Apprendre de(puis) l’ailleurs La Guinée, de Conakr y à Samaya
Atelier International Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes -2016 - 2017
Partenaires Ecole Nationale Supérieure d ’Architecture de Nantes / Institut Supérieur d ’Architecture et d ’Urbanisme de Conakr y / ONG Coopération Atlantique Guinée 44 / Association Regards ici & là-bas
Equipe pédagogique Maëlle Tessier, architecte, docteur en histoire de l’architecture contemporaine, Enseignante titulaire TPCAU ENSA Nantes / Julie Gangneux-Kébé, architecte-urbaniste, Enseignante contractuelle ENSA Nantes, membre de l’association Regards ici & là-bas / Alpha Kébé sociologue, président de l’association Regards ici & là-bas / Tangui Robert, architecte, artiste plasticien / Lamarana Barr y, représentant pays de l’association Regards ici & làbas / Dr. Touré, directeur de l’ISAU de Conakr y / Ben Kaba, architecte professeur à l’ISAU / Pr. Condé, chef de département à l’ISAU de Conakr y / Mor y Kaba, architecte professeur à l’ISAU de Conakr y
Etudiants ENSA Nantes Margot Company, Léa Gautier, Belen Ramos, Mélanie Richer, Philippe D ufresne Laroche, Marie-Léa Lemaître
Etudiants ISAU Conakr y Diallo Fanta, Mourana Sylla, Aïssatou Bhoye Bah, Mohamed Minthé, Andréas Christo Diallo, Charles Dopavogui, O umar Kaba. Publication coordonnée par Maëlle Tessier en partenariat avec Julie Gangneux Kébé et Tangui Robert
Editorial
Apprendre de(puis) l’ailleurs
Matières des lieux Conakr y-Kaporo Mutations et pressions foncières Cours communes et usages partagés
Conakr y-Gbessia Les espaces de « l’en commun » Les usages multiples d’un port
Conakr y- Hafia-Château Kaléidoscope de rues, de cours et de maisons Les heures et les usages
Samaya_Kindia Le façonnage des objets du quotidien L’artisanat face à la « culture du catalogue »
Samaya-Kankoukhouré La séparation du village par la rue principale Les origines du village : d’une concession à l’autre
Samaya-Tanene Les maisons coloniales de bord de rue Rythmes et transformations de la vie du village par le marché
Samaya-Barekhoure L’histoire de la concession du Mangué Aboubacar Le potager comme activité vivrière et réserve foncière
Samaya-Baneya Les espaces du quotidien Les morphologies d’un habitat traditionnel
Samaya_Waliya Les formes habitées et leurs relations d’emplacement Le cycle de la matière
Regards croisés Usages et temporalités de «petits mondes urbains» Formes de l’habiter Mutations architecturales
Ouverture Le goût du réel
Médiagraphie Sources des illustrations
Editorial Apprendre de (puis) l’ailleurs
(1) UN-HABITAT, Pour un meilleur avenir urbain, http://fr.unhabitat.org (2) UN-HABITAT, 2009. State of the World’s Cities 2008/2009 – Harmonious Cities, 224p. http://unhabitat.org/books/state-of-theworlds-cities-20082009-harmonious-cities-2/ (3) ROBINSON, J., CHOPLIN, A., 2014. « Villes ordinaires : vers des études urbaines postcoloniales » in GINTRAC, C. et GIROUD, M. (Ed.),Villes contestées, Paris, Les prairies ordinaires, pp. 27-55.
Depuis la seconde moitié du 20e siècle, nous assistons à l’émergence de nouvelles dynamiques urbaines qui constituent des systèmes socio-spatiaux de plus en plus complexes. Les métropoles des « Suds » ont ainsi vu leurs populations multipliées par quatre en l’espace de 50 ans. Selon les prévisions d ’ONU-Habitat, les villes africaines devront par exemple accueillir 300 millions de nouveaux habitants d ’ici 2030 (1). La « science des villes » qu’est l’urbanisme a longtemps visé à organiser les territoires de la ville productive, intrinsèquement lié à la modernité, reposant sur la fonctionnalité, l’efficacité, la rationalité, la rentabilité, la mobilité. Mais le monde urbain est aussi et toujours ce qui se voit, se sent, se touche, se parcoure, se traverse. Il entremêle des paysages, des pratiques habitantes, des narrations multiples, il reste un système de relations complexes entre des lieux et des habitants. En ce sens, un changement profond est nécessaire dans notre manière de concevoir, d ’implanter et de construire les habitats humains. Dans les Suds, les fabriques urbaines mettent au défi les pratiques conventionnelles de la planification encore trop souvent calquées sur le modèle des sociétés occidentales industrialisées du 20e siècle (2), sur la double conception du développement et de la modernité (Robinson, 2006 [2006]) (3). Fragilisés par les pressions foncières et démographiques, pour lesquelles la valeur d ’échange surpasse souvent la valeur d ’usage, les habitants s’associent ici ou là pour « faire ville » (Agier, 2015), pour continuer à vivre de et dans la rue. Ils inventent de nouveaux stratagèmes urbains, de nouvelles formes d ’habiter. Des alternatives se mettent en place de par le monde, nous incitant à favoriser des échanges plus productifs entre les habitants, les décideurs, les institutions financières, les professionnels qui imaginent les projets et ceux qui les mettent en œuvre. C’est toute une économie locale du projet, d ’une conception sensible aux sites et aux cultures, à une innovation sur les manières de collaborer collectivement qu’il nous faut promouvoir.
Apprendre de(puis) l’ailleurs
L’atelier - Les territoires d ’ici-là-bas – Apprendre de(puis) l’ailleurs L’atelier international - Les territoires d ’ici-là-bas – Apprendre de(puis) l ’ailleurs - est un enseignement de Master créé à l’Ecole Nationale Supérieure d ’Architecture de Nantes en 2016. L’objectif pédagogique de cet atelier est de permettre à des étudiants en école d ’architecture de questionner leurs «fondamentaux» à partir de territoires a priori éloignés de ceux de leur quotidienneté : Apprendre de(puis) l ’ailleurs, et plus spécifiquement depuis les suds, pour interroger les processus, contextes et modes opératoires d ’autres « fabriques urbaines » et peut-être donner à voir de nouveaux concepts, de nouvelles représentations pour saisir les spatialités urbaines. L’atelier se déroule en deux temps: Le premier temps, articule un séminaire théorique et des travaux dirigés consistant à mettre en représentation et en spatialités des recherches rendant compte de mutations architecturales et urbaines dans les pays «des suds»: Ecrits d ’anthropologues, de sociologues, d ’architectes, de philosophes, d ’économistes travaillant sur les pensées urbaines nord/sud, le droit à la ville, les inégalités urbaines, le maintien des diversités culturelles et patrimoniales... Le second temps propose à quelques étudiants qui ont pris part au préalable à la première phase, de participer à un travail en immersion de plusieurs semaines dans un territoire de « là-bas ». Dans cette perspective, 6 étudiants de l’ENSA Nantes sont partis à l’automne 2016 en Guinée Conakr y rejoindre 7 étudiants de l’ISAU (Institut Supérieur d ’Architecture de Conakr y) pour un workshop de trois semaines.
L’histoire des échanges Nantes Conakr y Avant de revenir sur le déroulé et le contenu de ce workshop il convient de revenir succinctement sur l’historique des échanges entre Nantes et Conakr y et notamment leurs deux écoles d ’architecture. Les échanges sont nés en 1988 d’un partenariat entre l’association Coopération Atlantique-Guinée 44 et l’ENSA Nantes. Cette coopération s’est traduite pendant de nombreuses années par un partenariat actif et l’envoi d’étudiants encadré par Yves Dessy, en stage à Kindia, 2ème ville de Guinée. Avec la création de l’ISAU de Conakr y , une convention de partenariat est signée entre les deux écoles (2009). La même année, en 2009, les échanges sont relancés au travers de l’impulsion des membres de l’association Regards ici & là-bas (1) et de plusieurs professeurs et étudiants de l’ISAU (2). Ce partenariat fût à l’origine pensé pour renforcer la formation professionnelle des futurs architectes de l’ISAU dont l’un des objectifs était de promouvoir « les cultures nationales dans la création architecturale des nouveaux ensembles urbains». Nombres d’étudiants architectes originaires de Conakry n’ont en effet jamais dépassé le continuum urbain de la capitale et n’ont donc qu’une connaissance très partielle des modes d’habiter, de l’architecture en Guinée(3).
Editorial
(1) L’association Regards ici & là-bas, basée à Nantes et Conakry travaille depuis 2011 à favoriser les échanges autour de projets en co-développement. Le but de l’association est de contribuer à faire évoluer les mentalités et les comportements de chacun afin de construire collectivement un monde solidaire et durable. Ses domaines de compétences sont l’éducation au développement, l’architecture, l’environnement, l’animation et la sociologie.
Le Workshop Samaya-Conakr y / 14 octobre-04 novembre 2016
(2) L’Institut Supérieur d’Architecture et d’Urbanisme (ISAU) a été créé le 25 août 2004 et compte environ aujourd’hui 400 étudiants. L’institut est né d’un besoin croissant de professionnels architectes et urbanistes en Guinée aussi bien au niveau de l’administration que des entreprises publiques et privées. Les objectifs pédagogiques de l’ISAU sont entre autres de promouvoir les cultures nationales dans la création architecturale des nouveaux ensembles urbains et de lutter contre la précarité de l’habitat, facteurs de grande pauvreté.
Cette immersion de 3 semaines en Guinée s’est articulée autour de plusieurs temporalités et modalités : travail de terrain à Conakr y et Samaya, ateliers, rencontres avec différents partenaires, visites et moments de restitution dans le but de rassembler et de sensibiliser un public toujours plus large.
(3) Malgré les nombreuses qualités dont peut se prévaloir le patrimoine -pas seulement au sens historique du terme mais au sens de toutes les richesses matérielles ou immatérielles, ayant une importance culturelle /humaine en Guinée, il n’en demeure pas moins qu’aujourd’hui il reste encore largement méconnu en dehors des cultures orales.
Les objectifs spécifiques qui ont alimenté ces semaines de workshop ont été multiples :
Nous constatons l’absence d’études, de valorisation de l’architecture guinéenne dans la création contemporaine et la « faible utilisation du riche potentiel en matériaux locaux minéraux et végétaux » (Objectif pédagogique de l’ISAU) dans l’amélioration de la qualité de l’habitat. La Guinée, dont le territoire équivaut à la moitié du territoire français est identifiable à ses différentes cultures Soussous, Peuls, Malinkés, et forestières (Il existe de nombreuses ethnies en guinée forestière : Kissi, Guerzé, Toma etc.) et leurs coutumes propres réparties entre les quatre régions naturelles qui composent le pays: Basse-Guinée, Moyenne-Guinée, Haute-Guinée et la Guinée forestière. Les exemples ne manquent pas à travers le pays pour exprimer la disparition actuelle de ces richesses patrimoniales : ainsi en Moyenne-Guinée, à Dalaba, la maison de Miriam Makeba grande case ronde inspirée des cases traditionnelles Peul rentre petit à petit dans l’oubli; en Haute-Guinée, dans la sous-préfecture de Dinguiraye, il ne reste plus qu’une des cinq mosquées encore conservées selon le plan original de l’empereur El hadj Oumar Tall (1850)...
Ce workshop a eu pour but premier de croiser les regards d ’étudiants français et guinéens autour de problématiques urbaines et architecturales, mais aussi de faire se rencontrer à la fois habitants et acteurs d ’institutions guinéennes : Ministère de la Culture et du patrimoine historique, Ministère de l’enseignement, de l’habitat (DATU), UNESCO au travers de structures locales (collectivités, habitants, ONG locale).
Les 13 étudiants de master participant à ce workshop ont été amenés à interpréter des dynamiques spatiales, culturelles et sociales propres à la Guinée par la description et la représentation de fragments de territoires : d ’abord dans trois « secteurs » de Conakr y, puis dans la région de Samaya en Basse-guinée
• Réaliser un travail en partenariat entre les étudiants de l’ENSA Nantes et l’ISAU Conakr y pour croiser les regards et construire en commun une réflexion sur les problématiques architecturales et urbaines entre les régions de Conakr y et Samaya. • Comprendre et identifier les modes d ’habiter dans différentes communes de la capitale guinéenne ainsi que dans les villages de la région de Samaya - Kindia. Immergés en famille d ’accueil au sein même des villages, les étudiants se sont trouvés au plus près des réalités locales. • Recenser et valoriser « ce qui fait patrimoine » pour imaginer ensuite des solutions à même d ’améliorer les conditions de l’habiter. • Rencontrer des artisans et échanger sur les savoir-faire pour comprendre les liens entre les mises en œuvre des matériaux et les pratiques quotidiennes.
Conakr y : E xplorer Kaporo, Gbessia et Hafia Château Les étudiants ont d ’abord travaillé dans 3 secteurs de Conakr y. Répartis en groupes, ils ont arpenté pendant deux jours un des «échantillons urbains» qui leur été proposé. Pour ce faire, ils ont été accompagnés par l’équipe pédagogique et introduits dans chaque quartier par les instances locales, les chefs de quartier. - Le village de Kaporo / l’un des premiers villages de Conakr y Ce secteur est aujourd ’hui pleinement inclus dans le tissu urbain de la capitale et à proximité de quartiers en gentrification. De ce fait, la constitution
Apprendre de(puis) l’ailleurs
traditionnelle de la forme villageoise a été modifiée au cours du 20e siècle avant d ’être directement menacée par la spéculation foncière en limite (disparition des concessions traditionnelles et apparition des immeubles). - Le quartier de Gbessia port / un des nombreux ports de pêche. Les étudiants ont regardé le fonctionnement d ’un port de pêche en tissu urbain en tentant de comprendre les ressorts tissés entre le port, son activité économique et l’habitat. - Le secteur de Hafia Château / au cœur d ’un quartier populaire Les étudiants ont ici analysé la mutation d ’une cité historiquement ouvrière dont les mutations du tissu urbain ont créés des typologies architecturales et espaces semi-communs dans lesquels les populations vivent aujourd ’hui toujours en communauté.
Samaya: Immersion chez les habitants d ’une région de Basse-guinée La suite du workshop s’est ensuite déroulée sur 10 jours dans la région de Samaya, en Basse-Guinée. Chaque groupe d ’étudiants s’est réparti géographiquement le territoire de la commune et s’est exercé au relevé habité, à la représentation des différentes typologies architecturales et à leurs implantations : le village historique, les nouveaux quartiers, les bords du lac, le marché hebdomadaire… A la fin du séjour, les étudiants ont présenté leur travail dans la commune de Samaya aux habitants, autour de l’arbre à palabres, avant de repartir sur Conakr y pour mettre le travail en commun et préparer la présentation finale qui s’est tenue au Centre Culturel Franco-Guinéen le 02 novembre dernier.
Comment effectuer cette filiation entre patrimoine et formes d’habiter quand il n’existe que peu de traces écrites de ceux-ci en Guinée, qu’elles soient traditionnelles et/ou contemporaines ? En associant des partenaires institutionnels comme l’UNESCO et le Ministère de la culture et du patrimoine historique, ce partenariat se veut représenter un échelon de plus vers l’inventaire des monuments et sites Guinéens. Dans cette perspective, l’Association Regards ici & là-bas signe en 2013 une première convention avec Dr. Touré, directeur de l’institut tout en s’appuyant sur une convention déja existante depuis 2009 entre l’ENSA de Nantes et l’ISAU de Conakry, pour mettre en œuvre un premier workshop en août 2015. Ce sont 5 étudiants de l’ISAU, encadrés par les membres de l’association, qui pendant 10 jours ont relevé, analysé l’habitat, les formes d’habiter, recueilli la parole locale et échangé avec les artisans (focus groupe) dans les souspréfecture de Kalexè et Doupourou en BasseGuinée.
Editorial
Une publication en retour Cette publication souhaite être le reflet de travaux de terrains hybrides qui racontent la richesse d ’un apprentissage de(puis) l’ailleurs. Elle est organisée en deux parties : La première partie, Matières des lieux, nous donne à lire 8 lieux: 3 quartiers de Conakr y et 5 fragments de Samaya. Au travers de focales thématiques et à partir des modes de représentation de l’architecte, cette partie nous donne à lire la multiplicité des relations entre spatialités et modes de vie. Comme une charnière entre les explorations urbaines et villageoises, une 9e partie rend compte de la rencontre avec des artisans de Kindia pour comprendre les mises en œuvre des matériaux dans les pratiques quotidiennes, notamment à travers un artisanat local. La seconde partie, Regards croisés, articule des réflexions qui animent les débats contemporains sur les mutations urbaines et architecturales actuelles, avec la singularité et les spécificités des travaux menés durant ce workshop. Particulièrement fructueux, riche d ’échanges et de productions, ce workshop nous a confortés au niveau pédagogique sur l’importance dans la formation de futurs architectes « d ’ici ou de là-bas » de réussir à suspendre son jugement et à décentrer son regard pour pouvoir donner une lecture singulière, imagée et argumentée des territoires dans lesquels nous vivons, assez claire en tous cas pour être problématisée, partagée ou débattue. Cette publication est le fruit d ’un travail collectif, entre étudiants et enseignants, où les idées, les représentations et les mots ont été mis en commun. Aussi les articles de Matières des lieux ainsi que les textes de Regards Croisés ne sont pas signés de tel ou tel mais apportés ici comme des ouvertures à un apprentissage de(puis) l ’ailleurs, en écho à l’aventure collective de ces 3 semaines guinéennes.
Moyenne Guinée Basse Guinée
Haute Guinée
Conakry 2M habts
Guinée Forestière
La Guinée - Conakry
KAPORO
GBESSIA HAFIA CHATEAU
Matières des lieux Conakr y-Kaporo Mutations et pressions foncières Cours communes et usages partagés
Conakr y-Gbessia Les espaces de « l’en commun » Les usages multiples d ’un port
Conakr y- Hafia-Château Kaléidoscope de rues, de cours et de maisons Les heures et les usages
Matières des lieux Conakr y - Kaporo
Carnet de Marie-Léa, 16 octobre 2016 Lors de notre passage dans ce quartier de ville, cet endroit, ce lieu nous est apparu comme un village faisant partie d ’une ville. Ce village, où tout le monde se connaît et se reconnait. Chaque habitant rencontré ce jour-là est issu des premières familles installées ici. Au sein du village de Kaporo la vie s’organise autour de cours communes délimitées par des venelles partageant les différentes concessions. Dans ces cours s’effectuent diverses activités nous démontrant qu’un même espace peut avoir plusieurs usages. En effet, on y vide, prépare et sèche le poisson, mais, on y prépare le repas, on y mange, on y joue, on s’y lave aussi. Comme tout village de pécheurs, ce village présente également un atout qui n’est pas des moindres : son accès direct à la mer. Alors ce lieu est enclin à des mutations architecturales déjà enclenchées depuis quelques années.
