Le passé est dans le cœur. — Sandra ! Sandra ! Debout ma vieille ! J’ouvre doucement les yeux, je m’étire et regarde mon amie avec un grand sourire. — Je suis réveillée Flora. — Oui, je le vois, mais dis-moi comment tu peux dormir autant chaque jour ? — Ce n’est pas ma faute, mes rêves sont trop beaux comparés à notre vie. Mon sourire s’efface, et les larmes font scintiller mes yeux. — Eh ! Qu’est-ce que tu as ma chérie ? — Rien, rien ! C’est juste que je suis bien dans mes rêves. — Aller debout ! — Oui, chef ! — Au fait ! Bon anniversaire Sandra ! Dix minutes plus tard, nous sommes en route pour l’université. J’oublie de nouveau mon monde de rêve. Mais c’est sans savoir que le soir même tout mon univers va changer. Toute la journée, mes amis me souhaitent un joyeux anniversaire, je garde le sourire le plus possible. Mais aucun d’entre eux ne sait qu’il y a dix ans, ce même jour, j’ai perdu toute ma famille. Depuis, je n’apprécie plus autant mon anniversaire, mais je me suis promis qu’à l’université ce serait une nouvelle vie, dans laquelle j’allais sourire le plus possible et oublier le passé. Ce soir-là, en rentrant au dortoir, plusieurs surprises m’attendent. Mes amis m’ont préparé une fête et en plus un colis étrange, car sans nom inscrit dessus, est déposé sur mon lit. Curieuse, je profite d’être seule dans ma chambre pour l’ouvrir. Dedans se trouve un joli écrin et à l’intérieur un magnifique collier en argent avec au centre une jolie et énorme émeraude. Je le remets bien en place et cherche dans la boîte pour voir s’il n’y a pas une lettre ou au moins un mot qui l’accompagne. Mais non, rien. Je me pose plein de questions, mais comme on m’appelle déjà dans le couloir pour profiter de la fête, je remets tout dans le colis et le place en sécurité dans mon armoire. Je verrai plus tard si on ne s’est pas trompé de destinataire. — Allez Sandra, viens danser avec moi, me dit Ethan Ethan est un mec bien, mais pas du tout mon genre, trop fier et arrogant, du genre à être avec une fille pour la montrer aux autres, comme un objet. Et d’après Flora les mecs me trouvent pas mal, avec mes cheveux auburn et mes yeux vert émeraude. Je suis de petite taille, du coup ils ont sûrement l’impression qu’ils doivent me protéger, pfff… Alors du coup, je le regarde avec un léger sourire et je passe à côté de lui pour aller parler au nouveau de la classe. Celui que Flo et moi avions remarqué depuis une semaine. C’est mon anniversaire, autant profiter un peu de ce privilège pour faire connaissance. Il s’avère que James est quelqu’un de très sympa, j’espère qu’on deviendra amis. Après toute cette agitation, je rejoins mon lit, heureuse de pouvoir redevenir moi-même et de retrouver mes rêves. Ma tête touche à peine mon oreiller que je m’endors. Mais je me réveille deux heures après en nage. Mon rêve était si étrange, j’ai le souffle coupé et mon cœur bat trop vite. Mon grand-père, qui est mort avec mes parents, était dans mes songes. Il attendait ce jour avec impatience, le jour où j’aurais mes dix-huit ans et que mon héritage me reviendrait. Je ne comprends pas ce qu’il veut dire, je n’ai touché aucun héritage ! Mais tout d’un coup, je repense au colis, ça ne peut pas être cela, si ? Je vais rechercher le colis doucement pour ne pas réveiller Flora et je passe le collier autour de mon cou. Je ressens quelque chose de bizarre, comme des frissons qui se propagent sur tout le corps et puis je me sens bien. J’essaie de ne plus penser à mon rêve et me recouche pour être en forme demain en cours. Mais je me retrouve au même endroit, mon grand-père me regarde avec un sourire, s’approche de moi et me serre dans ses bras. Comme s’il savait qu’il m’avait fait flipper la première fois.
