILE DE NANTES : UN P R O J E T U R B A I N [9]


> Estuaire de la Loire, situation géographique de Nantes. > Constitution de l’île de Nantes, par comblement des bras de Loire.

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L’ÎLE DE NANTES : IDENTITé

N

antes est une ville positionnée stratégiquement à quelques pas de l’Océan Atlantique, sur l’Estuaire de la Loire. L’île de Nantes est une île fluviale située dans le cours de la Loire, à Nantes (Loire-Atlantique), entre le “bras de la Madeleine” au nord et le “bras de Pirmil” au sud. Elle constitue l’un des 11 quartiers administratifs de la ville. A l’origine, l’Ile de Nantes n’est pas une île, mais un archipel d’une dizaine d’îlots sablonneux et marécageux, séparés par des petits bras de la Loire. Parmi ces îles, on peut citer l’île Beaulieu, l’île Sainte-Anne, la Prairie au Duc, la Prairie d’Aval, la Prairie d’Amont, la Prairie de Balagué, la Prairie de Pré-Joli, l’île de Petite Biesse ou l’île de Grande Biesse qui laisseront pour certaines leurs noms aux futurs quartiers de l’île.

qui est en cours aujourd’hui. Territoire composite de 337 ha, situé face au centre historique de 570 000 habitants, l’île de Nantes c’est 1 million de mètres carrés constructibles, et donc un formidable terrain pour l’expression architecturale contemporaine. Aujourd’hui sur l’île, il y a 16 000 habitants et 15 000 actifs.

L’industrialisation de la pointe ouest, la Prairie-au-Duc, prend son essor à partir du XIXe siècle, lorsque les chantiers navals s’y installent en 1842. Des canaux facilitent le transport des marchandises, avant de devenir obsolètes avec l’arrivée du chemin de fer. Leur comblement, à partir de 1916, achève la transformation de l’archipel d’îles en île unique d’une longueur de 4,9 km d’est en ouest et d’une largeur maximale de 1 km. L’urbanisation de la partie est de l’île est entamée après la Seconde Guerre mondiale. Cette zone commerciale et de services est en contraste avec le caractère industriel de la partie ouest, jusqu’à ce que la fermeture des chantiers amorce la transformation profonde [11]


> Aux grues des chantiers navals succèdent les grues des constructions contemporaines. ( Source : Archives des Chantiers navals )

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L’ÎLE DE NANTES : LA NAISSANCE D’UN PROJET URBAIN

L

es chantiers navals étaient le principal rendement économique de la ville jusqu’à ce qu’en 1987 le dernier grand nom de la construction navale à Nantes, le chantier Dubigeon, ferme ses portes à cause de chocs pétroliers successifs. Ce site est resté une dizaine d’années sans interventions urbaines. Aujourd’hui il est au cœur du grand projet urbain de l’Ile de Nantes. Quand Jean-Marc Ayrault devient maire de Nantes en 1989, l’ouest de l’île qui accueillait les chantiers navals est en friche. La ville s’interroge alors sur la potentialité de cet espace, lance une étude auprès de François Grether et Jean-Louis Berthomieu. Ces derniers préconisent le réaménagement de l’île sur la totalité de son espace et non sur le seul site des Chantiers. Alexandre Chemetoff sera par la suite retenu. Sur un plan local, le réaménagement de l’île de Nantes vise à limiter l’étalement urbain. En effet, l’attractivité grandissante de la ville engendre une forte croissance démographique. Depuis 10 ans Nantes accueille chaque année entre 8000 et 12000 nouveaux arrivants. En offrant un nouvel espace urbain, l’aménagement de l’île limitera le déplacement des habitants et structures économiques vers les autres villes de l’agglomération. Plus largement, le projet entend positionner la métropole Nantes SaintNazaire comme une destination touristique et financière attractive à l’échelle européenne. C’est le point de départ du grand projet urbain de l’Ile de Nantes. [13]


> Plan-guide proposé par Alexandre Chemetoff du projet urbain de l’île de Nantes en 2003. ( Source : Le plan Guide de Chemetoff )

> Etat des lieux de l’île de Nantes en 2003. ( Source : Le plan Guide de Chemetoff )

> Maquette de l’île de Nantes : un projet global. ( Source : DPA )

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LE PROJET OFFICIEL DE L’ÎLE DE NANTES FRANçOIS GRETHER & DOMINIQUE PERRAULT Dominique Perrault et François Grether effectuent une mission d’étude préalable, menée de 1991 à 1994 pour la ville. Les deux architectes pointent une évidence : Nantes a la rare chance d’avoir une véritable île en plein coeur de son agglomération (ce qui est rare pour une ville), par conséquent, le projet des chantiers de l’Atlantique se doit d’être un projet pensé à une plus large échelle et en prenant en compte l’île dans sa globalité.1 D’ un territoire précis, la réflexion prend une dimension métropolitaine.

ALEXANDRE CHEMETOFF2 En 1999, le projet d’Alexandre Chemetoff associé à Jean-Louis Berthomieu est retenu pour le nouveau devenir de l’île de Nantes. C’est un projet dès le départ très ambitieux et d’une grande importance qui dresse l’état des lieux et liste les potentialités de transformation de l’île. Le projet est global, et prend également en compte les parties déjà habitées. Ces lauréats ont conçu un plan-guide qui fait apparaître les projets de transformation globale de l’île. Les travaux sont projetés sur vingt ans. Plusieurs points majeurs, toujours d’actualité aujourd’hui définissent cette pensée : • Faire avec l’existant Prendre en compte l’héritage historique de l’île de Nantes est un axe prioritaire du réaménagement. Mettre en valeur le patrimoine, revaloriser au maximum l’existant et non de le détruire. Un certain nombre de projets sont remarquables pour cela : les machines de l’île, la fabrique, les mutuelles Harmonie Atlantique. • Renouer le lien avec le fleuve Historiquement, les villes se construisent autour des fleuves. Ce lien au fleuve, existe à l’échelle des bateaux construits, mais est peu perceptible à celle du piéton..

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PERRAULT Dominique, With Dominique Perrault Architecte, Birkhäuser, Actar, 1999

Le travail a donc été de revaloriser “l’environnement fluviomaritime (quais, berges, espaces naturels...)”, la redéfinition d’activités maritimes et fluviales (tourisme, croisière plaisance, déplacements intra-urbains...). Le parc des chantiers, les passerelles piétonnes au dessus de la Loire, sont le résultat de cette reflexion. • Privilégier la mixité des fonctions urbaines l’île de Nantes est le lieu de toutes sortes d’infrastructures : pôles d’affaires, commerces de proximité, transports collectifs, équipements sociaux, culturels et de loisirs, crèches, hôpital, recherche, école, médias, habitations composées de maisons individuelles, d’immeubles, de résidences étudiantes... C’est une opportunité foncière cruciale pour la ville. L’espace où tout est possible. • Commencer par l’aménagement de l’espace public Les premiers travaux engagés concernent les espaces publics. L’objectif est que les nouvelles constructions s’implantent dans des quartiers immédiatement agréables à vivre, avec l’idée que les Nantais auront retrouvé un lien familier avec ces terrains. Cela concerne le fleuve et le tracé viaire.

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CHEMETOFF Alexandre, L’ile de nantes, le plan guide en projet, Nantes, éditions Memo, 1999, 96 p. [15]


> Nouvelle démarche proposée par Marcel Smets et uapS en 2010. ( Source : www.uaps.net )

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MARCEL SMETS & uapS Après le travail accompli par A.Chemetoff durant ces dix dernières années, il s’agit pour le nouveau maître d’œuvre de consolider l’action menée précédemment, de faire avec, et de proposer une évolution possible du site. La démarche de la nouvelle équipe, désignée en juillet 2010, porte sur plusieurs aspects3, qui à mon sens continue le travail de A. Chemetoff, mais à un degré d’étude plus précis, plus en détail, à une échelle plus concrète pour les nantais. • Renforcer le lien avec le centre-ville et les autres rives avec un nouvel élan fondé sur l’inscription de l’île dans la métropole Nantes Saint-Nazaire. • La Loire doit être considérée davantage comme un lien et non pas comme une frontière. • Affirmer et mettre en valeur l’identité de chaque quartier (Pointe Ouest, faubourg et Beaulieu) • Modeler les éléments de liaison forts entre ces quartiers (grandes infrastructures viaires, axe est-ouest, réseau de circulations douces…) et créer une perméabilité du quartier. • Mettre en œuvre une stratégie de développement du secteur sud-ouest, avec la reconversion de friches industrielles et ferroviaires et le regroupement du CHU actuellement installé en centre-ville. • Aménager des espaces intersticiels qui

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abriteront des micro-lieux de vie, des espaces publics ou semi-publics un peu en retrait du boulevard et qui créeront des points de rencontre potentiels. • Privilégier des façades non linéaires.

J’ai pu retrouver dans le travail du troisième maitre d’oeuvre, dévoilé de manière publique en novembre - décembre 2011, des sujets, des questions qui m’étaient apparus au cours de l’été 2011, que je développe dans ce mémoire, et qui ont nourri la typologie et le programme de mon projet, notamment : les espaces publics surdimensionnés et qui n’offrent pas la possibilité de prendre le temps de les pratiquer ; les façades très linéaires, les architectures îlots ; l’importance des espaces intermédiaires, des seuils entre le paysage, la ville et les programmes, nécessaires à l’expression de “petits riens urbains”.

www.uaps.net [17]


SAMOA (société d’aménagement de la métropole ouest atlantique).

Il s’agit d’une société publique locale d’aménagement, et est donc par définition entièrement détenue par au moins deux collectivités locales. Elle a en charge le pilotage global du projet dont le terrain clé est l’île de Nantes. Elle est maître d’ouvrage pour 20 ans. La SAMOA se compose de 18 personnes, qui travaillent sur les études pré-opérationnelles, la réalisation des aménagements publics, la communication, la maîtrise foncière. Elle a collaboré 10 ans avec l’Atelier de l’île de Nantes et Alexandre Chemetoff, et travaille aujourd’hui avec Marcel Smets & uapS.

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LES ACTEURS

Nantes Métropole La communauté urbaine assure 9 domaines de compétences : l’aménagement et l’urbanisme, transport et déplacements urbains (réseaux de transports en commun en délégation de service public à la semitan), espaces publics et voiries, environnement, eau, développement économique et formation, développement social, développement international métropolitain, maîtrise de l’énergie et production et distribution.