Fenêtre Publique « Nous nous enfonçons dans ce village/ quartier de la ville dans un dédale/ labyrinthe de rues nous arpentons/ marchons/ déambulons/ dans ce labyrinthe/ dédale de rues nous sommes chez les Camara/ Sylla/ Touré et peut être chez d ’autres aussi... Une succession d ’espaces rues/ cours/ placettes/ où se déroule plusieurs activités au f il de la journée hommes/ pêche/poissons/ femmes/ lave/ ouvre/ dispose/ sèche/ fumoir/ fume/ prépare/ vend/ puis devient enfants/sceaux/ douche/ sèche sous la chaleur des rayons du soleil. » Workshop Atelier d’écriture avec François Bon, Master Territoires Traversés Paysages Inventés, Retour de Guinée, le 17 novembre 2016
Apprendre de(puis) l’ailleurs
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Lors de notre arpentage sur ce territoire, deux thématiques réflexives nous ont intéressés :
Mutations et pressions foncières Ce territoire reflète la tendance actuelle dans les quartiers centraux de Conakr y d ’une mutation du bâti très rapide. Les pressions foncières s’accroissent et la zone se densifie. En effet, de plus en plus de constructions verticales sortent de terre rompant ainsi avec l’horizontalité de la ville. De nouveaux habitants s’y installent, ils construisent ou investissent sur ces fragments de ville, sans prendre part à la vie du village, ils sont appelés les «étrangers».
Cours communes et usages partagés La vie s’active au sein de cours communes, qui naissent çà et là, accessibles par d ’exiguës passages formés entre les maisons. Au fil de la journée, les habitants investissent ces cours comme des extensions de leur propres habitations en leurs attribuant divers usages. En effet, elles ser vent à la fois, de lieux de préparation pour fumer le poisson, réparer les filets, faire la lessive, la cuisine, la vaisselle ainsi que la douche pour les plus petits.
KAPORO HAFIA CHATEAU
GBESSIA
Deux journées à Conakr y, Kaporo 16 et 18 octobre 2016 09°61’13’75’’N 12°64’70’61’’O «Kaporo est l ’un des premiers villages constituant la ville de Conakr y. Il fut fondé par Manga Sangoré en 1650. Ce dernier avait deux f ils Kaporo Sika et Kaporo. Kaporo, était un village vivant exclusivement de la pêche et de l ’agriculture. C’était aussi la terre d ’accueil pour tous les Bagas (1).» nous dit le chef du village de Kaporo Travail d ’obser vation et de représentation Relevé habités / croquis / Photographies Réalisation d ’entretiens Equipe: 3 étudiants : Aïssatou, Margot, Marie-Léa, Mourana 2 enseignants : Lamarana Barr y, Ben Kaba Echelle g raphique du carré échantillon : 13cm=200m Légendes: R1 /R2 : Relevés topologiques P1 / P2 : Relevés d ’habitats 1/2/3/4 : Relevés photos C1 / C2 / C3 : Croquis
(1) Les bagas sont une population d’Afrique de l’Ouest vivant en Guinée. Ils sont les premiers habitants de la capitale. Par exemple, Conakry vient du mot baga « konakiri », tout comme la majorité des noms de ses quartiers et des communes alentours.
7
R5
R6
R4 4 2
3
1
C2 5
C1
R2 C2
1
R1
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5
6 3 C1
8
R3
F1
P2
7
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3 1
2 4
Apprendre de(puis) l’ailleurs
Mutations et pressions foncières 8
A Kaporo tout le monde se connait et fait presque partie de la même famille. Pourtant, aujourd ’hui, ce village de pêcheurs s’est vue rattrapé par l’urbanisation généralisée à Conakr y. 4
Ce morceau de territoire est situé en bordure de mer. C’est pourquoi peu à peu, une nouvelles population plus aisée vient y investir pour y construire des villas ou des immeubles en front de mer ou le long de l’embouchure du port. Les « villageois », occupants historiques, assistent impuissants à cette situation. Certains habitants sont poussés à partir contre un arrangement monétaire, leur permettant de vivre dans de meilleures conditions, le temps d ’un futur court-termiste. Pour d ’autres, ils sont tout simplement chassés de leurs terres.
F1: la rue où l’on se rend compte de la mutation verticale, à l’inverse de l’horizontalité des maisons typiques
Maisons traditionnelle du village
Immeuble en cours de construction
Maison de nouveaux arrivants
C2: Relevé de façades
R2 C2 5 2
R1 3
1
C1 F1 6
7 9
Relevés topologiques 1 et 2
C1: En arrière plan, les nouveaux immeubles
1 : Ecclectisme du bâti
2 : La rue et ses limites
Relevé d’une rue où la mutation est déjà présente avec la construction d’une villa. L’implantation de cette nouvelle construction vient rompre avec les usages traditionnels des cours extérieures qui se voulaient ouvertes à tous. 3 : Construction neuve du « malinka »
Matières des lieux
nouvelles constructions institutions privées arbres maisons traditionnelles mer
4 : Vue depuis le boulevard 7
10
5
5 : Au cœur de Kaporo
4 1 2 6 8
6 : Une construction en attente
7 : Mutation ?
3
Lors de notre passage, beaucoup d ’habitants étaient méfiants à notre égard. Certains, presque nonchalants, un enfant nous a même demandé : « pourquoi tu dessines ma maison ? Tu vas y construire un immeuble ou une grosse maison ? » Nous avons donc demandé au chef de village ce qu’il pensait de cette spéculation foncière qui gagne de plus en plus le village. Il nous a répondu : « C’est notre terre et personne ne la vendra au prof it d ’un plus riche... » Pour nous il est évident que la mutation et la pression foncière gagnent de plus en plus de terrain sur le village. Il suffit d ’obser ver et de voir émerger au milieu des concessions (bâti horizontal), les ponctuations verticales des immeubles en constructions.
8 : Vue depuis le port, sur la rive d’en face
9 : Aux abords du village, les immeubles
7
10 : Face au port, de l’autre côté du pont
Apprendre de(puis) l’ailleurs
Cours communes et usages partagés Dans le village de Kaporo, on y vit en communauté. Les interstices entre les maisons sont vécus comme des lieux en perpétuel mouvement où permutent plusieurs usages : espaces de passage et cours communes au sein desquels la vie s’organise. Ces cours communes ont une typologie particulière, souvent composées d ’un ou plusieurs arbres sous lesquels on s’abrite du soleil. Les habitants s’approprient ces cours qui jouxtent leurs maisons, parfois utilisées comme des extensions de leurs habitations. Le r ythme des marées marque la vie de ces cours : ainsi les hommes reviennent de la pêche avec leurs poissons frais et les femmes prennent le relais ; celles-ci les nettoient, les vident, les sèchent et les fument sur les fumoirs avant de les vendre au marché. Par la suite, elles préparent le repas puis font la vaisselle, la lessive. Dans l’après-midi, après l’école, les cours deviennent le lieu où les enfants jouent et font leur toilette.
C2
3 1
2
C1 4
Relevé topologique 2
1 : Faire la vaisselle et laver le linge
2 : On nettoie et éviscère les poissons
3 : Vue de la cour commune
3 1 4
P1 : Relevé d’une cour
2
4 : La présence d’arbres dans les cous
Matières des lieux
F1 P2 4 3 2
1
Relevé topologique 3
A redessiner sur calque + annotation et cotes 1 : La vie s’organise autour des fumoirs
F1
1
4
2 : Cours communes, extension des maisons
3 : On fume le poisson avant de le vendre
4 : Lieu de travail: le « fumoir »
F1: Panorama
P2 : Relevé d’une cour à Kapora
2
1 3
Modes de vie et mutations urbaines Kaporo, petit village historique de pêcheurs, situé entre terre et mer à l’embouchure d ’un fleuve, voit son environnement changer. De plus en plus de constructions verticales sortent de terre pendant que dans le village, les concessions historiques sont en pleines mutations. Ces dernières, traditionnellement construites en terre crue, évoluent en fonction des moyens vers le parpaing. La plupart des habitants souhaitent aujourd ’hui des maisons en « béton » qui répondent davantage, selon les habitants, aux standards « d ’une vie moderne » et permettent d ’asseoir une reconnaissance sociale. La forme urbaine reste encore aujourd ’hui très horizontale, étirée le long de la péninsule. Mais l’exemple du quartier de Kaporo n’est pas isolé. Il se fait l’expression des mutations urbaines en cours dans tout Conakr y. Peu à peu des immeubles émergent le long des axes principaux, en cœur de quartier. En bord de mer, de luxueuses villas sont édifiées toutes entourées de limites sécurisées. En décalage avec les traditions « villageoises » qui se voulaient plus communautaires, ces « nouveaux arrivants » semblent se cacher (ou se protèger) derrières leurs murs.
Matières des lieux Conakr y - Gbessia
8h40 – le 19 octobre 2017 Comme chaque matin. Comme chaque matin il faut se réhabituer à la chaleur ce poids, cette masse, sorte de présence invisible qui vous pique au pied du lit, à peine sorti de la chambre d ’hôtel. Elle est toujours là, infaillible, guettant les yeux qui lentement s’ouvrent, lentement se repèrent, qui lentement se lèvent suivis de l ’enchaînement de membres, dont un pas de côté suff ira au doigt de la main pour éteindre le loquet d ’une certaine boîte, dont l ’hélice, si électricité il y a, sert de ventilation et au-delà, à être ailleurs. Alors quand la ventilation n’est plus, il n’y a plus d ’ailleurs, et elle qui guettait, s’installe maintenant comme une épaisse vague, qui vous dévisage et vous ramène en un rien de temps au bord des choses et du réel. Nous sommes à Conakr y - hôtel Solima, le dix-neuf octobre deux mille seize, il fait chaud, lourd. C’est le corps déjà fatigué que je monte deux étages pour prendre le petit-déjeuner. Je me rappelle hier, l ’arrivée au port de Gbessia, la chaleur telle que je ne l ’avais jamais sentie, harassante, étouffante. Encombrante, quand il fallut obser ver ce qu’il y avait à voir. A peu près tout. Tout semblait étranger, intéressant, tout était différent. Tout - et je ne comprenais rien. Alors avant d ’arriver voir la mer, nous descendîmes lentement de là où nous avions laissé les voitures, par-delà le chemin que suivaient les étudiants, mais ce n’était pas un chemin, ni un passage, ni une route d ’ailleurs, mais une succession d ’espaces communs, d ’espaces extérieurs, par fois intérieurs qui m’apparaissaient comme une succession d ’espaces privés mais f inalement non. Ici, l ’espace public est comme une succession d ’espaces un peu privés, dirons-nous communs, où déf ilent au fur et à mesure de nos pas, la vie des gens, surtout des femmes qui cuisinent là, et les enfants autour. Ces enfants qui jouent aussi dans un immense terrain de foot, que l ’on parcourt, avant d ’arriver au port. Un endroit impensé à l ’embouchure de la mer, le tableau coloré de mille bateaux, d ’autant de f ilets, réparés par des hommes et leurs couteaux, d ’odeurs, de saveurs, de glace, de poissons, de plastiques, de sacs en plastiques, d ’une loterie juchée là, - à l ’entrée de ces f inalement mille tableaux éclairés d ’un soleil de plomb.
Apprendre de(puis) l’ailleurs
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Le secteur de Gbessia nous en rendrons compte ici à partir de deux approches : les espaces extérieurs qui fabriquent de la vie en commun, puis le port sorte de centralité dans la vie du quartier.
Les espaces de « l’en commun » La vie guinéenne est à l’extérieur, très souvent. Ainsi quand l’on parcourt un quartier, les distinctions entre privé et public telles qu’on les entend d ’un point de vue occidental, sont entièrement rejouées. Ici, entremêlées, elles fabriquent des espaces communs foisonnants.
KAPORO HAFIA CHATEAU
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Les usages multiples du port De la pêche à la préparation du poisson, le port se transforme tout au cours du processus ; odeurs et ambiances se modifient le long des allées et venues d ’habitants qui fabriquent cette vie. Sorte de marée humaine qui par son travail, prolonge le mouvement de la mer. Cette mer, pourtant essoufflée par tant d ’activités.
Deux journées à Conakr y, Gbessia 16 et 18 octobre 2016 9°33’43.58’’N 13°37’32.57’’O Gbessia port I est un ancien port de pêche, situé aux frontières de l’aéroport et de l’océan, aux arrivées et départs de plusieurs nationalités. D u quartier, on rencontre des Ghanéens, des Sierra-Léonais qui parlent anglais mais aussi de vieilles familles guinéennes. Travail d ’obser vation et de représentation Relevés habités / croquis / Photographies Réalisation d ’entretiens Equipe: 5 étudiants : Charles, Christo, Kaba, Mélanie, Philippe 2 enseignants : Tangui, Alpha
Echelle g raphique du carré échantillon : 13cm=200m Légendes: R1 /R2 : Relevés topologiques P1 / P2 : Relevés d ’habitats 1/2/3/4 : Relevés photos C1 / C2 / C3 : Croquis
airport
rue de Oumar
R1
R2 terrain de jeu des « petits » cimetière
R3 terrain de foot des « grands»
R4
Gbessia Port I
place arrivées et départ des pirogues
bassin inutilisé
Apprendre de(puis) l’ailleurs
Les espaces de « l’en commun » Découverte d ’un quartier Retournant au sud de Conakr y, là où nous atterrîmes, dans le quartier nommé Gbessia. Cette fois-ci nous longeons l’aéroport. Il est étonnant de voir des habitations aussi proches de la piste et ces rues de plus en plus étroites au fur et à mesure que l’on pénètre dans le quartier. Arrivés, Christo et Charles nous amènent alors devant le portail d ’une maison cossue. O umar Kaba, aussi étudiant en architecture nous accueille chez lui puis nous invite à le suivre jusqu’au port. Dans sa rue d ’abord, il y a de belles maisons, de beaux portails. Une fois tourné à gauche, il n’y a plus de portail, plus d ’identification d ’une quelconque propriété. On passe au travers de multiples espaces - intérieurs, extérieurs ? - indistincts pour nous, mais habités, vivants.
C1
rue de
ar
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Relevés topologiques 1 et 2
RELEVE 1 - Croquis 1 - Vue depuis la maison de Oumar
RELEVE 1 - 2 - façades Est
RELEVE 1 - Plan général - L’espace extérieur comme seuil commun
RELEVE 1 - Photos 1, 2 et 3 Arbre debout, arbre couché et fils à linge
Matières des lieux
Passés au travers d ’une cuisine, du linge étendu partout, parfois parterre, nous avançons maintenant dans une rue bondée d ’enfants, de petits enfants jouant au foot précédant les passes des plus grands jouant aussi au foot, un peu plus loin sur un immense terrain. Comme l’apprentissage reconnu de l’espace, de ses dimensions et de sa valeur, cultivé par les plus grands qui s’octroient gentillement le plaisir de narguer les plus petits. Mais les rires et les cris quels qu’ils soient remplissent ces lieux vides et silencieux, muets comme le cimetière de derrière. Alors quand le ballon s’échappe hors du vide, dans le plein du cimetière ces vies avivent le repos, assurant que ni le vide, ni l’occupation morne d ’un cimetière n’auront raison d ’une belle partie de jeu. équipe de foot au complet
P1 - rue de Oumar, rue des portails aux belles maisons
P2 - la rue est un seuil commun de quatre maisons
P3 - continuant, le terrain de foot des grands qui succède celui des petits
P4 - l’entrée sur le port, la loterie à gauche, la cabane de moteurs à droite
RELEVE 2- Panoramas de façades qui défilent pour descendre jusqu’au port
P5 - filets et parasols
Apprendre de(puis) l’ailleurs
Les usages multiples du port Après l’énergie des joueurs de foot, il y a le fourmillement du port. Des couleurs, des bateaux, des odeurs. Une telle densité de choses que l’on ne sait où regarder. Et finalement, tout se précise. L es pirogues vont et viennent, s’amarrent près des autres se faisant réparer, tout comme les filets que des hommes rafistolent au couteau. Et puis il y a ceux qui fabriquent les poids pour les filets, ceux qui s’en retournent pêcher, les camions de glace qui arrivent et les femmes du quartier qui arrivent aussi, marchander, acheter le poisson des piroguiers qui seront rentrés. Et on retrouve le poisson, partout comme le linge en train de sécher, attirant sur lui les mouches du coin. Finissant finalement par se faire manger dans une bouchée de soupe, accompagnée de riz.
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1
Relevés topologiques 3 et 4
maison de l’imam maison en construction d ’un commerçant peul
maison du colonel Conti
maison de O umar
RELEVE 3 - Croquis et panorama 1 La façade du quartier, esquissée et photographiée depuis la pirogue
RELEVE 3 - Plan commenté - L’organisation d’une activité portuaire
RELEVE 3 - Photo 1 et 2 Filet de pêche à réparer et glace pour conserver
Matières des lieux
P1 C2 2
C1
Dans cette cohue, il y a un repère, un bar. Le bar café Badala, au milieu d ’une place, entre la sortie du terrain de foot et l’entrée au port, non loin d ’un tas d ’ordures et de baskets qui sèchent en file indienne posées à même le sol, suivant les heures d ’ailleurs, car parfois postées sur un meuble, dehors, ne craignant la pluie. Le bar café est récent. Q uelques morceaux de bois pour la structure, de la tôle pour les murs et du tissu, comme brise soleil aux ouvertures. Tout est aisément placé, signe de l’intelligence habitante à construire un lieu avec presque rien.
1
RELEVE 4 - Plan général Place articulant le terrain de foot et le port
RELEVE 4 - Croquis 1 Vue depuis la route
RELEVE 4 - Croquis 2 Ustensiles stockés dans le bar
RELEVE 4 - Plan intérieur du bar café Un espace sur-mesure
RELEVE 4 - Photo 1
RELEVE 4 - photo 2 - Façade ouest
RELEVE 4 - Plan photographique - Couleurs et ambiances intérieures
Fils à liberté Fils à linge, fils électriques, fils de pêche. Des fils. Partout. Partout, c’est aussi là que l’on passe. Des lieux différents s’enfilent sans réelle distinction, il n’y a que peu de limitation visible, matérielle. C’est l’étalement (du) quotidien. Il y a bien les maisons qui articulent des espaces familiaux, à l’ombre, mais il y a cette même proportion d ’espace, qui se joue à l’extérieur, dehors. Ce n’est pas l’espace public occidental, dehors ici, c’est un commun habité, une sorte de place du village continue, pas une place du coup. Un fil continu, un fil de village. Un filet ? Figure même du port, le filet r ythme la danse des hommes à couteaux, préparant la sortie à un autre extérieur, l’océan. Tout comme il y a ce rapport intérieur / extérieur au port il y a ce rapport terre / mer. La vie s’étend à l’eau, reliant alors la terre à elle-même, et amenant sierra-léonais et ghanéens au quartier. En effet. Il y a dans ces rapports, intérieur/extérieur et terre/ mer, une forme de liberté. L e passage de l’un à l’autre est facile, visible. Trop facile peut-être pour ces plastiques qui se saisissent du passage et polluent. Plages, mer sont une déchetterie immense et béante qui altère le rapport terre / mer, qui pourrit, qui pollue la vie.
