Pourquoi l'école - Guide congrès de l'Apel

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Guide réalisé à l’occasion du 19e congrès de l’Apel, à Marseille, les 3, 4, 5 juin 2016.



édito

sommaire

Ce guide a été conçu pour permettre à un très grand nombre de parents, qui scolarisent leurs enfants dans l’Enseignement catholique, présents ou pas au 19e congrès national de l’Apel, de profiter du fruit des réflexions menées en amont par les Apel départementales et d’établissement, et des échanges de ces trois jours de débats. À cette occasion, l’Apel réaffirme sa confiance en l’école. Une école ouverte à tous, qui forme des intelligences, mais aussi des personnes, et qui donne du sens et transmet des valeurs. Une école qui structure la pensée tout en développant la créativité et qui donne le goût d’apprendre et d’entreprendre. Une école audacieuse tournée vers l’avenir. L’école, en lien avec les familles, est ce lieu de vie indispensable qui forme les femmes et les hommes de demain.

À quoi sert l'école aujourd'hui ?

Caroline Saliou, présidente nationale de l’Apel

Un grand merci à l’Institution Saint-Charles, à Vienne, où le reportage photo a été réalisé, et à ses élèves. Guide réalisé à l’occasion du 19e congrès de l’Apel, à Marseille, les 3, 4, 5 juin 2016. Apel nationale 277 rue Saint-Jacques / 75240 Paris cedex 05 Rédactrice en chef : Sylvie Bocquet. Suivi éditorial : Claire Alméras. Photos : Éric Garault. Illustrations : Colcanopa. Conception graphique : Hélène Laforêt. Impression : Imprimerie Grenier. juin 2016.

Entretien avec Jean-Michel Blanquer

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Les idées de l'Apel pour l'école Retour sur les soirées pré congrès et les orientations souhaitées par l'Apel nationale

L'école est indispensable mais doit évoluer Le sondage Apel - OpinionWay - La Croix

1 apprendre à apprendre 2 acquérir des connaissances 3 vivre ensemble 4 développer son esprit citoyen 5 c onstruire son avenir professionnel 6 faire la découverte de soi 7 redonner une place au corps 8 accueillir la différence 9 c onstruire l'intériorité d'un enfant 10 apprendre à être libre À lire, à voir

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« Je rêve d’une école qui affirme ses valeurs et ses objectifs. »

À quoi sert l’école aujourd’hui ? Instruire et éduquer, voilà la double fonction de l'école. Pour réussir, elle doit compter sur la responsabilisation de tous : enseignants et parents... Quelle est aujourd’hui la fonction de l’école ?

Jean-Michel Blanquer / L’école a une double fonction. Elle permet d’instruire et d’éduquer. Il s’agit en fait d’une institution de transmission du savoir autant que d’un lieu de vie pour découvrir les règles de notre société et ainsi apprendre à être responsable, à vivre en groupe, à acquérir des valeurs… Tout comme la transmission pure de connaissances,

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Guide 19e congrès de l’Apel

ces éléments sont importants. Les sujets communiquent et interagissent. Ainsi, le travail en équipe permet d’acquérir des connaissances, tout en stimulant l’intelligence collective et l'acquisition de valeurs. Quel est selon vous l’enjeu du numérique à l’école ?

J.-M. B. / L’école est une institution qui porte en elle une dimension intrinsèque de permanence, d’éternité, mais aussi

Entretien avec Jean-Michel Blanquer Directeur général du Groupe Essec, ancien directeur général de l’enseignement scolaire (Dgesco), auteur de L’école de la vie (Odile Jacob).


d’évolution. Le numérique et la révolution digitale en sont une illustration. La révolution numérique accentue un impératif de l'école qui est d'articuler tradition et modernité. Face au digital, il faut à la fois penser un cadre global et sa déclinaison en fonction des âges des enfants. Nous vivons dans une société où les écrans sont omniprésents. Pourtant les enfants doivent continuer d’apprendre à manier un stylo ou un livre, surtout dans les premiers âges de la vie. Le digital a sa place à l’école, et encore plus au collège. Il peut être utilisé pour faire réagir les élèves en temps réel, ou pour favoriser l’apprentissage des langues étrangères via la balado-diffusion. Le rêve digital doit donc être maîtrisé…

J.-M. B. / Absolument. Il n’y a d’ailleurs pas de « rêve » digital, juste des applications. On trouve le pire et le meilleur dans ce secteur, qu’il s’agisse de Wikipédia ou des réseaux sociaux. Il n'y a d'ailleurs pas une mais des révolutions digitales. Il faut donc penser les utilisations et former les enseignants pour qu’ils aident les élèves à prendre du recul et à analyser la pertinence des informations. La première réponse ne peut pas être l’acquisition de matériel. C’est bien dans la formation des professeurs que tout se joue. Ils y sont d’ailleurs globalement plutôt favorables. Il faut leur en

donner les moyens et ce, même si le savoir est aujourd’hui en accès libre partout. Le cours de Stanislas Dehaene1 au Collège de France sur les sciences cognitives, par exemple, est de très bon niveau et permet de s’autoformer aisément.

« Les familles sont un lien indispensable, une clé de la réussite de l’enfant. » Comment associer les familles ?

J.-M. B. / Les familles sont un lien indispensable, une clé de la réussite de l’enfant. Les établissements privés sont d’ailleurs plus avancés que les établissements publics en la matière. Si un enfant sent que ses parents adhèrent au projet de l’école, il va s’impliquer à son tour dans la scolarité. C’est une question d’état d’esprit global. Le simple élan des parents est déjà en soi un facteur d’excellence. Diverses initiatives ont été développées avec succès pour promouvoir le lien entre l’école et la famille. Notons, dans l'enseignement public, l’opération Mallette des parents, qui aide les parents à comprendre les enjeux de la scolarité de leurs enfants. Cette mallette associe une dimension pratique avec des outils bien conçus et un volet psychologique pour soutenir parents et professeurs. C’est là un exemple de politique publique réussie, au bénéfice des élèves.

Quels vœux formulez-vous pour l’école de demain ?

J.-M. B. / Je rêve d’une école qui affirme ses valeurs et ses objectifs, qui ne soit pas soumise au stop&go des alternances politiques. C’est faisable car nous avons aujourd’hui les idées claires sur les bonnes approches pédagogiques à développer. Les éléments moteurs reposent sur la relation des parents avec l’école, la formation des enseignants, la prise en compte des sciences cognitives, l’autonomie des établissements couplée à une responsabilisation de tous les acteurs et l’accent mis sur l’acquisition des savoirs fondamentaux. Aujourd’hui, il y a des écoles qui fonctionnent très bien. C’est la preuve que c’est possible. La réussite est conditionnée à un état d’esprit constructif, fondé sur une alchimie humaine. Lorsque les chefs d’établissement s’inscrivent dans une logique de pérennité des équipes enseignantes, constituant un corps professoral uni et stable, on observe de grandes avancées. C’est ce qui doit conduire les réformes et motiver les politiques publiques, pour que la réussite soit dans toutes les écoles, pour tous les enfants. Propos recueillis par Juliette Viatte Caillot-Vaslot 1 Cours de Stanislas Dehaene, professeur au Collège de France, chaire de psychologie cognitive expérimentale. www.college-de-france.fr/site/ stanislas-dehaene/_course.html

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© D.R.

les idées de l’Apel pour l’école

Les Apel ont voulu ouvrir le débat « Pourquoi l’école ? » avec les familles, avant d’en débattre en congrès. Plus d’une soixantaine de rencontres ont eu lieu, entre janvier et avril 2016.

La parole aux parents lors des soirées pré-congrès L’école est tellement une évidence que cette question « Pourquoi l’école ? » étonne. Mais il suffit de lancer le sujet pour qu’apparaissent très vite des avis différents et des opinions qui s’opposent… Selon que l’on est parent, enseignant, élève ou responsable politique, notre rapport à l’institution n’est pas le même, et chacun a ses propres priorités. La variété des propos témoigne, s’il en était besoin, de l’attachement de tous à l’école. Les critiques elles-mêmes témoignent en creux de cet attachement

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Guide 19e congrès de l’Apel

et du vif désir que l’école réussisse encore mieux ce qu’elle entreprend : transmettre des connaissances, éduquer, préparer à la vie.

À la recherche de la bonne méthode Les débats ont souvent commencé par des propos injonctifs : « Il faut que… » « L’école doit… », parfois ambivalents ou contradictoires. Pour les uns, l’école est un cocon protecteur alors que pour d’autres, au contraire, c’est un monde qui peut être hostile du fait de la pression sco-

laire, des violences qui peuvent s’y exercer. Certains regrettent que les enseignants soient rivés à leurs programmes, alors que d’autres estiment que c’est là leur première mission. Dans le domaine pédagogique, certains aspirent à un renouvellement alors que d’autres demandent que ne soient pas jetées aux orties les méthodes éprouvées… Et puis, au cours des discussions, les propos se sont enrichis, nuancés, pour parler de réalités qui ne peuvent se réduire à des phases aussi catégoriques, et, au-delà, du sens de l’école. Les échanges ont révélé les écarts de perception qu’il peut y avoir entre les uns et les autres. Par exemple, sur la question de l’ouverture vers le monde extérieur. Des enseignants ont expliqué combien ils pensaient en faire beaucoup en ce domaine. Des parents ont exprimé un ressenti d’insuffisance sur cette question. L’échange et la discus-


sion, en faisant apparaître ces différences de regards, ont mis à jour une source potentielle de conflit. De cette confrontation, il est ressorti l’importance de renforcer les échanges et le dialogue pour communiquer.

