Du brand content à la brand culture.

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Mémoire de fin d’étude Antoine MAGNIEN MP4 S2 -­‐ 2013/2014

Du brand content à la brand culture. Comment dans un contexte de méfiance vis à vis de la publicité et du marketing, le brand content permet aux marques de construire leur brand culture ?

Sous le tutorat de Monsieur Cyril Alazary Sous la direction de Madame Marie-­‐Emilie Mante, Chef de groupe, Agence Léonard, Paris.


Introduction Page 3 Contexte : Un consommateur à la recherche de repères et de plus en plus

I.

critique vis à vis de la publicité. Page4 1 Les mutations sociologiques du consommateur Page4 a . Désenchantement du monde moderne et perte de repères légitimes Page4 b. Les marques deviennent de nouveaux repères Page8 2 La publicité mal aimée par la société Page13 II.

Le brand content comme réponse aux critiques de la publicité Page 20

1 Créer du contenu Page20 2 Etude de cas : Amex Unstaged Page28 III.

La construction d’une brand culture Page34

1 les marques sont des agents culturels Page34 2 stratégie de développement du potentiel culturel des marques Page38 IV.

Conclusion Page42

V.

Bibliographie Page43 ANNEXES Page44

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Introduction Les mutations technologiques et économiques de ces dernières années ont forcément bouleversés les marques et leurs façons de communiquer. Le paysage médiatique a fortement été chamboulé avec l’apparition et le développement gargantuesque d’internet et de centaines d’utilisation de cette technologie dans la vie quotidienne du consommateur. De plus la publicité est sans cesse mise à mal par une forte critique de l’opinion public. Ainsi, dans ce contexte il est intéressant de se demander comment les marques adaptent leur communication et ce qu’elles sont capables de faire pour s’adapter. Nous verrons ainsi dans un premier temps quelle est la situation et l’opinion exact des individus face à la publicité puis nous étudierons une des tendances les plus fortes en matière de marketing : la production de contenus de marque, le brand content. Enfin nous verrons que ce contenu s’insère dans une logique plus grande, qui est celle de la mise en place de stratégie culturelle au sein des marques. D’un point de vue strictement personnel, ce mémoire est pour moi l’occasion de me pencher sur les réalités contemporaines du secteur de la publicité et d’étudier plus précisément les opportunités en terme de tendances de marketing pour les prochaines années. En effet, l’élaboration de stratégies de marque m’intéresse particulièrement, et il me tenait à cœur de réaliser ce mémoire sur ce thème.

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I.

Contexte : Un consommateur à la recherche de repères et de plus en plus critique vis à vis de la publicité. 1. Les mutations sociologiques du consommateur a. Désenchantement du monde moderne et perte de repères légitimes

La publicité au sens traditionnel utilise le ressort de la pulsion de consommation, une action très immédiate. Elle active le désir de posséder ce que l’on n’a pas encore. Les marques doivent donc se démarquer et se rendre visible, notamment par la publicité afin d’être repérées par les consommateurs et qu’ils y projettent leur désir. Les marques cherchent à maitriser le pouvoir normalement possédées par les drogues et les mythes, celui d’engager, lui donner envie et le captiver1. Les changements sociaux, politiques ou culturels façonnent les comportements des individus notamment dans leur posture de consommateur. Ces changements sont énormes depuis l’après guerre mais ont été très grandement accélérés depuis les vingt dernières années car d’énormes bonds technologiques et sociaux se sont produits. Le lien social et la trame des histoires individuelles et collectives se sont petit à petit modifiés. L’individu, dont l’identité était l’expression de son for intérieur était le garant de l’organisation sociale et politique des sociétés modernes. L’homme avait vocation selon le philosophe Descartes à devenir « maître et possesseur de la nature » alors que l’imagination était considérée comme la « folle du logis ». Seule la raison guidait le devenir et l’accomplissement des individus. Les grands discours construits depuis les XVII et XVIIIème mettaient sur un piédestal le modèle du héros solitaire guidé par les

1 JAMET, Thomas, Les nouveaux défis du BRAND CONTENT, au delà du contenu de marque, Paris, 2013, Village Mondial

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lumières de sa raison ont créés un modèle d’éthique du travail, de consommateur et plus globalement des règles du jeu social2. Cette rationalisation du monde a fini par produire un certain désenchantement du monde moderne. Le rejet du mystère, de l’imaginaire et de la libre interprétation à travers un processus de plusieurs siècles a produit une remise en question de ce modèle. Le résultat est l’isolation des individus dans la masse : les « foules solitaires » comme le poète Baudelaire à nommé ce phénomène. Les grandes villes occidentales sont l’exemple concret de ce processus où les individus cohabitent sans qu’une véritable cohésion existe réellement entre eux. Les institutions politiques, religieuses ou culturelles jusqu’alors respectée et jugée légitime par la société sont remises en question. La rationalisation s’effrite, ses institutions représentatives avec. Les exemples les plus concrets sont la hausse de l’abstention législative encore démontrée récemment, le faible taux d’engagement syndical ou encore le désintérêt pour la religion. Un pessimisme ambiant plane au dessus des français. L’Etat nation est remis en question, son discours d’expert n’est plus naturellement légitime aux yeux de tous et est décrédibilisé par ceux qui portent ce dernier. Les représentants de l’autorité, les figures paternelles du président, du héros, des dirigeants sont désacralisés. L’histoire de ces sept dernières décennies a fortement mis à mal le discours progressiste traitant d’un avenir meilleur. La seconde guerre mondiale et ses traumatismes, Hiroshima, la vache folle, la prise de conscience écologique ou encore les catastrophes naturelles successives ont érodés la confiance et la légitimité des figures d’experts et de leur discours. Une succession d’événements catastrophiques qui n’ont pas été évités ont déconstruits les discours progressistes successifs. Les individus jusqu’alors serein face au destin de l’humanité sont devenus sceptiques. La catastrophe, l’imprévisible et le tragique sont entrés dans le quotidien du monde

2 Stéphane Hugon dans : JAMET, Thomas, Les nouveaux défis du BRAND CONTENT, au delà du contenu de marque, Paris, 2013, Village Mondial

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contemporain. Les individus se doivent d’accepter les faiblesses de ce monde nouveau. Le désenchantement a fait irruption dans les esprits. Les discours qui rassuraient autrefois n’ont plus la même efficacité, l’acceptation à pris ce rôle de soupape qui permet aux individus de faire face au destin. La suspicion est généralisée à l’égard des institutions aussi bien parmi la culture populaire que pour les milieux plus instruits. Les prises de paroles officielles font systématiquement l’objet de remise en question, de mise en doute. Les journalistes subissent également cette crise de légitimité alors qu’ils ont longtemps représentés une figure de contre pouvoir. Aujourd’hui le blogueur, le commentateur voire même un simple « like » sur une page Facebook fait office de contre-­‐jeu. Mais d’autres institutions symboliques subissent cette érosion de légitimité, parmi eux les juges, les élus de tout poils, les experts, les médecins… Les doutes sont souvent injustifiés et sans fondement mais le vrai se construit autour de ce qui se raconte plutôt qu’autour des faits. La conviction est plus forte que la démonstration ou la preuve. Les figures patriarcales dont la fonction sociale était d’expliquer et de rassurer ne convainquent plus. La société a perdu sa cohésion par l’absence d’adhésion généralisée aux discours de ses institutions. Cette fragmentation conduit à une dislocation des discours en micro-­‐ histoires individuelles. En effet, les valeurs ne sont plus universelles et ne sont partagées que par des communautés de plus en plus éclatées. Cette perte de cohésion n’est pas un contre-­‐pouvoir mais plutôt la trace d’un abandon, d’un déni. En effet, on ne cherche plus à s’opposer à la parole publique, on n’y prête même plus attention. Elle ne représente plus un enjeu, n’a plus de portée. Par exemples, des recommandations ayant attrait à la santé publique ont été invalidées quelques années après. C’est le cas du médicament « Médiator » accusé d’avoir causé la mort de 1000 à 2000 personnes3 La perte de légitimité du discours officiel donne de la valeur aux infos off, transmises de façon impromptues, les rumeurs, le bouche à oreille, le leak (informations ayant été volées ou ayant fuitées). Un intérêt plus grand est accordé aux sources proches de soit 3 http://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/le-­‐scandale-­‐du-­‐ mediator_947574.html

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aux histoires s’inscrivant dans un contexte plus proche, plus local. La sincérité des informations remplace la vérité. Le consommateur devient également une source d’informations pour ses pairs, une grande légitimité lui est accordée face à la suspicion. Les marques l’ont bien compris et des initiatives le prouvent. Par exemple la banque BNP Paribas qui sur sa page Facebook à mis en place un espace de discussion pour ses clients afin qu’ils répondent entre eux à leurs questions. La marque ne donne pas d’informations, elle crée une communauté et un lieu d’échange.4

Capture d'écran de l'application BNP Paribas "Besoin d'aide?"

