3 semaine du cinéma equatorien à paris

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Sous le haut patronage de l’Ambassade de l’Équateur en France En partenariat avec l’Instituto Cervantes En collaboration avec le cinéma Saint-André des Arts L’Association Rencontres Culturelles présente la 3ème Semaine du Cinéma Équatorien avec le soutien du Consejo Nacional de Cinematografía del Ecuador (CNCine) et du Ministerio de Cultura del Ecuador.



TEXTES TROIS / Ramiro Noriega LA BASE D´UN CHANGEMENT / Jorge Flores UN CINEMA DIFFERENT POUR UN PUBLIC CURIEUX / Juan Martín Cueva DES CENTRES ET DES MARGES D’UN CINEMA NATIONAL / Raquel Schefer

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PROGRAMME

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LONG-MÉTRAGES Con mi corazón en Yambo El lugar donde se juntan los polos Detrás de las colinas En el nombre de la hija De cuando la muerte nos visitó Santa Elena en bus Más allá del Mall Ángel Esas no son penas ¿Quién es X. Moscoso? Mejor no hablar de ciertas cosas Pescador

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COURT-MÉTRAGES Un lugar común Océano sólido Al final El abrazo de Felipe Baltazar Ushka. El tiempo congelado El hombre y su reflejo Despedida Sin título Esperando en Vilcabamba Yachak

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INTERVIEWS TEXTES EN ESPAGNOL INVITÉS ÉQUIPE

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BIENVENUE L’Ambassade de l’Equateur en France a le plaisir de présenter la 3ème Semaine du Cinéma Equatorien, après le succès remporté auprès du public par ses deux éditions précédentes. Elle devient un rendezvous annuel incontournable entre la production cinématographique équatorienne et les amateurs des représentations de notre septième art, un cinéma nouveau et plein d’envie, où l’histoire et l’imagination s’entremêlent pour devenir fiction narrative et finalement émotion et réflexion. En effet, le trait fondamental du cinéma équatorien est d’éveiller la conscience sociale.

unique dans son genre puisque répondant à sa spécificité sociale, politique géographique et historique.

Cette troisième manifestation cinématographique consolide cette rencontre culturelle à Paris instaurée en 2011, à l’initiative de notre mission diplomatique en collaboration avec l’association Rencontres Culturelles et le soutien de l’Institut Cervantes. La Semaine du Cinéma Equatorien occupe une place importante dans l’agenda culturel de l’Equateur en France, parmi nos activités dans les domaines de la peinture, la littérature, la musique, le théâtre et les arts visuels.

En effet, ce rendez-vous témoigne de l’engagement du gouvernement équatorien et de cette ambassade à l’égard de notre culture et notre attachement à la préservation et à la diffusion de la richesse et la diversité de notre patrimoine culturel en tant que bien commun universel.

Les longs et courts métrages documentaires et de fiction qui vous seront proposés à cette occasion confirment l’esthétisme de la production équatorienne contemporaine, en perpétuel mouvement et

Cet événement nous rassemble à un moment important du cinéma équatorien, dont ces films sont l’illustration. La prochaine visite officielle en France du Président de la République de l’Equateur, Monsieur Rafael Correa, sera l’occasion de renforcer les liens bilatéraux y compris dans le domaine de la cinématographie par la souscription d’un accord de coopération.

Nous vous invitons à vous laisser entraîner dans la découverte des nouveaux mondes où ces films nous amènent, à retrouver l’émotion dans ces réalités virtuelles, et à attraper au vol la singularité de ces vies fugaces que l’objectif rend éternelles. Carlos Játiva Ambassadeur de l’Equateur en France Paris, octobre 2013


TROIS Par Ramiro NORIEGA Quatre.

Qu'arrivera-t-il ensuite?

Cinq.