SCOT Métropole Nantes / Jean-Marc Ayrault Saint-Nazaire (Schéma de co- Un acteur incontournable, unique

hérence territoriale)

Il a pour objet l’élaboration, l’approbation et le suivi du Schéma de Cohérence Territoriale de la Métropole Nantes/Saint-Nazaire. Le syndicat mixte a également vocation à assurer le suivi, l’évaluation, l’adaptation, voire la révision du Scot. C’est donc une structure pérenne dont la mission va bien au-delà de la rédaction d’un document d’urbanisme. Le Syndicat Mixte devra déterminer des dispositifs ultérieurs d’observation pour assurer la cohérence entre les orientations préconisées et leur application effective dans les plans locaux d’urbanisme et pour pouvoir adapter le Scot aux évolutions socio-économiques. Le Scot de la métropole Nantes/Saint-Nazaire définit le projet de territoire pour l’ensemble de la Métropole. Il fixe des objectifs qui doivent être mis en œuvre au niveau des six intercommunalités (dans des schémas de secteurs, le cas échéant) et au niveau des communes dans les Plans Locaux d’Urbanisme.

maître d’ouvrage. Il est maire de Nantes depuis 1989. Il est président de Nantes Métropole, également président de la SAMOA, député de la 3ème circonscription de la Loire Atlantique, depuis 1988. Il a été maire de Saint-Herblain, pendant 12 ans. Il est également président du Syndicat mixte du SCOT de la métropole Nantes/Saint-Nazaire.

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Après un départ quai Baco, cette nouvelle ligne 5 desservira la gare de Nantes, l’hôtel de Région, puis repartira vers l’Ouest et aura son terminus vers la Maison des Syndicats (Source : TAN Transport de l’agglomération Nantaise.) Cette ligne de transport, dont le dessin est surprenant, ne vient même pas desservir la pointe de l’Île, sur laquelle sont bientôt prévus de nombreux logements, mais également de nombreuses activités de loisirs situées autour du Hangar à Bananes. Seuls les plus courageux traverseront le parc des chantiers. La communication du projet d’une part, et les décisions effectives, d’autre part, sont donc assez incohérentes.

> L’île de Nantes et le système de transport en commun de l’agglomération nantaise.

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L’ÎLE DE NANTES : FUTUR COEUR D’AGGLOMéRATION ?

J

ean Marc Ayrault veut faire de l’île de Nantes le centre, le cœur de l’agglomération nantaise. Cette position politique, héritée de l’analyse première du site par l’équipe Dominique Perrault /François Grether, est depuis devenue la colonne vertébrale du projet. Plutôt que l’île entière, si l’on regarde aujourd’hui l’île, je trouve qu’il s’agit en réalité de l’ouest de l’île, du quartier de la création qui est ressenti comme ce futur centre.

Quelles définitions peut-on donner du mot “cœur” 4:

1- l’ “organe central de l’appareil circulatoire” 2- “la partie centrale de quelque chose” 3- “ce qui forme ou rappelle la forme du cœur” et “le siège des sensations et des émotions” 4- la “source des qualités de caractère, le siège de la conscience”…

4 D’après l’IAU (Institut d’Aménagement et d’Urbanisme)

Point 1 : l’ “organe central de l’appareil circulatoire” Pour être un centre d’agglomération, l’île de Nantes doit être le centre d’un projet de transports en commun, et ceci est d’autant plus vrai qu’un objectif majeur de la mairie de Nantes est la diminution du trafic routier, et l’augmentation des modes de transports en commun. La ville est largement pourvue de tramways, busway, bus et un chronobus sera aménagé à partir de 2012. Pourtant il n’y a pas de vrai projet de transport pour l’île. L’île ne sera pas un hub de transport, à l’échelle de la métropole nantaise. Le projet de transport pour l’île tient en une seule ligne qui doit la connecter au reste de la ville. Elle sera effectuée par un chronobus : la ligne 5, entre l’île et la gare SNCF. Ce bus, censé échapper partiellement aux embouteillages grâce à une voie qui lui sera réservée, partagera néanmoins la voirie avec les voitures sur une partie de son parcours. Il devra par ailleurs pour sortir de l’île emprunter un des ponts (10 ponts routiers, sur 4 axes traversants principaux). Dans l’idée de connecter l’île à la métropole, ce trajet me semble très critiquable, l’île n’étant pas considérée comme le centre d’un réseau accessible par les métropolitains, mais comme un élément indépendant à venir raccrocher au système existant. Qui seront réellement les bénéficiaires de cette ligne ? Est-ce une ligne intra insulaire, à l’attention du déplacement des usagers de

l’île sur l’île ? Ou bien faut il réfléchir transport comme un outil réel à l’échelle métropolitaine ? En résumé, l’île de Nantes est un site bien visible dans le paysage de la métropole, mais peu accessible. Si les équipements de l’île de Nantes doivent avoir un rayonnement à l’échelle de la métropole Nantes/Saint-Nazaire, ces équipements doivent de même pouvoir être accessibles facilement. Il semble que si l’architecture, la culture, la création sont plus que mises en avant sur le plan de la communication, la dimension de l’accessibilité à l’échelle de la métropole, n’est traitée que par les espaces publics paysagers de bord de Loire.

Point 2 : “la partie centrale de quelque chose” > L’île de Nantes ( voir carte L’île de Nantes, un coeur non relié au système routier métropolitain.) est le centre de l’espace géographique que définit le périphérique nantais, et de manière plus large un centre possible de l’agglomération nantaise. Le système routier présenté sur cette carte montre malgré tout la déconnexion de l’île avec l’échelle du territoire et la carte des transports en commun ne montre pas non plus de relai efficace.

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> L’île de Nantes, un coeur non relié au système routier métropolitain. ( Source : Cartes d’AT d’après des données de l’AURAN, de Nantes Métropole et du TAN )

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> L’île de Nantes est sans aucun doute le centre d’un paysage, une interface entre différents éléments qui font sa singularité : L’île de Nantes occupe une position particulière. Elle est très proche du centre historique mais aussi à la périphérie de la commune de Nantes et se trouve en même temps placée au centre géographique de l’agglomération. C’est un paysage que l’on peut observer depuis les quais de la Loire, avec l’estuaire à sa proue, lorsque l’on vient de l’Estuaire. Cette île est le lieu d’ouverture de la ville au paysage maritime. Elle est un lieu d’articulation entre différents paysages : maritime, portuaire, industriel, faubourien… C’est aussi le centre d’un paysage urbain que

> L’île de Nantes, un “coeur” traversé par 4 axes

l’on peut observer depuis le centre historique. C’est un paysage historique avec les grues et les usines, qui sont des marqueurs de ce paysage urbain et qui contraste avec celui du centre historique de la ville. C’est le centre dans un parcours paysager d’installations d’artistes : la biennale d’art contemporain a été mise en place sur les rives de l’Estuaire de Nantes à Saint-Nazaire depuis 2007 jusqu’en 2012.

Point 4 : la “source des qualités de caractère, le siège de la conscience”… L’île de Nantes est territoire de projets, d’envies pour la ville et les habitants. La mairie, de manière implicite, en fait un siège économique, avec de nombreux sièges sociaux, et de l’activité tertiaire. L’île devient également un siège intellectuel, avec des écoles de plus en plus nombreuses, et des sites culturels majeurs pour la ville.

Point 3 : “ce qui forme ou rappelle la forme du cœur” Aujourd’hui l’île de Nantes n’est pas le centre de l’espace démographique de cette agglomération, dont la partie majeure est située au nord de la Loire. Dans l’imaginaire de Jean-Marc Ayrault, c’est l’île de Nantes, qui doit être ce centre d’agglomération, pour des raisons historiques et politiques. Mais les autres villes ont-elles vraiment le choix ?5 La mairie de Nantes insiste sur les chantiers navals comme un symbole de l’identité de Nantes. Une activité qui a nourri l’économie, donné l’emploi à toutes les familles nantaises. Ce territoire de l’île de Nantes est de manière caricaturale présentée comme un espace mémoire du monde ouvrier, qui aujourd’hui devient un espace post-industriel dédié à la culture et l’art.

5 Eric Charmes. La ville émiettée. Essai sur la clubbisation de la vie urbaine. Ville en débat, PUF, 2011, 288 pages. [23]


L’agglomération Nantaise compte 24 communes. 13 communes sont situées au sud de la Loire, mais couvrent une surface moins importante que les 11 communes restantes, qui comprennent Nantes.

> L’île de Nantes, zones urbaines et en cours d’urbanisation.

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Pourcentage de la population 50 % de 5 à 10 % de 3 à 5 % de 2 à 3 %

> L’île de Nantes, espace démographique ( Source : Carte d’AT d’après les données de l’INSEE 2010 )

Aujourd’hui l’île de Nantes n’est pas le centre de l’espace démographique de cette agglomération, dont la partie majeure est située au nord de la Loire.

de 1 à 2 % Moins de 1 %

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> Croquis depuis le parc des chantiers, vers l’îlot Sourdéac un emplacement clé dans le paysage de l’île de Nantes L’îlot Sourdéac

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V [27]


V

> Vue depuis les Nefs vers la grue Titan et l’estuaire Croquis d’Anaïs Tourneux

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V > Vue depuis la butte Sainte-Anne vers l’île de Nantes Croquis d’Anaïs Tourneux

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LE LIEU DES PETITS RIENS URBAINS

La vie urbaine, dans sa quotidienneté, est faite de mille et uns petits riens qui pris séparément, ne sont guère significatifs, mais ensemble constituent l’épaisseur même de la vie, avec sa routine, ses habitudes, ses répétitions, ses parcours, ses gestes, ses formules.” Thierry Paquot6.

C’est aussi une expression de la mixité, avec des gens qui travaillent, du commerce qui s’établit et des personnes de toute catégorie sociale : l’homme de ménage qui croise l’employé de bureau qui sort de la boulangerie, un groupe d’étudiants qui pique-niquent dans un parc et des nounous avec leur poussette, des ouvriers sur un chantier…

Si l’île de Nantes doit être un centre d’agglomération, il faut que ce soit le lieu d’expression de petits riens urbains qui font d’un lieu un centre de vie, d’activités, de pratiques quotidiennes, d’habitudes. Qu’est-ce que des petits riens urbains ?

Si aujourd’hui ces petits riens urbains ont du mal à exister et animer le quartier, on a pu voir qu’un certain nombre de points abordés par Marcel Smets & Uaps tendent justement à permettre l’expression de ces “micro lieux de vie” 7 tel que le formule la maîtrise d’oeuvre.

Aller acheter sa baguette chaque jour en rentrant du travail à la même boulangerie, sentir le bon poulet rôti de chez le boucher avant même d’arriver devant la boutique, aller chercher le journal chez le même kiosquier, discuter des dernières actualités avec lui, répondre à un touriste égaré, parler avec la concierge qui sort les poubelles, aller boire l’apéro au bar du coin et y rejoindre toujours les mêmes personnes.