La parole transmise de façon horizontale succède à la transmission verticale traditionnelle. La vérité des experts, du représentant, de l’institution n’importe plus vraiment. La sincérité de la parole des pairs, des semblables sur un plan horizontal est bien plus importante. Un autre exemple est celui du forum du site Doctissimo5 où les internautes ont pris l’habitude d’aller demander des conseils de santé aux membres qui ne sont pourtant ni médecins ni spécialistes. L’avis, le conseil des autres a parfois pris la place du diagnostic d’un véritable docteur. 4 https://www.facebook.com/bnpparibas.net/app_287673854652425 5 http://forum.doctissimo.fr/

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b. Les marques deviennent des nouveaux repères. Dans ce monde désenchanté aux repères désacralisés, il est intéressant de se demander quelle place occupent les marques et quels rôles elles occupent dans notre société. Les institutions comme les religions ont perdus de leur aura. Les marques ont elles, pour une part, remplacées ces dernières ? La place occupée dans nos vies par certaines marques internationales n’a cessé de croitre ces dernières années, notamment les marques des nouvelles technologies (Google, Windows, Apple..). L’institut international Millward Brown6 met chaque année à l’honneur les 100 marques les plus influentes et puissantes, les marques du secteur des hautes technologies squattent indiscutablement la tête du classement. Ces marques ne se retrouvent pas là uniquement par leur omniprésence matérielle dans nos vies mais aussi et surtout car elles créent une relation avec les individus jusqu’alors inégalée. Ces marques ont su s’immiscer dans nos quotidiens et vendre plus qu’un produit. Plus que des marques que l’on consomme, Google, Apple ou bien encore Facebook sont aussi devenus essentiels à l’économie globale du monde. Elles sont au cœur de l’organisation, du commerce et de la gestion de quasiment toutes les activités relationnelles humaines. Ces nouvelles technologies et ces marques ont créés quelque chose d’unique : de la relation. Elles structurent le tissu social.

6http://www.millwardbrown.com/brandz/2013/Top100/Docs/2013_BrandZ_Top100_ Chart.pdf

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Les discours religieux et politiques portaient des valeurs d’identification là où les marques avaient un rôle rationnel et proposaient des produits ou services répondant directement à des besoins. Le basculement vers un la rationalisation des discours politiques et religieux autour du thème de la rigueur notamment laisse le champ libre aux marques qui élaborent de nouvelles stratégies de différenciation et de personnalisation. Le discours des marques est de plus en plus identitaire. Pour résumer, les marques occupent aujourd’hui une position structurante de la société7. Ces marques ne produisent pas seulement des outils, elles produisent des objets relationnels. En effet, les réseaux sociaux, les Smartphones et le web 2.0 en général n’ont pas une fonction, ce sont des médias, des intermédiaires entre l’utilisateur et le monde. Ainsi ils possèdent une forte puissance d’appropriation et identificatoire dans un contexte où les individus construisent leurs identités par rapport à leur relation à l’autre. Les individus prennent la forme de persona derrière un masque. Cela s’observe avec l’utilisation d’avatars et de pseudos8. Instagram, Facebook, Tumblr et les photos du quotidien postés sur ces réseaux font parti d’un processus contemporain de création d’une nouvelle mythologie. L’ensemble 7 Stéphane Hugon, dans : JAMET, Thomas, Les nouveaux défis du BRAND CONTENT, au delà du contenu de marque, Paris, 2013, Village Mondial. 8 Idem

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des petites histoires postées par les utilisateurs sur ces plateformes fait parti d’un processus dans lequel la marque et son identité se créent. Ces marques sont ce que l’on appelle des marques-­‐produit. En effet elles portent le nom de leur unique service. Par exemple Tumblr est à la fois le nom de l’entreprise mais aussi de son unique service : le réseau de micro-­‐blogging. La société contemporaine prend forme dans le processus de construction et de narration de ces micros histoires individuelles et ces marques sont bien plus que les outils de leur écriture. Mais ces réseaux sociaux, exemple le plus évident de cette construction contemporaine ne sont pas les seules marques à avoir pris dans nos vies un rôle structurant et identitaire. Ainsi dans tous les domaines, les marques ont établis des stratégies de marketing basée sur une communication qui met l’individu et son histoire au cœur de la création d’une histoire globale. Elles se réapproprient le rôle de créateur de cohésion sociale et de révélateur d’identité individuelle. Nous pouvons par exemple pensez aux campagnes du géant Mc Donald’s avec son slogan « Venez comme vous êtes » ou bien celle de l’armée de terre française9 qui pour son recrutement utilise comme slogan « Devenez vous-­‐même ».

Visuel de la campagne Mc Donalds France "Venez comme vous êtes" – 2008

Visuel de la campagne Armée de Terre "Devenez vous même"

La communication des marques cherche à transmettre un message social aux consommateurs. Le message est clair : les marques ont un rôle social et servent à la propagation de valeurs et au développement identitaire personnel. Elles sont de nouveaux repères pour la société qui n’a plus confiance dans ses instituions.

9 http://www.lesparolesprisees.net/2010/03/devenez-­‐vous-­‐meme-­‐le-­‐slogan-­‐de-­‐la.html

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La confiance perdu envers les instituions mais aussi envers les marques (les banques par exemple) est un obstacle de taille pour ces dernières mais en plaçant le consommateur au cœur de leur stratégie, l’empowerment customers10, elles peuvent créer un message de ré enchantement car elles créent une communication basée sur la relation et la proximité. Les banques en ligne sont un autre exemple de cette stratégie. En effet les consommateurs sont placés au cœur de la stratégie marketing de ces dernières et elles communiquent sur l’autonomie et le pouvoir de gestion et de décision accordés au client contrairement aux banques classiques. Les clients sont les experts. Ci contre, un visuel de la campagne pour la banque privé en ligne B For Bank qui a pour slogan « Mon Banquier C’est Moi ». Les marques utilisent une nouvelle mécanique de conviction qui fonctionne en 3 temps11. Le premier consiste à déconstruire le message, l’histoire globale de la marque, en fragments. Des histoires plus individuelles pour toucher des publics plus fragmentés et s’approcher au plus près des désirs et besoins de ces derniers. Le second consiste à rapprocher la fiction, l’histoire créée par les marques de mythes et de références culturelles préexistantes. Puis dans un troisième temps la socialisation s’organise et les marques prennent une place dans le réel mais aussi l’imaginaire de chacun. Elles s’ancrent comme repère. Chacun trouve sa place dans l’histoire racontée par les marques et le partage avec les autres. Une connivence se crée entre les marques et les consommateurs mais aussi entre les consommateurs. Les grandes histoires, les mythes sociaux, les grands discours ne fonctionnent plus, les marques s’y sont adaptées. Elles ont su faire jouer l’intérêt des consommateurs pour la narration de leur propre vie. L’hybridation de la réalité sociale avec la fiction. L’histoire personnelle est devenue primordiale et la marque contribue à sa construction. 10 Stéphane Hugon, dans : JAMET, Thomas, Les nouveaux défis du BRAND CONTENT, au delà du contenu de marque, Paris, 2013, Village Mondial. 11 Idem