Des idées pour agir Pour conclure ces débats, les participants ont été invités à proposer des idées d’actions. Cinq thèmes, cinq préoccupations de parents se dégagent. Améliorer ou faire évoluer les pédagogies : prendre en compte les différentes formes d’intelligences, développer le travail manuel, la coopération, travailler en groupe… Développer et renforcer les liens entre les parents, les élèves et les enseignants : créer des espaces de dialogue, organiser des journées d’intégration, communiquer à l’inten-

tion des parents sur les programmes, les méthodes pédagogiques employées… Mieux prendre en compte la personnalité et les talents de chaque élève : travailler en groupe de niveaux, prendre en compte les rythmes de chacun, développer la créativité… Encourager les ouvertures sur le monde socioprofessionnel : mettre en place des partenariats entre établissements et milieux professionnels, des échanges entre élèves et intervenants extérieurs, des interventions de professionnels dans les écoles… Favoriser le bien-être et le bienvivre à l’école : organiser des lieux d’écoute, améliorer l’environnement (mobilier, espaces scolaires), proposer des animations sur les temps périscolaires… Patrick Gamichon

Ils ont dit

« Remettre au centre la curiosité, l’analyse et l’esprit critique. » ▶ En développant l’auto-évaluation. Notre-Dame de la Providence, à Vincennes (94)

« L’école devrait être un lieu d’apprentissage de l’autonomie pour devenir libre d’être et de penser. » ▶ En prévoyant un temps dans la semaine que l’enfant devra aménager de façon autonome. Saint-Joseph, Noves (13)

« Apprendre par l’expérience autant que par la théorie. » ▶ En développant la coopération entre parents et enseignants. Saint-Charles et Notre-Dame du Sacré-Cœur, Guipavas (29)

L’Apel réaffirme son attachement à l’école Le bonheur de nos enfants et la qualité de la société où ils vivront se préparent dans l’école d’aujourd’hui. Les enfants doivent maîtriser parfaitement les fondamentaux et tout particulièrement le langage. Il faut repérer, dès la maternelle, les élèves en difficulté pour ne pas laisser les problèmes s’installer et leur offrir, sans attendre, toutes les aides nécessaires. Chaque enfant doit acquérir un socle commun de connaissances, de compétences et de culture pour s’épanouir, prendre toute sa place dans la société et exprimer

ses talents. Les données récentes concernant les intelligences multiples doivent être mieux exploitées par les enseignants qui doivent être formés dans ce domaine. Une aide particulière doit être apportée aux élèves à besoins éducatifs particuliers.

L’école doit donner à la fois l’envie d’apprendre, le goût de l’effort, favoriser l’ouverture aux autres, permettre le vivre ensemble et développer un esprit citoyen. Pour cela, tous les adultes de la communauté éducative ont un rôle exemplaire.

L’école doit s’ouvrir sur la société, ainsi le lien avec le monde professionnel doit être développé, notamment avec l’aide des associations de parents d’élèves.

Elle doit, enfin, aider chaque jeune à se construire, à avoir confiance en lui, foi en son avenir et à donner un sens à sa vie. Un lien école-famille fort est un facteur essentiel de réussite.

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L’école est indispensable mais doit évoluer

Un sondage

Apel - OpinionWay, réalisé en partenariat avec le supplément Parents-enfants . de

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Une large majorité de parents (69 %) déclare avoir une bonne compréhension du rôle de l’école. Une école dont la vocation première est de transmettre des connaissances et des savoirs fondamentaux, mais aussi d’éduquer au savoir-vivre et au savoir-être.

Quelles priorités pour l’école aujourd’hui ?

Valeurs partagées, valeurs enseignées ?

Si la transmission des connaissances et des savoirs fondamentaux reste une priorité essentielle pour 50 % des parents, 38 % souhaiteraient que l’école aide les enfants à acquérir des compétences essentielles à leur vie professionnelle future (cet élément ne caractérise l’école d’aujourd’hui que pour 23 % d’entre eux). Ces compétences, ainsi que l’acquisition de méthodes de travail, leur semblaient mieux développées lorsqu’ils étaient eux-mêmes scolarisés. Autre évolution souhaitée par 33 % des parents : le développement personnel de l’enfant qui favorise l’autonomie, la confiance et l’estime de soi. Ces tendances sont observables quel que soit l’âge et le statut social des parents, le niveau scolaire (élémentaire, collège, lycée) et le type d’établissement (public/privé) de leurs enfants.

Les valeurs perçues comme les plus importantes à transmettre ne sont pas forcément celles qui sont les mieux enseignées. Ainsi le respect et la discipline qui sont souhaités par 56 % et 55 % des parents n’occupent respectivement que la 6e et la 10e place dans la série des valeurs enseignées. Inversement, la liberté en 9e position des valeurs à transmettre, prend la tête des valeurs enseignées (80 %).

Guide 19e congrès de l’Apel

L’école doit s’adapter aux enfants d’aujourd’hui ! Pour 52 % des parents, l’école n’est pas adaptée à la génération actuelle des enfants scolarisés. Les parents de lycéens sont même 77 % à le penser. Trois raisons principales expliquent ce décalage : les enfants n’ont pas les connaissances de base (18 %), ils ne respectent pas l’autorité des en-

seignants (13 %) et, enfin, l’école met les enfants dans des cases sans qu’il y ait de suivi individualisé (11 %).

Quelles propositions pour faire évoluer l’école ? 92 % des parents pensent qu’il serait important de prendre en compte la personnalité et les talents de chaque élève, 91 % qu’il est nécessaire d’améliorer la pédagogie, et 89 % qu’il faut mieux prendre en compte le bien-être et le bien-vivre à l’école.

Quelle place pour les nouvelles technologies à l’école ? Elles influencent incontestablement le rôle de l’enseignant (63 % des parents) et le fonctionnement de l’établissement scolaire (61 %). Mais une large majorité de parents (73 %) est convaincue que les nouvelles technologies ne peuvent en aucun cas remplacer l’école. Sylvie Bocquet


Vous diriez que l’école que vous avez connue, c’était avant tout ? (3 réponses possibles)

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% Transmettre à l'élève les savoirs et connaissances fondamentaux  % Apprendre à l'élève à apprendre, en lui faisant acquérir des méthodes de travail

% Former l'élève pour qu'il soit capable de réussir sa vie professionnelle  % Apprendre à l'élève à vivre avec les autres, à accepter la différence

À ces trois propositions pédagogiques, les parents répondent positivement :

% Développer le plus possible les compétences de l'élève, chacun selon ses propres capacités  % Favoriser l'épanouissement, développer la confiance en soi et l'autonomie  % Développer l'esprit critique de l'élève  % Former des citoyens partageant des valeurs communes

73 %

sont favorables à la classe uniquement le matin en primaire avec des activités à la carte l’après-midi.

63 %

plébiscitent des établissements sans classe, organisés par niveau et par matière.

54 %

sont favorables à des emplois du temps sur mesure, selon les motivations de chaque élève. Étude réalisée les 13 et 14 avril 2016, auprès d’un échantillon de 544 parents d’élèves scolarisés de la maternelle au lycée, représentatif de la population française âgée de 18 et plus.

% Apprendre à l'élève à travailler en équipe, à coopérer  % Autre

Si l’école n’existait plus, qu’est-ce qui manquerait le plus aux jeunes ? (3 réponses possibles) 43 % Transmettre à tous les élèves les savoirs et connaissances fondamentaux 36 % Apprendre aux élèves à vivre avec les autres, à accepter la différence 32 % Apprendre aux élèves à apprendre, en leur faisant acquérir des méthodes de travail

30 % Apprendre aux élèves à travailler en équipe, à coopérer

21 % Former des citoyens partageant des valeurs communes

23 % Former les élèves pour qu'ils soient capables de réussir leur vie professionnelle

18 % Développer l'esprit critique des élèves

22 % Favoriser l'épanouissement des élèves, développer leur confiance en eux et leur autonomie

17 % Développer le plus possible les compétences des élèves, chacun selon ses propres capacités 2 % Non réponse 1 % Autre

Si selon vous l’école n’est pas adaptée aux enfants d’aujourd’hui, pour quelle raison ? (Question ouverte) 18 % Les enfants n'ont pas les connaissances de base 13 % Il y a un problème de respect à l'égard de l'autorité 11 % L'école met les enfants dans des cases (pas de suivi) 9 % Les enseignants n'aiment plus leur métier / sont découragés 6 % L'école a un retard technologique 5 % Il y a trop d'inégalités à l'école 3 % Les rythmes scolaires sont trop élevés, pas adaptés

Retrouvez tous les résultats du sondage sur www.apel.fr et www.la-croix.com

3 % L'école n'a pas de moyens 3 % Les classes sont surchargées 4 % Autre 30 % des parents interrogés ne sont pas en mesure de donner une explication à cette inadaptation.