L’avenir est fait de ce présent, ce qui viendra après aura forcément des liens avec notre vie au jour le jour. Et nous ne le disons pas seulement en termes généraux. À l’heure où nous concevons ce document, la première œuvre de fiction d’Alfredo Léon sort, Ana Cristina Barragán et Micaela Rueda tournent leurs premiers longs métrages et la première du troisième film de Victor Arregui, El Telón, est annoncée... Et ce n’est pas tout. En même temps que nous préparons cette Semaine, Supercines, la plus grande structure de distribution de cinéma de l’Équateur (c’est en effet la seule qui assume ce défi dans dix des vingt-deux provinces de notre pays), a décidé de ne pas projeter le documentaire La muerte de Jaime Roldós, de Lisandra Rivera et Manolo Sarmiento. Ses porte-parole expliquent que Roldós... est un film à caractère politique, et ils

Peut-être plus. Sûrement plus. On ne sait jamais. Le catalogue de cette édition est jaune, nous avons déjà pu le constater. Il se monte ainsi une première trilogie qui constitue une espèce de panorama de ce cinéma d’images du centre – et d’images décentrées, comme nous l’avons annoncé en 2011. Ces trois couleurs peuvent peut-être tenir un État... mais pas une culture parce qu’une culture n’est jamais et est toujours à venir. C’est pourquoi cette semaine n’est qu’un essai et doit être comprise de cette façon. Voilà pourquoi nous avons commencé par le rouge, nous avons continué avec le bleu, et cette fois le jaune.

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choisissent – ils disent – de se détacher de cette discussion. Fort légitimement, la question qui surgit immédiatement est « qu’est-ce que nous entendons (ou n’entendons pas) par politique ? » Les réalisateurs équatoriens eux-mêmes, politisés par une telle réponse, ont envoyé une lettre au propriétaire de Supercines qui n’a pas reçu de réponse à ce jour à notre connaissance. Cette lettre a été suivie d’une autre de la réalisatrice Tania Hermida, où la signification politique du cinéma est analysée d’une forme très précise, pour conclure à juste titre qu’il n’y a pas de loisir sans pensée. Cette leçon simple pourrait sembler inutile, mais ce n’est pas le cas. En réalité, dans le secteur de la distribution, c’est presque toujours la pensée monétaire, le bénéfice économique, les transactions ou les indices de renta11

bilité qui dominent. Des idées et des concepts relatifs au bien social, au dialogue entre des personnes ou des groupes, aux échanges symboliques ou aux droits collectifs n’ont jamais été présents au sein de ces espaces de gestion. Pour ces entreprises, la production cinématographique n’a pas grande chose à voir avec les problématiques des peuples, les débats sociaux ou économiques et que le diable nous emporte si leur attitude n’est pas la même à l’égard de la politique. En somme, l’on exclut tout ce qui a des rapports ou qui donne un sens à la production d’idées, à la création de mondes possibles, et jusqu’au rapport de cette création à la compréhension de ce monde, du monde dans lequel nous vivons. Toutefois, cela ne nous étonne pas. Face à la décision de Supercines, Leonardo Valencia, un écrivain équatorien, saisit l’occasion


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LA BASE D’UN CHANGEMENT Par Jorge FLORES La troisième édition de la Semaine du Cinéma Équatorien de Paris (Images décentrées), s’ouvre dans un contexte de réformes institutionnelles dans le secteur cinématographique, audiovisuel et culturel en Équateur. Quelques jours avant la rédaction de ce texte, le Président Rafael Correa a annoncé qu’il enverra un code à l’instance législative afin d’améliorer, réguler et coordonner les actions de la sphère culturelle puisque nous « investissons dans la culture 127.12 millions de dollars et qu’à l’heure actuelle nous n’obtenons pas encore les résultats attendus »(1). D’autre part, le Conseil National de Cinéma (CNCin) a un nouveau directeur depuis juin, Juan Martin Cueva. Cueva se propose d’incorporer le cinéma et l’audiovisuel dans le processus de changement de la matrice de production proposé par le gouvernement actuel, ce qui implique, selon Cueva, « la conquête d’un espace beaucoup plus large pour les expres-