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La marque avec son identité et son contenu n’appartiennent plus seulement à l’entreprise mais d’une certaine façon à tout à chacun. La construction identitaire des individus se fait comme un puzzle et par vagabondage d’un univers à l’autres. L’observation du comportement digital des consommateurs en est une parfaite illustration. Passer d’une partie de jeu en réseau à la consultation d’offres d’emploi sur Linkedin ou Viadeo puis aller consulter sa timeline sur Facebook fait parti du quotidien de la plupart des consommateurs. Tout comme ils naviguent d’un onglet de leur navigateur web à l’autre, leurs repères sociaux et identitaires se construisent comme une mosaïque à l’aide d’éléments piochés ci et là. L’imaginaire qu’apportent les marques dans la société amène également à la réalité. Les petites fictions finissent par s’ancrer dans la réalité du vivant. Par exemple : La réalité augmentée pour Google permet de prolonger dans la vié réelle les services de la marque grâce à Street View et bientôt les Google Glass. Le virtuel est une interprétation du réel et l’imaginaire une passerelle d’accès au réel. Les histoires étant de plus en plus individualisées, les marques ne recherchent plus forcément la cohérence. Elles peuvent éclater leur histoire pour l’adapter à chacun et ainsi créer plusieurs cohérences entre chacun des messages et des publics différents. C’est le cas de la licence Hello Kitty qui propose aussi bien des jouets à très bas prix pour les jeunes enfants que de la maroquinerie à plus d’une centaine d’euros pour des adolescents voire des adultes collectionneurs. A partir de plusieurs histoires, les différents publics s’approprient la marque et l’intègre à leur histoire collective. Le mythe de la marque se doit d’être suffisamment fort pour ne pas se perdre lors de son éclatement en plusieurs histoires. Un fond de marque suffisamment fort rencontre les attentes d’une certaine culture. Les consommateurs par leurs actes d’achats et d’utilisation de la marque poursuive l’histoire de cette marque et lui permettent de continuer d’exister et de prendre de plus en plus de place dans la société comme un repère légitime et respecté.

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2. La publicité mal aimée par la société La publicité fait depuis longtemps face à de nombreuses critiques. Parmi les plus récurrentes, la publicité serait jugée trop intrusive, trop rationnelle, manipulatrice, isolée et serait une forme de régression intellectuelle. Avant toute chose il convient de définir clairement ce que l’on entend par publicité. D’un point de vue légal, la publicité dans son ensemble n’est pas définie par le droit français. Plusieurs textes de lois relatifs à chaque application de la publicité existent cependant parmi le droit civil, pénal et commercial12. Les textes définissent des notions plus ou moins complètes. En synthèse la publicité est un ensemble de moyens mis en place pour faire connaître une entreprise ou un produit. Elle a une fonction économique, celle d’éveiller l’intérêt et le désir afin de stimuler la demande. Elle cherche donc à faire vendre. La définition juridique est très large et mélange en réalité la publicité définie par l’enseignement marketing des autres techniques et moyens marketing (marketing direct, promotions des ventes, etc.). D’un point de vue marketing la publicité est donc l’ensemble des espaces achetés dans les médias utilisés pour promouvoir un produit, un service, une marque. Elle n’est pas individualisée, car elle s’adresse à une cible plus ou moins large et ses effets ne sont pas mesurables immédiatement. C’est à partir de cette définition que nous évoquerons « la publicité ». Penchons nous d’abord sur l’opinion que se fait la société de la publicité. Pour ce faire nous allons nous appuyer sur une étude d’opinion13 réalisée par TNS Sofres et commandée par l’agence Australie. Cette étude en date du 17 octobre 2013 propose un portrait de l’image de la publicité auprès du public Français. Elle a été réalisée auprès de 1009 personnes âgées de 15 ans et plus issues d’un échantillon représentatif de l’ensemble de la population française. 12 http://fr.jurispedia.org/index.php/D%C3%A9finitions_juridiques_de_la_publicit%C3% A9_(fr) 13TNS SOFRES« les-­‐francais-­‐et-­‐la-­‐publicite-­‐je-­‐taime-­‐encore-­‐un-­‐peu » ,212, http://www.tns-­‐sofres.com/etudes-­‐et-­‐points-­‐de-­‐vue

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La représentativité de l’échantillon est assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession de la personne de référence). Depuis 10 ans cette étude sert tous les ans de baromètre de référence national pour prendre le pouls de la publicité en France. Elle est très intéressante car elle analyse en parallèle la santé économique et financière de la société, le moral des français, leur comportement d’achat, l’image qu’ils ont des grandes marques et leur sentiment vis à vis de la publicité en général. La considération de l’ensemble de ces données est intéressante dans un contexte de crise économique qui dure depuis des années. Les dix dernières années ont en effet été particulièrement riches en difficultés économiques et sociales pour les français. Leur moral et leur confiance dans l’avenir sont fortement ébranlés. La publicité à également pâti de cette crise et elle n’est que plus sévèrement jugée aujourd’hui par rapport au début de la décennie. Ils ne la condamnent pas dans sa totalité non plus mais évoquent une désapprobation de ce qu’elle est devenue et regrettent une créativité perdue. Ils attendent qu’elle présente de nouveau un intérêt, aussi bien sur le fond que sur la forme. Regardons en détail les résultats de cette étude sur les consommateurs : -­‐ Leur vision du futur est très pessimiste et leur envie de consommer est en berne.

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Leur mode d’achats évolue. Le développement du e-­‐commerce mais aussi du m-­‐ commerce explose. Le chiffre d’affaire du M-­‐commerce étant même passé au dessus de celui du e-­‐commerce sur la dernière période. Nous pouvons également citer l’essor du drive, un dispositif permettant de faire ses achats et de payer en ligne et de ne se déplacer uniquement que pour récupérer les biens. Le drive est surtout utilisé par les enseignes de grande surface mais aussi par certains fast-­‐ food comme Mc Donalds qui à mis en place une application de commande et paiement sur mobile14.

Le rapport aux marques a évolué. Les consommateurs sont plus fidèles à un plus petit nombre de marques, plus sélectifs envers les marques dont ils se sentent proches. -

La note attribuée aux marques est relativement moyenne.

14 http://pro.01net.com/editorial/611082/mcdo-­‐se-­‐lance-­‐dans-­‐l-­‐e-­‐commande/

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Les grandes marques séduisent de moins en moins et indifférent une toujours plus grande partie des consommateurs.

La publicité effectuée par les marques joue un rôle important dans la dégradation de leurs images. -

La publicité est jugée peu respectueuse des consommateurs par 39% d’entre eux.

L’image de la publicité ne cesse de se dégrader. La note moyenne accordée à l’image de la publicité en général est bien en dessous de la moyenne.

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Mêmes les catégories de consommateurs qui accordent une note supérieure à la moyenne globale n’accordent pas plus du 5,4/10 à l’image de la publicité. -

33% de la population se déclarent même « publiphobe ». C’est 8 points de plus qu’il y’a 10 ans.

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Pour 77% de la population la publicité est même une source d’ennui, et pour 79% elle est jugée envahissante.

Ces chiffres différents sensiblement de ceux que j’ai pu obtenir grâce à l’enquête quantitative menée sur un panel de 110 personnes au cours des mois de février

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et mars 201415. En effet, 33% des interrogés ont déclaré trouver la publicité dans son ensemble « pas intéressante » à 33% et « envahissante » à 43%. Cette étude permet de mettre en avant une partie des critiques faites à la publicité par les consommateurs. Le sémiologue Raphael Lellouche a étudié les critiques les plus régulièrement émises en direction de la publicité16, elles sont au nombre de quatre. -­‐ La publicité est trop intrusive, trop parasitaire. La publicité existe par parasitage. En effet elle se greffe sur un autre support pour exister : les médias. La consommation de ces médias peut par conséquent être perturbée par la présence de ces publicités et peut gêner le consommateur. Ainsi des systèmes ont été mis au point au cours des dernières années pour éviter d’avoir à être confrontés à la publicité sur certains médias. C’est le cas par exemple de l’extension Ad Block, disponible sur tous les navigateurs web qui bloque l’affichage d’une très grande partie des contenus publicitaires. Sur internet justement, la publicité est tout aussi critiquée que sur les autres médias. L’ifop a réalisé en 2011 un sondage17 qui montre que la publicité sur internet dérange la navigation (pour 83% des français) et est même plus intrusive que la publicité classique (pour 69%). Il existe aussi des boitiers qui permettent de couper le son ou de changer la chaine des postes de télévisions lors des coupures publicitaires de façon automatique. C’est par exemple le cas du boitier de l’opérateur américain Dish Network qui pour 10$ supplémentaire par mois propose l’option Hopper qui sur les 4 plus grandes chaines du pays stoppe automatiquement l’affichage des images sur le téléviseur lors des coupures pub et reprend à la reprise du programme18. 15 Cf Annexe 1 16 http://testconso.typepad.com/brandcontent/2014/03/le-­‐brand-­‐content-­‐resout-­‐ differents-­‐problemes-­‐poses-­‐par-­‐la-­‐publicite.html 17 http://culture-­‐rp.com/2012/05/11/faire-­‐face-­‐au-­‐rejet-­‐de-­‐la-­‐pub-­‐sur-­‐internet/ 18 http://www.melty.fr/un-­‐decodeur-­‐tele-­‐pour-­‐supprimer-­‐les-­‐publicites-­‐ actu107022.html