> Photo d’Andrea Albertino

6 Thierry Paquot, philosophe, professeur des universités (Institut d’urbanisme de Paris, Paris XII-Val-de-Marne) est également l’éditeur de la revue Urbanisme, le producteur de “ Côté ville “, sur France-Culture dans Métropolitains de François Chaslin et le responsable scientifique du programme La forme d’une ville au Forum des Images (Paris).

7 île de Nantes n°15, l’actualité du projet, lettre d’information, novembre 2011. [31]


> publicitĂŠ pour software-asli.com, par Bates 141, agence de pub indonĂŠsienne de Jakarta.

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LES ACTIVITÉS : NAISSANCE D’UN PROGRAMME

L

e quartier de la Prairie-au-Duc est riche d’activités diverses qui touchent à l’architecture (ENSAN, l’île Rouge), aux arts visuels et à la musique (La fabrique, …), au design (Manny,…), à l’utilisation du bois (Pôle bois et arts de l’imprimerie), la majorité de ces activités est tournée vers des domaines de la création. L’orientation programmatique du site, l’apparition d’un cluster spontané, est à l’origine d’un opportunisme programmatique et de l’appellation à postériori de «quartier de la création», et est aujourd’hui une orientation politique de la ville.

La ville de Nantes veut alors des étudiants et des entreprises, ils sont gages d’animation et de développement économique pour l’île de Nantes et le thème de la création s’impose de lui-même. Cette idée, aujourd’hui, est un modèle qui s’applique à de nombreuse villes “créatives”. Mais qui dit des étudiants et des actifs, dit aussi la nécessité d’une offre d’équipements adéquats.

Selon les communiqués de la ville de Nantes, à l’horizon 2014, s’y côtoieront 5000 étudiants, 150 chercheurs, un millier d’emplois liés à l’innovation et à la création au sens large (architecture, édition, design, web, communication, arts de la scène...). La raison de ce programme est qu’en matière de développement économique, l’idée s’est largement répandue, qu’un rapprochement entre l’université et le tissu économique favorise la création d’emplois, le transfert de technologie, la formation continue. En effet, d’après l’Institut de recherche sur l’économie de l’éducation, « mille étudiants créent cent trente emplois nouveaux dans la ville où l’université s’implante. Mille élèves de grande école en génèrent trois cents. »

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> Tableau de Jim Keaton, City Line, sans date.

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VILLE CRÉATIVE

Quel maire ne voudrait surtout pas que sa commune soit créative, dynamique, active, attractive et souhaiterait au contraire une ville déprimée et déprimante, triste, grise en déclin programmé, sans qualité ? Imaginez une campagne électorale avec des affiches réclamant des délocalisations, refusant de réhabiliter les logements vétustes et insalubres, misant sur la fermeture des classes, l’effondrement des finances locales le dépeuplement accéléré, le refus des visiteurs, l’interdiction des fêtes, la peur des autres.” Thierry Paquot

Thierry Paquot dans son éditorial sur les villes créatives, fait la liste des éléments qui font l’attractivité d’une ville. Ces éléments sont nombreux et finalement dépendent beaucoup de chacun et de ses attentes : activité économique, présence d’industries, transports, richesses culturelles, patrimoine architectural, « le tout dans une ambiance agréable, et des cafés chaleureux, des fêtes et des animations régulières, des jardins et des parcs… »

brevets par habitant), de gays, de bohémiens (pourcentage d’artistes et de créateurs), et de talents (pourcentage de la population possédant un niveau bac +) ». La présence d’une classe créative nécessite donc de la ville non seulement qu’elle attire cette population, mais aussi qu’elle la garde, et ce par un cadre de vie agréable. Dans les quartiers créatifs, R.F. décrit la nécessité d’entremêler Technologie, Talents et Tolérance, afin que chacun bénéficie de l’autre.

L’île de Nantes, c’est un peu un concentré de tout ça mais avec l’ambiance en moins.

On en arrive au syndrome Bilbao : l’idée qu’un équipement culturel puisse réaliser l’impossible : transformer un trou perdu en une capitale de culture, une capitale économique. La culture n’est donc plus un poste de dépense, mais un poste d’investissement, un moteur de développement économique. Toute ville et tout maire nourrit donc l’idée de pouvoir porter sa ville avec autant de réussite que la capitale basque.

La manière dont Nantes se comporte avec l’île, avec le quartier de la création, et la communication faite autour, et parallèlement toute la critique que l’on peut en faire, prend tout son sens lorsque l’on écoute la théorie de Richard Florida8 sur les villes créatives. Sa thèse, très controversée mais néanmoins intéressante, est que : « une ville a d’autant plus de chance de connaître l’opulence qu’elle attire à elle le maximum de membres de la classe créative ». Toujours d’après Richard Florida, « une ville est créative si les 5 indices suivants sont au top : les indices de hautes technologies (pourcentage des biens exportés de ce secteur), d’innovation (nombre de 8 Richard Florida, docteur de l’Université Columbia en aménagement urbain. Il est actuellement professeur et directeur du Martin Prosperity Institute, à l’université de Toronto. Il est à l’origine du concept de classe créative.

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> Vue aérienne sur le quartier de la Prairie-au-Duc. ( Source : Valéry Joncheray, Photographe )

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CIBLAGE D’UN TERRAIN POUR MON PFE

L

’île de Nantes voit actuellement de grandes transformations se produire plus particulièrement dans le quartier de la création.

Il exprime une mixité morphologique : une petite et plus grande échelle, des silhouettes d’architecture remarquables, une mixité de programmes et une pluralité de matières.

Il est le lieu d’une transformation de l’identité nantaise, qui mise aujourd’hui sur le contemporain, l’art, la culture, la création, dans l’objectif de rayonner sur le plan européen.

Dans un même îlot, l’habitat individuel côtoie un bunker, le bunker DY10, utilisé comme bureaux, le jardin soigné de cœur d’îlot côtoie la friche, le bistro toujours plein côtoie la sousstation EDF abandonnée. Pour mon projet de diplôme, je tiens à réaliser un projet de composition architecturale dans un tissu industriel en mutation qui pose le problème de l’échelle du bâti.

Malgré tout, avec ces projets ambitieux, un îlot (situé à un endroit clé) a été laissé de côté. Il apparaît comme un oubli dans le paysage de l’île. Il s’agit de l’îlot de la rue Sourdéac. Il est remarquable par sa position : il est une interface entre le centre-ville historique, le paysage très ouvert de la Prairie-au-Duc, et le quartier de la création. L’îlot a donc une position intéressante dans les échanges entre les quartiers et peut marquer un point d’entrée dans le quartier de la création. Il est aussi remarquable par sa constitution. Il exprime des caractères très différents, il est hybride. Plusieurs types caractéristiques de l’île de Nantes s’expriment sur cet îlot, de manière quasi concentrée : - un hangar traversant l’îlot de part et d’autre, - un bunker qui a une image forte et insolite, - un cœur d’îlot inaccessible depuis la rue, - du tissu du centre-ville : habitat mitoyen aligné sur la rue, des espaces interstitiels, résiduels...

Il me parait intéressant de penser non pas le projet comme une réalisation nouvelle sur la parcelle, comme c’est actuellement le cas des nouvelles architectures sur l’île, mais voir quels liens une nouvelle architecture peut entretenir avec un tissu existant, comme elle peut composer avec l’existant, sans faire de table rase. Le projet tient dans la réhabilitation de 3 des bâtiments situés sur la parcelle - le bunker, l’immeuble de logements et une partie de la sous-station EDF - et la construction nouvelle sur le terrain libéré par la destruction du hangar et d’une partie de la sous-station EDF, en mauvais état. Les descriptions suivantes expriment les raisons qui ont décidé de mes choix.

[37]


> Photo depuis le trottoir devant le bunker., boulevard Léon Bureau

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> Photo depuis l’intérieur du bunker vers la sortie.


LE BUNKER Le bunker DY10 (du nom de sa parcelle), est un bloc compact de béton armé construit pendant la 2nde Guerre Mondiale comme abri anti-aérien, par les ouvriers qui travaillaient alors sur les chantiers. Le bunker apparaît comme un objet insolite sur l’îlot : il se distingue des autres bâtiments par sa morphologie, son absence de modénature, sa matérialité. Il se comporte comme un objet insolite et isolé dans le paysage du boulevard Léon Bureau, et exprime une réelle poésie. Ce bâtiment orphelin qui ne ressemble à aucun autre sinon à un autre bunker est imposant par sa masse et ses rares ouvertures. Il ne dépasse pourtant pas les 6,50 mètres de haut, il semble se confondre dans le paysage tout en formant, à y regarder de plus près, un mur impénétrable. Une sorte de labyrinthe compose l’intérieur du bunker : un jeu de parois parallèles en béton compose 16 alvéoles (8 au RDC et 8 au 1er étage) de tailles différentes. Le décalage d’alignement de ces parois parallèles laisse place aux ouvertures, à l’origine de l’effet labyrinthique.

C’est un bâtiment sans lumière, qui donne envie de travailler avec une lumière artificielle justement placée, et avec de la pénombre. Je pense forcément au texte de Jun’ichiro Tanizaki,10 dans lequel il explique que l’ombre peut exprimer une grande qualité pour mettre en valeur et sublimer des objets simples. Il dit également des japonais qu’ils ont “ toujours préféré les reflets profonds, un peu voilés, à un éclat superficiel et glacé. “ Je trouve que le bunker exprime un peu de cela dans le quartier de la création. Le bunker, tel que je le ressens, a un espace intérieur qui a la potentialité de devenir un écrin, de sublimer des objets, de devenir un lieu d’exposition. D’autre part, le bunker entretient une double relation avec le paysage : Ce bâtiment aussi peu ouvert sur l’extérieur qu’il soit, bénéficie cependant d’un large espace public devant lui, d’une ouverture sur le paysage de l’estuaire.

Une ambiance cryptique se dégage de ces alvéoles, presque sacrée, « comme un petit temple sans religion »9, une atmosphère d’isolement et d’intimité, presque coupée du monde.

Le bunker, offre au passant l’envie de profiter de cette terrasse sur le paysage. Et dans l’autre sens, la perspective depuis le parc vers le quartier de la création s’arrête brutalement sur le bunker. Il est une limite de ce quartier de la création. Si le parc des chantiers est un espace piéton et pratiqué, une fois

9 Paul Virilio, Bunker Archéologie. étude sur l’espace militaire européen de la Seconde Guerre mondiale, éd. CCI, 1975. Rééd. Galilée, 2008.