— Désolé ma puce, je ne voulais pas te faire peur. — Ce n’est rien, grand-père ! — Si, si ma puce, mais je n’ai pas beaucoup de temps pour tout t’expliquer. — M’expliquer quoi ? Attends, je ne comprends plus rien, vous êtes tous morts ! — Non, ma puce, mais laisse-moi le temps de te dire. Il te reste une semaine pour nous aider tous, tu dois savoir qui tu es pour cela. — Mais je sais qui je suis ! — Chut, nous sommes la dernière famille de druides de notre monde. Nous sommes les derniers gardiens de la magie de la terre. Mais comme l’histoire peut le raconter, la magie a toujours posé un problème à certaines personnes. Et ces personnes nous ont retrouvés le jour de tes 8 ans. Il faut savoir que nous avons une semaine à dater du jour de ton anniversaire pour faire un rituel que nous répétons tous les dix ans. Comme il y a dix ans cette année, tu vas devoir le faire seule. Tu te souviens du cercle de pierres et d’arbres dans notre domaine ? Je ne sais pas quoi dire mais je m’en souviens, donc je lui confirme en hochant la tête. — Bien ! C’est là que tu dois aller, tu devras réciter un texte et te concentrer sur nous, ça ouvrira en même temps la porte sur notre monde. — Quoi ? Je ne comprends pas ! — Ce lieu est spécial, avec le rituel que nous faisons tous les dix ans nous alignons les mondes parallèles qui sont la réplique du nôtre mais à différentes époques. Et en les alignant au nôtre nous équilibrons par la même occasion le chant de la magie. Car beaucoup de ces mondes ne possèdent plus de gardiens, de druides, de mages ou de sorcières. Nous sommes la dernière famille à pouvoir continuer cela. — Mais comme je te le disais, nous avons été interrompus et poussés dans le vortex temporel. Nous sommes tous les trois en vie et tu es la seule à pouvoir nous aider à revenir. Je me sens perdue, mais en même temps j’ai envie de les aider, je veux revoir ma famille. Est-ce possible ou n’est-ce encore qu’un rêve ? Alors je demande : — Qu’est-ce que je dois faire ? — Bien ma puce, je te l’ai dit, tu dois retourner avant la fin de la semaine au cercle et réciter la formule en pensant très fort à nous. Nous ferons le reste ! Je me réveille en sursaut car la radio de mon réveil s’est mise en route pour me dire qu’il est l’heure des cours. Je suis perdue, mon rêve était tellement réel, dois-je y croire ? Flora entre dans la chambre et me regarde bizarrement. — Tu n’es pas encore prête ? — Si, si, laisse-moi juste deux minutes. Toute la journée, je suis dans mes pensées, les amis s’inquiètent mais je leur dis que tout va bien. Flora me prend par le bras et nous retournons au dortoir, nous n’avons pas fait cent mètres que j’ai l’impression d’être suivie. Je me dis que c’est mon imagination, mais Flo me dit d’accélérer, nous finissons par courir au lieu de marcher. Arrivées aux portes du bâtiment, je me retourne pour voir qui c’était, mais je n’aperçois que son dos car il part par une autre rue. — Que nous sommes bêtes, il devait sûrement faire le même trajet que nous, tout simplement ! Me dit Flo Par contre, moi j’ai l’impression que c’était bien nous qu’il suivait, enfin plutôt moi, mais pourquoi ? J’essaie d’oublier les évènements de la journée et me concentre sur mes révisions, mais rien n’y fait, je revois mon rêve et l’homme qui nous suit. J’ai les nerfs en pelote et me décide à aller dormir tôt. À peine endormie, mon rêve refait surface. — Tu ne m’as pas cru ma puce ! Bien sûr que non ! Dix ans sans nous et puis tu me retrouves dans tes rêves. Demain, tu auras une preuve. Mais sache que nos rêves sont spéciaux pour nous. Nous avons la possibilité de voyager dans différentes époques par nos rêves. C’est ce que tu fais régulièrement ma
