Lausanne vue comme métropole - Anthony Laffargue

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Lausanne vue comme métropole : les acteurs et le contexte de l’influence des Etats-Unis d’Amérique sur la production architecturale et urbanistique, de 1932 à 1961.

ECOLE NATIONALE SUPERIEURE D’ARCHITECTURE DE LYON

Mémoire de fin d’étude par Anthony Laffargue

1"


….

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…Sommaire( " " " " " Introduction "

7

Problématique, les prémices Problématique Positionnement dans un champ scientifique Méthodologie

8 9 10 10

" Le contexte

13

Deux clefs pour éclairer le contexte

13

" Les revues : la mesure de l’influence des Etats-Unis d’Amériques

15

ABC et « Forme & Fonction », le style international bannit ? Promouvoir une architecture nationale : formule de longévité ? Représentativité des Etats-Unis dans les trois revues : ABC, Formes&Fonction, Werk.

16 17 18

" La définition de la modernité comme toile de fond aux différentes réalisations

23

Deux congrès à portées internationales dans le canton de Vaud : 1928-1948 Deux lieux de formation héritiers et garants de deux discours : 1943-1945 Positionnement du corpus sur les discours romands

24 26 31

" Première partie

33

La vallée du Flon, création d’une « little Chicago »

33

"

"

La Maison Mercier

35

Les Mercier, grande famille de Lausanne L’architecte et son commanditaire Voyage aux Etats-Unis de Jean-Jacques Mercier de Molin Du Voyage à la construction ou de l’observation à l’application Des principes américains acclimatés

36 37 40 47 53

" "

5"


" " " " " " " " " " L’immeuble Bel-Air-Métropole

59

" Alphonse Laverrière, l’apprentissage parisien Les leçons d’un voyage en Amérique selon Bruno Corthésy Alphonse Laverrière, garant d’une doctrine classique ? Le débat autour de Bel-Air-Métropole

60 65 69 70

" " Deuxième partie

79

Le Quartier de la gare, une modernité inspirée

79

" La tour des imprimeries réunies de Lausanne

81

" Jean-Marc Lamunière, un parcours très tôt imprégné d’Amérique Lamunière : son voyage aux Etats-Unis d’Amérique La tour des imprimeries réunies, une application de la composition selon Mies La réception de la tour dans les revues

83 86 69 94

" La tour de Georgette (Etude de cas)

99

" Pierre Bonnard : un architecte, un associé Tour de Georgette, influence américaine, deuxième piste Documents de l’étude de cas

100 103 106

" Conclusions "

113

Bibliographie

117

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Introduction

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Problématique, les prémices.

Le choix d’un territoire : La relation que j’entretien avec la ville de Lausanne est nouvelle, j’ai d’abord découvert Lausanne aux travers d’événement précis, puis j’y ai passé des journée : ponctuellement. Aujourd’hui j’y suis la fin de semaine, pour plus tard m’y installer et y travailler. La problématique actuelle est issue des différentes recherches effectuées jusqu’à aujourd’hui, en vue du développement du mémoire. En effet, il apparaît que ces recherches ont permis d’élargir une problématique au départ réduite au seul cas d’étude de la tour «Bel-air métropole ». Par cette première recherche le thème plus général de « l’influence de l’architecture américaine sur l’architecture du canton de Vaud. » est apparu Les recherches déjà misent à disposition sur ce thème sont nombreuses, paradoxalement aucun des ouvrages consultés ne sont entièrement consacrés à l’adoption du modèle américain dans la ville de Lausanne. On rencontre souvent le même corpus, l’influence américaine est noyée dans les études des très nombreux modèles qui ont servis d’exemple au développement urbain de cette ville. De même les monographies n’abordent le sujet que de manière synthétique. En revanche, dans ces ouvrages, il est affirmé pour certain bâtiment, leur appartenance à un modèle américain, il existe un corpus de quatre édifices reconnu comme tel dans le canton de Vaud. Suite à ce regroupement des différentes informations la problématique s’est orientée vers une analyse précise des facteurs responsables de cette influence américaine. Aussi la lecture d’ouvrages plus centrés sur la ville de Lausanne, ses identités et la perception de cette ville par ses habitants ont donné un angle d’attaque pour le mémoire. Ces lectures ne font que confirmer ma propre perception de la ville.

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Problématique :

La ville de Lausanne, capitale du canton de Vaud, cinquième ville de suisse par son nombre d’habitants ne possède à priori pas les arguments pour se présenter au rang des « métropoles » qu’elles soient internationales ou régionale. Aussi son titre de grande ville est-il remis en question par certains. Malgré tout, Le développement démographique de Lausanne est considérable tout au long du XXème siècle, la ville triplant son nombre d’habitant, aussi elle est le théâtre d’événements qui concerne directement l’histoire de l’architecture : la fondation du premier CIAM à la Sarraz, organisé, entre autres, par Le Corbusier en 1928. Parallèlement, elle accueillera en 1948, le premiers congrès de l’Union Internationale des Architectes avec pour protagoniste principale Auguste Perret à qui on attribuera la présidence d’honneur. Lausanne accueillera aussi des institutions qui concernent moins directement les architectes et urbanistes, comme le CIO, se faisant par la même occasion Capitale Olympique en 1994, narguant au passage le caractère dit « internationale » de Genève. L’ambigüité de Lausanne est encrée dans les consciences comme en atteste la devise populaire de « la belle paysanne qui fait ses urbanités », moins connue aujourd’hui mais qui perdure jusqu’à la fin des années 1990. Cette « urbanité » se perçoit dans la ville, physiquement, architecturalement. Certains bâtiments sont des marqueurs et donnent à cette ancienne ville épiscopale une dimension métropolitaine troublante, comme « décontextualisée ». Le développement soudain de la ville de Lausanne, et le manque « d’histoire » que certains lui reproche, lui a permis d’accueillir plus facilement certains modèles urbanistiques et architecturaux nécessaires pour sa représentation face au quatre autres grandes villes suisses . Parmi ces modèles, celui des Etat Unis d’Amérique vas marquer la ville dans ses usages, dans son skyline, et sa représentativité. Nous étudierons ce phénomène en prenant pour limites temporelles la construction de la tour « Bel-air Métropole » en 1931 et celle de la tour Georgette en 1961. Quels sont les vecteurs de cet américanisme ? Comment cet américanisme est-il rendu possible ? Quelle est la nature de la réception de ce mouvement international ? Les réponses à ces différentes questions seront développées dans le mémoire à travers la problématique suivante :

Lausanne vue comme métropole : les acteurs et le contexte de l’influence des Etats-Unis d’Amérique sur la production architecturale et urbanistique, de 1932 à 1961.

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Positionnement dans un champ scientifique.

Ce mémoire à pour but d’expliquer un phénomène urbain dont les limites temporelles sont datées, c’est tout naturellement qu’il trouve une place dans une thématique historique appuyée par des recherches et « mises au jour » d’archives. Pour autant ce travail a pour ambition de proposer une analyse scientifique à travers un point de vue singulier. La ville de Lausanne pouvant se lire à travers différents filtres, il est proposé ici de « dire la ville » à travers celui de l’américanisme. Il est nécessaire pour cela d’avancer et démontrer le caractère métropolitain de la ville de Lausanne. De la même manière il est certain que le sujet en lui même, participe à la vision d’une ville métropole.

Méthodologie : Pour répondre à la question posée nous nous appuierons sur un Corpus de bâtiments. Ces derniers ont été sélectionnés au travers de deux approches : -

Un repérage sur site qui a permis de recueillir les premières impressions

-

Des lectures guidées par les précédents repérages et qui suggèrent à leur tour des bâtiments intéressants.

De cette façon, quatre bâtiments ont été identifiés : o

Maison Mercier, Francis Isoz, 1900

o

La tour « Bel-air Métropole », Alphonse Laverrière ,1932.

o

La tour des Imprimeries réunies, Jean-Marc Lamunière, Pierre Bussat, 1959

o

La tour Georgette, Pierre Bonnard, Laurent d’Okolski, 1961.

Ce corpus se « redivise » en deux partie : -

Les deux bâtiments que sont la Maison Mercier et la Tour Bel-Air-Métropole, de part leur proximité géographique et temporelle formeront la première partie de cette étude

-

Les deux autres édifices, la tour des Imprimeries réunies et la tour de Georgette, pour les mêmes critères, constitueront la deuxième partie de ce travail

L’étude des bâtiments obéira au schéma suivant :

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Dans un premier temps il est question de récolter des informations déjà existantes sur une influence déjà supposée ou déjà prouvée. Dans un deuxième temps il sera question d’enrichir les données existantes de recherches d’Archives. Aussi il apparaît important de préciser que, les éléments du corpus ne sont pas renseignés de manière équivalente. Aussi certains on nécessité une recherche sur des documents d’archives plus importante, toujours dans le but d’éclaire une hypothétique influence américaine. D’autres en revanches sont déjà identifiés comme « projets influencés par les Etats-Unis d’Amérique. ». Pour ces derniers il a été question d’approfondir ou d’élargir cette question, toujours dans le but de faire ressortir des informations. De par ce fait, le développement de chacune des parties qui vont suivre peut apparaître comme irrégulier. En parallèle à ces recherches ciblées, une recherche plus générale sur le contexte helvétique a été effectuée. Cette dernière permet d’encrer le corpus dans un territoire qui trouve sa force dans une

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Le Contexte deux clefs pour éclairer l’histoire relatives à l’architecture vaudoise des années vingt aux années cinquante. Le corpus sur lequel s'appuie ce travail de recherche s'étend sur une période de soixante-dix ans, de la fin du XIXe siècle aux années 1970. Cette période peut paraître trop large pour au final ne contenir que quatre exemples d'architectures réalisées dans la région de Lausanne, mais nous verrons que ce choix fait sens en regard de la situation actuelle de la ville. En effet, il ne s'agit pas d'étudier un corpus cloisonné par une période précise, mais plus d'identifier différents facteurs à l'origine d'une perception actuelle de la ville de Lausanne. Aussi la conclusion de ce mémoire trouvera ses sources dans l'actualité récente de la ville de Lausanne. Citons à titre d'exemple la votation concernant la faisabilité de la tour Taoua qui a eu lieu le 13 avril. Il sera question dans les développements qui précèdent l'analyse du corpus de qualifier les périodes qui nous concernent, à savoir les débuts de la modernité caractérisée par une recherche de définition et de principes, ainsi que les applications de ces derniers dans les années cinquante à soixante.

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.

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Les revues : la mesure de l’influence des Etats-Unis d’Amérique des années vingt aux années soixante.

La revue d’architecture de par sa nature de périodique, s’inscrit dans une époque et est un témoin d’informations concernant le passé. Aussi ce travail n’aurait pu faire l’économie d’une telle mine. Cependant, si le contenue d’une revue est fortement influencé par l’époque, elle l’est aussi, voir plus par ses contributeurs. La sélection, la présence d’une construction, ou son absence, permettent de deviner les différentes orientations d’une revue. Cela permet plus globalement de renseigner sur les références d’une époque précise. Cette deuxième partie dédiée au contexte suisse a pour but d’une part de présenter de façon succincte trois revues qui auront un rôle à jouer dans l’analyse du corpus. D’autre part nous essayerons d’évaluer l’influence de ces revues pour une hypothétique production inspirée des Etats Unis d’ Amérique. Pour ce faire nous étudierons de façon globale les exemples d’outre atlantique qui sont donnés dans ces périodiques qui bénéficient d’un lectorat important en Suisse romande.

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ABC et Forme & Fonction, le style international bannit ? ABC : Le premier numéro de la revue est édité en 1924 à Bales. Il promeut une architecture nouvelle est surtout internationale, nous verrons quelques exemples plus spécifiques aux Etats-Unis tout à l’heure. Jacques Gubler qui mentionne ABC dans sa thèse1 nous en dit un peu plus. Selon l’auteur, c’est le premier et le seul périodique d’avant-garde en Suisse. Promouvant l’architecture par l’acte de construire et encensant les nouvelles technologies. En cela il diffère du Bauhaus : « De Stijl postule l’absolu de l’art et de la forme élémentaire. ABC postule l’absolu de la technique et de la matière »2, et encore : « ABC dénonce en cette volonté [celle du Bauhaus] un nouvel art pour l’art »3. Aussi la revue expose principalement des thèses sur la ville. Selon Gubler cette démarche repose sur: « une approche analytique de la ville » Malgré tout, seul neuf numéros de cette revue verront le jour. Elle s’étendra en 1928, quatre ans seulement après le premier numéro, et quelques mois avant le premier CIAM. A ce propos les participants au congrès reprendront à leurs comptes certaines thèses de la revue.

Architecture Forme et fonction : La revue est contemporaine des deux projets les plus récents du corpus choisi pour cette étude : la tour des imprimeries réunies de Lausanne et la tour de Georgette. Le premier numéro apparaitra en 1953, le dernier numéro semble être paru pendant l’année 1964. Il faut aussi préciser que cette revue ne paraitra qu’une fois par an. Elle est imprimée à Lausanne et son contenu exclusivement rédigé en Français. On sait Anthony Krafft, rédacteur du périodique très proche de Sartoris et Jacques Gubler, tout deux orientés vers l’architecture internationale. Aussi les contributions de Sartoris seront nombreuses et chaque année il interviendra dans les mêmes rubriques : « Jour mondial de l’urbanisme » une chronique dédiée à un comité dont-il est président, ainsi qu’une série de portraits d’architectes « vu par A. Sartoris ». Ces différents architectes sont souvent de nationalité étrangère et les projets mis en avant ne sont le plus souvent pas encrés en Suisse. Bien que ces deux revues ne soient pas parues dans les mêmes années, elles ont en commun leur durée de vie limités. Nous ne savons pas exactement pourquoi ces deux périodiques n’ont pas dépassé la dizaine de parution chacun. En revanche, nous pouvons nous poser plusieurs questions :

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 1"Jacques"Gubler,"«"Nationalisme"et"internationalisme"dans"l’architecture"moderne"de"la"suisse"»,"L’age"

d’homme,"1975,"p.109G141"" 2"Ibidem"" 3"Ibidem"

16"


Les revues qui portent sur l’avant-

Dans un contexte suisse, la revue qui

garde seraient-elles dépendantes de

prône une architecture internationale

la

a-t-elle moins de chance d’acquérir un

longévité

des

phénomènes

lectorat fidèle que celle, à l’image de

auxquels elles s’intéressent ?

Werk, qui promeut une architecture nationale ?

Promouvoir une architecture nationale : formule de longévité ? La revue Werk apparaît pour la première fois en 1913, elle est aujourd’hui toujours publiée. Pour cibler le discours de cette revue quelques années après ses premières parutions il est possible de se référer à la note destinée au lecteur dans le numéro de Décembre 1922. Les auteurs qui ne sont autres que les éditeurs et la rédaction de «Das Werk » (nom porté par la revue avant les années trente) nous disent vouloir donner à la Suisse « une revue qui représente vraiment les beaux-arts et l’art appliqué en Suisse »4, de pouvoir énumérer la totalité « des courants qui se manifestent chez nous en art moderne »5. En ce qui concerne les arts étrangers les buts paraissent moins audacieux. Il s’agira de « signaler » les « valeur artistiques nouvelles et durables qui existent à l’étranger »6. Aussi, en 1970 la revue a gardé sa croyance envers une architecture nationale. A ce sujet, il ne faudrait pas se tromper, nous constaterons que le terme « nationale » n’est pas forcément accolé à la valeur de « tradition ». Enfin notons que le périodique coopère avec des associations à l’image de la Fédération des Architectes Suisses (FAS), ou l’œuvre (l’OEV). Ces dernières regroupent des architectes, ingénieurs ou des artistes pour promouvoir un « art suisse ». La revue qui prone un art national est éditée depuis plus d’un siècle. Cette longévité s’explique certainement par sa ligne éditoriale mais sans aucun doute, aussi, par un contenu de qualité.

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 4"Fretz"Frères,"S.A."et"Dr."J."Gantner"«"Aux"Abonnées"de"la"revue"Das"Werk"»,"Das"Werk,"Janvier" 1923,"N°1,"p.2"" 5"Ibidem" 6"Op.Cit.":"p.18"

"

17"


" «"stahlgerippe"eines"wolkenkratzers"in"Baltimore"»,""Photographie," Illustration"parue"dans"la"revue"ABC,"1924,"n°2"

18"


Représentativité des Etats Unis dans les trois revues : ABC, Forme & Fonction, Werk. Quelle Amérique ? Plus que de s’intéresser au nombre d’articles se référant à des projets ou des architectes américains, il apparaît plus cohérant d’identifier le type de projet présenté dans les différentes publications. Par type nous entendons les influences des différents projets pour répondre à la question suivante : A quelle Amérique chacune des revues fait-elle référence ? Cette question semble plus appropriée qu’une analyse basée sur la quantité d’articles publiés, d’une part parce que les trois périodiques n’adoptent pas le même format ni le même nombre d’articles, et les périodes de publications et le nombre de parutions diffèrent. D’autre part parce qu’ils abordent tous la question de l’architecture outre-Atlantique. Pour ABC nous ne disposons que de très peu d’exemplaire suite aux recherches effectuées pour ce travail. Cependant, le numéro 2 sorti en 1924 et le numéro 3 de 1926 suffisent à nous renseigner.Le deuxième « numéro » n’est pas, de ceux que nous possédons celui qui dédit le plus d’article aux Etats-Unis d’Amérique, en revanche une illustration représentant un « stahlgerippe eines wolkenkratzers in Baltimore »

trouve bonne place. L’image semble être en

accord avec les propos de Gubler sur la revue. A savoir, l’importance de la mise en œuvre et des nouvelle façons de construire. On ne parle pas ici du gratte-ciel mais de sa « stahlgerippe », à traduire par « carcasse d’acier » ou « squelette d’acier ». Il faut rajouter à cela que la photo est celle d’un chantier et non celle d’un bâtiment7. Le numéro de 1926 fait plusieurs fois appel à des références américaines, une première fois pour définir la technologie, en cours d’élaboration, d’un futur garage de Chicago. Ce dernier sera équipé d’un « ascenseur » et non d’une rampe pour permettre aux voiture de trouver leur place dans des box8. Là encore la notion de technologie et d’innovation est très présente. Le deuxième exemple rapproche les maisons de Ponte dans le Tessin, dont une partie est implantée perpendiculairement au bâti aligné sur rue, aux docks de New York qui eux aussi, à une autre échelle, s’implante perpendiculaire à un bâti respectant l’alignement sur rue. La comparaison peut paraître forcée mais une fois encore, il

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 7"Auteur"inconnu,"«"Stahlgerippe"eines"wolkenkratzers"in"Baltimore"»,"ABC,"1924,"N°2,"Zurich" 8"Auteur"inconnu,""«"Mechanische"autogaragen"»,"ABC,"1926,"N°3,"Zurich"

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est question de l’industrie américaine9. Pour finir la revue met en avant deux projets, l’un à Genève, l’autre à Chicago, tout deux de style international10. Formes et Fonction, la revue des années cinquante à soixante, présente de façon explicite son parti pris. Systématiquement une première partie présente des projets étrangers. Cette large ouverture géographique est compensée par une sélection de projets qui respectent strictement les critères du style internationale. La deuxième partie se concentre sur les « projets et constructions en Suisse romande ». De fait, Forme et fonction publiera d’avantage d’article concernant l’Amérique de sud que sur les projets établis aux Etats-Unis. Les références américaines de la revue Werk sont rares et ce n’est qu’en 1933 qu’un article se consacrera à un bâtiment américain11. La manière avec laquelle est introduit cet article mérite qu’on s’y attarde puisqu’elle n’est pas sans lien avec notre corpus et plus particulièrement la tour bel-air. C’est à la suite de la publication concernant le bâtiment lausannois que se place un article consacré au gratte-ciel de la PSFS à Philadelphie. Il faut aussi nuancer le propos d’une construction américaine. Il s’agit en fait d’un édifice construit par William Lescaze, architecte Suisse ayant effectué son apprentissage aux beaux arts de Paris. Ce numéro de 1933 ne se contente pas cette seule référence, comme profitant d’une occasion

d’évoquer

(enfin)

les

Etats-Unis

d’Amérique,

l’article

suivant

« « amerikanishe notizen » et consacré à l’urbanisme des villes américaines évoquant les « aparment-building » de New York, les villas de Los Angeles, ou les

stations

services

et

contenants

industriels

qui

bordent

les

routes

12

américaines . La disposition des articles que nous venons d’évoquer pose les questions suivantes : L’immeuble Bel-Air Métropole, serait-il le premier maillon qui intégrerait progressivement des références américaines dans Werk ? Dans ce cas comment expliquer l’acharnement de l’auteur à démontrer la « réelle confusion » entre ce bâtiment et « un gratte-ciel américain »13 ?

