Marie-Antoinette et la mode au siècle des lumières
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Marie-Antoinette et la mode Aucune reine n’a été aussi populaire et décriée que Marie-Antoinette, l’épouse du roi Louis XVI et dernière reine de France. « Ce nom symbolise à lui seul les fastes de la cour de Versailles, les
grâces du Trianon et l’incroyable destin d’une jeune femme précipitée des marches du trône à celles de l’échafaud ». Marie Antoinette était une femme moderne pour son époque qui refusait l’étiquette stricte de la cour de Versailles. Elle aimait la décoration, l’ameublement, la musique, le théâtre, les livres et a su donner le « la » en matière de mode. Elle marqua Versailles de son empreinte. Dans le domaine de la mode, sa position aura fait d’elle « le mannequin le plus en vue du royaume » et l’opinion l’aura rendu responsable des excentricités coûteuses. Au début du règne de Louis XVI, les extravagances de la mode font le bonheur des caricaturistes, en particulier les coiffures. Souvent accusée d’être à l’origine de ces folies, Marie Antoinette ne faisait que suivre les tendances. Le comte de Mercy-Argenteau aurait rapporté « Il est vrai que la parure en plumes
est portée à une sorte d’excès, mais la reine ne fait en cela que suivre une mode qui est devenue générale. » Ci-dessous une vue détaillée de sa garde robe et son influence dans la mode du 18 ème siècle. Trois styles de Robe A son arrivée en France, en mai 1770, on lui retire tout ce qui l’a rattache à ses origines autrichiennes, elle abandonne ses femmes de compagnies et on lui ôte ses vêtements pour vêtir ceux de la cour de France, « plus sophistiqués ». Les costumes étant la première manifestation de la hiérarchie, elle se soit de porter des vêtements de son rang.
1 – La Dauphine Marie-Antoinette 1770
2 – L’arrivée en France de M-A mai 1770. Scène extraite du film de Sofia Coppola. La robe est inspirée d’un tableau de M-A, voir ci-contre.
Marie-Antoinette se prend de passion pour la mode et l’utilisera pour s’imposer avec l’aide de Rose Bertin, sa modiste. Elle commande pour l’hiver douze grands habits, douze petites robes de fantaisie, douze robes riches sur panier. Il en va de même pour l’été. Chaque année les tenues sont réformées.
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L’habit de cours - La robe à la française et les plis dits « Watteau » Jusqu'à la Révolution la robe de cérémonie, de théâtre, de bal ou de Cour était la robe à la française c’est-à-dire une robe à paniers, dérivée de la robe battante (robe de chambre du baroque). Cette robe se caractérisait par une double série de plis plats dans le dos prolongés au sol par une traîne. Ces plis sont nommés Watteau en l’honneur de l’artiste Antoine Watteau véritable admirateur de la robe à la française et qui réalisa de nombreuses œuvres la représentant. Sous cette robe se cache un nombre impressionnant de dessous qui soulignent les formes : la chemise de corps, les paniers, le jupon de dessous, le jupon du dessus, le corps à baleines. Le corps à baleines, porté sur la chemise à cause de la transpiration, est rigidifié à l’avant par un busc et serré par un système de laçage à l’arrière, le buste prend la forme d’un triangle posé sur la pointe. Le panier était une espèce de moule composé de cercles ou de cerceaux en baleine en jonc ou en bois légers, rattachés ensembles par des rubans.
