RAPPORT DE LICENCE - MAISONS ETROITES - ANH LE

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RAPpoRT DE LICENCE

LES MAISONS ETROITES etude de comparaison entre hanoi et tokyo

Etudiante: Hoang Anh LE ’enseignante tutrice: Clara Piolatto Année de soutenance: 2017 ENSA PARIS Val-de-seine domaine d’études envisagé: écologies





Sommaire

sommaire

Remerciements

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INTRODUCTION

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Chapitre I: Réinterpréter les maisons traditionnelles

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1. Des parcellaires en lanières

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2. LE COMPARTIMENT DE HANOI

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3. La maison traditionnelle machiya Japonaise

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Chapitre II: Relation avec l’environnement

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1. La facade

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2. Le seuil

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Chapitre iII: Redéfinir la notion du bien-être

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1. Définition du couple confort - inconfort

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2. l’étroitesse: un charme Inattendu

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3. vers un meilleur confort thermique ?

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conclusion

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Bibliographie

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REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier profondément Mme Clara Piolatto, mon enseignante chargée de TD, pour son suivi, sa patience et ses conseils depuis la phase de recherche jusqu’à l’aboutissement de ce rapport. Cette expérience enrichissante ne pourrait pas s’effectuer sans les documents fournis par group8asia. Un grand merci à Mr. Le Hai Anh, architecte au sein de cette agence, m’a transmis des documents nécessaires pour la réalisation de ce rapport. Mes sincères remerciements à toutes les personnes qui ont contribué pour la rédaction et la relecture de ce rapport de licence.

Remerciements 7


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INTRODUCTION Très souvent le portrait de la ville de Hanoi est présenté comme une « carte postale jaunie », reliée à son vieux quartier marchand peu changée depuis la fin de la colonisation française. En 2017, Hanoi fait partie des dix villes les plus dynamiques du monde avec ses échanges importants et des investisseurs étrangers ainsi que sa volonté de métropolisation. Voici le paysage très contrasté qui dépeint le tissu urbain très dense de la capitale du Vietnam, là où j’ai grandi jusqu’à l’âge de 12 ans. Malgré le développement vertical avec des grands immeubles dans ses extensions, ses périphéries, le centre-ville de Hanoi est structuré par une cité marchande avec des maisons individuelles étroites bordant des petites rues. Du fait de la fonction marchande, les maisons de villes à Hanoi appartiennent à une typologie particulière, qui pallie entre la fonction domestique et la fonction commerciale dont l’activité s’expose sur la rue. Généralement étroites de façades, ces maisons se développent en longueur, ponctuées d’une ou plusieurs cours intérieures, d’où l’appellation « Maison-tube ». Renouvelées et évoluées en fonction des modes de vie, elles constituent « l’outil quotidien de production et de densification des quartiers marchands »1. Elles fondent, organisent, animent les rues. Elles impressionnent par la façade, attirent les passants par les événements au rez-de-chaussée. Elles sont acteurs principaux de la structure urbaine du centre-ville d’aujourd’hui de Hanoi. En parallèle, ces mêmes maisons en lanières modestes de largeur façonnent le tissu urbain de Tokyo.

© Asma Khawatmi, 2001, “Le compartiment à Hanoi: structure/usage/ temporalité”, p.285, Les Cahiers de l’Ipraus, no 3, Hanoi, Éditions Recherches/Ipraus

La ville de Tokyo, une des plus grandes mégalopoles les plus peuplées du monde, que j’ai pu découvrir suite à ma participation au concours Archsharing, a su conserver les anciens tracés de son centre-ville avec des quartiers aux allures de petits villages. Selon Yoshiharu Tsukamoto de l’atelier Bow-Wow, l’urbanisme tokyoïte serait théorisé selon trois domaines : «commersidence», «subdivurban» et «fortified village». Ces trois évolutions mènent le tissu urbain de Tokyo ressemblable à celui de Hanoi : parcellaires subdivisés en portions étroites et profondes sur lesquels une typologie urbaine associant tissu résidentiel et activités commerciales s’installe.


INTRODUCTION 9

Ces maisons étroites, accoutumées par les japonais et les vietnamiens, paraissent inévitablement aberrantes par rapport aux standards européens. Cependant, elles constituent sujet de recherches pour de nombreux architectes novateurs en quête de réponse face au manque de logements et surdensité urbaine.

L’avenir est-il aux maisons compactes ? Comment redéfinir la notion de confort et rendre ces maisons étroites agréable à vivre ?

Loin d’être d’une création de l’ère moderne, ces maisons étroites sont résultantes d’une synthèse des maisons traditionnelles vernaculaires. Le premier chapitre va traiter de la manière dont les maisons étroites contemporaines s’évoluent à partir de la typologie existante. Dans un deuxième temps, le rapport étroit entre la maison et la rue sera examiné sous deux angles : le seuil et la façade. Ces analyses permettront enfin de révéler la position de ces maisons étroites entre le confort et l’inconfort, et d’étudier l’éventuelle viabilité de ces projets dans d’autres villes à l’échelle mondiale.


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Chapitre I Réinterpréter les maisons traditionnelles des recettes revisitées pour une architecture contemporaine et meilleure adaptation de modes de vie

© group8asia (2016) | Plan cadastral de la ville de Hanoi actuelle dans Khu Pho Co (le Vieux quartier)


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1. Des parcellaires en lanières entre Hanoi et Tokyo, des quartiers aux allures de petits villages similaires mais sous deux écritures typologiques différentes