10 Tanizaki Jun’ichiro, L’éloge de l’ombre, éd. Publications orientalistes de France, Paris, 1977

passé le boulevard, plus rares sont les piétons. Le bunker doit être un élément du patrimoine vu, pratiqué et que l’on puisse percevoir dans sa volumétrie, plutôt que comme une façade, comme c’est actuellement le cas. Ceci est dû d’une part aux propriétés du bunker citées auparavant, mais également à la présence de deux doubles escaliers, postérieurs à la construction du bunker, et dont l’utilité est de pouvoir accéder au niveau supérieur. Bien qu’ils animent il est vrai la façade du bunker, ces escaliers prennent également une place très importante sur le trottoir, laissant à peine de quoi laisser passer une poussette, et dissuadent les passants d’utiliser ce côté du boulevard. Comment rendre l’îlot poreux, attractif, et à une plus grande échelle comment rompre les limites de ce quartier de la création ? Le cœur d’îlot et la composition géométrique de l’îlot peuvent être des éléments de réponse.

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> Photo depuis le trottoir devant les machines de l’Île.

[40]


> Photo de Gwenael Fily, intĂŠrieur du bunker.

[41]


> Photo de la sous-station EDF, depuis la rue SourdĂŠac.

[42]


LA SOUS-STATION EDF La sous-station EDF construite en 1913, est depuis une dizaine d’années à l’abandon. Elle se situe sur la rue Sourdéac, à l’Est de la parcelle. Tout comme le bunker, elle est alignée sur la rue. Aujourd’hui, ses grandes fenêtres sont murées et la végétation a pris le dessus, recouvrant les façades et envahissant les interstices existants. La sous-station est un volume simple archétypal : un parallélépipède avec un toit à double pente, dont les pignons sont perpendiculaires à la rue. La façade sur rue est travaillée, ornementée, alors que la façade côté cœur d’îlot ne l’est pas. Au pied de la façade sur rue, un parement de pierre en bossage habille le bâtiment sur 1m70 de haut, bloquant le regard du passant. Ce volume est remarquable pour sa structure acier. Le squelette du bâtiment, avec un rythme de 6 travées, de monumentales ouvertures prennent place entre ces travées.

> Photo depuis le trottoir devant la sous-station, rue Sourdéac.

Ce deuxième volume vient comme un rajout au premier. Il n’est pas un volume unique, mais une composition de pièces, servant le premier bâtiment. Ce bâtiment et sa structure ont grandement souffert d’infiltrations : le béton est devenu friable et ne laisse pas présager d’une possible réhabilitation. Dans l’objectif de recréer un cœur d’îlot, dans le cadre de mon projet, je détruirai donc cette partie. La qualité de ce bâtiment à structure acier tient dans son pouvoir de mutation. La structure rythmée, la trame que donne la sous-station, l’épaisseur du volume et sa double orientation Est-Ouest, le plan libre est idéal pour l’imaginaire de l’architecte. Si hier il a été une sous-station EDF, demain il pourrait être du logement, des bureaux, un équipement pratiqué par les usagers du site.

L’espace intérieur est libre, un large plateau, à l’origine la salle des machines, de 320 m2 au sol laisse place à un volume important sous la charpente apparente, digne d’une nef d’église. Les ouvertures toute hauteur laissent présager, même murées, la grande quantité de lumière qui pourrait animer ce volume. La lumière sera un point capital dans la réhabilitation de ce bâtiment. Derrière le premier volume, on peut découvrir un second volume : un parallélépipède plus bas, et avec une toiture terrasse. [43]


> FAçADE NORD

> FAçADE SUD

> FAçADE EST

> FAçADE OUEST

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LA SOUS-STATION

LE BUNKER

( Panoramas d’Anaïs Tourneux )


> ZOOM SUR L’ÎLOT SOURDéAC ( Source : VIa Michelin )

[45]


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2 - LE SITE : GéNéRALITéS & CARACTéRISTIQUES INTRINSèQUES [47]


> Le développement des industries sur les îles de la Loire au XIXème siècle. Gravure. ( Source : Archives de Nantes )

[48]


HISTOIRE DE LA PRAIRIE-AU-DUC, POINTE NORD-OUEST DE L’ÎLE DE NANTES

L

a Prairie-au-Duc est le nom laissé à la partie nord-ouest de l’Île de Nantes par l’une des plus anciennes îles de l’ancien archipel de la Loire. On appelait prairie, une île appartenant à l’origine au domaine ducal, (d’où le nom de Prairie-au-duc) qui était exploitée, pour l’élevage bovin notamment. Face au quai de la Fosse, la Prairie-au-Duc ne fut lotie, pour les besoins de l’industrie nantaise, qu’à partir de 1835 avec l’implantation des chantiers navals. C’est au contact de ces chantiers navals au cours du XIXème siècle que le visage du quartier va être modifié : hangars de tôle, cales de lancement couvertes, docks, grues, entrepôts, épis de voies ferrées s’implantent sur ce terrain. Les chantiers navals étaient le principal rendement économique de la ville jusqu’à ce qu’en 1987 le dernier grand nom de la construction navale à Nantes, le chantier Dubigeon, ferme ses portes à cause de chocs pétroliers successifs. Ce site est resté une dizaine d’années sans interventions urbaines. Aujourd’hui il est au cœur du grand projet urbain de l’Ile de Nantes. Ce quartier est aujourd’hui délimité par le quartier de la République à l’est, et par le Boulevard de la Prairie-au-Duc au sud, et la Loire au nord et à l’ouest. > Le lancement du cargo Protée en 1955. ( Source : Archives du Centre d’Histoire du Travail, coll. CGT 44 )

[49]


[50]


PANORAMA : LE QUARTIER OUEST DE L’ILE DE NANTES

> Vue sur le quartier de la Prairie-au-Duc depuis la butte Sainte Anne sur l’autre rive. (Panorama d’Anais Tourneux)

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> En arrivant du pont Anne de Bretagne sur l’Île de Nantes A gauche, un îlot à échappé à la pensée urbaine (Panorama d’Anais Tourneux)

[53]


> Vue d’avion du site : l’îlot façe à un paysage. (Source : Via Michelin)

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MORPHOLOGIE DES DIFFéRENTES PARTIES DE L’ÎLE

OUEST

CENTRE

EST

pour desservir le centre commercial Beaulieu. Point d’ancrage de la ligne de ponts, la partie centrale de l’île est constituée d’un faubourg traditionnel d’entrée de ville et d’habitat populaire public et privé, souvent très dégradés. Les maisons ne dépassent pas un ou deux étages de haut (soit 6 à 9 mètres de haut) et les immeubles, eux, n’excèdent pas 5 étages (soit 15 mètres de haut). La largeur des rues est d’environ 10 mètres et les bâtiments avec façade sur rue sont mitoyens, leurs portes d’entrées sont espacées de 10 à 15 mètres.

L

’île s’étend sur une longueur de 4,9 km d’est en ouest et sur une largeur maximale de 1,1 km, soit 337 hectares. A l’est, côté Beaulieu, le paysage urbain s’est développé autour du centre commercial Beaulieu, on y trouve une ZUP issue d’un plan d’aménagement des années 60. Il est constitué de vastes espaces publics ponctués par des bâtiments en tours ou en barres d’habitations esseulées et des bureaux modernisant pouvant monter jusqu’à 20 étages (soit 50 mètres de haut) qui n’ont pas de typologie propre, l’espace est utilisé exclusivement par les transports en commun et par les automobilistes, cette partie de l’île ne se prête guère à l’utilisation piétonne ou alors juste

Plus à l’Ouest, côté Prairie-au-duc et quartier République, l’ancien quartier industriel est constitué d’espaces vides de construction qui servaient de zone de manœuvre pour la mise à l’eau des bâtiments de flotte navale depuis les usines jusqu’à la Loire ; mais aussi d’usines qui subsistent, disséminées sur le site sans connexion les unes aux autres. Ces usines ne dépassent pas 8 mètres de haut mais s’étalent sur de vastes parcelles de 60 mètres de long et 30 mètres de large et pouvant atteindre comme l’usine Alstom, 210 mètres de long pour 80 mètres de large. La grande dimension des parcelles constitue un des traits caractéristiques du tissu urbain de cette partie de l’île. A l’heure actuelle, les grues s’élèvent sur l’île de Nantes entre les Nefs et le pont Haudaudine témoignant de l’avancée d’un nouveau quartier dans cette partie ouest de l’île : le quartier de la Création. [55]


> L’éléphant roule des mécaniques au milieu des Nantais Photo d’Anaïs Tourneux

[56]


AMBIANCE DE QUARTIER UN APRèS-MIDI SUR L’ÎLE DE NANTES Il fait beau aujourd’hui, les bords de Loire sont investis par les nantais. Les gens se dispersent ici et là sur les étendues d’herbe au bord de l’eau faisant face au centre-ville. Sous mes pieds, des traces d’anciens rails s’entrecroisent, ils rythment ce terre-plein minéral du Parc des Chantiers. En entendant l’éléphant barrir pour marquer sa joie de faire sa promenade journalière, la foule s’attroupe autour de ses pieds mécaniques. Les enfants rient, crient et courent autour, évitant de se faire arroser par celui-ci. Les grincements et bruits métalliques rappellent surement les sons des usines d’autrefois. Un vieux conteneur a trouvé une seconde vie, aménagé en abri, il permet aux gens de s’abriter du soleil ou de la pluie. Plus loin, au pied de la grue titan, appelée “Grande dame Nantaise”, les grandes rampes de lancement permettent de descendre auprès de l’eau, un espace de jeu borde cette rampe, les mamans ont trouvé un moment de répit pour s’asseoir. On peut aussi aller tout au bout de ces rampes et profiter d’un point de vue panoramique : en arrière plan de ce parc, je vois le bunker, et à ses côtés, la curieuse façade borgne du bâtiment Eureka. Plus bas, les passerelles métalliques semblent flotter sur l’eau, le tintement du métal qui bouge avec les remous du fleuve donne l’impression d’être sur le pont d’un bateau. Je me fais doubler par des cyclistes en bicloo, qui passent de part et d’autre de moi. De l’autre côté du boulevard, le serveur du bistrot « Les Docks » reste discuter dehors avec ses clients. Aujourd’hui les gens ne travaillent pas, et veulent profiter d’un peu d’espace dans la ville. Les bâtiments occupés en semaine sont vides, mais à l’écart de l’activité des machines, on trouve quand même quelques curieux qui viennent lire les pancartes devant les chantiers, pour savoir ce qui y sera construit.

