Réalité Virtuelle: Un outil au service des architectes
Corentin BOITEAU
Expérimental
Domaine d’étude:
Rapport encadré par:
Aurore REYNAUD
2017-2018
THÉORIE ET PRATIQUE DE LA CONCEPTION ARCHITECTURALE ET URBAINE - Pratique du projet architectural - Le territoire et l’édifice
Remerciements J’adresse mes remerciements à toutes les personnes qui m’ont aidé, de loin comme de près, dans la réalisation de ce rapport de licence. En premier lieu, je remercie Aurore Reynaud, pour m’avoir guidée dans mon travail en tant que directrice de rapport. Je remercie Théo Mahut pour m’avoir partagé son expérience et ses données sur le domaine de la Réalité Virtuelle. Je tiens à remercier aussi Emmanuel Vicarini, enseignant à l’ENSA Paris-Val de Seine, pour m’avoir encouragé dans cette voie, ainsi que David SERERO pour les opportunités qu’il a pu m’offrir. Je veux aussi remercier le Fablab de m’avoir accueilli et laissé prendre place au sein de cette grande organisation, ainsi que l’EVCAU pour m’avoir laissé l'opportunité d’utiliser leur matériel, et plus particulièrement Olivier Bouet et Frank Chopin pour leur grande aide et le partage de leur savoir. Je remercie enfin ma précieuse et chère Inès Bardou pour ses relectures et corrections apportées tout au long de l’élaboration de ce rapport et son important soutien moral.
1
2
Sommaire Remerciements
1
Sommaire
3
Introduction
5
I.
II.
III.
De la conception à la représentation du projet A. Conception 1. Activité cognitive 2. Construction d’une représentation B. Représentation architecturale 1. Représentation graphique 2D 2. Maquette physique et virtuelle 3D 3. Etude « Test projectif » réalisée par Théo mahut (Annexe 1) C. Arrivée de la CAO Usages de la Réalité Virtuelle dans le domaine de l'architecture A. Quelle utilisation en agence? 1. Visites virtuelles 2. Images de synthèse panoramique B. Comment l’appréhender dans les écoles? 1. Premiers pas 2. Rendu de projet en RV 3. Workshop d'initiation VR C. Une technologie adoptée par les Fablab Perspectives et avenir de la Réalité Virtuelle A. Une technologie largement employée dans diverses industries 1. Cinéma 2. Jeux vidéo 3. Formation 4. Automobile B. Type d’utilisation 1. Représentation 2. Conception C. Avenir de la RV
9 9 9 10 11 11 11 12 13 15 15 15 17 18 18 18 20 22 23 23 23 23 24 24 26 26 27 28
Conclusion
31
Lexique
33
Bibliographie
35
Webographie
35
Annexe 1
37
3
4
Introduction Technophile1 depuis mon adolescence, je me suis longtemps intéressé au monde de l’informatique poussé par ma passion pour les jeux vidéo. Entré en 2015 à l’école d’architecture, j’étais principalement motivé par le large champ des possibles que pouvait m’apporter l’architecture dans mon parcours professionnel futur en concernant un grand nombre de domaines différents (sociologie, technologie, art, culture). C’est seulement lorsque j’ai intégré le Fablab2, présent au sein de l’école, que j’ai découvert son attachement au numérique et ainsi son véritable potentiel au profit de l’architecture. Le métier d’architecte est soumis à de grands nombres d’aléas. Depuis plusieurs années, nous pouvons observer les changements de notre société en rapport avec la révolution numérique engagée. Ces mutations nous affectent tout particulièrement en plaçant l’usager au centre de toutes nos préoccupations. Débute alors une véritable course à l’innovation afin d’anticiper et de répondre aux futurs besoins de notre société. Ces transformations touchent toutes les disciplines en rapport de près ou de loin avec l’architecture et ouvrent de nouvelles perspectives. Avec l’arrivée de ces nouvelles technologies, de nouveaux outils dédiés aux architectes ont métamorphosé la manière dont les projets sont conçus. Il ne s’agit plus, comme avant le début des années 2000, de simple transposition du travail effectué à la main. L’informatique a permis d’élaborer de nouveaux outils d’aides à la conception et de représentation de l’espace qui ont bouleversé nos manières de concevoir et de produire. Entre les plans et les coupes, les perspectives et élévations, les représentations 3D et plus récemment l'avènement du BIM3 (Building Information Modeling), les architectes ont su se doter d’outils permettant de figurer l’espace architectural de la manière la plus précise qu’il soit. Parmi ceux-ci, la RV (Réalité Virtuelle) tente de faire sa place. Après la conception de visiocasques à destination militaire dans les années 80-90, leur démocratisation débute qu’en 2015 lorsque les grands constructeurs de matériel informatique annoncent l’arrivée de nouveaux produits sur le marché tel que Rift, HTC Vive ou encore Hololens. Avant tout, la RV dépasse le simple casque ou lunette d'affichage,
1
Technophile: Personne qui apprécie ou encourage les techniques modernes, cnrtl.fr Fablab: Les Fab Labs sont un réseau mondial de laboratoires locaux, qui dopent l’inventivité en donnant accès à des outils de fabrication numérique, M.I.T 3 BIM: ensemble des processus et méthodes mises en œuvre pour organiser et structurer les informations relatives à un ouvrage de construction, projeté sous forme d’un modèle exploitable, archibat 2
5
il s’agit plus largement d’un concept d’immersion. Philippe Fuchs4, un des acteurs travaillant dans ce domaine depuis plus de vingt ans, définit les objectifs de la RV: « La finalité de la réalité virtuelle est de permettre à une personne (ou à plusieurs) une activité sensorimotrice et cognitive dans un monde artificiel, créé numériquement, qui peut être imaginaire, symbolique ou une simulation de certains aspects du monde réel » Dans ce rapport de licence, j’aborderai plutôt les usages possibles des différents types de visiocasques5 existant sur le marché: - les visiocasques utilisant un smartphone (Gear VR, Google Cardboard, etc…): le concept est simple mais efficace, l’idée est d’exploiter les écrans (OLED6) et capteurs d’orientation (accéléromètre7) de nos smartphones pour réaliser un visiocasque à bas prix. - les visiocasques utilisant un ordinateur (Oculus Rift, HTC Vive, etc…): ils sont les plus intéressant mais aussi les plus couteux car ils nécessitent un ordinateur assez puissant. Il s’agit d’un visiocasque intégrant un écran et des capteurs auquel s’ajoutent un dispositif de traqueur pour capter les mouvements de l’utilisateur. - les visiocasques autonomes (Oculus Go): ce dernier type de casque est la dernière génération sortie. Elle intègre tous les dispositifs nécessaires à son bon fonctionnement (écrans, capteurs) mais laisse un usage limité. Cette technologie semble apparaître comme un nouveau moyen de représentation de l’espace architecturale mais peut-elle être plus que ça? La RV est-elle davantage un outil de conception qu’un simple outil de représentation? Que peut apporter la RV au processus de conception du projet? Quelle place peut-elle prendre? Pour tenter d’y répondre, je m’intéresse dans ce rapport aux différents modes de conception et de représentation qu’utilisent ou qu’ont utilisé les architectes jusqu’à aujourd’hui. Puis je raconte par mes expériences personnelles les usages que j’ai pu pratiquer de la RV en architecture, en école comme en agence. Enfin en comparaison aux nombreux autres domaines qui adhèrent déjà à la RV tel que l’automobile, les jeux vidéo ou la médecine, je cherche à connaître la place que pourrait prendre la RV en architecture.