D’abord en forme de cloche à la Régence, le panier adopte progressivement une forme ovale, prenant de l’ampleur sur les côtés. Vers 1750, le panier est divisé en 2, et il est porté alors deux petits paniers attachés de part et d’autre de la taille. On parle de « paniers à coudes », leur envergure permettait d’y appuyer les bras. Schéma paniers à coudes
La robe à la française est composée donc d’un manteau, d’une jupe, d’une pièce d’estomac de brocart décoré ou brodé avec collerette fraisée ou de dentelle. Ces trois éléments sont séparables et peuvent être coordonnés : on les coud ensemble après les avoir enfilés. Les manches de la robe à la française s’arrêtent toujours au coude et sont généralement en pagode (s’ouvrant en entonnoir) pour laisser dépasser les engageantes, des manchettes de deux ou trois volants de dentelle ou de mousseline. Robe à la française environ 1780-1785, en soie brochée garnie de dentelle, de gaze et de fleurs de soie
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Marie-Antoinette en grand habit de cour par Jean-Baptiste Gautier Dagoty, 1775
La première phase du règne de Louis XVI est alors marquée par l’influence des costumes de théâtre et l’excès du luxe, de la frivolité et de l’extravagance. Les paniers des robes prennent alors une ampleur impressionnante ( de 4 à 5 mètres de tour), les robes sont couvertes de nœuds, de coques, de bouquets de fleurs et de fruits, de bouillons de gaze cousus en long, en large, en travers, en guirlandes, sans compter les falbalas de toutes sortes, les rangs de perles et de pierreries, elles s’accompagnent de hautes coiffures. Marie-Antoinette prend alors la tête de ce mouvement. C’est une princesse féminine, révoltée contre l’étiquette qui cherche à combler le vide de son existence par des distractions innocentes et qui est fascinée par le talent de sa marchande de mode. Toutefois ce luxe extravagant était réservé à la Cour et aux grandes cérémonies. Marie-Antoinette en grand habit de cour par Elisabeth VIGEE LE BRUN -1755 M-A est vêtue d'une superbe robe de cour à panier en satin blanc et d'une traîne fleurdélisée.
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La robe à la polonaise
Mais pour la toilette quotidienne, sera préférée une robe à la polonaise. A cette époque, en mode, il était coutume de faire référence à l’actualité politique ou tout évènement marquant. La robe à la polonaise se caractérise par trois pans qui sont une métaphore du démembrement de la Pologne, celle-ci en 1772 fut dépecée en trois provinces distinctes l’Autriche, la Prusse, la Russie. Ce fut un événement qui marqua profondément les esprits en France.
Marie-Antoinette lance la mode de la robe à la polonaise en 1775 c'est pourquoi elle est aussi surnommée robe "à la reine". Elle devient vite le tenue habituelle des élégantes, à la place de la robe à la française. C’est une robe plus courte qui dégage les chevilles et dessine une silhouette féminine plus alerte et dynamique. Les paniers sont réduits, le corsage est assoupli, c’est le début d’une mode plus Costume de Kirsten Dunst inspiré d’une robe à la polonaise dans le film, Marie-Antoinette de Sofia Coppola, 2006
respectueuse du corps.
Contrairement à la robe à la française, elle n'est constituée que de deux pièces : le manteau (la robe de dessus) et une robe, au sens moderne du terme, c’est-à-dire que la jupe et le corsage sont assemblés par une couture.
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De nombreux détails modernisent la silhouette: - le haut du manteau, moulant le buste, s'agrafe en haut du corsage. Le point d'attache est masqué par un nœud de ruban, baptisé le "parfait contentement"; -des bouillons de gaze sont fixés directement sur les manches. On les appelle les "petits bonshommes"; -à l'arrière et sur les côtés, le manteau est relevé en trois pans arrondis, qui laissent apparaître la jupe. Les deux pans des côtés forment "les ailes" ; celui de l'arrière, le plus long, '"la queue" ; -des cordons coulissants (souvent agrémentés de glands décoratifs) permettent de relever ou d'abaisser ces pans à volonté, faisant de la polonaise une robe à géométrie variable ; -les manches "en sabot" : galbant le bras, emboitent le coude pour s'arrêter juste au dessous ; -le corsage appelé "soubreveste", est ajusté et cousu à la jupe. Un corps au baleinage allégé, aux coutures incurvées épousant la forme du buste, est porté par dessous ; -la jupe, de forme ronde, est garnie, en bas, d'un large volant qui révèle et souligne les chevilles. -les paniers arrondis, appelés les "considérations" , sont beaucoup plus réduits que les paniers à coudes de la robe à la française. C’est une robe qui fut très en vogue car elle fut source de toutes sortes de fantaisies comme par exemple en 1778 la robe polonaise à la Jeanne d’Arc, robe de forme inconvenante qui laissait voir toute la poitrine.
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La robe de gaulle
Vers le début des années 1780, elle délaisse les tenues formelles et les coiffures compliquées. En effet, dans le Petit Trianon où elle se fait aménager en 1782 un hameau d’agrément avec une vraie petite ferme, elle y oublie l’étiquette rigoureuse de Versailles et rêve de liberté dans des tenues encore plus légères. Mais elle fut vivement critiquée quand elle s’habilla avec une robe de « gaulle », sorte de robe qui s’apparente à un déshabillé et qui était la tenue estivale à la mode dans les années 1780. Ainsi son portrait en tenue de « gaulle » par Elisabeth Louise Vigée Lebrun en 1783 fit scandale, une reine ne pouvait paraitre vêtue de si peu d’atours. On craignait de plus, qu’avec cette mode, on ne ruinait les soyeux lyonnais.