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Même des publicitaires historiques comme Jacques Séguéla reconnaissent que le « bourrage de crâne » ne marche plus, et qu’il est primordial de trouver d’autres manières d’interpeller le consommateur. -­‐La publicité est vide de sens. Les marques et la société de consommation sont depuis longtemps accusés d’imposer une régression intellectuelle et morale à la société. La publicité créerait des besoins de produits superflus. La société d’abondance dans laquelle nous vivons est vivement critiquée. La publicité dans sa forme la plus vide de sens fait l’article du produit à la manière de sa définition la plus basique, celle de la réclame. Le consommateur est de moins en moins sensible à cette forme de publicité vide de contenu et cette dernière se doit de tendre de plus en plus vers une forme de communication basée non plus uniquement sur le produit mais sur un univers culturel et virtuel autour de la marque. Mettre en valeur le produit est la manifestation la plus plate et triviale de la marque. Aucune dimension intertextuelle ou interprétative n’apparaît dans ce cadre. -­‐ La publicité est trop rationnelle La mise en avant d’un produit ou d’une marque ne parle pas aux émotions des consommateurs. Les arguments sont rationnels, fonctionnels. La publicité est perçue comme ne faisant pas appel à tout l’univers du subjectif, du vivant, de l’intuitif. Le consommateur ne se sent pas responsabilisé, on ne fait pas appel à sa réflexion, son analyse. La publicité n’a pas de discours faisant appel à l’intellect, ou de réflexion sérieuse et instructive, elle n’a pas non plus d’approche sensible, narrative, artistique. Le consommateur demande que le discours rationnel de la publicité soit complété par cette approche plus subjective et ouverte qu’il lui manque. -

La publicité est manipulatrice

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Les consommateurs sont méfiants, nous l’avons vu précédemment. Ainsi ils sont devenus très exigeants et ne sont pas facile à convaincre. Ils ne croient pas tout ce qu’ils voient ou entendent. Ce n’est pas parce que c’est marqué dessus qu’ils le considèrent comme acquis. La séduction de la publicité ne marche plus. La persuasion ne fournit pas une information objective et fonctionnelle sur le produit. Le message ne peut comporter beaucoup de contenus. Ils doivent donc être limités à une sorte de caricature de la vérité, grossir les traits. Le consommateur le sait et rejette ce mode de fonctionnement. Il est à la recherche de vérité, d’authenticité, de transparence que la publicité ne permet plus. La recherche de finalité marchande immédiate est mise à mal. La publicité est perçue par les consommateurs comme une persuasion clandestine. -­‐ La publicité est isolée. Les messages publicitaires sont éclatés et on peu de cohérence dans leur ensemble. Le consommateur est au contraire à la recherche d’une communication cohérente pour s’y retrouver dans univers médiatique de plus en plus morcelé.

II . Le brand content comme réponse aux critiques de la publicité Les bouleversements connus par la société, les changements de comportement des consommateurs, les modifications de leurs attentes et de leur intérêt pour les marques et la publicité à obligé ces dernières à penser à de nouveaux modes de fonctionnements pour s’adapter et continuer d’exister. Les façons de communiquer ont énormément changés ces dix dernières années et continuent de s’inventer chaque jour. Dans un environnement médiatique et technologique extrêmement mouvant. Les opportunités se créent au quotidien. Les marques ont tout intérêt à rester vigilante et à l’affut des évolutions si elles veulent pouvoir continuer à exister.

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L’arrivée et l’essor du digital, le changement total du paysage médiatique, la perte d’influence des médias historique mais aussi l’arrivée dans nos quotidiens des réseaux sociaux, autant de modifications du paysage médiatique qui imposent un nouveau rapport entre les marques, les médias et les consommateurs. En effet l’interaction est maintenant au cœur des problématiques de communication. Il faut également arriver à parler à un public de plus en plus impliqué, intégrer la notion d’instantanéité et de réactivité. Les marques ne doivent plus seulement utiliser les médias comme des canaux pour toucher les consommateurs. Les messages publicitaires ne peuvent pas constituer l’unique outil de communication. Mc Luhan a théorisé dans les années 60 la fameuse formule « Medium is the message », aujourd’hui il conviendrait plutôt de dire « Medium Is more than the message, medium Is the value »19. Aujourd’hui l’objectif n’est plus seulement d’exposer un message aux consommateurs mais aussi de l’engager et de développer avec eux une relation sur la durée. La fonction des marques n’est plus la même, aujourd’hui elle a aussi vocation créer du contenu. Dans un monde soumis à une concurrence de plus en plus féroce, exister et se développer devient de plus en plus complexe. Ainsi les marques ont compris qu’elles devaient créer autre chose que des messages publicitaires pour communiquer, se faire connaître et surtout se faire aimer. La construction de brand content est ainsi une stratégie prisée par les annonceurs pour répondre à ces enjeux en faisant exister un univers singulier et en affirmant leur différence.

1 Créer du contenu a .La naissance du brand content Depuis moins de 10 ans, le brand content est la star du marketing. Cet anglicisme, traduction de « contenu de marque » désigne des contenus produits par des marques à des fins de communication. - 19 JAMET, Thomas, Les nouveaux défis du BRAND CONTENT, au delà du contenu de marque, Paris, 2013, Village Mondial

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Fictions, séries, jeux, éditions, évènements, les possibilités sont infinies et permettent à la marque de s’engager sur un terrain d’expression qui n’est pas celui de la publicité et n’est pas centré sur ses produits. Des prix professionnels y sont même maintenant consacrés. Mêmes les célèbres Cannes Lions ont depuis 2012 une catégorie « Branded Entertainment & Content » 20. Un tel bouleversement n’avait pas été observé dans le monde de la communication de marque depuis le début des années 2000 et le premier boum du digital. Les marques doivent développer une nouvelle manière d’engager le dialogue avec le consommateur. La communication digitale ne se fait plus uniquement du haut vers le bas (top down), des marques vers les consommateurs. La possibilité d’interagir est offerte aux consommateurs. Ils peuvent entrer en contact avec les marques. Il est ainsi à la recherche de contenus à partager, à commenter et même à créer. Le choix des contenus qui intéressent les consommateurs se font selon leur intérêt, ils choisissent ceux qui ont pour eux une réelle valeur. Les marques cherchent à passer du temps avec le consommateur et utiliser ce temps pour le faire réagir et l’intéresser. Ce temps de contact est l’engagement. C’est la véritable différence d’objectifs du brand content face à la publicité. La publicité n’est qu’un ensemble d’interruptions dans les médias traditionnels, le brand content est une façon de voir le marketing plus interactif. L’attention du consommateur est au cœur de la stratégie. Elle doit être excitée, travaillée, nourrie… Le brand content fait tomber la barrière entre éditorial et publicité. Les marques racontent ainsi des histoires plus longues et plus complexes. On est loin des call to action de la publicité ou des promesses sur le produit. Les valeurs de la marque sont mises en avant. Le récit est utilisé pour faire naitre une préférence de marque. C’est toute l’image et le fond de la marque qui est travaillé avec le brand content. Le brand content demande une très bonne connaissance des insights consommateurs. L’essor du brand content est étroitement lié au développement récent des nouvelles techniques et à l’arrivée du digital qui permettent une intégration et une création de 20 https://www.canneslions.com/enter/branded/overview/

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contenus débridée cependant les origines de ce dernier remonte à plus d’un siècle. Dès le 20ème siècle des prémices de contenu de marque ont vu le jour. On peut parler de brand content mais les stratégies étaient isolées et ne répondaient pas à une tendance et à une demande spécifique des consommateurs. L’exemple du guide Michelin est un des exemples de brand content le plus connu parmi ces précurseurs.