4
BURKHARDT J.-M., VERCHER J.-L., FUCHS P., MOREAU G., 2006. Le traité de la réalité virtuelle : Volume 1, L'homme et l'environnement virtuel, Presses de l'École des Mines de Paris, 380p. 5 Visiocasque: dispositif d'affichage porté sur la tête ou dans un casque, wikipedia.org 6 OLED (Organic Light-Emitting Diode): composant qui permet de produire de la lumière, wikipedia.org 7 Accéléromètre: capteur permettant de mesurer l'accélération linéaire, wikipedia.org 6
Figure 1 | Étapes d’émergence de la réalité virtuelle © Théo Mahut
7
8
I.
De la conception à la représentation du projet
A. Conception Le dictionnaire Le Robert8 définit « concevoir » comme « Avoir une idée, une représentation de. » dans une optique de didactique. Concevoir est donc un processus de l’esprit. La conception consiste avant toute chose à spécifier un artefact à partir de spécification de départ (contexte, programme) qui permet de définir les fonctions à remplir ainsi que les besoins et buts de celui-ci. 1. Activité cognitive Ce n’est qu’à partir des années 1980 que la conception a commencé à être caractérisée comme une activité cognitive, et non plus comme une activité propre à des ingénieurs. Mais cette activité se présente surtout sous une organisation opportuniste qui nécessite beaucoup d’investissement personnel pour la mener à bien. Les concepteurs procèdent avant tout de manière non systématique et multidirectionnelle. 2. Processus de conception La première phase de ce processus, que l’on qualifie souvent d’« analyse », reste une activité centrale autour des contraintes données dans les spécifications de départ. En partie, on y retrouve la recherche de références qui tient une place importante. Aujourd’hui encore un grand nombre de praticiens considèrent la conception, et particulièrement celle architecturale, comme une forme de recherche de solutions. Cependant, on s’accorde pour qualifier l’architecture comme un processus collectif et multidisciplinaire. Herbert Simon9 est l’un des premiers à « aborder les activités de conception comme des activités de résolution de problèmes complexes ». Il y a dans le processus de conception, une approche par tâtonnement très présente et presque indispensable dans la façon de travailler actuelle. Au cours du processus de conception, des choix sont à faire. On se rend vite compte qu’il n’est pas possible de résoudre tous les problèmes présents. La conception devient alors une activité de recherche de compromis. Au lieu de trouver une seule bonne solution, on préférera trouver plusieurs solutions acceptables.
8
Dictionnaire Le Robert, 2003 Herbert Simon (1978-2001): économiste, homme politique, sociologue, professeur d’université ayant travaillé sur la psychologie cognitive et la rationalité limité. 9
9
Figure 2 | Courbe des efforts/effets de Patrick MacLeamy © HOK
3. Construction d’une représentation La conception fait aussi appel aux différents principes de la représentation. Au début des années soixante, les architectes ont commencés à s’intéresser aux liens entre les différentes étapes du processus de conception et la nécessité de les représenter. Cette activité de spécification empirique consiste à construire des représentations de l'artefact10 à concevoir, elles-mêmes aussi des artefacts, jusqu’à ce que ces représentations soient si précises, qu’elles spécifient complètement la réalisation de l’artefact produit. Cette construction de l’artefact conduit à de nombreuses représentations intermédiaire qui se différencient par le degré de spécification, complétude et abstraction. Ces représentations souvent imprécises et provisoires, tel que l’esquisse, interviennent dans différentes activités. On les retrouvent dans l’analyse, la restructuration ou la simulation, dans lesquelles elles joues un rôle d’informateur pour le concepteur ou ses collaborateurs. Elles servent donc avant tout à la communication entre les différents acteurs.