S

i l’île de Nantes est aujourd’hui un quartier à part entière de Nantes, il faut se demander comment se définit l’ambiance de ce quartier ? C’est à dire, quelle « Atmosphère rejaillit de la pratique et de la représentation qu’ont les habitants de ce lieu. » et quels sont « les lieux de sociabilité qui structurent la ville au niveau local : rues commerçantes, équipements publics, espaces verts… » Le quartier des Chantiers est un quartier en formation et transformation, et par conséquent son image et son identité sont en évolution ; il est soumis aux envies et projets des nantais qui voient en ce terrain la possibililté de faire ce qu’ils ne peuvent faire ailleurs. Et pour cause, ce quartier fait partie du grand projet urbain de l’île de Nantes : les constructions s’élèvent petit à petit sur cette partie de l’île au moment même où j’écris, alors qu’elle était en friche il y a encore 10 ans. J’ai pu constater deux façons de vivre les lieux et de les pratiquer. D’une part des activités tertiaires ont pu trouver une place stratégique sur l’île de Nantes, à proximité de l’aéroport, de la gare SNCF et des grands axes de communication. Ces activités tertiaires fonctionnent de manière autonome, sans sembler faire partie d’un cluster local de création.

Afin de créer un vrai quartier et non une cité dortoir, ces programmes nécessitent l’implantation de crèches, d’écoles, d’aires de jeux, de commerces de proximité, d’activités de loisirs, ayant pour conséquences de créer une intensité urbaine et ce, à tout moment de la journée. A certains points clés de l’île on peut observer un début de vie de quartier s’installer. Toutefois cette vie de quartier est observable ponctuellement dans le temps et ponctuellement géographiquement : les week-ends ensoleillés et les vacances, devant les machines de l’île et sur le parc des chantiers, ou encore le long de la Loire, côté centre ville, après le palais de Justice, où un restaurant a fait son apparition. Mais que se passe-t-il dans les espaces entre les rives de l’île et les équipements attractifs ? C’est à mon sens ici l’enjeu pour que le quartier devienne un centre urbain, pour que les petits riens urbains puissent y prendre place.

D’autre part une utilisation résidentielle, de nouveaux bâtiments de logements ont été construits ou sont en projet de construction. [57]


Bâti de + de 15 m de haut Bâti de - de 15 m de haut Voies Principales Voies Secondaires Loire

> Carte 1 : Carte du quartier de la prairie au duc. Réseau viaire et bâti ( Source : Carte d’AT d’après Google Earth )

[58]


Réseau viaire > Les chantiers navals au XVIIIème siècle. Plan

L

e quartier de la Prairie-au-Duc ou quartier des Chantiers semble divisé en deux parties de part et d’autre du Boulevard Léon Bureau. A l’ouest, un grand plan libre, qui se termine en balcon sur l’estuaire de la Loire, et sur lequel un certain nombre de constructions très caractéristiques, marquent le paysage : Les Grues Titans, les machines de l’île, et les cales et rampes de lancement. A l’est, le tissu bâti et les réseaux de voies secondaires forment une trame orthogonale sur laquelle aujourd’hui, viennent prendre place de nouvelles architectures. Deux formes de tracés viaires coexistent sur le site, comme on peut le voir sur la carte sur la page de gauche. Le premier tracé est orthogonal, et tire ses origines de l’activité industrielle de l’île. Ces axes correspondent aux anciennes cales de lancement des bateaux. Le second tracé est un axe, différent de la grille industrielle, et dont l’origine est le comblement d’un ancien canal. Cet axe, aujourd’hui, est important car il est un moyen de liaison entre l’île et le centre ville Nantais, une possibilité de rattachement . C’est à l’intersection de ces deux tracés que se situe l’îlot que j’étudie pour ce projet de fin d’études.

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1

2

3

1

> Ilot de centre-ville, schéma immeuble sur rue, cour, immeuble sur cour.

2

> Ilot du projet, schéma immeuble sur rue, cour, immeuble sur cour, hangar traversant, bâtiment-bâtiment.

3

> Ilot du quartier de la création, schéma bâtiment-îlot.

Sources : Via Michelin

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DES BÂTIMENTS-ÎLOTS

L

e quartier exprime une morphologie particulière qui le caractérise fortement en comparaison avec le centreville. Le parcellaire qui précédait cette nouvelle urbanisation du site est encore bien visible aujourd’hui. Les parcelles sont longues et épaisses, la distance qui sépare une rue d’une autre est grande.

> Ilot-type du centre-ville.

> Ilot du projet

> Ilot-type du quartier de la création

Les bâtiments-îlots sont volumineux, d’une longueur en moyenne de 80 à 100 m et d’une largeur allant de 50 à 80 mètres et leur hauteur avoisinant les 27 mètres. Si en temps normal un îlot se constitue de plusieurs parcelles, ici le l’îlot n’est pas divisé en parcelles, mais se confond avec une unique parcelle. Il n’y a donc souvent qu’un bâtiment par îlot. Cela a pour effet de créer des rues avec des façades très longues, qui se développent de manière identique sur les quatre faces de l’îlot. Contrairement à une division de type XIXè siècle de l’îlot (“de l’îlot à la barre” Panerai p32) qui amène à une architecture à deux faces (une façade publique et une autre privée), le bâtiment-îlot développe 4 façades et 4 interfaces avec la ville, une homogénéité perceptible des façades de chaque îlot. (voir carte n°6 p 62). Les dimensions de l’îlot peuvent être les mêmes que dans le centre ville mais alors que l’on peut construire 15 bâtiments avec 15 façades différentes en centre ville, sur l’île de

Nantes, il n’y a souvent qu’un bâtiment par îlot, ce qui crée une homogénéité de façade sur la rue et concoure à une impression de longueur de la rue. D’une autre manière, je pense que la grille et le plan urbain sont à tel point conservateurs de l’histoire industrielle du site, qu’au final l’échelle des architectures édifiées sur ce même site, est comparable à celle des bateaux “bâtiments” qui y étaient construits au siècle dernier. Ces grands bâtiments, dont parle Rem Koolhaas11, dans sa théorie de la Bigness, sont à l’origine du malaise, de la sensation de « déboussolement » que l’on peut ressentir dans le quartier de la création. Les observations et les conclusions qu’il tire me semblent très intéressantes et trouvent une résonnance avec l’urbanisme et l’architecture de l’île de Nantes. Si au delà d’une certaine masse, un bâtiment ne peut plus être contrôlé par un geste architectural, comme l’énonce R.K., un certain nombre de bâtiments sont ici traités d’un seul geste. La distance qui sépare le cœur et l’enveloppe de l’architecture est telle que l’on n’a plus de perception de l’intérieur. Le contenu et le contenant sont séparés.

11

KOOLHAAS REM, Junkspace, Manuels Payot, 2001, 120 p. [61]


Limite ressentie Bâti Voiries Loire

> Carte 2 : Les limites du quartier de la création. ( Source : carte d’AT d’après Google Earth )

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IMPERMéABILITé DES ÎLOTS

L

e quartier donne une image assez massive depuis les abords extérieurs. Les volumes des architectures sont de géométries simples et proposent des façades opaques. (Palais de justice, Insula, Euréka, Mutuelles Harmonies Atlantiques, Ecole d’Architecture). D’autre part, peu de rues permettent de pénétrer dans ce tissu, et le profil des rues n’est pas ouvert et n’invite pas le piéton à flâner entre les architectures (Voir croquis des profils des rues.) Somme toute, cet urbanisme hérité de l’époque industrielle est en toute logique assez imperméable à la circulation piétonne. En revanche, on peut remarquer un certain nombre d’architectures dont l’échelle, et la géométrie paraissent insolites dans un pareil contexte : un îlot est plus particulièrement marqué par des pleins et des vides, des bâtiments d’une échelle plus réduite, et qui pourrait créer une porte d’entrée dans ce site de la création. Il s’agit bien sûr de l’îlot Sourdéac.

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Interface Architecture / Architecture Interface Architecture / Paysage Bâti de + de 15 m de haut Bâti de - de 15 m de haut Loire

> Carte 3 : Les interfaces Architectures et paysages ( Source : Carte d’AT d’après Google Earth )

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LES INTERFACES ARCHITECTURE / ARCHITECTURE & ARCHITECTURE / PAYSAGE

L

> architecture / architecture

> architecture / paysage

e quartier de la création, propose un tissu à l’échelle du piéton. Lorsque l’on se promène sur le site, on peut percevoir une première catégorie de bâtiments qui font face au parc, face à la Loire. Sur ce pourtour du quartier, on peut noter un certain nombre de bâtiments qui participent à l’image de la ville de Nantes : les Mutuelles Atlantiques sont support d’une oeuvre de Buren, et sont éclairées la nuit ; le palais de justice, très controversé marque néanmoins ce quartier. Le bunker, point de départ de ce projet, a une typologie qui propose, lui, une dalle/socle qui fait face au parc. Ces bâtiments, peuvent être vus depuis une certaine distance dans la ville : depuis la vieille ville, depuis les quais, depuis les ponts... Une fois dans le quartier de la création, il est dur de prendre du recul sur l’architecture (voir croquis). Les îlots se font face, les rues sont plus étroites (12m) mais l’architecture propose pourtant de la hauteur (7-8 étages sur 24 mètres). L’impression d’être au pied du mur se fait sentir, les perspectives ne s’ouvrent pas, les architectures se reflètent les unes sur les autres, et développent beaucoup d’effets pour pouvoir exister (profusion de matériaux, de formes...). L’îlot que j’ai choisi d’étudier est singulier, il développe par son historique, des matières, des formes et des hauteurs très variées.

> rapport entre architecture / paysage

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Végétation Bâti Loire

> Carte 4 : Espaces verts à Nantes. ( Source : Carte d’AT d’après Google Earth )

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TERMINOLOGIE UTILISéE vraiment à l’image que l’on se fait d’un parc. Le Parc, tel que se le représente dans son imaginaire le péquin moyen, c’est un espace public fermé, qui propose une ambiance qui contraste avec l’environnement urbain, et qui est fortement végétalisé. Dans un parc, enfants & parents, personnes âgées et passants doivent pouvoir perdre du temps, se détendre et chacun doit pouvoir librement vaquer à ses occupations : lire, faire du toboggan, parler du match de rugby de la veille.

Le parc des chantiers Nantes est une ville réputée verte en France et à l’échelle européenne. Au delà des squares, des parcs et jardins, qui sont facilement perceptibles par le piéton, ce qui fait de Nantes une ville verte, ce sont ses cœurs d’îlots : jardins privatifs dont la jouissance profite aux habitants. Sur l’île de Nantes cette particularité qui ne pouvait exister au sein de bâtiments industriels, n’a pourtant que peu été utilisée dans les projets contemporains. Les bâtiments construits sur l’emprise d’anciennes usines ne laissent pas ou peu de place à la végétation. Cette dernière semble prendre la place des délaissés ou d’espaces résiduels, à l’image du célèbre parc des chantiers, haut lieu touristique de l’île de Nantes qui ne correspond pas

Le parc des chantiers est un espace complètement ouvert, c’est un grand plan balayé par le vent, sur lequel il ne vaut mieux pas laisser ses enfants sans surveillance : forts dénivelés, passerelles métalliques, accès directs à la Loire, boulevard passant… La végétation y est très ponctuelle, ses limites bien définies : les urbains ont certes une vision d’éléments végétalisés sur ce parc des chantiers, mais n’ont pas beaucoup de possibilités de s’immerger dedans. En pratique le lieu est passant : on le traverse, on se rend à un endroit, on fait un tour, mais rien n’est fait pour qu’on s’y arrête, qu’on s’adosse quelques minutes pour profiter du paysage urbain, ou celui de l’estuaire. C’est un lieu en adéquation avec la société de consommation actuelle, le côté éphémère des choses et l’architecture d’emballage comme on peut la voir sur le site.