sions culturelles nationales, parmi lesquelles on compte les œuvres audiovisuelles, dans l’économie, les moyens de communication et les autres domaines de la vie sociale dans lesquels le secteur public intervient »(2). Le projet est opportun et urgent et de toute évidence représentatif de l’énorme changement culturel dont le pays a besoin. Ce changement est mis en œuvre notamment par la conversion du CNCcine en institut de l’audiovisuel et la discussion d’une nouvelle Loi de Culture dans l’Assemblée nationale. Pour mettre en contexte la situation actuelle du cinéma et de l’audiovisuel en Équateur, il est indispensable d’évoquer quelques points historiques. Depuis les années 60 et jusqu’à 2006, au moins, cinq différentes dynamiques culturelles ont conditionné le cinéma et l’audiovisuel : premièrement, l'hégémonie de l’industrie culturelle nord-américaine ; deux14


ièmement, la propagande gouvernementale(3) ; troisièmement, le contrôle de la diffusion et de la distribution de l’audiovisuel, notamment à travers du monopole sur les salles de cinéma et les stations de télévision par certains groupes financiers ; quatrièmement, l’absence de législation appropriée pour réguler et fomenter le domaine audiovisuel jusqu’à l’approbation, en 2006, du fonds de soutien au cinéma(4) . Finalement, l’irrégularité de la production indépendante qui n’a pas été accompagnée d’une critique et d’une théorie consistantes et stimulantes.

tion audiovisuelle : les contenus étrangers restent en position de force dans les espaces de diffusion et de distribution, des espaces qui sont pour la plupart gérés par des entrepreneurs avec une vision commerciale et autoritaire, comme le montre le récent refus de distribution en salle du documentaire La muerte de Jaime Roldós (2013) de Lisandra Rivera et Manolo Sarmiento. Certains espaces et quelques manifestations culturelles alternatives se sont affirmés, comme le cinéma OCHOYMEDIO ou le Festival International de Cinéma Documentaire EDOC (Encuentros del Otro La comparaison entre la situation historique du Cine), mais il s’agit de rares exceptions qui confirment la règle. La télévision, pour sa cinéma en Équateur et la situation actuelle, part, a subi quelques changements avec la sept ans après la fondation du CNCcine, création de la télévision publique (ECTV) et montre que la production cinématographique est aujourd’hui solide et qu’elle continue la saisie de deux stations qui appartenaient à l’important groupe Isaías. Toutefois, ces d’augmenter. Le problème se pose lorsqu’on élargit l’horizon d’analyse au-delà de la produc- changements ne se sont pas traduits par 15


une amélioration significative de la qualité des contenus de programmation, ni par des mesures d’encouragement de la production télévisuelle nationale. À l’heure de nouveaux changements institutionnels(5) , il est donc indispensable de ranimer le débat sur le rôle crucial de l’audiovisuel dans le développement d’une société plus juste et plus solide culturellement. L’analyse historique montre la nécessité de mesures structurales afin que la production nationale, les films et les festivals puissent atteindre un éventail plus large de la société. La diffusion et la distribution sont sans aucun doute les principales faiblesses du modèle cinématographique équatorien, les éléments structuraux où il fallait que se produise le grand changement culturel. La télévision doit en même temps améliorer sa qualité.

La programmation de cette Troisième Semaine du Cinéma Équatorien montre bien que le cinéma est un véhicule de réflexion sur ces sujets ; nos images apportent par elles-mêmes un regard sur les nécessités sociales et culturelles de l’Équateur, ainsi que sur les sujets centraux du débat social : la politique, la mémoire, la diversité des formes d’expression culturelle et la violence. Cette édition s’ouvre avec El lugar donde se juntan los pólos (2004), réflexion de Juan Martín Cueva sur les utopies et les déceptions de la lutte révolutionnaire des années 60 et 70. Le film dépeint trois générations : la génération du réalisateur, la génération des parents et celle des enfants. Le récit est construit comme une lettre aux enfants à la recherche de réponses pendant ladite « longue nuit néolibérale ». Ce film constitue le prologue indispensable d’un ensemble de films plus récents qui 16


mettent en lumière les contradictions de la société équatorienne. En el nombre de la hija (2011), le dernier film de Tania Hermida, s’inscrit dans la même veine réflexive. Le récit du film, qui se déroule dans les années 70, est construite à partir du regard enfantin d’une petite fille sur un monde polarisé par les différences politiques entre les parents et les grands-parents.