Matières des lieux
Matières des lieux Conakr y - Hafia Chateau
18 Octobre 2016 – 9h Après quelques minutes dans le traf ic guinéen, le taxi s’arrête le long d ’une rue passante, entre des canapés en vente sur le trottoir. Quelques pas plus tard, nous sommes dans la cour de Steeve, le chef de secteur. C’est lui qui va nous faire découvrir Haf ia Château et nous présenter aux habitants. « Toi, tu ne peux pas te repérer ici. Moi je suis né dans ce quartier. Je connais tous les coins et les repères. » En arrivant, Steeve se présente et commence par nous expliquer son rôle et les limites du secteur 1 dont il est le chef, le référant. Son secteur est inclus dans le quartier Haf ia Château (5 secteurs) qui appartient à la commune de Dixinn. Au total, ce sont huit quartiers dont le nom est associé à Haf ia. Tandis qu’il existe plusieurs explications pour comprendre d ’où vient le nom de Haf ia, château, lui, fait référence au château d ’eau situé dans les hauteurs du quartier. Tout en nous expliquant l ’organisation de son secteur, Steeve nous en fait faire le tour. Au Sud, le chemin de fer vient créer une limite, au nord-est le long d ’une rue non goudronnée on retrouve un hangar qui fut jadis un lieu de regroupement du quartier, ce fût même un cinéma dans les années 90. Ici, le rôle de Steeve est en partie de régler les conflits de voisinage, de sensibiliser les habitants et de participer aux instances du quartier. « En cas de conflit, c’est moi la première personne à être avisée. Par exemple, par fois un enfant va chez son voisin provoquer un autre enfant. C’est à moi de dire lequel à raison. Ce sont les petits problèmes que je rencontre dans le quartier.»
(1) KEBE-GANGNEUX, J, 2016, Quand les citadins font et défont la ville à Conakry : le droit à l’espace , Environnement Urbain / Urban Environment [En ligne], Vol.10, 2016 | 2016, mis en ligne le 25 octobre 2016, consulté le 22 novembre 2016. URL : http://eue.revues. org/1463
Après nous avoir fait découvrir son secteur en passant par de multiples passages et espaces ouverts, Steeve a absolument voulu nous emmener au château d ’eau. Si ce dernier n’avait rien de singulier, suivre Steeve au travers des ruelles nous a permis d ’entrer dans des lieux que l ’on n’aurait jamais pensé publics. Dans ce secteur, les espaces extérieurs sont en fait tous accessibles même si par leurs conf igurations ils paraissent privés, aucune barrière ne vient limiter ces espaces. Pourtant, depuis quelques années, de nouvelles constructions ou murets viennent entraver le caractère passant du lieu, viennent fermer peu à peu certains passages (1)…
Apprendre de(puis) l’ailleurs
8
Lors de nos deux journées d ’arpentage dans le secteur 1 d ’Hafia Château, la vitalité de la vie et la multiplicité des usages qui s’y déroulent nous ont fortement interpellés, nous tenterons d ’en rendre compte à la fois par la morphologie du tissu bâti et la diversité de ces imbrications mais aussi par la valse des appropriations qui recrée à chaque instant de nouvelles urbanités tout au long de la journée. KAPORO
Kaléidoscope de r ue, des cours et des maisons À Hafia château, nous avons découvert un labyrinthe de ruelles menant à un enchevêtrement de cours communes, semi-privées etc. Le long des rues principales de nombreux commerces prennent place (coiffeurs, couturiers, épiciers, menuisiers, vendeur de meubles, de briques, alimentation...) tandis qu’à l’intérieur de l’ îlot, les tâches domestiques telles que la lessive et la cuisine et les relations de voisinage r ythment la vie du quartier. Les heures et les usages Ici, la vie se déroule à l’extérieur des maisons. L’ombre r ythme le déplacement des habitants afin de se protéger du soleil. Vers 17h, quand la température est plus agréable, les jeunes se regroupent. Les cuisinières sortent devant leur maison. Le dimanche, les lessives étendues dessinent l’espace.
HAFIA CHATEAU
HAFIA CHATEAU
GBESSIA
Deux journées à Conakr y, Hafia château 16 et 18 octobre 2016 9°33’24.5’’N 13°39’17.5’’O Au départ, ce quartier s’appelait Barbassia. C’était le nom d ’un européen venu installer sa plantation de manguiers et bananes au début du siècle dernier. A la fin des années 40, Le site est repris par la première société minière de Guinée qui y édifie des logements pour ses travailleurs d ’une compagnie minière. Mais en 1966, la compagnie française ferma ses portes. La cité fût récupérée par l’état guinéen pour y loger certains fonctionnaires. Q uarante ans après, ces familles qui se sont élargies au fil du temps, continuent à vivre. Aux dires du chef de secteur, il existe une réelle entraide entre voisins dans ce quartier. Cela n’est pas sans lien avec sa morphologie, et notamment la possibilité de le traverser de toutes part. Equipe : 4 étudiants : Belen, Fanta, Léa, Minthé / 1 enseignant : Julie Echelle g raphique du carré échantillon : 13cm=200m Légendes : R1-4 : Relevés topologiques P1-4 : Relevés habitats + cours 1-40 : Relevés photos C1-22 : Croquis
Hangar Coupe JJ
Coupe LL
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Coupe KK
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Coupe II
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Apprendre de(puis) l’ailleurs
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Kaléidoscope de rue, des cours et des maisons
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Le secteur I, aujourd ’hui très densément bâti, s’est construit au fil du temps par incrémentalisme. Avant d ’y arriver, la vue aérienne que nous possédions ne nous permettait pas de différencier réellement les pleins et les vides, le bâti des passages. Ce fut donc un défi pour nous de réussir à dessiner le plan de ces imbrications et de reconnecter tous les espaces entre eux. Le bâti « originel » (2) s’est, au fil du temps, étendu sur l’espace commun.
C16 C20
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Il est presque impossible de percevoir une organisation préétablie dans cet îlot. Des rues, permettant le passage des voitures, en dessine les limites. De nombreux commerces et ateliers s’installent sur le bas-côté dessinant une frange commerciale sur cet ensemble urbain. Ici et là, on aperçoit de nombreuses ruelles menant au cœur de l’ îlot. On rentre dans l’une d ’elles, on tourne de multiples fois, à droite et/ou à gauche en fonction des constructions qui obstruent notre marche pour enfin se retrouver de l’autre côté. Les passages, ruelles et cours sont le résultat des relations d ’emplacement de ces constructions. Ils sont les véritables lieux de vies des habitants.
Atelier Vente
Coiffeurs Commerces Co Coif oif oi o i f ffe feur eur e ur s C omm erces Vente - WOW Télé centre (vente de cartes - areba/orange/ Charge play mondial cellcom Carrefour Mondial
Location dvd
Passage
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Les rues limitrophes au secteur (2) Le bâti dit « originel » correspond au bâti édifié par la compagnie minière à l’origine. On retrouve deux types : les logements pour les familles et les logements « célibataires » selon les habitants.
Vendeuse de légume mobile
Relevé photographique - Façade rue passante
Passage
Passage étroit Boutique d ’alimentation
Passage
Vendeuse de légume
Ecole
Relevé photographique - Façade rue passante suite
Une femme coiffe une petit fille sur le pas de la porte
« C’est le carrefour mondial. Mondial 94, parce que quand les brésiliens ont gagné la coupe du monde, il y avait une équipe ici qui s’appelait brésilien. Du coup, ils ont surnommé le carrefour mondial. Tout le monde le connaît sous ce nom. » Steeve (chef de secteur) Relevé topologique 3 : Le carrefour mondial
Sac de charbon en vente
Ustensile de lessive en attente
Compagnie de Bauxite de Kindia
Croquis 14 : Le long de la voie de chemin de fer
Croquis 20 : Les usages domestiques prennent aussi place le long de la rue
Croquis 18 - R4 : Atelier sur rue Croquis - Atelier / Stockage
Rideaux devant les portes
Vente de légumes et fruits
D u linge étendu
Croquis 19 : La vente prend place devant les maisons
Tissu en train de sécher
Chaussures
Croquis 16 : Boutique de produits de beauté
Matières des lieux
R2
C6-11 1-10
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C6 Carrefour Mondial
Le cœur du secteur 1
Croquis 8 - L’entrée d’une maison C8
C11 Croquis 11- R2 : Cour intérieure G
Coupe HH - R2 : Seuils - espace de cuisine
La lessive
G
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Croquis 6 - R2 : Cour commune
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Co
Relevé de cour - R2 : les usages selon l’heure
Relevé topologique - R2 - P lan de la cour et d ’un logement
Apprendre de(puis) l’ailleurs
Les heures et les usages A notre arrivée, le mouvement des habitants nous interpelle. Les usages évoluent plus vite que le temps dont nous disposons pour les répertorier et les dessiner. Quand je relève la tête, la scène de lessive est déjà f inie, c’est maintenant un enfant qui lave ses chaussures.
20 3
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Comment rendre compte de ce quotidien qui se déroule sous nos yeux ? Comment trouver la technique de relevé et de dessin pour essayer de comprendre l’organisation spatiale de ce tourbillon d ’usages ? Nous revenons, un mardi… et c’est encore d ’autres ambiances… Les enfants ne jouent plus dans les rues, ils sont assis sur les bancs de l’école à écouter leur maîtresse et à chanter. Ce n’est plus non plus l’heure des lessives. Les rues principales regorgent d ’activités, d ’allers-retours entre commerces.
Repérage des photographies
LA LESSIVE DU DIMANCHE
Selon l’heure de la journée, les femmes s’activent : mouiller, frotter, rincer et faire tremper les vêtements pour ensuite les étendre. Les fils et les habits de toutes les couleurs délimitent et séquencent les espaces, les bassines les ponctuent. Et nous… nous nous baissons et cheminons dans ces entrelacs.
Relevé photographie 15 : Ligne de linges
Relevé photographie 17 : Essorage de vetement
L’HEURE DE LA SIESTE Après le déjeuner, l’ambiance est bien plus calme. Le soleil passe au zénith. Les habitants s’abritent sous les arbres, les vérandas, chez eux… La chaleur est à son apogée, c’est l’heure de se reposer. Le silence s’est installé dans les cours d ’Hafia, contrastant avec le brouhaha des rues alentour dans lesquelles on ressent toujours l’agitation des activités commerciales et de la circulation routière. Relevé photographie 20 : L’arbre et l’ombre
Relevé photographie 18 : La sieste le long d’un mur à l’ombre
Matières des lieux
LES REGROUPEMENTS En Guinée, la vie se déroule dans et sur la rue. A Conakr y, cellesci sont vivantes et animées. Les habitants se regroupent par petit ou plus grand nombre: sur les quelques marches devant une porte permettant de s’asseoir et discuter, dans un porche pour débattre, à l’ombre d ’un arbre pour prendre le thé en fin d ’après-midi… bien sûr l’heure la plus propice à ces regroupements, est la fin de journée, lorsque le soleil décline. Relevé photographie 40 : Porche habité
Relevé photographie 10 : Seuils
Relevé photographie 12 : Belen entourée d’enfants
Relevé photographie 13 : La maîtresse
Relevé photographie 9 : Bassines et planches de lessive
Relevé photographie 3 : Braseros
L’HEURE DE L’ÉCOLE En Guinée, les enfants sont aussi présents dans les espaces publics. Alors lorsque nous évoluons dans le quartier, ils restent avec nous et si on dessine, ils nous entourent. Ils r ythment, pour nous, la vie de Conakr y en jouant et en se chamaillant. A l’heure de l’école, le contraste est saisissant avec les autres moments de la journée : un certain silence règne sur le secteur. Au loin, nous les entendons réciter.
LES USTENSILES QUOTIDIEN
DU
Les ustensiles (marmites, bouilloires ...) du quotidien sont mobiles, ils ponctuent les espaces extérieurs, tour à tour devant les maisons ou au milieu d ’une cour, tout dépend de leur utilisation et du moment de la journée. Ici la machine à laver est remplacée par des bassines et des planches, quand à la cuisinière, elle est constituée par des braseros ou fourneaux à charbon.
La course du soleil et des habitants Hafia Château, comme tous les autres quartiers de Conakr y, se réveille à la lueur du soleil. C’est un peu avant 7h du matin que les habitants commencent à sortir de leur maison. Le vendeur de pain ambulant hurle pour marquer sa présence. Les commerces s’ouvrent. Les enfants se courent les uns après les autres en direction de l’école. Chacun part vaquer à ses occupations. Voitures et piétons se partagent alors les rues. Plus le soleil monte dans le ciel, plus chaque espace d ’ombre devient un petit paradis. Le moindre débord de toiture, le porche ou l’arbre deviennent des lieux de pause potentiels. Certains discutent, attendent, ou travaillent jusqu’à l’heure du déjeuner. A ce moment-là, les cuisinières sont de sortie, toujours à l’ombre pour s’abriter du soleil. Puis chaque famille mange avant de se poser à l’heure ou la chaleur est à son comble. De même pour nous, après une longue matinée de dessin, où l’on favorise les lieux à l’ombre pour obser ver et relever, nous partons déjeuner et nous reposer. Dans l’après-midi, la vie reprend peu à peu sa place, la ville s’anime en même temps que la chaleur se dissipe. C’est aux alentours de 17h, lorsque la lumière est moins éblouissante, que les gens se regroupent pour boire un thé et discuter. Jusqu’au soir, les rues sont pleines, l’ambiance est animée. Puis, petit à petit, la nuit tombe, le silence s’installe quand la lune apparait. La ville se rendort jusqu’au lendemain matin où tout reprendra. Ici, la chaleur et le soleil sont tels qu’ils r ythment la vie de tous les guinéens.
Matières des lieux
Moyenne Guinée Basse Guinée Conakry
Haute Guinée
Samaya
Guinée Forestière
La Guinée - La CRD de Samaya
Matières des lieux Kindia Le façonnage des objets du quotidien L’artisanat face à la culture du catalogue
Samaya-Kankoukhouré La séparation du village par la rue principale Les origines du village : d’une concession à l’autre
Samaya-Tanene Les maisons coloniales de bord de rue Rythmes et transformations de la vie du village par le marché
Samaya-Barekhoure L’histoire de la concession du Mangué Aboubacar Le potager comme activité vivrière et réserve foncière
Samaya-Baneya Les espaces du quotidien Les morphologies d’un habitat traditionnel
Samaya_Waliya Les formes habitées et leurs relations d’emplacement Le cycle de la matière
Matières des lieux Rencontre avec les artisans de Kindia Extraits de notes - carnet de T.Robert, 22 octobre 2016 , visite des artisans avec Mr BADE - responsable du secteur Vannerie. Chez Mr SISSE ABOUBAKAR / Secteur des Serruriers Dans cet atelier, possibilité de réaliser des charpentes métalliques, des séchoirs, des porches... Achat prof il en fer et façonnage à mesure (pas de stock) / Toujours première couche de peinture réalisée à l ’atelier. Ordre de prix : Grand portail : 6 millions 500 mille FG / Porte Moucharabieh 1millions 400 mille FG (deux battants) et 1 million FG (simple battant) / Antivol 400 mille FG Chez MAMADOU GALOU / Secteur des fondeurs Réalisation des marmites en fonte d ’aluminium pour la cuisine, également des louches et des grandes cuillères. Pour le coulage, système de cadre en bois dans lequel est tenu le contre moule en sable de fonderie. Un second cadre bois vient se positionner par-dessus laissant juste un vide d ’air correspondant à la forme de la future marmite. Ordre de prix : Grosse marmite (70 cm de diam) 55 000 FG / Petite marmite (25cm de diam) 30 000 FG Chez FOFANA L ANSANA (président de la f ilière bois) /secteur des menuisiers -Achat des billots de bois à la coopérative et sciage sur place. Pas de scie à rubans dans l ’atelier. -Trois grandes essences de bois (du + au - cher) : Mendna / Barri / Lengue. -Tous les meubles se choisissent sur photos et sont réalisés après commande. Seules quelques meubles restent devant l ’atelier pour montrer le savoir-faire. Ordre de prix : Une table et six chaises : 1 millions 700 mille FG / Un meuble de rangement grand salon (4.5ml) : 4 millions 500 mille FG / Un lit (avec tête de lit travaillée) : 1 millions 750 mille FG / Une porte simple : 550 mille FG Chez MAMADOU BAILO DIALO /secteur du fer blanc -Peut fabriquer le baba (la houe), couteau, cage, arrosoir, clou, fourneau économe, brouette … / Tout est en métal récupéré à partir de boites de conser ve ou de voitures / Soudure à l ’étain et soufflage par ventilateur fabrication maison. Ordre de prix : Couteau : 20 000 FG / Arrosoir : 40 000 FG / Brouette : 35 000 FG / Foyer simple 25 000 FG et foyer «économe » 40 000 FG
Apprendre de(puis) l’ailleurs
L e but de ces visites d ’ateliers était de mieux cerner certains aspects du processus de fabrication artisanale qui font vivre et perdurer une économie locale. Ces ateliers sont représentatifs de modes de travail, d ’approvisionnements, et de savoir-faire. Nous aborderons ces visites sous deux angles, d ’abord par la question de la fabrication des objets du quotidien, qui bien souvent façonnent la vie des guinéens, ensuite par la question de l’impact des catalogues de produits standardisés sur la production artisanale.
WALIYA
SAMAYA
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Le façonnage des objets du quotidien Sur les étals des différents artisans, se retrouvent les outils et les objets de la vie quotidienne. A quel point ces objet façonnés localement portent-ils en eux une part de la culture et du mode de vie guinéen ?
BANEYA
Deux journées à Kindia 24 et 28 octobre 2016
L’artisanat face à la culture de catalogue Les différents ateliers d ’artisanat oscillent souvent entre deux modes de fonctionnement: d ’un côté très inventif par obligation (rareté des matières premières et des machines-outils) et par demande liée à l’usage (ajustement des outils en fonction de demandes singulières), de l’autre la répétitivité mais aussi l’efficacité de produits fabriqués à partir d ’un répertoire préexistant présentés dans un catalogue photos de modèles standardisés.
P lace du centre ville devant la préfecture
Localisation des ateliers visités à Kindia
10°02’57’05’’N 12°51’15’26’’O Kindia fondé par Manguè Kindi Camara est connu pour sa production vivrière (légumes, fruits). On la prénomme le « jardin de la Guinée ». Elle est la deuxième ville la plus importante de la Basse-Guinée, derrière Conakr y, la capitale située à 135 km. Elle héberge la fédération professionnelle des artisans, (F.P.A.K.I) qui regroupe l’ensemble des filières de l’artisanat local en vue de fédérer les différents inter venants. Le travail a consisté en une collecte d ’informations auprès de divers ateliers : menuiserie, chaudronnerie, serrurerie, fonderie, fabrication de rotin, teinturier, briquetteries à partir de terre crue (stabilisée et non stabilisée).
Equipe: Groupe complet pour des focus avec les artisans F.P.A.K.I 2 enseignants : Alpha Kébé, Tangui pour la visite des ateliers Carnet de croquis
P lace du centre ville devant la préfecture
Zoom sur la localisation des ateliers visités à Kindia - La route principale draine le flux, de nombreux atliers sont installés à proximité.
Apprendre de(puis) l’ailleurs
Le façonnage des objets du quotidien Le travail de l’artisan répond au besoin direct d ’un commanditaire. Les objets qui sortent des ateliers en Guinée nous racontent encore beaucoup des modes de vie. Se retrouve ainsi, sur les étals, les outils agricoles, les ustensiles de cuisines, le mobilier, les fours économes qui sont autant de marqueurs des évolutions sociales. Ces objets nous disent aussi les enjeux liés à l’obtention et parfois à la raréfaction de certaines matières premières.
Relevés de l’étal de Mamadou Bailo Dialo - Fer blanc
Première réunion à Samaya avec des représentants de quelques corps d’états artisans. Discussion autour de l’importance de se fédérer entre artisans pour être davantage visibles, et accéder à des commandes plus importantes.