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ANTLIA PARKING

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> Carte 5 : Carte du Marketing des noms ( Source : Carte d’AT d’après Google )

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m a i son de l’avocat

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ECOLE DES ARTS GRAPHIQUES

E N I H AC M S LE 'ILE L E D

S

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BIOTECH

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L’ILE ROUGE

SciencesCom

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PARKING

INSULA

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Un quartier paradoxalement créatif ?

“Marketing” architectural / Laboratoire architecturaL

De mon point de vue, l’appellation de Quartier de la création est critiquable. Tout d’abord par ses origines : cette terminologie même du quartier de la création naît avec le projet de l’école des Beaux-Arts. L’idée de la SAMOA, dont le président est Jean-Marc Ayrault, est que ce projet, relié à celui de l’école d’architecture, viendrait créer un Saint Germain Nantais : un quartier créatif, un lieu d’effervescence intellectuelle ou se mêleraient étudiants et professionnels, de disciplines diverses…

Ce qui est très remarquable sur l’île de Nantes, c’est la pluralité des architectures, des effets, des possibilités. Il est évident que pour Nantes, l’île est un site potentiel pour construire des équipements qui ne peuvent pas trouver leur place dans le centre ville historique. Les caractéristiques que j’ai observées de ces nouvelles constructions : - le bâtiment îlot dont seules les 4 façades sont perceptibles, et souvent identiques - l’alignement sur une grille qui ne correspond pas à une grille pour installer une vie de quartier à l’échelle de Nantes ; - la pluralité d’expression des matières et des couleurs (certes, il s’agit là d’outils pour les architectes) qui donne l’impression de la nécessité pour l’architecture de devoir se démarquer de la voisine. L’utilisation de noms pour les bâtiments va dans ce sens.

( Ex : école d’architecture, agences d’architecture, ordre des architectes sur le même site. )

Le quartier de la création, tel qu’on le perçoit aujourd’hui, est marqué par des bâtiments, aux identités suffisamment fortes, et dont le programme n’a rien à voir avec la création : les mutuelles Nantes Atlantique et le palais de justice sur les quais, le parking de Clotilde Barto plus à l’Est. Je pense que le terme de création rime plutôt avec absence de cadre, refus d’étiquette, qu’avec le marketing auquel il est sujet sur l’Île. Et pourtant petit à petit, ce site est le lieu d’évènements culturels au sens large du terme de plus en plus nombreux, et sûrement dans quelques années, on se posera la question de savoir qui était là avant, la poule ou l’œuf.

Bien sûr, ce parc d’architectures prouve que l’architecture est d’intérêt public, et que les architectes peuvent ici exprimer leur savoir faire, mais je pense que dans ce contexte, et surtout pour travailler l’îlot Sourdéac, l’espace doit être plus pensé depuis l’intérieur et moins depuis l’extérieur. C’est également ce que pensent les architectes Aires Mateus : “Le vide structure l’architecture et la ville, c’est dans les espaces vides qu’il devient possible de vivre ensemble.”

Cette île devient un parc d’architectures, dans un quartier tracé au cordeau, qui rivalisent d’artifices de façade pour se démarquer les unes des autres. On a l’impression que le contenu est moins important que le contenant.

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Un laboratoire de matières, de textures, de couleurs, de calepinages. Comment y dessiner une nouvelle architecture ? L’îlot Sourdéac offre des silhouettes propres à l’histoire du site : le bunker, la sous station, les logements 18ème, qui deviennent des points d’accroche pour un nouveau projet.

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Euréka (Agence Lipsky et Rollet) Maison de l’Avocat (Forma 6) Parking Mutuelles Harmonie Atlantique (Cabinet Brochet-Lajus-Pueyo) DY 25 Rive Gauche (H. Beaudoin) Ehundura (Agence Leibar et Seigneurin) Habiter les Quais (L. Dunet, B. Robert, N. Sur) Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes (Lacaton & Vassal) Ehundura (Agence Leibar et Seigneurin) Les Nefs (Atelier Alexandre Chemetoff) Palais de justice (Ateliers Jean Nouvel) Parking des Machines (Barto+Barto / J.C. Besseau) Parking Mutuelles Harmonie Atlantique (Cabinet Brochet-Lajus-Pueyo) Quai – L’Atelier (Agence Dusapin-Leclercq) La Fabrique (Agence Tetrarc) DY 25 Rive Gauche (H. Beaudoin) Manny (Agence Tetrarc) La Fabrique (Agence Tetrarc) L’île Rouge (Forma 6) Pôle des arts graphiques (Agence Lepinay, Chabenès & Scott architectes) Insula (M. Roulleau / J.C. Besseau)

13 16

19

12 14

4

17

Photos d’Anaïs Tourneux, 2011

20

[71]


Bâtiment ouvert toutes faces Bâti de + de 15 m de haut Bâti de - de 15 m de haut Voies Principales Voies Secondaires Loire

> Carte 6 : Carte des bâtiments “ilots” : présentant 4 façades sur rue, avec plusieurs entrées ( Source : Carte d’AT d’après Google Earth )

[72]


CARACTERISTIQUES INTRINSEQUES Du site

L

e système de voirie forme une trame, en son sein des îlots, qui sont le plus souvent constitués d’une mega parcelle ( dimension type : 100 x 200 m.) On peut constater que contrairement au centre ville, l’îlot n’est pas constitué de plusieurs parcelles, mais plutôt se confond avec une parcelle unique. Par cette morphologie, l’Ile de Nantes semble être un endroit rêvé pour une politique d’équipement. Ce territoire “laboratoire” permet donc la création d’équipements dont le rayonnement va au-delà des frontières de la ville. Pour exemple les machineries de l’île accueillent 250 à 300 000 visiteurs chaque année, dans ses locaux.

L’îlot étudié est hybride : il tient un peu du système de l’île, mais aussi de celui du centre ville : - habitat mitoyen, aligné sur la rue, avec une cour arrière. - halle traversant l’îlot de part et d’autre, - bunker qui a une image forte et insolite, - corps de bâtiments inaccessibles depuis la rue, - espaces intersticiels, résiduels, que l’on devine.

L’architecture des équipements propose donc la plupart du temps un contact direct avec 3 ou 4 rues : Le tribunal, l’école d’architecture, la future ENBA, l’Insula... L’architecture est une architecture de façades, un volume dont la quasi totalité des façades sont perceptibles par le piéton. Sur l’Ile de Nantes on peut faire le tour d’un bâtiment. Sur cette carte, on peut voir que si le système urbain permet d’accéder au bâtiment-îlot par tous les côtés, le coeur d’îlot n’est pas pour autant quelquechose de perceptible, ni même ne participe à l’espace public. Le coeur d’îlot est un motif présent à Nantes, dans le tissu du 18ème siècle et qui participe à la rupture Espace public / Espace privé. [73]


Paysage plat et relativement linéaire Espace constitué d’objets isolés, aux caractéristiques différentes ( Ilot étudié composé d’objets compactés, et imbriqués ) Hétérogénéïté d’époques : contemporain , industriel, XVIIIème Hétérogénéïté d’échelles : métropole ( grue fait signe à Nantes ), urbain ( boulevard ), piéton (parc, loisirs) Hétérogénéïté de fonctions : loisirs, mémoire (grue), infrastructure (totem d’éclairage public), activités ( bureaux...) Hétérogénéïté de matières : acier industriel riveté (grue titan jaune), matériaux de récupération (éléphant, manège), béton armé (bunker) ... [74]


> COUPE LONGITUDINALE EST / OUEST & NORD SUD ( Croquis d’Anaïs Tourneux )

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Type d’activités Education - Exsitant et à venir Bureaux - Tertiaire Logement Parking Usine / Production Loisirs Justice - Droit

> Un quartier à dominante d’activités culturelles et économiques. ( Source : Carte d’AT d’après Google )

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Un quartier d’activités culturelles et économiques

L

e quartier de la création, est donc aujourd’hui un territoire d’activités:

- éducatives : avec de nombreuses écoles - économiques : sièges sociaux, entreprises, cabinets, agences - culturelles : musées, expositions, animations… J’ai démontré auparavant que ce site du quartier de la création, même si le contexte général est en transformation, est lieu de projets architecturaux, aujourd’hui construits et livrés, qui témoignent d’une mauvaise réflexion sur le contexte.

- Rendre plus poreux les relations entre le parc des chantiers et le quartier de la création. - Travailler l’identité de l’îlot, comme une plu ralité d’expressions architecturales, et non comme un seul objet développant quatre façades. - Travailler la volumétrie bâtie de l’îlot dans l’idée d’éviter les bâtiments blocs, qui se cachent les uns les autres et suppriment la perspective urbaine qu’offre l’île. - Ouvrir l’îlot et les programmes à l’espace public pour une mixité d’usage, de population, à l’origine de la vie urbaine.

Le plan guide de Chemetoff, et le remplissage de cette grille par des bâtiments îlots, sous couvert d’une conservation de l’identité du site, est peut être incomplet à mon sens, et j’espère démontrer en travaillant la morphologie et le programme de l’îlot Sourdéac, la nécessité de prendre en compte d’autres paramètres :

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3 - LE SUJET

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> L’ÎLOT SOURDEAC DANS LE QUARTIER DE LA CREATION ( Source : Carte d’AT d’après Google Earth )

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Rue Léon Durocher

Boulevard de la Prairie au Duc

Rue de la Tour d’Auvergne

Rue Pierre Landais

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QUEL PROJET POUR LA PARCELLE ?

A

u terme du projet urbain, 5000 étudiants circuleront sur le site : des étudiants de l’école d’architecture, de l’école des Beaux-Arts, de l’école de l’imprimerie, de l’école du bois. Et pourtant, seuls 200 logements étudiants seront disponibles sur l’île pour une demande toujours plus importante.

Il faut alors prendre en compte la démographie universitaire et son besoin de logements, et le territoire de l’île de Nantes comme lieu potentiel d’habitat. Le logement étudiant apparaît comme un complément évident au développement de l’université.