En 1900, la célèbre marque de pneu créé en 1989, à publié un guide à l’occasion de l’Exposition Universelle de Paris. 2400 exemplaires ont été imprimés et gratuitement distribués. A destination des automobilistes, le guide listait les garagistes de l’hexagone, des plans de villes et quelques curiosités. En 1920 le guide toujours édité chaque année devient payant et propose une liste de restaurants testés et notés. Michelin en tant que constructeur de pneu est un expert de la route, ainsi le guide est dans la continuité de l’univers de la marque. Aujourd’hui le guide est édité dans plus de 20 pays et est devenu une véritable référence en matière de guide gastronomique. Le guide Michelin est même rentré dans le langage courant. Le brand content est ici plus que réussi, le contenu étant devenu une référence et la marque associé une véritable institution. b. Une nouvelle division des médias Les stratégies de brand content ne se mettent pas en place dans les mêmes cadres que les stratégies de communication traditionnelles. L’environnement des médias à évolué et il est plus judicieux de s’y adapter. Ainsi il ne s’agit pas de sélectionner parmi les médias traditionnels une liste de points de contacts comme une sorte de média planning 2.0. La division entre médias traditionnels et nouveaux médias, média et hors média est totalement déconnectée des comportements des consommateurs.

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On parlait jusqu’alors d’une séparation des médias below the line pour les cinqs médias traditionnels et above the line pour tout le reste. Aujourd’hui il n’y a plus de ligne. On classe les médias dans 3 catégories. Paid, owned et earned, le POE. -

Le paid media est l’approche traditionnelle. C’est l’ensemble des espaces publicitaires payants. L’achat média traditionnel en télévision, presse, affichage, cinéma mais aussi le digital : le display, le search (SEO et SEM), les billets sponsorisés, les liens sponsorisés, etc… C’est l’achat de droit de présences des marques. Il permet de diffuser un message à une audience plus ou moins large. La marque à tout le contrôle sur son message. La relation créée entre la marque et le consommateur est très courte.

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Le owned media est l’ensemble des points de contacts dont la marque est propriétaire. Ce ne sont pas des investissements publicitaires. Là aussi la marque à un contrôle total des messages diffusés. Le owned media comprend des points de contacts en ligne (on line) grâce au digital mais aussi hors ligne (off line). Par exemple, le site de la marque, son blog, ses pages Facebook ou twitter, ses packagings, ses événements, ses coupons de réductions, l’affichage sur ses points de vente, etc. Le owned media est l’occasion d’aller plus loin dans les messages qu’avec le paid media et de proposer un contenu en rapport avec les valeurs de la marque. Ainsi les marques peuvent créer une relation engageante avec le consommateur sur le long terme.

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Le earned media. C’est l’ensemble des informations crées et partagées par les utilisateurs. Ces derniers deviennent des médias à part entière quand ils sont le relais de contenus de marques ou qu’ils créent un contenu en rapport avec une marque. Cela peut prendre plusieurs formes : des avis sur des sites, des commentaires, des articles de blog, des messages sur des forums, des likes, des tweets… Il existe aussi off line avec par exemple le bouche à oreille ou le partage d’avis lors d’une discussion devant la machine à café. Il peut prendre une forme plus

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professionnelle avec l’ensemble des articles de presse ou de blog. La marque n’a aucun contrôle sur ce média. Le earned media est la finalité du système POE. Si il est bien stimulé par une stratégie basée sur du paid et du owned media, le earned media finira d’amplifier le message. Dans les prévisions sur sur le système POE, on voit que la part de budget alloué pour générer du earned media sera de plus en plus importante. 29% des budgets devraient être prévus pour ce media en 201521. c. L’enjeu du brand content : la création de valeur. Plus que des consommateurs, il faut considérer les publics. Un ensemble d’individus à qui l’on doit raconter une histoire. La cible avec le brand content est une audience à qui il faut plaire. L’intérêt doit être réel. Les contenus doivent être de qualités si l’on veut qu’ils soient ensuite partagés. Ce type de stratégie associée à l’utilisation des réseaux sociaux permet à la marque de développer une autre type de relation avec son public. Elles se mettent à la disposition de ce dernier. Elles s’insèrent dans le contenu éditorial et se donnent ainsi les moyens d’intéresser. Le contenu créé doit être pensé en résonance avec les centres d‘intérêts du public cible de la marque. Le brand content produit un contenu gratuit, c’est un véritable cadeau pour le consommateur, la satisfaction de ce dernier est véritablement l’objectif immédiat. Pour la marque également créer de la valeur est important. Au delà de la qualité du contenu la marque doit s’intégrer de manière harmonieuse pour faire tomber la barrière entre l’éditorial et le publicitaire. Bien que de qualité, le contenu doit rester au service de la marque ou du produit. Il doit traduire l’esprit mais aussi les valeurs de la marque. Le brand content est bien de la communication et l’objectif final est bien d’augmenter les ventes de la marque, créer de la notoriété, de a préférence de marque. Le contenu doit être facilement attribuable à la marque pour être efficace. Un contenu de très bonne qualité mais avec lequel le public ne ferait pas le lien automatiquement avec 21 Paid, Owned & Earned Precision Touchpoint Planning for Realtime ROI Campaign 2012.

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la marque productrice de ce dernier serait un très mauvais contenu et un exemple de brand content mal prévu. Le brand content doit être intégré à la stratégie des moyens. Ce n’est pas une stratégie parallèle ou un coup créatif isolé. La stratégie de contenu doit dès le départ être pensée pour créer l’expérience la plus complète et la plus efficace possible. Le ratio cout de production/diffusion est également un élément de la stratégie. Le moyen de diffusion peut être la TV, la presse ou le digital mais il doit être choisi de façon stratégique par rapport au contenu. Il faut trouver le meilleur moyen de l’intégrer. L’intégration stratégique des contenus produits par les marques est la clé du succès et la pertinence de ces choix générera l’implication des publics et donc de bonnes retombées en earned media. La place des stratégies des stratégies des moyens redevient centrale. Ils deviennent de véritables alliés de la création. L’objectif est d’établir une communication 365, c’est à dire une expérience pour le consommateur où chaque média à un rôle spécifique au sein d’une seule grande histoire. Le brand content doit pouvoir se vivre au quotidien. La place des médias traditionnels est d’ailleurs très importante. Même si le digital permet beaucoup plus d’innovations il ne faut pas oublier l’importance des autres médias. En effet une stratégie globale et pensée sur l’ensemble des canaux existants est nécessaire dans le cas du brand content. Les différents supports sont des relais du contenu créé par la marque. Le paid, l’owned et le earned media fonctionnent ensemble et doivent être dosé comme pour une recette. Bien que nombreux experts aient annoncé la mort des supports de communication classique avec l’arrivée du digital, il n’en est rien et au contraire, leur place est très importante dans le relai des stratégies digitales. Selon Vincent Balusseau 22 , professeur de marketing l’Audenciea Nantes School of Management, les professionnels du marketing trop souvent imaginé les consommateurs - 22 JAMET, Thomas, Les nouveaux défis du BRAND CONTENT, au delà du contenu de marque, Paris, 2013, Village Mondial

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depuis un point de vue égo centré et les ont trop définis à leur images : sur connectés. En effet, pour lui le consommateur « moyen » est plutôt celui qui passera quelques heures par semaines dans un supermarché pour faire ses courses, confronté à de la PLV et des promotions qu’une addict des réseaux sociaux et des sites de vente en ligne. C’est pourquoi selon lui, il ne faut pas tout miser sur le digital au risque de ne pas toucher une très grande partie des consommateurs. Par contre, le digital a, toujours selon lui apporté une nouvelle dimension au marketing en le faisant passer d’un modèle de communication subie à une communication source de sens et de valeur. Un marketing de l’engagement et non plus uniquement de la diffusion de messages créés par les marques elles même. Le consommateur choisit ses expériences, elles ne lui sont plus imposées. Le monologue des marques s’est transformé en dialogue. Ainsi une application iPhone comme celle créé par la marque américaine de papier hygiénique Charmin, qui géolocalise les toilettes proches des utilisateurs en précisant le niveau de propreté de ces dernières sera bien plus impactant et efficace que n’importe quel achat média classique.