Avant d’étudier les maisons traditionnelles japonaises et vietnamiennes, il est intéressant de comprendre l’évolution des divisions parcellaires dans la ville de Hanoi et de Tokyo. Ces deux villes asiatiques présentent des plans cadastraux aux allures similaires, avec des ilots très denses sans cour centrale. Le découpage en morceaux longs et étroits est dû à la surdensité démographique et au rapport entre la taxe foncière et le mètre linéaire en façade. Plus la parcelle est large du côté exposé sur la rue, plus elle coûte chère en termes de taxe. Ce phénomène est lié à la présence des activités commerciales au rez-de-chaussée des bâtis sur ces parcelles. Le tissu urbain de Hanoi a subi des transformations importantes suite à la colonisation française. Le réseau des voies est redessiné à l’européenne avec un système de quadrillage, divisant le tissu urbain en ilots. Le centre-ville est organisé sur la base des trois quartiers principaux : « le quartier du palais du gouvernement », « le quartier français » et « le quartier des trente-six rues ». Les deux premiers quartiers sont dessinés avec des grandes rues, des vastes espaces plantés et des édifices publics importants. Au contraire, « le quartier des trente-six rues », autrement appelé Khu Pho Co (le Vieux Quartier) est réservé aux activités marchandes et à l’habitation du peuple durant la période coloniale. Le nom de chaque rue indique la corporation marchande correspondante : par exemple, « la rue de la Soie » (phô Hàng Đào) était réservée à la vente de soie uniquement. Aujourd’hui, ce quartier des corporations est toujours maintenu, mais le nom des rues n’indique plus systématiquement les marchandises proposées. Les trente-six rues sont toujours très animées par le commerce, mais ce quartier constitue de nos jours le centre-ville dynamique de la capitale, d’où l’élévation de la taxe foncière.


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© R. ORFEUVRE (2010) Hypothèse de développement du quartier marchand

Hoàng Thành Citadelle

Ainsi, afin d’exploiter le maximum de la surface habitable dans l’ilot, les parcelles sont tracées de manière étroite et longue qui vont parfois jusqu’au cœur de l’ilot. A la différence du modèle européen, les ilots hanoïens sont remplis et manquent de cour centrale semi-privée. Pour compenser cette pénurie de vide, des cours intérieures individuelles sont mises en place dans chaque maison se trouvant dans l’ilot. La cour intérieure, souvent mise au centre de la maison, a pour rôle d’amener de la lumière naturelle à toutes les pièces et de ventiler l’ensemble de la maison. On appelle ces maisons à cour « maison-tube », ou encore le compartiment, en raison du volume de tube long et étroit subdivisé en sections qui servent à tous les besoins de la famille.

Sông Hông Fleuve Rouge

Canal, lac

Digues

« Paillottes », marchés temporaires

Zones non bâties

Rues, routes

Maisons communales, temples, pagodes

Installation de marchés ponctuels entre la citadelle et le fleuve Rouge

Développement des marchés et début de sédentarisation des artisans


RÉinterpréter les maisons traditionnelles 13

Maisons-tubes en brique Maisons-tubes verticales (3 étages ou plus)

Structuration en villages urbains et corporations, développement de la maison tube

Époque coloniale : des villages urbains aux rues de métier. Aujourd’hui, développement de la maison-tube verticale


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© Lotus International (2011) Contexte urbain dans le quartier Okusawa, Tokyo

Quant à l’évolution du tissu urbain de Tokyo, elle se pose sur trois principes évoqués dans l’introduction : « fortified village », « subdivurban » et « commersidence ». Dans son ouvrage Void Metabolism, Yoshiharu Tsukamoto de l’atelier Bow-Wow tente à expliquer le tissu urbain dense de Tokyo d’aujourd’hui par le phénomène de découpage des parcelles en morceaux plus étroits afin de pouvoir payer la taxe. Ce phénomène est appelé « subdivurban », de sub-divided suburban (banlieue subdivisée). La raison de vivre en banlieue est d’avoir plus de terrain à construire. Or la banlieue de première génération de Tokyo s’est intégrée dans le tissu urbain. Depuis 80 ans, à chaque génération, les parcelles deviennent de plus en plus petites. Ainsi, on peut observer des différentes générations de maisons individuelles. Cette évolution est incontestablement identique à celle de Hanoi. En second lieu, la notion de « fortified village » décrit l’enceinte pare-feu que forment des bâtis de dix étages bordant les avenues de 30 m de large qui entourent ces quartiers résidentiels. L’image de petits villages fortifiés fait penser au «quartier des 36 rues» de Hanoi qui a également une atmosphère d’ancien village. Enfin, le «commersidence» correspond à une typologie urbaine combinant espace commercial, espace de travail et espace de vie. Elle s’est créée dans les quartiers résidentiels de Tokyo et possède le même fonctionnement que le compartiment de Hanoi. À la différence des pays voisins qui ont connu un développement vertical généralisé en raison de la forte densité, l’évolution des formes urbaines de la ville de Hanoi et de Tokyo a pris une direction commune : conserver son centre historique avec des maisons à hauteur moyenne avec la cohabitation des commerces.


RÉinterpréter les maisons traditionnelles 15

© Lotus International (2011) “Subdivurban” progressif dans le quartier Okusawa, Tokyo

1940

1962

1985

2005


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2. LE COMPARTIMENT DE HANOI UNE typologie architecturale née d’une structure urbaine composée de parcelles en lanières Les parcelles en lanières ont entrainé à une typologie architecturale particulière : les maisons individuelles étroites et profondes. Les cas extrêmes peuvent atteindre 2m de large et 70m de profondeur. Nhà Ông, traduit par la maison-tube, ou encore le compartiment, est la version urbaine de la maison à cour traditionnelle vietnamienne. Alors que cette dernière se développe à l’horizontal, avec une cour importante à l’extérieure afin d’équilibrer son environnement avec trois élément « homme-terre-eau », la maison-tube intègre la cour au sein de la maison pour assurer l’apport en lumière et la ventillation. En raison de sa profondeur importante et l’impossibilité d’ouvrir sur les côtés, plusieurs cours ponctuent nécessairement le plan de la maison. Echoppe