10
Artefact: phénomène créé de toutes pièces par les conditions expérimentales. En tant qu'objet fabriqué, l'artefact regroupe les ustensiles, les bâtiments et œuvres d'art, mais exclut « les personnes, les organismes, les particuliers naturels non vivants ». 10
B. Représentation architecturale La représentation a une place essentielle en architecture, elle se présente sous une multitude de formes et se retrouve au coeur même du processus de conception. Sa forme soulève de nombreuses interrogations premièrement parce qu’il est compliqué de représenter ce que l’on a en tête. Les architectes ont toujours cherché de nouveaux modes de représentation pour se rapprocher au mieux du réel, et ainsi, simplifier la communication et l’échange d’informations entre les différents intervenants. Dans le projet, cela nous permet de quantifier les espaces, de les visualiser graphiquement et/ou physiquement pour pouvoir agencer l’espace. 1. Représentation graphique 2D Aujourd’hui nous avons la possibilité de représenter le projet architectural par divers médiums, le plus ancien découvert reste encore un plan datant de l’Egypte ancienne près de Memphis. Encore aujourd’hui, le dessin géométral reste encore le moyen privilégié lors du passage de la conception à la réalisation. Avec les premières représentations à l'échelle de Brunelleschi11, ces modes de représentation de l’espace bâti permettent de jeter les bases de la perspective. Il faudra attendre le XVème siècle pour que Alberti12, son élève, développe les principes de la représentation et de la perspective, notamment grâce au traité « De Pictura13 ». Les lois de la double projection régies par les différents traités permettent de renforcer l’utilisation de la perspective même si elle reste pour l’époque considérée comme un outil pour les peintres plutôt que les architectes. Très longtemps desservi par le crayon, ces techniques de représentation ont bien évolué depuis l’apparition du numérique modifiant ainsi nos perceptions de l’espace. Avec nos ordinateurs, nous pouvons désormais réaliser ces différentes représentations à l’ordinateur à l’aide des outils de dessin et d’images de synthèse pour les perspectives. 2. Maquette physique et virtuelle 3D Le plan-relief marque une transition dans le passage de l’emploi des maquettes à celui des plans. La place de la maquette en architecture est très importante et pour cause: le modèle physique reste très prisé par les architectes. Il a pour avantage d’expérimenter à échelle réduite les volumes que l’on crée seul, ou placé dans son contexte urbain. L’apparition des ordinateurs a permis l’arrivée de la conception 3D. Desservi par un large éventail de logiciels à destination de l’architecture, ces modèles virtuels sont de plus en plus précis et contiennent un grand nombre
11
Filippo Brunelleschi (1377-1446): architecte, sculpteur, peintre, et orfèvre de l'école Florentine. Leon Battista Alberti (1404-1472): philosophe, peintre, mathématicien, architecte, théoricien des arts et de la linguistique. 13 Leon Battista Alberti, 1540, « De Pictura » 12
11
d’informations. Ces informations permettent par exemple d’exercer des simulations structurelles, thermiques ou économiques. Grâce à cette numérisation, un gain de temps est économisé dans la réalisation de maquette physique. La représentation des espaces en trois dimensions apporte une meilleure compréhension du projet aux architectes comme aux clients. Ces deux outils sont aujourd’hui particulièrement efficaces surtout pour les personnes non-initiées à l’architecture comme le montre l’étude suivante. 3. Etude « Test projectif » réalisée par Théo mahut (Annexe 1) Théo Mahut, ancien camarade de l’école aujourd’hui diplômé, a rédigé en 2017 son rapport de mémoire sur le thème de la RV. Dans celui-ci, il a réalisé une étude sur la perception d’un espace selon le mode de représentation utilisé, qu’il a nommé “test projectif”. Il a pour but de montrer le même espace selon 2 formes de médias différents (6 photographies du projet et 3 photographies panoramiques14 - voir annexes) et de demander aux sujets de représenter l’espace à l’aide de dessins (plans/coupes/élévations/perspectives). Pour cela, il a utilisé un échantillon de 5 étudiants, dont 4 en architecture et une étudiante non architecte. Les panoramas sont diffusés à l’aide d’un visiocasque pour rendre l’expérience immersive. Dans l’ensemble, les résultats sont plutôt positifs mais contrastés. Les plans sont globalement compris quel que soit l’ordre d’expérience. La difficulté sur le bâtiment représenté est la compréhension de l’avancée de la maison en porte à faux. Au final, l’expérience montre que les étudiants en architecture figurent l’espace plus aisément grâce à l’expérience 2 (les photographies) bien qu’il s’agisse d’une représentation subjective réalisée par un photographe extérieur. A l’inverse, l’étudiante non initiée à l’architecture se projette davantage via la RV en se figurant les espaces, les dimensions et la volumétrie des pièces. Tous les sujets adhèrent cependant à l’usage de la RV mais déplorent l’impossibilité de se déplacer et de vivre activement le lieu. Une autre remarque est à propos de l’effort nécessaire d’imagination pour combler les lacunes de la technologies.
14
Photographie panoramique: images avec des champs exceptionnellement larges, wikipedia.org 12
C. Arrivée de la CAO Issus des développements de la géométrie descriptive, la conception technique moderne débute il y a une cinquantaine d’années. Cette révolution permet alors le développement de logiciels de DAO15 et de CAO16 qui permettaient de réaliser essentiellement des dessins techniques bidimensionnels. Sketchpad (Figure 3) est le premier logiciel de ce genre à procurer une interface homme-machine. Cette interface sous forme graphique, utilise un moniteur et un crayon optique, invention récente en 1963. Au début des années quatre-vingt, survint une seconde révolution avec l'apparition de la micro-informatique qui permet de faire évoluer les logiciels de CAO de l’époque afin d’intégrer la production de modèles tridimensionnels. Les rendus d’images de synthèse17 se démocratisent avec la possibilité de les rendre de plus en plus réalistes grâce l’augmentation de la puissance des ordinateurs. À l'heure actuelle, les ordinateurs personnels permettent des rendus réalistes en temps réel géré par la carte graphique. Pour les modes de représentation en architecture, l'apport des ordinateurs a permis l'apparition d'un nouveau concept encore difficile à décrire : le BIM. Entre autres, il offre la possibilité d'accéder aux dessins techniques et au modèle tridimensionnel dans le même fichier, permettant un gain de temps et d'effort, et l'apparition du facteur temporel lors de la création d'animation ou de maquette numérique interactive. Mais il n'est pas le seul objectif, le BIM permet de relier une multitude d'informations dans un seul fichier comprenant le modèle 3D afin de renseigner un maximum le projet. Toutes ces informations sont utilisées dès le processus de conception, afin d'analyser par exemple la structure du bâtiment ou encore de créer une nomenclature complète de chaque partie du projet, jusqu'à la phase finale de construction en obtenant directement les plans pour chacun des intervenants du chantier.