Stefan Olander, Chief Digital Officer de Nike a évoque dans son livre Velocity23 l’importance de ne plus interrompre les gens mais d’être à leur disposition et de leur faire ressentir quelque chose, jouer avec les émotions et non plus la persuasion. Ce qui prends plus que 30 secondes d’un spot télévisé. 23 http://velocitylaws.com/authors/

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Il ne faut plus lui imposer le lieu et le moment mais le laisser libre de choisir quand, comment et où il veut s’engager avec la marque si les marques veulent être écoutées. Le consommateur est à la recherche d’expériences gratifiantes, divertissantes, informatives ou encore fonctionnelles. Il n’est plus passif et ne veut plus être simplement exposé à un message publicitaire. La fiction Polar Bears24 de la marque Coca Cola, produite par Ridley Scott en 2013 est des exemples de contenus engageants pour le consommateur. L’histoire de cette création vidéo à vocation à toucher les internautes et à jouer avec leurs émotions. D’une durée de plus de 7 minutes, le mini film permet l’identification à des personnages, à des valeurs, des sentiments. Par la seule action de démarrer la lecture de la vidéo, le consommateur s’engage dans une immersion dans un univers de fiction.

Les consommateurs devenus public sont maintenant actifs dans leur volonté de s’exposer aux contenus des marques. Ils likent les pages Facebook, parcourent les blogs des marques, leurs chaines Youtube… Ainsi, en n’étant plus des cibles des publicités, ils sont plus à même de consommer les marques qu’ils affectionnent. De plus ils sont des prescripteurs et participent à la montée des retombées earned media car ils communiquent à leur réseau leur sympathie pour la marque et ainsi augmentent sa notoriété et améliorent son image.

2 Etude de cas : Amex Unstaged Les opérations de brand content ne manquent pas d’inventivité et peuvent prendre des formes extrêmement créatives et éloignées de toute forme d’opérations de communications existantes. En 2012, American Express, souvent appelé AMEX, à illustré de manière brillante ce postulat. 24 https://www.youtube.com/watch?v=I6zK7I2OocI

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La marque de services et de cartes bancaires, un secteur bien éloigné du divertissement et à priori pas extrêmement attractif pour le grand public, à fait parler d’elle grâce à une opération de brand content basée sur la production de divertissements : Amex UNSTAGED. UNSTAGED est un programme basé sur la performance artistique de musiciens, créé par Amex et diffusé via Youtube et Vevo, partenaires du programme. Des artistes mondialement réputés tels que John Legend ou Duran Duran on été invités à se produire pour des concerts uniques et exceptionnels, diffusés en direct en streaming à travers le monde grâce a internet.

Ces dernières années, les opérations consistant à unir des artistes à de grosses marques internationales dans le but de toucher une audience plus large pour ces dernières et augmenter les ventes des disques côté artiste sont de plus en plus nombreuses. Elles sont notamment encouragées par la crise du disque obligeant les artistes les plus farouches à l’exposition médiatique à revoir leur position pour survivre. Depuis peu, ces opérations se développent d’avantage du côté des performances lives et des créations d‘événement directement. Nous ne sommes plus dans l’ère de l’association basique d’un artiste à une marque dans ses spots publicitaires comme l’ont par exemple fait Pepsi et Mickael Jackson dans les années 8025. American Express, avec Unstaged a innové en associant l’utilisation de différents médias simultanément tels que le streaming vidéo en direct, les réseaux sociaux et les plateformes d’hébergements de vidéos. Ils ont ainsi crées une chaine de télévision sur le web, Unstaged, qui s’adresse à un public avide de musique tout en offrant une promotion de la marque efficace. 25 https://www.youtube.com/watch?v=po0jY4WvCIc

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Pour cela, la marque a joué la carte du storytelling. Raconter des histoires est un outil d’engagement très utile et efficace pour les marques. Les intentions narratives de la marque sont clairement affichées sur leur page Youtube : créer des voyages musicaux inattendus et créer des histoires musicales inoubliables, du studio à la scène. Pour cela, Amex n’a pas hésité à faire appel aux plus grands réalisateurs du cinéma pour la réalisation des captations des événements. David Lynch, Terry Gilliam, Werner Herzog et Spike Lee ont été sollicités. Le choix de ces réalisateurs n’est pas anodin. L’idée étant d’ajouter de l’exceptionnel et de la renommée à l’opération. Tout autant que les artistes conviés, les réalisateurs sont un attrait supplémentaire pour les spectateurs qui seront que les programmes produits seront complétement hors norme. En effet, associer l’aura de David Lynch au talent de Duran Duran est un événement unique au monde et les spectateurs s’en rappelleront, ils n’oublieront pas que c’est American Express qui est à l’origine de ce mariage. Ainsi des lives d’artistes tels que Vampire Weekend dans la prestigieuse salle du Roseland Ballroom ont été diffusés mais aussi des séries de sketches réalisés et interprétés par l’acteur Steve Buscemi ont été diffusés. Les artistes étaient acteurs de ces pastilles humoristiques de qualité. Un épisode26 montre par exemple l’acteur inviter l’artiste Grimes à venir passer les fêtes de pâque chez lui avec la compagnie du groupe Vampire Weekend.

Un des épisodes de cette série de sketchs a même été utilisé par le groupe Vampire Weekend comme leur clip officiel. L’opération de cross-­‐promotion atteint ici les sommets et Amex gagne d’avantage en exposition. 26 https://www.youtube.com/watch?v=w-­‐ ApBFuwe5E&list=TLesp9yYCxkKhOx90RXnSz9I8aPiRMIpTd

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L’utilisation du format de la série avec une structure narrative, de l’humour, des artistes renommés et talentueux, des réalisateurs de renoms et des lives exceptionnels de plus de 90 minutes, font d’American Express les créateurs d’une impressionnante réinvention du divertissement produit par une marque. La stratégie de brand content mise en place par la marque est un cas d’école et montre à quel point la création de contenus de qualité est un excellent moyen de communiquer, d’accroitre la notoriété et surtout d’améliorer l’image de marque. L’utilisation de multiples canaux de diffusion permet une couverture optimisée de l’opération. Ainsi les programmes étaient diffusés sur Youtube, Vevo, via une application Android dédiée, sur l’applicaton Vevo, sur le réseau Xbox360 et sur la chaine American Express disponible sur toutes les télévisions LG.

Afin de générer du trafic autour de l’opération, des actions visant à accroitre l’interaction ont été mises en place. Les spectateurs pouvaient par exemple choisir leur angle de caméra, envoyer des tweets aux groupes de façon directe depuis la page de lecture, voter pour la chanson jouée en rappel et discuter avec les autres spectateurs via un chat instantané. La plateforme mise en pace représente un dispositif d’immersion total et extrêmement puissant. L’approche de la marque vis à vis des artistes est extrêmement honnête et respectueuse. C’est une véritable collaboration et c’est ce qui à fait le succès de l’opération auprès du public. La marque n’a pas cherché à faire dire ce qu’elle voulait aux artistes, elle leur à offert une véritable occasion de créer des Œuvres uniques avec des moyens qu’ils n’auraient surement pas eu autrement et une diffusion internationale. Résultats de l’opération.

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Cette campagne à été primée par un Effie Award dans la catégorie « Media Idea »27. A cette occasion l’organisme Effie a publié des chiffres montrant l’efficacité de l’opération. En terme d’audience tout d’abord, les chiffres sont prodigieux et montrent la réussite de la stratégie de multi diffusion de différents contenus sur de multiples supports .

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Si les spectateurs présents aux différents concerts ne représentent que 13 000 personnes, près de 4 millions de personnes ont regardé les concerts en streaming en direct et près de 8 millions les ont regardé au total, en direct ou à la demande (contenus pré-­‐concerts compris)

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Plus de 68 000 posts ont été effectués sur Facebook ou Twitter directement depuis les liens présents sur le dispositif

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Plus de 20 000 photos on été postées dans les galeries en lignes crées pour le dispositif

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Plus de 10 000 personnes se sont abonnés à la chaine Amex Unstaged

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Plus de 3 800 questions ont été posées via Twitter aux artistes Concernant les insights consommateurs sur leur opinion de la marque, les résultats sont également très positifs à la suite de l’opération.