Matières des lieux
Atelier d’Ousman Mansare
Briqueterie de Bangaly Sangaré
Fonderie de Mamadou Galou
Atelier de Mamadou Bailo Dialo
Mélange terre ciment (6%)
Brique de terre compressée (crue)
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L’artisanat face à la culture de catalogue Dans les ateliers visités, les machines rudimentaires font directement porter le savoir-faire sur l’œil et la main de l’artisan. L’artisanat repose sur un équilibre entre répétition et invention. D’une part, se généralise le catalogue photo dans lequel chaque artisan regroupe ses réalisations, sur la base de laquelle l’acheteur choisit son modèle qu’il attend à l’identique. Mais ces réalisations, qui pourraient être à chaque fois renouvelées et spécifiques, tendent plutôt vers une homogénéisation et un appauvrissement de la production répondant à la fabrication d ’objets comme marqueurs d ’une reconnaissance sociale. Pour autant, la raréfaction de certaines matières premières, ou la difficulté de leur approvisionnement, nécessite de la part des artisans une forme d ’adaptation et d ’invention. Les outils des travaux des champs ou les ustensiles de cuisine en sont le reflet, souvent fabriqués sur mesure.
Croquis de l’atelier d’OUSMAN MANSARE /secteur du rotin Problème d’approvisionnement du rotin (jusqu’en guinée forestière) / Le bambou lui, vient de Foulaïa / Il y a un exemple de maison en bambou en R+1 à Kindia (Mr Férifou) / Ordres de prix : - Fauteuil : 350 000 FG - Grande étagère : 850 000 FG - Table natte : 350 000 FG - Natte (120x70) : 75 000 FG - Tout le salon en bois : 3 M FG
Catalogue - atelier Fofana Lansana
Catalogue - atelier Sisse Aboubakar
Catalogue photo - atelier de Fofana Lansana / filière bois
Catalogue - atelier Ousman Mansare
Matières des lieux
Atelier de Mamadou Galou - répétition de la forme à partir d ’un moule unique par diamètre
L’artisanat dans le tissu urbain Les ateliers sont souvent proches des axes principaux de desserte, certains donnant directement dessus, pour des raisons évidentes de visibilité et d ’accès. Pour des raisons commerciales, des regroupements par secteurs d ’activités sont également à l’œuvre: le quartier des menuisiers, des serruriers, des fondeurs... Pour autant, les ateliers que nous avons visités sont tous insérés dans le tissu urbain, jamais à l’écart, ils sont enchâssés entre les habitations et les autres commerces. Le façonnage artisanal et ses différents savoir-faire se donnent à voir. Les activités artisanales sont visibles, elles s’entremêlent et participent de ce fait à la vie quotidienne de la ville.
Etal de Mamadou Bailo Dialo - le long de la dĂŠpartementale
Matières des lieux Samaya - Kankoukhouré 8h40, le 24 octobre 2016 Pas comme chaque matin. Pas comme chaque matin, l ’on se réveille dans un lit deux places qui n’est pas le sien, ni celui d ’amis, ni même celui de parents ou pourtant la photo posée sur l ’étagère qui borde le lit, fait signe d ’une conjugalité certaine et pourtant méconnue. Pourtant comme chaque matin, qu’importe le lit, c’est la chaleur qui vous dit bonjour, puis la moustiquaire qui vous resalue. Avant de poser le pied par ter re, il faut enlever cette toile qui vous protège de la nuit et de ses piqûres. Et la journée commence ; petitdéjeuner, douche au seau, quelques rires et nous voilà partis à l ’entrée du village de Samaya, saluant d ’un « tanamoufeïen » chaque habitant croisé. Le salut est de rigueur, et comme l ’on commence à se faire connaitre, on nous salue souvent. C’est agréable, je n’ai plus l ’impression de faire cela en f rance. C’est agréable et par fois trop quand le « tanamoufeïen » s’accompagne d ’un « foté » qui signif ie « blanc ». Il n’est pas malvenu, seulement quand on y pense, c’est étrange. Surtout que l ’on nous a appris à répondre « forè , signif iant « noir », alors là, le salut tourne à l ’absurde en un dialogue soussou complétement binaire ; - foté ! - forè. - foté, foté - forè... etc. La plupart des habitants de Samaya parlent soussou et très peu f rançais, en ce cas les entrevues sont très sommaires, par fois poussées par les gestes et les rires, mais cette bar rière reste un énorme trouble. Heureusement, les étudiants guinéens sont là pour dialoguer avec les gens, à Kankoukhouré notamment, où l ’on essaie de comprendre l ’origine du village. L’on s’installe sur un caillou, carnet et crayon à la main, esquissant ce que l ’on voit ; les bâtis, les cuisines, les poulaillers et très vite quelqu’un vient nous voir, nous donner une orange ou nous indiquer, par un geste de nous installer plutôt là, sur le banc qui est à l ’ombre. L’on se déplace, parlant entre nous et les questions émergent. Oumar, puis Christo décident d ’aller parler au monsieur qui est en face du banc. Il nous apprend que la première famille de Samaya est installée ici. Il parle de concession, c’est-à-dire d ’un ensemble d ’habitations pour une même famille et puis il n’en f init plus, il raconte l ’histoire. Quelques heures plus tard, un autre homme nous raconte l ’installation de la première concession, mais ce n’est pas la même.
Apprendre de(puis) l’ailleurs
Le village de Kankhoukouré, serait le village historique de Samaya. Nous avons voulu comprendre comment ce village s’est constitué : à la fois le long de la rue principale, mais aussi à partir de l’agrandissement et de la multiplication de ses concessions.
La séparation du village par la rue principale L’organisation vernaculaire de Samaya est découpée en son centre par la rue principale : parcourue pour aller au marché, traversée par ses habitants pour se retrouver à l’arbre des palabres, occupée par les nombreux vendeurs qui attendent à l’ombre… Cette rue est en quelque sorte un « centre linéaire » le long duquel se confrontent, de manière parfois chaotiques, diverses typologies de bâtis.
Les origines du village : d ’une concession à l’autre Nous avons ici tenté de comprendre la formation du village de Samaya à partir des morphologies de ses concessions, mais aussi en discutant avec ses habitants, héritiers d ’une histoire orale et invisible. L’organisation de Kankoukhouré, la concession habitée par la famille de Camara Abdòulaye sera ici détaillée.
WALIYA
SAMAYA
KINDIA
BANEYA
Sept journées à Samaya, Kankhoukouré 21-27 octobre 2016 10° 4’36.58’’N 13° 1’10.22’’O «Il y avait deux baobabs dans le village, celui de Kondéboungni est le plus vieux. Le premier habitant de cette concession était l ’imam de Samaya. Il venait de coyah et a décidé de s’installé à Waliya. Un jour, le chef de district de Samaya est allé le chercher pour qu’il vienne s’y installer et être l ’Imam du village. C’est Fodé Maréa qui lui a donné la ter re pour construire.» Extrait du carnet d’Andréas - 21 octobre 2016.
Travail d ’obser vation et de représentation Relevé habités / croquis / Photographies Equipe: 5 étudiants : Andréas Christo, Charles, Mélanie, O umar, Philippe Echelle g raphique du carré échantillon : 13cm=200m Légendes: R1 /R2 : Relevés topologiques P1 / P2 : Relevés d ’habitats 1 / 2 : Relevés photos C1 / C2 / C3 : Croquis
Vers le p ort Centre de Samaya
École de Samaya
Mosquée
Baobab
Kankoukhouré
ale
rincip
Rue p
Vers Kindia
Apprendre de(puis) l’ailleurs
La séparation du village par la rue principale D urant la journée, tout au long de la rue principale, des lieux plus ou moins permanents de commerces s’organisent : on y trouve un bar avec téléviseur, quelques kiosques, un petit marché, un four à pain… Des motos passent de temps en temps, effectuant des petites livraisons en provenance de Kindia. A la tombée de la nuit les villageois se réunissent sous les lampadaires, la rue principale redevient animée sous l’éclairage artificiel. Ces lampadaires éclairent seulement le centre du village. L’électricité est arrivée récemment à Samaya, on voit ces nouveaux poteaux qui traversent le village et les arbres qui ont été coupés pour laisser place aux câbles. Dès qu’une coupure s’annonce, les génératrices démarrent et résonnent jusqu’au petit matin pour alimenter les quelques maisons équipées.
Relevés topologiques 1
a. Carrefour central avec marché et mosquée
b. Vente de nourriture près d’un abris
1. : Bifurcation au carrefour central
c. Petit pont pour rejoindre les habitats
C1 : Vues depuis le carrefour central
d. Réunion sous l’arbre à palabres
Matières des lieux
C2 : Façade donnant sur la place centrale
g
b
P1 : Maison escalier
a
c
e. Entrée de Samaya
d
f
e
L’intérieur de notre maison d’accueil f. Arbres coupés au bord de la rue principale
g. Maison en ruines toujours habitée
R1 : L’espace public organisé autour de la rue principale
Apprendre de(puis) l’ailleurs
Les origines du village : d ’une concession à l’autre Kankoukhouré est, selon un témoignage, le point d ’origine du village. Lorsque l’on y entre en quittant la rue principale, on traverse des concessions qui délimitent, par leurs implantations bâties, différents espaces extérieurs. Le parcours de la rue vers les concessions est fabriqué par différentes places encadrées à chaque fois par des maisons en terre construites par les habitants eux-mêmes. On remarque, dans la plupart des concessions, que les activités domestiques se passent à l’arrière des maisons; à l’avant, une zone de détente et d ’accueil est souvent marquée par un arbre. Si l’on traverse ces espaces l’après-midi, lorsque le soleil tape fort, on croise peu de gens. On retrouve des chèvres, des poules, des chiens et le feu des cuisines qui s’éteint lentement. L es habitants se reposent à l’abri du soleil.
Relevés topologiques 2
a. L’entrée vers Kankoukhouré
C3 : ambiances des cours arrières.
b. Cour avant
c. Espace cuisine extérieur
P2 : Maison de Camara Abdoulaye
d. Espace de détente après le travail de la journée
Matières des lieux
2 : Relevé de l’espace extérieur de cuisine.
a
b
C4 : Petites structures pour loger les chèvres
C5 : Descente vers Kankoukhouré
R2 : Plan de concession à Kankoukhouré et ses alentours
c
d
Quelques façades de la concession
Focale sur R2 : Plan rapproché d’une concession à Kankoukhouré
Une vie habitante Depuis le coeur des concessions, autour d ’une place, ou plutôt d ’un enchaînement de places, on assiste au circuit court d ’une vie vivrière, où les maisons formant la place donnent à l’arrière sur des cuisines extérieures, elles mêmes prolongées de parcelles cultivées produisant ainsi une articulation simple de la formation d ’une vie habitante. Les concessions sont souvent calmes pendant la journée, marquées par le mouvement des femmes qui font des aller-retours aux champs pour récolter les cultures. Q uelques plantes et arbres fruitiers entre les maisons permettent d ’autres récoltes plus rapides. Les hommes qui travaillent à l’extérieur sont de retour vers 16h ou 17 h s’ils sont passés à la mosquée avant. L es fins de journées racontent beaucoup de la vie du village. Tout à la fois, on assiste aux conversations, un jeune homme se fait couper les cheveux entre deux cours, les écoliers reviennent en courant, un groupe de voisins se recueille... En se déplaçant, un peu plus vers l’est, on peut emprunter un petit chemin qui mène vers l’école de Samaya. Tout près, on passe à côté d ’un terrain de foot rempli de jeunes après les classes; puis peu à peu les habitations s’espacent et se font de plus en plus rares; on traverse alors un champ de graminées géantes en descente et le lac de Samaya apparaît sous nos yeux. La plage de rochers noirs est calme, une famille fait sa lessive et de l’autre côté un groupe d ’hommes se lave après une journée de travail...
Matières des lieux
Matières des lieux Samaya - Tanene
Extraits de notes - carnet de B.Ramos, 21 octobre 2016 9h00 P remière journée de travail à Samaya. Notre groupe étudiera la partie entre le marché et le port qui s’appelle Samaya Tanene. 11h30 Nos han contado que el árbol más importante se llama Yemen, la sombra de éste el punto de reunión de comerciantes que llegan desde el lago. Medimos las estructuras de palos de madera atados con cuerdas, son los mismos sistemas que en el mercado. 15h00 On retourne au port. Là où le son de l ’eau f rappe contre les pirogues, le bruit d ’une mouche qui vole, une libellule, et je ne sais quel autre insecte, les paroles dans une langue af ricaine, si inconnue, si exotique... nous nous réfugions à l ’ombre d ’un Yembe pour se protéger du soleil de l ’après-midi. La journée passe tranquillement, aucun mouvement, aujourd ’hui il n’y a pas de marché, aujourd ’hui le paysage est le seul protagoniste de la scène.
Apprendre de(puis) l’ailleurs
Samaya est constituée par plusieurs villages, Tanene est l’un deux. Nous raconterons ce village à travers deux aspects qui nous ont marqués : WALIYA
Les maisons coloniales de bord de r ue Tanene, aussi connue par «nouvelle ville», est traversée par la rue principale qui nous amène au lac, qui se caractérise par l’alignement des façades des maisons coloniales. Ces façades sont animées de différentes couleurs et d ’une symétrie de ses ouvertures: fenêtre, moucharabieh, porte... Les r ythmes et transformations de la vie du village par le marché du dimanche La semaine, le marché est un squelette de structures de bois, alors que le dimanche, celui-ci s’efface par la foule qui l’habite et les étals de nourriture qui y prennent place. Depuis ce port marché, le paysage s’offre aux habitants tel une scène de cinéma, il accueille les commerçants qui traversent le lac en pirogue.
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Sept journées à Samaya, Tanene 21-27 octobre 2016 10°04’59’40’’N 13°58’00’00’’O Tanene qui signifie « nouvelle ville » est le quartier nord de Samaya. Grâce à « son port », c’est une base pour la liaison entre le village principal et les villages voisins de l’autre côté du lac. C’est ici aussi que le grand marché hebdomadaire, s’installe chaque dimanche, entre le port et le cœur du village. Le quartier est caractérisé par ses maisons colorées au style colonial. Travail d ’obser vation et de représentation Relevé habités / croquis / Photograpies Equipe: 3 étudiants : Belén, Minthé, Léa 1 enseignant : Julie Echelle g raphique du carré échantillon : 13cm=200m Légendes: R1 /R2 / R3 : Relevés topologiques P1 /P2 /P3 /P4 /P5 : Relevés d’habitats 1/2 : Relevés photos C1 / C2 / C3 : Croquis
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Les maisons coloniales de bord de r ue Relevés topologiques 1 et 2 L es maisons coloniales s’implantent de manière linéaire le long de la rue principale, en créant un paysage coloré de façades alignées différentes entre elles mais dont éléments les composant se succèdent, presque à chaque fois, de cette manière : moucharabieh, fenêtre, porte principale, fenêtre, moucharabieh (C|B|A|B|C). De l’autre côté, les maisons se montrent plus austères et familiales, l’esthétique paraît moins importante. Les usages quotidiens passent en revanche au premier plan, l’on y trouve tous types d ’éléments pour la cuisine, mais aussi les bains extérieurs. De la même manière, l’intérieur de ces maisons se trouve divisé par un espace de réception, ensuite les chambres, enfin quelques espaces dédiés aux éléments fonctionnels liés à la cuisine. Cette disposition intérieure, nous pouvons presque la deviner en interprétant le dessin des façades : la porte en bois flanquée d ’éléments de moucharabieh donne sur l’espace de réception, quand de part et d ’autre une fenêtre de petite taille, parfois protégée par une grille ou un volet, indique la présence d ’une chambre.
Relevés topologiques 1 et 2
RELEVÉ 1- Typologies de façades coloniales
RELEVÉ 1- Croquis maisons coloniales
RELEVÉ 1- Typologies de façades coloniales
RELEVÉ 1- Une voisine regarde sa maison
RELEVÉ 1- P5- maison coloniale
RELEVÉ 1 - Les petits voisins
Matières des lieux
RELEVÉ 1- P1- Photo intérieure
RELEVÉ 1- P1-P2 - Relevé de maisons coloniales
RELEVÉ 1- Catalogue de textures et couleurs
RELEVE 1- P3-P4 Relevé maisons coloniales
RELEVÉ 1- Catalogue de moucharabiehs
RELEVÉ 1- Relevé photo n°1- Successions de façades
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Rythmes et transformations de la vie du village par les marchés Relevés topologiques 2 et 3 Tanene, un quartier calme la semaine, où le bruit le plus fort est celui des enfants sortant de l’école. La rue principale est une promenade tranquille qui traverse le squelette en bois du marché et nous emmène jusqu’au bord du lac. Ici, les gens se reposent à l’ombre d ’un Yembe en attendant l’arrivée fortuite des pirogues. Le dimanche, ce paysage se transforme. Vers 9h, on commence à apercevoir sur l’horizon du lac l’arrivée des pirogues. La rue principale est maintenant parcourue par des véhicules. Le marché devient un lieu de couleurs et d ’arômes, de personnes et de marchandises. L e silence disparait, le bruit, la rencontre et les échanges prennent sa place. Lorsque la nuit commence à tomber, les gens partent, laissant derrière eux quelques fruits et déchets, lesquels attendront là jusqu’au dimanche suivant.
Relevés topologiques 3 - Port
Relevés topologiques 2- Marché
RELEVÉ 3- C4 - Le port un vendredi à 15h00
RELEVÉ 3- C - À l’ombre d’un grand Yembe
RELEVÉ 3- C5 - les hautes eaux
Relevé photo- L’arrivée de gens au marché par la rue principale
Relevé photo- Le calme quand il n’y a pas marché
Matières des lieux
RELEVÉ 3- Croquis- Bande dessinée - jour de marché
Relevé photo- La foule - jour de marché
RELEVÉ 2- C2 - C’est la fin du marché, les gens repartent.
Une situation inattendue Tanene, un quartier de maisons coloniales colorées situé au Nord du village, au bout de la rue principale qui nous amène au lac. Cette situation est une fabrication car Samaya existait avant l’apparition du barrage hydro-électrique qui a été construit dans les années 80, et ce lac qui s’étend devant nous est artificiel. Aujourd ’hui, il est impossible d ’imaginer le village, et plus particulièrement Tanene, sans la présence du lac : il génère de l’activité au village - pêche, lien entre les villages notamment les jours de marchés - mais permet aussi des lieux de repos au calme rafraichis grâce à l’eau. Tanene est un point d ’accueil pour les personnes qui arrivent en pirogues depuis les autres villages côtiers. Il est aussi un point de passage pour ceux qui arrivent par la route chaque dimanche pour aller au marché. Ce quartier qui aurait pu n’être qu’un quartier-village satellite de Samaya est alors devenu, grâce au lac et au marché, un lieu de rencontre et de croisement pour beaucoup de gens. Ces maisons de bords de rue y contribuent, elles participent de la caractérisation du village et délimitent par leurs implantations: d ’un côté la vie de rencontre collective et de l’autre celle plus quotidienne à l’échelle du hameau.