Marie-Antoinette, en robe de gaulle, par EL Vigée Lebrun, 1783 En effet, il s’agissait là d’une robe de linon, percale ou mousseline blanche, à la mode des créoles, Elle tombait droit avec un haut falbala au bas de la jupe. Elle se caractérisait d’un décolleté rond bouffant sur le devant du corsage, de manches, généralement trois quart, bouffantes également. Elle était retenue à la taille par un ruban, sorte de pignon et portée avec un grand chapeau de paille orné de voile de mousseline, de rubans, de fleurs. Cette robe chemise était également appelée « Chemise à la Reine », « chemise à l’enfant ».
Portrait d'André Lavoisier et de son épouse en robe de gaulle par JL David, 1788
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La robe à l’anglaise La cour française était copiée dans toutes les cours européennes mais elle restait ouverte aux influences étrangères, particulièrement celles de l’Angleterre, avec des coupes plus confortables et simples, des matières employées également beaucoup plus sobres. Cette influence anglaise s’accompagnait du mouvement rousseauiste qui prônait le retour à la nature, à la simplicité. On la porte pour se promener, pour « tronchiner », puis cette mode s’imposera partout. Les corps à baleines sont remplacés par des corsets plus souples. Il eut d’ailleurs tout un débat philosophique et médical sur ce point.
Les différences de dos entre une robe à l'anglaise à gauche et une robe à la Française à droite
Les paniers des robes, de plus en plus petits, adoptent une nouvelle forme, nommé « le cul » qui est une sorte de coussin porté à la taille, puis finissent par ne plus être portés.
Ce qui caractérise cette robe c’est qu’entre les reins vient s'insérer la pointe du corsage, cela donne un aspect particulièrement cambré, son ampleur est donnée par la présence de nombreux petits plis, elle est ouverte sur le devant laissant entrevoir la jupe qui tient elle aussi son ampleur de dizaine de petits plis. La robe à l'Anglaise se compose généralement du manteau, il s’agit en fait d'une robe de dessus, et d'un jupon qui peut laisser voir les chevilles. Le corsage du manteau très ajusté contraste avec l’ampleur de la jupe qui termine par une légère traîne, cela met en valeur l'étroitesse du buste et la rondeur des hanches. Le décolleté, large et profond, de forme carrée, se superpose à celui du corset aussi pour des raisons de commodité ou de décence, on posait sur les épaule un fichu de gaze transparente ou de fine cotonnade brodée, il était croisé devant et noué dans le dos, ou bien enfoncé dans le décolleté. C'est « le fichu menteur », qui laissait imaginer bien des choses. La fermeture de la robe se fait sur le devant par des lacets ou des compères. Ce système a été appliqué à la robe à l'anglaise en donnant une forme originale. Le devant de la robe prend en effet l'aspect soit d’une pièce d’estomac cousue sur un coté et garnie de rubans, broderies ou d'un gilet que se boutonne ou s'agrafe et dont les pans descendent légèrement sur le devant du jupon. Ce type de montage donnera les robes redingotes.
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On retrouve des manches étroites, longues ou mi longues. Au bout de la manche se trouve une garniture de lingerie fine, « les engageantes », simples, doubles ou même triples, ce sont des volants de dentelle froncée, de batiste ou de linon brodé. Ils sont montés sur un petit poignet et cousus à grands points à l'intérieur de la manche, de façon à pouvoir être aisément changés. La dentelle qui est encore une garniture luxueuse se porte toujours à l'extérieur. Le jupon peut être du même tissu ou non que le manteau, par exemple un jupon uni sous un manteau à motifs, ou bien un jupon en batiste ou coton piqué sous un manteau en taffetas. Pour la décoration du jupon, on peut retrouver soit au bout un volant assez large monté avec une tête et bordé d'une fine dentelle, soit plusieurs rangs de falbalas eux-mêmes bordés de dentelle ou de passementerie extrêmement fine au nom parfois évocateur, tels les « sourcil de hanneton »... . Cette décoration rejoint en fait celle du manteau. Des falbalas couraient également le long du décolleté, parfois le long du buste et se prolongeaient en ligne droites ou ondulées le long des bords antérieurs du manteau.