27 http://s3.amazonaws.com/effie_assets/2011/5243/2011_5243_pdf_1.pdf

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Parmi ces résultats citons par exemple l’augmentation de 10% d’individus qui voient Amex comme une marque innovante et avant-­‐gardiste

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11% supplémentaires parmi les individus disent qu’Amex est une marque pour eux

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13% d’augmentation en ce qui concerne le taux d’individus prêt à recommander la marque

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15% d’augmentation de préférence de marque parmi les interrogés.

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27% d’individus supplémentaires associent directement Amex avec Unstaged.

Les résultats parlent d’eux même, Amex Unstaged est un énorme succès. Cet exemple de brand content illustre parfaitement que les consommateurs ont des attentes nouvelles vis à vis des marques et qu’ils répondent positivement aux propositions des marques lorsque celles ci se montrent innovantes. La création de contenu doit se faire avec la plus grande considération en ce qui concerne la qualité et l’authenticité de ce qui et produit. Cet exemple est un cas d’école d’opération de brand content parfaitement menée et montre que l’inventivité des marques est la clé de leurs succès.

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III . La construction d’une brand culture 1 les marques sont des agents culturels La production de contenus par les marques fait de ces derniers des médias à part entière. Ils n’ont presque plus besoin de l’existence de ces médias traditionnels pour diffuser leur message et toucher des publics larges. Cependant il ne faut pas oublier l’objectif de cette stratégie qui est au final d’établir une véritable stratégie culturelle. L’aspect éditorial par la création de contenu n’est pas une fin en soi mais un moyen. Les marques ne cherchent pas à devenir des médias pour seule finalité mais elles cherchent à affirmer leur identité. L’identité de marque s’exprime par un ensemble que l’on appelle culture de marque. Le brand content permet de dessiner les contours et de diffuser cette culture28. Le patrimoine immatériel d’une marque comprend des pratiques, des idées, des comportements. Cela forme la culture de marque. Les contenus de marques sont produits dans le respect de la continuité de cette culture de marque. La marque de surgelé picard par exemple édite des livres de recette à base d’ingrédients qu’elle vend. Cette production de contenu s’inscrit dans une culture de marque basée autour de l’univers de la gastronomie et de l’utilisation de ses produits, c’est à dire une cuisine simple à préparer mais de qualité. La stratégie de brand content à pour but de développer d’avantage la propagation de la culture de la marque auprès des consommateurs, d’augmenter sa notoriété et la préférence. La culture de marque est un univers riche qui se compose d’un grand nombres de comportement, d’objets, d’éléments de langage .. Une culture est partagée, elle est collective et se construit d’ailleurs grâce à la communauté. 28 Bô Daniel, Brand Culture, Développer le potentiel culturel des marques, Paris, 2013, DUNOD

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Les marques partagent et construisent leur culture avec leurs collaborateurs, leurs clients, leurs amis Facebook, Twitter, … Plus cette culture est animée, plus elle est un signe de succès et de vitalité de la marque. Les marques ayant réussi à créer une culture extrêmement forte sont ce que l’on appelle des lovebrands. Cette réussite ne se fait pas en un jour et demande un long processus. D’après les résultats de mon enquête quantitative29, il apparaît clairement que les marques ayant une plus longue existence bénéficient d’une plus grande confiance de la part des consommateurs.

1= tout à fait -­‐ 5= pas du tout

Cependant, il apparaît aussi qu’une marque plus jeune mais ayant engagé une stratégie de communication plus innovante aura plus de chance de convaincre qu’une marque déjà reconnue mais qui se repose sur ses acquis.

Cela montre bien l’importance de capitaliser sur une création de culture de marque dès sa création afin d’améliorer l’image de cette dernière et d’augmenter la préférence des consommateurs. 29 Cf annexe 1.

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Une culture se vit et se pratique. Des comportements composent cette culture. Cela est également le cas pour les cultures de marque. Ainsi par exemple, il existe une culture Apple unie par des pratiques communes autour de l’utilisation des produits, du comportement social avec les produits de la marque. La mesure de l’étendue d’une culture de marque se fait en observant la cohérence, la pertinence et la richesse des éléments constitutifs de cette dernière. Une culture de marque ne doit pas être sectaire. Elle doit avoir des liens avec le milieu extérieur. Elle ne doit pas paraître communautaire si elle veut conquérir de nouveaux consommateurs. Une culture de marque ne propose pas des bénéfices rationnels. Ce n’est pas un argumentaire 30 . Elle propose plutôt un mode de vie qui répond à des besoins d’indentification, des recherches de sens, d’identification. Les marques cherche à construire leur culture pour devenir des icônes et rentrer elles mêmes dans une culture populaire plus globale. Coca Cola par exemple possède une culture de marque si vaste qu’elle fait désormais partie du paysage culturel occidental. Créer du contenu en lien direct avec le capital culturel de la marque permet de créer des portes d’accès pour de nouveaux consommateurs. Le contenu donne corps à la culture, ensemble immatériel. La culture de la marque se construit également grâce à l’histoire de cette dernière. Elle s’auto alimente par sa propre existence à travers le temps. Au sein de la société, les marques sont des agents culturels qui font partie de la culture au sens le plus large du terme. Elles ont un rôle dans la vie des individus et elles influent sur leur parcours, elles font partis des repères qui les guident dans leur vie. La culture au sens large a longtemps été bien plus cloisonnée que maintenant. Elle était partagée entre la culture dite légitime (intellectuelle et littéraire) et la culture dite populaire, dévalorisée mais en innovation constante. 30 Bô Daniel, Brand Culture, Développer le potentiel culturel des marques, Paris, 2013, DUNOD

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Une culture « commerciale » a également longtemps été considérée. Constitué par la publicité elle fût parfois utilisé comme une matière première pour le Pop Art notamment mais la plupart du temps de façon critique. Ces 3 cultures très étanches entre elles sont maintenant dans une phase de convergence et l’ensemble des représentations et symboles utilisés par la publicité sont indissociables de la culture dans son ensemble. Ainsi la culture populaire, au même titre que la culture commerciale sont des terrains d’expression et d’expérimentations de la culture légitime. Les artistes sont de plus en plus nombreux à pratiquer leur art au sein de ces cultures longtemps considérés comme de seconde zone. A l’inverse, les marques tissent des liens solides avec le monde de la culture et participent à la création de cette dernière. Certaines marques produisent du contenu ou s’associent à des acteurs du milieu de la musique ou du cinéma, la culture « populaire ». D’autres choisissent de tisser des liens avec l’architecture, la mode ou l’art, la « culture légitime ». Les marques ne se contentent pas de s’associer aux cultures populaires et légitimes pour des raisons commerciales liées à leurs produits. Elles savent que ces derniers peuvent faire parti d’un univers plus vaste. Par exemple les marques de luxe exploitent largement les liens entre leurs produits et les arts classiques, l’univers du raffinement, des beaux arts… De cette façon la marque n’est plus seulement là pour produire des objets sur un marché économique. C’est également un agent culturel à partir du moment où elle a sa place sur un univers bien plus large que la production ses produits et qu’elle tisse des liens dans cet univers. Par exemple une marque de voiture pourra avoir comme terrain d’expression celui de la mobilité plutôt que l’univers de l’automobile uniquement. Il est ainsi primordial pour les marques d’asseoir leur importance en tant qu’agent culturel et de penser leur communication dans ce sens. La production de brand-­‐content et un des outils les plus efficace pour y parvenir et cette production se doit d’être faite dans le but de construire cette légitimité d’agent culturel.