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 9"Ibidem" 10Ibidem" 11"Auteur"inconnu,""«"Moderner"Wolkenkratzer"in"Philadelphia"»,"Das"Werk,"mai"1933,"p."303G

311" 12"Albert"Frey,"«"Amerikanische"Notizen»,"Das"Werk,"mai"1933,"p."313G317" "13"Auteur"inconnu,""«"Immeuble"BelGAirGMetropole,"Lausanne»,"Das"Werk,"mai"1933,"p.289G 301.""

20"


Werk ne publiera que bien plus tard des articles s’appuyant sur des références américaines, à l’image du numéro de Février 1959, qui présente un aménagement de galerie d’art à New York : la World House Gallerie.14 On note aussi en Mars 1961 la présentation d’un projet de centre culturel et sportif de St Joseph dans le Michigan par un architecte américain15. Mis à part, la publication d’un document hommage à de Franck Lloyd Wright sera publié en décembre 195916. Dans tous les cas ces différentes références américaines ne révèlent que peu leurs origines outre-Atlantique. De façon ironique c’est le gratte-ciel du suisse William Lescaze qui semble le plus trahir la ligne éditorial du mensuel.

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 14"Auteur"inconnu,"«"World"House"Galleries,"New"York"»,"Werk,"Fevrier"1959,"N°46,"p.70G72" 15"Auteur"inconnu,"«"Höhere"Schule"in"St"Joseph,"Michigan,"USA»,"Werk,"Mars"1961,"N°28,"p.96G 99" 16"Prof.Dr.h.c."Werner"M.Moser,"«"Die"Bedeutung"Franck"Lloyd"Wright"für"die"Entwicklung"der" Gegenwartsarchitektur»,"Werk,"Decembre"1959,"N°46,"p.423G427"

"

21"


" Couverture,""Catherine"Courtiau,"«"l’immeuble"Clarté"Genève"Le"CorbusierG 1931/32"»,"Berne":"Société"d’histoire"de"l’art"en"Suisse,"1976"

22"


" " " " " " La définition de la modernité comme toile de fond aux différentes réalisations Il s'agit ici de présenter différents acteurs suggérant ainsi à mon lecteur quelques repères temporels. Certains sont des protagonistes importants dans le contexte suisse romand d'une certaine époque et peuvent, à première vue être éloignés des préoccupations centrales de ce travail. Pourtant, ils participent à créer un discours propre à la région Vaudoise. Aussi, au vu de l'étendu du corpus il me paraît important

de

classifier

ces

différents

acteurs

en

se

basant

critères générationnels et de reporter ces personnalités à des faits marquant.

23"

sur

des


Deux congrès a portées internationales dans le canton de Vaud : 1928-1948 En 1928 se tient à La Sarraz, le premier congrès international de l’architecture moderne, vingt ans plus tard apparaitra le premier congrès de l’union internationale des Architectes, à Lausanne. Les figures représentatives de ces deux événements sont respectivement Le Corbusier et Auguste Perret. En 1927 après la construction de la citée du Weißenhofsiedlung et dans un même élan il est nécessaire pour les différents esprits modernes de l’époque de définir la modernité et pouvoir ainsi faire unité. Le lieu du premier CIAM est le château de La Sarraz, village situé à une vingtaine de kilomètre de Lausanne. Ce lieu est propriété d’Hélène de Mandrot, elle fait partie de l’élite intellectuelle de la suisse romande et participe à la promotion des arts, plus particulièrement de l’art moderne, fortement influencée par Le Corbusier qui lui offrira un projet de maison. Le rôle de Le Corbusier est central dans l'organisation de ce congrès. Jacques Gubler dans sa thèse « Nationalisme et internationalisme dans l'architecture moderne de la Suisse » explique le positionnement stratégique de Le Corbusier17, usant de multiples techniques pour convaincre les participants au congrès de sa définition de l'architecture moderne. Définition imposant une esthétique singulière liée aux « cinq points ». Pour Jacques Gubler, toujours, l'acharnement de Le Corbusier à promouvoir le mouvement moderne tient de son échec au concours du Palais de la Société des Nations (S.D.N.). 18À ce propos, cet épisode genevois est évoqué par de nombreux acteurs dont nous parlerons plus tard. C'est Le Corbusier qui contacte Hélène de Mandrot pour lui proposer d'accueillir et d'organiser le premier CIAM. Par conséquent, en la choisissant il choisit le lieu: La Sarraz, en terre Vaudoise. On peut supposer plusieurs raisons à ce choix : se positionnant en stratège, Le Corbusier agît en terrain connu et est soutenu par son hôte. On peut aussi amener l'idée que l'échec connu sur le territoire helvétique lors du concours pour le palais de la S.D.N., l'encourage à reconquérir la

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" " 17"Voir"à"propos"du"positionnement"stratégique"de"Le"Corbusier"pendant"le"premier"CIAM,"

GUBLER"Jacques,"Nationalisme/et/internationalisme/dans/l’architecture/moderne/de/la/Suisse, L’Age"d’Homme,"1975."P."158"" 18"Ibidem,"p.147

24"


terre de ces origines en y organisant un événement dont le titre suppose une portée internationale. Mais le Canton de Vaud va aussi être choisi par l'UIA, (Union Internationale des Architectes) pour l’organisation de son premier congrès officiel en 1948, à Lausanne. En vérité, l'UIA est la formalisation d'un mouvement qui est créé parallèlement au CIAM, il s'agit des Réunions Internationales d'Architecte (RIA). Les RIA ont vocation principale d’entendre toutes les voies de l’architecture et met en place des voyages en URSS, grâce au soutien de la revue l’Architecture d’Aujourd’hui. Surtout ce regroupement propose une alternative au CIAM. Catherine Courtiau dans un numéro de la revue suisse Faces dédié à Jean Tschumi, met en valeur les différences entre les CIAM et les participants de l’UIA, les deux ne se mélangeant que dans de rares occasions. Ainsi on apprend dans cet article19 que « Seuls les CIAM également appelés à se joindre à ce mouvement [ le mouvement étant les RIA], gardent leur indépendance » aussi l’auteur nous explique que des « architectes rebutés par le dogmatisme de Le Corbusier appréciaient les RIA, dont le but étaient de débattre les problèmes d’architecture avec tolérance et une plus grande ouverture d’esprit ». D’autres anecdotes sont a relever : parmi elles, les plus cocasses, par exemple l’immeuble clarté construit au début des année trente par Le Corbusier n’apparaît pas dans les étapes des visites prévus pour le premier congrès de l’UIA en suisse Française. Notons aussi une filiation directe avec l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts de Paris, et cela malgré l’ambition d’aborder la modernité des RIA. Par exemple il est intéressant de constater que l’UIA définie les tâches de l’architecte en corrigeant le code Guadet élaboré en 1895 et signé par Charles Garnier et par Julien Guadet, figure emblématique de l’enseignement de l’académie des Beaux-Arts. La décision de créer officiellement un équivalent aux RIA dans la région ou le premier CIAM a eu lieu n’est peut être pas un hasard. L’initiateur de ces Réunions d’architecte est Pierre Vago, l’un des deux architectes sélectionnés pour la construction du palais de la S.D.N. Jacques Gubler nous apporte dans son livre déjà évoqué plus haut, le télégramme envoyé par Madame de Mandrot aux deux architectes du palais des nations désireux de faire partie du CIAM : « Congrés

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 19"Catherine"Courtiau,"Jean"Tschumi"et"l’UIA."Faces."Lausanne,

Jean"Tschumi."p.18Gp.20."

"

25"

Automne"1996,"n°36"dédié"à"


exclusivement réservé architectes moderne »20. On peut donc supposer que la formation de l’UIA à Lausanne est une réponse à ce télégramme envoyé vingt ans plus tôt. A cette occasion la présidence d'honneur est incarnée par la personne d'Auguste Perret, bâtisseur qui correspond à une vision large de l'architecture, moins manifeste et plus tournée vers les réalisations que son contemporain et conçurent le plus direct. Certains architectes suisses trouveront aussi chez Perret une source d'inspiration ou même un futur collaborateur. Comme nous l'apprend la thèse de Philippe Daucourt, élaboré en 2001 à l'Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne. Parmi ceux qui prennent modèle on peut citer quelques noms connus : Les frères Honegger (Genève), ou encore Daniel Girardet (Lausanne). Notons que l'UIA décerne actuellement en plus du prix Auguste Perret ; le prix Jean Tschumi : un acteur important dans la relation que le canton de Vaud entretien avec l’architecture.

Deux lieux de formation héritiers et garants des deux discours. 1943-1945 Nous verrons plus tard les différents systèmes d’enseignements qu’ont intégrés les architectes directement impliqués dans le corpus. Plusieurs protagonistes ont œuvré pour un enseignement propre à la Romandie. La création d’une école d’architecture par Jean Tschumi et celle crée par Alberto Sartoris permettent d’identifier ces deux acteurs influents qui ont participé à la promotion d’ouvrage moderne dans le contexte local, certaine de ces réalisations se retrouvant dans notre corpus plus intéressé, rappelons-le, par l’influence de la production américaine. Aucun document parmi ceux consultés pour ce travail ne fait mention de rivalité directe entre Alberto Sartoris et Jean Tschumi, mais on peut supposer une certaine tension entre le fondateur de l'EPUL, qui deviendra plus tard l'EPFL et le fondateur d'Athenauem puisque les deux lieux dédié à la formation de futur architectes sont respectivement créée en 1943 et 1945. Les deux écoles sont situées à Renens, aux portes de Lausanne. Seul Jacques Gubler nous informe des

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 20"GUBLER"Jacques,"op.cit."p."148"

26"


discours "anti-académiques" de Sartoris qui « offrira peu de secours à Jean Tschumi » 21 Malgré le peu d’information que nous possédons sur la création d’une seconde école d’architecture on peut aisément comprendre les points de vue divergents des deux fondateurs en étudiant les relations des deux architectes. Avant tout on peut mentionner la solide relation amicale qu’entretien Jean Tschumi avec Pierre Vago, disciple d’Auguste Perret. Jean Tschumi fut aussi nommé président du premier congrès de l’UIA. De fait, on peut sans trop de réserves émettre l'hypothèse que Sartoris, participant au premier CIAM et benjamin parmi les participants, fut amené à contredire la vision trop tolérante des RIA, en particulier ceux qui firent échouer en territoire suisse le chef d'orchestre du premier CIAM. Pour démontrer la ferveur de ce jeune architecte à Le Corbusier on peut se référer à une lettre ressortie des archives de la fondation Le Corbusier pour une monographie écrite en partie par Jacques Gubler en 1990 nous montre la dévotion de Sartoris pour Le Corbusier. Dans cette lettre22 Alberto Sartori fait parvenir les propos de Gino Maggioni, architecte d'intérieur, participant italien du Congrès. Maggioni reproche à Le Corbusier de le critiquer pour son manque d'implication dans les discutions qui ont eu lieu au château de La Sarraz en plus de ne donner la parole qu'aux Allemands. Il évoque aussi le palais de la S.D.N. : « J'ai écrit à Zervos que je m'associais à la campagne en faveur du projet de Le Corbusier pour le Palais de la S.D.N. On ne l'a pas publié dans les cahier d'Art ». À propos de Sartoris on perçoit facilement un malaise à faire parvenir de tel propos à une personne qu'il admire et dont il semble craindre le jugement. Plusieurs fois il condamne les propos de son compatriote italien : « Monsieur Maggioni mène une propagande nuisible contre notre récent congrès d'architecte », ou encore : « Monsieur Le Corbusier, je tiens beaucoup à votre estime et à votre amitié, voilà pourquoi je me suis permis de vous écrire et j'espère que vous ne m'en voudrez pas. Je suis convaincu que Maggioni exagère, mais il vaut mieux s'entendre ». Il conclut cette lettre en signant « votre dévoué » et

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 21"GUBLER"Jacques,"Jean"Tschumi"architecture"échelle"grandeur, Les"archives"de"la" construction"moderne,"Presses"polytechniques"universitaires"romandes,"2008."p.11."

" 22"Lettre"de"A.Sartoris"à"Le"Corbusier,"15"Juillet"1928,"Document"conservé"a"la"fondation"Le"

Corbusier,"Paris,"et"publié"dans"GUBLER"Jacques"et"ABERTO"Abrini","Alberto"Sartoris," Dall’autobiografia/alla/critiqua./Documenti/di/architectura,"Electa,"Milan,"1990.""

"

27"


lui assurant qu'il prépare le terrain pour une future conférence de Le Corbusier à Milan. En retraçant les trajectoires de ces quatre protagonistes il est question d'exposer ici les principales voies que l'on peut entendre résonner dans le canton de Vaud et qui dépassent largement l'arc jurassien et les alpes. On peut identifier à travers ces différents discours, deux idéologies, mais aussi deux générations d'architectes. Il apparait clair que Perret et le Corbusier sont à la tête de deux discours distincts que l'on peut illustrer par les objectifs de deux rassemblements d'architectes, les RIA et les CIAM. Nous avons vu précédemment ce qui les oppose. Indéniablement une génération d'architecte est destinée à choisir entre deux écoles, expression qui prend tout son sens quand on évoque la création de l'EPUL et d'Athenaueum par Jean Tschumi pour la première et Alberto Sartoris pour la seconde.

De toute évidence les CIAM auront une portée de voie plus forte, au regard de ce qu'on retient aujourd'hui de cette époque. On ne peut nier que peu d'élèves des différentes écoles d'architecture connaissent l'existence de l'UIA, organisme pourtant toujours très actif dans la promotion de nouvelles architectures. En revanche, la connaissance des CIAM est considérée comme un rudiment. Héritage qu'il faudrait peut-être relier aux événements de mai 1968 qui ont imposé une distance envers l'académisme à la plupart des ENSA. Paradoxalement, en Suisse romande, l'idéologie de l'UIA et de Perret n'a pas été éclipsée par le « Dogmatisme » de Le Corbusier et cela malgré les origines Chauxdefonnières de ce dernier, pour preuve la création de l'EPUL par Jean Tschumi et le grand nombre de bâtiment important que celui-ci a conçu en Suisse Romande. Enfin, on peut évoquer le grand nombre de système de préfabrication utilisant le béton et dérivé du système Perret. Bruno Marchand, qui dirige actuellement le laboratoire de théorie architecturale à l’EPFL, définit la modernité du canton de Vaud comme « en marge des grandes aventures »23. Cette formule correspond à une vision internationale de l’architecture, d’après les fait il semble qu’à l’intérieur de ce territoire les « grandes aventures » soit misent à la marge. Sartoris va faire les frais de cette mise à l’écart

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 23"MARCHAND(Bruno,(Architecture)du)canton)de)Vaud)192031977,(Presses"polytechniques"

et"universitaires"romandes,"2012.""

"

28"


des grands manifestes durant toute sa carrière, ne bénéficiant pas d’appuis chez les acteurs locaux. On peut émettre plusieurs hypothèses à cela, mais nous n'aurons pas le loisir de les développer ou les vérifier dans ce mémoire :

Le dogmatisme d'un

L'activité même de Le

Les architectes suisses,

personnage s'accorde

Corbusier tournée vers

avant la création de

peu avec l'esprit

l'international ou la

l'EPUL sont issus de

helvétique, attaché

France plus que vers sa

formations variées dont

aux valeurs

région natale.

les systèmes sont très

démocratiques et à la

différents. La croisade

pluralité de voie. A

contre l'académisme

l'image d'un pays qui

que mène Le Corbusier

parle trois langues et qui

trouve moins d'échos

adopte un

dans cette région.

système démocratique

Souvent, les architectes

participatif.

issus de l'ENSBA exerçant en Suisse prennent des distances avec cet enseignement de façon autonome.