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Une offre vestimentaire qui se diversifie
S’inspirant des modèles cités ci-dessus, le vestiaire féminin au 18 ème siècle était très diversifié, et connu une profonde mutation, on pouvait y trouver des robes à la circasienne, à la turque, des caracos. Mais surtout aussi, une touche masculine s’introduisit dans le costume féminin grâce aux robes en redingote qui avaient des revers de parements, un double collet et des boutons de métal. On y ajoutait la cravate, le jabot, et sur les poches du gilet pendaient des montres avec leurs breloques. Apparurent aussi les vestes à la marinière et aux pierrots c’étaient des petits justaucorps décolletés et fermés à la gorge, très ouverts par le bas munis de manches plates à parements et de basques retroussées avec des garnitures de boutons. Marie-Antoine en robe redingote 1778, par Jean-Baptiste André Gautier-Dagoty
De gauche à droite, robe à la circacienne (1796), robe à l'anglaise (1789), déshabillé en caraco (1788)
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Les coiffures Les coiffures comme les robes sont au cœur des préoccupations des dames, elles changeaient constamment. Il est rapporté que les coiffures prenaient alors de telles proportions que les dames dans les voitures étaient obligées de s’agenouiller et qu’elles étaient exclues de l’Opéra car elles bouchaient la vue aux spectateurs. D’abords c’est un coussin de crin qui servait de base à la coiffure, on utilisait une quantité impressionnante d’épingles, de pommades, de poudres saturées d’aromates. On inventa le grattoir afin de soulager les démangeaisons. Les cheveux sont relevés et crêpés devant et frisés aux pointes, derrière, on retrouve plusieurs rangées de grosses boucles. A cela était ajouté un genre de bonnet composé de rubans, de plumes. On en compte plus de 200 sortes. Les plumes avaient énormément de succès, on inventa la coiffure à la Minerve : 10 plumes d’autruche mouchetées d’yeux de paon sur une coiffure de velours noir toutes brodées de paillettes d’or.
Puis le coiffeur Léonard Autier remplace les bonnets par les poufs, se sont des plis brisés d’une pièce de gaze introduite entre des mèches de cheveux. Il était capable d’employer dans une seule coiffure quatorze aunes de gaze. En fonction des goûts, il charge les poufs avec des fleurs, des fruits, des légumes, d’oiseaux empaillés, de petites poupées etc. On parle alors de « Pouf au sentiment ». Devenant, le coiffeur de la reine, Marie-Antoinette lui demande de continuer à exercer son art sur les autres femmes afin qu’il ne perde pas la main. Marie-Antoinette, reine de France, en robe de Cour garnie de perles, de guirlandes et de glands, avec manteau violet orne de fleurs de lys d'or, coiffée de perles, fleurs, aigrettes, épingles à diamant
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Lui et Melle Bertin, la ministre des modes de Marie-Antoinette imposaient alors des coiffures extraordinaires et magnifiques comme : la coiffure à la dauphine dans laquelle les cheveux étaient relevés et roulés en boucles qui descendaient sur le cou ; la coiffure à la monte-au-ciel, remarquable par son élévation pyramidale ; la coiffure loge d’opéra qui donnait à la figure d’une femme soixantedouze pouces de hauteur depuis le bas du menton, jusqu’au sommet de la figure et qui divisait la chevelure en plusieurs zones, chacune ornée et agencée d’une manière différente, mais toujours avec un accompagnement de trois grandes plumes
attachées au côté gauche de la tête dans un nœud de ruban rose chargé d’un gros rubis ; la coiffure à la quesaco avec trois plumes derrière la tête ; ou encore les coiffures au Colisée, à la Sylphide, au Hérisson, au Parterre galant, à la Belle-Poule, avec gréements, cordages et frégate miniature, du nom du vaisseau lancé par Louis XVI
Toutes ces coiffures feront le régal des caricaturistes.