Andrés Restrepo, deux jeunes hommes disparus pendant le gouvernement de León Febres Cordero, essaie de résoudre un casse-tête qui subsiste jusqu’à aujourd’hui.

La diversité des formes d’expression culturelle constitue l’un des sujets les plus récurrents dans l’histoire du cinéma équatorien, qui persiste dans la production récente. Más allá del mal (2010) de Miguel Alvear plonge dans les formes hybrides contempoLa thématique générationnelle dans sa dimen- raines de la culture populaire équatorienne, plus exactement du cine bajo tierra(6) . Le film sion politique est remise en question par Con a la particularité de mettre en scène un mi corazón en Yambo (2011) de María Fernanda Restrepo, un film qui revisite à cinéma en train de représenter un autre travers d’une narration subjective en voix off le cinéma, interrogeant ainsi les hiérarchies passé politique de l’Équateur, concrètement culturelles, les fondements politiques et les l’un des cas de violation des droits de l’homme principes narratifs du système cinémales plus connus et oubliés de la transition à la tographique. C’est un cinéma qui filme un démocratie, le Cas Restrepo. María Fernanda, cinéma souterrain, un cinéma de réalisateurs sœur cadette de Carlos Santiago et de Pedro armés de caméscopes amateurs qui créent 17


des récits épiques en marge des institutions, un pastiche iconographique du cinéma d’Hollywood, des films d’arts martiaux, du cinéma de Série B et du mélodrame « telenovelesque », déplaçant le global au local au cours d’une procédure « glocale »(7) . Face à cette production, le cinéma d’Alvear se présente comme un cinéma de la dissolution des frontières. Dans la même lignée de récit, ¿Quien es X. Moscoso? (2012) de Juan Rhon dépeint Xavier Moscoso, le neveu de l’ancien Président Galo Plaza. Le film est une traversée géographique et existentielle qui oscille entre le portrait de Moscoso et l’auto-mise en scène, ce qui contribue à créer un personnage unifié qui rappelle la figure mythologique du « chulla quiteño » et son sens de l’humour particulier.

Les codes narratifs et esthétiques de De cuando la muerte nos visitó (2002), film de Yanara Guaysamin, sont différents. De cuando la muerte... est une œuvre contemplative à la recherche de solutions pour surmonter la mort dans le quotidien d’une communauté de la Péninsule de Santa Elena. L’exploration des racines ancestrales a été toujours présente dans l’imaginaire des artistes et des écrivains équatoriens. Ce film constitue l’un des premiers passages de cette tradition artistique au cinéma. Finalement, Santa Elena en Bus (2013) de Gabriel Páez est un exemple de cinéma communautaire. Diverses communautés de la Province de Santa Elena reçoivent une formation cinématographique qui leur permet de réaliser un film collectif composé par quatre lignes narratives tirées des légendes populaires. L’esthétique du film laisse entrevoir, 18


d’une façon très spontanée, l’entrelacement de un travail de cinéma direct consistant et soutenu. l’ancestral et du contemporain. Deux films se différencient par leur contexte de production. Ils ont été produits soit par des réalisateurs équatoriens à l’étranger, soit par des réalisateurs étrangers en Équateur. Detrás de las colinas , de la réalisatrice équatorienne résidente en France Samanta Yépez, est un hommage aux paysans colombiens qui vivent un conflit long et sanglant de l’autre côté de la frontière. Le film s’articule autour des entretiens conduits par un groupe d’observateurs internationaux qui enquêtent sur les crimes d’État. Ángel (2006), film du réalisateur italien Sebastiano d’Ayala, constitue le portrait d’un ancien boxeur équatorien, devenu transsexuel et qui pratique la prostitution. Le film aborde les complexités de l’immigration, l’identité sexuelle et la lutte sacrifiée du protagoniste, et constitue 19