Boutique

Rue

Salon

Cour

Autel des Ancêtres

Chambre

Cuisine, Sanitaires

Cour

© N. Minh Trang (2005) | Organisation du compartiment traditionnel hanoïen

Cour


RÉinterpréter les maisons traditionnelles 17

La maison située au 87 Ma May dans le Vieux Quartier de Hanoi, faisant partie du Patrimoine National, est une référence inévitable pour comprendre l’organisation d’une maison-tube traditionnelle. La maison est construite sur une parcelle rectangulaire de 5mx28m. Chaque fonction de la maison est délimitée par une cour au nombre de quatre. La première couche, faisant tampon entre la rue et la maison, sert de magasin, ensuite vient la première cour qui isole cet espace semi-public de la partie domestique de la maison. La salle à manger et la cuisine constituent deux couches successives au rez-de-chaussée, séparées par une seconde cour de taille plus modeste. L’escalier menant au premier étage se place dans la première couche. A l’arrivée, on se trouve dans un salon d’autel, espace indispensable pour tous les foyers vietnamiens destiné à faire des offrandes aux ancêtres. Ce dernier est prolongé vers la première cour par une véranda couverte mais ouverte. Enfin la chambre est accédée grâce à un passage ouvert à ciel. Elle est traversante par la cour et la terrasse de derrière.

Plan de l’étage R+1

© Hoàng Lân (2015) | La première cour et la passerelle ouverte

Plan de l’étage RDC

© Hoàng Lân | Le devant de la maison

© Hoàng Lân | L’autel des ancêtres

©Hong Anh Do (2013) Plans de la maison au 87 rue Ma May


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3. La maison traditionnelle machiya Japonaise une synthÈse entre Les maisons de ville traditionnelles et les notions philosophiques japonaises

1. Gauthier-Bertrand, Bédard, 2009, Aménagement contemporain au Japon, p. 12

© Edward Suzuki Associates | The concept of “Interface” Engawa: Couloir traditionnel japonais comme l’interface entre dedans et dehors.

Tsuboniwa: patio non seulement comme l’interface entre dedans et dehors mais aussentre dedans et dedans.

Le vide est important dans la philosophie orientale, car il permet de libérer l’esprit de la vie. Le vide est lié à un pause du temps, au zen, qu’en architecture traduit par un espace intermédiaire, sans fonction précise, qui aide à « rejoindre un infini atemporel »1. De même, dans la culture japonaise, on associe le vide à la notion de ma, qui serait simplifiée par la relation de deux éléments à partir d’un vide. Le vide est indispensable dans les pavillons traditionnels japonais, sous forme d’un tsuboniwa (petit jardin) ou d’un okuniwa (jardin) pour les grandes demeures. La maison Azuma de Tadao Ando en 1976 à Sumiyoshi met l’honneur le vide, l’élément central qui juxtapose deux volumes habités de la maison. Un passage à ciel ouvert, relie et dessert ces deux volumes. Ce dernier fait clin d’œil à un engawa, autre élément architectural des pavillons traditionnels nippons. L’engawa est une passerelle couverte extérieure qui entoure la maison et sert de circulation tampon entre le vide, la nature, l’extérieur et l’intérieur, l’homme abrité. Avec des références analysées dans des paragraphes suivants, nous allons voir que l’engawa sera toujours présent de manière renouvelée sous forme d’espace tampon.


RÉinterpréter les maisons traditionnelles 19

Enfin, les maisons en bandes étroites d’aujourd’hui sont issues directement des maisons Machiya, des maisons en bois typique des centres-villes japonais. Les Machiya prennent leurs origines de la ville de Kyoto, avec une façade étroite et s’étalent en profondeur. Elles présentent toutes une cour extérieure autour de laquelle des pièces s’organisent et s’alimentent en lumière naturelle. Il s’agit d’une seule source de lumière et d’aération pour les pièces qui se trouvent au derrière, car les Machiya sont accolées les unes aux autres. Le devant de la maison sert généralement de magasin, et le lieu de vie se situe derrière la cour.

Sas d’entrée ou boutique

Salle de réception

Cuisine

Chambres

Tsuboniwa

© s.n | Organisation d’une maison Machiya traditionnelle japonaise

Cour


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1. Façade sur rue

La Split House, création de l’atelier Bow-Wow en 2010 qui fait partie des Machiya de quatrième génération, répond à tous les besoins de la maison dans un contexte très fragmenté du tissu urbain tokyoïte. La parcelle longue et étroite est en surélévation par rapport à la rue. Le bâtiment prend forme d’un volume divisé en deux par une petite cour, qui sert d’espace de circulation et de détente. Le premier bloc, ouvert à la rue, contient le sas d’entrée, la salle de bain et une chambre. Le second, de niveau plus haut, abrite le salon, une deuxième chambre, la cuisine et une pièce de service. La cour est le moment fort de la maison, typique de la Machiya : non seulement elle procure une ouverture au dehors par le biais du vide, le ma, mais joue aussi le rôle de lien entre les deux blocs, un engawa de version renouvelée. La maison est caractérisée par une série fenêtres qui permet de voir toute la longueur de la maison, du derrière jusqu’à la rue.

2. Façade sur cour

3. Façade sur cour

4. Façade de derrière

© Atelier Bow-Wow (2010) Élévations de la Split House

© Manuel Oka | Chambre dans le second bloc (gauche) & Bureau (droite)


RÉinterpréter les maisons traditionnelles 21

4

3

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1

© Atelier Bow-Wow (2010) | Coupe perspective longitudinale de la Split House

Issues du même contexte urbain, les maisons-tubes traditionnelles hanoïennes et les machiya japonaises partagent incontestablement des caractéristiques fondamentales communes : l’étroitesse de la façade, la ponctuation d’une ou plusieurs cours intérieures, le « commersidence » et l’équilibre entre l’homme et la nature, le privé et le public, l’intérieur et l’extérieur très recherché dans la philosophie orientale. Ces particularités vont façonner le visage de la maison face à son environnement dont sa relation sera étudiée dans le second chapitre.


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Chapitre II relation avec l’environnement La facade et le seuil La relation étroite qu’entretiennent ces maisons de ville avec la rue et leur environnement urbain constituera la matière d’étude de ce second chapitre. La façade et le seuil sont deux éléments transitoires entre l’intériorité de la maison et la ville.