Matières des lieux Samaya - Barekhoure
Extraits de notes, carnet de M. Company Le 21 octobre 2016, «Nous travaillons sur le quartier de Barékhouré. village d ’agriculteurs, leurs concessions sont toutes entourées de potagers plantés. Elles se déploient autour du chemin principal qui va au bas-fond : culture de riz inondé + potager. Les femmes y font la lessive. La maison de l ’ancien chef de district Mangé Aboubacar Sylla se trouve à Barékhouré.» «Le village semble construit le long d ’une route, qui mène au bas-fond, un ruisseau qui relie les hauteurs au lac. C’était l ’ancienne route principale du district, qui a été délaissée au prof it de la route principale actuelle, plus commode pour relier la ville de Kindia au port-marché de Samaya.»
Apprendre de(puis) l’ailleurs
L’histoire de la concession du Mangué Aboubacar Sylla Cette concession est la plus ancienne de Barékhouré. Son organisation permet de comprendre les évolutions de la famille, ainsi que des modes constructifs liés aux modes de vie. Les habitations des fils s’organisent autour de la maison principale et d ’une cours commune. Les habitations sont construites en parpaings ou en terre sur les fondations d ’anciennes maisons éboulées, ou à la place des potagers.
WALIYA
SAMAYA
Le potager comme activité vivrière et réser ve foncière. L’agriculture est l’activité principale de Barékhouré : chaque concession possède des cultures vivrières (potagers, arbres fruitiers, riz) dont l’excédent est vendu au marché du dimanche. Ce mode d ’occupation des sols permet aussi de constituer une réser ve foncière qui prépare les extensions à venir de la concession, qui suivent l’agrandissement de la famille.
BANEYA
Sept journées à Samaya, Barékhouré 21-27 octobre 2016 10°04’42.2 N 13°01’17.7 O Au nord-ouest de Barékhouré, les habitations s’espacent pour laisser place à des potagers, jusqu’au bas-fond où la culture de riz prédomine. Grâce à des entretiens avec des habitants, nous découvrons que les concessions les plus anciennes se trouvent au plus près du centre de Samaya, et que les jeunes familles s’installent vers le Nord, transformant peu à peu les terres agricoles en concessions. Travail d ’obser vation et de représentation Relevé habités / croquis / Photograpies
Equipe : 4 étudiants : Aïssatou, Margot, Marie-Léa, Mourana
Echelle graphique Echantillon : 13 cm = 200 m
Légendes: R1 / R2 / R3 / R4 : Relevés topologiques P1 / P2 / P3 : Relevés habitats C1 / C2 / C3 / C4 / C5 / C6 : Croquis
Apprendre de(puis) l’ailleurs
L’histoire de la concession du Mangué Aboubacar Sylla Le mangué Aboubacar Sylla était le chef du canton de Samaya. S’il est aujourd ’hui décédé, son épouse et ses fils continuent à vivre sur place et à développer la concession. Celle-ci devient donc plus dense, se reconstruit sur elle-même voire s’étend sur le foncier disponible autour, matérialisé par les potagers.
cuisine
Nord
Relevé topologique 1 case d ’un fils
cuisine
maison d’un oncle
maison du Mangé
C1
bergerie
maison d ’un fils
case d ’un fils
C2
C2 : croquis de la case du frère
espace de prière maison d ’un fils
Relevé photo.
espace de sociabilité
case d ’un fils
cuisine
C1 : Croquis et coupe de l’espace de sociabilité
maison en construction d ’un fils
maison d ’un fils C4 C3
C3 : croquis de la maison d’un fils case effondrée puits
maison d ’un fils
C4 : croquis de la maison en construction d’un autre fils
Plan masse de la concession du mangé Aboubacar Sylla et de sa famille
Case d’un fils manguier maison du mangé maison du frère espace de prière du mangé
Espace de sociabilité
Photographies de la cour principale, autour de l’espace de sociabilité.
maison d’un fils en construction
maison d’un fils cuisine
case d’un fils
Matières des lieux
L’habitation du Mangé est la première maison de la concession. Elle est construite en terre et décorée.
Façade arrière (côté brousse) de la maison du Mangé
Un fils du Mangué dans l’espace central de séjour, fier de la peinture murale
L’espace de sociabilité est central : c’est l’endroit où l’on se retrouve à l’ombre, pour échanger ou pour accueillir des étrangers. La concession évolue au gré des installations des membres de la famille, et des modifications inhérentes au bâti. Au centre, par exemple, le sous-bassement d ’une maison en terre éboulée devient le socle pour la reconstruction d ’une maison en parpaings pour un des fils du Mangué.
Plan côté de la maison du Mangé
Moucharabieh d’inspiration coloniale sur la façade principale de la maison du Mangué
Façade principale (côté cour) de la maison du Mangué
Ouvertures de la maison du Mangué
Apprendre de(puis) l’ailleurs
Le potager comme activité vivrière et réser ve foncière. Chaque famille possède sur sa concession un potager qui la nourrit. L’activité maraîchère est une culture vivrière de végétaux comme l’arachide, la tomate, le manioc, le gombo, le piment. Des arbres fruitiers (manguiers, bananiers, orangers) apportent l’ombre sur les concessions. Parfois des plants de riz parsèment les espaces libres entre les concessions. Chaque espace interstitiel regorge de plantes nourricières. Le dimanche, jour du marché hebdomadaire de Samaya, les femmes vendent les excédents de cultures qui n’ont pas ser vi à nourrir leurs familles. Chaque nouvelle famille qui s’installe plante de généreux potagers, ils ser viront plus tard de terres «réser vées» pour les futures générations qui viendront construire autour.
Feuilles de Manioc, Gombo. Echelle 1/4
Potager entre des habitations Feuilles de tomates, piment et arachide. Echelle 1/4
Façade de maison dont la base est plantée de Gombo
Céréales : Riz et Fonio (Millet) Echelle 1/4
Matières des lieux
R4 : Concession avec les habitations entourées de potagers.
Séries de photographies qui évoquent le lien spatial direct entre l’agriculture et les habitations
R3 : Concession de la famille Soumah, avant dernière concession avant le bas-fond, entourée de potagers.
L’évolution d ’un village par le cycle du bâti L’étude de l’organisation du quartier de Barékhouré à Samaya apporte des informations précises sur la manière dont évoluent les villages. Construites autour du chemin qui mène au bas-fond, les premières habitations sont des cases de terre à base circulaire avec un toit de paille. Elles évoluent ensuite en habitations à base rectangulaire, en terre, ornées pour celles des notables (celle du Mangué Aboubacar Sylla en est un exemple). Les concessions s’organisent autour d ’une habitation principale, celle du chef de famille, souvent accompagnée d ’un espace de prière, d ’une cuisine, d ’abris pour les bêtes et parfois d ’un espace de sociabilité. Elles disposent toutes de potagers plus ou moins étendus, qui font office de réser ve foncière. La concession semble avoir un périmètre délimité dès l’implantation de la première habitation, de manière à réser ver les terres pour des éventuels agrandissements, dans le cas où d ’autres concessions viendraient s’implanter autour. La famille évoluant, d ’autres habitations sont construites autour de la première, celles des fils ou des frères. Selon les moyens de l’occupant et la date de construction, elles sont construites en terre ou en parpaings. Les habitations en terre doivent être entretenues, et souvent s’effondrent faute de fondations étanches. Pour celui qui a les moyens, c’est alors l’occasion de reconstruire en parpaings sur le soubassement de l’habitation en terre. On obser ve deux modes de renouvellement du bâti local : la re-construction d ’habitations en terre détruites et l’extension sur les potagers existants au sein même de la concession. La reconstruction se faisant sur plusieurs années, le premier laisse des paysages surprenants : des maisons de parpaings en construction, rapidement envahies de végétation, semblent être des ruines au cœur des concessions et côtoient des habitations encore occupées, mais dont une partie s’effondre. Dans le cas de construction sur les espaces potagers, on peut parler de densification plutôt que d ’extension, puisque la surface initiale de la concession n’augmente pas, mais bien le nombre de bâtis sur une même concession.
Matières des lieux
ill. 1-Illustrations des Concessions visitĂŠes, crĂŠdits photos TILB
Matières des lieux Samaya - Banéya
Extraits de notes - carnet de J. Gangneux Kebe, le vendredi 21 octobre 2016 09h39_Samaya centre Nous faisons chemin-retour pour cette première journée dans la commune rurale de Samaya. Nous avons à coeur de retrouver ces cases aux « motifs décoratifs » qui nous ont tant impressionnées la veille. Sur la route, le lac s’off re à nouveau à notre vue. Nous dépassons les premiers villages puis...
11h10 La famille Bangoura nous accueille. Nous sommes à Banéya, petit village-rue non loin du premier bar rage hydroélectrique qui est à l ’origine de sa création et de celle du lac. M. Bangoura nous invite à pénétrer dans la case car rée qui nous questionnait tant hier. C’est la chambre du jeune célibataire de la famille. La porte s’ouvre. Nous pénétrons l ’intimité de cette case à l ’intérieur coloré : murs de ter re, peinture bleue, voilage « moustiquaire », sol PVC aux motifs carrelés bleu et jaune... Nous prof itons quelques minutes de la f raîcheur de la case avant de ressortir. La discussion s’engage avec le chef de famille : « - Est-ce l ’architecture traditionnelle de Banéya ? - Il existe les cases rondes et car rés, tout dépend de tes biens. Nous avons construit en car ré pour avoir davantage d ’espace. - Depuis combien de temps êtes-vous installés là ? - En fait, c’est du temps de Sékou Touré, nous avons dû quitter notre village pour construire le barrage hydroélectrique. Nos familles se sont dispersées dans les communes alentours, d ’autres sont à Samaya.»
12h50 Nous quittons les Bangoura pour les Bah, une famille Peule installée à l ’entrée nord du village. A 30 mètres l ’une de l ’autre, der rière une végétation luxuriante se dressent deux grandes cases dont la première tombe en ruine. « La case aujourd ’hui à l ’abandon fût celle de mon mari M. Alsény Bah, décédé il y a deux ans. Cette case, qui lui était réser vée fût construite il y a plus de 50 ans. C’est la plus vieille bâtisse du village » nous raconte Mme Bah. N ’ayant eu de garçon, la case devient ruine. La deuxième case, celle des femmes et des enfants s’organise autour d ’une pièce principale, d ’un magasin, d ’un vestibule et d ’un espace de rencontres : la véranda extérieure. Les espaces « cuisines » se retrouvent à l ’ar rière.
Apprendre de(puis) l’ailleurs
L es travaux d ’obser vations et de représentations que nous avons mené à Banéya nous questionnent sur la place du patrimoine traditionnel comme construit culturel et social dans la société villageoise actuelle. Ces travaux sont présentés en résonance avec ceux d ’un premier workshop effectué en 2015 dans les commune de Kalexe et Doupourou (Préfecture de Boffa).
WALIYA
SAMAYA
Les espaces du quotidien La fabrique des lieux de vie serait le fruit permanent de compositions et de recompositions journalières. Non figée, elle prendrait forme à partir des pratiques habitantes. Les « objets du quotidien » pour leurs qualités, leurs fonctions et leurs dimensions symboliques dessinent de multiples « espaces du quotidien » adaptés, usités et aménagés en chaque circonstance.
Les morphologies d ’un habitat traditionnel Il serait entendu que l’une serait carrée et l’autre ronde*. Tandis que la première permettrait « d ’avoir moins d ’espaces perdus », l’autre serait l’archétype d ’un modèle importé « du Fouta Djallon » (extraits d ’entretien) . Pourtant, la réalité que nous allons conter nous propose de nouvelles bases d ’analyse bien plus complexes. * la case = forme d’habitat traditionnelle
ill. 2-Sur la route Kindia - Samaya Centre
BANEYA
Une journée à Banéya 21 octobre 2016 09°99’11’35’’N 13°00’30’68’’O Le district de Banéya situé dans la commune rurale de Friguiagbé a été fondé en 1968. C’est à cette date que le village originel fût déplacé avec la construction du premier barrage hydro-électrique au nord du village actuel. Environ vingt familles vivent ici de l’agriculture (les parcelles sont visibles à l’ouest du village le long d ’un cour d ’eau qui irrigue le site), de l’élevage, du commerce et de la pêche artisanale (retenue d ’eau du barrage).
Travail d ’obser vation et de représentation Relevé habités / croquis / Photograpies Entretien: familles Bah et Bangoura
Equipe: BANEYA
4 étudiants : Aïssatou, Marieléa, Fanta et Mélanie / 1 enseignant : Julie
Echelle graphique Echantillon : 13 cm = 200 m Légendes : R1 /R2 : Relevés topologiques P1 / P2 / P3 : Relevés d ’habitats A/B/C/D/E : Relevés photos C1/C2/ C3/C4/C5/C6 : Croquis ill. 3-Vue aérienne de Banéya, google earth 2016
R2
P2
C4 P3
C5 C6
R1 C3
C1 P 1
C2
ill. 4-Plan masse du district de Banéya, redessin d’après la vue aérienne
Apprendre de(puis) l’ailleurs
Les espaces du quotidien R2
Relevés topologiques 1/2
P2
P3
Les objets du quotidien Ces objets prennent place « dans et aux abords » de l’habitat. Ils organisent les espaces de la quotidienneté : un banc, des bidons, trois pierres (le feu), un mortier et là un tabouret ... Ils indiquent à chaque instant la/les fonctions présentes : le banc ce sera l’espace de repos, le tapis celui de la prière, les trois pierres, la cuisine. Ils rendent ainsi visible les micro-lieux et usages domestiques au sein de la concession.
Les espaces du quotidien : les seuils, le vestibule, la place, l’arrière cour... Dans l’habitat, peu de places ne sont dédiées qu’à un seul usage. Chaque pièce est faite de nombreux « sous-espaces en partage » : la chambre / le gardemanger; la véranda / le repos / l’abri; la terrasse / la cuisine / le repos; l’espace de la prière / à l’ombre / le repos ... Imbriqués les uns avec les autres, ces sous-espaces se déclinent également dans les transitions, les seuils qui conduisent par graduation de la voie principale (espace public) à la chambre à coucher (espace intime). Par exemple, dans l’habitat Peul, il y a le vestibule (2_6) puis la véranda circulaire autour de l’habitat et enfin une première terrasse puis une deuxième entourée de pierre réser vée tantôt à la prière, aux repos et aux rencontres. Suivant les saisons, la cuisine s’aménage à l’intérieur et/ou à l’extérieur. Conçue en lisière d ’habitat, elle forme une limite avec l’agriculture familiale (tapade). En concevant ces espaces du quotidien, l’habitant y installe les transitions, seuil, limites et places de chacune de ces activités. Les espaces du quotidien seraient alors le fruit d ’une adaptabilité permanente.
R1
P1
Relevés topologiques 1 et 2
RELEVE 1 - Plan général et façade Banéya - Les espaces communs
001 004_Le PETIT MORTIER_ Ainsi chaque jour, les sons résonnent Tap Tap Tap... dans le village. On y pile du piments, des légumes, du soumbara (épice) et bien d’autres choses. Le petit mortier se trouve non loin du feu, dans la cuisine extérieure. On le présente comme le « mixeur africain ».
005_Le HACHOIR Une coupelle que l’on vient percer de trous et voilà le hachoir prêt à servir.
001_LE SEAU
003
004
RELEVE 2_Plan photographique La cuisine intérieur_espace du quotidien 006
Le seau, le bidon, le fût...Ils participent à la gestion de l’eau chaque jour et se positionne aux abords des espaces de toilette et de cuisine.
002_La BOUILLOIRE Façonnée à partir de plastique coloré, elle est partout dans la maison. On l’utilise pour tous les petits gestes du quotidien : faire ses ablutions, se laver le visage, les dents etc. D’autres objets-récipients se déclinent dans les espaces du quotidien
002
003_La MARMITE_
006_Le TABOURET_
Trois pierres en triangle servent de support à la marmite sous laquelle se glissent de long bois. En fonction du bois et du type de sauce, le feu reste allumé plusieurs heures dans la journée. Très souvent, l’espace de la cuisine se situe à l’arrière de la concession en limite de Tapade. Mais il n’est jamais loin de la maison dans laquelle sont rangés les condiments. La cuisinière doit garder un oeil en permanence sur la porte, veiller à ce que personne n’entre.
Il occupe une place de choix dans la concession. Les femmes l’utilisent pour s’asseoir en faisant la cuisine et pour plusieurs autres tâches ménagères. Cet objet est souvent transmis de mère en fille parfois sur plusieurs générations. L’importance du tabouret – hérité – lui vaut une fonction « porte-bonheur » : on y fait asseoir la nouvelle mariée pour sa fertilité et celle en âge de se marier pour trouver un époux.
RELEVÉ 1 et 2_5 Planche contact_les objets du quotidien
Matières des lieux
le seuil
RELEVÉ 2 - photo A Les objets du quotidien_ La cuisine extérieure espaces du quotidien
véranda
la véranda
RELEVÉ_7- Croquis véranda à Doupourou Les espaces de transition dans l’habitat «colonial»
RELEVÉ_8- Croquis case à Doupourou Les espaces de transition dans la maison Susu
RELEVÉ 1 - photo B Réalisation du plan masse de la concession
RELEVÉ 2 - photo E RELEVÉ 2 - photo C Réalisation du plan masse de la concession
le vestibule la véranda la terrasse
RELEVÉ 2 _Coupe transversale
RELEVÉ 1 - photo D L’intérieur de la case Susu
RELEVÉ 2_6- Plan photographique véranda - vestibule -intérieur
Apprendre de(puis) l’ailleurs
Les morphologies d ’un habitat traditionnel Relevés topologiques 1/2 La case carrée : un modèle fonctionnel récent ? Nombreux sont les habitants qui à Conakr y, Kalexè et Samaya ont opté pour cette forme « qui paraît meilleure pour faire beaucoup de pièces » (Toukoura, 2015); « Dans la carré il y a mois d ’espaces perdus ». La case carrée serait pour beaucoup « issue de l’évolution des mentalités et de la démographie » tandis que la case ronde serait « originelle » (Soumah, 2015). La case ronde : un modèle originel du Fouta ? La case ronde est bien souvent attribuée à la culture Peul (b) : « Chez les Peuls tout est en cases car c’est leurs coûtumes » (Bangoura, 2016). Pourtant à Conakr y, les cases susu sont « généralement rondes » mais elles « pouvaient également être rectangulaires ou carrées » (Goerg, 1997: 193). La forme carrée, nous la retrouvons également dans les maisons de pêcheurs en sonxi* (f ). A partir du carré, l’habitat évolua sans doute vers des formes rectangulaires au contact des premiers plans coloniaux (c) (d) que l’on retrouve similaire de Samaya, Doupourou à Kalexè. L’habitat qu’il soit en terre ou en ciment suit un processus de la case vers la villa (g) (h). Dans la coutume susu on retrouve dans la concession : « une maison principale et des cases autours » (Bah, 2016) alors que les Peuls fonctionnent par additions de cases. (cf. ci-contre)
RELEVÉ É1 La case Soussou (famille Bangoura)
RELEVÉ 2 La case Peul (famille Bah)
* murs en torchis réalisée avec de la terre de termite
(a)-Case(Banéya)
(b)-Case(Banéya)
(c)-Habitat plan colonial (Kalexe)
(e)-Case(Samaya)
(f )-Case en torchis (Sirankan)
(d)-Habitat, ancien plan colonial (Doupourou)
(g)-Maison en brique d ’adobe (Doupourou)
(h)-Maison «en dur» (Samaya)
RELEVÉ 1 et 2_9 Relevés habités à Banéya, Samaya, Doupourou et Kalexe, 2015-2016, © RILB
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Matières des lieux
RELEVÉ 1_10-AxonomÊtrie de la concession de M. Bangoura
RELEVÉ 2_11-AxonomÊtrie de la concession de M. Bah
Apprendre de (puis) l’ailleurs
Le vi(e)llage
Les formes d ’habiter traditionnelles à l’épreuve de la modernité Ainsi, à l’inverse des discours qui prêteraient à la case une forme d ’anti-modernité et à la villa « en dur » une forme de contemporanéité, ces quelques illustrations nous ouvrent de nouvelles perspectives sur l’histoire récente de l’habitat traditionnel en Basse-Guinée : celui d ’un processus d ’hybridation de la case à - la maison coloniale - à la villa - à la case. Pour autant, cette recherche incessante de la « modernité » pousse les uns à abandonner les ressources locales et renouvelables #dévalorisation du matériau terre et les autres à se constituer un patrimoine double. Bien souvent la maison moderne (construite grâce au financement du « fils parti à Conakr y ») jouxte la case traditionnelle, la cuisine, la véranda etc. Encore une fois, c’est une hybridation qui se produit, il n’y a pas de règles. Loin d ’un constat d ’échec, il reste ici et là encore des hommes et des femmes attachés à leur patrimoine. Je pense alors à Torres -agriculteur et responsable des guides touristiques- rencontré à Samaya qui occupe aujourd ’hui la case ronde paternelle (e) malgré ses trois maisons «modernes». Je pense encore à la famille Bah présentée ici ou encore cette famille Susu rencontrée à Doupourou en 2015 qui nous expliquait avec tant de passion comment elle avait imaginé son lieu de vie : « une cour intérieur, une véranda, un salon commun » et le tout en brique de terre crue. Chaque vi(e)llage parcouru nous a montré que c’est de la force d ’un commun culturel et social que s’édictent encore aujourd ’hui les règles collectives. Il y a tant à apprendre de ces vi(e)llages.