29"


30"


Positionnement du corpus sur les discours romands Il est certain que nous allons revenir plusieurs fois, pendant ce mémoire sur ces différents personnages et le rôle qu'ils ont joué dans l'enseignement, la promotion ou bien la mise en oeuvre des modèles américains dans le canton de Vaud. Sur ce contexte de « fond », nous allons placer différents calques qui se superposent aux discours. Ces calques, qui sont les différents projets de tours que nous allons étudier, sont parfois en équilibre sur deux discours, parfois plus en retrait : précédant la mise en place des deux pensées ,mais démontrant ainsi un terrain propice au débat architectural. Aussi je souhaite présenter les acteurs principaux, pour la plupart architectes ou maîtres d'ouvrage des édifices du corpus dans le développement de celui-ci. De manière à clarifier leur position par rapport au débat architectural qui crée la toile de fond des réalisations que nous allons étudier.

31"


" Situation/de/la/vallĂŠe/du/Flon,// Vue/aĂŠrienne/de/la/ville/de/Lausanne,/1/:25/000"

32"


Première partie : La vallée du Flon, création d’une « little Chicago » Nous venons d’évoquer le débat autour de la définition d’une modernité. Le Corpus que nous étudierons ici se place en amont de ces perturbations. Recouvrant la période de la toute fin du XIXème siècle jusqu’aux années trente, la création de la vallée du Flon, comme un ensemble bâti, permettra à Lausanne de s’affirmer comme capitale vaudoise. D’autres réalisations marqueront ce passage d’une cité épiscopale à une capitale cantonale. Beaucoup furent construites par l’architecte Alphonse Laverrière. Nous évoquerons brièvement ces édifices dans la partie de ce travail consacrée à leur concepteur. Le développement qui suit se concentrera sur deux bâtiments, l’un achevé en 1900 et commandité par la famille à l’origine du développement de la vallée. L’autre construit trente et un ans plus tard par l’architecte Alphonse Laverrière.

33"


" Situation/de/la/Maison/Mercier./ Vue/aĂŠrienne/de/la/ville/de/Lausanne,/1/:5/000"

34"


La Maison Mercier Une digression vers le dix-neuvième siècle ? Pour l’heure nous développerons ce travail autour de l’édifice de la Maison Mercier. Je rappelle à mon lecteur que la sélection des quatre architectures présentes dans ce corpus et le reflet de balades urbaines dans la ville de Lausanne. Il s’agit ici de vérifier des intuitions concernant une hypothétique influence des Etats-Unis d’Amérique. La Maison Mercier de par son implantation, sa présence dans le quartier du Flon, ainsi que par le dialogue qu’elle entretient avec la Tour Bel-Air (édifice que nous étudierons dans la partie suivante) évoque les premiers gratte-ciel de Chicago ou ceux de New York, plus tardif. Ces différentes observations justifient sa présence dans un corpus initialement plus enclin à traiter une modernité qui se situerait entre les années trente et les années soixante. Cependant, nous constaterons que l’intégration de cette réalisation de la fin du dix-neuvième siècle dans ce travail se justifie.

35"


Les Mercier, grande famille de Lausanne.

L’histoire des villes est souvent liée à celle de familles qui acquièrent

du

pouvoir,

que

celui-ci

soit

d’ordre

politique

ou

économique. Lausanne ne fait pas exception. En 1740, « les Mercier » sont une famille protestante aveyronnaise. Sous la menace et les persécutions ayant pour cible les protestants à ce moment de l’histoire de France, la famille vient trouver refuge aux bords des rives du Léman. C’est à Lausanne que trois fils Mercier vont perpétuer le savoir faire de cette famille où l’on est tanneur depuis déjà plusieurs générations24. L’activité de tannerie est très vite appréciée à Lausanne, le cuir est une matière couramment utilisée pour tout type de travaux et constitue une grande partie de la garde robe de l’époque. Les tanneries Mercier se démarquent rapidement par la qualité de leur production. Cependant, la famille restera un siècle entier sans pouvoir atteindre les sphères supérieures de la société lausannoise. A ce propos on peut souvent lire que les odeurs de la tannerie, de par l’implantation de cette dernière dans la vallée du Flon, pénétraient fréquemment dans la ville située plus en altitude25. La ville de Lausanne se développe à grande vitesse pendant la deuxième moitié du dix-neuvième siècle, cette évolution s’explique par plusieurs changements dont le droit de vote accordé à la population entière. Avant 1830, seul les trois quarts des propriétaires les plus puissants ont accès au vote. On estime à moins de dix pour cent la part de la population pouvant s’exprimer au travers des urnes. Selon Dave Lüthi, docteur en lettre à l’université de Lausanne, ce retournement permet d’expliquer la croissance démographique de la ville, accueillant 17108 âmes en 1850, elle en comptera 46 732 à l’année 1900. 26 Il est certain que la croissance démographique et économique de la ville permettra aux affaires de la famille Mercier de se développer, surtout si ces

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 24""Pierre"Huguenin,"«"Depuis/150/ans,/les/merciers/défient/Lausanne»,"L’hebdoGLausanne,"20" Janvier"1994,"n°3,"p.34G37" 25"Ibidem" 26"Dave"Lüthi,"«"L’apparition"des"sociétés"immobilières"et"les"mutations"du"marché" architectural":"l’exemple"lausannois"(1860G1880)"»,"Études/de/lettres/[En"ligne],"mis"en"ligne"le" 15"décembre"2013,"consulté"le"18"avril"2014."URL":"http://edl.revues.org/236";"DOI":" 10.4000/edl.236""

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derniers proposent aux citoyens de la ville un cuir dont la qualité est sans équivalent. Pour preuve de ce savoir-faire les Merciers ont décroché une médaille de bronze à l’exposition universelle de Londres en 185127. La même année, JeanJacques Mercier, troisième du nom, va épouser une fille de chirurgien Lausannois. Le développement de la ville ne se fera plus sans la famille des Lors que Jean-Jacques Mercier-Marcel sera à la tête de l’entreprise.

L’architecte et son commanditaire

Francis Isoz, architecte autodidacte Francis Isoz est né en 1856 à Vevey, il est donc de trente ans plus jeune que Jean-Jacques Mercier-Marcel. Ce détail aura son importance pour la suite. Son parcours académique est des plus banal, il suit des études secondaires à Vevey puis à Zurich avant de s’installer à Lausanne et de travailler pour des agences dans la même ville. Joëlle Neuenschwander Feihl nous rapporte les propos de l’architecte interrogé par l’agence télégraphique suisse sur sa formation « Stages dans bureaux d’architectes à Lausanne, mais situation acquise plutôt par labeur personnel »28. Le relevé d’épitaphe qu’a effectué la chercheuse des Archives de la construction moderne, nous indique également que l’homme était très travailleur.

Une production en lien avec le territoire La production de l’architecte ne se limite pas à Lausanne mais s’étend jusqu’aux limites du canton de Vaud. Ainsi on recense de nombreuses églises et collèges dans les villages du Jura Nord Vaudois. Sa production est hétérogène et son style éclectique. Joëlle Neuenschwander Feihl, toujours, nous décrit sa production « Ainsi les églises d’Isoz sont négothiques ou romano-byzantines, ses écoles urbaines néorenaissance, celles des villages régionalistes, et lorsqu’il édifie le pavillon des officiers de la caserne d’Yverdon (1893), il emprunte au

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 27"Joëlle"Neuenschwander"Feihl,"«"JeanGJacques"MercierGMarcel"et"son"architecte"Francis"Isoz":" Genèse"d’une"relation"à"travers"le"cas"du"château"d’Ouchy"»,"Études/de/lettres/[En"ligne],"mis"en" ligne"le"15"décembre"2013,"consulté"le"18"avril"2014."URL":"http://edl.revues.org/232";"DOI":" 10.4000/edl.232""

"

28"Ibidem"

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registre castral. A l’hôtel du Parc à Ouchy, il mélange des références liées à la villégiature, comme des loggias, aux motifs régionalistes. Pour des typologies nouvelles comme celles du grand magasin, de l’usine électrique et de la gare marchandises, il utilise un langage moderne, rationaliste, dans lequel la structure constructive, en l’occurrence l’ossature de béton armé, s’affiche. »

29

Nous pouvons légitimement nous poser la question d’un rapport entre absence de formation académique et le style éclectique de Isoz. Les nombreuses références de son travail au style traditionnel suisse à l’image des formes aiguisées des toitures qu’il conçoit, ou les motifs pittoresques qu’il intègre dans ses réalisations,30 sont certainement dues à sa formation autodidacte. En revanche, la majorité des édifices construits par l’architecte, mise à part le château d’Ouchy qui prend appuis sur des ruines, respectent les principes de la régularité et de la symétrie. Cette dernière caractéristique est fortement présente dans les programmes « urbains » tel que la banque cantonale vaudoise ou le crédit foncier suisse, tout deux situés à Lausanne. C’est certainement cette capacité à définir le style en fonction du lieu et du programme qui lui permettra d’accéder à des commandes très variées sur la totalité du territoire vaudois. Nous verrons plus tard que cette aptitude a certainement joué un grand rôle dans la réception de la Maison Mercier par les Lausannois.

L’architecte et son commanditaire, vu par Joëlle Neuenschwander Feihl. L’article écrit par Joëlle Neuschwander Feihl intitulé « Jean Jacques Mercier-Marcel et son architecte Francis Isoz, Genèse d’une relation à travers le cas du château d’Ouchy » nous renseigne un peu plus sur les liens qui unissaient les deux hommes. Francis Isoz a construit de très nombreux édifices pour Mercier-Marcel, ainsi on peut citer l’hôtel du château d’Ouchy construit en 1886, un immeuble de rapport en 1893, la maison Mercier achevée en 1900 et des bâtiments dont l’usage servait pour la tannerie. Il agit aussi pour la Cie-L-O, la société d’investissement créée par Jean-Jacques Mercier-Marcel, en construisant divers bâtiments relatifs au chemin de fer Ouchy-Lausanne, des logements et des entrepôts. Ainsi l’architecte agit pour le compte de l’homme privé mais aussi de l’homme d’affaire, les deux étant chez Mercier-Marcel étroitement liés. Selon la chercheuse cet afflux de commande envers le même architecte s’explique par deux profils similaires et compatibles. Elle les définie comme

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 29"Op."cit,"p.40" 30"A"propos"d’un"exemple"d’édifice"construit"par"Isoz"dans"un"village"du"canton"de"Vaud,"voir"

en"annexe"p."xx"la"réalisation"du"collège"de"Orbe.""

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éclectiques, animés par la même envie de construire et d’innover. La fin de son travail révèle une constante qui est celle du « recours systématique aux procédés constructifs les plus novateurs »31. Selon l’auteur de l’article les sources desquelles nous disposons ne font pas état d’un maitre d’ouvrage imposant ses volontés. Cependant elle pose l’hypothèse que les deux hommes partageaient les mêmes gouts pour le moyen-âge. Cette hypothèse est compatible avec ce que nous connaissons du travail d’Isoz très peu préoccupé par la tradition beaux arts qui, rappelons le, était hostile aux références médiévales. A cette étude il faut peut être ajouter le point de vue de Dave Lüthi qui ne partage pas l’idée que Mercier et Isoz entretiendraient un dialogue dénué de rapport de force. En effet en 1906 les Mercier font appel à un architecte autre d’Isoz pour le château de Sierre. Le chercheur pose la question suivante : « n’estelle [en parlant de cette situation] pas la preuve que les commanditaires ont plus d’idées sur leur projet de construction que ne peut en supporter un architecte tel qu’Isoz, alors au faîte de sa carrière ? »32. Ces données concernant ces deux acteurs de la construction de la Maison Mercier vont nous permettre de lire une série d’information qui permettra de conclure, ou ne pas conclure, sur l’influence supposée des Etats-Unis dans cette construction.

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 31"Op.cit.,"P.40" 32"Dave"Lüthi,"«"Introduction":"Le"client,"un"acteur"oublié"»,"Études/de/lettres/[En"ligne],"mis"en" ligne"le"15"décembre"2013,"consulté"le"18"avril"2014."URL":"http://edl.revues.org/225""

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Voyage aux Etats-Unis de Jean-Jacques Mercier de Molin

Si Jean-Jacques Mercier, troisième du nom a permis à la famille d’acquérir un fort pouvoir politique et économique sur la ville de Lausanne, c’est la collaboration avec son fils, quatrième du nom et marié Molin, qui marquera les années où ils réorienteront leurs activités.

Cohabitation entre un père et son fils Douze années avant la construction de la Maison qui porte leur nom en 1895, Mercier-Marcel fait entrer son fils Mercier de Molin dans la société. Ce dernier lui succède à la direction de la tannerie. C’est une époque ou les affaires se portent particulièrement bien, grâce au marché américain surtout. La forte demande de ce pays pour le « cuir de vaux » d’explique pour une partie par l’obtention du grand prix à l’Exposition universelle de 1889 à Paris. L’idylle économique que semble vivre la famille ne va cependant pas durer. Les Etats-Unis, dans le but d’augmenter leur croissance, appliquent des droits de douane proches de cinquante pourcent sur des produits manufacturés étrangers. Les taxes appliquées font alors partie des plus élevées au monde. La deuxième mesure nuit plus particulièrement à la fortune personnelle de la famille. Dans les mêmes années la Suisse met en œuvre une nouvelle constitution comportant l’impôt progressif. Ces événements ont des répercutions pour la famille. Mercier-Marcel va immigrer vers Rome en 1886 pour trouver domicile deux ans plus tard à Nice où il payera désormais ces impôts. Cependant, l’organigramme hiérarchique de l’entreprise familiale n’est pas réorganisé pour autant et Mercier de Molin n’héritera à ce moment que d’une procuration, lui permettant seulement de signer à la place de son père. On ne sait pas si celui-ci s’est contenté de signer ou s’il a été en position de devoir décider pour son ascendant. La deuxième conséquence est le voyage du fils Mercier aux Etats-Unis pour évaluer la situation critique de la tannerie. L’exile de Mercier-Molin pose la question de l’interlocuteur de Francis Isoz pendant la construction et la conception de la Maison Mercier qui s’étale de 1895 à 1900. Pendant cette recherche, aucune trace de correspondance entre Francis Isoz et Jean-Jacque Mercier père ou fils, n’a été découvert. En revanche on peut supposer que les échanges de documents d’architecte entre Nice et Lausanne

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n’était pas chose facile, de plus, Isoz sera considéré comme l’architecte de la famille après le décès de Jean-Jacques Mercier-Marcel. Ces éléments nous laissent croire que l’architecte a pu s’entretenir avec Mercier de Molin lors de la construction de l’édifice. Lettre d’affaire et écrit de Voyage, Contexte et but. Jean-Jacques Mercier de Molin, effectue un premier voyage aux ÉtatsUnis, il arrivera à New York le premier octobre 1894 par le Bretagne. Il écriera quasi quotidiennement à ses collaborateurs restés à Lausanne. Les écrits relatent majoritairement des visites d’usines. Ces dernières ne font que confirmer les craintes de l’homme d’affaire à propos de la demande faible de cuir provenant de suisse, en cause : les taxes qui pèsent sur cette marchandise étrangère. Le but du voyage est clairement identifiable à travers ces écrit il s’agit de faire « l’Etat des lieux » du marché américain et visiter le maximum d’usines qui ont, ou sont susceptibles d’être intéressées par la production de la tannerie lausannoise. Cependant, dans ces écrits dont la lecture peut paraître lasse pour une personne étrangère au commerce de peau, on peut entrevoir des bribes de phrases qui décrivent en quelques mots seulement les villes que Mercier parcours pendant deux mois. Voici quelques extraits significatifs des apartés que s’autorise l’homme d’affaire dans sa correspondance.33 •

De l’hôtel Brunswick CO. A New York, le 1er octobre 1894 : « L’activité et la vie sont extraordinaires ici. Je suis monté aujourd’hui au sommet d’une maison de 22 étages. Le 22ème est à 300 pieds de haut. C’est la plus haute maison de New York. Les gens sont causants et gentils ici. Il y a bien a apprendre avec eux. »

De la Parker House à Boston le 16 octobre 1894 : « Ici Il y a un emploi incroyable de l’électricité pour la lumière, les tramways […] J’ai fait un fort bon voyage par mer. De Newyork à Bonston sur un splendide navire qui portait bien je pense quinze cents passagers. Boston est une fort jolie ville et très active. Je l’ai parcourue aujourd’hui en

sens divers pour m’y orienter et j’ai été surpris par la quantité énorme

de

wagon »

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 33"Archives"Cantonales"Vaudoises"(ACV),"Cote"du"dossier:"PP"952/196,"Voyage"aux"EtatGUnis"de" JeanGJacques"Mercier"de"Molin"en"1894."Dossier"contenant,"entre"autre,"cartes"postales," télégrammes"et"lettres"envoyées"par"Jean"Jacques"Mercier"de"Molin"à"ses"collaborateur"L." Bovet"et"H."Schrantz."""

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De l’hôtel The Windsor, à Montréal le 19 octobre 1894. « Partout ici en Amérique on emploie la machine à écrire Remington et on va très vite. Il faut savoir la stéréographie afin de pouvoir dicter son courrier rapidement. Mr Rusillon devrait se mettre activement à étudier la stéréographie et à écrire à la machine. Un chef de maison ici gagne un temps énorme en faisant ainsi. J’aimerai pouvoir le faire aussi à la maison. Parlez en à Monsieur Rusillon. »

Ainsi Mercier de Molin confie les différentes inspirations qu’il peut tirer de son voyage. La machine à écrire, parce que la mise en application nécessiterait peu de moyen et peu de temps, illustre bien l’inspiration que l’homme d’affaire trouve dans ce pays. Un autre exemple de pièce écrite, dont la visée est différente, nous démontrera explicitement cette envie de « reproduire » les modèles américains.