Mejor no hablar de ciertas cosas (2012) de Javier Andrade, film entièrement tourné dans la Province de Manabí, s’organise autour d’un cheval en porcelaine, objet fétiche et macguffin hitchcockien, pour plonger le spectateur dans les excès et les vicissitudes de la jeunesse urbaine équatorienne. Les personnages du premier long métrage de fiction d’Andrade appartiennent à la haute bourgeoisie équatorienne mais vivent des existences marginales. Portrait fidèle des sous-cultures urbaines, Mejor no hablar... parle de tout ce que nous voulions taire. Finalement, un film du prolifique réalisateur équatorien Sebastián Cordero sera présenté. Pescador (2012) de Sebastián Cordero raconte l’histoire d’un pêcheur qui


trouve des paquets de cocaïne sur la plage où il travaille et l’occasion inattendue de réaliser le rêve de partir de son village. Le long métrage essaie de nous mettre face aux plus dures réalités de la vie en Équateur, dans un retour thématique et esthétique du réalisateur à son premier film, Ratas, ratones, rateros (1999). Le cinéma équatorien est sans doute en train de s’affirmer, mais cet affermissement s’inscrit encore dans un contexte fragile et incertain. De la consolidation des structures existantes –et qui sont le résultant d’une longue période de transition– dépendra l’affirmation esthétique de notre cinéma, ce qui est, en fin de compte, l’aspect le plus essentiel du métier. Pour l’instant, cette Semaine montre des exemples d’un cinéma qui renaît, d’un cinéma qui sort de l’invisibilité pour devenir éventuellement la base d’un possible changement dans le pays.

(1) Enlace ciudadano nº 338, www.ecuadortv.ec . (2) Extrait d’un texte qui résume le projet de gestion du CNCine de Juan Martín Cueva qui a circulé sur les réseaux sociaux. (3) Entre 1959 et 1960, Gabriel Tramontana et sa maison de production Indústria Cinematográfica Equatoriana (« Industrie Cinématographique Équatorienne ») ont filmé les travaux publics du gouvernement de Camilo Ponce Enriquez. Après ce que l’on appelle le « boom pétrolier », des producteurs comme Cuesta Ordoñez, Rodrigo Granizo, José Corral, Empresa Granda, Cadena y Gallardo documentent les travaux publics du gouvernement de Rodríguez Lara (1972-1975). (4) Il convient de rappeler que l’urgence d’adopter des lois de régulation du cinéma commence avec la création de la corporation ASOCINE en 1977. En 1994, le Congrès National approuve un projet de Loi sur le cinéma qui devait donner naissance à l’Institut Équatorien de Cinématographie (IEC) e au Fonds National de Cinématographie (FONACINE). Ce fonds serait financé par une taxe sur le coût de la publicité commerciale télévisuelle. Le Président Rodrigo Borja a opposé son veto à ce projet (5) La discussion de la Loi de Culture, inaugurée en 2009, est à présent presque achevée. (6) « Cinéma sous terre » ou « cinéma souterrain », désignation d’un genre cinématographique équatorien qui combine des formes et des contenus de la culture populaire et du cinéma mainstream nord-américain et asiatique. Les films « sous terre » sont réalisés en dehors des centres urbains à partir d’un budget limité par des réalisateurs souvent autodidactes. Cette production cinématographique rencontre cependant un succès extraordinaire auprès le public équatorien. En 2009, Miguel Alvear et Christian León ont publié l’ouvrage « Ecuador bajo tierra, filmografías en circulación paralela » sur ce genre cinématographique. (7) Le concept de « glocalisation » a été développé par le sociologue Boaventura de Sousa Santos, qui soutient que tout globalisme est aussi un « localisme ».