15
DAO (Dessin Assisté par Ordinateur): Production de dessins techniques avec un logiciel informatique, wikipedia.org 16 CAO (Conception Assisté par Ordinateur): Ensemble des logiciels et des techniques de modélisation géométrique permettant de concevoir, de tester virtuellement et de réaliser des produits manufacturés et les outils pour les fabriquer, wikipedia.org 17 Image de synthèse: Image calculée par un ordinateur, wikipedia.org 13
Figure 3 | Ivan Sutherland utilisant un dispositif Sketchpad Š cam.ac.uk
14
II.
Usages de la Réalité Virtuelle dans le domaine de l'architecture
A. Quelle utilisation en agence? En février 2018, j’ai réalisé mon stage de 3ème année dans une agence d’architecture et d’urbanisme à Paris. David SERERO, directeur de l’agence et enseignant STA de Paris-Val de Seine m’a proposé différents exercices mettant en avant l’outil de la RV. 1. Visites virtuelles Les visites virtuelles ne sont pas une forme de RV à proprement parler. Mais il utilise certains principes de la RV tel que l’immersion et l’interaction. Comme les CD-Rom des années 90 qui permettaient de visiter le musée du Quai d’Orsay ou encore celui du Louvre, elle a pour but de simuler la visite d’un site, la plupart du temps à 360 degrés. Aujourd’hui nous utilisons la plupart du temps Street View, l’outil de Google qui offre la possibilité de visiter des musées, des sites touristiques, des bâtiments et même de villes entières sur internet en accès libre. Nous pouvons même les visionner dans un visiocasque à travers notre portable. Techniquement, pour produire une visite virtuelle j’ai dû réaliser une série de photographies panoramique à 360 degrés (Figure 4) à l’aide d’une caméra 36018 (KeyMission 360) couvrant le maximum de surface possible du bâtiment. Après un post-traitement se limitant à faire disparaître le trépied de la caméra et une correction d’exposition, je les ai assemblé à l’aide de l’outil Street View de mon téléphone afin de les publier en ligne. J’ai pu réaliser cette expérience pour 2 projets de l’agence: la médiathèque de Lezoux (63) et le centre national de la fonction publique territoriale de Issy-les-Moulineaux (92). Ces visites virtuelles sont disponibles sur Google Maps, avec accord du client, afin de les rendre accessibles au plus grand nombre. Pour l’agence, la visite virtuelle a un objectif concret: servir de référence. Les références sont primordiales pour les architectes lors de recherches de projet. Tel un portfolio, elle permet de présenter les projets réalisés de façon exhaustive. Les clients peuvent naviguer et vivre les espaces sans avoir à se rendre sur les lieux.
18
Caméra 360: caméra disposant d’un ou plusieurs objectif capturant à 360° autour d’elle. 15
Figure 4 | Photographie 360 sphérique - Projet médiathèque de Lezoux © Corentin Boiteau
Figure 5 | Caméra 360 KeyMission 360 © Nikon.com
16
2. Images de synthèse panoramique Les images de synthèse sont de véritables outils de communication pour les projets futurs. Si elles sont combinées avec une immersion dans un visiocasque, elles permettent de projeter le client dans les espaces. De plus, quand un client est capable d’apprécier naturellement l’espace et les détails, il est capable d’avoir un meilleur ressenti de ce qu’il veut et de ce qu’il ne veut pas. Cela permet une réduction de temps à retravailler le projet et faire des allers-retours client. Le prix d’un dispositif de RV où l’utilisateur pourrait se mouvoir restant encore assez cher et ne connaissant pas les résultats pour ce type d’expériences, l’agence s’est dotée d’une dizaine de visiocasques utilisant un smartphone afin de présenter leurs projets aux clients. Pour cela, j’ai dû réaliser un grand nombre d’images de rendu à différentes étapes de conception pour étudier les changements mis en place et les faire valider avec le client. La création d'image de rendu 360 sphérique demande un certain temps et une configuration de machine assez puissante pour obtenir l'image dans un temps raisonnable. Mais cette pratique est assez rentable puisqu'elle permet d'obtenir une multitude de vue depuis un seul et même point de vue.