Un homme d’affaire « explorateur » au nom de Lausanne. Nous venons de voir les récits privés qui contiennent quelques rares annotations destinées à ses proches collaborateurs. Cependant, un autre récit est disponible, celui-ci est destiné à la population Lausannoise. La question sur le besoin de raconter son voyage au travers d’un journal, la gazette de Lausanne, mais aussi d’une brochure intitulée Note de voyage aux Etats-Unis d’Amérique par Jean-Jacques Mercier de Molin 34 reste ouverte. Néanmoins, ce récit

est

nettement plus dense en informations concernant la perception de la ville américaine par l’homme d’affaire. Dans ce discours, il revient plusieurs fois la fascination de l’homme face à la multitude de moyens modernes déployés et/ou inventés par les américains. Cette vision n’est nullement surprenante pour un entrepreneur et homme d’affaire. Ainsi, à la machine à écrire on peut ajouter la gestion des bagages dans les trains, le tramway, l’eau courante et l’électricité à discrétion dans les hôtels ou encore un système hydraulique utilisant la force motrice des chutes de Niagara

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 34"Archives"Cantonales"Vaudoises"(ACV),"Cote"du"dossier:"PP"952/196,"Voyage"aux"ÉtatsGUnis"

de"JeanGJacques"Mercier"de"Molin"en"1894."Dossier"contenant"trois"brochures"et"un"manuscrit" de"«"Notes"de"voyage"aux"EtatsGUnis"d’Amérique"par"JGJ"Mercier"de"Molin"»"

"

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pour alimenter une usine en électricité. (Ce sera d’ailleurs un compatriote vaudois qui fera visiter à Mercier de Molin ces installations) •

L’architecture attire aussi l’attention de l’entrepreneur. A New York comme à Chicago il relève la hauteur des maisons : « Depuis quelques années on s’est mis à construire à New York à l ’imitation

de

Chicago

des

bâtiments

appelés

vulgairement

« Skyscrapers » soit « gratte-ciel, râcle-ciel ou décrotte-ciel », ils sont peu agréables à voir. Ils ne servent pas d’habitation en général, mais son affectés à des bureaux forts commodes, bien éclairés, chauffés et desservis très rapidement à chaque étage par des ascenseurs extra rapides. » •

A propos de Chicago : « Chicago est la ville des maison à 15, 20, et même 22 étages. Le temple maçonnique est desservie par 14 ascenseurs montant jusqu’au 19ème étage. »

Néanmoins

l’homme

reste

plus

attentif

à

l’innovation

que

représente

l’ascenseur qu’aux édifices eux même. « Avec l’un de ces ascenseur j’ai été transporté en trente cinq secondes au dix-neuvième étage d’un de ces grands bâtiment, c’est à dire 75 ou 80 mètres au dessus du sol ». Quand ce n’est pas la vitesse qui impressionne le voyageur ce sont le nombre de personnes qu’accueillent les ascenseurs ou bien le système permettant de savoir à quel étage se trouve celui que l’on attend. Aussi l’homme se veut quelque fois critique, en particulier sur le « style » des immeubles de grande hauteur. Ainsi il regrette l’alignement de styles différents, « Les diverses architectures paraissent souvent hurler les unes à cotés des autres. Il n’y a aucune harmonie. Chacun semble avoir voulu faire plus beau que son voisin, sans s’inquiéter si ce qu’il fait ira bien à coté de ce qui existe déjà ».

Malgré ces critiques New York semble avoir séduit notre homme, bien plus que Chicago qui lui semble salle et emprunt de misère. Il semble que les Etats-Unis et particulièrement la ville de New York est étonnée le suisse. Ce dernier ne se contente pas d’observer, il veut apprendre et importer des techniques, des méthodes de travail mais avant tout un « état d’esprit

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d’entrepreneur », en adéquation avec ses idées libérales. Ainsi on relève souvent des fins de chapitre de ce type « Que de progrès à faire en Europe sous ce rapport ! Les trains même on un confort inconnu sur l’ancien continent. » Mieux, il conclue son récit ainsi : « Les Américains ont fait et feront de grande choses ; ils le doivent à leur esprit énergique et décidé, à leur activité, à leur volonté d’aller toujours en avant. Il y a là, certes, bien des choses à imiter ».

44"


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45"


" Urbanisation/de/la/VallĂŠe/du/Flon,/En/haut/:/Plan/de/1838/,/En/bas/:/Plan/de/1896/ Site/officiel/de/la/ville/de/Lausanne./"

46"


Du Voyage à la construction ou de l’observation à l’application.

Si le voyage de Jean-Jacques Mercier de Molin n’a permis de constater qu’une dégradation de la demande étrangère du point de vue des affaires, il n’aura pas été vain en terme d’inspiration. C’est ce que nous allons tenter de démontrer dans cette partie. Avant la maison, le territoire Mercier. Le contexte dans lequel s’inscrit le bâtiment n’est pas neutre pour le maitre d’ouvrage. La vallée du Flon était, à l’origine, en marge de la cité. La tannerie des Mercier a été implantée dans cette vallée des sa création. C’est Jean-Jacques Mercier-Marcel qui remblaya la vallée en même temps qu’il développa une ligne de chemin de fer entre Ouchy, au bord du lac, et Lausanne, (plus en retrait des rives) en 1876. Il profita de ces travaux et nouvelles liaisons pour construire sur ce site des locaux industriels et une gare destinée à sa société Cie LO. On peut prendre la mesure de ces modifications en comparant les plans de la ville des années 1838 et 1896, l’extensions de la ville au sud, vers le lac puis à l’ouest par la vallée du Flon est en partie due aux travaux entrepris par Jean-Jacques Mercier Marcel. La vallée du Flon est donc un choix évident pour ce nouvel immeuble. Mais ce dernier ne se contentera pas d’être encaissé, il prendra appuis sur une pente escarpée permettant à la construction de dominer la vallée. De fait, ce nouvel immeuble aura une véritable présence dans la ville, visible de tous et à proximité du pont qui relie le nord de Lausanne au sud.

Un changement d’activité La fabrique de peau étant devenue beaucoup moins rentable, le fils et le père décideront ensemble de fermer la tannerie en 189835. Soit pendant la construction du prestigieux immeuble. Ce dernier est certainement un moyen

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" "Joëlle"Neuenschwander"Feihl,"«"JeanGJacques"MercierGMarcel"et"son"architecte"Francis"Isoz" :"Genèse"d’une"relation"à"travers"le"cas"du"château"d’Ouchy"»,"Études/de/lettres/[En"ligne],"mis" en"ligne"le"15"décembre"2013,"consulté"le"18"avril"2014."URL":"http://edl.revues.org/232";"DOI" :"10.4000/edl.232"" 35 35

"

47"


" Photographie/de/l’auteur./ La/Maison/Mercier,/Lausanne,/FÊvrier/2014"

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pour les Mercier de communiquer leurs nouvelles activités d’entrepreneurs. Il est en effet difficile de mettre en doute le rôle que joue une telle construction dans la représentation social de la famille au sein de la cité Aussi, il faut noté le caractère symbolique du bâtiment, quoi de mieux pour communiquer un « renouveau » que d’émerger d’une vallée dans laquelle les Mercier ont évolué depuis plus d’un siècle ? La construction de l’immeuble est certainement, pour Jean-Jacques Mercier de Molin, un moyen de mettre en application ce qu’il a observé pendant son voyages aux États-Unis d’Amérique. Le temps écoulé entre les deux événements est très court. L’homme d’affaire fut de retour en décembre 1894. Cinq mois après les premières fouilles commençaient. Nous pouvons regrouper les principales caractéristiques de l’immeubles américain en trois partie : Un programme mixte mais largement tourné vers de l’activité, le nombre d’étage importants, le niveau de confort de l’équipement. Le changement d’activité des Mercier (de l’industrie à l’investissement) va contribuer à mettre en place ces différentes caractéristiques.

Une maison qui accueille diverses activités Le programme mixte de la Maison Mercier est unique à Lausanne, avant même la pose de la première pierre le journal « la gazette de Lausanne » y fait allusion en décrivant des futurs « bureaux et locaux de diverses natures »36. Le jeu de plans retrouvés aux archives cantonales nous indique aussi une synagogue37. De nombreuses annonces et quelques articles parues dans La gazette de Lausanne en 1898 et 1901 nous informes sur la nature ses preneurs. Ainsi on sait que la société d’escrime « s’est installée dans un fort beau local de la nouvelle Maison Mercier […]. La nouvelle salle est éclairée par de grandes fenêtres ouvrant au Nord. Elle a deux vestiaires spacieux et confortables »38. S’en suit une série de d’annonces mentionnant des transferts d’activité dans l’immeuble sans attendre que ce dernier ne soit achevé. « La Banque d’escompte

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 36""Auteur"inconnu,"«"Au/grand/chêne»,"La"gazette"de"Lausanne,"19"avril"1895,"n°92,"p.3" 37"Archives"Cantonales"Vaudoises"(ACV),"Cote"du"dossier:"PP"952/415"(="Grand"format),"Jeu"de" plans"concernant"l’immeuble"de"la"rue"du"Grand"Chêne"8,"1897."" 38""Auteur"inconnu,"«"Des/nouvelles/du/grand/chêne»,"La"gazette"de"Lausanne,"24"avril"1899,"

n°95,"p.3"

"

49"


" Francis/Isoz,/ElÊvation/et/coupe/montrant/l’implantation/sur/le/terrain/naturel./ Archives"cantonales"Vaudoises,"Dossier"PP"952/415"(=Grand"format),"jeu"de"planc" concernant"la"Maison"Mercier"

50"


et de dépôts »39 et un antiquaire40 font partie de ces locataires pressés. Enfin prennent place « la société suisse d’assurance générale sur la vie humaine »41, « un cours de sculpture pour dames42, et des particuliers, le bâtiment assurant aussi la fonction d’immeuble locatif. La maison accueille également de nombreux événements.43

Une tour Mercier ? Le

deuxième

point,

la

hauteur

de

l’édifice,

impressionnent

les

contemporains de Jean-Jacques Mercier de Molin et d’Isoz. Dans l’article du 19 avril 1895, dans la gazette de Lausanne toujours, il est écrit : « De ce coté la [Le coté nord] il n’aura pas moins de 9 étages. Presque la dimension d’un des fameux sky-scrapers de Chicago ! »44. La superficie semble aussi être de dimensions honorables aux yeux des contributeurs du journal : « Une maison, qui sera à coup sûr la plus vaste et très probablement la plus belle de Lausanne ». Cependant la hauteur de l’édifice peut être discutée. Ce dernier est situé entre la rue du grand chêne et le coté escarpée qui délimite la vallée du Flon, situé douze mettre en dessous du niveau de la rue. La hauteur du bâtiment varie donc de douze mètre en fonction du point de vue que l’on adopte. Légitimement on peut se poser la question : Pourquoi ne pas avoir construit un immeuble de grande hauteur à partir du niveau de la rue ? La répons est simple, d’après le quotidien l’édifice ne pouvait dépasser 18 mètres, corniches incluses, à partir de la rue du Grand Chêne. La Maison Mercier respecte strictement les règles d’implantation de l’époque. Cependant, cette information génère d’autres questions. •

Jean Jacques Mercier de Molin et son architecte Francis Isoz, auraient-ils conçues un édifice plus haut en l’absence de règlementation ?

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 39""Annonce,"La"gazette"de"Lausanne,"21"aout"1899,"n°197,"p.4" 40""Annonce,"La"gazette"de"Lausanne,"20"janvier"1900,"n°17,"p.4" 41""Annonce,"La"gazette"de"Lausanne,"13"octobre"1900,"n°243,"p.4" 42""Annonce,"La"gazette"de"Lausanne,"23"Janvier"1901,"n°19,"p.4" 43

""ibidem.""

44""Auteur"inconnu,"«"Au/grand/chêne»,"La"gazette"de"Lausanne,"19"avril"1895,"n°92,"p.3"

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51"


L’implantation actuelle de la maison, semi-enterré sur une douzaine de mètre de hauteur, a-t-elle été choisie par les concepteurs pour feindre un immeuble de grande hauteur ?

Toujours est-il que le nombre d’étage, qui sont au nombre de dix sur les plans de 189745, et non de neuf comme le précise la gazette de Lausanne, reste une exception dans le paysage urbain de la ville à cette époque.

Le niveau d’équipement et de confort Pour finir, le niveau de confort et les innovations techniques qui avaient peu de temps auparavant fasciné Jean Jacques Mercier Fils, sont bien présentes et l’édifice dispose « d’un ascenseur, d’un monte-charge, d’un chauffage central à la vapeur et d’une petite usine spéciale pour la production de chauffage électrique »46. L’hypothèse qui concerne une probable influence des Etats-Unis d’Amérique semble se vérifier pour la Maison Mercier. Les documents d’archives, principalement les récits de Jean-Jacques Mercier de Molin concernant son voyage permettent d’identifier des caractéristiques de l’architecture, et plus globalement de la ville américaine pendant les années 1890. Ces observations concernent plus précisément les usages et les innovations techniques présents dans les immeubles de New York ou Chicago. Par la suite, nous avons constaté des points communs entre les observations du maitre d’ouvrage et sa réalisation. Cependant, pour parfaire cette analyse il faudrait s’assurer de l’interlocuteur de l’architecte Francis Isoz. En effet, rien indique explicitement que ce dernier est eu affaire au fils de Mercier-Marcel mais compte tenu de la situation du père à Nice et de la procuration détenu par son fils, on peut supposer que l’architecte s’est entretenu avec Mercier de Moli

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 45""Auteur"inconnu,"«"Au/grand/chêne»,"La"gazette"de"Lausanne,"19"avril"1895,"n°92,"p.3" 46"Ibidem"

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Des principes américains acclimatés

Pour finir, il est question de traiter ici du « style » auquel appartient se bâtiment. Si ce dernier emprunte à ses contemporains newyorkais les usages, le confort et imite leur gabarit, il ne dénie pas pour autant le territoire sur lequel il s’implante. Le rôle de l’architecte préservé. Nous avons peu parlé de l’architecte précédemment, pourtant il semblerait que celui-ci n’est pas perdu sa « liberté d’action » au vu du bâtiment existant. C’est ce point que nous allons tenter de traiter pour finir cette étude spécifique à la Maison Mercier. Jean-Jacques Mercier de Molin semble respecter le travail de l’architecte, dans sa brochure qui relate son périple américain il l’avoue lui même : « Mon intention n’est pas de décrire ou d’énumérer les monument de New-York, je laisse ce soin à des plus habiles »47. En revanche, dans son rôle de maitre d’ouvrage il peut soumettre au mettre d’œuvre, l’intégration de principes, que nous supposons venir des Etats-Unis d’Amérique. De plus dans son discours relatif aux bâtiments Newyorkais, il ne cache pas son scepticisme à l’égard de leur hétérogénéité. Il va jusqu’à qualifier ces ensemble bâti de « peu plaisant à regarder »48 . On peut supposer que Mercier de Molin ne souhaite pas voir édifier une tour similaire à celles qu’il décrit. On peut alors se plaire à imaginer le cahier des charges auxquels doit répondre Isoz. Un bâtiment pouvant accueillir des locaux d’activités diverses, de grande hauteur, comprenant un ascenseur, un local pour produire de l’électricité, un chauffage central à la vapeur, un monte-charge, le tout respectant le style helvétique et revêtant un caractère urbain. On ne sait pas si un tel cahier des charges a déjà existé, pourtant Isoz répond à ces différents critères. Notons aussi que cette demande est appropriée aux compétences de l’architecte qui affectionnent particulièrement les prouesses techniques tout autant que l’éclectisme dont il fait preuve, nous l’avons aussi évoqué plus tôt dans ce travail en avec l’article de Joëlle Neuenschwander Feihl.

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 47"Archives"Cantonales"Vaudoises"(ACV),"Cote"du"dossier:"PP"952/196,"Voyage"aux"ÉtatsGUnis" de"JeanGJacques"Mercier"de"Molin"en"1894."Dossier"contenant"trois"brochures"et"un"manuscrit" de"«"Notes"de"voyage"aux"EtatsGUnis"d’Amérique"par"JGJ"Mercier"de"Molin"»" 48"Ibidem."

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" Francis/Isoz,/ElĂŠvation/et/coupe/sur/BowWwindow./ Archives"cantonales"Vaudoises,"Dossier"PP"952/415"(=Grand" format),"jeu"de"planc"concernant"la"Maison"Mercier"

54"


Le style éclectique. Les différents plans qui sont disponibles aux Archives Cantonale Vaudoises ne contiennent malheureusement que quelques coupes et façades ainsi que des détail concernant principalement les menuiseries donnant sur l’extérieure. Cependant nous pouvons, à partir de ces documents, identifier un certain nombre de dispositif spatiale et constructif jouant un rôle dans l’acclimatation du bâtiment. L’ensemble pourrait être classifié comme néogothique. De nombreux point permette de le déduire. Par exemple les différente tourelles qui composent l’édifice ou bien les Bow-Window accroché à la façade. La silhouette élancée que donnent ces différents éléments ne font qu’accentuer ce caractère médiéval. Pourtant, quand on regarde l’élévation du bow-window sur une planche spécifique à cet élément, on constate de nombreux composant emprunté à d’autres époques. Les colonnes ramassées dont les chapiteaux appartiennent à l’ordre ionique et « supportent » l’ensemble du dispositif illustrent bien certains écarts à une composition médiévale stricte. De même les différentes arcades protégeant les niveaux supérieurs des intempéries auraient très bien pu être une succession d’arc brisé, à la place on trouve des arcs en pleins cintres. La réalité construite adoptera, bien curieusement, des arcs outrepassés. Fait étonnant, malgré ces variations le bâtiment ne perd pas de sa crédibilité face au territoire. Les toitures en flèche, le parement de pierre sont autant de constantes que l’on retrouve dans l’architecture « chalet » prônée par les partisans d’une architecture nationaliste à cette époque49. Peut être que les similitudes

qui

existent

entre

l’architecture

traditionnelle

helvétique

et

l’architecture gothique suffisent à expliquer la cohérence de l’ensemble. Par exemple on sait que Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc (1814-1879) appréciait l’architecture « chalet » pour le savoir faire constructif qu’il exigeait. Jacques Gubler nous rapporte ses propos dans nationalisme et internationalisme dans l’architecture moderne de la Suisse : « Un architecte qui voudrait passer quelques mois dans le Tyrol (et cet architecte-là serait fort heureux) pourrait nous rapporter un traité de la charpenterie qui étonnerait fort nos experts charpentiers. L’école des Beaux-Arts (que l’académie nous pardonne cette hérésie) ne pourrait-elle engager l’un de ses

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 49"Jacques"Gubler,"Nationalisme"et"internationalisme"dans"l’architecture"moderne"de"la"suisse,"

l’age"d’homme,"1975,"p."23G35.""