De ces échanges, en plus de la question du logement étudiant qui a été également soulevée, s’est profilée l’idée d’un programme de restaurant universitaire. Cet élément permettrait de créer un lieu de vie et d’échanges dans le quartier tout en complétant le réseau de restaurants universitaires nantais.

L’étudiant aujourd’hui, n’est pas forcément un étudiant nantais, il a beaucoup plus de chances d’être d’une autre ville française car il fait partie de la population française la plus mobile12. Il peut aussi être d’autres cultures européenes ou même internationales. Lorsque l’on est déraciné, dans les deux cas, l’habitat est très important pour l’étudiant.

La mixité programmatique a son importance dans la dialectique qu’entretient le site avec le reste du quartier et dans la dynamique qu’elle peut apporter à celui-ci. Dans le cadre de ce projet d’architecture, je pense qu’il est important de construire différentes échelles de bâti et différents programmes au sein même de l’îlot pour ne pas retomber dans le schéma du bâtiment îlot, que l’on observe sur le reste du site.

Quand au logement étudiant, l’offre ne correspondant pas à la demande existante et à venir, l’importance de répondre à cette demande dans l’idée d’en faire un (des) centre(s) vivant, s’est imposée.

L’étudiant est aussi acteur de développement économique et de gentrification. Si l’école d’architecture s’est implantée sur un territoire en friche, il est certain qu’il a eu pour effet, d’être un élément déclencheur du renouveau de l’île.

12

DEBRAND T., TAFFIN Cl., « Les facteurs structurels et conjoncturels de la mobilité résidentielle depuis 20 ans », Economie et Statistique n°381-382, octobre 2005, p.133.

Le projet devra intégrer des logements étudiants, des services autour de cette population et un équipement d’intérêt collectif. Afin d’affiner le choix du programme et dans l’idée d’apporter une réponse à un besoin réel, je me suis tournée vers les comptes-rendus du Conseil de quartier de l’île de Nantes. J’ai également questionné sur ces sujets Monsieur Raymond Leduc, responsable du service communication de l’école d’architecture de Nantes, ainsi que le Crous de Nantes.

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LE BATI

EXISTANT CONSERVÉ EXISTANT A RECONVERTIR

EXISTANT A SUPPRIMER

[82]

Le bâti de l’îlot peut être réparti en 3 catégories : 1 - Le bâti existant et à conserver : il s’agit du tissu au nord de la parcelle. 2 - Le bâti existant à supprimer : il s’agit de la halle, un bâtiment sans qualité architecturale, d’une partie de la sous-station, fortement dégradée, et d’un ancien transformateur situé entre le bunker et la halle. 3 - Le bâti existant à reconvertir. Ce bâti sera mis en valeur dans un premier geste par la destruction du bâti vu au point 2 qui le révèlera. L’architecture et les aménagements interstitiels seront d’autres gestes pour révéler ce patrimoine.


LES LIMITES

NOUVELLE ARCHITECTURE

LE CŒUR D’îLOT

L’îlot dispose d’un emplacement privilégié comme on a pu le voir dans les premières parties du mémoire : face à un paysage, au carrefour d’un parc et d’un quartier « créatif ». Toutefois, il présente une morphologie imperméable et un bâti délaissé qui a échappé à la réflexion sur le quartier et qui ne suit pas la logique de développement souhaitée pour l’île, tant par les habitants que par les politiques, ou encore les maîtres d’œuvre de l’île. Pourtant sa silhouette est très poétique et expressive de ce qu’a été l’île de Nantes.

Dessiner une nouvelle ligne à cet îlot devra se faire en priorité en considérant les éléments qui composent l’îlot : Un tissu de type 18e siècle composé de deux cours et 3 murs pignons au cœur de l’îlot ; un bunker en marge et qui semble comme écrasé par l’architecture voisine de Lipsky Rollet (R+7); la présence de parking à l’Est qui n’est pas très favorable en terme d’esthétique, mais qui permet, de par sa faible hauteur, une très bonne exposition de l’îlot le matin ; un résidu de logement, dont le langage architectural est celui du côté nord de l’îlot. Le projet propose de dégager le volume du bunker des autres bâtiments, permettant ainsi aux piétons d’en faire le tour et d’en apprécier la volumétrie. Côté est, bien qu’en permettant des perméabilités au rez-de-chaussée, les espaces interstitiels seront bâtis, dans l’idée de venir donner un arrière plan à l’îlot, mais aussi une continuité à la façade est, en réponse à la discontinuité de la façade du parking. Au nord, les pignons existants seront prolongés par de nouveaux bâtiments, de manière à laisser la lumière rentrer dans les cours existantes.

Le projet de cœur d’îlot intègre les cours existantes, donnant une échelle adaptée à la vie quotidienne, à l’expression de pratiques urbaines communes : chercher un peu d’ombre, s’asseoir discuter avec un ami, prendre le temps de lire un livre. Il forme un espace complexe d’articulation entre patrimoine et contemporain, entre les différents programmes. C’est depuis cet espace que l’on accèdera aux logements, au restaurant universitaire. Le bunker, sera un des éléments de ce cœur d’îlot. Sa matière, sa position, l’espace qu’il libère sur son toit sont des éléments constitutifs du paysage du cœur d’îlot. Les circulations se retrouvent en cœur d’îlot et participent à l’animation de cet espace intermédiaire.

Mon projet propose plutôt un îlot ouvert, une alternative à l’îlot bloc, malheureusement utilisé jusqu’à récemment pour les projets d’architectures nouvelles sur ce site, mais aussi une alternative au modèle de cour intérieure du tissu 18e, que l’on retrouve dans le centre ville, et qui ne participe pas à l’espace public. Ici, c’est surtout une évolution de la manière de s’installer sur un îlot qui me semble cohérente à l’analyse du site, à son histoire, et à sa morphologie. L’îlot s’ouvre au parc d’un côté, et au quartier de la création de l’autre, et son programme le place comme un élément à part entière du réseau universitaire que composent les écoles du quartier, le transport, les autres logements et les équipements à l’usage des étudiants. Les limites physiques de l’îlot dans le projet, devront donc laisser des perméabilités depuis la ville vers le cœur d’îlot et vice versa.

“Le vide structure l’architecture et la ville, c’est dans les espaces vides qu’il devient possible de vivre ensemble.” Aires Mateus [83]


RESIDENCE UNIVERSITAIRE RESTAURANT UNIVERSITAIRE ECOLE / UNIVERSITE > Le réseau étudiant : habiter, manger , travailler ( Source : Crous + Pages Jaunes )

[84]


Habiter étudiant

J’ai basé ma réflexion à partir d’une étude réalisée sur 10 ans (entre 1996 et 2005), par le conseil national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS). Christian Queffelec, architecte et ingénieur des Ponts et Chaussées en est l’auteur.

Pour la grande majorité des étudiants, le logement reste la préoccupation numéro un. Il est en effet difficile de travailler dans de bonnes conditions et de réussir ses examens sans un logement décent, si possible proche de son université ou de son école. “

Jean-Louis Borloo, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Implantation du logement étudiant

Le collectif ou l’individuel ?

La place du logement dans la ville, dans le réseau d’équipements, de services, des transports, et des activités est fondamentale. Si les étudiants n’habitent pas directement dans le centre historique de Nantes, ils doivent pouvoir s’y rendre facilement.

Il existe encore un certain décalage entre les résidences conçues sur un modèle classique de chambres, toutes identiques, avec des parties communes en rez-de-chaussée, et les pratiques réelles de ces résidences.

L’îlot Sourdéac, comme choix d’un terrain à proximité du centre-ville, mais aussi des universités et écoles, est sans conteste un avantage pour l’implantation d’un logement étudiant. La Cité Universitaire Internationale de Paris est un endroit très intéressant. Il est l’exemple même de la volonté de regroupement dans une même « maison » des étudiants ayant comme point commun leur origine, ceci ayant comme effet de redonner quelques racines aux étudiants loin de chez eux. Dans cet ensemble urbain, le parc mais également les pièces communes situés au rez-de-jardin des maisons, sont le lieu de rencontres, d’échanges et d’activités croisées.

Habiter étudiant pose la question de la limite entre le collectif et l’individuel. Le couloir borgne, sans lumière à la dimension tout juste adaptée à la possibilité pour deux étudiants de se croiser, me parait être un frein, le lieu d’un clivage brutal entre les espaces collectifs et l’espace individuel. C’est une zone neutre, vide, entre la chambre et les espaces communs. Dans une maison, le couloir est un espace vécu et un lieu de communication entre les différentes personnes qui y habitent. Le “couloir” devra donc être particulièrement travaillé dans le projet. Pour moi le logement doit être collectif : c’est-à-dire que les usagers doivent habiter ensemble, partager des espaces, des services et des activités, tout en pouvant s’isoler et bénéficier d’une intimité que l’on peut trouver dans un logement individuel.

[85]


Penser un habitat étudiant en 2012, nécessite de prendre en compte un certain nombre de données : certaines sont invariables ou ont évolué, et d’autres sont nouvelles. Quelles sont elles ? - Le sommeil : La fonction première de la chambre, est d’être un lieu de repos. La chambre doit assurer le calme qu’il convient au sommeil, tant vis à vis des autres résidents que des bruits extérieurs. - L’intimité : la première qualité d’une chambre est de donner à l’étudiant un espace à soi, privé. Il ne doit pas ressentir la proximité des autres et pour cela l’isolation acoustique est essentielle. Aujourd’hui, avec les technologies d’isolation phonique, on accepte mal d’entendre son voisin. Les étudiants vivent également parfois en couple, et dans ces cas là, l’intimité au sein d’un même espace est aussi importante. - L’espace : l’inconfort de la chambre étudiant tient souvent du sentiment : « C’est trop petit ». Avec les nouvelles normes handicapés, l’espace de vie de la chambre étudiant tend à diminuer. Aujourd’hui on l’estime à 9,73 m2 en moyenne pour un logement de 18 m2. [86]