Figure 6 | Image de synthèse 360 sphérique - Projet IUT Bourges © Corentin Boiteau
17
B. Comment l’appréhender dans les écoles? Durant mes années d’études, j’ai pu expérimenter à plusieurs reprises et dans différents contextes l’utilisation de la RV. Aujourd’hui, la RV n’étant pas encore un outil reconnu par les architectes et de ce fait peu employé, le sujet est très peu abordé voir complètement absent pour la plupart dans le cursus étudiant. Même si on peut remarquer que les cours d’informatique et de numérique tendent à prendre une place de plus en plus importante. 1. Premiers pas Ma première utilisation de la RV à l’école s’est déroulé dans le cadre du rendu de voyage organisé en 2ème année de licence (Figure 7). Afin de restituer le plus fidèlement notre voyage, mon groupe et moi avons choisi d’expérimenter le rendu à travers une série de photographies panoramiques présenté dans un visiocasque Oculus Gear. Reconstituées à travers un diaporama, nous avons décidé de l’accompagner d’une bande sonore permettant de recréer les différentes ambiances rencontrées selon les lieux. Par la suite, j’ai continué d’utiliser la restitution par visiocasque pour mes rendus de projet. Cela ne demande pas beaucoup plus de temps vu qu’il ne s’agit que de rendu. Par ce moyen, il est plus facile de faire partager les phénomènes physiques du bâtiment mais aussi les intentions. L’expérience nous permet de se retrouver à la place de l’usager et de vivre l’espace réellement comme l’on ne pourrait le faire partager par simple plan ou image de perspective. Cependant il est difficile de transformer le simple espace en lieu, de le rendre vivant, et donc de le vivre entièrement sans même pouvoir interagir avec. 2. Rendu de projet en RV Pour remédier à cela, Emmanuel Vicarini, enseignant le projet de 2ème année du groupe 12 a incité ses étudiants du 3ème semestre à expérimenter ce mode de rendu, avec cette fois si l’utilisation d’un Oculus Rift qui permet les translations. Le programme retenu était un petit complexe thermal de 1 500 m², situé sur une parcelle de 3 000 m², en forte pente (17 mètres de dénivelé), sur la butte Bergeyre dans le XIXème arrondissement de Paris proche des Buttes-Chaumont. Pour la plupart, la partie RV a servi de rendu final. Pour une équipe en particulier, l’usage de la RV a été un outil de validation de la conception. Ayant simplement participé au rendu, j’ai pu observer l’efficacité du dispositif à nous immerger dans un modèle 3D et à pouvoir interagir avec. Cependant, étant le 18
premier rendu 100% virtuel organisé à l’école, deux principaux problèmes se sont posés. Le premier problème de ce dispositif, dans un contexte de présentations multi-utilisateurs, est la limite à ne pouvoir immerger qu’une seule personne à la fois, le reste de l’auditoire ne peut qu’observer la vue et les interactions du sujet sur un grand écran. Le second problème de cette projection dans une maquette virtuelle échelle 1 reste le déplacement, l’utilisateur a alors 2 choix: - il peut se déplacer physiquement, via le système de traqueurs qui le suit dans l’espace. Cependant ce système se limite soit aux limites de l’espace physique utilisable autour de lui, soit par la longueur des câbles reliant le visiocasque à l’ordinateur. - il peut choisir de se déplacer à l’aide d’une manette soit par le système de joystick, mais qui peut poser quelques désagréments du fait que notre corps virtuel bouge mais non notre corps physique, soit par un système de téléportation à la visée par un point virtuel déplaçable dans l’espace. C’est cette dernière solution qui a servi lors du rendu.
Figure 7 | Avril 2017 - Rendu RV du TD voyage © Quentin Mari
19
3. Workshop d'initiation VR Lors du workshop du second semestre de cette année, nous avons mis en place avec le Fablab et les enseignants de 2 groupes de projet (1ère et 2ème années) un exercice d’initiation à la RV. L’objectif est d'appréhender le concept de la RV et les outils qui le desserve. L’exercice proposé aux étudiants consistait à utiliser un lieu existant comme base d’imagination et de création d’une métamorphose spatiale. Une partie du rendu est dématérialisée (image de rendu sphérique en ligne) et l'autre partie se synthétise en une simple fiche de présentation du projet avec un QR code19 envoyant vers l’image hébergée sur un outil en ligne qui permet d’être lu comme une image sphérique stéréoscopique20. Le projet s’étend sur une semaine entière et se répartie en 3 étapes: - fabrication par les étudiants de casques RV en carton alvéolaire et lentilles biconvexe 25mm selon des plans en open source, permettant à chacun de pouvoir tester son projet à volonté. - capture du point de vue de l’espace réel par l’utilisation de caméra 360 (Nikon KeyMission/Ricoh Tetha) ou de smartphone avec l’application Street View de Google. - apprentissage et utilisation de logiciels de modélisation 3D (Rhinoceros, 3ds Max), d’édition (Photoshop), de visionnage (Twinmotion) et de publication (Veer). Le dispositif de restitution s’est tenu sous forme de “promenade collective” dans toute l’école afin de pouvoir “flasher” les QR code à l’aide de son téléphone et avoir un accès plus rapide à chacun des projets. Avec les visiocasques en carton fabriqués préalablement, il était possible de visualiser l’installation en immersion dans l’espace figuré. Durant la durée du Workshop et jusqu’à aujourd’hui, la totalité des données nécessaires au bon déroulé de l’exercice sont totalement partagés et en libre accès à tous. Cette philosophie du “open source” provient de la participation du Fablab dans l’organisation. De ce fait, le contenu pédagogique se trouve dans un répertoire partagé dans les nuages du type Google Drive et la co-participation avec l’EVCAU a donné lieu à la création d’une “bibliothèque” en ligne de ressources (docs. modélisation 3D, mini tutos, etc…). Ces données ont même servi à l’élaboration d’un exercice similaire à l’Ecole Polytechnique d’Architecture et d’Urbanisme d’Alger.
19
Code QR: type de code-barre en deux dimensions, wikipedia.org Stéréoscopie: technique mise en oeuvre pour reproduire une perception en relief à partir de deux images planes, wikipedia.org 20
20
Figure 8 | Projet de banc-plafond proposé par un groupe d’étudiants
Figure 9 | Rendu du Workshop VR © Corentin Boiteau
21
C. Une technologie adoptée par les Fablab Après le workshop sur le thème de la RV, le Fablab de l’ENSAPVS (Figure x) et le service informatique de l’école sont en train de mettre en place un plan d’installation de matériels de RV au sein des ateliers. Dans un premier temps, il est prévu la création d’un espace de recherche et d’expérimentation (nommé le VR LAB) dans l’école. Cet espace, que l’on appelle plus communément une VR-Room, permettrait un déploiement plus rapide et plus continu de ces expérimentations sur l’enseignement du projet sur la RV. Cette installation devrait accueillir les 2 visiocasques leader du marché: HTC Vive Pro et l’Oculus Rift. Le dispositif sera accompagné d’un module TPCast transformant les visiocasques, normalement raccordé à l’ordinateur, en dispositif sans-fil laissant alors la possibilité de se déplacer sans limite autre que l’espace dans lequel on se situe. Il pourra intégrer trois postes Oculus Rift avec passage de Twinmotion 2018 à Unreal Engine. Ce dispositif offrira la possibilité de développer des espaces plus interactifs par le développement de code C++ et d’améliorer l'interaction avec les objets par des dispositifs haptiques21 tels que les “Oculus touch22” (Figure x).