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pensionnaires à faire le sacrifice de trois mois, sur cinq années, pour exécuter ce petit ouvrage qui nous semble utilde, quitte à se priver d’un des 150 exemplaires des temples d’Antoine et Faustine, ou de Jupiter Stator ? »50. Aussi on retrouve dans le style néogothique des codes proches de ceux du pittoresque, l’irrégularité mise à part, la tourelle est, il me semble, un bon exemple. Au delà de ces considérations stylistiques, précisons que le bâtiment est construit en béton armé, ce qui, pour l ‘époque, relève d’un procédé technique innovant, on n’aura cependant du mal à faire la comparaison avec les édifices américains dont la structure est filaire. En revanche on retrouve là toute l’habilité de l’architecte et son gout pour les techniques constructive innovante. Il s’avère difficile de comprendre exactement la démarche de projet, son évolution et son parti. En revanche on peut affirmer que malgré l’éclectisme que le bâtiment affiche on peut retrouver certains codes spécifique à l’architecture helvétique qui sont présents dans des constructions beaucoup plus modestes de l’architecte. A titre d’exemple on peut mentionner une seconde fois le collège de Orbe dans le Jura Nord Vaudois51.

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 50"EugèneGEmmanuel"ViolletGleGDuc,"lettres"adressées"d’Allemagne"à"M."Adolphe"Lance," architecte,"Paris"1859,"p."30G"31"Cité"dans":"Jacques"Gubler,"Natonalisme"et"internationalisme" dans"l’architecture"moderne"de"la"suisse,"L’Age"d’homme,"1975,"p.27" 51"Voir"à"ce"propos"les"photos"de"la"réalisation"dans"l’annexe""

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56"


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57"


" Situation/de/l’immeuble/BelWAirWMétropole./ Vue/aérienne/de/la/ville/de/Lausanne,/1/:5/000"

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L’immeuble Bel-Air Métropole Un projet qui fait toujours débat Le projet Bel-Air Métropole est certainement l’ouvrage le plus commenté et documenté de ce corpus tant son histoire a marqué Lausanne, sa présence suscite toujours le débat. Aussi, pour plus des raisons de praticité et d’honnêteté il ne sera pas question, ici, de développer des sujets déjà traités et facilement accessibles. A ce sujet, je m’excuse d’avance auprès du lecteur si certains points n’apparaissent que de manière synthétique. En revanche, le fond d’archives important que possède les Archives de la Construction Moderne (ACM) s’est révélé instructif, il permet de mettre à jour, ici même, des documents très proches de la problématique qui nous intéresse : L’influence des modèles américains.

59"


Alphonse Laverrière, l’apprentissage parisien.

Un architecte fidèle à l’enseignement des Beaux-arts. A l’inverse de Francis Isoz, Alphonse Laverrière n’est pas autodidacte. Il rentre à l’école des Beaux-arts de Paris d’où il ressortira diplômé en 1901. Il y rencontrera Henry sauvage avec qui il cultivera le gout pour l’Art Déco, Eugène Monod son futur associé et sera aussi très proche de Gustave Perret, frère d’Auguste. Pierre Frey décrit les premiers croquis de Laverrière comme « maladroits »52 , c’est peut-être cette innocence des premières années aux beaux-arts qui lui permettra de tirer le meilleur de cette institution. Jacques Lucan mentionnera Alphonse Laverrière pour évoquer les cours de théorie de Guadet : « La lecture de Guadet reste cependant longtemps conseillée aux élèves de l’Ecole et les Éléments et théorie de l’architecture servent encore de référence pour quelqu’un comme Alphonse Laverrière, chargé d’un cours de théorie de l’architecture à l’Ecole polytechnique fédéral de Zurich »53. En effet, l’architecte sera également enseignant à Zurich et futur directeur de l’école cantonale de dessin à Lausanne. Daniel Girardet, disciple de Perret et étudiant à l’EPFZ dira de Laverrière qu’il est en « contraste » avec l’aspect « régionaliste » insufflé par le directeur de l’école. Il apprécie notamment les références variées de l’architecte, citant la maison Robie de Franck Lloyd Wright

54

. Jacques Lucan s’est intéressé

aux leçons données par le professeur Laverrière. Il nous renseigne sur certains sujets de composition donnés aux élèves : « Trois travées d’une maison de rapport », « Un club de golf », ou encore « l’entrée d’une galerie d’art ». On peut tout de suite reconnaître, au titre des exercices, la parenté avec un enseignement Parisien.

L’atelier Pascal, ouverture sur l’outre-Atlantique. Laverrière intégrera l’atelier de Pascal. Ce dernier est disciple de Labrouste à qui on doit la bibliothèque Sainte Geneviève, laquelle sera dessinée en partie par Pascal. Il obtient le Grand prix de Rome en 1866 et s’insurge contre la réforme des Ateliers Officiels suivant le mouvement entrepris par Guadet.

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 52"Pierre"Frey,"«"Alphonse"Laverrière":"1872G1954":"parcours"dans"les"archives"d’un" architectes"»,"presses"polytechniques"et"universitaires"romandes,"1999,"p.25" 53"Jacques"Lucan,"«""Composition,"nonGcomposition"»,"presses"polytechniques"et"universitaires" romandes,"2009,"p."203."" 54"Philippe"Daucourt,"«""La"leçon"d’architecture"d’Auguste"Perret"en"Suisse"romande":" Variations"et"interprétations."»,"Thèse"N°2305,"Ecole"polytechnique"fédérale"de"Lausanne," 2001,"pG"263G265.""

60"


L’atelier du patron contient un grand nombre d’élèves américains. Pour les architectes d’outre-Atlantique la France est un « passage obligé » à la fin du vingtième siècle. Dans la même tendance des français vont aller enseigner aux Etats-Unis leur savoir-faire acquit aux ateliers. Le mouvement s’amplifiera jusqu’aux années trente. Laverrière n’a a priori pas participé à ces échanges transatlantiques, on peut tout juste supposer qu’il a profité d’une certaine « émulation » entre français tout juste sortie de cours de dessin préparatoires et des Américains déjà formés à l’architecture dans leur pays d’origine et qui ne cherche qu’à parachever leurs talents. On sait que Laverrière à du croiser Cret, français futur professeur à Philadelphie. A défauts d’en savoir plus sur l’architecte qui nous concerne, on peut mémoriser la transmission de la doctrine beaux arts qui s’effectuera entre la France et l’Amérique de la seconde moitié du vingtième siècle à la fin du système beaux arts.

Alphonse Laverrière, architecte officieux de Lausanne.

Si Laverrière doit beaucoup à l’école des Beaux-arts de Paris, c’est à Lausanne qu’il construira toute sa carrière en même temps que les bâtiments emblématiques de la ville. En effet, aujourd’hui il n’est pas possible de se déplacer d’un point à l’autre sans « croiser » plusieurs réalisations de l’architecte. Alphonse Laverrière arrive à Lausanne après son diplôme en 1901. La première réalisation, sur concours, est celle du pont Chauderon, entre 1904 et 190555. Les techniques de constructions utilisées sont dérivées du « système Mélan ». Ce dernier offre une solution de caissons autoportants qui permettent au « béton » de couler directement dans la structure qui se maintient seule. On évite alors de lourds échafaudages. Selon Jacques Gubler, Alphonse Laverrière a fait preuve d’une réelle intelligence dans sa collaboration avec des ingénieurs pour cet ouvrage d’art, cela laisse entrevoir un intérêt certain pour les techniques constructives innovantes. On pourrait aussi évoquer la Gare de Lausanne, le tribunal fédéral de Mon-Repos, Le cimetière du bois de Vaud, l’ancienne banque fédérale. Tous ces bâtiments ont en commun la dimension d’édifice, chère à la doctrine beaux-arts. Laverrière les traiteras comme tel, en obéissant à des règles de compositions strictes (bien que certains bâtiments puissent subir l’influence de l’art nouveau). En quelques sortes, si Laverrière permet à Lausanne d’acquérir certains attributs urbains, il reçoit en contre partie des commandes importantes qui lui permettront

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 55"Jacques"Gubler,"«"Nationalisme"et"internationalisme"dans"l’architecture"moderne"de"la"

Suisse"»,"L’age"d’homme,"1975","p."62G63"

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de se construire en tant qu’architecte. Aussi certains affirment que sans le débat qu’a suscité la tour Bel-Air, Alphonse Laverrière aurait pu faire partie de ces architectes issus des Beaux-arts dont le nom résonne encore aujourd’hui, à l’image d’un Baltard.

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63"


/ Photographie/de/l’auteur./ L’immeuble/BelWAirWMétropole,/Lausanne,/Février/2014"

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Les leçons d’un voyage en Amérique, selon Bruno Corthésy. Bruno Corthésy dans un ouvrage dédié à l’immeuble Bel-Air-Métropole évoque le voyage des maîtres d’ouvrage américains. Ces derniers, deux frères entrepreneurs zurichois, possesseurs d’une puissante société d’investissements et propriétaire d’une société de production de film, effectuent un séjour à New York pour observer l’organisation des chantiers. Sans décrire leur séjour, il nous rapporte les « leçons » qu’on tirés les Scotoni de leur voyage.

Le « standing » américain Le niveau de confort qu’offrent les appartements de la tour bel-air est sans précédent pour une construction qui contient autant d’appartements locatifs. Selon l’auteur qui a longuement étudié la question de l’immeuble Bel-air, on assiste à la « démocratisation de la salle de bain [qui] se fait sur un modèle américain, celui de la chambre d’hôtel bon marché »56 . Ce modèle se traduit par une rationalisation de l’espace, des tuyauteries apparentes le tout dans un style sobre et utilitaire. De même la cuisine sera intégrée de façon rationnelle suivant un modèle d’organisation dérivé de celle du travail mise en place par Taylor. Le niveau de confort est aussi dépendant de la technologie, sur les plans dont nous disposons, on peut compter douze ascenseurs.

La multitude d’usages D’après les plans publiés dans « Das Werk » en octobre 1933 on peut vérifier par nous même la richesse du programme57. Ce dernier, qui n’est pas sans lien avec le niveau de confort, est impressionnant pour l’époque. Les cinq étages inférieurs permis, de la même manière que la maison Mercier, par le dénivelé formé par la vallée du Flon, abritent quantités de nouveaux usages. Le rez-de-chaussée supérieur accueil une douzaine de magasins, un « Tea-room », un restaurant, un bar, des locaux industriels ainsi que l’entrée à la salle de cinéma. Quand au Rez-de-chaussée inférieur, celui donnant directement sur la vallée du Flon, on trouve six magasins, une taverne, un garage, l’entrée des artistes. La douzaine de mètres qui s’épare les deux niveaux, permet d’y loger la salle de cinéma avec gradins accueillants, selon les plans d’époque, 1487

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 56"Bruno"Corthésy,"«"La"tour"bel"air":"Pour"ou"contre"le"premier"gratteGciel"à"Lausanne"»,"

Antipodes,"1997,"p."62" 57""Zehntes"Heft,"«"Immeuble"belGair"Métropole,"Lausanne"»,"Das"Werk,"n°10/20,"octibre"1933," p."289G300"

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/ Plan/du/RezWdeWchaussée/supérieur/(haut)/et/inferieur/(bas)/ Plans/photographiés/en/vue/d’une/publication/dans/«/Das/Werk/»" Archives/de/la/Construction/Moderne,/EPFL_ENAC,/Dossier/0002.03.0009"

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places. On y place aussi la salle de cinéma comprenant, une fosse pour l’orchestre, l’entrée magistrale et le foyer. Aussi il faut noter la répartition du programme, à l’époque la vallée du Flon est en partie occupée par des locaux industriels (toujours détenus par les Mercier), hors on trouve à ce niveau de l’édifice l’entrée des artistes de la salle métropole, l’accès aux locaux industriels, le garage et une taverne. Le rez-dechaussée au niveau de la ville est quant à lui occupé par le hall d’honneur du cinéma, des galeries avec magasins, et les divers endroits dédiés à la restaurations qu’on imagine volontiers plus « urbains » que le local dénommé « taverne ». De ce programme on retiendra surtout la « salle métropole ». En plus d’amener, à Lausanne, une salle de cinéma, toute la mise en scène relative au septième art est récrée. L’endroit est qualifié de « cinéma atmosphérique », faisant référence aux cinémas américains qui mettent en scène ce nouveau loisir, par des gradins, un foyer, voutes et ornements.

L’innovation sur le chantier Les frères Scotoni, Ingénieurs de formations, ont importé de l’organisation des chantiers Américain la division du travail. Ils rationalisent le chantier suivant l’organisation scientifique de Taylor, dans ce sens le chantier mobilisera plus de milles ouvriers, pour la plupart Zurichois. La structure est une ossature d’éléments métalliques soudés, le béton ne sert qu’en élément de remplissage et d’isolation58. On entend que pour la Suisse des années trente cette technique d’assemblage d’éléments préfabriqués n’avait encore été jamais vue. Mais ce système n’est pourtant pas sans rappeler l’utilisation du système Mélan pour le pont Chauderon, premier projet de Laverrière. La division et la rationalisation du travail ne sont pas le monopole du terrain. Ainsi l’architecte signera un contrat « à l’américaine », l’équivalent de ce que nous appelons aujourd’hui une « mission Design ». Ainsi L’architecte s’en tiendra au plan et n’effectuera pas de suivi de chantier, les scotoni promoteurs et ingénieurs s’en chargeront. Ce type de contrat ne facilitera pas les relations entre la maîtrise d’ouvrage et l’architecte qui prendront un tournant délicat à la toute fin du contrat.

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 58"Voir"détail"constructif"en"annexe,"p.""

67"


/ JeanGLouis"Pascal"et"Alfred"Recoura,"Bibliothèque"nationale,"Paris,"plan"du" rezGdeGchaussée"avec"la"salle"ovale"des"périodiques."" Plans"extrait"de":"Jacques"Lucan,"«"Composition,"nonGcomposition"»,"Presses" polytechniques"et"universitaires"romandes,"2009,"p.77""

68"


Alphonse Laverrière, garant d’une doctrine classique ? L’influence des Etats-Unis d’Amérique sur l’ensemble de BelAir-M étropole composition

a

été

classique

démontrée de

par

l’édifice

Bruno

semble

Corthésy. supposer

Mais un

la

grand

investissement de l’architecte dans ce projet.

La leçon de Guadet, toujours d’actualité ?

De l’extérieur, le projet ne fait pas longtemps planer le doute d’une composition classique. La symétrie, le fronton, les chapiteaux corinthiens des colonnes, et les pilastres qui rythment la façade sont autant d’éléments déjà cités par des historiens déjà évoqués. Nous pouvons apporter notre contribution à ce constat en regardant d’un peu plus près les plans de l’ensemble Bel-AirMétropole. On décèle dans les plans des Rez-de-chaussée inférieur et supérieur, les traces de l’enseignement de Guadet. On peut identifier rapidement les différentes pièces «dont la destination spéciale interdit le choix entre des solutions variées.» 59 C’est le cas pour le Hall de cinéma dont les limites forment un cercle. Le hall mène directement à la succession de salles, en enfilade, dédiées au septième art. Le foyer en demi-cercle semble être la pièce « dominante » de la composition. Elle est suivie par la salle de spectacle et la scène. Les différents lieux de restauration abordent des formes rectangulaires qui comportent ellesmêmes des éléments

de composition, à l’image de l’ovale du « tea-room »

représentant un vide sur une galerie. Un autre élément régulier vient trouver place au centre de la composition : la cour intérieure dessinée de manière parfaitement symétrique. Pour le reste, circulation verticale, locaux industriels, offices, ou encore magasins, l’architecte « se débrouille ». Habituellement moins en nombre les espaces de circulations, que demandent les usages modernes et la tour, ont peine à trouver place autour du cercle formant le Hall de la salle métropole. C’est peut être là l’interstice, ou le résultat, des différentes contraintes à laquelle l’architecte est soumis. Ces contraintes sont d’une part les règles de composition beaux-arts, d’autres part les nouveaux usages modernes.

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 59"Julien"Guadet,"«Les"éléments"généraux"de"la"composition"»,""Cours"de"théorie"d’architecture,"

Ecole"nationale"et"spéciale"des"beauxGarts,"Paris,"1895,"p.291G292."Cité"dans"Jacques"Lucan," «"Composition,"nonGcomposition"»,"Editions"Polytechniques"et"universitaires"romandes,"2009," p."167.""

69"


Le débat autour de Bel-Air-Métropole

Les discutions à propos du projet Bel-Air-Métropole furent animées entre les pro et les antis Bel-Air. Si l’influence américaine de la tour est prouvée par plusieurs historiens, le débat qui en résulte est tout aussi intéressant. Premièrement il a permis de mettre sur la place publique le sujet de « l’américanisme »,

deuxièmement

il

constitue

une

piste

de

recherches

prometteuse dans le sens où certaines archives demandent toujours à être étudiées, aux Archives de la Construction Moderne (ACM) mais certainement aussi du coté de la municipalité. Ici nous proposons de restituer ce débat et d’éclairer notre développement par certaines pièces retrouvées aux ACM. Ces dernières permettent de « rentrer » dans les coulisses de la partie accusée, à raison, d’américanisme.

La gazette de Lausanne, détracteur du projet.