Matières des lieux
Matières des lieux Samaya - Waliya
Extraits de notes - carnet de T.Robert, 24 octobre 2016 11h00 P résentation au chef du village – Très bon accueil P remière fois que je vois des briques posées sur des monticules de terre pour les protéger de l ’érosion – le tout posé au centre d ’une fondation surélevée, en vue d ’une construction future. Toujours aussi dur de savoir s’il s’agit d ’une ruine ou d ’un chantier en devenir … mais la question ne se pose sans doute pas en ces termes. 14h00 On fait pleurer trois enfants en sortant de la forêt depuis la cascade, ils nous prennent pour des Djinns... 14h20 Village au pied de la montagne entre cascade et lac. Très belle succession de places « régulières/alignées » et d ’espaces intersticiels créés notamment par le positionnement des cases. Toujours de belles perspectives et points de fuites avec en arrière plan la forêt et la falaise. Ici, pas de route qui perturbe l ’organisation du village. Des plantations adaptées à chaque emplacement: Manguier, Louhoure, potagers, et bananeraies sur les f ranges...
Snoky, Oranger,
Apprendre de(puis) l’ailleurs
L es travaux d ’obser vations et de représentations que nous avons menés à Walyia nous ont particulièrement intéressés au travers de deux focales: WALIYA
Les formes habitées et leurs relations d ’emplacement Deux organisations d ’implantations paraissent cohabiter: parfois un alignement de façades linéaires et à d ’autres endroits de légers décalages des habitats les uns par rapport aux autres, des «entre-deux», permettant de multiples usages.
SAMAYA
Le cycle de la matière Ambiguité pour le visiteur de passage à comprendre si certains habitats s’érodent ou se construisent. La tenue d ’une maison est intrinséquement liée à la vie qui s’y déroule. Si l’usage disparaît la maison tombe en ruine. Et parfois ce que l’on croit être la fin d ’une ruine est en fait le début des traces de fondations pour un habitat qui ne sortira de terre que quelques années plus tard.
BANEYA
Une journée à Waliya 21 octobre 2016 10°06’49’00’’N 12°58’35’12’’O Waliya fut fondée par les Mandenyi, venus de Faranah après avoir été repoussés vers le 18e siècle par les Peulhs. Les Mandenyi furent repoussés à leur tour par les Diallonkés, actuels occupants du site et assimilés aux Soussous. 15 chefs se seraient succédés depuis la fondation du village. Les Secteurs qui correspondent aux principale lignées sont Almamiya, Almamy Fodeya, Dabakhoui, wondeya , Momo Soumayah, Kouyesama. Travail d ’obser vation et de représentation (Relevé habités, croquis, Photos, Réalisation d ’entretiens). Equipe: 3 étudiants : Aïssatou, Minthé, Margot 2 enseignants : Lamarana, Tangui Echelle g raphique du carré échantillon : 13cm=200m Légendes: R1 /R2 : Relevés topologiques P1 / P2 : Relevés d ’habitats 1/2/3/4 : Relevés photos C1 / C2 / C3 : Croquis
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Les formes habitées et leurs relations d ’emplacement Relevés topologiques 1 et 2 L’alternance d ’alignements et de déhanchements semble définir la composition du village et ses implantations. D’une manière très fluide, les espaces rectangulaires, fermés par des façades de bâtiments empruntant au style colonial, se prolongent sous la forme d ’espaces intersticiels dans lesquels prennent place les cuisines couvertes, les toilettes, et parfois les cases des anciens. Les perspectives visuelles sont multiples, avec toujours, en fond de scène les bananeraies ou la montagne. Cette succession d ’espaces accompagne la déambulation des habitants, l’espace-temps du marcheur est ici un référent.
RELEVES topologiques 1 et 2
Les arbres sont les pivots de ce système d ’implantation. Associés à chaque espace, ils ponctuent le parcours en ayant à chaque fois une fonction spécifique adaptée à leur localisation (porter ombre, nourrir, créer un point de repère ...).
RELEVE 1 - successions d’espaces Relevé photo n°1 et 4
RELEVE 1 - Plan général Organisation de maisons autour d’un espace rectangulaire avec les cases associées, implantations plus libres
RELEVE 2 - Plan général Badaya, la place la plus importante du village.
RELEVE 1 - croquis 2 En arrière cours, dessin d’une cuisine extérieure
Matières des lieux
RELEVE 1 - photo A Prise de côtes plan et 4 façades
RELEVE 2 - photo B Depuis la place Badaya, vers l’arrière des maisons
RELEVE 2 - photo C Au seuil d’une maison
RELEVE 1 - 4 façades Façade sur rue peinte avec motif d’encadrement
RELEVE 2 - croquis annotations et plan masse partiel Organisation de maisons autour d’un espace rectangulaire avec les cases associées, système d’implantation plus libre
Apprendre de(puis) l’ailleurs
Le cycle de la matière Les premières maisons furent construites en torchis (sonkui ou dambè),de forme ronde couverte de paille; Ensuite ce fut en brique de terres (terre récupérée à partir des termitières pour sa résistance). Nous avons découvert les moules à travers la colonisation. Nous avions en effet obser vé que les colons utilisaient des moules métalliques pour concevoir des briques en ciment. Nous nous sommes inspirés de ça pour fabriquer nos propres moules en bois. Les maisons en terre et paille sont confortables parce qu’il fait moins chaud à l ’intérieur. Ce sont des types de maisons privilégiées pour les vieilles personnes. Elles sont conser vées par le chef de famille à côté de la maison en tôle pour la grande famille, car c’est sa « maison d ’homme » (khame banxi). C’est à l ’arrivée des blancs, avec la signature du protectorat, que la construction en tôle a été découverte. L’architecture locale des villages est influencée par ce qui se passe en ville. Les artisans proposent souvent des plans qu’ils ont obser vés ailleurs dans les villes. Extrait d ’entretien avec les membres du conseil du village par Lamarana, L e cycle de la matière au travers de l’histoire des constructions est comme la respiration d ’un village. Le temps d ’existence d ’une maison et plus largement d ’une concession (ensemble de maisons et annexes associées à une famille) est souvent lié à la vie qui s’y déroule mais aussi à la rudesse de la saison des pluies qui se charge très vite de détériorer, puis de faire disparaître les constructions si elles n’ont pas d ’usage. Cette question est directement liée à l’usage de la terre, de son façonnage, de son acheminement r ythmé lui aussi par sur le cycle des saisons. Les soubassements en pierre ou en béton sont les marqueurs qui restent visibles lors des étapes transitoires de la construction. Un tas de terre protégé par des briques en tumulus peut-être le signe d ’une construction future ou la consignation de ce qui reste de l’effondrement d ’une maison. Réaliser une maison, pour des raisons souvent économiques, peut prendre de nombreuses années. Tous les stades de construction cohabitent ainsi dans le village.
Empilements de briques cuites en vue d’un chantier futur et traces de fondation.
Waliya - Relevé photographique Pieds de constructions et signes d’érosions - désordres constructifs
Restitution à mi-journée au conseil de Waliya
Matières des lieux
Intérieur d’une maison pour partie éffondrée- à la fois chantier et ruine La vie se prolonge, entre intérieur et extérieur
Le visible et l’invisible
Babaya : La place publique de Waliya Il existe une certaine corrélation entre l’occupation du village et les pratiques magico-religieuses. D’abord, il est important de rappeler que les populations Diallonke qui peuplent à l’origine ce village étaient animistes. Le village est construit autour du site Babaya qui correspond au centre du village. Malgré son aspect anodin, c’est le lieu où se regroupent tous les habitants sous l’égide des ainés pour discuter des problèmes du village. Pourtant, il n’y a pas d ’arbre à palabres comme c’est souvent le cas dans les sociétés rurales africaines, mais ce lieu est symbolique. Les anciens racontent qu’ils y ont consentis beaucoup de sacrifices et que jadis, des amulettes y étaient disposées pour lutter contre les sorciers et protéger le village des esprits malfaisants. La légende dit aussi que des talismans y furent enfouis permettant qu’en cas de conflits entre habitants, leurs esprits s’apaisent. Rien n’est visible, tout cela est transmis par l’oralité.
Le baobab situé à l’entrée du village n’est pas un lieu de rassemblement, c’est un repère. A distance on dira : Voici le baobab de Walia
Regards croisés Usages et temporalités de «petits mondes urbains» Formes de l’habiter Mutations architecturales
Regards croisés Usages et temporalités de «petits mondes urbains»
… Cours communes et usages partagés, espaces de « l ’en commun », usages multiples d ’un port, étalement du quotidien… … le dehors comme un commun habité, les heures et les usages, la course du soleil et des habitants, les successions de concessions, les r ythmes et transformations de la vie d ’un village, le visible et l ’invisible… Les travaux présentés dans Matières des lieux posent souvent la question de l’espace public, où commence-t-il exactement ? A quel moment le privé et l’intime prennent le relais de la spatialité urbaine ? Tout cela parait poreux, un peu désordonné et bouillonnant de vitalité. Dire à nos étudiants de Nantes et Conakr y d ’accepter de regarder le monde qui les entoure, savoir ouvrir les yeux, être curieux, humer le visible pour entrapercevoir l’invisible, penser que la poésie des lieux apparait souvent, pour vu que l’on y soit réceptif… La forme urbaine ne peut pas tout, loin de là et sûrement heureusement. Obser ver une rue, un carrefour, une intersection à Conakr y c’est aussi se dire qu’il faut faire confiance en la capacité de l’homme à se créer par luimême ces petits mondes d ’urbanités, où les enfants jouent au foot alors que les voitures continuent à passer, où le seuil d ’une maison devient le lieu de croisement d ’un quartier, où un carrefour est le matin un lieu de culte et le soir le théâtre d ’une fête de quartier.
Apprendre de(puis) l’ailleurs
L e « faire ville » dont parle l’anthropologue Michel Agier est peut-être au cœur de ces entrelacs (1) . « … la culture des villes doit, non pas à telle ou telle « identité », mais à cette dynamique sociale du « faire ville », aux croisements, rencontres, traductions et apprentissages qu’elle nous met sans cesse au déf i d ’expérimenter, de renouveler, et qui à leur tour transforment encore les villes et la vie citadine en profondeur, ou en inventent d ’autres, imaginaires ou rituelles ? » (2) Ces « petits mondes urbains » sont ces lieux qui permettent la spontanéité d ’un rassemblement, d ’une discussion. Si la ville occidentale semble les perdre peut-être un peu, ce que nous apprend ce temps passé dans une ville d ’Afrique de l’ouest est que la ville peut être aussi le lieu du discontinu, du variable, de l’impermanent et en cela, le lieu des possibles. Ce travail de terrain à la fois dans la capitale guinéenne mais aussi dans la localité de Samaya, amène les étudiants à comprendre que les villes sont des tissages, qu’elles ne sont pas figées, qu’elles existent par les vies habitantes qu’elles contiennent, qu’elles sont complexes. Les tracés régulateurs, planificateurs et ordonnateurs héritages de l’urbanisme moderne font rarement écho à cette complexité urbaine, faite d ’entrelacs, de parcours, d ’événements, de confrontations. «Entre la trace et le tracé, entre l ’échange et l ’échangeur, entre l ’urbain et l ’urbanisme, il y a ce qui sépare la vie de la règle, le verbe de la géométrie. » (3) Les différents articles de Matières des lieux consignent des représentations de fragments urbains ou villageois. Ils rendent compte d ’une urbanité aux usages multiples et changeants, qui permet et prévoit «l’occasion» sans déterminer sa nature spécifique. Ainsi de Conakr y, constituée de plusieurs secteurs et quartiers, historiquement des villages à la fois singuliers mais exposant aussi leurs récurrences. (4) Mais aussi de Samaya une localité constituée de plusieurs villages, que l’on appellerait peut-être « hameaux » chez nous, articulant plusieurs niveaux de relations humaines. (5) Hétérogénéité, relations et appropriations « La ville traditionnelle s’efforce d ’atteindre un état d ’équilibre, d ’harmonie et d ’homogénéité. La City of exacerbated difference est fondée, au contraire, sur la plus grande différence possible entre ses parties qui entrent en complémentarité ou en opposition. Dans un climat de panique stratégique permanente, l ’essentiel n’est pas la constitution méthodique d ’un idéal mais l ’exploitation pragmatique du hasard, de l ’accident, de l ’imper fection » (6) La « ville des différences exacerbées » comme l’évoque Koolhaas à partir des descriptions des situations du Pearl River Delta , est une expression intéressante pour raconter des conditions urbaines devenues plus relationnelles que typologiques. La démarche menée en Guinée Conakr y a été l’identification puis la révélation des champs de relations qui s’opèrent à un instant donné sur chacun des territoires relevés et qui laissent penser que les liens entre les choses sont aussi importants que les choses elles-mêmes. Cette démarche se positionne
(1) L’entrelacs renvoie assez directement à la complexité de la ville : le terme de complexité est ici pris au sens de son étymologie « complexus » qui signifie ce qui est tissé ensemble dans un enchevêtrement d’entrelacements « plexus ». (2) AGIER M., Anthropologie de la ville, p.155 (3) JACOBS J., in Revue Urbanisme, n°349, 2006 (4) Conakry est constituée de cinq communes, de plusieurs quartiers et secteurs, fût fondée ex-nihilo en 1899 par la colonisation française, au bout de la presqu’île de Tombo (Commune actuelle de Kaloum) sur une relation duale entre la ville blanche coloniale et la ville indigène (Goerg, 1997). Proche des anciens villages, la ville est planifiée dès le début du 20e à partir d’un plan colonial en damier (1890) qui définit 14 avenues Est-Ouest et 12 boulevards Nord-Sud : « Conakry se présentait comme un terrain quasiment vierge où l’on pouvait concrétiser la conception européenne d’une ville coloniale moderne [...] une ville appelée à un très grand avenir » (Goerg, 1997). Jusqu’en 1950, le paysage est hétéroclite entre « banlieue agricole, centres lotis, unités industrielles et villages indigènes » (Goerg, 1997). La colonisation impose son mode de pensée, celle d’une ville aérée, hygiéniste et instaure les premières normes urbaines et architecturales. Les anciens villages sont recomposés en des quartiers dits « indigènes » . A l’indépendance en 1958, la ville s’étend hors de la presqu’île sur 2200 hectares jusqu’à Gbessia et Hamdalaye (Tompapa, Bah et Richard, 1999). Elle continue son expansion vers « la banlieue » entre promotion privée, appropriations informelles et lotissements publics . Les quartiers en rive (longeant l’océan atlantique) se constituent par un habitat résidentiel linéaire plutôt aisé (Kaporo, Kipé, Nongo) tandis que d’autres deviennent des quartiers à l’habitat dense (Coléah, Madina, Matam). Ce n’est qu’au début des années 80 que l’urbanisation de la capitale s’accélère poussée par un double mouvement : la libéralisation économique et l’exode rural. Les planifications successives n’empêchent pas alors la poursuite d’une urbanisation non planifiée. Les projets d’aménagement souffrent de logiques descendantes qui peinent à trouver une réelle adaptation territoriale. De ces plans sont repris presque uniquement les grands tracés urbains : l’autoroute et les transversales. L’absence d’offre de logements à prix modérés constitue une contrainte pour les plus modestes qui sont alors contraints de s’installer plus loin en périphérie. Passant de 32 000 habitants en 1958 à 1.667.864 habitants en 2014, Conakry devient en quelques décennies un territoire
Regards croisés
dans l’acceptation d ’un réel fragmenté, en marge d ’une pensée urbaine qui prônerait la continuité à tout prix. Conakr y fait peut-être partie de ces « ville génériques » non pas composée de systèmes mais de proximités, d ’une « série de relations qui « échappent » aux connections architecturales. » Tous ces éléments disjoints qui font que la ville est hétérogène nous ont ici intéressés. Ils racontent les paradoxes, les contradictions, les polarités mais aussi les complémentarités de la ville, l’ordre et le désordre. Ces éléments développent le regard critique, ouvrent la ville à la spontanéité et introduisent des contradictions dans la règle.
urbain étalé. La capitale s’étend sur quarante kilomètres, tout au long de la péninsule limitée seulement par ses frontières physiques (la mangrove), administratives (les préfectures limitrophes de Dubréka et Coyah) et par les mobilités urbaines. (5) La commune rurale de Samaya fût édifiée par les Manguè Kindy Camara, Manguè Sama Camara et Manguè Sangaré Camara venus tous trois de Kindia en provenance de Sankaran. Selon la parole locale, Manguè Sama, partit chasser un jour à côté de l’endroit qu’on appelle « Barékhouré » où il y avait un petit ruisseau (50 km de Kindia). Il y revint régulièrement jusqu’à ce qu’il décide de s’y installer avec sa femme Kankou. Elle donna son nom au petit ruisseau « Kankoukhouré » où elle se lavait, selon la légende, chaque soir après les travaux champêtres. Manguè Sama fait alors des alentours du petit ruisseau son coin fétiche et s’y rend en permanence. C’est ainsi que cet endroit porta son nom : Samaya (chez Sama). Son frère l’y rejoignit et fonda Sagaréa (chez Sanga) tandis que Manguè Kindi resta à Kindia (chez Kindy). Manguè Sama eu 7 enfants et répartit « ses filles entre les foyers qu’il fondait régulièrement ». « Chaque fois qu’il offrait une de ses filles en mariage dans un foyer, il la faisait accompagner d’un lopin de terre ». Ainsi naquit Samaya. Son territoire aujourd’hui d’une superficie de 599 km² se divise en 14 districts et compte environ 20 000 habitants constitués majoritairement de Soussous, minoritairement de Peulhs. (6) KOOLHASS R. « Harvard Project on the city», in Mutations, p.335 « A Lagos, l’espace public est constamment occupé de façon nouvelle. Les trottoirs sont envahis par les colporteurs, les vendeurs de produits alimentaires, les mécaniciens, les tailleurs, les coiffeurs et toutes sortes de petits entrepreneurs. Dans l’anarchie ambiante, tous se bousculent pour quelques mètres carrés de surfaces. Parallèlement, la « vie » semble prospérer dans l’engorgement chronique des rues.» ibid. p663
Pour autant, notre attitude descriptive ne doit pas être celle d ’une idéalisation systématique de l’existant, la règle est en effet nécessaire et la ville et ceux qui l’organisent doivent garantir l’accès aux éléments les plus élémentaires: un accès à l’eau évidemment, un air qui ne serait pas pollué par une mobilité engorgée, des déchets qui seraient collectés et retraités… Tout cela doit pouvoir être orchestré et régulé, sans quoi la ville étouffe. Mais l’autre versant, le trop plein d ’ordre qui rassure et sécurise la fait mourir aussi. Le rôle de l’architecte est à mi-chemin entre ces deux versants : à la fois au ser vice d ’une certaine forme d ’ordre urbain, mais capable aussi d ’initier une part de désordre dans la ville, en imaginant la possibilité d ’éléments contraires, dissonants, perturbateurs, qui questionnent et réaniment des lieux. Cela demande de faire grandir la « conscience des lieux », pour construire des relations de synergies entre les établissements humains et leurs environnements, pour promouvoir de nouvelles façons conviviales et sobres d ’habiter et de produire, pour permettre à chacun d ’accéder - comme le disait déjà Henr y Lefebvre en 1968 – au droit à la ville, au droit à l’appropriation, au droit à l’œuvre. « Le droit à la ville se manifeste comme forme supérieure des droits : droit à la liberté, à l ’individualisation dans la socialisation, à l ’habitat et à l ’habiter. Le droit à l ’œuvre (à l ’activité participante) et le droit à l ’appropriation (bien distinct du droit à la propriété) s’impliquent dans le droit à la ville » (7)
Regards croisés Formes de l’habiter
… des interstices en perpétuel mouvement, l ’appropriation des cours, les maisons de bords de rue, la transformation des concessions, l ’évolution d ’un village par le cycle du bâti, les espaces du quotidien, les morphologies d ’un habitat traditionnel, les formes habitées et leurs relations d ’emplacement, le cycle de la matière, un commun culturel et social… Inter valles multiples (1) HEIDEGGER M., « Hebel, l’ami de la maison »,1958, in Questions III et IV, op. cit., p. 51 (2) VAN EYCK Aldo , « The medicine of reciprocity tentatively illustrated », Forum n° 6-7,avril-mai 1961 in VAN EYCK Aldo, Writings – The Child, the city and the Artist, Collected Articles and others writings, 1947-1998, pp. 88-89.