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Une passion pour les Bijoux Le XVIII ème siècle est marqué également par le triomphe de la joaillerie, la France prédominante ici aussi. C’est le règne du diamant, mais avec l’arrivée du strass, les bijoux ne sont plus seulement restreints aux cercles des fortunés. Les matériaux utilisés sont : rubis, saphirs, topazes, grenats (début 18e siècle), diamants, souvent remplacés par des topazes blanches (au milieu du siècle), chrysobéryls jaunes (à la fin du siècle). Les compositions sont multicolores et avec le thème du naturalisme émergent les motifs suivants : fleurs, insectes, oiseaux... Les fleurs étaient un des thèmes les plus Boucles d’oreilles, XVIIIe siècle, France populaires de la joaillerie européenne dans la seconde moitié du 18e siècle. Des ornements de corsage avec ce type de motif étaient réalisés mesurant parfois plus de 20 cm de longueur ! Les bijoux les plus caractéristiques de cette période étaient les broches, boucles d'oreilles en girandole, châtelaine, boucle de soulier, bagues avec de multiples pierres. Marie-Antoinette avait la passion des bijoux. Jeune reine, elle demandait à son époux de couvrir ses dépenses comme par exemple en 1775 une paire de girandoles, boucles d'oreilles en diamant d’une valeur de 460 000 livres payé avec un crédit de 4ans. A la Cour, on s’extasiait sur les boucles en diamants, ses tenues couvertes de pierres précieuses, les bracelets, les ceintures. A partir de 1780, elle ne porte des parures qu’à l’occasion de bal ou grandes cérémonies. Marie-Antoinette par FH Drouais
Elle aimait infiniment les bijoux dans lesquels elle pouvait y mettre des portraits ou des mèches de cheveux de ses êtres chers. Louis-Charles de France, duc de Normandie, dauphin en 1789 médaillon miniature sur ivoire, orné de perles baroques ;au verso, une mèche de cheveux du Dauphin est collée sur un cœur de nacre.
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Souliers et Accessoires
Les souliers Au cours du XVIIIe siècle, les chaussures représentaient l’une des pièces les plus raffinées de l’habillement. D’abord hauts, les talons à l’égal de la coiffure prirent de la hauteur. L’extrémité des chaussures était ronde ou pointue. Les talons épais montraient une forme incurvée chez la haute classe, ils étaient placés sous la voûte plantaire, Pour palier à un équilibre précaire pour la marche, les coquettes utilisaient en 1786 la canne féminine. Les talons pouvaient être incrustés de brillants, appelés « venez-y voir ».
Souliers fermés par des boucles d'or ou d'acier à facette
Les souliers pouvaient être en cuir blanc brodé ou en soieries précieuses avec des boucles rondes ou carrés, d’argent, d’acier ou de strass. Le soulier était porté pour des tenues plus habillées et le prix pouvait égaler celui des bijoux.
Vers la fin du siècle, on retrouvera des lignes plus simples, le talon redescend et devient plus fin. Les boucles sont remplacées par un bouillonné de tissus bordant l’empeigne et assorti au tissus des robes. Il y a aussi des mules avec un talon plus ou moins bas pour l’appartement, avec une empreigne de cuir blanc, de velours ou de soie, et souvent brodée.
On commandait de nombreuses chaussures pour la Reine. Elle en possédait 500 paires et avait un domestique qui se dédiait exclusivement à l’entretien de ses chaussures. Et encore de nos jours ses souliers font rêver certains collectionneurs. En effet en 2012, l’une de ses paires fut vendue aux enchères à l’hôtel Drouot, à Paris, des chaussures de soie rose et vert de MarieAntoinette ont été adjugées 50 000 euros (62 460 euros avec les frais). Voir ci-contre.
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L’Eventail Marie-Antoinette avait souvent un éventail en public, c’était un accessoire de mode. Mais il lui permettait aussi de cacher son ennui, son énervement ou sa détresse. De nombreux éventails lui appartenant ont été retrouvés, elle en recevait et en distribuait. Le 18 ème siècle fut l’âge d’or de l’éventail, d’abord fixe il est remplacé progressivement par l’éventail pliable. Il était souvent de type baroque. La monture était en ivoire ou en nacre et les feuilles en peau étaient Extrait d'une scène du film, Marie-Antoinette, de Sofia Coppola
peintes avec des décorations chargées dorées.