© Trieu Chien | La Lantern House de Vo Trong Nghia vue du soir (2016)


Relation avec l’environnement 23

1. La FACADE La façade est une manifestation extérieure de l’œuvre architecturale qui englobe les formes et les couleurs de finition et l’utilisation des matériaux d’habillage. La façade façonne non seulement le visage d’un édifice mais fait aussi partie de la constitution de la ville. Elle peut être transparente, accueillante, marquante ou encore aveugle. C’est la façade qui détermine le registre de la maison, annonce son comportement face à la ville, ouvert et exhibant, ou tournant le dos à son alentours. © s.n Façade de la Azuma House, Tadao Ando Osaka, Japon

Selon Tadao Ando, le contexte urbain japonais est qualifié d’hostile. C’est la raison pour laquelle il a créé un nouvel environnement replié sur lui-même pour la Azuma House. Il a choisi de se retirer d’un contexte urbain chaotique et de faire un microcosme fermé avec un mur en béton préfabriqué.


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Au contraire de cette façade monolithique, la maison dans le quartier de Showa-cho à Osaka, conçue par l’atelier Fujiwaramuro Architects, présente une large baie vitrée toute hauteur qui constitue la seule source de lumière naturelle pour tous les espaces de la maison. Étant large seulement de 3m, la maison doit recourir à la hauteur et à la profondeur afin de dilater l’espace. L’architecte a décidé d’ouvrir en façade pour créer une connexion optimale entre le dedans et le dehors. Les espaces d’intérieur sont également ouverts les uns aux autres et semblent prolonger vers l’extérieur par le biais de deux murs mitoyens. Le salon prend la hauteur de toute la maison : c’est un volume qui relie les niveaux entre eux et qui fait transition des parties plus intimes de la maison jusqu’à la rue. La présence d’un arbre devant la maison lui donne l’impression d’avoir un jardin privé, or celui-ci est complètement ouvert à l’espace urbain. La limite floue entre dedans et dehors est d’autant plus confondue que le rez-de-chaussée ne possède aucune grille.

© Toshiyuki Yano Façade de la maison dans le quartier de Schowa-Cho à Osaka par Fujiwaramuro Architects (2007)


Relation avec l’environnement 25

© Hiroyuki Oki Façade de la Lantern House à Hanoi par Vo Trong Nghia Architects (2016)

La Lantern House de Vo Trong Nghia à Hanoi est une synthèse entre une façade qui se veut opaque et qui s’avère source de lumière naturelle abondante. En effet, la façade de cet édifice est composée de briques à motifs typiques de l’artisanat vietnamien. Cela crée un écran opaque mais laisse passer la lumière grâce à la perforation des motifs. Un bow-window vitré dépassant le nu de la façade vient se poser gracieusement au dernier étage de l’édifice comme un observatoire vers la ville animée.


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2. Le seuil Si la façade est une représentation frontale en deux dimensions de la limite, le seuil se réfère plus à un espace tampon de passage par lequel on franchit avant d’atteindre un autre univers. Dans la conférence Seuil, limite, paysage : construction quotidienne des qualités spatiales de Philippe BONNIN à l’ENSA Versailles en décembre 2016, la notion de « seuil » a été définie de manière suivante : « La notion de « marge » interroge celle, fondatrice et universelle, de limite qui permet de séparer le nous de l’autre. Mais la frontière est d’abord « entre » (Georg Simmel) : plus que séparer, elle induit une réciprocité car elle se présente comme une interposition dans l’espace qui sépare deux mondes qui s’opposent. Le seuil marque cette limite. Il constitue un espace transitionnel potentiellement créateur et créatif : dans ces zones de transition, où l’individu est suspendu, s’accumulent les procédures les plus déconcertantes et intéressantes. » 1 À la différence de la façade, le seuil représente le visage de l’édifice de manière plus abstraite. Une fois le seuil est franchi, on appartient au monde de l’édifice qui s’oppose à son alentours. Le seuil peut être figuré par quelques dispositifs architecturaux ou parfois, il ne nécessite aucune matérialisation pour se générer.

1. Philippe BONNIN (anthropologue, architecte, directeur de recherche au CNRS), 2007. Conférence Seuil, limite, paysage : construction quotidienne des qualités spatiales,

Étudions les compartiments sur la rue Hang Vai (rue du Textile) dans le quartier des trente-six rues. Il s’agit d’un exemple qui montre la limite floue entre les domaines public et privé. En effet, l’étroitesse caractéristique de la maison-tube et les activités commerçantes nécessitent un étalement sur le trottoir. Par conséquent, la rue n’est plus un simple passage mais une extension de rez-de-chaussée, un lieu dédié au commerce, à l’artisanat et aux activités domestiques. Quelques marches et les présentoirs constituent la limite entre espace privé et espace public. Quand la nuit tombe, le magasin se ferme et laisse place à l’activité domestique aux occupants de la maison. Toute activité se replie à l’intérieur


Relation avec l’environnement 27

derrière un rideau de fer ou un store motorisé. Le seuil devient d’un coup autiste, coupant toute liaison entre la maison et la rue. Selon les moments de la journée, le seuil change son visage, tantôt accueillant pour le commerce, tantôt bloquant afin de protéger l’intimité de la fonction domestique. © Asma Khawatmi, 2001, “Le compartiment à Hanoi: structure/usage/temporalité”, Les Cahiers de l’Ipraus, no 3, Hanoi, Éditions Recherches/ Ipraus Plan de la rue Hàng Vai Limite du domaine privé Limite du trottoir Coupe de la rue Hàng Vai Domaine privé Domaine public

© s.n. Continuité de l’activité commerciale sur le trottoir, rue Hàng Vai (Rue de la Soie)


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© group8asia (2016) en bas: Coupe longitudinale de la Hanoia House à droite: Coupe-élévation de du jardin d’entrée