Figure 10 | Association Fablab de l’ENSAPVS © ENSAPVS
21
Dispositif haptique: système tactilo-kinesthésique physique ou mécanique, éventuellement robotique qui peut notamment créer une communication entre un humain et une partie de son environnement, le cas échéant entre un opérateur et un environnement virtuel, wikipedia.org 22 Oculus Touch: paire de contrôleurs utilisés pour le Rift, wikipedia.org 22
III.
Perspectives et avenir de la Réalité Virtuelle
A. Une technologie largement employée dans diverses industries Dès les années 90, de nombreux domaines ont choisi de mettre en avant la RV avec, en fonction de leurs besoins, des usages bien différents. 1. Cinéma Dans le monde du cinéma, la RV ne profite pas aux salles de cinéma comme on pourrait le penser, mais elle prend d’abord place chez nous. Certainement dû à la qualité médiocre que procurent les écrans intégrés à la plupart des visiocasques (ratio pixel/cm faible) comparés à la résolution que l’on peut trouver en salle, les géants du cinéma qui veulent proposer la meilleure expérience possible n’ont pas encore choisi de se lancer dans cette voie. De ce fait, même si très peu de films sont produits à destination de la RV, de grandes plateformes de vidéos telles que Youtube, offrent déjà une grande quantité de contenus. Dernièrement, c’est Netflix qui offre le rêve de se retrouver dans son salon comme au cinéma. Pour cela, le visiocasque nous immerge dans un cinéma dans lequel l’écran géant projette le contenu souhaité (films, vidéos, photos). 2. Jeux vidéo Largement employé aujourd’hui dans le jeux vidéo, il est le premier à s’être rendu compte du potentiel de la RV et participé en grande partie à sa démocratisation. Preuve est que Facebook a annoncé il y a peu le lancement de son projet Santa Cruz, une console portable sous forme de visiocasque. Sony a quant à elle déjà lancé son casque Playstation VR ce qui permet à un grand nombre de joueurs de profiter de ces technologies.
Figure 11 | Application BeFearless © etr.fr 23
3. Formation Pour la formation, la RV n’en est qu’à ses débuts et les finalités applicatives se multiplient chaque jour. Elle est de plus en plus utilisée avec les simulateurs, qu’ils soient automobiles ou de vol, comme dans les auto-écoles, les écuries de courses ou encore à usage militaire pour les futurs pilotes. Mais son usage ne s’arrête pas là, il est d’autant plus intéressant de l’appliquer en médecine pour l’apprentissage des gestes chirurgicaux. La scénarisation et l’immersion permettent même de traiter certains troubles comme la timidité (Figure 11), le stress ou le vertige. Toutes ces applications créées une infinité de possibilités et un gain de temps précieux dans la formation, la qualification ou la recherche d’emploi. 4. Automobile Le domaine de l’automobile ainsi que celui de l'aéronautique, bénéficiant d’une plus grande part d’investissement que le bâtiment, sont précurseurs sur l’utilisation de ce genre de technologie comme précédemment avec les outils numériques et la CAO. Auprès des clients, le principal intérêt est de présenter un modèle à l’aide d’un visiocasque et de laisser le futur acheteur créer sa propre configuration. Il peut donc personnaliser lui-même son futur achat sans avoir besoin d’utiliser un quelconque logiciel de modélisation ou de dessin utilisé par les ingénieurs. Pour les ingénieurs, on le retrouve à deux niveaux différents lors de la conception: - En phase de test, il permet de vérifier et valider les choix des concepteurs en matière de design mais aussi de comportement du véhicule. Pour cela, Renault par exemple, utilise un simulateur automobile combiné à un système de CAVE23. - En phase de conception directe, le travail collaboratif sur chacune des pièces peut s’effectuer en immersion avec des ingénieurs situés aux quatre coins du monde sur un seul et même modèle. Ces pratiques sont utilisées depuis 1995 par certains grands constructeurs automobiles et ne cessent de se développer.
23
CAVE (Cave
Automatic Virtual Environment): 24
Figure 12 | Simulateur Renault utilisant la technologie CAVE Š renault.com
Figure 13 | Holodeck, logiciel de conception collaborative par Nvidia Š nvidia.com
25
B. Type d’utilisation 1. Représentation Comme l'analyse justement Guillaume Moreau dans « Le traité de la réalité virtuelle : Volume 4, Les applications de la réalité virtuelle » : « Les architectes sont par nature proches des problématiques de l'image, ils travaillent nécessairement sur des objets qui ont trois dimensions. Ils furent parmi les premiers à exploiter les images de synthèse ». La plus grande difficulté avec l’architecte est la communication et la compréhension des besoins de son commanditaire. La RV présente aussi cet avantage d'être un langage commun compréhensible par tous facilitant la communication et le travail entre les différents intervenants du projet. Mais cela ne pourrait être le cas sans l’explosion des capacités de calcul et depuis peu l’exploitation de la puissance toujours plus importante des cartes graphiques qui a permis l’émergence de calcul d’image en temps réel. L’apparition de logiciel comme TwinMotion réduit la séparation entre la conception et son expérience sous forme de rendus ou de vidéos. Développé sur le moteur graphique de Unreal Engine, il est surtout employé pour visualiser son modèle 3D dans un visiocasque avec la possibilité de s’y déplacer et d'interagir indirectement avec l’environnement (changement du temps, météo). Unity comme Unreal Engine permet un usage bien plus approfondi de la RV mais demande des connaissances informatiques plus importante principalement au sujet de la programmation. Ce qui fait d’eux, des logiciels à destination de la création d’application et de jeux vidéo. Mais on peut imaginer avec ce genre de logiciel bien plus qu’une représentation réaliste, la RV offre aussi un principe ludique qui peut être tout aussi utile: l’interactivité. Il ne s’agit pas seulement de pouvoir ressentir l’espace, on peut aussi le vivre. Pour exemple, on pourrait allumer et éteindre les lumières, changer l’heure de la journée et voir comment l’espace réagit. Encore mieux, on peut réaliser des simulations afin de regarder comment les visiteurs interagissent avec leur environnement ou tester les dispositifs de secours. Mais alors doit-on pour autant abandonner le papier et le crayon? Absolument pas, le support papier est et restera omniprésent, d’autant plus dans le métier d’architecte qui à pour avantage sa praticité sur les chantiers. Mais les modes de représentation qu’offre le numérique permettent simplement de décupler les possibilités de création. Pour exemple le logiciel Tilt Brush développé par Google propose de se projeter dans un espace qui se trouve être une toile en 3 dimensions. Il est possible de dessiner avec ses mains, ou plutôt les manettes, dans l’espace complet. Les 26