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2. Stratégie de développement du potentiel culturel des marques Si l’importance de la présence des marques en tant qu’agent culturel, notamment grâce à l’utilisation du brand content est largement admise, il convient de comprendre comment mettre en place une stratégie permettant aux marques d’affirmer ce rôle. Toutes les marques doivent pouvoir avancer dans ce but peu importe leur histoire et leur taille. Bien qu’il soit plus évident de comprendre comment des marques historiques tel que Coca-­‐Cola, Levi ‘s ou bien la marque d’amplificateurs de guitare Marshall qui ont traversé les décennies en marquant les esprits à travers le monde peuvent être de véritables institutions, les plus jeunes marques doivent également penser à construire leur brand culture. L’étude quantitative 31 que j’ai menée a montré que plus de 80% des personnes interrogés se disent fidèles à certaines marques. Cela montre bien l’attachement des consommateurs à des marques qui disposent d’une forte identité et d’un ancrage dans la culture. De plus, cette même étude a montré que près de 30% des individus se disent séduit par une marque qui porte des valeurs ou leur ressemble. C’est presque autant d’importance accordée qu’à la qualité des produits proposés. Les consommateurs sont très attentifs à l’univers culturel et identitaire des marques et notamment dans certains domaines : la mode, l’alimentation, les produits d’hygiène et de beauté mais pour ces mêmes domaines ils sont prêt à être séduits par de nouvelles marques qui arriveraient à les séduire. L’importance de l’univers culturel de la marque au delà de ses produits est donc importante pour fidéliser les consommateurs. Une stratégie culturelle, comme toute stratégie doit utiliser des outils et mettre en place une organisation. En interne. Tout d’abord les marques doivent s’éloigner des schémas traditionnels bureaucratiques qui brident l’innovation car elles ont tendance à limiter l’influence de l’imagination. L’utilisation de statistiques et de processus standardisés ou des méthodes de management hiérarchisées ne laisse pas la place aux émotions. 31 Cf. Annexe 1

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L’utilisation croissante de méthodes scientifiques dans le marketing est une des raisons du développement des méthodes bureaucratiques. Ces méthodes peuvent conduire à une approche trop réduite de la marque et oublier des données essentielles à la construction d’une brand culture. En effet, ces méthodes ont tendance à se concentrer uniquement sur l’analyse du présent et oublient d’étudier les raisons (le passé) et les opportunités (le futur). De plus cette approche bureaucratique fonctionne la plupart du temps grâce à des analyses et des expériences externes à la marque par le biais de sociétés de conseils et de recherche en marketing. Ces méthodes forment un carcan pour la marque qui aura du mal à innover et à se réinventer. En effet pour pouvoir développer une stratégie culturelle il faut prendre en compte la valeur symbolique, les valeurs culturelles mais aussi l’aspect expérientiel et relationnel et la réputation de la marque. Le but est de trouver ce qui pour la marque à un ancrage possible au sein de la culture populaire. Les marques, au delà de leurs recherches sur le comportement des consommateurs, doivent mener des recherches culturelles sur leurs produits ou services afin d’évaluer la pertinence culturel sur un marché. Les marques doivent repérer dans leur patrimoine ce qui peut servir de base à la création d’un contenu qui servira à exprimer la brand culture. Elles doivent opérer un audit culturel. Elles doivent analyser les liens entre la marque et les individus sur le plan culturel afin de trouver comment le consommateur pourra performer la marque et pas seulement la consommer. Les éléments à analyser sont aussi bien l’identité de la marque (son nom, sa baseline, son logo, son histoire…) que le milieu dans lequel elle existe afin de connaître les codes culturel de l’univers qui l’entoure. Cette analyse passe par une recherche interne dans l’historique et les archives de la marque. L’implication des collaborateurs est d’ailleurs primordiale afin de créer une cohérence qui fait partie de cette culture commune.

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Elle passe aussi par une analyse de l‘historique des campagnes et des stratégies de communication. Il faut que cette analyse permette de synthétiser l’identité de la marque au delà des signes visibles. Il faut définir l’essence de la marque. En externe. Les marques se doivent également d’opérer une veille externe constante. Elles se doivent de connaître les tendances et les courants. Elles doivent être reliées à la société et à l’ensemble de ses composantes. Des laboratoires de recherches en interne peuvent être créés afin de mener des études et des recherches. Ces laboratoires permettent aux marques de se spécialiser sur un domaine de compétence relatif à l’offre qu’elles proposent. Ainsi par exemple Coca Cola a créé un observatoire du bonheur. Cet aspect expérimental des marques est une véritable révolution dans la façon de penser le marketing. Ces observations et ces études permettent de mieux communiquer, de mieux concevoir et de mieux répondre aux attentes et aux envies des consommateurs. C’est une démarche active qui se dé »marque des méthodes passives qui consistent à suivre les envies des consommateurs avec un temps de retard. Dans l’absolu, ces méthodes permettent de répondre en temps réel aux envies des consommateurs car l’analyse des tendances a permis une anticipation. Dans l’idéal, les stratégies culturelles doivent être menées en interne grâce à la supervision d’un responsable de la culture de la marque. Certains experts tel que Daniel Bô32 appellent ces personnes des chief culture officer. Ces responsables de la direction culturelle de la marque doivent être intégrés aux plus hautes sphères de la direction de la marque afin de s’assurer que l’ensemble de la marque avance dans le même sens en suivant un cap bien défini. La recherche et le développement, la conception, la communication et le marketing des marques doivent être unifiés grâce à ce nouvel élément dans l’organigramme de l’entreprise. Ainsi l’univers de la marque est cohérent de A à Z.

32 Bô Daniel, Brand Culture, Développer le potentiel culturel des marques, Paris, 2013, DUNOD

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Il est logique de développer un univers culturel plus vaste que l’offre de la marque si cette dernière à été pensé avec les mêmes objectifs et avec les mêmes apports d’éléments analysés. Aujourd’hui ces nouveaux modes de management de la culture des marques sont surtout mis en place dans le domaine de la mode mais l’ensemble des marques tous secteurs confondus devraient suivre le même schéma afin de s’adapter aux changements de la société.

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IV . Conclusion Les consommateurs ne veulent plus seulement consommer. Ils n’ont plus le goût de consommer. Leur vision des marques n’est plus la même en période de crise économique. Ils revoient leur priorité et l’acte de consommer est plus souvent une obligation sinon une corvée qu’autre chose. Leur rapport aux marques est conditionné par une méfiance latente envers l’ensemble des institutions. Politiques, religieuses, économiques… les grandes statues des siècles précédents se sont effondrés. L’ambiance est à la morosité et pourtant dans cette société désillusionnée les petites histoires ont remplacés les grandes et les individus restent captivés par le conteur. Les grandes épopées ne sont plus la base des rêves mais les anecdotes et les histoires personnelles n’ont pas cessé de captiver les foules. Ce changement de paradigme social à forcé les marques à s’adapter pour atteindre les consommateurs d’une autre manière. Le storytelling et la création de contenu, le brand content, ont été des stratégies gagnantes. Les marques phares de ces pratiques, Red Bull en tête de peloton ont su se démarquer et sont maintenant des cas d’école. Les marques sont globalement conscientes du besoin de produire du contenu pour communiquer différemment, pour communiquer mieux. Ce dont elles ne sont pas toutes encore conscientes c’est l’importance de considérer la marque au delà de son rôle économique et de son offre de produits ou de services. En effet, les marques pour rester compétitive et présente sur un marché à la fois extrêmement concurrentiel et où les consommateurs se détournent facilement doivent étendre leur stratégie culturelle. L’enjeu des prochaines années pour les marques sera donc de construire leur présence au delà de leur compétence actuelle. Au delà d’une tendance temporaire, la nécessité de construire une brand culture répond à de véritables enjeux de fond. Les prochaines années seront très intéressantes sur le plan de l’observation du changement de stratégie des marques qui, sans aucun doute, se pencheront les unes après les autres sur l’importance de la stratégie culturelle. Pour ma part, le développement de ces recherches culturelles comme évoqué dans ma 3ème partie m’intéresse fortement et c’est pour cela que je souhaite continuer à me spécialiser et à me tenir informé des avances dans ce domaine. En effet j’aimerais pouvoir intégrer des entreprises qui souhaitent développer leur stratégie culturelle, notamment dans le domaine de la mode ou de la culture.

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Bibliographie -

Bô Daniel, Brand Content, comment les marques se transforment en médias, Paris, 2013, DUNOD

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Bô Daniel, Brand Culture, Développer le potentiel culturel des marques, Paris, 2013, DUNOD

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JAMET, Thomas, Les nouveaux défis du BRAND CONTENT, au delà du contenu de marque, Paris, 2013, Village Mondial

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ANNEXES

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Annexe 1 – Enquête quantitative Menée sur un échantillon de 110 personnes grâce à un questionnaire anonyme diffusé sur internet. Créé grâce à l’outil de Google Drive.

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