puce. Mais ce n’est que ton esprit, tu ne peux rien y faire à part y voyager. Je vais arrêter là pour ce soir, ma puce. Puis il s’en va et le reste de ma nuit se passe normalement. Je me lève juste avant que le réveil sonne et nous partons en avance aux cours. Je n’ai pas dit à Flo que c’est pour éviter que le mec nous suive. Mais il est déjà là, je le sens quand nous arrivons au coin de la rue. J’accélère le pas. — Mais qu’est-ce que tu fais, Sandra ? — Moi, rien pourquoi ? — Tu nous fais marcher bien trop vite, en plus nous sommes parties plus tôt donc nous ne serons pas en retard. Veux-tu bien m’expliquer ce qui se passe depuis quelques jours ? — D’accord, mais pas ici, quand nous serons à l’intérieur. Nous arrivons enfin et décidons d’aller à la cafétéria pour prendre un café et discuter avant les cours, je lui raconte tout, mes rêves, l’homme qui nous suit. Elle me regarde bizarrement pendant un moment. — D’accord, je te crois. On fait quoi maintenant ? On prévient les flics ? — Non, que veux-tu que je leur dise ? J'attends la preuve que grand-père m’a promis et puis je prendrais l’avion pour le week-end. Heureusement que c’est un long, comme ça je ne manquerai pas de cours. La journée de cours s’achève, je rejoins les garçons et Flo car nous avons demandé à ce qu’ils nous raccompagnent en voiture. C’était le moyen le plus simple pour qu’on ne nous suive pas. À peine arrivées dans le couloir que Madame Eléanore m’appelle car elle a reçu un colis pour moi. Après l’avoir remerciée, je cours presque jusqu’à la chambre pour l’ouvrir. À l'intérieur je trouve plein de petits cahiers et un gros livre. Le grimoire de la famille Milor. Le grimoire de ma famille ! J’en reste bouche bée, Flo, à côté de moi, prend quelques carnets et les feuillette. — Regarde Sandra, ce sont des journaux intimes de ta famille. Ils expliquent ce qu’ils font pendant certains jours de l’année, d’après ce que je viens de voir. Nous passons le reste de la soirée à lire ces journaux, et à chaque page je découvre qui étaient vraiment les membres de ma famille. Je me sens encore plus seule car j’ai l’impression que l’on m’avait mise de côté. Flo s’est endormie, je décide d’ouvrir le grimoire. Il est impressionnant, je ne comprends pas tout car certains passages sont écrits dans une langue étrange. J’arrive jusqu’à une page où une lettre a été glissée. En l’ouvrant, je reconnais l’écriture de mon père. « Ma chérie, si tu lis ce message, c’est qu’il s’est passé quelque chose et que ta mère et moi ne sommes plus auprès de toi pour le moment. J’espère pouvoir t’affirmer que tu nous reverras. Mais pour cela il faudra que tu accomplisses ce rituel. Normalement, à tes dix-huit anss quand ton pouvoir sera réveillés ton grand-père pourra prendre contact avec toi. Sache que nous t’aimons ! » Je décide de commander les billets, je n’ai plus une minute à perdre si je veux les revoir. Quelques heures plus tard, nous sommes en route pour la maison, celle où je ne suis plus allée depuis presque dix ans. Dans nos recherches d’hier, j’ai vu ce qu’il me fallait et je sais où trouver cela dans la maison. Trois heures d’avion et vingt-cinq minutes de taxi plus tard, nous sommes enfin devant la demeure familiale. J’ai un petit pincement au cœur, mais nous devons tout préparer pour ce soir minuit. À 21h, nous nous dirigeons doucement vers le cercle qui ne se trouve pas tout près, nous en avons au moins pour quarante-cinq minutes de marche. Arrivées enfin à