Les maisons, les villages, les morceaux de villes décrits et représentés dans cette publication, racontent que les bâtiments « rassemblent en eux et autour d ’eux cet inter valle multiple. Les bâtiments transforment la terre en une contrée habitée, désormais à proximité de l ’homme, et en même temps ils installent sous la voûte du ciel la proximité qu’est le voisinage. » (1) C’est précisément cet inter valle, cet entre-bâti qui nous a plus spécifiquement intéressés et qui donne forme à l’habiter. Il est l’inverse d ’un espace résiduel, ce vide entre les volumes construits est un lieu substantiel, qui est à la fois l’espace de l’appropriation des usages quotidiens, mais qui peut aussi devenir le lieu de la friction, de l’échange, de la négociation, de la discussion; il met les habitants en position de s’approprier la ville et donc de participer à sa fabrique. Plus que les formes bâties de l’architecture, notre attention s’est portée sur les relations d ’emplacements des formes habitées les unes par rapport aux autres, donnant une place prépondérante à l’interaction et donc à l’inter valle entre les parties d ’un même ensemble, et plus spécifiquement ici sur le mode d ’organisation spatiale de la concession. « L’architecture devrait être conçue comme un assemblage d ’espaces intermédiaires clairement délimités. Cela n’implique pas nécessairement une transition perpétuelle ou une hésitation permanente sur le lieu et le moment. Au contraire cela signif ie une rupture avec la conception contemporaine (disons la maladie) de la continuité spatiale et avec la tendance à effacer toute articulation entre les espaces, c’est-àdire entre l ’intérieur et l ’extérieur, entre un espace et un autre (entre une réalité et une autre). Au lieu de cela, la transition doit être articulée en utilisant des espaces intercalaires bien déf inis permettant de prendre simultanément conscience de ce qui caractérise chaque côté. Dans cette optique un espace intercalaire fournit le terrain commun grâce auquel des extrêmes incompatibles peuvent encore devenir des phénomènes jumeaux. » (2)
Apprendre de(puis) l’ailleurs
Ces inter valles nous aurions pu en constituer un atlas, il en existe une infinitude, il en existe autant que de manières d ’exister dans l’espace, d ’échelles très variables, dépendant de leurs situations urbaines. Certains paraissent appartenir à tous - espaces exogènes de l’ouverture d ’un quartier au reste de la ville - d ’autres sont de l’ordre de l’intimité familiale - comme les cours des concessions - d ’autres sont entre les deux - espaces de la quotidienneté partagée. Ces espaces qui sont ceux du passage de l’habiter intime au monde partagé, sont des seuils aux identités multiples, enchevêtrements du public et du privé, appropriés à chaque fois de manière singulière.
Seuils Dans les rues de Conakr y, les seuils des maisons et des commerces, ne sont ni tout à fait des extérieurs, ni tout à fait des intérieurs, ils sont un peu des deux (1). Ils complexifient la frontalité des sphères publiques et sphères privées, en constituant une sorte de « troisième espace topologique ». Ces seuils - lieux de l’intermédiaire sont une interface souvent très appropriée par les habitants acceptant, par là même, la visibilité des usages domestiques depuis les rues. Il y a beaucoup à apprendre de cette logique d ’espaces intermédiaires interposés en profondeur qui établissent des limites (2) ayant une épaisseur, qui ne sont pas hermétiques. Ce workshop en Guinée Conakr y poursuivait le dessein de rendre visible les textures des espaces habités. Par cette démarche les étudiants ont pris conscience que la vitalité et la profondeur de l’espace social dépendent aussi bien de quelques chaises posées à l’intersection d ’une rue que du dessin attentif et précis d ’une place urbaine. Les bricolages des formes bâties qui colonisent l’espace de la rue, les arrangements des spatialités, même si ils sont précaires sont également souvent inventifs, ils fabriquent une ville sans cesse renouvelée. Rendre compte de cela, nous re-questionne sur nos pratiques professionnelles et réveille peutêtre aussi de la torpeur dans laquelle l’architecture se perçoit habituellement, qui correspond aux automatismes de la vie quotidienne. Parler des formes d ’habiter au travers des inter valles et des seuils, c’est considérer que l’habiter est avant tout un être-parmi-les-choses, une «présence au monde et à autrui ». « “… Loger n’est pas “habiter”. L’action d ’“habiter” possède une dimension existentielle. (…) “Habiter” c’est (…) construire votre personnalité, déployer votre être dans le monde qui vous environne et auquel vous apportez votre marque et qui devient vôtre. […] C’est parce qu’habiter est le propre des humains […] qu’inhabiter ressemble à un manque, une absence, une contrainte, une souff rance, une impossibilité à être pleinement soi, dans la disponibilité que requiert l ’ouverture.» (3) Au fond, la question que l’architecte doit probablement ne jamais oublier est: Comment l’homme peut-il continer à rendre son monde habitable ?
(1) Au sein des concessions, différentes entités bâties se répartissent l’espace. Il n’y a pas une règle mais plutôt un ensemble de principes qui, appliqués, donnent à ces formes d’habiter toutes leurs singularités, leurs symboliques. La première et la plus importante, c’est la cour. Elle est généralement commune, partagée et centrale mais elle n’est pas totalité. La cour est faite de multiples espaces intermédiaires entremêlés -nous pouvons noter des spécificités propres à chaque ethnie dans l’agencement de ceux-ci : ici la cuisine extérieure, là l’espace de la prière, de l’autre côté la douche extérieure et encore plus loin à l’ombre, le lieu de la discussion. A cela s’ajoute un deuxième constituant : la «véranda». Les multiples vérandas forment des transitions, prolongent l’habitat vers l’extérieur - un débord de toiture, un muret, un sol carrelé ou quelques marches- et deviennent tour à tour, lieu de rencontre, poste d’observation, cuisine, salle de jeu... (2) Limites, enclos et concessions: quel devenir? Traditionnellement à Conakry « la répartition des maisons dans l’espace était liée à la notion d’enclos, délimitée par une palissade » comme l’explique Odile Goerg. Au Fouta-Djalon, les concessions peules sont délimitées par des palissages végétalisés pour sécuriser les plantations ou encore pour le bétail. Nous n’avons pas retrouvé ces mêmes fonctionnements dans la sous-préfecture de Samaya. Le champ est en dehors du village et la concession n’est que rarement « physiquement » limitée par une clôture. C’est l’habitat lui-même qui crée ces effets de seuils. A Conakry, à part dans les quartiers coloniaux, jusqu’aux années 2000, les habitants matérialisaient peu ces limites (soucis économique et barrière pour la vie en communauté). Pourtant aujourd’hui, lorsqu’on traverse la capitale, les murs qui se construisent sont de plus en plus hermétiques. Pour empêcher l’intrusion, ces limites fabriquent alors des barrières faisant disparaître dans le même temps les seuils tels que nous venons de les exposer. Au-delà de la limite, l’habitant recrée alors ce « seuil » devant le mur directement sur l’espace de la rue : une chaise, un banc, un petit abri tôle-bois, un container, autour d’un arbre. Les habitants continuent ainsi, chacun par leur stratagème, à vivre « de et dans la rue».
(3) PAQUOT Th. LUSSAULT M.; YOUNES Ch.(dir.), Habiter, le propre de l’humain - Villes, territoires et philosophie, La découverte, Paris, 2007, p. 13
Intervalles multiples
Seuils
Regards croisés Mutations architecturales
(1) GORZ A., Les chemins du paradis, 1983
«Il est des époques où, parce que l ’ordre se disloque, ne laissant subsister que ses contraintes vidées de sens, le réalisme ne consiste plus à vouloir gérer ce qui existe mais à imaginer, anticiper, amorcer les transformations fondamentales dont la possibilité est inscrite dans les mutations en cours.» (1)
Mutations spatiales : D u processus familial aux spéculations foncières La mutation est l’inverse de l’immobilisme, elle parle de mouvement, de renouvellement; corrélée à la ville elle prend des formes multiples et obéit à des logiques extrêmement variées, parfois contradictoires ou antagonistes: de la volonté habitante à la décision politique, en passant par la spéculation foncière répondant à des stratégies financières de rentabilité. Les mutations de nos tissus habités nous disent aussi beaucoup de l’adéquation entre les préoccupations de nos vies contemporaines et la capacité de renouvellement des patrimoines dont nous héritons. (2) RONCAYOLO M., L’abécédaire, Entretiens avec Isabelle Chesneau, 2011
« Le présent est une pellicule très mince […] reflétant la f ragilité de nos arbitrages entre ce que nous acceptons et ce que nous refusons de nos héritages, entre notre désir de nous souvenir d ’où nous venons et notre aspiration à vouloir changer les choses […]. Le patrimoine est moins constitué par ce que l ’on reçoit du passé que par ce que l ’on cède aux générations futures » (2) Traditionnellement, les formes d ’habiter en Guinée reposaient sur des stratégies familiales, politiques et/ou religieuses. Ainsi à chaque élargissement de la cellule familiale correspondait et correspond toujours une nouvelle émergence dans la concession familiale.
(3) GOERG, O., Pouvoir colonial, municipalités et espaces urbains, l’Harmattan, 1997
« L’organisation du bâti exprime le fonctionnement social (famille restreinte/ famille étendue ; monogamie/polygamie, séparation des espaces de travail et de résidence), politique (lieu de résidence des dirigeants, formes et symboles du pouvoir, aires de rassemblement) et religieux (autels, lieux de culte, espaces sacrés). Ces éléments, développés au f il des siècles, sont d ’une grande plasticité et évoluent en fonction du contexte historique et économique » (3).
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Concessions, ag riculture et réser ves foncières A Samaya, Banéya ou Waliya (région de Kindia), les mutations du bâti ont ainsi façonné les spatialités des établissements humains. En les combinant avec le travail de la terre, les familles se sont constitué un patrimoine foncier à travers une agriculture de proximité. A Samaya, il subsiste ainsi dans les concessions historiques de petites plantations de bananes qui favorisent une agriculture de très grande proximité. Dans les quartiers plus récents de la commune comme à Barékhouré, le paysage ressemble par endroit à un entrelacement de champs et d ’habitats. Les jeunes couples qui s’y sont installés récemment pensent leurs terres en une vaste réser ve foncière. A Banéya, les peuls rencontrés pratiquent eux la Tapade (1) (domaine de culture exclusivement réser vé aux femmes formant un « oasis » autour de l’habitat).
(1) cf. CHOUQUER, G., L’urbanisation des anciennes tapades à Labé (Guinée, Fouta Djalon), 2010; L’auteur nous montre que certaines structures urbaines actuelles dans le centreville de Labé (capitale du Fouta-Djalon) héritées des tapades créent une singularité du tissu urbain.
La tapade (Banéya)
Le bord de route : mutation et développement linéaire d ’un village A Samaya, la création a postériori d ’une artère principale et de nouveaux bâtiments coloniaux alignés sur une voie principale va avoir un rôle majeur sur le développement du village. L’organisation vernaculaire traditionnelle de Samaya à partir des concessions et de l’agriculture mute en une centralité linéaire où toutes les activités se pressent. Etre au bord de la route représente une véritable opportunité de vie commune : petites échoppes, lieux de rencontres, sous-espaces arborés...
La rue (Samaya)
La pression foncière ou le contraste des formes spatiales Village de Kaporo (Conakry)
D u village à la ville, de Samaya à Conakr y l’on retrouvait jusqu’à il y a peu cette agriculture de proximité. Mais là s’arrête la filiation. En bien des lieux, l’histoire urbaine s’est emballée sous le poids des pressions démographiques et foncières. Les mutations architecturales ne sont plus seulement des additions. De nouvelles situations urbaines naissent de la greffe et de la démolition. A Conakr y, le bâti se constituait traditionnellement par des entités horizontales greffées, agglomérées qui modelaient des espaces communs singuliers. Ces communs restaient fragiles. Au tournant des années 2010, les mutations s’intensifient, de nouveaux immeubles apparaissent. La mutation contemporaine du tissu urbain s’éloigne peu à peu du construit culturel, social et familial villageois pour dessiner de véritables coupes dans le tissu urbain. Par exemple à Kaporo, village de pêcheurs Baga enserré aujourd ’hui dans le tissu urbain métropolitain, le foncier est devenu sujet de nombreuses convoitises. La valeur d ’échange supplante ici petit à petit la valeur d ’usage. De nouvelles constructions verticales sortent de terre rompant ainsi avec l’horizontalité de la ville. Face au manque de logements dans la capitale, la densification du quartier semble naturelle. Pourtant la réalité est plus complexe. A la densification, s’ajoute un autre phénomène marqueur d ’inégalités : la gentrification. Des familles aisées privatisent progressivement des bords de mer. Les maisons Baga sont remplacées par de grandes propriétés fermées.
Quartier de Hafia château (Conakry)
Quartier de Dixinn (Conakry)
Regards croisés
Quartier Boulbinet - habitat XXe (Conakry)
Moins visibles, d ’autres mutations sont à l’œuvre dans les quartiers populaires aux formes urbaines encore majoritairement horizontales. Enserrées en partie derrière les murs des concessions familiales, on y obser ve des « greffes locatives » (excroissance de la forme initiale). La concession ne se densifie plus seulement pour accueillir la famille élargie mais prend une valeur monétaire. Ces greffes permettent de loger les nouveaux venus, notamment les jeunes ménages tandis que le bâti principal doit accueillir la famille élargie. A Hafia château, ces greffes urbaines apparues au fil du temps sont bien les expressions de la mutation d ’un bâti historiquement planifié (celui des travailleurs de la mine) vers la co-construction de sous-espaces communs recréant l’échelle des cours familiales.
Mutations architecturales par le cycle de la matière
A Kaloum (Conakry)
A Kaloum (Conakry)
Les mutations spatiales que nous venons de conter sont reliées à une autre forme de mutation : celle de l’architecture liée au cycle de la matière, en premier lieu celui du passage du matériau terre crue au ciment pour réaliser les murs et de la paille à la tôle en toiture. Encouragée et développée au temps colonial (Goerg, 1997), cette mutation n’est pas nouvelle mais le r ythme s’accélère depuis quelques années. Il suffit de parcourir la nationale Conakr y-Kindia régulièrement pour s’en persuader. Même si l’utilisation de la terre reste légèrement majoritaire dans les villages, ce n’est plus le cas depuis très longtemps dans les villes. Le matériau terre, malgré ses nombreuses qualités, n’est vu que sous le prisme de la durabilité. Habiter dans une maison en « dur », c’est à dire en ciment, serait devenu signe de richesse. En 2015, à Kalexè, un artisan nous explique : « ici quand tu es dans une case avec de la paille, ça voudrait dire que tu es pauvre. Même si on sait qu’une case ronde faite de paille et de terre a des qualités bioclimatiques plus élevées qu’une maison dite en dur ». Du torchis à la maçonnerie de ciment : un processus réversible ?