Tout avait pourtant bien commencé entre les contributeurs de la gazette de Lausanne et le projet des Scotoni. Dans le tirage du 16 avril 1930 du journal, l’article « Lausanne se transforme, un projet séduisant » traduit même une certaine impatience de l’auteur à voir le projet déjà construit. Le rédacteur se montre enthousiaste sur certains points rassurants, l’architecte auquel est confié le projet en fait partie. On se réjouit aussi de savoir l’esplanade formée par la gare LO (construit par Jean-Jacques Mercier-Marcel) remaniée et réaménagée. Certains sujets plus susceptibles de susciter la méfiance ne perturbent en rien l’optimisme qui transparait dans cet article. Ainsi :

A propos de la hauteur du futur édifice :

« Il est même question, si nous sommes bien informés, de surmonter l’édifice d’un beau campanile jaillissant à 50 mètres au-dessus des Terreaux. Nous osons à peine croire à la réalisation de ce projet tant il nous paraît heureux. […] l’horizon un peu terne du quartier de Bel-Air serait agréablement ranimé par cette construction »60

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 60"Auteur"inconnu,"«"Lausanne"se"transforme"»","La"gazette"de"Lausanne,"16"avril"1930,"N°105,"

p.6"

70"


A propos de la modernité de l’édifice :

« Lausanne prendrait alors un aspect moderne, la place Bel-Air deviendrait un centre équivalent à Saint François, un centre attractif et vivant. »61

« L’immeuble entier sera construit selon les données modernes, pourvu de tous les conforts et desservi par une quinzaine d’ascenseurs divers. » 62

L’auteur fini son article par la formule suivante : « La place Bel-air, grâce à d’entreprenants Confédérés, va devenir certainement un des plus beaux centres de la ville de Lausanne. Dans deux ans, tout sera terminé. Dans deux ans… »63. Cette impatience ne sera que de courte durée. En effet, deux-cents parutions quotidiennes plus tard, le journal a prit le temps de se faire un tout autre avis sur le futur édifice. L’article du 4 novembre 1930 critique violement le projet, le titre en dit déjà long sur le contenu : « Un projet désastreux pour Lausanne ». Les arguments exposés par l’auteur ne sont pas surprenants et peuvent être regroupés en deux axes d’accusation. Le premier concerne la cathédrale et plus largement le paysage de Lausanne : « Ce mastodonte de béton armé jurerait affreusement avec la tour de la Cathédrale, qu’il rapetisserait »64. « Quand on contemple Lausanne du lac, on est obligé de reconnaître que c’est la Cathédrale, avec jaillissement harmonieux de ses belles tours qui est le point culminant de tout cet ensemble s’étageant en gradin sur des

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 61"Auteur"inconnu,"«"Lausanne"se"transforme"»","La"gazette"de"Lausanne,"16"avril"1930,"N°105," p.6" 62"Ibidem" "63"Ibidem" 64"George"Rigassi,"«"Un"projet"désastreux"pour"Lausanne»","La"gazette"de"Lausanne,"4" novembre"1930,"N°304,"p.1"

"

71"


pentes verdoyantes. Comment ne sent-on pas que cet ensemble risque d’être irrémédiablement défiguré par une bâtisse démesurée ?65 »

Le deuxième axe d’accusation concerne l’importation d’une culture américaine, à ce sujet l’auteur fait intervenir la parole d’un étranger qu’il aurait rencontré : « Croyez-nous : gardez vous bien de banaliser d’avantage l’agréable décor urbain où vous avez le bonheur de vivre. Laisser à New York ou à Chicago leur gratte-ciel : ils s’y justifient pour des raisons qui vous sont, pour votre chance, totalement étrangères. » 66 On peut relevés les termes choisis pour qualifier le projet, certains sont révélateurs: « building mercantile », « sky-scraper » , « un énorme gratte-ciel américain ». A la lecture de ces deux articles la question du « pourquoi » du retournement sonne comme une évidence. On peut s’intéresser dans un premier temps aux auteurs. L’article « pour » le projet Bel-Air n’est signé que d’abréviation. On peut supposer que son auteur est un simple contributeur. En revanche, l’article « contre » est rédigé par le rédacteur en chef de la revue, Georges Rigassi, journaliste engagé politiquement et pour un « libéralisme vaudois ». Cela n’explique cependant pas l’attitude contradictoire du journal, en effet nous avons pu constater que certains éléments du projet, à l’image de la hauteur de l’édifice, étaient connus de la rédaction et cette dernière se montrait plutôt enthousiaste. On peut préciser la question de cette manière : •

Qu’est ce qui, dans le projet, à déclanché la colère du rédacteur en chef, George Rigassi ?

Ou plutôt : •

Quelle(s)

information(s)

concernant

le

projet,

a/ont

été

communiquée(s) entre le 16 avril 1930 et le 4 novembre de la même année ? La réponse à cette dernière question se trouve dans le même journal. Un article du 29 octobre 1930 signale un « Avis d’Enquête » initié par la commune sur le projet Bel-Air-Métropole. Les citoyens sont invités à étudier les plans exposés à l’hôtel de ville et, s’ils le souhaitent peuvent donner leur avis. La rédaction du journal précise qu’une « importante dérogation de hauteur est demandée ». Elle ajoute : «Vu l’importance de ce projet nous engageons tous les

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 65"George"Rigassi,"«"Un"projet"désastreux"pour"Lausanne»","La"gazette"de"Lausanne,"4"

novembre"1930,"N°304,"p.1" 66"Ibidem"

72"


Lausannois que le problème intéresse à se faire une opinion en consultant les plans exposés à l’Hotel de ville »

67

. La correspondance des dates nous conforte

dans l’idée que c’est bien les plans du projet qui ont alerté le rédacteur. Ce dernier réagissant six jours après que les plans soient visibles. Dans un premier temps, on peut en déduire que ce n’est nullement la hauteur, depuis longtemps communiquée au journal, qui gène la rédaction de la gazette mais bel et bien « l’esthétique » du projet qui rappelle les gratte-ciels néo classique construit à New York ou Chicago.

La gazette de Lausanne : représentant du peuple ? Il est difficile de répondre à cette question, aucun sondage n’a été révélé pendant les recherches. En revanche, certains documents retrouvés aux ACM permettent d’approcher certains discours. Ces derniers se révèlent au final plus spontanés et variés que ne le laissait croire la « gazette de Lausanne ». Ainsi on retrouve une lettre de Laverrière adressé au syndic et ayant pour but principal de taire certaines rumeurs. Aussi des témoignages de soutient envoyés directement à l’agence de l’architecte témoignent de l’existence d’une frange de population favorable au projet. La lettre adressée au syndic d’Alphonse Laverrière démontre bien une certaine agitation des Lausannois pour le projet, on ne résiste pas à citer un exemple : •

« Le bruit a couru à Lausanne que notre tour serait de la couleur rouge ? Cela est inexact. Quelle que soit l’attitude adoptée par les groupes politiques, elle ne sera ni rouge, ni verte, ni noire, ni violette. »68

Aussi dans les lettres spontanément envoyées à L’architecte de Bel-Air on trouve différents avis sur le projet. Ce dernier est d’ailleurs très souvent réduit à sa tour. Ainsi Il reçoit une lettre de Gillard et Godet, agence d’architecture implantée à Lausanne où elle produit un nombre important de projets d’habitation, notamment plusieurs cités-jardins

69

. Les confrères de Laverrière

viennent en quelque sorte s’excuser d’avoir donné un avis négatif (Apparemment lors d’une réunion avec le syndic) sur le projet sans pour autant revenir sur leur

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 67"Avis"d’enquête,"la"gazette"de"Lausanne,"29"octobre"1930,"n°298,"p.6" 68"Archives"de"la"Construction"Moderne,"EPFL_UNIL,"Lausanne,"Cote"du"dossier":"0002.03.0004"

,"contient"la"correspondance"avec"les"scotoni"principalement,"non"daté."" 69"Bruno"Marchand,"«"Architecture"du"canton"de"Vaud"1920G1975"»";"Presses"Polytechniques"et" universitaires"romandes,"2012,"p.129.""

73"


opinion70.

Une autre lettre propose une solution ingénieuse pour évaluer la

hauteur de la tour : des ballons en guise de Gabarit71. Cette solution n’aurait pas été mise en place en 1930, mais nous parlerons plus tard d’un projet plus actuel qui a utilisé ce principe. Dans le même lot de lettres, certains se montre moins réticents. Les expéditeurs félicitant le « parti pris » du projet, le bon sens de l’architecte, tout en regrettant « l’incommensurable bêtise », la « niaiserie », des rédacteurs de la gazette de Lausanne72. Ces lettres, quand elles sont datées, ont été envoyées à partir du 5 novembre, soit un jour seulement après la parution de l’article dirigé à l’encontre du projet. Il est difficile de statuer sur un échantillon de projet aussi mince, cependant ce dernier a le mérite de faire apparaître des réactions positives à propos de Bel-Air. Aussi, si l’on s’en tient au bon sens des administrations, rappelons nous que le peuple Lausannois était appelé à manifester son opinion à travers un bulletin en lieu et place de l’exposition des plans. •

Si les réactions avaient été du même ordre que celle de la gazette, le syndic n’aurait-il pas réagit ? A ce propos, il est probable que ces réactions aient été conservées aux archives communales, ou cantonales. Ces données permettraient de mesurer précisément les réactions relatives à l’américanisme.

L’américanisme est ici vecteur du débat autour d’un projet. Pourtant les réactions spontanées que nous avons retrouvées s’inquiètent généralement plus de la présence dans la ville d’un édifice monumental, et toutes les chimères qui vont avec, plus que de son ascendance américaine. •

N’assiste-t-on pas là à un débat à deux vitesses ? Le premier sur l’américanisme qui concerne les sphères supérieures de la cité, le deuxième sur l’impact réel de l’édifice sur la ville qui concerne avant tous les citoyens.

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 70"Lettre"de"l’agence"Gillard"et"Godet,"5"novembre"1930,"ACM,"EPFL_UNIL,"Lausanne,"Cote"du"

dossier":"0002.03.0005,"contient"une"correspondance"non"classée."" 71"Lettre"non"signée,"non"datée,"ACM,"EPFL_UNIL,"Lausanne,"Cote"du"dossier":"0002.03.0005."" 72"Ibidem.""

74"


Les contradtictions de « Das Werk »

Dans ce débat, le journal « Das Werk » arrive en dernier. Dans la parution d’octobre 1933, une fois le projet achevé, l’auteur affirme que « Pendant les polémiques on a beaucoup parlé de gratte-ciel américain ; il y a la une réelle confusion »73 . De la part de la revue il n’y a rien d’étonnant à ce qu’elle nie la parenté américaine du projet. En revanche, nous avons des raisons d’être surpris par son positionnement. •

Pourquoi défendre un projet qui, de toute évidence, est loin de correspondre à l’archétype de l’immeuble locatif suisse dans les années trente ?

L’auteur du journal défend pourtant sa position avec (une apparente) conviction, évoquant un signal fort dans la ville, des raisons économiques, l’implantation sur « l’échancrure » de la vallée, la mise en valeur des alentours… Autant d’arguments qui sont en général ceux d’Alphonse Laverrière. Il serait intéressant de comprendre les raisons de cette publication qui jure avec le contenu habituel de la revue. Peut être pouvons-nous supposer dans un premier temps l’origine suisse allemande des maître d’ouvrage. On a déjà évoqué ici la ligne éditoriale de « Das Werk » plus proche de Zurich. La question reste ouverte.

Alphonse Laverrière, point de vue et références.

Nous avons évoqué différents points de vue qui sont tous rattachés à des préoccupations précises. En revanche, nous n’avons pas encore évoqué le sentiment d’Alphonse Laverrière sur son projet, ni même s’il avait des références de sky-scrapers américains. Un article de la Gazette de Lausanne est publié le 7 novembre, il se présente comme un droit de réponse : « une lettre de Monsieur Scotoni ». En réalité, le fond Laverrière des ACM révèle qu’il ne s’agit en aucun cas d’une lettre

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 73""Zehntes"Heft,"«"Immeuble"belGair"Métropole,"Lausanne"»,"Das"Werk,"n°10/20,"octobre"1933," p."289G300"

"

75"


rédigée par la maitrise d’ouvrage mais bel et bien par l’Architecte74. En revanche il est difficile de savoir qui a pris l’initiative de répondre au journal. Dans sa réponse aux attaques Laverrière met en place les arguments déjà évoqués de l’intégration du projet dans le sens du« bon développement de Lausanne »,

des

perspectives

intéressantes

et

du

site

qui

« convient

admirablement à l’édifice ». Il affirme que l’architecte, en l’occurrence lui-même, s’est assuré de l’impact du projet sur la cathédrale et que la tour n’est « au point financier » pas un avantage puisque c’est une « construction extrêmement couteuse. » En revanche, il n’y a pas, chez Laverrière l’intention de se justifier sur l’influence du modèle américain. Bruno Corthésy suppose que le projet de tour est une idée des Scotoni . Il est vrai, qu’au regard de l’ensemble de l’œuvre de l’architecte, ce projet surprend par sa démesure et la radicalité dont il fait preuve. De plus l’homme n’a jamais traversé l’Atlantique. De quelles références se sert donc Laverrière ? On sait que lors de son séjour dans l’atelier pascal, beaucoup d’élèves étaient américains, mais que lui n’a pas fait partie de ces quelques français partis en Amérique à l’image de Cret. La visite aux archives des ACM a permis de trouver quelques cartes postales conservés par l’architecte et glissées aux dossiers relatifs à la tour Bel-Air75. Parmi ces références76, on en trouve qui vienne d’Amérique, mais d’autre d’Allemagne ou de Belgique, toute représentent des tours. Certaines sont significatives à l’image du Boerentoren, qui fut achevé en 1931 à Anvers où seule la cathédrale est plus haute… Avec ce que nous possédons sur Laverrière, nous pouvons emmètre l’hypothèse que ce dernier n’éprouve pas une passion illimitée pour les gratteciels américains. En revanche l’intérêt qu’il porte à la typologie de la tour semble être réelle et ne se borne pas à certaines frontières. Cette dernière donnée remet en cause le degré d’influence des Etats-Unis d’Amérique sur la construction. Pourtant, les différentes réactions négatives attaques bel et bien l’immeuble sur ce point, et, à n’en pas douter, la construction

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 74"Alphonse"Laverrière,"lettre"pour"Eugène"Scotoni"à"la"Gazette"de"Lausanne,"le"5"novembre"

1930"ACM,"EPFL_UNIL,"numéro"de"dossier":"0002.03.0005" 75"Cartes"postales"concernant"des"références"de"bâtiment"à"l’étranger,"ACM,"EPFL_ENAC,"Cote" du"dossier":"0002.02.0003."" 76"A"propos"des"références"se"référer"au"«"carnet"américain"n°2"»""

76"


partage beaucoup de points communs avec les buildings de New York ou Chicago. Nous pourrions expliquer cela par deux raisons : La première, il est certain que c’est

On peut trouver la deuxième raison à

aux Etats-Unis d’Amérique auxquels

travers le « style » néoclassique de

chacun se réfère, dans les années

l’édifice qui fut utilisé massivement

trente, quand il est question de

pour la construction des grattes ciels

gratte-ciel. Et pour cause l’école de

américains

Chicago a atteint les esprits autant

années

que les villes de Chicago et New

dessine

York

Métropole il ne s’inspire certainement

jusqu’à

trente. le

la

crise

Quand

projet

de

des

Laverrière Bel-Air-

pas de l’architecture néo-classique outre-Atlantique mais il se réfère, à n’en pas douter, à son enseignement auquel il n’a jamais fait défaut.

77"


/ Situation/de/quartier/de/la/gare/ Vue/aĂŠrienne/de/la/ville/de/Lausanne,/1/:25/000"

78"


Deuxième partie : Le Quartier de la gare, une modernité inspirée. L’étude des deux édifices précédents nous à donnée quelques réponses aux questions concernant l’influence américaines des deux constructions, et plus globalement des clef de lecture de ce « little Chicago », elles permettent d’expliquer en partie un paysage urbain, métropolitain. Dans cette deuxième partie nous nous attacherons au quartier de la gare. Lausanne est longtemps restée en retrait par rapport au lac. Aussi l’hypercentre n’a pu se développer au-delà de l’avenue Benjamin Constant qu’à la fin du XIXe siècle. A cette époque, nous l’avons vu, de nombreux travaux sont engagés et le début du XXe siècle et marqué par des constructions emblématiques et le développement de liaisons ferrées, Ouchy-Lausanne mais aussi la grande ligne qui traverse la ville d’Est en Ouest. Le quartier de la gare se définit donc comme un quartier adjacent à l’hyper centre et qui s’offre à la vue de ce dernier. Aussi l’emplacement des deux « immeubles-tour » à cet endroit leur garantit une visibilité maximale. La ville regardant, naturellement, vers le lac et les alpes. Nous étudierons dans l’ordre chronologique des deux constructions, la tour des Imprimeries Réunies de Lausanne et la tour de Georgette. Aussi l’analyse de ce dernier bâtiment va nous mener vers une comparaison des deux projets.

79"


/ Situation"de"l’immeuble"des"Imprimeries"réunies"de"Lausanne" Vue"aérienne"de"la"ville"de"Lausanne,"1":5"000"

80"


La tour des imprimeries réunies de Lausanne Le temps des archives.

Avant d’aborder le concepteur de cet édifice, il est nécessaire de préciser un point à propos des sources. Les archives Lamunière ont été données par la famille aux Archives de la Construction Moderne (ACM) à Lausanne au cours de l’année 2013. Ces dernières ne sont donc pas consultables pour l’instant. Heureusement, le travail de Jean-Marc Lamunière constitue souvent des références appréciées dans la région Vaudoise. De fait, son œuvre fut largement étudiée, en particulier par Bruno Marchand, professeur à l’Ecole Polytechnique Fédéral de Lausanne.

81"


.

82"


Jean-Marc Lamunière, un parcours très tôt imprégné d’Amérique.

Le parcours de Jean-Marc est représentatif d’une époque. Le décrire permet de démontrer, voir d’exacerber, l’influence des ÉtatsUnis d’Amérique sur sa production mais aussi la passion d’une génération de jeunes architectes des années cinquante pour cette partie du monde. 77

Un cursus universitaire hors des principes beaux-arts Le parcours de Lamunière diffère de ces contemporains qui choisissent en général d’étudier l’architecture à l’école des beaux arts de Paris. Pour la famille des études à Paris s’avèrent trop onéreuses, de même des études à Zurich ne sont pas envisageables.78 Le jeune Jean-Marc se dirige donc vers une voie différente, celle de l’université de Florence en 1946, un peu part défaut peut être. Deux ans plus tôt l’école adopte un nouveau plan d’étude. Des architectes novateurs y ont contribué, à l’image de Giovanni Michelucci (1891-1990) et Edoardo Detti (1913-1989). Ces deux architectes se définissent par leur humanisme

et,

toujours

selon

Bruno

Marchand,

sont

partisans

d’un

79

rapprochement entre les modèles académiques et le monde professionnel . L’organisation des études est comme suit : -

Une première année est dédiée au cours théoriques. Les élèves dessinent des monuments au trait.