Le seuil peut être également un « espace transitionnel » entre deux mondes différents. Ainsi, la mise en place d’un jardin à l’entrée de la maison crée un seuil qui l’écarte de la rue bruyante. La maison située au 38 Hang Dao dans le Vieux Quartier de Hanoi l’illustre parfaitement. Faisant également du patrimoine national, la maison a été restaurée dans le cadre de la coopération entre la ville de Hanoi et la ville de Toulouse en 2000 par l’agence group8asia. Ayant toujours la configuration d’une maisontube traditionnelle, elle abrite maintenant une galerie exposant des produits artisanaux vietnamiens. Depuis la rue, la maison se démarque de son alentour par une porte de style indochinois constituant un premier seuil qui délimite la propriété privée de la rue. La porte est toujours ouverte lors de la journée, laissant voir à travers l’espace d’entrée et invite ainsi des passagers à franchir la porte. Cet espace est aménagé comme un petit jardin avec plusieurs plantes et des éléments architecturaux typiques de la culture vietnamienne comme le mur en briques à motif. Depuis la rue on franchit une première porte afin d’arriver à un espace tampon ouvert à ciel, avant d’entrer réellement à l’espace couvert de la maison.


Q

YẾU TỐ ĐẶC TRƯNG PLANS NGHỆ THUẬT SẮP ĐẶT EXISTING CHARACTERISTIC ELEMENT ART INSTALLATION

PROPECTION 26.01.2016 1/100

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Characteristic Art installaion

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MATERIAL 1 CONCRETE BRICK WITH CUSTOMIZED PATTERN

PROPECTION 26.01.2016 element 1/100

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PLANS EXISTING

MATERIAL 2 PANEL FRAME IN DARK BRONZE

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5300

2 YẾU TỐ ĐẶC TRƯNG NGHỆ THUẬT SẮP ĐẶT EFFECT CHARACTERISTIC ELEMENT TRANSFORMING PATTERN ART INSTALLATION

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The Hanoia Display YẾU TỐ ĐẶC TRƯNG Flag NGHỆ THUẬT SẮP ĐẶT and Show case

CHARACTERISTIC ELEMENT ART INSTALLATION

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LIGHTING BACK LIGHTS

2820

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XXX 1:50

HANOIA HOUSE 38 HANG DAO STREET HOAN KIEM - HANOI

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Garden element Green planters

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TRUYỀN THỐNG VIỆT NAM TÍNH CHÀO ĐÓN VIETNAMESE TRADITION WELCOMING CHARACTER

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TRUYỀN THỐNG VIỆT NAM TÍNH CHÀO ĐÓN VIETNAMESE TRADITION ELEMENTS GARDEN WELCOMING CHARACTER

PLANTERS / PLANTS

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GIỚI THIỆU HANOIA CỜ HIỆU VÀ TỦ TRƯNG BÀY THE HANOIA DISPLAY SÂN THỨ 1 - TRIỂN LÃM TƯỜNG FLAG AND SHOWSẢN CASE PHẨM GẠCH ĐẶC TRƯNG COURTYARDHỌA 1 TIẾT - PRODUCT EXPO WALL ELEMENT SIGNATURE BRICK PATTERM

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SÂN VƯỜN BỒN CÂY GARDEN ELEMENT GREEN PLANTERS

SÂN VƯỜN BỒN CÂY GARDEN ELEMENT GREEN PLANTERS

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TƯỜNG HỌA TIẾT GẠCH ĐẶC TRƯNG WALL ELEMENT SIGNATURE BRICK PATTERM

ENTRANCE GARDEN AREA WITH GREEN PLANTER BRICKS

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YẾU TỐ ĐẶC TRƯNG NGHỆ THUẬT SẮP ĐẶT CHARACTERISTIC ELEMENT ART INSTALLATION

TƯỜNG HỌA TIẾT GẠCH ĐẶC TRƯNG WALL ELEMENT SIGNATURE BRICK PATTERM

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DIDACTIC ELEMENT HERITAGE DESCRIPTION PANEL

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GIỚI THIỆU HANOIA CỜ HIỆU VÀ TỦ TRƯNG BÀY THE HANOIA DISPLAY FLAG AND SHOW CASE

GIỚI THIỆU HANOIA CỜ HIỆU VÀ TỦ TRƯNG BÀY THE HANOIA DISPLAY FLAG AND SHOW CASE

4 Wall element Signature brick pattern

GIỚI THIỆU HANOIA CỜ HIỆU VÀ TỦ TRƯNG BÀY THE HANOIA DISPLAY FLAG AND SHOW CASE

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G TRUYỀN THỐNG VIỆT NAM TÍNH CHÀO ĐÓN SÂN VƯỜN VIETNAMESE TRADITION BỒN CÂY WELCOMING CHARACTER GARDEN ELEMENT GREEN PLANTERS

TRUYỀN THỐNG VIỆT NAM TÍNH CHÀO ĐÓN VIETNAMESE TRADITION WELCOMING CHARACTER

1 - TRIỂN LÃM SẢN PHẨM RD 1 - PRODUCT EXPO

38 HANG DAO, HANOI, VIETNAM 38 HANG DAO, HANOI, VIETNAM

SÂN THỨ 1 - TRIỂN LÃM SẢN PHẨM COURTYARD 1 - PRODUCT EXPO

1 - TRIỂN LÃM SẢN PHẨM RD 1 - PRODUCT EXPO 38 HANG DAO, HANOI, VIETNAM

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Le jardin qui joue rôle d’espace transitionnel, peut être également assimilé à un engawa renouvelé des maisons japonaises. À Kobe, une autre maison étroite sous le nom de la Layer House, signée par Hiroaki Ohtani, possède un espace d’entrée sous forme d’un tsuboniwa (petit jardin). Malgré une très grande baie vitrée en façade, l’intimité de la maison est toujours préservée par la présence d’un grand arbre dans le jardin de devant.