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1 apprendre

à apprendre

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Trois enseignants expliquent comment se mettent en place les apprentissages à l’école primaire, au collège et au lycée.

En primaire,

les enfants deviennent des élèves

Céline Charnier, professeure des écoles en maternelle, à l'école du Sacré-Cœur, Paris (17e), et formatrice vacataire à l’Isfec d’Île-de-France.

Préférez la qualité à la quantité de travail effectué avec votre enfant. Privilégiez un moment et un endroit calme pour travailler et rester concentrés. Sélectionnez ensemble ce qui doit être vu en priorité pendant une séance. N’hésitez pas à déléguer le temps des devoirs à un tiers s'il y a trop de tension avec votre enfant. Contactez ses enseignants en cas de difficultés d’apprentissage.

À l’école primaire, et ce dès la classe de petite section, les enfants apprennent à devenir élèves. Ils acquièrent des connaissances, découvrent des techniques, adoptent des comportements favorisant leur vie sociale, développent leur personnalité et mobilisent différentes méthodes d’apprentissage. Réagir devant une « situation-problème », se mettre en recherche, organiser un questionnement, relever et mémoriser des informations, les utiliser à bon escient pour résoudre un problème donné… autant d’opérations mentales que l’élève va rencontrer et développer au cours de sa scolarité. En pratiquant régulièrement ces exercices, individuellement ou en interaction avec ses pairs, l’élève va développer une méthodologie de travail qui lui sera utile et qui s’enrichira tout au long de son parcours scolaire et professionnel. Par exemple : la mémorisation d’un texte ou d’une formule, la recherche d’informations à l’aide de différents supports, la présentation pratique d’un devoir écrit, la résolution d’un problème mathématique, l’organisation d’une tâche complexe comme la réalisation d’un exposé, l’organisation des devoirs dans un agenda… Tout

cela constitue un panel d’outils qui permettront à l’élève d’acquérir les compétences visées et dont il pourra faire usage une fois seul aux commandes de son « vaisseau d’apprenant », durant ses études secondaires.

Enseigner l’autonomie Le rôle des enseignants est d’adapter leur pédagogie aux différents profils d’apprenants que constituent les élèves d’un groupeclasse. En proposant différentes méthodes et supports pour l’apprentissage d’une même notion, ils sollicitent le maximum d’élèves et répondent aux capacités et aux besoins de chacun (Lire page 24 l'encadré sur les intelligences multiples). Aucune méthode n’est bonne ou mauvaise en soi, il s’agit qu’elle corresponde à l’élève pour susciter en lui le goût d’apprendre et qu'elle lui permette de progresser dans tous les domaines.

« L'élève développe une méthodologie de travail qui s'enrichira tout au long de sa scolarité. » Céline Charnier « Apprends-moi à faire seul », devise inspirée de la pédagogie de Maria Montessori, pourrait résumer l’objectif d’autonomie visé par l’enseignement scolaire d’aujourd’hui : que l’élève développe une démarche d’apprentissage à l’aide des outils méthodologiques glanés au fil de ses années d’école et, ainsi, construise son propre parcours de vie et de réussite !

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Apprendre à apprendre

Si vous avez peu de temps Posez des questions et faites raconter à vos enfants ce qu’ils viennent de vivre et d’apprendre. La traditionnelle question « Tu as fini tes devoirs ? » peut se transformer en « Raconte-moi ce que tu as appris aujourd’hui ». Créez un véritable échange où c’est l’enfant qui vous permet d’apprendre.

Au collège,

Si vous avez un peu plus de temps • Faites réciter les leçons et accompagnez le travail personnel pour accéder à une autonomie réelle. • Incitez à relire, à redire les cours tous les soirs. Encouragez vos enfants à se poser des questions... qu’ils pourront apporter à l’école pour nourrir l’envie d’apprendre.

Comment se mettre dans les bonnes conditions ?

Véronique Guillou et Gaëlle Lavarec, enseignantes en mathématiques et en lettres, au collège Notre-Dame-de-Penhors, Pouldreuzic (Finistère).

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apprendre devient une action concrète Tous les enfants sont nés pour apprendre. Comment garder cette vérité à l’école, comment faire qu’apprendre devienne une action concrète et retrouve son sens étymologique de « à prendre » ? L’équipe enseignante de notre collège rural relève le défi et travaille sur trois axes pour aider et guider les élèves dans les apprentissages.

• Proposer un temps d’accueil le matin, un temps d’écoute et de partage permettant de prendre conscience des bonnes conditions physiologiques et psychologiques nécessaires. Les élèves indiquent, par exemple, leur météo intérieure, ce qui permet de distinguer les émotions et surtout de trouver les mots justes pour les partager. • Pratiquer des exercices de relaxation (avec la respiration) et de concentration (les enfants apprennent à distinguer la différence entre l’attention et la concentration). • Annoncer des objectifs pour réussir sa journée de collège.

Quels outils utiliser ? • Autour de la mémorisation : mots-clés, cartes mentales, résumés, méthode des lieux... • Autour de la verbalisation : les enseignants insistent sur le fait de toujours associer la parole à l’ac-

tion faite (quand un élève recopie du tableau, il dit à voix haute ce qu’il écrit). Cette verbalisation (parler en s’écoutant et en chuchotant) est aussi au cœur du travail coopératif mis en place en binôme ou en îlots. Les échanges permettent de travailler sans pression sur les erreurs, d’apprendre à faire des choix et de donner du sens aux apprentissages. • Autour de l’évaluation, réalisée logiquement par compétences, avec une formation autour de l’auto-évaluation. L’enseignant est un médiateur dans les échanges, il encourage les initiatives et valorise les compétences acquises.

Comment ne pas oublier ce qui a été appris ? • Réinvestir tout au long de la journée les connaissances et les compétences par des projets interdisciplinaires. • Proposer un temps de travail personnel avant de quitter l’école, un temps consacré à la réutilisation des connaissances (sous formes d’exercices) et à la mémorisation des traces écrites sous différentes formes (il faut être capable par exemple de « raconter » la carte mentale), car la répétition est fondamentale. • Pour clore la journée de nos élèves, nous proposons de reprendre les objectifs envisagés le matin et d’en faire le bilan, de se redire les points forts des apprentissages de la journée et de se projeter déjà dans les journées à venir...


Laissez votre enfant chercher ses méthodes pour apprendre : il n’y en a ni de bonnes ni de mauvaises. Aidez-le à identifier les plus efficaces pour lui. Celles qui ont fonctionné pour vous peuvent être inefficaces pour lui. Intéressez-vous à ce qu’il a à faire, accompagnez-le mais ne faites pas à sa place. C’est lui qui est dans un processus d’apprentissage : l’erreur, le tâtonnement aussi sont formateurs. Faites confiance et favorisez l’autonomie. Prenez le risque qu’il oublie, procrastine… mais aussi qu’il s’organise, planifie.

Benoit Skouratko, professeur agrégé de lettres modernes, formateur, chargé de missions pour le Secrétariat général de l’Enseignement catholique.

Au lycée,

on expérimente, on vérifie pour démontrer Déjà dans les années 80, Philippe Meirieu publiait Apprendre… oui, mais comment et s’intéresse à l’apprentissage et à « celui qui apprend ». Ainsi, le pédagogue approche de manière approfondie « l’acte d’apprentissage ». Il affirme que « l’élève n’est pas un réceptacle passif de savoirs ». Les neurosciences confirment cette conception. Il faut donc s’interroger sur ce qui doit « se passer dans la tête » de l’élève pour qu’il parvienne à apprendre et mettre en place, à partir de là, le dispositif qui donne corps et vie à l’opération mentale identifiée. De ce fait, le lycée ne peut être seulement appréhendé dans la seule finalité de l’examen du baccalauréat. Il doit offrir aux lycéens les occasions, les situations de chercher, de vérifier des hypothèses, d'analyser afin de démontrer et d’argumenter. Apprendre au lycée vise à développer l’esprit critique dans toutes

les disciplines. Ceci, afin d’élaborer des stratégies pour résoudre des situations complexes où il faut croiser des savoirs, convoquer des compétences grâce à des approches méthodologiques, des protocoles qui peuvent être propres à un champ disciplinaire ou transférable d’une discipline à une autre, comme l’analyse de document par exemple.

Une démarche de chercheurs Apprendre au lycée, c’est expérimenter, vérifier pour démontrer. Cette exigence est pour les enseignants un défi. Celui de susciter chez les jeunes le désir d’apprendre ! En effet, il faut créer des situations d’apprentissages où les attendus ne doivent pas se réduire à la seule répétition. Il est recommandé de placer ceux qui apprennent dans des situations qui présentent le savoir comme un mystère, en en dévoilant juste assez pour les intéresser et donner l’envie de poursuivre en les faisant entrer dans une démarche de chercheurs.En s’essayant, en cherchant, le lycéen apprend autant des autres que de lui-même.