-

Le cours de projet ne commence que véritablement la troisième année, une fois les principes théoriques assimilés. Par ces deux points nous pouvons déjà conclure que Jean-Marc

Lamunière a reçu un enseignement bien différent de ses confrères parisiens. Ces derniers recevant un enseignement dans les ateliers principalement, par le projet, au détriment de cours théoriques en général très peu suivis. Aussi, la

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 77"Bruno"Marchand"«"Construire"des"logements,"l’habitat"collectif"suisse"1950G2000"»,"Cahier"

de"théorie,"PPUR_EPFL,"2000,"p.11" 78"Bruno"Marchand"«"JeanGMarc"Lamunière":"regards"sur"son"œuvre"»,"Infolio,"2007,"P."10"" 79"Ibidem"

83"


représentation s’aborde de manière différente, le dessin au trait ne fait pas parti de la culture parisienne qui privilégiera le « lavis ». Il est fort probable que l’enseignement, à travers certains « modèles » et références théoriques, qu’a reçu Lamunière participera à l’intérêt qu’il porte pour l’architecture de Mies van der Rohe. Ce dernier se manifestera d’ailleurs très tôt et Bruno Marchand analyse certains projets d’étudiant. Il nous informe à propos d’un exercice donné par Franck Lloyd Wright, alors professeur invité de l’école florentine : « avec la garderie d’enfants, dessinée la même année, ce projet de « Cabane de jardinier » représente une des prestations les plus intéressantes de sa période d’étude, ancrée dans une synthèse personnelle de la recherche miesienne de fluidité des espaces intérieurs »80. Nous verrons, lors de l’étude relative au plan de la tour des Imprimeries Réunies, que le dessin « au trait » est toujours présent dans le travail de l’architecte, preuve qu’il aura conservé certaines méthodes de ses années passées à Florence.

Groupe 11 : Prise de hauteur sur un suisse « étriquée » Bruno Marchand, dans la revue Matière, nous informe sur les buts et influences du Groupe 11, regroupement de jeunes architectes auquel Jean-Marc Lamunière fait partie81. Le Groupe 11 s’est formé à la fin des années cinquante. A cette époque, le travail de l’architecte s’effectue de plus en plus en groupe. Certaine formation sont constituées de diverses professions, (urbaniste, architectes, ingénieurs, fournisseurs et entrepreneurs). D’autre part on voit l’évolution d’un travail de plus en plus orienté sur la « structure urbaine » et non plus sur le bâtiment seul. Cette rupture d’échelle et cette nouvelle organisation du travail donneront matière à réflexion pour le groupe 11. Les réflexions du groupe sont très souvent influencées par les projets américains. Cet intérêt est partagé par une majorité d’architecte à cette époque et le voyage en Amérique est décrit par Bruno Marchand comme un « passage obligé»82.Les membres du groupe ne font pas exception mais s’intéressent plus

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 80"Bruno"Marchand"«"Construire"des"logements,"l’habitat"collectif"suisse"1950G2000"»,"Cahier" de"théorie,"PPUR_EPFL,"2000,"p.12" " 81"Bruno"Marchand,"«"Un"club"nommé"groupe"11"»,"Matière,"1997,"n°1,"p.88G99" "82"OP.CIT."page"précédente"

"

84"


particulièrement à la production des agences de Mies et de Skidmore, Owings & Merrill (SOM). Les jeunes architectes organisent en novembre 1959, une exposition sur « la réalité de la situation américaine » et sur « les modèles américains et l’œuvre de Mies ». Cet événement prendra place au Musée d’Art et d’Histoire de Genève83. Une fois encore le travail de réflexion de Jean-Marc Lamunière est fortement emprunt de l’architecture produite par l’agence de Mies Van Der Rohe. Les recherches pour ce travail n’étant pas axées sur ce regroupement de jeune architectes, on ne sait pas si c’est Jean-Marc Lamunière lui-même qui impulse les idées de Mies ou de SOM au sein du groupe 11. Dans tous les cas, il s’intéressera d’encore plus prêt à ces agences comme nous pourrons le voir plus tard quand nous évoquerons son voyage aux Etats-Unis d’Amérique. Le groupe est aussi constitué de futur collaborateur pour Jean-Marc Lamunière. Parmi eux on peut cité Pierre Bussat qui participera à la construction de la tour des Imprimeries Réunies de Lausanne.

Une histoire de famille. Le cousin Germain de Lamunière, Marc Lamunière réside aux Etat-Unis, Il est aussi président et directeur général de la Société de la feuille d’Avis de Lausanne et des imprimerie réunies SA, qui ne sera autre que le commanditaire de l’immeuble qui nous intéresse pour ce travail. Marc Lamunière partage de nombreux centres d’intérêts avec son cousin Jean-Marc et ils feront ensemble un parcours au travers des Etats-Unis d’Amérique. Le maitre d’ouvrage semble devoir être convaincu de la nécessité de certaines mises en œuvre tel que « le pan de verre allant jusqu’au sol […] le plan libre, le report des points d’appuis de la structure extérieure »84. Au regard de la description du voyage il semblerait que les objectifs initiaux aient été dépassés.

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" "83"Ibidem." "

84"Sabine"NemelGPiguet"«"commande"Privées,"commande"publiques"»"dans"Bruno"Marchand"

«"JeanGMarc"Lamunière":"regard"sur"son"œuvre"»,"Infolio,"2007,"p.171G193.""

85"


Lamunière : son voyage aux États-Unis d’Amérique.

En l’absence d’archives pour le moment, nous disposons de peu de source nous permettant d’analyser de façon précise le voyage de Jean-Marc Lamunière aux États-Unis. Cependant, les notes présentes dans le livre de Bruno Marchand, Jean-Marc Lamunière : regards sur son œuvre, nous permettent de situer ce voyage dans le parcours de l’architecte. Un article écrit par Sabine Nemel-Piguet permettra ensuite de retracer l’itinéraire de l’architecte. Le voyage vise quatre buts principaux. Il s’agit de se forger une culture commune avec son cousin et maître d’ouvrage. Un deuxième but réside dans le fait de se créer un réseau de contact et comprendre l’organisation des bureaux d’architecture américains. Cette dernière visée est sans doute à mettre en parallèle avec le contexte dans lequel s’est créé le groupe 11 et ses réflexions portants sur la production d’agence comme Skidmore, Owings & Merrill (SOM). Un dernier but, plus personnel est de découvrir une culture propre au continent américain au travers des arts plastiques ou encore de la musique Jazz. Ces différents intérêts portera le duo Lamunière jusqu’au Mexique et à Cuba85. Sabine Nemel-Piguet a écrit sur le voyage des Lamunière aux Etats-Unis. Elle nous décrit avec plus de précision le périple. Nous pouvons ainsi retracer le parcours des deux cousins germains86. Ils visitèrent les villes américaines suivantes : New York, Boston, Pittsburgh, Détroit, Chicago. Un grand nombre de bâtiment furent visités, on retiendra surtout, et la symbolique est forte, la visite du chantier du Seagram Building quand ce dernier fut presque achevé. Dans la même lignée, ils visitèrent les locaux de l’agence de Mies. Sabine Nemel-Piguet nous rapporte ces propos confisqués dans son agenda : « Chaque employé est un architecte diplômé ; (ils sont une dizaine, plus une secrétaire) ; chacun travail un sujet avec Mies qui accorde à chacun ses conseil et son génie. Méthode opératoire : règle de composition 100%, la trame, les matériaux ; les détails grandeur nature ; la maquette au 1/100 ; le système structurel […]

La méthode est celle que nous

recherchons avec Pierre [Bussat] depuis quatre ans. La recherche se fait

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 85"Op.Cit."note"36,"p."précédente"" 86"Pour"plus"de"précision"se"reporter"au"«"Carnet"américain"n°3»"

86"


parfois indépendamment des programmes. Là est la vérité : la pensée d’abord, la fonction ensuite.87 » Les deux hommes ont aussi pu s’entretenir personnellement avec certains architectes reconnus : Philip Johnson et Ieoh Ming Peï. Il apparaît clairement la fascination de l’architecte pour le continent américain, aussi cette dernière ne se limite pas au champ de l’architecture mais s’étend au point de constituer un véritable « Etat d’esprit ». Ce dernier est emprunt de libéralisme et d’une dynamique. A ce propos, Bruno Marchand nous fait part de la fascination de Lamunière pour un pays qui accorde des « possibilités immenses à ceux qui veulent entreprendre »88. Ce n’est pas la première fois que nous croisons une vision libérale du monde dans ce travail. L’auteur précise que ce voyage est « une sorte de libération personnelle à l’égard d’une Suisse étriquée ».

Positionnement relatif aux différentes définitions de la modernité. Nous avons évoqué, avant l’analyse particulière au corpus, la définition de la modernité qui se jouait sur le territoire Vaudois. Lamunière est un praticien qui va au delà de ces discours, Bruno Marchand dans les Cahier de Théorie le formule comme suit : « Lors qu’à la fin des année cinquante, l’influence des modèle corbuséens semble en effet prédominante en Suisse, quelques architectes s’en écartent, fortement impressionnés par la découverte de l’architecture américaine de l’après guerre89 ». Ainsi l’Amérique serait une fuite en avant faces à ces grands principes présent en suisse ? Certaines affinités permettent de cerner la personnalité de cet architecte qui ne semble vouloir appartenir à aucun « camps ». Il travaillera par exemple avec Daniel Girardet qui fut un disciple auprès de Perret. En revanche on le saura également très proche de Sartoris qui, nous l’avons vu, soutiendra Le Corbusier dans son combat contre toute forme de classicisme. La production de l’architecte nous fera quand même opter pour une définition de la modernité sans concessions, n’enlevant en rien l’ouverture d’esprit qui le caractérise.

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 87"Jean"Marc"Lamunière,"note"dans"son"agenda,"archive"Lamunière,"cité"dans"Sabine"NemelG Piguet"«"commande"Privées,"commande"publiques"»"dans"Bruno"Marchand"«"JeanGMarc" Lamunière":"regard"sur"son"œuvre"»,"Infolio,"2007,"p.171G193."" 88"Bruno"Marchand"«"JeanGMarc"Lamunière":"regard"sur"son"œuvre"»,"Infolio,"2007,"p."81,"notes" 89"Bruno"Marchand"«"Construire"des"logements,"l’habitat"collectif"suisse"1950G2000"»,"Cahier" de"théorie,"PPUR_EPFL,"2000,"p.12"

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/ Photographie/de/l’auteur./ L’immeuble/des/Imprimeries/Réunies/de/Lausanne,/Lausanne,/Février/2014"

88"


La tour des imprimeries réunies, une application de la composition selon Mies.

Relation entre maitrise d’œuvre et maitrise d’ouvrage : Au vu du lien de parenté qui unit les deux parties nous pouvons supposer une bonne entente durant le projet et sa réalisation. De plus, le voyage ayant pour but de persuader le maitre d’ouvrage de certaine mise en œuvre, il a permis de « mettre à plat » ces sujets. Aussi, en plus de convaincre Marc Lamunière, les propos de Sabine Nemel-Piguet semble indiquer une parfaite entente entre Marc et Jean-Marc. Pour finir, la rénovation de l’édifice pendant les années quatrevingt-dix s’est faite dans le même état d’esprit volontaire, toujours selon cet auteur. On peut donc supposer qu’il s’agit, pour l’architecte d’un terrain idéale pour expérimenter certains principes. Comparaison entre l’observation et l’application : La tour des imprimeries réunies est un bâtiment déjà plusieurs fois étudié, nous essayerons ici d’apporter une contribution à ces diverses études en croisant deux données. L’une récoltée par Lamunière pendant son voyage : l’organisation de l’agence de Mies. L’autre : les plans que nous possédons de l’édifice qui furent publiés par la revue « Bauen + Wohnen » en 1965 avant l’achèvement du chantier à la fin de la décennie. Les grands points que retient Lamunière de son entretient sont : •

Des règles de composition

La trame

Les matériaux

Le système structurel

Le travail par la maquette et la conception de détail à échelle 1 :1

Nous disposons des plans suivants : •

Un plan de situation

Les plans de niveaux du 3ème sous-sol au Rez-de-Chaussée (concernent le socle)

Un plan d’étage courant (concerne la tour)

Une coupe de principe

89"


/ Coupe/de/principe/(haut)/,/et/plan/masse/(bas)// DruckWund/Verlaghaus/in/Lausanne,//Bauen/+/Wohnen,/1965,/p.6"

90"


Des règles de composition : Pour traiter de la question de la composition, puisqu’elle n’est pas plus détaillée dans les propos recueillis par Lamunière, je m’appuierais sur le travail que Jacques Lucan qui, dans « Composition, non-composition », traite plus spécifiquement de la question du « plan libre selon Mies ». Un passage en particulier semble pouvoir synthétiser la pensée de Mies à propos de la composition: « Un espace qui n’est pas clos, qui n’est pas commandé par un élément central, un espace dans lequel tous les éléments sont différents mais équivalents, inscrit dans une grille de points porteurs définissant la figure générale d’un rectangle.»90, ce dernier point relevant de la trame nous l‘étudierons après. Dans un premier temps, nous pouvons vérifier ces différents points en se référant au plan de situation. L’espace qui n’est pas clos semble être difficile à approcher dans un contexte urbain. Le tènement disponible pour le projet de « l’immeuble-tour » est délimité par deux constructions existantes au nord. En revanche, au sud aucune construction ne vient perturber la continuité entre la rue et la parcelle. Lamunière disposait bien d’un espace non clôt ou tout au pire à « demi clôt ». Malgré cela le projet présente un linéaire important de façade alignée sur la rue ce qui ne donne pas spontanément l’impression d’un espace ouvert. Il faudrait, pour être certain que cet alignement ne soit une volonté propre à l’architecte, ce dont nous pouvons douter, vérifier le règlement d’urbanisme de l’époque. Cependant, les différents éléments disposés sur le terrain sont indépendant les uns des autres. Une « promenade publique » a été intégrée au projet comme pour garantir cette indépendance des différents « organes ». Coté Nord en revanche on peut ressentir cette notion d’espace non clôt, le parvis permettant aux différents éléments (tour, bâtiment d’accueil et bâtiment des impressions) de ne pas être « alignés sur rue ». On remarque clairement qu’aucun élément central ne vient dicter la composition, la tour est décentrée. Le troisième point ne semble pas être scrupuleusement respecté mais on remarque, sur la coupe de principe une équivalence entre le socle et la tour. Les deux masses semblent de même importance, elles sont pourtant vouées à des

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 90"Jacques"Lucan,"«"Composition,"nonGcomposition"»,"Presses"polytechniques"et"universitaires"

romandes,"2009,"p."392"

91"


/ Photos/extérieure/et/intérieure/de/l’acceuil,// DruckWund/Verlaghaus/in/Lausanne,/" /Bauen/+/Wohnen,/1965,/p.7"

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usages différents, le socle se déploie horizontalement et est dédié à la production de journaux alors que la tour s’étire en hauteur et abritera des bureaux. A ce propos, et pour aller dans le sens de cette démonstration, le grand nombre d’étage de la tour est compensé par une emprise très réduite en comparaison aux autres bâtiments implantés sur le tènement. La trame Comme une évidence, on peut accorder à Lamunière le respect strict de ce principe puisque la trame est représentée sur les plans édités. On peut noter au passage que le trait qui dessine la trame et de la même épaisseur que celui qui représentant les éléments structurels. Les Matériaux et le système structurel La grande lisibilité des plans est due en partie à la représentation des différents éléments structurels en fonction de leur matérialité. Ainsi le verre se confond dans le tracé orthogonal qu’est la trame, le béton et les profils métalliques en H qui compose la tour se distinguent clairement. On peut donc supposer au travers des plans une grande distinction entre les différents matériaux. Le béton est réservé au socle à semi enterré, la tour est conçue autour d’une structure métallique. Cette distinction permet de valider dans le même temps le respect des principes miessiens liés aux matériaux et au système structurel. L’organisation du travail, autour de maquette et la conception de détail à l’échelle 1 :1, ne peut malheureusement pas être étudiée sans l’ensemble des documents qui ont servi au processus de conception de l’édifice. Nous ne vérifierons pas ce dernier point ici.

Le projet de Lamunière use des principes rapportés d’Amérique par l’architecte. Cette application stricte des théories donne au projet une dimension didactique. On pourrait d’ailleurs continuer l’énumération des principes miessiens qui ont influencé, voir dirigé, la conception du bâtiment : Le mur rideau, le report de charge, le traitement des angles, jusqu’aux éléments de la structure extérieure dont l’expression rappel ceux du Seagram Building. Nous reviendrons, plus tard, sur ces différents points pour évoquer la tour de Georgette dans une analyse comparative des deux bâtiments.

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La réception de la tour dans les revues.

A travers le cas de la tour Bel-Air nous avons mis à jour la stratégie éditoriale de la revue W erk dans les années trente. Pour la tour des Imprimeries réunies de Lausanne nous pouvons procéder de la même manière.

La publication dans formes et fonctions. Nous avons pu définir la visée de cette revue au début de ce mémoire, nous avons aussi mentionné le grand rôle de Sartoris dans le contenu des publications et la place qui lui été dédiée. Aussi nous avons évoqué les liens d’amitié entre ce dernier et l’architecte de « l’immeuble-tour ». C’est sans surprise que nous pouvons découvrir un article consacré à ce bâtiment dans le numéro de l’année 1958 de Formes et Fonctions. L’article présente trois documents, l’élévation sud de l’ensemble bâti, une perspective filaire, le plan de situation. Les plans sont accompagnés par un texte concis qui insiste sur la nature du programme « le parti adopté tend à souligner la présence indispensable d’un centre d’édition de ce genre au centre de la ville »91. Il est aussi question de l’aspect structurel de la tour : « A partie d’un sous-sol en béton armé, la superstructure est conçue en ossature métallique et les façades seront en aluminium et en verre, précisément pour permettre le maximum de transparence de l’extérieur. Le projet est actuellement soumis à l’approbation des pouvoirs publics. »

Absence Si le bâtiment s’affiche dans la revue de suisse romande qui prône une architecture de style international, il reste absent dans la revue suisse allemande partisan d’une architecture plus encrée dans le territoire. Le mensuel, est plus proche des principes d’Auguste Perret, Tschumi que ceux de Mies mais surtout, il se tourne d’avantage vers la suisse Alémanique.

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 91"Anthony"Krafft"«"Centre"d’information"et"d’édition"de"la"feuille"d’Avis"et"de"la"Tribune"de"

Lausanne"»,"Formes"et"Fonction,"1958,"5ème"année,"p."143""

94"


Malgré cette préférence pour la partie germanophone du pays on peut énumérer les différents architectes suisses romands qui ont été publiés de Janvier 1959 à Mai 1961. Ces Dates correspondent à la construction des bâtiments constituants notre corpus relatif au quartier de la gare. Dans le numéro de

En Mars 1961, Daniel

Enfin, En mai 1961

Janvier 1959 on

Girardet sera publié

c’est Alin Decoppet

trouve un article de la

pour un Groupe

associé à Léopold

Cité-Pavement à

scolaire construit dan

Veuve et Frédéric

Lausanne. Les

le Valais, à Saint-

Aubry qui sont

93

architectes de ce

Maurice . Daniel

présent dans la revue

projet sont Willy

Girardet est un

pour leurs immeubles

F.Vetter et Jean Pierre

disciple d’auguste

préfabriqués à loyers

Vouga . Ce dernier

Perret, nous avons

modestes à Villars-

représentera la Suisse

d’ailleurs déjà évoqué

sur-Glâne94. Alain

dans l’exposition

son nom, Lamunière

Décoppet fut un

Nationale de Zurich

ayant effectué son

associé de Jean

en 1939. Il participe

premier stage auprès

Tschumi.

activement à lOeuvre,

de lui.