Les éventails en dentelle étaient également très populaires Plus tard, on utilisera la soie (moins coûteuse) pour les feuilles ou le papier "serpente" des éventails ordinaires, On y représentait des scènes pastorales ou romantiques. L'industrialisation de l’éventail commence alors, avec l'amélioration des procédés de pliage de la feuille, avec le développement des éventails imprimés, avec leur utilisation comme support de chansons, musique, et à la fin du 18 ème, de propagande politique. En France, durant le dernier quart du 18ème siècle, de nombreux éventails ont représenté la reine Marie-Antoinette.ne Marie-Antoinette et ses suivantes
Eventail mettant en scène Marie-Antoinette et ses suivantes sur le chemin du domaine de Trianon
Les Ombrelles Les ombrelles du 18e siècle étaient de petit diamètre, malgré les coiffures extravagantes. Fermées, elles étaient portées le manche en bas et leur très long mat pouvait servir de canne. Souvent de couleur verte afin de ne pas laisser paraître un teint rougeaud, elles étaient ornées des franges ou de dentelles. A partir de 1789, elles sont plus courtes et portées la pointe vers le haut. En 1796, sera rajoutée une dragonne à la poignée. Ombrelles 18 ème siècle
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Le fichu Il s’agit d’un tissu ayant la forme d’un triangle ou carré plié en triangle, en soie ou coton pour se couvrir les épaules. « Le fichu menteur » était l’appellation de ce voile en mousseline qui faisait mousser le décolleté. Il cachait et faisait deviner des rondeurs plus volumineuses qu’en réalité, c’est pourquoi on le disait menteur. Portrait par Jean-Baptiste Greuze, vers 1780
Portrait de Madame Elisabeth de France jeune sœur de Louix XVI, vers 1787, par Adélaïde Labille-Guiard
Les chapeaux des grands chapeaux de paille, des chapeaux avec des bords très amples, ornés de plumes, d’un nœud de ruban, chapeau de castor, des chapeaux à petits bords se relevant dans des sens différents avec, au sommet, un panache de plumes. Le petit bonnet ont une grande importance et sont la plupart du temps en baptise ou linon. Les bonnets, gloire des femmes simples, sont brodés, dentelles, tuyautés, rigides ou souples, mais toujours légers. Le manchon, en fourrure d’hermine, petit-gris, renard, loup de Sibérie…, il pouvait être doublé de satin, sous Marie-Antoinette, il devient « énorme et outré » ! Il était appelé « contenance » ou encore « nid à billet doux » Le coqueluchon, capuche qui pouvait être ajoutée sur une robe à la polonaise ou le mantelet. Le mantelet, petit manteau que les femmes mettaient par-dessus la robe, y était ajouté le coqueluchon. La pelisse, manteau de femme, tenant de la cape et du mantelet, ample et ouaté, bordé de fourrure et avec deux fentes pour passer les bras, parfois muni d'un coqueluchon, Le tablier pour parfaire la tenue lors des promenades, il pouvait être, de mousseline, en linon, garni de dentelle. Aumonière, petite bourse brodée, perlée, pour mettre des mouchoirs, des jetons…, se cachant sous les paniers La badine, il s’agit d’une canne de cep de vigne, jonc, ébène, longue et ornée de rubans, il ne s’agit pas seulement d’une affaire de coquetterie mais d’équilibre aussi, rappelons la forme incurvée des talons.
A continuation : Galerie des Modes et Costumes avec divers accessoires
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Robe à l’Anglaise avec triple collet chapeau à la Basile et tablier de mousseline garni (1784)
Bourgeoise élégante se promenant à la Campagne, vêtue en Polonaise du matin avec un Bonnet d'un nouveau goût une badine dans une main, un éventail dans l’autre
Jeune élégante vêtue d'un pierrot à poches avec des manches redingotes, jupon de mousseline unie et tablier de linon à fleurs coiffée d’un chapeau de castor Pelisse d’hiver garni de martre avec une robe longue à double garniture et un manchon à grand poils
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Marie-Antoinette et les Couleurs Marie Antoinette aimait la couleur en particulier les tons pastel et frais comme l’en témoigne sa gazette d’atours. Elle raffolait notamment du bleu. Pour elle, de nouvelles nuances seront inventées :
une teinte blond ou gris cendré, nommée « cheveu de la reine ». Selon le comte de Paroy, le nom a été imaginé lorsque la souveraine s’est « fait faire à Lyon un meuble de satin de la couleur de ses cheveux, qui étaient du plus beau blond » les déclinaisons d’un violet brunâtre portant les noms de « cuisse de puce », « ventre de puce », « dos de puce », « vieille puce », … suite à un commentaire du roi sur la couleur d’une robe de taffetas que portait Marie-Antoinette, et qui ressemblait à une puce. Le mot devint populaire, et toutes les dames de la cour et de la bourgeoisie voulaient porter des taffetas puce. Voir encadré Durant l'été de 1775, la reine ayant choisi une robe de taffetas d'une couleur brune, le roi en l'apercevant, s'écria en riant : — C'est couleur de puce. Immédiatement le mot fit fortune et les dames de la cour, puis les bourgeoises de la ville, voulurent posséder des taffetas puce. Les hommes ne tardèrent pas à adopter la même couleur. Les marchands d'étoffes concentrèrent leurs efforts sur cette couleur et à l'ouverture de l'hiver, ils exposèrent des étoffes jeune puce, vieille puce et ces nuances se subdivisèrent en ventre, dos, cuisse et tête de puce ; il y eut même la couleur puce royale. » — Gazette anecdotique, 1892 littéraire,
artistique et bibliographique, 30 septembre 1892
Les champs chromatiques ne connaîtront plus de limite. Il existait de grande variété de tons pour chaque couleur dont la plupart sont passés aux oublis :
les couleurs « opéra brûlé », « feu d'opéra », « tison » (...) issues de l'incendie de la salle de l'Opéra en 1781.