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« L’expérience est un passage essentiel pour donner l’envie de savoir. »

2 Acquérir des

connaissances 14

Guide 19e congrès de l’Apel


« Le rôle de l’école est d’abord d’éveiller la curiosité »

Entretien avec Hélène Langevin-Joliot, directrice émérite au CNRS, fille du prix Nobel de chimie Irène JoliotCurie et petite-fille de Pierre et Marie Curie. Chercheuse en physique nucléaire, elle se passionne de longue date pour l’école.

Toutes les connaissances sont à portée de clic  sur Internet. Alors pourquoi continuer d’aller à l’école ?

Hélène Langevin-Joliot / L’école est plus nécessaire que jamais, car il ne suffit pas d’un clic pour accéder à un savoir. C’est même une dangereuse illusion que de croire cela. Le rôle de l’école est d’abord d’éveiller la curiosité ; de donner envie à un enfant d’aller vers le savoir. Il faut que cet élan soit assez fort pour que l’élève fournisse ensuite l’effort nécessaire aux apprentissages. L’école montre ce chemin vers la connaissance…

H. L.-J. / Oui. Elle doit accompagner, diriger vers une porte d’entrée. C’est très important ! On a trop sous-estimé l’importance à l’école d’une approche expérimentale comme le propose, par exemple, La main à la pâte et conservé dans trop de classes des

enseignements comme ceux prodigués il y a cinquante ans. Or, l’expérience est un passage essentiel pour donner l’envie de savoir. Le questionnement qu’elle suscite va entraîner le jeune enfant dans une démarche scientifique. J’ai en tête l’image d’un petit enfant d’une école primaire m’expliquant un jour qu’un morceau de pâte à modeler roulé en boule tombe au fond d’un récipient d’eau alors que, façonné en bateau, il flotte. Parce qu’il était intrigué, que sa curiosité avait été piquée au vif, cet enfant était prêt à des efforts intellectuels pour comprendre ces comportements différents de la matière. L’école doit susciter les questions chez l’élève avant de lui apprendre ensuite à raisonner et à mettre de l’ordre dans ses savoirs. Les découvertes scientifiques vont tellement vite qu’on peut se demander si la science qu’on étudie à l’école n’est pas un peu datée ?

H. L.-J. / Ce n’est pas parce qu’Einstein est arrivé que ce que Newton a mis en évidence est devenu obsolète… Les découvertes scientifiques n’annulent pas celles qui les ont précédées. L’idée que la matière noire constituerait 80 % de notre univers ne change rien au fait que la matière est constituée d’atomes. Les élèves doivent continuer à l’apprendre, avec toutes les lois qui en découlent, ça ne sera pas démenti demain. Mais il

Passionnezvous pour ce que font vos enfants. Vous ne comprenez pas les jeux vidéo, demandez-leur de vous expliquer ! « Je veux comprendre car comme tu t’y intéresses, comme c’est ta passion, ça m’intéresse aussi ; je ne te juge pas ! » Ne leur dites pas « Je suis nul en math », mais demandez-leur de vous éclairer ! Donnez un rôle à l’élève où il communique sur ce qu’il apprend. Si vous ne vous passionnez que pour les notes et l’avenir professionnel de vos enfants, vous biaisez le rapport à l’école. Transmettez les valeurs, comme le fait aussi l’école ! Pierre Léna, astrophysicien, co-fondateur de La main à la pâte.

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acquérir des connaissances

est intéressant de faire dialoguer les connaissances classiques et les découvertes plus récentes, sinon le lycéen restera totalement étranger aux résultats obtenus par la science de son siècle ! Or ces ouvertures, les derniers résultats de la science, peuvent aussi susciter l’intérêt d’un adolescent, comme c’est le cas, par exemple, avec le débat sur le réchauffement climatique. N’oublions jamais que l’école forme des citoyens. L’institution doit donc s’adapter ?

H. L.-J. / Si on voulait que chaque élève comprenne pierre après pierre tout l’édifice scientifique

construit par la communauté de chercheurs depuis des siècles, il faudrait bien plus que le temps d’une scolarité obligatoire ! Il faut choisir. Il est nécessaire que le lycéen creuse certains fondamentaux pour les maîtriser en profondeur, parce que cette démarche est formatrice. Mais il faut aussi par nécessité qu’il admette certains résultats, pour pouvoir avancer et toucher justement aux résultats actuels qui peuvent l’intéresser et lui donner envie de voir plus loin. Rien ne l’empêchera de revenir plus tard creuser des connaissances scientifiques plus anciennes pour les comprendre en profondeur.

« N'oublions jamais que l'école forme des citoyens. »

Propos recueillis par Ermance Musset

3 vivre ensemble 16

Guide 19e congrès de l’Apel


Des élèves médiateurs, à L’Institution Saint-Charles, à Vienne. Une quarantaine de jeunes se sont portés candidats pour sillonner la cour de récréation avec le brassard jaune.

Élèves médiateurs, projets entre classes de différents niveaux, sensibilisation au handicap… L’Institution Saint-Charles, à Vienne, déploie une pédagogie qui favorise la vie en collectivité. Reportage.

« L’important, c’est de créer du lien et de favoriser un climat de bienveillance. »

« En primaire, je m’étais embrouillé avec des plus grands dans la cour de récréation. Ils nous empêchaient de jouer avec mes amis. Je m’étais isolé pour éviter de nouveaux problèmes, quand un médiateur est arrivé. Il a discuté avec moi et avec les autres élèves, cela a permis de résoudre le problème », se souvient Alan, élève de 4e à l’Institution Saint-Charles, ancrée depuis 1827 en plein centre de Vienne (Isère). Depuis, Alan s’est porté volontaire, comme une quarantaine d’autres jeunes de la 4e à la 1re, pour revêtir le brassard jaune des médiateurs

qui sillonnent la cour entre 12 h 30 et 13 h 30. Alan a suivi quatre heures de formation pour dénouer les petites tensions du quotidien. « On vient me voir quand les uns accusent les autres d’avoir volé leur ballon ou de les avoir insultés. Je fais aussi attention à ceux qui restent dans leur coin », explique-t-il. Depuis 2007, cinq cents élèves médiateurs ont ainsi été formés. « C’est le manque de dialogue qui crée les conflits, analyse Fabienne Némoz, surveillante et responsable du projet. Depuis l’arrivée des médiateurs, le climat s’est apaisé. » Une expérience féconde pour ceux qui s’y engagent. « J’ai davantage confiance en moi, je vais plus facilement vers les autres », explique Adélaïde, élève de seconde qui entame sa deuxième année comme médiatrice.

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vivre ensemble Vivre ensemble est une vraie gageure pour cet établissement qui accueille plus de 2 000 élèves, de la maternelle aux classes préparatoires. « D’où l’importance, pour nous, de créer du lien et de favoriser un climat de bienveillance, souligne Dominique Campana, le directeur de SaintCharles. Jusque-là, on s’imaginait qu’il suffisait de vivre les uns à côté des autres pour apprendre à vivre ensemble. Or ce n’est pas le cas, les jeunes ont besoin d’être formés. » Le mot clé, c’est responsabiliser les élèves. Un tournoi de rugby a été organisé pour les 6e. Et ce sont les 4e qui en ont assuré l’encadrement pendant une semaine. « Les élèves ont dû appliquer les règles de vie commune, faire respecter le planning, répondre aux tentatives de négociations des uns et des autres. Tout un apprentissage ! », relève Philippe Couturier, enseignant en EPS, responsable de la section sport et humanisme, qui réunit une classe de 4e et de 5e autour d’une dominante sportive.

Liens entre générations Autre point d’insistance : créer du lien entre les différentes générations d’élèves. Pendant le carême, des collégiens et des primaires ont pris sur

L’école est une microsociété où les enfants mettent en œuvre et confrontent les valeurs vécues dans leur famille : respect des règles communes, écoute de l’autre, acceptation de la différence... La peur d’être critiqué, d’être

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leur temps de cantine, deux fois par semaine, pour aller jouer à des jeux de société ou participer à l’aide aux devoirs auprès des élèves plus jeunes. « Parfois, les plus grands ont tendance à se comporter comme les plus forts. Une fois qu’ils ont fait connaissance avec leurs cadets, ils ne les considèrent plus comme des Schtroumpfs qu’on regarde de haut », souligne Zélie Basson, adjointe en pastorale scolaire.

Course de fauteuil roulant Des journées thématiques permettent de s’ouvrir à la différence. En mars 2016, des classes du primaire et du collège ont organisé une journée sur le handicap. Au programme : rencontres avec des personnes trisomiques, sourdes ou aveugles, témoignages de membres du club de handisport local. « Une artiste qui peignait avec la bouche nous a montré comment faire, c’était rigolo mais difficile, raconte Yasmine, élève de CM2. Ensuite, on a fait une course de fauteuil roulant puis on a marché les yeux bandés, ça faisait bizarre, j’avais peur de tomber ! En fait, les handicapés, ce sont des personnes comme nous ! » Une sensibilisation qui prépare la rentrée 2017 : deux élèves aveugles entreront en 6e.