manettes deviennent alors l’extension de la main, telle que le fait le crayon. La différence est que la RV permet de s’affranchir des limites physiques. 2. Conception L’apparition des logiciels de CAO a favorisé l’apparition d’un nouveau type d’architecture et modifié la façon de concevoir. Il reste encore difficile aujourd’hui d’affirmer le premier changement pour la RV. L’impact sur l’oeuvre architecturale reste à déterminer tant qu’aucun projet n’aura réellement été mené à l’aide de cette technologie. Pour cela, il faut encore attendre un certain moment le temps que les architectes s’approprient l’outil et qu’un logiciel de modélisation 3D et de conception en RV y soit dédié. Ce qui est certain c’est que nos manières de concevoir risque de rapidement évoluer avec cette technologie, en grande partie en faveur de la conception collaborative. Lorsqu'une maquette traditionnelle ne peut communiquer et étudier complètement un projet, la RV apporte, en plus de la pratique des outils numériques existants, une immersion virtuelle pouvant convaincre un maître d'ouvrage ou des ingénieurs de sa faisabilité. L’immersion totale permettra de répondre plus simplement aux interrogations formulées dans l’esprit de l’architecte comme celui du client qui lui permet de se placer comme intervenant actif du projet. Pour ce qui est de l’architecte, la notion d’échelle est importante et elle est à son apogée avec la RV. Il pourra visualiser pour vérifier et concevoir à des échelles bien différentes et surtout à celle qui l’importe le plus: l’échelle 1. Mais pas sur que cette construction des espaces est si pratique dans un monde virtuel à notre dimension. L’avantage du plan reste qu’il permet de visualiser l’espace d’un seul coup d’oeil. Reste alors à pouvoir rassembler toutes ces techniques dans un seul et même monde virtuel.
Figure 14 | Utilisation de la Réalité Augmentée © 3demotion.net
27
C. Avenir de la RV Depuis ses débuts, la RV a bien évolué pour surmonter les différents problèmes qui ont stoppé à plusieurs reprises son développement comme les précédents modèles des années 90 qui causaient des nausées. Si aujourd'hui, la plupart de ces problèmes semblent corrigés, en imposant par exemple une fréquence d’image minimale, l’expérience en RV d’un espace reste contrainte par le visiocasque utilisé. L’évolution de cette technologie, semble montrer, à très court terme, une amélioration de la mobilité de l’utilisateur grâce à des dispositifs sans fil et très légers (TPCAST, Oculus GO, etc…). Ceci augmentera le confort des utilisateurs et atténuera probablement la différence entre espace réel et espace virtuel. Mais la capacité de calcul est un autre problème car si nos smartphones suffisent à visionner une simple image sphérique, l’immersion virtuelle dans un modèle 3D demande une puissance énorme afin d'obtenir des images en temps réel sans latence. Pour remédier à ce problème, une solution semble émerger dans le sens de la dématérialisation de nos ordinateurs. Nommé Shadow Tech, cette entreprise propose la location d’une machine virtuelle composée des meilleurs composants du marché public. L’avantage de cette solution est son prix avantageux sur le long terme et la capacité à Shadow de faire évoluer les composants tous les ans sans surcoût. Cependant, elle n’est encore pas compatible avec les visiocasques mais reste l’objectif à atteindre pour Shadow. Autre que la RV, une autre technologie proche de celle-ci semble se développer avec des objectifs semblables: la RA (Réalité Augmentée). La principale différence est que comparé à la RV qui affiche un environnement entièrement virtuel, la RA affiche une image virtuelle superposée à l’environnement réel dans lequel on se trouve. La RA peut sembler plus rassurante et moins étouffante car certains spécialistes craignent que la beauté et la qualité rassurante des montes virtuelle poussent les utilisateurs à passer des temps prolongés dans ces environnements et à s’isoler de la réalité tels que les Hikikomori24 japonais. Une autre inquiétude apparaît lorsque l’on sait que la compétence première des architectes, jusque-là, a été la capacité à se projeter mentalement dans un espace à partir de représentations bidimensionnelles. Au même titre que la technologie des GPS25 (Géo-positionnement par satellites) aurait baissé nos capacités d’orientation, la RV permet d'entrevoir une évolution à ce paradigme mais cette crainte n’est jusqu’alors non fondée. 24
Hikikomori: état psychosocial et familial concernant principalement des hommes qui vivent coupés du monde et des autres, cloîtrés le plus souvent dans leur chambre pendant plusieurs mois, wikipedia.org 25 GPS (Géo-positionnement par satellite): système de géolocalisation mondial, wikipedia.org 28
ll y a donc des précautions d’usage à prendre, ce qui permet de nuancer cette vision du numérique qui va prendre le dessus sur le format papier. Mais il n’y a selon moi aucun doute à avoir sur les effets bouleversants que produiront ces nouvelles technologies sur le métier d’architecte. Un axe de recherche intéressant est l’interaction avec le BIM dans le but de mettre en place des chantiers virtuels (installations de chantiers), ou d’utiliser la RV tout au long de la conception du modèle.