« larmes indiscrètes », « crapaud », « soupirs étouffés », « soufre tendre », « cuisse de nymphe », « gorge de pigeon », « entrailles de petit-maître », « ramoneur », « rose carmélite », etc
En 1782, c’est l’arrivée de la mode du blanc , mode qui régnait déjà à Bordeaux suite à l’importation des créoles des colonies. Certains négociants n’hésitaient pas à envoyer blanchir à
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Saint Domingue leur linge ainsi que les robes et jupons de leurs femmes sous prétexte qu’ils étaient mieux nettoyés sous les tropiques. La reine se mit à la mode bordelaise et fut imitée, rappelons ici la robe de gaulle. La reine Marie Antoinette était sensible à la symbolique des couleurs. En 1786, à 30 ans, Marie-Antoinette décréta qu’à cet âge, il fallait renoncer à la couleur rose. Selon Madame, la baronne d’Oberkirch, face à cette décision les belles songèrent à tricher sur leur date de naissance ! Lorsque la cocarde tricolore devint l’emblème des républicains, la reine et ses proches répliquèrent avec les rubans blancs. A la mort de son mari, la reine ne portera plus que des couleurs de deuil, le noir pour son procès, le blanc pour son exécution. Les tissus La souveraine aimait particulièrement les tissus rayés et fleuris. Des étoffes riches ou légères mais de qualité, les tissus sont les reflets de la condition sociale, on étale sa fortune quitte à s’endetter ! On retrouve soie, satin, velours, broderies, dentelle, gaze, des rubans, percale, taffetas. De nouveaux matériaux et textiles, cotonnades et mousselines blanches de coton, jersey de soie ou et laine, issus d’améliorations techniques, proposent un confort inédit et une aura de modernité à leur propriétaire Le tissu exotique accroit la préciosité du vêtement comme Les Indiennes. Les tissus à rayures avaient mauvaise réputation car ils étaient synonymes d’infamie, d’exclusion, et portés par ceux qui étaient en marge de la société, ils seront mis à la mode par Rose Bertin, sa ministre des modes. Gazette d'Atours de M-A : contient les échantillons des tissus ayant servi à la confection des robes de la reine en 1782
La fourrure sur les bords du mantelet, sur le coqueluchon, était de castor, hermine, petitgris, renard, loup de Sibérie…
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Le rituel des toilettes de Marie Antoinette Quotidiennement, la reine était contrainte de subir le rituel du lever et du coucher, s’habillant et se déshabillant en public, selon un protocole complexe, et même humiliant lorsqu’elle fut contrainte de rester nue en attendant qu’on lui donna sa chemise, comme cela fut rapporté dans une anecdote célèbre de Mme CAMPAN . Une journée comprenait 6 toilettes et divers cérémonials établis selon des règles précises.