(source MEN février 2014)

Gilles Donada

rejeté du groupe, de ne pas être aimé, de ne pas bien faire, est vécue de façon intense. Aidez votre enfant à prendre du recul par rapport à ses émotions en lui demandant ce qui s’est passé, ce qu’il a ressenti, ce qu’il redoute et ce qu’il aimerait.

Guide 19e congrès de l’Apel

En presque 10 ans, le nombre d'élèves handicapés scolarisés a augmenté : + 60 % dans le 1er degré et +239 % dans le 2nd degré.

Aidez-le à trouver une solution, sans se substituer à lui (en parler, poser un geste, une parole, etc.). Les conflits sont normaux. Ils aident à prendre conscience de soi et des autres. Ils permettent de se construire et d’avancer.

Avec Nathalie Gaillard, psychologue scolaire à Saint-Charles, Vienne (38).


4 développer

son esprit citoyen Éduquer à l’empathie et à la gestion des conflits

Les 5 ressorts à mettre en œuvre pour développer la citoyenneté Débattre et affronter le désaccord Les élèves doivent apprendre à présenter une argumentation rationnelle à l’oral comme à l’écrit. Cela se fait dans différentes matières : lorsque les élèves argumentent, en histoire et en lettres, quand ils justifient leur raisonnement, en mathématiques... Lorsque des débats

sont menés en classe, les élèves comprennent que ce n’est pas la loi du plus fort qui l’emporte, mais celle de l’argument le plus juste. Pour préparer les élèves à devenir citoyens, il faut leur permette d’accroître leur capacité à chercher de l’information, à raisonner et à vérifier les sources. Une façon également de développer leur esprit critique.

Être citoyen, c’est aussi savoir gérer les conflits. Et pour cela, il faut savoir identifier et nommer ses émotions, savoir écouter celles des autres et éduquer à l’empathie. Il est très important d’aider les enfants à distinguer leurs émotions des faits. En classe, en cours de français ou pendant des actions de vie scolaire, comme les heures de vie de classe, les élèves sont amenés à conscientiser et à exprimer leurs émotions.

Découvrir le sens du collectif Le sens de l’intérêt général, c’est faire l’expérience que ce qui est fait à plusieurs, c’est plus fort et plus riche que ce que l’on fait tout seul. Cela s’expérimente au cours de projets de classe, par exemple un voyage scolaire

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développer son esprit citoyen Soyez un exemple en vous impliquant vous-même dans une association qui dépasse le cadre familial.

qu’il faut financer, de projets scolaires menés à plusieurs élèves. En cela, les EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires) sont de très bonnes occasions de faire travailler les collégiens en équipe...

classe, remettre une lettre personnelle à tel élève parce qu’il a eu une attitude particulièrement positive, etc.

Vivre l’altérité comme une richesse partagée

Accueillez les émotions de vos enfants, c’est le propre de la famille, mais aidez aussi à les dépasser, à prendre du recul, à se mettre à la place des autres.

Valoriser la place de chacun Faire ressentir à chacun qu’il est reconnu pour ses talents... Non seulement le groupe peut lui apporter quelque chose, mais lui aussi peut apporter au groupe. Pour cela, il faut valoriser chaque enfant dans ses réussites. Communiquer sur les récompenses sportives gagnées par certains élèves en dehors de l’école. En pastorale, faire faire de la musique ou du chant à ceux qui sont musiciens... Pour l’équipe pédagogique, connaître personnellement chaque élève de l’établissement. Au moment du conseil de

Vous avez un rôle essentiel de décryptage en ce qui concerne la réalité du monde qui entoure les jeunes. Ouvrez la famille à l’autre.

Se sentir suffisamment reconnu dans sa singularité permet de s’ouvrir à la singularité de l’autre et à la radicalité de la différence. Souvent vécues dans un premier élan comme une réalité à repousser, les différences sont à apprivoiser. En heure de vie de classe, à travers la pastorale, en EPS, en histoire... la découverte des richesses du pluralisme passe autant par l’expérience que par la réflexion. Il faut aider les enfants à mettre des mots sur leurs expériences. Claire Alméras, en collaboration avec Philippe Bancon, chef d’établissement, collège Saint-Vincent, à Hendaye

5 construire

son avenir professionnel 20

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Accompagnez votre enfant en l’aidant à mûrir ses choix et en évitant de projeter sur lui vos propres angoisses ou ambitions.

L’école doit aider les jeunes à se construire, à définir et mûrir leurs projets et à découvrir le monde professionnel. Comment ? Répondre aux questions Toute question est légitime et l’attention aux questions d’orientation fait partie du métier d’enseignant, quelle que soit sa matière. Si un élève interroge un professeur sur son projet d’études ou professionnel, celui-ci devra essayer de lui répondre ou l’aiguiller vers une personne capable de lui répondre. Les échanges plus formels sont également une source précieuse de questionnement et d’approfondissement d’un projet : un entretien avec la responsable du BDI Orientation, avec le professeur principal (obligatoire pour certains niveaux de classes

comme la 3e), au cours desquels des outils qui vont l’aider à définir et affiner son projet lui seront proposés1…C’est l’esprit du Parcours Avenir prévu par les textes officiels et son support Folios proposé par l’Onisep.

Générer de la confiance Plus l’école sera encourageante, plus les jeunes auront confiance en eux et développeront une estime de soi indispensable à leur réussite. Des élèves confiants seront demain des salariés convaincus, donc plus convaincants. Des adultes plus agiles dans un monde économique incertain.

Favorisez le dialogue, une écoute ouverte et bienveillante : chaque enfant a sa personnalité. Sachez écouter ses joies, ses espérances comme ses peurs et laissez-le exprimer ce qu’il ressent, même lorsque l’échange semble utopique ou inadapté. Intéressez-vous à son projet tout en vous efforçant de garder un regard neutre et bienveillant qui sera plus fructueux. Aidez vos enfants à préparer leur avenir en essayant de décrypter le monde de demain. On ne se forme plus une fois pour toutes, mais tout au long de la vie. Informez-vous sur les modes de fonctionnement actuels de la scolarité, notamment sur les passerelles possibles.

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construire son avenir professionnel

Faire découvrir l’environnement économique et professionnel De nombreuses actions existent déjà et sont à développer : des stages de découverte qu’il est important de bien cibler et préparer, des classes en entreprise (avec à l’instar des classes de neiges, des cours le matin dans les locaux de l’entreprise et des actions de découverte des technologies, des métiers et des relations professionnelles l’après-midi), la participation à un projet mini-entreprise dans son établissement2 (de l’idée initiale à la réalisation de produits, l’occasion d’apprendre un business model, de prendre des responsabilités, de travailler en équipe, d’aiguiser l’esprit d’initiative…), le témoi-

gnage de professionnels qui présentent leur métier et leur secteur d’activité, des professeurs qui effectuent des stages en entreprise (une semaine ou deux pour s'affranchir des idées reçues, découvrir les codes et le langage de l’entreprise. Ces expériences appréciées des enseignants améliorent leurs compétences en matière d’accompagnement à l’orientation). Sylvie Bocquet 1 Un outil de questionnement de soi est en ligne sur le site Orientation de l’enseignement catholique (orientation.enseignement-catholique.fr) 2 250 000 jeunes créent 1 374 mini-entreprises par an, par l’intermédiaire de nombreuses associations. Source : Fondation Entreprendre (www. fondationentreprendre.org). L’Enseignement catholique, via le SGEC, l’Apel et RenaSup, a passé une convention avec Entreprendre pour Apprendre afin de développer les mini-entreprises à l’école.

En savoir plus Retrouvez les actions de sensibilisation menées par l'Apel avec les partenaires sur www.apel.fr

6 faire la découverte de soi

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faire la découverte de soi

« Mobiliser ses capacités naturelles aide à progresser » selon les individus. L’idée consiste à utiliser les intelligences fortes pour combler les faiblesses. En développant ainsi la confiance en soi et la réussite, le cerveau de l’enfant « se décontracte » et peut alors se confronter à toutes formes de complexité. Comme disait Olivier Houdé, « la véritable intelligence, c’est d’utiliser la bonne intelligence pour la bonne tâche ». Mais comment le traduire au quotidien ?

S. C-B. / Il est essentiel d’obser-

L'école permet de se découvrir : nous avons tous plusieurs types d'intelligences. Vous êtes une fervente ambassadrice des intelligences multiples. De quoi s’agit-il ?

Stéphanie Crescent-Brousse /

Entretien avec Stéphanie Crescent-Brousse enseignante, auteure de Tous intelligents ! Aider son enfant à l’école (Odile Jacob).