© HIROAKI OHTANI PHOTOGRAPHS | Jardin d’entrée - engawa - Layer House (2003)


Relation avec l’environnement 31

Selon la philosophie de chaque architecte, la façade et le seuil peuvent être traités de manières différentes : de la transparence totale jusqu’aux dispositifs complètement opaques. Cela détermine non seulement l’apport en lumière naturelle mais aussi le fonctionnement des échanges thermiques. Dans le dernier chapitre, nous allons essayer de définir la notion de “confort” avant de voir comment les maisons étroites améliorent la performance en confort thermique.


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Chapitre III Redéfinir la notion du bien-être La remise en question du Confort idÉal: “l’Éloge de l’inconfort” © Le Nguyen Nhat (2016) | Sur la rue hanoïenne: bruyante, poluée, bondée de véhicules


Redéfinir la notion du bien-être 33

1. Définition du couple confort - inconfort L’un se définit par le contraire de l’autre: Le Confort et L’inconfort forment un couple qui trame notre viE quotiedienne Comment définit-on le confort ? Il s’agit d’une notion abstraite et subjective qui est souvent associé à son contraire : l’inconfort. Martin Lambert dans ses comptes-rendus de l’ouvrage Eloge de l’inconfort de Jacques Pezeu-Massabuau a écrit : « Le confort s’éprouve comme un tout, comme une symphonie qui, lorsqu’elle perd une de ses composantes, se change en inconfort. Les quatre formes du confort sont : le bien-être physique ; l’esthétique et l’idée de beau, de bon, de vrai ; l’altérité et le besoin de convivialité ; le bien-être intellectuel (coutumes, coventions, etc.). Qu’une de ces composantes vienne à manquer et c’est l’inconfort. » Or, le confort absolu n’existe pas car la vie a plein d’aléas et donc elle nous offre bien plus d’inconfort que de confort. Lorsqu’on atteint un idéal de confort, celui-ci tend à glisser hors de la portée car il se trouve menacé par un facteur importun, une intervention gênante venant de toutes parts du hasard. Alors il ne sert à rien de rejeter l’inconfort, et pourquoi pas l’exploiter savamment pour en tirer le meilleur parti possible. Jacques Pezeu-Massabuau fait l’éloge de l’inconfort car premièrement, il est inséparable de tout confort et deuxièmement, il s’agit d’un moteur qui pousse à l’action. « La plus salutaire fonction de l’inconfort, quel qu’en soit le visage, est de nous convier moins à l’euphorie qu’à sa recherche, c’est-à-dire l’action ». Le confort avec sa sérénité risque de mener à l’inertie, alors que l’inconfort nous pousse à être dynamiques dans les recherches afin de réconcilier avec ses contraintes. Revenons aux maisons étroites, il ne faut pas prendre l’étroitesse comme une contrainte, mais une occasion pour explorer une nouvelle manière de traiter l’espace.


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2. l’étroitesse: un charme Inattendu il ne faut pas le prendre comme une contrainte, mais une occasion d’explorer une nouvelle Facon de traiter l’espace

1. Aménagement typique d’une maison-tube urbaine

© Hoang Le Photography 1. Escalier en tôle perforé menant à la chambre parentale 2.Vue de dessous de la dalle en verre dans l’espace enfant 3. Vue depuis la terrasse sur des volets de la chambre enfant

Une maison-tube typique hanoïenne avec « la cage d’escalier au centre, les deux chambres sur les deux côtés »1 manque souvent d’éclairage et de ventilation naturels, ce qui entraine à un fort taux d’humidité. Avec la volonté d’améliorer les conditions des maisons-tubes existantes, AHL studio est une petite agence spécialisée dans ce type d’habitation. La Maison 3x10, s’étalant sur une surface comme son nom l’indique, est une harmonie entre la lumière, la nature et l’inspiration. Elle se développe en vertical avec cinq étages. Le parking et la cuisine occupent le rez-dechaussée en entier, sans rajouter le salon comme se fait souvent le plan typique d’une maison-tube. Le salon prend sa place importante au premier étage, avec un espace pour enfants et un espace planté (terrasse). Les chambres sont situées aux deuxième et troisième étages, desservies par l’escalier poussé au fond de la maison. Cet espace de circulation bénéficie d’une lumière abondante grâce au puit de lumière situé juste au-dessus. De plus, la cage d’escalier est conçue en tôle perforée qui laisse davantage passer la lumière. Un espace dédié à l’autel des ancêtres occupe entièrement le dernière étage. La dimension spirituelle est très présente dans les familles vietnamiennes.


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1. Garage 2. Cage d’escalier 3. Salle à manger

9. Chambre d’enfant 10. Vide 11. Espace de détente

4. 5. 6. 7. 8.

12. Chambre parentale 13. Autel des ancêtres 14. Rooftop 15. Le lilas d’été 16. Le grenadier

Cuisine Toilettes Salon Terrasse Dalle en verre - Espace d’enfants

© AHL Studio Coupe longitudinale de la maison 3x10 (2015)


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De nombreux architectes nippons de renommée internationale se sont intéressés aux microarchitectures, en l’occurrence les maisons étroites, d’autant plus que le tissu urbain du Japon est fragmenté en parcellaires étroits comme expliqué au premier chapitre. La Azuma House à Sumiyoshi de Tadao Ando constitue l’illustration par excellence de l’ingéniosité d’exploiter la longueur de la parcelle étroite. Mentionnée au chapitre I pour ses inspirations traditionnelles et au chapitre II pour son autisme envers l’environnement, la maison serait de nouveau étudiée dans ce dernier chapitre dédié à la question du confort.

© Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Georges Meguerditchian Maquette en béton de la Maison Azuma, Sumiyoshi, Osaka de Tadao Ando(1976)

La cour qui sépare le salon et la cuisine au rez-de-chaussée et deux chambres à l’étage se voit la seule source de lumière naturelle tout au long. L’escalier menant à l’étage supérieur et la passerelle en l’air reliant les deux chambres se trouvent au sein de ce patio extérieur. Cette disposition exige aux occupants de la maison d’effectuer le va-et-vient constant entre dehors et dedans. Cela peut être perçu comme un inconvénient car on associe souvent la notion de « chez soi » à un « toit » sous lequel on est bien abrité. Tadao Ando le voit d’une autre manière. La cour représente pour lui un « espace fondamental des émotions qui provoquera les sens et le ressenti de l’individu » car elle relie l’homme à la nature. Il s’agit pour l’architecte d’une « zone de transition » zen et sereine qui aide l’homme à se confronter et ensuite à s’adapter à son environnement extérieur. On y joue, on y passe, on y monte, on y traverse tout en reconnectant à la nature.


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© wikiarquitectura | Vue sur le patio de la Maison Azuma, Sumiyoshi, Osaka de Tadao Ando (1976)

5

6

1. Salon 2. Patio 3. Cuisine Salle à manger 4. Toilettes 5. Chambre 1 6. Passerelle 7. Escalier 8. Chambre 2

8

7 Plan de l’étage R+1

1

Plan de l’étage rez-de-chaussée

2

3

4

© M. Royon-Lemée, Behance Analyse - AZUMA HOUSE, Tadao Ando Osaka, Japon


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Prenons un autre exemple de maison étroite qui exige un changement radical de mode de vie : la Layer House de Hiroaki Ohtani à Kobe. Située sur un tout petit terrain de 33m2, la maison est très innovative dans l’usage de son étroitesse. Au premier abord, l’escalier à double volets semble d’être surdimensionné, pourtant il remplit non seulement sa fonction de circulation verticale et de distribution mais aussi son rôle de lier tous les niveaux en un espace continuum, permettant de diverses percées visuelles entre les espaces. On peut aussi s’y asseoir pour lire ou simplement diriger son regard vers l’extérieur. Le mur est composé d’un système de lattes permettant donc l’intégration d’objets variés comme l’escalier, bureau, meuble de rangement. Les lattes de revêtement du mur et le puit de lumière créent également des effets d’éclairage naturel intéressants. La maison est compacte, claustrophobique mais entièrement ouverte par l’absence de porte. Le défi de la petitesse de l’édifice semble être relevé par des jeux de lumière et de différents niveaux communiquant entre eux, par lesquels une profondeur enrichissante est générée. Une nouvelle fois, une des caractéristiques des pavillons traditionnels japonais est utilisé : oku, qui vient de l’image des peaux successives d’un oignon, un procédé qui rend un espace petit plus profond par la succession des écrans shojis. En l’occurrence, c’est les lignes horizontales que créent les lattes de bardage et les marches d’escalier qui rendent profond l’espace de la maison.

© HIROAKI OHTANI PHOTOGRAPHS 1. Espace bureau au rez-de-jardin 2. Espace cuisine au R+2


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1

1. 2. 3. 4. 5.

5 3

Jardin Bureau Penderie Toilettes Chambre 7

Plan de l’étage R+1 6 A 5 2 4

4

3 A

Plan de l’étage rez-de-jardin

Coupe A.A

7

6

Aménagement intérieur 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7.

Jardin Bureau Penderie Toilettes Chambre Cuisine Rooftop

5 1 2

© HIROAKI OHTANI Plans et coupes de la Layer House, Kobe, Japon (2003)


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3. vers un meilleur confort thermique ? Les maisons étroites comme solution pour Améliorer le confort thermique et faire des économies

Au niveau du confort thermique et acoustique, les maisons étroites apparaissent comme des maisons écologiques. En effet, pour une même surface au sol, les maisons longues et étroites possèdent des façades moins larges que les maisons à plan carré : on économise plus de matière pour l’isolation et rencontre moins de ponts thermiques à traiter. Cependant, dans certaines maisons où la mise en place de patio extérieur est le seul moyen d’amener la lumière, le nombre de façades se voit doublé. La maison Azuma de Tadao Ando est encore une fois recitée dans cette partie car elle fait sujet de plusieurs controverses. Bâtie en béton préfabriqué qui possède une capacité d’absorption de chaleur élevée, la maison est à la fois confortable et inconfortable suivant l’endroit où l’on se trouve et le facteur saisonnier. Durant l’été, le patio est directement exposé aux rayons de soleil. Ainsi, le sol peut retenir une large quantité de chaleur pendant des heures, ce qui peut rendre cet espace inconfortable, semblable à l’effet de l’asphalte en été. De plus, vu que l’air chaud monte, la température dans cet espace peut devenir surchauffé. Toutefois, l’intérieur de quatre volumes vitrés restent frais car il se trouve dans l’ombre et le béton dans le patio aurait absorbé la majorité de la chaleur. Pendant la nuit, quand la température baisse, le béton libère la chaleur qu’il a absorbé pendant la journée et joue le rôle d’ajusteur de température. Pendant l’hiver, la maison devient une masse froide car l’omniprésence du béton entraine une perte de chaleur importante. En ce qui concerne la ventilation, l’ouverture des baies vitrée vers la cour s’avère le seul moyen pour aérer. Ando décide de ne pas rajouter d’ouverture sur la façade car il estime que la ventilation traversante aurait amené des nuisances sonores et des saletés du monde extérieur « violent ».


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Morning

Increasing mean radiant temperature (MRT) of central courtyard under prolonged exposure of direct sunlight throughout the day

Afternoon

© Taylor Baskin | Thermal Flow Study Conduction and Convection, Azuma Row House, Osaka, Japan

Les maisons étroites sont souvent aperçues comme aberrantes pour la plupart des gens. Cependant, de nombreux architectes talentueux semblent d’avoir relevé ce défi en concevant des bâtiments étroits mais parfaitement bien agencés. Ils ont réussi à réconcilier entre le confort idéal, que l’on n’atteint jamais et l’inconfort approprié, qui permet une nouvelle manière d’exploiter l’espace.