Au mois de novembre 2011, le prix moyen d’un studio à Nantes est de 398 € pour 20 m2. La question du plan rectangle mono-orienté qui limite les possibilités d’aménagement et d’appropriation des lieux doit être posée. Je pense qu’il serait intéressant de retravailler la forme de ce logement, sa dimension, afin d’améliorer la qualité de l’espace et de proposer un logement mieux adapté à l’usage qu’on veut en faire. Les étudiants recherchent une certaine adaptabilité de leur lieu de vie. Il semble important de distinguer 3 espaces : le premier, de service comprenant une salle de bain, potentiellement une kitchenette, des rangements ; le second celui du repos, avec le lit ; et le dernier, celui de la réception. - Le travail : L’utilisation de l’ordinateur portable pour la plupart des étudiants ne supprime pas l’idée d’un bureau, ou d’un espace de travail, d’autant plus que les étudiants en question dans ce projet sont des étudiants “créatifs” et cela implique (et je suis bien placée pour le savoir) une grande consommation d’espace et de stockage. S’il n’est pas possible de tout laisser en permanence à l’école, les étudiants trouveront ici des espaces communs où ils pourront travailler ensemble. Cet usage existait autrefois dans le bunker, où les étudiants qui squattaient les locaux pour faire leurs maquettes, sont devenus des architectes et designers qui se sont associés. D’autre part, je pense que prendre en compte

l’évolution du statut de l’habitant, l’étudiant devenu jeune travailleur, est nécessaire. L’usage de l’espace de la chambre change : plus d’espace pour recevoir et moins pour travailler. - Les rapports sociaux : La possibilité de développer des relations intimes et celle de pouvoir recevoir chez soi sont à l’origine de la volonté d’agrandissement des chambres étudiantes. On voit également apparaître l’importance des petits espaces collectifs de service potentiellement des lieux de rencontres, tels que des salles de travail avec la possibilité de se connecter à Internet, un espace photocopie, des espaces détente et conviviaux qui ne ressemblent pas à l’espace cafeteria d’un hôpital comme c’est souvent le cas dans les résidences étudiantes ( un distributeur, un vieux magazine et deux sièges. ) Le succès des colocations, est une réponse à un certain nombre de ces points. D’une part, le coût du logement par rapport à sa surface, rend intéressant le partage d’espaces fonctionnels (cuisine, salon, sanitaires...). D’autre part les rapports sociaux, dans ce qu’ils ont de difficile mais aussi d’agréable trouvent dans la colocation un espace d’expression.


lon, ateliers de travail) et une partie de plein pied avec la ville, qui est le lien direct du cœur au quartier, et enfin une partie haute, le toit du bunker. Je l’ai pensé comme un espace qui puisse être soit un espace public, soit un espace privé.

L’ARCHéTYPE de la chambre type étudiante : - La plupart du temps un studio - Pas de distinction espace Jour/Nuit - Un espace mono orienté avec une fenêtre standard, mauvaise ventilation. - Peu de rangements (Valise, bouquins, loisirs, musique…) - Pas d’évolution possible du logement. - Espace verrouillé : pas de possibilités d’adaptation d’agencement. - Manque d’intimité (sonore, espace…) - Couloirs sordides, sombres, mal aérés, avec un lino jaune au sol.

Public car traversé par les usagers du quartier : ils peuvent pénétrer dans cet espace, s’asseoir sur un banc au soleil, aller au restaurant universitaire et profiter de la vue sur le parc des chantiers, pique-niquer sur les grandes marches, profiter de l’ombre portée du bunker. > L’archétype du logement étudiant.

Mon projet : Le projet de logement propose donc une typologie différente, qui prend en compte ces différents points : concevoir le bâtiment comme une grande colocation, où des espaces donnent aux liens sociaux les moyens de s’exprimer, tant dans les espaces partagés, que dans l’espace privé. Donner plus d’espace aux usagers, séparer l’espace sommeil de l’espace réception, permettre un bon éclairage et une ventilation naturelle, sont des caractéristiques de ce logement pour étudiant. Aujourd’hui l’objet prend une place importante dans le quotidien. Les rangements dans l’espace doivent être réfléchis dès le début du

projet et non comme des résidus d’espace. Il me semble aussi important que le logement s’adapte à l’usager : de l’étudiant au jeune travailleur, et donc de pouvoir changer l’agencement intérieur.

Privé car certains espaces pourront être privatisés par les étudiants, lors d’occasions particulières, pour la vie associative. Le matériel nécessaire pour ces occasions est prévu dans le programme de l’îlot et est stocké dans un espace à cet effet (chaises, tables, filets, écran de projection…)

Le cœur d’îlot est un espace protégé et traversant, qui manifeste une intériorité, l’accès se fait par une voie piétonne. Ce cœur d’îlot est un lieu de vie et d’activités, que les étudiants peuvent investir pour bricoler dehors, fabriquer leurs maquettes, faire des loisirs, se réunir, partager. Il se déploie sur trois niveaux, une partie basse qui prolonge les espaces communs des logements étudiants vers l’extérieur (cuisine, sa[87]


[88]


Restaurant universitaire

L

a loi du 13 juillet 2010 sur la modernisation de l’agriculture comporte un volet concernant l’alimentation des restaurants collectifs (entreprises, crèches, écoles, universités…) L’alimentation, est donc au cœur d’un sujet politique, mais aussi d’un sujet de santé publique, et bien sûr de société. L’installation d’une université ne peut se dissocier d’un service de restauration, et ce pour plusieurs raisons. La première est bien sûr celle de la santé : s’alimenter équilibré est indispensable pour être en bonne santé et pour étudier efficacement. La seconde est que le moment du repas est un moment important pour les rencontres, pour créer des liens entre les étudiants. Enfin, le moment du déjeuner est important pour couper avec les cours, et se rafraîchir l’esprit.

Ce programme de restaurant universitaire émane du souhait des étudiants actuels - qui ne seront que plus nombreux - qui souhaitent un espace distinct de leur école pour déjeuner et peu onéreux, les sandwicheries revenant cher et n’offrant pas une qualité satisfaisante. Mais la légitimité de ce programme vient également du manque de place dans les restaurants CROUS. Les restaurants existants à proximité comme le Ricordeau de l’autre côté de la Loire sont surchargés. Le projet de restaurant universitaire propose un snack en rez-de-chaussée et deux plateaux de restaurant universitaire en étages. Son emplacement en cœur d’îlot, et en retrait de la rue, participera à l’activité de ce cœur d’îlot, tout en offrant une vue sur le paysage de l’estuaire.

Les étudiants n’ont souvent que peu de temps pour déjeuner le midi et ont besoin de pouvoir déjeuner à proximité de leur lieu d’étude. La parcelle étudiée est placée stratégiquement entre les différentes écoles, et offre une proximité intéressante avec le parc, pour un moment de pause.

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[90]


EN ATTENDANT LE PROJET...

L

’étude critique du site et du projet politique, a fait surgir des questions nombreuses, auxquelles ce projet ne peut malheureusement pas totalement répondre. La problématique du transport et du lien de l’île à l’agglomération nantaise me paraît être une question fondamentale dans les faits. Il est à noter que les problèmes soulevés dans mon analyse et les réponses que j’y ai apportées sont complémentaires des récentes conclusions de l’étude urbaine de la troisième équipe de maîtrise d’œuvre, dévoilée début décembre 2011, notamment en ce qui concerne la continuité de l’espace public dans le quartier de la création. Quant à l’élaboration d’un programme, la réponse à des considérations non étudiées par les maîtres d’œuvre et émanant des usagers du site a été un objectif prioritaire pour moi.

C’est une chance d’avoir pu travailler un site sur lequel de grands architectes ont porté une réflexion, mais j’ai toutefois trouvé difficile de travailler dans un quartier en projet, de cette échelle, et dont le maître d’œuvre a changé tout récemment. Je suis convaincue que même si un certain nombre de facteurs sont fixés aujourd’hui, et que beaucoup d’édifices sont réalisés, il reste encore beaucoup à faire. Porter un jugement sur ce qui a été fait et en tirer des conclusions est à mon sens fondamental pour continuer de penser le renouveau de l’île de Nantes. Mon interprétation de l’îlot Sourdéac se veut comme un lien entre le paysage et le quartier de la création, entre l’histoire et l’avenir de l’île, avec l’ambition de faire un espace à l’échelle des espoirs des nantais.

... [91]


OUVRAGES B BOUDON Philippe (sous la direction de), De l’architecture à l’épistémologie, PUF, Paris, 1991, p 72-80-84-154. C CHEMETOFF Alexandre, L’île de nantes, le plan guide en projet, Nantes, éditions Memo, 1999, 96 p. CORAJOUD Michel, Le paysage, c’est l’endroit où le ciel et la terre se touchent, ACTES SUD/ENSP, 2010, 272 p. D DE GRAVELAINE Frédérique, A nantes, la mutation d’une île, Chroniques de l’île n°1, Place Publique/ Samoa, janvier 2009, 80 p. DE GRAVELAINE Frédérique, La Loire au centre, Chroniques de l’île n°2, Place Publique/ Samoa, juin 2009, 64 p. DE GRAVELAINE Frédérique, Le temps du projet, Chroniques de l’île n°3, Place Publique/ Samoa, juin 2010, 80 p. DE GRAVELAINE Frédérique, Continuer à inventer, Chroniques de l’île n°4, Place Publique/ Samoa, décembre 2010, 87 p. DUBOYS FRESNEY Arnauld, Île de Nantes, portrait(s) photographique(s), Nantes, éditions Memo, 2002, 87 p. F FLOCH Jacques, L’agglomération nantaise : récits d’acteurs, Editions de l’aube, 1996, 188 p. G GRACQ Julien, La forme d’une ville, José Corti, 1985, 213 p. I Institut Kervégan, Nantes, Quelle(s) métropole(s) pour le Grand-Ouest ?, Nantes, Institut Kervégan, Les dossiers en débat, 2009, 127p. [92]

K KOOLHAAS REM, Junkspace, Manuels Payot, 2001, 120 p. L LUNEAU Dominique, Nantes, l’avenir d’une ville, édition de l’Aube, 2003, 200 p. M MASBOUNGI Ariella (sous la direction de), Nantes, la Loire dessine le projet, édition de la Villette, 2003,196 p. N Nemoz Sophie, Bousquet Luc, PUCA Mai 2007, En-Quête du logement étudiant. Synthèse contributive à la consultation de recherches sur le logement et la condition étudiante en France et dans l’Union Européenne. P PANERAI Philippe, CASTEX Jean, DEPAULE Jean-Charles, Formes urbaines : de l’îlot à la barre, Parenthèses, 2009, 186 p. PERRAULT Dominique, With Dominique Perrault Architecte, Birkhäuser, Actar, 1999 R RENARD Jean, Nantes, à la croisée des chemins, Presses universitaires de Rennes, Espaces et Territoires, 2008, 223 p. T Tanizaki Jun’ichiro, L’éloge de l’ombre, éd. Publications orientalistes de France, Paris, 1977 TREUTTEL Jean-Jacques, Un destin contrarié, Nantes Hartmann Edition, 1997, 119 p. TOPALOV Christian et al., L’aventure des mots de la ville. A travers les temps les langues et les sociétés. Robert Laffont, 2010.


BIBLIOGRAPHIE

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[93]


[94]


MES SINCèRES REMERCIEMENTS à :

Patrice Mottini, Laurence Benoist-Veillet, l’équipe enseignante ADD de l’ENSAPM, Mes parents & frères & soeur, Baptiste & Jeremy Kumala et mes amis.

[95]




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