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UN CINEMA DIFFERENT POUR UN PUBLIC CURIEUX Par Juan Martín CUEVA Directeur Exécutif CNCine De l’eau froide et de l’eau tiède. Pluie, sable, boue, terre. Le long et le court. L’ancien et le novateur. La fiction, le documentaire, l’hybride. La quiétude, le tumulte, l’inquiétude. Le beau et l’obscur, l’aride, le clair et l’opaque. Mémoire, souvenirs, le passé, l’avenir. Les présents multiples. Le numérique, l’argentique, la pellicule. Ce quti est entendu, ce qui est vu, ce qui est prédit, ce qui confond, ce qui se risque, ce qui se parie. L’histoire, l’Indien, le noir, l’incertain, l’ambigu. Les choses simples, les sujets complexes. Les voix : cris et chuchotements. Des mots. Ce dont on parle, ce qui est dit, ce qui se tait, ce qui est suggéré. Côte, jungle, montagne. Ce qui nous croyons être nôtre, ce qui paraît étranger, ce qui nous pousse, ce qui nous paralyse. L’horizon, les paysages, les visages, les gestes, la rire. Les pleurs. Le jeune, le nouveau, le rouge, le vert. Le noir, le blanc, les grises. Le lourd, le léger, l’humain. Ce qui nous

appartient tous, ce qui appartient à chacun, cqui vient de l’intérieur. Les espoirs, les frustrations, la rage, la colère, le triste, le doux. Tous les éclats, tous les contrastes, toutes les tonalités, toutes les textures, tous les échos. Ce qu’on narre, ce qu’on pense, ce qu’on sent. Les maisons, les rues, les fleuves, la plage. Famille, amis, partenaire, parents, la mort. Les voyages, les coïncidences, les enthousiasmes. Toutes les couleurs de l’Équateur se trouvent dans le torrent de son cinéma. C’est une petite rivière pas encore domptée. Ce sont des eaux avec des tourbillons, roches, rapides et vides. Il ne s’agit pas d’un lent lit calme, cette rivière n’est pas navigable sur tout son cours. Elle est sinueuse et capricieuse, et de là vient toute sa richesse, toute sa diversité, toute son imperfection, tout son caractère. C’est personnel, intime, hardi, artisanal, authentique, ambitieux, c’est cinéma équatorien. Il veut se montrer, il veut se mesurer, il veut grandir, il ne veut pas être

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Lorsqu’un cinéaste équatorien commence à filmer, lorsqu’un un scénariste équatorien s’assoit pour écrire ou qu’un producteur équatorien joue ses ressources dans un projet, ils ont l’ambition que leurs proposiLa troisième édition de la Semaine du Cinéma tions soient regardées non seulement par les spectateurs les plus proches d’eux, mais Équatorien de Paris présente, comme les éditions précédentes, une intéressante combi- aussi par des spectateurs d’autres cultures, d’autres horizons, avec des regards chargés naison de certains aspects du cinéma fait en de différentes histoires et qui donneront à ce moment en Équateur. L’ambition, partagée l’œuvre – toujours en construction, à chaque par le Conseil National de Cinéma, nouvelle projection, dans l’esprit de chaque l’Ambassade de l’Équateur à Paris et l’Association ARC, est de montrer des images spectateur – un nouveau souffle. Pour cette raison, pour le Conseil National de Cinémaen mouvement entre la netteté et le flou, des images qui arrivent à créer une idée – une idée tographie d’Équateur c’est un honneur, un plaisir et un devoir de soutenir ce genre différente selon la subjectivité de chaque spectateur qui s’approche – de la façon dont la d’initiatives qui approchent notre cinéma d’un public nouveau, interrogatif, exigent, et société équatorienne est construite, avec ses certitudes et tous ses doutes. Avec ses espoirs curieux de connaître les images produites et ses craintes. Avec ses subjectivités propres en Équateur. et l’espace objectif qui fait son chemin dans l’imaginaire et dans la carte du monde entier. formaté. C’est un cinéma qui bouge, qui se montre, qui est critiqué et apprécié grâce à des espaces comme la Semaine du Cinéma Équatorien de Paris.