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conclusion De nos jours, 54% de la population mondiale vit en ville, et ce pourcentage atteindrait 66% en 2050. La fragmentation des parcellaires ne cessera pas de s’effectuer en raison des tensions économiques et du besoin de construire. Il revient donc moins cher de bâtir plus petit. L’étroitesse peut paraitre au début comme un inconfort pour la plupart des gens. Seulement, il n’existe pas de confort universel et idéal pour tous. Sous la plume de Jacques Pezeu-Massabuau, les notions de confort et d’inconfort prennent une dimension au-delà des simples ennuis déplaisants ou des brefs moments de béatitude : ce duo forme la trame de notre quotidien. Au lieu de contourner des inconforts, il est plus judicieux de les pratiquer et les utiliser sciemment pour atteindre à une autre félicité. À travers des exemples de maisons étroites étudiées sous différents aspects, nous constatons que les architectes contemporains ont su tirer le meilleur parti de la contrainte et concevoir des œuvres atypiques, représentatives de l’histoire de l’architecture. Deux moyens principaux d’amener la lumière naturelle dans cette typologie de maison se révèlent : la mise en place d’une ou plusieurs cours pour un apport de lumière zénithale ou l’ouverture vers l’extérieur par le biais d’une grande baie vitrée pour un apport latéral. Cela façonne le visage de l’édifice et donc sa relation avec la rue : hostile au contexte urbain comme la Maison Azuma de Tadao Ando ou au contraire, totalement ouverte à son environnement comme la Maison à Schowa-cho de Fujiwaramuro. Les maisons étroites modernes résultent d’une synthèse entre les caractéristiques de pavillons traditionnels et le rapport avec l’environnement. Qu’elles se trouvent à Hanoi ou à Tokyo, ces maisons font preuve d’actualité et constituent constamment un sujet de recherche pour notre génération d’architectes. Elles continuent toujours à se développer avec plus de critères écologiques et représentent éventuellement un modèle pour le futur développement des villes dans le monde entier.


conclusion 43

À l’autre bout du monde, le professeur de l’Université McGill à Montréal, Avi Friedman, estime que les maisons étroites sont résolument les maisons de l’avenir. Dans son ouvrage Narrow Houses : New directions in efficient design publié en 2010, Avi Friedman souligne les vertus des maisons étroites : “Narrow houses consume less and and require less infrastructure. Fewer materials are used in their construction, so they are environmentally sound and cost-conscious” 1. « Meilleur usage du terrain », « économie des matériaux », « baisse de couts d’infrastructure », « économie en énergie », « aménagement souple » et « écologique » sont des mots-clés qui caractérisent cette typologie de logements. Pour Friedman, les maisons étroites seront remède aux croissances démographiques et à l’étalement urbain : il faut regarder ce qui se faisait avant pour imaginer la ville de demain, « c’est un retour vers le futur ».

1. Proposition de traduction personnelle: Les maisons étroites consomment moins et exigent moins d’infrastructure. On utilise moins de matière pour les construire, donc elles sont plus écologiques et moins chères.”


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Bibliographie 1. ouvrage sous la direction de Pierre CLEMENT, Nathalie LANCRET(dir.), 2001, Hanoi, Le cycle des métamorphoses, formes architecturales et urbaine, Les Cahiers de l’Ipraus, 352 p. 2. extrait d’une exposition • R. ORFEUVRE, 2010, “Hypothèse de développement du quartier marchand”, Ha Noi Old Quarter Cultural Exchange Centre • N. Minh Trang, 2005, « Organisation du compartiment traditionnel hanoïen”, Ha Noi Old Quarter Cultural Exchange Centre 3. article de revue Yoshiharu Tsukamoto, “Void Metabolism, escaping the Spiral of Intolerance: Forth-Generation Houses and Void Metabolism”, Lotus International (2011,dec.) 4. rapport d’études Do Hong Anh, 2013, Maison Horizontale – Maison Verticale, De la maison horizontale traditionnelle vietnamienne à la maison verticale contemporaine par le biais historique, le changement des modes de vie traditionnels vietnamiens sous l’effet de la transformation de l’habitat, ENSA Paris-Valde-Seine, 28 p. 5. rapport d’études (document sur le web) Alexie Gauthier-Bertrand, Jean-Michel Bédard, 2009, Aménagement contemporain au Japon, 52p. http://www.unesco-paysage.umontreal.ca/uploads/documents/DeveloppementUrbainKobe.pdf 6. document sur le web Edward Suzuki, The concept of “Interface” http://edward.net/why-choose-us/ 7. Bdocument sur le web Atelier Bow-Wow, 2010, Split Machiya, Shinjuku, Tokyo, Japon http://www.designboom.com/architecture/atelier-bow-wow-splitmachiya/


bibliographie 45

8. document sur le web Vo Trong Nghia Architects, 2016, The Lantern House, Hanoi, VietNam http://www.archdaily.com/799578/the-lantern-vo-trong-nghia-architects 9. document sur le web Fujiwaramuro Architects, 2007, House in Showa-cho, Osaka, Japan http://www.archdaily.com/73463/house-in-showa-cho-fujiwaramuro-architects 10. conférence Philippe BONNIN, 2007, Conférence Seuil, limite, paysage : construction quotidienne des qualités spatiales, ENSA Versailles 11. support de présentation group8asia, 2016, Hanoia House, Concept Design Approval,Hanoi, Vietnam 12. document sur le web Hiroaki Ohtani, 2003, Layer House, Kobe, Japon http://archeyes.com/the-layer-house-hiroaki-ohtani/ 13. ouvrage Jacques Pezeu-Massabuau, 2004, Eloge de l’inconfort, Editions Parenthèses 14. document sur le web AHL architects associates, 2015, 3x10 House, Hanoi, Vietnam http://www.archdaily.com/791015/3x10-house-ahl-architects-associates 15. document sur le web Taylor Baskin, Thermal Flow Study Conduction and Convection, Azuma Row House, Osaka, Japan https://contrahabit.wordpress.com/2011/11/09/azuma-row-house-by-tadao-ando-designing-architecture-to-purposefully-make-people-feel-uncomfortable/





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