On sait depuis les années 80, grâce au travail d’Howard Gardner, qu’il existe différentes manières de comprendre les choses. Ce qui était au départ une théorie de psychologue a évolué en discipline depuis 2007 : les (neuro)sciences de l’apprentissage ou neurosciences appliquées à l’éducation. Plus l’enfant multiplie et diversifie les expériences (cinéma, jeu avec des cousins, activités sportives…), plus son cerveau exerce son bouquet d’intelligences et se développe. On identifie une dizaine d’intelligences (voir page suivante), plus ou moins déployées

ver les enfants pour comprendre la manière dont ils fonctionnent et pouvoir utiliser leurs forces. Le cerveau ne se développe qu’en agissant sur le réel et les mises en œuvre doivent être multiples. Un enfant kinesthésique mobilise de préférence son corps. Il apprend mieux sa leçon en manipulant, par exemple un PowerPoint agrémenté d’images et de questions/ réponses. Le cours, ainsi problématisé et illustré, prend sens. Il est alors encodé par le cerveau à travers l’engagement physique et de manière visuelle. C’est l’accès par le multi-sensoriel qui améliore cet encodage et facilite la récupération des informations. Il est essentiel de valoriser les progrès, et ce dans toutes les disciplines, y compris le sport ou les arts. La musique par exemple favorise l’apprentissage des langues ou des sciences. Ces enseignements, soumis à une pression moins

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faire la découverte de soi

L'intelligence a plusieurs formes Une personne qui a une intelligence… importante aujourd’hui, permettent aux enfants de trouver un équilibre, de se sentir bien dans leur peau, élément indispensable pour un développement harmonieux. Pourquoi cette méthode n’est-elle pas plus utilisée en France ?

S. C-B. / Parce que le temps de formation initiale des enseignants est beaucoup trop court et que les intelligences multiples comme les neurosciences ne sont pas au programme. Les enseignants sont trop peu nombreux, par exemple, à savoir qu’un cerveau qui a peur ne peut pas apprendre. La peur d’être en retard à l’école, un énervement en voiture ou une angoisse au moment du départ de la maison génèrent des émotions si fortes que les hormones sécrétées paralysent le cerveau. C’est autant de temps perdu pour l’apprentissage. Mais heureusement, grâce

Commencez par toujours valoriser les capacités de votre enfant, car lorsqu’un jeune est conscient de ses différentes compétences, il trouvera toujours en lui une manière de résoudre ses difficultés. À chaque tâche à accomplir correspond une manière de réussir ou une combinaison d’intelligences à mettre en œuvre. Quand l’enfant a des difficultés,

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Intrapersonnelle : se connaît, a confiance en elle, et apprécie la solitude ; Kinesthésique : est habile avec son corps, aime se déplacer ; Linguistique : est habile avec les mots ; aime manier la langue ; Logico-mathématique : est habile avec la logique, le calcul, les mathématiques ; Musicale : est habile avec le temps, aime les sons, la musique, la chanson, le silence ;

Naturaliste : comprend facilement les systèmes, aime observer le vivant, répertorier, classer ; Visuelle et spatiale : est habile avec les images et la projection dans l’espace ; Interpersonnelle : est habile dans la relation, aime communiquer avec les autres, échanger, partager ; Existentielle : est habile penseur, s’intéresse à la morale, l’éthique, la philosophie, la spiritualité.

à la bienveillance et à l’empathie de nombreux enseignants, il est possible de construire une école collaborative et altruiste. Fondée sur les interactions entre élèves et entre les disciplines, elle permet aux enfants d’apprendre à travailler avec et pour les autres. Propos recueillis par Juliette Viatte Caillot-Vaslot

le cerveau les compense. Faire des fiches permet de compenser le besoin de mots ; organiser une démonstration en décomposant par chapitre (premièrement, deuxièmement, troisièmement) clarifie la pensée des logicomathématiques ; réaliser une carte mentale permet de représenter les informations sous forme visuelle ou spatiale… Pour les plus jeunes qui apprennent à lire tout en

écrivant, il est important de ne pas négliger la construction du sens. Enfin, à savoir : lire une histoire à quelqu’un permet de stimuler dans son cerveau les mêmes circuits cérébraux que ceux de la personne qui lit. Cela favorise le plaisir et l’émerveillement : lire une page chacun en alternance crée l’envie, de la complicité. Et réussir à comprendre ce qu’on lit renforce la confiance en soi.


« Pour communiquer, l’homme dispose de trois « C » : le cerveau, le cœur et le corps. »

7 redonner une place au corps

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redonner une place au corps

Voici donc dix bonnes raisons d’aller à « l’école du corps » :

Dix pistes pour se sentir mieux Pour vivre ensemble et communiquer, l’homme dispose de trois « C » : le cerveau, le cœur et le corps. Malheureusement, dans l’éducation, l’aspect intellectuel est souvent le plus privilégié au détriment des aspects émotionnel et corporel. Il s’agit, pourtant, de les développer en harmonie pour construire l’équilibre de la personne dans sa globalité, entre connaissance de soi et relation à l’autre. On ne parle pas seulement avec des mots mais aussi avec des émotions et des gestes. Les activités corporelles contribuent au bien-être et à la construction de la personne. L’activité physique pour nos enfants est d’autre part un enjeu fondamental de santé. Le manque d’exercice est une « bombe à retardement » pour la santé future. Selon une récente étude, les enfants ont perdu un quart de leurs capacités cardiovasculaires en quarante ans.

N'oubliez pas de dire à vos enfants... Prendre soin de son corps, c’est le mettre en mouvement : promouvoir l’activité physique (marche, course, vélo, jeux de plein air…).

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• « Habiter » son corps et être à son écoute pour mieux accepter ses propres capacités ; • Éveiller ses sens pour vivre le moment présent dans toutes ses dimensions : savoir rester émerveillé ; • Exprimer ses ressentis (colère, joie, peur…) pour « dire » quelque chose de soi ; • Gérer ses frustrations pour s’ouvrir aux autres et mieux communiquer ; • Respecter son corps et en prendre soin comme celui de l’autre, différent ; • Prendre des temps de respiration, sans pression, pour se rendre disponible dans son corps et dans sa tête ; • Développer ses aptitudes physiques et transférer ses savoirs moteurs et mentaux : s’engager, se dépasser… comme leviers de réussite ; • Se confronter aux autres avec confiance et sans violence ; • Structurer sa personnalité dans l’espace et le temps par l’expérience, la conscience et la mémoire corporelle ; • Intérioriser son activité pour maîtriser son corps et ses émotions. Philippe Brault, délégué national, Ugsel (Fédération sportive éducative de l’Enseignement catholique 1er et 2nd degrés).

Porter attention aux signes corporels de l’autre pour mieux le comprendre. Associer gestes et parole pour mieux communiquer.

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Exprimer ses ressentis, c’est-à-dire mettre des mots sur des actions, des sensations, des sentiments. Apprendre à s’aimer « comme on est » pour se libérer du regard des autres.

¼

Selon une récente étude, les enfants ont perdu un quart de leurs capacités cardiovasculaires en 40 ans.

S’offrir des temps de repos, de pause, en faisant « silence » pour se ressourcer et se réactiver, pour diminuer les tensions et évacuer le stress…


8 Accueillir

la diffĂŠrence

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Certains parents ont besoin de soutien et de bienveillance pour renouer et tisser des liens de confiance avec l’école. Il faut parfois du temps pour retrouver le dialogue avec l’école, les parents qui en sont les plus éloignés doivent pouvoir trouver auprès des autres parents une écoute. Les parents sont un maillon essentiel pour la réussite des enfants à l’école. Lorsqu’un enfant sent qu’il y a trop de différences entre ce qu’il vit chez lui et ce qu’il vit à l’école, il n’arrive plus à apprendre. Pour débloquer « ce conflit de loyauté », il faut établir un lien entre les enseignants et les parents. Permettre aux enfants de différents milieux sociaux dès le plus jeune âge de jouer, penser et agir ensemble sera profitable à tous les enfants ; cet acquis sera pour chacun d’eux une vraie richesse lorsqu’ils seront adultes. Former tous les parents délégués pour qu’ils soient dans un rôle d’écoute, de soutien, pour bâtir avec eux une école qui respecte chacun et permet la réussite de tous.

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Accueillir tous les élèves, quelles que soient leurs différences, telle est l'une des missions de l'école. Les parents ont également un rôle à jouer. Comment permettre à ceux qui sont les plus éloignés de l’école d’y trouver leur place et les aider à accompagner la scolarité de leurs enfants ?

Entretien avec Marie-Aleth Grard Photographe, vice-présidente d’ATD Quart Monde, membre du Conseil économique, social et environnemental.

L’école doit être un lieu de réussite pour tous, une ambition qui semble parfois éloignée de la réalité. Comment y parvenir ? Afin de réaliser l’avis du Conseil économique, social et environnemental, « Une école de la réussite pour tous », présenté en mai dernier, nous sommes allés rencontrer des écoles et des collèges où la réussite de tous est déjà en marche. Réussite = un élève acquiert à la fin du collège le socle commun de connaissances, de compétences et de culture et choisit son orientation. Les enseignants que nous avons rencontrés sont soucieux d’avancer ensemble, de comprendre les élèves. Ils sont « en recherche » afin de ne laisser aucun élève sur le bord du chemin. Si le travail en équipe des enseignants est un élément fondamental pour l’école de la réussite de tous, il ne peut à lui seul permettre la réussite de tous les enfants.