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Cécile

Cécile Juan


« 8 janvier 1988. J’avais 10 ans. Mes parents étant absents, il était convenu que mes deux frères, âgés de 17 et 14 ans, viennent me chercher chez une amie en fin de journée. Mais ils ne sont jamais venus. Après une année d’incertitude et d’angoisse, nous avons appris qu’ils avaient été kidnappés, torturés et tués par la police équatorienne, sans raison. » La réalisatrice reconstruit ici son histoire familiale, menant une enquête dans laquelle se mellent les images d’archives et les témoignages. Un document engagé qui nous parle de la douleur de deux parents, de la dignité des victimes, de la violence politique et des revendications mémorielles du continent latino-américain tout entier.



Des observateurs internationaux se rendent en Colombie pour enquêter sur les crimes d’État. La réalisatrice les accompagne. Caméra à l’épaule, elle recueille la parole de celles et ceux qui témoignent de la mort de leurs proches. Leur fils, leur sœur, leur père ont été tués par l’armée qui présente les victimes comme des guérilléros morts au combat. « Ils n’étaient pas guérilléros, il n’y a pas eu de combat ». Ce film est habité par la dignité de ces paysans, la peur des représailles ne les empêche pas de dénoncer ces crimes. En s’accrochant à leur seule parole, ce documentaire rend hommage à leur courage.





Suite à l’échec commercial de son dernier film, un cinéaste se questionne sur le sens de faire des films dans un pays comme l’Équateur. Pour mettre fin à son désarroi, il démarre une enquête filmique qui le conduit à la Bahía de Guayaquil, où il découvre un cinéma équatorien dont il n’avait pas la moindre connaissance : des films d’arts martiaux, des mélodrames andins et des westerns équatoriens réalisés par des autodidactes avec des budgets dérisoires, mais dont les DVD piratés se vendent comme des petits pains sur les marchés.


Vivant depuis cinq ans à Paris, Angel, travesti équatorien de 36 ans, vient d’obtenir une carte de séjour. Nous sommes en décembre et Angel décide d’aller passer les fêtes de fin d’année dans sa famille à Guayaquil. En Équateur il fut boxeur, en France il se prostitue et envoie chaque mois de l’argent pour aider les siens, comme des millions d’émigrés. De retour dans l’humble maison qui abrite encore sa mère et ses jeunes frères et sœurs, Angel est confronté à de dures réalités : l’argent qu’il a envoyé a été dépensé mais pas investi. Conscient de la dureté de la vie dans les quartiers populaires de sa ville natale, Angel souffre mais ne juge personne. C’est qu’il connaît trop bien le jugement des autres, lui qui se bat depuis des années pour faire accepter son droit à la différence.


Esas no son penas raconte une journée dans la vie de cinq femmes de 30 ans, copines du lycée qui se rencontrent quatorze ans après. Marina vit un moment difficile, sa double vie amoureuse va bientôt la détruire. Tamara, sa petite sœur, a une vie très agitée, drogues et amant fortuits. Elena vit ses derniers jours de grossesse accompagnée de son enfant de 8 ans. Diana, mère célibataire d´une fille de 14 ans, mène une vie de solitude. La réunion se fait chez Alejandra qui auparavant était la leader du groupe. Au début la rencontre est froide et tendue mais peu à peu le passé refait surface. Cette réunion fera que chacune d’entre elles se questionne sur sa propre vie. Les situations quotidiennes sont le prétexte pour s’immerger dans l’inextricable univers féminin.