destination, je ressens des vibrations, je prends une respiration, j’ouvre le grimoire et je place les éléments comme ils doivent l’être. Je me place au centre avec le grimoire et j’attends l’heure. Flora et moi, nous n’osons plus parler, nous nous regardons, puis nos montres, je sursaute à chaque bruit. Je me répète les phrases dans ma tête, j’ai tellement peur de ne pas faire correctement. Il reste deux minutes avant que je débute le rituel. Je prends une grande respiration et je commence à réciter à haute voix. Mais tout d’un coup, j'entends plein de bruit dans la forêt, il y a des étincelles comme des petits éclairs qui vont dans tous les sens. J’essaie de me concentrer et de continuer ce que je fais, je pense fort à ma famille. Un portail s’ouvre
enfin devant moi et je vois plusieurs anneaux s'aligner l’un après l’autre. J’entraperçois quelques images, puis un autre cercle se place devant et ainsi de suite, pendant quelques minutes peut-être. Puis je les vois enfin, ma famille, mes larmes coulent mais je continue à réciter les phrases. Le cercle s’agrandit, je les vois presque venir jusqu’à moi et puis je me fais pousser dans le cercle. J'entends Flora crier. J'atterris aux pieds de ma famille sans rien comprendre à ce qui vient de se produire. — Qu’est ce qui s’est passé ? Je regarde autour de moi. — À quelle époque sommes-nous ? — Ils t’ont envoyée ici avec nous car dans ce monde nous nous trouvons à une époque sans magie. Ils pensent avoir gagné. Mais ne t’inquiète pas ! Nous sommes tous réunis et avec ton médaillon et ton pouvoir, nous allons y retourner. Une famille de trois générations a un pouvoir qu’ils ne peuvent même pas imaginer. — Viens te placer entre tes parents et moi ma puce. Je fais ce que mon grand-père me dit sans rien objecter car je suis encore perdue et je veux juste que tout cela soit fini et qu’on rentre à la maison. Moi, je n’ai jamais prévu d’être autre chose que ce que je suis, et encore moins de voyager dans le temps ou l’espace. Enfin peu importe comment appellent cela mes parents, moi je veux rentrer. — Bien ! Tu répètes après nous ma puce et tu penses très fort à la maison. Je hoche la tête et, ô joie, je vois le portail revenir et de nouveau les mondes qui s’alignent. Et, horreur, Flora qui est attachée à l’un des arbres autour du cercle de pierres. Et un salopard qui lui donne une gifle, je ne réfléchis plus et, dès que le cercle est assez grand, je plonge pour aider mon amie. Heureusement, ma famille fait pareil et nous nous retrouvons tous dans notre domaine entourés par cinq personnes qui ne me m’inspirent aucunement confiance. Je n’ai pas le temps d’agir qu’un vent terrible se forme et balaye le cercle, envoyant ainsi par la même occasion tous ces hommes dans le portail qui se referme juste après eux. Je prends Flo dans mes bras, tout en pleurant. — Ça va Sandra, je n’ai rien ! Vous êtes revenus au bon moment, mais qu’est-ce que j’ai eu peur de t’avoir perdue ! Ne me refais jamais cela, tu m’entends ? — Oui, oui Flora, ne t’inquiète pas. Et nous pleurons toutes les deux. Maman vient près de nous et nous prend dans ses bras. Je me retourne et regarde ma famille, je n’en crois pas mes yeux. Ils sont vraiment là et en vie. — C’était vous pour le vent hein ? Ma famille me regarde avec un grand sourire sans rien ajouter. Mais je sais que c’était eux. Tout compte fait, ce n’est pas mal d’être un druide, excepté le voyage dans le temps. Si ce n’est en rêve car là je les adore. Je pourrais consulter le reste du grimoire pour en apprendre plus sur nous et sur les mondes qui nous entourent.