Tous les parents, nous pouvons en témoigner, y compris ceux que l’on nomme « les plus éloignés de l’école », souhaitent que leurs enfants réussissent à l’école. C’est bien là leur point d’égalité. Certains ont vécu des scolarités compliquées et ont très peur de retourner à l’école, ou vivent dans des conditions si difficiles que leur enfant est rejeté par les autres (vêtements différents, jamais les bonnes affaires, pas d’argent pour les sorties…). Pour se comprendre, il faut se connaître, les parents qui sont plus à l’aise avec l’école sont invités à rencontrer et mieux comprendre les parents des autres milieux sociaux. Il s’agit que les soutiens soient réciproques pour bâtir ensemble des ponts qui permettront à tous les enfants de développer leur intelligence à égalité. Pour les enseignants, ce peut être accueillir les parents par groupe de deux ou trois pour leur faire vivre dans la classe un moment d’apprentissage, un temps où ils comprennent la façon de travailler de l’enseignant. Sans oublier, à la fin, le moment où les parents pourront parler d’adulte à adulte avec l’enseignant, en étant vraiment reconnu comme le premier éducateur de leur enfant.


accueillir la différence

Vous dites souvent que la mixité sociale est une richesse pour comprendre les autres, pouvez-vous expliquer ? La société dans laquelle nous vivons est faite de différents milieux sociaux. Notre système scolaire forme bien les élèves qui seront demain l’élite de notre pays. Ces enfants, ces jeunes ne seront vraiment bien formés à mes yeux que s’ils connaissent, comprennent les différents milieux sociaux qui composent notre pays. Sociologues

et chercheurs dans le domaine de l’éducation le montrent sans cesse, si l’on permet aux enfants de différents milieux sociaux de jouer, penser, apprendre ensemble, les meilleurs élèves continuent de progresser et les élèves les plus en difficulté progressent aussi. En revanche, la non mixité sociale, regroupant majoritairement des élèves en difficulté, fait que naturellement on a tendance à baisser le niveau d’exigence, ce qui est dommageable pour les élèves. Propos recueillis par Sylvie Bocquet

9 construire

l’intériorité d’un enfant 29


Adjointe en pastorale scolaire dans un collège marseillais, pendant sept ans, Agnès Charlemagne raconte les heures de discussions et d’écriture avec les ados.

T’es où ?

Des ados parlent de Dieu, par Agnès Charlemagne. Préface de Christian Salenson, Salvator, avril 2015.

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Guide 19e congrès de l’Apel

Les enfants ont peur du silence, ils le fuient. « Le silence, moi ça me stresse ! », écrit Franck en 4e. « Dans le silence, je m’ennuie à mort… En fait, dès qu’il arrive, je mets mes oreillettes ou je téléphone », dit Lauréna en 5e. À l’école, le silence signifie examen, concentration et compétition. À la maison, le silence renvoie à la solitude. « Je trouve l’ambiance triste sans bruit, donc il faut que je parle ou que je fasse du bruit, sinon ça fait peur », dit Romane, en 3e. Dès qu’ils en ont l’occasion, les adolescents plongent dans le bruit. Musique dans les transports, ordi-

nateur dans leur chambre, télévision en famille et téléphone dans la poche, « non stop ». J’ai pu animer à Marseille avec des adolescents de 10-15 ans, pendant sept ans, des ateliers de catéchèse dans des classes à la multiplicité culturelle et religieuse forte, et où seuls deux ou trois se déclaraient « croyants ». C’est avec méthode mais sans manuel que je me suis présentée dans les classes, avec l’intime conviction que la pensée de chacun est courtisée par un souffle de vie, bien au-delà des croyances ou du refus de croire. Je suis par-


construire l'intériorité d'un enfant

tie des questions métaphysiques des adolescents. J’ai conduit autant que je me suis laissée conduire. Tous ont découvert qu’ils étaient détenteurs d’une source : l’intériorité. « C’est genre comme si je m’étais invité chez moi pour la première fois ! », Gaétan, 4e.

Les séances sont rythmées en trois temps : la discussion, le silence pour que chaque élève se l’approprie, l’écriture pour qu’il retienne un des points, transcrive une question ou une pensée. Les phrases anonymes sont relues à voix haute et à tour de rôle la séance suivante pour relancer une autre discussion. Le parcours de chaque adolescent s’écrit d’une séance à l’autre. Il se passe quelque chose de l’ordre de la maïeutique de Socrate : l’art de faire accoucher les esprits par le questionnement. La pensée en zigzags des adolescents conduit vers des territoires neufs, à inventer.

« Quand on rentre dans notre cœur, ce n'est pas une visite guidée mais une exploration. » Yanis, 5e Les adolescents peuvent ne pas croire en Dieu et avoir envie d’en parler. Ce sont les mêmes qui écrivent : « Profiter de la vie, c’est rester avec ses amis et voir le collège brûler ! » et qui posent la question de la prière : « Non je ne prie pas parce, que je n’ai pas le temps et que je n’ai personne à qui prier », Sébastien en 3e. Pouvoir

dire « non » par écrit, puis à haute voix, et écouter chacun défendre son « oui, non, peut-être… », rend libre. Cela se vit dans la découverte conscientisée de l’autre : « On est ensemble depuis tout petit mais je pensais que tout le monde pensait comme moi… », Pauline, en 6e. « Le plus court chemin de soi à soi passe par autrui », écrit Paul Ricœur. Le défi n’est pas neuf mais depuis les événements de 2015, il s’impose. Le collège est une formidable pépinière, tout est encore possible. Nous n’avons pas mis le feu aux classes mais, comme à Emmaüs, nos cœurs étaient souvent brûlants ! La richesse de ces échanges à chaud réside dans leur insaisissable faculté à rebondir constamment : « Un voyage dans le cœur, inoubliable. Quand on rentre dans notre cœur, ce n’est pas une visite guidée mais une exploration », Yanis, 5e.

Il s’agit bien d’une construction de l’intériorité, mais on ne se construit pas tout seul ! Ni tous de la même manière. Ceux qui sont hermétiques à la réflexion intérieure se laissent surprendre par ceux qui n’attendaient que d’y être invités. La longueur et la densité des messages varient mais leur sincérité est parfaite. La joie à les partager aussi… Je transcris les messages tels quels. La fulgurance que nous avons perdue en tant qu’adultes est là, offerte : « Chacun voit ce qu’il y a à l’extérieur, mais Dieu de l’intérieur », Steven, 6e. « À quoi ça sert d’avoir une âme, si on ne lui parle jamais ? », Jennifer, 3e.

L’enfance est le territoire idéal pour l’apprentissage de la contemplation. Regarder autour de soi est un jeu. La nature est un livre ouvert, le quotidien, un royaume, et les plus petits événements, une porte d’entrée. • Certains enfants trouvent seuls et sans mode d’emploi le chemin de l’intériorité. Mais tous les enfants ne sont pas égaux dans ce domaine et au sein d’une même famille, les uns peuvent y être disposés, les autres pas du tout. C’est une question de caractère, c’est aussi une éducation. • La première des conditions est de prendre le temps. Un enfant qui découvre le pouvoir de suspendre le temps accède à une source inépuisable. • Il s’agit ensuite d’inventer un rituel : s’asseoir sur le tapis devant une bougie avant de se coucher, faire un tour de table avant le repas. Chacun raconte un élément de sa journée. • L’intériorité commence par la relecture : de quoi ai-je été témoin ? La parole des autres agit en lampe de poche. Enfin, fermer les yeux et ouvrir le silence… • Une minute suffit. Le lendemain ou la semaine suivante, recommencez !

Agnès Charlemagne

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© Hermes Images / AGF Foto / Photononstop

La scolarisation de tous les enfants reste toujours un objectif fondamental pour le 21e siècle. Inde, Bihar, école Nalanda.

10 Apprendre

à être libre 32

Guide 19e congrès de l’Apel


École, lieu d’apprentissage de la liberté ? Cette finalité nous échapperait presque tant elle semble acquise. Mais le scénario contraire nous donne des sueurs froides. Imaginons une école sous contrôle, comme dans les pires régimes totalitaires, devenue un outil de formatage de la jeunesse et de la société. Une hypothèse impensable dans un pays démocratique comme le nôtre où il y a consensus sur la valeur universelle de l’éducation et de la scolarité. Ce que confirment les résultats d’un sondage mené par l’association Asmae Sœur Emmanuelle avec Harris Interactive, à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant, le 20 novembre dernier. 98 % des Français interrogés pensent que la scolarité fait partie des besoins primordiaux d’un enfant au même titre que manger à sa faim ou avoir un logement. Une éducation juste, équitable et de qualité est tout aussi importante pour le développement d’un pays (95 %) que les dimensions politiques et économiques.