Deux hommes se rencontrent : le réalisateur, Juan, et son mentor, X. Moscoso, personnage aventureux issu d’une famille traditionnelle de la cordillère équatorienne, celle de l’ex président Galo Plaza Lasso. Les deux amis se retrouvent après dix ans de silence complice. Un voyage existentiel et une mauvaise nouvelle les conduisent à réfléchir sur leurs propres vies. Ils le font avec cet humour particulier des gens de Quito. Ils tissent un récit agile au gré d’un parcours dans quatre pays, où ils se confrontent à des multiples situations : depuis les répétitions d’un groupe indie à Hanoi à la visite du monument à George Washington aux Etats-Unis, ou bien encore la fête du Nouvel An dans une hacienda emblématique des hautes terres équatoriennes.


La vie de Paco Chávez est négligée et turbulente, secouée par les drogues et des amours compliquées. Lucía, son ancien amour du collège, est maintenant mariée à un autre homme, mais il continue de la fréquenter. Lors d’une nuit d’excès dans une maison luxueuse de Portoviejo, Paco et son frère reviennent à la maison familiale avec l’intention de voler un cheval de porcelaine pour le mettre en gage et s’acheter plus de drogue. Surpris par leur père qui leur fait face, s’en suit un conflit qui provoque la rupture des liens familiaux.





Un homme a pour mission d’assassiner son reflet. L´indecistion et la confusion le font douter mais il s’arme finalement de courage et accepte le duel. Cette action amène l’homme à un état de catharsis qui lui permet de réfléchir à sa récente perte.


Jeudi 24

Sin título

Cristina Mancero, Ecuador/Chile, 2006, 15 min.

Réalisation/Dirección: Alexandra Cuesta Photographie/Fotografía: Alexandra Cuesta Montage/Edición: Alexandra Cuesta Son/Sonido: Nicolas Fernández, Ben Huff

Production/Producción: N/A Festivals et prix/ Festivales y premios: Premio del Jurado a Mejor Cinematografía, Festival de Cine Ann Arbor, Estados Unidos, 2013. Festival de Cine Media City, Canadá, 2013.

Réalisation/Dirección: Cristina Mancero Scénario/Guión: Cristina Mancero Montage/Edición: Cristina Mancero

Des prises de vue contemplatives de lieux et de personnes dans le quartier de Boyle Heights, à Los Angeles, se mêlent à des images du poète Congolais Roger Nduku Mapakaulu qui récite, face à la caméra, un de ses poèmes. Ce court-métrage, tourné en 16 mm, est un exercice d’observation de l’environnement d’où ressort un léger sentiment de nostalgie.

Jeudi 24

Despedida

Alexandra Cuesta, Ecuador/Estados Unidos, 2013, 10 min.

Festivals et prix/ Festivales y premios: Prix Spécial du Jury et le Prix du Public au Festival de Cinéma Jeune de Rengo (Chili).

Un autoportrait intime qui aborde le processus d’adaptation de la cinéaste à un pays étranger qu’elle essaie de faire sien. Un exercice d’exhibition de la sphère privée pour traiter des thèmes universels de la solitude et de la nostalgie.

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AMBASSADE DE L’ÉQUATEUR EN FRANCE Carlos Játiva, Ambassadeur Ramiro Noriega, Chargé des Affaires Culturelles Pamela Jijón, assistance générale ARC ASSOCIATION RENCONTRES CULTURELLES Jorge Flores Santiago Rosero Samanta Yépez Programmation Jorge Flores Christophe Kenderian Samanta Yépez Communication et production éditoriale Santiago Rosero Jorge Flores Andrés Troya


Nous tenons à témoigner aux institutions françaises, espagnoles et équatoriennes, ainsi qu’à leurs responsables, notre profonde gratitude pour leur appui constant pour la préparation et la réalisation de la 3ème Semaine du Cinéma Équatorien. Leur engagement a permis que cette troisième édition voit le jour. En outre, sans l’aide de collaborateurs multiples, nos efforts n’auraient suffi à la faire exister de la même manière. Que soient ici remerciés :

Marion Hériveau









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