92

La Société vaudoise des Ingénieurs et architecte ou encore la Fédération des architectes suisse. Il jouera aussi un rôle dans la formation de l’UIA.

""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""

""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""

92""Auteur"non"cité,"«"La"

93""Auteur"non"cité,"

Cité"BellevauxGPavement" à"Lausanne"»,"Werk," Janvier"1959,"n°46,"p.14G 17"

«"Groupe"scolaire"de" SaintGMaurice,"Valais»," Werk,"Mars"1961,"n°28," p.92G95"

95"

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" "94""Auteur"non"cité," «"Immeubles" préfabriqués"à"loyers" modestes,"VillardGsurG glâne»,"Werk,"Mai"1961," n°48,"p.171G173"


Au vu de l’importance de cette tour dans le panorama des constructions suisse à la fin des années cinquante, de la représentativité de son concepteur d’une nouvelle génération d’architecte, et des qualités structurelle esthétique on peut penser que le bâtiment est destiné à trouver une place dans une revue importante et influente. Au regard de ce dernier point on peut se poser la question suivante : Les influences miessiennes du bâtiment des imprimeries réunies de Lausannes, seraient-elles à l’origine de l’absence d’article concernant le bâtiment dans la revue Werk ?

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.

97"


/ Situation"de"la"tour"de"Georgette" Vue"aĂŠrienne"de"la"ville"de"Lausanne,"1":5"000"

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La tour de Georgette (Etude de cas) La tour de Georgette est édifiée par l’architecte Pierre Bonnard associé à Laurent Okolski en 1961 dans le quartier de la gare. La construction de ce bâtiment s’est faite dans la discrétion, à l’ombre sans doute de réalisations d’architecte plus connue comme celle que nous venons de voir. Dans l’obscurité peut être d’une exposition nationale accueillis à Lausanne en 1964, pour la première fois à Lausanne et en Suisse romande. Pour cette raison, la tour de Georgette reste difficile à documenter. Cependant, des recherches sur son concepteur ont permis d’élaborer une piste d’étude intéressante que nous amorçons ici même

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Pierre Bonnard, Un architecte, un associé

Pierre Bonnard né en 1916, fils de l’architecte René Bonnard, qui étudiera aux beaux-arts de Paris de 1905 à 1906. Ce dernier collaborera la plupart du temps avec Edouard Boy de la Tour à de nombreuses constructions dans Lausanne. Aussi nombreuses soient-elles la production de l’agence reste modeste et le plus souvent est orientée vers la « requalification » de bien immobilier vétustes ou simplement dessués. Pierre Bonnard se distinguera du travail de son père95par des constructions plus importantes. Aussi l’architecte, peut-être tient-il cela de son père, travaillera toujours en binôme. La construction du Centre hospitalier universitaire Vaudois par exemple se fera en collaboration avec Jean-Pierre Cahen et Hacques Longchamp. Il collaborera aussi avec Jean Tschumi pour la réalisation du bâtiment administratif André SA en 1963. Ces deux bâtiments sont situés à Lausanne. Si Pierre Bonnard obtient souvent le rôle de »second », cela ne l’empêche pas de participer à de nombreux jury et, de ce fait, d’exercer une certaine influences ce qui se construit à Lausanne.

La collaboration avec Jean Tschumi. Pour ce travail, le fond Jean Tschumi a été consulté, plus précisément la liasse contenant les pièces du projet pour le bâtiment administratif d’André SA. Nous avons été aux Archives de la Construction Moderne avec l’espoir de découvrir la correspondance entre les deux mandataires du projet. Nous n’avons malheureusement pas trouvé de pièce écrite. Cependant les pièces graphiques du projet nous renseignent sur les causes de cette collaboration. Nous avons déjà évoqué le nom de Jean Tschumi fondateur de l’UIA et de l’EPUL. Nous en avons moins parlé en tant que porteur de la « corporate architecture » en Suisse. Jacques Gubler dans « Jean Tschumi, architecture, Echelle, Grandeur » la définie ainsi : « La notion de corporate architecture, même si elle recouvre un phénomène bien présent dès le dix-neuvième siècle, est récente. L’adjectif étasunien « corporate » dérive du substantif corporation et désigne ce qui appartient à l’entreprise dans le trajet d’une aventure

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 95"Notice"du"Fond"René"Bonnars"et"Edouard"Boy"de"la"Tour,"ACM,"EPFL_UNIL.""

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commerciale. »

96

. Dans ce même sens l’architecte va fortement se lier à

l’entreprise Nestlé pour qui il réalisera de nombreux bâtiments, Laboratoires et administrations. Le plus représentatif d’entre eux est certainement le siège administratif Nestlé situé à Lausanne, construit de 1956 à 1960. Pour ce projet Jean Tschumi n’a pas hésité de faire le déplacement, en compagnie du maître d’ouvrage, jusqu’aux Etats-Unis. Ce voyage a été le déclencheur de notre étude sur le projet de 1963 pour la compagnie d’import-export André SA. La question posée était la suivante : Collaborant avec Jean Tschumi, Pierre Bonnard aurait-il bénéficié de l’expérience acquise par son associé aux États-Unis ? En d’autres termes, aurait-il acquis une culture à propos des constructions aux Etats-Unis suffisamment large pour que nous puissions nous assurer de l’influence américaine de la tour de Georgette ?

La question reste ouverte. En revanche il est certain que l’expérience avec Tschumi fut pour Pierre Bonnard riche en enseignement. Cet avis est justifié par l’évolution du projet André SA. La société a dans un premier temps fait appel à Jean Tschumi. Suite à la première proposition de l’architecte elle a fait mandaté son « architecte officiel », en l’occurrence Pierre Bonnard, pour dessiner une « contre-proposition ». Hors, la solution de ce dernier est en tout point « différente », elle apparaît bien « ordinaire» face à la radicalité et le fort parti pris de Tschumi.

97

Aussi, Jean Tschumi ne verra pas la fin de ce projet, il décède en

1962. Néanmoins Bonnard n’amputera en rien le projet de son confrère. Les projets de la compagnie André SA et la tour de Georgette sont exécutés dans les mêmes années. On pourrait donc pensé à un échange entre les deux architectes autour du projet de l’immeuble tour mais rien ne l’indique pour l’instant.

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 96"Jacques"Gubler,"«"Jean"Tschumi,"architecture,"echelle,"grandeur"»,"Presses"polytechniques"

universitaires"romandes,"2008,"p.47."" 97"Pour"plus"de"détail,"se"référer"à"l’annexe.""

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/ Photographie/de/l’auteur./ La/tour/de/Georgette,/Lausanne,/Février/2014"

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Tour de Georgette, Influence américaine, deuxième piste.

C’est en travaillant sur le projet de la tour des imprimeries de Lausanne, largement évoqué auparavant qu’une deuxième hypothèse s’est dessinée. Celleci semble satisfaire quelques réponses à propos de « l’immeuble tour » et de ses supposées influences américaines. Bruno Marchand lui même se pose cette question dans « Architecture du canton de Vaud, 1920-1975 » : « Ce parti, inspiré peut-être de certains gratte-ciel américains des années 1950 »98 . Il appartient au lecteur de juger de la pertinence du rapprochement que nous allons effectuer tout de suite.

L’expérience américaine transmise Si on se rappel bien, la tour des imprimeries réunies de Lausanne à fait l’objet d’un concours restreint, pour au final être sélectionnée, puis construite. 99

Ce concours a eu lieu en 1957 et le projet de Lamunière a suscité l’intérêt du

Jury. Bruno Marchand le précise en note de son livre sur l’architecte « miessien » : « Sa réussite est autant plus satisfaisante que Jean-Marc Lamunière est passé par la porte étroite d’un concours dirigé par un jury indépendant, sévère et objectif, ou chacun avait au départ un pourcentage de chances égal ». 100 Hors le président de ce Jury exigent n’est autre que Pierre Bonnard. La question que l’on se pose spontanément est relative à l’influence qu’a exercé le projet de Lamunière sur la production de Bonnard. Aussi, mais nous l’avons déjà précisé, le projet de Lamunière est innovent voir surprenant dans le contexte Vaudois de la fin des années cinquante, il n’y aurait là rien de surprenant à ce qu’il est marqué l’esprit d’un membre du Jury. Les plans que nous nous sommes procurés ont été publiés par la revue espagnole « Informes de la construccion ». En possession de pièces graphiques similaires pour les deux projets nous pouvons entreprendre une analyse comparative pour répondre à cette question :

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 98"Bruno"Marchand,"«"Architecture"du"cznton"de"Vaud"1920G1975"»,Presses"polytechniques"et"

universitaires"romandes,"2012,p.265."" 99"Bruno"Marchand,"«"JeanGMarc"Lamunière":"regards"sur"son"œuvre"»,"Infolio,"2007,"p.36" 100"Ibidem,"voir"note"58"

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« Quelles sont les similitudes entre les projets « d’immeuble-tour » des architectes Lamunière et Bonnard ? » Etude de cas. L’étude de cas menée pour répondre à cette question a permis d’identifier les points communs suivant : Typologie : -

Les deux projets répondent à une typologie identique, constituée d’un socle et d’une tour

-

Répartition des surfaces de plancher, on observe une très grande différence entre les surfaces des « niveaux socles » et celle des « niveaux tour » .

Echelle : -

Surfaces équivalentes

-

La hauteur de la tour seule s’élève à 33 mètres pour le projet Lamunière et 31 mètres pour le projet Bonnard.

Rapport à l’espace public : -

Les deux socles s’accommodent du terrain naturel et proposent des espaces semi-enterrés

-

Les entrées de chacune des tours sont traitées de manières remarquables mais différentes : o

Nous l’avons déjà vu, Lamunière dessine un parvis triangulaire mettant en tension l’édifice de tour et l’espace public.

o

Chez Bonnard, Le patio est le moyen utilisé pour transité d’un espace public à un espace privé. Il n’oublie cependant pas de mettre en valeur l’édifice vertical, le patio étant le seul endroit à proposer une vue de la tour en contre plongé avec un recul minimum101

Trame : -

La trame de la tour des Imprimeries réunies ne se préoccupe que très peu de l’alignement sur la rue, ce qui entraine la formation d’un parvis triangulaire et d’un biais. La tour de Georgette peut aussi se lire grâce à

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 101"Se"référer"à"l’annexe.""

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une trame orthogonale, mais celle-ci ne fait pas partie du « plan », de ce fait elle ne devient pas un outil « didactique ». Porte-à-faux : -

Ce qui rapproche certainement le plus ces deux constructions est l’usage d’un porte-à-faux pour dissocier la tour de son socle.

Si on identifie facilement ces points communs on aura en revanche plus de mal à retrouver l’influence Miessienne dans le projet de Pierre Bonnard. Dans le même sens les principes structurels des deux tours sont différents. Alors que la tour de Lamunière est soutenue par une structure extérieure est métallique, la tour de Bonnard fait appel au béton armé, le porte-à-faux est permis par de grandes poutres maitresses chargées de transmettre la charge au noyau central. On peut conclure que le projet de la tour Georgette est en partie inspiré par celui de Lamunière. Cependant les principes propres à l’architecte « miessien » n’ont en rien été « imités ». Pierre Bonnard a réinterprété certaines dispositions et « effet ». Le porte-à-faux et le traitement de l’entrée en sont de bons exemples. Plus largement le cas de la Tour de Georgette nous démontre la capacité de « transmition » dont peut faire preuve un modèle importé d’un contexte différent, ici les Etats-Unis d’Amérique.

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/ Tour/des/imprimeries/réunies/de/Lausanne/:/Coupe/de/principe// DruckGund"Verlaghaus"in"Lausanne,""Bauen"+"Wohnen,"1965,"p.6" Mis"à"l’échelle"par"l’auteur"_"1":500"

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/ Tour/de/Georgette/:/Coupe// «"Edificio"comercial"en"Lausana"»,"Informes"de"la"Construccion,"1965,"p.6" Mis"à"l’échelle"par"l’auteur"_"1":500"

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/ / Tour/des/imprimeries/réunies/de/Lausanne/:/plan/de/rezWdeWchaussée// DruckGund"Verlaghaus"in"Lausanne,""Bauen"+"Wohnen,"1965,"p.6" Mis"à"l’échelle"par"l’auteur"_"1":500"

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" " "

/ Tour/de/Georgette/:/Plan/de/rezWdeWchausée/ «"Edificio"comercial"en"Lausana"»,"Informes"de"la"Construccion,"1965,"p.6" Mis"à"l’échelle"par"l’auteur"_"1":500"

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/ / Tour/des/imprimeries/réunies/de/Lausanne/:/plan/courant/dans/la/tour// DruckGund"Verlaghaus"in"Lausanne,""Bauen"+"Wohnen,"1965,"p.6" Mis"à"l’échelle"par"l’auteur"_"1":200"

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/ Tour/de/Georgette/:/plan/courant/dans/la/tour// «"Edificio"comercial"en"Lausana"»,"Informes"de"la"Construccion,"1965,"p.6" Mis"à"l’échelle"par"l’auteur"_"1":200"

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….

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Conclusions partielles Les recherches ammenées sur le corpus ont permis de définir certains facteurs d’une influence d’outre-atlantique pour chacuns des bâtiments étudiés. Nous avons essayé par ce travail d’en savoir « un peu plus » sur chaques réalisations et par la même occasion de créer un support de discution. Néamoins ce travail ne serait pas aboutit sans avoir croisé les différentes « histoires » de chacun des bâtiments. En effectuant ce travail nous pouvons identifier des lignes fortes : Le voyage, le rôle de l’architecte, la commande privée. Aussi ce travail n’est pas sans lien avec le présent, nous évoquerons en guise d’épilogue l’actualité de ces bâtiments, le développement de Lausanne et le projet Taoua.

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Le Voyage, condition préalable ? Malgrés des époques différentes le voyage aux Etats-Unis d’Amérique semble être un point communs des différents acteurs de la construction que nous avons rencontré dans le corpus, le dernier cas mis à part. Pour la Maison Mercier c’est le maitre d’ouvrage qui rapporte de son voyage les nouvelles solutions techniques d’amérique. De même les scotonis ramène des Etats Unis plus qu’une nouvelle façon de construire, c’est une nouvelle « getion » du projet. Lamunière a poussé l’expérience jusqu’à pousser la porte d’agence Américaine reconnue, à l’image de celle de Mies. Aussi on notera que les maîtres d’ouvrage sont le plus souvent les initiateurs de ces périples. Bien que certains y soit pour affaire, d’autres spécialement pour le projet, ils ont en commun d’avoir ramené d’outre-atlantique des usages et techniques. Cela avant de tendre vers la typologie de tour.

Américanisme : tout ou en partie L’autre constat que nous pouvons établir c’est la diversité de chaque projet sur son « degré » d’influence. Alors que Maison Mercier ou la tour de Georgette ne prennent que certaines caractéristique de ce qui se construit en amérique, la tour des imprimeries réunies sera une réalisation radicale qui laisse peu de place au compromis. Cela peut s’expliquer en partie par l’intérêt que porte Lamunière à Mies et plus largement à une amérique emprunt de libéralisme.

Le partis pris de l’architecte : la clef de l’intégration ? Si l’architecture de Lamunière ne laisse aucun doute sur l’inspiration « Etasunienne » de son auteur, d’autre en revanche s’acclimate mieu au Jura Vaudois, à l’image de la Maison Mercier.

Une maitrise d’ouvrage privée Pour les quatres édifices ils s’agit de maîtres d’ouvrages privés, et pas des moindres. Nous avons longuement parlé des Merciers car ils ont joués un véritable rôle, au dela de la seule construction dont il est question ici, mais nous aurions aussi pu évoquer la puissance des Scotoni, des Imprimeries réunies qui

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se nomment aujourd’hui Edipresses, ou encore « La mobilière », puissante société d’assurance en suisse.

Centres économiques Nous l’avons vu, la Maison Mercier et l’immeuble de Bel-Air-Métropole encadrent la vallée du Flon, grande zone industrielle de Lausanne. Aussi le rapport entre la création de cette partie de la ville et les Merciers ne nous a pas échappé. Aussi la tour des Imprimerie réunie et celle de Georgette encadre un quartier riche en activité tertiaire. Aussi à l’heure d’aujourd’hui ces quartiers font partie de ceux qui acceuillent le plus de nouvelles réalisation, certains concernant directement notre corpus.102

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""" 102"Auteur"inconnu,"«"L’architecture"au"service"d’une"culture"vivante"»,"Cahier"thématique"de"

Hochparterre,"novembre"2013,"p24G25""

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Un architecte suisse : Marc-J Saugey. Architecture / Formes et fonctions. Lausanne, ème 1957, 4 année, p.42 Deux architectes espagnols : Coderch et Valls Vergués. Architecture / Formes et ème fonctions. Lausanne, 1957, 4 année, p.50 Projet d’un immeuble à Santa-Cruz (Ténériffe). Architecture / Formes et ème fonctions. Lausanne, 1957, 4 année, p.74 Jour mondial de l’urbanisme .1958. Architecture / Formes et fonctions. Lausanne, ème 1958, 5 année, p.50 L’architecture de F.R.S. Yorke. 1958. Architecture / Formes et fonctions. Lausanne, ème 1958, 5 année, p.56 L’architecture de Pierre-Andre Emery. 1958. Architecture / Formes et ème fonctions. Lausanne, 1958, 5 année, p.64 L’architecture d’Alfred Roth. 1958. Architecture / Formes et fonctions. Lausanne, 1958, ème 5 année, p.72

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Les origines de l’architecture nouvelle de l’Amérique latine. 1958. Architecture / Formes ème et fonctions. Lausanne, 1958, 5 année, p.83 Jour Mondial de l’Urbanisme 1959. Architecture / Formes et fonctions. Lausanne, ème 1959, 6 année, p.56

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