Habitat Peul traditionnel (Kalexè)
Habitat « colonial » en brique de terre (Kalexè)
Quartier de Hafia (Conakry)
La mutation de la matière, c’est également celle des différentes terres utilisées (de termite, argileuse, sableuse etc.) et des techniques associées. En un peu plus d ’un siècle, les formes traditionnelles en torchis et banco (retour des entretiens réalisés) ont presque disparu avec l’apport de la brique d ’adobe (colonisation)et après encore des BTC (Brique de terre comprimée) et BTS (brique de terre stabilisée). Mais aujourd ’hui, la maçonnerie de ciment prend le pas et devient presque une « norme à atteindre ». A travers la mutation des techniques, c’est l’organisation collective de la fabrique, l’organisation du village qui est bousculée. Pour ce chef de famille inter viewé à Kénendé (district de Doupourou) : « A l ’époque où mes parents construisaient le Sonki Banxi (maison en torchis), j ’étais jeune et j ’étais f ier d ’aider mes parents. C’était à nous les enfants que revenait la tâche de ramener la terre bien malaxée avec de l ’eau. C’était de la terre qu’on récupérait des termitières. Elle est plus facile à travailler. […] Je me souviens qu’à l ’époque, il y avait une grande solidarité, les amis les parents et les voisins venaient aider mes parents à construire car c’est quand même un travail
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très diff icile. Au tout début nous avions une case ronde puis au fur et à mesure que la famille s’agrandissait mon père construisait une deuxième case. Et f inalement aujourd ’hui nous avons opté pour une maison avec la forme rectangulaire qui permet d ’avoir plus de chambres (...) Malheureusement avec et la pénibilité liée à la construction de la maison « Sonki », on s’est tourné vers la technique de fabrication des briques en terre ». Ainsi non réhabilitée la terre crue n’est plus si souvent entretenue dans les villages. Les enduits qui lui permettaient une protection aux pluies ne sont plus régulièrement appliqués. De l’histoire du matériau à celle des mutations des formes d ’habiter, c’est toute une économie de la construction qui mute. A travers le matériau terre, la réalisation des briques permettait aussi de perpétuer une culture traditionnelle de l’habitat. Dans la sous-préfecture de Samaya, le béton de terre poursuit sa lente capitulation. Le processus bâti montre différents stades de construction en terre crue qui cohabitent dans les villages. La solidarité inscrite dans l’autoconstruction de son habitat, évoquée par ce chef de famille à Kénendé, est affaiblie. Pour exemple, les habitants attendent la décomposition lente de la matière terre des anciennes bâtisses d ’inspiration coloniale (plan rectangulaire) le long de la voie principale pour pouvoir reconstruire. Ici un mur affaissé, là toute une toiture... « La tradition faisait travailler de concert les artisans et les lettrés. Il reste encore des artisans détenteurs de ces techniques. Mes élèves et moi nous appliquons à les recueillir et les faire perdurer. Il y a des règles précises pour l ’utilisation et la mise en place des matériaux naturels. Ces matériaux sont « vivants », ils réagissent aux variations de température et/ou d ’humidité. Le savoir faire ancien tient compte de cette réalité. Le résultat de la mise en œuvre sera différent des standards et de la «normalité » rigide et plane pour aboutir à quelque chose d ’harmonieux. Ces savoir faire sont précieux, ce sont les artisans qui président à cela, et ce n’est qu’auprès d ’eux qu’on peut les acquérir » (1). On assiste à la mutation d ’un habitat issu de ressources locales humaines et naturelles vers un habitat industrialisé. Le ciment, que beaucoup disent « durable » (pour sa durée dans le temps) est acheté le plus souvent par sacs provenant de D ubréka (usines de ciment) ou de l’importation, alors que le matériau terre est trouvé sur place. Les habitants sont bien conscients qu’il y fait plus chaud (maison en ciment) mais beaucoup sont prêts à ce sacrifice (ils construisent en parallèle de petits abris ventilés pour la journée) pour accéder à cette « modernité ». Ce qui faisait patrimoine, le legs d ’un héritage des générations qui nous ont précédé, se recompose. «Le choix d ’un matériau ou d ’une forme de construction a toujours engagé un résultat économique, écologique et social. La tendance globale est de copier le style de vie occidental créant des cultures économiquement dépendantes de marchés extérieurs. Je pense au contraire qu’il faut développer les potentiels locaux existants et tous leurs avantages. Pour moi c’est la stratégie de développement la plus réussie. La modernité n’est pas une question de matériau : c’est une question de langage architectural » (2)
terre crue (Bantho)
terre crue (Bongolon)
terre crue (Bokaria)
Enduit et brique de terre crue (Samaya) (1) WANG SHU, Construire un monde différent conforme aux principes de la nature, 2013 (2) HERINGER A., « Soutenable et esthétique » in TYIN, HERINGER A., Construire ailleurs, Villa Noailles, Archibooks, 2010, p.56
Regards croisés
Le patrimoine comme bien commun (1) CHOAY, F., Le patrimoine en question, , Anthologie pour un combat, 2009 (2) FREY P, Learning from vernacular, Pour une architecture vernaculaire, Actes sud, 2010, p.45
Ces mutations nous questionnent sur l’importance ou non des persistances de singularités territoriales - culturelles, sociales, familiales... - dans une société qui par ailleurs se doit d ’être ouverte, capable de remise en question et donc de transformations. « …le seul vrai problème auquel nous soyons conf rontés aujourd ’hui dans le cadre d ’une société mondialisée est de continuer à produire des milieux humains différents, sous peine de perdre, cette fois, non pas notre diversité culturelle, mais bien une identité humaine dont la diversité des cultures est l ’indissociable condition.» (1) Même fragilisé, le patrimoine reste ce bien commun, celui du maintien de la diversité face à une mondialisation croissante. De ces mutations à l’œuvre en Guinée, de ces moments d ’obser vation, d ’analyse et de représentation, il semble temps - et chaque jour un peu davantage - de continuer à recenser et valoriser le patrimoine architectural dans la multiplicité de ses acceptions, à partir notamment d ’une mémoire orale guinéenne.
©Patrick, Juin 2016 accessible sur : http://www.visiterlafrique.com/author/patrick/
Maison de Miriam Makéba (Dalaba)
©Mosquée de Dinguiraye (vers 1900), https:// fr.wikipedia.org/wikiæ/Dinguiraye
Mosquée de Dinguiraye (vers 1900)
«Il est grand temps d ’interroger la manière dont les hommes et les femmes de ces régions vivent et fabriquent leur territoire pour qu’« une « nouvelle architecture vernaculaire» nous permette d ’apprendre des pratiques traditionnelles par osmose, par analogie, par interprétation ou par interpolation, mais certainement pas par imitation » (2). En rencontrant les artisans à Kalexè, Doupourou en 2015 puis à Samaya et Kindia, nous avons parlé matières et savoir-faire. Les discussions avec les artisans de la FPAKI (Fédération professionnelle des artisans de Kindia) nous ont notamment montré que la construction d ’habitats en adéquation entre équilibre écologique et soutient des économies locales, étaient encore possible. Rendre compte des formes d ’habiter au travers de leurs mutations, engage l’étudiant-architecte, qu’il réside à Nantes ou Conakr y, à questionner les modes de productions et de décisions existants pour participer à l’invention d ’autres pratiques, de nouvelles visions plus contextuelles des transformations spatiales.
Ouverture Le goĂťt du rĂŠel
Ouverture L e goût du réel
Décrire pour écrire le réel (1) Territoires traversés, Paysages Inventés Enseignement de Projet de master - ENSA Nantes coordonné par M. Tessier, M.Rolland et M. Didier
L’approche physique, concrète et sensible des territoires et milieux dans lesquels nous vivons est au centre de la démarche pédagogique de cet atelier international. Cette approche nous la menons déjà depuis plusieurs années dans un atelier de projet de master de l’ENSA Nantes, « Territoires, traversés, Paysages inventés » (1) qui rend compte du « ici » qui nous environne en questionnant les multiples fragments de la métropole nantaise. Nous pensons que c’est à partir de la connaissance et de la retranscription précise des territoires que l’on peut imaginer et inventer pour le futur de nouveaux modes opératoires de fabrication de projets. L’enjeu de ce workshop en Guinée Conakr y a été d ’amener nos étudiants vers un « là-bas » qu’ils ne connaissaient pas, en gardant cette même démarche : décentrer son regard et suspendre son jugement pour réussir à rendre compte des lieux de vie des hommes, qu’ils soient urbains ou villageois ; penser que tous les territoires se valent, et ce partout dans le monde, qu’il ne devrait pas y avoir d ’échelle de valeurs lorsqu’il s’agit des établissements humains.
(2) AGIER, M., Anthropologie de la ville, Paris, PUF, 2015, p 248
« Des regards croisés entre grandes régions du monde sont un des moyens de ce décentrement et de cette « mise à plat »égalitaire du statut théorique de toutes les formes urbaines dans le monde. (…) La vie sociale des slums de Bangkok, l ’imaginaire de l ’immense district populaire d ’Agua Blanca à Cali, la violence de la favela Rocinha à Rio, ne sont pas moins de la ville que La Défense ou le Marais à Paris, la Cinquième Avenue à New York, les banlieues résidentielles de Los Angeles ou les Ramblas de Barcelone. Les uns et les autres participent de « différents régime d ’urbanité » contemporains, éventuellement concurrents. Leur comparaison révèle l ’inégalité sociale et politique qui existe à l ’échelle globale avant même de pouvoir interroger leurs différences culturelles. Il y a là l ’évidence d ’une violence urbaine-globale qui ne peut qu’inquiéter et alerter tous les citadins / citoyens du monde. » (2) Pour l’architecte, la représentation d ’un territoire est déjà une mise en œuvre projectuelle. Elle est l’expression d ’un acte de synthèse intellectuelle qui s’incarne dans une composition graphique. Elle pose question. A la fois idée et image, elle construit de la connaissance. La représentation du réel est une interprétation, en passant par la sensibilité, la subjectivité, les choix de chacun. C’est donc en expérimentant le réel, en apprenant à obser ver et à décrire, à représenter et interpréter ce qui nous entoure que le projet d ’architecture peut ensuite par venir à inventer de nouvelles solutions pour donner un cadre à l’habiter.
Apprendre de(puis) l’ailleurs
Pendant ces trois semaines de workshop, nous avons demandé aux 13 étudiants de l’ENSA Nantes et de l’ISAU Conakr y, de collecter des instants, des impressions subjectives, la présence matérielle des choses, l’atmosphère des lieux, les bruits, les textures, saisir ce qui abrite l’intimité des gens mais aussi la vie publique. Cette collecte s’est effectuée par le dessin, le relevé, mais aussi la photo et la vidéo. La description d ’un territoire peut être inventive, elle demande une attention à toutes choses, aux détails, une curiosité et une ouverture à ce qui nous entoure, un goût pour le réel.
« Ce qui se passe vraiment, ce que nous vivons, le reste, tout le reste, où est-il? Ce qui se passe chaque jour et qui revient chaque jour, le banal, le quotidien, l ’évident, le commun, l ’ordinaire, l ’inf ra-ordinaire, le bruit de fond, l ’habituel, comment en rendre compte, comment l ’interroger, comment le décrire ? »(1) Le travail demandé aux étudiants a nécessité qu’ils se positionnent en regardeurs pour se confronter à une réalité sensible. Faire l’expérience d ’un territoire consiste à l’approcher dans sa singularité et ses potentialités, à dépasser notre ignorance première. Pour cela, ils ont mobilisé plusieurs niveaux d ’appréhension : de la rencontre avec l’instantanéité des choses à la capacité d ’extrapolation, d ’interprétation, d ’imagination que recouvre l’esprit. L’enjeu de cet inventaire de l’existant et de ses données est de déclencher l’imagination. Cette publication est un assemblage hétéroclite qui transcrit graphiquement ce déjà-là qui nous fait face, le relief du réel dans lequel nous vivons et qui nous pose question. Les travaux présentés dans Matières des lieux donnent à voir par la représentation graphique et par le récit, les formes spatiales et leurs diversités, les éléments structurants des sociabilités, les morphologies bâties, les continuités et discontinuités de l’espace, les circulations, les usages, les activités, les temporalités… Ces travaux, s’ils s’intéressent au formel, racontent aussi l’informel, le moins visible parfois l’insolite, les surprises que peut nous réser ver ce type d ’exploration. L’architecte se dessine ici un peu ethnographe, il accomplit un travail de terrain, cherche à se déconditionner pour se livrer à des lectures de la réalité. Il
(1) PEREC G, revue Cause Commune, n° 5, février 1973, p.3/4, in L’infra ordinaire, Seuil, Paris, 1989.
considère que comprendre la construction des villes ne passe pas seulement par l’application méthodologique des théories de l’urbanisme, mais aussi par l’association d ’une dimension exploratoire quasiment anthropologique et ethnographique. La ville est ici réellement découverte par les moyens de l’expérience pensant qu’il faut réussir à l’accepter telle qu’elle est sans a priori. Pour autant, il est vain de croire que l’on peut viser une relation directe, concrète avec les conditions urbaines qui serait valable une fois pour toutes, et cela parce qu’elles dépendent d ’une multitude de phénomènes juxtaposés qui se renouvellent sans cesse. La compréhension de la culture et de l’habitat humain contemporain, si elle peut être menée par une attitude descriptive face aux situations concrètes, doit aussi faire face aux données externes d ’ordre politiques, sociologiques, géographiques, historiques, économiques. Avant de partir, les étudiants ont d ’ailleurs eu à charge de mener des recherches plus théoriques sur plusieurs métropoles des suds à partir de problématiques identifiées. Ces travaux constitutifs d ’une autre forme d ’exploration de la vie urbaine à partir de données abstraites issues de sources extrêmement diverses, fabriquent un ensemble de suppositions que seuls l’obser vation et le constat sur place peuvent matérialiser. Le travail descriptif est donc, dans ce cas, d ’un tout autre ordre, il ne s’effectue pas à partir de l’expérience vécue de situations urbaines, mais inventorie les caractéristiques constituantes d ’ensembles urbains au travers d ’une multiplicité de données collectées. L’idée qui a présidé à l’élaboration de cet atelier international et de ce workshop n’a pas été de formuler des prescriptions architecturales, ou urbaines pour ces territoires, mais bien d ’engager des explorations par l’observation et la description pour mieux les comprendre, de décrire la réalité telle qu’elle nous apparaît, non pas pour s’en satisfaire mais pour en révéler les potentialités. La partie Regards croisés articule, quant à elle, ce travail de représentation et description des territoires à des considérations élargies où la fabrique urbaine met au défi les pratiques conventionnelles de la planification territoriale, et cela à différentes échelles du parfois très local au beaucoup plus global … A l’heure où l’on parle de villes globalisées, ces travaux de terrains racontent la diversité et l’hétérogénéité des situations des habitats humains. Pour le sociologue et anthropologue indien, Arjun Appadurai la globalisation n’est pas l’histoire de l’homogénéisation. L oin de l’idée d ’homogénéisation culturelle, il montre comment les paysages dont il fait état sont, certes travaillés par les flux marchands et informationnels internationaux, mais sont ancrés dans le local par l’appropriation qui en est faite par les individus. Ainsi le texte, Usages et temporalités de «petits mondes urbains», met l’accent sur des conditions urbaines contemporaines qui exacerbent les différences, permettant des usages et appropriations kaléidoscopiques. Le texte Formes de l’habiter, insiste quant à lui, plus spécifiquement sur les intervalles découpés par les formes bâties qui déploient à chaque fois des situations aux caractéristiques uniques. Enfin, le texte Mutations architecturales rend compte de processus en cours qui nous rappellent que nos tissus habités sont en perpétuels mouvements et qu’il est décisif de s’en saisir au risque, sinon, de les subir.
Ici et Là-bas - L’espace critique comme projet L’atelier Territoire ici-là-bas, prend le parti de questionner l’ailleurs pour aussi repenser l’ici - celui que l’on côtoie tous les jours - lutter contre l’automatisation de nos perceptions et de nos habitudes et se rendre compte que l’ailleurs commence peut-être déjà ici. (1) L’exploration d ’un lieu, quel qu’il soit, peut faire surgir des images d ’autres lieux. Et ce sont toutes ces images d ’origines diverses qui enrichissent le savoir de l’architecte et lui permettent d ’imaginer par le projet améliorer la vie des hommes. Le projet pense l’espace où les existences se jouent et se croisent, en ce sens il doit se faire l’écho de préoccupations contemporaines qui visent à reconsidérer les liens de l’être humain avec son milieu de vie et avec les autres. Ce workshop en Guinée n’avait pas pour but de faire du projet au sens classique du terme, il proposait aux étudiants de Nantes et de Conakr y de développer un espace critique quant à nos manières d ’inter venir sur les territoires qu’ils soient très proches de nous ou à l’autre bout du monde. Cette publication rend compte de la manière dont différents contextes les ont interpellés, les ont questionnés. Plus largement, cette attitude face au réel est à notre sens le point de départ d ’une démarche projectuelle qui amène à questionner le processus de fabrication d ’une architecture-qui-n’est-pas-de-commande. « Si l ’on considère l ’architecture dans son acception traditionnelle – une œuvre de commande -, on a du mal à croire qu’elle puisse vraiment agir sur des enjeux aussi globaux et incertains que l ’épuisement des ressources ou la violence du développement inégal. Les auteurs de Ré-enchanter le monde aff irment, eux, qu’un architecte n’est contemporain que s’il aff ronte ces réalités, met en cause les programmes, les modes de production, de décision, que nous avons hérités de l ’ordre industriel moderne ». (2) A la fois récit temporel et spatial, le projet combine et associe entre eux différents contenus et différentes disciplines, c’est un art de l’assemblage qui permet de produire un ensemble à partir d ’éléments hétéroclites. Cette acception du projet, en tant que démarche itérative associant différentes intuitions, expériences, hypothèses, induit des processus d ’imbrications complexes de savoirs pratiques articulés à des savoirs théoriques. C’est un acte qui demande un engagement et une prise de parti, une action personnelle dans une dynamique collective, car un projet n’est jamais une fin en soi, il dépend de l’intensité extraite des potentialités du site, c’est une graine, une stimulation, un outil, plutôt un ouvrage qu’une œuvre. Cet atelier international, Territoires Ici-là-bas, Apprendre de (puis) l ’ailleurs, s’intéresse au réel dans tous ces plis et replis. S’il n’a pas eu comme dessein la forme concrète d ’un projet, il a mis l’accent sur la mise en représentation des enjeux révélés par un travail d ’exploration territoriale, espérant participer ainsi à la fabrique d ’une pensée spatiale qui accepte la complexité structurelle des lieux et milieux dans lesquels nous vivons, ainsi que la diversité des rapports humains, et cela pour éviter l’écueil d ’une vision simplificatrice du monde, qui conduit à la normalisation des espaces, des idées, des pratiques. « Il faut donner du temps à la réflexion et à l ’obser vation pour pouvoir agir rapidement. La rapidité fait partie de la culture traditionnelle, mais les mentalités actuelles veulent que tout aille vite. Il faut changer cet état de fait : le temps doit être donné à la préparation de tout projet, ensuite de quoi la mise en œuvre peut être très rapide ». (3)
(1) cf. DEPARDON R., VIRILIO P., Terre natale, ailleurs commence ici, Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris, 2008 (2) CONTAL MH., Ré-enchanter le monde, L’architecture et la ville face aux grandes transitions, Collection manifesto, Alternatives, 2014 (3) WANG SHU, Construire un monde différent conforme aux principes de la nature, Cité de l’architecture, 2013, 128p
Médiag raphie
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Liste des visuels Comme précisé dans l’éditorial, cette publication est le fruit d ’un travail collectif, entre étudiants et enseignants, où les idées, les représentations et les mots ont été mis en commun. Ainsi l’ensemble des visuels - dessins et photographies - sont ceux des étudiants et enseignants ayant participé à ce workshop. Ils sont donc la propriété de l’Atelier international, Territoire d ’ici-là-bas, Apprendre de(puis) l ’ailleurs. Les autres crédits photographiques sont spécifiés directement dans la publication. Les vues aériennes sont issues de Google.
Apprendre de(puis) l’ailleurs
Conakr y - 14 octobre 2016 - Territoires Ici-là-bas
Lamarana Barry, Aïssatou Bhoye Bah, Margot Company, Pr. Condé, Dr. Touré, Andréas Christo Diallo, Philippe Dufresne Laroche, Charles Dopavogui, Diallo Fanta, Léa Gautier
Conakr y - 04 novembre 2016 - Apprendre de(puis) l’ailleurs
Ben Kaba, Mory Kaba, Oumar Kaba, Julie Gangneux-Kébé, Alpha Kébé, Marie-Léa Lemaître, Mohamed Minthé, Belen Ramos, Mélanie Richer, Tangui Robert, Mourana Sylla, Maëlle Tessier
Partenariat Ecole Nationale Supérieure d ’Architecture de Nantes / Institut Supérieur d ’Architecture et d ’Urbanisme de Conakr y / 2016-2017