Scènes extraite du film Marie-Antoinette, de Sofia Coppola
Dans « Histoire de Marie-Antoinette », d'Edmond et Jules Goncourt : « La Reine se réveillait à 8 h, sa femme de garde-robe entrait avec « le prêt du jour » une corbeille qui contenait des chemises, des mouchoirs, des frottoirs. Une autre lui remettait un livre contenant les échantillons de ses tenues. Marie-Antoinette sélectionnait alors le grand habit de la messe, la robe déshabillée de l'après-midi, la robe parée du jeu ou du souper des petits appartements ; arrivaient alors dans de grands taffetas, les vêtements du jour. Fait rare pour l’époque à la cour de France, ses ablutions prenaient deux à trois heures et elle prenait un bain presque tous les jours dans un sabot roulé dans sa chambre. Elle était alors enveloppée d'une grande chemise de flanelle anglaise. Quand elle ne se baignait pas elle prenait pour son déjeuner une tasse de chocolat ou café. A sa sortie du bain, ses femmes lui apportaient des pantoufles de basin garnies de dentelles et plaçaient sur ses épaules un manteau de lit en taffetas blanc. La Reine, recouchée, prenait un livre ou quelque ouvrage de femme. C'était l'heure où, la Reine donnait audience auprès d'elle. A midi la toilette de présentation avait lieu. La dame d'honneur présentait le peignoir à la Reine ; deux femmes en grand habit remplaçaient les deux femmes qui avaient servi la nuit. Alors commençaient, avec la coiffure, les grandes entrées. Des pliants étaient avancés en cercle autour de la toilette (meuble du 18 ème) de la Reine pour la surintendante, les dames d'honneur et d'atours, la gouvernante des enfants de France. Entraient les frères du Roi, les princes du sang, les capitaines des gardes, toutes les grandes charges de la couronne de France. Ils faisaient leur cour à la Reine, qui saluait de la tête. Pour les princes du sang seuls, la Reine indiquait le mouvement de se lever. Puis venait l'habillement de corps. La dame d'honneur passait la chemise, versait l'eau pour le lavement des mains ; la dame d'atours passait le jupon de la robe, posait le fichu, nouait le collier. Habillée, la Reine se plaçait au milieu de sa chambre, et environnée de ses dames d'honneur et d'atours, de ses dames du palais, du chevalier d'honneur, du premier écuyer, de son clergé, des princesses de la famille royale qui arrivaient suivies de toute leur maison, passait dans la galerie
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et se rendait à la messe, après avoir signé les contrats présentés par le secrétaire des commandements, et agréé les présentations des colonels pour prendre congé. Après le dîner, la Reine rentrait dans son appartement, et ôtait son panier et son bas de robe, toujours 'accompagnée de ses dames. (…) » Elle aurait préféré se retrouver seule dans ses appartements et pour pouvoir s’entretenir avec mademoiselle Bertin, sa ministre de mode. Sa ministre de la mode, Rose Bertin D’origine picarde, Marie-Jeanne Bertin, dite Rose Bertin (1747-1813), connu un parcours extraordinaire pour une femme du XVIII ème siècle issue du petit milieu. Sa carrière décolla, lorsqu’elle fut présentée à la Reine de France, et que cette dernière la nomma sa « ministre de la mode ». Rose aida la Reine à affirmer et imposer ses goûts à la Cour. Presque quotidiennement les deux femmes « tenaient conseil » pendant des heures. Elles devinrent intimes, quitte à bousculer l’étiquette et susciter la jalousie de la noblesse et de la Cour. Par son talent et sa créativité, elle influença la mode avec le Grand Habit de Cour, les hautes coiffures ou les robes champêtres. Elle lança les prémices de la haute couture. Sa relation avec la Reine lui permit de se créer une clientèle dans tout le royaume, en effet toutes les élégantes convergeaient au Grand Mogol, son magasin rue st Honoré à Paris et sa notoriété dépassa les frontières avec une clientèle étrangère.
C’était une femme d’affaires hors paire et elle amassa une fortune considérable. Elle fut accusée d’entretenir les dépenses frivoles de la Reine. Contrairement à d’autres modistes qui s’inspirèrent des évènements révolutionnaires pour leurs créations, elle ne livra que quelques cocardes. Quand la Reine fut arrêtée, elle continua pour une facture plus modeste à livrer des vêtements. Quand MarieAntoinette fut exécutée, elle s’exila à Londres et revint en France qu’en 1795, cependant elle ne retrouva jamais sa notoriété.
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Par sa personnalité, son allure, Marie-Antoinette aura beaucoup marqué les esprits. Encore aujourd’hui elle fascine : des biographies, des films sortent, de nombreux expositions ont lieues, des ventes aux enchères d’objets lui ayant appartenus, se tiennent. Mais surtout la mode s’inspire de son « look », de grands stylistes, tel que John Galliano lui rendent hommage.
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