Prendre du recul L’école est donc ce lieu essentiel qui permet aux enfants de développer leur discernement et de prendre du recul par rapport aux nombreux déterminismes culturels, sociaux et politiques. Un lieu de liberté pour chaque personne. « L’école forme des esprits et des comportements libres mais au nom d’une conception précise de la liberté, souligne Pascal Balmand, secré-

La liberté a toute sa place à l’école où l’on apprend à développer sa pensée, son esprit critique, sa personne… Des acquis incontournables pour s’ouvrir au monde mais qui sont loin d’être accessibles pour des millions d’enfants sur la planète. taire général de l’Enseignement catholique. Une liberté unique et non négociable, où la volonté, la rationalité l’emportent sur les envies pulsionnelles et narcissiques. Les élèves l’exercent dans un cadre où ils ne peuvent pas faire tout ce qu’ils veulent quand ils veulent, grâce à une relation plus fraternelle que démocratique avec leurs enseignants. C’est ainsi que nous les aiderons à construire leur liberté intérieure. »

« Je cherche à combler un manque d’école » Isabelle Normand, 51 ans, 3 enfants, ouvrière du livre « J’ai quitté le lycée en 2de. Je n’aimais pas l’école et travaillais trop peu pour réussir. Grâce à mon père, je suis vite entrée dans une imprimerie. À l’époque, j’étais ravie : bien payée, et surtout loin des professeurs, des devoirs, des cours… Pourtant, cette détestation n’a pas duré. Très vite, dans les discussions entre amis, je me trouvais inculte. Je n’avais pas ce que les cours d’histoire ou de littérature leur avaient donné à eux. Alors, je me suis dit que je devais combler ce manque d’école. Je n’ai jamais

éprouvé cette “honte” qu’ont certains, de ne pas avoir le bac, juste une envie de comprendre le monde. Je me suis inscrite à la bibliothèque et j’ai découvert le plaisir de lire. Mais je dois avouer que j’ai énormément travaillé, parce que je n’avais plus des journées entières pour apprendre, comme au temps du lycée, mais des soirées et des week-ends. Aujourd’hui, j’ai fait beaucoup de chemin, et j’aide mes enfants à ne pas décrocher de l’école, parce qu’apprendre seule demande une vraie motivation. »

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apprendre à être libre

Droit à la scolarité Une liberté dont sont toujours privés 58 millions d’enfants et 63 millions d’adolescents à travers le monde1. Extrême pauvreté, conflits, obstacles culturels, etc. La promesse mondiale d’une éducation pour tous n’a pu être tenue. Le droit à la scolarité est un double combat : celui de l’accès à l’école et celui d’une éducation de qualité. « J’aimais l’école, l’éloquence du professeur. Je ne savais pas encore bien parler, mais le soir, devant la classe vide, je jouais à la maîtresse. Je me sentais chez moi », raconte Malala Yousafzai, prix Nobel de la paix en 2014, qui aimait se retrouver dans la classe que son père avait ouverte malgré l’interdiction des talibans et avant qu’elle-même ne soit leur cible2.

Initiatives en Égypte et en Inde Compagnon de route de Sœur Emmanuelle, Magdi Sidhom, a fondé et dirige, au Caire, l’EACD (l’Association pour un développement global), pour le respect des droits essentiels des Égyptiens les plus démunis. Il se souvient du jour où les Frères musulmans, au pouvoir, ont immédiatement retiré leurs enfants de la crèche qu’il avait créée, au cœur du quartier salafiste, avec un groupe de chrétiens et de musulmans modérés. Mais, dix jours plus tard, les enfants ont demandé à leurs parents de revenir. « Nous avons alors accepté de former les Frères musulmans aux méthodes Montessori qui rendaient les enfants si heureux. » Créé par l’économiste Esther Duflo, au sein du Massachusetts Institute of Technology (MIT), J-Pal, laboratoire d’action contre

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Guide 19e congrès de l’Apel

la pauvreté, expérimente, dans de nombreux pays, des solutions simples et à moindre coût pour que la scolarisation d’enfants très pauvres soit possible et réussie. Ainsi, dans ces villages du nord de l’Inde, où des enfants, malgré trois ou quatre années d’école primaire ne savaient toujours pas lire. Des jeunes femmes de niveau bac ont accepté de donner gracieusement des cours du soir aux enfants en difficulté. Leurs progrès ont été remarquables.

Connaissances ou valeurs L’évolution rapide du monde, en posant à l’école de nouveaux défis qu’elle peine parfois à relever, notamment ceux de l’équité et de la citoyenneté, met de nouveau la question de la liberté sur le devant de la scène. Tout le monde est concerné. Car comment certains élèves pourront-ils développer leur libre arbitre et ne pas se laisser manipuler si l’école les laisse au bord du chemin ? Comment pourront-ils demain construire un monde plus juste ? « Les pays, comme la France, la Belgique, l’Espagne, dont les systèmes scolaires privilégient l’accumulation des connaissances au détriment de l’acquisition de valeurs, ont plus de difficultés à développer les compétences civiques de leurs élèves, précise Éric Charbonnier, analyste à l’OCDE3. Des compétences qui sont bien mieux prises en compte dans les pays nordiques (Finlande, Norvège) ou au Canada. » Des indicateurs à ne pas négliger. Pour que l’école reste une chance, « une bonne nouvelle », et que l’éducation à la liberté soit une réalité chaque jour et partout dans le monde. Sylvie Bocquet

43 % des enfants dans le monde n’iront jamais à l’école un jour.

34 millions d’enfants et d’adolescents de pays en guerre ne sont pas scolarisés.

(1) Rapport de l’Institut de statistique de l’Unesco et de l’Unicef. (2) « Il m’a appelée Malala », documentaire sur France 5. (3) Dix mesures pour une éducation équitable, OCDE 2008.


à lire, à voir Asmaé Association soeur Emmanuelle

www.asmae.fr

Jean-Michel Blanquer L’école de la vie

Odile Jacob, 2014, 22,90€

Agnès Charlemagne

T’es où ? Des ados parlent de Dieu Salvator, 2015, 352 p., 23 €

Stéphanie Crescent-Brousse www.quiztim.com Tous intelligents ! Aider son enfant à l’école

Olivier Houdé

Le Pommier, 2014, 10,90 €

Fondation La main à la pâte

Pierre Léna

Enseigner c’est espérer. Plaidoyer pour l’école de demain Éditions le Pommier, 2012, 19€

Alors, tu as gagné la course ? Non, mais je me suis cassé un pouce Avec un caillou...

Pascal Picq

Loïs & Gabin, CE1

La marche : sauver le nomade qui est nous

Stanislas Dehaene

Points, 2014, 8,30€

La bosse des maths

Odile Jacob, 2011, 25,90 €

Cerveau L’expo neuroludique de la Cité des sciences et de l’industrie

Dans la cour Maîtresse m'a dit Ferme ta trousse Fais une course Avec tes pouces.

www.fondation-lamap.org

Éditions Autrement, 2015, 17,50€

Odile Jacob, 2011, 13,90 €

Je voulais, dans mon école, Chanter avec un microcolle Et jouer au carlivre

La main à la pâte

Odile Jacob, 2014, 22 €

Apprendre à lire Des sciences cognitives à la salle de classe

A l'école

Apprendre à résister

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Les origines de l’homme. L’odyssée de l’espèce

L’éCOLE Mon école est tellement jolie Que le vendredi, Je n’ai pas envie D’entendre la sonnerie. Et à la cantine L’animatrice s’appelle Clémentine. Elle est tellement jolie, Qu’avec mes copains, Du soir au matin, Cartable sur le dos, Nous la surprenons d’en haut, Avec nos jolis mots. Et quand je suis parti, Elle est déjà sortie, J’étais à la garderie…

Pascal Plisson

Sur les chemins de l’école (2012) Un livre à propos du film : Marie-Claire Javoy,

Les chemins de l’école, hoëbeke, 2015, 192 p.

La Martinière, 2014, 216 p., 32 €

www.moncerveaualecole.com

Marie-Aleth Grard

Une école de la réussite pour tous, rapport du Conseil économique social et environnemental 2015.

Peter Gumbel

Ces écoles pas comme les autres. À la rencontre des dissidents de l’éducation La Librairie Vuibert, 2015, 19,90€

Elite academy. Enquête sur la France malade de ses grandes écoles Éditions Denoël, 2013, 17€

Marie Quartier

Harcèlement à l’école. Lui apprendre à s’en défendre Eyrolles, 2016, 14,90 €

Martin, CM2

Joseph Schovanec

Voyage en Autistan : Chroniques des carnets du Monde

28 30

Plon, 2016, 252 p., 14,90 €

Poésies

Pocket, 2013, 288 p., 6,95 €

Recueil de poèmes écrits par des élèves ardéchois de l’Enseignement catholique. Édité par l’Apel départementale de l’Ardèche. 2015.

Je suis à l’Est ! Savant et autiste.

On achève bien les écoliers Grasset – 2010 – 10€

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