Figure 15 | Exemple d’utilisation de la Réalité Mixte ©
29
30
Conclusion Après avoir dans un premier temps définit les principes de conception et de représentation en architecture, il reste assez difficile d'imaginer l'outil de la RV comme un outil de conception à part entière. Je pense qu'il peut venir bouleverser le processus de conception par sa manière de représenter l'espace en plaçant le corps de l'utilisateur au centre de ce système. Malgré les quelques expériences citées en 2nd et 3ème il reste encore difficile de répondre aux interrogations formulées en début de ce rapport. La RV a beau exister depuis plusieurs dizaines d’années, elle n’est encore qu’au commencement de son développement, surtout en architecture. Elle reste pour moi une technologie bien prometteuse au vu de ce que j’ai pu expérimenter. Ne serait-ce que lorsque l’on regarde un peu dans les autres domaines d’usage de l’automobile et de la formation. En ENSA, il est encore loin le temps où chacun aura son visiocasque. Mais son utilisation en école ne fait aucun doute pour moi, elle a un véritable avantage pédagogique en plus d’être ludique. Ce n’est pas pour autant que l’on doit mettre de côté tous nos outils actuels, loin de là, mais la RV viendra s’ajouter à cet éventail d’outil qu’on entre leurs mains les architectes. En agence, la RV pourrait transformer les manières de concevoir. Bien plus qu’un simple moyen de figurer l’espace, elle ouvre de nouvelles portes sur une conception collaborative comme tente de le faire le BIM, mais avec un moyen de communication bien plus intéressant. Est-ce pour autant que demain toutes les agences posséderont sa propre VR-Room? Je ne pense pas. L’architecture est un domaine qui est extrêmement sensible aux aléas, de ce fait, il est en constant changement. Le BIM est une étape de ces changements, avec cependant beaucoup de réticence. Les outils numériques en général ne font pas l’unanimité chez les architectes puisque son usage, mal définie, a un impact sur sa créativité. A ce titre, quel impact aura la réalité virtuelle sur notre créativité? Sera-t-elle un catalyseur qui permettra de faire émerger de nouvelles manières de concevoir et de nouvelles formes architecturales ou son application restera-t-elle cantonnée qu’à elle-même et restera pas prisonnière du simple casque? Les applications professionnelles ne manquent pas et l’architecture pourra certainement bénéficier des prochaines évolutions de ces visiocasques pour une immersion toujours plus réelle. Il est déjà prévu une nouvelle révolution dans le domaine d’ici 5 ans avec des visiocasques toujours plus poussés (focale non fixe, traqueur du corps). Reste aux architectes de s’approprier cette technologie en la détournant à ses propres usages. 31
Pour ma part ce rapport m'a conforté dans mon choix de m'engager dans le domaine d'étude “Expérimental". Il y a de nombreuses technologies encore aujourd'hui qui restent inexploitées ou sous-exploitées telles que l'AR ou l'IA. M'inscrire de ce domaine d'étude me permettrait de comprendre davantage quels sont les avantages et inconvénients de ces systèmes ? Pourquoi ne sont-elles pas plus développées dans le métier d’architecte? Sur le long terme, je ne sais pas encore vers quoi cette voie me conduira. Ce qui est sûr, c’est que je compte pleinement tirer un maximum d’avantages des nouvelles technologies présentes et futures.
32
Lexique BIM Building Information Modeling CAVE Cave Environment
Automatic
CAO Conception Ordinateur
Assistée
GPS Global Positioning System IA Intelligence Artificielle (Artificial Intelligence)
Virtual
OLED Organic Light-Emitting Diode
par
RA Réalité Augmentée (Augmented Reality)
DAO Dessin Assisté par Ordinateur ENSA Ecole Nationale Supérieure d’Architecture
RV Réalité Virtuelle (Virtual Reality) STA Sciences et Techniques pour l'Architecture
EVCAU Espace Virtuel de Conception Architecturale et Urbaine
33
34
Bibliographie DARSES Françoise, DETIENNE Françoise, VISSER Willemien, 2004, « Les activités de conception et leur assistance », In Ergonomie, Falzon, P. (Ed.), Presses universitaires de France, Paris, p. 545-563 DECORTIS François, LECLERQ Pierre et SAFIN Stéphane, 2007, « Impact d’un environnement d’esquisse virtuelles et d’un modèle 3D précoce sur l’activité de conception architecturale », Revue d’Interaction Homme-Machine, Vol. 8 N°2, Université de Liège, p. 34 FUCHS Philippe, 2016, « Les casques de réalité virtuelle et de jeux vidéo », Paris : Presses des MINES, collection Mathématiques et informatique FUCHS Philippe, GUITTON Pascal, MOREAU Guillaume, 2011, « Virtual Reality: Concepts and Technologies » MILOVANONIC Julie, MOREAU Guillaume, SIRET Daniel, MIGUET Francis, « Virtual and Augmented Reality in Architectural Design and Education » SAKAROVITCH Joël, 1990, « Architecture et représentation: de la projection à la double projection », In Extenso, n° 13 spécial « De l’image naturelle à l’image artificielle », p. 63-101 VISSER Willemien, 2009, « La conception : de la résolution de problèmes à la construction de représentations », Le travail humain, Presses Universitaires de France, p. 61-78 VISSER Willemien, 2009, « La conception : de la résolution de problèmes à la construction de représentations », LE TRAVAIL HUMAIN, PUF, p. 61-78
Webographie CHOPIN Frank, SERERO David, VICARINI Emmanuel, 2018, « CONCEPTION EN RÉALITÉ VIRTUELLE DU PROJET D’ARCHITECTURE »
35
36
Annexe 1
“Test projectif” Théo Mahut
37
38
Résumé Motivé depuis toujours par les nouvelles technologies, je me suis intéressé à l’apport potentiel de celles-ci en architecture, et plus particulièrement celle de la Réalité Virtuelle. Concept d’immersion desservi aujourd’hui par les nombreux visiocasques disponibles sur le marché, j’ai eu la chance de participer à de nombreuses expérimentations mettant en oeuvre cet outil dans différents cadres. . Dans ce rapport, j’étudie les différents usages que j’ai pu faire de la Réalité Virtuelle en agence comme à l’école et compare avec les utilisations déjà nombreuses dans différents domaines tels que l’automobile, les jeux vidéo ou la formation pour tenter de connaître la manière dont cet outil bouleversera l’architecture.
Mots-clés réalité | virtuelle | visiocasque | immersion | interaction | conception | représentation | communication
39